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Agriculture alimentation environnement

2004

Metadata, citation and similar papers at core.ac.uk CORE Provided by Horizon / Pleins textes CANNE À SUCRE : L'EXEMPLE DU BRÉSIL 13 LA CANNE À SUCRE AU BRÉSIL : AGRICULTURE, ENVIRONNEMENT ET ÉNERGIE INTRODUCTION par Christian Feller 1 La canne à sucre a une très grande importance dans l'économie mondiale, tant sur le plan agro-alimentaire qu'énergétique, en particulier pour les pays du Sud. Par ailleurs, l'agriculture doit développer des bonnes pratiques en terme d'effet sur l'environnement, ce qui oblige à des ré-évaluations, pour chaque grand type d'agrosytème, des itinéraires techniques menés dans le passé. Il était donc important que l'Académie d'Agriculture de France, qui a placé cette année son activité sous le triple affichage « Agriculture - Alimentation - Environnement » avec un fort accent sur la Durabilité dans les pays du Sud, choisisse la canne à sucre comme thème de réflexion. C'est ainsi que deux séances consécutives sont organisées sur le sujet, celle-ci traitant spécifiquement de la Canne à Sucre au Brésil sous tous ses aspects, et que nous détaillerons ci-dessous, la deuxième, la semaine suivante, présentée par notre confrère Jean-François Marot-Caudry, moins spécifique sur le plan géographique mais plus centrée sur les aspects de génétique et amélioration variétale. Les deux séances ont été organisées de concert. Cette séance sur le Brésil a été construite de manière à donner un aperçu relativement détaillé de la place de la canne à sucre dans ce pays, tant sur le I3lan historique que dans le contexte mondial et intérieur actuel et de ses potentiels à répondre à des préoccupations agricoles, environnementales et énergétiques. C'est ainsi qu'Étienne Hainzelin (ClRAD), Carlos Cerri (Université de Sao Paulo) et François Falloux (ex-Banque Mondiale) aborderont successivement les questions: - de l'histoire de la canne à sucre au Brésil, son importance économique et les avancées agronomiques récentes, - de la séquestration de carbone dans le sol par des alternatives de non-brûlis de la canne avant récolte et les autres conséquences positives en terme d'environnement, mais aussi les aspects sociaux qui peuvent en résulter, - des possibilités offertes par la canne, à la fois, en terme de production d'énergie respectueuse de l'environnement, et de synthèse de produits à forte valeur ajoutée. Le futur de la canne à sucre n'est-il pas plutôt dans la production d'énergie électrique? 1. Correspondant de l'Académie d'Agriculture de France. Directeur de l'Unité de Recherche 041 " Séquestr'Jlion du carbone clans 1", Sols Tropicaux» de l' Institut de Recherche pour le Développement (IRD). C.R.Acad. Agric. Fr., 2004, 90. n° 3. Sôance du 17 Mars 200,1. 14 CANNE À SUCRE : L'EXEMPLE DU BRÉSIL f LA CANNE À SUCRE AU BRÉSIL : HISTOIRE, IMPORTANCE ET AVANCÉES AGRONOMIQUES par Étienne M. A. Hainzelin 1 Dès la première introduction de boutures en 1502, la canne est le moteur de la colonisation du Brésil : la production explose dans le Nordeste du fait des incitations du gouvernement, marque la société coloniale pour longtemps et fait du Brésil le premier producteur mondial pendant plus d'un siècle. A partir de 1650, la compétition hollandaise fait perdre pied au sucre brésilien et le « cycle de l'or)} prend le relais du ({ cycle du sucre )}. Avec l'indépendance en 1822, la canne vit une nouvelle période faste, consolidée par l'adoption rapide des nouvelles techniques et le remplacement des moulins par des usines. La production sucrière, bien structurée, n'est pas trop affectée par l'abolition de l'esclavage en 1888, mais la concurrence croissante de la betterave, les nouveaux grands compétiteurs et la crise mondiale qui s'annonce, la dépriment au début du XXe siècle. À partir des années 1930, le gouvernement mène une politique active en faveur de l'industrie sucrière, considérée comme stratégique, culminant en 1975 avec le lancement du plan « Proalcool )} qui stimule vivement la production. La filière canne est aujourd'hui un enjeu national et un million de personnes dans le pays en vivent. Avec plus de 350 millions de tonnes produites, le Brésil représente plus du quart de la production mondiale; son excellente compétitivité et sa flexibilité sucre/alcool lui ont permis de conquérir près du tiers du marché mondial du sucre. Il Y a deux grandes régions de production : le Nordeste (campagne de septembre à avril) où le facteur hydrique est le plus limitant et le Centre-Sud (campagne de décembre à juin) où l'enjeu majeur est lié à l'interdiction progressive des cannes brûlées. Au cours des 20 dernières années, la production a doublé dans le CentreSud alors qu'elle restait stable dans le Nordeste. Les importants gains de productivité que l'on observe dans la production cannière brésilienne sont dus à de nombreuses avancées dans les domaines biologique, agronomique et technologique, parmi lesquelles on peut remarquer: 1. Représentant du Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CI RAD) au Brésil. - une création variétale active, menée par de multiples organismes publics et privés, et qui a permis des gains de rendements et de richesse, une bon état sanitaire des cultures et une meilleure tenue en repousses; - le contrôle biologique très efficace des foreurs des tiges (Diatraea saccharralis) par les lâchers massifs de Cotesia f1avipes ; - la valorisation des sous-produits des usines et des distilleries, en particulier pour les fumures; - la mécanisation et l'optimisation des calendriers de récoltes. Les perspectives de la filière canne au Brésil sont excellentes et le remarquable capital scientifique acquis y est pour quelque chose. De grands investissements de recherche sont consentis, en particulier dans le domaine génomique, mais les grands défis qui restent posés ne sont pas tous technologiques. On citera le problème social lié à la mécanisation de la culture et les impacts environnementaux de cette quasi-monoculture. (Reçu le 30 avril 2004) CANNE À SUCRE ET ENVIRONNEMENT AU NIVEAU AGRICOLE par Carlos C. Cerri z Plus d'un tiers des gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère sont issus des activités agricoles. Pour contrer ou limiter ce phénomène, les sols cultivés ont un rôle important à jouer, car, selon leurs propriétés et leur mode de gestion, ils sont capables de stocker les gaz à effet de serre. Au Brésilla culture de la canne à sucre couvre presque 5 millions d'hectares et majoritairement la récolte de la canne à sucre, pour diverses raisons, se fait après brûlis de la canne sur pied. 1\ y a donc une combustion quasi-complète des feuilles, avec pour conséquences une transformation du carbone végétal en COz qui enrichit l'atmosphère, et des émissions probables de NzO (transformation d'une partie de l'azote végétal) gaz au « potentiel de réchauffement global » très élevé, environ 300 fois supérieur à celui du COz. Une alternative, passée au plan juridique dans l'État de Sao Paulo, à ce mode de gestion est 2. Membre étranger de l'Académie d'Agriculture de France, Directeur du laboratoire de Biogéochimie de l'Environnement au Centre d'Energie Nucléaire appliquée à l'Agriculture (CENA), Univ. de Sao Paulo (USP), Piracicaba, Brésil. CANNE À SUCRE : L'EXEMPLE DU BRÉSIL 15 1 le non-brûlis de la canne à sucre. Les premiers résultats indiquent que l'adoption du « nonbrûlis}) s'accompagne dès les premières années d'un stockage accru du carbone dans des sols ainsi qu'une réduction des émissions totales de NzO et CH 4 . De plus, éviter le brûlis présente d'autres avantages, parmi lesquels une augmentation de l'activité et de la biodiversité de la faune du sol, une limitation des pertes en nutriments et une diminution des risques d'érosion. Mais l'adoption du non-brûlis, qui implique de passer à une récolte mécanisée, peut poser cependant d'autres problèmes en termes socio-économiques. (Reçu le 30 avril 2004) CANNE À SUCRE, ÉNERGIE ET ENVIRONNEMENT AU NIVEAU INDUSTRIEL par François Falloux 3 Au niveau mondial, environ 1:2 milliards de tonnes de canne sont produites annuellement avec une production d'environ 350 millions de tonnes de bagasse. Cette dernière correspond au résidu cellulosique et ligneux après extraction du sucre. Le potentiel énergétique de ce résidu est considérable (300 lWh). Il correspond aux deux tiers de la consommation électrique annuelle de la France, soit une trentaine de tranches nucléaires d'une puissance de plus de 1 000 MW chacune, avec un carburant gratuit sans problèmes de déchets. Aujourd'hui, on est cependant loin du compte (peut-être 10 % de ce potentiel) car les sucriers sont loin d'avoir optimisé leur production électrique interne. Ils ne cherchent qu'à satisfaire leurs besoins en électricité et vapeur pour leur processus industriel. Leur business est le sucre et non l'électricité. Ce faisant, ils passent à côté d'une opportunité économique considérable. 1 1 \ 3. Consultant pour l'Environnement auprès de la Banque Mondiale. Vice-Président de la Société Eco-Carbone. Tout en étant premier producteur mondial de canne à sucre avec un peu plus du quart de la production mondiale, le Brésil est aussi loin d'avoir atteint le potentiel énergétique de ses quelques 80 millions de tonnes de bagasse produites par an. Les technologies de production d'électricité et de vapeur y sont peu efficientes avec des ensembles de chaudières/turbine à basse pression (25 bars) alors que le passage à la haute pression (80 à 100 bars) permettrait de quintupler la production d'énergie actuelle, sans parler de technologies plus sophistiquées. Certaines compagnies pionnières ont décidé d'aller dans ce sens en modernisant leurs systèmes de production énergétique afin de les rendre plus efficients. L'investissement lourd que cela représente devrait être compensé favorablement par deux nouveaux produits : d'un côté la vente de l'électricité supplémentaire sur le réseau national; de l'autre le marketing de certificats de réduction de gaz à effet de serre dans le cadre du Protocole de Kyoto. En effet la production de cette énergie renouvelable à partir de la biomasse devrait se substituer à de l'énergie provenant de carburant fossile non renouvelable. Au niveau national, cela devrait freiner la construction rapide actuelle de centrales thermiques avec turbine à gaz. L'indu9trie sucrière brésilienne est également pionnière dans la production de bio-éthanol. Mélangé aux carburants, le bio-éthanol peut en représenter jusqu'à 30 %. Des pays industrialisés tels que le Japon et l'Allemagne sont en train de passer des contrats avec les compagnies brésiliennes pour acheter ce bio-éthanol afin que leurs automobilistes réduisent leur consommation de carburants fossiles. En bref, le sucre pour l'industrie brésilienne de la canne pourrait devenir un produit secondaire au profit de l'énergie sous ses différentes formes. Nous n'en sommes pas encore là, car cette nouvelle orientation énergétique suppose des mutations difficiles à opérer au niveau des changements technologiques, organisationnels et de marketing. (Reçu le 30 avril 2004) France Agriculture Alimentation Environnement Protectionnisme et développement : quelques leçons de l'histoire • Canne à sucre : 1. Agriculture, environnement et énergie: l'exemple du Brésil II. Origine, génétique et amélioration variétale • • • • • • • • L'arbre et le paysage : aspects environnementaux Aquaculture en Asie du Sud-Est Production et commerce des bois tropicaux La Il révolution doublement verte Il Surveillance écologique des zones circum-sahariennes Le rôle de l'agriculture dans les pays en développement L'agroforesterie des régions chaudes La génétique des bovins laitiers: résultats et perspectives ISSN 0989-6988 Volume 90 • Numéro 3 • 2004