HISTOIRE GENERALE ' ANTILLES HABITEES PAR LES FRANÇOIS- TOME IL* CONTENANT L* HISTOIRE NATVRELLE; Enrichy de Carces &C de Figures. Par le R. P. DV T ERTR E 3 de l'Ordre des FF. Prejcheurs J de la Congrégation de S.LouiSjAdiJJionnaireApoftolic^ue dans les Antilles. Chez Thomas Iolly, au Palais, en la Salle des Merciers» à la Palme, ôc aux Armes d’Hollande. M. D C. L X V I I. AVEC PRIVILEGE, M O N S I E y R CH I LL E DE HARLAY, ONSEILLER D' ESTA T- R Q N S I E V R: Les grandes obligations que lay , d ALonfe't- gneur vojlre Per e ? ni engagent d de JJ grandes re- connoijjances enutrs vojtre Ulujlre Ad ai f on , que a i; E P I S T R E. tous v?ies Yefpectspp tout ce qui peut -partir de mon feu d' 'e frit y ne wï en peuuentpas acquiter . G efi ce qui m'a fait chercher au ce beaucoup de If le, quoy qu affef inutilement les occafionsde vous tefmoi * gner au moins mes defrs pp mon impuiffance ; Et cefi encore ce qui fait que te mefiime heureux , de pouvoir au ant ma înort vous offrira petit tefmoi - gnage , du reff entiment que iay des bonteffff des faneurs de A/lonfeigneur le Procureur General. Fous aueXpveu, Moniteur r le projet des deux Li- ures que te mets prefentement autour^ il me fou- ut ent que vous le receuffes favorablement > que Vous le ï' eu fie sauce quelque plaifir , 0/ que vous en par la fies plus auantageufe ment, quais ne le de- uois attendre d'un ouvrage aufi imparfait que celui-là : Cefi pourmoy on ne s'étonnera pas, Monfieur , fi ie me fiate aujourd'hui du bon ac- cueil que vous ferez, d l’ouurage entière , puf que le voici dans la meilleure forme que i ay pu lui donner ; car il efi non feule ment enrichi de quanti- té de belles Figures qui ri ont pas encore paru , ou qui ont efté donnée fort imparfaite ,» mais auf- fi augmenté de toutes les plus belles pp les ; plus curieufes Remarques qui (e puiffent fai- re dans les Antilles ? qui font la matière^ de mon 'Livre.- E P I S S R É. Je ma Jf cure que Monfieigneur le Procureur General > n improuuera pas la diuifion que te faits de fis deux Volumes , bien qu'ils lui [oient egalement de us ; & qu apres lui auoir confia cre' le premier , ie vous dédie le fécond , parce que ie fuis perfuadé que l’amour qu’il a pour vous lui fiera reputer les fiôufimi fiions les refipeâs que ie vous rend, comme e fiant fiait d fia propre perfibn - ne. Cette fieparation ne fçaur oit partager fia gloi- re , pùifique c efi en vous quelle fie reunit auec des au ant âge s qui vous font admirer dans le plus Au- gufie Parlement du monde , tfi qui font reputer /VlonfeAneur le Procureur General : Heureux d'amirvn fils duquel il efi vray de dire , Gloria Pat ris* Filius fapiens. Cette Sageffe qui efi referme aux perfionnes qui ont p a fie toute leur vie dans les affaires & dans les emplois s efi. fait paroiftre en vous dés voftre plus ■ tendre ieunefie , au fit l’on peut afi- feurerque l'on trouuera en voftre perfonne , vn modèle acheue de toutes les grandes qualité ^ que J on peut defirer dvn parfait Adagiftrat: l’on ficait la p a filon que vous auefi pour le fièruice de nofire , p' and Monarque , & la fidélité qui vous efi hé- réditaire , l’ardeur fans pareille pour le bien de PE fiat 3 CP v offre fele pour la Iufiice ; toutes ces E P 1 S T R E. -rares perfections mïnuitent a vous prefenter ce Liure 3 à faire des vœux pour voflre proferiti» & a vous fupplier de croire que ie fuis s MO NS LE FR S Voftrc très » humble & très - oblige feruueur.F.I-BAPTisTE dv Tertre^ . . » ^ . — — -• 1 T AB LE DES TRAITEZ, CHAPITRES ET Paragraphes, contenus en cetce fécondé Partie, qui cftl’Hiftoire Naturelle des Antilles de l’ Amérique, habitéesparles François.' ’ant-propos. . TRAITE’ I. ^ Defcription des Antilles a bit te s par les François. Chap. i. Defcription de TIfle de S. Chriftophe , Capitale de toutes les Antilles, & la demeure du Lieu- tenantGeneral pour le Roy. § . r . 3 §. 2. Defcription de l’Ifle de la Guadeloupe. 10 §."3. Defcription de l’Ifle delà Martinique habitée par M. d’E- riambuc en Tannée 1637. 23 §. 4. Delaription de l’Ifle de la Tortuejpeuplée par le fleur le Vaf- feur en 1 année idjj). 30 §. ies& des Minéraux des Antilles. Ci-ïap. i. De ce qui fe paffe dans les Navires. ^ U-i.Mon Premier voyage aux An- tilles. v p tJ §.2. De mes retours en France. 5 C , Mon Second voyage aux An- tilles , & defeente en T Pie de Ma- dere 57 §. 4. Du flux & reflux de la mer, 61 1 Chap.x. De la Température de l’air des Antilles, ^ * 1. Eclairciitemenrfur la tempe- raturede l’air de la Zone Torride, & 2 „De ladiverfitc des faifons, 6 y \ Des vents, & différentes a g'“ .cations de 1 air, CHAP.3. Des Minéraux, Pierre- ries , & Matereaux que produit la terre des Antilles Françoifes, 74 § . x .Remarque fur les Minéraux, Md- . * §.i. Des Pierreries, // Des Matériaux , comme pier- res de tæille, Briques, Thuilles, Plâ- tre, pierres à faire la chaux, & pier res de Ponce, ; ° TRAITE* III* Des plantes & des Arbres des Antilles. ° z CH a P. 1. Des plantes dont les fruits ne font pas plus confidcra- bles,que les pois & les feves, 85 & i.Des plantes communes appor- tées de l’Europe, V ^' lhtà . §.1. Des Fèves & des pois , tant de l’Europe que des Mes, 5 &.5.DC quelques Capillaires, Sco- lopendre & Feugeres * qui & tt0 £~ des Traite^, §.4. D’une plante dont les femmes Sauvages le fervent pour devenir fécondés, & d’vne autre- qui facilite leur accouchement, ^9 §. y. De trois plantes, dont la pre- mière guérit les bleffures des flé- chés ; > feçpnde les morfures des ferpeps * & la, troifiefme iadiffen- terie, 7 ° | . 6 . De deux plantes qui guenf- fent le mai de dents , de celle que Pifo appelle-Paiomirioba , & de l’herbe nommée Sargaflo, 9 Z §.y 0 Du Piment & du Gingembre, 94 & 8. De la fauffe racine de Chine qui croift dans les IflesiDesChoux Karaïbes,& de la Serpentine, 96 §. $>.DuPetun, 99 §.10. De plusieurs fortes d herbes fenfitivesjdu Ricinus, & d’un Titi- mal Américain, 4 ° l & 11. Du lucajdes Pit.es, & des Ka- ratas, ' . I0 4 1 §.12. De l’Indigo, & de la manière de le faire, 10 7 &.12. De deux fortes de fleurs que nos habit an s appellent Lys. De l'herbe au Mufc , du Vioher, & du i-, 110 Pavot, - §.14. DuManyoc, T 1 . 1 La façon de faire le pam , & la boiffon ordinaire avec le Manyoc, yent dans les Illes, n w ' ï §!i5- Des Patates, Ygniames,& Pr ^.i^.Des Cannes de fucre,& delà maniéré qu on le fait, * 17 .Des autres Cannes qui croii- fent dans les lflc.sDe. Bali*iccsso« Soiaman, ou herbe aux H ebcche s, Çhap.î. Pes pUntes qui portant V/ / Chapitres (jjfr Paragraphes. des fruits, 127 §. 4. De deux fortes d’ A cajou qui §1. De l’Ananas» & des Karatas à ne portent point de fruit, 159 fraie, tbid. $.j.De deux forces deGommiers, §.2. Du Chardon épineux- Du Fi- 160 guier d’Inde, ou Raquetre.Du Cier- §. 6. Du Bois de Rofe ou Cypre, ge cpineuxîDu Melocarduus,& des 161 Grofeilles, 130 §. 7. Du bois verd,&de ceux qu'on §,3. De la fleur delà Pafïion,& de nomme à perires feuilles, 152 la Grcnadillc : De la pomme de §. 8. Des Bois qu’on appelle com- Lyanne, 133 munement bois Rouges : Des bois § 4. De la Vigne, 135 de fer, & du Courrouça, 1^3 § j. De toute forte de Citrouilles, §. $>. De l’Arbre qui porte des 5a- Callebafles, Melons, Concombres, vonnettes, Sc Mciongenes, 137 §. io. Du Figuier admirable de §. 6 . DesBanannes & Figues de l’Amerique, & du Pareruvier, i 6 <$ 1 Amérique, 138 $. 11. Detoutes les forces de Pal- CHAP.3 .Des Arbres Sauvages, & miftes que i*a y veudans les [fies, fans fruit, 141 168 §.i.Du Pignon d’Inde, UiJ. §■ 12. Du Latanier, 171 §. 2. D’un ArbrifTeau que quelques §. 13. Du boisde Couleuvres, 172 habitans appellent Arbre de Baû- Chap. 5. De tous les arbres qui me,&de la Sauge arborefcente,i43 portent des Fruiâs , tant ceux que §. 3. Du Poyvre long» 144 l’on mange , que ceux qui font un §. 4. De la Canelle qui fe trouve peu confiderables, 173 dans la grande terre de la Guade- £.1. Des arbres fruitiers fembla- l° u pe> I 4 J blés à ceux de l’Europe, ibid. §.5 Du bois de Sandal 8c deGayac, §.2. De deux fortes de Caflîers ou *4^ Caneficiers, 173 $.<>.Du bois de Chandelle, 148 §. 3. Du Corofol,& des Momins, §.7. Du Roucou, 149 171 $.8. Du Cotonnier, iyo 3 4- De deux fortes de Cachimas, §.9. De l’Arbre à enyvrer les poif, 178 fons, iyi ■j.y.Des prunes deMomins, V79 5 . 10. Du Mahot & des Crocs de §. 6 . De l'Acajou, 180 Chien, 152 §.7. Des Goüyaves, 181 § 11. De l’Arbre lai&eux, 153 §• 8- D*un Arbrilïeau qui porte de $.12. Du lafmin, 154 petites cerifes, r8 2 CHAP.4.Des bois à baftir, 15:5 §.9. du Coudrier, 183 §. 1. De quatre fortes de bois épi- §.io. du Cacau, 184 neux, ibid. §.11. du Cocos, 18? §.2. Du bois d’Inde ou Laurier A- §,12. du Raifinier, 18 6 •tomatique, 157 §.13, De deux fortes de Papayers, §-3.De trois fortes d’Acomas, 158 187 Table de s Traite Ci4.Des Callebalîîers» 188 Pilote, 223 §415. Du Courbaril, 189 §.21. De la Galère, 225 §.U> . Du Genipa, 190 §.22. De trois fortes de Tortues, § . 1 7 . Des pommes de Mancenil- fçavoir la T ortuë franche', le Ca- ' e > 19 1 ret,& la Kaoüanne f ■" 227- §. 18. Des pennachës marines, du §.23. De la Kaoüanne, 228 i 9. Du poilTon Arme, 209 ques autres petits Coquillages des § 10. Des Cochons de mer 211 §. 11. Des paillons Volants, Sc de la Dorade-j 212 § 12. De la Bonite, 214 §. 13. DessCarangues «&des Lu- nes, §.14- Des Capitaines.& desgran des Ecailles, 216' §. 1 Des Rayes extraordinaires qui fe voyent dans les Illes, 217 §•16'. De TEguille de mer, de l’Or- phie,&du Bakou, 218 17. Des Perroquets de mer, & des autres poilfons de Roche, 219 §, 18. Des Murenes & des Con- gres, 220 § 1 9. De la Remore, ^20. Du petit poilTon appelle Ides, 240 §:7.Des Loups marins, 242 Chap. 3. Des poilfons de Rivie- re ’ . Mf §.1. Du petit Tytiri, ibid. §. 2. Des Grondeurs » Sc de quel- 215 ques poilfons qui ont du rapport avec ceux de France, 1 R A I T E’ v. Des minimaux de l’air. Chap.i. Des Oyfeaux, §.1. De l’Arras, . §-2. Des Perroquets, - § 3. Des Perriques, §.4. Du Mans-feny : §.y. Du Pefcheur, 6 . De l’Emerillon Gri-gri \ ibid. §.7. Des Perdrix, 254 §*8„Des Faifans, 2jy 2 44 246" 2 47 250 251 2 I 2 - 2 ?3 §. p. oes Ramiers, 29 § 3. du grand Gofier, 271 §• 4. Des Hérons des Antilles, & des Crabiers, 273 ! §. y. Des Mauues, 274 $• 6. De deux fortes de foux, §•7. du Feftu en cul, ou l’oyfeau du Tropique, 27 6 §. 8. Des Vigeons&de tous les Oyfeaux de Riuiere 8c de Marefts, ? -77 § .9. Des Chaüans que l’on appel- le dans les Illes Canots , & des Chauues-fouris, 278 Chap. 3. Des Mouches, 279 jLl. Des Abeilles, ibid. §.2. Des Mouches Iuilàntcs, 280 Jf. 3. Des Mouches cornues, 282 §. 4. Des Guefpes, 284 §.y. Des Maringoins &des Mou- ftiques, 286' §. 5 . De quelques autres efpeces de mouches qui ne fe voyent point dans l’Europe, & des mouches com- munes, 287 Chapitres & > Paragraphes . TRAITE’ VI. Des Anuruux de U terre. Chap. 1. Des Animaux à quatre pieds, , 289 §. t. Des belles de Labour, ibid. §. 2. Des porcs qui fe rencontrent dans toutes ces Iilcs. Agréable def- cription.de la challe de ces ani- maux, 291 §.3. De pAcouty, 296" §.4. Des Lapins, 297 f. j. du Tatou , ou Armadille, 298 § 6 . Du Manitou de la Grenade, 3 °ï §. 7. Des Piloris ou Rats muf- qnez, 302 §.8 Des Rats communs, 303 §.9. Des Souris, 305 § .10. Des Chats, 306" §. il. Des Chiens, ibid. Chap. 2. De tous les Reptiles, amphibies, 8c vermines, 308 f 1. Des Lézards, ibid. §.2. Des Auolis, 312 §.3. Des Gobbe-mouches, 313 § -4. Des R oquets, ibid. §7. Des Seines qui fe trouvent dans les Hles-Fronçoifes, 3 1 4 §.6 Des Maboyas, 37 §. 7. Des Couleuures & autres ferpens qui ne font point nui fî- bles, 316' Jf 8. Des Couleuures de la Marti- nique & de fainte Aloufie, 318 Remedes contre les morfures de toutes fortes de ferpens, 323 Chap. 3. De toutes les fortes de Crables ou Cancelles qui fe trou- uent dans les Antilles, 328 § 1. Des Crabes violettes, 329 $-2 . Des Crabes blanches, 33^ §-3.De$Tourlourous&de quelques ê i) fable des Traite ^ particularitez qui conuiennent à des Sauuages, & du bon traitement ter. contes les Crabes, 336' qu’ids font à ceux qui les vont vifi- jL4.DesToldats ou Cancelles, 537 Chap. 4. De quelques Infe&es nuifibles des Antilles» 340 $ .1. Des Scorpions, ibid. §. 2. Des araignées qui fe voyent communément aux Antilles, 341 38g §,9. Des orncmens>des. Sauuages, §. 10. Des Carbets, Cafés, Lits, Pi- roques 5 e Canots des Sauuages, 395 §.n.De tout cequi fe paffe das les §.3.D’vne forte d’araignée mon- guerres des Sauuages, & désarmés ftrueufe qui ne fe voit pas dans la dont ils fe feruenr, 3 99 §. iz. Des maladies, de la mort, & plufpart des Antilles, 342 §'.4. DesFourmis, 343 §,5. Des Pous de bois, 345' ^A.DesLangoaftesou Sauterel- les des Antilles, 347 §. 7. Des Scolopendres ou cent pieds des Antilles, 345? §.8. Des Chenilles» ibid. § 7. Des Raretz, 3.50 §.io.Des vermines, comme poux & puces, 352 § , 11. Des Chiques, 353 TRAITE* V II. Des habit ans des Antilles,. Chap. i. Des habitans naturels des Antilles de l'Amérique, appel- iez Saunages, 35A §, 1. Des Sauuages. en general,»^ §.2 .De l’origine des Sauuages de nos Illes, 3A0 §,3. De laReligion des Sauvages, 3 A4 §. 4. De la naiflance , de l’èduca~ tion , & des mariages, des enfâns des Sauvages, 372 §, j. De l’exercice des Sauuages, 380 §.A. Du commerce des Sauuages, 385 §.7. Des renouiflancesr,tant gene- rales que particulières des Sauua- ges, 38 A §, 7. De la nourriture ordinaire des funérailles des Sauuages, 408 §.13. Des obltacles qui fe rencon- trent à laconuerfion des Sauuages» 413 Chap, 2. De l’eftat des Colonies* F rançoifes dansles Antilles de l’A- merique-, 4 19 §, 1. De la Religion des Antilles Françoifes,desMiflîonaires qui tra- uaillent à i’inftru&ion des- Fran- çois , des Sauuages.& des Nègres». Réfutation des- calomnies de M. Biet contre les.Miflîonaires, 421 §.2. Du Gouuemement, 439 §î 3. De la Iuftice, 444 $. 4. Des baftimens , tant pubiu s que particuliers, 449 §•.3. dûs familles. qui compofent les Colonies, 4^2 § A. du Trafic, 4A0 § .y . Des Artifans». 4A8 Jt. 8. Des mœurs, des habicans des Colonies, 471 § .9. Des maladies aufquelles les. habitas de nos Hles font lnjets,477 TRAITE' VIII. Des Efclaues des Antilles de l y Améri- que. 483 Chap. h Des efclaues Sauuages, 484 §. 1. Des efclaues Aroüagues, 48A £.2. Des efclaues Brahlicns, 488 Chapitres & Paragra ph es. Chap. 2. Des efclaues Ncgres, petit ménage qu’ils font pour s’en- vulgairement appeliez. Mores en «retenir, ‘ j-, 7 ^ rance ’ , 49J §.8. De la façon qu’on habille les /.i. Du pays des Ncgres, delà Ncgres,& des ornemens dont ils fe maniéré qu’on acheté chezeux , 8c parent, po qu’ils viennent aux I/les, ibid. §.i.De l’humeur des Ncgres, 5tde leur adrefle à ce qu’ils font, 496' §. 3. De la Conuerfion à la Reli- gion Catholique , & du zele qu’ils y font paroiftre quand ils l’ont em- brafTce, joi §. 4. Du Mariage des Ncgres-, & de la tendrelTe qu’ils ont pour leurs enfans, J04 5 9* Du trauail qu’on exige des Ncgres, §. 10. nés récréations des Ncgres, 5 2 <> § . 11. Des chaftimens dont on pu- nit les fautes des Ncgres» J29 §• 12 • Des motifsqui obligent les Ncgres à fe rendre Marons, c’eftà dire, de fiiic.de chez leursMaiftres: 8c de la façon qu ils viuent dans les De la naifTar.ee honteufe des* bois, Mulaft'res-,& de leur condition, 511 Ç.^.Des maladies des Nègres, de §.4. De la maniéré dont on nour- leur mort, 8c de leurs funérailles rit les Nègres, ^ 513 537 * §. 7. dcs Cafés dés Ncgres , 5c du PRIVILEGE DE ROT, \ O VIS PAR LA GRACE DE D I EV , RO Y DE .FRANCE ET DE NAVARRE: A nos Amez. &: Féaux Confeillers , lesMaiftres des Requeftes ordinaires de noftre Hoftel, Gens tenans nos Cours de Parlemens, Bail lifs , Senefchaux , Prevofts 5c leurs Lieutenans , & tous autres nos Iufticiers.&: Officiers qulil appartiendra : Salut. Noftre cher 5c bien-aymé le Pere Ie an Baptiste dv Tertre , Preftre , Reli- gieux Profez de là Congrégation de faint Louis , de l’Or- dre des Freres Prefcheurs , Nous afaic rcmonftrer qu’il au- roit cy-devant compofé & "imprime un Livre intitulé, U II i foire Generale des ifles de faint Chnfiopbe > Guadeloupe^ Martinique autres de L' Amérique , 5cc. enrichy deplufieurs Cartes , Figures 5c Images, lequel Livre il auroit depuis re- ueu, corrigé & augmenté de plus de la moitié, 5c enrichy de plufieurs Titres, Originaux , Lettres, Remarques 5C Obfervations qu’il a faites au, dernier voyage qu’il a fait aufdites Ifles de l’Amerique , 5c recouvrées depuis ladite Edition , lequel il defireroit ainft r’impriiner 5c mettre en lumière ajiec lefdites augmentations 5c corre&ions , s’il nous plaifoit luy accorder nos Lettres fur ce neceflaires ; A CES CAVSES, Nous luy auons permis 5C oélroyé, 5c par ces prefentes , permettons 5c oiffroyons audit Pe- re Ïean Baptiste dv Tertre, de faire impri- ,mer, vendre 5c débiter ledit Livre, auec lefdites Augmen- tâtions, Corrélions, Cartes , Figures & Images necefîai- rcs, en tail c : Douce ou autrement, comme il auiferabon dire, parte 1 Imprimeur, Grau eu r, & Libraire qu’il voudra choifir, en un ou plufieurs Volumes, en telle forme gran- deur marges & caractères , & autant de fois que bon hiv lemblera , durant l’efpace de dix années, à compter du iour qu il fera achevé d’imprimer pour la première fois : durant lequel temps Nous faifons tres-expr efTes inhibirfons & déf- tenfes a tous Libraires, Imprimeurs, & autres perfonnes de quelque qualité ou condition quelles foient , d’imprimer ou faire imprimer vendre & débiter ledit Livre en aucun lieu denoflre obcyflW, en quelque forte & manière que ce foit , fans le contentement de l’Expôfant, ou de ceux qui auront fon droit , a peine de deux mille livres d’amande payables par chacun des contrevenaus , confifeations des Exemplaires contrefaits , & de tous dépens , dommages & intcielts;a la charge toutefois qu’avant qu’expofer ledît Li- vie en vente.il en fera mis deux Exemplaires en nôtreBiblio tlieque publique, & un en celle dcnôtreChâteau duLouvre vu i gairement appelle le Cabinet de nos Livres , & un en celle de nofttc très. cher & Féal le Sieur Seguier , Cheva- Jier Chancelier de France, à peine denullitédes prefenres' Si vous mandons , & à chacun de vous enjoignons que noftreprefent Privilège & Permiffion , & du contenu cy- d u5 > vousfjy%<= , qui nelait lil„ru pe dc < I l,el< l ucs ra vines & montagnes nui ,“ PC f dl “ C P as P° urtan ' qu'on ne faffe le rom de rifle «cheval. Ce beau vert naiflanc du Tabac planté au cor r tu e "é y t T pa dV es ? nesde fuctc 1«‘ fi>«“ r 3 1 ^5 vef d brun du Gingembre &; des Pats j? cc ? que Monfieur de Rochefort reprefente avec un fi charmant email uc font plus defaifon i j T . ans qu’il eft deffendu s ;;r r r n pu n- d ’ y ikc du , Gi ^ b -> , P > on n ? Plante plus que des Maniocs des Pa tares & des canes , le refte eft mi, en favannes pôut nou r Y a 1 TJ f 1W d °* a coupé les canes, & qu’on voir. f ‘ nya 1ICn au ' monde d = P'us horrible à niir”fde U rrefh iVierCS Coulent d cs «nontagnes , &four- îfle NosF an "" T XeD P' ufieu « “droits de cette ! ’i« a F anf °' Sn cn Pont Pas « abondamment poutveus pznllc ol q "‘ Mt ,e \P ,US S ra ” d « nvieres dans leur pa ta & c,quoyquen écrive Monfieur de Rochefort «ne des plus grandes peines que foufFrent^s Franco, s pat i abreuver les chevaux & les bœufs - YMonfremT/r Pt P T Cy té “ , “ 8 ne *"« cette neceffité ' bre O ' in den OUt]UCt dans ra '“‘>edu iS. Otto- , oull ,uy cent en ces. termes : Vn des ouvrais le « plus unie fera de faire condurre l’eau de noftre S !uf « qu lamer, parce moyen , outre lagenerale commodité*' reftertnos Rad" T* des Nav,> « d c *’«- - vwsaKrtxsrrsî*^'' pa fi volontiers quavpc.nous ; jj cette feule capfe, que “ leurs. ns P ° mt deai ‘ J,,Jes contraint d'aller 11- « srt -g Hijloire Naturelle Toute la terre qui refte au-dcftbus de ces Iburcitîcufes mo- tagnes eft tres-bonne, 5 c produit les mefmes chofes quenous voyons dedans les autres Ides. eft vray que ce n eft plus avec tant de facilité , parce qu’elle eft comme ttfee & qu on lie la turne iamais. . v . J} j Sur la pointe qui regarde le SynïST.visa vis d un g four que l’on nomme communément au langage des IUes, rul ’de-SM , eft la petite faillie , & un peu plus bas tuant X la pointe de cette terre, eft la grande faline : fi abondan- ce Jfel , qu’on en a veu quelquefois charger vmgt- cmq ou trente vailleaux , apres que les deux Nations en avoientfart U " C Jweeft occupée pac les François & parles Anglois, * durque Nation y aUdeux quartiers PW* > • vant le partage duquel i’ay parle au paragraphe 4 -du Chapt rre , Dans tous ces quatre quartiers il y a des Forts & des r „ 'os de darde, iufqu'àprefent ces forts ont elle baft.s a la f , D rVft àdire de quelques pallilfades 5 r ceriaf- • /J les forts qui Commandent les ; Rades,ont du c n . nremiere édition de mon tiilf oire ,i avois parle «Srle feu Moniteur le Comman- dr^o^^ÆtUirauquarrrerdela^^ finnd i’v Datfav à mon retour des Ifles en 165(3 . la^tene eftoktellement éboulée & remplie de haziers , que ien’en pus diftmguer ny forme ny appau ence. Rien qu'il n’vavt point encore de forme de Bourg, ny de tSien qu un y d -y r 1 _ c i_- autres Ifles, il V a néant- moins îe briqu“ , d'autres de ffiSBSSKSSV"** «<3 TS Des Antilles habitées par les Franco* s. p quand il defeendoit au fort. Plufîcurs arcifans aufil &: quel- ques Gargotiers qui y tiennent une efpece de Taverne , Cç font placez en cétendroit , fi bien qu’avec le temps l’on y pourra former un Bourg. 7 Mais ce que i’y ay remarqué de particulier , &: qui n’eft pointencoreeftably dans les autres Mes; c’eft une boutique ou 1 on vend tous les jours delà viandefraiche ,• il eft d’au- rant plus facile au Boucher d’en fournir l’Ifle avec abon- dance , qu il eft obligé detuër fou vent du bétail en grande quannee , parce qu’il multiplie extrêmement, &: qu’il y a peu de pafturage dans le pays , laplufpart des terres eftant occu- pées par ces cannes de fucre. ^ Il y a quatre Eglifes ou Chappelles dans les deux quar- tiers des François : ces Eglifes ont efté deffervies avec beau- coup d'édification par les Révérends Peres Capucins, juf- qu en 1 annee 1646. qu’ils en furent chalfez en la maniéré quel ay dit dans la première Partie. Les Peres Iefuites remplirent la place des Peres Capucins apres leur fortie , & quelque temps apres nos Supérieurs n’ayant pu accorder à Monfieur le Ge- neral de Poincy les Religieux qu’il demandoit , il y fit venir des Carmes Reformez de la Congrégation de Breta- gne. Les Peres Iefuites n’ont qu’une Eglifc à la Balïe- terre , les Peres Carmes en ont trois , fçavoir deux à laCapfterre, & uneà la Baffe-terre : outre ces Eglifes il y a deux Chappelles, l’une au Chaftcau, l’autre à Cayonne , qui lont deffervies par un Aumônier, &: l’Hôpital pour lespau- vres malades qui a efté bâcy des liberalitez deMonfieur de Poincy qui donna yo.Efclaves, pour les fecourir du revenu de leur travail. Le Chaftcau qui fût bafty en 1^40. parM r le General de Poincy, eft fans contredit la plusbellemaifon des Mes; mais il n eft pas telque le fieur de Rochefort nous l’a dépeint dans ion hiftoire. 11 eft compofe de quatre eftages de fept ou huit toifes de largeur , furmontez d’une plate-forme à la mode d Italie, & durez de chauffée en haut il y a trente fix pieds. L on void dans la baffecour le petit Arfenal bafty de brique, B jv - Hifioire Naturelle & quelques petits baftimens qui fervent à loger les domedr- ques; laChappelle neft que de Charpenterie, ceftoit le lo- gis de Monfieur Denambuc & de Monfieur de Poincy,mef* me avant que le Château fut bafty. Le quartierdes Negres appelle la Ville d’ Angole , ed a l’vn des codez du Chadeau: & un peu au-dettus il y a pluficurs maîfons de pierres & de briques, où Monfieur de Poincy entretenoit quantité d’arti- fans, comme Corroyeurs, Serruriers, Maflons , Tailleurs &C> autres. , Le bois y ed maintenant auffi rare , qu’il y a elle autrefois' en abondance , il apporte aujourd huy autant de profit qu’il caufoit d’incommodité , lors que les habitans edoienr obligez de le couper , pour ellendre & pour cultiver leurs places. Dés l’année 165S. quelques-uns edoient obligez' d’en envoyer quérir avec des chaloupes dans rifle de Sabat je ne doute pointqu’ils ne fouffrent -beaucoup a l avenir par la difette dubois , dont l’on a fait défi prodigieux dé- gafts dans les coraraencemens. lied vray que l’on fe fert maintenant des canes de fucre, apres quelles ont pade par le» moulin , pour faire boüillir les deux premières chaudières*' mais comme la troifiéme a befoin d’un feu plus vif, le bois y> eft abfolument neccttaire. Description de l Ijie de la Guadeloupe. §v i n L ’Ifle que les Sauvages appelaient Karmatra, &C que les* Europeans nomment Guadeloupe , a caufede labeaute, delà bonté de fes eaux 1 ; prend fon étymologie ( à ce que quelques-uns nous veulent perfuader ) d’un com- mun Proverbe des Efpagnoîs , qui pour exprimer une cho-' fe excellente , luy donnent le nom d’un ancien & fameux; Autheur , appellé Lopez> ; de forte que Vagua de Lopez, , vaut ' autant à dire, que les meilleures eaux qui fe pu iflent trouver;-. Des Antilles habitées par les François. /} a&ren effet , toutes les flores d’Ffp.ignecn allant aux Indes, eftoientobligées par Arrcfldu Côfcil General des Indes, de •prendre des eaux dans cette Iflc , & l’ont toufiours faic | uf- qu’à ce qu’elle ayt elle habitée par les François. Quelques Âutheurs difent,& peut-eftreplus vray-femblablement,que les Efpagnols l’ont ain fi nommée àraifon de fa rellemblan- .Oe, avec les montagnes de Noftre-Damede la Guadeloupe -en Efpagne. Cette lfle eftfituée à feize degrez de la ligne Equinoétiale, tirant vers le Nort, elle a befoin d’unodouble divifion pour eftre bien décrite : car elle eft diviféeen deux , par vn pe- tit bras de merquel’on nommelariviere Salé , qui faifanc vne communication de la mer qui regardé l’Orient de cette lfle, avec celle qui regarde l’Occident, fepare toute la Gua- deloupéen deux terres, donc vne partie s’appelle la Grands tare , de laquellejde mécontente de vous donner le plan, parce qu’elle n’aefté cultivée que de fort peu de François ■jÔC feulement pour en conferver la pofleflion : outre que ie diray dans le cours de cette hiftoire plufieurs chofes que j’y ay remarquées, qui la feront aflez connoiftre- La fécondé partie qui eft: proprement appellée la Guade- loupe, eft: celle que ie vais décrire; Sciepuis commencer, en - difant, qu’elle ell à mon iugement,la plus belle, la plus gran- de,»**: la meilleure de toutesnos Antilles. Son eftenduë, depuis le Fort Royal , qui eft: à la pointe du cofté du Midy , jufqu’àla pointe du petitFort,qui regarde le Nord, eft: d’environ vingt lieues, &: de cette pointe iufqu’au Fort de fainte Marie, qui eft: la partie Orientale de l’Ifle , il y a treize ou quatorze lieues au plus,&dix ou onze jufquesau Fort Royal, qui tout enfemble luy donnent quarante- quatre ou quarante-cinq lieues de circonférence. Pour achever de décrire cette terre avec quelque ordre, il fe fautTervir de cette fécondé diuiftÔ ordinaire à toutes les If- Ies,de Cabjlerre &: de Bajfeterre. Gabfterre,c’eft cÔmequi di- roi z^caput teru.lz telle de la terre; car corne le vent tire touf- jours de l’Orient à l’Occident , cette partie de la terre qui fait face au vent, eft: appelLée Cabjlerre , celle qui eft au- 12 Hifioire Ndturelle deffous du vent , Bajfetetre\ quoy que pour l’ordinaire elle foie plus haute &: plus montagneufe que les autres , comme l’on peut reconnoiftre dans la Guadeloupe, .où la Cabfterrc fait montre d une belle terre , plate &vnie, longue defept a 8 . lieues, large de trois en divers endroits, & habitable par tout. Cela tient depuis le fond du petit Cul de fac iufqu’au trou au chat. Depuis la jufqu’a la rimer e du petit Carbei , c’eft vne teue que je crois inhabitable , à caufe d’un certain pi- ton en forme de pain cfefucre.qui feleve iufques au delTus des nues, duquel, entre ces deux rivières, qui n’ont qu’u- ne bonne lieue de diftance, coulent treize ravines, accom- pagnées de prefque autant de mornes & petites montagnes, dont quelques-unes font aftez hautes &£ difficiles à monter» Entre la îiviere du petit Carbet > &: la riviere du trou aux chiens s il y a vne lieue de pays habitable aftez vny , & qui contient pluixeurs eftages d habitations , où il le rencontre pourtant quelques bancs de roches : Quand ie parle d ejlagss , cela veut dire, l’étendue de terre que l’on donne ordinairement pour vne habitation , qui eft de cent pas de large, & mille de long; & cette longueur c’eft ce que l’on ap- pelle chaffe.X^ç, cette riviere jufqu’àla grande Ame, on peut prendie de cofte & d autreplufieurs belles habitations; mais je ne crois pas qu il y ait plus de deux eftages, & mefme dans- la grande Ance , il y a plufieurs habitations qui n’ont pas leur chafte entière de mille pas; dautant qu’elles font bornées des rochers ou des montagnes. Tout lerefte sufqu’au Fort royal, eft un pays fort couvert de moi nés , &0Ù1I fauttoufiours • montei 5 c descendre : Ceft pourquoy, nos habitans, qui font alfez délicats en fait d habitations , l’ont négligé j ufqucs 1 a piefent.Ie croy que tout cela eft prefentement occupé, il y a dans le quartier du F ortRoyal quelques habitations fur les croupes des montagnes , dont la terre eft excellente & de grand rappoit : mais depuis ce Fort iufqu a la riviere falée,il n’y a prefque pas un poulce de terre habitable. Ce font tou- tes montagnes hautes a perte de veuben forme de crefte de coq, &:efcarpées de toutes parts. Depuis cette riviere falée jufqu à la rivière des Grillions 3 il y a mille ou douze cens pas Des AnttUés habits es par Iss François. jç de très- bonne terre, fur laquelle a efté bafticla belle maifon du fleur Auber ; au deflus de cette habitation eft la monta- gne dcTourfous , où l’on peut prendre trois ou quatre eftages dans un pays fortuny. Tout le reftc jufqu’à la fécondé rivière des Feres , eft un très- beau pays , qui n’cft pas tout à fait unyj mais entremeflé de quelques petites collines qui le rendent plus agréable. Au deflus des premiers 8c féconds eftages font les montagnes de Belle veüe , 8c de Beau Soleil , où il y a deux ou trois eftages de belles habitations. De cet- te riviere qui fe nommoit autrefois la riviere du B ai II f , où Meilleurs de Boifleret ont fait conftruire vn Fort régulier ;je ne trouve que fort peu de terre commode àfaire des habita.- dons ; mais depuis la riviere Dupleflù, jufqu a celle; «ter vieux habitans , toutes les habitations des premiers eftages font incommodes & coupees de diverfes montagnes. Au delfus de ces premiers eftages il y a une lieuë de très beau 8c de tres-bon pays. Tout le fond des vieux habitans , eft un pays plat, fortagreable , &: où il y a en divers endroits, deux ou trois eftages d habitations à prendre. Depuis l’Ance à U barque , jufques vers les fontaines bouillantes , ce ne font que montagnes, rochers, 8c précipices allez dangereux : il y a pourtant quelques habitations environ à la moitié du che- min , qui font aflfez incommodes. Depuis les Fontaines bouillantes jufqu’au petit Fflet aux Gouyaves , tout cela eft habite ; mais c’eft le pays le plus fafeheux de toute l’Ifle : car toutes les habitations , où il n’y a qu’un feul eftao-^ font prifes fur le penchant des montagnes , 8c en fortant^e la plufpart des cafés, on voit devant foy de quoy fe rompre le col. Voila tout ce qui eftoit habité dans la Guadeloupe , en l’année 1645-. & ) cne doute pas quetout celan’ayt changé de face ; car en l’annee 1 6 ^ 6 . je vis en paflant par cette lfle une grande partie de toute cette cofte découverte & culti- vée : ienepuisrienicy écriredureftc, principalement de- puis/’/^/- aux Gouyaves , finon pat des conjectures , & ce quej’cn ay pu connoiftre voguant le long delà cofte. lime B iij i/j. Hijtoire Naturelle Semble que. ce ne fonc que montagnes à pet te deveuë ; quoy qu’il y puiffe avoir quelques habications à prendre, co- rne dans la plaine des Rofeaux , ce n’efl pas chofe que l’on .doive beaucoup eftimer :mais en tirant vers le vieux Fort.&: .mefmeiufqu’à la grande riviere mx Go'ùyaves , cela fait mon- tre de huit ou dix lieues d’un très- beau pays: qui mefmes,au récit des Chaffeurs, ell une des belles parties de Fille : mais .tout le fond des deux Culs-de fac ^ prefque une lieue dans les terres, avec la Savane ( quiefl çe qui bpriie la grande riviere laide, &c eft environnée de petites montagnesjeflun pais per- du par les eaux, &: tout à fait inhabitable. Tout le cœur de Tlfle que ie n’ay pas décrit, n’efl compo- fé que de tres-hautes & fourcilleufes montagnes , de rochers affreux , & de très- épouvantables précipices. ïe n’ay veu que les moindres entre lefquels , j’en ay remarqué un parti- culièrement , où un homme criant à plaine telle du fond du précipice , . ne pouvoit eflre entendu de ceux qui efloient en haut. Au milieu de Tille, tirant un peu vers le nudy, eft la cé- lébré montagne de la foulphr.iere , dont le pied fouie le fommet des autres , qui. s’élève fort haut dans la .moyenne région de l’air ; de forte que fi on efloit fur le haut de cette montagne , on auroit le plaifir de voir former les nues, & d’ouïr gronder les tonnerres fous fes pieds. Cette montagne eft prefque ronde ; au deffus de la plate-forme s’é- levent deux petites éminences, comme deux petites pointes dérochés , di flan tes de vingt ou -trente pas : Vneducoflé du Sud, &: l’autre du collé duNord ; celle-cy femble eflre ; june gueulle d’ Enfer, ou une cheminée du Montgib.el , fu- mante comme une fournaife enflammée, & dans les nuits les plusferaines , on voit cette fumée entremeflée de petites fiâ- mes de feu. Les Carmes & les Iefuites fe font eflablis dans cette Ifle, environ l’an i6yo. proche de la riviere aux Herbes con- tre les Magafins , .où on commence une forme de bour- gade. Il faut dire icy quelque chofe 'des deux Culs de fac de l’Ifle déjà Guadeloupe , que vous voyez marquez dans la des Antilles habitées far les François. j y Carte ; qui font comme les deux mammelles^de cette Ifle delquelles tous les habitans tirent le laid de leur nourriture \ ou pl'uftoft comme deux magafins , où tout ce qu’il y a de bcair , de bon Sc de riche dans la Guadeloupe . eft en- terme. f Le plus grand fe prend depuis la pointe du Fortfaint pier - T . e \ l u< qu’à la point ed'Antigoaj de façon qu’il y peut avoir nuit ou dix lieues de large, & cinq ou fix de long. Le petit n en a que quatre de largeur , &: autant de longueur : l'vn &c 1 aune font très- richement ornez d’un grand nombrede pe- tits Mets de grandeur & forme differente, diftans les vns des amies de cent, de deux cent, de cinq cent, ou de fix cent pas, plus ou moins : ils font tous couverts, jufques dans la me/ de très- beaux arbres verdoyans à fueilles de laurier ; en forte quil femble que cefuient autant decantons deforefis do- tans fur la mer. Cequ’il y a de plus remarquable dans ces Mets , &que i ay ties-curieufementobfervé , eft qu’il n’y en a pasunfeul qui n’ait quelque chofe de particulier, qui n’eft pas commun aux autres. L ’l/la aux Frégates fert de repaire aux Frégates : Vn autre aux Grands Gofters , un autre aux Mauves ; dans un autre fe trouve des Lez-ars, dans un autre des Anolis , dans un autre desSe/datsym autre portera des Crables blanches,un au- tre des Crables violetes;& ainfi des autres. Mais ce qui eft plus à remarquer eft un Met, que i’ay nom- me Cancale( jenefçay fi ce nom luy aura demeuré) à raifon de ce quil eft tout environné d’arbres chargez jufqu’à rompre, de très bonnes huiftres. le neveux pas faire croire queles arbres les produifent , quoy qu elles croiftent &: fe nourrif fent fur eux : mais ie crois que cela vient de ce que les ondes de la mer venant à frapper les branches de ces arbres , lafe- mence des huiftres s’y attache & s’y fonneen huiftres , lef- quelles venant à fegroftir , font bailler le. branches jufques. dans la mer : de forte que deux fois le jour, elles font raffraif- chies par fon flux & par fon reflux. le ne feray pas une plus onguedefeription du refte des Mers. Ceux qui font fur les lieux, &: qui feront aftez curieux pour y ailer, y trouveront ! H t fïoire Naturelle dcquoy-'fc fatisfaire agréablement. Comme la mer elt extrê- mement paisible dans ces deux Culs de fac,& que la mer n y eft pas profonde ; on ne fçauroitcroire combien les Lamen- tins les Tortues , * tous les autres poilTons fe plaifent autour Ac ces Iflets , il femble que la grande mer s’en epuilepour les en remplir : car ie fuis très- certain que pendant les dix premières années que bille a efté habitée, on a tire chaque année plus de trois ou quatre mille Tortues un très-grand nombre AzLawentms , & bon en tire encore tous les jours quantité , & il s’en cirera jufques à Lafin du .monde, lans les épuifer. C’ell aulli aux enuirons de ces'.Culs-de lac que le re- tirent les Tonffsmuages , à caufe du pays marefcageux qui les environne. Enfin , qui veut trouver quelque choie de beau , comme de belles porcelaines , de beaux coquil- lages, & de beaux rochers, il les doit çhercher dans ces Culs clc m c Bien que toute lacofte de cette Ifle foie fi faîne *iîfeure pour la navigation, qu’il n’y ait à l’entour d’elle aucun banc, nyefcueil, ny rochers, contre lefquels un navire tant foie peu bien conduit puilTe faire naufrage : fi eft-ce qu il y a quantité de lieux , où les barques , les chaloupes , * les ca- nots peuvent eftre bnfez contrcles Kay es* rochers, & em- plis d’eau par des moutons ; comme aufli des paftagestres- diifi elles , où ils font bien Couvent contrains d eftre long- temps arreileZjde relafchermu de s’y perdre.C eft pourquoy, fav jugé a propos d’en faire une exadef recherche , tour- noyant tout autour de l’ifle * en paftant afin de ne point perdre de temps , ie remarquer^ les rades * les mouilla- ^ Quand ie parle icy de mouton, il faut entendre que c eft un certain contre-temps de deux lames-, vagues , ou ondes de mer, dont la première ayant heurte lanve , ou contre un banc de roc, ou de fable, retourne a la rencontre de la leçon - de qui trouvant de la refiftance, fe leve quelquefois dans l’air de la hauteur d’une picque ; * cela peut renverier les chaloupes, les barques,* les canots,ou au moins les rem- plir d’eau,* les mettre au danger de fe perdre. Des Antilles habitées pa r les François. 1 7 Legrand mouillage ou la Rade la plus ieure & la plus fré- quentée de toute la Baffeterre, commence depuis les monta- gnes du Fort Royal , jufques à la belle maifon de Monfieur Hoüel , qui pour s’en rendre abfolument le mailire avoir fait fortifier une montagne de Roche r que l’on avoic crû jufques alors inaccefliblefil la fie appeller Hoüelmont>& fur quelque bruit qu’il eut qu'en France l’on avoit formé le deflem de le faire fortir de l’ïilc, il y fit monter plufieurs belles pièces de canon , &yfittravaillerleshabitansavectantd’emprefic- ment , qu’ils furent fur le point de Te révolter contre luy. le croy que la trop grande hauteur de cette roche , rend l’effet du canon inutile , & quelle eft maintenant abandonnée. Monfieur de Poincym’cn parlant à faint Chriflophe , m’en fît une raillerie, difant qu’il n’avoit fait mettre toutes ces bel- lespieces de canon fur cette roche, quepour empécherles Ramiers de pafTer , & de venir jufqu’i Mlle de faint Chri- ftophe : Et depuis cette Rade juf'qu'à C Anes a U barque, on trouve un beau fond de fable, où l’on mouille partout avec affeurance , quoy qu'on n’y foie pas tant àl’abry que dans la grande Rade. En tout ce canton de pays , qui tient environ trois bonnes lieues & de mie, il n’y a aucune chofe a craindre, mefme pour les barques & pour les canots , qui rangent la colle : fi ce n’ell en paffant par la pointe des vieux habitans,où l’on rencontre vn banc de fable, fur lequel feleve quelquefois un mouton allez dangereux , lors que le vent eft à l’O üelt. Ce fut fur ce banc que fe perdit le navire du Capitainele Sage , l’an mil fix cens quarante- fix, pour avoir un peu trop rangé la code. V Ance â la bar - que eft un Cul - de fac , ou plufloft un Havre naturel où les navires fe peuvent crener , & radouber en toute alleu- rance. (Crener, c’eft faire coucher un navire furie collé, en forte que montrant le quille , il puiffe recevoir partout le Radoub ;)pourveu qu’il ne fafle point de vent d’Oüefljcar il n’efl nullement à couvert de ce coftélà. Depuis l’Ance à la barque jufqu’à my-chemin des fontaines bouillantes , il fait aflez feur , & quoy que toute la colle ne foit que de roc , le fond elt par tout de fable pur. Aumilieude ce chemin l'on C îo Hifloîre Naturelle voie une pointe, ou pluftoft: une barrière de roches, qui avan-- cent plus de deux portées de moufquet dans la mer , Si laif- fentdix a douze pieds de diftance encre deux. pointes. Les deux ou crois plus proches de la terre parodient a découvert; «Si les deux autres ne paroiffent que quand les ondes vien- nent à brifer deffus ; toutes les autres ne Te découvrent point du tout. Les canots peuvent pafler entre ces deux pointes; mais il n’y fait pas bon pour les barques & pour les chalou- pes. La Bave des fontaines babillantes feroit une des bonnes rades de fille , fans une roche qui eft dans le milieu , au fond de la mer , laquelle coupe les cables desnavires. Depuis ces fontaines bouillantes jufqu’au petit cul-de fac, il n’y a rien à craindre , fi ce- n'eften paffant le gros morne , oùil y a un certain contre -temps de marée , Si une rencontre de deux vents différons qui excitent un elabottement d’eau, difficile, incommode Sidangereux pour les canots -, «Si qui donne bien de la, peine à ceux qui rament : c’eltce qui a fait nommer ce paffiage, le C^p enragé. Quand il fait quelque peu de vent , on eftxontraint d’actendreie calme pour paffier ou- trer Tous les endroits où vous voyez des ancres marquées fur 3a Carte,ce font de très bonnes radesjmais très-peu fréquen- tées, parce que le pays n’eft pas habité. Entre l’Iflet k La Ro- fe , Sid’iflet .à la Fortune , il y a un mouton affez périlleux^ &. un autre au deftus de l’Iftet aux Frégates : mais fur tout Te paffiage de l'homme eft le plus difficile «Si le plus hazardeuxj car le ventqui fouffle toujours du eofté de l’Eftou Eftnord* eft, s’enggufrantdansce détroit, ppuffie les ondes devant fby , , lefquelles eftant refferrées Si comme contraintes entre ces deux bancs de roche, que l’on voit marquez fur la Carte, feleventeffiroyablement.dansrair , Si fe brifent avec tant d’impetuoficé,qu’il faut eftre fort adroit pour s’en deffiendre: de forte que pour faire ce trajet , ileft. neceffaire en quittant la pointe des rochers, de prefenter le bout du canot au vent* iufques dans le milieu , Si de là arriver tout à coup, tournant adroitement entre , deux lames , fe donnant bien de garde Des jinùlles habitées par les François. ip qu’une de ces vagues ne prenne le canot par lecoflc j car il courreroit hazard d’eftre comble d’eau & de fe perdre. II y a en ce lieu un.Eres-beau Havre , d’une belle &. facile entrée, mais d’une très difficile fortie. Au relie depuis le fort de fainte Marie y jufqu’àla Bafleccrre, il n’y a aucun dangeiqfi ce îveft .un mouton à la pointe du petit Carbet , & une roche proche du premier morne delà grande Ance , qui ne fc dé- couvre point. Il faut auouër ingenuëment qu ? il n’y a point de terre dans le monde qui foit plus vtilement , plus richement tk. plus agréablement arroufée de belles &: bonnes eaux , comme l’ifle de laGuadeloupe:car dans le peu qu’elle a de circonfe- rance, il y a plus de cinquante rivières qui fe dégorgent dans la mer, defquelles plufieurs, principalement celles qui font dans les culs defac , peuvent porter batteau une lieue , deux lieues , & jufqu’à trois lieues dans les terres. La grande ri- vière aux Gouyaves l’emporte par-deflus coûtes les autres , en largeur <$£ en profondeuticar bien que fon embouchcure foie un peu difficile , on y peut pourtant monter jufqu’à trois lieuës dans les terres avec une chaloupe.Ie neparleray point icy de mille belles fontaines qui coulent des rochers , four- dent de la terre ; &: apres l’avoir agréablement ferpentée en mille endroits, fe voncperdre dans les plus grandes rivières: car comme cette ifle efl extrêmement haute dans fon mi- lieu , la plus grande partie des rivières ne font à proprement parler que des torrens qui fe précipitent avec impetuofité ffians la.mer;&: c’ cil une chofe épouventable de les voir dans leurs débordemens , lors qu’il fe fait de grandes avalafles ,d’eaux v car on les entend defeendre d’une bonne lieue gron- 7 Cf dant comme des tonnerres ; elles s’enflent en un moment de plus d’une picque de hauteur, fument, b ro lient, & écument de toutes parts j elles enti aifnent les plus gros arbres des fo- refts, & roulent une fi grande quantité de roches, qu elles en font Je petites montagnes , qui paroi fient dans la mer à leur cmboucheure. I'ay mefuré une de ces roches qu’elles rou- lent, laquelle avoit flx pieds en carré. Au relie, ce roulement C ij 2ïï- Hifioire Naturelle' & ce choqueraient de roche /on c un tintamarre ôc un bruit fi eftrange,qu 'encor bien qu’il tonne effroyablement, on n’en- tend point les coups de tonnerre. le confeile que ie n’a y point goufte de delices plus agréa- bles dans la Guadeloupe , que celle de fe repofer àlafraif- cheur lousles arbres, le long deces belles rivières : car com- me elles 1 aillent apres ces débordemens-, des millions de ro- ches en confufion , vous entendez outre le murmure agréa- ble du grand canal, mille petits gazoüillemens differens, qui en vérité charment plus agréablement l ouyc que les plus excellentes muliques. Il n’y a rien aulîi qui contente plus la veuë , que de confiderer ces petits ruifleaux d’uneeau plus- claire que le cryftal, s’cntrelaffer au travers de toutes ces ro- ches. L’on ne fçauroit faire cent pas dans une de ces riviè- res , fans trouver quantité de beaux baiîlns au naturel , où 1 on fe peut baigner à Tombae/ans de tres-belies eaux. Pour ce qui regarde leur g ou 11 , iliulfiroit de dire que ce font des eaux dérochés : maisi’adjoufteencheriilantlà-deffus, que ray pris garde , qu’on en peut boire tant qu’on voudra fans* iamais s’en trouver mal , ny en refientir aucune incommodi- té. En un mot, ces rivières font autant, de petits Paradis, où tous les fens gouitent innocemment les plus délicieux plai- firsjdontils font capables, dans leur pureté. le crois affeurément que la rivière deDupleifis paffe au travers d une mine de vitriol ou de fer. Son gouft eit fort ailringent, toutes les roches qui s’y rencontrent font com- me roiiillées & teintes enfer.-eileeff fortapentive, & quand on en auroit beu un feau, en une lieue de chemin tout fe vui- de par les vrines. II y a une petite riviere dans un platpays, prefque vis a vis du petit iflet au x G ouyawes , laquelle de temps en temps devient blanche comme du laicV. le crois qu elle paffe au travers d’une mined’argbnt,ou tout au moins de talc. , Quant a ce qui regarde la grande riviere falée , qui fepare les deux terres , ce n eft autre choie qu’un bras de mer , ou mie communication de la mer de l’Elq avec celle de l’OiieiL • Des Antilles habitées Par les François. zi ïl a quinze ou feize pas de large , &: deux bonnes lieues de longueur. Son flux&fon reflux eft réglé comme celuy des mers de nos coftcs. Il ne peut porter que des barques de vingt à vingt-cinq tonneaux au plus;& mefme Tes encrées &: fes Tordes font très difficiles. Au milieu de cette rivière à main gauche , en allant du petit cul- de Tac au grand , il y a une fontaine qui Te fait allez clairement entendre par le bruit de fa cheute,elle eft d’une eau claire, frai fche, & excel- lente. C’eft une très- grande commodité pour les habicans, qui quelquefois bouffirent beaucoup par la foif en ces en- droits, & c’eftce qui la fait nommer U Belle hofiejje. Si les foncaines d'eau boiiillante, eftoientplus prochesde la foulphriere qu’elles ne font , ie croirois que le feu qui eft enfermé dans cette mocagne,feroit la caufe de cette chaleur. Mais en eftant éloignées de fixa fept lieues pour le moins, il faut tenir pour afléuré qu’il y a des mines de fou Iph.re en- flammées dans le creux des montagnes qui les avbifinent, au travers defquelles ces eaux venant à palier, s’échauffent jufqu’à bouillir extraordinairement;car que les Philofophes difenttoutee qu’ils-vondront,je ne me puis perfuader que le feul mouvement des eaux qui paflentau travers des mines, qui ne fontpas enflammées , ks puiflent échauffer jufqu’à communiquer leur chaleur aux terres voifines , & les faire mefme bouillir maigre les ondes de fa mer qui les couvrent: puifque la plus grande de tbptes ces fontaines , quad la mer eft dans fom plein,eft couverte déplus de deux piedsd’eau de mer,& nonobftantla frarfeheur de cette eau, on voit monter les gros boüillons jufqu’à la fupèrficiede l’eau:& quand la mer eft retirée, elle fume fi fort , qu’on en voit;la fumée d’u- ne bonne lieue , défait umeertain murmure copfus que l’on entend de plus de trente pas , faifant rejülhr fes bouillons de plus de deux pieds de hauteur, j ■ / , A cent pas ou environ de cette grande fontaine , tirant vers la riviere , à trois ou quatre pas de la mer, eft une certai- ne mare, large de fept à huit pieds-, & longue de trente-cinq ou quarante. Ce n’eft qu’un recoptade d’un grand nombre de petites fontaines bouillantes qui font autour d’elle. Trois C i'ii 22 Ht (loir e Naturelle ou quatre pas à l'entour de cette mare , la terre y eft chaude comme du feu, il ne faut que donner un coup ou deux de befehe pour voir fumer, entendrebrouïr , faillir une fon- taine d’eau toute bouillante. Cette mare eft extrêmement commode, & on peut en fe baignant prendre l’eau en tel degré de chaleur qu’on le fou- haice , félon que l’on s’cfloigne, ou que l’on s’approche da- vantage des four ces. Et quoy que cette eau foitun peu vi- laine , puante , & boüeufe , elle ne lai (Te pas d’eftre tres-falu* taire. Ten ay fait les épreuves, lors que Monfieur de Bonne- foy Gentil-.homme de Moniteur de Poincy , s’y fit porter pour trou ver du foulagement à un mai de ratte,duquel enfin jl eft mort. le l’y accompagnay incontinent quantité de malades febricicans, hydropiques, &: perclus de leurs mem- bres, vinrent à moy de . tous les quartiers de Pille; lefquels au troiliéme ou quatrième baim,y receurent de grands (culage- mens. Mais côme ie n’auois ny linge, ny cafe,ny lits pour i es faire fuer, ie m’advifay de faire un grand trou , comme une barique , furune.petite plate-forme , visa vis delà grande JFontaine bouillante. Nous n’eufmes pas creufé trois pieds, que la terre fumoit tk: eftoit chaude comme du feu.Nousfif- .mes un petit Âjoupa , en forme de cloche pardeflus ce trou, dans lequel on faifoic fuer les malades tous les jours au ma- tin, autant qu’ils le pouvoientendurer , & le foir on les fai- foic baigner dans lajmare. La plufparts’en retournèrent au bout de huit iours chez eux fains & gaillards, &: tous les au* très extrêmement foulagejz. Plulieurs perfonnes travaillées dediverfes maladies, y onteftégueries. V.n jour ie.pris plai- .fit à faire, évaporer de cette eau dans un plat d étain, avec un feulent, laquelle eltant toute exhalée, il demeura au fond du plat , l’e.fpojffeu.r d’une füeillc de.papier, defoulphre vify auquel ayant mis le feu, il bmfla toutauifi toit. L’on trouve en plulieurs endroits de la Guadeloupe, plulieurs beaux eftangs , entre lefquels celuy de la pointe des vieux habitans me fem.ble exceller ; il a environ trenée ou 40. pas de large , &c plus de cinq cens de long il eftfort creux §L bien peuplé de poilfons , aufquels.il ne faut point faire de Des Antilles habitées paries François.. 23 faufTeavantquc de les cenirjcar ils font tres-difficilesàpren- dre. Les deux rives de cét eftang font bordées de certains grands arbres verdoyans, quiyfoncune perfpe&ive obfcu- re, tres-plaifante tres-agreable , &: qui fait allez paroiftre les avantages que la nature a pardeffus l’arc, quand elle le Veut jouer dans fes ouvrages. Voila coûtée queie puis dire des eaux douces, qui fe ren- contrent dans la terre habitée. Quant aux autres qui fe pourroient trouver en celle qui n’ellpas habitée,exceptc les trois rivierçsquifontfurlaCarte:cenefoncquc deseftangs ou des marefts d’eaux croupies , defquelles ie n’ay jamais beu qu’à contre- cœur. Et ie crois , bien que ie n’en aye iamais veu de mauvais effets, qu’elles font tres-dange- reufes, dautanc qu’il y aun fi grand nombre de Mancenilles autour de ces eftangs, que les eaux font toutes couvertes dé ces mauvaifes pommes qui tombent des arbres. Il faut conclure, en difant que cette Ifleeli fans contredit une de^plus peuplées de toutes les Ifles : les manufaftures defucre, d’indigo ; & de coton, s’y font avec autant d’vtilité, & d’abondance quedans toutes les autres Ifles: & ie m’é- tonne auec fujec, queie petun de cette Ifle foit fi décrié,- car- de mon temps il valloit plus queceluy de toutes les autres Ifles, il faut que ce foit la faute des habitans,qui ne veulent pas prendre la peine de le bien travailler. L’on m’afaicefperer de me donner les plans des forts qu’on y “a battis depuis mon départ; fi ie les ay, ie leur donneray pla- ce dans les figures que ie feray graver. Defcription de b JJle de la Martinique , habitée par Monfieur Defnambuc en 163$. §. 1 1 I. L A Martinique que les Sauvages nommoient Madanî- na } eftfituée à quatorze degrez trente minutes de La- 2/j. H ijloire Mature lie ticude Septentrionale : on luy donne communément feize lieues de longueur , & quarante- cinq de circuit : mais ces îieuës m’ont fëmblé fi longues , queiene crois pas luy faire tort de luy en donner au moins^dix- huit, de plus de cinquan- te de circuit, àcaufedes Caps qui s’avancent en quelques endroits deux 8e trois lieues dans la mer. Elle a les plus 'beaux Culs-de facs de toutes les Antilles , le fleur d’Oi ange qui les vifrta l’an 1657. lors que feu M 1 ' Du- parquêtfit la paix avec les Sauvages , aplufieurs foisafleuré au R. P. Fueillet, qui eftoit pour lors à la Martinique, qu'il fi’avoitrien veu dans ceux de la Guadeloupe , qui en appro- chât en beauté ôc bontéjquoy qu’il les eut crû luy -même les plus excellons qui fuilent dans les Ifles:mais depuis l’an 1658. que les.Erançois'Ont entièrement chafte les Sauvages de la Capfterre , ils en découvrent tous les jours les avantages & les beautez . Le pays y eft fort vny, 8c avec un peu de trav ail on a rendu lé chemin facile pour y aller. Madame la Generale du Parquet y a donné une place à n offre Ordre , fur laquelle nous avons uneEghfe, que le R. P. Jean de Boulogne Confacra à l’Apoftre faint Iacques, en mémoire des eftroitcs obligations quehous avons à feu Monfieur le General , Melfire Iacques Diel, Seigneur du- Parquet : ce bon Pere y fit baftir en mefme temps une Café à la mode du pays, .proche de laquelle les habicans 1e retires enc au commancement qu’ils furent en ce quartier. Nos Reli- gieux y eftoient feuls pour adminiffrer lesSacremens au peu* pie. M £ de la Garenne qui eftoit Capitaine d’une Compa- gnie^ Fort faïnt Pierre ,y commandoit fous la mefme quali- té , ayant elle choifi pour premier Capitaine , acaufe de (a grande expérience. Ces belles deferiptions que Monfieur de Rochefort nous }J fait de V allées 8c affreufes folitudes qu’on avoir tenu juf- J5 qu’alors pour un mur impénétrable , qui feparoic les terres ,, de ces deux Nations , font affez voir qu il en eft mal informé; car les F rançois 8e les Sauvages ont de tout teps pé- nétré , 8e pénétrent encore tous les jours dans les I fies habi- tées ces murs impénétrables , puifque nos François les ont Des Antilles habitées par les François. 2$ ■paffe pour leur porter la guerre jufques dans leurs Car- becs. Aux environs de ees Guîs-de Tac de là Cap-fterre , on voie en plufieurs endroits des langues de terre, oupeninfu- Jes, larges de demy lieue, &:qui avancent dans la mer environ une lieue, les unes plus, les autres moins;ce fera une commo- dité admirable pour nourrir . du bcftail , fi on les veut fer- mer. La Baffe-terre eft fort coupée de Mornes 8c de monta- gnes , fur lefquelles les habitans ne lailfent pas de demeurer, 8c d’y avoir de bonnes places., qui pour çftrc un peu incom- modes, leur produisent en recompenfe d’excellent pet un; on trouve en quelques endroits de petites plaines , & cer- tains cantons de pays plat,&: de tres-beaux fonds lç long des rivières, où les habitans font plus à leur aife que fur ces Mor- nes 8c montagnes.. j Prefquc tout le fol de cette Ifle eft graveleux , comme de la pierre de poce écrafée,&il eft fi fec, que la plufpart de ceux qui y arrivent de Fràce, en font ordinairement vn jugement fort contraire à la venté : car lors que la-terre eft une fois im- bibée delà ployé, lafraifcheur s’y conferve bien plus long- temps que dans une terre plus force , & tout, ce qui -s’y plan- te cftend fes racines plus loin , 6 c tire plus de nourri- ture. Bien qu’il y ayt des habitations prefque tout le long de la Bafte-cerre , elles le rapportent toutes à quatre quartiers principaux,» fçavoir le Prefcheur. , le Portfiint Pitrre y U Caibet , 8c. U Café pilote. Ienefçay fur quels mémoires Monfieurde Rochcforta écrit , mais iepnis afifeurer avec vérité comme témoin oculaire , qu’à ce prétendu quartier de la Café Capot, donc il parle , il n’y a ny fort , ny Eglife, ny poids^ ny maga- zins , ce que nous voyons dans tous les quatre autiEsoù il y a Paroifte , Corps de garde, magazins, 8c un lieu deftiné où on tient le poids. 11 met l'ijletdu. Diamant, entre la Café Pilote , 8c le Cnl-dt fac des Salines , au ft! bien que \e Crenage , qu’il place demcfme collé de ce Diamant. Ilri’avoic qu’àfe régler fur la carte, 8c il 2 6 Hijtoin Naturelle eût trouvé que le diamant eft proche d’une pointe , éloignée déplus de quatre grandes lieues àuCul-defàc des Salines :3C que le crenage eft dans 1 tCnl^de fac Royal ,a plus de fix lieues de laplace où il le met. Toute rifle eft : arroufée non de dix Rivières , comme eferit Monsieur deRochefort,mais de plus de quarante, dont l’eau eft excellente. Quelques-unes de ces rivières qui font à la Gap-fterre, font eftimées navigables fort avant dans les terres. Le quartier^ Fort faint Pierre eft' le principal' , il y a une aflez belle Eglife Parroiftiale dédiée aux faints Apoftres S. Pierre & faint Paul. A quelque cinquante pas del’Eglife eft la maifon des RR. Peres lefuites, leur Chapelle &c leur habi- tation, qui eft des plus belles del’Ifte, 3c fur laquelle on abâ* if le premier moulin à fucre. LeFort eft de bonne maflonnerie , il a quelque chofe de régulier, & une bonne batterie de neuf ou dix pièces de ca- non, partie de fonte, 3c partie de fer; cette batterie comman- de àlarade , qui eft excellente , excepté vers lemilieu, où il y a une roche au fond de la mer , qu’on ne peut décou- vrir , 3c qui couppe les Cables-, ft l’on, ne s'en donne de , .. I 'il à vis de la Rade eft noftre petite Chappelle , 3e noftre Gafe. Noftre habitation a cinquante pas de large, fur cinq censdehaut; à cinquante pas de nous chez lefieur Doran- ge, il y aune merueilleufe fontaine, qui jette inceflammenc dcleaudelagrofleur dupoulce , elle fort d’un Rocher qui eft au bas d’une haute montagne, l’eau eneft excellente; 3c. quoy qu’eftantfur laplace dudit fleur Dorange, elleluy ap- partienne fans femtude, il ala charité de la rendre commu* tfle pour l’utilité dû public. . ' Dans laplace du Fort il y a -un fort bel Auditoireoù on plaide , 3c où Monfieur le General Duparquet tenoitfon. Gonfeil une fois le mois. Il y a un poids Royal , 3c plufieurs - magazins bien baftis , qui compofent une efpece de bouiv grade. - -> i * . ïl y a plus de quinze ans que feu Monfieur le Gouverneur garde, Vis Des Antilles habitées par les François. 2 y & quitté 1 ePort faint Pierre, pour aller demeurer à trois quarts de lieuë plus haut, fur une agréable montagne , qu’il a fait défricher avec d’exceffives dépenfes.Il y afait baftir une fort belle maifon , qui d’abord n’eftoit que de charpente & de menuiferie : mais qu’il afaite depuis de forces pierres de tail- le, ayant découvert une carrière à trois cent pas de là. Cette maifon eh accompagnée de deux belles Cours, d’un grand Corps de garde , d’une Chapelle, 6c déroutes les offices qui peuvent rendre la maifon d’un Gouverneur commode & confiderable : environ à trente pas de fa maifon , il y a aux deux codez deux petits pavillons , dans Iefquels on fait gar- de toutes les nuits , & où il avoitauffi faicmetcrc une piè- ce de canon de fonte d’environ trois ou quatre livres de balle. Au quartier -af» Prefcheur, ( ainfi appellé à caufc , que vers ■cette pointe il y a une Roche en mer, fur laquelle on en voit une fécondé plus élevée, qui reprefente de loin la figure d’un Prédicateur en chaire ) eltla Parroiffie de faint Iofeph, que j’ay adminiftrée long- temps , à la prieredu R. P. Chemel Iefuite , qui nç pouvant fupporter luy feul le pefant fardeau de cette miffion, me pria d’avoir foin de ce quartier, pendant le fejour que ieferois dans l’Ifie, ce que ie fis avec bien delà joye. Ce quartier eft le plus montagneux del’Ifle, excepté un fonds de pays vny,où j'ay veu trois ou quatre aflez belles habitatios:ily aCorps de garde, magazins,& poids Royal. Le quartier duCarbet , ('qu’on appelle aufli quelquefois le quartier de ]Monfeur, parce que Monfieur Duparquet qui eftoit Gouverneur de cette Ifle y afait fa demeure ) eftaufliî •fort, bprné de montagnes-. -Il y paffe une fort belle riviere, qui fe (bparc dâs le fonds en.deux bras, qui .former une. petite Ifle, dans laquelle Monfieur Duparquet a.voit fait baftir pour luy une maifon de briques , il y a demeuré quelque temps: mais ayant pris la refolutiôn de demeurer au Port faint Fier* re , il en fit pçefent aux RR. Peçes lefuites , non pasdepuis deux ans , comme porte U Relation du fieux de Roehefbrt, mais depuis plus de dix-fept. Ce grand nombre d’Efclavcs noirs dont il parle/fe réduit à huit pu neuf : ces beaux jar- “ 20 Htfhire Naturelle 4c dins bordez, d. arbres fruiétiers^ & embellis ide toutes les rarecez ^ t » ’Ifle de la Tortue efl fituéefous le vingt-vniéme degré |dix minutes, au deçà de la ligne;ellc efl: au N ord de la des Antilles habitées par les François. 31 grand Ifle de faint Domingue , &: n’en eft éloignée que de crois quarts de lieue : cetadvantagen’eft pas peu confide- rable, à caufe des commoditez qa’elle en rire, particulie- remencpourles viandes , que les habitans des autres Ifles Ibnt contraints d’acheter des Marchands François &Holan- dois dans les magafîns : ou ceux qui habitent celle- cy, n'ont que ce petit trajet à faire, pour avoir des bœufs , des mou- tons, dcschevres&: des porcs, dont cette I fie eft toute rem- plie. ElJe eft nommée , parce que de loin le fommec des montagnes dont elle eft prefque toute remplie,reprefen- te la figure d’une Tortue. le ne trouve perfonne qui en ayt encorefaitla defeription jmaisj’apprends de Monfieur Hot- man,pere du Chevalier de Fontenay.qu’elle a plus de trente lieues de circuit. Elle a cinq ou fix licuës de pays , fort vny & fort agréable, ou les François fe font eftablis,, & y ont fait cette fortereffe eftiméela plus forte de toutes les Ifles Françoifes. Iel’avfi amplement décrite au §, i. du Chapitre 6. de la premiers Partie, que ie me contente de vous en donner icy le plan, tel que Monfieur Hotman a pris la peine de le tracer luy- mefme. Elleaplufîeurs beaux Havres, &; celuy qui eft commandé par le Fort eft fi fpacieux, qu’il peut contenir des hottes tres- confiderables. Le fol en eft excellent, &: tout ce qu’il produit a quelque avantage par deffus ce qui croift dans les autres Ifles. Son tabac eft autant eftiméparles Holandois, queceluy deF it/ V ifiKÏ’y Description de ï IJle de Marie Galande , habitée par tordre de Monfieur Hoüel en 1648 * V I I I. L A hauteur de cette Ifle eft fous le quinziefme degré quarante minutes au deçà de la ligne : elle eft à fepe lieues de la Guadeloupe, te au vent de toutes les Ifles habi- tées par les François , ce qui n’eft pas un petit avantage. Elle peut avoir fîx ou fept lieues de long , fur trois ou qua- tre de large , &: environ dix- fept ou dix-huit de circuit : elle paroift de loin toute plate , & comme fi c’eftoit une Ifle do- tante , les arbres femblentfloter : mais quand l’on range la coftedeprés , on découvre qu’elle eftfort coupée de peti- tes montagnes. Elle parut fi agréable aux Efpagnols, qu’ils la nommèrent Marie Galande ; l’on a cru fort long-temps qu’il n’y avoit point de rivières : mais depuis qu’eHeefl ha- bitée , il s’y en eft trouvé une très- belle & tres-bonne , le long de laquelle l’on a fait plufieurs belles habitations ; &: mcfme l’on m’a afleuré qu’il y a défia plufieurs belles fucre- ries. Toute l’Ifle eft habitable, parce que les montagnes ne font pas trop hautes. Ses arbres, fes plantes, &: fes animaux, font Semblables à ceux de toutes les autres Ifles ; l’on ne fçauroit donner une marque plus évidente de la bonté de cette terre, qu’en difant que les Sauvages l’ont toufiours fort eftimée:&S qu’encore qu’ils n’y euflent point de refidence actuelle , ils y ont pourtant toufiours entretenu de grands jardins pleins de vivres de coton; ils l’ont aufli courageufemenc deifenduc contre les Anglois,lors qu’ils s’en font voulu emparer. Toute la colle de la Baffeterre eft fi faine, &: a fi bon fond, que lesvaifleaux y peuvent mouiller l’ancre en toute feu- reté . E ij 36 Mïfloire Naturelle - Description de l’IJle de fainte Lucie s , ou fainte ■Aloujie,. habit é e par l'ordre deMonfieur Du - Parquet en l’année milftx cent cinquante , ou, il eftablit Gouverneur le. Sieur de Roulïe- lati, . §; i x. L A fituation de cette Ifle eft fous le treiziéme decrre chu quante minutes au Nord de la ligne équinoxiale : Son* ciicndue eft d environ vingt-cinq lieues de circuit, félon les : obfervations. que j en, ay fait les deux fois, que j’y ay> Son terroir eft graveleux , & prefque femblable à eeluv de la Mai unique : : 11 eft eltimé fort bon , & capable de tout* r qU Tn e ^ aUC T IfleS FeUUentproduire : Il y a au Nord de' cette Ifle deux hautes montagnes en forme de pain defucre qui s appellent pitons de fainte Aloujie , qui s’élèvent ,uf’ ques ^dans la moy ene région de l’air, & qu i la fontreconnoî- tic de fort loin mI femble lorsque l’on eft au pied de ces tdert g ”T ’ fur ceujfqui lel ref ™ fr ^-émeà.ceuxquin> me,fc kMarti - Il y en aune efpeccque l’on nomme telle de chien , à eau- fe que leur telle a quelque rapport àcelle de cét animal ,• ü 3 . “S pTsfffuÛ qWC ? me ?fT 1CS aUtteS) maisle ^ venin f fl pas 11 fubnl > «y fi mal finfant , que celuy des ferpens de • a Martini quejmais les piqueures desScorpiôs quisV „ou- aent en abnndance font plusde mal, & font pli^s difficiles ài Des Antilles habitées fa r les François. 3 7 guérir ; il y aplufieurs belles rivières , donc les eaux font ex- cellences. M l Du-Pàrquecy fitbaftirunFortdepalliflades, où il fie mettre du canon, &C quelques ranbarges ou pièces de fonte; il eftoit fitué à la pointe du Sud, fur une Baye qui faifoit une très- belle &c très- bonne rade. le le vis en l’année i6y6.peut- eftre queles chofes ont changé depuis ce temps-là» M r du- Parquetn’y entretenoic que vingt hommes au plus , pour empefeher les Anglois de s’en emparer» Defcriftion de l'IJle de fainte Croix, conquifefar le fieurde V ' augal an, en l'année 16 50. fous Mon- sieur de Poincj > qui y mit le Jieur Augé four Gouverneur. §•■ X. L ’Iile de fainte Croix; que les anciens Sauvages nom-* moieatjîj-ay t eftfituée félon Laët fous le dix lëptief- me degré &: quinze minutes au deçà delà ligne , & félon quelques autres fous le dix-huitielme degré ; elleeft à dix' ou douze lieuës de faint lean de Porterie auSudeft , &c à' trente lieues del’Iflede faint Chriftophe. Le fieur de Ro- chefort ne luy donne que neuf ou dix lieuës de long,& pref- que autant de large : mais la Relation qui a efté imprimée à Paris depuis qu elle eft conquife, dit en termes exprès, que 1 Ton y en peuefaire vingt-deux en droite ligne, exceptant cc les extremitez : outre quefi elleauoit autant de largeque de long , elle feroit ronde ouquarée; 5c tous les Géogra- phes la font quatre fois plus longue que large. Cettemefme Relation afleure aufii qu'elle eft la plus vnie de toutes celles' que nous poftedons,&parconfequentlaplus belle & la plus agreable,apres la Guadeloupe 2c la Martinique. £ iii • lfl‘1 (K-: i -'à Hijloire Naturelle - Tonte la terre de cette Ille eft excellent* , Sa tout ce qui croill dans les autres Mes y vient en abondance. 11 y a un très-grand nombre de belles rivières & fontai- nes qui coulent à lamer : mais comme cette Ilîeeft placer leseaux n’ayant pas allez de pente , il fe forme aux embou- che ui es des rivières de fort beaux Sa. grads eftangs tres-poif- fonneux, qui dans certaines faifons rendent Fille mal faine ! • î /i _ . - /-* î par les vapeurs qui s’en élevent : Sc il ne faut point cherchée d’autre raifon de l’impureté de l’air de cette Ille , quiafaic tant périr de monde , aulli bien que de la corruption des eaux, qui ne pouvant pas couler aifémentà la met , crou- pilfent dans les lieux où elles font retenues , & fe corrom- pent &en fuite exhallentdesvapeurs qui infeélent l’air , Sc les perfonnes qui le refpirent. , Si les beaux ports rendent une terre confiderablc , celle- cy en a trois où les vailfeaux fe peuvent arrefter en toute feureté : il y en a deux à la bande du Nord, Sa un à la Lande du midy ; le premier du cofté du Nord eft celuy qui fe nomme le port de faint Ican , qui eft beau Sa fpacieux; mais le fécond qui eft à Femboucheure delariviere falée, diftant de trois lieues de ce premier , excelle par delfusles deux autres : car les vailfeaux de cent Sa fix vingt tonneaux peuvent monter jufques aune demy lieue dans larivicre, &Ia Rade qui eft à Femboucheure eft h fpacieufe, que cinq cens des plus grands vailfeaux du monde y peuvent te- nir à-lanchre, fans s’incommoder l’un l’autre : outre que le fonds de cette Rade eftant de fable pur , fous le- quel il y a du potin , les anchresy ont une tres-bonne tc- neure. Le troifiefme port qui eft du cofté du midy, eft encore un tres-beau port , qui a un fort bon fond , Sa eft alfez fpacieux pour contenir un très-grand nombre de navires : mais com- me il y a peu d’habitations en ce quartier Ü , il eft fort peu frequente. r Il m’eft tombé entre les mains un eftat de toutes les Illes appartenantes à Meftieurs les Chevaliers de Malte, envoyé depuis trois ans à Moniteur le Commandeur de Souvré Des Antilles habitées far les François. 3 p Ambaffadcur de cette Religion à la Cour de Fiance, dans lequel il eft ainfiparlédel’Ifledcfainte Croix. A dix- huit lieuëS de S , Martin eft la belle Ifle de fainte 11 Croix, apres la Geomayque la plus belle & la plus grande “ de toutes les Isles habitées par les François & Anglois dans" l’Amerique. 11 y auoit lors du decez de Monfieur le Bailhf" de Poincy, environ 600. hommes &: 8 Nègres fur la place," n’ayant pas pu rencontrer le rolle de cette année là: A pre- " fentilya8zi. perfonnes , dont40o r font payans droits, lef-“ quels droits fe monter à 47000. 1. de tabac par an, dont leS lce du Bois^comme Commandant ale tiers. Et lors que l’Isle “ s’augmentera bien confiderablement , on le pourra régler à" tàtrannée.Depuisleditdecezûl a efté bàty fur la place de" l'ordre unemaifon bien raifonnable de bonne maçonne-* ‘ rie pour la demeure du Commandant, & une fucrerie ^4. " chaudières avec fes appartenances , cômrae vinaigrerie &c " reftnerie, fournie de beftail,fcauoir,i:}. chevaux ou cavalles," quatorze bœufs ou vaches , quatre brebisrll yaaufli trente " Ncgres tant grands que petits, dont 19. ont efté envoyés <* en cette Isle de faint Chriftophe depuis deux ans &c huit " mois : ladite fucrerie eftoit loüée au fieur du Bois pour"* 30000. livres de fucrej il eft v ray qu’il luy fut donné vingt " François engagez , mais pour luy ayderà fupporterladé-** pence qu’un Commandeur eft obligé de faire la moitié du *« prix dudit bail luy a efté rabatüe] : Il s’y va baftir vingt fu-" creries par des particuliers,qui ont planté des cannes pour « cet effet, dont les RR. PP. Iacobins qui ont efté eftablis“ pour fervir cette Isle en ont une : ce fera la fleur de toutes " les Isles Françoifes, avant 8.0» dix années, pourveu qu’on achetée des Sauvages far Monfieur DuParquet , & feu- fiée en /* annee 1651. far le fieur le Comte fon Coufen. §. X I. L A fituation de cette Ifte eft au douziefme degré feize minutes de la ligne, tiranc vers le Nord:c’eft la premiè- re qui commence du collé du midy, le demy cercle des An- tilles Canibales ouCamercanes , quelques uns ne luy don- nent que fept lieues fur une largeur inégale : mais lors que j’en ay fait le tour, elle m’afemblé un tiers plus grande que celle de faint Cbriftophe , Tes extremitez entre le midy & le Couchant font une forme de Ooilfant:&: derrière la pre- mière pointe du cofté du Nord efteette belle Baye , l’une des belles & bonnes rades des Mes : Dans le coin eft le port capable de tenir un très-grand nombre de Navires , qui n'ont point befoin de mouiller l’anchre , pouvant y eftre ar- reftez parles feuls grapins? j’ay fait fonder ce Havre par tout en ma prefence , &: l’ay trouvé fort fain,de bon fonds & fans aucune roche. Il y a,à ce cofté du Havre un fort bel eftang , qui n’en eft feparé que par une digue de fable, laquelle elîant coupée, ce qui fe peut faire avec peu de travail , cet eftang pourroit contenir autant de Navires que le havre. Tout e refte de là Balfeterre a bon fonds , & les Navires y peuvent moüillef leurs anchres en toute feureté. Son terroir eft fort coupé de montagnes du cofté de la Balfeterre, &: particulièrement proche du havre; en quel- ques endroits la terreyeftfeiche, &: pleine de petites pier- res, qui Marcafotes > mais tout le refte del’Ifle eft Des Antilles habitées par les François. 4 / eftun très beau païs&tres-fertile:où les arbres croisent plus hauts & plus gros, que dans tous les autres lfles:&: quoy que la terre foit un peu coupée par les rivières & les monta- gnes, je crois pourtant que les chevaux &: les charettes iront par tout lorsqu’elle fera découverte. L’on ne fçauroit faire une lieue de chemin dedans cette Ifle,que l’on ne troime,une, deux,&: quelquefois trois riviè- res, ou fontaines d’eau vive, coulantes à la mer , fi /ce n’eft vers le quartier des faliness oùleshabitansquis’y font pla- cez ont fait des puits ,dont l’eau n’eft pas mauvaife. La chafle&la pefche de cette Ifle vaut mieux que celle de toutes les autres ;& c’eft une chofeeftonnante de voir la quantité de gibier, de Lamentins, de Tortues , & de toute forte de poiflon qui s’y rencontre : il y a aufli une grande quantité d’armady les, dont la viande vaut celle du cochon de lait, & une autre forte, d’animal appelle 1 Manitou, dont je parleray ailleurs. Le Fort que j’y tr.ouvay çn l’année 1 6 $ 6 . n’eftoit qu’vn grand pavillon quarré fait de charpente,& clos de planches, environné à S. ou dix pieds de diftançe d'une palliflade , de gros pieux fichez enterre bien chevillez, aveeplufieurs pièces de canon. Il y a voit une Eglifebaftieà la mode du pays, un de nos Peres nommé Bénin Brelfon /Docteur en Théologie, faifoit les fondions de Miflionaire. i II y avoir en ce téps-là trois cens perfonnes commandées parlefieur de Vauminier. Prefque toutes les cafés deshabi- tans eftoient autant de petits forts de charpcnte,capables de refifter aux incujrfiqns des Sauvages. Il y a au Nord dé cette Ifle dix ou douze petits iflets , que l’on nomme Grenadins , fans y comprendre Bequia y que M r de Poincy conteftoit à M 1 ' Doparquet , qui la mettoit au nombre des Grenadins. La plus belle de toutes ees petites eft. K ayry ouacou, où j’ay arrefté aflez long- temps, pour en remarquer les particu- larités C’eft une très- belle & bonne Ifle, capable de foufte- F 4 '£ Histoire Naturelle nir une colonie, elle a environ huit ou neuflieiies de circuit, &: à la bande du Nord elle a une tres-bellc Baye en derrry rond,ar terre dans Leurs caroffes:D’où vient. qu’allant a.ux Indes, on ne cüeille que des rofes,dont les epines fefont cruellement fentir au retour. ;La fécondé chofe remarquable eft , qu’au deçà des Cana- ries jufqu aux Indes , on voit des troupes de petits poilfons voler en bande , comme des alouettes, aux environs des nr~ vires : Mais comme ie me referve à en traiter bien au long dans le traité des poifidns , j’y renvoyé le Ledeur pour en voir L.a defeription , &la chafie que leur donnent les Dora- des & les oyfeanx. La troifiéme chofe , eft une couftume autant ancienne qu elle eft ridicule & plaifante , qui fe pratique à l’endroit de ceux qui font de longs voyages fur mer. C’eft qu’arri- vant fous la ligne du Tropique du cancer(où deux fois l’an- nee on a le Soleil verticalement oppofe , Tans qu’à midy il puiife faire ombre a. une chofe droite, ) .Onfait de grands préparatifs , comme pour célébrer quelque fefte, ou pluftoft quelque Baccanale. Tous les officiers du navire s’habillent le plus grotefquement, &Je plus boufonnement qu’ils peu- vent. La pl ufpart font armez detridçnts , de harpons , &: d’autres inftrumens de marine : Les autres courent aux pol- ies , broches, chaudrons , lefehefrites, & feinblables vften- fi.llps de cuifine j ils. fe. barbouillent le vifage avec le noir Des Antilles habitées par les François. 4 y Qu’ils prennent au deffious des marmites , & Te rendent fi hi- deux 8c fi laids , qu’on lesedimeroit de véritables Démons. Le Pilote les met tous en rang , & marche à la telle, tenant d’une main une petite carte marine , &c de l’autre un Aftro- labe,ou bafton de Iacob, qui font les marques de fa dignité. Cependant, les tambours & les trompetes Tonnent en gran- de allegrefle, 8c cette boufonne compagnie trellaut de joye, pendant que ceux qui n’ont pas encore pâlie le tropique , Te dépouillent & fedifpofent à ellre baignez : elle fait deux ou trois tours en ce mafearade équipage , apres lefquels lç Pilote prend feancc fur la dunette, d’où il depéche inconti- nent d^ux de fes officiers , habiller comme ie Tay décrie, vers le plus apparent de ceux qui doivent ellrelauez ; & le contraignent &c tous les autres pareillement, à venir prcfler ferment iur la carte , qu’ils feront obferver les mefmes cho- fèsà ceux qui paieront en leur compagniejee qu’ayant tous juré, on leur fait promettre de donner quelque aumône aux pauvres , 8c de contribuerà la bonne chere de deux jours* par quelque bouteille de vin , langue de bœuf, jambon , ou autres raffraifchiffemens. Ce qu’eftant fait, on commence a baigner. Nous fufmes traitiez fort courtoifement , 8c avec plus de civilité que nous n’en attendions de gens de mer , ils nous verferent feulement un verre d’eau fur la telle : mais tous les autres paffiagers, hommes, femmes, 8c enfans, furent tant lavez , qu’en vérité ils me faifoient pitié. On les plon- geoir trois ou quatre fois dans de grandes cuves pleines d’eau de mer , où on les lailToitaffiez de temps pour y perdre l’haleine : Au fortir de là, on leur jettoit une telle quantité d’eau fur la telle , qu’ils elloient un quart-d’heure fans fc pouvoir reconnoidre; les petits garçons de huit ou neuf ans eftoient mis fous de grandes mannes d’ozier fort clair , fur lefquelles deux matelots jettoient autant d’eau qu’ils en pouvoient puifer en l’efpace d'un Miferere , pendant lequel la frayeur les faifoit crier , comme lion les eût écorchez tous vifs : Enfin toute cette ceremonie fe termine par des réjoüif- fances 8c4cs débauches exceffives* 4 / Ri [faire Naturelle le me fuis fort curieufement enquis de plufieurs gens de marine , pour apprendre quelque chofe de l’inflitution de cette ceremonie , fans en auoir jamais pu tirer une bonne raifon. Les Holandois tiennent, que c'eft pour fe garen- tir de plufieurs maladies , qu’on .pourrait contrader par ce grand changement de climat : c’eft pourquoy ils fe baignen t prefque tous dans la mer, tant ceux qui y ont défia paffé,que les autres. Mais cette raifon me fcmble fort foible ; puis qu’il n’eft pas vray que ceux qui ne fe baignent point foienc plus incommodez que les autres : mon fentimenteft, que cela vient de ce que ceux qui.furent affez hardis pour pouf- fer leurs voiles jufques dans les ;Zones torrides , quijuf- ques alors avoientejfté tenues par faine Auguftin , &: beau- coup d’autres pour inhabitables , fe voyans entrer comme dans un autre monde firent une forte d'allufion au baptef- me , que l’on donne aux Chrçftiens apres leur naiflance ; 8c en effet on fe fert encore du mot de baptifer fous le tropic, pour exprimer cette. ceremonie. Apres quenous epfmes vogué affez heureufemçnt l’efpa- ce de i. mois, fans avoir pris terre en aucun endroit, & fans voir d’autre Ifle que celle de la Palme , nous apperceufmes Fifie de la Martinique. le ne vous fçaurois exprimer la joye que receurent alors tous nos paffagers : à ce fèul mot de ter- re tous les malades fortirentdu fond du vaiffeau , comme des morts qui refufeitent de leurs tombeaux : ceux qui une heure auparavant n’éuffent pas levé la tefte pour prendre un bouillon , montoient allègrement à la hune, afin de voit la terre, qu’ils defiroient comme un louvcrain bien, & le ter, n\e où fe dévoyent terminer tous les maux du voyagede Ca- pitaine abandonna les eaux, defquelles on avoir eu à grande peiqe dequoy fe rafraifçhir la bouche tout le long du che- min', 8c toutes puantes qu’elles eftoient,on ne laiffa pas d’en faire débauche. La terre.ayant eftébien reconnue on chanta le TeDeum^ en a&ion de grâce , &: incontinent tous les paffagers fe mi- rent a faire voler toutes les vieilles guenilles delà traverfee, plus dru que mouches danslamer, en fuite à fepeigner, ? ' r fe Des Antilles habitées par les François. ^ $ fc laver , Ce polir 3 s’ajufter , &: faire parade de tout et qu’ils avoient de plus beau pour aller à terre , comme s’ils euffent elle aux nopces , & l’on vit , ôc cela fe void en tous les voya- ges, un hofpital changé en une cour, &: une troupe de gueux en apparence, ennoblis en un moment. Apres avoir moüillé l’ancre, nous fufmes vifiter Monfleur du- Parquet, Gouverneur de la Martinique rendre grâ- ces à Dieu dans fa petite Chapelle , bailie à la mode du pays , c’efl à dire , de fourches & de rofeaux : il nous receut aulft bien que tous les paffagers, fort courtoifement, & nous régala tous avec toute la magnificence pofïible, pour lors, dans le pays ; les mets efloient des tortues, des lezars, Sc plu- . fleurs fortes de poiffons , pour nous qui faifions maigre, &: de volailles d’indes ôc communes ; &c de perroquets , aras , ra- miers,tourterelles, & ortolas pour cous les autres, •& tout ce- la efloit li agréablement diverfidé, qu’il y avoit dequoy trai- ter unPrincede delTercfutcompofé des fruits les plus exquis du pays. Âpres trois jours de repos de rafraifehiffement, que les miferes du pafïe nous avoient fait gonfler comme un pe- tit paradis,nousfifmes voile pour la Guadcloupe:en paffant par l’ifle de la Dominique , nous fûmes arrcflez par un cal- me affez ordinaire au deffous du vent de cette I de , àcaufe de fes hautes montagnes : on vit incontinent plufieurs poif- fonsmonflrueux d’une grandeur prodigieufe : les matelots dirent aufli-tofl que c’eftoicnt des requiems , & coururent promptement aux tridents , aux harpons au xgaj/es , inflru- tnens propres àlapcche de femblables animaux , ils leur jet- terencaufll des hameçons proportionez à leur gradeur, cou- verts de grandes pièces de lard, ôc cette invention leur reüf- fit;car d’abord ils # en prirent fept, mais le huitiefme nous mit tous au repentir de luy avoir jette l’hameçon ; car apres que dix hommes fe furent long-temps efforcez fur un palan de navire pour le tirer hors de l’eau, il leur fut impoffi ble, Sc lesplus forts furent contraints de leurayder&: de leur prê- ter la main ; il ne fut pas pluflofl fur le tillac, qu’il commen- ça à fraper û rudement de fa queue , que l’on craignoit avec 5° Ht (loir ê Naturelle fu jet -qu’il ne l’énfondraft , & il l’autoit fait/âns un matelot qui le trapa Ci à propos d’une hache de charpentier , proche de la queue qu’il luy coupa les vertebres,aufquels confifte la roroe de cet animal ; Ce Tentant frapé il Ce mit à fouffler & à écumer comme un taureau enragé, ouvrant une geule capa^ ble d’engloutir un homme tout entier , . & qui faifoicvoir quatre rangs d horribles dentsjmais j’en feray ailleurs la def- cription. Pendant que nous eftions occupez à cette pèche, il Te leva un petit vent, qui en fix heures termina noftfe voyage, & nous mit à la Guadeloupe. & De mes retours en France. ^ & I l> Yf Es affaires de noftrë miffion ayant obligé nos Sûpe^ ^^rieurs d envoyer quelqu’un de nos Religieux en Fran- ce-, ie fus choilîpour ce fuiet , & dans ce deffein iepaffayù Taint Chriftophepour y prendre unvaiffeau; où ayancellé ttes bien rèceu de Monfieur le General de Poincy , il me fie encore la fàueur de me donner paffage , dans une petite fré- gate qu’il y envoyoït , fous la conduite du Capitaine des Parquets , excellent homme de mer. Nous filmes voile le -quatorzième d’Avril i^i.fur les trois heures apres midy, au bruit du canonde tous les vaiffeaux qui eftoient à la rade; donc les Capitaines n’épargnerent rien pour témoigner leur complaifance à Monfieur de Poincy-, qui efioit fur la rive. Sur les huit heures du foir , il fè fit urle grande éclÿpfede Lune, qui donna de l’effroy à plufieürs des noltres,&: le Pilo-‘ lemefmeentiroitdetres-finfftres confequences. Cette fregaten’eftoit qu’tin petit navire de cinquante cü fdixante ton eaux, mais l’un des meilleurs voilliers de lsuaert Des Antilles habitées par les François. jr t iî eftoit pourtant fi vieil, que plufieurs 1 ellimoient incapable de faire le voy age; Si peut-elire que c elloit ce qui failoit ti- rer ces confequences funeltes. Nous débouquâmes allez heureufeiment , Si apres avoir vogué jufques au z8. du melme mois , toufiours a vent contraire, élevant le- plus que nous pouvions vers le Nord, pour rencontrer les vents que nous appelions d aval , nous nous trouvâmes fous la hauteur de la ‘vermude , qui eft au trente- quatrième du Nord de la ligne , 1 endroit le plus re- douté par les mariniers , à caufe des horribles tempeftes qui y font ordinaires. Nous eufmes ce iour la trois ou quatre heures de calme , & un ventd Oiieft ayant commence tout d’un coup à nousfouffleren poupe , nous faifoitefperer que latraverféeferoitheureufe , mais dés lanuitle calmenous ayant repris, le Ciel devint obfcur , Si femit a eclairer fi fort, qu’on ne voyoitque J du mort , excepté crois Porcu- fuffi u hp ” mescn fe de marine, & fans lelquclsnous ™ llê f “‘ s Çfy °" déchargea le navire de coût ce itune^i rU ',’ ' Uf<î “ a |ctcer dcux P^ eces decanon , &la cha- loupe dans la mer : mais la cempefte augmentant de mo- r„r n " ™ 7 at > Cl CCrÛE Point » qu’il ne me touv ; ent pas d en avoit ,ama.s veu une fenbkble. Vn de an es lef'^'n CtlnC , C P J(C de 18. heures au gouvernai!, donna^r S Ea “ tabbatu da “»«*, « fuccomba , & en ou cou! d hâr?e 1 J la : & a “ me f™einftant un fermât,, dmk Tf,! donnantconcre 1 arneredu navire , enfoui t all r C ‘ ‘'“‘“'bre, rompre le gouvernatl en deux pièces , & h, nef par d e ffus leoavlr ^l'em P lic& le comblad’eau; donc mer a y anc arreile tout couicencrê deux ondes de ' mer , hautes comme des montagnes ; celle qui la fuivoic en * queue* le devrait infailliblement engloutir. ’ le ne me flûte point , maisdans la connoiffanceque i’av démons"’ “ bumainemenr parlant, nous ne deuions pas demeurer un momentfur l’eau ■: Fav imputé faits à 1 Vainr * V œUX n <-° US aV ‘° nS tous vn mimement • aies a 1, faince Vierge le mefmeiour au matin. Cependant les matelots qui ciblent à demy-morcs ( car c’eftoit le troll fiente tour que nouspair.mis fans- boite /fans manger l f/ns <î«' d ^ ^ *««»„<>„* la n, î des P* rfon »es qui àgonifènt, contre ‘ L lamais iene vis de plus prompts & de plus fervens * ZZ™LT f " m ° menCi les hdms bans ^ cordages du g an d malt , fu renc mis en pièces , & un Charpen tier, adroit h cran î S <ÏT n ’. en tr ° ,S ou< l lur,< -’eonrî de haches jetta e " combant tompit& empor- J, V > e maft d artimon. Le navire eilint déchargé d I in fi grand fardeau, commença à fe foulever, à voguer &- eltre le jouer des flots , comme i lavoir die auparavant ’ Il efllvray que par bon-heure JeTHIac eftant bien efc/ché ileiittafdrcpeu d’eau dans le fond de cale , fi bien quenoS» •• Ÿ Des Antilles habitées par les François . 5 3 eûmes letemps de la vüider toute avec des féaux. On ra- commoda en fuite avec beaucoup de peine le gouvernail, le mieux qu il fur poflible , ■ l'on ne fçauroic dire combien v» mettUtre , c’eft à dire , un demy -blanc, fervic en cetee ren- contre : car il fe fie lier '& devalfer avec une corde par l’arrié- ré du navire jufqu’au gouvernail; & lors que les vagues ve* noient à fi apèr contre le vaiffeau il fe roidilfoit , appuyant fés pieds contre les planches , & prefentant la tefte il laiftoic pafler la lame par deffusluy , & quelquefois par deflus le navire ; &; aufti-toft prenantun coup d’eau de vie, il conti- nuoitfon travail. Celafàit , chacun prit courage, &fere- folut de refifter jufqu’à la fin,&;de fe roidir contre la mort, les périls & les defaftres, dans lefquels nous eftions comme en- fevelis : & dés-là, il n’y eut plus de pareffeüx danslevaif- fèaiijles malades qui fembloicnt avoir la mort fur les lèvres, eftoïent des premiers au travail , & un coup de fifletfaifoit courir trente hommes où il n’en falloir qu’un : cette dili- gence nous fervic infinimenc, car quoy que la tempeile con- tinuât avec la mefme violence jufqu’au lendemain matin, nous ne receûmes aucun coup de mér qui paftaft par defTus le navire. La mefme nuicH’air devint ferefn , &: l’on vitdes Eftoi- Ics, ce qui nou$ confola merveilleufementjcar c’eft une ma- xime infaillible des Pilotes, que lors qu’on voit des eftoiles la nui cl, on voir infailliblement le Soleil le iour fuivant. Le matin le vent s’appaifa tout à coup , fe mit a 1 Olieft , qui eftoitle vent propre pour faire noftre route : mais comme les ondes qui ayoient eftè exceftivement emeuës par le vent de Nord, rouloienc encore groffes & hautes comme des mon- tagnes , avec impetuofité contre lèvent , le navire fe prit \ tanguer , c’eft à dite , heurter fi rudement à la renconcre des ondes, qu’à tous moniens nous eftions dansl apprehen- fion qu’il fe feparaft en deux pièces, &: que nous trouvallions dans le beau temps , le naufrage que nous avions heureufe- ment échapé au plus fort delatempefte. Cela dura environ fix heures , apreslehjuelles tout s’appaifa. G iij • $4- ' Hifiolre Naturelle Or comme ie ne diray rien de mon fécond retour en Fran- ce , il faut que ie mette içy deux chofes cres-remarquables qui nous arrivèrent au mefrne endroit , où nous avions efté li mai menez de la tempefte. La première , c’eft qu’un iour quela chaleur gvoiteitéexceffive, nous vifmçs fur les -trois heures apres midy ,, comme aux quane coins de l’horizon quatre grolles nues, efpaiftes & fort obfcu tes, lelquelles jet-’ toienc Feu & flammes de cous collez , & dans chacune d’i. celles grondoit un tonnerre difFerent. Touces quacremon- toient vers le Zenic, comme, pou H ees par quatre vents con- traires , & en montant entreprenoient toute la hauteur de L horizon. Dieu fçaitde quelle apprehenfion j.çftois alors laili ,• quoy qqe ie n’en fifte aucun femblanc, iem’attendois , non gvoir pas, meilleur marché que la première Fois, nous n eufmes pourcant que la peur. La nuityenuë , lesquatre nues & ,le.s quatre tonnerres s’en treioignirenc, & des quatre n’en firent qu’jan , qui Faifoit autant de bruü.fout fçul , que tous les quatre enfemble. Sur les dix heures., le tonnerre fe pne à éclater effroyablement dix ou douze coups de Fuite à la fin defquels il tomba dans noftre navjre , coupa la ^anie voile en deux pièces par le travers, brifa quelques cordages, &>pafîa Fans Faire tort a perfonne, laiftant pourcant apres & fov une.odeur de foufl're fi infefte^qu ebefaifoicbondir le cœur. Cela paffé nous continuâmes qôtre route avec quelques m. très œmpeftes , desquelles iene diray rien ^puifquejfeftune çhofe ordinaire dans le retour des Indes. Ce n’ell pas qu’il n’y ay teu des équipages affez heureux pour au.o,r eu du beau - temps , & paffé à la veuë de la Vermu- Fans avoir eu aucune tempefte, cela eftneantmoins ordi- naire ; ^ Monfieur JFfotman m’a dit qu’en ce mefrne lieu le vaijïeau où il eftoiefut batu d’une Femblable tempefte V que le vent avoir quelque çhofe de fi veneneux,que les veux leurs enfterene gros comme des œufs , qui Fembloient deux apoftumes qui leur fortoient de la telle ; & que le pus mef- me qui en couloir avoit une odeur tres-infeébe & tres- puante. - \ ‘l '' ’ ' ’ - ' : : " - ;La fçconde , c eft qu au melme endroit, apres cette rude des JnîilleS'hahitks par ks' François. jj ' térhpefte, là mer edànc devenue calme, ellenous parut plus terrible que durant l’orage : car nous lavifmes couverte d’herbe comme un pré à demy noyé ; de (orte, que le navi- re avoir de la peine à avancer , à caufede la grande quan- tité de ce$ herbes qui s’amaflbient au devant du Beau pré. Cela nous dura plus de 50 . lieuë’s.' le ne diray rien davanta- ge de cette herbe, parce que j’en parleray eh Ton lieu fous le nom de Sargujjo. le ne veux pas aulïl omettre une remarque , qui nie fem- ble a/fez curieufe , c’ell que durant toute cette grande: traverféè de dik-huit cens lieues , il ne fe palfâ pas uil feut jour que iene vifl'e desoyfeaux : car depuis les 1 lies Ca- nibales , jufqties au trente-lix ou trente- fep tienne degré, l’on voit touhours certains oyfeaux àppellez , 6C Fous , &: une efpece de Mauve , que l’on nomme Fefiu-en- cul : quelques - uns l’appellent oyfeau du tropic , parce qu’il ne fe voit guere^qu’entre les deux tropics : &: depuis là lufques à cent lieues des terres de l’Europe , il y a des Arondeilcs marines qui fe voyent tous les jours , 5c qui font un prefage de tempefle , lors qu’elles paroiffent en grand nombre, à l'arriéré du navire proche du gouvernail, que ques autres les nomment Aidons : fi. toit que I on ap- proche des terres de l’Europe, l’on commence à voir des oy- féaux de proye, des Aloüettes, des Chardonnerets,&: autres femblàbies , qui eltans emportez parles vents perdent la veuë de la terre , & font contrains de fe venir percher fur les malts & fur les cordages des navires. Retournons chercher noftre pauvre Fregate , qui n’a en- core fait que cinq cens beuës , 5i ell à treize cens lieues ' du po t où elle doit arriver. Cependant defmaftée de deux malts, toute brüée de coups de mer, un gouvernail rom- pu , qui ne tient qu’à deux méchantes planches chevil- lées : Nous voila tous dans une grande perp,exité , dere- lâcher aux Ifles, il y a cinq Cens licuës , & le vent ell con- traire i d’aller à Madere , on fp détourne de deux cens lieues : Neantmoins tous les pafiagers, qui apres une fi ru- Hiftoire Naturelle defecoufie de mer , ne demandoient que la terre , crioiene tous d’une voix qu’il falloir aller à Madere , parce qu’il y avoir trop peu de vivres dans le navire , pour aller juf- qu ’en France avec un malt. Mais le Capitaine qui crai- gnoic que tout fon monde ne le quittait , le refolut de pluftoft périr en mer, que de prendre terre en aucun lieu. Nous avions fauve de noftre dçbris , la grande vergue du -grandmaft , de laquelle on ft un mafe , fur lequel on ajufta au mieux que l’on puft une grande voile , qui fans doute nous aurait beaucoup fervy , n’eut efté qu’à trois jours dé là , un tourbillon de vent prit lemaft , la voile .& les cor- dages ,8c les emporta dans la mer. Ce tourbillon fut fuiuy d’une autre cempefte non pas fi violente que la première, ny de lî longue durée ; mais qui nelaiffa pas de nous donner bien de la peine. Enfin, nous achevafmesnqftre voyage, qui dura en tout quarante-deux jours , pendant lefqüels nous experimen- tafmes tant de maux, &: fifmes des jeûnes fi rigides, qu’à noftre arrivée , les habitàns de la Rochelle virent dans nos perfonnes de vives images de leur anciennemifere:car nous n’avions que la peau fur les os , le plus fort d’entre nous avoir de la peine à fe fouftenir , dix ou douze moururent peu de temps apres. Second Des Antilles habite es par les François. '57 Second voyagé aux Antilles * & descente en l'JJle de Madere . - I I I. L E s affaires que j’eftois venu traiter à Paris eftant expé- diées,fen partis avec le P. Armandde la Paix au mois de Deûembre 164a. pour aller à Dieppe où apres avoir at- tendu le vent prez de trois mois , nous nous embarquâmes dans le me fme navire, qui m’avoit mené la première fois , & jfifmcs voile vers la fin du mois de Mars; mais le vents’eftant changé trois jours apres, nous fuîmes obligés de relâcher au Havre , d'où eftans partis le lendemain, nous fifmes une navigation affez heureufe durant quinze jours , jufqu’à la hauteurdu cap déFiner terre fur les mers d’E(pagne,où nous rencontrâmes treize navires Turcs , qui nous ayant donné lachaffc durantiroisEeures , un grand brouillards accom- pagné d’un vent impétueux, nous fepara fi bien de ces Cor- laires , que t nousnelcsrcvifmes plus : nous continuâmes noftre voyage , &C au bout d’vn mois ou environ, nous defeendîmes à Fonzal , la ville Capitale & le fiege Epif- copal de l’Ifie de Madère , l’une des Canaries , fituée au 34. degré aunord de la ligne. L’Evêque qui gouvernoit lors cette Eglife , &c que l’on di- foit parent du Roy de Portugal , ayant apris noftre arrivée, nous envoya le filsduConful des François, avec deux offi- ciers de fa maifon, pour nous inviter devenir dâs fon Palais Epifcopal, Nous receûmes cette civilité de la maniéré qu’il falloir , & leur témoignâmesque nous eftions dans l’impa- tience de nous acquitcr de nos devoirs , & que nous n’at- tendions qu’apres deux PP. Iefuitcs, qui en qualité d’in- quifitcurs dévoient faire quelque vifite dans le Navi<* H $$ Hiftoire Naturelle' rc , avant que l’on defeendift à terre. Ils y vinrent prrcfqu’en mefme temps , &noftre“Ca dont iepaileray tout maintenant. Pendant les trois ou quatre jours que nous dcmeurafmes dans cette Me , tous nos pafiagers firent débauche des vins les plus forts &: les phis délicieux du monde , que cette ifle produit, &: s’échauferent fi bien le fang & le cer ueau ; que le ne fçay fi le dois imputer les maux qui nous arrivèrent à leurs excez ou à l’intemperie duclimat de la colle d’Afri- que, qui au récit de ceux: qui 1 ont frequente ell en certai- nes faifons très - daogereufe aux Europeans : car nous Des Antilles habitées -par les François . 61 n’eufmes pas fait ccnt lieues , qucles mieux fenfez d entre nous commencèrent à perdre refprit,&: a devenir hypocon- driaques , fans qu'il parût aucune fièvre* Tout noftre pau- vre équipage eftoit pour lors un objet digne derifee & de compaflion toutenfemble : les uns s imaginoient auoir la mort fur les efpaulcs,& s’efforçoient les jours les nuits en* tieres à fe décharger de cet importun fardeau : d autres s’occupoient à rouler des barils fur le tillac : d autres fe per- fuadoient qu’ils eftoient Roys , & traitoient tous les autres d’ Ainba(îadeurs &: de Princes ; enfin chacun failoit un mé- tier different. Cette eftrange maladie dura trois femaines, pendant lefquelles il n’y eut jamais que deuxou trois per- fonnes raifonnables dans le navire , que Dieu y conferva fans doute pour empêcher les autres de fe précipiter dans la mer , & pour tenir la barre du gouvernail : car fans cela le moindre coup de vent nous auroit infailliblement fait pe- rir;filon nous auoit rencontré dans ce pitoyab e état, onau- îôit crû queç’auroitcfié une tranfmigration de 1 Holpitai des petites maifons de Paris, aux Indes. Onze perfonnes en moururent , & tous ceux qui avoient efté frapezde cette épouventablephrenefie, furent plus de trois mois fans pouvoir fe remettre! &c ie croy que fi le ne me fufle auifé de les faire feigner au front par le Chirurgien (qui pàr une grâce de Dieu particulière fut exempt de ce mal ) la plus grande partie auroit perdu la vie. Du flux Çÿ reflux de la mer . §* IV. vi voudroit entreprendre de rechercher la eau fc du I /flux & du reflux de la mer , & les differentes courfes des matées le long des terres , il faudroit faire des Epheme* H ii; ’ H i jto ire Na tare île rides toutes entières ,• éplucher aucc beaucoup de foin &r de travail les diverfes mutations delà Lune , .&de toutes les auties Planettes : .11 faudroic de plus remarquer fort dili- gemment les fîtuatians des terres , toutes les pointes qui avancent en mer ^. tous les culs-de Tacs, & toutes Jesfinüofi- tez de la terre , lefquellescaufent autant de differentes rou- tes de marees , qu elles font différemment eltabl.ies , ôc mef- me apres tout cela, il y a.uroit encore j.ufte fluet de craindre le ne dis. pas de fe précipiter dans la mer pour effre compris* par elle,ne pouuanc comprendre fon flux &fon reflux com tue on dit qu’il arriva à Ariffote : mais au moins de ne pou- voir pleinement fatisfaire les efprits curieux fur ce fujet; outre que cen eff pas mon deffein de trader toutes ces ma- tières a ronds ; mais, feulement de coucher icy ce que fav reconnu de plus remarquable» * Tay doc obfervé que depuis le Tropique duCancerde flux ordinaire de la marée tire droit de l’Oriec à l’Occident auffi bien que les vés defquels nous auons parlé, &cela auec d’au- tatplus derapidicc,quela mer s’aproche davatagedes terres» cequi eff fort; aifement remarqué des bons Idiotes marie cah cul exaa qu_ils font de leur route, dans lequel ils peuvent re. conoitre quevoguant d’un vent égalais font plus de chemin en s approchant des terres , qu’ils ne faifoient en pleine mer On reconnoift encore cela fort particulièrement aux bras de mer qui font les réparations des files, & fur tout entre les bain tes , la Guadeloupe , où il y a un fi grand flux & rapi- dîtedemaree versl Oüeft , que fl en arrivant on ne ferre le vent de bien près dans ce petk trajet , quin’eft quede.trois lieues au plus , la marée vous emporte ôc vous fait dériver quatre ou cipq lieues auaut le veqt; de force qu’un navire eff contraint de louvoier quelquefois cinq ou fix murs de temps pour aborder la terre , laquelle on eût ayfément atteint en deux ou trois heures au plus , fion s’eftoit donné de garde de Le flux & le reflux font auffî bien réglez tout leiori^ de ces codes , comme dans l’Europe : mai, cela paroift fore peu a caufe queles mers font creufes & profondes; mais dansW Des Antilles habite es par les François. C) lieux où les'terres font plates, & où il y a de hauts fonds, on voit la mer fe recirer deux fois Je jour, aufli bien que dans la F 1 an ce. Ma penféceft qu’il en ell demefme delà mer Mé- diterranée , dans laquelle pouf eftre extrêmement profon- de, on ne remarque prefque point de flux & de reflux; & qtfè c’eft une pure rêverie de croire &c de vouloir perfuader aux autres qu'il y a) t. les mers, dans lei quelles frelles ont tat foie peu de communication auec l’Océan , le flux &: le reflux ne fe rencontrer point. Il faire aufli remarquer, que tant dans la rapidité ôc la viftefle des mafees , que dans l’augmenta- tiôn ou la diminution des flots , il fe trouve du plus , ou du moins , félon l’accroilfement ou la deflailiance delà Lunej tout dé mefme que dans U os colïes» [î CHAPITRE I I. De la Température 5 des diverf es agitations de- l'air des Antilles ■ • L Aireft fujec a cànt d’altcfatîons , il s’y forme tant de météores , il eft groffi de tant de niiées , & agité de tant de vens, que pour parler de tout en particulier , il faudrait compofèr des volumes entiers, &: quitcerla qualité d’Hrfto- rren pour prendre celle de Météréologifle : c’eft pourquoy renvoyant le Leéleur curieux , à ceux qui ont traité exprcz de toutes ces matières , ie me contenteray de parler en cé Chapitre de ce qui eft particulier aux Antilles, &c de donner quelque éclairciflement fur la température de l’air de la Zone ton i de, fous laqu ell celles Ion t fituees, de ladiverfité •des faifonsqui s y rencontre' , des vents prirn ipaux qui y fouillent, & de quelques agitations de i’air qui font propres de ces pays, Sc afin que ie ne laifle rien, auant que de d écri- re les p lances & les ai bres qui paroiflenc fur la terre , ie djray ^ tHiftoire Naturels quelque chofe des minéraux & des pierres , que le Soleil produit dans Tes entrailles. Eclairciffement fur la température de l 'air de la Zone torride . £§• 1 ■ C E n’eft pas fans raifon , que les anciens Géographes fai« fans cette belle divifion du Cicl,&! de la Terre,en cinq Zones, par les cinq cercles, defquels ils environnent la Sphe- re , ont crû non feulement que les régions fituées fous les Zones extrémes,c’eft adiré, fous les pôles Arûique An- tar tique, eftoient tout à fait inhabitables 4 : mais encore tou- tes celles qui font fous la Zone moyenne , communément appelléeTomde,qui eft depuis le Tropique du Cancer, juf- qu’au Tropique du Capricorne ,' ne laiffant pour demeure aux habitans de la terre , que les deux Zones temperées: croyant que les glaces &: les froidures continuelles caufées par l’éloignement du Soleil, rendoientees premières inha- bitables ; & que les fécondés recevoient là mefme difgrace par la prefence continuelle de cet Aftre , qui par les dévo- rantes ardeurs de fes rayons , brufie &c defieiche,,à ce qu’ils difent, tellement la terre , qu’elle eft non feulement incapa- ble d’entretenir dés habitans, ny des animaux : mais mefme ne peut porter ny arbre ny plante. Les raifons qu’ils ont eu de faire ce jugement font fi ap- parentes , qu’il n’y a point de bon efprit qui ne s’en lailTaft perfuader , puifque l’experience nous apprend, que dans les Zones où nous fournies , nous ne reftentons du chaud & du froid qu’à proportion que le Soleil s’approche ou s’éloigne de nous que lorsqu’il eftau tropic du Capricorne, les neiges, les glaces , les frimats nous gèlent : & tout au con- traire. Des Antilles habitées par les François. 6 y mure , lors qu’il s’approche de nous , & qu’il eft parvenu su Tropique du Cancer , nous : pafmons & eftoufons de cha- leur, qui quelquefois arrive à cel point, quon n’en fçauroit louftnr davantage fans mourir. Quelle conjecture donc - peut-on faire des lieux fur lcfquels ilpaffe deux fois l’an- nee, &c où il darde fes rayons à ligne perpendiculaire , puis qu’il caufe de fi eftranges effets fur la France, qui en eft éloi- gné de plus de fix cens lieues. Cette opinion a eu une infi- nice de Partifans tres-fameux, en tr’autres, Ariftote aa z. Lture des Meieores, Cicéron, Philon luif, Pline, le Venerable Bede, & 1 Ange de l’Ecole noftre S. Thomas, dans Uu Partie de fa S ommeçqtieft.i ot.art.%, J ,L authorité de ces grands hommes n’a pas pourtant cm- pefché , que plufieurs autres n’ayent fuiuy l’opinion con- traire, &: foullenu que la Zone Torride eftoic habitable, que la chaleur y eftoit agréablement temperée , & qu’on y rcfpi- roitun air fain & délicieux. Albert le Grand a fuiüy en cela Polybe, Ptolomée, Avicenne,&: Averroës. La fuite des temps a fait connoiftre la vérité de cette do- urine , &c a obligé fes plus grands ennemis à fe déclarer lesSe&ateurs d’une opinion, qu’ils avoientcombatuë auec des raifons fi apparentes : car j’experience a fait voir dans la découverte de ce nouveau monde, que toutes les régions ficuées fous la Zone Torride, tant au deçà, qu’au de- làEe la ligne équinoxiale , font les plus bénignes , les plus faines, &: les plus tempérées déroutes les régions du monde : d’où vient que plufieurs Théologiens ont tenu que la terre d’E- dem , ou le Paradis terreftre , eftoit fitué fous l’Equinoxe, comme au lieu le plus agréable de toute laterre. le trouve trois bonnes raifons de cecy: La première fe peut tirer à mon jugement, delà route ordinaire du Soleil , qui fous l’Equinoxe ne paroift jamais plus de douze à 14 heures; de forte qu’égalant les jours auec les nuits , le peu de temps qu i : a eu pour échaufer l’air par fa prefence pendant le jour, eft fuffifamment temperé durant autant de temps de fon ab- fcnce,par lesfraifeheurs de la nuit. X ay aulfi obferue que le Soleil ne fe levant qu’enviroia I SS Hîflo'tre NaturtUe furies fix heures , il eft pour l'ordinaire plus de dix heures avant qu’on relfente l’importunité de fa chaleur: depuis dix jufqu’à trois la chaleur eftgran de, auquel temps elle décli- né peu à peu- Les Portugais & les Elpagnolsen ces régions • ne forcent jamais pendant cette chaleur; ils difftent de bon- ne heure , puis fe mettent au li&> jufqu'à ce quelle foit un peu paflee. Mais quelque chaleur qu’il falfe pour lors, elle sn’eft jamais plus excelîiveque celle qu’on expérimente en France au fort de l’ Efté. La fécondé raifon fe peut prendre , . de ce que toutes ces régions font environnées, & s’il faut ainfi dire, lavées &; raf- fraifchies deseauxde l'Océan : Or comme il eft véritable, que les eaux de la mer raffraifehi dent les régions qu'elles e®- viionnnent, comme il paroift dans !’ Europe, où les coftes de la mer font toufrours plus froides que les terres qui en font éloignées; il en faut cirer cette confequence, queles fraif-* cheurs de la mer contribuent beaucoup à cette températu- re. l’ay pris garde particulièrement dans la Guadeloupe, qu’il fe levé durant la nu ét non feulement de la mer , mais - encor desrivieres(defquelîes elle eil avantageulèmentfour^ nie) ce; tains froids picquans capables de temperer l’ardeur du jour , & qui mefme bien fou vent contraignent ceux qui font proches des rivières, de s’approcher du feu,comme s’ils - eftoient en France/- La troifiéme raifon fe prend dès threfors de la Divine pro- vidence, qui outre les vents Alifés,defquelsie parleray bieii- toft , ne manque jamais défaire lever un petit vent le plus agreablé du monde, qui trois fois le jour,au matin,à midy,3£ fur le foir.fe gliftant fccomme folaftrant le long & à fleur de la ter ( e,raf£mii chic toutes ces contrées.Les habitans du pais appellent ce vent, la B ife , &> il eft attendu d’eux tous les jours , comme une benedi&ion toute particulière de Dieu, qui eft non Seulement vtile aux hommes & aux animaux; mais encore qui rend la terre fertile, luy fert beaucoup à iaprodu&ion de fes biens. De la dmerjîté des faifons. §. I L E Ncor que les glaces n’en dur ciÏÏent jamais les eaux, que les neiges ne blanchiffent jamais les montagnes de nos nies-, neammoinsle Soleil venant à s’abfenter tirant vers le tropique du Capricorne , on remarque tant en Ion abfence, qu’en fon retour quelque diverfité de faifons : mais quel- que diligence qu’ayent pu faire les habitansdu pay s , ils ne les ont pu divifer qu’en deux : Ravoir, en Efté & en Hyver , fans pouvoir trouver un temps en toute l’année, pour donner un lieu arrefté au Printemps ny à 1 Autom- ne_,puifque ce qui fe fait pendant ces deux faifons dans l’Eu- rope , fefaic dans ces lieux prefqu’en toutes les parties de l’année. Il faut pourtat obferuer quel'Hy ver & l’Eftc de ce pays-là, fonttres-differcns de ceux de l’Europe, foit dans leurs cau- fes,foitdans leurs cffets-carl’Efté qui eft îcy caufé par la pre- fence du SoleiJ,eft là caufé parfon éloignement: & au con- traire , fa prefence fait l Hyver. De forte que cét Aftre venant à s’éloigner de la ligne , & tirer vers le tropi- que du Capricorne , tout le téps qu’il y a jufqu’à fon -retour au deçà delà ligne ( ce qui dure pour l’ordinaire depuis le mois de Novëbie,jufqu’au mois d’Avril ) il ne paroilt quafi point de nuages dans l’air , il nefc leve que fort peu de va- peurs & d’exhalaifons. L’air demeure tellement efpuré , fi fec & ii ferain , que l’on peut non feulement regarder tres- long-temps le Soleil couchant <3c levant , les yeux fixes & ouverts : mais encore voir le déclin de la Lune, & le Croif- fanten mefmejour ; que fi les jours font chauds , lesnuits font froides humides à proportion j fi le Soleil par fa cha- I ij 6$ Hiftoire Naturelle leur a'ou vert les pores de tout 'ce qui cft fur] a terre , cette 5 ’ fraifchcur de la nuit relîcrre &«épaiflit tellement l’air, qu’el- le le refoud 5c fait diftiller en rofée très abondante, 5c fi fub- tile , que trouvant les pores ouverts de tout ce qui eft fur la terre, elle s’infinue ôépenetre fort a vant,&de là vient la cor- ruption 5c. le peu de durée de toutes les chofes qui font fous la Zone torride : c’eft ce qui engendre les vers dans les bois 5c une infinité de petites beftiolles &:infedes, qui font une partie des incommodités des Mes : C’eiicequi engendré toutes ces ; corruptions , dontie parleray en divers endroits de ce livre -,5c enfin, c’eft ce qui roüille le fer des épées dans les foureaux x , les. elluis 5c les montres dans les pochet- tes. Si les jours pendant toute cette fiai fon jouilTent d’une fi grande pureté * les nuits ne font pas moins claires 5c feraU nés, puifque l’on peut dés le premier quartier de la Lune lire jufque auxmcdiocres cara&eres. Pendant tout ce beau*temps , il né pleut prefque point dans toutes les B affeterres des lfles , Scc’eilce qui fait nom- mer cette faifon Etlé , qüoy qu’il caufe beaucoup d’effets qùafi femblables à ceux , que caufe l’Hy ver dans l'Europe: car cette grande feicherefle fait que la plufpart des arbres qui ont les feüilles tant foi t -peu tendres , fe dépoüillent de leur verdure : toutes les herbes feichent,& fon t comme gril- lées fur la terre,les fleurs baiflent latefte 5c feflétrifTent : En vnmot , fi la plufpart des-arbresnavoient les feüilles d’u- ne nature forte , comme le laurier, l’oranger ,1e buys, ou le hou ; 5C qui par coofequent» demeurent toufîours ver- doyantes malgré les injures des temps, fans doute le pays de vien droit auifi trille que laFrance dans le cœur del’H-y. ■Vùr„v . . , • Davantage les animaux:, particulièrement les infedes 5c amphibies , comme les lézards, crables , foldacs, qui fondes vivres les plus communs du pays , abhorrent & fuyent cette aridité, gaignent le haut des montagnes, fe cachent dans le creux des. arbres ? fous des rochers & dans les précipices 3 re. Des Antilles habitées par les François. 6' g eonnoiffans ces lieux plus humides & plus avantageux à la confervation de leur vie. D'où- vient que leshabicans ap- pellent ce temps , l'arriere faifon , dautant que s’ils ne font fecourus des raffraifehifiemens qu’on leur apporte de l’Eu- rope, ils ont bien de la peine à chercher dequoy vivre , mangent bien fouvent leur pain fec. LaBrize,dont j’ay parlé cy-devant , eft plus réglée &: fe fait plus agréablement ref- fendr dans cecte failon que dans l’hyuer, d’où vient qu’elle cft beaucoup plus faine. Mais quand le Soleil a repaffé la ligne, & qu’il commen- ce à s’approcher duTropique du Cancer,dardant fes rayons plus à plomb, il fait lever tant de la mer que des lieux ma- refeageux , une grande quantité de vapeui s, dans lefquels il fe forme de grands effroyables éclats de tonnerre , qui font pour l’ordinaire plus de bruit & plus de peur que de mai: car les fepe premières années que j’ay demeuré dans la Guadeloupe , ie n’ay jamaisoùy direqu’il eût fait aucun dommage, ny aux hommes ny aux animaux : il eft vray que depuis ce temps, il eft tombé deuxfois dans l’habitation de Monfîcur Hoüel , & y afait du defordie. Le tonnerre ve- nant à ceffer , le temps fe met tout à-fait à la pJuye , qui du- re quelquefois, huit, dix , douze, &: quinze jours fans au- cune interruption. Ces pluyes refroidiftent tout le pays, & c’eft ce qui fait appcller cette faifon, hyver : car pendant -feptmois, àpeine fepaffe-t-il une femainefans avoir delà pluye. Ce' pluvieux hyuer excite dans fon commencement grand nombre de maladies , principalement des fièvres, des catarres , des douleurs de dents , des apoftumes , des vlccres , & autres femblables incommoditez : C’eft dans ce temps-là quenovs avons plus de peine auprès des mala- des , dautant qu’ils font en grand nombre par toutes les Mes. Les effets de céthyuer font bien ditferens de ceux que caufe l’hyuer dans l’Europe car dés les premières pluyçs,qui font tant foit peu abondantes, tousles arbres fere relient. de I iij yo Hifioire Naturelle leur première verdure & beauté , &: pouffent toutes leurs fleurs dehors ; toutes les forefts font remplies d’ode-ursii {ua- ves 5c fi raviffantes ,,qu elles pourroient égaler les meilleurs parfums de l’Europe : Les prezreverdiffent, les fleurs em« belliffent la terre ; enfin , cet hy ver a le melmc effet que le Printemps dans la France. Tous les animaux defeendent de la montagne ; les Homars , les Efcrevi (Tes, les Crables, 5c d'autres efpeces de Cancres changent de coquille. Les Lé- zards, les Serpens, lesCouleuvres,&: les autres reptiles quit- tent la vieille peau,pour fe revêtir d’une nouvelle. Les poif- fons , qui pendant la feichereffegaignent le plein de la mer, feraprochent des codes Centrent dedans les rivières ; de forte qu’il n’y aque les pareffeux & les mal adroits à la pef- che qui en peuvent avoir difette. La tortue , le caret , & la caoiianne , terriffent en fi grande abondance , qu’apres en avoir fait bonne chere pendant l’hy ver , on en peut faire bonne provifion pour l’arriçrç faifon. Des ‘vents & différentes agitations de l’air. î I I î. Q Voy que j'aye affez amplement difeoum de la tem- pérature de l’air au deux paragraphes precedens , j’ay cru qu’il eftoit neceflaire pour ne rien omettre, &; pour l’en* dere fatisfaélion du Leéfceur curieux , de traiter icy non feu- lement des vents principaux, & dominans dans la.Zone tor- ride, mais encore de quelques agitations de l’air allez eftran. g es - Ces vents principaux 5c dominans dont nous devons trai- ter, font les vents Alifez , qui dansla.Zone torride faufilent prefque toufiours de l’Eft à FOiielt, c’ell à dire , de l’Orient à l’Occident ; car encore bien que durantl’hyver pluvieux du pays , on les voye tourner au midy , cela ne fe fait gue- Des Antilles habitées par les François 7/ res que le long des terres, & encore a fiez rarement. Fay lcèi plusieurs Aütheurs fur ee«e matière , & tout ce que j’y. ay pu trouver de folide eft fondé fur ce que les. Aftro- logues difent , qu’il y a quatre vents capitaux : le Nord, le Sud , l’Eft , & rO üeft , dominez par quatre planettes diffe- rentes. Le vent de Nord qui eft extrêmement froid & fec, eft dominé par lüpiter : celuy du Sud qui eft chaud & hu- mide par Mars ; celuy d’Oüeft qui eft froid &: humide par la Lune ; &: celuy de l’Eft qui eft modérément chaud &fec par le Soleil, &£ eft appel lé pour cette rai (on.fubfolanus vcn - tus i d’où vient que toutes ces régions qui font lituées fous la Zone torride , eftant gouvernées par le Soleil , ne refpi - renc ordinairement que le vent qui fymbolife avec luy par les qualitez de chaud & fec. le ne me puis empefcher de dire la penfée que j’ay là- deflus, parce qu’elle me femble probable : cariccroyque tout ainft que le premier mobile attirant tous les autres deux apres foy > leur fait tenir une route femblable à la fienne : de mefme les vents tiendroient par tout un mefme chemin , s’ils n’en eftoient empêchez par les vapeurs fre- quentes & trop gioîfieres , qui s’élèvent dans les extrêmes parties du monde; ce qui ne fe trouvant pasfous la Zone torride , au contraire l’air y eftantplus pur ^ plusfubtil ÔC moinsremply de vapeurs;cette agitation del’airnetrouvant pas ces obftacles, fuit fans difficulté le cours & le branle du premier mobile. Les Ouragans font de très * horribles &: tres-violentes tëmpdtcs , qu’on pourroit nommer de vrayes images de l’incendie finale, de la deftrudion generale du monde; ils n’arrivoient autrefois que de fept ans en fept ans ,ou de cinq ans en cinq ans , mais ils font devenus bien plus fre- quens depuis que les Antilles font habitces;car il y en eutun en i6fi.-un autre en 1 deux en 16^. & a. en 1656.& pref- que toufiours fur la fin de l’hyuer,c’eft à dire depuis la fin de luil iet, jufques àlamy- Septembre : voicy comme ils fe for- ment.' ' 7‘ 2 Htftoire Naturelle On voit pourl ordinaire, la mer devenir tout à coup cal- me, &vnié comme une glace , fansfaire paroiftreie moin- dre petit fouflevemenc de Tes Ondes fur fa furface : puis tout incontinent 1 air s o.bfcurcit , fe remplit de nuages épais , &£ s entreprend de toutes parts : apres quoy ii s’enflamme &C s,entr ouvre de tous collez par d'effroyables efclairs , qui durent allez long-temps ; il fe fait en fuite dé fi effranges coups de tonnerre , qu’il femble que le Ciel tombe par piè- ces , & que Je monde viieille prendre tin. Latetre tremble en plufieurs endroits, & le vent fouffle avec tant d impetuo- fité , qu.il déracine les plus, beaux & les plus grands arbres des forefts,ahbat piefque toutes les maifons,arrache tous les , vivres , ruine tout ce qui paroifl fur la terre , & contraint bien fou vent les hommes de fe tenir , pendant cette épou- ventable tempefte, à des Touches d’arbres, afin de fe garan- tir d’eftre emportez parles vents : Mais ce qu’il y a de plus dangereux, & qui caufe de plus grands dommages, efl qu’en vingt- quatre heures , & quelquefois en moins de temps, il fait tout le tour du Compas, neiaiffant ny Rade,ny Havre à l’abry de fes orageufes impetuofitez > de forte que tous les navires qui font pour lors à la cofle , periffent mal heureufe- ment , fans qu’aucun de ceux qui font dedans puiffe fe fau- ve r. . Cette bourafque paffée , on apperçoitle plus trifle fpe- étacle qu’on fe puiffe imaginer. Onvoidles pans & les piè- ces des montagnes croüllées & fondues par les tremblemens de terre, .les:foreJTs renverfées,&lesjnaifons abbatues par la violence des vents ; quantité de pauvres.famil'es ruinées parla perte des biens de la terre,& des marchâdifes quelles avoient dans leurs cafés , defqueiles ils fauvent très peu de chofe. On voit grand nombre de beaux vaiffeaux brifez ôc fracaflez contre les efcüeifs , tous les pauvres matelots noyez , les uns roulans dans les ondes, les autres à moitié en- foiiis dans le fable de là rive:en un mot,c'eft une chofe fi trille & fi déplorable, que fi ce defôrdre arrivoit fou vent, ie ne fçay qui auroide cœur 5c le courage d’aller aux Indes» Quelques 73 des Antilles habitées par les François. rQuelques habitans du pays croyent que les Sauvages s’cn apperçoivent long-temps auparavant , &: qu’ils en font a- vertis par leurs Rioches ou Maboyot ; dautant que depuis que les Ifles font habitées , il n’eft point arrivé d’Oiiragan , que lesSauvages n’ayent prédit. Pour moy,ie crois que ce font pures fables ; car les Sauvages ne manquent iamais de nous les prédire tous les ans , quoy que pourtant leur Al- manach ie trouue faux : mais il eft impoffible que les predi- fant toutes les années , ils ne difent quelquefois la vérité quand ils arrivent. La pluye d’eau falée en eft un infaillible pronoftique. Le Puchot eft un certain tourbillon de vent, quife for- me dans une nue opaque , trop ardemment échauffée par les rayons du Soleil. On voit fortir de cette nuë com- me une corne d’abondance -, compofée de la matière de la .mefme nuë, dans laquelle ce tourbillon eft enfermé. Or cette corne defeend en tournoyant , fans toutefois quiter la nuë,jufqu’à tremper fon extrémité dans la mer ; & elle afpi- re&enleve, ie ne fçay par quelle vertu , plus gros qu’une mai fon d’eau,&; la porte li haut dans l’air, que fi à fa recheu- te, elle rencomroit un navire fous elle , quelque grand qu’il puteftre , il feroiten danger de périr. Ce tourbillon eft tel- lement appréhendé des matelots, que Ci toft qu’ils le voyent prendre fa route vers eux , ils brouillent toutes les voiles, s’arreftent tout court, & attendent, qu’il foit pafléjil eft ordi- nairement un figne de grandes pluyes. Les Rafalles font de certaines bouffées de vent, qui s’en- gendrent dans les lieux marefeageux ; comme ie croy des froides vapeurs qui s’élèvent du c*eux des vallées , lefquel- les eftant repouffées par la chaleur de l’air, fe roulent deçà &c de-làavecimpetuofité : &: enfin , fe précipitent du haut des montagnes fur la mer, & appuyent fi rudement fur les voiles des navires , que fi l’on n’eft bien diligent à bailler les hu- niers &: larguer &: les écoutes, on eft en danger de perdre des mats ou de fombrer fous les voiles. Ces rafalles font fort fre- quentes aux avenues des terres qui font montagneufes, le long de la mer : les Pilotes experts les fçavent bien re- K 74 - tiijtoire Naturelle connoiffrc f te ils s’en donnent de garde fort diligem- ment. Hiftoire 'Naturelle / CHAPITRE II. Des minéraux , pierreries, & matériaux * que produit la terre des Antilles Françoifes I ’Avoisrefolü apres le-traité que ie viens de donner , on j’ay parlé de plufieurs chofes differentes, tant de ce qui Ce remarque dans les voyages de l’ Amérique , que de ce qui. concerne le climat de nos Antilles, d’entrer d’abord dans la* description des plantes qui y croiffent , te des animaux qui s’y nourriffent ; mais parce que ie me fuis engagé de donner quelque connoiffance , tant des minéraux qui fe forment dans les entrailles de ces terres , des pierreries qui s’y trou- vent , que des matériaux qui peuvent fervir dans les bafti- mens , te que difficilement pourrois-je trouver un endroit; plus propre pour en traiter que celuy-cy : c'eft ce qui m’o- blige de mettre maintenant, Jes remarques que j’ay faites iurr toutes ces chofes.. L ’On ne fçaiiroit douter qu’il n’y ayt désmines d’or 8t. d’argent dans la plufpart de nos Antilles , &lesn~ jeâures que j’en ay ont tant de vray-fem blancs, que j’en fuis- tout perfuadé. En effet , j’ay trouvé autrefois à la Capfter- Remarquesjur les minéraux .. §. I- ie delà Guadeloupe, dans une grande rivière appellée k Des dntiües habitées par les François . yç mere des Peres , certains petits baiTms d’eau dormante, dont la fupcrficiecftoic toute dorée : l’apperceus que cette ma- tière couloir au fonds , en guife de petits filets d’or prefquc imperceptibles , 8c quelle fe perdoit dans le fable ; cela m’avant obligé d’en prendre avec la pointe d’un couteau, j’en ramaffay aufti gros qu’une baie de piftolet , qui s'eftanc ternie 8c devenue séblable a de la litarge:comme elle eftoit fort pefante, ie crus que c’eftoit véritablement de la litar- ge, ce qui fit que ie negligeay celajneatmoins eftant retour- né une autre fois au mefme endroit, 8c ayant trouvé la mef- mechofe, j’appuquay quelques morceaux de papier fur cet- te eau, d’où ie les tiray tous dorez, comme fi l’on y eût appli- qué une füeille d’or. le fis faire une autre expérience fur une livre de mine qui me fut apportée de l’endroit où Monfieur Hoüel faifoit tra- vailler , &c d’où quelques uns affez mal à propos à mon ad- vis, ont dit qu’il a tant tiré dor. le donnay cette mine à un homme fort entendu dans la chymie , lequel l’ayant rédui- te en poudre , 8c y ayant jetté du vif argent, l'ayant veu falir &c charger , m’affeura qu’il y avoit de l’or, 8c qu’il en falloit tirer le régulé : ce qu’ayant fait fuivant la méthode des Chy- miques ,1a flamme jaunit de vray ,& dora les lames de cui- vie qu’il avoit mis deflùs, mais tout s’évapora ; d’où il con- clut , qu’encore qu’il y eût de l’or , neantmoins la matière eftoit remplie d’un foufïre fi volatil , que pour en avoir il cou fteroit le double de ce que l’on en pourroit tirer. Les habitans de la Guadeloupe lors que j’y demeurois, eftoient perfuadez qu’il y avoit dans leur Ifle deux mines d’argentd’on m’en apporta deux differens morceaux, le pre- mier qui eftoit gros comme le poing, eftoit une terre grafse 8c pefante de couleur de gris cendré,comme de laT utie . 'mais toute meflée de petites pailles luifantes comme de l’argent, ou comme de l’eftain déglacé , l’ayant mis au feu, tout fe reduifit en chaux , ce qui me fit croire que ce n eftoit que du talc: l’autre morceau qui venoit de la pleine des ro- feaux eftoit plus blanc que le premier, dont les petites pail - les qui y paroiftbientrefifterentaufeu. K ij 7 6 Htjloire Naturelle le croy que cette mine d’argent , qui eft dans le quartier, des Anglois à la Baftecerre de laine Chriftophe , eft fembla- blés à celles que ie viens de décrire : car il eft certain que fi les Anglois en avoient efperé quelque profitais ne l’auroient pas négligé comme ils ont fait. I’ay trouvé dans la Guadeloupe, 5e mefme dans les autres Iiles , plufieurs grandes Ances ou rivages, dans lefquels fe trouve un fable de couleur d’ardoife tres-rin , luifant&: pe- fant comme du plomb, d ont l’on a fait des efpreuves,& tiré de ties- beau 5e très - bon fer , aulli maniable que le meilleur fer d’Efpagne , ce qui me fait dire , que fi l’on ’y vouloit tra- vailler , la commodité des bois feroic qu’on en retireroit de grands profits. Cette grande montagne de la Guadeloupe, quife nomme la Soufrière, eft toute remplie de fouffre ; l’on voit mefme quelquefois la trace comme d’une petite ri viere de foufre, qui s’eft écoulée le long delà montagne,& Monfieur Hoüel en a tiré une infinité/ Il y a des fouffrieres dans l’Me de faine. Chriftophe , qui ne font pas moins abondantes, que celle de la Guadeloupe, & les eaux fulfurées 5e vitriolées, qui fe ren- contrent prefque dans toutes les Mes, font afFez voir qu el- les abondenten ces fortes de mines. Il y a dans la Guadeloupe un certain canton de terre graf- fe,jafpée de bleu,de blanc &:de rouge, comme dufavon d’A- licant, adhérante aux doigts ainfi que du fui f, qui fait mouf- fer l’eau, dégraiffe le linge, 5e vaut mieux que plufieurs mau- vais favons, dont on fe ferc enFrance:fi bien que lors qu-elle eft coupée en brique, il n’y a perfonne qui ne la prenne pour du favon de Marfeille : plufieurs habitans s’en fervent , 5e ce leur eft une très -grande commodité. I’ay aufti remarqué en creufantla terre en divers endroits deces-Iftes , 5e particulièrement au quartier des fontaines bouillantes de la Guadeloupe, des veines de terre figeléc, ëC quantité de bol très- fin.- D es A ntl lies h abi té es p a r les Franço i$. 77 •1 Des Pierreries, §. I ï. I L ne faut pas alleu dans toutes ces Mes pour fe faire rf- che en pierreries : le n’en ay pu remarquer que deux ou crois qui méritent d’eftre ellimées , encore n’eft-cc pas gran- de chofc. Il n’y a que les pierres vertes, &: les pierres aux yeux qui foienc conftderables , tout le relie eft alfez com- mun , mefme dansl’Europe. Ces pierres aux yeux , fontce que quelques Autheurs ont appell é Vmbilicus Marinut, elles ont toutes la forme & la grandeur d'un petit grain de lentil- le : mais celles qui fe trouvent dans la Guadeloupe fur les Ances du fort faint Pierre feulement , &: en plulieurs en- droits dans toutes les autres Ifles , fontbien differentes de celles quej’ay-veu en France , qui avoient efbé apportées du Levant; car elles eftoientroulfes, au lieu que les noftres tien- nent de la perle , & font d’une couleur argentée , vive & ef- clatante, qui expofées à divers jours , changent de couleur corne l’opale. Le fieur de Rocheforc a dit , pour ne fe pas fer- virde mes termes , qu’elles ont de petites veines rouges ou violettes, ce qui eft une faufteté.On s’en fert pour en tirer les bubes qui entrent dans les yeux, car pofant la pierre dans le coin de l’œil, elle y fait infenfiblement tant de tours, qu’en fin elle attrape l’ordure , &: fort incontinent avec elle. On tient pour aifeuré que les hérondelles s’en fervent aufii bien que de la chélidoine , pour redonner la veuë à leurs petits. Il s’en trouve de larges comme le petit doigt plus groffieres , defquclles on fe fert pour les chevaux les mu* lets.. . Pour ce qui regarde les pierres vertes , quoy que nous en ayons beaucoup dans cette Ifle, ce n’eft: pas pourtant où elles retrouvent : ce fondes Sauvages qui nous les apportent de Kiij 7$ Ht flaire Naturelle la terre ferme , <3£ quelques perfonnes très- eurieufes m’ont affcure, que ces pierres ne {ont autre çhofe qu’un cer- tain limon , qu’ils vont pefeher en fe plongeant au fond d une riviece de la terreferme, que ie crois eftre entre le cap de Nord, Si la riviere des Amazones. Us forment de celimon telle figure que bon leurfemble , &d’expofent à l'air,ou i! devient fi dur, qu’une des bonnes preuves.de cet- te pierre, eft, qu il faut qu’elle endure les coups de marteaux fur une enclume fans fe rompre. Ce qui me fait adjoufter foy a ces perfonnes , eft que j ay veu une de ces pierres qui avoit laforme d’une grenoüillc : Or il eft très- certain que les Sauvages n’ont ny l’mduftrie , ny les outils pour tailler une telle figure dans une pierre fi dure j fi bien qu’il faut qu’ils ayent pris la matière de cette pierre dans le temps qu’elle eftoit mole, maniable, & capable de recevoir la figu- re qu’ils luy vouloient donner. Ces pictres pendues au col empefehent de tomber du haut mal,j’en ay fait l’experience lur plufieurs perfonnes tourmétées de ce mai , avec un affez heureux fuccez. Les Efpagnols les Portugais ont fi bien appris à les contrefaire avec du verre , que c’eftune chofe affez rare d’en trouver de bonnes ,• &quoyqueie me fois fort curieufement eftudié à reconnoiftre ce qui diftingue les véritables d’avec les fauffes, il y en a défi bien contrefaites, queie nefçaurois bien exprimer en quoyconfifte cette dif- férence , finon en difant qu’elles font un peu plus polies , &C qu’elles ne s’écaillent point, comme le verre , lors que l’on frappe deffus avec le dos d’un coufteaurelles ont auffi un fon plus fort & plus éclatant, que celuy du verre en malle, & ap- prochant de celuy d’une cloche:on leur attribue encore cet- te propriété remai quab!e,defoûlager beaucoup, les femmes qui font en travail d’enfant. On trouve en plufieurs endroits de la Capfterre de la Guadeloupe , & principalement au territoire de la grande Ance, des habitations dont la terre eft toute meftée de peti- tes pierres de cryftal , greffes comme des telles d’efpingles, &c quelquefois groffes comme des petits pois : de forte qu’a- pres les grands ravages d’eau, le Soleil dardant fes rayons fur Des Ant illes' habité es par les François .. 7 f l>a terre, elle brille & éclate de routes parts , commëfielle elloic femee de diamans. Et quoyque cette petite pierre coupe le verre ainfi que le diamant , il faut pourtant que nos habitans fe détrompent , qui croyent que c’en toit de vérita- ble /car en ayant trouve un jour une pièce g r olfe comme un pois dans une fontaine, qui brilloit & éclatoit avec tant de .ivacite qu elle m ebloüilfbicla veuë , j’en fis prêtent à cm Gentil - homme de mes amis , qui l’ayant envoyé en France à un lapidaire de Paris, pour içavoir ce que c’eftoit: Son rapport fut que ce n’elloit que du criftal de roche & de peu de valeur , h ce n’eiloit qu’on en pull trouver de plus grandes pièces.. r La plus prochaine riviere,de la grande rivière falée dans le petit cul-de-fac de la Guadeloupe , jette fur la rive une quantité de gros fable blanc, clair , lucide, &: diapha- ne, & qui fe fond en un feudent comme du métail } mais fe biufle & calcine dans un feu violent.. Ce n’elt autre chofe queducriftal , duquel fans doute on pourroit faire de tres- beaux ouvrages. 11 y a dans la grande terre de la Guadeloupe , dans la Martinique, dans la Grenade , &: quelques autres I lies, de Des- belles falines,où lefei fe forme fans aucun artifice: mais commeelles font négligées, s’il s’y en forme une année, il repallera quelquefois trois ou quatre ans fans qu’il s’y en talle un grain. Ce qui vient de ce qu’il y a quantité de ravi- nes d eau douce qui s’écoulent dedans , quand il pleut en abondance , lefquelles on pourroit deftourner à peu de' trais. r Proche de l’An ce* Ubarque dans la Guadeloupe , il y a aufli un étang falc,où j’ay veuplufieursfois le fel tout formé;: & avec tort peu de travail, on pourroit en faire une faline af- lez profitable. ï’ay remarqué que tout le fel qui fefait dans ces Ifles, eft extremément corrofif, qu’il dctTeiche la viande qui en cft falée , qu il en mange la grailTe , & ne fale pas tant queceluy del Europe. L’alun efi: encore une autre efpece de ^ ntil y a des montagnes toutes entières dans^ 1 ille delaintChriftophe.. Sv H i foire Naturelle Des matériaux , comme pierres de taille, briques* tmlles * p ladre 3 pierres d faire la chaux , cÿ pierres de ponce .. §• I I ï. E Ncor que la plufpart des baftimens de ces Ifles ne foient conftruits que de bois &c de rofeaux, &: couverts de fiieilles & d'efl'entes , c’eft pluftoft faute de bons ouvriers que de matériaux : car prefque dans toutes les parties de ces Ifles il y a quantité de roches & de rochers d’une cer- taine pierre bife, qui fe taille aifcmcnt. Les maflons & tan- leurs de pierres l’eftiment beaucoup. On en trouve en plu- fieurs endroits del Ifle cic la Guadeloupe , & particulieic- ment au fort Royal , &: vers billet aux Goüymes , qui fe lèvent par tables cfpailfes d’un pied, toutes taillées des deux cotez: ce qui avance beaucoup les ouvriers. Il y a aufli dans plufieurs quartiers de toutes les Ifles, de la terre, non feulement a faire des briques des tiiilles,mais encore delà poterie : de forte quc\fl les pauvres habitans mangent dans des calebafles , Se dans des iouys^ ceneftquc faute de potiers de terre. On apporta à la Guadeloupe 1 an mil flx cens quarante- flx , de tres bon plaftre , qu on difoit venir des Saintes: ie le vis mettre en œuvre par Monficur de Moüy , qui a eu autrefois la conduite d une partie des batimes du Louvre;5£ il fut trouvé tres-bon,&neditferoitenriende celuy duquel on fe fert en Francc.L on y fait de la chaux d’une pierre ma- rine blanche, qui eft: naturellemet toute gravée de quelques petites ruftiques aflez agteables:quelques curieuxqui en ont dans leurs cabinets m’ont voulu perfuader , que c eftoient des champignons pétrifiez. Cette chaux nccede en rien a Des Antilles habitées par les François. Si celle de l’Europe. On voit aufli quantité de pierres de pon- cée» pluiieurs endroits delà Guadeloupe; mais principale- ment dans la grande rivière aux Gcüyaues , onia voit flotter fur l’eau comme du bois : mais il n’y en a pas la centième partie de ce qui s’en rencontre dans la Martinique. Devant que j’eufle compofé mon premier livre , ie n’avois jamais veu dans les Ifles aucuns cailloux ny pierres à feu ,• mais de- .puis,j’ay veu une certaine pierre rouge qui fc trouve dans les culs de facs de la Martinique , & en quelques endroits de la Guadeloupe, qui jette plus de feu que nos caillous, du- ic davantage, & rend plus defervice. Hijtoire Naturelle î h ; ^ ?$? ?$S ; s$? ^ j$î ?$* t .4^ •’ rh rft j$i : & lAè Üi : ^ ^ ^ ^ r ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ TRAITE III DES PLANTES ET DES ARBRES des Antilles. I feftois' mieux verfé dans la connoiflance deS' hmples que ie ne fuis , le Leéfeur auroit fujee d’efperer vne entière fatisfaéhon de ce traitéj puis qu’il y a des threfors de merveilles , ca- chés dans les plantes de ces Ifles, qu’un hom- me confommé dans cette fcience defcouvriroit,au giad pro- fit & iatisfa&ion d’uiv chacun. I’efpere pourtant qu’il me fera la faveur de fe contenter des remarques que ie donne- ray j puifque ce font les fruiéhde mes travaux & de mes foins. Au refte, ie l'avertis que dans cette matière, non plus que dans toutes les autres, dontie parleray en cette fécon- dé partie, ie ne pretens point à la qualité de Médecin , de Philofophe , ou de Naturalise, mais feulement de faire une relation fimple & naïve des chofes que fa y remarquées pen- dant mon fejour dans les Ifles, &: de faire connoiftre au Lo- ueur, le pays que ie décris tel queïe le connois. letraiteray pourcelaau premier Chapitre , des légumes- les plus communes , & qui ne font pas plus confiderab es que les pois &: les fèves : îe meteray au fécond toutes les plantes qui portentdes fruits : letroifiefme contiendra les deferiptions , tant des arbriffeaux qui fer vent à la medecine, , & don-tl’on peut tirer quelque vtilité, que des arbres propres àbaftir, &qui peuvent eftrevtiles à divers befoins desha- lhitans;&; le 4. traitera des arbres frui&iers. Des Antilles habitées far les François. 8q Les Plantes > dont les fruits ne font pas plus confia dcrables que les pots les fèves. CHAPITRE I. .Des Plantes communes apportées de l’ Europe. §• I. L Es plantes qui croiffent dans l’Europe font fi commu- nes , & fi bien connues de tout le monde, queiecroi- rois perdre le temps de m’arreftcr à en parlerrc’eft pourquoy ic dii ay feulement ce que j’cn ay remarqué de particulier dans les lfles. Pour commencer par les plus communes , il etl certain que toutes fortes de legumes viennent dans les lilcs avec bien de la facilité, avec cette feule différence, que quelques-unes portent des gt aines qui profitent dans le pays, d’autres en portent qui ne profitent point du tout, ô£ il y en a qui n’en portent aucune. Entre celles qui portent de bonnes graines, lefquellcs eftant femées produifent leurs femblables, font le pourpier, qui graine & le refeme de foy- mefme dans les habitations , & dégénéré en pourpier fau- vage , qui croît en fi gtande abondance , qu il paffe pour l’herbe la plus fafcheufe & la plus importune de tout le pays. Toute forte de chicorée & de laiéhiës, le crelfon alenois , la corne de cerf, les e ! pinars, carotes, panets, bete- raves, falfifies,chervis, afpergeq la moutarde; & fur tout les pois les fèves y croiffent eu h grande abondance, qu eflant une fois fourny de toutes ces graines , il n cft pius beloin d’avoir recours à la France. l’en ay veu d’autres qui portent des graines , niais qui ne viennent jamais à perfection , entre celles-là font les raves.} L jj Hîfioire Naturelle Gar quoy qw-Ies raves qui- ont efté produites par des femen- ces apportées de l’Europe , viennent parfaitement belles , porcc-nt de d es- belles femen ces, neantmoinsfi on feme cet- te graine, eLe ne produira que des filets. Les oignons vien- nent avec peine , fleurilfent Se grainent; mais tout ce qu’on peut avoir de la graine, c’eft au plus , demefehantes petites- ciûoulcs^.. il e(t v lay qu on s cfi: advife d’une invention qui iupplee a ce defFaut, fçavoir de plier la tige, & dé couvrir de teL re cette touffe de graine quicroiftau bout de la tige , & cela pioduit plufieurs oignons , qui pourtant ne viennent ja- mais bien gros. II peut y avoir d'autres graines de cette forte, mais ces deuxexemp'es fulfîfent. Entre celles qui ne grainent point d u tout, font toutes for- tes de choux* Au deffauc de là graine , on fe fert des rejet- tons ou des ci ni et te s des choux. , lelquef es on plante dans la terre par -an temps de pktye , &ccia produit un chou delà me (me efpece,que ce! uy don t il a eide tiré C’eft bien 1 a me il - leu: e i n v ention du monde, car il n en manque pas un ,& ils- viennent plus beaux & en moins de temps , que s’ils eftoient; produits de graines.. ïu%u’à prefent nous n’avons- pas veu grainer l’ozeille, mais, on mai cote la racine ,. ou plu (loft on la multiplie en la. di vifant ; de forte qu il n en. faut qu une plante pour en peu- pler un jardm.Dans le dernier voyage que j’ay. fait aux Mes, j ay remarqué que les habitans de fille de la Grenade, fe fer- voient au lieu dozeille , d’une plante dont les füeilles & les Heurs efloienc femblables a cette petite plante, que nous ap- pelions alleluyà^ owpainde coiicm ; mais la tige faifoic comme un petit arbrilfeaud un pied& demydehaut , cesfüeilles* d on n oi en tune aigreur fort agréable aux potages & aux au- tres mets où on Ianielloic. 5ion me demande pourquoy quelques-unes de ces plan- tes grainent, ⣠que la graine n en vaut rien; & au contraire, p ourquoy 1 es aut re s ne grai nentaucun emen t : ie dira-y icy^ Amplement ma penfee , que ie ne veux pas pourtant faire palier pour authoritey ie crois donc que cela vient, de ce que lateEreéft trop chswide-,;& ^qu'ainiieilediafte la. racine *acyaxït Des Antilles habitées far Us François. tant de l'Europe que des IJles . §. I I. L Es groffes fèves de l’Europe que l’on porte aux ïflçs, ptoduifent leurs tiges fleurs fleurs avec aflez devi- L ii ), S 6 Hijloire Naturelle gueur : mais il y aie ne fçay quoy qui leur manque, quand Ja code & le fruit vient à fe former; car Bien que ie les aye fait arrefrer comme loti fait en France , ie ne les ay jamais veu porter plus d'une coite ou deux , remplie de leurs fruits. Toutes les fèves de bref! ou aricots , quenos liabitans des Iilcs comprennent fous le nom de pois, y viennent tout Je long de l’année en fi grande abondance , que c’eft une de leur principale nourriture. Les pois de l’Europe produi- sent leurs fruits meurs en iîx bernâmes, ou deux mois au plus; le fieur de Rochefort fe trompe , quand il dit qu’on no voit point en France ces pois , aufquels on donne un vilain nom,& les autres qui font diverfifiez de differente couleur; car les uns &; les autres nous font fort communs , aufli bien en France qu’en Hoiande. Il y en a encore uneautre forte , dont les f liquesou cof- fes font remplies de fèves plates , corne un double &; bigar- rées de diverfes couleurs -, elles deviennent fort molles lors qu’elles font cuites , &: font dp très- bon gouft ries fèves de fept ans leurs font toutes fembiables , mais elles font bien de plus longue durée. Nous avons deux fortes de pois d’Angole dans les Mes; mais bien qu’ils foient ainfi nommez ; ie ne veux pas pour- tant affeurer qu’ils viennent de l’Afrique : car quoy qu'on aytveu cultiver les premiers par desrNégres d’Angole , il fe peut faire qu’ils les avoienteu de quelques Efclaves Ef- pagnols de la terre ferme , ou mefmc des Sauvages qui en ont dans toutes leurs habitations. Les premiers (font fay vefcu,aufli bien que les autres Re- ligieux denoftre Ordre , dans Les p r emieies années que j ay demeuré à la Guadeloupe , ont les füeilles trois à trois, de mefme grandeur que les autres pois , mais plus fortes &C plus dures : leur tige fe di vife en di vers far mens, aullî forts que ceux delà vigne de Virginye,&: fe lèvent jufqu'an forn- merd^s plus hauts arbres, &lors qu’ils ne trouver point d ar- bres pour eur fervir d’appuy, ils rampent, & un fcul pied, couvrira plus de trente pas de terre en quatre. Leurs fleurs Des Antilles habitées par les François . S/ font blanches &: ajuftées , quelquefois vingt ou trente au- tour d’une petite verge , longue d'un demy pied : ces fleurs font fui vies de prefque autant de petites goufles larges d’un pouce , & longues de trois , remplies de fruits aflezïembla- bles à nos lupins; mais d’un goult plus favoureux fans heu- re, que les nofttes nè le font avec leur faulce. Le pied en efl: vivafle, &: j’en ay lai lié dans la Guadeloupe de fort vigou- reux , iur lefquels j’avois cüeilly des fruits fix ans aupara- vant. Il fe trouve une autre forte de pois qui portent le mefme nom, mais ils font bien differens dans leur tige; car ils croif- fenten arbnfleaux , dont les branches fe ferrent le long de la maiftrefle tige, &: s’élèvent jufqu’à dix ou douze pieds de haut , leurs fiieillcs font larges d vn pouce, longues de deux, & triplent fur chaque queue , qui exhale une odeur aflez fu ave. Ls portent de petites fleurs jaunes , aufquelles fuccedent de petites goufles remplies de petits pois de couleur de chair , picotez de noir, & pas plus gros que les plus petits grains de coriandre: ils font d’aflez bon goufl , mais fi diffi - elles à elcofler , qu’un homme n’en fçauroic avoir fait un plat en deux heures: comme cét arbrifleau efl fort agréa- ble & de bonne odeur, l’on en fait des hayes fk. defort belles allées. L’on cultive encore dans nos Mes deux fortes de pois Angloisy, ainfi appeliez , parce que les Anglois nous les ont communiquez : ils font ou blancs ou tannés , tous deux ont les fiieilles femblab’es à nos pois communs , mais un peu plus fortes : leurspieds fe divifent dez leur foi tiède terre, en dix ou*douze petites tiges, qui portent chacune une cof- fe, grofle comme le tuyau d’une plume d’oye , longue d’un pied , & remplie de quinze ou vingt petits pois longuets, qui font plus délicats &c de bien meilleur goufl que les nô- tres. Il fe rencontre encore pluficurs fortes de pois ou faféo- les qui font naturcllc-idans le pays;il y en a une forte qui râ- pe ordinairement dans les fables du bord de la xner, dont les- S S Hi fto ire Na turelle fïieilles quoy que femblables à celles de nos pois en leur For- me , font neantmoins trois fois plus efpailfes : leurs cofles font longues d’un pied 8c larges d’un bon pouce, remplies de fept ou huit fèves rondes 8c plates , de couleur brune, 8c qui fonteftimées très dangereufes, d’où vient que l’on les laide perdre fans les cueillir. Il y en a deux autres fortes , que l’on nomme pois à faire gratter , parce qu’il y a dans leur coffe du poil argenté, qui fe réduit en poudre , qui cftant mife fur la chair, caufc les mefrnes démangeaifons que l’Alun de plume : tous deux rampent fur les hayes,& il y en a un dont les coffes font tou- te herilfées, d’un poil auili fafcheux que celuy qui eft au de- dans : elles font longues dC 3 .pouccs> &c larges d’un pouce 8c demy , 8c contiennent trois ou quatre pois, gros comme des œufs de pigeons, mais un peu applatis : ils font gris & ont un demy cercle noir, qui environne les deux tiers du fruit, qtfi fe polit aifémenr. Iufques icy ie n’ay point veu que^lon s’en ferve à iicn,fi ce n’eft à faire des petites boites omet- tre du tabac. De quelques capillaires > fcolopendre & feugeres> qui fe trouvent dans les Ijles. §• I I I. l ’ A vois dit dans ma première édition , queie croyoîs qu’il n'y avoir point de terre au monde , ou i! y eut plus de ca- pilaires que dans l’Ifle de la Guadeloupe : mais j’ay depuis remarqué la mefmechofe dans toutes les autres Iflcs habi- tées par les François ; car non feulement j’y ay trouvé toutes celles que nos Herborilles ont décrites > mais plufieurs au- tres dont ils n’ont jamais parlé. Entre toutes , j’ay fait ren- contre d’un Poly trie , d’une Scolopendre, & de quelques feugeres, qui me femblent bien extraordinaires. Les plan- Des Antilles habite es par les François. tes du Polytric que j’ay trouvé le long d’une riviere, pour- voient hors de terre, dix ou 12. petites verges noires , polies, qui n’eftoiét pas plus groffes que des éguilles,&hautes d’une paulme,fans aucunes fiieillcs: mais à la pointe de chacu- ne de ces verges , il y auoit fept belles branches de Poly- tric, qui s’efcartanten rond,faifoient comme vne façon d’é- toile. La Scolopendre dontileft queftion, fans faire mention de plufieurs autres qui ne font pas communes ; croiil dans les mardis, fur le bord deseftangs, &; mefme dans l’eau. O11 voit lever de chaque groffe touffe , quinze ou vingt tiges, hautes d’une demie picque & plus; &c aux deux collez de chaque tige trente ou quarante belles füeillesde Scolo- pendre* ^ Fy ay aulfi remarqué toutes les fougères qui fc trouvent das l’Europe, mais il yen croiffune autre forte tout à fait ad- mirable. Son tronc ell gros comme le bras,&: compofé de df- verfes efforcés, les unes fur les autres, qui font toutes noires, plus dures qucl’ébeine, & toutes découpées par carreaux, larges de quatre doigts, dans lefquelles il y a des treillis com- me des jaloulîes : fes brandies qui ont plus de quinze pieds, font toute efpineufcs, mais toutle relie eftfetriblablcànos fougères communes. U me plante dont les femmes Sauvages fe feruent pour âeuenir fécondés, d'une autre qui fa- cilite leur accouchement . f* I V. L 'Es femmes Sauvages fe trouvant fteriîes , &: pour ce fujetellant très- mal traitées de leurs maris , fe fervent d’une plante pour fe rendre fécondes.Cette plante à propre- ment parler ell un petit champignon renverfé, fait comme M po H foire Naturelle une petite couppe , capable de contenir feulement un grain de lentille. Au milieu de cette coupe,ii y a trois petits grains femblables à ceux qui croiffent dans le fond de la rofe,mais extrêmement durs. Toute la plante eft grize cendrée , &£ croift fur des battons de bois pourry , dans les bois & dans les lieux humides. Les femmes mettent feicher cette plan- te , purs elles la reduifent en poudre , &: en prennent à chaque fois une petite pincée , qui peut faire environ le poids d’un elcu>&: elles aflèurent que cela reüflit infaillible- ment. Les Sauvages nous ont apporté vneefpcce de jonc, fem- blable à ceux de nos rivières , &: allez rare dans la Guade* loupe. Sa racineett compolée de certaines bulbes en for- me de boutons.grolTes comme le bout des doiges, lefquelles- cftant defleiehées &'mifes en poudre , exhalenc une odeur fort aromatique, &: qui témoigne alfez les excellentes vertus de cette plante. C’eftun threfor ineftimable pour lesfem. mes mariées-,car comme il y a peu de Sages-femmes dans ces Illes , quelque rude travail qu’elles puilfent avoir, le poids d’un efeu, ou quelque peu davantage de cette racine pulve- rifée & prife dans du vin blanches fait délivrer fur le champ avec beaucoup de facilité. De trots fiant es > dont la première guérît les bief fures des flèches , la féconde des morfur es des fer- fens » & la troiféme la dijjenterie . § V. V commencement delà paix , que Morfieur Aubere I fit avec les Sauvages , ils luy apportèrent une plante qu’ils appelaient en leur langue, l’herbe aux flèches ( ie n’ay j>u retenir le mot Sau vage } les fiiçilles de cette plante font Des Antilles habitées parles François. pr longues d’une paulme, larges de trois poulces, d’un vertgay, licées , polies, Se douces comme du fatin : elle porte de peci- ces fleurs longuettes, comme celles du lizet, mais à füeilles feparées : elles font violettes par dehors Se blanches par de- dans , fermées de jour , &; ouvertes de nui d. Les Sauvages font grande eftime de cette plante, Se non fans beaucoup de raifon ; car nous découvrons tous les jours par expérience les rares Se admirables qualitez dont elle eft doiiée : fa ra- cine pilée & appliquée fur lesplayesdes flèches, empoifon- nées de Mancenille , amortit entièrement le venin , &: mef- mearrefte lagangreine commencée , ofte toute forte d’in- flammation , comme aufll les enfleurcs que caufe l’aiguil- lon des Guefpcs de la Guadeloupe , lequel eft aflfez dange- reux. Il croît dans toutes les habitations de ces Mes', une herbe qui a quelque rapport avec la pariétaire , mais elle eft plus trappe Se plus bafle , fes füeilles font petites , dentelées , ve- lues, d’un vert naiflant, &deux à deux le long de leurs pe- tites branches : entre deux füeilles il croiftun petit vmbel de petites fleurs vertes Se rouges , toutes velues; &:c’eftce qui luy a fait donner un vilain nomjles plus diferets rappel- lent poil de chat, d’autres l’appellent la mal nommée:elle fe feme de foy-mefme, &e perd entièrement les jardins , fi l’on n’eft foigneux de la farder : c’eft un threfor qui n’a cfté que .trop long-temps caché , particulièrement auxhabitans de la Martinique , dont plufieurs font péris faute defecours, foulant tous les jours aux pieds l’Antidote qontre le venin qui lesfaifoit mourir : car cette plante eft toute remplie d’un laitft qui couflc à la rupture de fes branches, &quituë les ferpcns.Le R.Pere Feüillet m’a afleuré qu’il en a voit veu faire l’épreuve fur un petit ferpent, qu’une feule goûte de 00 lai& fit mourir à l’inftant,la plante broyée Se appliquée avec fon fuc fur la morfure , attire le venin &: guérit abfolumcnt la playc; &e fi le cœur eftoit atteint du venin , un peu de pou- dre de cette plante feiche , le fortifie, &luy rend les forces qu’il a perdues par le venin. Nous avons encore une autre plante, qui eft fort com- M ij $2 Hiftoire Naturelle mune le long des lifieres des habitations, que nos habitant appellent coufin , à caufe que la graine qui n’eft pas plus grofTc qu’un grain de coriande, eft toute herifTée , &: s’atta- che opiniaftrément aux habits &: aux cheveux des paflans-. Ses feuilles font comme de petits écuflons , & fa tige qui eft ligneufe, s’élève quelquefois jufques à trois ou quatre pieds de haut ; on s’en fert heureufement contre toute forte de diflenterie, prenant dans la boillon ordinaire le pois d’un efeu de fesfûeilles fêches,&li cela ne reülTit pas pour la pre^» micre£ois,il faut doubler la dofe. De deux plantes qui guéri ff 'tnt le mal de dents. De selle que Pifo appelle Paiomiriba de l'herbe nomme e Sargaço. § . v I- L A neccflitéeft une bonne maiftrefle , & qui nous de- couvre fouvent les fecrets les plus cachez. Les infup- portables tourmens , que les dents m’ont fait endurer pen- dant quelques années, dans l’Ifle de la Guadeloupe, m’onc donné occafion d’apprendre , tant des Sauvages, que des Nègres , quantité de très bons remedes pour ce mal im- portun, Ô£ pour lequel on ah peu de compaiîion. Vnjout un Sauvageme voyant travaillé, jufqu àl’extremité de cet- te douleur enragée , m'apporta deux plantes toutes entiè- res^ c’eft à dire , la racine & les füeilles.. La première eftoit une efpece d ç Solarium fort petit , ayant les füeilles alfez fem- blables àla Morelle, mais plus petites &: velues ; au haut de La tige il y auoit de petites fleurs blanches , èc quelques petits grains rouges allez femb’ables à des grofeilles rouges. L’autre eftoit vne plante plus forte, &: dont la tige eftoit li- gaeufe ; fes füeilles eftoient femblables à la Mercuriale,, Des Antilles habitées par les François. y j mais un peu plus rondes 5c plus fortes, avec une queuëau- deffus de la tige comme l’agrimoine, environnée de petites fleurs blanches. I’ay reconnu depuis que cette plante cilla mefme que les Arbotiftes nommectCwM, ou qu’il y a fore peu de différence. Il m’ordonna de prendre de l’une ou de l’autre racine , delà preffer, 5c de la tenir long-temps fur la dent qui me fai fort mal; j’experimentay que toutes deux avoieqc le mefme effet : car à l’inllant cela me fit ceffer la douleur; maisaufli il engourdknon feulement la gençi- ve, mais encor la moitié de la tefte , du cofté où il eftoit ap- pliqué. le crois que c’eft un poifon qui pourroit caufer quelque paralyfie , ou quelqu’autre accident à ceux qui en vferorentfouvent. le ne fçay fi le Circea ale mefme effet en France, mais il eft certain que dans les Ifles ces deux plantes font dangereu fes’ Ayant remarqué que cette plante que Pifo nomme Paio - wiriobafç, rencontre abondamment dans toutes les terres fa- bloneufes denos Iflesû’ay crû dire obligé d’en donner la fi- gure, & d’en faire connoiftre les belles qualitez , ie l'a y fait marquer par A, dans la planche de la fucrerie:Cet Autheur âffcure,que fa racine eft fouveraine contre lesvenins,quefes füeilles oflent l’inflammation &mondifientî-es playes;& fur tout que c’eft un vray Antidote contre ce vilain mal du fon- demér,qui arrive à ceux qui mangent trop d’oranges douces. l’ay parlé au paragraphe z. du Chapitre premier de cette fécondé partie, d’une petite herbe , donc lamcr eft toute couverte, aux environs du trente-quatre ou 35 . mefme de- gré de laligne ti-rantvers leNord. Cctteplantc croiftfans doute fur des rochers qui font au fond de la mer , d’ou les flots- arrachant la plus petite : elle vient defl’is l’eau, par tas 5c par gros pelotons , qui couvrent toute la fiu- perficie de la mer , & larempliflentfi fort, que les vaiffeaux en font notablement retardez. Acoilal’a parfaitement bien décrite fous le nom de Sargaço , difant qu’elle a les branches menues 5c entortillées les unes dans les autres, que fes füeil- les font minces, eftroites, ôc toutes dentelées, de la longueur d’un demy pouce ; 5c qu’à i’exttemité de chaque füeille, il y M iij pjf Hijloire Naturelle a un grain attaché qui eft creux &gros comme un grain de poivre. La couleur de cette plante tire à la couleur de fiieil- le-morte,& eft toute femblable aux herbes que nous voyons croiftre fur les rochers qui font couverts d’eau de mer. Or quoy que cet Authcur tienne que le goult fade de cette plante ne luy foit point naturel, & qu’il luy elt communiqué par l’eau falée : il eft neantmoins tres-certain , que toutes les herbes qui croiffent dans la mer oncle mcfme gouft. PiiL- fleurs affeurem quellefa.it jetter le gravier des reins,&; qu’el- le facilite les urines. DuTimmt 0 du Gingembre, §. y i. i L E Piment, poyvre d’Inde, ou poy vre du Brefil,.que les Atboriftes nomment Capjîcum , a efté de tout temps la principale Epicerie , tant des Sauvages que des habitans François. Outreles douze fortes, dont le Doéteur Pifonous a donné les figures dans fon Livre : l’en ay veu encore une autre forte dans le jardin du feu fleur Morin , laquelle avoic les coflésou filiques fourchues > &: c’eftpeu connoiftre le pays, que de le réduire àtrois fortes de piment, comme fait le fleur de Rochefort. Nos Sauvages font tous grands man- geurs de piment, ils le mettent à pleine poignées dans tou- tes les chofesqu’ilfont cuyre pour leur nourriture , &il fe trouve très-peu deFrançois qui puiffét manger ce qu’ils onc apptefté pour eux : nous nous en fervons pourtant aufll bien qu’eux , & l’on trouve que Fufage modéré excite l’ap- petit, contribue à la fanté,& donne fort bon gouft aux fau* ces : mais tous les Médecins conviennent en ce point, quel’excez en eft très- dangereux. Sa graine fechée&mife fur les charbons ardens jette une fumée , qui ayant une fois gagné les narines, trouble tout le corps , bleffe la poitrine, des Antilles habitées par les François. çj excite une toux fi fafeheufe , que l’on perdroitîa vie, fi l’on nefortoitpromptement delachambre,ou fil’on nefefervoic de ce remede, que j’ay appris d’un Portugais; car il n'y a qu’à moüiller Ton mouchoir dans de bon vinaigre , & l’ap- pliquer aux narines, pour empefeher le mauvais effet de cet- te fumée. Cette plante eft (i connue dans l’Amerique dans l’Europe , que ie ne crois pas en devoir dire davan- tage. L’on m’a affeuré que les Sauvages s’en fervent pour gué- rir la fièvre, mais d’une terrible façon ; car ils prennent du petit piment rond, qui eft le plus fort & le plus bruftant de tous, & apres en avoir frotté un filée , ils ouvrent par force avec les doigts les yeux du malade , &luy pafTentplufieurs fois ce filet fur la prunelle des yeux ; Or s’il eft vray qu’un grand mal en faffe oublier un moindre, il ne fe faut pas efton- ner fi ceux fur quion applique ce médicament perdent la fievre , car iene croy pas qu'il fe puiffe rien endurer de plus fafeheux. 5 Qiielquc temps apres que nous avons efté dans les Ifles, Ion à commencé à cultiver du gingembre , donc les pattes ou racines fontficonnuës en France , qu’elles n’ont point befoin dedefeription. La tige de cette plante ne s’élève que de la hauteur de deux ou trois pieds au plus , fes füeillcs font affez femblablcs à celles des rofeaux , mais un peu plus larges &c plus douces au maniemenc. Bien que la plante porte quelques graines, l’on ne s’en ferc point pour la culti- ver; mais l’on replante les petites racines, &: quand l’on n’en n a pas affez , l'on divife la groffe patte, ou maiftreffe racine, & on replante les morceaux par rangs dans de petites rigo- les , que l’on couvre par-après de terre , & en trois mois il vient à maturité. Cette marchandée a eu quelque cours jufques à la guerre dcsHolandois avec les Suédois , qui ayant interrompu le commerce de la mer Baltique , elle vint à fi vil prix , que les habitans n’y trouvant plus" leur compte, defifterent entièrement d’en faire : & lors que fy paffay en l’année i6$6. il y en avoit des piles auffi hautes que Hfloire Mature lie des cazes que Ton auroit volontiers donné à deux liât ds la livre. T Ous les Autheurs qui ont fait la defeription de la raci- ne de Chine, en ont parlé fi diverfement, qu’ils font a fi- iez eonoiftre qu'ils n’onc veu que la feule racine &: non pas la plante. Garde dit, que cette plante a trois ouquatre cou- dées de haut , les tiges minces , que fies füeilles font fembla- blés aux jeunes citroniers , &; que fa racine a la longueur d'une palme. Mnnard dit, quelle croift aux lieux maritimes en forme de Canne, ou de RoCcau,Acotta,dit quelle a plu- sieurs, branches menues en façon de farment, épineux , &: femblabl.es à celles du lifçt , 8z que fes füeilles font grandes comme du plantin à larges füeilles. Pour moy , ie croirois que cette defeription feroit la véritable, fi cous les Autheurs nettoient d'aeçord en ce point , que la Chine , dont nous vfons en Europe, eft une racine ; carj’ay veu en plufieurs endroits delà Guadeloupe, une plante queles habitans ap- pellent Ronce verte , à laquelle cette defeription convient en toutes fes parties, ô£ j’aurois crû que çauroit etté la véri- table Chine , fi cen’çttoit que defesbranches ( lefquelles comme dit Acofta, rampent fur les arbres , ainfi que du far- inent j pendent certains fruits raboteux , longs comme la main , de diuerfe forme , de couleur de chair dedans &: de- hors, infipides au gouft,& fi femblables à une racine,que fiie ne les avois veus attachez aux branches , j’aurois dit qu’oa les auroit arrachez dé terre. De la f au fie racine de Chine s qui croifl dans les JJles. Des Chous Karaibes de la ,&• v I I I. A u Des Antilles habitées par les François. ç? Au refte , il fe trouve dans la Guadeloupe, & prcfque dans toutes les autres ifles, une certaine plante, dont les füeillcs fervent pour enveloper lescuiffcs& lesjambes des hvdro- piques , lors qu’eftant excefti vcment enflées , on eft* con- traint de fcarifiei la peau , pour en faire forcir les férofitez, CwCte füeille attire beaucoup, Szj'enay veu plufieurs qui en ont efté fou! âge z : mais il faut que les habicans fe détrom- pent de la croyance qu’ils ont que c’eft la véritable Chine. Elle le plaill foitaux lieux humides,le long des rivières <5^ dans les montagnes, ou il pleut beaucoup , plus qu’au long du rivagede la mer. Laracine eft quelquefois groflccom- me la jambe, longue de deux pieds au plus : elle eft toute raboccufe, ôc percée comme fi elle avoir efté picotée avec un poinçon : elle eft couverte d’une efcorce fort mince, tan- née^ verdâtre en quelques endroits. Cette racine eft’atta. chée aux troncs des arbres, avec les filamens que l’on y voie pendre ; de forte qu’ils embraftent & environnent l’arbre, comme fi on les y avoir liez par divertilfement & avec def- lein. Oucreceux qui la lient à l’arbre, il y en a d’autres qui pendent delà cime des plus hauts arbres, où elie croift,juf- qu’à terre, & qui quelquefois s’y enracinent. Ils font ’^ros comme le tuyau d'une plume , quelquefois plus , quelque- fois moins ; ils lontauiîi gros en bas comme en haut , &; il femble que ce foient de véritables cordes. C es filets, ou cor- des, ont une odeur forte , & qui rapporte à l’odeur de l’ail: mais la grofte racine ne fent rien. Du gros boutdecette ra- cine Portent dix ou douze tuyaux gros comme le poulce Sc longs comme le bias , chacun defquels porte une füeille femblablc â la langue du ferpenc , large de deux pieds, & longue de trois. Cette füeiiie eft polie &îicée comme du lierre : ie ne l’ay jamais veuë fleurie,- elle tombe quelquefois des arbres à terre , & ne laiife pas d’y croiftre & d’y prendre racine * elle fe plaift naturellement fur les plus hauts arbres , quoy quelle femble n’avoir d’autre nourriture que celle quelle tire de l’efcorce des arbres où elle eft at- tachée. En voila aflez pour mon fujet, on peut voir les Au- theurs pour ce qui regarde fes vertus ôc fes qualitez. N 9 f Ht /foire Naturelle Des quatre fortes de choux Karaïbes que Pifo nous a dé- cris, nous ne nous fervons communément dans nos Ifles que des deux premiers , dont les racines font greffes comme la tefle, rondes, maflives,&: non bulbeufes comme ie l’avois dit dans la r.edicion demo livre:Ces racines fontde couleur de chair par dehors, & jaunes par dedans , &: l’odeur en eft fuave comme celle des violettes : elles pouffent des tiges des fticilles qui font fort femblables à la grande ferpentine, de la rupture defquelles aulfi bien que des racines , fort un laid alfez doux : l’on fe fert des füeilles au lieu de choux danslepotage , &: elle fe fondent & s’atendriflent au pre- mier boüillon comme de l’ozeille. Les racines que l’on met anffi dans le pot s’amoliffenc & rendent le potage efpais, comme fi l'on y avoit mis une poignée de farine, &c tiennent Le ventre libre - IL s’en trouve une autre efpece que nos habitans appellent choux poivrés , qui ne different des deux premiers qu’en la forme de leurs füeilles , qui font un peu plus longues, & qui portenc.une petite fleur blanchefll efl tres-diflicile de les-dif- eerner ,, & les plus habilles habitans y font trompez, les mettent fouventdans le potage au lieu des autres; d'où il ar- rive , quoy qu’ils ne s’en appetçoi vent pas en les mangeant, qu’ils bruflenc la bouche & le gofier, comme la.racineaf’vf» mefme, fi L’on en mange beaucoup ils donnent le flux de bouche. Gctte croifiefme forte que j’ay fait graver dans la planche delafucrerie , à caufe de fa figure affcz extraordinaire , fe trouve dans les ravines de toutes nos Ifles,mais ie n’en a y pas encore veu manger a perfonne.-comme toutes ces plates ont quelque rapport avec la ferpentine de l’Europe , ie fuis obli- gé dedire, que j’ay veu plufieurs endroits marefeageux de& Ifl.es , & des champsentiersremplis d’une efpece de ferpen- tine efpineufe, qui croiftde la hauteur d’un homme, .& donc les groffes racines font beaucoup plus. cauftiques^ue^ceLles^ que nous avons. en France.. Des Antilles habitées parles François. 99 Du Felun . §. I X. I E ne décris pas icy toutes les belles qualitez de cette plante : le Le&eur; curieux peut les voir chez les Au- theurs , & y remarquer tous fes avantages. li fuffit de dire icy, que les habitans cultivent communément quatre fortes de petun : à fçavoir , le grand petun vert , le petun à langue, le petun d’Amazone , le petun de vérine ou pecun muf- qué. Les Sauvages appellent toutes ces efpeces de petuns, fans faire aucune diftinftion , Toly. Le petun vert eft le plus beau , & de plus belle apparence. Ses füeillesont un bon pied de large, &: deux de long: mais pour l’ordinaire il dé- choit beaucoup a la pente, &: n’eft jamais de grand rapport. Le petun a la langue, ( appelle ainli , à caufe que fa füeille eftant longue de deux pieds , & large d’une paulme , femble avoir la forme d’une langue) eft de très-grand rapport, & ne déchoit nullement a la pente. Ces deux premiers font ceux defquels on fait le plus commun débit. Le petun de véri- ne eft plus petit que les deux précédons : fes füeillcs font un peu plus rudes , plus ridées &: plus pointues par le bout que celles des autres, il rapporte le moins de tous, & déchoit le plus à la pente : mais il eft le plus eftimé & le plus cher, parce que non feulement fa füeille fent le mufc;mais mefmc la fumée, quand on le brufle en eft trcs-agreablc, ou celle des autres eft tout à fait infupportable à laplufpart du monde. On a remarque de plus qu’une feule plante de ce petun communique fa qualité à quatre autres , & les fait pafler pour petuns deverine , c’eft ce qui fe pratique communé- ment dans les Iflcs , autrement on n’y trouva oit pas fon compte. Pour le petun des amazones , il eft plus large que tous les autres, fafcüilleeft arondiepar le bout, & non en N ij ïoj Hijtoire Naturelle pointe comme les autres î & les petites codes ounerveuret qui font des deux codez de la füeille , ne biaifent pas vers la pointe; mais elles la traverfent dedroitfil. Cepetunedde grand rapport, mais edantnouueau fait, il ed mal-faifant, fa- de au goud,& fait vomir fur le champ ceux qui en prennent; mais à mefure qu’il vieillit, cela fe corrige, il devient tres- excellent au bout de deux ans. Or quoy que la maniéré de cultiver &: de faire le petun,, fois commune aux habitans des Ides , ellenel’edpas a plu- fieurs perfonnes curieufes de l’Europe , pour lafarisfaétion defquelles re la decriray icy le plus fuccinétement qu'il me fera poflible. On feme premièrement la graine,que l’on mefle avec cinq ou fix fois autant de cendre que de graine , afin de lafèmer p'us claire- S i-tod qu’elle commence à lever , onlacouvre tous les matins de branchages , pour la garantir des ardeurs du Soleil qui la. bruderoit entièrement. Pendant le temps qu’elle ed à atteindre fa perfedion convenable pour la re- planter , on prépare le jardin où on doit faire fa levée , c’ed à dire, fa récolté, en défrichant, coupant, & bruflant les bois qui font fur la terre , ce qui n’ed pas un petit travail ; ou bien £ ion veut faire fa levée dans une cerre défia découverte, on la purge,&: on la nettoye entièrement de toutes fortes d’her- bes. Le jardin edant bien préparé, onleve la plante en un temps de pluye , afin quelle reprenne avec plus de facilité,,, puis on les plante toutes à la ligne ; l’ordre que l’on tient en les plantant, ed tel qu’il faut qu’il y ay t trois pieds de didan- ce entre deux plantes, &: autant entre deux rangs : de forte qu’vn jardin de centpasenquarré , doit tenir 10000. plantes depetun. Chaque perfonnedoit tout au moins entretenir & cultiver trois mille plantes de petun, & avec cela cultiver fès vivres , ce qui luy peut apporter environ mille ou quinze cent livres depetun. Edant planté, il faut avoir foin d'y paf- fer de temps en temps , & d’empécher qu’il n'y croiffede mauvaises herbes. Lors que la plante ed prede à fleurir, on l’arrede tout court , la coupant à la hauteur du genoüil , puis, ©a ode les füeilles d’en-bas qui traifnent àterre , &. on ne X- Des Antilles habitées par les François. /or lame que dix ou douze fiieillcs de perun fur la tige, laquelle on efmonde foigneufement tous les huit jours, de tous les re- mettons qu’elle pouffe autour des fiiei 1 les; de forte que ces dix ou douze füeilles fc nourrilTent merveilleufcment , &c vien- nent eipaiffes comme un cuvr. Pour voir s’il eft meur, on plie la fnëille , laquelle , fi elle fe caffe en la pliant, il eft temps de la couper : citant coupée on la laide fanner fur la terre, puis on 1 attache avec certaines Halles de mxhot, qu’on enfile dans de petites verges ; de forte que les plantes ne fe touchent point , 5c on les laifle feicher à l’air , quinze jours ou trois fe-* m'aines. Cela fait on arrache coûtes les fuëilles delatige, puis on tire la coite qui eft au milieu de lafuëille, &c l’ayant un peu arrou fée d’eau de mer , on la tord en corde , Sc puis on la met en rouleaux. De plujïeurs fortes d’herbes fenftives , du Ricinus & di un Dit /mal Amtriquain. § x. S I la platefenfitivc eft celle que tous les Autheurs ont dé- crite :ie fuis bien affleuré qu’elle n’elt pas dans la Guade- loupe , ny mefme comme ie crois , en pas une de ces Illes, au moins ie ncl’ay jamais veuë,quoy que ielaye curieufement cherchée. Et n’eftoitles quatre petites fleurs que les Au- theurs luy donnent, ie dirais qu’ils ne l’ont veuë que dans fa naiffance; car celle qui croift dans les favanes ou prairies de ces Illes , quenous appelions fenfitive fauvage , eft toute fcmblable, quand elle eft petite, excepté ces quatre petites fleurs qu’ils y ont adjouftées : &en peu de temps croift en arbriffeau , qui fe divife en plufieurs branches toutes char- gées de füeilles femblables à celles qu’ils ont dépeintes. La cime des branches eft toute environnée de petites fleurs jaunes femblables à celles du geneft: mais un peu plus peti- Niij 102 H i fi o ire Naturelle tes , à la cheute defquelles fuccedent de petites goufTes, lar- ges comme un fer d’éguillette , & toutes plates, dans lef- quelles la graine eft enfermée. Elle n'eft nullement en vfage parmy les Sauvages, & mefme ils ne la connoiflént pas. le l’ay montrée à plufieurs qui l’admiroient avec grand eftonne- menc. Les deux véritables fenfitives ne font point communes dans toutes nos Jfles , ie n’y en avois jamais veu avant l’an- née 1 656. que ie les trouvay toutes deux dans rifle de faine Chriftophe , dans le jardin de Monfieur de Montmagny, au quartier de Cayonne , la racine de cette plante poulfeuneti- ge verte haute de deux pieds, ligneufe; mais fort mince, fra- gile, & moileufe : cette tige (e divife en divers rameaux, dont les branches pouffent deux petites verges longues de huit a dix pouces, ôc toufiours oppofees l’une à l’autre, & aux deux collez de ces petites verges , il y a quantité de petites füeilles de la longueur d’un grain d’orge , mais plus eftroites, &: fl proche l’une de rautre,qu’clles fe touchet Leur couleur eil d’un verd fort brun , &: picoté de rouge. Outre la fepara- tion du rameau d’avec la tige , il y croift un vmbel ou rofe depetites fleurs d’un bleu purpurin , aufquelles fuccedent une ou deux petites goufles ou filiques, qui contiennent de petites graines plates, noires &: luifantes. Voila la plus exade defeription quej’enpuifledonnçr, par laquelle l’on pourra voir combien celle qu’adonnée le fleur deRochefort 9 efl peu conforme à cette plante. le tais toutes les refveries qu'en ont rapporté les Au- theurs, comme de dire qu’elle efl bonne pour le faire aymer, & autres chofes femblables. C’eftaflezde dire que cette plante a une telle averflon de quelque attouchement que ce foit ; qu’aufli tofl qu’elle efl touchée, ellereflerre toutes fes petites füeilles le long de fes branches, & demeure toute flé- trie comme une plante quife meurt. A un moment de là, el- le s’épanouît, &: revient aufli belle qu’auparavant. Pifoaf- feure que fes füeilles font un poifon fi dangereux,, qu'il n’a auçun contre -poifon, ny Antidote , que fa propre ra- cine. Des J nulle s habitées par hs François. ios Il yenacncoreune autre qui luy cil toute ferrblab’e, ex- cepté que la tige eftplus brune, & henffee de petites épines. Plufieurs Autheurs,& fur tous Bonard, ont dit des mei veil- les du Ruinas Ameiiquain , R aima. Chriffi , ou lî gu ierîd’cn fer- mais m'en dhnt féru y plufieurs fois contre les Huxiôns froi- des, & pour purger les hydropiques fuivantee qu’il en a ef- ci it, ie n’en t \y jamais veu aucun bon fuccez,ce qui me don- ne fujet, de douter de toutes les belles qualitcz qu’on luy at- rtibuë. 11 croift en grande quantité dans tous les endroits dé ces îflesimars perfonne n’en vfe, que les Nègres, qui en font de l’huile , de laquelle ils fe graillent le corps pour le rendre plus beau,& la telle pour fe garantir de la vermine. II eft tout icmblable au Raima Chrijli de nollre France , mais ilcroill beaucoup plus grand. . , En plufieurs endroits delà Guadeloupe, principalement? dans les lieux fecs , & parmy les roches, j’ay veu cette mef- me plante que Rauvolfdécrit , & qu’il nomme l'herbelai- éleufe -, mais comme il ne l’a veuë que dépouillée de fes fuëilles &: de fes fleurs , ce qui luy arrive tous les ans vers le mois de Novembre, il faut que ie dife ce que j’en ay recon- nu déplus que luy. Scs fuëillesfont lëmblables a laPer- venche ; un peu plus grandes , efpailles comme un quart- d efeu : elles font fort claires, & à peine en trouve t- on dou- z;e fur une plante : il croilt a la pointe de chacun de fes ra- meaux trois ou quatre fleurs rouges , femblables àcelle de I epuige,mais un peu plus grandes. Cette plante efl fi pleine de laiél, que de la rupture d un de fes Amples rameaux, il en fort quatre ou cinq cuëillerées , ce laiélell extremémenc cauflic,&r comme ie crois, dangereux. I’en ay goufl;é,mais il 1 fait plus de peine que la Laurcole , & c’cft le feul mimai que j ay veu dans 1 Amérique. 104 Hijtoire Naturelle Du Iuca> des Fîtes & des Karatas. §. X ï. 1 J Ay trouvé à mon arrivée en France une plante appeiîéc lue a , qu’il faut neceflàirement mettre au nombre des Pi- ces Sauvages , dautant que l’on tire de chacune de fes fuëil- îesun bel efeheveau défi! , dcfliécomme delà foye. Cette plante approche delà forme de l'Ananas ; mais fesfuëilles ne font pas dentelées, ny le quart fi grandes, &: elles font plus pointues. I’en ay tiré du fil depuis que j’ay elle à Pans , en prefence de plufieurs perfonnes fort curieu fes. Nous avons dans ces Ifles outre le îuca, quatre fortes de Pires : deux domeftiques qui croiffent dans les jardins, & deux Sauvages qui croiffent dans les bois. La première ( qui eft la plus petite ) eft celle qui croift fur les branches des ar- bres , & s’y attache comme la Chine par de petits filamens, defquels elle entortille les branches, & s’y attache ellroite- ment. le ne fçay de quoy elle fe nourrit; car elle n a aucune fu bilan ce, que celle quelle peut tirer de la fuperficie de l’ef- corce de l’arbre où elle eft attachée. Elle a les füeilles tou- tes rondes , greffes au plus comme le petit doigt , longues d’un pied &: demy au plus, & toutes canelées : elle porte une tige fort menue & haute de deux pieds, laquelle fe fepare en rameaux , qui portent de petites fleurs jaunes , toutes pi- cotées de noir. Ces fleurs ont quafi la forme d'un caf* que timbré , l’on tire de cecte plante la pire, ou le fil, qui n’eft pas dans le milieu de la fuëille, comme dans les au- tres , mais dans fa fuperficie : de forte , qu’on n’a qu’à rompre le petic bout d’en-haut, & le tirer en bas pour lever le fil , qui eft beaucoup plus deflié que celuy des autres Pi- res. La fécondé efpece , a la fuëille large de quatre doigts loongue Des Antilles habitées par les F rahçois. 10 / longue de deux pieds , 8c une tige haute d’un pied 8c de- my , environnée de petites fleurs blanches comme un Saty- rion : le fil de ces deux Pires n’eft pas en vfage, parce qu’il efl: trop court , 8c n'efl: pas fi fort que les autres Pires domefti- ques. Ces deux dernières efpeces de Pites, portent du f;uit, 8c j’aurois refervé à en parler au Chapitre fuivant , fi ce n’eftoit qu’il fautmetere lesefpeces fous la Categorie du genre au- quel elles Te rapportent. Elles font toutes deux femblables à l'Ananas, excepte qu’elles ont les fuëillesplus eftroices , 8c deux fois plus longues , &: que leur fruid n’efl: pas plus gros que le poing. L’vne de ces deux fortes de Pires n’a point de petits picquans auxfuëilles comme l'Ananas. Ce font ces deux efpeces de Pites qui fournilïent de châ- vre 8c de lin ( s’il faut ainfi dire) à toute PAmerique: caron cueille premièrement les füeilles, 8c apres les avoir un peu laifle fanner, on fait un las coulant d’une petite corde, qu’on attache à la branche d’un arbre , 8c apres avoir bien ferré la fiieille par le milieu dans le las coulant, tout d’un coup on la tire avec force , 8c elle fe dépoüille de toute fa verdeur; puis on en fait autant de l’autre cofté , 8c il vous demeure à la main un efeheveau de fil blanc , fin & fort comme delà foye , de la longueur de ,1a fiieille. Les Sauvages en font les cordes de leurs arcs, les rubans de leurs li&s, 8c leurs lignes à pefeher. I’ay veu un navire tout équipé de cordages de Pi- tes. Les Efpagnols en font des bas, 8c autres tres-bcaux ou- vrages; mais cette marchandifeeft de contrebande en Fran- ce, d’autant qu’on la mefle parmy la foye. C’eftune des plus grandes commoditez des Ifles. Outre toutes ces efpeces de Pites, que la Providence a fait croitlre dans nos Ifles , 8c mefme dans toute l’Amérique, pour fuppléer au défaut du lin 8c de la chanvre ; il y croift encore de deux ou trois fortes de Karatas fauvages , dont nous tirons les mefmes vtilitez. La principale efl, cette gran- de plante fi commune dans les terres fabloneufcs , 8c mefme fur les rochers de toutes ces Ifles , laquelle j’ay pris au com- mencement pour l’Aloës de l’ Amérique , à caufe delaref- O îoâ Hijloire Naturelle ffemblance de Tes fuëilles.,Sa racine reffemhle à vngrosoîi- gnon filaffeux, Tes fuëilles croiffent en rond comme celle de l'Ananas ou de l’Aloës , mais elles fe terminent toutes en jointes triangulaires,^ font piquantes comme deséguilles. Au bout de deux ou 3. ans la plante pouffe du milieu de Tes fuëilles(lefquelles occupent quelquefois dix ou douze pieds de terre en rondeur ) une tige droite comme une flèche, plus groffe que la jambe , &: haute de vingt à vingt-cinq pieds, fur laquelle il y apar-cy par-là quelques petites fuëilles trian- gulaires :1e haut de cette tige fe divife en pluficurs petits ra- meaux , qui portent de petits boutons qui s’épanouïffent en fleurs blanches eftoilées. Avant que les boutons de ces fleurs foient ouverts , ils font remplis d’un fort beau & bon cotton , dont l’on fe peut fervir vtilcment : apres que l’on a fait bouillir les fueilles Ton en tire du fil , dont l’on fe fercen plufieurs endroits de l’Amerique, non feulement affaire des toilles, mais encore à. faire des rets à prendre le poiffon. , ôc à faire des li&s pen- dans, La racine & les fuëilïes de cette plante broyées & lavées^ dans une riviere , jettent un fuc qui eftourdit fi fort lepoif- fon, qu’il le laiffe prendre àla main : ce grand tronc qui eftx toutfpongieux eftantfeché , brufle comme une mèche en- ffouffrée, ôc froté.rudement avec un bois plus dur, s’enflâme & fe confirme. I’enay veu une autre elpece plus rare, fur les rochers des €ïrenadins,dontles fuëilles cftoient deux fois plus grandes&û pluslongues, toutes armées de piquans fur (les bords, dcf- quellesTon peut encore tirer du fil , aufli bon que celûy des premières : mais comme cette plante croift pour l’ordinaire das des deferts pierreux,oùil ne fe trou ve guère d’eau douce, les paffans travaillez de la.foif y courent, parce que ces fuëii- les font tellement difpofées, qu’elles fe ferment en bas corner un verre , où on trouve quelquefois une pinte d’eau fraif- ehe , claire, tres-faine, & cela a fauve la vie àplufieursy qui fans cela feroient morts de foiff ,. T, F icj uier dinde ou maquette i?c J. Rocou, et les Uecjve^ cjui le pillent CT. B afjïn . g. le, ü epof air ~f. InTrempotre . 10. Chauffe* ou K- LaBattufie, ■ Jtgoute llndicjo rés portant 14 N&ÿves aux coiffons p o riants ‘f. Cierge, Çfpinctioc !3 o . 1NDIGOTÆJUE Des u Antilles habitées far les François . 10/ De ï Indigo & de la maniéré de le faire. §. X 1 1. C Ette plante porte le nom d’une pretieufe marchandifc dont il y a de deux fortcs.Le premier qui fenommeG/*- timalo.ed le plus beau , le plus fin, &; le plus cher ; celuy-cy fe fait aux Indes Orientales. Le fécond qui s’appelle Inde plate, fe fabrique dans les Indes Occidentales , dont nos Ides font une partfe. Cette plante eft à mon iugementuneefpecc defaintfoin, ou de Luzerne, dont le tronc vient alfrcz gros , &croiften arbriffeau ., lors que l’on ne le coupe pas. Elle fe divife en di- vers rameaux qui font tous chargez de petites fueilles, Gran- des comme l’ongle du petit doigt, cfpailfes, de couleur d’un verd fort brun pardelfus, &: argentées par défions; elle fleurit rouge , porte de petites goulfes greffes longues comme un fer d’efguillettes, &: toutes remplies d’une graine de cou- leur d’olive. Pour cultiver cette plante, il faut premièrement bien nct- toyèr la terre , & puisfemer dans de petits trous à un pied l’un de l’autre une pincée de cette graine , la couvrir de deux doigts de terre; & fi c’eft par un temps de pluye,qui eft le plus propre pour cela , elle lève en quatre jours, &: au bout de trois mois elleeft en cftat d’eftre coupée , &: de donner cette teinture dont fe fait l’Indigo. En fuite de cette première coupe, la fouche pouffe de nou- veau, mais bien plus abondamment, parce que d’un feul pied il en fort plufieurs rameaux , qui dans fix femaines font en- core prefts à eftrc coupés ; il faut foigneufement prendre garde de ne pas laifter paffer le temps de fa maturité: car au- trement toutes les fucilles tomberoient , &: il fau droit atten- dre fix femaines pour en avoir d’autres. O ij io S Hijloire Naturelle Ce qui eft plus à craindre pour cetce plante, c’eft vue cer- taine efpece de chenille que l’on a veu quelquesfois dans faint Chriftophe s’engendrer en une nuit , 5c ruiner toutes les belles efperances des habitans. Ils y remédient pourcanr en coupant promptement toute la plante , 5c la mettant dans les cuves , ils y mettent mefme les chenil les, & ce qu’el- les rendent ne laiftè pas de fer vit' : les autres remédient à ce mal -heur en faifant une grande ouverture ,. entre ce qu’el- les ont mange, ô^lercfte , où elles nont pas encore tou- che : ce defordre neantmoins. ne s’eft pas encore veu dans la-. Martinique. Quand cette plante a atteint fa mat uti té; c’éft à dire, avant qu’elle Toit en fleur , on la coupe avec des couteaux faits en forme de faucilles , &ron la met enfaifteaux: Se s’il y en a de- trop courte on la mec dans des facs de toile , & en fiiite on la jette dans la cuve , que l’on appelle la trempoire, où on 1 arrange, & foule avec les piedsjapres cela on mec de grands chuflîs pardeftus, qu’on arrelte avec une grofle piece de bois, qui eft au travers de la cuve, afin que l’eau que l'on doit met- tre dedans fumage : celafaiton ouvre le robinet du baflin, &on iaille couler l’eau dans la trempoire , jufqu’à la fuperfi- cie de l’herbe, qui fè fermente, qui s'échauffe 5c fait bouillit l’eau, comme fait le raifin dans la cuve,& c’eft par cette ebu- lition que l’eau tire cette teinture vifqueufe , donc fefaic l’Indigo, 5c non pas delà fubftancc delà fuëille, commeie Tavois dit dans la première édition de mon Livre- 11 y a un certain poinc qui ne m’eft pas connu , auquel il faut prom- ptement déboucherie robinet de la trempoire, pour fai- te couler cette teinture dans la batterie -, au deflus de la- quelle batterie , il y a un gros rouleau, de bois à fix faces, des denx bouts duquel fortent deux pointes de fer , po- fées fur deux moutons de mefme matière : à deux des fa- ces de deflbus,de ce rouleau , font attachez fix fceaux en pyramides , percés de trousde terriers , & un homme remuc- continuelleracnt ce rouleau , en forte que quand les fceaux fc lèvent d’un cafté , les autres fe baillent, 5c cela continuel- lement jufqucs à ce que l’eau change de couleur, 5c. devienne: V ' '' / des Antilles habitées par les François . rop d’un beau bleu celeftc, car pour lots il fefautarrefter. En battant cette liqueur, l’on iette quelques ciieillcrces d’huile dedans l’eau , pour l’empefcher de broüer &: mouf- lerjcar autremët il feroit impoflible d’en venir à bout. Si l’on ne prend bien le temps que l’eau change de couleur , &c que le grain fe forme , l’on perd fur la quantité & fur la qualité; car fi l’on ceffe trop tôt de battre,le grain qui n’eft pas formé demeure dans l’eau, il s’en perd beaucoup -, & fi on le bac trop long-temps, le grain fe difibud Sc fe remefle: & la mar- chai! dife, qui doit avoir une couleur bleue , devient noire comme du charbon ; à quoy les plus habiles font bien fou- vent trompez. La trempoireou batterie ayant efté bien faite, on void en un quart-d’heure couler tout l’Indigo au fond de la batterie , comme de la lie de vin , & tout eftant bien repo- fc, on laide couler l’eau par deux ou trois canelles, les vnes iur les autres; &lors que Ton voit l’eau fe mefle r & fe noir- cir, on la reçoit dans des baquets , &. on la vüide dans des facs de toile faits en forme dechaulleà clarifier , &: l’eau s’eftant toute efcoulé,elTndigo demeure feul dans les facs. Lors que les facs ne dégoûtent plus , il faut vüider l’Indi- go dans de petits caillons de bois quarrez, d’un pouce de bord , pour le faire lécher: & fi toft que l’on void qu’il eft pris, & qu’il commence à fe fendre, on le taille en tablettes; lors qu’il fe détache de foy-mefmc du quailTon on le re- tourne pour le faire fecher de l’autre codé ; s’il relie encore quelque humidité quand il fore du quaidon , il le faut Iailfer fecher au grenier , où on le garde en monceaux comme du bled. L’eau la plus douce & la plus legere eft la meilleure pourfairede bon Indigo. Il faut qu’il y aye dans les grandes indigoteries cinq vaif- lëaux ou cuves , I e bafiin, deux trempoires,xmç. batterie , &C un repofoïr pour dégager labatterie , afin quelle puide recevoir la décharge de la feCondetremperie. Toutes les cuves doi- vent efttedc pierres bien maftbnnées à chaux & à ciment. Quelques-uns en ont voulu faire de bois , mais clics n’ont pùrffifter à laforce de cette plante, qui pénétré tout , lors O iij no Hiftoire Naturelle quelle bouc. Au reftc cette plante exhale une fi mauvaile odeur qu elle a fait mourir des François 8c desNégres, avant qu'ils y fuflent accouftumez. ^ Le bon Indigo doit flotter fujr l’eau comme le bois : cc- luy qui nage entre deux eaux n’eft pas fi bon , il ne laiflc pas neancmoins d eftie bien vendu .* ;mais celuy qui va au fond ne vaut rien , ou bien il y a delà terre méfiée dedans. De deux fortes de fleurs que nos habitans appellent lys. De l'herbe au mufle- Du viol ter, & du P auot. §. XII I. I L croift en plufieurs endroits de cette Ifle deux fortes de lys, un blanc , 8c un orangé. Pour ce qui regarde lelys blanc, quoy qu il ait l’oignon 8c lafuëille,femblable aux lys de France; il n’a jamais pafle dans mon efprit que pour le vé- ritable Narcifle de Conftantinople, de Machiole, dont les fuëilles font toutes femblables ; l’oignon poufle au milieu de fes fuëilles une tige verte , creufe , 8c haute d’un pied 8c demy, chargée de cinq oufix petites fleurs blanches , lon- guettes, fort délicates, & qui jufqu’au haut de la fleur ont af- fez de rapport, avec celles de nos Narcifles ; mais la coupe outuyau du milieu, qui ell environné de cinq petites fuëil- les , fe divife en pareil nombre d’autres , fort efiroices 8c lon- gues comme le doigt. Du milieu de ces fleurs, dont 1 odeur n’eft pas moins fuave que celle delà Tubercufe, fortét qucl- quespetits filets blancs, longs comme le doigt, & qui ont de petites languettes jaunes. Ce que nous appelions lys rouge dans les Ifles , cil encore une autre efpece de Narcifle, qüi a Des Antilles habitées parles François . /// 1 oignon, les fuëillcs &la]jtïge prefqüe' toute femblable,- il pofce au haut de fa tige cinqouiix belles fleurs comme des petites tulipes de couleur orangé, pâle, à fond blanc par de- ans; les fuëillcs de celuy-cy font beaucoup plus minces & plus délicates que celles de nos tulipes ; ils ont cinq petits fi- lets a languettes jaunes, mais ils n’ontpoint de bouton, com- me la tulipe ; cette fleur eft fort belle , mais elle n’a point» a odeur. * r r ..?, n encontre par toutes ces Mes , une plante qui a les rueilles aflfez femblables à la Mauve , mais un peu plus ru- des elle porte une tige haute de deux coudées , à la pointe de laquelle, & mefmefur pluficurs branches qui fbrtent dë la mefme tige , il y a pluficurs fleurs jaunes, qui reflemblent allez aux fleurs des mauves , mais elles font quatre fois plus grandes , a la cheute defquellcs croift un bouton gros com- me un œuf de pigeon , long en triangle comme le petit doigt, & qui fe termine en pointe par le haut. Avant qu’il loit meur , il eft vert ôc remply de petites graines blanches', j U /r nC f' cncenc encore le vert : mais enfin il fe meurit , fe* •ddieiche, devient gris, &: ala graine noire. Erpourlors fi on r forte cette plante dans les mains- , elle exhale une odeur aulh lua v-e que le mufe. le l’ay veu levéedansParis,ie ne fçay pas li elle y fleurit; mais fa graine n\- vient jamais en maturil te, on apporte de ces graines enFiance, & elles y confervent leur bonne odeur. Les confituriers s’en fervent pour faire leurs dragées, &: cela les rend mufquées. I’ay trouvé dans les montagnes de la Guadeloupemne iorte de Violier, tout femblable aux noftres quant àlafucil- le : mais cette plante porte une petite tige, grofte &: longue eomfhe un fer d’éguillette , au fommet de laquelle croiifent trois belles petites fleurs blanches comme neige , qui ont chacune cinq Fuëillcs en forme d’étoile. A la cheute de ces fleurs fuccedent trois petits fruia$ ronds , & gros comme des grains d’afperges , & rouges comme du Coïaiîr & dans ces fruiéls il y a trois petites graines noires. Il eft af- fez commun dans les montagnes Ôc dans les lieux humi- n2 Ht Croire . 'Naturelle le n’av trouvé que dans un feul endroit de la Guadelou- pe une forte de pavot qui n’eft pas commun dans l’Europe, bien que cefoit le feul quej’aye veu dans l’Amerique. La plante en ed fort petite , fesfuëillesfontfemblables anos pavots rouges , qui croiffent dans les bleds , mais la fleui e a toute femblable à ces petites anémones blanches , .que 1 on trouve dans les forças , excepté que le petit bouton ou teae qui contient la graine , ea comme le bouton d un pa- vot. Du Manyoc. §. X I V. T Out le monde s’edonne dans la France , de ce que dans toutes ces Ides,!! ne croid point de bled, &: admi- re en mefme temps comme les hommes peuvent vivre (Lun pain déraciné , dont lefuc edun poifon qui tue un homme d’une feule cueillerée les Sauvages au contrai- re eftiment les François mal- heureux, parce qu en leur pays h U'y a point de manyoc. Cependant les uns K les autres Ce trompent lourdement , puifquelamefmeProvidence quia donné pour nourriture aux habitans de l'Europe le fr0 “= n t ; le rempWmt des qualité! neceffaires a cet effet i adonne aux habitans de ces Ifles la Caffave faite de manyoc , qu el- le n’a pas privé de ces mefmes quahtez. Pour moy.ie ne fus iamaisde ces délicats, qui augmententleur foibleffe parla force de leur imagination . le me fuis fi bien accouftume a la bonne Caffave , que ie l’ay toufiours preferee au pain qu’on nous apporte de l'Europe. Pleurs font de mon fentimenten ce point, pourveu qu'elle (oit fraifche.faite de bon manyoc, & dont la farine ayt eftepaffeeparun/méreto blC ï allante de laquelle on fait le pain , que les habi- Des Antilles habitées par les François. nj tans appellent Cafjûue ? & la boiffon ordinaire , qu’ils nom- ment , eft imarbriffeau forrtortu , toutremply de nœuds ou petites excroiffances, grofles comme des fèves de brefil : ces nœuds viennent aux endroits d’où les fuëilles font tombées ; car il faut remarquer, que cet arbriffeau ne fc dépouille pas de fes fuëilles tout à la fois, mais à mefurequ'il croill,,S£ que les fuëiiles d’en- bas vieil iiiTen t, &c tombent, en mefme temps, il en croift d'autres en haut , fi bien qu’il cil toujours vert. Il jette plufieurs branches éparpillées , qui font toutes chargées de fuëilles , non femblablesà celles qui font deügnécs dans Alechamps,&: dans les autres Autheurs, n.ais a celles de £ Agnus Cafins . Il croift communément de trois ou quatre coudées de haut , plus ou moins , félon la di- veilîte du terroir , ou des faifons , Se du temps auquel on le plante. Le bois deeét arbriffeau eft fortrendre,& d’unfeul coup de baftonon brife on caffe toutes fes branches* Le Manyoc porte de la graine , laquelle eftant femée pouffe du boisjmais prcfquefans racine, 5c fi peu qu’elle en pouffe, elle ne vaut rien, mais ce bois quelle produit eft tres-bon pour cftre plante,5c poulie de belles racines. Il y en a de fix ou fept fortes, que les habitans diftinguent par la coureur des queuës , des coftes des fuëilles, ou del’ef- corce de la racine. Le manyoc violet aune efcorcc fur fa ra- cine, de 1 cfpaiffeur d’un quart-d’efcu,d’un violet fort brun: niais le dedans eft blanc comme neige. Celuy-cy fait le pain de meilleur gouft , & dure davantage en terre que les autres. Le manyoc gris a l’efcorce du bois &: de la racine grife,&: eft fort inégal r car quelquefois il rapporte beaucoup, quelque- fois fort peu ; le pain n’en eft pas mauvais. Le manyoc vert, appeLé ainfi a caufe de la verdure de fes fuëilles , qui font plus drues & plu> vertes que les autres , rapporte beaucoup, il n eft ïamais dix mois à eftrcbon, fait d’excellent pain; inais il nefe confervepas long- temps enterre. Le manyoc blanc a 1 efcorce du bois blanchaltre, celle de fa racine, avec le dedans, eft jaune. Il vient en fix ou fept mois , il rapporte beaucoup de racines , mais elles fe refol vent toutes en eau: de forte qu’cncore que le pain en foit j^une comme de l’or, irjf- Hifloire Naturelle te de très -bon g'ouft , on n’y trou ve pas Ton compte , te peu de perfonnes en font , il n’y a que ceux qui font preffez , te qui n’ont point de manyoc planté, qui plantent de celuy-cy, pour en avoir bien-toit. Il y a une autre forte de manyoc af- fez rare,que l’on appelle Kamanioc :.il efl: fi femblable au ma- nyoc blanc , qu’on ne les fçauroit diitmguer qu’avec peine. On le fait cuyre tout entier comme des patates , te on le mange fans exprimer fon fuc , te fans qu’il fade aucun mal, comme feroient indubitablement tous les autres manyocs, qui donneroient ta mort à l’inftant mefme qu’on en auroic mangé. I’ay apris depuis la n édition démon livre, que les cf- claves tantSauvages que lesNegres.qu on nous a amenés du Brefil arrachentle manyoc , te fans le grater le mettent dans un baril plein d’eau, où ils le laiilént tremper une femajne entière, puis le font fécher au Soleil, te i’ecorce s’oftant d eL le mefme , ils pillent ce manyoc dans un mortier, pour le ré- duire en farine, qu’ils mangent fans autre cuiilon. Pour planter lemanyoe,onobfervefortexa&ementle dé- cours de la Lune : te les habitans tiennent qu’eftant planté en ce temps-là, il poufse davàtage en racines. On remue pre- mièrement la terre avec des houes , & on en compofedes mottes larges de deux pieds te demy , ou trois pieds, & lon- gues environ de cinq.Les habitans appellent cela, des fofses de manyoc „ dautant quelles refsemblent aux fofses dans lefquelles on enterre les morts. On fait unb raye tout du long de cette fofse par le milieu , te on fiche dans cette raye à. droit&à gauche , trois ou quatre tronçons du bois de ma- nyoc , longs d'un pied au plus : te on remplit les Campagnes> de ces folfes , fur lefquelles on plante du manyoc qui croifr en arbriffeau, te pouffe merveiileufement en racines, def- quelles la plufpart, quand il efl beau , font groffes comme la cuiffe; de forte qu’un feul arpent de terre planté de manyoc, nourrit plus de monde, que iix arpens des meilleures terres Etanc«iemées de bled, ne fçauroient faire*. T}tis Antilles habitées par les François . i/j La façon de faire le pain & la boijton ordinaire y auec le JManyoc . P Ourfaire la Calfave , qui cille pain ordinaire du pays, apres avoir arraché le manyoc , on ratifie fes racines, comme onfaic lesnaveaux , lors qu’on les veut mettre au pot, puis on efgruge toutes Tes racines fur des râpes de cuivre percées , comme les râpes avec lefquellçson efgruge le lu- cre. Ces râpes ont un pied & demy de haut , &:huitou dix pouces de large, Sc font attachées fur des planches, dont on met le bas dans un vaifleau , & appuyant le haut contre l’eftomac, Ion frotte à deux mains la racine deffus la râpe, Se tout le marc tombe dans le vaiffeau. On a trouvé depuis quelque temps l’invention d’avoir de grandes roiies toutes couvertes de grages , de forte que trois Ncgres en une heure font plus de farine que dix autres , il y en a deux qui tournent , & un qui fournit de racines , ainfi que vous les voyez dépeints. Quand tout eit égrugé ou rap- pé,on le met à la prelfe dans des facs de toile, & on en expri- me tout le fuc , en forte qu’il ne demeure que la farine toute feiche. Mais comme les facs de toile couftent beaucoup , Ses’v- fent bien toft, on fe fert àprefent dans la plufpart des Cafés d’un canot de bois , d’environ quatre pieds de long , & deux Sc demy de large , & de quelques trois pieds de profon- deur , troüé de tous les collez , dans lequel on met la farine fur laquelle on met quelques planches proportionnées à la grandeur de ce canot, fur lefquelles on met quelques roches, & la fourche pour prelfer; fi bien qu’au lieu de fept ou huit jours , qu’il falloit pourfaire fécher la farine , &en expri- mer le fuc cela fefait maintenant en une heure. Le fuc qui en fort eftellimé dupoifon par cous les habi- P ij n $ Hijloire Naturelle tans &C mefme par tous les Authcurs qui en ont écrit -, au~ tant que le quart d’un verre fait mourir un homme en moins d’une heure,G on n’y apporte un prompt remede. Pour moy, i’ay une opinion toute particulière , que ie ne mets pas îcy pour la faire paffer comme infaillible & afteuree , mais afin que l’on en iuge. Car ie crois que tout ce qu’il y a de malin dans ce fuc , & mefme dans cette racine , n’cft qu’une trop grande abondance de nourriture , de laquelle lelto- machhumain n’eft pas capable ; car quoÿ que fon eftet foit a la vérité mortel , il opéré neantmoins tout d’une autre façon que tous les autres poifons , quicaufent des ardeurs eLran- ees, s’ils font chauds-, ou des affoupiflemens , s ils font froids: ?e qu’ô ne remarque point du tout en ceux qui ont pris de ce fuc ou mangé de cette racine.mais feulement une repîetioa d’eftomach qui les fuffoquc,& qui les fait mourir. De plus, on ne trouve aucune des parties nobles des animaux qui en font morts , endommagée , mais feulement leur eftomach ^ O fl *2 ' _ On peut adjouft'er que les Sauvages ne font prefque rien cuire , qu’ils n’y mettent de l’eau de many oc en abon- dance , fans qu’il leur faffe aucun mal, lors qu elle eft cuitte. Et le Pere Raymond Breton qui blafme cette opinion dans fon Diéfionaire, me donne de quoy l’appuyer en la page 52, où il dit , que lemanyocne fait aucun tort a ceux qui y ” font habituez, comme aux rats, aux acoutys:& qu il a veu 3 ’ des vaches en mourir, d’autres en manger petit a petit, &- ]] en faire par-aptes de grands dégâts, fans en .eftreendomma- ” A^uoy j’adjoufte, que nous avons veu mourir despetforr- nes qui durant la famine, avoienc trop mange de b.ed qur- n’eftoit pas encor meut, & que les chevaux mefme.qunboi- vent apres-avoir mangéleutfaouldefroment.enfontfufio- quez cependant il n’elt jamais tombe danslapenfee des- hommes, que le froment aycnen de- veneneux)mais feule- ment une fi grande abondance de nourriture, que fi Ion en- vfe indifcrctcmcnt , iUaufe des eftets aufli dangereux que le- an,- Des Antilles habitées par les François. iiy Pour revenir à la maniéré de faire la Caftave : cette fari- ne eftant bien feiche , on la pafle à travers d’un Hebéchet , qui eft une façon de crible à petits trous quarrez Se fort drus, que les Sauvages font avec l’efcorce &\iSolaman , oudequeues de LatamèYs. Apres cela , on fait du feu fous une platine de fer fondu .ronde, Se efpaiffe d’un demy doigt. Les Sauvages fe fervent de platines de terre cuitte. Quand la platine eft bien chaude , on eftend fur toute fa largeur l’efpaifteur d’un doigt de farine : laquelle venant à s’efchauffer, felie Se fe cuit comme un de ces crepaux, qu’on fait danslapoëlle au Mardy gras. Lors quelle eft cuite d’un cofté , on la re- tourne de l’autre, eftant tout à fait cuite, on la retire de def- fus la platine , Se pour lors elle donne del’appetit auxplus dégouftez:aprés on la fait feicherau Soleil pour la garder. Les Efpagnols Se les Portugais font feicher cette farine dans le four, Se la gardent deux ou trois ans .-ils en fontdes proviftons dans leurs forterefles,Se en aviduaillent leurs na- vires. Voila de quoy manger, il faut maintenant donner de quoy boire. La boiflfon ordinaire que l’on appelle Oiiycou , fe fait dans de grands vaiflcaux de terre, qui tiennent environ un demy poinçon. Les Sauvages les font eux-mefmcs, Se les ap- pellent à l’imitation des Efpagnols, Canary. Apres avoir remply cesvaifleaux d’eau , on met dedans dix ou douze bonnes Caflaves toutes chaudes, Se on cgruge 5. ou fix pata- tes, que l’on mefle dedans l’eau, puis on les couvre & on les. cftanche bien,Se en une nuit cela s’échauffe, Se bout cômele vin dans la cuve:Se pour marque qu’il a boüil]y,tout le marc de laGaflave monte audelfus , Se il s’y fait une croufte ef- paiffe de quatre doigts. Alors on le coule à travers d’un He. kécbet > Se on le met ralfeoir, Se éclaircir dans un baril. Cette boiflon eftant bien faite , eft auffi bonne que la meilleure bierre.il y en a qui font pourrir laCalfavepour faire le Oüy- cou plusfortjles Sauvages le pratiqu en rimais ie crois que ce Jan’eft pas fain. Ce n’eft pas aflez pourtant d’avoir fait voir les mauvais cf- P iij, qj g Hijtoire Naturelle fets du manyo c, Se d’avoir dit que Ton fuc aufli biê que fa ra- cine crue fait mourir ceux qui en magent, il faut aufli qu’en mefme temps ie tafche de donner quelque remede à ce mal. Fen laifseray à partplufieurs que quelques Autheurs ont donné , Se que tout le monde ne peut pas pratiquer , ny mef- me connoiftre:& me cbtenteray d’en donner trois , qui font auili aifés qu’il font communs ^familiers à tous les habitans des Ifles : le premier que j’ay veu pratiquer heureufeinent, c’eft de boire de l’huile d’oliue avec de l’eau tiede , ce qui fait vomir tout ce qu’on a pris : le fécond qui eft tiesalfeure, eft de boire quantité de fùc d’ Ananas, avec quelques goûtes de jus de citron * mais fur tous les remedesje fuc de l’herbe aux couleu vres,dont tous les arbres de ces I des font revêtus, eft le fouverain Antidote, non feulement contre ce mal, mais encore contre toute forte de venin. Des Patates, Tgniames , ^ Pifiaches. §. XV. S I dans l’Europe le bled vient à manquer , on eft afleure de jeufner:mais quand il n’y auroit pas une racine de ma- nyoc dans toute l’ Amérique, les Patates peuvent fervirde pain & de nourriture aux hommes , Se à cous les animaux, fans en excepter aucun ; Se mefme dés à prefcncfofe bien afleurer qu’il y a la moitié des habitans des Ifles , principale- ment parmy les Anglois , qui ne vivent d’autre chofe. Lors que les Oüragans onttant de fois ravage les mary ocs de nos Ifles, onatoufiourseurecours aux Patates, fans lesquelles bien du monde auroit pery de faim. le crois afseuremenc qu’il n’y a pcrfonne qui ay t efté dans l'Amerique , qui n a- vouë que la Patate eft la meilleure nourriture du pays. Pour marque de cela ,on a toufiours obferve que ceux qui envient Des dntüles habitées par les François. 119 ©rdinairemenr,font gras ,en bon point, &: fe portent merveil- leufement bien. Pour cultiver cette racine , on fait des trous dans la terre de demy-pied de profondeur, le plus dru, & prés à prés qu’il eft pofFible ; &: dans un temps de pluyc on met dans chaque trou, deux ou trois brins de ces tiges rampantes, que lesha- bitans appellent , bois de Patates , puis on les couvre de terre: & ces tiges ayant repris, poulfent des racines, & rampent fur l'a terre , laquelle ils couvrent entièrement. Dans chaque trou , il y vient cinq ou lix racines de toutes formes , rondes, longues , en poyre , & autres façons , &: de toute grolfeur. Il y en a quelquefois de grolfes comme la telle. I’en ay veu qui peloient plus de vingt livres, ce qui efl: alfez ordinaire quand elles font plantées dans une terre legere ou fabloneufe , où elles fe plaifenc plus que dans une terre gralfe. Toutes ces racines en trois ou quatre mois , atteignent leur perfe- ction. Il y en a de huitou dix fortes differentes, en goull, en cou- leur, & en fuëilles. Pour ce qui regarde les fuëilles ,’la diffé- rence en cil petite ; car elles ont prefque toutes la forme de cœur. Leurs tiges ou farmens qui rampent deçà, de là, & cou- vrent toute la terre côme fi c’elloit un préservent de pâture aux belles , qu’on ne laiffe pourtant pas aller dedans, mais l'on en coupe de grandes bradées que l’on donne aux che- vaux, aux bœufs, & aux porcs, pour leur nourriture ordinai- re. L’on coupe audi les excremitez des tiges, quel’on lie en petits paquets pour les faire cuyre, & manger en il fuffit d’en nommer les plus communes>qui font les Patates vertes, les Patates à l’oignon jles 1 Patate s marbré es, les Patates blanches, les Patates routes, les Pa- tates orangées, les Patates à fuif,lcs Patates fouftées^ les autres qui ne me reviennent p^s à la mémoire. Tous les matins , c’ell une coullume generale par toutes les Ides , défaire cuyre plein une chaudière de Patates pour U Noire Naturelle déieûner.On l’emplit deforte, qu’on ne met de l’eau dedans, aue pour empefcher que les marmites ne bradent i car fi on. ks pouvoir faire cuyre fans cette eau, elles en ferment beau- coup meilleures. De plus, on bouche la chaudière avec quel- aues P linaes,ou avec des fuëilles de Bammtrs. Quand elles fontcuircs, elles deviennent moles comme des chaftaignes bouliës, & ont prefque le mefme goufti mais elles > f°"'£ea - coup meilleures, & ne chargent nullement 1 'f fauce ordinaire dans laquelle on les trempe avant : que de les mander* eft la Vimmude , qui fe compofc de jus de citron, &ffhuüe d'olive , avec cinq oufix grains de piment eca- ch Au telle, deux chaudières de Patates toutes chaudes, dé- trempées dans un baril d'eau , font une boiffon excellente, que nous avons fait boire aux plus démaifez pour du vin de Ré Onia peut suffi faire paffet pour du vin clairet , caL deux ou trois Patates rouges luy donnent une couleur de ruby , auili belle que le plus beau vin de F tan «i on appel e cette boiffon Mah. 11 faut que cette liqueur bouille d elle- même aulfi bien que le O'ùicou deCafsaveiSc lors que une ou Pautrc ne fe halle pas afsea de bouillir l'on egrnge deux ou ois patates cuites que l'on jette dedans , ce qui fait monter Lt le marc un quart-d’heure apres , au-defsus du b tL 0 femrS^va g esenfontd’uneaurreforre qu'elles font boire afsez fouvent à leurs maris : elles mafehent les Patates défia cuites, & les recrachent dans un Couy , ceft a dite la moitié d’une calebafse , ou cela s ellant aigry , 1 fe' fait une forte de levain , dont elles prennent gros com- me ùn œuf , & le difsoudenc dans une bonne çhopine d'eau , Se cela fait fut le champ , une boifson capable d en- y V Les ImU>r.es ou Iuhamts , font une autre cfpcte de Pata- tes , dont les tiges font beaucoup plus fortes que celles des Patates elles font quarréesde rampent non feulement fur la mais encore q fur les hayes . SC mefmes s'attachent aux Des An tilles habitées -par les François j 2 t arbres comme le houblon en France. Leurs fusilles qui viennent deux à deux fur des petites queues quan ées laif- fanc toufiours une grande diftance, en trell es, & celles- qui fuivent, font plus fortes & plus grandes que celles des Para» teSj&d’vn verd plus brun, &: plus Iuifanr,en forme de cœurj leurs tiges pouf ent vne façon d’épy de fleurs jaunâtres , qui portent quelque graine. Leurs racines croiflent incomparablement plus grofles que celles des patates, & pouffent de la grofle malle, des che- velures de petites racines. Leurs tiges fe repliant cotre la tçr- re,y prennent&produilent des racines qui font de couleur cendrée tirant fur le jaune, lefquelles fervent de nourriture aux Nègres , qui en font autant de cas que des Patates, quoy qu’elles ne foient pas fi bonnes. Lors que l’on coupe leurs ti- ges, elles pleurentfort long temps comme la vigne , mais plus abondamment. Nous avons encore une autre planteront les fruits croif- fent dans la terre , comme cejle des Patates, mais qui en eft bien diffet en te : on 1 appelle Pijlkchc , a caufe de fa forme de fou gouft, c’eft une petite plante qui rampe fur la terre, poulfe de fes petite.s tiges qui font fort defliées,roufTes&; ve- lu es, de petites queues fort drues, qui portent chacune qua- tre petites fuei les affezfcmblab les à celles du Mélilotà\ fort de la jointure de ces rameaux de petites fleurs jaunes& rou- gifsantes par le haut , comme celles de Citifus : cette plante produit fous la terre de petites goufses grifes, qui font du bruit lors qu'on les caffe:elles contiennent chacune deux ou trois fruits gros corn ne des Avclaines,l’efcorce en eftrouoe, le dedam en eft blanc , oléagineux &c de mefme gouft que nos Piilaches del’Euiope. on lesprefenteau defsert, mais ils font mal a la tête de ceux qui en mangéttropd’on en fait des iCatapiafmes qui guerifsencles morfures des ferpens&d’huile que l'on en tire eft eltimée comme 1 huile d’amande douce. 122 Hijloire Naturelle Des Cannes de Sucre : de la maniéré qu'on le fait. §. XVI- Es Cannes de Sucre qui eroiffent , tant dans le BreftI Exqu'en toutes ces Ifles , defquelleson fait le lucre en ^Irnce.funttoutesfemblablesauxgrandsrofeauxdEf- pagne , horfmis quelles ont les nœuds plus courts, les fue 1- fes plus drües , & quelles font plus baffes de moitié s elle portent un pennache comme les autres rofeaux , da fequel la graine eft enfermee. Il y a encore cette ditferen ceVie la Canne n'eft pas creufe comme le rofeau : mais el- le èft remplie d'une certaine moelle fpongieufe , toute imbi- bée d’une^au blanchaille, &c cette eaueffla liqueur dont on ^Ces' Cannes eroiffent dans toute l' Amérique , auffi gref- fes que les plus grosrofeaux , & mefmeil s'en trouve de plMgtoffésque* bras. Celles dellfle de Madereau .con- traire, .refont pas plus greffes que deux pouces. IÇncfçay fi cela vient du terroir , ou du defaut de pluyes > quoy qu en foît , le fucre ne laiffe pas d'en dite beaucoup plus ot. On plante les Cannes, tant dans 1 Amérique dans les Ca ries F non des yeux, ou des rejettons , comme dit d A champs ; mais bien des tronçons de la Canne terre bien labourée. U y en a qui font des rigoles d vn den y £ °Elles'font pou ^l'ordinaire fix oufept mois à atteindre leur parfaite maturité , c'eft 'a dite , avant qu’elles fleurirent oi, L.'.iucnnffentla verse qui portele pennache , oulagtas : uir howc Gros ~f. L atanir, COj\» JKf. ,rt ' point no rerie . *) . Cannes L P o urne aux et C hau cher ej rmes Des Antilles habitées par les François. ne & la fleur font enfermée^. En ce temps-là, elles font jau- nes comme de l'or ; & c’eft àlors qu’on coupe les Cannes, Sc apres les avoir émondées de leur feiiilîes , on les applique au moulin, lequel eft compofe de trois rouleaux égaux en grof- feur , & également reveftus de lames de fer , au lieu où paf- fent les Cannes. Celuy du milieu eft beaucoup plus élevé, afin que les deux arbres qui le tiennent par le haut, &: aux- quels les bœufs font attelez , puiifent tourner fans eftre em- pefehez par la machine : le grand rouleau du milieu, eft en- vironné d’un hériflon , dont les dentss'emboîtent dans des hoches ou arets faits à ce fujet , dans les deux autres qui font tous proches ; les faifant tourner ils ferrent , écrafent& fontpaffer les Cannes de l’autre cofté, lefquelles demeurent toutes feiehes &: épuifées de leur fuc , qui tombe dans ua vaiffeau qui eft deffous le moulin. Ce fuc ainft tiré , coule par un petit canal dans la première chaudière, qui tient en- viron deux muids , les deux autres vont en diminuant ; en forte que la troifiéme ne tient au plus qu’un tiers delapre- mierefle fuc eft échaufè dans cellc-cy àfeu lent,&ne fait que frémir, & pouffer en haut fon ordure,que l’ô écume fort foi- gneufement , & cette première écume ne fert qu’à mettre dans lamangcaille des animaux. L’on tranfporte le fuc incÔtincnt apres dans la z.chaudiere, où l’on luy d5ne un feu plus violent,cn fortequ’il bout à gros boüilions, pédant qu’un N égre l’écume toûjours,&:pour l’ai, der à fe purifier &: jetter toute fon écumefi’on y jette de téps en temps quelques ciieillerées d’une leflive fi force, qu’elle cauterife la langue quand on la met deflùsreftat ainfi bien ef- cumé , on le met dans la troificme chaudière, où I on luy en fait autant ; &: dans les fucreries où il n’y en a que deux , on le laide davantage dans cette fécondé. Apres cela on lepaf- fe par un drap, ou par un linge, &: on le verfe dans les petites chaudières de bronze , où l’on ne fe fert plus de lelfive ; mais comme ces chaudières font fort baflcs , &C que le fucre qui eft en confiftance de firop , y bout extraordinairement : l’on y jette de temps en temps avec un afperfoir, quelques goûtes d’huile d’olive , pour l’empécher delesfurmonter&; de fe répandre. Q^ij iz/f Riftoire Naturelle Les Nègres lcremüent continuellement , Se î de- vent avec leurs grandes écumoires en Pair , Se le laifsent re- tomber de fore haut ; &: quand il a atteint fa parfaite cuif- Ton , ce que le fucrier reconnoift au boüillon , Se en jettant quelque peu en l’air , comme font les confifeurs , pour con- noiftrefi leur fucre eft bien cuit : alors on le met dans le refrigeratoire, où on le remüe continuellement avec une ef- pée de bois , jufqu’à ce que le grain paroifse dans le fiiop, comme du fable blanc , Se tout aufîi coft on le verfe dans les formes qui font quelquefois de terre; mais pour 1 ordinal e on les fait de boE,quarrées Se en pyramide. Elles font pofees fur de grands tréteaux, Se il y a ddsous des canots, pour rece- voir ce qu’elles dégoutenr.L,ors que le fucre eft fige , on met defsus de la terre grafse délayée avec de 1 eau , qui le blan- chit Se le purifie. A l’extremité de ces formes ii y a un petit trou , dans lequel l’on foure une petite verge de fei ou de bois, autant que l’on peut , jufqu’à ce qu elle n y puifse plus entrer , que le fucre fe foie entièrement purge , & aye ren- du toute cette meiace rouge, qui le rendoit oblcur; en fuite de cela on le fait feicher au Soleil dans des quali- fions. Les Cannes biffées Se épuifées de leur fuc , aufti bien que les écumes , ne font pas inutiles ; car pour les ecumes des fé- condés & troifiémes chaudières , tout ce qui fc répand en le remüant,t5be fur le glacis des fourneaux.&coule dansvn canot,où il eft refer vé pour en faire l’eau de vie,lesNégres en font des boifsons quieny vrent, Se dont l’on a un a(sez bon débit dans les Lies, lefirop meiace , ou compofte, eft encore une afsez bonne marchandife , dont l on faïc les pains d epi- ■ce dans l’Europe, l’en ay veu mettre dans duOüycou , ce qui le faifoit bouillir , Se le rendoit aulfi fort que la mcilleu ' re biere de Flandres. Pour les Cannes bnfees , eliCi fervent à engraifser les pores , ce qui en rend le lard Se la viande ex- cellente. Le fuc des Cannes qui n ayant pasefte misafses promptement dans les chaudières, devient aigre , eftans îïicllé avec de l’eau, bout & fait une boifson , que i on appela î&Fe&oü, qui fe débité fort bien dans les Iiles ? Se cous ces pe~ des Antilles habitées par les François. 12 j ds ménages doivent deffrayer toute la famille d’une fiicre- rie bien réglée. Il faut remarquer qu’il faut neceffai rement laver très-fou» vent le vai fléau qui reçoit le fuc,&: le canal par où il paffe, de peur qu’il ne contracte quelque acrimonie , &: n’empêche le lucre de fe faire : & pareillement que li l’on jettoit tant foitpeu d’huile dans les grandes chaudières, ou tant foit peu deleffive dans les petites , il ne s’y feroit point defucre. 11 y a encore certaines chofes qui eftant jetcées dans Jes chaudiè- res, empéchcroientd’y faire jamais de fucre, fi l’on ne les re» palfoit parle feu : mais Ton fçait aiTez de mal , & il n’eftpas neceffaire que j’en aprenne. Des autres Cannes qui crvfjje ent dans les IJles. Des B aUT^iers. Du Solaman» ou herbe aux plèbe chefs. §. XVII. I Es grands rofeaux que l’on appelle communément en ^jFrance ,tRofeaux d’Efpagne , croilfent dans toutes ces Wes en très- grande quantité lelong de la-mer , & dans les lieux humides & marefeageux. On ne fçauroit exprimer l’u- tilité q*uc les habitans tirent de ces rofeaux : car non feule- ment ils fervent de lattes & de couverture , mais aufli de ma- tériaux pour faire les murailles desmaifons Pour cét effet, on lie les rofeaux de demy-pieden demy -pied fur les che- vrons , avec des cguillettes de mabot , &on les cou vre des fuêilles des me fines rofeaux, comme l’on couvre de chaume les pauvres mai fons des champs dans l’Europe Pour ce qui regarde les murailles des Cafés, on ne fait que ficher des ra- deaux en terre fi prés a prés qu’ils s’entretouchent , & les lier par le travers avec d’autres rofeaux fendus , de forte que I2 $ Hijïoire Naturelle ces murailles ne font autre chofe queues cîayes de ro- feaux , d’où vient que rarement on fan: des teneitres aux Ca- fés , parce que le iour pénétré aifément à travers des murai - les* Les Sauvages fe fervent de la cendre de ces rofeaux quand ils veulent guérir un malade de la verdie ou de l ej- puin . en luy en frottant tout le corps. le n aypu appren- dre d’eux ce que cela operoit fur le malade, &ie crois que ce- lajne fait pas grand chofe; car ils ne gueriffent jamais panai- Nous avons dans la Guadeloupe cinq fortes de Balifiers. îe ne diray rien des deux petits, puifque lcs ^utheurs en ont fuffîfamment écrit , fous le nom de Canne d inde , fie d tps cancrï. ils portent tous deux des fleurs jaunes & rouges a ez jolies ôe on fait de petits chapelets de leur graine , qui font fort beaux. Vous pouuez voir là-deffus d Alechamps, Scies Outre ces deux petits Balifiers , il y en a deux grands qui ne different de ces deux-cy qu’en grandeur , &en la%°n de leurs fleurs. Ces plates jettent des tiges greffes rommcle bras, & quelquefois plus.Elles cro.ffent hautes corne une de- my- picque portée plufieursfuëilles larges de deux pieds, SloLuesdefept'ahuir , polies, mais toutes marquées de rayes uaveifantes , comme fi on les avoir puffees pal qilaifir. Du milieu de leur tige fort une fleur longue corne le bras & double ran« de petits baffms, qui s’emboitentl un dans 1 au- ue ,ufqu>au°bout. Cette fleur eft quelquefois large comme les deux mains. 11 y en a une efpece de rouge de raune : & les feüilles , tant de 1 une que de 1 autre eipece, fervent aux Sauvages non feulement à empaqueter leur fa- rine leur pain, &c tout le telle de leurs viâuailles, & mefme touticur petit bagage , quand ils vont aux cote à couvrir leurs /limas petits Auvents ,ou ils le met tenta couvert, quand ils font arrivez quelque part, ou lin y Telotmfeft “plante la plus ,,rile ,tfayentIe.S«W fflt r,cT(1« nour ce qui eftdu menage:elle poulieplu Des Antilles habitées par les François. 12 y fieurs tiges rondes, groflcs comme le pouce, hautes de dix ou de douze pieds, droites comme des flèches .-l’écorce ou fu- perficic de ces tiges eft verte, polie, & extrêmement dure. Il vient au haut de chacune de ces tiges , cinq ou fix feiiih. les toutes femblables à celles du Balifier , mais plus courtes de moitié. Les Sauvages lèvent cette efcorce par petites la- mes fort eftroites , minces comme du papier , & tout de la longueur de la tige : cela leur fert comme d’ozier pour faire leurs petits paniers, M atout ou, CatoLy , tiébcchets , leurs Couleu- vres , qui eft une façon de chauffe treflee , dans laquelle ils preflent le manyoc , Sc beaucoup d’autres petits ouvrages. Cette plante croît dans les marefts,&:n’eft pas commune par toutjeari ay elle fix ans dans la Guadeloupe, fans en avoir pu recouvrer une plante.-enfln j’en trouvay une grande quanti- té dans les marefts de la Baffeterre* Des plantes qui portent des fruits. CHAPITRE IL De l'Ananas 0 tfr des K ara tas a fruits, §■ I. I E peux à tres-jufte titre appeller l’Ananas , le P^oy des fruits, parce qu’il eft le plus beau, & le meilleur de tous ceux qui font fur la terre. C’eft fans doute pour cette rai- fon,que le Roy des Roys luy a mis une couronne fur la tefte, qui eft comme une marque effentielle de fa Royauté , puis qu’à la cheute du perc , il produit un ieune Roy qui luy fuc- eede en toutes fes admirables qualitez : Il eft vray qu’il y a encore d'autres rejettons au deffous du fruit , & mefme au dessous de la tige qui produifent des Ananas en bien Hiftoire Naturelle moins de temps , 5c mefme avec plus de facilité que celuy qui luy fert de couronne, mais il eft aufli véritable que le fruit produit par celuy- cy,eft incomparablement plus beau que les autres. Ce fruift ctoift fur une tige ron de, grofse de deux pouces, &; haute d’vn pied 5c demy , laquelle fort du milieu de fa plante, comme l’artichaux du milieu de fesfuëilles : elles font longues environ de trois pieds, larges de quatre doigts, canelées^à guife de petits canaux , 5c toutes herifsées fur le bord , de petites pointes picquances , 5c finifsenc en aboutil- fant aune petite pointe qui pique comme uneéguille. Au commencement ce fruid n’eft pas fi gros que le poing, & le bouquet de fuëillcs,o.ù eft la petite couronne qu'il porte fur la telle, eft rouge comme du feu ; de chacune des el cailles de l’efcorce du fruict ( donc la figure , 5c non la fubftance, eft fort femblable aux pommes de pin } dort une petite fleur purpurine , qui tombe 5c fe faune à mefure que le fruitft groflit. , Nos habitans en diftinguent de trois forces , aulquel- les fe peuvent rapporter toutes les autres : à fçavoir le aros Ananas blanc, le pain defucre , 5c la pomme de rai- & & nette. Le premier a quelquefois huit ou dix pouces de diamet- tre,&: quinze ou feue pouces de haut Sa chair eft blanche &fibreufe , mais fonefcorce devient jaune comme de l’or, quand il eft meut- 11 exhaleune odeur ravifsante, qui tire força celle de nos coings, mais beaucoup plus fuaue. Quoy qu’il foie plus gros 5c plus beau que les autres , fon gouft n eft pas fl excellent , aufli n’eft il pas tant eftimé ; il agace pluftoft les dents , 5c fait pluftoft faigner les gençives que les au- tres. Le fécond porte le nom de fa forme , parce qu il eft tour femblable à vn pain de fucre : il a les fuëillcs vu peu plus longues 5c plus eftroites que le premier, Sine jaunit pas tanc. SonWmft eft meilleur, mais il fait aufli faigner les gençives de ceux qui en mangent beaucoup. Fay trouvé dans celüy- cv de la traîne femblable à la graine du Crejfon Alenois^noy 1 & que Des Antilles habitées parles François / 2p que pourtant ce foie une opinion generale , que l’Ananas ne graine iarnais. Le troifiéme cft le plus petit, mais c’eft le plus excellent, &: eft appelle pomme de rainette , à caufe que Ton gouft a ceia de particulier , qu'il tire àl’odeur&au gouft de cefruid ; Il n’agace prcfque point les dents , 6c ne fait point faignerla bouche, fi ce n’eft quand on en mange cxceflivcment. Voila ce qu’ils ont de particulier, mais tous conviennent en ce qu’ils croiftent d’vne meftrnr Façon , portent tous le bouquet de fuëilles ou la couronne fur la telle , &ont l’ef- corce en forme de pommes de pin. laquelle fe leue pourtant, & fe coupe comme celle d’un melon : 6c bien que la chair, tant des vns que des autres foie fibreufe, elle fe fond toute en eau dans la bouche, & eft fi favoureufe que ie ne le feaurois mieux exprimer, linon en difant qu’elle a le gouft de te Pcf- che , delà Pomme, du Coing 6c du Mufcadct tout enfem- ble. ° Quelques uns pour luyofter cette qualité qui faitfaigner des gencives , 6c enflâme la gorge de ceux qui en mangent beaucoup, ou le mangent avant qu’il foit.mcur; apres l’avoir clepoiiillé de fon efcorce , &: coupé par rouelles , le lai fient un peu de temps tremper dans le vin d’Efpagne , &:non feu- lement l’Ananas quitte ce qu’il a de malin , mais il commu- nique au vin, un gouft 6c une odeur fort agréable. On fait un vin de fon fuc , qui vaut prelque de la Malvoi- fie , 6c qui enyvreaufii bien que le plus fort vin que nous ayons en France. Si on confetve ce vin plus de trois femai- neSjilfe tourne, & femblc eftre entièrement gafté: mais fi on fe donne patience encor autant de temps, il revient dans fon entier, &mefme cft plus fort 6c plus fumeux qu’auparavanr. Lors qu’on en vfe modérément, il récrée le cœur, réveille les efpnts engourdis, &arrefteles naufées del’eftomach, il eft bon aux fuppreflions desvrines , 6c cft un contrepoifon à ceuxdjui ont beu de 1 eau demanyoefil fautpourtant que les femmes qui font enceintes fe gardent bien d’uferdece vin, 6c mcfme de manger l’Ananas en quantité, car cela les feroit aufti-toft avorter. R, 170 FU (loir e Naturelle H fe trouve une plante dans tous les bois de ees Ifles, quer leshabitans auiïï bien que les Sauvages appellent Karatas* Elle a Tes fuëilles allez femblables à celles de l’Ananas-, mais-- trois ou quatre fois plus longues , plus minces , plus feiches, & armées des deux collez, de petits crocs épineux. Son fruit eil gros & long comme le doigt , fait en pyramide à triangle, en forme d’un gros cloud ; l’efcorce en eil blanche &: velue, mais veneneufe : car elle bruile & fait élever la bouche. La chair du fruict elfc blanche comme celle d’une pomme, mais un peu plus tendre. Il y a dans le milieu du fruiél cinq ou fix petites graines, comme de pentes lentilles , blanches dans leur commencement : mais rouges quand elles font meures, ou pl ultoffc quand le fruict eil meur, Son go-uib etl iemblabie à celuy d’une pomme de rainette , relevé pourtant par une petite aigreur , qui: le rend fo t agréa- hîe. 11 en croît quelquesfois trois ou quatre cens dans le cœur daine feule plante, tout contre-terre , ferrez & preifez 1 un contre l’autre, la pointe en bas. Ils fieurillent violée : on en fait des confitures excellentes , apres toutefois l’avoir dé- pouillé de fon efcorce : s il deialtere &taiTraifchit beaucoup; Vue cüei llerée de fon lue meiléeavec un peu de fucre fait, v.iiider les vers, mais il eil autant dangereux aux femmes en ~ ceintes comme le fuc de l’Ananas. Du Chardon épineux oDu Figuier d’ Inde, ou Ra - quettes.Du cierge épineux. Du Melocarduus 3 S des Grofeiles ... C 'E fëroitune chofe aiTez difficile , de décrire toutes îës efpeces des chardons épineux, ou figuiers d’Inde } qui Des Antilles habitées par les François . 131 ceroifîen-t ^ ans nos Mes, parce qu’iî y en a une fi grande quan- tité , & ils changent fi fouvent de formes félon les temps &c les lieux où ils croiffent , que l’on a bien de la peine à les re- connoiftre : c’eft: ce qui m’oblige de n’en décrire que trois, aufquels on pourra rapporter tous les autres. Le ptemicr cil le chardon efpineux que j’avais décrit dans la 1. édition de mon livre ; c’eft une plante très- particulière, tant dans fa façon de croiftre que dans fa forme ; car elle naift fur ies branches des arbres , aufquels elle s'attache par de petits filamens de racines , qui ne prennent nourriture que de la craffe, de l'humidité, ou de la fubitance de l’écorce a laquelle elle s’attache : elle rampe bien loin fur les rochers & lur les arbriffeaux , & n’a aucunes fuëilles que fes tiges ou branches, qui nailfent l’vne de l’autre confufément, Elles font à trois quarres , Sc chaque quarre eft large d'un pouce: de lubftance d' Anacarde, ou de loubarde , toutes pleines d’un fuc vifqueux & infipide , &c toutes parfemées de petites eitoilcs menuës & picquantes, comme des éguilles. Del’ex- tremicé de fes branches , & quelquefois du milieu, naift une Heur blanche plus groffe que celle àuNymphea,ox\ Nénuphar , qui croift dans les eaux. Par deffus cette fleur il y a quantité d’autres petites fuëilles blanches & vertes, fort ellroites, lon- gues deux fois comme la fleur , qui l’environnent entière- ment. A la cheute de cette fleur dont l’odeur eft tres-fuave, il crodl un fruit, qui par lucccflion de temps vient gros com- me un œuf d’oye. Son efcorce eft de couleur de pourpre, ef- paifle,& forte quafi comme un cuir , fur laquelle paroiflent de petites excreffances vertes, en façon de fuëilles. I! eft tout rem pi y d'une chair blanche comme neige , fi ce n’eft proche de l’écorce, delà couleur de laquelle elle tient un peu,&: cet- te chair eft; toute méfiée de petites graines noires, comme celle du pourpier. C’eft un des plus excellens früiéts du pays ; il raffraifehit extrêmement ; il fleurit environ le mois d Avril , & n’eft qu’un mois pour atteindre fa perfe- ction. Le figuier d’Inde, &: ce que nous appelions dasnos Mes, eft une place admirable qui produit dcsRameaux de fes Rij 122 Hijlo ire N a far elle propres rameaux , des fuëiîîes de Tes propres faëilîes, Sc des flcurs&des fruits de ces mêmes fueil les. Vne feule fuëille qui ell quelquefois large corne vne raquette, épaillé d’un pouce, Sc toute herilfce de petites éguillc', plantée dans la terre, en produit deux auc« cs fembîables qui en pouffent chacune z, outroiSj&s’étedent ainfi au moins dans noslfle ,jufqu’a cou- vrir plus de dix pieds de terre en quarré. A colle de l’extre- rnité des fuëilles croiflcntde petites fleurs jaunes , quifont ihivies de fruits qui ont quelque rapport avec nos figues; mais elies font rouges méfiées de verd , & elpineufes , & ces petites épines font tellement difpofees , qu’elies s enfoncent toufiours dans le lieu où elles font encrées. l’en ay mange qui m'ont femblé fades , d’autres m’ont paiu aigrelettes <$£ allez agréables ; mais une heure apres , l’vrine que 1 on rend eft rouge comme l’écarlate, c’efl: ce qui m’a oblige d en don- ner la figure dans la planche de l’Indigoceiie , croyant, qu’elle pourrait fervfr à la teinture. Le Cierge épineux ell encore une autre forte de plante non moins admirable : car fa racine poufle une feuie fuëille ■ grofie comme le bras , à huit angles ou quarres, toutes char- gées de petites efloiles , comme celle du chardon eiloile ; &£ cette fuëille qui croill cinq ou fix pieds de haut toute droi- te, poulie aies collez une ou deux autres fuëilles toutes fem- b la b les celles-cy d’au très, & font ain (1 un ar Utilisai! , qui- parce qu il ell fort droit ,>èiL appedé Cierge épineux : il por- te un fruit violet brun , qui teint les mains , ££.ell d un gouil- fort fade. La plante quenos herborifles. appellent Melocurdwit ecbi- natus , ell fort commune dans Lille de la Grenade : c cil une planté qui croill tout contre rerre , qui n’any branche ny. fuëille, mais une malfeplus grolfe que la telle, ronde comme une toiipie,à quinze ou fcize quartes ou angles, l’efcorceen. ell verte , & fur chaque angle il y a fix ou fept grandes cfloi- îes composes dedix ou douze égaillons, durs comme de la corne & recourbez, de forte que l’on nefçairpar où prendra cette plante. La chair de ce fruit efi blanc he,pîus mole que celle, du melon, d’un go ufl allez fade , neantmoinsun peu Des yj nti II es habitées pdf les François. rjj aigrelet: , ceft cc que j’en ay pu remarquer. Legcofclier aies tiges jaunes , rondes , deux fois greffes comme le pouce , & heriffées de petites cftoiles picquantes, comme 1® chardon que ie viens de décrite : mais li prés à prés y qu’il eft quafi impoiïible de les prendre (ans s’effenfer les mains. Il a en quelques endroits des fuëilles affez petites lar- ges comme celies du Philyrea ; mais un peu pius longues , 8>C deux fois plu s efpaiffes. Au lu ut de ces tiges croulent des bouquets de fleurs blanches comme neige , toutes fembla- b es aux rofes deGueldres ; à leur chcute fuccedent des fruits gros comme des œufs de pigeon , de couleur de groflfes cxro- fell es , quand elles font bien meures. 11 fort de 1 efcorcc du fruit! cinq ou fïx petites fuëilles pointues & forteflroites.Le dedans du fruiél eA comme les grofelles bien meures 5 &r le goufl ne s’en efloignepas beaucoup. Plufieursen mandent, ie ne l’ay jamais trouvé bon , aufli n’en fait- on pas grand cas. De la fleur de la Papou de la Grcnadde. De la pomme de Lianne. §> I I I. Etre plante eft lamefmequi porte le fruift qncP-Efclu- fe appelle Granadilla : mais comme il en a dit peu de chofe j &,que fans doute il a efté mal informe de ceux qui luy en onefait le rapport, qui ne luy ont fait voir que le fruit fec : & que d’ailleurs les deux cfpcces de fleurs de la Pal- fion que j’ay veu en France^nefont pas celles qui portent le fruidj’en feray icy. la defeription lapins exade que le pour- ia y . HijToire Naturelle L’Efciufe ait bien que cette plante rampe comme !e Lier» re,mais il ne parle point de la Feuille, qui efcfemblable à cel- le delà folié vigne , à cinq feüilles, & non à trois comme cel- le quej’ay veu dans Paris. Safieurefi compofce d’une petite coupe , comme celle d’un calice, contenant environ un de- my- verre. Du haut de cette coupe , environ a l'efpaideur d’un quart-d’efc.u de la bordure , fortent cinq ou lix petites feiiiiles blanches larges d’un pouce , lefquelles fe terminent en pointe, &. immédiatement au-deffus de ces feiiiiles, tout autour delà coupe, il y a une couronne de petites pointes de la me! me fubltance de la fleur , longues comme des fers d’é- guiilectes, blanches, toutes rayées, & comme foitées de cou- leur de pourpre. Au milieu de la fleur fe leve une petite co- lomue , aufli bien faite, voire mieux, quefi elle avoir efté tournée autour. Sur cette colomne il y a vne petite mafluë qu’on appelle le marteau de la fleur : fur le haut de ce mar- teau, il y a trois clouds parfaitement bien- faits. Du fond de cette coupc autour de la petite colomne , fe lèvent cinq pointes blanches , qui portent cinq petites languettes do- rées , femblables à celles qui naiflentau milieu denos lys; c’eft ce que l’on compare aux cinq playes facrées de nôcre Sauveur. Cette fleur exhale une odeur fi raviflante par tout où elle croift, quelle embaume tout l’air voifin : de forte qu'on la fenc de plus de trente pas. Celle qu’on m’a fait voir au jar- din du Roy à Paris , n’avoit aucune odeur. La fleur venant àfefleftrir,il fe forme un fruict du marteau, ou de la petite mafluë, qui en deux mois atteint fa perfection, & devient gros comme un gros oeuf, Ô£ de la forme d’une poyre: mais fi bien fait &: fi poly , qu’il femble que l’on Êayt fait au tour. Son efcorce efl efpaifle comme un efeu d’argent, & fi dure , qu’à peine la peut-on rompre avec les mains. Au mi- lieu du fruict , il y a environ une centaine de petites graines qui approchent fort de la forme du cœur humain , lefquel- les font grofles comme les pépins d’une pomme. Elles font fi dures, qu’àpeine les peut oncaflerfous la dent. Chacune de ces graines eft enclofe dans une petite bourfe faite d’une Des Antilles habitées par les François. /-?/ peau fore delicace:& ces bourfes(qui font allez grandes pour contenir quatre ou cinq de ces graines ) font remplies d’une liqueur fort aigre avant que le fruid foit meur, mais fort a- greable quand il l'eft. I'ay obfervé que ceux qui mangent là-premiere fois de ce ffuidl , en font rebutez & dégoûtiez, à caufe de fon aigreur.: & que ceux qui ne s’en rebutent point , & continuent à en manger , nonobtiant cette répugnance , en deviennent ti friands qu’ils ne s’en peuvent quafipalfer : cela m’eft arri- vé aufli bien qu’à plufieurs perfonnes de ma connoif- fance. Nous avons trouvé il y a fort long-temps dans la grande riviere des Peres , delà Capfterre de la Guadeloupe, un cer- tain fmia gros-deux fois comme une chaftaigne , & qui luy eft allez feinblable, excepté que l’efcorceen cft noire , & a beaucoup de rapport à celle qui couvre le Pignon d’Inde. Touc le dedans de ce fruid eft blanc &folide comme les Avelaines,& eft demeftnegouft , &: encore meilleur. I’a V cherché fort long-temps l’arbre qui portoit ce fruid fans le pouvoir trouver r mais en fin, îe fis rencontré d'une cer- taine plante ligneufe , & rampante par deflus les au- tres arbres , qui avoir quelques fuëilles vertes & polies commecelles du Laurier, mais deux fois aufii longues : de cette plante pendoient des pommes jaunes , grofles com- me des pommesde rambour , ces pommes font nommées- dans les Iflcs pommes deLianne , dans le milieu de chacu- ne defquellcs , il y avoit quatre de ces fruids , enclos cha- cun dans une cellule particulière , faite delà fubftancedc cette pomme , qui n’eti aucre qu’une chair fpongieufe &; in - fipide. n$ Hijtoire Nat ut eue De la Vigne. §. 1 V. C'Iln'v a point de vin dans les Indes , ce deffautne vieiu, S point de la vigne: car c’eft une chofe prodigieufe de voir comme elleeft fécondé & abondante en fruiûdans toutes ces T fles i qui fe voudroit rendre foigneux a la cultiver, nourroit voit tout au long de l'année , des fuïiUçs , des fleurs & des fruits fut un mefme cep : car apres avoir cuei - lv auiourd’huy une grappe meure , & coupe a mefme temps le farinent 3 en huit jours de temps , s il fait tant foie peu d’humidité, vous voyez pouffer le bourgeon flatteur, &en moins de deux mois , le raifin devient parfaitement me ilfauc remarquer que îa grappe nemeurit pas également pour 1 ordinaire, & qu’il y a toujours une partie des grains qui ne font que du verjus , quand la plus grande parue eit meure. Ce n’eft pas laie plus grand mal, car s il y avoir dans ces Ifles, des vignerons qui fçcuffent gouverner la vigne, on remedieroit facilement à cét inconvénient : mais les Grives & les petits O y féaux pendantle jour , & les Rats pendantla nuiftf font une telle guerre au raifin , que quiconque vou- droit faire du vin en quantité , il faudroit avoir de joui & de nuid autant de Mefliers que de ceps. C’eft le mal que [ es habitans regrettent le plus dans tout ce pays ; car quoy qu îL n’y ay t point de lieu au monde , où il y ay t moins de vin que dans les Indes : Iefuisbicnaffeurequilnya pointdeRe- eionoù il foitplusaymé , & ou on en farte plus dedegait, quand il y en arrive.il faut auffi remarquer que quoy que a viane vienne fi bien aux Indes , cela fe fait fans aucune cul- Des Antilles habite espar les François. De toutes Jointes de Citrouilles , Cullebajj~es y AFe- lons y Concombres, & Melongenes . §. V. T Outes fortes de Citroüilles , Potyrons, Concombres, Cal e baffes d herbes , croiflent dans toutes ces Ides beaucoup mieux que dans 1 Europe, •& ont de plus cét avan- tage qu’elles ne meurent pas , apres avoir porté leur fruid, mais fc provignent d’elles -^mefrnes : de forte qu’apres en avoir une foisfemé dans un jardin , on ne s’en fçauroic défaire. Elles fleurirent & portent du fruit* dans tous les mois de l’année , fi ce n’eft que la feicherefle les en empcf- che. _ r C eft une chofe merveilleufe, de voir avec combien defa- cîiite les Melons de France, d’Italie , les Sucrins , & autres, croiflent dans ces Indes Occidentales : car on n’y fçait ce que c’eft que de couche, ny de fumier. On ne fait que jetter de la graine dans un trou , la couvrir de terre avec le pied, ôç fans autre façon , en flx femaines ou deux mois, vous avez des melons en quantite,qui excédent incomparablement en grandeur &: en bonté , ceux que nous avons dans l’Europe. En un mot,c eft le vray pays des melons. Sur tout celuy qui eft le naturel melon du pays , &: que les habitans appellent le Melon d’eau , l’emporte par deflus tous les autres ; puis qu A eft vciitablement le foulagemenc des voyageurs , l’am- brofle des altérez , & 1 unique refuge confolation des fe- bricitans. 11 y en a de deux fortes , de ronds & de longs, & tant des vns que des autres, il y en a qui ont le dedans du fruit blanc, les autres de couleur de chair. Les ronds viennent pref- que deux fois aufli gros que la telle : & les longs , comme nos moyennes Citroüilles. L’efcorce des vns ôc des autres eft S Hifkoire 'Naturelle vcrce , ti fi dure , que l’ongle n’y fçauroit entrer quand il efi: meur. Ils font pleins comme un oeuf , & non creux comme les autres Melons, où il n’y a prefque qu'un pouce de chair a manger. Toutè la chair de cefruid femble n’eftre qu’une eau gelée, qui fe fond & fe liquéfie entièrement dans la bou- che, &:vous donne plus à boirefqu’à manger) d'une eau fu- crée , aufli douce & auflî agréable , que le fuc des Grenades. Au refte,c’efl lefruid le plus raffraifchiflantfie plus fain &: le moins mal-faifant du pays , quand mefme on en mangeroit parexcez. . , Plufieurs habitans cultivent dans leurs jardins une grande plate qu’ils appellent Melongene, ou Bélengene, qui a de gra- des fuëilles larges comme lamain,elle croill de la hauteur de deux pieds, & porte des fruits gros comme le poing en for- me de poyre,ces fruits font liffez, blanc &: violet. Leur chair 'a la refer ve del'efpaiffeur d’un doigt, cft toute pleine de pe- tite graine plate comme celle du piment. Nos habitans apres avoir pelé ce fruit, le font boüillir,&: l’ayant coupe par quar- tiers le mangent avec de l’huile &: du poyvre , bien que ce manger foitaffezinfipide -, ce fruit eft froid, venteux &in- digelle. Des Bannanes Figues de l' Jmerique. §. V I. I E m’eftonnei de ce que tous les Autheurs qui ont traite de cette plante , Scmaefme Acofla qui en a mieux efcrit que tous les autres , Payent rangé fous le nombre des arbres:: car iene vis jamais d’arbre quLn’euft du bois- & des blan- ches ce qui ne fe rencontre nullement dans cette plan- te , comme vous verrez dans la defcription que j’en vâ-. rc La racine de cette plante eftune groffc bulbe ronde, mafi Des Antilles habitées par les François. ijç five, &: blanche, tirant un peu à la couleur de chair , de la- quelle fort un tronc vert , poly , &: lifsé, haut de feize à dix- huit paumes, droit comme une flèche, gros comme la cuifle, & fans aucune feuille, jufqu’à fa racine. Ce tronc eft com- pofé, non de plufieurs efcorces(comme dit Acofta)couchées les unes fur les autres , mais d’une feule efcorce poreufe , fi- breufe,&quafi de même fubflâceque l’oignon, roulée jufqu’à fa parfaite grofleur : ce qui fe voit clairement à la figure du Limaçon , qui paroift à la coupure de ce tronc; d’où il eft: aifé de juger , combien il eft ridicule d’appeller cette plante Ro- feau , ainfiqu’afait le fleur de Rochefort. A la cime de ce mefme tronc viennent quinze ou vingt fuëil es , de fept à huit pieds de long,&: d’un pied &: demy de large, & il y a une groflecofteounerveuretoutau milieu de la feuille , qui va depuis un boutjufqu’àl'autre : cesfeüilles font rayées par le travers,comme celles des Balijiersi maisfi tendres & fi frefles, que le vent les découpe toutes de travers par éguillettes, juf- qu’à la cofte du milieu. I'ay pLufieurs fois enfevely des morts avec deux de fesfeüilles : elles fervent autfi de napes à la plufpart des habitans, faute de linge. De la cime de ce tronc, & du milieu de toutes fes feuilles, croift une façon de tige , plus dure C Et arbre nVpoinc d’autre nom que celuy qu’il embrun te deloneftet, qui eft véritablement ei™;, L , P mal bafty il aretcorcegrize &affezmd,. 1 eft k couc '°rtu6i ?^sbsSSSSS^ £ttiSSiï;i~ r ÏS efpaitres.veloutées.&d’unverd demer.’ P‘« on dépoüaiedefoiî efeôrtrquidt^" 1 ? ’ la< 3 ucl,e voir bien pilée -, mfquTce^ ’ ï“ ' =“ . &r C ' ei > at & «P« l’a- moulu , on la met dans deslics JefqTOls patam" 16 dU 7™ dans des rivières en forrf» nm» i>I ^ i P ar “ a P les °n Jave a un moment de là vous voyez tous le" ont goulté de l’eau rouJBc d* c“ ^ ilsl ô mettent la telle à l'air, & comme li cette eau Zbn fl “•?* font tout ce qu'ils peavenc pour en forrir ( ’ a ' 101tj 1 * pafic- temps de les voir nâ^- f ur i e dos fu * u 1 " n a f eabIe ^^^ssâsss: }fl Hifloire --- les^Giffons qui font dedans, defcendenc des baffins qui font aux montagnes,aujy iennent de 4 mer. i'ay veu faire 4 mei- we ckofe dans quelque^ Bayes de la mer ou 1 on prenoit une tres-grande quantité de poiffonç, grands U petits, & me- nie des tortues. Dp Mahot 3 & des Crocs de Chien* -,f • %■' I E Mahot eft un arbriffeau rempant , qui croift dans leê .marefts parmy les rofeaux , # pouffe une infirme de b r anches qui fe traifnenqdeçà delà, en confufion,&: s emba- raffent tellement , qu'il eftimpoflible d y faire un pas fans fe faire un chemin à coups de ferpçs. U a quantité de hiej cs rondes , larges comme le fond d une afficttc, liffees, U do ces au maniement Ses fleurs font jaunes , & prefque f ei q~ blab’es à celles des Mauves mufquees ; & les feuilles aufll bien que les fleurs , fervent de nourriture ordinaire aux gri ()n tire lefcqrce de cét arbre , laquelle fe levé fort faci- lement , puis on la coupe par longues éguiUettes , ^ edaferc de cordes à tous les habitans,qui font beaucoup plus fortes que l’efcorce du Bouleau, que nous avons en France. 41 ,eW fi vtile &: fi neceffaire aux habitans pour monter le petun, 52 attacher les rofeaux fur les chevrons pour couvrir les cafés, &pour uneinfinicé d’autres chpfeSiqueUlivreenvaut apre- fent dans l’ifle de -faint Chnftophe, une li vre de petun. Les Efpagnols en font de la mèche. Il y a encore un autre arbn - feau plus droit, &: dont les fusilles font plus longues, duquel on are une forte de Mahot , que Ion appelle Mahot d’herbe -, mais il n’eft pas fi fort , & pourrit inconti- nel Nous avons ençore u n autre arbre affez vtile aux habi- Des Antilles habitées par les François. j r -> f î" S ’ ^ lU a PP elIcnc .Crocs de chien, à eau fe qu’il acrochclc/ chiens quand ils vont a la chafse , & les arrefte tout court e uy-cy ne croiftpasla moitié fi gros quclc mahot ; mais £ nT C ,C , S fe „ tra,fncn 'J“lq>ies deffus les plus hauts arbres Ifle : il efi: tout arme de petites épines faites enferme e ciochets, &a peu de petites fuëilles, a fiez femblab’csà ce es du prunier: il porte des fruifts jaunes, gros comme de P tes prunelles i il jette une gome femblable à la' «romeouc- te mais plus dure & plus rouge ; il n'y avoir de mon temps que ce fcul bois dans les Hles , dont l'on fe fervicà faire dés cerceaux, peut -eltre, que l'on en aura trouvé d’autre. mm mmm i mm mmmmmmm mm De l Arbre lai ch MX. §• X I. ÎLcroift en plufieurs endroits, principalement furies ro- ics & dans les lieux . fecs& pierreux, un arbre fi tendre, quen lebranflant, onfaircaffer ibs branches : & d’un coup de ballon on les fait toutes fauter en pièces. Il croift haut de deux picques, gros comme la jambe, & égal; c’efl: à dir e ,auffi gios en haut qu en bas : il a l’extremité de fes branchesfqui lont rort courtes^ plus grofses que le milieu II porte au bout de chaque branche une vingtaine de fleurs blanches d afsez bonne odeur, qui rclfemblent à celles dujafmin ; mais elles lont beaucoup plus grandes r ie croy qu’il ne porte nv fruiét ny graine. Ala cheute de ces fleurs, &au même endroit, croif. lent quinze ou vingt fuëilles, longues de z. pieds , & larges de 4. doigts, qui fimfsenc en pointe^n forte qu’il femble que ce loient deslames de poignards. Qui voudroit incifer cét arbre en plufieurs endroits , il rcndroicplus de laid qu’une bonne vache;maisic crois qu’il eft cauitie Se dano-ereux. V §. X I I. L E long des rivières Si dans les lieux humides > il croifs une forte de jafmin , qui ne s'accorde avec celuy que nous avons en France y qu’en fon odeur Si en la façon de fes fleurs : car pour ce qui regarde l arbrifseau , il efl plus gros que le bras , haut d'une picque , Siales fueifles fembla- bles à l’Oranger. Aux extremitez de fes branches , il y a de petits cyons longs. comme le bras , à guife de petits joncs re- courbez. Il y a encore un autre arbrifseau,qui porte de petites fleurs- efloüées, blanches , Si qui Tentent parfaitement bon , d ou vient que les habitans l’appellent jafmin commun; mais il n’y a guere de rapport. Il faut conclure ce Chapitre par ceb el arbrilseau , que quelques-uns nomment Pomcyllane^x caufede Monfieur ae Poincy , auquel il fut apporté de l’Ifle de faint Martin : ce qui fait qu’on l’appelle auili la fleur de faint Martin. C elt uneefpece d’ Acacia épineux 5 qui ne croift gueres plus haut qu’un homme; mais lia cela de particulier , qu’il ell prel- que toufiours chargé de grands pennaches , ou bouquets de fleurs orangées, marquetées de pourpre; Si de chacune de ces fleurs fort uns touffe de filets , gros Si longs comme le doigt, qui fcmbie dire un gros écheveau de foyerouge cra- ltioify : c’eft à mon jugement la plus belle fleur qui toit dans toutes nos Iflcs. Fen ay apporté de la graine en F rance, qui pouffa un petit arbre haut comme le doigqmais qui mourut à là première froidure. Des Antilles habite es par les François. içj ; 3® tjk afc ^ ^ ^ ^ '. a? #£ Sfi£ PA- .Vf PM $0, Z) H bois a bafiir . CHAPITRE IV. Z) Puis qu’on tire une celle pfcce de foncœtu. Quand o n mcifc ion efcorcc en temps fcc.il jette de la gomme toute femblablcàla gomme Arabique , en fl grande quatue, que j'en ay tiré en vne année plus délivres il Ô'O /i îjlût't S ^ '-■! dit ’lîTC U e d’un arbre gros comme lacuiffe. Il y a une grande quantité de ces arbres par toutes les Ifles. Le ver marin de l’Amérique, qui ronge |c galle tellement tous les navires par delfous , que l’on eil prefque obligé de leur donner un radoub à chaque voyage , ne touche point ceux qu'on double de planches d’Acajoü. Les Capitai- nes des vaiiTeaux en apportent en France de grandes plan- ches dont Ton fait des violles, 5c des coffres, dans lefquels les hardes ne font point endommagées de la vermine, &C. mcfme retiennent la bonne odeur de ce bois. La iecondc efpece d’ Acajou eftceluy qu’on appelle Aca- jou# Une. \\ aies fuëilles toutes femblables à celles de t Acajou r ou ne i le bois en eft blanc , 5c fort tendre quand on le coupe; mats il devientfi dur quand il eft fec , qu’à grande peine y peut-on faireentrer un cloudàforce de coups de marteau. 11 eft pourtant fujeraux vers , &c ne dure pas tant que le rou- ge. le n’en ay jamais veu de plus gros que le corps d'un hom- me 3 & il neoroiil gu ères que dans les lieux humides. £]e deux fortes de Gommiers . §. V. E Gommier blanc eft encore un des plus hauts & plus otos arbres delà Guadeloupe : il aies fcüilles fort fem- blables au laurier^ mais deux fois plus groffes : fonboiseft blanc, gommeux, dur, fort, craverfe, & par confequent tres- difficile à mettre en œuvre. On en fait des Canots auflî beaux & aüffi grands que ceux d 7 Acajou. La gomme Eltmy, coule , Se diftille de cét arbre , en fi grande abondance, que j’ay veu des arbres aux pieds defquels il y en avoic plus de vingt livres. Elle eft blanche comme neige, 5c quoy qu’on n’en tienne pas grand compte , plufieurs liabitans de la Guadeloupe la bruflent , au lieu d’hui- le : l’on s’en fert auffi au lieu de wajhc , pour en faire de peti- tes 0 Des Antilles habite es par les François. 161 * CS em P ! ^ies, que l’on applique toutes chaudes fur les cem. •pes.pour guérir le mai de dents. ç . L ï: Go ™ mi 5 L ' rouge eft un arbre tout à fait inutile , il a les feuilles affezfemblables a celles de l’Aeaiou.-fon efeoree eft rouge , &; diftille une gomme femblable à la Terebentine. iulqu a. prefenc on n’a point remarqué qu’elle ferve à aucu- ne choie : Ion bois eft extrêmement tendre , & fe pourrit en peu de temps. ■£(c ‘ ftr 3 * F) h bois de RoJe 3 ou Cypre* §• V I. £ E que nous appelions bois de rôle dans la Guadeloupe eft proprement ce que les habitans de la Martinique appellent bois de Cypre. lied très- certain qu’il y a de deux oites de bois de rôle , que nous confondons fous ce nom, ans nous ervir de celuy de Cypre , dautant que les deux ar- bies fercflembientfi fort, en leur hauteur, en leur grofieur, en leur elcorcc, en leurs feuilles, en leurs fleurs, & en leur ^ ■ tr U l ,a - a P^ u ^P aic des habitans n’y mettent aucune autinction. I ay pourtant veu dans la Guadeloupe quelques curieux, qui appelloienc ce bois que les habitans de la Mar- tinique appellent bois de rôle, bois marbré ; àcaufequele cœur ne 1 arbre eft comme i afp é de blanc, de noir, & de jau- ne . c eft U feule diftinéhon que j'y ay pu remarquer. Céc arbie croift fort haut & fort droit : il a les fuëilles longues comme celles du chaftaigner, mais plus foupies , velues*, & blanchaltres : il porte de gros bouquets de petites fleurs blanches, & par apres de petites graines noires, & lifsees. Les plus gros ne fçauroient avoir guércs plus d'un pied quane.L çfcorcc de ce bois eft blanchaftre,&prefqiiefcm- blab le a celle des jeunes chefnes:& il a tant derapportau noyer, quand il eft mis en œuvre , qu’on auroic de la peine X r / 6 z Hifto ire Na tare lie à lcdiffingner. En le travaillant il exhale une odeur fi fua- ve, que celle des rofesn’eft rien en comparaifon : îleftvray qu’elle fe dilfipe avec le tcmps,mais elle fe renouvelle quand on coupe où que l’on frotebicn fort le bois, Il eft très.- bon pour baiitXr J) h bois Ver à , i5 de ceux qu'on nomme bas à pe- tites feuilles. §. VII..' L E bois yerd croift pour l’ordinaire en buiffon , comme les -grofles épines blanches , il eft fort chargé de petites* fùeiîles vertes 8>c liftées , aftez femblablesà celles du buis, mais un peu plus grandes : fon e-fcorce ell greffe & polie, On n’en voit guère de plus gros que la cuifte : il a touhours un pouce ou deux d’aubier blanc , & tout le cœur du bois ell verd, fort brun , &c mefme plus noir que verd : m e lie de quelques veines jaunes. Il le polit comme de l’ebeine^ &£ noircit li bien avec le temps, que les Ebenilles le font foü- vent palfer pour de vraye ébeine. Les Teinturiers s’en fer- vent pour teindreen vert naiftant:c eft une allez bonne mar- chandife , que lesHolandois recherchent. Il y en a une grande quantité dans la Guadeloupe, &: cependant on n’en fait aucune eftime. Il fe trouve dans les lieux humides dans les terres graf- fes de toutes ces I lies une forte d’arbre, que nos habitan^ ap- pellent bois à petites fuëilles , à caufe que ces arbres font chargez de petites feüilles allez femblables à celles du buis, qui font attachées à de pentes queues fi menues , qu au moindre vent toutes ces feüilles trembletd'écorce de ces ar- bres , eft jafpée comme celle du bois d Inde jmais de temps en temps la petite efcorce fe leve&tfe roule comme de la sanelle,&£ il ne luy en manque que le gonft Ôc l’odeur.Com* t Des Antilles habitées pa r les François, 163 me tous ces arbres font gros, hauts, droits, pleins & maflifs, ceux qui baftiflent dans les lieux où i! s’en rencontre, font des baftimens qui font de longue durée. Des bois que l on appelle communément bois Rouges. Des bois de fer , & du courrouça . §. VIII. 1 E n aurois jamais fait , fi ie voulois décrire toutes les for- tes de bois rouges , qui fe rencontrent dans ces Ifles. Il fuifit pour mon defiein , de dire que chaque quartier, c’eft à diic , de deux lieues en deux lieues , produit ces arbres de bois îouge, diflferens , defquels la pluiparc ne cedent point à celuy du brefil en beaute. Tous ces bois rouges font pleins, malfifs, pefans, St coulent à fond,defquels on pourroit faire de tres-belles menuileries j car plufieurs font incorrupti- bles. le ne fçay fi l’arbre que ie veux décrire, &: que nos habi- cans appellent , boa de fer, à caulede fa grande dureté, n’cft point celuy quifuivant Scaliger, croiften la grande Ian.t^St que l on afleure avoir de lamoëlle de fer. Pour moy, ie crois que s il en a voit un peu plus amplement diicouru,nous trou- verions que c’eft la rnefme choie i cét arbre croift jufqu a une picque St demie de hauteur , gros comme le corps d’un homme: foncfcoi ce eft prefque femblable à celle de l’Era- f/t;mais plus dure & un peu plus grife. Il ell; fort char cré de quantité de petites fuëilles , St porte un grand nombre de beaux bouquets de fleurs, femblables à celles du Lilac , St meme plus belles, mais en fi grande abondance, qu’il femble qu’il n'y ayt que des fleurs fur l’arbre. Tout l’aubier eft jaune St fort durjufques vers le cœur, qu’il a fort petit, St de Xij / j 6 4 H tfkoirt Naturelle couleur de fer rouillé , maisfi dur, que les haches de la meil- leure trempe rebrouflent deflus quand on le frappe. Cet arbre tout dur qu’il eft ne vaut rien à baftir*. Comme nous baftiflions nous mefmes nos petites Cafés , ie coupay a- vec beaucoup de travail , vne douzaine des plus beaux de ces arbres que ie pus rencontrer : lit comme nous fumies di- vertis dudeflein de baftir par de plus lericufes occupations, au bout de deux mois , ie fus vificer mes arbres , lefquelsie trouvay mangez de vers jufques dans le cœur. Les habitans delà Guadeloupe difent , que ce fut un Gafcon qui donna le nom de courrouça, à cét arbre;car 1 ayant- trouvé li dur , qu’il fit rebroulï’er fa hache ; il la jet- ca au pied de l’arbre , de du qu’il cftoit c«rw^,nomqm luy eft demeuré depuis. Qnoy qu il en loit , c eft un puifîant arbre, gros, droit, & fort haut : fon efcorce eft noire , l’au- bier en eft rouge, de le cœur de l-’arbre eft d'un violet fi brun, qu il femble quaft noir comme del'ébeine. 11 me femble qu’il a les fuëilles comme celles du bois jaune épineux , mais ie ne m’en fou viens pas affeurément : ie n’ay pu voir fa fleur, parce qu’il croift fort haut , de fe nielle parmy les autres ar- bres, Il y a au bout de fes brancheSjComme des grapes eom- pofées de certaines gonfles rondes., dans chacunes dcfquel- les eft emboîté un fruid prefque rond, moitié rouge de moL tié noir, gros comme une balle de moufquet, Les Aras de le Perroquets font fort friands de ce fruid quand il eft ver d; car quand il eftfec, il devientun peu trop dur. Leboisde cét arbre eft excellent à baftir r de l’on en peut faire de belle menu y ferie.. Des Antilles habit ses par les François. 16 5 De l'arbre qui porte les fauonettes §• I X. 1 Arbre qui porte les favonettes croift dans toutes ces ^ Illes en abondance le long de la mer , dans les lieux Jes plus fe.es & les plus arides. Il pouffe un gros tronc , qui pour 1 ordinaire a deux ou trois pieds. Dés fa racine il fs tourelle, il fe fepare , &: divife en plusieurs branches , o-rof- fes comme la cuilfe , chacune defquelles fait un afTez bel arbre, au plus haut d’vne picque, ou d’une picque & demie. 00 elcorce eft grize & rude, le bois en eft blanc & dur com- me du fer. Pour ce qui regarde fes feüilles , ie m’eftonne comme Monard , l’Efclufe & les autres qui en ont eferir n’ontpointtroui^é de comparaifon p^s propre que les fuëil- ies de la Fougère ; car elles font toutes femblablcs à celles du pefeher. 11 porte des grapes de plufieurs fruids jaunes gros & ronds comme des Cerifes. Lafubftance decefruid cit claire & gluante comme de la gomme Arabique , qui neft pas encore figée. Le'noyaU decefruid eft noir , rond. & gros comme une moyenne balle de piftolet , d'un a 0u ft meilleur que celuy des Avelainesmn en fait des.chappelets qui 1 emportent en beauté par deffus l’ébeine.Ce fruid eft amer-, que pas un oy feau n'en mange.On s’en fert au lieu de lavon, parce qu’il dégraiffe, & blanchit le linge, fait broüer fcccumcr l'eau comme s’il s’en eftoit ; mais il n’en faut pas* wer fouent, car il gafte & brufle le linge. * j'fjfi Ht flaire Naturelle Du Figuier admirable de F Amérique , & du Parétuuier . §• X. C Et arbre fi fameux , que l’on nomme figuier dans nos lûes , eft fi particulier & fi prodigieux , qull donne de l’admiration à tous ceux qui le regardent , ou qui en enten- dent parler: fon tronc eftquelquesfois plus gros qu’un muid, & s’efleve plus haut que nos ormeaux de l’Europe : fes bran- ches qui font tres-grofles , & s’eften dent fort loin , fe char- gent d’une infinité defüeilles vertes, îiflees, & beaucoup plus grandes que celles des Noyers; de iortc que cela fait un ombre merveilleux , où plus de cinq cens hommes fe peu* vent non feulement mettre à l’ombre du Soleil, mais mefme à couvert de la pluye. Ses fruits font femblables à nos figues qui ne meurrifient point ; &£ il nai if dans chacune de ces fi- gues , deux ou trois petites mouches, qui en eftant fortics par un petit trou, picquent les autres &: les font meurir ; mais quelques meuresqu’elles puifient être, elles font fi fades, que perfonne n’en veut manger* Il fort de quelques unes de ces branches certains filets ou racines, groffes comme des fers.d eguillettes:d auti es comme le doigt, & qui refifembjent à des cordes bien voies : ces filets pendent |ufqu’à terre , y prennent racine , 5c quelquefois s’y fortifient croiflfent en arbres, qui non feulement foultien- nent les branches qui les ont produites , mais s’élèvent par de(Tus:& c’eft fans doute ce qui a fait que plufieurs Authcurs ont attribué à cét arbre , ce que nous allons décrire du P are - tuuier, confondant dans la defeription de cet arbre , cequi n’appartient qu’à l’autre. f Mais ce qui paroift comme un prodige dans cet arbre, font certaines excroiffanccs,ou arcs- boutas épaisd’un demi- Ecs si mille s hdbitces ÿy? les Fry/jcols. \6 y pied.quiprenantdu haut de l'arbre jufqu’en bas, comme les ailles d une lance , s’elargiflenc en défendant , &s'étcn- dem iufqu a s eloigner de vingt, trente & 40. pieds du trou. I en fort cinq ou fix tout a 1 entour de l’arbre , lefquclles Mtdenr des u.llauces irregulieies , & elles feroicm Liant ellules fou grandes, (1 elles eitoienr couvertes Cefutce qui donnai envie au Pere delà Mare, défaire un Convent vivant d un de ces aibres , il y avoir défia marqué tous les endroits ou devoicnteftre les Cellules & le Refeûoir &me.meentie les deux plus grandes une Chapelle , mais ayant trouve quil faifoit trop humide entre ces racines I encreprife fut abandonnée. ' Le Palétuvier elf un arbre qui croift toufiours dans l’eau douce ou falee , &poutl'ordinairedansles lieux perdus & inondes de la mer ; ,1 croift fort haut fes fL? ï« r beaucoup plus grandes que celles d, .laurier , maisfansT de u r, (es frmts que les Perroquets mangent ordLw “ font plars&s larges, comme une piece detrenre foistnf md"’ <*• dont peifonne ne mange : fes branches; rr* P lc ^ es > quelques rejerronsqui pt?„„i n “a fi L l ^ brei comme le figuier, mais ce qu i l y a de P an IC ut y "* le figuier ne fait pas, c’eft que du pied dé ces mbr , ? des rejetions , à deux ou trois pieds de haut lin,, L !• T dont les uns font plus , les Lires d * eau * pouce , plus forts * pLs durs que Ls brancfc dfXT L font tous courbez en arcades , & d’un feul ,1 In n^ft ol’ * fleurs qui fecourbent tout de mefme dans l’eau ^ ' Æp “rs’lesILL? " Lfor t : qu fi e ny ^d^ayspetdW qu’il De toutes les forte; de Pjmiftcs,qtic Uj veu dans les Jjles. §. X I. -Nue cous les Palmiftes qui Ce rencontrent dans ces 4 Mes, ie n’en ay pas vcu un feulfcmbiïble » ceux qui e trouvent dans le Levant , fuppofe que les Autheuis les aycntbien décrits. 11 y en a de quatre forte dans toutes nos i n ^ Le premier que nous appelions ramifie franc , fe plaid dans les hautes montagnes 8c lieux humides. Le pied de l’arbre eft une certaine motte greffe comme urr baril ^ corn- pofée d’une millialTe de petites racines confulementent e- medées.cc qui luy fert comme de pied d'eftal poui :1e (wtt.c- niticaril afort peu de pied & de racines en terre. Son tronc fe leve de cette motte de la grofleut d’un gros pommier, rond, droit comme une flèche, 8c haut de deux pneques fans aucunes branches , 8c fans efcorce. Cét arbre n a qu un bon pouce de bois, en rond, mais fort ttavetfe.norr, 5c f. dur qu il n’y a point de hache qui ne rebrouffe a encontre. Tout le dedans de l’arbre n’eft qu’une moelle fillaffeufe, fpongictife, & du tout inutile. . Du haut de l’arbre/qui clt toujours un tiers plus gios que le pied) forcent comme de dedans un. baril, 30. ou quaran- te branches vertes, liilees,dures,droires & longues d une pi- que ou environ, aux deux codez desquelles .1 y a deux rangs de fueilles larges d’un pouce, ou d un pouce 8 c denry, 8c lon- gues environ de deux pieds. 11 y a pour le moins deux cens fuëilleSjfur chaque branche; de lotte que la pefanteui de fueilles le font un peu courber vers la terre. . Du milieu de ces bran hes.il v en a toufiours trois jeunes, qui fe le vent droites comme des fléchés, dcfqucllcs les h e^ Des Antilles habitées par les François. j 6 p les ne font pas epanoiii-es,& font encore couchées,&comme collées le long d’icelles. La plus haute a quinze ou feize pieds , la fécondé dix , & la troifiéme environ cinq. le crois que c eft ce que 1 Efpoufe au Cantique des Cantiques , ap- pelle ekuçalmarum. Nous en portons à la Proceflion leiour des Rameaux , cela cil véritablement magnifique. Les Feiiilles decesieunes palmes font blanches commencée, & fernblenteftre des rubans fatinez. Plufieurs en font des^a- Iands qui trompent mefme les plus avifez. Du cœur de ce tronc fort encore une façon d’cftuy,gros comme la cuifle, long de deux pieds , &c prefque en forme d’Ovale , mais fort pointu parles deux bouts. La peau de cette gonfle, ou eftuy,eft efpaiffe deux fois comme une pièce d’unefeu, dure comme du cuyr boüilly , rayée ou pluftoft canelée, & verte par dehors : mais jaune comme de l’or par dedans, & fi polie qu’on s’y pourroit mirer. Là dedans, il y a une certaine g; apc , ou pluftoft vne façon d’épy en penna- che, chargé d un nombre innombrable de petites fleurs étoi- lées & jaunes , comme un épy de bledmeur. Gela venant à groilir l’eltuy fe fend, -s’ouvre de bouc en bout,& donne lieu de foitii à cepennache. Par fucceilion de temps toutes ces petites fleurs tombent , &: il ne refte plus que les petites quelles qui les ont portées , attachées à la tige de ccpenna* eue , qu i eft gros comme le bras, & au deiîous de ces q ueiies naiflent desfruiéfcs gros comme des balles , defquelles on joue à la longue paume. Ce frui 61 eft environné d’une peti- te écorce grilatre , mince, êc tendre, qui fefanne & tombe a- vec le temps : mais tout le dedans du fruiét eft dur comme de la corne, blanc comme ncigc,& fort agréablement diuer- fifîé par de petites veines rouges. Il y a dans le milieu un petit noyau rond, un peu plus tendre que le fruiét que l'on mange; mais il faut avoir de bonnes dcnts,&;àl épreuve, pour le caf- fer. Immédiatement au deflous de ces flicillcS-dans le o-ros de 1 arbre, on trouve la moelle ou cervelle, que les habitans ap- pellent cfcfHi palmiste , qui n’eft autre chofe que le germe des feiiiilcs, ou pluftoft les feuilles nouvellement formées dans Y jyo Htfloire Naturelle ic tronc. le ne vis jamais rien de plus blanc ny de plus tenv dre , &: cela a le mefme gouft que les Avelainos ; mais a en manger quantité, ie trouve qu’il charge l’eft.omach,&: confti- pe beaucoup. Quelques habitans en tirent du vin , qui ne mérité pas vé- ritablement d’en porter le nom, car il ne vaut pas la picquet- te des vignerons. On fe fert des feliilles de Palmifte franc, apres les avoir treffées,pour couvrir les Cafés, cela fait vne belle &c bonne couverture. On fend aufli l’arbre de bout en bout par la moitié , &C apres en avoir tiré le cœur, qui efl fort tendre & frlaffeux , on en. fait des goutieres. Les Sauvages font des Arcs & des Boutons de ce bois , ils enferrent aulli leurs fléches;8£ cela eft h dur, qu’une flèche bien décochée perceroit un corcelet de fer. Le fécond efl celuy qui porte la graine , dont on fait ces beaux chapelets marbrez. Il ne différé d’avec 1 autre , qu en ce qu’il n’eft pas fi gros,&: que le fruit en efl: plus petit. Les deux autres font efpineux : dont le premier eft gros <$£ haut comme le Palmifte franc , & croift tout de la mefme fa<- çon ; mais il différé d’avec luy , en ce que le tronc de l’arbre eft tout armé d’épines tres-dangereufes , longues comme le doigt , greffes comme des fers d’éguillettes , mais plates , ai- guës comme des éguilles , noires , &C polies comme du jayet. Ses fuëil les fontauffi un peu plus eltroites & plus éloignées les unes des autres : c’efl pourquoy on ne s’en fert pas a cou- vrir, les branches Quelles font attachées fontauffi épineufes. Déplus , la gouffe, ou l’efluy dans lequel la fleur eft enclofe eft comme veiüe,efpineufe & de couleur tannee. Le fruiét a l’efcorce femblableà celle de l’autre, mais le dedans eft noir. On en fait des chapelets qui font de prix, &: font plus beaux queceux du jayet. Le fécond Palmifte épineux croift tout de mefme que les autres , mais ifi^’eft jamais plus gros que la jambe : fes épines ne font pas plu, 3 greffes que des éguilles à coudre , mais deux fois plus loguesielles fonrfi drües fur le tronc, qu’on ne fçau- loir raettie le doigt entre deux. Le fruiét n’eft pasplus gros- des Antilles habitées par les François. •que le bout du doigt , rond &c rouge comme une cerife. Le dedans effcun beau de couleur d’olive fore brune oui ians doute leroit bien vendu en France. 5 1 Dm Latanier. §. VII I. Q Voy queie faffe un paragraphe à part pour leLata- nier on le pourroit avec beaucoup de raifon ran^r au nombre des Pahmftes : car il fort d’une greffe motte de racines comme les Palmiftes. Il neftj amais plus gros que la jambe, il cft prelque par tout égal , &fe leve droit comme une Hcc lie , quelquefois jufqu’à la hauteur de quarante ou cinquante pieds ; il a tout autour un doigt d’efpailfeur d’un bois dur comme du fer , & tout le refteeft filaffeux comme Je cœur des Palmiftes. Il a environ deux pieds del’extremi- ce de 1 arbre en haut, envelopez de trois ou quatre doubles d un certain canevas naturel , qui femble avoir efté filécV niiu de mains d’hommes. De cette envelope forcent quin- ze ou vingt queues, longues de cinq à fix pieds, vertes & du- res, comme les branches des Palmiftes, &: toutes femblablcs ç de ^ lamcs d’eftocades. Chacune de ces queües porte vnc tuciUc, qui dans fon cornmen cernent eft toute pliiTée com- me les éventails des Damoifelles de l’Europe , &cellequi îort du tronc, (car elles viennent 1 vne apres l’autre; a envi- ron deux pieds de Iqng. Avec le temps cette fucille s’ou- vre ,& s’eftend en rond : à vn demy-pied prez de l’exc re- dite, tous les plis s’entrefeparent, & font autant de pointes ou de rayons , qu’il y a de plis dans la fuëille; de forte que la ueillc a la figure d’un Soleil rayonnant. Toutes les figures que j ay veues dans tous les Autheurs, n’ont jamais bien ex- prime la forme de cette feüille ; &: ic puis affeurer que celle que ledonneeft laplus accomplie detoutes celles qui ont Yij \ ij2 Hijtoire Naturelle elle faites jufqu’à prcfeor. On couvre les Cafés de ces füeii- les, Le"s femmes Sauvages en font des parapluyes & des pa- rafais , & nos Dames Françoifes s’en fervent aufli bien quelles à faute d’autres. Les Sauvages lèvent la peau ou l’é- corce des queues, des füeilles de Latanier, pour en faire des Hebéchets , de petits paniers, des Matoutous^&c autres fembla- bles petits ouvrages. Au refte,!e bois de cét arbre eft le plus commode, &c le meilleur bois de toutes les Ifles pour baftir desCafes:Gn s’en fert au fïi (apres les avoir vüidezjà faire des canaux pour conduire les eaux des fontaines, l’en ay veu vne autre efpece das plufieurs endroits deslfles, dont laplufpart eftoient une fois plus gros que ce premier, le plus haut ne paftbic pas la hauteur d’vne picq.ue ; mais leurs füeilles eftoient deux fois plus grandes , & plus fortes que les autres, & par eonfequent bien plus recherchées , par- ce qu’elles couvrent davantage, qu’elles durent bien plus long temps. Du lois de Couleuvres . §. IX. L E bois de Couleuvre eit fi vtile dans ces Ifles , àcaufe de la quantité desScrpens , queie ne puis fermer ce Chapitre fans en parler. La plufpart des arbres que ie viens de décrire luy fervent d’appuy, corne le chefne fait au lierre: ce'te plante fe plaift dans les lieux humides, & lorsqu’elle y recontre des arbres , elle s’y arrache par des petites chevelu- res de racines, & s’éieve en ferpentant jufqü’au haut.Son boisqui n’apour l’ordinaire qu’un pouce ou deux degrof- feur , eftverd en quelques endroits -, en d’autres il eft gris méfié de noir, torcu, & Ci femblable à une couleuvre, que fes tronçons jettez dans un lieu, obftur fontpeur , pareequ’on les prend pour des Serpens. Ses feuilles font grandes com* Des Antilles habitées parles Fançois. i me celles de la ferpentinc. Elles n'ont au comencement au- cune découpure ; mais il s’y fait de petites cicatrices, com- me fi on les avoic percées d’un couteau, lefquellcs venant à s augmenter, divifent les bords de lafuèilledes Autheursaf- fc urent qu’elle eft très -fou veraine contre les morfures des ferpens , & que Ton feul attouchement les fait mourir. En ene^ii me fou vient d'avoir veu au pied d’un arbre, tout cou- vert de cecce plante , fur le bord delà riviere du fort faine Pierre, dans fille delà Martinique , fept ou huit ferpens de differentes grandeurs, dont quelques vnseft oient auffi gros que le bras, morts fur les tiges de cette planté. Ce que Te fis voir à un Chirurgien, nomme V Auvergnat, & à quelques au- tres perfonnes , qui depuis en ont fait telle eftime, que non feuicment ils en confervoicnt à leur maifon ; maismefme en portoient toufiours fur eux, pour s’en fervir au befoin. T'YvFfa : f w r îS : fis f & DE T O VS LES ARBRES qui portent des fruits , tant ceux que l’on mange 3 que ceux qui font un peu conüde- rables. CHAPITRE V. Des Arbres fruitiers fembUhles a ceux, de l'Europe. §• I. C Es Ifies font le véritable pays des Grenadiers , des Ci- troniers, des Limoniers, &r des Orangers. Les Grena- diers nes’y dépouillent jamais de leurs fücTlles , commeils font dans l’Europe: ils portent en abondance, quand toute- fois on a foin de les émonder i. car autrement ils pouffent Y iij ny4: Hijtoire Naturelle tant en bois &c en verd , qu’ils s’épuifent de leur fève, &ne portent guéres de fruit. Les Cicronie;s portent au bourde dix-huit mois qu’ils font plantez . & font en toute l’année chargez de frui &s , de fuëilles,&: de fleurs. Toutes les fortes de Citroniers & Limo- niers , qui fe trouvent dans l’Europe, y croifient en fi grande quantité , qu’on en fait aufli peu d’eftime , que des moindres pommes fauvages. Il y a auffi une forte de petits Citroniers , que ie n’ay point veu dans l’Europe, qui portent de petits citrons qui ne font guéres plus gros que des œufs de pigeons :ils ont l’écorce fort mince, & lent très, abon dans en lue lent fort feüilius èc épineux. La feüille en eft petite corne celle du phylirea. On en fait des hayes & des berceaux, que l’on tond de 3. mois en trois mois , ce qui eft très - agréable : & l’on remarque dans la Martinique, que tous les ferpens fuyent ces hayes, Se. l’odeur de ces petits citrons. Toute forte d'Orangers y font au ffi communs que les Ci- troniersdls y croiffent gros & hauts comme des Abricotiers, portent en tout temps. On remarque que les graines d’O- rangers, auant que de paroiflre, font autant dans la terre que les pouilms font fous la poule avant que d’efclore de forte que mettant aujourd’huy une poule fur fes œufs , &: femant de la graine d’Orangers dans la terre, le 23. jour en fuivant , les poufîins forcent de la cocque,& les Orangers de la cerrc. Ceux qui font friands d’oranges douces , feront avertis que c’eltune chofe dangereufe d’en faire ordinaire, dautant que cela fait des vlceres dans le fondement , où par -apres les vers s engendrent ; &: quand ils y font une fois , il faut mou- rir , fi on ne fçait le fecrec que j’ay appris d’un Brefilien , qui eft de donner de petits lavemens au malade avec de l’eau de mer,&: du fuc de petun verd. I’ay depuis découvert la plan- te que Pifo appelle Paiomirtba , que j’ay décrite à la page 92, de cetcc fécondé Partie, &: que j’ay fait dépeindre ; afin que fi que-lqu’vn eftoitfurprisdecemal,il s’en puiffe fervir com- me d’un remede infaillible. Des Antilles habitées parles François. t 7 j h P^ CS ri§UIer B S la France y viennent aufli bien que dans la Provence, & portent tout du long de l’année, l’yavveu quelques Daners , mais qui navrent pas enco/e^orté Dans Je dernier voyage que j’ay fait aux IflesJ’ay veu dans ta jardin de Monfîeur Du- Parquet , des pommiers des TZ kjcis 3 &: des cerifiers chargez de fruits. ’ ^ i De deux fortes de Ca fiers ou Cane fi, § I I, cters* A Noftre arrivée dans la Guadeloupe , nous avons troue , un grand nombre de Caneficiers , ou Caffiers oui 1.1ns doute eftoient naturels au pays. Ce font de beau’x\t fes'd TtAcu’ ou ° nt ,CS fUeil ‘ eS P ' efqUe fcmblables i cef- sd alAcum, que nous avons en France ; mais deux fois p us grandes , p.us pointues, plusfortes, & plus écartées & dit " "“'J *™ 11 ^ Caffiers ou Caneficicrs pour car t°f fV ** C T cher e Sa'd n f frCfne '* T P ° mier > ^ d '“n eXrà'unpdî rTir S a ' P 11 ° n e® impertinente, carne parlant quot a Caffiei de 1 Amérique, dont toutes les pleines de fabu Do xninguc fon t remplies comme il ledit, ii luy donne des fleur" jaunes, des tuyaux, long d’un pied & derpy.fc g ros d’un pou- ce ce qui ne convient qu’au Caffier du Levant! car celuv de 1 Amérique fleurit gris de lin , ou couleur de fleurs de pef cber,& fes tuyaux font longs de deux p.eds, & deux ou trot ois aulfigios que les autres. Quand il elt dépouillé de fes ueillesfcequi luy arrive tous les ans vne foi/) il Ce couvr- ent, erement degrands bouquets de fleurs , lots dVn bo,i pied, en forme de pennache, de couleur de fleurs de pefeher lu, chaque bouquet il croift tout au plus vn ou deux baftot ,j y fj Hijlolre Naturelle de caiîe, Ces battons ont la forme de ceux du Levant, mais ils font longs de deux grands pieds , & prevue gros comme le bras : Tclcorce en eft bazanée, rudc,&: fore diiBcile a rom- pre. Les petites réparations qui font dedans,font aulli extrê- mement dures ; de forte qu'il y a bien de la peine à la mon- der &c à en tirer la moelle. Quand elle eft rccence,eUe reflem- blefort a celle du Levant , foie àla couleunqui clt pourtant moins noire, foie au gouft : qui cil vn peu gras & douçaftre, a peu près comme les pruneaux 5 foie à l’eftec purgatif, a ce n’eft que caufant des trenchées,ehe ne purge pasü aifement, car elle ne palTe pas par le ventre 3 ians douleur & travail ex- traordinaire. ; . r Depuis quelques années , plufieurs habitans rcconnoii- fant qu’elle eiloit inferieure à celle du Levant, ont plan- té des graines de celle-cy , avec fuccez 6c avec profit. Ces arbres ne crciftent pas fi haut que les autres , mais ils ont les fuei lies plus longues & plus polies, fleunflent & le de- poüillent comme eux; ils portent vn grand pennache revécu de plufieurs fleurs jaunes , allez relfemblantes a celles, du pied d'aloüetce ; mais un peu plus grandes , d’vne odeur qui a quelque rapport à celle de la girofléejaune. Le bois de ces Caneficiers , eft fi fragile & U eaifant , qu’vne branche grolle comme la jambe , ne pourroit porter vn homme fans nique de rompre , ce qui fait qu’on n’en tient compte dans le pais. l’en ay veu couper plus de deux cens pieds en vne annce,lur noflre place de la Bafleterre. Enfin , comme la^atlc sek rendue fort commune dans nos Ifles, elle eft devenue a fi vil prix depuit huit ans, que ceux qui en- cultivoient. a la Mar- tinique , voyant qu’on eft oit obligé d’en donner la moitié * pour le fret , en ont coupé par le pied la plufparc des arbres. Depuis ce temps- lUmduftrie des habitans s eft eftudiee de rendre par divers moyens , ce médicament aufli agtcable q’uvile l quelques vns en confifent les fleurs & d autres les petites filiqnes encore toutes vertes, & tendres, avant que l’écorce s’endurtifle ; U les autres pour leur viage , gardent dans des pots la moelle tirée des ballons meurs , U conti- te avec de bon fucrc.Ainfi l’on pourroit fairçfie ces fleurs de JDcs Antilles habitées par les François. iyy tV/ a i reabIcS conr erv e s,tablctes,&: fi rops, donc la dclica- e des Dames & des enfans les plus dégouftées, ne fe rebu- te! oit pas a le purger. Du Cor ofol cjf des Ad o m in s . §. I I I. E Corofol n’a point d’autre nom parrny nous , que ce» luy d vnelfle habitée par les Holandois , de laquelle il le nnr 1 P u , ls ^ uel ^ e tcm P s - L’arbriffeau qui P t c ^ couc Semblable au laurier tant pour fa orandeur que pour fe S fueü.es. Lefruift cftgros cLn-.e S verfe 1 ^ l , C , C ® urb f P ar le bouc d’en-bas:il a l’efcorcc avt pris nhT,’r 't erpall ! cur d ’ vn tellol > : &il kmble qu’on rv P IaiPira / % uler & a tracer avec vne plume & de 1 en- mervlm et r eS deffllS ‘ Ce fruia d’vne façon b h C r fc 5 canî Rattaché au tronc,auffi bien qu’aux cune der °' mm u CS CalIebafies du pays. Au milieu decha- Pereono ^ caiIIes > l3 Y a vne petite pointe demefmema- ‘ ■ J 3 efcorce. Toute la 'chair en eft blanche comme boL?ch ; rt y r qU r e ^° iC VH P eu Elafîcufe. Elle fefond dans la Douche, & f c refoud en vne eau, qui a le gouft de pefche re- extrerrT **?," “8"™' fo " > & T* UÆ oiXc f meiU ‘ 11 yapïufieiirsgraines, noires, liffccs, &mar- 3 S j e P etl ^ s vemes d’°r , grofles & longues comme des ^urs dubrcfîl. C’eft vn des plus excellens fruits que nous ayonsdansceslflcs. 4 hal!irL tl ° UV n enC ° rC deUX * Utres forCCS dc fluids > que les tans appellent M omins , qui font fans doute d’vn mefmc blàbf qU u C r C ^ /; carl ’« bfc & le fruit font prcfquefem* ce Ji j h j rfmiS qU 1 Vn peU pIus rond > & q u>il a l'efcor- ^ le dedans jaune, comme fa graine qui eft plus larges pi is plate ; Il s en faut beaucoup qu’ils ne foient aufll bons ^ «i ly f Biftoire Naturelle que le Cor o fol ; 8c mefmeles habicansen fontfi peu de ca% qu’ils n’en mangent que par pure necefïité. Le plus gros eft de la gro fleur de la cette d’vn enfant , 8c l’autre comme un erros œuf d’ove. Ils croitTent en abondance dans les lieux hu- & J inides,&parrny lesrofcaux. Comme ces fruids viennent en abondance, 8c que pende perfonnes en mangent , les porcs , les acoutys , le tatous , les crables, & les o y féaux s’en engrai0ent,Ô£ la chair de tous les animaux qui en vivent eft excellente. Le fieur de Rochefort fe trompe lourdement, confondant le Corofol ,&les deux Cachimas, avec le Momin,& difant que ces arbres portent desfruids, qui ont le gouft 8c la blan- cheur de la crème ; puis qu’au contraire il eft jaune auffi- bien par dedans que par dehors; 8c fi fade , qu il y a fort peu d’habitans qui en mangent. Il eft bien vray que le Co- rofol a la chair blanche , mais elle eft fillafteufe , 8c d un gouft bien eftoigné de celuy de la crème , puis qu il eft aigre 8c relevé: ie m’atfeure que tous les habitans des Ifles tom- beront d'accord avec moy,que le feulCachimas en a legout, la blancheur 8c la confiftance ; 8c que cet Elcrivain n eft pas moins ridicule, lors qu il attache à cét arbre unegrapede iiaifin.au lieu de fruit. De deux fortes de Cachimas.. §. I V. L E Cathimentier franc, eft un arbre, qui en fa façon de croiftre,a aflez de rapport avec le pefeher : mais il croift deux fois plus grand , &afes feuilles femblables à celles du chaftaigner , fon fruid devient gros comme une grofle pom- me de rambour-ï il eft rond 8c a l’efcorce efpaifle d’un tefton, qui eftgrize dans fon commencement ; mais quand il eft meur,, elle devient rouge par les endroits où.le Soleil a dam. Des Antilles habitées par les François. ï/p né. Il a plufieurs graines comme le Corofol ; mais quand il eft bien meur, tout le dedans du frui& eft blanc comme neige, liquide comme de la crème , & a le gouft de crème meflée a- vec du fucrejde forte que quand on en a ofté l’écorce &c la graine, & qu’on l’a mife dans un plat , il n’y aperfonnequi n’en mange pour de la véritable crème. Le Cccond ci\\e Cdchimœj ejpintux , qui ne diffère du pre- mier qu’en la façon de fon fruid : car il ne cr'oift guère plus gros que le poing. L’efcorceen eft toufiours verte,&; la peau rclevéeen plufieurs endroi ts, de petites boffes, taillées com- me en pointe de diamant. Tout le dedans du fruid eft fem- blable au precedent, mais il n’eft pas fi bon. Ce fruid eft chaud & fec , &: nourrit fort , il fait fuër , &: provoque les vrines ; mais fi l’on en mange trop , il enflamme lefoye Sc le fan g, & caufe des rougeurs au vifage , qui exci- tent une telle démangeaifon,quc Ton eft contraint de fe gra- ter continuellement. Des prunes de Âdomïns. §. V . L ’Arbre qui porte les prunes de Momins, croift auflî gros &: auflî haut, qu’un des plus puiflans chefnes de l’Euro- pe. L’efcorcedel’arbre eft extrêmement raboteufe , grize par dehors, rouge par dedans, gommeufe & de bonne odeur. Le bois de l’arbre eft blanc , fort tendre fort fu jet à pour- riture. Les fuëilles ont beaucoup de rapport à celles du frefi- ne : elle font pourtant un peu plus larges, 5c tombent tous les ans. Apres que l'arbre s’en eft rcvcftu , il fe charge de grands rameaux de fleurs blanches & jaunes , d’vneodeur lortfuave, à la cheute defquelles paroififent les fruids, en grapes , comme les Cormes : ils font jaunes , picotés de rou- ge, pleins d'vn lue , qui avec fon acidité confcrve ie ne fçay Z ij iSo Hijloire Naturelle quoy de fade & de fauvageon : ce qui eft commun prefqu’à?. tous les fruits des Ides , avant que l’on s’y foie accouftumé. Lors que ces frui&s font meurs , ils tombent tous à terre , la= couvrent , &: exhallent une odeur affez agréable , qui fe fait fendra plus de cent pas : il y a dans lefruidun noyau filaffeux tout percé à jour, qu’on eftimeeftre poifon. Sa cen dre eft fort caulhque , & l'on s’en fer t pour faire manger la chair morte. Qudques-vns font du Oüycou de cefruid , qui cftant couler vé huit ou dix jours, enyvre comme du vin. L’on man- ge les bourgeons de cét arbre en lalade ; & fi on les broyé, il en fore vne é cume qui ofte l’inflammation des yeux, clari- fie la veuë, & dilfipe les rayes qui font encore tendres: mais bien que cette efeume fafle un peu de mal au commence- ment, ilfediffipe aufli-toft : cefruid eft fouverain contre les flux de fan g.. De IN cajou. §. Y L L ’Acajou eft un petit arbre, dent les rameaux panchent un peu vers la terre, & font chargez de grandes feüillesy affez femblables à celles du Noyer -, mais plus larges , plus rondes , plus fortes , plus luifan tes , & de meilleure odeur. 11 ported.es ombels ou bouquets de petites fleurs purpurines, dontlodeur raviffante remplit toutes les forefts , lors quel- les s'ouvrent le marin. De plus de cencfleurs qu’il y a quel- quefois fur un bouquet , il n’y en a que trois ou quatre qui reüffiflent , & portent uiî fruid le plus fantafque que i aye jamais veu.il vient gros comme un œuf, en façon d’une peti- te poire:fon cfcorce eft fort délicate, jaune & rouge comme une cerife, par les endroits où le Soleil a donne. Toutleder d^ns dufruid n’eft qu’une Baffe fpongieufe , toute remplie Des Antilles habite es par les François . iSi d’vn fuc fiacre aftringent (quand il eft verd)qu’il prend à la gorge ; mais il eft tres-agreable &; tres-delicieux, quand il clb meur. Ce fruit n’a aucune graine au dedas; mais au bouc dufruid il y a une noix delafigure & groffeur d’un roignon de lievre, de couleur de gris cendré, & couverte d’une dou- ble ecorcc, dont 1 entre-deux eft une matière poreufe, pleine d une huile cauftique , de laquelle on fe fert pour guérir les dartres, & pour faire tomber les corps des pieds. Il y a dans cette noix un noyau gros comme vne amande , & mefme meilleur que l’amande , qui fortifie beaucoup l’eftomach, quand on le mange a jeun. Ceux qui ont abondance de ce fruid , en font du vin qui eft tres-delicieux , & bon pour le mal deratte. Lors que ce fuc eft récent , il eft blanc comme du laid , & fi aftringent , qu’il prend à la gorge j mais apres avoir un peu boüilly de foy-mefme dans le vaiffeau , il s’é- claircit, & devient tres-agreable. Ce fuc qui fort du fruid:, lois qu il eft verd,fait une tache fur le linge, qui ne peut eftre oftée que lors que 1 arbre pouffe de nouvelles fleurs jcar alors elle fe diflipe d’elle-mefme. Des Goüjaues-.- §, V I !.. L ’Arbre qui porte les Gciiyaues , fçmble n’avoir point d’é- corce. Si on n a le foin d emonder & couper les fyons & rejetons qu’il pouffe de fon pied , il croift plus en buiffon qu’en arbre. Il aies branches fort éparfes,faitgrand ombre & occupe beaucoup de place. Ses fuëilles approchent de celles du laurier, mais elles ne fontny fi vertes, ny fi feiches elles font un peu cotoneufes par deffous,& traverfées depe- rites veines. Cet arbre porte de petites fleurs blanches qui font d’affez bonne odeur , en fuite une grande quantité , defruids, qui meuriffent en unenuid, & qu’il faut cueillir Z iij j$? Hîjloire Naturelle le mefme jour qu’il eft meur ; car deux jours apres il fe paf- fe. Les plus gros n’arrivent jamais à la grofleur d’un oeuf d'oye: il porce vne petite couronne comme la Grenade, a- vant qu’il foitmeur il eft fort aftringent ; mais lors qu’il eft meur, il eft jaune comme de l’or , de couleur de rofe par dedans. La chair de ce fruid eft encore plus molle que celle delà pcfche bien meure, & toute remplie de graine fembla- bleàla maniguette , mais extrêmement dure. Il s’en trouve qui ont la chair blanche, qui font plus petites, &: de meilleur gouft que les autres. Il y en a auiïi defures,de douces , Sc d’ai- gres , comme les pommes ; plus on mange de ce fruit , plus on le trouve excellent. Quand ce fruid eft verd, il fert au flux de fang, & referre le ventre:&: au contraire quand il eft meur, il lafehe: fans ex- cez, toutefois:car l’on en peut manger fon faoül fans en eftrc incommodé. Les fomentations de fes fuëilles boüillies , font defenfler les jambes des hydropiques. Onfaitaufli un firop des jeunes rejetons , qui eft merveilleux pour les dif- fenteries. Dvn arbrijfeaa qui porte de petites cerifes. §. VIII. I L fe trouve dans toutes les Bafteterres des Iflesun arbrif- feau tout femblable au buis , excepté qu’il n’a pas les fuëilles fi drues , qu’il croift un peu plus haut , & que le bois de l’arbre n’elt pas fi jaune,ny Ci maflif. Aux premières pluyes qui arrivent dans l’année, il poufte quantité de petites fleurs blanches, qui femblent eftre de petites houpes de foye, faites à plaifir,&: qui exhalent une odeur plus foüéve & plus douce que celle du jalmin. A la cheute de ces fleurs , il y vient de petites cerifes noires , aflez femblables aux merifes de l’Eu- xopc. Dans le milieu du fruiftdl y a trois petits noyaux allés Des Antilles habitées par les François . r’° n ««»"c P^itccorde teau & °1 ?■ ‘ °, n fra PP e doucement deffus avec un mar- teau: VlfC C ° mmefi ° ni ' avoit coupé avec un cou- lure* S r an ' he C ? un fouve «inremede contre la brû teftecf ap P ,!> 3 u ' ecn Couteau, elleappaife les douleurs de' te e? g tn^rré:r & n d esardeutsdus ^ de bois en Flandre. 8 & d ° lr ’ commc on P«nt la vaiffelle imc:; Du CourbariL §- X y.y I. J l,?b«" Ve u Und J eSpluS grot > d « plus hauts, & des KSLrnt?e,£*T f S ° n r rC - ft S rl - . Pon deur, fort drues , & deux fur chaque petüequèTrd'e 1 l'orre A ai ij iüù Hiftoïre Naturelle cm’èiks 'font comme un pied de chevre di vife. 11 porte un rrr and nombre de fruids larges de quatre doigts,longs com- me la main, & épais d’un pouce Cesfrui&s font couverts d’une écorce tannée, rude, épaitfe d’un ttftbn,* dures com- me du bois. Tout le dedans du fruid eft remply d une cer- taine farine fibreufe , de couleur de pain d'epice, &: de mel- me très bonne odeur rfesfruifks font gros comme un œuf d oyc, fî'cs ( Des -Antilles habitées par les François i çi d une chair aflez ferme le long de l’écorce; maisntolafte n r 1 le “ ’ < f : , Co l us rem P lis d’une infinité de graines pla- tes. Ce fruid eft de bonne odeur^d’un gouft aigrelet qu’on niepnfe pourtant , a caufe de ce qu’il noircit la bouche de ceux qui en mangent, il combe quand il cftmeur , & cn fe détachant de l’arbre , il pette comme un coup de pift 0 - Le fuc que l’on tire de ce fruid teint les mains, & tout ce quil touche d’une couleur noire , qui ne peut eftre effacée que neuf jours apres. Les habitans malicieux attrapent or- maire ment les filles &ies femmes nouvellement venues en leur faifant croire que cefuc fert à l'cmbelli/fenient des mains & du vifage : & j’cn ay marié quelques-unes qui en avoiént encore les mains & le vifage tout noir. ^ Tous les animaux, &. particulièrement les oyfeaux & les arables qui vivent de ces fruits , s’engrailTenc promptement & leur chair eft de bon gouft, mais noire ou de couleur d’ar- Le bois de cét arbre eft blanc, dur, facile à eftre mis en œu ^re, quand il eft frais coupé : car il devient fi dur avec le temps, que les outils rebrouftent deffus. L’on en fait des plâ ches qui fe noire. ffent dans l’eau,&on s’en fertordinairemec pour faire des affûts de fufil : l’on ne coupe pas cét arb« quand iteft jeune ( comme dit Rochefort)car en ce temps il ne vau droit rien du tout,* il a tant de moelle dans le cœur trois pouc n es e . n fçaur ° it * ircr Unc P knchc de deux ou Des pommes de Man ce mile, §i XVÏÏ. "L fe trouve dans toutes ces IHes une feule forte de poir- u me,qui a du rapport avec celles de l’Lurope.Ges pommes içz Hifloire Naturelle font toutes femblables aux petites pommes de 'Paradis ; quoy qu’en effet ce foienc de vrayes pommes d’enfer &: de 'mort, autant dangereufes au corps de ceux qui en mangent, que la pomme d’Adam le fut à foname. Son odeur eft af- fez fembiable à celle des pommes de rainette , ■;& fi fuave, qu'elle inuite les pafians à la cüeillir , à en manger: mais fon fcul attoucliementfait'élever les pullules & les cio* rlies aux mains-.c’eft infailliblement avaler la mort, que d’en L’arbre qui porte çe funeftôfrui& f eft tout afait fembiable à un poirier, hor finis que l’écorce en eft plus épaifie &c fi lai- éleufe, qu’à la moindre incifion, il en fort une grande quan- tité de laid , lequel ©Il un venin fubtil , caullic , & fi dange- reux , que touchant fur la chair nue , il la brufte &: y fait éle- ver des cloches , qui font incontinent fuivies d'une incarna- tion tres-dangereufe. S’il arrive qu’il en tombe lamoindrc aoute dansuneplaye , &: qu’on ji’y. remédié promptement elle y met infailliblement la gangreine. Non feulement cefruid lolaidqui fort de fon ecorce efi veneneux i mais mefme les goûtes de pluyes qui en tom- bant touchent les füeilles de l’arbre, contrarient les mefines qualiccz ; de façon qu’il eft très- dangereux de paffer fous cét arbre quand il pleut , principalement, quand la pluye com- mence à tomber : car quand il a beaucoup plu , & que les fu cilles font bien lavées, il n’y faitpas fi dangereux. La vian- decuite aufeu du bois fteqét arbre , contrade îene fçay quoy de malin, qui brufte la bouche 8de.gofier.Tous les ani- maux qui mangent de ce fruit, excepte / Arras , deviennent malades &: leur chair noire , & comme bruflée , &: ie crois qu’en fin ils en meurent : il eft autfi tres-dangereux de man- ger de ces animaux, 5c f en ay fait i’experience à mes dépens, comme ie diray ailleurs. , Lors que ces pommes de Mancenille tombeur de 1 arbre, edes ne pourriffent point-comme les pommes de l’Europe, quand mefme elles tomberoient dans l’eau ; mais elles de- viennent ligneufes, dures, & flottent deftus. Iq y donné quelques remedes au niai extérieur , que caufe Des An tilles habitées par les Fan fois . içj 3 e laid delà Mancenille , où jay parlé de l’herbe aux flè- ches; &: en donneray lors que ie craiceray des Soldats ou Can celles. Pourleremede du mal intérieur de ceux qui cnman-. genr, il n’y a qu’à avaler promptement un verre d’huile d’o- live , avec de l’eau tiède, pour faire tout vomir, &: encore il faut que cela fe falfe promptement : carune heure apres en avoir mangé , il n’y a, plus dercmede; ôc mefme quelque prompt remede qu’on y puiffe apporter, ceux qui en guerif- fent ne font plus que languir, &: traifner vne vie malheureu- fe & fort courte. Et partant , que les frians prennent gar- de à eux en mettant piedàterre : car pour l’ordinaire ces arbres croiflenfie long delà mer. On a trouvé de mon temps dans l’eftomach de quelques perfonnes qui en eftoient mortes , une place ronde, large .comme la main,noire,&: brullée. Les Sauvages font des in- cifions à l’écorce de cét arbre, des M'arfoüins, de Rayes, d’ Anges, de Mulets, de Maquereaux , de Vives, de Harans , de Turbots , de Con- gres, de Murennes, de Rougets, de Saumons, &: une infini- té d’autres que j’y ay veus,deiqucls le dénombrement feroit importun &: ennuyeux au Ledeur, m’empêche d’en douter: ce qui me fait Croire , que fi la pefche eftoit auffi bien prati- quée le long de ces coftes , comme elle l’eft dans ce les. de- l’Europe , tout. le relie des aucres poifions s’y pourroit ren- contrer. Des Baleines L Lu fieu vs bons Autheurs ont fait de fi amples dèfcri- ptions des Baleines , Soufleurs , Marfoüins , &C d’aucres poifions de nos côtes, que ce feroit abufer du temps, d’en écrire autre chofe , que ce qui eft precifcment convenable à mon fujet. Les Baleines donc, paroiffenr lelong de ces îfies, depuis le mois de Mars jufqu’à la fin de May , plus fréquemment qu’en tout le relie de l’année. Elles font en chaleur & s’a- eouplent pendant ce temps : &r. on les voit roder principale* ment au matin , tout le long de la colle , deux, trois, & qua* tre, toutes d’ûne bande. foufiant,&: comme feringant par les nafeaux , deux petits deuves d’eau, quelles pouffent dans fair haut de deux picques , 2 >ù dans c.éc edortelles font un certain meuglement, qui fefait entendre d’un bon quart d® lieue. Quand deux malles fe rencontrent auprès d’une des Antilles habitées par les ' François. jç? mdle , ils fe joignent &: fe livrent un dangereux combat frapant fi rudement des aides & de la queue contre la mer cju’il fenrble que ce foientdeux navires qui font aux prifes à coups de canon. On écrit des chofes de cét animal , principalement tou- chant fa grandeur , que ien’ay jamais pu remarquer. Re- né François dans Tes effais , eferit qu’il y a telle baleine qui couvre quatre arpens de terre de fon cor ps , ie veux croire que c’eft à la petite mefure:car en plus de douze mille lieues de mer que j'ay fait,ie n’ay jamais veu de baleine, qui en ap- parence portaft plus de cinquante ou foixantc pieds de lon- gueur. L’hidoire qu’a écrit-Garcie, touchant la pcfche & captu- re des baleines par les Sauvages de l’Amerique , me fembl© encore fort fufpede. Il dit que l’Américain, qui nâge com- me un poidon , voyant venir ce colode animé vers la code préparé deux tampons de bois , fe fournit d-’unc maffuc & lu y va courageufement au devant ; & s’eftant dextrement jette iur fon col & luy ayant laide pouffer fon premier jet d’eau, il prévient le fécond, luy fourantun de ces tampons- dans un de lés nafeaux à grands coups de maffuë ; & que cét animal fentant qu’on luy chatoiiilled rudement les narines, le plonge au plus profond de la mer , entraifnant avec fo-y I Américain qui la tient embradee. Alors, la baleine edant contrainte & prefsée de refpirer,. remonte fur l’eau; & aind donne du temps à l’Américain , de luy enfoncer fon fécond tampon dans, l’autre nafeau, ce qui l’oblige pour vnefecon- de fois à s’enfoncer , ou pludoit à fe perdre au fond de 1 O- cean , ou ne pouvant plus refpirer ny faire évacuation de fes eaux, elle s’edoutfe&fe noyé tout enfemble. Voila le fens de fon hidoire ; mais ie vous adeureque ie ne l’ay jamais veu faire à aucun Sauvage de l’Amerique , ny aüi dire quais. 1 ayent jamais pratiqué. * L’Accident qui arriva à Monfieur Du - Parquet, fort proche parent de celuy qui commandoit à la Mar- tinique , ed autant digne de rcmai que , qu’il fut funede à ce • B b. iij Hifloire Naturelle Gentil homme, &: à la plufpart de fa compagnie: car une ba- leine s’eftant élevée de deffous la barquè où il eftoit, la cre- va apres l’avoir enlevé de l’eau , 8c tic périr prefquc tout le inonde qui eftoit dedansfta baleine en mourut aufli,& quel- ques-uns de ceux qui fe fauverent , m’ont afleuré quelle rougit de Ton fang plus de quarante pas de mer en quar- ré. On voit plus grand nombre de baleines aux environs de la Martinique, quà la Guadeloupe, dautantquela mer y eft plus creufe 8c plus profonde , d’où vient quelles peuvent fréquenter ces coftes avec moins de danger , que celles de la Guadeloupe , lefquelles font moins profondes , & où il y a plus de Kayes 8c hauts fonds , où elles fe pourrcient plus ai- fément échouer 8c fc perdre. Des Soufleurs . § I I. L ESoufleurcftun grand poifton , qu’on pourroit avec beaucoup deraifon faire pafler pour une efpece de ba- leine fuppofé qu’on puft mettre du genre dans le mot de ba- leine ; car il a tant de teftemblance avec cet animal , qu il ne différé d’avec luy qu’en grandeur : il foufle 8c fenngue l’eau dans l’air pat les nafeaux , comme la baleine , quoy qu’en plus petite quantité -, de forte que plusieurs lespren- nent pour de petits baleineaux, quoy que ce foitune elpece de poifson toute differente. Ils vont en bande comme les Marfoüins, 8c il ne faut que fifler pour les faire tourner tout court.Si les faire approcher des navires, mais il ne fe faur pas jouer à les prendre : car ils font doüez d’une force fi extra- ordinaire , qu’vn Capitaine de navire m’a afteure qu vn jour en ayat fait harpôner un, il ht un fi furieux efort fur la corde Des Antilles habitées far les François. ipp qui tenoit le harpon, qu'il fie éclater la grande vergue de fon maft,où cette corde eftoit attachée. Ils font en grandnom- bre par toutes ces coftes *, il^femble qu’ils aymentles hom- mes, car ils fui vent les canots 6c les barques, comme s’ils Te plaifoient à entendre le bruit qu’on y fait. Du Lamantin ou Manatj. §. III. L E Lamantin eft un poiffon tout à fait inconnu dans l’Europe : il porte quelquefois jufqu’à quinze &: feize pieds de longueur, &: fept ou huit de rondeur de corps. Il a le mufle d’vn bœuf, 6c les yeux d’vn chien, il a la veuëfort foible, &: n’a point d’oreilles ; mais en leur place, il a deux petits permis, où à peine pourroit on fourrer le doigt ; il en- tend fi clair par ces pertuis , que la foiblefle de fa veuë eft fuffifamment fupleée par la fubtilité de fon oüie. Au deffaut de la tefte , il a fous le ventre deux petites pâtes en forme de mains, ayantchacunc quatre doigts fort cours 6c onglez; 6c c’eft ce qui l’a fait appeller Manaty par les Efpagnols , com- me qui diroit, poiffon pourveu de mains : depuis le nombril ilappetifletoutàcoup , & ce qui refte de fon corps depuis cette partie , eft ce qui compofe fa queuë, laquelle a la forme d’vne pelle à four; eile eft large d’vn pied 6c demy,épaifle de cinq à fix pouces, reveftuë de lamefme peau de fon corps, 6c toute compofée degraifse 6c de nerfs. Cepoifson n’a point dccailles comme les autres poifsons , mais il eft rcveftu d’un cuir plus épais que ccluy d’vn bœuf. Sa peau eft de couleur d’ardoize fort brune , &parfemée fort clairement dVn poil de couleur d>ardoizc,femblable à ccluy du loup marin. Sa chair ale gouft de celle de veau, mais elle eft beaucoup plus ferme , ôc couverte en pluflcurs endroits de trois ou quatre 23Q Hïfloire Naturelle doigts d’épais, de lard , duquel on fe ferc a larder, a barder, &. à faire tour ce qu’on fait du lard de porc. Ce lard eft excellent , & plufieurs le fondent 5c en tirent la graifse, qu’ils mangent fur le pain en guife de heure. La viande de cét animal eliant falee perd beaucoup de Ion gouft , ôi de- vient fciche comme du bois. le crois pourtant , que cela fe doit attribuer au fel du pays , qui eft extrêmement cono- fif. On trouve dans la telle de cét animal quatre pierres, deux grofses Sc deux petites , aufquelles on attribue la force de taire difsoudre la pierre dans la velTic,&de faire jetter te gra- vier des reins : mais ie n’en fçaurois approuver 1 vfage , dau- tant que ce remede eft fort v pmitif , & fait de glandes vio- lences àl’eftomach. . La nourriture de ce poifson eft une petite herbe qui croift dans la mer , laquelle il paift tout de mefme que le bœuf fais celle des prés : 5c apres s’eftrefaoüle dexette pallure,il cher- che les rivières d’eau douce, ou il boit 5c s abreuve deux fois le jour. Apres avoir bien beu & bien mangé, il s’endort le mufle à demy hors de l’eau , ce qui le fait connoiilre de bien loin par les pefeheurs , qui ne manquent point de luy courir fus 5c l’attraper en la maniéré iuivante. Ils fe mettenc trois, ou quacre au plus, dans un petit Canot ('qui eft une petite nafselle toute d une piece , faite d vn ar- bre creufé en forme de chaloupe ) le Cabareur eft fur l'arrié- ré du Canot , qui remue à droit & à gauche la pelle de fon aviron dedans l’eau; de forte que non leulement il gouverne le Canot , mais encor le fait avancer aufli vifte que s’il eftoic pouffé d’un petit vent 5c à demy voiles. Le Vareur ( qui eft celuy qui darde la beftejeft tout droit fur une petite planche au devant du canot, tenant la varre en main,(c eft a dire, une façon de picque,le bout de laquelle eft emboîté das un har- pon, ou javelot de fer. Le troifiéme eft dans le milieu du ca- not ! qui difpofc la ligne , qui eft attachée au harpon pour la filer, lors que la belle fera frapee. ^ \ Tous gardent un profond filencc; car cet animal a 1 Qiiie fi fubtile qu’vne feule parole ou le moindre clabottcmenc 1 ■ d’eau Des Antilles habite'es par les François. 2 01 d’eau contre le canot, eft capable de luy faire prendre la Fui- te >&: fruftrer les pefeheurs de leur efperance. Il y a du plai- fir à les voir , car le Varreur palpite de peur que la belle ne luyéchape, & s’imagine toufiours que fon Cabareur n 'em- ployé que la moitié defes forces , quoy qu’il fa fie tout ce qu'il peut de fes bras, & ne deftourne jamais fes yeux de def- fus la Varre , du bout de laquelle le Varreur luy montre la pide qu’il doit tenir pour arrivera la belle , qui les attend toute endormie. Lois que le canot en cft à trois ou quatre pas le Varreur darde fon coup de toute fafor.ee , & luy en fon ce le harpon pour le moins demy-pied dans la chair. La Varre tombe dans l’eau , èc le harpon demeure attaché. à la belle laquelle eft à demy prife. Alors cét animal fe fentant fi i ude- mentfrapé, ramafïe toutes fesforccs & les employé àfe fau- ver : il bondit comme vn cheval échappé , fend les ondes corn me l’Aigle fend l’air, &: fait écumer 5c blanchir la mer par tous les lieux où il pafte. II croid s’éloigner de fon en - nemy,mais il le porte par tour ap’ es foy;de forte qu’on pren- droit le Varreur pour un Neptune conduit en triomphe par cemonftre marin. Enfin , apres avoir bien traifné fon mal. heur en queue , &; perdu une bonne partie de fon faner } l es forces luy manquent, l’haleine luy défaut, & comme réduit aux abois , il eft contraint de s’arretlcr tout court pour pren- dre un peu de repos : mais il n’eft pas pluftoft arrefté que le Varreur , tirant fa ligne fe rapproche de luy , &c luy darde un fécond coup de harpon mieux aliéné & plus violent que le premier. A ce fécond coup, la belle fait encore quelques foi- bles efforts, mais en peu de temps elle eft réduite àl’extremi- te , &: les pefeheurs l’entraifnent aifément à la rive du pre- mier illex, ou l’embarquent dans leur canot , s’il eftaftez grand pour le contenir. La femelle fait deux petits quilafuivent par tout: elle a fous le ventre deux tccins , defquels elle les allaiéle dans la mer , comme vne Vache allante fon veau fur la terre. Si on prend la mere, on eft afleuré d’avoir les petits : car ils fentent leur mere,&: ne font que tournoyer autour du ca- Cc 2 02 Ht [loir e Naturelle not,jufqu’à ce qu’on les aytfait compagnons defon malheur^ La chair de céc animal fait une bonne partie de la -nourri- ture des habitans de ce pays. On en apporte tous les ans de la terre ferme , Se des Mes circonvoifines plufieurs navires chargez; & tant àla Guadeloupe, à S. Chriflophe,alaMarti?- nique, qu’aux autres Iflespro chaines , la livre s y vend une livre & demie de petun. Les Autheurs qui en ont écrit devant moy, difent qu’il elt docile, & qu’il fe rend familier , jufqu’à venir dans les mai- fons , Se qu’il feix quelquefois à porter vn enfant ou autre chofe, du codé d’un eftang a l’autre ; mais toutes ces choies ne me font point.connüës. Du Requiem* % i v;. EPoilfonefi: appelle par les Efpagnoîs Phiburon, parles y Holandois Haye, Se parles François ; i?r^im, parce qu’il dévore les hommes, &fait chanterÆf^/V?» pour eux. 11 eften tout Se par tout sëblable au chien de mer, que l’on pefche le loncr de nos colles : mais il eil d’une fi prodigieufe grandeur* qu’il s’en trouve communément aux colles de nos Ides, de dix-huit à vingt pieds de longueur, &gros à proportion. C’elh unechofeépouventable, que de voir la gueule de cét ani- mal; car la feule mâchoire d’en bas , ell garnie de trois, de quatre. Se cinq rangs de dents , félon ce qu il eftpuiffantô^ â^é. Ces dents ne font pas fcmblabies ny égales en tous; j’en ay veu qui étoient hautes de deux pouces, Selarges d'un, tou- tes faucillées , trenchantes comme desraloirs, Se extrême- ment dures : elles fontattachees a de petits cartilages ner=»- veux qui les lèvent , Se leshaiflent comme il luy plaiLldl’ed’ bien le plus glouton animal du monde ; toutes chofcs luy- foiith-OBiies, ne fufientque.des morceaux, de bois., pourvem Des Antilles habitées par les François. 2 03 qu’iîs foicnt un peu graillez d’huile. ‘Il avale toutfans maf- cher,- il cil furieux , hardy, & fe jetce quelquefois fur la rive, jufqu’à demeurer à fec , pour engloutir les paiîans. l’en ay veu quelquefois mordre les rames à belles dents , de rage de dépit de ne pouvoir avoir les hommes , qui eftoient dans les Canots. S’il peut joindreun homme qui fe baigne dans la mer , il luy fera bonne compagnie , le gardera de prés , & ne luy fera aucun tort, tandis qu’il fera dans l’aétion.: mais h toft qu’il fera arrefte , ou qu'il penfera fortir de beau , il luy coupera vne cuiftc , vn bras , ou la partie qu’il pourra attraper de fon corps : s’il eft bien grand,, il l-’emporteca tout entier. Mais la Providence de Dieu a donné un bâillon, ou plulloft un frein à la gourmande impetuofité de cét animal , qui luyempefi- che de faire beaucoup de defordre : car.it luy a mis la gueule dire&ement delfous, &: à prés d’un pied delà pointe du mu- fle, de forte qu’il ne peut mordre aucune chofe, qu’il ne foit tourné & renverfé furie dos : & de là vient qu il y a des ha- bitans allez harc îs pour fe jetter à la nage apres luy , le com- batte à coups de coufteaux, & le contraindre de fuyr. Il n’a qu’vn fcul os dans tout le corps , cet os prend depuis la telle jufqu’à la queue , &c eft compofé de plulieurs vertèbres ron- des ôc larges comme un écu blanc , & qui diminue vers la fin, jufqu’à la largeur d’un double. C’eft une erreur de croi- re, que fon eftomach n’a point d’orifice inferieur :& qu’apres avoir tiré la fubftance de ce qu'il mange , il eft contraint de faire de fagueule un fondement, retournant fon eftomach, comme qui retourneroit unfac , pour jetter fes excremens dehors : car j’ay remarqué dans mon dernier voyage, qu’il en a aufli bien que les autres poi{Tbns,&:mefmej’ay obfervé fous le ventre un trou allez grand pour vüider fes excremens I’ay neatmoins veu faire une chofe à un de ces animaux,qui pou. voit confirmer dans l’erreur ceux qui eftoient de cette opi- nion : car comme on luy eut donné un coup de hache fur la telle, il retourna fon eftomach, comme qui retourneroit une poche , en forte qu’il parut jufques hors de fa gueule, &: vüi- da plus d’vn boiifeau de vilenie qu’il avoic mangée. C c ij 3Bf4’ Hijloire Naturelle La femelle porte fes petits dans Ton ventre, enveloppez' dans une grande peau-, à laquelle ils font attachez avec un- boy au. par le nombril : il s’y en trou ve quelquefois jufqu’à-. vinge , j’en ay veu tirer du ventre de la mere,& les confcruer en vie dans de grandes cuves d’eau de mer , ils ne font pas- mauvais en cét eftat. Sachair n’eft quafl que de filafle , fentfort le -bouquin* de forte que peu de perfonnes en veulent manger : on tient auffî pour certain qu’elle donne le flux de fang. La neceflité m’a contraint d’en manger plufieurs fois fur mer^, fans autre fauce que i’appetit , neantmoins ie n en ay reflenty aucun mal. Ce qui me fait croire qu il ne fait tore*, ne caufe ce flux de fangjqu’àceux qui en mangent par ex- eez. On trouve dans fa telle deux ou trois cüeillcrees de cer- velle blanche comme neige, qui citant feichée,mile en pou- dre, & pnfe dans du vin blanc, ell excellente pour la gravel — le. L’on fait de l’huile à brufler, de fon foye. Avant monprç* inier retour l’on en prit un , dont le feul foye donna quarante te pots d’huile. Monficur Hotman m’a alfeuré, qu’avec cette- huile de la chaux , on faifoitles corroys pour les navjres*. aufli bons que bon fait en France. De la Bécune & autres, poisons dangereux- §> v. Q .Voy que le fleur de Rooheforc mette ce poilfon au: nombre de fes monllies marins , ce n’ell pourtant àa proprement parler, autre ehofe que le vray brochet de mer-, qui ell entièrement fe-mblablc à ceux de nos riviere-s de l’Europe, excepté qu’il cil beaucoup plus grand:car il le ren- contre des bécunes qui ont plus de huit pieds de longueur». Cepoiflon ell gourmand, carn a Ai er ; & hardy, & autant, ou Des Antilles habitées par les François . aoy plus dangereux que le Requiem, queie viens de d écrire : car outre qu il mord plus facilement que luy, il ne s’eftonne nul- lement du bruit , non plus que des mouvemens qu’on peut taire dans l’eau, voire mefme,c'eft pour lors qu’il fe lance fur- ies perfonnes pour les dévorer. Sa chair ale mefme goutt que celle du brochet ; maison’ ne la mange pas bien affleurement , dautant quc fi on n’y prend garde de bien prés , elle eft capable d’empoifonner tous ceux qui en auraient mangé. C’elt pourquoy , celuy qm en voudra manger en toute alTeurance , doit luy regar- aer aux dents , &goufter de fon foye : s’il a les dents bien blanches , 8c le foyc doux , il en peut manget en toute feu- rete : mais s’il les a tant foit peu noircies , 8c le foye a- mer ou acre , on n’en doit non plus goutter que tt c’eftoic de 1 ai fenic : en effet, c eft un poifon qui n’ettpas moins dangereux. On dit dans les Iflesquc cela vient de ce que ce poiilon mange de la Mancenille , qui tombe des arbres dans la mer, 8c ie le crois amfi : car moy— mefme ay penfé mo u ri r , p our a v oi r m an gé que 1 q ues Soldats qui s’en ettoi en t fepeus . Il fe trouve encore deux autres fortes de poifTons dans l'A- mérique, qui ne font pas moins dommageables que celuy- cy : dont l’un eftant mangé , eny vre comme fi an avoir beu* du vin pai excez , 8c caufe tous les mcfmes effets que le vin* fait dans un yurogne. Si on en mange beaucoup, il fait dor- mir le long fornrne, c eft a dire, mourir. Mais fi on en mange peu , apres avoir dormy cinq ou fix heures > on eft tou t à fait- garanty. Le fécond caufe d’eftranges coliques & dégorgemens de bile dans les inteftins > fion réchappé apres en avoir niante il fait peler la plante des pieds, & la paume des mains I’ay^veu- un jeune Gentil homme, qui apres en avoir mangé, &: pen- fe mourir , me montra les paumes de fes mains qui eftoient toutes pelées & contrefaites. le ne puis faire aucune deferi- ption,ny dcl’un,ny de l’autre, daucant queie ne lesay point veus, ny pu apprendre de ceux qui m’en ont parlé, de quel-- lé foi me. ils eftoient. On fe peut fervir contre le venin de G clip 20Ô Hijroire Naturelle l’un. Si de l’autre, de la me fine précaution quej’ay obfervéç, pour fe garder du venin de la Becunç, N Ous avons encore une autreefpece de Brochet marin que les matelots appellent Talfart, quife prend ordi- nairement aux entre- deux, des Ifles, en approchant des ro- chers , où les marées font plus fortes , 8^ la mer plus emuc qu’.ailleurSjil y en a de fort grands, 8i qui ont cinq à fix pieds de long : ce poiflon eft fort goulu,& fc jette brufquement fur hameçon attaché au bout de la ligne, qui trailne dernere la barque ; Si quand elle palier oit plus ville qu'untrait , il la pourfuit Si l’attrape , Si tout luy eft indiffèrent; car que 1 a- meçon foit couvert de lard de poilfon, de crables, Si melme d’un morceau de linge, il l’engloutit-, mais fi la ligne n’eft bie armée 8i reveftuë de bon fildeléton , ou d unechannede fer il la coupe avec fes dents-, Si l’on en a pris qui avoiét trois ameçons dans le ventre prefque gros comme les doigts. La chair en ell blanche , Si aulTi bonne que celle du brochet; mais elle eft plus dure à cuire Si indigefte. I’ay veu plufieurs perfonnes avoir la fièvre pour en avoir mange , d’autresqm - ont eu des coliques bilieufes, Si des degorgemens de bile, dont ils ont penfé mourimnais le croy que cela n arrive qu a ceux qui en mangent trop-, ou qui le mangent a dem^ cuit, comme il arrive afiez fouvent fur mer:car j’en ay mange plu- fieurs fois fans en avoir relfenty la moindre incommodée. $. V I. Des Antilles habitées far les François. 20/ De la Z j gène, §. VIL O Npriten l’an i^y.dansvne fenncleplus inoftrueux de tous les poifsonsqucj’ayeveu demavie,tout foncorps eft alTez femblable à unAequiêjl elt revêtu d’une mêmepeau, & a prefque les mefmes aillerons ou nageoires ; mais fa telle elt fi monftrueufe, queienefçay dcquellefaçon m’y pren- dre pour la décrire: car elle n’ellny ronde ny plate, ny poin- tue, comme celles des autres poiflons; mais fon front s’eftend un grand pied de chaque collé , &c aux deux extremitez de ecs excroilfances il y a deux yeux placez, ronds &: gros com- me des balles de tripot : fa gueule ell fort large, & aulîi bien garnie de dents comme celle des Requiems. Gctte belle n’ell pas moins dangereufe & carnaciere que le Requiem, mais elle a plus de peine à mordre que luy : fa chair elt toute femblable , & apres en avoir fait cuire, nous la trou vafmcs^fi dure, fi filaffeufc, &: défi mauvais gouit , que nous n’en pûmes manger ; fon foyc rend autant d’huile, que eeluy d’un Requiem, bc ie croy que c’en elt une efpcce : celuy- cy avoir feize pieds de long, & le plus gros de fon corps,avoic bien huit pieds de circonferen ce. La monltrucufe difformité de cét animal, a mispîufieurs per- fonnes en peine de le nômer, félon la forme & le rapoi t qu’il a avecqueîque chofejquelques-uns l’5t appellémartcau, d’au- tres balance,d’autres poilfon Iuif, parce quelors quelesluifs fe voiloient dans leur Synagogue , ilsavoicnt la telle faite comme ce poillon,&: ceux qui prirentceluy dont ieparle,lc rrommoient Pantovflc ; maisil vaut mieux fc fervir du nom que les Autheurs luy donnent ordinairement qui cftZy*»- so'S Hîjloire Naturelle 1‘ EJpadon. §. VIII. Î ’Ày vcu encore un autre monftrueux poiffon , qui n’eft pas moins dangereux , ny moins hardy que le Requiem: forme &: la peau font affez femblables à celles du Re- quiem , mais il eft plus ventru ; toute fa difformité eft en la telle , celuy que.j’ay veu avoir bien huit pieds de long: Tos qui fortoit de fon mufle en avoir trois ô£ demy * il eftoit plat & large de quatre doigts , & tout arme des deux collez , de deux pouces en deux pouces , de dents plates, trenchantes & longues comme le doigt : il nous fit un de- fordreeftrange dans nollre fenne,qui eftoit toute de foüet, &il l'auroit mife en pièces, fl on ne l’eut affomme prom- ptement à coups de leviers , la chair n’en vaut rien , & elle fent le bouquin. Geluyque l’on appelle Efpadon , elltouc femblable à celuy que ic viens de décrire, alareferve de ce que l’os qui luy fort du mufle , eft comme la lame d un Ef- padon, fans aucunes dents à fes collez , d’ou luy eft venu le nom d’Efpadon. • ■ Des Antilles habitées par tes François. 209 §. I X, I L fe rencontre ’c long de routes les colles des Indes Gc- ci dentales, diverfes fortes de poiffons armez, dont les def- cripdons feront fans doute plus curicufes &r plus agréables, plus éle- vé de plus roide.. Les plus petits ne font pas plus gros que des petis goujons & ont les ailles plus courtes, beaucoup plus large*, ^proportion que les autres , ellesfont amodies par le' bout. le ne penfç jamais a çes petits poilTons:, qu’il neme fou— vienne du mifçrablseftacdel homme depuis le péché > con- tre lequel il femble que tous les Siemens, confpircnt pour venger l’injure par lu y faite à leur commun Créateur, & luy procurer la monsqçfii %m.eri,çéç-p.ar' fQii.«crinae-.Çaï la Mer, la Terre df fe Ciel nqutpjfent tant d’ennemis à-ce : s petits poif-. fons 5 ; qu’ils nonraucun lieu de rcfiige a^e-uré-, oir on ne leur dreffe desembufehes mortelles. Us ont dans la mer pour pre» mierennemy laDorade,qui eft.le plus beau poilfon, que j’aye' jamais veu en ma vie.. Ce poilfon elfquafide la façonel’tme aloze , & porte envi- ron quatre pieds & demy de longueur. Toute la peau du dos ©If d’un ver d doré, tout parfemé de petites eilbiles d’azur , de petites.écailies d’or.^fi. joliment agencées , qu’autre que: Des Antilles habitées par les François. 273 cette fagefFc qui fe jolie dans la rondeur de la terre, n’y pour- voit avoir fi bien rcüiTi ; tout le ventre eft gris , cnrichy des mefmes petites écailles dorées , & femble dire un tres-bcau drap d’or. Tout le mufle eft verd, mais routfurdoré j &: aux deux coftez de la telle s’eflevent deux beaux gros yeux ronds dorez , & brillans : mais ce qui couronne tout ce- la , eft qu’il pafle pour un des plus excellons poiflons delà mer , j’en parle comme fçavant pour en avoir pluficurs fois mangé. Cét ennemy juré de ces petits poiflons , autant cruel qu’il efl beau , les pourfuit inceflamment , &cela avec tant de viftefle, que fe voyant preflez des mortelles atteintes de cet ennemy cruel, ils prennent levol, abandonnent leur élé- ment ordinaire, pour aller chercher dans 1 air quelque azile plus afleu-ré & plus favorable qui les garantiflede la mort, mais en vain ,• car ils n’ont pas pluftoit pris l’eflort , qu’un grand nombre d’oyfeaux ( lefquels ne fe nourriffent que de ces petits poiflons ) fon'dent fur eux comme la foudre, en dévorent , & en tiient autant qu’ils en peuvent at- traper. Que s’il arrive qu’ils prennent le vol en un lieu où ccsoyfeauxncfcrenconcrencpas, le Soleil qui fait du bien atout ce qui eft fublunaire , defleichant impitoyablement les ailles de ces petits fugitifs, les contraint de fe retirer dans leurs maifons, où ils ne manquent pas de rencontrer fous le feiiil de la porte ,1e fepuLcbre qui les engloutit tout vivans, je veux dire la gueulle de ta Dorade , qui les ayant veupar- tir,fe couche dextiement futle coftc, & les conduit de l’œil fians les quitter aucunement, jufqu’aux lieux oùils doivent tomber, &£ là les recevant au vol , en fait cruellement fa cu- rée. Leur vol eft' otdinaireiiiemt plus grand de nuiéf que de io.ur ; mais. quoy> qu>’en c&. temps - là ils foient à l’abry , tant dfcs ardcurs,du Soleil , que de la cruauté des oyleaux, neanemoins ils ne font pas (ans-peril r car rencontrant fou- vent los, voiles des navires, ilsrombent dedans , n’ontpas meilleure compaûxion des hommes, que dcleursplus grande ennemis,. D diij, 2i ^ H/jloire 'Naturelle Si vous me demandez d’où vient qu’ils ont tant d’enne- mis , ic n’en fçay point d’autre raifon , que la dél icatefle & la bonté de leur chair , &: dont le gouftla fait rechercher par la fenfualité des hommesjdes oy feau x,& des poiffons. De la Bonite » §• XII. L A Bonite eft un poififon qui fe pefche plus fréquem- ment en haute mer que le long des colles : c’eft un des ennemis des poilfons volans,&: qui leur donne la chafle avec autant d’empreftement que la Doradeul eft gros, rond , U en- viron deux pieds en ouale, y compris la telle: auprez de la- quelle il a deux grands.aiflerons pointus , comme ceux du Marfoüin : &: depuis ces aiderons il y a une ligne d’écaille tirée jufques àla queue qui eft fourchue , èc deux autres au- deftous, une au bas du ventre, &: une inégalement grande, depuis le milieu du dos jufqu’à la queue , il ed couvert d’un cuir comme cel uy du Marfoüin, il eft demy chair, demy poif- fon. Ce qui eft proche delà grofsearefte , qui eft feule dans ce poifson,eft une chair femblable à celle du Marfoüin, mais plus tendre , &: incomparablement de meilleur gouft, &: qui approche de eeluy du Canard •, elle eft féche 3 ferme, Sc nour- rit fort ; il fc rencontre quelquefois par hazard , que l’on en prend une grande quantité en chemin; & alors les pafsagers ne font pas à plaindre. Quelquefois la mer en eft prefque couverte , & Ion les voit fauter dix ou douze pieds de haut: & alors on les prend avec desfoines, des tridens^ deshar- pôs , on les prend auiïi avec des ameçons gros comme le pe. tit doigt, où l’on ne met que deux plumes de pigeon blanc enveloppées de petits linges : Ion attache la ligne a une vergue, en forte que l’ameçon,qui femble élire un petit poif- ibn volant, ne fait que familier dans l'eau, &: la Bonite ne Des Antilles habitées ÿar les François. 21 j manque pas de fc jetter definis , d’aval 1er hameçon 6e de s’y prendre. La figure que le ficur Rochefort nous a donné dans Ton li- vre, a fi peu de reffemblance avec la Bonite , qu’il fait bien voirqu’il ne la jamais veue. Des Carangues çtf des Lunes . §. XI IL L A Carangue efl: un poiflon blanc, plat, &qui a pour- tant les deux yeux aux deux collez de la teftefil eft lonç dedeux, & quelquefois de trois pieds , largededix-huità- vingt pouces, & épais de fix :il a des empennures inégales fiir le dosj&: deux nageoires pointues allez proche de lacère & la queue fourchue. J Il y en a une telle quantité dans les mers des Ilîes , qu’on les voit tous les marins à centaines fauter en l’air , & pour- fui.vre les petits poilfons jufqu a terre. La nuit cl les entrent dans les rivières , &: c’ell là qu’on les pefche communément- Fayette veiller bien des fois fur le bord des nvicres pour en prendre, nous mettions des crables écrafez pour amorce aux ameçons ; ôe lors quelles eftoient prifes,il nous falloir quel- quefois mettre deux fur la ligne pour les tirer à terrercarelles ont tant de force, quelles rompoiét fouvent des liones pref- que aulfi groifes que les doigts, il n'y apoint de Turbot qui vaille ce poillon : fon goutt eft incomparablement plus fa - voureux, & j’ay mangé des potages faits avec la telle d’une Carangue, qui valoient un confommc de viandes. Nous avons t de deux ou trois fortes de Lunes dans les Mes, dont les unes font ainfi appellées,à caufc delà rondeur de leurs corps, ou des petites écaillés, qui font autant de pe Otes Lunes jaunes, fur une couleur bleue-, d'autres àcaufe de leur queue , qui fe termine en forme de Croilfant. Ce: 2iS Hijloire Naturelle poifson eft: prcfquc rond , & n’a gu ères plus d’un pied de lar- ge , & au plus deux ou trois pouces d'épais; fa chair eft blan- che, ferme, &: de mefme gouft: que celuy de la perche. Des Capitaines & des grandes Ecailles. X I V. . Jrmm I ’Ay pcfché 5£ pris pluficurs fois le long des codes des I-s- les, une forte de poiflon appelle Capitaine , acaufequ’il eft tout rouge, &£ qu’il a une empenmne fur le dos, qui fe lè- ve comme un grand pennache,armé neantmoins de grandes pointes piquantes comme des éguilles , & deux aillerons ou nageoires de mefme façon, avec lefquelles il febat contre les autres poiffons. Quoy qu’il ayt quelque rapport avec la carpe , &: qu’il foi t couvert d’ecailles comme elle , il eft beaucoup plus grand & plus gros. I’en ay pefebé qui a- voient trois grands pieds de long, SC dix pouces d épais, là chair de ce poilfon eft blanche, de bon gouft & fort nourrif- fance. f Pour ce qui regarde la grande écaille , c’eft un poifton qui va en troupes ; & j’en ay veu pefeher douze ou quinze d’un coup de fenne. Il a quelquefois cinq & fix pieds de long, &: il eft gros à proportion, il eft tout couvert de grandes étoiles, deux fois aulfi larges que celles des carpes 3 la chair en eft grafsc & de très -bon gouft. Des Antilles habitées par les François . zrj Des Rajes extraordinaires qui fe vojent dam le s J fie s . X V, B ien que la Raye foie un poifTon commun dans îaRran- ce,&: qu’il séble que ce foie m’écarcer de mon fujec d’en parier dans ce livre , qui ne doit traiter que des ehofes qui font particulières aux Iiles que ie décris : le ne puis néant- moins me difpcnfer, fans faire tort au Le&eur, de dire quel- que chofe du grand nombre de Rayes, que l’on voit dans les Ifles^deleur grandeur pi odigieufe, 8c de la qualité venc- neufe qui fe trouve en quelques unes. Pour ce qui regarde leur grandeur, il ne faut qu’apporter l’exemple de celle qui fut pille à faint Chriitophe en 1634 , 0 !- lefut vcuëen mer à une portée de moufquetde larive ; &; Moniteur Defnambuc y envoya deux chaloupes, avec quin- ze ou vingt hommes dans chacune, elle fut frappée de deux ou trois harpons tout àlafois , 8c nonobftant les efforts que firent tous ces hommes , elle les cntraifnafi loin en mer, qu’ils perdoient l’efperance d’en eftre les maiftres ; mais en- fin apres qu’elle futla(fée,&: qu’elle eut perdu tout fon fang, elle fut amenée à terre:fa grandeur eftoit de iz. pieds, depuis la telle jufques à la queue, &c dix d’un aifleron jufquesà l’au- tre,pcrfonne n’en put mager, parce qu’elle étoit trop dure,&: que ce n’elloit que de la filalfe; l’on profita feulement de fon foye, qui fut trai fné par dix hommes, avec bien de la peine chez M r Defnambuc. Il s’en trouve une autre forte fort particulière; car elle a legroin d’un porc , 8c une queue de crois . 8c quelquefois de quatrepieds dclong, &qui va toufiours en s'amenuilfant: «lie ell toute noire, 8c il femble que ce foit une de ces houf- fines que l’on fait avec de la baleine , 8c les Cavaliers 2-1$ Hift'oirc Naturelle fe lervent dans les liles comme de foüet : il y a au haut de- cette queue deux dardiüons en forme d ameçon , dontlcs picqucures ionc mortelles ; mais cet animal porte fou anti- dote avec foy , &: il ne faut qu’appliquer un morceau de fa chair fur la pi cqueure pour en guérir ; la cendre de fa chair brullée,S£ inefmc celle du dardillon meflee avec le vinaigre en fait autant. Ij?* VF 1 ) L t (f ’i/'i/t {lie de met) delOrjis > &■ du Balœoit. XV L I E’n’ay jamais pu remarquer dans toutes les egüHles ce riaer , que j’ay veuës & prifcs pjufieurs fois dans les lues deux chofes qu’en auance le heur de Rochefort , quand ü dit qu elles ont huit nageoires, & la queue pointue : car cel- les qui me fonttomhées entre les mains li en avoient que deux proche de la telle , & deux petites fous le ventre toute voîfmes : ellcsavoient les queues fourchuësà la façon du maquereau , mais non pas fi ouvertes. Le corps de cc poif- foneftoit quarré , & long d’un grand pied & demy bleu, & verdâtre fur le dos , &f. argente fous le ventre. La telle qui tientun peu du triangle , a dans les deux angles fuperieuvs deux yeux jaunes , & un bec long de huit a dix pouces , dur, menu, & aigu comme une éguilie , armé de petites dents, , comme ceux d‘une faucille , la mâchoire infeiieure cil plus longue que celle de delTus : 1 arefte qui prend depuis la tefte jufqu a la queue eft verte , & luifante comme du verre, & la chair eft blanche &: de très* bon gouft. Il y en a une autre forte qui eft allez fembl able à la pre- mière , mais un peu plus grolfe : & ie croy que c’eft ce que l’on appelle dans les 1 Des or^jilïe jette quelquefois en lais, & fait des fauts de plus de trente pas -, & fi pour îorsilren- comroit un homme en fon chemin , il le percer oit de.part.CE des d, nt files habitées par les François. 219 part. Sa chair cft auflî bonne que l’autre, pour veu qu’il n’ayt pas mangé delà Mancenille , c’efl pourquoy il luy faut re- garder aux dents, qu’il a plus grandes que le premierj &: fi el- les ne font bien blanches, il n’en faut point manger. Il y a encore une autre petit poiflbn , que l’on nomme dans laMartinique Balaoii, qui efl long comme une fàrdine:il a à la mâchoire inferieure un bec d’uncartilagc aflez fort, menu, & pointu comme une égaille , &: long comme le doigt , la chair de ce poiflbn efl ferme, délicate, &: de bon gouft. L’on pefche ce petit poiflbn au flambeau, avec des petites foines , faites avec des amenons redreflez ; car fi tofl qu’ils voyent la lueur du feu, ils environnent lecanoc à milliers, &: l’on en darde autant que l’on en defire avec ces foines : d’au- tres fe fervent d’un rets autour d’un cercle , & en prennent bien davantage. Des Perroquets de mer des autres poijfons ■de Roches. §. XV I T. Ï ’Ay veu dans les rochers des fontaines bouillantes , où il ne demeure quand la mer cil baffe , qu’un pied ou deux d’eau, des troupes de poiffons , qui pour l’agreablc diverfité de leurs couleurs font appeliez Perroquets. Ils font à peu prés de la forme de nos moyennes carpes, toutes les écailles qu’ils ont fur le dos font d’un verd brun,& celles qui font en bas jufques fous le ventre, font d’un verd plus gay:ce poiflbn n’a point de dents r, non plus que îaplufpart des poiffons de roches qui vivent de coquillage , mais il aen la place deux petites pierres ou os fort durs ; fes aillerons &:empenures qu’il a fur le dos auflï bien que la queue, font fi agréablement diverfifices de bleu, de jaune, 8c de rouge , que quand il les Ee ij 2>2ô Hïjtoire Naturelle eftend il n’y a point de Perroquets fi beaux furies arbres, que ces poiffons le font dans l’eau. Tous Les autres poiffons de roches,font auffi bien bigarez de plufieurs belles couleurs , mais il fefaut contenter de lcs% voir, car ils font tres-diff ciles à prendre* 11 y a encore un autre poiffon, qui n’a guéres qu’un pied de long, que l’on appelle Laquais a czufc que fon corps clb tout rayé de bandes jaunes. Fay auffi pefché une fois dans le havre de la Grenade, une petite morue , dont la telle eftoit toute rouge , 5c tout fon corps eftoit moucheté fort dru, de petites taches larges com- me des lentilles de couleur defeu. Tous les poiffons dont ie viens deparler, ont la chair fer- me, très- favoureufe,&: font de très- bonne-nourriture. *' v ©*’* Des Murènes éÿ des Cancre s. §. x yrjr. y l ’ A) plufieurs fois pefché une forte de poiffon , que l’on appelle M urenes , 5C des Congres , comme ie diray a- pres les avoir décrites , la Murene eft une efpece de ferpent marin , qui a la forme d’une anguille , mais, moins ronde.Les plüs grandes que j’àye veu n’ont que deux pieds de long, &C quatre doigts de large ; la telle eft ronde,, fendue d’une grand’ gueule armée de deux rangs de dents, fortes 5c aigus comme des éguilles ; la peau des femel- les ell brune toute fenié e de fleurs dorées , comme des pri- meversde malle n’a qu’vn rang de petites taches dorées, qui va depuis là telle jufqu'àla queue». ï’ay remarqué une chofc tres-particuîiers dans ces Murè - nes,, c’eft que la grande arefte , qui prend depui s la telle juf°- ques àla queüe;eft renyerfée de haut enbasjen forte que les-, sueftes qui dans tous les jmiffons.font pâchces vers la queui^ , Des Antilles habitées par les F an ç ois. 22 V lônten celui cy rebroufTées vers la tefte; d’où vient que coû- te fa force eft au bout de fa queüe , ôc que fi en le pefehant il fe peut attacher la queue contre un rocher,vousluy arrache- rez pluftoft la tefte que de le tirer dehors , ce qui m’eft arrivé plufieursfois. Sachair eft blanche &£ d’afTez bon gouft, mais lî la Murene n’eft un peu grande , ce n’eft que de la colle , & mefme les grandes fontfi remplies de petites areftes , qu’il faut avoir bien faim pours’y amufer. Les Congres que nous avons dans nos Mes font tous fem- blables à ceux que l’on pefche lelong de nos colles : c’eft pourquoy ie ne m’arrefte point aies décrire, ic diray feule- ment la façon deles prendre aulfi bien que les Murenes. Il faut que la code où on les pefche foie de caillous ou de pecîtes roches , & tout proche de la mer. L’on tire plufieurs de ccs caillous, en forte qucLonfalfe vnefofte jufqu’à l’eau; puis l’on écrafe un crable ou deux , que l’on lave dans l’eau de cette fofTc,ou bien l’on y jette quelque peu de fang, & in- continent l'on voit venir la Murene ou Congre , &c a- vancer la tefte entre deux roches ; &: fi toft qu’on luy prefen- te hameçon , qui eft pendu à vn petic bout de corde, & cou- vert del’appaftqui eft un petic morceau de crabe , ou de quel qu’autre poiifon,elle fe jette goulûment defsus, &l’en- traifnc dans fon trou, mais ilfauteftre fubtil à la tirer tout d vn coup ; car filon luy donnele temps de s’attacher par là queüe, on luy arrachera pluftoft la mâchoire que de la pren- dre. Quand elle eft dehors , l’on a toutes les peines imagina* blés à lafairemounr 5 fironncfçaiclefccret, auquel confifte toute fa force, &: mefme fa vic:caril n’y a qu’à luy couper le bout de la queüe , ou à l écrafer, &: aulfi- toft elle meurt fans fe debatre aucunement. Il fe faut donner de garde dans cette forte de pefche, de fc îaifser mordre aux Murenes & aux Congres , 1 efquel s fe jet- tent bien fouvenc furies doiges pluftoft que fur hameçon,- car les morfures des vns &c des autres font tics- dan gereufes* Ee iij. 222 Ht Croire Naturelle De la Remore . §. XIX. S Vr ce Requhmix prodigieux, duquelj’ay parlé en traitant de mon premier voyage dans ces Mes , il y avoit quatre ou cinq Remores fi opiniafttement attachées, quelles ne lâ- chèrent jamais prife qu'âpres fa mort , encor eutmes-nous bien de la peine à les en retirer. Elles avoient environ un pied de long , de La forme & de la grofleur ( quant au corps) d’vne petite roulette , & la peau allez femblable , maisun peu plus brune, tirant fur le violet, &: un peu verdâtre par les deux collez , qui va toujours en blanchilfant jufques fous le ventre:cette peau eft gl uante & vifqüeufe, ce qui fait que ce poilfon échape des mains comme l’anguille. Elles ontvne empenure fur le dos, qui va jufques vers la queuë,&. vnc au- tre depuis le nombril , mais plus courte que celle de deffus, la queüe eft compofée des mcfmes empenures : elles ont aufli deux aiderons ou nageoires allez proches de la telle, un trou rond fous le menton : elles portent moitié lut la telle, moitié fut le dos vne forme de femelle plate , comme la fe- melle d’vn foulier ; mais toute découpée d’un double rang de rides qui en traverfent la largeur. Ces deux rangs de ri- des font feparées ou divifées par vnc raye , tirée par le mi- lieu de cette femelle,depuis vn bout jufqu’à l’autre : c’eft par là , aufli bien que par le trou qui efl fous le menton, qu elles s’attachent aux Rochers , aux Navires &: aux Poiflons. Ils ont deux petits y eux ronds & jaunâtres , & la telle efl: allez femblable aux chiens de mer, avec cette différence, que la mâchoire d’en-bas avance plus que celle d’en- haut : tout au contraire des chiens , quiontlagueülle deflbusle mu- fle. v Pour moy , ie ncfçaurois foûmettre mon jugement, a ce Des Antilles habitées par les François. zi] que quelques Authcurs afieurent de la Remore , difant qu’ellearrefte tout court vn navire , qui cingle à toutes voi- les en pleine mer.-car il y a vne fi grande quanticé de Remo- res dans toutes les Indes Occidentales , qu’à peine fe trou- ve-il vn navire qui n’en ait plufieurs attachées fous foy : & cependant depuis vn fiecleôc plus , que ces Ifies font fre- quentéesfil ne fe remarque point qu’il y ait eu vn feul navi- re arrefté. Cela me fait croire que ces deux ou trois nauires que l’on dit avoir efté arreftez par les Remores , ont efté de- tenus par miracle ou par charme, &: que dans ce temps-là on trouva quelques Remores attachées à leur ordinaire à ces navires , aufquelles on attribua fauffement la caufe de cette détention. Il s’en trouve de beaucoup plus grandes , que celles que j’av décrites ; car j’en ay veu plufieurs qui avoient plus d’vn pied Sc demy de longueur. Elles font fort amies des navi- res , Se les quittent rarement quand elles les ont une fois rencontré. Elles font gourmandes , engloutifsent hame- çon fi toft qu’il -efi: dans beau , & ne fe rebutent point pour avoir efté manquées trois ou quatre fois C’eft un poifson un peu molialle,mais d’afsez bon gouft: j’en ay mangé plufieurs fois. Du petit P oijj'on appelle Pilote ... ,$• X X. L E Pilote eft vn petit poifson , qui approche fort de la grandeur &: de la forme du Maquereau. Il a la tefte longue Sc vnie , Sc un bec qui avance quatre doigts au defsus de fa gueüle ; il a deux petites nageoires, tout proche de la tefte, vne empenure fur le dos , depuis la tefte jufqu’à la queüe , & autant fous le ventre , & la queue fort petite , tout le reftedu corps tft couvert d’vnc peau; ) - 2 -2 % Histoire Nature [lé rayée en iozange , comme vous pouvez voir dans îa figure que j’en donne. lied appelle Pilote , parce qu’ayant fait rencontre d’vn navire , il ne quitte jamais la proüc qu’il ne Toit arrive au port. On le voit toujours nager à vn pied d’eau devant le navire, à vne toife ou deux diceluy, fans jamais s écarter ny à droit ny à gauche. I’en ay veu un dans mon premier voya- ge aux Indes, qui nous conduifit plus de yoo lieues, apres lef- quelles le Pilote du navire tua d’vn coup de trident, le Pilo- te poiffon. Il femblc que ce petit animal ayt efté particulièrement créé , pour donner de l’exercice &: de l’inquiétude au Re- quiem; car il s’en voit peu qui n’ayt fon Pilote devant foy j qui fembleluy fervirde guide fans l’abandonner au- cunement : <%£ véritablement il y a du plaifir à voir le pe- tit Pilote , fe divertir Sc fe donner carrière devant cette belle carnafliere , qui fe voyant, s’il faut ainfi dire, morguée de ce petit poi don, le dévore à tout moment des yeux , Sc enrage de ne le pouvoir manger delà gueiile. Si toftquelc petit Pilote fe trouve fur la telle du Requiem ^ le Requiem fe retourne promptement pour l’engloutir : mais le petit gaillard Scallaigre Pilote,eftpIuftoftàlaqueüe du Requiem, qu’il n’a fait la moitié du tour j de forte qu’ouvrant la gueü- le , il eft contraint de boire un coup , au lieu de manger un morceau : fi toft qu’il eft retourné , le Pilote pafsant gaillar- dement par defsus fon corps ,gaigne le devant, & frétillant la queue , luy foufflette de temps en temps le mufle , comme pour femocquer de ce qu’il a manqué fa prife. Iugezfieela eft capable d’inquieter,ou pluftoft de faire enrager une befte de haut apetit comme le Requiem. Des Antilles habitées par les François. 22 y De la Galere §. XXL I L faut que j’a voue ingenüement , que ie me trouvay fore empêché dans la première édition de mon livre, lois que ic voulus faire la defeription de là Galere : car ce poififon me fembla fi particulier dans fa. forme , que iene fçavois fous quel le categorie le ranger ; c’ed ce qui m obligea dans mon dernier voyage d’en rechercher fort curieulement toutes les particularitez : & ieremarquay que tout ce qui paroifioitau défiais de l’eau, n’edoit qu’une veffie de la grandeur d’un oeuf d’oye, claire ,& tranfparcnte comme une feuille de talc bien fin , toute violette &: bordée par le haut ( où elle s’étrellit ) d’un filet incarnat- Toute cette figure ovale cil mollement plifsée , & comme rayée à la façon d’une coquille; il y a au defsous une certaine petice malle gluante ; de laquelle tor- rent huit bras , comme huit lanières , longues de la longueur de la main , dont quatre s’élèvent en l’air, des deux coïtez, pour luy fervir de voiles y &: les quatre autres luy fer- vent de rames dans l’eau. Ce qui m’a fait croire & dire dans ma première édition, que ce poifion naifloit de l’écume d’un petit limaçon , cd, que j’ay veu certain temps le long des codes de ces Ides, une grande quantité de petits limaçons de mer, dont l’ouverture de la coque , elloit bouchée de ces petites galeres , quin’c- toient pas plusgrofies que de petites fèves ; mais peut edre que les œufs de ce poifson s’edoient arredés dans ces coques, &: que les poifsons s’y edoient formez. Ce poilson croid par fucceflion de temps, jufqu’àlagrof- feur d’un œuf d’oye , ou quelque peu davantage, il flotte per petuellcment fur l’eau au gré des vens & des ondes , Sc bien loin de s’enfoncer au fond de la mer quand on luy fait F 22 6 H I poire Naturelle peur , comme Pline & quelques^vns apres luy onrafléurc,. ie croy qu’il luy eft impoifible de le faire; car j’en ay veu fra- per avec des cordes , tourmenter avec des fceaux pour les prendre,fans en avoir veu vne feule aller à fond. Cette galè- re eft autant agréable à la veiie , qu’elle eft dahgereufe au corps : car ie puis afteurei avec vérité , quelle eft- char- gée de la plus mauvaife marchandife qui fut jamais fur la mer , & quelle porte en foy le venin le plus prompt & le plus fubtil,qui foie dans tout le relie des créatures, l’en par- le comme fçavant , comme en ayant fait 1 expérience à mes dépens : carvn iourqueie gouvernoisvn petit Canor, ayant apperceu en mer vne de ces Galères , ie fus curieux de voit la forme de cét animal, &£ de rechercher attentivement» fi j’y pourrois récontter quelque chofe de remarquable-.mais jene l'eus pas pîuftoft pnfe,quetous fe&fibrcs m’englüerenr toute la nTai.n,&à peine en eus yeséiy la fraifcheur,(.car il eft froid au toucher ) qu’il mefembla avoir plonge mon bras jufqu a l’épaule, dans une chaudière d’huile boitillante , U: celaavec de fi eftranges douleurs, que quelque violence que ie me pûfse faire pour me contenir, de peur qu on ne fe moc- quaftdemoy , ie ne me pus empêcher de crier par plufieurs. fois à pleine tefte,mifericorde mon Dieu,ie brufle,ie brufle,. De bonne fortune pour moy, celam’arriva à deux heures apres midy ; car s’il arrive quel on tombe dans cet accident* au matin , la dou’eur croift toufiours jufqu’a mid,y , & dimi- nue à mefute que le Soleil décliné , & le Soleil fe cachant fous horizon, l'on eftentierementgaranty. L’on en voit quelquefois toute la cofte bordée, ce quieft- une marque infaillible d’unetempefte prochaine-, & lors que l’on marche delfus , elles pètent comme ces veffies que l 'on trouve dans le corps des car pes rmai s il faut pi en dre garde que ce ne foie p.as à pieds nuds , car 1 on reftenti: oit [es mef- mes douleurs. L’eau de vie battue avec un peu d’huile de noix d’Acajou , eft leremededontl on leiertpour diffiper cette douleur , à quoyiles.fiidionsfort.es y font auffi excei- lentes» .. „ C-QMirae ie.me fuis refoiu de ne faire aucune aigreluoni Des Antilles habitées parles François . 22 7 *dans ce livre , & de ne traiter que les matières qui font pro- pres & particulières aux Ifles habitées parles François ; ic laiiTejà parties tortues terreflrcs , qui nous Font apportées du Continent , &C de quelques Iflcs qui en font prochcs,comine n’etant pas naturelles à ces Ides, dans iefquelles nous voyons communément de trois fortes de torcuëSjla Tortue franc hv y la Caoiianc & le Caret. &M: Des trois fortes cfpeces de tortues , fcauotrla t or lue franche 3 le Caret 3 A la Kaoüanne. §. XXII. Î A ligure que ie donne de la Tortue efl fi exacte, que ce ^jferoit perdre le temps de m’arrefter à faire aucune def- •cription de faforme : Iemecontenteraydedécrirefcule- ment’ce que celles de ces Iflcs ont de particulier , & ce qui les diftingue de celles de l’Europe. L'on peut dire en commun de ces trois -fortes de tortues, que ce font des animaux fiupides,pefans, fourds, & fans cer- velle, car dans toute la telle ("quelles ont groflfe comme cel- le d’vn veau )il ne s en trouve pas plus gros qu’vne petite fè- ve. Elles ontla veüeexcellente , leur grandeur eft G prodi- gieufe , que la feule écaille de defsus, porte quelquefois cinq pieds de long,&:4.de largedeur chaii (particulièrement celle de la tortue franche ) efl fl femblablc à celle du bœuf, qu’vne piece de T ortiie mife auprès une piece de bœuf, ne fçauroit cftrediftinguée que par la couleur de lagraifse, qui cft d’un jaune verdâtre. U y a des Tortües franches, qui toutes des- oflees donnent plus d’un demy baril de viande , fans y com- prendre la telle, le col, les pattes, la queiie, les trippes & les œufs : defquels trente hommes pourroient faire vn bonre* Ff ij ■ 22 S Hiftoirs Naturelle pas : &routre celaon tire quelquefois tantdes pannes que delà graifle fuperfluë , de quoy faire quinze ou vingt pots d’huile, jaune comme de l’or, excellente pour les fritures ÔC pour toutes fortes de fau ces, pourveu qu’elle foit nouvelles car lors qu’elle effc vieille, elle ne feue plus que pour les lam- pes. La chair de ces tortues eft fi remplie d’efprit vital, qu’é- tant coupée par morceaux déslefoir , elle remue encorde lendemain. l’ay crû fort long- temps que les tortues de ces quartiers avoient trois cœurs: car au deiTus du cœur(qu’elles ont gros comme celuy d’vn homme ) fort un gros tronc d’arteres,aux. deux codez duquel font attachez deux autres façons de cœurs, gros comme des œufs de poule, & de la raefme forme &fubftance que le premier : mais j’ay depuis changé d’opi- nion , & crois fermement que ce ne font que les oreilles du cœur. Qnoy qu ! il en foit , il eft certain que cela bien ajuldé fur une tab'e , compofe vne fleur de Lys , d ou on peut tirer vne conjecture allez avancageufe du progrez de nos Colo- nies Françoifes- dans l’ Amérique, puifque la Providence de Dieu, qui ne fait rien en vain, a planté la fleur de lys au cœur de l’animal, qui eft le Hiéroglyphe du pays. De la iCaoüanne... §, XXI IL. L A Kaoüannc différé de la tortue franche , en ce qu’elle a la telle beaucoup plusgrofle à l’équipolent du corps, que le refte des autres tortues. Elle eft plus méchante, & ffc défend de la gueule &: des pactes , lors qu’on fe met en de- voir delà prendre & de la tourner : Et quoy qu’elle foit la plus grande des trois efpeces, elles eft neantmoins forrpeu eftiméc, parce quelle a la chair noire, qu'elle fent la marine, êL quelle. eft. d’vn aflez mauvais gouft.Gcux qui la vont pefc Des Antilles habitées par les François. 22 p cher aux Kaymanslameftentavecla tortiie franchepour en avoir le débit, mais elle luy communique Ton mauvais gour. L’huile qu’on en tire eft acre,&: gafte les fauces dans lefquel * les on la met, l’on n'en mange qu’à faute d’autre : ellen’eft pas pourtant inutile, car l’on s'en fert à brufler dans les lam- P es - Quelque temps apres que là grande écaillé de la Caoüân- neell dépoüillée , &: que les cartilages commencent à fe pourrir ,il fe détache de deflus, huit feüilles beaucoup plus grandes que celles du Caret , mais plus minces, marbrées de blanc & de noir. La plufpart des grands miroüers en font garnis , & il eft certain quehrelles eftoient plus épailfes, elles iroient de pair avec l’écaille du Caret. Du Caret. §. XXI y. L E Caret eft la plus petite de toutes les 3; efpcces de ror~ tue, la chair n’en eft pas fi bonne que celle de la tortue franche ; mais elle eft beaucoup meilleure que celle de la Kaoüanne. L’huile qu’on en tire eft excellente pour les dé- bilitez de nerfs , goûtes fyatiques,&: pour toutes les flu- xions froides. le connois des perfonnes qui s’en font fer- vies fort vtilement , pour des maux de reins caufczpar des efforts. Mais fur tout, ce qui le fait eftimer, eft l’écaille qu’il porte fur le dos, qui vaut jufqu’à fi x francs la livre. Toute la dé- pouille d’vn Caret con fille en treize feüilles , huit plates, & cinq en dos d’afne ,• j’avoisdit quinze feüilles dans ma pre- mière édition , & lefteur de Rochefort qui a prefque pris mot pour mot, ce que fay dit de cét animal, m’a fort fîdele- ment (uivy dans céc erreur. Des huit plattes, il y en-a quatre grandes qui doiventpori- Efiij, j jo ~ TU foire Naturelle tC ï jufqu a un pied de haut, & fcprpcuces de large. Lcbeau Caret doit élire épais , clair , transparent , de couleur d’anti- moine, 6£ ]afpé de minime Sc de blanc. Il y a des Carets qui portent, fix livres de feuilles fur le des. On s en fert a faire des peignes & d’autres petits ouvrages, qui font d’une exqui- fe beauté,& de prix. Voicy la façon de lever ces Cueilles de delfus la grande écaille , qui cft proprement la mai fon du Caret. Apres en avoir tiré toute la chair, on fait du feu déf- ions , Sc ces feuilles vcnant'à fentir le chaud , fe lèvent aifé- jiient avec la pointe d’un coulleau. L’Huile que l’on tire des pannes , 6e de la graille du Ca- ret , cft chaude 8c ellimée des Sauvages, & des habîtans François quis’en fervent contre lesfyatiques , & les goûtes froides , les goûtes crampes , Sc engourdillemcns de nerfs. De la façon depefeher les 'Tortues . . La pefche des tortues fe fait en trois façons , fçavoir au Chevalage,à la V arre,& quand elles terrifient. La tortue Chevalle , c’eft à dire, s’accouple, depuis le com- mencement de Mars jufqu a la my May. le laine toutes les circonftanccs de cette aétion , c’cft allez de dire que cela fe fait fui- l’eau , en forte quelles peuvent eftrc facilement dé- couvertes : alors deux ou trois perfonn es fe jettent prompte- met dans unCanot,leur coutrent fus, &les abordent facile- mcntjilieurs palfent un lacs coulant dans le col,ou dans une patte', ou bien n’ayant point de corde , on les prcndavec la main par delfus le col au défaut de l’écaille. On les prend quelquefois toutes deux , mais pour 1 ordinaire la femelle e- chapc.Pour lors les maûes font fort maigres 8c durs,& les fe- melles en très- bon point. LaVarrc delà tortue fe fait prefque dela'mefme façon que celle du Lamantin , excepté qu’au lieu de harpon au bout de la Varre , on y enclave un cloud carré , long de la moitié du doigt, Sifort pointu,auqucl eft attache la ligne. La Des Antilles habitées par les François: zçi Vaxre c flanc jettée fui' le dos de ht tortuë , le cloud s’enfonce jufqu’a la moitié dans l’ecaille , qui eft coûte compofee d’os, &c y tiefic camme fi elle eftoit fichée dans du chefne. La tor- tue Ce (entant trapee , fait les mefnes efforts que le Laman- tin , 5c les Varreurs les mefmes diligences Le fleur de Ro- chefoit dit, que fes forces Iuy manquent, à caufe du faner qu elle a perdu , mais il ne fçait pas que la tortiie ne perd pas une feule goûte de fang pat cét endroit où elle a efté bleffée, jufques à ce que le clou en ayt efté tiré. Le Terrifîagc des torcuës fc fait depuis la Lune d’Avril, j ^ fqu a la Lune d Ao u ft : car alors la tortuë fefentantin corn- modée par raccroi(femenc,la pefanteur, & le grand nombre de fes œufs , qui font quelquefois jufqu’au nombre déplus de deux mille, citant contrainte par une neceffité naturel- le, qui ne Ce peut différer,- elle quitte la mer pendant la riuid, & vient reconnoiftre le long de la rive un lieu propre pour fe décharger de fon fardeau , ou au moins d’une partie. En ayant reconnu vn propre pour cét effet, qui eft toufiours vne Ancede fable ; elle fe contente pour cette nuit de recon- noiftre la place , & fe retire doucement dans la mer , remet- tant la partie a lanuiét fui vante , ou à vne autre bien pro- chaine.- Tout le long du jour elle fe promène paiffant l’herbe fur des rochers dans lamer, fans toutefois s’efloigner du lieu où elle doit pondre. Le Soleil venant fur fon déclin , on la voit paroidxe tout proche de la lame , regardant deçà 5c delà, commefi elle Ce défîoit des embufehes : 5c comme fa veüe eft fort perçante, fs elle voit quelqu’vn fur le bord du rivage , elle va chercher ailleurs un lieu plus aflcuré:que fi elle n’apperçoit perfonne, elle vient a terre à la faveur de Januiéf, &: apres avoir: bien regardé de tous codez , elle fe met à travailler , & à creufer dans le fable avec les pattes de devant , fait un trou tout rond, large d’un pied, & profond d’un pied &c demy; ce qni citant fait, elle s ajufte LTdeffus,&: fait tout d'une fuite deurt ou trois cens œufs, gros 5c ronds comme des balles de jeu de paume. L’écaillede ces œufs eft fouple comme du parche- min moüillé 5. leur blanc ne cuit jamais , quoy que le jaune 212 Hifloire Naturelle durcifTe facilement. La tortue demeure plus d’une bonne heure occupée à pondre & pendant ce temps, vn chariot luy pafferoic fur le corps , fans quelle fe bougeait de la place. Ayant achevé de pondre fans qu on 1 ayt interrompue , elle bouche fi proprement le crou,&: remüe tant de fable coût au- tour , quon a toutes les peines du monde à trouver les œufs. Cela fait, elle les abandonne & Ven retourne à la mer. Les œufs fe couvent d eux -mefmes dans le fable, ou ils font qua- rante jours, au bout dcfqucls les petites tortues forcent grof- fes comme de petites cai. les , & fuyent droit a la mer , lans qu’on leur en ayt montré le chemin. Eftant prifes avant que d’y dire arrivées , on les fiicafle toutes entières , & c’eft un mets délicieux. r Quantité de Requiems , ôc autres grands poiiionsleur ront une cruelle guerre , & en avalent quafi autant qu il en de- cend en la mer : & c’ell vn dire commun des habitans,quc fi de chaque ponaifon il en téchapoit deux , toute la code en Teroic couverte. Celles qui échapent fe t etiren t dans des nu relis ou ellangs d’eau falee, fous des roches ,& dansdes raci- nes de Parétuviers, dont les arcades font h embaraUees 1 vne dans l’autre , que les grands poilfons carnafliers n y peuvent entrerj&ellcs y demeurent jufqu’a ce qu elles foienc en ellat de fuir où de fe deffendre. Elles ne terrifient jamais que de nuid , & mefme elles attendent que la Lune foie couchée. Quand il pleut , qu’il éclaire , U qu’il tonne a tout rompre ; c’eft alors quelle tervicen plus grande abon- dance. Si coft que la tortue commence à terrir , nos François dans tous les quartiers où il y 'a de bonnes Ances , y en- voyent des hommes , l’on difttibue égalementla viande que l’on a prife à ceux qui s’y font trouvez : d autres fe met- tent fix ou feptenfemble, équippent un Canot qui porte dix douze, ou quinze barils, ou quelquefois trois ou quatre tonneaux , & vont chercher les Anccs les plus fréquentées des tortues, & là,divifant la nuid en quatre, chacun garde, 5d fait fentinelle le quart de la nuid,&des rcucües de temps en temps tout le long de l'Ance. Ayant rencontré quelque tor- Des Antilles habitées par les François. 233 tue, ils la tournent fur le dos, &: la laident là jufqu’au lende- main , fanscraindre qu’elle fe puiffe retourner. Quelques- vus ont dit qu’eftantainfi tournée, elle foûpiroit & pleuroit: les foupirs font véritables ; mais pour les larmes ce n’cft autre chofe que certaines glaires qui luy forcent des yeux, que l’on fait paffer pour larmes. S’il arrive qu’elle foie fi grande , qu’vn homme n’en puilfe venir about,il la met ailemenc à la raifon,luy cinglant quatre ou cinq coups de malluë fur le bec. Ceux qui fe veu- lent donner du plaifir fe mettent fur fon dos, luy bouchent les yeux de leurs doigts , & la conduifcnt où bon leurfem- •ble : mais fut-elle à dix lieues fur la terre, fi onia laide en li- berté, elle prend fa route droit à la mer, quand mefme on luy auroit fait faire cent cours. Chacun contribue également aux viduailies , &c au fcl pour faler la viande : & au retour on partage cgalementtoute la viande,maisil y a un lotparti- cuiier pour celuy auquel appartient le cours. Le Caret vient reconnoiftre la terre dix-fept jours aupa- ravant , que de pondre fes œufsjde forte querencontrantun train de Caret, fi on ne trouve point fes œufs,il y faut venir le 17. jour enfui van t , & indubitablement on l’atrapera. Le Careted auflî méchant que la Caoüanne,&: mord plus ferré&tient plus opiniaihément. V n jour ayant voulu en ap- porter un vif,jufqu’anoftreCafe,l’ayantattaché parles deux pieds de derrière , à un levier qui eftoic fur les épaules de deux de nos valets > il en mordit un par la felfe , qui fe prit à crier fi effroyablement, que tous les domeftiques y accouru- rent, & chacun fe prit à fraper definis, aie brufler &: tafeher de luy ouvrir la gueule avec des morceaux de fermais on ne luy put jamais faire lafeherprife, qu’aprésluy avoir coupc la gorge. Hiftotre Naturelle Des Poijfons couuerts $ Ecailles &* de Croûtes tÿ des coquillages des Antilles.. CHAPITRE IL Des Crabes ou Cancres de mer, . §. X. TT ’Ây trouve un très-grand nombre de Crabes, ou Cancres Jt de mer le long des colles des Hles , aurquelles ienetne veux pas arrefter , parce qu’ils font rres-îemblables à ceux, que j’ay veu aux colles de France, d’ Angleterre^ dcHolan- de ; c’cil pourquoy ie me contenceray de parler de ces deux fartes , qui me femblent allez particulières en leurs formes & en leurs qualiteZ'. Le premier ell une force de petit cancre quarré, large d'en- viron î. pouces, dont les deux mordans font fort aigus&forc frellcs, autli bien que toute F écaille, éc toutes les autres par- ties de fon corps. L’on trou ve (ur les roches qui font le long du rivage de la mer, vue grande quantité de dépoüilies de ces petis animaux, fi entières qu’il ferobie qu’ils foient enco- re dedans, mais avec cette difference,que l’animal vivant ell gris,& cette coquilleell fi agréablement diverfifiée de blanc 8e de rouge, qu’elle eft l'àdmiratio de tous ceux qui la regar- dent ; ils ont deux petits yeuxélevez. comme deux grains d’orges tranfparens & luifans comme du crirtal. C’ell de ceux là que l’on écrit qu’ils ont i mduftrie d’épier 8c d'at- tendre, que les huilles S£ les moules venues de la marée ou- vrent. leurs coquilles pour y jetter un petit caillou', afin que Des Antilles habitées par les François. 23S •ne fc pouvant plus refermer, il les puiflent manger avec plus de facilité. ... Ce qui m’oblige de faire la defeription de ce petit animal, pluftoft que de tous les autres Cancres ou Crabes , qui font plus grands &C de meilleur goult , cfc qu il combat par vne qualité occulte , plus efficacement les venins que tous les autres antidotes , vn feul, tarifé 5c diflous dans le vin , fait incontinent jetrer par les vomiHemens, tout ce qu il y a de veneneux ôc de peftifere dans i’eftomach. I’en ay trouvé fur des Ances vers le quartier du Prêcheur de la Martinique , plufieurs petits, couverts d vne coquille,, qui comme un petit bouclier leur cachoit tout le corps ; ils avoient une chofe particulière, que ie n’ay point veue en au- cune forte de Cancre , fçavoir une queue fort pointue & femblable à la lame de ces poignards d’Italie , que Ion ap- pelle Stilets -, ccux-làn’eftoient pas plus grands qu’vn ecti blanc, 5C leur queüeeftcit longue commcle petit doigt de la main. , . ’ Lafeconde chofe aufli particulière que lapremicrc, elt qu’ils ont fous cette écaille cinq petits pieds, qui font autant de mordans.dont ils pincent 5c ferrent allez fort, ceux qui les veulent prendre, mais ce n’eft pas là le plus grand mal ; car s’ils vous piquent de leur queüe , vous reffentez les mefmes douleurs , que fi vous aviez efté piqué d'un Scorpion ; mais l’on tire incontinent l’antidote de l’animal qui donne le ve- nin , car il n'y a qu’àl’écrafcr fur la piqueure , 5c il appailc la •douleur 5c la guérit entièrement. 236 Hiftoire Naturelle Des H omar s*. §•■ J k N Qüs voyons communément dans nos Ifies de deux foues de Homars , qui font les vrayes écrevifles de mer. Les uns ont deux gros mordans, plus larges & plus longs que la main , & beaucoup plus forts que ceux des Crabes , les autres n’en ont point; maisils ont deux grands barbillons , heriflez comme les pieds de nos Crabes , com- muns, &: longs comme le bras ; iecroy que c’eft ce que nous appelions le Pan de mer en Europe. Ils croisent tous deux, jufqu’à une grandeur fort extraordinaire : car yen ay veu- qui avoient prés de trois pieds de long -, leur chair eft blan- che^ autant ou plus favoureufe querelle des Crabes, mais bien plus dure &; plus indigefte- , elle fe mange avec le jus de citron & le poivre. On les va pefeher lanuid au flambeau dans les lieux pier- reux^ d’où la mer s'eftant retirée, il ne laifle pas d’y demeu- rer de petites mares ou fofles pleines d’eau, où on les foine, harponne , ou bien on les coupe en deux avec un coute- las. le ne diray rien dans ce livre des efloiles de mer, desorties ©uchaftaignes , parce qu’elles font fi communes dans tou- tes les coftes de~France, que c’eft fe rendre ridicule que' de s’amufer à en aire des deferiptions particulières en par- lant de nos Ifles (' comme a fait le fleur de Rocheforc.j Des Antilles habilles par les ' François, zj/ Des Huijlres CF) des Modes. §. III, I L fc trouve des huiftres dans quelques unes denospecis iflets du Cul-dc-fac de la Guadeloupe , peut eftreen plulîeurs autres endroits, quoy que ien’cn aye jamais veu ail- leursjelles n’eftbicnc pas plus grandes que les petites huiftres d’Angleterre, c’eft à' dire, larges comme un écu blanc ; elles eftoient attachées fur les arcades & les branches des Parétu- viers qui trempoient dans ia mer-, fans doute quelafemence des huiftresqui eft repaduë dans la-mer, lors qu’elles frayent, s’attache à ces braches,de fortequ’elles s’y forment &y grof- fifsét pav fucceflion de teps,&: par leur pefanteur font bailler les branches dans la mer, où elles font raffraifehies deux fois le jour par le flux & reflux. Il ne faut pas douter qu il n’y en ayt de plus grandes dans la mer,autour de ces Elles; & que fi l’on avoir desinftrumens pour les pefeher comme l’on a dans l’Europe , on n’en manqueroit- pas dans la Guadeloupe. Il y en a de deux fortes , la première excepté fa petitelfe eft toute fembiable aux noftres , mais plus délicate & de meilleur gouftda fécondé eft toute plate, &:a une petite houpc de poil, comme un petit barbillon , dans le milieu ; mais elles font fi acres- , que l’on n’en fçauroit manger , &: ie croy quelles font veneneufes. Il y a aufli en quelques endroits, des moules femblables aux noftres, qui croiflent fur des cayes & des rochers , com- me dans l’Europe, mais elles font rares , & dans des lieux fi éloignés, que l’on en mange rarement. I’en ay veu une autre forte dans pluficurs rivières, fembla- bles à celles qui font dans la nviere de Seine , dont l’écaille par dedans eft luifante comme la nacre de perle ; elles «ûoicntmolafles, &nouseufmes tous mal au cœur apres eu* G § »j. g Hijlolre Naturelle avoir mangé. L’on m’a affaire que quand l’on en jette le pre- mier bouillon , Si que l’on les achevé de cuire avec du fel.Sc du piment, elles perdent cette mauvaife qualité. Des Lambis > des Cafquestë des Trompettes de mer . §. IV.. L Es Lambis , les Cafques ôc les Trompettes de mer font les trois plus grands limaçons, qui fe troüvent dans les mers de nos Illes. La coque du Lambis eft fi prodigicufement groüe , que j’en ay veu qui pefoient plus de fix livres , il femble que ce foitune peticeroche , tant elle eft rude, & relevée en divers endroits par de petites excroiffances , boffes ou pointes hau- tes d’un pouce, & groffes comme le doigt’; elles font ouver- tes par deffous , & faites d’un cofté , comme un lambeau de bord de chapeau : tout le dedans eft poly,& luifant, Si d’une couleur de chair fort vive. Les Sauvages les rompent par morceaux , Si à force de les éguifer fur des roches , ils en font de petites lames plates & longues comme le doigt, & les ayant percées ils les pendent à leur col, comme un ornement précieux. . . Il y a dans cette coque un gros limaçon, qui tire une lan- gue pointue 6c longue d’un demy pied, dont il lèche fa ba- ve Si le bord de fa coque. Peut-eftre que c’eft pour cette rai- fon qu’il eft appelle Lambis : fa chair eft fi dure qu’à quelque fauce qu’on le puifle mettre, il faut eftre bien affamé pour en manger i les Sauvages le font cuire avec de l’eau de manioc pour l’amolir, Si en mangent affez fouvent. Le Cafque eft un autre forte de limaçon de mer, plus petit que le Lambis, plat par deffous Si moins ouvert i fon bord qui eft relevé iuy donne une figure de Cafque, qui luy en a Des Antilles habitées parles François. 239' acquis le nom, fa coque,qui eft fort délicatement rayée Sc marbrée de blanc 5c déjà une par deifus, eft beaucoup plus belle que celle du Lambis;les bords de deffous font dentc- les & polis comme ceux du Lambis ,mais moins ouverts. Rocheforc dit , qu’il eft doublé d'un latin incarnat , mais ie n’en ay jamais veu de femblablc. Le Viguiotou limaçon appelle trompette, eft fait enfor- me de cornet long , de huit à dix pouces ; fa coque eft blan- che &: polie, particulièrement fur le haut, &: toute ondoyée d une couleur minime fort vivejle limaçon qui eft dans cet- te coque eft de meilleur gouft,&-plu$ tendre que les autres. .33? as De deux fortes de Burgau s. §• V. L Es B urgaus font au fii communs dans les mers de nos Ifles qui font bordées de rochers , que les limaçons le four dans la France. Il y en a de deux forces , qui fans con- tredit l’emportent en beauté, pardeffus les autres coquilla- ges qui s’y rencontrent. Les premiers & les plus communs croiffent quclqucsfois jufqu a la grofteur du poing, mais ordinairement ils n’en ex- cédent pas la moitié. G’eft de leur coque que les ouvriers en nacre, tirent cette belle nacre qu’ils appellent//* Burgmdine plus cftimée que la nacre de perle. Tout le dedans de cette coque , n’a aucun befoin de travail, puis quelle fait montre fans aucun arcifice de fa beauté naturelle : mais touc ! e de- hors eftant brute, gris, noir, &: blanc, ayant pafté par la meule douce, par l’efprit de : vinaigre, de fel, ou de l’eau fécondé, qui luyofte toute fi craflTé & ce quelle a de bruce, elle devient comme une grande opale marbrée de blanc , de verd, & de noir. Le poifton qui eft dans cette coque a une écaille 1 ode^noi- Hifiolre Naturelle r{ / & mince comme une feüille de papier attachée à Ta tefte: mais qui eft plus dure & plus forte que de la corne , avec la- quelle il en bouche fi ferrement le trou, qu’il eft impoffiblc de l’en tirer dehors , ny de luy faire aucun dommage fans rompre la coque. . r C’eft la nourriture ordinaire des habitans , qui ne tout pas bien fournis de vnâuailles, allant fur les An ces efloignées,ou fai faut le tour des lûcs. I’y ay elle bien des fois réduit., 8c mefmeàen manger de tous crus.Quand ils font cuits, on les tire ailé ment de la coque ; mais avant que de les manger, il faut prendre garde de tirer par 1 extrémité du limaçon, un certain boudin amer, que l’on dit eftre fiévreux , & l’on ne mange guère que ce qui eft tourné en limaçon, qui eft rem- plv d/une certaine mafle verte, que quelques-uns difent eltre fesexcrcmens , d’autres difent que ce font les herbes qu il a mangées , mais qu’il n’a pas encore digérées , & c’eft mon fentiment:quoy qu’il en foit, ceux qui ont hum le trouvent bommais en vérité, c’eft une pauvre nourriture. L’autre Burgau n’eft eftimé , que parce qu il eft plus déli- catement ouvragé que le premier ; il eft plat par le de flous, &aun petit trou rond dentele , qui va depuis le milieu jul- au’au haut de la coque , tout en tournoyant comme un li- maçon , quoy que cette coque (oit auiîi large qu un elcu blanc, fa hauteur n’eft que d’un pouce : mais il eft fi arti e- ment gravé & coloré de verd,au deftus de fa nacre , qu il elt le plus eftimé de tous ceux qui viennent de nos Ides. P ouYceldines , & de quelqn autres petits co-^ quillages des IJles. §. V L E fleur de Rochefort révoit fans doute à quelque cu- rieux cabinet, 8c avoit encore l'idée toute fraifche de * C9 Des Antilles habite çs par les François. 2 / •2 J 'Hijloire Naturelle les autres : car quoy que ceux de la Guadeloupe foientpliss Grands que tous les autres Perroquets , tant des Illes que de fa terre ferme ; celuy-cy les furpaffe d’un tiers , en grandeur. Il a la telle , le col , le ventre , U le deflus du dos, de couleur de feu: fes ailles font niellées de plumes, jaunes , de couleur d’azur,& de rouge cramoify:fa queue eft toute rouge, & lon- (ruc d’un pied & demy ; les Sauvages fe panadenc des plu - mes de fa queiie , en font grande eftime : ilss’cn fichent dans les cheveux , s en paüent dans le gras des oreilles, dans l’entre deux des narines pour leur fervir comme de mouftaches , & ils s’imaginent tout de bon qu’ils en font beaucoup plus gentils. & dignes d eftre admirez des Eu- ropeans. . Cét oyfeau vit de graines & de quelques muas qui croii- fent fur les arbres , & mefme quelquefois dans la neceffité de pommes de Mancenille , ce qui eft un tres-fubtil 52 cauftic poifon aux autres animaux. Il a le ton de la voix fore & perçant 3 Ô2 criaille toufiours en volant : mais ceux qui les fçavcnt contrefaite, les font arrefter tout court. Il a le porc grave 52 affeuré , & tant s’en faut qu’il s’eftonne pour plu- sieurs coups de fufils tirez fut l’arbre où il eft branche; qu’au contraire il regarde & conduit de l’ail fes compagnons, qui tombent morts à terre , fans s’en elbranler aucunement ; fi bien qu’on en tire quelquefois cinq ou lix fur un mefme ar- bre , fans qu’ils failent mine de s’envoler. Pifo dit que dans le Brefil , lesoyfeleurs fe cachent dans l’arbre , où ils vont ordinairement manger , 52 qu’ils les prennent avec un las coulant attache au haut d’un ballon, qu il fc laiftent paf- fer au col ; Sz que mefme tous les autres le regardent tirer Ô2 mettre dans la gibecière fans s’effaroucher , Ô2 qu’ilsen pren- nent ainfiplufieurs les vns apres les autres. Aurcftc, c’eftla chofe la plus belle du monde , que de voir dix ou douze Ar- bas fur un arbre bien verd , car on ne vit jamais un plus jel émail. r . Les Sauvages fe fervent d’vu plaifantftratagefme pour les prendre vifsuls épient l’occafion de les trouver à terre, ma- mans des fruifts qu’ils ont fait tomber : car pour lors ils s'en ® approchent De s Antilles habitées far les François. ^249 approchetdoucement à la faveur des arbres, puis tout à coup ils fe prennent à courir,frapant des mains & rem pli flan 1 i ’air de cris &: de heurlemens , capables non feulement d’épou- vencer des oyfeaux , mais de jetter de la terreur dans les ■cœurs les plus hardis. Alors ces pauvres oyfeaux furpris &: .«perdus, comme s’ils avoientefté inopinément frapezd’un coup de foudre , perdent le fou venir de leurs aides, qui fans douce les pourroient garantir , &: faifans de neceüité vertu, fc couchent fur le dos , fe mettent fur la deffendve , & fe font tous blancs des armes que la nature leur adonné, c’eft adiré, du bec & des ongles, defquels ils fe deffendent fi vail- lamment, que pas vn des Sauvages n’oferoit mettre la main de 11 us : fi bien qu’ils font contraints de fe tenir toutaucour d’eux , criant & heurlant comme des enragez , jufqu’à ce qu’vn d’eux apporte un gros bafton, lequel il applique fur le ventre de i’oyfeau , qui ne manque pas auiTi-toftde lefaifir du bec & des griffes : mais pendant qu’il samufe à mor- dre, les Sauvages le lient & le garottent fi eftrokement fur le .bafton, qu’ils en font par-apres tout ce qu’il leur plaît, &bien fou vent les rendent privez, & leur apprennent à parler; mais ils ne parlent jamais mieux que les Corbeaux de l’Europe» La chair de cét oy feau eft fort dûre,& eftimée de plufieurs, .mal faine , &: mefme veneneufe , ie n’en ay pourtant jamais veu de mauvais effecs , quoy que nos habitans en mangent fortfouvent. Il faut croire que ceux qui en ont reffenty du mal avoient mangé de ceux qui s’étoient repeus des pommes de Mancenille. Le mafle &: la femelle fe tiennent bonne compagnie, &c’ell: une chofe tres-rare que de les voir feuls. Quand ils veulent faire leurs petis ,( ce qu’ils font une fois ou deux l’année) ils font un trou avec leur bec , dans la fouche d’un grand arbre, Ai fans y compofer d autre nid que de quelques plumes , qui tombent de leur corps 5 ,il y pondent deux œufs gros comme des œufs de pigeon , marquecez comme ceux des perdrix: les autres Perroquets font leurs nids tout de mefme , mais il y en a qui font des œufs tous verds. Lors que l’on les cire du nid , ils ont deux petits vers tous vivans dans les narines , &; Ii 2p. Hîftoiré Naturelle vn dans une petite bubc qui leur vient fur la telle ; ces petits vers meurent d’eux-mefmes, lors que eésôy féaux commen- cent à fe couvrir de leurs'plumes. Les Arras aulfi bien que les gros Perroquets de la Guadeloupe Sc de la Grenade ^vi- vent plus que les hommes , mais ils font prefque tous fujets - au mal caduc , Se on les voit ferrer les bâtons, fur lefquels ils font perchez, tomber la telle en bas , fe débacre Sc écumer comme les hommes quifont tourmentez.de ce mal. Des Perroquets. §>• I I- L E Perroquet de la Guadeloupe efl fi beau Si fi partial*- lier dans les couleurs de fes plumes , au il mérité que iee le choifilfe entre les autres pour le décrire. 11 cli qua ti gros comme une poulie, il a le bec & les yeux bordez'o incarnat: toutes les plumes de la telle, ducol , & du ventre , font de couleur violette -, vn peu me liée de verd & de noir, & chan- geantes comme la gorge d’vn pigeon : tout le diffus du dos ^ ©Il d vn verd fort-brun, trois ou quatre des maiftrelles plumes de fes ailles font noires, toutes les autres font jaunes, vertes & rouges. 11 a fur les deux gros des ailles , deux bellés rôles compofées des mefmes couleurs Quand il he tille les plu- mes de fon col , il s’en fait comme une fraife autour de la telle, (belle à merveille,) dans laquelle il le mire, comme le Paon fait dans fa queüe. Il a là voix forte, parle trcs-dillin- âement , Si apprend promptement pourveu qu’on le pren- ne jeune. Il fait fan nid tout demefme que l’Arras. Pen ay. veu deux privez qui firent leur nid dans vn grana ar- bre , à cent pas de noftfe café : le malle & la femelle cou* voient alternativement leurs œufs , & venoient Tvn apres * l’autre chercher a manger à lacafe, oùils amenèrent œiirs petis,quan:dils futènt en eftatde chercher leur vie, j Des Antilles habitées par les trahçoisl Ccc oyfeau vit de frui&s fauvages qui croiflem dans les fo- arefts, excepté qu’il ne mange point [de Mancenil/e. La graine de coton l’enyvrCj&c opéré en luy tout ccquelcxcez du vin fait en l’homme, fie pour lors on le prend avec beaucoup de facilite. Le gouft de fa chair eft excellent, mais changeant, félon la qualité de la nourriture qu’il prend : car s il mange de la graine et Acajou , fa chair a un gouft d ail affez agréable ; s il mange de la graine de bois d Inde , elle fent le cloud de gi- rofle 6c la canelle ; fl ce font des graines ameres , il devient amer comme fiel : quand il mange de la pomme de Ienipa , fa chair devient toute noire , mais elle ne laifle pas d’eftre de très- bon < r ouft : mais lors qu il fe nourrit de prunes de Mo- ■min s , de Cachirnas^ 6c de Gcüyaues ,il devient fi gras qu il fem- bie n’eftre qu’un morceau de graifle , 6c alors nos François qui en font uneeftrange degaft, font contraints de tirer la graille de la marmite avec une cueilliere a pot , afin que 1 on cnpuifle manger le potage. Des Ferriques . §. C E que nous appelions Perriques , font de petits Perro- quets tous verds,gros comme des Pies, 6c qui a vray di - re , ne font que de petits caj oleurs , qui ne peuvent non plus garder le filence que le cliquet d’un moulin. Ils volent en bande, 6c fe branchent toufiours fur les arbres les plus fiieil® lus 6c les plus verds,de forte qu on ne les peut que bien diffi- cilementappercevoir : Et là vous les entendez cajoler 5c de- croifer pefle mefle un certain petit jargon fi éclatant 5c fi inv portun , qu’ils eftourdilfent les oreilles des paflans : &sils entendent qu’on parle bienhaut , ils hauflentle ton de la voix &c veulent toufiours avoir le deflus. Ilsfenourriffent I i ij 2$2 Hifioire Naturelle comme les autres Perroquets , mais la chair en eft beaucoup plus délicate. Ils apprennent fort facilement a chanter, a par 1 - 1er, à fifler,&; à contrefaire toutes fortes d’animaux.- Ils font plus gaillards , & donnent plus de divertilfement que tous les autrds Perroquets. Tous res Perroquets grands petits ne font qu t cancan- ier continuellement, ce mot lignine un certain murmure nazonant , que leshabitans n’ont pu exprimer autrement* l’en ay veu pourtant parler diilinétement avant que d avoir quitté le CanGarug?. Du Mansfenj-, §, l Y.' L E Mansfeny eft un puilfanc oyfeau de proye, qui en fa forme & en fon plumage a tant de refîembiancc avec ÉAigle , que fa feule petitelfe l’en peut diftlnguer, car il n eft CTuére plus gros qu’un faucon : mais il a les griffes deux fois plus grandes & plus fortes. Quoy quil foie fi fort & fi bien armé ,il ne s’attaque jamais qu’aux oy féaux, qui n ont pref- que point de deffenfe, comme aux Griues, Aloüettes de mer, de fembiables petits oyfillons,& tout au plus aux Ramiers de Tourterelles. Il vit aufff de Serpens Sé de petits Lézards , H fe perche ordinairement fur les arbres fecs , les plus hauts &c les plus élevez au milieu des habitations', & c’elt là ou les ha- bitans le tirentà coups defufils : fes plumes font fi fortes & fi ferrées, que fi on ne le prend à rebours, le plomb n’a point de prife fur luy.La chair en eft un peu noire, mais elle nelaiR ît pas d’eftre excellente*- Des Antilles habitées par les François, aj? Dh Pejcheur §. V. L E Pèfcheur efftoutfemblable auMansfeny , horfmis qu’il a les plumes du ventre blanches , &: celles de def- fus la telle , noires : Tes griffes font vn peu plus petites. Ce Pefcheur eft vn vray voleur de mer , qui n’en veut non plus aux animaux de la terre, qu’aux oy féaux de l’airrmais feule- ment aux poilfons,iefquels il épie de dcffus une branche, ou de delfus la pointe d’un roc: & le voyant à fleur d’eau, il fond promptement deffus , lenleve avec fes griffes, & le va man- ger fur un rocher. Quoy que celuy - ey ne faffe point la guerre aux oy- feaux , ils nelaiffentpas delepourfuivre , &: de s’attrouper autour dcluy , de le béqueter jufqucs à ce qu’il change de quartier. Les enfans des Sauvages les éleventeftantpetits,ô£ s’en fervent à la pefche,par plaifir feulement j carilsnerap- portent jamais leur pefche. De /’ Emerill on Gn-gry §, VI. \ I ’Ëfmeriilon qüenoshabitans appellent Gri-gry, à caufe jqu’en volant il jette un cry , qu’ils expriment par ces fyllabes Gri-gry,' eft un autre petit oyfeau de proye qui n’eft guère plus gros qu’vue Grive:il a toutesles plumes de deflus le dos & des aifles , rouffes , tachées de noir : & le deffous du venue blanc, moucheté U hermine. Il eff armé de bec &c de li iij ^ Hijîoire Naturelle griffes à proportion de fa grandeur. Celuy-cy ne fait Ja cjiaf- ie qu’aux petits Lézards , 6c aux Sauterelles qui font fur les arbres, 6c quelquefois aux petits poulets quand ils font nou- vellement éclos. le leur en ay faitlafcher plufieurs fois , la poulie fe défend contre luy, &C luy»; l’Europe» Des Antilles hnbitees pny Us Tf nnçots* 2jp Des HérondUles. §. XM. L Es hérondclles font autant rares dans toutes ces Ifles» quelles font communes dans l’Europe ; car pendant fepr ou huit ans que j’y ay refidé , ie n’en ay jamais veu plus d’vne douzaine : elles n’y paroitfent que pendant les cinq ou Ex mois qu’on les void en France, te fe retirent & fe cachent ic ne fçay où , pendant le refte de 1 année : ce qui me confir- me dans vnc opinion particulière , te contraire à la commu- ne, qui affeure que toutes les hérôdelles changent de climat, &C vont pafler les fix mois de froidures dans des régions plus chaudesrcar l'cftimc que c’eft une pure refverie,puis qu’il eft tres-certain que dans les régions les plus chaudes , elles lont la mcfme retraite. le ne veux pas pourtant nier , que celles qui lontvoifines des pays chauds ne s’y retirent , lors que le froid les piefle: mais il ne faut pas croire la mefme chofede celles qui en font éloignées, comme celles de-la France, & de tout le refte des pays Septentrionaux. Ariftote au livre huitième des ani- maux, chapitre feiziéme , eft de ce fentiment : voicy comme il en pari c%Auium complures conduntunnanjvt alicfuiputant^pau- c*;nec omnes ad loca tepidioraabeuntfed cfuibitsloca eiufmodifunt 'vicina folitA jedi , if s eofecedere libeî put Mi lu os, H irundines agere animaduerjurn eft. Qu* autem procul locis eiufmodi morantur , non mutant fedem fed fe ibidem condunt : iam enim vififint mut- t* hirtwdincs in anguftiis conuallium nudœ atfue omnino déplu - Aldroüandus dans fon Ornitologie , Tome fécond, livre dix feptiéme, chapitre fixiéme, afleure; que pluficurs he- rondelles fe cachent mefme dans la glace , &sy confcr- ^entiufquauPrintemps;auqucl temps ellesreprennentfor- * K k i j 2ôo Hiftoire Naturelle te $c vigueur, &r volent comme auparavant. Confortnémen î r àcela vn homme digne de foy , m’a afieure qu’en vn certai n village de Mofeovie , on -lu y apporta' dans un poëlieune grande pieee de glace , dans laquelle il y avoir plufieurs he- rondelles gelées, mortes, au fentiment de cour le monde; que la glace venant à le fondre , les hérondelles Tentant le chaud fer animèrent , ôc prirent le vol comme fi elles n’eufi* fent efté qu’endormies. Olaüs Evêque d’Ypfal en Suède, Albert le. Grand, &; plufieurs autres font de cette opinion:Et fi nous adjoultons à cela , que les régions chaudes ont beau- coup moins d’héron délies que les ftoides, il ne faut pas s’é- tonner , fi ie foultiens certe proposition, & fij’affeure que les herondelles ne changent pas toufiours de pays , ainfi quels vulgaire croit ; mais qu'elles fe retirent dansdes creux d’ac» bres, comme dit le Poete Claudian. -Vdqadis gêlidis pütwa labcnce pmmis. A , bons immorhiït tumeobruwahs birundo, . Qu dans de vieilles ma fûtes , ou-dans des rofeaux : & que-" la vie &la chaleur naturelle elt confier vé.e au coeur, fans que * les autres parties s’en refientent. D-e fçavoir maintenant - comme cela fe fait ; e’.eft une chofe qui furpafie la portée de nos efprits. Des Crmesydesgros becs, b eut de fetun* XXI Id I L y a dams toutes-c.es ïfiés une fi grande quantité de Gri-' ves’y qu’on ne fpauroir voir un fruid meur , qui n’en foie s’- endommagé : elles nichent fardes a; bres fort hauts, & y multiplient eftrangement : j’ay. veu abatte des ai bres, ou il y avoir jufques à trois nids de grives défiés, &dans chaque nid quatre petits tout couverts de graille tel es vivent or- dinairement de petit piment Ion g,é£ elles en font fi friandes Dès Antilles habitées par les François. 2 61 que c’eft le meilleur apas dont l’on fe fervc pour les prendre. Legros bec a toute la forme d’un moineau, mais il a les plu- mes verdâtres.Celuy-cy ayant le bec fort dur, fait un fignalé ferviceaux autres ; car il entame l’écorce des Bannanes qui cftfort dure, avant qu’elles foient meures, puis tous les autres l’accompagnent à manger le dedans du fruit. Il y aaudi dans la Guadeloupe, un très-grand nombre de petits oyfeaux noirs, fortfemblables aux Merles, les habitans les appellent , bout depettin , d’autant qu'ils croyent ( comme les fous font dire aux cloches, voyent dans les nues tout ce que bon leur femble ) que cét oyfeau dit en fon ramage , un petit bout de petun. Il a la voix fort éclatante ; quand il chante il eftend les aides, éparpille la queue, 6 c danfe à la ca- dence de fon chant. Il donne la chaife aux petits lézards 6 c les mange: il vitauili de Calfave qu’il vient dérober jufques dans les Cafcs.Llon ne voit point de ces oifeauxdanslaMar» dnique. Des Serins, du Chadonneret 3 & du Rofiignol des IJles . X I Vf Ï L y a au fit quantité de petits oyfeaux plus gros qqe des Serins , & qui ontle ramage adez. femblable : mais ils ne font guère plus de bruit qu’vne cygale. Dans vne grande quantité de nids , ic n’y ay jamais trouvé plus de 1 1 ois - œufs. Monfieur Du-Parquct acheta en l’année 1(3^7. d’un Mar- chand qui avoir relafché aux Ides un grand nombre de Se- rins des Canaries , aulquels il donna la liberté; 6 c depuis ce semps-là on les entend ramager autour de fon habitation , d bien qu’il y a de l’apparence qu’ils y ont îSüultiplie. Il y a aufli plufieurs beaux petits oyfeaux, qui ont la tefte, fe dos, & le ventre noir, 6 c les aides medées de rouge, de jau- ni k iij ■ z $ 2 Hifioire Naturelle ne&: de blanc. Ces oyfcaux font dans un perpétuel mouve- ment , &C toujours à la fraifeheur le long des rivières 6c des fontaines, fous des arbres; 6c là ils font mille 6c mille tours pour attraper un moucheron ou un maringoin , def- quels ils fe nourriftent. L’oyfeau que les habitans appellent Roffignol, eft fort ra- ie dans la Guadeloupe. Il eft affez femblable au Roytclet de l’Europe-, mais il eft un peu plus gros. C’ellle feul de tous les ov féaux que j’aye veu dans les Indes, qui ayt un beau ra- mage. Iffc nourrit de mouches 6c de petites araignées : il eft autant commun dans la Martinique , qu’il eft rare dans la Guadeloupe , il niche fort privément dans les Cafés. Chez un Lieutenant de mes amis , j’en ay veu un qui fai-' foie fou nid dans une callebafte -pendue au delfus de fa ta- ble : li y avoit défia trois ou quatre ans que ce petit oyfeau ioüiffoit de cette faveur , 6c payoit fortfidellement fes en* crées 6c fes fordes par de petites chanfons fort agréables. Du Colibri. *§. X Y. L E Colibri eft le plus 8 petit , 6c le plus gentil de tous les oyfcaux du monde. Dans toutes nos An» tilles , il s’en trouve communément de deux fortes, qui toutes deux difputentde la beauté avec des avanta- ges li égaux , queienefçay de quel cofté panchcr pour don- ner mon fuffrage : i’ayme mieux lailfer cela indécis , 6c me contenter feulement d’en faire icy la defeription , afin qu’a- vec connoilfance de caufe, le Leéteur puilfe comme un au- tre P âris, donner la pomme d’or à qui elle appartient. Le plus petit n’eft pas plus gros que le petit bout du doigt, il a toutes les grandes plumes des ailles 6c celles de la queue noires : toutlerefte du corps 6c ledcllus des ailles eft d’up T)es Antilles habité es parles François . 263 verd brun,rehau{Tc d’un certain vermeil, ou luftre,qui feroic honte à celuy du velours ôc du fatin:il porte une petite hupe fur la tefte,de verd nai(Tant,enrichy d’un furdoré, qui expofé au Soleil brille 5c éclate , comme s’il avoit une petite elloile au milieu du front : il a le bec tout noir, droit, fort menu,ÔC de la longueur d’une petite épingle. Le plus gros eft environ la moitié gros comme le petit Roytclet de la France , il a les aides 5c la queue de mcfme que- le premier : Toutes les plumes de deflus le dos font de couleur d’azur, il ne porte point de huppe fur la telle; mais en recompenfe elle eft couverte, &c toute la gorge jufqu’à la moitié du ventre , d’un certain velouté cramoify changeant, 5c qui expofé à divers jours , fait parade de mille belles cou- leurs , fans en déterminer aucune. Ceux-cy ont le beefort- long,& fait en bec de Corbin.Tous deux ont la tefte petite, 5c deux petits yeux ronds 5c noirs comme deux petits grains dejayet. Les femelles des premiers n’ont point la petite huppe fur 1 à telle , non plus que celles des féconds , l’ornement de la tefte 5c du ventre. Le Soleil n’eft pas pluftoft levé, que vous les voyez voltiger autour des fleurs , comme de petites fleurs celelles qui viennent courtifer celles delaterre , & fans ja- mais pofer les pieds, vous leur voyez donner mille baifers, fourrant leur petite langue (qui eft compoféede deux petits > fdets, 5c toute femblable à celle d’une vipere ) jufqu'au cen- tre de la fleur , d’où ils tirent en mefme temps leplaifir 5c l’u-»- tHi té, le miel 5c leur nourriture. Voila la plus finccre 5c la plus avantageufe defcriptio’quc ; Ton en puifle faire: le S l deRochefort lu-y met l’Iris furie dos 5c fur les aifles , 5c veut qu’on le prenne pour une efearbou- cle : il luy donne des émeraudes aux cuiflés , l’ébeinenoir 8c polie aux pieds 5c au bec ; il dit que fes yeux font deux dia - mans, 5c que fa huppe eft prife pour une couronne de rubis 5C de toute forte de pierres precieufes , &: tout l’oyfeau pour, une rofe de pierreries, volante 5c animée ; 5c que mefme il y en a qui exhalent une odeur aulfi fuave que l’ambre , 5c Wê — Ht (loir e Naturelle plus fmmüfc î mais ce font autant d’hyperboles fort efloi- gnées de la finccrité d’un homme, qui doit exprimer les cho« Tes comme elles font. f .. , , le n’ay jamais rien veu en ma vie de plus gentil, ny de plus artillement travaillé , que le nid de ces petits oyfeaux : ils le font ordinairement furies petites branches d un Oranger ou d’un Citronicryou fur les foibles fyôns des Grenadiers, &: bien fou vent dans les Cafés fur le moindre feftu replie , qui pend de la couverture. La femelle baûit lenid pendant que le malle va chercher les matériaux , qui font du coton , qui n’a jamais efté mis en œuvre , & qu’il cueille luy-mclme lux les arbres -, de la plus fine moulfc des forefts de petites e- corces de-gommiers. Il y a veritab'ement.du phuhi a voir cette petite ménagère en befogne : elle revelt premièrement la branche, ou le feftu fur lequel elle doit fane fonmn dw co- ton , à la largeur d’un pouce, & fi ferrfimemque tout le pe- tit édifice ne peuteftre ébranlé : puis elle eleve La defius un netit rond de coton, de la hauteur d’un doigt, qui eft comme le fondement. Cela fait elle carde, s’il faut ai n h dire, tout le coton que luy apporte le malle le remue quafi-ppil apoil avec ion bec fc.fes petits pieds , puis elle en foripe fon nid, qui n’eft pas plus grand que la moitié de la coque : d un >œu de pigeon : àmefure quelle çfleve le peut édifice, elle fait mille petits tours , poUffant avec fa gorge la bordu rc dp md, & le dedans avec fa queue : puis elle reveft tout le dehors de ce petit édifice, de moufle, .& de ces petites ecorces de gom- miers qu’elle colc tout alentour du nid, pour le garantir des in î tires du temps. r Tout cela achevé elle pond dedans deux œufs , qui ne font cru ères plus gros que de petits pois, blancs comme delà pci m. Le malle & la femelle les couvcpc alternativement îefpace de dix ou douze jours, au bout defquels les deux pe- urs paroifl’ent, qui ne font pas plus gros^^ le n’ay jamais pu remarquer enquoy confifte labecheequc la nacre leur apporte , finon quelle leur donne fa langue. a fuccer , que ie crois eftre toute emmiellée du fuc qu elle tirs dcsflsurs * Quelques- I Des sîntilles habite es far les François. , 263 Quelques-uns de nos François les tirent à coups de fu- fils , chargez d'une petite pincée de fable au lieu de plomb: mais cela les dépouille de leur plumage , &c leur fait beau- coup perdre de leur luftre. Nous avons apris des Sauvages une méthode pour les prendre vifsrcar il n 'y a qu’à faire une petite verge derofeau fortdefliée de la longueur de deux pieds, qu’il faut attacher à une baguette de dix ou 12,. pieds, & apres avoir incifé un arbre que les François appellent bois defoye , recevoir le laid qui en fort , lequel à force de le re- muer fur lamain s’épai/fit & devient en gluë , plus fubtile plus tenace que celle delà France : celafait, il faut engluer la petite verge, & fe cacher fousun arbre fleury, pendat quoy cespetits oy féaux venax à voltiger autour des fleurs&, s’occu- pant à lesfuccer , on les touche facilement avec le bout de la verge, à laquelle ils demeurent attachez Bien que cespe- tits oilëaux meurent aulfi-toft qu’ils font pris : j’en ay pour- tant veu un chez d’Orange à la Guadeloupe, qui avoir efté eflevé petit avec de l’eau fucrée ; il eftoit tellement ennemy d’un Perroquet qui eftoit dans ce logis ; qu’il le venoit com- batre & béqueter envolant, &l’cpouvantoit Tellement du broüilTement de fon vol , qu il ne Içavoit où le mettre. l’en ay fait fécher plus de 50. de toutes les façons , &C de plufie.urs Mes que j’ay apporté en France; mais ie n’en ay ja- xnaisveu , donc l’odeur approchall: de l’ambre gris , ou du mufc,au contraire,ie fus obligé de les mettre parmy de bon- nes odeurs , pour leux ofter celle qu’ils avoient qui n’eftoit pas'trop bonne. Quelques Autheurs afleurent qu’ils font une partie de l’année attachez par le bec à un arbre, comme s’ils eftoient «10 rts, ie ne fçay ce qui en eft : Il eft vray qu’vn jour j’en trou- vay un qui avoit le bec piqué dans l’écorce d’un arbre , &: Payant pris avec les doigts , il fit un cftbrtfi brufque qu’il me fit peur, &s’échapa. L'on en dit mille autres rêveries , aux- quelles ie ne me veux pas arrefter* Li 2 66 Hiftoire Naturelle Des oi féaux domefHques > comme poulies -d Inde v poulies communes & pigeons. §. x y. L Es poulies -d’inde font dans toutes ces Ifles , comme dans leur lieu naturel :j elles couvent trois ou quatre, fois 1 année, pourveu qu’oqen ayt un peu de foin, Sc que on fe donne de garde de ne jamais lailfer fortir les pedtsavant que le Soleil ayt donné furla roféercar ces animaux font i délicats, que fi larofée leur mouille tant foit peu la telle us en meurent. Ils font auflï fujets pour l’ordinaire à certain vertige qui les fait tournoyer, & en fin tomber morts,fans que nos habitans puilTenr fçavoir d’où cela vient. Pour moyfie croy que c’eltia trop grande ardeur du Soleil qui leur donne fur la telle. , , Ceux qui ont des femmes un peu menageres, (qui iont des* oy féaux allez rares dans nos Mes , ) font de grands profits a les eflever ) & ie fçay des meilleures familles de S.Chriftophe, qui fe font enrichies a ce petit ménage. Les poulies communes y multiplient me r v ei 1 1 eu fe m enc » clics n’ont pas plulloft pondu une vingtaine d œufs , qu el- les veulent cou ver , & leurs pouffins font moins de temps a éclore que ceux de l’Europe : mais la chair de ceux que l’on n’a point nourris, avec des patates 6c de la calfave, ou du miel , eft toufiours fiiafifeufe ôc de moindre gouft que les autres, il faut aufli necefiairement avoir des poulalliers, d ou Tes poulies ne forcent point qu’elles n’ayent pondurcar com- me elles ont toufiours envie de couver , elles font tout ce qu’elles peuvent pour pbdre&perdreleurs œufs dans des ha- ziers : & j’ay veu des cafés où il y ayoït une tres-grande quantité de pouks,qui ne pou voient avoir un œuf faute de Des '* Antilles habitées par les François. 267 cette précaution. Il y a aulïi des Colombiers en plusieurs habitations , où les pigeons multiplient comme dans l’Europe , ces pigeons font d’aufli bon gouft que les no- ires. Il faut coclure ce chapitre, en difant,quil y a lieudc s’éton- ner de ce que le S 1 de Rochefort ayt dit, parlant des oifcaux de terre, qu’il y a une grande abondance de Corneilles dans ces Ifles : car ie n’en ay jamais veu une feule, & tous les habi- tans aufquels j'en ay parlé, difenc qu’il faut qu’il l’ait révé,ou qu’on luy ayt fait à croire. Des oifeaux de mer Çÿ des marejïs . CHAPITRE II. f ■r ' ■ Du Flambant oh Flamario j §. I. L E Flambant eft un oifeau gros comme uneCicogne,qui cft le plus haut monté de tous les oy féaux que j’ay c veu en ma vie : car fes jambes qui ne fontguércs plus grofles que les doigts, ont depuis le pied jufques à la première j oin- ture , quinze ou feize pouces, 5c prefque autant, depuis cette jointurejufqu’aucorps:ellesfonttoutesrouges,aufli bié que les pieds qui font à demy marins , il a le col rond, menu, pour la grandeur de l’oifeau , 5c long d'une demy toife-, il a la telle ronde, petite, ôc un gros bec long de fix ou fept pouces, moi- tié rouge Sc moitié noir, 5c courbé en forme d’un demy arc, avec lequel il va chercher au fond de l’eau fa nourriture), qui font des vers marins , 5c quelques petits poilfons; toutes fes plumes font dérouleur incarnat , ôc quand il vole à l’oppoûtedu Soleil , il paroift tout flamboyant comme un 2 ê 8 Hiftoirê Naturelle brandon de feu ; mais il faut remarquer que les jeunes font beaucoup plus blancs quelesvieux , & qu’ils rougiflcnc à' mefure qu’ils avancent en âge. l’en ay vcu au (h quelques-vns qui avoient les ailles meflées de plumes rouges , noiies , & blanches , ie croy que ce font les malles. Ces oifeaux ont le tonde la voix fi fort, qu’il n’y a perfon- ne, en les entendant, qui ne eruft que ce font des trompettes qui fonnent.Ils font rares, &: ne fe voyent guère que dans les falinesles pi us eüoignèes du peuple. Ils font toufiours en bande, hc pendant qu’ils ont la telle cachée barbotant dans Feau, comme les Cygnes, pour trouver leur mangeaille, i! y en a toufiours un en fentinelle , tout debout, le col eftendu, l’œil circonfpetF, &: la telle inquiété : 11 toll qu’il apperçoic quelqu un, il fonne la trompette, donne l’alarme au quartier, prend le vol tout le premier, & tous les autres le fuivent. Ils volent en ordre comme les grues ; que fi on les peut furpren- dre , ils font fi faciles à tuer , queles moindres blelfures les font demeurer fur la place. La chair en cil excellente , quoy qu’elle fente un peu la marine. Mais fur tout la langue pafle pourle plus friand morceau qui puilfeeftre mangé. Onlesécorche , & de leur peau on en fait des fourrures, que l’on die eftre très • vtiles à ceux qui font travaillez des froidures & débilités d’eftomach. Le fieur de Rochefort ne s’eft pas moins trompé icy, que dans beaucoup d’autres endroits de fon Livre , quand il nous a fait dépeindre vn monllreuu lieu du flambant, &: par- ticulièrement quand il a alfeuré qu’il ale bec toutfemblablc àl’Epelarc, que nous appelions Spatule; il n’avoitqu’à voir la figure quenousen a donné Gefnere, pour la donner telle quelle doit dire. * des Antilles habitées par les François. 2 6 » De la Frégate. §. I L L Oyfeau que les habitans des Indes appellent Frégate (\ caufe de la viftefle de fon vol ) n’a pas le corps plus crros qu’vne poule : mais il a l'eftomach extrêmement charnu. Toutes les plumes des malles font noires comme celles du Corbeau : il a le col moyenncmentlong,la teftepetite, deux gros yeux noirs , &c la veuë autanc ou plus perçante que celle de l’Aigle : il ale bec alfez gros, tout noir, long de fix àfept pouces, tout droit ; mais le delfus elt recourbé par l’excremi- té,en forme de crochet: il a les pattes fort courtes, deux arif. fes comme celles d’un vautour , mais toutes noires : fes aîdcs font fi prodigieufement grandes, que de l’extrcmité de l’vne à l’autre , il y a quelquefois fept à huit pieds : &: ce n'efl: pas fans fujet-puifque fes ailles luy font abfolumcnc neceflai- les , s écartant quelquefois des terres de plus de trois cens lieues. Il a beaucoup de peine à fe lever de delfus les bran- ches; mais quand il a vue fois pris fon vol, on luy void fendre l’air d’un vol paifible, tenant les aides eftenduës fans prefquc les remuer , ny fe fatiguer aucunement. Si quelquefois la pefanteur de la pluye , ou rimpetuofité des vents l’importu- ne, pour lors il brave les nues, fe guindé dans la moyenne re- gion de l’air , & fe dérobe à la veuë des hommes. Mais quel- que haut qu il puilfe cllrc , il ne laide pas de reconnoidrc fort clairement Jes lieux où les Dorades donnent la chadfe aux poidons volans : & alors il fe précipité du haut de l’air comme un foudre , non toutefois jufqu’au raz de l'eau;car il feroit bien en peine pour s’en relever, mais quand il eneft à dix ou douze toifes , il fait une grande caracole,^: fe baide somme infenfiblemcnt, jufqu’à venir rafer la mer, au lieu oCv L1 iij -4 * 2 Bifioire Naturelle la chaffe Te donne , & en paffantil prend le petit poiffon aa vol dedans l’eau , du bec & des griffes, & fouvent de cous les deux enfemble. , Le malle porte une grande crefte-rouge comme celle du coq , non pas fur la celle, mais fous la gotge. Cette creftè ne paroill pourtant qua ceux qui font bien vieils. Les femelles n en ont point , mais elles ont les plumes plus blanches, par- ticulièrement fous le ventre. , Or cour, ainfi que dans l’Europe , les Hérons ont deshero- nieres , qui font certains petits cantons de bois qui leur fer. vent comme de lieu de refuge où ils s’affemblent , fe repo- lent fe con fervent, U multiplient leur efpeceyde mefme ces oyfe’aux ont eu fort long-temps une petite 111e danslepetic cul-de»fac de la Guadeloupe, quileur fervent comme de do- micile , ou piulloft d’une fregatiere , où toutes les frégates des environs venoient fe repofer la nuiét & y faire leur nid dans lafaifon. Cette petite Ifle a elle nommée l'Jjlette aux Freratcs, .& en porte encore le nom , quoy quelles ay en t chancre deliemcar es années mil fix cens quarante- trois & mil h x cens quarante-quatre, plusieurs perfonnes leur firent une fi rude chaffe, qu’elles furent contraintes d’abandonner cetre 111e : & moy-mefme pouffé par les avantageux récits qu’on me faifoit de l’huile qu’on tire de ces oy féaux , ie leur fus donner la derniere chaffe , ôcàl’ayde de trois ou quatre perfonnes , j’en pris plus de cent en moins de deux heures. Nous furprenions les grandes fur les branches , ou dans leur nid -, comme elles ont beaucoup de peine à prendre leur vol ’ nous avions le temps de leur fangler des coups de bâ- ton/ (que nous avionsffongs comme des piques ) au travers des ailles , & elles demeuroient tout coure à demy.eftour- dies II n’y en eut pas une de toutes celles qui prirent le vol, oui n’eut mal au cœur en partant,^ qui ne nous vomit deux ou trois poiffons grands comme desharans à demy cuits. le crois que c’eftoic pour fe décharger , afin de voler avec plus de facilité. . _ r L huile oulagraiffe de ces animaux cil un iouverain Des Antilles habitées par les François . 27s mïde pour la goûte fyatique , &: pour toutes les autres pro- venantes de caufes froides. On en fait cas dans toutes les Indes comme d’vn médicament précieux. Du grand Go fier. §. I I I. C E grand Gofîcr ( que quelques- vns appellent Pélican d’eaujeft vn oyfeau, qui quant aux pattes, au corps, à la queüe , & aux aides, eft tout fem'olable à vn oye, la couleur de fes plumes eft d’vn gris cendré:il a la tefte deux fois grof- fe comme celle d’vne oye, mais voûtée &: couverte d’vn plu- mage blanc & raz , qui le fait paroiftre de loin comme pelé &: chauve. Il a les deux coftez de la tefte plats,dans lefqueîs font enfoncez deux petits yeux , qui au lieu de luy fervir d’ornement , le font paroiftre plus laid. Son bec eft long . d vn bon pied de Roy , plus ,• large de deux pouces, tout gris , &: rayé depuis un bout jufqu’à l’autre. Le delfous du beceft compofe de deux petits oftelcts, pliables , lelquels citant bien joints par le bout , font pourtant feparez jufqu’à la tefte, aux deux coftez de laquelle ils s'emboîtent comme les mantibules. La peau du delfous de fon col ( qui eft fort épailfe, fans plume, toute grize, fouple ôc plus extenfîble que du chamois, &: douce comme du fatin) fe vient loin dre à ccs deux petits olfelets , en forte que le delfous de ce bec ferc comme de cercle pour ouvrir 5c fermer la gueiiie de fon fac,de fa gibecière, ou de fon grand gofter. Qu'on le nomme comme on voudra, ie puis alïcurer fans hyperbole, qu’il tien- dra plus de poilfons,que fix hommes bien affamez n’en fçau- roient manger en un bon repas. A peine le jour leur a-t-il fait ouvrir les yeux , qu’ils fe mettent en campagne, volans à raz de l'eau tout le long de Z7 2 H ï ftoire Naturelle la colle , jufqu’à ce qu’ils ayent trouve vn lieu où H y ayî quantité de poiffons. L’ayant rencontre , ils fe lèvent une pique ou deux dedans l’air ,.fiç chacun d eux choifi liant fa orove , tout à coup ils l'errent les ailles, roidillent le col,dret- fent le bec > Se fe laiffent tomber la telle devant, comme s us eftoient morts , & cela fi à propos, que rarement manquent- ils leur prove , laquelle ils engloutilfent toute vive dans ce gouffre de go lier. Celafait, ils fe relèvent quoy qu avec beaucoup de peine , & tour incontinent fe laiffent retomber pour en faire de mefene , continuant ce petit jeu , julqu a ce qu’ils ayent gagné de quoy emplir leur fac , tant qu il en re- g ° Quand ilsiont bien faoülsj ils fe retirent à l’écart, ôcfe voiupofer fur quelque pointe de rocher qui paroift au del- fus de l’eau , U fe tiennent là jufques au foir , comme tous miles les veux fichez dansia mer (ans branler, non plus que s’ils eftoient de marbre. Le foir venu ils retournent a la Chaffe comme le matin, & ayant bien faupe iis fe retirent dans certaines, petites ifleces qui leur fervent de retraite, co- rne nous avons dit cy-dcvant des fiâtes.; quoy qu ils ayent les o -eds plats & marins comme les oyes , ils ne laiffcntpas^ de fe brancher &C nicher fur les arbres. Ils ont le c «« r ^- tre fois aulfi gros que celuy d’vn oye ; leur chaii cft baveu f e &fentli fort lc marefcagc , qu’il fe faut faire violence Dour en manger ; leurs os font blancs , lui fans, &prelque tranfparens , tous creux , 8c fans moelles, les Sauvages en font des .fiflets qu’ils cftiment. le crois que leut graiffe cft aulfi bonne que celle des frégates, fi on en vouloir y 1er On Te fert de leur peau pour faire des fourrures, comme de celle du pUmarn ^ Raymon( j Breton afleure dansfon Diéhonaire, ou’il a veu un de ces oifeaux,que lcsSauvages avoiet prispe- tic fie qu’ils l’avoient drclfé à lapefehe l laquelle apres avoir cfté ,1m , c’eft à dire rougy.commc les Sauvages ij ^ tous les m«ins, te revenoit tous es fous aa C* bet e . fier tour plein de paillon, que les Sauvages luy fiufo.ent ( Des Antilles habitées par les François. 2 7} rendre comme l’on fait aux Cormorans en France. II y eut en l’année 1 6routes les plumes de fes aifles font prefque de mefme couleur : fa chair,eftaufli bonne que celle des autres Hérons, mais il n eft s pas.fi commun.,.- Des Marnes, . JJÏin'cft pas neceCatre dc faire icy vne longue defcriptioa i jjjd.es Mauves, daûtantqu’clles font fuffifamment connues tout le long des codes de France, le me contenteray feule- ment de dire, qu’il y a quantité de petites i (le tes qui en font fi- remplies’-, que tous les Sauvages en paflant en chargent leurs pirogues , qui tiennent bien fouvent autant qu une bonne chaloupe. Mais’ c'eftvne chofc plaifa-nte de les voir accommoder par ces Sauvages; car ils les jettent cous entiers dans le feu fans les vtiider ny plumer ,& la plume venant afe brufler, il fe fait une croûte tout autour de 1 oife*u,dans laquelle il fe cuit. Quandiis le veulent manger , ils lèvent - cette croûte, puis ouvrant 1 oifeau par la moitié, ils en tuent toute la farce , ç’cft à dire , tripes boudins, Sù tout ce qu il y a dedans, Cependant; foiféau n en a pas plus mauvais crouft : ie ne fçay ce qu’ils foïit pour les garder de la corru» Des Antilles habitées par les François. 27$ rption i car ic leur en ay veu manger qui eftoient cuits huic jours auparavantree qui eft d’autant plus furpren an c, qu’il n« faut que douze heures, pour faire corrompre la plufparcdcs viandes du pays. 1 De deux fortes de Fous. §. V I. L ’Gyfeau qu’on appelle Fou dans nos Ides , eft vn oi- feau de mer, qui a prefque la Forme d’vn grand corbeauj il en a mefme le bec, & non pas pointu comme les Bécafles ainfi que l’écrit le fieur de Rochcfort , il a tout le defl’us du dos gris brun, .le ventre blanc, & les pieds comme les Can- nes. Il vit de poiffon,&:luy donne la chaffe avec les Frégates, & 1 esfétuencul. Sa chair fentlemarcfcage , &: n’eft auércs bonne à manger : on l’appelle fou, parce que s'il voit vn na- vire , foit en pleine mer , foit proche de terre , il fe vient per- cher fur les mafts,&: quelquefois fi l’on avance la main ilfe vient mettre defiùs , &: fc laifie prendre. Dans mon dernier voyage aux Iflcs , il y en eut vn qui pafla tant de fois par défi. fusma telle, que ici’cnfilay d’vn coup de demy-pique. Il s’en trouve encore d'vnc autre forte, tous femblablesk' ceux- cy en leur forme , mais qui font un peu plus gros, &: blancs comme des cignes ; ceux-cy fevoyent le long des terres , & bien qu’ils volent autour des navires , ils ne font pourtant pas fi fous que de fe venir percher fur les malts. */ 6 H ifio ire Naturelle Du Fétu en cul > ou l oijeau du trogico fi, Y ï I ÏV L ’Oyfeau que les matelots appellent communcment/ qui dure trois ou quatre jours , &c il n’en faut qu’vne feule pour rendre le vifaged’un homme tout contrefait. I’ay trouvé dans l’Ifle de la Grenade des ruches de Guefpes, d’une lbuûure bien particulier^ : car elles pen- doient aux branches des arbres comme des fruits , clics eftoient plus groflfes que la telle d’un homijne, de la figure d’une poire grife , dontlc gros bout pendoit en bas , toute l’écorce eftoit faite de cette cire , donc les guefpes font leur petite gaufre , &: le dedans eftoitdivifé par ellages de trois gauffres rondes femblabies à celles de nos Abeilles : j’en voulus prëdre une ou il y auoit des mouches, croyant qu'el- les n’avoienc point d’éguillon corne les abeilles de la Gua- deloupe&de laMartinique mais j’en fus fi vivement piqué, queie fus contraint de la quitter & d’en prendre une flèche, que ie voulois apporter en France mais celaeiloic fi fragi- le, qu’elle fut en piece avant queie fus arrivé à la Martini- que. Le remede le plus prompt & le plus en main , efl: d’ap- pliquer l’allumelle d’un coulteau toute froide fur la piqueu- re. Mais l’herbe aux fléchés eft le plus excellent remede de* tous ; car fa racine pilée & appliquée fur le mal , attire le ve- nin, fait celfer la douleur, ôi olle l’enflure en mefme temps. Pendant les grandes pluyes , la plulpart fe retirent dans la terre, & dans des creux d’arbres, où elles demeurent cachées deux ou trois mois, auffibicn que les Arondelles durand’hy- ver dans l'Europe. i 2$6 H/jloire Naturelle Des A/far ingo ins $ des AAoujliques* §. ¥, S I nous joignons aux incommoditez que caufenc les GueC. pes dans l’iüe de la Guadeloupe , celles que caufenc les Marinp-oins &£ les Moultiques , ( fans rien dire des chiques, qui fonc les plus petits animaux, & ceux qui affligent davan- tage les hommes ) nous avons juif e fujet de croire que Dieu feferc des chofes les plus petites & les plus infirmes du mon^ de, pour faire admirer (à puiflance , &c confondre la fuperbe des hommes. Les Maringoins , que quelques-uns appellent en France, ■Confins > font à proprement parler de petits yurognes defang humain, ÔC de petics larrons de la patience des hommes; les- quels s’engendrenc dans des eaux croupies. Au commence- ment , ce n’eft qu’un petic vcrmiffcau, guère plus gros qu’un cheveu , long comme un grain de bled : les ailles leurs vien- nent ie nefçay comment , puis ils s’envolent en fi grande quantité , qu’en plufieurs endroits l’air en eft tout obfcur, &: principalement au matin deux heures avant le jour , Sau- tant apres le Soleil couché. Si-toft qu'on eft arrefté 9 ces petitsj:yrans viennent bour- donner autour des oreilles avec tant d’importunité, quil n’y a point de patience qui n’échappe:&: fi toft qu’on penfe fom- meiller , ils fe rüent fur toutes les parties du corps qui font découvertes, & chacû d’eux ajufte fon peticbecfquine pou- vât eltre prefque veu des plus clair- voy ans, fêtait néanmoins cruellement fentir ) dans un des pores de la peau, &c fi-toft qu'ils ont rencontré la veine , vous les voyez ferrer les ailles, roidir les jarets , Sc fuccer le fang le plus pur , comme un en- faut qui tire Je laiét du fein de fa nourrifte; que fi on les laiffls T)es Antilles habitées parles François. 2 g? faire, ils en cirent :tant, qu’à peine peuvent ils voler. Lesen. droits de l’ïfle où il y a moins de Crables , fonc ceux où il y a moins de Manngoins. ^3 uva g es ^ oni: du feu fous leurs lits, afin que la fumée les chafle. Quelques François qui onr des habitations dans des tonds, & proche des lizieres des bois, fonc aulTi quelque- fois contraints de fe fervir de ce remede , & mefme d’enfu- mer les Cafés de tabacjmais en vérité, le remede cft pire que le mai. r ^ De cous les moyens qu’on invente pour fe garantir de cette vermine, ie n’en trouve point de meilleure que défai- re des pavillons de raifeaux de fil de coton, dont les quarrez foicnt fort petits ; car ces petits animaux ayant de grandes ailles , il eltimpofllble qu’ils y pafl’enc : c’eif ce que nous ont. apiisles Sauvages du Brefil , qui fe fervent de ces pavillons qu ils pendent au deifus de leurs lits. fl y a encore une autre efpece de mouche, que les habitans appellent MouJHques ; ces mouches ne font pas plus grolfes que de petites pointes d’épingle , mais piquent plus vive*, ment que les Manngoins, & laiifent vne marque fur la peau, comme unetache depourpre. Celles-cy ne fe rencontrent que le long des rives de la mer, qui font àl’abry des vcnts,où iln’eft pas podible de fe tenir arrefté au matin & au foir , fans en eftre extrêmement tourmenté. De quelques autres efpeces de Mouches qui ne fe v oy en t point dans l'Europe, & des Mou- ches communes v r* I L y a encore dans ces Ifies deux autres fortes de mouche-:, qui ne fè rencontrent point dans V Europe , donclespre- g Hijiorre Naturelle mieres Ton tlargcs d’un bon pouce , & longues d’un pouce & demv "elles font places & affez femblables aux écargos : cel- les- C V ont les dents fi dures , quelles rongent U percent juf- qu’au cœur, les bois les plus durs, pour y faire leur nid. Les autres font certains mouchcrôs,qui ne font que bour- donner le long de la terre , lors qu immédiatement apres la nluve le Soleil viental’échanfet un peuardémenc. Ce qu’il va de p’us remarquable en cellcs-cy,eftla%on de faire leur nul • car pour cét effet, elles vont couper de petites feuilles d’arbres quelles arondiffent avec leurs dents ; en forte que de deux füeilles elles en forment un petit panier, dans lequel elles en ajuftentun autre d’une égale grandeur ; de manière toutefois qu’il ne va pas jufqu au fond : & dans ce qu’il y de- meure d’efpace, ie ne fçay fi elles y pondent un œuf; mais n s’y entendre une mouche,^ ainfifucccflivemcntjuïqu a dix ou douze ; l’on trouve ordinairement ces petits nids dans des armoires , où il y a quelque ouverture par où elles peu- vent paffer. . . . , Il y en a encore une autre forte , longue comme la moitié du dokt qui en fait tout autant. le fçay par expérience cer- taine que L’une & l’autre ont un tres-dangereux aiguillon. Pour ce qui regarde les mouches communes, on a cite long- temps dans ces l'flcs fans en eftre beaucoup tourmenterais depuis que l’on a commencé à faire du -lucre, & a couvrir les cafés des füeilles de cannes , &c que les cuilmes font deve- nues plus oraltes qu’elles nettoient au commencement : on en eft incomparablement plus tourmenté, que danslatrance au coeur de 1 Elfe* , r „ r ' j 1 es habitansqui ont des chambres clofes & feparees du commun devroient faire de ces petits radeaux , & les atta- cher à leur feneftre,pas un n’y pourroit jamais encrer. TRAITE* •y. Des Antilles habitées far les François. 2 89 Wÿî Mÿî DES ANIMAVX DE LA TERRE. habitées. Les Efpagnols n'y en mirent aucuns , comme ils ont fait dans les autres Iücs , dautantquecelles-cy eftant toutes couvertes de bois, le bétail n’y auroit pu fubfifterfans herbage. Monfieur Aubert fécond Gouverneur, a commen- cé le premier pré dans la Guadeloupe, &y a fait apporter les premiers chevaux , &c Monfieur Hoiicl depuis quelques an- néesapres fon arrivée,y fit rouler les chariots , &: labourer la] terre avec les bœufs. Bien qu’il y eût d efia quelques chevaux dans faint Chri- flophe à l’arrivée de-Monfieur de Poincyjcctte I fie pourtant Des Animaux CHAPITRE I §. ï. O v t ce que nous avons de moutons , de chè- vres, de chevaux, de bœufs, &d’afnes, tant dans la Guadeloupe, que dans toutes les autres Ifles habitées parles Françoisjacfté aporté par ceux qui y demeurent , depuis quelles ont efté n’en a efté parfaitemet peuplée, qu’çn fuite du cômerce qu’il Oo 2ço HÏJloirâ Naturettè eftabîic avecl’Iflede habitée par lesHolandoisrcar* le Gouverneur ayant apris que l’on faifoit à laine Chnfto- phe unegrandc quantité de cette forte de pois , que nous- appelions Haricots , chargea un navire de chevaux &c d’au- tre bétail , & envoya par le mefme navire deux députez à Monfieurde Poincy,pour le prier défaire le plus depuis, de caffave qu’il pourroit , & luy promettre en échange au- tant de cavalles , chevaux , vaches , taureaux , &: moutons, qu’il voudroit. On leur en fournit tant dés cette première fois , au il s iailfcrent coude bétail qu’ils avoient amené dans » leur navire , demeurèrent encore redevables de douze chevaux. le ne fçay fi -ce cômerce a duré long-temps,mais ie fçay bien que non feulement faint Chriftophe, mais encore routes les autres Ides, font autant peuplées de toute forte de bétail que la France , &C qu’il y multiplie bien davantage, par ce que les- femelles portent plus fouvenc , & bien moins de temps que ' ceux de France. Quelques gras, beaux, &: pocelez pourtant que puiffent eftreles chevaux , comme ils ne vivent que de verdure, de ' 'acines de manioc , & de patates, ils foncflafques, &; n’ont jamais tant de vigueur que les chevaux de l’Europe , qui vi- vent de bonne avoine. Ce n'eid pourtant pas une règle fi ge- nerale , qu’il n’y ait de l’exception >• car jen ay veu quelques- uns qui avoient foin de leur donner tous les jours deux or- dinaires de mil , & ceux-là fe portoient parfaitement bien, t &étoient aufii vigoureux que nos chevaux del’Europeunais ils font fort fujets à la jpouflé,& aux autres maladies des che- vaux de France. des Antilles habitées par les François. Des Porcs qui fe rencontrent dans toutes ces IJlesl Agréable defeription de là chajfe de ces animaux. I ï. N Ous devons aux foins des Efpagnols coûte l'utilité que nous retirons au-ourd’huy , non feulement des belles de labour :mais encore des porcs defquels ils ont rem- ply touces les Indes:Et ie ne m’eftone nullement, fi cette na- tion a aufli heureufemenc reiilli dans l’eftabliffcment de Ces Colonies dans T Amérique , que dans le gouvernement de ces peuples barbares , defquels un feul Efpagnol régit un pays allez grand 5c allez peuplé , pour faire une Province: car il faut avoüer ingenuëment qu’ils font autant recom- mandables , dans la prévoyance & le foin qu’ils ont eu de remplir chacune de ces Ifles , félon la capacité des animaux qu’elles pouvoient nourrir , que nous fommes blafmables dans ledégafl: que nous en faifons tous les jours , qui cft tel qu’en quinze ou feize années , une petite poignée de François dans la Guadeloupe, adeftruit Ce qui a fer vy aux Efpagnois , prefque l’efpace de deux liecles , pourrafraif- chirtous les ans une tres-puilfante armée, fans qu’il y ait pa- ru aucune diminution jufqu’à nôtre arrivée. Nos Chafleurs, qui au commencement fans s’éloigner des habitations, mettoienten une matinée des trente &c quaran- te porcs par terre , font maintenant contrains de faire des ays,beuvant de T eau , & couchant fous des arbres, expofezà toutes les O o ij zçz Hïftoire Naturelle injures du temps, & qui pis eft, a la mercy des Maringoins & des Mouftiques , qui leur tirent le meilleur fan g du corps, & ne leur donnent pas un feul morn'et de reposée forte qu’ils font contrains de pafler la plus grande partie de la nuid , à l’entour d’un grand feu , affis fur leurs derrieres comme des fino-esde bout de petunà la bouche, fumant comme des dra- gons,) u ( qu ace que 1 a fatigu e les accable, que 1 e fb m me il les^ rlinrmp &r rende leurs corps infenfibles aux piqueures de' ces Maringoins &des Mouftiques. Quand iis font arrivez- au rendez-vous , ils compofent promptement un petit Ajouta de feuilles de Latanier ou de Salifier , qui leur fert feulement pour eftuyer les plus fortes ondées de pluyes, & pour mettre à couvert leurs victuailles, Sl leur s-lits.. Cela fait, dés la pointe du jour , ils donnent la huée à cinq ou fix gros dogues ou maftins qu’ils ont avec eux, & fe mettent en campagne ,1e plus fou vent à jeun , veftus feulement d’un petit callcçon de mille , qui leur ferre les felTes , & ne lesempcche nullement de courir. Vn d’eux tiendra un vtand coufteau dans fa main , un autre un coute- las, un autre une lance qui eft comme une dc-my-pi que, mais quia le fer-large c5me la main, ô£ un autre aura un moiifque- ton ou un piftolet. En cet équipage, ils fui vent les chiens qui vont queftant & éventantla venaifon, brodant à travers des haliiers , grimpant des montagnes & des rochers > qui font peur à lès voir , franchiftant mille précipices’, ou il y a au moindre de quoy fe rompre le coh Pour 1 ordinaire, ils font contrains de cheminer par des pays per dus, où ils enfoncent dans la boue to dans la fange , bien foaventjufqu a-la cein- ture - Apres tou tes- cés peines , s’ils rencontrent une bande de porcs, iine faut pas dire que ce foie une chaflermais bien une guerre confufe, d’hommes, de chiens , & de porcs : les hom- mes crient, les chiens aboyenc, les porcs grongnent, comme fi., toutes les furies d’enfer les tenoient aux feffes : les chiens mordent comme loups enragez , les porcs fe dsffendent , &S quelquefois d’un coup de hure , font bondir les chiens de la hauteur d’un homme „ & leur mettent les trippes au S oleil. Des Antilles habité es par les François .. 293 Les ChalTeurs fecourent leurs chiens , 5c c’eft à qui lancera' plus hardiment entre le col 5c l’épaule , celuy qui fait plus de rcfiflance. Les autres égorgent ceux que les chiens onc défia terralfez : mais pendant cette confufion, garde la dent; car ces animaux ont de fi furieufesdeffenfes , que quelque- fois d’un coup de dent , ils vous découfcnt plus depeau r qwe le meilleur Chirurgien du pays n’en fçauroit guérir en trois' mois. Enfin , cemaffacre achevé fans que nos ChalTeurs ayent pardonné aux truyes pleines , non plus qu’aux marcaffins ( & ce fl ce qui fait le dégalt 5c dellruit entièrement la chaf- fe) ils font promptement le devoir aux chiens, leur donnant toutes les freflures , lefquelles au commencement on laifloic- perdre, aufli bien que la telle 5c les pieds, & on donnoit de la meilleure viande aux chiens 5c mefme )’en ay veu qui fai- foient fcrupule de leur en donner de crue. Mais ce teps-là ell- bien palîe; car iefçay certainement que ceux qui en ont fait plus de dégaft-,font a prefent contrains d’aller chercher pour eux avec beaucoup de travail, ce dont autrefois ils nom pas- voulu repaillre leurs chiens* La Chafle achevée chacun fcjchargedc'fa belle : &file nombre des porcs tüez excede celuy des hommes , ils en ef- cor client- deux ou trois-, 5c font des Tacs de leurs peaux; puis feparant la chair d’avec les os , ils compofent autant de far- deaux qu’ils font de perfonnes ; d’autres vüident le ventre du porc, luy coupent les pieds 5c la telle, & lu y font un trou par le milieu de l’échigne, où ils paffent la telle, en forte que la- moitié du porc pend pardevant, & l’autre par derrière : 5c ai n fi charge z comme des afnes qui vont au moulin , ils pren- nent le chemin- du rendez-vous , duquel allez louvent ils font éloignez de deux , crois & quatre grandes lieues. De- vous dire icy la peine qu'ils endurent en ce retour, c’clt cho- fe qui fe peut mieux concevoir que décrire le lesay vciv quelquefois deteller leur vie, maudire la chafife, & procéder avec des jurcmens exccrables , qu ils n'y retourneroient ja<— mais. Si toll qu’ils font arrivez , ils jettent la charge par dé- pit contre teire, &clacouvrentdeplus de mal edi él ions, qu’il O o iij Hîfloire Naturelle !n \a de: poil ïur'la peau qui l’environne : ce ne font que plaintes que murmures ô£ que nettes >. -auxquelles a moins que de vouloir eftre gourmé , il ne faut point de répliqué. Cependant ceux qui onc gardé le boucan , qui fçavent suffi bien la maladie de leurs compagnons , que le remede qu il y faut apporter, fans dire unfeul mo^augmentent prompte- xnent le feu, mettent la marmite haut, &,fi La chatte eft bon- ne, ils vous jettent un porc en deux pièces fur Je boucan, qui eft compofé de quatre petites fourches de la hauteur de deux pieds,plantées aux quatre coins du feu,fur lelquelles ils ajus- tent des battons en forme de gril. A peine la viande a t elle fenty I5 feu, que cous mes com- pagnons ( aufquelslc Proverbe, affamez comme des Cha - leurs, convient mieux qu’à qui que ce foie ) tirent des egut - Jettes chacun de foncofté , & remüent les mafchoitej de fi bonne grâce , qu il n'y a point de degoufte qui n eut de 1 ap petit aies voit faite. Le caquet leut revient avec le gouft de la viande, & à proportion que le ventres emput, le louveme de leurs maux s’évanouit U fe perd. Ils difent merveilles de la eenerofité de leurs chiens ; chacun eftaile fes proueffes., raconte fes avantutes , & vante l'adrette qu’li a eu a efquiver un coup de dent, it à lancer le cochon : enfin, ilss échauf- fent fi bien par ces difeours, que comme fi leuis maux partez n'avoientefté que des Congés & députés imaginations, a les entendre ilfemble qu’il n’y ayt point de mal-heureux que ceux qui font privez de leur mal-heureux bon-heur : font de nouveaux projets d’y retourner dés le I ' nde ”"”>““^ e dans des lieux plus éloignez & plus utfficiles : llsn ^ q uen t null ement,8z continuent ce pénible exercice, pluftoft qu’une charte agréable 6 C divetuflame , jufqu a ce qu ils avenf la charge de leurs Canots , ce qui leur peut valoir, quand lachaffe cil bonne, à chacun un baril de viande , ou deux pour le plus, .< i „ Ayant leur charge complette.ilss en reviennent vent der- rière, chantant, U aurti joyeux que s’ils avoient fait une ncu- reufe fortune : mais comme louvent le naufrage fe rencon- tre dans le port, il ne faut qu’une lame a l'emboucheute d u- T)?s Antilles habitées par les François . 2py De rivière, lefq-uelles toutes font de très- difficile & dange- reufe entree;ou un mouton en palfant une pointe, pour ren - verfci toute la boutique , & ainfi convertir la joye de nos pauvres Chafléursen duëil , &; les priver d’un bien acquis avec de h pénibles travaux. ^ le reviens a mon fujec, duquel ie me fuis un peu trop écar- te en lui vanc nos Chaffeurs. le dis donc que les Efpacmols ayans reconnu que la Guadeloupe leureftoitla plus com- mode déroutes les Ifles Cannibales ^ pourle rafraifchifl'c- ment de leur armee,tant a raifon des belles eaux, des torrens & des rivières , defquelles elle eft avantageufement pour- veuë , qu’à caufe de la grande abondance de fruids qui s’y trou voient en plus grande quantité , que, dans toutes les autres iflcüils y jetteront en palTantgrand nombre de porcs afin que par fucccilion de temps ils femulcipliadfent, en for- te que pendant trois ou quatre jours que les femmes eftoienc occupées a bhnehir le linge de l’armée , les foldats pu fient chafler pour rafraifchir toute la dote, fatiguée par un fi Ion cr trajet de mer. & le ne fçay où ils ont pris les porcs , qu’ils on t mis dans tou. tes ces Ifles ; car iis font tous differens de ceux que nous a- vonsen France. Ils font plus courts d’un bon tiers, ont la hu- re plus grofle, & font armez de deux horribles dents bou- clées comme des cornes de beliers. Ils font noirs comme les langliers & ont la peau, principalement les vieux malles epaifle d un bon pouce. La chair à meilleur gouft que celle 5 des porcs de noftre France. ! On nous en apporte quelquefois de l’Ifle de Tabac & des autres ifles voihnes , d’une autre forte, qui a une chofc bien remarquable , c’efl un évent , ou un certain trou lur les reins , dans lequel on pourroit aifément fourrer le pe- tit doigt , qui pénétre jufqu au creux : ils reluirent par cet endroit , d’où vient qu’ii s ont l’haleine plus forte , &c durent davantage a la courfe,& font plus de peine aux chaf- feurs. Ce n’eft'pas un petitménage, que la nourriture despotes dans les ifles , & le fçay des perfonnes fort riches , qui y ont - 2 p$ Hi poire Naturelle sao-né la meilleure partie de leur bien ; outre que cela ne coûte que la peine d’un N égre , qui leur donne tous les jours une briffée ou deux de bois de patates dans leurs parcs, qui font des Clos quarrez faits d’arbres couchez les uns fur des autres, Se il n’y aguéres d’habitation bienreglée,oùiln’y ayt ■un bon parc à Cochon. l’ Acouty., §. III. L s Acouty , que quelques-uns ont voulu affez mal à pro- pos faire palier pour le Lapin des Indes,eft un petit ani- mal, qui tient du lievre & du cochon tout enfemble ; car il a le corps , l’agilité & les dents d’un lievre , mais il a latefte approchante de celle d'un rat,& les oreilles courtes & aron- clies : fon corps eft couvert d’un poil roux cuifant Sc rude, comme celuy d’un cochon de trois mois , il a la queüe pelee plus courte que celle d'un lievre ; fes jambes de derrière font auffi destituées de poil,&ont|fîx orteils onglez, bien que celles de devant,n’en ayent que quatre, lorsqu’il eft priué,on le dreffe à marcher fur fes deux pâtes de derrière , U à pren- dre de celles de devant la viande qu’on luy prefente, qu'il mange comme les ftnges , ÔC avec plus d’avidité que les La- pins ne mangentles chous. Ce petit animaUepaire dans des arbres creux , & fe nour- rit de racines d’arbres , d’où vient que rarement il s’en ren- contre de fort gras* nommément entre ceux qui fe prennent loin des habitations : car ceux qui en font plus proches fe nourriffant de frui&% de manioc &: de patates, font plus gras &: de meilleur gouft : mais les uns les autres fentent fi fort lavenaifon, & ont la chair fi dure, que plufieurs les mépri- fent. 11 fe fafche&: gronde contre £eux qui luy font du tort, & fp Des Antilles habitées par les François. 2 py fe défend contr’cux.Il me fou vient qu’un jour nous en troû- vafrnes un dans noftrc Chapelle , qui ne s’épouvanta pas de nous; mais noître Supérieur l’ayant voulu prendre par deux fois 3 il commença à gronder &: à heritier le poil, & fe jetta à fa jambe, dont il emporta la picce; nous lcfaififmes pour- tant, mais il fe prit à crier, à fifler, & à fe débatte fi rudement qu’il nous cchapa. La femelle porte deux ou trois fois l’année. Quand elle elL prelte démettre bas, j’ay remarqué qu’elle fait un petit liét d’herbe, ou de mouffe fous un büilTon,-& y fait fes petits, qui n’excedcnt jamais le nombre de deux. Là , clic lesallai&e deux ou trois jours, puis elle les tranfporte, comme les citâ- tes font leurs petits , dans certains creux d’arbres où elle les nourrit, jufqu’à ce qu’ils fuient en ellat de fc pourvoir d’eux- mefmcs. Au commencement que l’Ille de la Guadeloupe fuit habitée , les habitans ne vivoient prefque d’autre chofe;& ils ont prefque tous de petits chiens drellez à. cette challc qui les éventent , & les pourfuivent jufques dans le creux des arbres, où les chaffcurs les enfument corne des re- nards dans leurs terriers. La plufpart des chiens qui fervent à cette chafife , perdent la veuë en peu de temps , ie crois que cela vient des Lianes brufiantes, &: des petites branches qui leur cinglentlcs yeuxen courant, Les Sauvages le fervent des dents de cét animal dans leurs ceremonies , pour s’égratigner &: faire faigner par toutes les parties de leurs corps; comme ic diray ailleurs. P Lufieurs habitans nourriflent dans toutes les lll.es où j’ay efté,aufli bien que dans la Guadeloupe, grand nom- $. I v. 2çi H i fl o Ire , 'Naturelle brc de Lapins , lefquels ont efié apportez de l’Europe. IÎ 5 - font de petites garennes , avec des pieux qu’ils enfoncent dans la terre deux ou trois pieds , où ils rencontrent infailli- blement le tuf, quieft prefque aufli dur que du roc, furie- quel les pâtes des Lapins n’ont point deprife. Ils peuplent aufli abondamment qu’en France mais les rats fe niellent parmy eux , &: mangent les petits , &: bien fouvent eftran- glent les grands ; d’où vient que lion n'en a un grand foin r toutes ces garennes dépcrilfentpetità petit. L’on en lafeha quelques-uns du temps que Monfieur de l’Olive eftpit Gouverneur delà Guadeloupe , &: demeuroit au Fortroÿal, ils avoient fi bien peuplé autour des grands jardins de ce Fort , que les Chalfeurs y alloient prefque tousles jours , ne revenoient prefque jamais fans en rap- porter. Du Tatou ou j^rmadille I En’avois jamais ny veu ny mangé de Tatoü, avant le der- nier voyage que ie fis aux IfLes en 1656. le fus dans la Gre- nade au temps qu'ils commcnçoicnt à paroiftre,.& on eut de. la peine à en trouver pour m’en faire voir & manger ,• l’on m’en apporta pourtant deux ou trois , que /eus le temps de eontepler , & d’en éplucher à îoifir toutes les particularités; Cette Me , cil la feule de toutes les Mes habitées parles François , où ce petit animal puilTevivrc, &: plu- fieurs perfonnes ont fait tout ce qu’ils ont pu pour en appor- ter de vivans à laMartinique,fans y avoir pu reiiflirrcar fi tôt qu’ils viennent devant l’Uîcde S. Vincent, les forces leurs manquent , &: la plufpart meurent avant qu’on l’aye paf- fcc ; &:fi les plus forts vont jufques a l’Idc de la Martinique^ ils expirent. en les décendaru àaerre.- Des Antilles habhc\ es par les François. 2ç p TeTatoü,dont lefteur de Rochefort nous a donné la figu- re, a cfté ciré de quelque relation du Brefîl , car ce n’eft point celuyde noslfles ; il fe trompe mefme dans les chofes qui font communes à tous les Tatoiis : j’ay fait tirer la figura que te donne fur leTatoü mefme, & parla Ton verra qu’il eft fort different, de corps, de queue, de pâtes 8c de telle , de celuy que céc Autheur nous a donné. II a la telle comme un cochon de lait, mais bié plus pointue que ne dit le lieur de Rochcforr,qui luy d5ne auili un corps •trop gros, à proportion de l’animal, il ne luy donne que trois bandes ou trois cercles qui l’environnent, bien qu’il enaye dix : il luy met cinq ongles à chaque pied , &: il eft certain qu’il n’en a que quatre , outre qu’il n’a point d’argot qui tire en arriéré, comme il luy en métaux pactes de devant > mais tous fes orteils 8c fes ongles font couchez les uns le long des autres ; la queue qu’il luy donne eft aufli trop courte , qu’il doit avoir beaucoup plus longue que (on corps , 8c toute di- vifée par nœuds 8c par cercles d’écaillcs,les épaules 8c les ha- ches (ont couvertes d’une écaille , quidécend jufcjue a la fortie des parcs de dcvant& de derrière, cette écaille eft grife écoute femée de petites taches blanches, larges corne des lé- tilles. Tout le milieu du corps entreccs deux écailles eft en- vironne de dix bandes d écaillés dures, larges d un pouce, & touttraverfé de pointes ou rayons aigus , toutes ces ban- des font jointes l’une àl’autrc., Sc aux deux autres écailles, par un cuir méfié de tendons nerveux , qui luy laid en c 1 e mouvement fort libre , en forte qu il fe plie , fc tourne, 8c fe ■met en boullc, quandil luy plaift,&: il a deux rangs de dents trenchantes dans la gueüle. Toutes les écailles qui le couvrent font d’une fermeté qui tient de l’os Scdu cartil âge, mais elles ncfontpas fi dures, qu'- elles foient à l’épreuve des armes des chaffcurs, comme le dit le ficur de Rochefort : car quand il eft vif, elles ne refiftent point aux moindres dragées -, que l’on luy tire -, peut-eftie qu’il y en a de plus dures ailleurs , mais ce n’elb pas dans nos Iflcs. Cét animal territ comme le Lapin , le demeure pour le P ij 2üo Hijtoire Naturelle moins un tiers de l’année caché , fans qu’il en paroilfe un» feul , bien que dans tout le telle de l’année il foie aulfi com- mun dans la Grenade , comme les Lapins dans nos garen- nes ; & il fauc que pendant tout ce temps , il dorme dans fa tauiere , ou qu’il y vive des frui&s&sdes racines qu’il y a- malle. Sa nourriture eh de patates, de canes de fucre,de fruits qui tombent des arbres, & de poulies poulets quand il les peut attraper. Lors qu’il paroill, nos habitans luy donnent la chalfe avec des petits chiens, qui le p reliant de trop prez, l’obligée de le mettre en boule, c’cll à dire, qu’il retire fes 4. patates, fa telle 5c la queue fous fon ventre, en forte qu il devient rond coin- - me une boule,& fi bien cou vert de fes écailles, que les chiens nejluy peuvent Faire aucun dommage. Il n’y a point de mains aîfez fortes pour ouvrir cecce boulle,& il faut l’appro- cher. du feu pour luy faire montrer fon nez ; fi un homme le * rencontre dans le chemin, il fuit devant luy;5dîi’h5me s’ar- réhe, il fe met àfoüirla terre avec fes pactes , èc bien plus- ville que ne feroic une taupe , & de temps en temps il fe inc- lure, pour voir fi fon trou eh alfez grand pour fe cacher ; &£ lors que l’on voie qu’il y. entre plus qu’à de m y corps , il faut Ira per des mains & courir fur luy, car il fe fourreincontinent dedans, lailfant fa quelle dehors, par laquelle on le prend* fans qu’il fa lie aucune relHlanee. La chair de cét animal ell blanche, grade, tendre, délicate, Sc bien meilleure que celle du cochon de laiél; on en fait rôî tir de tous entiers , on en met dans le potage ; on en fait des' hachis, des patez, en un mot, il fe mange à toute forte de fau- ces, Sc c’ellun des plus friands morceaux des Ides. Ximenés écrit , qucles lames ou bandes qui l’environ- nent étant mifes en poudre fubtile , 5c prifes plufieursfois le pois d’un écu dans une decoétion de fauge, provoquent la fuëur, 5c sot un fouverain remede contre la vérole : 5c que le dernier os qui la joint au corps, mis en poudre & en mahe, avec un peu de vinaigre rofart, guérit comme par miracle la fur dite, en mettatgvos comme la telle d’une épingle de cette Des Antilles habite es par les François. 301 mafFe avec du cocon dans l'oreille, &lc fleur de Rochefort a mal entédu cec autheur,quand il a dit qu’il falloir mettre un petit os de fa queiie dâs l’oreille avec du coton , car céc os effc 2.0. fois plus grand que le trou de l’oreille: quelques-vns luy donnent aufli la vertu du diétame décrété , qui attire les épi- nes ou fers de flèches, desplayes où elles font cachées. Du Manitou de la Grenade. §» V I. S î toft que ie fus arrivé dans i’Ifle de la Grenade, l’on me fit voir un animal que les habitans appellent Manitou, encore d autres noms comme de Carîgueya , de Maritacaca^ &: d'ofpA(fon , félon le langage des pays où il fe rencon- tre. Get animal a quelque chofe durât, du renard , du fînge & du cochon, ccluy que ie vis eftoic un peu plus grand qu’un chat, tout le poil qui le couvroitehoitd’un gris fortbrun,&; il fentoic fi fort le bouquin qu’il faifoit mal au cœur , il a- voit la telle longue comme celle d’un renard , qui tenoit un peu du groüin d un cochon , fa gueüle choit grande, pleine dedents de chat, & mefme deux moulhches commecelles- des chats : il avoir une queüe prefque deux fois aulîi lon- gue que fon corps , moitié velue , moitié pelée comme celle d’un rat; les habitas m’alfeurerent quelle choit h forte,qu’il fe pendoit par le bout aux branches des arbres , &: s’élançoit d’arbre en arbre, avec une lcgercté merveilleufejils me fîréc voir au ffi qu’il avoir le ventre do-uble,& qu’au delfousdufô- dcmët,il y avoit une petite ouverture, qui ne le voyoit qu’en l’étendant avec les doigts , & cela faifoit comme une bour- fe ou double vétre, tout revehu par dcdâsd’un poil fort mol- letjils m’afTeurerétque les petits fe formoientdas cette bour- s’y nourrifToient,fuçanthuitpetits tétons qui font atca- P p; üj 2 02 Hijtoire Naturelle chez au corps de la mire , & qu’ils fortoient fouvent de ce ventre, & y tcntroientfi toft qu’on leurfaifoitpeur , que le mafle en avoit autant que la femelle , 6c ;portoit alternative- ment les petits. Ils Tentent fi mauvais, que les chiens ne les veulent pas ap- procherai on ne les prefle bien fortqls font mechans Sc mot- dent comme des loups, fonda chaiïeaux poulies & aux oy- féaux, quoy qu’ils ne laiffcnt pas de manger des fruits 5c des cannes, quand la proye leur manque. Perfonne n’en mange dans les Ifles , fo ccluyquel on me fit voit fut jette à la voirie , les Negtes mcfmcs n en voulurent pas. Des Piloris ou Rats nmfqueX^ §. V I I. I L fetrouve dans quelques-vnes de ces Ifles grand nom- bre de Piloris ou Rats mufquez ,dc mcfme forme que les Rats de l’Europe : mais d’vnc fi prodigieufe grandeur, que quatre de nos Rats ne pefent pas un Pilons. Ils ont le poil du ventre, blanc, &: le dos noir,&fentcnrfi fort lcmufc,qu 1 s - cm baûmcnt tout l’air voifin des lieux ou ils rcpaircnt. Ils nichent mcfme jufque dans les Cafés , mais ne peuplent pas. tant que les autres rats communs. Les habitans de la Marti- enne les mandent , mais ils font contraints apres les avoir écorchez de fes laifTcr expofez à l'air uncnuift entière , &C mcfme d’en jetter le premier bouillon , pour en ofter la trop errande fentcur du mufe. _ ^Ces Rats font naturels dans l’Ifle de la Martinique, & non cas les autres Rats communs, qui n’y ont paru que depuis quelques années, quelle eft fréquentée des navires. On a crû fort long-temps que les Couleuvres & les Serpens la g l îmriffoient desRatsunais depuis dix-huit ou ao.anslescou- Des Antilles habitées par les François. jo 3 leurres n’ont pas beaucoup diminué, & les Rats y font en au (li grand nombre que dans toutes les autres Ifles. Il eft pourtant vray que les couleuvres leur donnét la chaf- fe , & les mangent comme ie diray ailleurs , mais cela ne les diminue pas : j’ay veu une couleuvre morte qui avoit un Pi- loris,prefque aufli gros qu’un chat dans le corps* Des Rats communs . §. VIII. 1 E puis avec beaucoup de raifon appeller les Rats com- muns que nous avons dans nos Ifles , l’afflliflion commu- ne de tous les habitans du pays : car cette vermine peuple au delà de ce qu’on fe peut imaginer , & a tellement prévalu- depuis cent quatre vingt-ans , que les navires de l’Europe les y ontaporte ,(§£ ie n’avance pas une ptopofltion en l’air, puifque auparavant qu’un grand Galion d'Efpagne fe fut. biifeàja cofte de la Martinique, il nes’y eftoit point veu de Rats comuns) qu’il n’y aà prêtent dans toute l’ Amérique pas un petit coin de terre, voire mefme une petite iflete dans la. mer, ou un petit rocher fterile, dans lequel il ne s’en rencon- tre un grand nombre. Ils reniflent par tout comme des la- pins , te principalement dansles habitations, 1-ei quel les de nuia temblent eftrc des garennes , où les rats fourmillent au lieu de lapins. Le tort qu’ils font dans tout le pays efl gene- ral; car il n’y. a rien que Ion puiffe garantir deladentdecc mal-heureux beftail , puifquemefme ie les ay veu fouvent ronger le cuivre te le fer , pour entrer dans les cofres où on> avoit enfermé du painfll femble qu’ilsfe plaifent plus au dé- gafl & à mal faire, qu’à fe repaiftre. Ils entament les Ananas , les Melons, les Figues , les Ba- nanes, te les autres fruits de la terre, avant qu’ils foientl sncurs. S’ils attaquent une pièce de gros ./Hit, du foir au Ica- . 30 q flifioire Naturelle demain iî n’y aura pas un épy qui n’en foie endommagé. Tay veu de mandes pièces de ris tellement bouleverfécs par les Rats en une feule nuift, qu’on eut dit qu’un Régiment de o-ens de pied èût paffé par deflus. Us entament les Cannes de fucre les unes apres les autres , fi bien qu’une demy dou- zaine de Rats en galle plus qu’il n’en faudrait , p^ur re- paiftre tous les Rats d’une ville. Ils en font de mefme des pois des fèves, du tnanyoç, des patates, & de tous les autres biens de la terre. H n’en faut qu’un feul qui en s aiguifanc les dents ronge lafouche dune plante de petun , ju qu a aoufter de la moelle, pour y faire venir tous les autres, & rui- ner en trois ou quatre nuits , toutes les belles efperan ces te le travail de cinq ou fixmois d un pauvre miferablc. 1 ay vendes habitations entières plantées de petun , toutes mi- nées & arreftees fi bas par ces belles, qu’il n’y avoit que deux ou trois füeilles a chaque plante. , . Ils font fi infolens qu’ils viennent ronger le cal de la plan- te des pieds , à ceux qui dorment trop fort. I en ay elle plu- ficurs fois mordu au bout des doigts en dormant:& bien da- vantage, j’ay affilié un pauvre garçon a la mort dans la Gua- deloupe , auquel ils avoient ronge les pieds plus de deux heures avant fon trépas. . l'ay quelquefois pris plaitir de les voir au clair de la Lu- ne defeendre les uns apres les autres, le long d une petite ve r«re de fer,où il y avoir une lampe pendue, pour venir boi- re l'huile quielloit dedans l’un de nos freres les ayant ap- peteeus . ayant pendu fon l.aprochc de cette verge lors qu’ils étoienteftendus & alongez pourboiredanslalape.il les prenoit à pleine main pat le milieu du corps, & les taifoic crever.il en tua de cette façon 8. ou dix à moins d une heure. Au comcnccment que laGuadcloupe fut habitée, de vingt chats, il ne s’en rencontrait pas un quilcur fit la guerre. I en aY veu quelques-uns fi accoullumez de les voir , qu’ils fc ioü oient quelquefois avec eux , & pcrmettoient que les rats leur palfalfent fous le ventre, fans faire mine de les vouloir prendre; fi bien qu’on elloit contraint de leur faire la guerre a vec d[e petits chiens qu’on drelfoit a cet exercice, ay a P^ Des Antilles habitées par les François « t jo j de nos Religieux qui font revenus depuis peu en France, que les hubicans ont maintenant des chats , qui font une allez bonne guerre aux rats, & en diminuent fort le nom- bre. Tous les habitans du païs ont des gardemager,ou au moins de grandes clayes , qu’ils appellent Balan, qu’ils pendent par les quatre coins à une corde , attachée au haut delà café , &c p a lient dans la corde un coiiy , qui cft la moitié d’une groffe calleballe fort liflec -, ce coiiy cil attaché à trois ou quatre piedaudellus delaclaye, de forte que les rats ne trouvant point de prife fur ce coiiy glilfant , font contrains de re- biouTer chemin. Des Souris . §. I X. I ’Ay paiïe cinq ou fix ans dans la Guadeloupe , fans que j’ayc veu , ny oiiy dire qu’il y eull paru aucune fou- ris. Mais depuis ce temps-là , il s’y en voit un allez grand nombre par toutes les Cafés : ie crois qu’elles ont efté appor- tées de l'Europe, aulîi Bien que les rats. Elles font beaucoup plus petites que celles deFrance;mais elles ne font pas moins de defordre. Dans mon dernier voyage , j’y en ay veo de toutes les fortes , Sc par toutes les Iflcs , &en auffi gtand nom- bre qu’en France, excepte à la Martinique, oùellesncme fcmblentpas fieommuneSsfansdoutCjparceque les ferpens les mangent. Des . Chats « §• X. I L y a grand nombre de chats par toutes ces Ides qui vray- sëblablement y on: été aportes pav lesF.fpagnols.La pluf- part font marquetez de ronx,de blâc & de noir:&ont le poil raz & forduifant. Piufieurs de nos François apres en avoir mangé la chair, en portent les peaux en France pour les ven- dre. Ces chats au commencement que nous fufmes dans la Guadeloupe, eiloient tellement accouftumez à le repaidre de Perdrix, de Tourterelles, de Grives, & d’autres petits 01- feaux, que comme j’ay dit, ilsne daignoient pas regarder les rats ; & j’ay veu une chate dans une de nos mailons , qui tous les jours apportait à fes petits piufieurs bonnes pièces degibier, qui nous fervoient beaucoup à nourrir les mala- des que nous avions pour lors au Convent. . . Mais la chafFë &: le gibier eftant maintenant fort diminue dans la Guadeloupe , aulfi bien que dans les autres ülesji’ay apris que les chats ont rompu la trêve avec les rats , &£ qu’ils leur font maintenant bonne guerre. Des Chiens .. §• X I. I Es Chiensne font pas naturels dans ces lieux , fi cene ; ^font certains petits chiens que j’ay veus aquelquesSau» •ya^es : ils avoient la cefte & les oreilles fort longues ,& ap- prochoient de la forme de renards. Ils aboyent beaucoup plus clair que les autres chiens. Tous les autres y ontefte Des Antilles habitées par les François. 30 7 apportez parles Chaflcurs. Il s’en eft efcarté plufîeurs dans les bois , qui par fucceilion de temps ontfi bien multiplié, qu’on en rencontre quelquefois des bandes de dix ou dou- ze enfemble , & qui font beaucoup de dégaft pour la chalTe; on les appelle chiens ma rons. Bien que la plus grande partie de ces chiens marons fuient les hommes , & que quelques autres fc contentent de japper, il s’en rencontre de furieux , qui fe jettent hardi- ment fur les hommes, &: quelques-uns auroient elle dévorez s’ilsn’avoientefté fecourus. Vne chofe bien remarquable , eft une maladie à laquel- le tous les chiens qui font dans les Indes font fujets , ex» cepté ceux qui font ergotez des quatre pieds. Cette mala- die leur vient d’un certain ver qu’ils ont fous la langue : quand elle commence , ils quittent le boire & le manger, font triftes, & comme aifoupis l’efpace de quatre jours» puis tout à coup ils commencent à heurler& à fe plaindre fi pi- toyablement , qu’ils font compaflion à ceux qui les entent dent. Quand le mal les prelfe, ils fe lèvent brufquemcnt, SC fe mettent à courir fans prendre garde où ils vont, donnant de la tefte contre les arbres &c contre les rochers, heurlant ecumantparlagueüle, comme s’ils eftoientcnragez,jufqu’a ce que perdant haleine, ils roidiflenc les jambes, roüillentles yeux dans la tefte , St tombent comme morts fur la place, où ils demeurent quelquefois plus d’une heure fans fe relever; ce qui leur arrive cinq ou fix fois le jour. Cela continue quelquefois huit jours, quinze jours , trois femaincs, plus; jufqu’à ce qu’enfin ils s aillent précipiter dans quelque trou , ou s’enfoncer fi avant dans les bois, qu’ils n’en revien- nentjamais. Qq ij §>; L Q ,y oy que le récit que ie fais de la nourriture que nous * prenons des Lézards > dans toutes les Ifles Can- nibales , choque les efprks délicats : j’dfe neantmomS'. ajfeurer que c’cll un. des bons mangers des IfLss , lors qu’il eli; bien alïaifonné. La feule imagination fait rebuter beaucoup • dechofes , quei’experiencemet au rang , des plus exquifes*. Tout le monde abhorre les ferpens dans l’Europe , cepen- dant j’ay mangé dans Paris de la chair de vipere , qui m’a femblé auffi bonne que celle de poulet. Quant à moy, ie crois que la foibieffe de ces délicats, qui le laiflfent mourir de faim par pure fan raide, auprès d’un bon morceau, parce qu'il > eft hideux , ou à caufe de fon nom , n’eft pas moins blafma- ble que Féxtravagan ce des femmes greffes, qui délirent def- or-donnément îles chofcs qui leur font quelquefois les plus uuidbles» La telle, le corps & la queue du Lézard, font environ cinq : pieds de longueur , &c tout le corps quinze pouces de cir- conférence; toute fa peau eft grife , brune 5c cendrée, par ta- ches , toute couverte de petites écailles femblables àcelles des ferpens, mais un peu plus forte &T pIus rude; il a fur le dos depuis la telle jqfqu’au bout de la queue,, un rang de pointes ou de rayons , qui font élevez d un pouce fur le milieu du dos,& diminuant toufiours vers la telle & la queuëril a deux y eux longs 5c à demy ouverts ? fie deux narines au bout de la. Des Antilles habitées par les François . 30 p tefte , &: Tes deux mâchoires font pleines de petites dents, comme ceux d’une faucille. Le malle a deffous là gorge une grandepeau quiluy pendjufqu’àlapoitrine , qu'il roi dit &: eftend , en forte qu’il femble que ce foitune areftej le fom- mec delà tefte eft livide & par petites boffes,prefquecomme la gorge des poulles-d’Inde : aurefte, toutes ces belles cou- leurs &: ees riches toiles d’or& d'argent , dont les habil- le le fieur de Rochefort, ne fe voyent dans pas ftine denos^ Ifles. Il a quatre pâtes, dont celles de devant font un tiers plus menues que celles de derrière, &il a à toutes quatre cinq or- teils armées de cinq griffes fort pointues. Laqfieuë auffi bien que les pattes font fort charnues, &c toutlerefte du corps eft affez maigre. Il a une grande capa- cité de ventre &c toutes les parties intérieures comme un animal parfait : vn ceeur médiocre, un grand foye, oùeft attaché un gros fiel verd , extrêmement amer , & une ratte fort longue. Depuis les coftes ils ont tous le dedans du ven- tre reveftu de deux pannes de graille , jaune comme de l or, qui fert aux débilitez de nerfs : on s en fertaurfi comme de vernixïur les armes , pourempefeher la rouille, qui eft pref- f que inévitable dans ces lieux. Les malles font un tiers plus grands & plus forts que les » fèmelles : ils ont une pofture hardie, un regard affreux & é- pouventable. La couleur de leur peau elVgrize, tirant furie noir, & la tefte eft marquetée comme la gorge d’un poulet d’Inde. Les femelles font toutes vertes , d’un regard pms doux ^craintif. Ils fc couplent au mois de Mars , &cnce temps-là il ne fait pas bon s’approcher d’une femelle , lors qu’elle a un malle proche de foy:car le malle pour deftendre fa femelle, fautchardimentfurceluy qui l'attaque : & q UOV que fa morfure ne foit pas dangereuse , il ne démord jamais, s’il n'a le couftcau dans lagorge , ouquel’on neluyfrape bien rudement fur le nez. * C’eft en cette faifon qu’on leur donne la chaffe le long des » nvieresrcar apres qu’ils fe font repcus,(unpeu avant le jourj Qdi üj 1 2J-0 Hijtoirê Naturelle de feüi'îes de Mafou, & de fleurs de Mahct , qui croiffent le lonpdes rivières, ils fe voncrepofer dur des branches d’ar- bres , qui avancent un peu fur i’eau , pour goulcer en n efrae temps i’agreable chaleur du Soleil du matin, & la fraifchcur des eaux'? le crois cét animal le plus ftupide de tous les ani- maux du monde > car bien qu’il doit le plus fubtrl & le plus pvefte à la courfe , neantmoins lors qu il eit ariefle fur une branche , il voit approcher le Canon, entend le bruit, le laifle mefme mettre la verge (ur le dos ; & le laz couiant îur la telle, fans s'ébranler aucunement : &C bien davantage , s u a ia teftetrep ferrée contre la branche, il ne faut que iuy ri a- per trois ou quatre petits coups fut la telle , il leve in conti- nent le nez,&: s’ajulle luy -meline le laz dans le col. Mais lors qu’il fenc que tout de bon on le tire à bas , ôc que la corde luy ferre un peu trop legolier , 41 embraile promptement la branche, 3e la ferre fl bien de fes griffes, qu il y a rilque de perdre la prife : mais à cela, bon remede; car il ne faut que le fai fl r par le gros de la queue , le plus proche des eûmes que - l’on peut, dautant qu'il a ies codes tellement difpofees,qu il ne fe fçautoit plier qu’à moitié , fl bien qu’il ne peut mordre quand on le tient par cét cndroit;c’eft pourquoy ie fleur de Rochefor dit mal à propos, que les Sauvagesqui le tiennent par la queue lefaififlent par le chignon du col, de peur qu u ne morde. , . Environ le mois de May, les femelles delcendent delà montagne, s’approchent du bord delà mer pour y pon > re leurs œufs, ou la plufpart des mafles les accompagnent: d ou vient que depuis ce temps-là jufqu’aumois d Àonlfil s en prend beaucoup plus que dans tout le relie de l’année. Leurs œufs font touflours non pairs , depuis treize jufqu à vingt- cinq, belles les pondent tous en une fois ; ils font de la groffeur des œufs de pigeon , mais un peu plus longs; écail- le eneft blanche & foupîe comme du parchemin mouille. Tout le dedans de l'œuf efl: jaune fans aucun blanc ny glai- re , pour quelques boüillons qu’on leur puirre donner , ils ne duixiffent jamais , principalement û on y met du heure. Des Antilles habitées parles François. ?n Ll^ fonr beaucoup meilleurs que ceux des poulies- , &don- hent un gouft très excellent à toutes fortes defauces. Elles font un trou dans le fable pour y pondre leurs œufs , & s’y fourrent entièrement ,& apres avoir pondu & les bouchent Is trou &: les abandonnent ; ces œufs fe couvent d’eux- mefmes dans la terre. Ge n’efl pas à caufe qu’ils viennent pondre leurs œufs dans e labié du bord delà mer, qu'ils ont elle apellez amphibies comme du le fleur de Rochefort , parce que s’ils trouventle fable plus loin , ils y font fans difficulté leurs œufs : mais à caufe qu’eftant quelquefois pourfiiivis des chiens , & fe jet- tent dans le fond des rivières , & y demeurent fort iona- temps, & Ces lézards ont la vie fi dure , que fi onnefçait l’inven- tion de les faire mourir , on a toutes les peines du monde à les tuer. I ay veu fraper plus de cent coups de la telle d un lézard , tout de la force d’un homme fur un rocher fans le pouvoir faire mourir. Le fecretell de leur fourrer un petit ballon, ou un poinçon dans les nafeaux;car ils expirent fur le champ fans fe débattre en façon quelconque' , ou bien on leui fiche un clou fur le milieu de la telle, &ils expirent furie champ, car il eft faux qu’ils ayent un trou fur la celle, où l’on fiche une epmgle pour les faire mourir. Au relie, ce font les. plus beaux jeulneurs du monde : car on les peut garder vi- vans lans boire ny manger crois femaines entières. Vn bon lézard peut abondamment repaiftre quatre hom- m e s q u e 1 qn es aff a m e z q u ’ 1 1 s p u i iTen t eft r e : J es fem e 1 1 es fo n c toufiours plus tendres, plus grades & de meilleur gouft que les malles. Xmiencs aHeure qu’il a de petites pierre* dans la telte, qui ellam mifesen poudtc 5 & pnfes en quelque liqueur que ce loic,diholuent la pierre dans la vellie, &. foc vüidcr le gravier des rciqs, ie neles ay jamais veuës, les curieux pour- ront les chercher en faire l'expericnce. On a remarque que ceux qui font nourriture ordinaire de lézards, ne pro- fitent &: n’eng! aillent jamais, au contraire, ils dépérirent peut a petite deviennent héuques. Ils font aufîi fort dan> , 3}l2 'H f fl o ire Naturelle gereux pour ceux quionc eu la grofle verollercar il-sFont re- venir ce mal , quoy qu’autrefois on, en ayt efté parfaite- ment guéri. Des cinq autres efpe.ee s de petits Lenards. ïl faut encore pour ne rien omette , faire icy mention de .cinq efpeces de lézards, qui ne fe mangent point,& defquels i.e n’ay pu remarquer aucune vtilite. Des Anolis . §. I î. L Es Anolis ne fe rencontrent pas dans tous les -.quar- tiers de Hile de la Guadeloupe , mais feulement -vers le grand Cul-de-fac ce que ie n'ay point remarqué dans toutes les autres ifles , dans lefquelles ils (ont vniver. fcllement par tout- Ils portent un pied ou pied & demy de longueur ., les phis gros n’arrivent jamais à la grofleur du bra?. Ils ont le ventre de couleur de gris cendré, le dos tan- né tirant fur le roux , le tout raye debleu , & la telle toute marquetée comme les autres lézards , mais leur bec eft un peu plus affilé. Ils font toufioursdanslaterre,&n enfortent qu’à la plus grande chaleur du jour auquel temps ils vien- nent ronger les os les ar elles despoiflons quon jette de- vant la porte. Ils paiflent quelquefois l’herbe , principale- ment les potagères. Si on en tue quelques-uns, les autres les ssiettent en pièces, les mangent. Des Antilles habitées par les François . Des Gobe-mouches. I I L L E s Gobe -mon chcs font de petits lézards , qui ne font guéres plusgros'quele doigt, &tantfoitpeu plus longs. Les malles fontverds,&:lesfemelles toutes grizes,&: un tiers plus petites que les malles. Ils ne vivent que de mouches & deravets , qu’ils pourfuivent avec tant d’avidité , qu’ils fc précipitent du haut des arbres pour les attraper. G’eft l’ani- mal le plus patient que ie vis jamais ; caril fe tiendra une de- mi-journée entière en embufeade fans fe remuer , pour dé- couvrit une mouche , laquelle il n’apas pluftoll apperceiiCj qu’il faute brufquement delfus & l’engloutit. Toutes les foreftsfont tellement remplies de ces petits lé- zards , qu’à peine trouve-t-on un arbre où il n’y en aytplu- fieurs : mefme toutes les maifons en font fi pleines , qu’on ne fçauroit jetter la veuëen quelque lieu que ce foit, qu’on ù’en découvre quelques uns. Cela nouseft non feulement im- portun, mais périlleux : carie les ay veu fauter plufieurs fois furie corporal, pendant que ie difoislafainte Melfe, pour y prendre des mouches. I L fe trouve une autre cfpece de petits lézards dans quel- ques petites Ifles , qui font dans les Culs de-facs de la Guadeloupe. Les habitans les appellent RoqvetrÀU ont tout $. I v. K r ziq. Ht foire 'Naturelle au plus un pied de long ,&:font tous gris^il s ont l’efchinc fort aiguë , & picotée de quelques taches noires ; ils portent l'a queüs retrouvée en arcade fur le dos,au lieu que tous' les au- tres portent la queue traifnante à terre -, mais elle ne fuit pas un cercle &: demy fur leur dos, comme le fieur de Rochefort l’a écrit. Ils font agi!es,gaillards, & font mille petites cara- coles autour de vous , jufqu’à venir manger les miettes qui: vous tombent des mains. Ils fe fourrent auifi dans la terre, non pour y pondre leurs oeufs, comme les autres lezardsj,mais pour manger ceux des autres <$£ des Tortues. Des Seines qui fe trouvent dans les ïfes Françoifes* - Vf I ’Ay veu non feulement dans la Guadeloupe , mais encore dans les autres Ifies,de véritables S cincs y tous femblables à ceux qu'on nous apporte de l’Egypte. C’elt une forte de lézard , que les habuans de là Guadeloupe appellent Ma- hoüya, & dans quelques autres Ries Brochet de terre , iene fçay pour quelle raifon : ie crois pourtant que c’eft pluftoft broche de terre que l’on a voulu dire , parce que cét animai eft prefquetoufiours dans la terre ; Se que lor§ qu’on Luy a coupé les pieds, il femble que ce foitune broche, & non pas un brochet , comme a voulu le fieur de Rochefort, qui pour s’accommoder au nom qu’on a donné à cét animal ; ef~ dit avec autant de hardieffe que dfe fauffeté qu’il a la pure entière, la peau, & la hure de nos brochets. Ces Seines font plus charnus que les autres -lézards , ont la queue plus grolfe , & les jambes ou pattes fi courtes, quils rampent con- tre terre : toute leur peau eft couverte d’une infinité de peti- tes écailles , comme celle des Couleuvres , mais d’une cou- leur jaune , argentée Se luifan te comme s’ils, avoienc efta Des Antilles habitées par les français, 313 graiffez d’huile : leur chair cft bonne contre les venins & les bleffures des flèches empoifonnées , pourveu que l’on en vie modérément, car i’s defleichentplus les humeurs que les autres lézards. Des Maboüyas* ■§. VI. B ien que ces lézards ne foient pas les plus grands , ce font pourtant les plus vilains & les plus laids de tous;& c’efl: ce qui les a fait apeller par les Sauvages, aufïi bien que par les habitans Maboüyas i qui etlun nom qu ils donnent commu- nément atout ce qui leui fait horreur. Ils n'arrivent jamais à la longueur d’un pied : & quand on leur a coupé la queue , il femble que ce foient de véritables crapaux : ils ont les doigts des pâtes, plats , larges, &: arondis pat les bouts, fi blé qu il femble que ce foit de la toile décou- pée par plaifir,à l'extremité de chacune, il y a une petite grif- fe comme l’éguillon d’une guefpc. Ils le retirent pour 1 ordinaire fin des branches d ai bt es, fur le faille Sc fur les chevrons des Cafés , Se defeendent fore rarement en bas, ie ne fçaurois dire pourquoy ils font re- doutez des Sauvages & des François , fi ccnelt a railon de leur laideur: car encore bien que lors qu’on les agace, Us le jettent hardiment fur vousy&s’y attachent fiopiniaftremenc, qu’on a delà peine à les en retirer , ie n’ay jamais oui dire qu’ils ayent mordu ou fait mourir perfonne Pendant la nuief ils jettent de temps en temps un cri allez eftroya- ble , qui eftun pronoftique infaillible du changement de temps. . v . . Tous les autres petits lézards fiflent a qui mieux mieux tout lelong de la nuict ; principalement quand il pleut car pour lors vous entendez des millions defiflemens eontus, r Rr ij $16 fliftoir? Naturelle qui ne font pas moins importuns que le coaxement des grc- noiiilles de l’Europe. Des Couleuvres & autres S.erpens > qui ne font point nuifibles. h V 1 1. I A diverficé des Scrpens eft (1 grande dans toutes les Xh- j des , qu’il n’y a pas une feule lfle qui n’ait fes Serpens* differens en forme, en couleur, &: en venin. Mais Dieu are- garde toutes nos Hles Françoifes , à la lefervc de deux ou troisjd’un œil de bien-veillance très- particulière , en ce que de trois fortes de ferpens qui s y rencontrent & qui s’y- voyent aflez rarement , il n'y en a pas un feul qui foievene- aeux , & qui ayt jamais fait mal à perfonne par fes morfu^ res. . Les premiers & les plus communs font de petitesCoulcu- vr-esgrizes , qui ne portent jamais plus de deux pieds , ou deux pieds & demi delongueur : elles ne font guéres plus greffes quele pouce, & fe trouvent par tous les endroits de rifle, mais aflez rarement. Elles fuyent toufrours devant le monde , & les habicam du. pays marchent fou vent fur elles nuds pieds , fans qu’elles faifent aucun mal. Onles prend mefme à la main fans aucun danger. Les habitans les font boüilür pour cntirer les vertèbres, Ô£ s’en font de très- beaux cordons. Les féconds font certaines Couleuvres , dont la peau de cfeflus le dosœfl toute marquetée de noir &: de jaune , &c le ventre eftgri fa ftre mellé de jaune: cclles-cy font plus gran- des que les premières , & ont quelquefois cinq ou fix pieds delongueur: & quoy que FagreaBIe variété de leur peau re- crée la veuë , elles ont un regard affreux , qui fait quelque- fois rebrouflfer chemin- aux plus hardis. Elles repairent des Antilles habitées far les François. j7 y pour l'ordinaire es lieux montagneux , fecs , pierreux & arides ; d ou vient qu’il y en a beaucoup moins à la Gapfteiredes Mes, qui eftla plus plate, moins pierreufe 6C plus fujete à la pluye , qu’àla BalTc-tcrre. Gnfc fertdcleur peau pour faire des baudriers , qui font patfaiclement beaux. Les troifîefmes font toutes noires , beaucoup plusgrofles Ôc plus longues que les deux precedentes. I’en ay veu de plus de7.pieds:celles c y font hardies, & tant s’en faut,qu’el- les fuyent comme les autres : au contraire, elles pourfuivcnc opiniaftrémont ceux qui leur font tort , ôc fans doute leur feroienc du mal , s’ils nefe deffendoient. I’ay efté deux ou trois fois dans cette peine , non fans de grandes apprehen- fions. Mais une fois entre les autres , le Revcrend Pere Bouton, le picmicr des Pcres Iefuices , qui ait efté dans les' Mes, m’en ayant montré une,prefque auffi grolîeque lebras ?/ entortillée autour d’un bananier, l’ayant voulu fraper d’un coup de canne;& l’ayant manquée, clic fejetta à teire,&mc ehoififlant entre tous les autres qui fuyoient chacun de leur collé, elle me pourfuivit plus de cent pas, dans des fùeillcs de patates, la telledevée plus d’un pied au deflus,fiflant & ti- rant une langue fourchue delà longueur d’un dom: enfin voyant qu’elle me gagnoit, ierefolus del’attendre^ & m’ar- rellay tout court: elle en fit autan t x ôc- s ’eftant lancée pour fe jetter fur moy ,ie la prévins, luy finglant un coup de canne quatre doigts au delTous de la telle , qui l’étourdit heureufe- fement pour moy : car fans doute elle m'auroic fait du mal.. Toutes ces trois efpeces de Couleuvres fe trouvent pres- que dans toutes nos Mes ; mais elles font beaucoup plus grandes dans la grande terre de laGuadcloupe,qu’ailleurs.. Tant les unes qqe les autres vivent de petits lezars, de petits oifeauXjde ravets,& de grenouilles* Il s’en trouve une autre forte dans Pille de la'Dominique, qui n’cft jamais plus grolfe que le bras , &: qui a pourtant dix R r iij n g Hifloire Naturelle Oïl douze pieds de long:ce ferpent fe jette ordinairement fur les poulies, fcenun clin d’œil s’entortille autour d’elles., & fans les mordre ny les piquer , les ferre avec tant de force, quilles faic mourir , &.les avalle en fuite fans les mâcher. Son venin fes piqueures .ne font pas moins de mal que celles des fcorpions,mais ils ne font pas mortelles, le fieur de Rochefort, fous prétexte que fay dit que quelques -vn s les prenoient à la main, prend occafion de dire que les habitans les mettent dans leur fein : mais ie.n’ay jamais veu perfonne dans les Ides, qui n’eut horreur de tous ces ferpens , & fi cela s’ell pratiqué, ç’a cité pat des tcmeraires&par des charlatans. Pour les couleuvres vertes dont il parle , elles ne fe voyent point dans nos Ides Françoifes ; tnais feulement dans celles qui font proches de la terrefermç. Des Couleuvres de la Martinique 3 & de fainU Aloufie . - :• §. V I I ï. P Ludeurs perfonnes s’eftonnent avec allez de raifon , de ce quejles Ides de laMarcinique &c de Ste Alouüe, étant fituées au milieu de toutes.ks Antilles , qui n’ont point de belles .vcnencufeSjproduifent neantmoins des ferpens, dont les piqueures mortelles ont fait perdre la vie à tant de Fran- çois, de Sauvages & de Nègres. Quelques-uns croyent que cela procédé de l’intemperie du climat : mais avec peu de fondement, car il fe trouve des terres voifînes, & prefque fous un mefme degré & paralelle, où neantmoins on *ie voit point de femblables ferpens. D’aucres croyent , avec plus de probabilité que cela vient du terroir qui eft extrêmement pierreux , &: tout femblablc àceluy dans lequel les viperes de l’Europe fe plaifen-t da- vantage. Des Antilles habite es par les François. ç Il nefl pas hors de propos de rapporter icy l’opinion des Sauvages Clit cette matière. Quelques-uns d’entr’eux nous' ont alfeure , qu’ils tenoient par tradition tres-cercaine de leurs peres, que cela venoit des Anouagnes , nation de la ter- re ferme , aufqucls les Karaïbes de nos Mes font une très— cruelle guerre.Ceux-là, difent-ils, levoyans tourmentez vexez par les continuelles incurfions des nollres , s’aviferenc d une rufe de guerre non commune , mais extrêmement dommageable &: perilleufe à leurs ennemis ; carilsamaffe- rent grand nombre de ces ferpens , îefquels ils enfermèrent dans des panniers & callebalfes , les apportèrent dans Tille de la Martinique, & là leur donnèrent liberté, afin que fans fortir de leur terre , ils pulfent par le moyen de ces funefles ani maux, leur faire une guerre immortelle. Il fe rencontre ordinairement dans cette Me trois' fortes de ferpens tort dangereux. Les uns font gris veloutez & ta- chetez de noir en pl ufieurs endroits : les autres jaunes com- me de l’or, & les troifiémes roux. Ic crois fermement que les' gris veloutez font de véritables vipères , celles principale- ment qui ne portent guère plus de deux pieds de longueur, & qui font que quefois plus grolfes que le bras. Cettearofl feur cil égale îufqu’à deux ou trois pouces proche de la queue, laquelle depuis cét endroit fe termine tout à coup en pointe par un petit ongle.-clles ont la telle très plate & large quafi comme la main , armée de quatre &c fouvent de huit dents, longues d un pouce pour l’ordinaire. I’cn ay veu & ap- porté en France de longues comme la moitié du doiert, elles font pointues comme des éguiiles , ôc coût bées en forme de crocfil y a a chacune de ces dents un petit pertuis, qui péné- tré depuis la racine jufqu’au bout , & c’ell par là quei- les font glifler le venin dans la playe , où la dent fe rcncoir- tre. Tous les autres ferpens , tant jaunes que roux , ont la telle' en tref , & c cil par cette mai que qu on dillingue les ferpens dangereux d’avec ceux qui ne le four pas , ils font armez de dents comme ccTes quej'ay décrites ik ont le corps lembla- bie aux autres ferpens , mais dune fi prodigieulè grandeur, 320 jHiJfoire Naturelle qu’il s’en rencontre Touuent d’aufli gros que la jambe j Se iony s de fept a huit pieds. ,, r Tant les uns que les autres n aillent fouvent d une mefme mere ; ce qui me fait croire que les maûes s’accouplent in- différemment avec lesTemellcs de l'une.&de l’autre efpece: car je trouvay du temps que ie-demeurois aux lues une de ces vipères grofle comme la jambe, fi foible , qu a peine le ■pouvoir elle remuer , t au milieu de plus de foixante pentes de toutes fortes, quelle venoit de mettre bas ,& qui tou tes eftoient louvées , & preftes à fe jetcet , -êc à mordre ceux qui les aoprochoient. l’en ay ouvert quelques-unes , dans lel- auelies|ay trouvé plus déparante œufs, prefque gros com- me le pouce , U plus de cent petits gros comme des len- tilles , tous remplis d’un jaune allez bhtffarc. Tous ces œufs eftoient revenus d'une membrane faite comme un boyam Mais il faut remarquer que ces œufs ne lortent jamais du ventre de la mere , Sc que les petits s’y forment , mangent a coque , mefme la membrane qui les environne, laquelle venant quelquefois à fortir du ventre de la mere , ils vont ronger jufques proche du nombril: ce qui n arrive pas ,a tou- • tes t car il eft certain qu’elles vivent apres avoir fait leurs petits , &: que mefme elles enfant plufieurs fois en une an- Fay remarqué dans ces vipères trois fortes de venins diffe- rensen couleur &C en qualité. Ce venin eft enclos dans de pe- tites veflîes grofl.es comme des pois , l.efquelles environnent les dents. Les jaunes ont le venin un peu jaunaftre,& plusel- pais que les au très, & celuy-là eftle moins dangereuxdes gri- fes l’ont comme de l'éau un peu trouble ; & les roufles , clair comme de l’eau de roche, U ie croy que c’eflle plus fu.btil SC le plus dangereux. f Les un es .& les autres fe rencontrent, quoy qu'allez rare- ment par coûtes les parties de l’Lflc , & en toute faiion , n’y ayant point de froid qui les oblige à fe retirer dans la terre : il eft v ra.y qu’aux mois de May Sc d’Avtal, elles paroiftent plus fréquemment , les habitans croycnt que ce font les Tghy barons ( qui font certains petits cancresjiefquels defcendant ' Des Antilles habitées par les François. '321 «3e la montagne, fe fourrent dans les creux des arbres , &: les en font fortir. Les rats & les poulies les attirent autour des cafés, & vous voyez peu de perfonnes entrer dans un poullalier,fansavoir foigneufement regardé de tous collez ; car c’efl; là ordinaire- ment où elles fe trouuent. Si elles rencontrent une poulie qui couve , elles fe mettent fur les œufs,fe font couver parla poulie , jufqu’à ce que les petits foient éclos , lefquelselles avalent tous entiers, mordent incontinent la poulie, & la font mourir. Elles ont l’induilriedc cloufler & contrefaire les poulies qui conduifent leurs petits, apres quelles ont tüé lamerc. le l’ay veu faire aune, quienmaprefence, apres ayoir tüé la poulie , avala neuf poulets qui avoient plus de trois femaines. G’eft un ligne infaillible qu'elles font dans une maifon, lors qu’on entend piper les rats : elles les fçavent aufli fort bien contrefaire pour les attraper, belles les avalent tous en - tiers aufli bien que les Piloris, qui font quatre fois aufli gros que les rats de l’ Europe. C’eft encore une marque afleurée , qu’il y a une mauvaife couleuvre en quelque lieu , lors qu’on y voit les petits oi- feapx attroupez , crians comme ils font en France, apres les oiféaux de proye. Il y a aufli quelques habitans , principalement les Nè- gres, qui les connoiflent au flairer , & les éventent com- me les chiens fontla venaifon : car elles exhalent dans l’air une odeur qui fent la marée , & comme le poiflbn à moitié 'gafté. Lors queles habitans fçavent qu’il y aune mauvaife cou- leuvre dans leurs cafés, qu'ils ne peuvent découvrir , ils font du feu dans le milieu de la café , difentpour raifon qu’el- les fuyent lorsqu’elles le voyét. Mais cela fert de peu, car el- les fe fourrent fous les caftes , dans les recoins de la Café, dans des panniers , dans des barils , & dans d’autres chofes fcmblables, dans la couverture, & mefme jufques dedans les lifts. $22 Hifloire Naturelle ■ - dre fur le chevet de Ton lit le bonnet de nuit de Ton mary ,el- le prit à pleine main un gros Serpent roux qui dor- nioit. Et un Gentil-homme digne de foy m’a dit , que difnant avec un Preftrc de fille, il en tomba une du haut de la café,, au milieu du plat qui eftoit fur la table, mais tout cela arrive très -rarement. Quelques Chaflcurs qui les apprehendét !e plus, prennent, de grandes bottes , lors qu’lis vont à la chaffe pour fe garan- tir de leurs morfures , mais cela fert fort peu, puis qu elles ne garanti ffent que les jambes , & ne deffendent que de cel- les qui font à terre , & non pas des autres qui font lou- vées fur les branches des arbres , ou fur l’éminence de quelque rocher ; lefquelles fe dardent indifféremment fut toutes les parties du eorps. Les deux derniers qui furent mordus pendant mon fejour dans l’Iûe,le fuient al épaule Si au bras. > Il eft vray que fi on ne les touche point , elles n offenfent- prefque jamais perfonne , Si mefme elles palferont fur vous en dormant, fans vous faire aucun tort : mais s il arri ve qu en palfant, ou en vous remüant vous les touchiez, ou que quel- que petite branche les heu rte, elles fe jettent incontinent fur vous, Si vous mordentinfailliblement. Lors qu’elles font faoüles , elles dorment d’un h profond fournie il, qu’on les-peut prendre, manier, pouffer, & traiter afr fez rudement fans qu elies s’éveillent, Si cela dure quelque- fois trois iours Si trois nuits. S il arrive qu’un homme en fois mordu fort loin dans les bois , Si eftant feul, il eft en danger de la vie : car quelque li- gature qu’il puifte faire au deflus de la playe , auboutd’uno heure ou deux, le venin luy gaignele cœur, les Syncopes tC prennent, Si il tombe pour ne jamais fe relever. Les Antilles habité es paît les François. 32 3 Remedes contre les morfkres de toutes fortes de Serpe ns. La première chofe qu’on Fait pour penfer les perfonnes at- teintes de ces veneneufes morfures, cft de lier promptement la partie bleftee au déifias de la playe, prenant toutefois gar- de de ne pas trop ferrer, dautant que cela peut nuire au blef- fé.Puis on applique une ventoufe fur la playe, & Payât oftée on fait trois ou quatre fcarifications deffus , apres quoy on applique derechef la ventoufe, jufqu à trois ou quatre fois: Sc cela attire tout le venin : cela fait on met un emplaltre detheriaquefur la playe. Cependant, il faut avoir foin de faire prendre du theriaque , ou quelqu’autre potion cordia- le au malade, &C de le tenir chaudement ; car tous les efprits fe retirent au cœur , & lailfent toutes les parties du malade fort froides &: difpofées à la corruption. Voila les remedes ordinaires, mais la charité m’oblige pour la confolation des habitans de cette Me , &: pour m’acquiter en partie des obligations extrêmes queie leur ay , d’en coucher icy quelques autres plus faciles , &: des- quels un chacun fe pourra fervir fans avoir recours au Chi- rurgien. Le premier eft de couper la telle de laCouIeuvre,la broyer &: l’appliquer fur la playe , fur laquelle il faut faire quel ques legeres incitions. Geluy-cy eft pour ceux qui font mordus dans les bois , qui eft fi afteuré, que Mathiole le tient pour le plus certain. Vn autre tres-alîeuré eft de plumcrle derrière d’un gros pouler, (&e apres avoir fait l’incilîon fi l’on veut) l’appliquer immédiatement fur la playe , il attirera tellement le venin par le fondement , qu’il mourra eptre les mains de ccluy qui l’appliquera. Celuy -là mort , il faut en remettre un fécond, & ainfi confecutivement jufqu'à ce que le poulet ne meure plus. La chaux vive mefléc avec de l’huile & du miel,&: ap- 22^ H iflo ir& Na turellé pliquée en forme d’emplaftre fur la playe, eft encore un tres- excellent remede.il ne faut pas neantmoins omettre, tant en fefervant de ce remede que des precedens de donner du thcriaque ou autre potion eonforcative au malade , de pe\ir que le venin ne gagne le cœur, auparavant que le remede o- pere. Outre ces remcdes , j’en ay trouvé plufîeurs autres, que la commodité rendra plus confiderables : car ils font toufiours; prefens dans toutes les Indes , comme les füeillcs de petun verd pilées & appliquées fur la playc. Deux ou trois gouf- fes d’ail pour manger, Sc quelquaucres broyées & mifes en forme d’emplaftre fur la morfure. La cendre de l'arment de- vigne dillbute avec de l’huile rofat , & appliquée fur le mad. Le poids d’un écu defuc de mouron pris dans du vin blanc, , ou dans de l’eau, fi le malade a la fièvre, empefehe que ce ve- nin ne gai gu e le coeur Le fuc de la Betoine pris en mcfme quantité en la mefmefaçqn,ale mefme effet. Le boüillon de toute forte de Polliot ou de tin eft encore un affez bon re- mede. Les fiki Iles de moutarde, broyées &: appliquées fur la bleilure y fervent auih beaucoup. D Alechamps donne en- cote plus de cent fortes de remedes. Mais un des meilleurs que l’on puiffe pratiquer , &r que î’on négligé faute de le connoiftrc , eft une plante que j’ay décrite au traire j.chap . 4 de cette partie, paragraphe 13» elle eft fort commune dans toutes nos Ifles , &: fon feul nom témoigné aflez les proprietez admirables defquellcs Dieu l’a doüée. On f appelle bois de Couleuvres : dautantquefes branches coupées par moïceaux.ont la forme de ferpent. Tous les Auîheurs qui ont écrit de cette plante , affeurene qu’il y a une telle antipathie entre elle &: les ferpens , qu ils lafuyent, & qu’ils ne mordent jamais ceux quila portent en la main, ou fur eux, SC qu’ils crevent & meurent fitoft qu’ils en font touchez : que fa racine broyée Ô£ beuë avec de l’eau rofe ou du vin , eft un remede prompt &£ alleuré contre tomes'lcs morfures de toutes fortes de ferpens. lean Hugues Linfcot Hblandois , dans fa navigation des Indes Orientales, dit au chap. 75. q.uc la vertu.de cette plan- Des Antilles habite es far les François. j2j te a ellé premièrement montrée aux Indiens par une petite belle nommée ou £hnryele , femblable à un fure t, la- quelle leur fert par les maifons à prédrclesjrats ôdcsfouris.Il y a une inimitié naturelle entre cette befte & leferpent, le- quel elle attaque foudain qu'elle le voit:& comme il luy ar- rive fouvent d’eltre atteinte delamorfure du ferpent, con- tre cette morfurc,clIe a recours à ce bois. Il adjoufte qu'il y a grande quantité de ce boisen SeyUn ^ où l’on voit grand nom- bre de ces belles , qu’il fert de medecine alTeurée à leurs- bleflures : & que c’eft ce qui fait tant eftimer cette racine, &c- qui la met à fi g^and prix. Le dernier & le plus efficace de tous , félon l’avis des plus fameux Medccinsdela Faculté de Paris , aufquëls ie l’ay communiqué, eltd’ufer tous les mois d’une poudre compo- fée de rates Ô5 de cœurs des ferpens ou viperes , en prenant le poids de quinze ou vingt grains dans un bouillon, ou dans quelque autre liqueur: car s’il arrive que celui quiufe de cet- te poudre,foit mordu de ces dagereufes belles, le venin n’au- ra aucun pouvoir fur luy. Pour le regard de ceux qui ne pourront ou ne voudront s’alfujettir à vfer de ce fouve- rain remede tous les mois , li par mal-heur, ils viennent à dire mordus, ils en doivent prendre incontinent le poids d’un efcUi Et c’eftle plus alfeuré contrepoifon qui foitau monde. I! faut prendre garde, en faifant la ligature au delfus de la playe , de ne pas ferrer avec autant de violence que l’on le peut,ainfi, que le recômandc le fleur de Roche, fort, parce que la partie fuperieute s’enflammant , attire nonobllant la ligature, le venin, qui trouvant une partie enflammée y eaufe des defordres irrémédiables. Vn avis qui ell aulfi tres-falutaire, c’cft de dilater le plus que l’on peut la playe , & en tirer beaucoup de fan g ; & fi le fang n’en fortoit point , il y faudroit appliquer lefêu, ou meme couper l’endroit de là morfurc, avant que le venin eût gagné plus avant. ' Quelque ardeur aulfl que rclfen te lcblcflc, il ne faut pas Sf iij ptf Rijtoire Naturelle qu’il paffe dans l’eau, ny qu’il en boive;mais qu’il fe Serve de pcifanefaite avec de gros mil,& du jus d’orange. Quelques-uns fe meflencde fuccer les morfures , & d’en tirei te fang & le venin tour enfemb’e : quoy que cela foie bon c’eft une choie fi dangereufe', que ie ne confeille à per- sonne de s’en Servir , qu’au défaut de tout autre remede : car fi celuy qui fucce>a la moindre égratigneure autour des gen- cives , on dans la.bouche , ou qu’il avale la moindre goûte de.fa Salive envenimée , il eft certain qu’il en mourra Sur le champ, comme il arriva a un Nègre de Monfieur le Gouver- neur de la Martinique , qui voulant Secourir un Sauvage mordu d’une Couieuvre,en luy Sucçant le venin de l’épaule, s’envenimale cœur } & tomba mort à Ses pieds en luy Sauvant la vie. ' , . , .Le fieur de Rochefort en adjoufte a ceux-cy , qu il a tires de mon Livre, quantité d’autres qu’il a pris dans les Auteurs qui ont traité de la guerifiS des Couleuvres,bien que la pluf- part ne Se rencontrent point du tout , ou mal-aiSément dans nos Ifles, Des ejlr ange s grenouilles de la Martinique . §. y i i I. S I ce que Mathiole afleure des grenoüilles au Chapi- tre quarante- huitième de Scs Commentaires Sur Diof- coride eft vray , il faut avouer ( quand il n’y auroit aucun rc *> mede , pour les morfures des Couleuvres de la Martinique) que la Providence divine y a Suffisamment pourveu , par des creno.üilles d’une fi prodigieufe grandeur, qu une feule peut Suffisamment abondamment repaiftre un homme a Sun diSner. CétAutheur affaire, que c’eftun Souverain remede con- tre les morfures de toutes Sortes de ferpens ( horfmis de 1 aS- Des Antilles habitées par les François, j j ^ pic) que d’ufer de grenouilles boüillies , humant première- ment ie bouillon, mangeant p ar . apres la chair, &: appliquant les grenoüilles fraifchemenc ouvertes par le ventre, fur la playe. ï’ay veu quelques-unes de ces grenouilles qui avoient plus de quatorze pouces de longueur, & larges à proportiomelles repairentnon feulement le long des rivières , mais par tout, dans les bois les plus elloignez des eaux. Elles necoaxenc pas comme celles de l’Europe, mais pendant la nuiét elles aboyenc comme des chiens. Elles fondeurs petits dans des fouches d’arbres à moitié pourris:& pour cefaire, elles jettent premièrement large co- rne la main d’écume blanche corne delà neige, & deflus ce premier lia elles pondentfix, huit, dix & douze œufs, tantoft plus, tan toit moins, lefquels font gros comme des grains de Coriandre, 5c de couleur d orange:elles font ainfi plufieurs lids, jufqu’à ce que cela foit gros comme la refte: iene fçay fi elles couvent ces œufs, mais il eft certain que tres-fouvent on les trouve fur cette maffe baveule où ils font , 5c quelles demeurent dans la Touche où elles ont pondu, jufqu’à ce que leurs œufs foient éclos. Quelques uns les ont voulu faire paffer pour des crapaux, mais fans fondement : car elles ont toute la forme de gre- noüilles, & fautent quelquefois de la hauteur d’un homme, tous Ieshabitans en mangent, &ie!es ay trouvées tres-ex- eefentes. L’on ne trouve point de ces grenouilles dans la Guade- loupe, mais feulement de petites qui ne font pas plus grofifes & plus larges que le pouce, &: encore fi rarement que ie n’y en ay veu que cinqoufix , pendant le temps que j’y ay de- meuré. La derniere fois que i’ayeilé à la Martinique , ie fis pren- dre quantité de ces grenouilles, & les écorchay moy mcfme, afin d’en apporter les peaux en France, pour en faire admirer la grandeur : maisj’experimentay en les écorchant, qu elles n choient pas tout à fait exëptes de venin ; car ayant mis z,. de mes doigts dâs la gueüle d’une qui étoit encor toute vive,. Hijloire Naturelle ic fentis une douleur comme fi j’eufle touché des orties , te cela me dura plus d’une demy heure. Ce Chapitre devoit traiter de toutes les vermines, reptiles te amphibies , comme Ton titre le porte ; mais apres-y avoir penfé,j’ay cru que ieferois mieux de le divifer en trois, & de traiter dans le fuivant de toutes les Crabes, cancelles ou fol- dats de nos Ifles ,j & dans celuy d’apres de quelques infeftes nuifiblcs qui s’y rencontrent. De toutes Jes fortes de Crabes ou Cancelles , qui fe trouuent aux Antilles» CHAPITRE II I. L A mefine Providence qui nourrit l’efpace de quarante ans, le peuple d’Ifraël de la Manne du Ciel , dans la vafte folitude desdeferts de l’Arabie , tire avec la mefme bonté des entrailles de la terre de la Guadeloupe , te de plu- sieurs autres Ifles une Manne vivante & perpétuelle , fans le fecours de laquelle plufieurs habitans de ces Ifles foufïri- roient beaucoup : .car pour ne point deguifer la vérité, tout ce que j’ay dit cy-devant du gibier , de la chafle des ani- maux „ & de la pefche des poiflons, ne Te rencontre que chez les plus aifez : & encore la plufpart du temps ils font con- trains de deux ehofes l’une , ou de manger leur pain fec , ou d’avoir recours aux Crabes, auflibien que lespius indigens. Tous les Indiens ne vivent prefquc que de cela : en un mot, quand toutes ehofes manquent, ce qui arrive allez fou vent, les Crabes ne manquent jamais a ceux qui veulent prendra ja peine de les chercher. Des An tilles habité es par les François . 32 p Des Crabes violettes . §, h T Out le corps de cét animal femble n’cllre compofé que de deux mains tronquées par le milieu , & rejoin- tes enfemble : car des deux codez vous y voyez les quatre doigts , &: les deux mordans qui fervent comme de pouces. Tout le relie du corps elt couvert d’une écaille large com- me la main, relevée en bolfe , furie devant de laquelle font enchafl’cz deux petits yeux, longs, &; gros comme des grains d’orge, tranfparcns comme du cridal, & folides comme de la corne, Vn peu au delfous ed la guciiîe, couverte de quel- ques barbillons , fouslcfquels font deux dencs larges com- me la moitié de l’ongle , tr en chantes, &: blanches comme de la neige : elles ne font pas Gtuécs comme les mâchoi» res des autres animaux, en haut&en bas,- mais aux deux codez , U s’entrejoignent comme des fers de ci féaux; c’cil avec ces dents qu’elles coupent &lifellent les fiieilles, les fruits, & les bois pourris, qui font leur nourriture ordi- naire. Toute cette écaille ed remplie d’une certaine liqueur ef- paifife, grade, & fibreufe, de laquelle les habitans fon t d’adez bons fau piquets. Au milieu de cette liqueur , que les habi- tans appellent T Aumaly ^ eftee qu’ils nomment (à raifon de fon amertume ) le dcl de ces animaux, qui n’eft pourtant au- tre chofe que leur cftomach, dans lequel tout ce qu’ils man- gent, fe djgcreûl ed compofé d'une peau ou membrane allez oediée, & eftenduëpar deux petits odelets ou cartilages, Sc ed gros deux fois comme le pouce, & a toute la forme de l’é- caille. Les malles & les femelles, ont au deflous du corps un cer- Tt p Tîifkoire Ndturelle v tain plàftron compofé de dïverfes pieces^juftées comme les taffettes d’un corcelcc , fous lequel il y .a cinq ou fix barbil - Ions de chaque cofté. Il y a un petit perçu is large comme le tuyau d’une plume , qui fort immédiatement de l’eftomach, &: paftant par le milieu de ce plàftron, fe vienttcrminer à. la fin : c’eft parcét endroit qu'elles viiident leurs cxcremens. Cét animal n’a point defang* mais au lieu defang, il fort de - fes bleftures une eau claire, qui s’épaitïic comme de la gelée*. &fe caille. r Celles dont ie parle à prcfent , font pour l’ordinaire toutes violettes ; mais il s’en trouve quantité qui font, agréablement diverfifiées 5c penn^ichées de bleu , de blanc» & de violet. Voila la plus exade defeription quefen puifte faire. . C’eft icyoàlc fieur de Rocheforc , pour déguifer fon lar- cin , change le nom ordinaire de ces Crabes violettes , & les appelieCr^cr peintes^ apres les avoir chamarrées à fa mode,, de blanc ,de violet , de tanné,de rouge, de jaune, & de verd, les orne d’un riche coloris le mieux mefté qu’on le puiflefi- gurer , & pour couronner fon hy perbole , les fait toute lui- fantes &c couvertes de vernix^ Apres les avoir ainfi habil- lées , il adjoufte une faufteté mamfcfte , difianq qu’elles ne font pas comme les blanches, qui n ofent paroiftre que de nuit -, car toutes les trois fortes de Crabes ne paroilfenc que de nuit, &: dans faine Chnftophe dans faint Ruftache, où elles ne font plus fi communes quelles ont elle , tous ceux qui veulent manger des Crabes violettes , les vont prendre la nuit au flambeaudleft vray pourtant que toutes forcent de leur terrier quand il pleut , & que pour lors là terre eft cou- verte de toutes les trois fortes de Crabes, qui fe promènent &£ cherchent leur vie. Cen’eftpas une moin dre faufteté , que de dire qu elles ne rompent jamais leur rang. ; car toutes les bandes mar- chent en coîtfufion , & fouvent les unes par delfus les ■an- tres. . C’efRime chofe. tout Lfait digne d’admiration , de les Des Antilles habitées par les François . 331 voir defcendre de la montagne, environ le mois d’Auril ou de May , lors que les premières pluyes commencent à tom- ber : car alors elles fortenc toutes des creux des arbres , des Touches pourries, de defTous les rochers, &: d’une infinité de trous quelles font elles-mefmes dans la terre. On en voit la terre couverte , en forte qu'il fe faut faire place, & les ch iifer devant foy pour mettre le pied à terre, Uns en écrafer quel- qu’une. il femble qu’elles ayent de la prévoyance à fe défier du peu de durée de la pluye ; car la plufpart fe rangent le long des rivières , &c des ravines les plus humides , pour fe retirer dans les lieux plus frais , avant que la pluye leur manque , eftre ain.fi à l’abry des chaleurs qui leur font tout à fait con- traires. Toute cette décente fefaitavec tant d’ordre , qu’encor bien que le feul inflinét naturel y agi fie , il femble toutefois que la conduite d’un expérimenté Marefchal de Camp y foie employée. Elles fe divifent pour l’ordinaire en crois bandes * dont la premieren’eft compoféc que demafles , qui font plus gros, plusforts, & plusrobultes que les femelles, confequemment obligez à s’expofer non feulement aux in- jures du temps, & à frayer le chemin ; mais encore àcfluyér toutes les difficultez &: les effranges maffacres, que les habi- cans en font dans ce premier rencontre. Ceux cy qui font comme l’avantgarde de l’armée , font fouvent arreftez par le défaut de pluye , contrains de faire alte &: autanc de {tarions &c de nouveaux logemens , qu’il y a de nouveaux changemens dedans l’air. Cependant, tout legros de l’armée, qui n’cft prefque com- pofé que de femelles , fe tient clos & couvert dans les mon- tagnes , jufqu’à ce que le temps foit entièrement difpofé à la pluye:alors elles fe mettent en campagne,&: font comme des bataillons, longs d’une lieue ou d'une lieue &: demie, &: lar- ges de quarante ou cinquante pas , h ferrez, qu’à peine peut- on découvrir la terre. Trois ouquatre jours apres , fuit l’arriere-garde , quieft Tt i, 222 Hïftoire Naturelle compofédde mafl'es &: de femelles, en mefme ordre &: en audï grand nombre que les autres. Or comme dans les armées-, tout le monde ne marche pas en ordre , &c ne tient pas une mefme route: de mefme , outre le grand nombre de ces ba- taillons qui fui vent le cours des rivières &c des ravines , tous les bois en font remplis , mais un peu moins que les lieux par où-palFcnc les troupes. Elles marchent fort lentement toute la nuid , &C le jour quand il pleut, &c s’expofent fort rarement au Soleil. Que s’il arrive quelles falfent rencontre de quelque pays découvert & fans abry , & qu’il fade tans foit peu de Soleil ; elles s’arrêtent toutes à la hziere du bois, & attendent que la nui d foit venue pour palfer ce qui cil: découvert. Si quelqu’un s’approche du gros & leur donne l’épouvante , elles font vne retraite confufe &: à reculons, ptefentant toudours les armes en avant , qui font deux cer- taines tenailles , ou mordans dangereux , qui ferrent jufqu’à emporter la pièce , &: faire jetter les hauts cris à ceux -qui en font attrapez : elles frappent de temps en temps ces mor- dans l’un contre l’autre , comme pour menacer , & metene au dedans u Des Antilles habite t s par les François 1 corps , ^qui devient btufle & noir comme du charbon. Et quoy que cette noirceur leur arrive , quand elles fe nourrif- fent de pommes dc Génipa , celaneantmoins fe peut aisé- ment connoiftre ; car celles cy ont le Tdumctly ferme, font gralfcs , pleines, 6c en très bon point -, 6c celles-là ont tout le contraire. Ces animaux ont une faculté qui ne doit eftre enviée que des coupeurs de bour(c,ou de ceux que le Prevoft tient défia aucolet : c’eft que h vous les prenez par-un mordantou par une pacte , elles s’en défont comme bon leur femble , les dé- tachent delà jointure , aufli proprement que fi on les avoir coupez avec un rafoir , vous les laiffentdans lamain&fe fauvent, & s’il en eftbefoin, elles les quittent toutes les unes apres les autres. Iugez fi femblables gens ne doivent pas fouhaiter une chofe qui leur feroit fi neceffaire. Si elles font bleffécs à un mordant ou à une patte , elles extirpent promptement le membre 6c le mal tout enfcmble, fans avoir befoin de l’alfiftance de quelque expert Chirurgien. Tous ces membres coupez leur reuiennent au bout dei’an , ou au moins d’autres en leur place. Des Soldats ou Cancelles. §. I V. C E Soldat eft une efpece de petit cancre, long de trois ou quacre pouces au plus : il a la moicié du corps fembla- ble à une fauterelle marine, mais rcveftu d’une écaille un peu plus dure : quatre pieds affez femblables à ceux d’une Crabe ; deux mordans, dont l’un n’eft gucre plus gros qu un de fes pieds , 6c l’autre eft plus large que le pouce , rond , qui ferre eftrangement , 6c bouche tout le trou delà coquille ou il loge. Tout le refte du corps n’eft qu’un certain boudin, d’une peau allez rude 6e épaiile , gros comme le doigt , 6e Vu Hiftoire Naturelle 1 long delà moitié , ou un peu plus. Au bout Ü7 a une petite q .eue, composée de trois petits ongles,ou trois petites écail- les > comme la queue d’une fautereile de mer. Toute cette moitié du cor ps eft remplie d’un Taumaly , femblable à celuy qui fj trouve dans la coquille d’une Crabe : mais rouge, Sc qui eftantexpoféaufeuou au Soleil fefond , &ferefoud en huile , qui eft un véritable baume pour les playes récen- tes. l’en ay fait moy - mefmc l’experience fur pluficurs perfonnes, avec degrés- heureux fuccez. Tous les habitans eu font grand cas , & il s’en trou ve peu qui n'en faflént pro- vifion. Us defeendent tous les ans une fois au bord delà mer , ie nefçay ft c’eft pour s’y baigner, & y jetter leurs œufs comme les Crabes 1 maisiefçay bien que c’cft aufti pour y changer de coquille, car la nature qui les Eut naiftre le derrière tout nud s leur a donné linftmd d’y pourvoir en naiftant , car à peine font-ils au monde , qu’un chacun d’eux cherche une petite coquille, proportionnée à fa grandeur, fourre fon der- rière dedans , l’aiufte fur foy , & ainii reveftus des dépouilles d’autruy , &: armez comme des foldats de ces coquilles eftrangeres , gagnent la montagne, repairent dans les ro- chers & dans des arbres creux comme font les Crabes , &; vivent comme elles de feuilles de bois pourris & defruids? quelquefois au-iïï de pommes de Mancenille. D’où vient qu encore que nos habitans en mangent , Sc les eftimenc forçais fon erres- dangereux, L’ay une fois penfé rendre famé,, pour en avoir mangé deux dans la grande terre,, fous des Man cenilies. Cependant-, nos foldats croiffent dans la montagne, & la coquille , qui n’a pas efte expreiTément faite pour eux , com- mence à les prelïer &r à leur ferrer fi eftroicemenc le deniere, qu’ils font contraints de defeendre au bord delà mer , pour changer de maifon. Les curieux qui.on t pris garde a ce qui fc pafle dans ce changement , alloueront ing.enuëment a vec moy, qu’il y a un pkifo extrême a ies voir faire. Us s’arreften-t ajoutes les coquilles qu’ils rencontrent , les confiderent at- 3 enciycmenqS£ en avant rencontré quel qu une qu’ils croyér Des Antilles habitées far les François - 33 f leur dire propre , ils quittent incontinent la vieille , 5c four- rent fi promptement le derrière dedans l’autre , qu’il femble que l’air leur fafife mal , ou qu’ils ayent honte de le montrer à nud. Ariftotequi a dit , que les animaux ne combatoient que pour le manger 5c l’acouplement , auroit.adjoufté , s’il a- voit feeu ce que font ces petits animaux , 5c pour le logis: carfi deuxfe rencontrenten mefme temps dépouillez, pour entrer en une mefme coquille, ils s’entremordent& fe bat- tent^ jufqu’à ce qu’en fin le plus foible cede, 5c quitte la co- quille au plus fort > qui en ellant reveftu fait trois ou quatre caracoles fur le rivage ; que s’il trouve que ce ne foit pas fou fait , il la quitte 5c recourt promptement à fon ancienne, 5c en va chercher une autre ailleurs. Ils changent fouvent jufqu’à cinq ou fix fois , avantque d’en trouver une pro- pre. Il portent dans leurs coquilles environ une demy cuëil- lerée d’eau claire , laquelle eftun fouverain remede con- tre les pullules 5c veilles , que le laid ou l’eau qui tom- be de delfus les branches de Mancenillc , fait elle ver fur la peau. Quand on le prend, il fait paroiftre de la colère , jettant un petit cry , comme qui diroit, grc , gre, gre , 5c tafehe d’attra- per avec fon gros mordant, celuy qui le tient, 5c dellor_s qu’il a une fois mordu, on le tucroit plulloft que de luy faire laf- chcr prife. Vn de ces foldats m’ayant une fois pris par le bout du doigt , me fit par l’efpace de deux heures foutfrir ' d’eilrangcs douleurs , fans que j’y pûlfe apporter aucun re- mede. l’ay apris depuis qu’il ne faut queluy chauler la co- quille:car alors non feulement il démord, mais mefme abats * donne fa maifon 5c fe fauve. 24-0 Hifloirê Naturellé Dt quelques infectes nuifbles des Antilles . CHAPITRE IV. Des Scorpions .. S- k Ï L y a dans la Guadeloupe un grand nombre de Scorpions gris , &: tous femblables à ceux qu’on trouve en France; mais, grâces àDieu, les piqueures n’en (ont pas mortelles. I’en ay été piqué plusieurs £ois:entre Autres, j’en fus piqué un jour en dormant, vis à vis du cœur,ou ayant fenty de la dou- leur , je portay incontinent la main : j’en fus piqué pour une féconde fois au bout du doigt ; &: iene fçay fi cetce piqueu- re me toucha quelque bout de nerf , mais elle me fit beau- coup plus de mal , que celle que ie reccus à l’endroit du cœur , laquelle ne me caufa qu’une petite en fleure large comme un quart-d’écu : mais l’autre, non feulement me fit enfler le doigt, mais encore toutle bras m’enfla jufquesdef- fous l’aifTelle , fous laquelle il fefit une glande grolfe com- me un œufde pigeon, & le bras me demeura tçut tremblant Fefpace de 1 4. heures, apres lefquelles tout fe diiflpa, fans que i’y appliquaffe aucun remede. Ils font ordinairement dans du bois pourri , dans les livres, & bien fouvenç dans les cofres où il y a du linge. Fay remarqué que les femelles pour faire leurs petits,, tiflènt une petite toile large comme l'ongle , d'un fil quelles tirent de leurs corps comme les Araignées, & y pondent on- ze œufs o-uéres plus gros que des pointes d’épingles : el- les portent ce la par tout avec foy , jufqu’à ce que les pe- tits foient éclos , 6c auifi- toit qu’il s font au monde fi on Des Antilles habitées par les François. 341 les effarouche , ils gaignentle dos de la mere , laquellere- courbant fa queue par defluseux<, les deffend de fon aiguil- lon. Il s’en trouve une forte dans 1'Ifle defainte Aloufie, dont les piqueures lont bien plus dangereufes que celles des pre- miers : c’eft pourquoy ils font autant appréhendez deshabi- tans de cette Ifle,que les Couleuvres dangereufes. Il eft certain qu’ils changent tous de peau comme les Cra- bes de coquilles , puis qu'on trouve dans les livres & dans le linge quantité de peaux de Scorpions , vüides hc toutes en- tières , excepté une petite fente qu ils ont fous le ventre , par où les Scorpions font fortis. Des Araignées qui fè voyent communément aux Antilles . §. IL I L fe trouve un grand nombre d’Araignées de toutes for- tes dans toutes les Antilles, auffi bien que dans la Fran- ce. Elles ont prefque toutes de petites bourfes d’une eftoffe qui femble eftre d’un cuir bien délicat. Là dedans elles pondent leurs oeufs, & fe tiennent deffus pour les couver, ou pour les confeivcrdes autres petits infc&es qui les mange- roient : il s’en trouve qui les portent toufiours avec eux , juf- qu’à ce qu’ils foient éclos , comme les Scorpions, & elles en- font une telle quantité , que cela n’eft pas conceva- ble. l’en ay trouve d’autres dans les bois qui ne font pas com- munes. car elles font toutes plates, & pas plus cp miles qu'vn relton , larges d’un pouce, & longues d un pouce & demy, la partie anterieure eft faite comme un écuflbn , divifé par pe- tits carreaux, Ôdc ventre ou la partie pofterieure eft un ouaifc Y u iij ■?4-v U i foire Naturelle affez joliment moucheté 6c rayé pardeftus. Elles font coû- tes grizes , ôz oncles jambes fore longues , dures, &: heriffees comme les griffes d’un cerf-volant. U une forte à* Araignée monfrueufe > qui ne Je voit pas dans la plufpart des Antilles. §. I I I. I ’Ay veu dans l’îfle de la Martinique, une forte d’Araignée qui doiteftre épluchée déplus prés. Car ie ne crois pas qu’au relie du monde, il s’en trouve de plus prodigieufe. Le corps de cette araignée cil compofé de deux parties , dont la porter ieure, qui fernble cllre le ventre, eft prefque de la grof- feur d’un œufde poulie, toute velue, d’un poil noir, herifl’é & affezlong. La partie de devan t eft un peu plus courte , mais moins épaiffe. Au milieu du dos il y a une petite ouverture ronde, comme pour fourer un pois , toute environnée d’un poil un peu plus long que celuy du corps. De chaque collé de cette partie fortent cinq pieds plus 'jlongs que les doigts, velus , &c à quatre jointures , fans celles qui les joignent au corps , &: à chacun d’eux une petite pince ou mordant de corne roulfe fort dure , & deux dents dans la gueüle de la mefme eftoffedongues comme la moitié d’une épingle, cour- bées , &: afilées comme des égaillés : elles ont deux petits yeux noirs, luifans, guéres plus gros que des pointes d’épin- gles. Elles fiflent comme les autres Araignées^ font une petite bourfe grande comme la coque d'vncEuf , dont la première peau eft vn cuir délicat comme le cannepin , fur lequel les Chirurgiens éprouvent leurs lancettes 9 tout le dedans eft Des Antilles habitées far les François. fjiy remply d’vnefilalfe douce comme delafove, dans laquelle elles repofenc leurs œufs , elles tiennent cette b ourle fous leur ventre, &c la portent pat tout avec elles, l’en ay trouvé encore quelqucs-vnes toutes femblables dans des Ananas : mais un peu plus petites , A: qui avoient une partie du poil de deiïus le corps , tout verd. Quelques habitaus appréhendent cét animal , &c alïeurent qu’il elb autant ou plus dangereux que les viperes de la mefme Ilîe. S'il arrive qu’on l'irrite &: qu’on l’agace, elle jette un venin fubtil , ■qui rendroit vn homme aveugle, s’il tomboit dans les yeuxjle poil même de cette bette eft veneneux,&fi on letou* che lors qu’elle envie, il pique & b tulle prefque côme des or- ties : fi on la prend & qu’on la preffe ou ferre tant foit peu, elle pique d’un cguillon plus petit, que celuy d’une Alaeille, mais fi veneneux , qu’il faut avoir recours à tous les remè- des , que nous avons donnez pour la morfure des ferpens; encore a-t on bien de lapeineàfauverlavieàun homme, & il n’y a prefque que le petit cancre de mer qui y puifl’e re. medier On en rechercfie fore curieufement les dents, &C l’on affeure qu’ils en appaifent la douleur , pourveu que l’on s’en frotte , &: écure fou vent les dents ; ienefçayfi mes maux de dents eftoient pires que ceux des autres, mais ie içaybien que cela n’a eu aucun effec fur moy. ^>2 *^ 2 * £ 2*2 ’ Des Fourmis. $• I v. Î ’Ay remarqué quatre ou cinq'fortes de fourmis dans nos Antilles, extrêmement importunes aux habitâsrcar quoy qu’il n’y ayt point d’Hy ver qui les oblige à fe pourvoir pen* dant le temps de la récolté , pour cette faifon,oùil fcmble que non feulement toutes chofes leur doivent manquer 3 344 H i fi votre Naturelle mais qü elles foiec cotraintes fur peine delavic degardcrpri- •fon dans les entrailles de la terre , ou elles feroient bien mil - le fiecles>avant qu’on les fecourùt d’un feul grain debledr fieft ceneantmoins que les fourmis de ces Ides , travaillent avec autant de foin & de prévoyance tout le long de l’an- née , À faire amas & provifion de toutes les graines qu’on fe- me , que fi elles eltoient fujeces aux mefmes rigueurs que .celles de l’Europe. Et quoy que cette incommodité ne foit pas la plusfenfible de celles quelles caufent,c’eft pour- tant la plus dommageable aux habicans : car qu’ils fement aujourd’huy un beau carreau de graine de petun , fi les fourmis y donnent , en une nuiét tout eil enlevé , fans qu’il vienne aine feule plante. I’ay veu de pauvres habitans quafi réduits au defefpoir à ce fujet : & cela n’ar- rive pas feulement au petun , mais à toute autre forte de graine Celles dont ie parle font petites fourmis noires, allez fem- blables à celles que l’on voie le plus communément dans l’Europe : mais elles font en fi grande quantité que cela eft quafiinconcevable; de forte qu on ne peut garder ny confi- tures , ny fruits meurs , ny viande cuite ou crue , ny aucune force d’huile ou de g rai fie, qu’il s n’en foient incontinent cous remplis , U cela en quelque lieu qu’on les puifle mettre, quand ce feroitaudelfus dufeu.I’enay veu bien fouvcntnos tables fi couvertes, que nous eltions contrains de les aban- donner à leur importunité. S’ils prennentunc fois la route du liét il faut faire eftat de le changer de lieu, ou de ne jamais dormir en repos. Il y a deux autres fortes de petites fourmis rouges, pas plus erroflesque des pointes d’épingles ; mais qui ne font pas fi communes que les autres. Il y en aune efpecequi ne mord point, mais qui fe niche pour l’ordinaire en fi grande quan- tité dans les cofres où il y a du linge, que bien fou vent le lin- ge en demeure tout tache, le pourrit cntierement,(i on n y prend garde. Les autres qui font toutes femblables aux precedentes, ne repairent que dans les bois , &£ tombent de deflus les fiieiH.es r des Des Antilles habitées par les François . 34$ des arbres; il n’en faut qu’vne feule pour donner bien de la pratique à un home : car fi elle gaigne une fois le colet de la chemife } elle ne celfe de mordre en divers endroits , &en mordant fait gliflér un certain venin , qui s’eftend &: le cou- le entre cuir & chair, aulfi large que la main 5 &: caufe une dé- mangeaifon fi doulourcufe, qu’on auroic courage de fe met- tre en pièces à force defegrater ; & cela dure quelquefois une matinée entière. Vne troifiefmc forte de fourmis tres-dangereufes , font celles que leshabitans appellent Chiens , à caufe de leurs morfures.EÜcs font longues comme un grain d’avoine,mais deux fois au iîi grofles : elles ont deux petites dents comme des aiguillons d’abeilles , defquelles les morfures font plus douloureufcs que celles des Scorpions ; mais cela ne dure qu’une heure au plus. Il y en a par tous les endroits des Ifles, saon toutefois en fi grande quantité que des autres. Des Poux de bois. § v i. O N pourroit encore mettre au nombre des fourmis cer- taines petites beftioIes,que les habitans appelient/ > ner.Moy-mcfme,quoy quej aye toufiours cfté très foigneux de m’en garantir, comme ayant §. XI L &4' H iftoirc Naturelle Eres befoin de mes pieds , pourlefervice du pauvre peuple,, j’avoue, franchement que c’efl ce qui m’a le plus dépiu,& le plus incommodé dans le pays. Sur tout,c’eil le fléau des pa- re lieux : car fi tofl qu’vn homme fe négligé. elles luy gagnent les genoux, les fefles, les coudes, les mains, & s’y entaflent tel- lement les vnes fur les autres, qu’apres s’y eltre pourries, il s’y; forme de vilains vlceres , qui font quelquefois fui vis de l’ef- pian,qui efl la vérole du pays. Ces petits animaux ne s’attaquent pas feulement aux nom- mes , mais lesSinges , les Chiens , & les Chats n’en font pas- exempts; cela n’etf pas pourtant ordinaire, j’ay veu mefme vn jeune ramier fortant du nid qui en efloit plein Les remedes generaux font , d'aller bien chauffé , fe laver fou vent, tenir la café nette & bienarroufce.& s’il fe peut fai- re , d’eau de mer : ne point fréquenter le foyer où il y a des- cendres. Les particuliers font , fe frotter les pieds avec des füeilles de petun broyées, &c d’autres herbes ameres;mais fur toutle roiicoueftla pelle aux Chiques. des Antilles habitées par les François. / Ç IS •" fîo r$S ff?* fur*/ : •ïïffî' ✓àfe'* s&- ./?&'• iïfo* 'ifc' •' 5 ^* '’*'■ '^* *'"^ fev - t^jÿ’ ~i(y > ‘ ‘^Sfc ■'ip *' 1 ■ t^fti -^liy* ■ -ciy' r^Lsr* : •fUr^ *XS' Î -4>J- •'iis'» ’ .}■> ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ ^ W ^ ^ ^ : ^ : ^ TRAITE VII- DES HABITANS DES ANTILLES. L me reffe maintenant , pour ne me point dé- partir de l'ordre que j’ay tenu jufquesicy , de traiter du plus noble des Animaux , qui eft 1 Hommc:& dautantque la condition & l’eftat deshabitans de toutes ces Ifles,dlfort difTem- biable ( pour ne rien confondre ) je diviferav ce feptiéme Traité en deux Chapitres , dans le premier ie traiteray des Sauvages naturels du pays ; &: dans le fécond des François » des Colonies: j’avois dellein d’y comprendre aufli les Efcla- ues , mais parce qu’en traitant d’eux , j’ay à parler de plu- fieurs nations differentes 9 qu’il faut neceflairemcnt diitin-» guer par des Chapitres , j’en feray un Traité particulier, qui fera la clôture de cette fécondé partie. Et pareeque ie pretens feulement dépeindre icy les. Sau- vages de nos lfles,&: exprimer fans déguifemét,&: avec tou- te la finceritc poflible, la vérité des chofes comme ie la con- nois : ie ne mefleray aucune chofe des nations du Continent de la terre ferme } dans le Chapitre qui traite des Sauvag s, afin que l’on conçoive les véritables idées qu on doit avoir de ceux-cy. le prie pourtant le Ledeur de m’exeufer , fi ie ne les fais pas fi polis que le fieur de FFochefort les a faits , en quelques endroits defon Tivre, puifque ie fuivray en cela le fentiment de la plufpart de ceux qui les ont fréquentez, qui m’ont pro- tefté plufieurs fois , qu’ils ne les reconnoilloient plus dans la peinture qu’il en a faite. SJÔ Hipoire Naturelle j $ti : $i$k$i SiSiSiS\ : SiS\S\S} ?n$r : SiSt Si Des habitant naturels des Antilles de /’ Amérique, appelés Sauvages.. CHAPITRE L Des.- Sauvages en general §. I. r Omme dans les fiecles partez plufieurs ont cru, que Pair de ia Zone torride n'eftoit, s’il faut ainfi dire, compofé que de feu, de flammes, & d’ardeurs; que la terre qui eft def- fous n’eftoic qu vn defertafreux , fl fterile & fl bruflé , qu’il nefervoit qu'àcnfevelir ceux qui le vouloienc habiter, que toutes les eaux y elloient chaudes , croupies & envenimées.- en vn mot, que c’eftoit pluftoft vn fejour d'horreur & de fup- plices, qu’une demeure agréable & charmante. De mefme, ace feulmot de Sauvage , la plufpartdu monde fe flerure dans leurs efprits vne forte d ! hommes barbares, cruels, inhu- mains, fans raifon , contrefaits , grands comme des géants, velus comme des ours : enfin , pluftoft des monft; es que dei hommes raifonnabîes; quoy qu’en vérité nos Sauvages ne foient Sauvages que de nom,ainfrque les plantes & ies fruits ' que la nature produit fans aucune culture dans les forefts &C dans les deferts , lefquelles quoy que nous les appellions Sauvages , pofledent pourtant les vrayes vertus & es pro- pr-etez dans leur force & dans leur entière v gùeur , que bien fouvent nous corrompons par nos artifices , altérons beaucoup , lors que nous les plantons dans nos jar- dins» Or comme j’ay fait voir que l’air de la Zone torride eft 1er Des Antilles habitées par les François . jr plus pur, le plusfain 6c le plus temperé de tous les airs, SC que’ la terre y eft un petit Paradis toujours verdoyant, &: arroufé- des plus belles eaux du monde : il eft à propos de faire voir dans ce traité , que les Sauvages de ceslfles font les plus eontens, les plus heureux , les moins vicieux , les plus focia- bles,les moins contrefaits, 6c les moins tourmentez de mala- dies, de toutes les nations du monde. Carils font tels que la nature les a produits, c’eftà dire, dans une grande /implicite & naïfveté naturel le : ils font tous égaux , /ans que l’on con- noi/leprefque aucune /orte de fuperioritc ny de fervitude;&: a peine peut on reconnoiftre aucune forte de refpeft,mefme encre les parens, comme du fils au pere. Nul n’eft plus riche, ny plus pauvre que fon compagnon , & tous vnanimement Bornent leurs de/irs à ce qui leur eft vtile,&: precifément ne- ee/faire , &c meprifent tout ce qu’ils ont de fuperflu , comme' chofe ind igné u’eftre polledée. Ils n’ont point d autre ve/le ment, que celuy duquel la na- ture les a couverts. On ne remarque aucune police parmy eux: ils vivent tous à leur liberté, boivent &: mangent quand ils ont faim ou foi f , ils travaillent & fe repofent quand il îeua plaift : ils n’ont aucun foucy â iene dis pas du lendemain, mais dudef jeufner au difner , ne pefehant ou ne chaflant que ce qui leureft precifément ncce/Taire pour le repas pre- fent,fans le mettre en peine de celuy qui fuit,aymant mieux fe palier de peu , que d’acheter le pfaifir d’une bonne chere a vec beaucoup de travail. Au relie , ils ne fontny velus ny contrefaitsjau contraire, ils /ont d vue belle taille , d’vn corfàge bien proportionné, gras,pui/fans,forts 6c robuftes, fi difpos,& fi fains, qu’on voit communément parmy eux des vieillards de cent ou fix vingts ans , qui ne fçavent ce que c eft de fe rendre ny de courber les épaules fous le faix des vieilles années, & qui ont fort peu de cheveux blancs, 6c à peine le front marque d'une feule ride. Qj5 h plnficurs ont le front plat & le nez camus , cela ne provicncpas d’vn défaut de nature, mais de l’artifice de leurs Y y iij rfj l f H ifloîre Naturelle encres . , qui mettentleurs mains fur le front de leurs enfans pour l’aplatir &: l’élargir tout en femble, croyant que par cet- te impofuion de mains, ces pauvres petits reçoivent coure la beauté de leurs vilages ; &c parce que cette première figure imprimée dés lanaifTancc de l’enfant changeroit avec l’âge: les mères tiennent fortfouvent leurs mains appliquées def- fus le front de leurs petits, de peur quelle ne change. LesChaffieuXjlcs Chauves, les Boiteux, & les Bo£fus,y font tres-rares. Il s’y rencontre peu de frifez, mais pas un feul qui ayt les cheveux blonds ou roux , haïllant extrêmement ces deux forces de poil. La feule couleur du cuir les diftingue d’avec nous ; car ils ont la peau bazanée comme la couleur d’olive, & mefme le blanc des yeux en tient un peu. Plufieurs ontaffeuré que cette couleur ne leur eftoit pas naturelle, & quenajifans blancs comme les Europeans,ils ne deviennent amfi bazanez qu’à force defe peindre ôcfe fro- y ter de Roücou. Mais une preuve manifefte delà fauffetéde cette propofition, eft que nous avons quantité d’enfans Sau- vages parmy nous, fur lcfquels onn’a jamais appliqué aucu- ne de ces couleurs , qui neantmoins ne laiffentpas d’eftre bazanez commcles autres. Ils oncle raifonnemenc bon, & l’efprit autant fubtil que le peuvent avoir des perionnes , qui n’ont aucune teinture des lettres, &: qui n’ont ïamais efté fubtilifez & polis parles Icie- ces humaines , qui bien fouvent en nous fubtilizantl’efprit, nous le remplirent de malice:& ie puis dire avec venté, que f nosSauvages font plus ignorans quenous,qu’ils font beau- coup moins vicieux , voire mefme qu’ils ne fçavent prefque de malice que ce que nos François leur en apprennent. Ils font grands rêveurs , &c portent fur leurs vifagesune phvfionomie trille &: mélancolique. IlspafTent des demy- journées entières afils fur la pointe d un roc , ou fur la rive, les yeux fichez en terre ou dans la mer, fans dire un feu! mot. Ils ne fçavent ce qtre c’ell de fe promener , & rient à pleine telle , lors qu’ils nous voyent aller par plufieurs fois d’un lieuà l’autre fans avancer chemin , ce qu’ils eftiment pour Des Antilles habitées far les François, jç p une des plus hautes lotifes qu'ils ayenc pu remarquer eu nous. Ils Ce piquent d’honneur , mais ce n’eft qu’à noftre imita- tion , &: depuis qu ils ont remar qué que nous avons des per- sonnes parmy nous , aufquelles nous portons beaucoup de relpecl, & déferons en tout: Ils font bien aifes d’en avoir de Semblables pour Comperes , c’eit à dire pour amis, deSquels ils prennent en meSme temps le nom, pour Se rendre plus re- commandables , &: leur font porter le leur, & tafehent aufli pour cette mefme fin de les imiter en quelque chofe. Vn jour un des plus anciens de la Dominique, nommé A- michon , ayant veu Moniteur le Gouverneur de la Martini- que , avec un grand mouchoir à lamatelote autour defon col, que nous appelions communémentCr4V4//e,il crût avoir chez, loy dequoy le faire conliderer en imitant Son Compè- re, c choit le lezé d une vieille toille, d’une voiledeChalou- pe.de laquelle il Se fit deux ou crois tours au co!,lailfant pen- dre le relie devant loy II vint à la Guadeloupe en cét équi- page , ou il apprella à rire à tous ceux qui le virent ainlS ajuile. le m enquis bien ferieufement de luy, pourquoy il s elloit ainfi accômodé,&il me répondit d’un ton fort grave & Sérieux, que c’clloit corne SonCompere du-Parquet.Mais en vérité , quelques grands defirs qu'rsayentd’elhc hono- rez ils n ont pas depomt d’honneur quel intercfl d'un petit coulleau , d un grain de crillal,d’un verre de vin, ou debrufle ventre ( c eil ainfi qu ils appellent l’eau de vie) ne leur falfe fouler aux pieds. Ilslontd un naturel bénin , doux, affable, & compatilfent bienlouvent , mefme jufqu’auxlarmes , aux maux de nos* François, n’ellanc cruels qu’à leurs ennemis jurez. $do Hiÿoiré Naturelle De t Origine des Sauvages de nos IJles. g. II. N Os Sauvages font remplis de tant de rêveries tou- chant leur origine, que ce n’eft pas une petite difficul- té de tirer mefme une vray-femblance delà diverfité de leurs rapports. Toutefois, parmy tant de differentes opinions, ils ont tous cette croyance qu’ils font décendus des Galibis* peuples qui demeurent dans la terre ferme , & qui font leurs dIus proches voifins : mais ils ne peuvent dire nylc.temps. parmy fa nation, &: dcfireux.de conqueiler de nouvelles ter- res , fit embarquer toute fa famille , & apres avoir vogué af- fez*long-tcmps, qu’il s’cftablic à la Dominique { qui eft une Iflc où les Sauvages font en affez grand nombre ) mais que les énfans perdant le refped qu’ils dévoient à leur pe- re , luy donnèrent du poifon a boire, dont il mourut ; de telle forte qu’il changea feulement de figure , & devint un poiffon épouventabïe , qu’ils appellent Atraïoman, &: qui yft encore aujourd’huy dans la rivière. Cette metamorphofe nlelf approuvée que des plus fimples , les autres leftimanc une pure rêverie. M ais comme l’on ne fçauroit rien tirer de cette fable , qui nous puiffe pleinement Tarifaire fur cettematiere , il faut que le Ledeur fe contente de ce que nous en a donné le R. Pere Raymond dans fon Didionaire : car iene crois pas qu’il y ayt prefentement perfonne dans l’Europe , qui en ayt de plus certaine connoiffance que luy , ayant paffie une bonne partie de fa vie avec ces Infulaires, defquclsil aapris pandre da^s des Ifles affez reculées j ils affeurent feulement que leur premier pere nommé Kalinago , ennuy é de vivre ^ r* — J _ fZ Ta ^ m y» 1 1 1 1- /-« y-v liirA I C f A Ÿ* tout Des Antilles habitées par Us François. 361 tout ce que l’on en peut fçavoir. Voicy Tes propres paroles: I’ay enfin apris des Capitaines de l’Iflede la Dominique “ que les mots de G alibi & de Caraïbe^ eftoient des noms que ) il demeure avec vne femme, & vn autre mois avec vn autre : furquoy.il faut rem arquer qu’il ne paroît aucune forte de jaloufie encre elles, . Que les femmes de l’Europe crient miracle tant qu’il leur pi aua.. Des Jntilles habitées par les François, yyy Lafémeaue le mary entretient pendant ce mois,eft obligée- de luy aprefter toutes Tes neceflïtez, elle luy fait du pain, elle le fert comme fon maiftre,elle le rougit & le peigne tous les jours , & s’il faut qu’il aille en traite, elle l’accompagne mfc- parablcment dans fon voyage. , Maiseome l’amour de leurs femmes n efl: pas égal, leurs vîn- tes aufli ne sot pas rcglées;&:ils lailTét écouler des années en- tières fans en conoiftre quelques- vnesmiais fi ce font des fil- les deCapitaines,les peres s’inrerellet pour leurs filles, &mc- nacent leurs gendres de leur olter leurs filles, &de les donner à d’autres. Que fi elles font trompées & abulécs par les ar- tifices & promefies d’un amant , & que leur péché qui a elle fait en cachette vienne à la connoifiance du mary, il pardon- ne quelquefois à la femme, mais jamais à celuy qui l’a faite tomber en faute. , Ils veulent eftre aufii libres dans 1 abandonnement de leurs femmes , que dans leur choix : cefl pourquoy ils les qui teent quand bon leur femble , quoy que les temmes ne puiflent pas faire le mefme fans le confentement de leurs maris. „ . Si un homme époufe une efclave qu il ay t pris en guei re } quoy qu’elle (oit au nombre de fes fcmmes,elle cft toufiours tondue comme un garçon , &fouvent quand ils en ont plis leurs plaifirs, ils leur donnent d’vn coup de Bouton ( qmett une efpece de mafiuë , & leur arme ordinaire ) par la telle, & les envoyent ainfi en l’autre monde pour toute recom- penfe. ^ , Cela eftneantmoinsaflez rare, &: nousen avonsveuplu- fieuvs particulièrement des vieillards qui aymoient tendre- ment ces jeunes efclavcs , & mefme les enfans qui en nail- foienteftoient de pareille condition que les autres. -Bien que ce foit une chofe très- certaine, que les femelles des animaux portent moins de temps dans nos Ifles que dans 1 Europe : ie n’ay point remarqué nyoüi dire, que les femmes jouiflent de ce privilège -, mais feulement quelles font bien pluiloit capables d’avoir des enfans,&: quelles ceflent bien plus tard r B b b îj o Bifloire Naturelle d’en porter que les femmes de l'Europe. L'on trouve dan?, lesregiftres delà Guadeloupe ,1e nom d’une vieille Sauva- geife , appellée Madame , âgée de cent ans, & fa fille âgée de cinq ans, fay veu la femme & l’enfant, & bien que Ton ne feeut fon âge que par des conjectures , il eft tres-affeurc quelle ne pouvoir pas avoir moins de 8o. ans , quand el- le la mit au monde. Le R.Pere Chemel le fui te, m’aafieuré deux ou trois cho- fes, dans une des lettres qu’il m’a fait l’honneur de m’écri- re , qui font des preuves dececy. Car il memande que du temps qu’il demeuroit aux Lies , vn jeune garçon François domeftique de Monfieur de la Vallée , ayant abufé d’une vieille Sauvage , qui avoir du moins So.ans , elleende- vint grofle; à quoy il ajoufte,que dâs l’opinion des habitans qui avoient les premiers habité les lfl.es , elle avoir plus de cent ans , ce qu’ils confirmoient par l’âge des enfans de fes enfans , qui eftoienc defiaforc vieux ; & que dans Mile delà Martinique, il avoitmarié une Françoife âgée de ^.ans,qur ne laifia pas de devenir groife , & d’avoir plufieurs enfans,, bien que depuis quinze ans elle n’en, euft pointeu. De l’exercice des Sauvages. % V.. O u te l’occupation des hommes Sauvages, eft pluftofF JL un divertifiemencnecefifaire, fans lequel la vie mefmer la plus douce feroit infupportable , qu’un pénible travail;- car ils paflent toute leur vie dans une fi grande oyfiveté,que quand on les voix mettre la main à l’œuvrefil faut croire que* c’eft pluiloil la tiédeur & lennuy qu’ils trouvent dans cet- te faincantife, qui les fait tràvaiil'er 7 qu’un mouvement rai- fonnable. Sitoft qu’ils font levez , ils courent â la riviere pour fêla» Des Antilles habitées par Us François . sSi ver toutle corps ,&ils allument par-apres un grand feu dans leur carbcc , autour duquel ils s’afleoient tous en rond, pour fc chaufer. Là /chacun dix ce qu’il fçait, les uns s’entretien- nent avec leurs amis , les autres joüent de la flufte , de forte qu’ils remüent tous ou la langue ou les doigts ; cependant queTes femmes aprellent le dé-jeuner. Apres ce repas j quelqucs-vns vont a la pcfchc , qu ils exercent en pl ufleurs maniérés, car les uns tirent le poiflon a coups de flèches , & fe plongent auflî toft pour le prendre, d’autres lors qu’ils voyent des hemars quieft une grofle efere 4 * vice demer , prennent une grofle pierre dans leurs deux mains , ôc fe plongent la telle devant , ôc lai-flan t la pierre au fond, en rapportent les homars. Ils varrent aufli les Tortues mais pour 1 ordinaire : ils pcf- chent à la ligne comme nous , & prennent de gros poiflons avec de grofles lignes de pite,8£ de gros ameçons; & pour les petits ils les prennent avec de petits ameçons d etain fans aucun apats. îlsont aufli des oyfeaux comme des Pefcheurs,&: grands Gofiers qu’ils dreflent dejeunefleà lapefche,&: s’en fervent comme nous nous lervons des Cormorans. Ils en y vf en t aufli aflez fouvent le poiflbn dans les riviereS) avec certaines herbes broyées & lavées dans l’eau,& le poif- fou qu’ils prennent à la main , ne laifle pas d eftre aufli bon q ue s’il avoitefté pris à la ligne. Les autres s’en vont dans leurs habitations pour y couper du bois, ou fai. c en fe divertiflant quelque petit travail, qu ils y croyent neceflaire. D'autres s’occupent à faire des Tbicbets , avec la première écorce d’une herbe que les Sauvages de la Dominique ap- pellent Ou lloman-, & que j’ay décrite fous le nom de SoUman, pour Lavoir ainfioüy nommer à d’autres :■ ceslbichets font des petits cribles ronds ou quarrez , & dont les trous font fl petits , qu'ils s’en fervent pour palier leurs farines &: leur L fl H? ‘‘t ©üycou. On en voit qui font des lignes pour pefeheren haute mer, B b b iij ( VliK M * ui .>§ t ; X 11 H i flaire Naturelle quelques' autres des ceintures de coton , ceux qui font les plus faineans coupent leurbarbe avec un coufteau , ou bien 1 arrachent poil à poil : les autres font des Boutous , des Arcs, des Flèches, d esCaîo/is( quieft une efpece dehotte, dont fe fervent les femmes Sauvages . ) Les plus diligens s’occupent à faire des Canots fe des Pirogues, '& y paffent bien fouvenc des années entières. Quand ils font priez d’aller abatre le bois d’une habitation de leurs voifins, ils y vont tous enfem- ble , fe en une boutade , qui leur durera quelquefois deux ou trois heures , ils vous jettent cent pas de bois en quatre par terre tout en confufion , fe puis s’en vont boire fe y vrogner tout le relie du jour ,& bien fouvent durant toute lanuict: mais en tous les autres ouvrages , ils n’y employent qu’une heure le jour , & encore 11 lafchement qu’ils femble qu’ils fe moquent delà befogne. Ils confument tout le relie du temps , à fe faire peigner & peindre par leurs femmes, à joüer de la flulie fe à réver. Tout cecy regarde les occupa- tions des hommes, car toute la leunelfe s’exerce continuelle- ment à tirer de Tare, ils s’y perfectionnent fi bien, qu’ils ti- rent les oy féaux en volant. Ils luitent quelquefois, mais d’u- ne maniéré toute differente de nos François ; car ils fe pun- irent par les bras au deflbusdu coude , fe fe donnentde fi rudes fécondés , que le Pere Raymond affeure en avoir veu un, qui ayant eliéjetcé à terre par fon adverfaire , futplus d’un quart-d’heure fans fe reconnoilire. Quoy qu’on dife que les Indes font le Paradis des fem- mes, cela n’a lieu que pour nos Françoifes; &; fi een’efipas fans exception, comme nous dirons dans fon lieu : mais pour ce qui regarde les femmes des Sauvages, elles fontplu- tofi les efclave.s de leurs maris que leurs compagnes : car el- les ne font jamais oifives. Dés quelles font levées elles fevoc baigner, puiselles préparent le boüiîlo de leur mari, quelles font avec quelques bananes boüil lies, fe apres leur en avoir fait prendre une grade éculée,elle fe mettent à peigner & à ajufter leurs cheveux, fe à Les peindre de roücou. Cela ache- vé, elles mectentla main àlapafte ; fe travaillent à faire dm Des Antilles habite es par les François . 3S3 pain pour le des-jeufner ( car elles n’en font qu’au jour le jour ) puis elles font cuire ce que leurs maris ou leurs enfans lcul ont apporté delà chafle ou delà pefche , le leur ap- portent quand il eft cuit, avec de la Caflave : mais il n’eft pas vray qu’elles foient obligées d’a’ier quérir la venaifon,ou ce qu’ilsontpefché jufques dans le bois, ou furie bord del’eau, comme dit le fieur de Rochefort. Apres cela , elles s’en vont cultiver leurs jardins Sc labou- rerla terre avecun gros ballon pointu , qui eft comme un épieu &: ne fc fervent point du tout de nos houes. Elles ontaufti le foin de planter les vivres > de les cultiver , d’arra- cher le manyoc, le graterje pretïer ,1e palier, & le faire cuire enGalfave,& défaire leoiivcou dans leur grande alfemblée. Aquoy il faut ajoufter le loin&la nourriture de leurs enfans. Celles qui demeurent à la Café s’occuper à faire des lits de coton , &c y confirment prefque autant de temps que leurs maris à faire leursPirogues. Elles s’occupent auïfi à exprimer des huiles de Covaheu & de Palmifte, pour grailfer la telle, les cheveux de leurs maris. Ec il faut oblervcr que ce fe- roit une infamie à un homme d’avoir touché le travail d’une femme. Le foin qu’elles ont de traiter les malades , &:depcnfer lesblelfez , leurs a acquis une connoiffance merveilleufe des fimples, avec lefquels elles guérilïent une infinité de maux. Du commerce des Sauvages » $. V I. I Ls n’ont entre eux au eu ne forte de commerce, ne vendent ny n’achecent lien , s’entredonnant fo t libéralement toutes les chofcs dcfquellcs ils peuvent foulager leurs 4 Biftoire Naturelle Compatriotes fans fe beaucoup incommoder : mais n’^ ayant jamais eu de nation qui ayt efté plus necefliteufe dans toutes les chofcs que l'arc a rendu communes à tou- tes les nations de l’Europe : ils ont toufiours efté fort de- fireux du commerce des François , & des autres Na- tions de l’Europe : car auant leur communication , s’il leur falloir abatte du bois pour faire une habitation, ils n’avoient que des haches de pierrejs’ils vouloient aller àlapefche, ils nlavoient que des ameçons de Caret , s’ils avojent deifein de faire une Pirogue pour aller à la guerre contre leurs enne- mis , ils fouffroient toutes les peines imaginables pour cou- per un arbte, pour le tailler, pour le creufer & luy donner la forme d’une Pirogue : ncantmoins ils ne trafiquent pas en. afteurance avec les vaifl’eaux , à caufe que quelques-uns des leurs ont efté enlevez , à qui on axavy la liberté quelque- fois la vie. .Ceux qui leur font plus de mai, font les Anglois contre lefquels ils ont la guerre , à caufe qu'ils ont occupé quelques-unes de leurs Ifles dans Lefquellesils veulent r en- trer. Ils leur ont liurez p_lu.fi eues combats , où les Anglois ont toufiours eu du deiavantage : ceux-cy en vengeance de ces mauvais traitemens , quand ils palfent devant la Domi- nique-, changentde pavillon pour n’eftre pas reconnus , 6>C pour attraper ces pauvres miferables par ce ftratagefme dans leurs navires, les vendre comme la plus cheremarchandi- fe de leur Traice. Nos Sauvages voudroient biê que nosFrançois fiffentavec eux, ce qu’ils font avec leurs Compatriotes,c’eft à dire, don.- nadent libéralement ce qu’on leur demande : mais comme ils ont quantité de bonnes marchandifes , ôz fontplus atta- chez àleursintereftsque cesBarbaresdbne peuvent goufter cette façon de faire s ôz ie crains qu’avec le temps nos Fran- çois ne leurfaftent quitter cette louable couftumepour em- braffer le trafiç.Ce qu’ils ont défia affez bien comencé parmi nous:car nous n’avons plus lien d’eux, fi ce n’eft en recevant d’une main , ôz en donnant de l’autre. Au refte , ils font fi gueux §z fi pauvres, que la pluiparc portent tout ce qu’ifs ont de meubles avec eux. Des Antiüt s habitées par les'’ François. 3$ 5 Quand ils nous viennent vifiter, c’eft qu’ils ont aflaiie de tfios dcnrées,commc de Haches, Serpes,Coufteaux, Eguillcs, épingl es,ameçons, toile pour faire des voiles à leurs piro- gues, de Grillai, de petits miroirs, de la rafla ve,& autres peti- tes bagatelles qui font de peu de prix. Us nous apportent en échange, des lids de coton, des Tor- tues , des Porcs, des Lézards , du Poilfon , des Poulies , des Perroquets, des fruids du pays , des Arcs, des Flèches, de pe- tits paniers, 8c du Caret, qui eft la meilleure marchandée, 8c de plus grand prix. Us nous apportent aufli de ce qu’ils peu- vent butiner fur leurs ennemis, tout ce qui n’eft pas à leur v- fage ,& quelques pierres vertes, 8c s’arreftent aufli à ce qu’ils ontdebcfoin ; 8c fi un Coufteau leur elt neceflaire, quand vous leur prefenteriez deux Haches ou deux Serpes, qui valent vingt fois autant pour une Tortue , ilsnela donne- ront pas -, 8c prendront un Couteau , parce qu’ils en ont be- foin , 8c que c’eft le meuble entre tous les autres qui leur eft le plus neceflaire : car ils coupent 8c taillent perpétuelle- ment. On a leur traite à bon compte . 8c quelques uns de nos François y ont beaucoup gaigné Vne Tortue quelque gran- de quelle puifle oftre , ne vaut qu’une Serpe ou une Ha- che, un beau & gros Porc ne vaut pas davantage : mais où il y a le plus à profiter, c’eft fur les Ü&j de coton & fur le Ca- ret. Comme nos François fontplus fins 8c plus adroits qu’eux, ils les duppent aflez facilement : ils ne marchandent jamais un lid au loir , car comme ces bonnes gens voy ent la necef- ficé qu'ils en ont toute prefente, ils ne donneroient pas leurs lids pourquoy que cefuft;mais le matin ils le donnent à bon compte fans penfer que le foir venu , ils en auront autant af- faire que le foir precedent : aufli ils ne manquent point fur le déclin duiour de retourner 8c de rapporter ce qu’on leur a donne en échange, difanttout Amplement qu’ils ne peu- vent coucher à terre; &: quand ils voyent qu’on ne leur veut pas rendre, ils pleurent prefquc de dépit.Us font fort fu ets à fe dédire dans cous les autres marchez qu’ils font : c’eft pour C cc $8'6 Hiftoire Naturelle quoy il faut cacher & éloigner tout ce qu’on a achetéd’eux. En un mot, tout leur commerce & tout leur trafic n’eft qu’un jeu de pecis encans ; &ù bien fouvent quand ils viennent par- my nous , ils coudent plus à nourrir que !e gain que Ton a aux denrées qu’on acheté d’eux , ne vaut. Ils font fort im- portuns à demander ce qui leur agrée : ie ne fçay pourtant fT c’eft par orgueil ou par honte , qu’ils ne prient jamais d’une choie qu’on leur a une fois refufée. ÎSÜ2 -SC Des refioüljfances , tant generales que par- ticulières des Sauvages . y 1 1.. K f Os-Sauvages font certaines affemblées , qu’ils appet- ] lent Oüycou , &: depuis la fréquentation des François,-, Vin ; ce font des refioüifïânces communes, dans lefquelles hommes, femmes, &£ enfans s’enyvrent comme des porcs, avec du Oüycou qu’i's boivent par excez fans rien manger» C’eft dans ces débauches qu’ils fe (ouviennent des injures paffées , qu’ils entrent en colere, que leur colere pafl’e en fu- reur , tk. que leur fureur éclate par des vengeances horrible- ment fur, cites. Toutes ces affembîées ont plufieurs motifs differens ; car ils les font quand ils ont deffein de faire la guerre , lors que les hommes font déchiquetez avec des dents d’Acouty , a- pres l'accouchement de leurs femmes : quand on coupe la première fois les cheveux aux enfans ; quand les peresfont' leurs fils foldats , ou qu’ils les mettent au nombre de ceux qui font capables d’aller à ta guerre, lis font encore des vins, lorsqu ils veulent mettre un canota la mer,lequel a écér fa t de nou veau dans lès montagnes , car pour lors ils appel- lent tous leurs voiûnsjlefquels apres avoir travaillépendanc: Des Antilles habitées parles François. 3 S 7 ■ quelques heures , boivent tout le reftc du ioui . En fin , lors qu’ils veulent abatte un jardin nouveau , ou faire une nou- velle habitation. Tous ces V ins, Oùycou, ou débauches, font accompagnées de gaillardifes. Les uns joüent delà flufte, les autres chatent,&ils forment une efpece de mufique qui a bien de la douceur à leur gouft ; les vieilles qui ne chan- tent jamais qu elles ne foient faoüles , tiennent la baue avec une voix entoilée , & les jeunes gens le defius , auec un ton éclatant; il y a une fille qui tient une callebalTe pleine ue pe- tites pierres, auec laquelle elle fait un peu de bruit, s accor- dant au ton des autres. Pendant que ces violons animez fredonnent, trois ou qua- tre des plus adroits des conuiez , fe font frotter par tout le corps d’une eau gommée & eolante , pour faire tenir es plumes fur eux , & paroifire comme des mafearades dans toute l’aflTemblée. Ils font mille poftures, danfent d uneta- ,çon barbare , qui làjTe pluftoft qu’elle ne recree ; 1 un uent l'on bras droit eftendu fur les épaules d’un autre, & ceufy-cy fon bras gauche autour du coljdefon compagnon, &tous es autres les fuiventainfi deux à deux, dançant autour du ,Car- betjjufqu’à ccqu’apres avoir bien fait rire toute l’afseblee par ce fpeétacle boufon , on leur fait apporter par des femmes a chacun une callebaiïc de Oüycou , qui tient environ deux quartes de Paris, & il faut, quelques faoüls qu’ils puifsent eftre, qu’ils la vüident ou qu’ils crevent : quand ils n en peu- vent plus, un des plusEorts de la compagnie les embrafse par dernere, leur ferrant fi fort le ventre , qu’il leur fait vüider ce qu’ils ont de trop, par haut & par basales contraint d a- che ver leur callebafse. Cela fait, ils recommencent a dan- fer. . . . , . Cependant le maifire du Carbet qui a invite les autres, s’abftiencdc la débauche , & il femble qu'il ne foie point de la partie : car il fe tient debout devant la porte,le Bouton lur l’épaule , comme s’il eftoit en faftiou , pour empefeher qu il n’y arrive du defordre. Ils ne croyent pas que l’yvrogneric foit un crime , mais Ccc îj 3 à o Ht foire Naturelle feulement un diverdfsement,d’où vient que les femmes bol- vecauiîi hardiment queles hômes.-mais c’elt un horrible cri- me parmy eux d abulejr d’une femme citant faoüle.Lesfenr» mes dan.cent auffienrond , tenant une main fur la telle, 6ù î autre fur la fefse , 6c fans fauter ny marcher, ils remuent les- pieds , 6c quoy qu ils prennent bien de la peine, ils avancent Fort peu de chemin : ils n’ont qu’un banquet plus civil plushonelte , fçavoir quand un Sauvage a pris une Tortue, ou fait quelque autre bonne pèche, carpour lors il prie quel- qu un de les plus proches,luy fait bonne réception 6c meil- leure chere, apres laquelle il s'en retourne fort content. Parmy les defordres ae leurs débauches, ils ont cette hon- neftete,de ne manger jamais rien, fans inviter tous ceux qui. font dans leur compagnie , h bien qu’apres le partage de la viande , il ai rive quelquefois qu’il n’en relie plus pour celuy qui traite ; & parce que c eft la coultume, ils fe font fouvent fafehez contre noftre R. P. Raymond,quirefufoit fon mets,, de peur d’eitre trop à charge. C.es afsembi ees fon t tres-frequentes parmy eux , en forte* qu a peine fe pafse t il une femaine, qu’il ne s’en fafse quel- qu’une dans la Dominique». De la nourriture, ordinaire des Sauvages y & du, bon traitement qu ils font a ceux qui les vont < vijïter , S- V I I I. I L n 5 y a rien où larudefse de nos Sauvages paroiffe ranr que dans leur manger : car ils fontfi mal propres en tour ce qu’ils font pour le boire & pour le manger, que cela fam bondir le cœur à ceux qui le voyou aprefter, le ne dis rien Des Antilles habitées far les François. jSp icy de leur Oüycou &; boifton ordinaire, qu’ils font avec de la CaiTave mafchée par de vieilles bavardes de femmes, def- quelles la bouche put bienfouvent comme un retrait. Ils rottent, pillent, (ien’ofe dire davantage ) fans aucune hon- te, lors qu’ils mangent. Ils ne s’eftonnent nullement de voir dans leur manger des cheueux, des pailles, des feuilles, des chenilles, & milles autres ordures:en un mot, ils n'ont rien de bon ny de propre que le pain , qui eft de la Caflaue. Ils pi- mentent fi eftrangement tout ce qu’ils mangent , qu’il n’y a* qu’ eux qui en puilfentufer. Pour ce qui regarde les viandes qui leur font le plus en ufage , elles n’ont point de conuenance auec celles qu’oie mange dans l’Europe : car îlsnefe nourrilfent que de Bur- gaux ( qui eft un coquillage de la mer) de Crabes, de Soldats, de Tortue, &: de plufieurs fortes depoiffons, tant de mer que de riuiere.Ils ne mangent jamais de potage ny de chair, fi ce n’eft de quelques oyfeaux qu’ils jettent dans le feu auec leurs plumes & leurs entrailles ; Se quand ils font pluftoft giillez que plumez, ils les retirent, les boucanent & les man- gent. Ils n’ufentny de laid ny de fromage, ny de beurre, ils- ont en horreur les œufs & l’huile: (celas’entend chez eux, J car quand ils font auec nous , ils s’accouftument à manger à noftre mode:rl y en a pourtant qui font plus fcrupuleux que lesautres , & qui ne veulent point du tout enfraindre leur ancienne coultunve. Ils nefe feruenc pointdefel pour aftaifonner leurs mets; &s’ils rencontrent de la graifte^ls la jettent. Ils n’ont qu’une' fauce generale qui eft faire auec des areftes de poifton,&'grâ , de quantité de piment, auquel ils ajouftent I eau deManvoc, qui perd Ion venin quandellea boüi li.Ilsy méfient aufti de- là wouchachc ) qui eft comme la plus fine farine qui a cité tirée du Manyoc, puisfont boüilln* tout ce beau tripotage, dans lequel ils faucentleur pain auec tant de fatisfadion de leur go u ft, qu’ils le preferent à toute la délicatelïe des vian des les plus exquifes. US'inangenc ordinairement trois fois leiour : mais la pluf- C c c iij ^ p o H ifto ire Na turell ' parc du temps ils n’ont point de repas réglé, car ils mangent quand ils ont faim, &: quand bon leur femble. Les hommes mangent à parc dans le grand Carbet , les femmes &c les pe- tits enfans , dans leurs petites Cafés. Ils s’aUdïent tous fur leur derrière, comme des finges autour du Ceüyi c’efFà dire, de la moitié d’une Callebalfe)qui leur fert de vaiffelle, dans laquelle tout ce qu’ils doivent manger ell apreüé. Pour l’or- dinaire , les Chiens & lesChats font de la partiemiais les en- fans ont grand foin de les fraper auec un petit ballon furie muÜ^quand ils vont trop ville au plat. Farmyeux il y en a toufiours un député, pour reccuoir $c traiter les holles. .Quand quelqu’vn de leurs amis les vient vificer,le maillre des ceremonies l’introduit dans le Carbet, luy pend promptement un liél , fur lequel il le prie de s’af- feoir ce qu’il fait auiïi toll gardant ie ne fçay quelle graui- vité& lilence.En mefme temps, tour le monde fe met en pei- ne d’apporter de quoy faire bonne chere a ce nouveau venu. Vne femme luy porte à.boire,. une autre du pain , une autre des Crabes ou du poilfon ,ou des Burgau s, ou autres choies femblables. Si la Calîave ell pliée , cela luy donne à connoiftre que quand il aura mangé félon faneceiïîté, il doit lailfer le relie; que fi elle ell ellenduë , il peut apres en auoir mangé ce que bon luy femb!e,cmporter le relie chez foy. Quand il a bien beu ôc bien mangé , il auerrit fes holles qu’il eltfaoül : aufli -coft celuy qui 1 a introduit luy ameine tout le mondedu Carbet , pour luy faire la bien-venue, tous le falüentles uns apres les autres par -un feul mot de Haleatibott, c’eft à dire,foit le bien-venu. Apres cette civilité il parle indifféremment auec un chacun , & apres auoir fait boire & manger à la Compagnie, ce qui relie de fou repas, il dit adieu à tous en general & en particulier. Ils obfervent cette ciuilicé à tous ceux qui les vi firent en faifant voyage. Si c’eftun ancien ou quelqu’un qui foie un peu conlideré, outre ce que nous venons de dire, les femmes lelxoücoüenc 5 iluy graifsent la telle d huile de Palmille. Des Antilles habitées par les François. 391 Des Ornemens des Sauvages. §. I X. I L faut un peu modifier icy ce que fay avancé dans le pre- mier paragraphe de ce Traité : fçauoir , que les Sauvages n'ont au un veilcment queceluy dont la nature les a cou- verts : carileiltres cei tain qu’ils ont prefque tous les jours un bel habit d'écarlare , lequel quoy qu’aufïi jufte que la peau , ne les empêche ny d eftre veus comme s’ils n’avoienc rien , ny de courir. C’eit une certaine peinture qu’i-ls appel- lent RoUcott , qui eft difïoute avec de 1 huile , qui fciche com- me de l’huile delin oudenoix. Les fe mines ne manquent pas tous les matins , lors quïls fe doivent trouver aux alfem- blées publiques, mais principalement quand ils doivent fai- re voyage, de leur donner au lieu de chemife blanche , un julle-au-corps de cette peinture , depuis la plante des pieds jufqu’au Commet de la telle. Plufieurs adjouflent pour réhauffer cette couleur , de grandes mouftaches noires recoquillées , &c des cernes de mefme couleur autour des veux, quelquefois ils fe bariolent tout le corps de rayes noires ; de forte qu’ils font auili laids & horribles, qu’ils s’imaginent dire beaux. Nos Religieux qui portent des habits blancs , ne perdent jamais rien auprès d’eux, quand ils ont un habit neuf : car ils attrapent fouvent quel ques pièces de leurs habits , qu’ils ne fçauroient cacher. Par tout où ils fe frottent ou s’affaient,ils y laiffent toufiours de leurs marques. Il me fou vient a ce propos , qu’un Capitaine Sauvage veflu tout de neuf, ayant efté repris allez aigrement par Ma- demoifel le Aubert noilre Gouvernante dans T ! fie , de ce qu’il s’cfloic affis fur fon lift, quielloic de futaine blanche, 2 Hifloire Naturelle oli il avoir laiffé une bonne partie de Ton haut de chaufses: 8c Monfieur Aubert fon mary l’avant invité peu de temps apres de fe mettre à table pour difner : Il eut bien de la pei- ne às 5 y refoudre, prévoyant qu infailliblement il rougiroit tout le banc fur lequel il s’aifieroit : mais ayant jette les yeux fur fon alfiete , il s’imagina que cét inftrument rond, auquel il ne falloit plus que trois pieds pour faire une felet- te,n’avoit elle mis là que pour pofer fes fefsesic’efl pourquoy il la prir,&: l’ayant mife fur le banc, il mit fon derrière .defsusî mais voyant que tout le monde s elloit pris à rire de cette a- étion , il fe mit encoiere,& nous fît dire par un truchement, qu’il ne fçavoit en quelle pofture fe mettre parmy les Fran- çois qu’il n’y reviendroit plus de fa vie. Ce veilemenc quoy que leger ne leur ell pas inutile : car il les garan tit non feulement du haie , mais encore du pou- drin de la mer , duquel fe forme un fel acre , qui def- feiche &: brufle la peau : il les échauffe aufîi dans les froi- dures de la nuiot , 8c fur tout les preferve des piqueu- res fafchcufes U importunes desMoufliques &c des Mann- goins. Ils ne portent point de barbe , mais fe l’arrachent poil à poil, comme j’ay defîadit , avec la pointe d’un couïteau, 8c s’il en relie , le razent avec une herbe qui coupe com- me un razoir. Ils portent tous les cheveux longs comme les femmes de l’Europe , 8c en laiflent pendre une partie fur le front , qu’ils coupent en forme degarfette , 8c audi deux mouftaches aux deux cotiez des tempes : tout lerefte, ils le tirent derrière , le peignent, 8c l’ajullent fovt proprement aucc des éguillettes de coton , au bout defquedesil y a de petites houpes,des Dez à coudre, du Criftal,de pentes pate- nôtres blanches, 8c autres femblables bagatelles. Ils fichent dans cette troufse de cheveux des plumes de toutes cou- leurs , 8c quelquefois s’en font des couronnes autour delà telle. Ils ont tous les oreilles, la levre d’en- bas, & l’entre-deux des narines percez ; ilspafîenc dans l’entre- deux des narines de Des Antilles habitées parles François, jpj de longues plumes de Perroquet,qui leur feruentcomme de mouftaches : auxquelles ils pendent quelquefois de petites lames de cuivre larges comme l’ongle, llsfe paflentoesa- meçonsdans les trous des oreilles, d es épingles dans les xrous de la levre. Ils portent à leur col de grands coliers , qui leur pendent jufqües fur Tcltomach, Ces colicrs font ordinairement faits de dents d’Acouty , de dents de Chats, &: de dents de Léo- pards qui font fort proprement ajuftées dans des tre (Tes de cotonuls portent auffi pendus à leur col des fiflets,qu ils font des os de leurs ennemis. L’ornement duquel ils font plus de cas font 1 c Carœ colis, OMCoulloncèti sot certaines lames d’un métail,qui eft une forte d’or de bas aloy,lequel a cette propriété de n’eftre point lufceptible du verdet ny de la rouille. C’elf ce qui fait que les Sau vages l’ont en grande efti me , Sc qu’il n’y a que les Ca- pitaines ou leurs entans qui en portent. On a crû que ces Caracolis provenoient de 1 lile d’Hifpa- niola, autrement faint Domingue : mais les Sauvages afleu- rent le contraire, & difent qu’ils les traitent auec leurs en- nemis, qu’ils appellent, Alloüagues, par le moyen de quel- ques intel 1 igeces qu’ils pratiquent parmy ceux de cette na- tion , qui leur en font prefent,en recônoiflance de ccuxquils reçoivent reciproquemétd’eux De fçavoir d’ou cesAlloiia- gues les prennent, c’efl la difficulté ; car ils difent que les Dieux qu’ils adorent , lefquels fondeur retraite dan .s des rochers fourcilleux, dans des montagnes inaccellibles, leur donnent pour les obliger à porter plus d honeur,& une plus grande reverence à leur fouveraineté. S il eftvray ic m’en raporte , il fe peut faire pourtant que le diable abufe les foibles efptits de ces ignorans par cét artifice. Quoy qu’il en foit,ces Caraco/ts font tres-rares parmy eux, & ils les apportent de la terre ferme. Il y en a de diverfes grandeurs, mais les plus eftimez n’ont pas plus de deux fois, la grandeur d’un efeu d’argent. Ils ont la forme de Croisant, &: ils les portent pendus à leur col, enchaflez dans du bois. Ddd H'ijïoire Naturelle Ils portent des brafFélets de rafTade blanche, larges com- me la main , non pas au poignet , mais au gros du bras, pro- che l’efpaulc: ils en ont autant aux jambes au lieu de jarre- tières. Ils s’en font mefme de doubles écharpes-, de cinq ou fix chai fiions palTez en croix par defFus les épaules, &c deffous les aiflélles. La coiffure des femmes eh femblableà celle des hommes, , hormis qu elles n’y fichent point de plumes , & ne portent’ jamais de couronnes : mais elles fichent les plus beaux pei- gnes qu’elles ontdans leurs cheveux, & il femblé que ce foie une luiope. Elles fe peignent de roiieou comme les hom- mes, fie portent aufFi des bralfelets cômeeux,non pasaugros* du bras, mais au poignet. Elles portent des collets de diver- fes picrrenes,cornme de pierres vertes, d’ambre, de criftal, de ralfade.I en ay.veu qui en avoient plus de fix livres pefant* pendus au col. (4pan 1 c lés doivent paroiftre dans leurs grandes a-ffem- blées elles fe font des ceintures trefTées de fil decoton, de chaînes de rafsaue blancheoù elles pendent en diuers en- droics de petites troufPcs de fix ou fept chaifnons de rafsade, longs comme le doigt, &. grand nombre de petites fonnetes,. afin de faire plus de bruit èn danfant. Toutes les filles 8>c les femmes , excepté les efclaves , por- tent dés leur tendre jeunefse une certaine demy-chaufse, qui prend depuis la cheville du pied jufqu au gras delà jam- be-, & une autre large de quatre doigts , entre le gras de la, jabe& le genoüibau haut de la chauiTure d’en -bas elles atta- cher une cfpecc de rotonde , plus large qu'une afIiette,tifFuë* de jonc &: dé coton , & une autre un peu p! us petite au bas de celle d’en haut : de forte , que ces deux rotondes fer- rent & font fi bien rebondir le mol et de la jambe, qu’il fem- ble que ce foit un fromage deHolande prefse entre-deux- allieues. Ces c h au fs u res fcmtdau tant plus eftimées des fil!es& des femmes , que c ? efi: une marque infail.ible deleur liberté, d’où vient que les cfclayes n’enportem.jamais : elle leur dT Des J nulle s habitées par les François, jçç neantmoins fort incommode & fort douloureufe; carfi-toit que l’eau donne dclTus , elles fe rcllerrenc fi foi t , qu’elles en pleurent quelquefois de douleur. Des Carbets } Cafés ? Liâs , Pirogues tF Canots des Sauvages* §. X. Q Vant à ce qui regarde les demeures , les Cafés ou les habitations de nos Sauvages : il faut dire que chaque famille compofe fon hameau; car le Pere de famille a fa Ca- fé, où il rehde avec fes enfans qui ne font pas mariez, & avec Ces femmes, tous les autres enfans qui font mariez , ont cha- cun leur ménage & leur Café à part, autour de celle du Pere defamille. Toutes ces Cafés qui n’ont point d’autre plancher que le îoiét, font feparées en deux ou trois chambres , dont l’une fert au manger , une autre à coucher , &c à recevoir ceux qu’ils viennent vifiter : quelques-uns en ont une pe- tite particulière , où ils mettent tous leurs Caco/ines^ c’elt à di- re bijoux^ comme leurs Arcs , Flèches , Boutous , Haches , Serpes , & Coulteaux; ils y mettent aulïi leurs Liéts, leurs petits paniers, oùfont leurs petits miroirs, leurs Ci féaux, leurs coliers &c chaifnes de ralfade ,&enun mot , tous leurs petits ornemens. Les autres vfteneilles qui feruent au boire & au manger, qui confident en quelques petites jattes de terre, Cannaris qui feruent à faire le Oüycou , &C en quelques autres petites vailfeJles qu’ils appellent Coüy, qui font faites de callebaffes, comme nous avons dit ailleurs, font dans la cuifine : tout le relie de leurs meubles font quelques petites félcctes à trois pieds toutes d’une pièce, &: quelques petites tablettes D d d ij ppf) Hiftoiré Naturelle qu’ils appellent: Htatofitou, qui ont quatre pieds de bois- , &rler relie eft tiffu de füeilles de Latanier & de joncs 5 comme j’af dit ailleurs. Tousleurs jardins où ils plantent leurs viures font dans les bois feparez de leur demeure ordinaire. Au milieu de tou- tes ces Cafés , ils en font une grande commune qu’ils appel- lent Carbet , lequel a toujours foixante ou quatre-vingt pieds de longueur , &c cil compofé de grandes fourches hau- tes de iS. ou vingt pieds , plantées en. terre. Ilspofentfur ces fourches un Latanier , ou un autre arbre fort droit qui. ferc de faift, lut lequel ils ajuftenc des chevrons qui viennent toucher la terre , &C les couurenede toleauxou de fuëilles^ de Latanier ; de.force qu’il fait fort obfcur dans ces Carbets, car il n’y entre aucune clarté que par la porte, qui cil fi baf- fe , qu’on n’y fçauroit entrer fans fe courber. Les garçons ont le foin de le nettoyer & balayer , & mefme tout autour d’iceluy. Les filles & les femmes font le rnefme aux petites Cafés. Au. coïté de ce Carbet qui eft fait en ovale, il y- a une petite porte parcicu i icre , par laquelle ils prétendent que lu Diable entre quand leur Boyé l’a appelé , & il ny a que luy feul qui pafffc par cette porte. Nos Sauvages n’ont aucun vfage dé couches , mais ils onc des lids de coton qu’ils portent partout auec eux; &: ceux qui n’ont pas débets de coton , couchent fur des cabanes compofées de quatre ballons, tiffus par dedans d’efguillettes d écorces de ma hoc. Leurs femmes employent quelquefois un amender à faire un de ces lifts. Lors quelles ont filé fept a huit livres de fil de coton un peu gros : maistres-uny ô£ bien tords-, ell es les ourdiffent fur un métier, comme pour faire de la toile , & puis elles les tilîent comme les Tifferans: mais emfaçon de crefeau , laifsant a chaque bouc de la pièce un bon pied de filets fans les tifser. Le tout porte environ dix à douze pieds de large, &fix ou fept de longueur. Pour fe ferait decesÜéts , ils prennentdix ou douzebrafses de çordesde pires un peu plus grofses que du foie , &ayantlie huit ou dix de ces filets , ils font un pi y de cette corde long de deux pieds., puis; repafsenc cette corde dans huit ou. dix. Des Antilles habitées par les François. y autres filets ; & refont encore un ply , &ainfi confecutive- ment jufqu’â la fin. Cela fait, ils prennent une autre corde de Pi te , greffe comme le doigt, avec laquelle ils lient ies plis de cette première corde cnfemble , 8c en font autant à; l’autre boui. Quand ils s’en vont coucher , ils pendent ces lits par ces deux grofles cordes a des arbres, ou à deux four- ches de la Café, fans toutefois le bander beaucoup, mais le Lamant un peu courbé. Ces liCts font alfez commodes & fort fains-, car on y cfi: toufiours àl’air:&:il y a du plaifir à s'y repofer pendant la cha- leur du jour , à la fraifeheur fous des arbres. Prefque tous nos François s’en fervent, principalement ceux qui ns font pas mariez : car pour dormir à fon aile dans un lict de coton, il ne faut ny compagnon ny compagne. Lors que ces liélsfont neufs, ils font blancs comme de la neige s mais les Sauvages ont foin de les peindre de ruftiques & de morefques à leur mode, avec une peinture noire qui ne déteint jamais : enfin , ils les graillent d’huile 8c les peU gnentde lloiicou, pour-les garantir de la pluye. Les Sauvages font toufiours du feu fous leurs lifts : car ils font fort fnllcux. Cela les garantit aulli des Marinaoins: mais fur tour, à ce qu’ils difent,des Maboyas 8c des malins es- prits. Nos Barbares font deux fortes de baftimens à leur mode pournaviger fur la mer , qui font bien différons de nos bâ- teaux 8c chaloupes. Les plus grands font ceux que nous ap- pelons, Pirogues , 8c en Sauvage Canoüa -, & les pluspetits ceux que nous appelons Canots , 8c eux Couliala. Les uns 8c les autres font des arbres tous entiers , qu'ils do’lent creufent, 8c ajuftent maintenant avec les Haches, les Tyl- les, & autres outils, qu’ils achètent des Europeans ; maisa- vant qu’ils euflcnt commerce , avec eux , ils y confumoient des années entiei es , abatant les arbres ou les bruflant par le pied , 8c les creufant avec des Haches de pierre , 8c avec un petit feu qu’ii fallait conduire petit à petit , toutlclono- de la Pirogue, jufques à ce qu’elle eut atteint la forme qu’ils luy vouloient donner. D d d iij Hzfroirs Naturelle Les Pirogues fcmblent n’eftre autre chofe que deux gran- des planches j ointes en fe mb ! e par le bas, Rouvertes defix à fcpc pieds de large par le haut,& bouchées par les deux ex- tremicez, avec desmorceaux de planches ; mais particuliè- rement à l’arriere où elles fontprelque toujours un peu. plus haute qu’àl Avant. Or comme pour l'ordinaire elles ne font pas allez hautes de cette' première ftrufture : ils les rehuvent 6e réhau lient v -tout de bout en bout , avec des planches de quinze à feize pouces de large : 6e comme ils ne fe fervent point de clouds, ils coufent & ajuftent ces planches fur la Pirogue, avec des éguillettes de Mahot : &: apres avoir bien ealfadé les join- tures avec des eftoupes faites d’écorce de Mahot battue, ils coufcntpar delfus cette ehoupe des gaulettes, avec des éguillettes de Mahot. Cela à la vérité cft allez eltanche,mais il ne dure ° r uére,ô£ il y a toufiours a refaire. Ils coufent aux deux codez à derny pied du bord , des perches, fur lefquelles ils attachent de deux pieds en deux pieds, des ballons en tra- vers de la Pirogue, en dedans^lefquelsleur lervent de Tore ou de ficge, pour s’afleoir en ramant. . Ces Pirogues font pour Térdinaire de quarante pieds de lono- , 6e defept o.u huit pieds de larges ; le gouvernail n’elt qued’une planche cramponée , fans fer & lans doux , dans une autre morceau de bois : elles portent quelquefois cin- quante pe rfonnes & tout leur bagage. Elles vont à la voile & à la rame ; leurs rames ont un manche comme ccluy des Befehes , 6e au bouc , un petit morceau de bois de travers, fur lequel on apuye une main , & de l’autre on tient la rame proche delà pelle , qui eh longue de deux pieds 6e demy. Ils rament tout d’une autre façon que nous : car ils ont le nez tourné vers le devant delà Pirogue > 6e en pouffant l’eau en arriéré, ils pouffent la Pirogue en avant. Ils font quelquefois deux ou trois cens lieuës en mer,avec d allez mauvais temps, 8e lors qu’ils font arrivez, ils n’ont point d’autre Ancre qu u- ne pierre prife avec quatre ballons ,ôe pour Cable leur écor- ce de M aho t .ires C ouha las\opio. nousappellonsCanots, n'cx- Des Antilles habitées pa r les François . $9 9 cèdent jamais vingt pied de long, & crois ou quatre de lar- ge : ils font pointus par les deux bouts , de forte qu’on a pei-. neàdifcerner la Poupe d’avec la Proüe. Ils les féhuvent ra- rement. Ils rament dedans comme dans leurs Pirogues ; il y en a de toutes façons , & de fi petits qu’ils ne peuvent porter qu’un homme , & ceux-là ne fervent qu’à la pefehe. Ils fe fervent quelquefois aufii depiperis, tels que nous les avons dépeints dans !a première partie. Ils n’ont ny Bouflole , ny Aiman, ny Cadran .■ c’efi: pour- quoy ils ne s’éloignent pas beaucoup de cerre. Quand ils la perdentde veuë,ils fe gouvernent de nuit fur les Eftoiles, &£ de iour fur la route du Soleil. Celuy qui entreprend de faire quelque voyage porte le nom de Capicaine, gouvernela Pirogue, & donne ordre à. tout ce qu’il faut pour rembarquement, fans pourtant qu’il en foit plus confideré des autres. Quand ils prennent terre ailleurs que chez eux , ilsfont de petits toids ou auvents qu’ils appellent Aj oitpa , les cou- vrent de feüi des de Latanier , oude Baliziers , pendent leurs iiék défi eus. W tff. w- sm & -Je 3b Ab Ak: Sib De tout ce quife pajf ? dans les guerres des Sauva- ges> (D des armes dont ils fe fer tient. §• , X I, L Es Sauvages ont trois fortes de Capitaines qui leur commandent. Les premiers fonx ceux qui font les> maiftiesde quelques Canots ou Pirogues : les autres font ceux qui ont des habitations en propre; les croifiémes ceux "qui font éleus tels par fuffrages, ou bien parce qu’ils ont fait paroiftre un grand courage dans leurs guerres, ou bien pour aoo Hifvoirc Naturelle avoir tiré pluficurs de leurs ennemis. Ils ne font jamais éle- ction de jeunes gens, quoy qu’i's foient fils de leurs Capitai- nes , de crainte que le peu d’expericnce qu ils ont, & ate- merité qui les tranfpoïte,ne leur foient prejudiciables : mais ils font choix de perfonnes âgées , afin qu’elles ne loient pas moins eilimées par la maturité -de leurs eonfeiis > que parla longue connoiflance qu’elles ont des armes.. Quand ces vieillards c on no i lient qu’ils ne font plus ca- pables de fupporter le fardeau de leurs charges, ny des -cour- tes pénibles qu’il faut -faire allez fouvent dansées em plois, ils s’en déportent , & nacquierent pas moins d’honneur par cette increnueconfelfion de leur foiblefie , que s’ils avoienc réportè^esvidoiresj^iais afinque la pluralité de cesCapitai- nes ne faite perdre le refped qu’on leur doit, il n y en a quel- quefois qu'un feul dans une 1 Hé. Il y en a deux dans la Do- minique , qui demeurent fort éloignez 1 un de autre , de peut que leur authorité ne fe choque , &c que la jalon - fie ne les perde. Leur pui dance eft pourtant limitée , par- ce qu’jls ne commandent .que dans les affaires de la guer- re ’ Ec c’efl à ceux-là que le fieur de Rochefott donne afifez mal à propos les nas de Généraux^ d Amiraux, & que quel- quefois il les appede Caciques, quoy queny les Sauvages, ny me fine la pufpart des François n ay eut jamais entenau par- ler de ce nom. Comme nos Sauvages ont de vieilles guerres , tantcon- tre quelques nations de l’Europe , desquelles ) ay futn- famment parlé dans ma première partie , que contreles na- tions Sauvages de la terre ferme, particulièrement contre les Alloüagues:ces Capitaines en tant qu expérimentez aux af- faires de la guerre , ayant donné des preuves irréprochables de leur generofité & de leur courage , foulevent tout le peu- ple , leur font prendre les armes, &: les meteent en campagne quand il leur plailt. Tous leur obeïflenten ce qui concer- ne la guerre feulement -, car hors delà fis ne font nullement xonfiderez. _ , L un I Des Jntilks habitées par lès François. , 401 .,50 11 and donc quelqu’un de cesCapitaines a deffein d aller a, la o-uerrc,il fait un vin, ou une afseblee generale chez foy,ou apres que les co viez fs sôt bien réjoüis^bien danfe a leui mo- de, &beu jufqu’à crever: lesvieilles féines coures laotiles qu - elles font,comencent à Te fouvenir du deffein de 1 alseblee,&^ fe mettent à raconter les outrages &c les torts qu elles pre* tendent avoir receus de leurs ennemis. L vne regrette Ton mary tüé ; l’autre dit qu ils ont mange ion peie , une mere plaint Ton fils, une fœur Ton frere : bref, il s font un Caramemo de plaintes confufes fi effranges ,qu ils emeuvent toute 1 af- femblée aux larmes , s’excitant vnanimement les vns les au- tres à la vengeance de leurs ennemis Alors ce Capitaine qui a fait le projet de la guerre fait le hola,&r cette rume ur citant appaifée, il harangue devant toute 1 alfemblée ; mais d un langage li releve entre eux , que les femmes les enfans n y entendent rien. Dans cette harangue il leur reprefentc leurs Peres ma (hu- erez , leurs Frétés égorgez , & leurs enfans dans 1 efclavage. Apres il vante hautement toutes fes proüefles , leui faifant un errand narré de toutes les victoires qu i! a r emportées fur leurs ennemis , lefquelles font bien (ouvent plus imaginai- res que réelles : les exhortant a (e confier en (a valeur , & a combatte genereufement. Tous vnanimement applaudif- fentàfon difcours , car il le prononce avec tant de fei veur, que le dernier de leurs ennemis pafe défia poui extermine dans leur efprit. Pour conclufion , il leur alligne le jour du départ, & leur donne le rendez-vous. Audi -toit tous les Ca- pitaines qui doivent conduire des Pirogues , donnent or die aux vivres & aux munitions de guerre: & toutes les femmes travaillent à faire de la farine pour le vo-ynge, qu elles enve- lopent fi proprement dans des fcüilles de Balifieis , que l’eau n’y peut entrer. , Quand le Capitaine ne fait pointd Alfemblee, il députe Tvn des plus confidcrables dans les habitations. Celuy-cy eftant arrivé parle au Maître duCarbet , durant une bonne demy heure. Apres cct ennuyeux d i h' ouïs , le rvlaifltc^ie- pod avec autant de prolixité que 1 autre, ap ouveou def' r Ec e 402 Htjhire Naturelle approuve le defîein delà guerre , à laquelle il va fi bon Itiy femble:car ils n y forcent jamais petTon ne. S’il eft tout à fait. perfuadé,foit par lanccefllcé,foic par l’vtilitc de cette entre- prise, il promet de fe trouver au rendez-vous au iour aflignc pourledépart. b Cependantles Soldats, qui font de l’entreprife fe muni f- fent de Boutons ( qui» eft une façon de rnaft’uë faite brefil de bois verd,. ou de quelqu’autre bois maflîf , & pefant comme plomb. Cette mafluëeft longue de trois pieds ou envi-on,&largeeôme la main jufques fur 1 extrémité où elle s eilargit un peu : elle eft platte, elpailTe d’un pouce, Sc gra- vée ala façon des Sauvages : qui remplîffenr cecce graveurs d une peinture blanche faite avec delà mouchache , c 'eft à di- re, de la fine fleur de manyoc. Quoy que ce B ou tou ne foit pas trop en main, il n’y a boeuf qu’ils ne terraiTent d’un fcul coup. Il y en a de grands, &c de petits, à proportion de ceux qui les*, portent. . ^ Ils font un grand amas de flèches , qu'ils ont préparées de longue main. Ces fléchés font faites d’un.certain tuyau qui cioiit ala lommite des rofeaux & qui en porte la o-raine Ce tuyau eft gros comme le petit doigt , long de quatre la dnq pieds, poly &:fans aucun nœud, jaune comme de l’or & lé- ger comme une plume. Dans le gros bout de ce tuyau iis ajuftent au lieu de fer, une verge de bois verd , ou de quel- que autre bois fore &. pefant , & y fonc avec des coufteaux quantité de petits ardillons ou harpons , afin qu’on nepuifle lés tetiicr fans agrandir la playe : Je bout de ces flèches eft ©mpoiionné avec du laid de Mancenille; de forte que tou- tes les bleflures , ne fufl'ent-elles qu’au bout du doia t en font mortelles. Ils mettent aufli à quelques unes delèurs fléchés certaines areftes longues comme la main que Ion trouve au deflus-de la queue d’une forte de Raye aftèz commune dans toutes les Indes : cette Arefte porte fon ve- nin avec foy , & eft aufli dangereufe fans artifice que les au très avec le poifom Quelques-unes de leurs fléchés font em- pennées au bout comme les noflres,avec des plumes de Per- roquet. Leurs Arcs qui font tous femblables auxnoftres" des J nulle s habitées par les François. 403 font faits de B refîl , de Palmiile , ou de bois de Heftre. Ils portent aufïï quelquefois des Sagayes de bois de Bre- fil, ou de Heftre, qui font comme des demy-piques , avec un dard au bout,dumefme bois:& les dardent fort adroite- ment. Lors que tout eft préparé , le Conduéleur de l'armée fait encore un vin, ou une A{îemb’.ée,dans laquelle il détermine derechef le lieu où ils doiventaller , 6c l'ordre qu’on doit tenir dans le combat Ils cofultent le Diable dans cette mê- me afsëbléc par le moyen d’un Boyé, 6c l’interroget du fuc- cez de 1^ guerre, 6c apres avoir receu les oracles qu’il a à leur djre,{jqui au fentiment mefme de nos Barbares , font le plus fouvent des menfonges),ils achevenc de boire leur oüycou, 6c partent tous yurcs, n’emmenant avec eux de femmes, que ce qui leur en faut pour les fervir, les peigner, rocoüer, 6 c faire leur cuifinc. Eftant arrivez aux enuirons des terres ennemies , ils ne vont pas les attaquer à l’eftourdy ; mais fe vont cacher dans quelque Rivière ou dans quelque Ifle defsrte , dans laquel- le leurs ennemis ne s’avifent pas d’aller , 6c envoyent cepen- dantleurs eipions dans leurs terres , pour obferver foigneu- fement leurs déportemens, 6c le temps auquel il eft plus fa- cile de les furprendre:car iamais ils n’attaquent leurs enne- mis qu’au dépourveu. Si pendant qu’ils font dans leurs pol- trones embufcadcs,ils en font découverts, ô^qu’ils recônoif- fent qu’ils fe préparent à la deffenfe ,|dés là , la guerre fc ter* mine , 6c fans autre ceremonie , ils plient bagage 6c s’en re- tournent chez eux j car ils font tous fi lafehes , que s’ils fça- voient afteui ément qu’un d’eux deuil périr dans le combat, ils n’iroient iamais à la guerre. Si par mal heur quelques miferables Sauvages ennemis, defeendeneen mer pour pefeher dans un Canot , ils les bif- fent pfifer; 6c lors qu’ils ne s’en peuvent plus dédire, ils fon- dent tous fur eux , criant 6c meuglant comme des Taureaux enragez : les prennent, les lient, 6c garotent fi bien qu’ils n’ont garde de leur échaper. .-Avec cette infâme conquefte, Eee ij 404 Htftoire Naturelle ils s’en retournent plus enflez d’orgueil , que s’ils avoient rendu de grands combats remporté les plus glorieufes victoires du monde. Si cela n’arrive pas , ils apprennent de leurs espions où font les Carbets les plus efloignez , les plus aifezà fur* prendre, &: les plus foibles : & cefont ceux-là qu’ils vont at- taquer. Lors qu’ils ont refolu d’attaquer un Carbet , iis atten- dent ordinairement ( ie ne fçay pourquoy ) que la Lune foie a pic , c’eft à dire, dans fon plein, à la petite pointe du iour ils environnent ce Carbet , bien qu’il ne renferme que cinquante ou foixante hommes de deffenfe, &: qu’ils ne foient pas moins de mille ou quinze cens hommes pour les attaquer : ils font tout ce qu’ils peuvent pqur les fur- prendre dans leurs li&s , ce qui arrive allez fou vent ; mais s’ils font découverts , &; que les autres fe delfendent avec ar- deur : ils afliegent le Carbet , & tirent tant de coup-s perdus, que les jardins font tous remplis &: tous lardez de Flèches. • Si les ennemis font trop derefiftance , iîstafehent de les brufler danSs leur Carbet : pour céteffec , ils attachent gros comme le poing de coton bien cardé à une Flèche, y met- tent le feu , &c tirent fur la couverture du Carbet , laquelle n’eftant faite que de fuëilles de Rofeaux , de Lataniers,ou de Pal milles, -eft fort fufceptible du feu,& brufle comme des allumettes -, fi celle-là n’a pas l’effet qu’ils prétendent , ils en tirent tant d’autres^u’enfin le feu prend aü Carbet, dans le- quel leurs ennemis ( cela s’entend des Sauvages & non pas des Europeans J le laiflènt pluftofi: brufler que de fe rendre à la mercy de ces Antropophagesv S’ils fe delfendent courageufèmcnt , à mefure que le So~ I ei 1 fe h au (Te, lecouragedenosSauv âges fe ralen ci t ; & j a m ais leurs fieges ne durent que jufqu’à midy. S’ils perdent des hommes dans le combat, iamaisilsne îaiffent les bleffez , ou les morts , à la difpofinon de leurs en- nemis , quand mefme la plufpart d’entre eux devroitpc* men les fauyant. Des Antilles habitées par les François . 40 y S’il faut combatre en bataille rangée , ce qui arri- ve très rarement , &: toufiours contre leur intention ; ilsfe divifenc en trois bandes , fans obferver pourtant ny files , ny rangs, ny aucune forme de Bataillon. Avant que de tirer un feul coup de flèche, ils jettent des cris horribles 5c épouven- tables, pour jétter de la terreur 5c de l'effroy dans le cœur de leurs ennemis : 5c ils les redoublent de temps en temps pen« dant le combat. Si leurs ennemis lafehent le pied, le courage leur enfle & ils deviennent des Lyons : mais fi on leur refiite courageufement, ils perdent cœur , font telle des talons, 5e bon marché de leur vie. Quand ils ont remporté quelque victoire , ils pillent les Cafés , 5c ce que chacun peut avoir de bucin luy appartient en particulier. Ils ne s’emparent jamais des terres de leurs ennemis, toutes leurs guerres n’ayant point d’autre but que de les exterminer en vengeance des injures qu’ils croyenc en avoir receuës. Ils prennent hommes 5e femmes prifon- n-iers , 5c deftinent les hommes à la mort fans aucune remif fion, f ô£ les femmes à l’efclavage. Quoy qu'ils les époufent allez fouvent , elles ne portent jamais de Brodequins ny chauflure, dont les autres femmes Sauvages fe fervent; 5c ils leur font porteries cheveux courts pour marque de leur fer- vitudes. S’il y a de leurs ennemis morts fur la place, ils les mangent fur le lieu, apres les auoir bien boucanné à leur modc,c’efi à dire , roitis bien fec. Mais ils emmenent en triomphe en leurpays ceux qui font vivans : 5c apres les avoir bien fait jeufner , ils font uneaflemblée generale, dans laquelle ils les font comparoiftre tous liez , là, ils leur difent milles injures <, 5c font milles brauades, faifant atout moment lemb'ant de leur décharger le Boutou furlatefic. Ces mal heureufes 5à infortunées victimes , endurent pour l’ordinaire tout cela d’un vifage ferain 5c coudant, fans s'eitonner en façon quel- conque ; ils les défient mefmc,&: fe vantent hautement d’a* voir mangé de la chair de leurs Peres , leur difent qu’ils ne mangeront que ce qu’ils ont mange , 5c qu’ils ont des parens 5c des amis qui fçauront bienvanger leur mort. Enfin, 1 z Ece ii j /f.o '6 Hijtoire "Naturelle plus ancien commence, & leur donne un coup de Boutou,& les autres les achèvent. Ils s’abiliennent maintenant de mil- le cruautez , qu’ils avoient accouflumé de leur flaire avant que de les tuer , mais ce n’ell pas du confentemenc de leurs femmes , lefquelles leur feroient endurer tous les tourmens imaginables, s’ils elloient enleur puiffance. Apres les avoir tuez , ils les démembrenc,coupant la chair avec des Coulteaux j ôc les os avec une Serpe , puis jettent tous ces membres coupez fur un gros Boucan, fous lequel il y a un grand brazier , qu'ils ont fait voir au patient pour le faire mourir par ce fpe&acle eifroïabJe,avant que de l'aflom- mer. Apres que cette bonne viande ell cuite , les plus valeu- reux font griller le cœur &: le mangent:les femmes ont pour partage les jambes &: les cuilfes , tous les autres mangent de toutes , les parties indifféremment, ils mangent cette vian- de par rage non pas par apetit, pour fe vanger & non pour fe repaiftre \ ny pour le plaifir qu’ils trouvent en fon goufb car la plufpatt deviennent malades apres cét execrable re- pas. Sur tout,c’efl une chofe prodigieufe & eflonnante, de voir la manie , ou pludofl larage desfemmes , enmangeantla chair de leurs ennemis:car elles la mafchent,remafchent, la (errent entre leurs dents, &: ont fi peur d’en perdre quelque chofe , qu’elles lèchent les ballons fur lefquels il cft tombé quelques goûtes de grailfe. Apres qu’ils ont mangé de cette chair dans l’affemblée, chacun en rempoite chezfoy & la garde pour en manger de fois à autres. Du temps que j’eflois dans la Martinique , un Sauvage apporta dans une Café une jambe roftie,aufli feiche &: aufli dure que du bois, de laquelle il mangea, & invita un chacun à faire le mefme , difinc que s’ils avoient mangé de l’Aloiiague ( c’eft ainfi qu’il appellûit cette viande cuicej ils feroient tres-courageux. Ceux qui en mangent le plus d’entre eux,font les plus efïimcz. Comme ils ont fans doute goufté de toutes.les nations qui les fréquentent , ie leur ay oüi dire plufieurs fois que de Des Antilles habitées par les François : 407 cons les Chrcfticns , les François eftoient les meilleurs & les plus délicats : mais que les Efpagnols eftoient fi durs qu’ils avoienc de la peine à en manger.Quelquc temps aupara vant queles François habitaffentl’Ifle de faint Chriftophe , ils fi- rent une décente dans faint Iean de Port-ric , où en- tre autres chofes, ils tuèrent & boucanèrent un de nos Re- ligieux, duquel apres avoir mangé ,1a plufpart d’entre eux moururent, & ceux qui refterent furent en fuite affligez de cies-giandes maladies. Plufieurs Sauvages qui viuenc enco- re, ddent qu’ils n’en mangèrent point du tout* mais qu’ils le aifleient tout rody fur le Boucan fans y pouvoir toucher; ie ciois qu ils ne difent cela que par vain refpedt , carlesplus impies d entre eux, avouent ingenuëment qu'ils le dévore - ^ >e P Uis ce cemps-là , ils n’ont plus voulu manger de Chreltiens, fecontentant de les tuer & de les laifler dans le mefmeücu. Leurs differens particuliers , fe terminent par des combats inguliersa coupsde Boutou, & c’eft bien- toft fait : car d’un leul coup bien aflené, on envoyé un homme en 1 autre mon- de. Celuy quia tüé doit quitter le Pays, ou s’expofei à au- tant de combats, que le mon: a de parens,fi ce n’eft qu’à for- ce de prclens il les adouciffle : encore n’y a t’il peint d’affleu- rance car au premier vin ou afflemblée qui fe fera , un d’eux luy donnera par trahifon un coup de Boutou par la I ay oui dire a Monfîeur du-Parquet, que deux Sauvages fe batans eu duel dans fon Iflc à coups de flèches , ils furent 1 elpace d un Miferere dans un continuel mouuemenc, pour éviter les coups de ces flèches, qu’ils fe tiroienc d’aflèz loin , & que les ayant fait feparer, il fe trouva qu ils ne s’eftoienc fait aucun mal : voila ce quiregarde leurs guerres avec les ■ autres Sauvages. - Des maladies 3 de la mort 5 des funérailles des Sauvages. §. XII. C Ommc il n’y a point de reigle fi generale , qui ne fouf- fre quelque exception , auifi ne faut- il pas inferer de ce que j ay dit dans le premier paragraphe de ce Chapitre , tou- chant la difpofition de nos Barbares , qu’il n’y ay c plufieurs Sauvages dans les Indes/ujets à toutes les maladies qui nous travaillent dans l’Europe : mais il faut dire qu elles y font aufli rares qu’elles font icy communes, ê£ bien leur en pren d; car s’ils rechapent de leurs maladies , il fautpluftoftattri— huer cela aux puiflans efforts de la nature , qu aux remeues &; bons traite mens qu’on leur fait. Quant aux remedes , il elt confiant qu ils en ont de tres- fouverains ; mais ils fe ferviront d un remede duquel ils ont veu un bon fuccez dans une maladie , comme d’une feile à tous chevaux : de forte que ne connoiffant pas les caufes des maladies , non plus que les qu alitez des remedcs,ils leurs peuv et auiïïtoft nuire que leurs profiter^ le fou! ager. Pour le bno traitement, ils ne fçavent ce que c elt que de les délica- ter: quand ils auroient la mort entre les dents , ils font nour- ris comme ceux qui font en pleine fante.^ Ils appréhendent fur tout la petite vérole, parce que ne {cachant pas les moyens d’y remédier, elle faitaifezfouvent autant de ravage parmy eux , que la pede en fait dans i Eu- rope : mais s il y en a fort peu par my eux qui en foient mar- quez, c’eft que la plufparc en meurent. » Ils font aulÜ quel quefois particulièrement fur 1 arrierc- faifon travaillez de fièvres , qu’ils guériffenc par quelque remede Des Antilles habitées par les François. 4.6 9 remede topiques , avec quelques fueilles de Cachima, & de quelques autres herbes broyées &: mifes au front , &. fur les poignets ; ils fe fervent auffl comme nous avons dit en par- lant du piment d’un filée qui en eft frotté , lequel ils paflenc furies yeux pour faire perdre la fièvre» Ils font auffl prefque tous les ans tourmentez d'un cer- tain mal des yeux, dont ie parleray au Chapitre fuivant, par- ce que nos François en font auffl bien affligez qu’eux ; ce mal eft contagieux,& fe communique non feulement de Fa- mille àFamille,mais encore d’Ifieen bien quelcsSau- vages ayet peu de remedes pour ce mal, ils en ont poul tat de tres-excellens pour les rayes ou cataraétes.-car Monfieur du- Parquet eftant menacé d’un trifte aveuglement par deux grofies cayes , qui luy offufquoient la veuë, & fur Je point de s’embarquer pour venir chercher du remede en France : un ancien Sauvage appelé Pilote , luy promitquc s’il vouloir venir enfon Carbet, il le feroit guérir par fe s femmes, &: s’y eftant fait porter, ces femmes luy ayant lavé les yeux avec du coton , trempé dans le fuc de certaines herbes , & luy ef- fuyant avec leurs langues , en cinq ou fix jours la plus grofte taye tomba, & l’autre peu de temps apres. Mais s’ils font peu tourmentez de la plufpart des mala- dies que nous avons dans l’Europe : cette infâme maladie qu’ils appelait 2^*4#, qui eft; la véritable vérole, dans le plus haut degré de fa malignité ne les quitte prefque jamais : car bien que l’on dife qu’ils la guériflentfacilement, avec leius d’une écorce d’arbre , dont ils ufent en potion, &c en fe noir- cifiant le corps avec du jus de Genipa, & des fueilles de Ro- feau bruftées : il eft certain que tout cela ne fait que palier le mal , & que mefme quelques enfans naiflent ôc meurent avec cette vilaine maladie. L’on croit que non feulement les defordres de leur luxu- re contribuer à ce mal, mais bien davantage, leur nourriture qui n’cft que de poifton trop frais&àdemy cuit , &: parti- culièrement de Lézards, qui ont cette propriété malignc,dc ïéuciller ce n Les fai gne 1 enceux qui en ont eltegueris. dont ils fe feruent font de fort légères fearifi- FfP 4io H ifio ire Naturelle- cations, avec des dents d’Acouty , &:il leur fort fi peu de fang,que toutle corps d’un homme ainfi. fGarifié,n’cn donne pas une bonne palette. Ils font fort fujets à certains doux qurleur viennent aux feffles , 5c autour des coiffes , qui ne font pour l’ordinaire que des heurs de la vérole. Le Pere Raymond, dit qu’ils percent ces cloux auec des areftes des queues de Rayes , ce qui me femble eftrange , puifqueles pi queures de ces areftes font prefque incurables. Iis vient a u fli de quelque purgations aia fin de leurs mala- dies, mais elle leur font bien fou-vent plus de mal que de bien» Les femmes ont le plus de connoiflance des qualitez des - plantes, de touces les autres chofes que les hommes, belles s’en fervent affez vcilement.; Lots que tous les remedes naturels de ces médecines n’ont point lefuccezque l’on enelpere , ils ontrecours à leur Boyé, & ce Boy é ayant confulté le diable les guérit, ou leur prononce l’arreft de mort, ainfi que ie i’ay dit au §. 3 . de ce chapitre. Si toll qu’ils font tombez malades , lès gens mariez St leurs proches parens s en éloignent, &c ne les vifitét plus,di - fant pour leurs raifons qu il fort de leurs corps certaine qua- lité ? capable non feulement d’affliger & d’empirer le mala* de, fnais de ie faire-mourit; quoy que plufieurss’abftienn-ent de les voir par ces motifs , neantmoins la nature n'eli pas tel- lement ail ou pic 5c pervertie en eux , qu’ils n’ayent quelque compaffîon'-&5 douleur de voir leurs parens 5c leurs amis malades.- - Y n lourde R Pere Raymond demanda à un jeune garçon Sauvage , pourquov il ne vificoit pas fon pere affligé, 5c ma- lade à mourir. Ce pauvre jeune homme fe mit à foufpirer &c àverferunruifieau delarmes, affleurant qu’il avoir le cœur fi touché de compaffion a l’endroit de fon Pere , qu’il luy eftoit du tout impoffible d’y penfer fans s’affliger : mars que pour le voir en ce pitoyable eftat , il ne le pou* voit , fans mourir auih-toifc, E»n quoy nous pouvons remat- Des Antilles habitées par les François. 411 ïjuer qu’ils ne fontpas d’un. naturel fi barbare qu on s ima- gine. Le R. Pere Raymond affleure, qu’il en a veu mourir quel- ques-uns des plus vicieux d’entre eux , qui avoient des in- quiétudes horribles, procédantes des grandes appréhendons tz des pcrplcxitez effranges de ce que leurs ames-devien- droient apres la-mort, & que perfonne ne les pouvoir confo- îer là-defflus. Si- toft qu’ils font decedez,les femmes prennent le foin de laver le corps, de le nettoyer , &le peindre de roücou de. puis les pieds jufqu’a la teffe , elles iuy graillent les cheveux d huile de Palmilte, le peignent, le coiffent, I ajuftent auf- fi proprement que s il devoir paroilfre dans une aflemblee * folemnelle : puis elles l’envelopenc dans un lift de^ coton, qui n’a jamais feruy à perfonne -, l’on fait la fofie ou il doit eftre enterré , dans la mefme Café où il eft mort, ou bien on luy en baftic une tout exprez, car ils n enterrent jamais leurs morts à découvert, & n’obmettent aucune ceremonie / de celles qu’ils ont accouflumé de pratiquer ) en quelque lieu qu’ils fe rencontrent. Vn iour un Capitaine Sauvage de la Dominique , avec fa famille compofée de trente ou trente cinq perfonnes , nous apporta un de fes enfans malade pour le faire baptifer a- vantfa mort.Mais cét enfant eftant expiré à deux lieues de nolfre Convent, ils arrivèrent chez nousfort affligez, cef- momnant beaucoup de regret de ce qu’il n avoit pas receu le Sacrement de Baptefme , &: nous prièrent avec inftance de leur donner une petite Cale abandonnée , que nous a- vions dans un jardin au bord delà mer, pour fervir de fepul- turc à leur enfant. Nous la leur accordalmes fort volon- tiers : &: aulfi-toft ils fe mirent tous à travailler a cette Café, la remirent en un aulfi bon effat , que fi elle euft elle toute neuve. Ils y firent la fepulpure de leur enfant de la façon, Sz avec les ceremonies que ie va dire. Ils firent uncfoffe toute ronde dans le milieu de la Café, profon de de trois ou quatre pieds , dans laquelle ils mirent Lenfant accommodé te ajufté commcj’ay dit, & enveloppe Fffij ' 4î 2 Hifioire Naturelle dans Ton li£t de cocon. Ils le mirent en Ton feant fur Testa-- Ions, les deux coudes fur Tes deux genoux, & la tede appuyée fur les paumes de Tes deuxmains. Puis toutes les femmes fe mirent de mefme autour de-la Code, &: commencèrent à fouf- pirer dérangement : incontinent apres elles entonnèrent un ; certain chant fort lugubre & fort lamentable. Cette chanfon edoit entrecoupée de foufpirs , ôebien fouventde grands cris en levant les yeux vers le Ciel , & elles verférent une fi. grade quantité de larmes, quelles euflent cotraint les cœurs ■ les plus endurcis à pleurer avec elles. Leurs maris étoienc afils derrières elles , fondant en larmes à leur imitation;& les embralfoient d’une main corne pour les confoler, & les ca- relfoient de l’autre, leur paffanc Couvent la main fur le bras. Pendant ce temps-là , l’un d entre eux boucha la foife avec un bouc.de planche , & les femmes jetterent de la terre de fl. us de temps en temps. Apres ces ceremonies(qui durent une b une heure ) les femmes bradent fur la fode toutes les hardes du défunét , qui confident en certains petits paniers, , coton filé,& autres petites bagatelles. Quand c’eft un chef de famille qui eft décédé , fes femmes • & Tes enfans fe coupent les cheveux , les pqrtans courts comme les eTclaves l’efpace d’un an entier : y y . 6 , Moulut a 'Cjrecjev le Manioc. Y . -Ancienne maniera, Je^jfrccjer le Manioc. 113 .. 10 . //, la Des An tilles habitées par les François . 41 p d’enuoyer aux Sauvages pour apprendre cette langue, d au- tant plus difficile qu’elle eft diféteufe &z moins parfaite; mais le R. Pcre Raymond y a fi bien remédié par fes foins fes trauaux infatigables, dans le Didionaire tses-ample, & l’excellent Catechifmc qu’il nous en a donné , que les Millionnaires fe peuvent rendre tres-capable de lesinftrui- re , fans quitter le fervice qu’ils font obligez de rendre aux Chreftiens des ïfles,oùils font leur refidence. Outre que le nombre de Religieux de divers Ordres , eftant bien plus grand qu’il n'a eftéjufqu’à prefent ; il y a lieu d’efperer que Dieu beniffiant les travaux de nos Mi ffionn aires, l’on y ver- ra bien-ton: la plufpart de ces pauvres Sauvages embraf- fer la Religion Chrefticnne , & qu’ils rendront avec nous des adions de grâces immortelles, à celui qui parfon infinie bonté les aura tiré de l’aueuglement , &: de la gueülle de *l’£nfer. Dt l’ejlatdes Colonies Françoifes dans les Antil- les de d Amérique, CHAPITRE IL N L ’On peut facilement iuger , parce que j’ay dit dansla première Partie de cette Hiftoirc , en faifant le récit de l'eftabliffement des Colonies Françoifes, qu’à lesconfide- rcr danscét eftat , dansceluy auquel elles fontaujour- d’huy, il y a quelque rapport à ce qui arriua au commence- ment du monde : qui n’eftant qu’une maffe confufe,& fans agrément, n’eut pas pluftoft receu l’ordre & la difpofition que la diuineSageffe y eftablit, qu’il parut un ouurage digne delà puiffance qui l’avoit tiré du néant. En effet, c’efi: à peu prez de cette maniéré que l'on doit parler de nos Colonies, tirées ce femble du néant , à caufe de la foibleffc de leurs £ommenceraens,qui nous ont fait voir tant de confufions &C Ggg ij j r 20 Hifloire Naturelle de defordres, qu’elles reflembloient véritablement à un ca- liosremply detenebres , qui n’a efté démeflé dans la fuite des temps, qu’auec des peines incroyables 8c des trauaux in- finis :& fi nous les voyons maintenant dans un eftat pareil & celuy du monde , lors qu’il fut éclairé de la lumière du So- leil, nous en auons l’obligation à noftre triomphant Monar- que,quià guife d unSoleil éclatant porte fes rayons dans ces Pays éloignez , par les foins extraordinaires qu’il prend de les conferuer , 8c de les maintenir dans la paix 8c dans le re- pos , 8c d'y taire uaillre l’abondance de toutes forte de biens. 11 efl vray que dans ce premier eftat , ces Pays n’avoientr. rien que de tebutant.Les peuples qui les habitoient eiloienc Barbares, les Terres incultes, ne produifoient rien qu’apres un trauail inconceuable , 8c les vailTeaux n’ayant pointac- . couftumé de les fréquenter , nos premiers François pe~ rifloient fouirent, par la main de ces Barbares, fuccomboienc fous le faix du travail , ou manquoient des chofes qui leur dévoient dire apportées de dehors. Mais depuis que les Sauvages ont elle rangés à la raifon , queTes terres ont cité défrichées, 8c que les vailTeaux ontfait voile de ce code là*, toutes chofes y abondent maintenant , 8c rien n’y man- que , foie pour la necelfité , foie pour la délicatefie de la. vie. Mais parce quej’ay fuffifamment fait voir toutes ces cho- fes, tant dans leseftabiifïemens, dontfay parlé dans la pre- mière partie , que dans les differens traitez que j’ay- donnés dans cette Seconde, oùij’ay parlé des fruits delà terre , des 0y féaux, des Poilfons, & des Animaux : c’dl pourquoy,.. afinden’ufer poinrde redites , ie traiteray feulement dans ce Chapitre,de la Religion 8c des mœurs deshabitans Fran-- f ois , des Loix qu’ils obferuenr, de leur Commerce, de leurs inaladies&des remedes qu’ijs y trouuem, enfin de tout cequi peut feruir pour donner une connoilfance entière 8c exaébe~ des Colonies Françoifes de l’Amerique. le commence par la Religion.. Des Antilles habitées Par les François . 421 De la Religion des Antilles Françoifes . Des Mif- jïonnaires qui travaillent à t 3 infraction des François Ans Sauvages FJ? des Nègres, Réfuta- tion des calomnies de IVFBiet contreles Mifsio~ naires. §• I. B ien que fuiuant les pieufes intentions du feu Roy Louis X L 1 1 . de triomphante mémoire , qui permit TEfla- blidement des Colonies Françoifes dans T Amérique , il n’y deuil pafser perfonne qui ne filt profefsion de la Re- ligion Catholique , Apoftolique &: Romaine ; & que les Seigneurs de la Compagnie l’eudent ainfi promisa fa Ma- jefte^ dans le quatiiefme article du Contrat, qu’ils pallerenr auec Monfieur le Cardinal de Richelieu, en Tannée 1635* qu’ils ne feront palier efdites Colonies & habitations au- cun qui ne foit naturel François , Sc ne falfe profellion de ,, la Religion Catholique , Apoftolique & Romaine : & fi „ quelqu'un d’autre condition y pafloit par furprife , on l’en „ fera fortir auffi-toft qu’il fera venu à la connoilTançe de ce- ,, luy qui commandera dans Tille. Et que fa Majeîté perfeuerant dans fa première intention, Teut confirmé dans fon Ediéldu mois de Mars de l année „ 164a. en ces termes : Et dautant que le principal ob)et des ,, Colonies doit dire la gloire de Dieu, les Afiociez. ne fouf- ,, fritoient dans les Ifies dire fait exercice, d’autre Religion .,que de la Catholique, A pollohquc & Romaine, & feront ,, tout lcurpolfibie pour obliger les Gouucrneurs & Olîi- 35 ciers des 1 fies à y tenir la main,& pour trauailler inccllam- ,, ment à la conucrfion des Sauvagcs,C>v. Neantmoins les Gouverneurs y ont fouffert de tfatie G gg Hifloire Naturelle temps des Heretiques, 5c mefme Monfieur Hoüel a éleué I e fieur Pocel Huguenot aux premières charges de fon Ifie, contre i’ufage 5c la eouftume. Il eft vray que le zele des Religieux Millionnaires a em- pefché qu’ils n’ayentfait en public l’exercice de leur Reli- gion ; 5c ils en ont porte de li frequentes plaintes aux Gou- verneurs, quon a toufiours puni pat des Amendes pécuniai- res, ceux qui fe font affemblez pour en faire les fondions, de forte que jufqu’à prefent il ne s’eftfait.dans les Mes aucun exerc ice public , que de la Religion Catholique , ApoftoÜ- que 5c Romaine. Etbie que la vie licentieufe de quelques-uns des premiers habitans ayt décrié les Mes, 5c les ait fait paffer pour un pays de libertinage 5c d’impieté , ie puis pourtant afifeurer avec vérité , que Dieu y a donné une fi grande benediélion au zele & au travail des Miiïionaires, qu’il s’y rencontre pre- fentement autant de vertu 5c de pieté à proportion, que dans la France : caries Sacrcmcns y fontfrequentés, &l’on y affi- dé aux Offices divins , auec une affiduité qui témoigne allez le zele 5c la deuotion des habitans , & parce qu’une bonne partie des habitations eft éloignée d’une, &: quelquefois de deux lieues ; le Maiftre de la Café vient ordinairement à la première Méfié , auec les principaux Domelliques , 5c re- tourne .promptement la Melle cftant acheuée , pour don- ner moyen àla Mai (trefle de venir à la grande Melle, auec le telle de la famille; ou bien ils fe divifent félon les befoins du ménage , en forte quetout le monde vient à la MelTe. Mais parce qu’ilfe rencontre des habitationsfi éloignées des Egli- fes , qu’il faut faire quelquefois trois ou quatre lieues par mer auec danger de fe noyer , pour venir àla MelTe : ceux-cy n’y vont pas regulierement toutes les Feftes 5c Dimanches, 5c ce feroit trop exiger d’eux, que de les y vouloir contrain» dre,bien qu’il y en ayt toufiours quelques uns delaCafequi n’y manquent point. Il n’y a point d’autres Pafteurs dans toutes les Antilles françoifes , que les Religieux Milfionaires qui fereduifent des Antilles habitées par les François. feulement à quatre Ordes,fçavoir les noftrcs , les Peres Car- mes, les Capucins & les Iefuites. Noftre première Million fut àla Guadeloupe, en l’année i6tf & nos Peres font demeurez feuls , tandis que la Com- pagnie a fu b lifté : mais Monfteur Hoüel eneftant devenu Seigneur, & s’eftant broüiilé auee eux en leur oftantla pla- ce, dont la Compagnie les auoit gratifié par differentes deli » berations des i. Décembre 1638. cinquième Odobre 1639. & 5. May 1645". il y appella les RR. Peres Carmes, leur don-» m une Chape le au Fort que nous auions benifte , &: tran- chant de 1 Euêque , entreprit de former des Parroiffes , <$£ de contraindre les peuples d’aller à celle qu’il luyplaifoit: ce que nos Religieux furent contraints d’empêcher autant qu’ils peurent. , Ce procédé parut d’autant plus effrange, qu’il eftoitoppo- feàlamaniere dont il auoit uféjufques alors, particuliè- rement lors que les RR. Peres Capucins fe vinrenrrefugier àla Guadeloupe , apres avoir efté chalfez de faim Chrifto-- phe : car il demanda pour eux la permilfion de dire la Mcffe chez luy, au R. Pere Armand de la Paix noftre Supérieur, & luy écrivit pour cela le ir. Novembre 16^8. en ces ter- mes : levons fupplie par c elle- cy de me faire la faneur de permettre que les P cres Capucins qui font céans , difent la Mefe à ma petite Cbapellc.i attends cette faueur de vojtre bonté. Ce que le R Pere Armand luy ayanraccordé , il l'en remercia en ces termes quelques jours apres:/£ vous remercie très humblement de la per- mifion que vous auez, donnée aux RR. F P. Capucins qui fontceans - de dire la M effe a ma pi tite chapelle du Fort. Quelques années apres, ayant eu different auec les Peres Carmes* il appella deux Peres Iefuites , dont il mit l'un à la Cap-fterre fur 1 habitation du heur Dorange ; mais cét an- cien habitant ayant fait fes plaintes au Supérieur de la Mar- tinique , de ce qu’on luy oftoit fon bien , les Peres Iefuites abandonnèrent ce quartier. Ayant formé le deffein de chafîcr nos Religieux, (qu’il au- roit exécuté, fi un Corlàire n’eut enlevé à fia radeleyaifTeau 1 Hiftoire Naturelle x dans lequel il les vouloir faire embarquer , comme j'ay re- marqué; : il obligea Monfieur de Boifferet de traiter au e.c deux des plus habiles d’entre les RR. Peres Auguftins Re- formez du Faux- bourg faint -Germain. Ces bons Peres ne fc voulurent pourtant point engager de faire ce voyage , qu’a- pres les alfeurances qu on leur donna , que nos Religieux auoientefté chafiez. Surquoy ayant écrit àRome,iis en receurent nnBref,par le - quel fa Sainteté les eftabliffoit Miffionaires àla Guadelou- pe 3 fuppofé que nous nous en fuyions retirez : Modo FF. Pu- , dilatons à prœdicta infula receficrint ; Eftant arriués à la Guade- loupe avec cette Million , fur la fin de l’année i6jo. Mon- iieur Hoüel les receut avec beaucoup de joye , & de peur qu’ils ne s’apperceulfent que nos Peres y eftoient , à peine eurent-ils elle deux heures à terre , qu’il les -fit conduire tou- te la miid àla Cap-fterre , où ils furent bien furpris de trou- uerle R. Pere Feüillet, que Monfieur Hoüel y auoit mené. Quelques iours apres ils fc plaignirent à luy,de ce qu’on les avoit trompés , deméurerent cinq oufixmois enfemble dans le locris de Monfieur Ho.üel , fans prendre aucun cm- play. _ ' . , Neantmoins ceux du quartier des vieux habitons, n ayant point de Religieux qui demeurait chez eux , M 1 Hoüel pria l’un de ces bons Peres d y aller , mais fi toit qu ils vi- rent qu’on les feparoit , ils en concernent tant de trifteffe, qu’ils moururent tous deux en fortpeu de temps. Le R. Pere Fontaine enterra celuy qui demeuroit chez Monfieur Hoiiel à la Cap-fterre *. & celuy des vieux habitans eftant à l'ago- nie, il en arriua un autre afifez à temps pour luy fermer les yeux , & le R. Pere Beaumont qui luy auoit adminiftré les Sacremens , luy rendit les derniers devoirs de la fepul- ture. Ces deux bons Religieux fort recommandables, pour leur pieté & leur do&iine , furent fort regretés : celuy qui eftoit arriué le dernier , ne demeura a la Guadeloupe que pour retourner en France. Depuis.ce temps-là 3 les Reu,. Pe- r res Des Antilles habitées par les François. 42 j res Augultins n’ont plus fongéd'y'cn envoyer d’autres , s’é- tant apperceus trop tard qu on s’eltoit joiié d’eux. Bien qu’il n’y eut aucune neccflité de Mifiionaircs dans rifle , il y a pourtant bien de l’apparence que Monfieur Hoüel fit aufîi folliciter d’autres Communautez pour nous faire déplaifirdl le tefmoigna affez ouvertement à Madame fa Mere,dans fa lettre du 15. Auril, lors qu’il luy dit; l'ay fon- de Us Carmes, t 'attens les le fuite s qui doiuent 'venir prendre pojfef- fion de U demeure que te leur dois donner ,ie les defire. auec pxfion y (fc'ejht qui met les Iucobins attdefefpoir. En fuite dequoy il la prie de luy envoyer des Capucins & des Fcclefiaftiques Sé- culiers ; & défaire en forte que Monfieur fon Oncle , le Pere de l’Oratoire , vuëille accepter l’Evêché delà Guadeloupe; l’alfeuranc qu’il trouvera bien de quoy luy faire faire un bon revenu, & que cela le mettra en repos. Il y a donc à la Guadeloupe de nos Pcres.des Carmes, & des Iefuites : nousfommes feuls à la Cap fterre, & la Bafle-rerre a quatre Parroiffes, dont la noEredl la principale comme la plus ancienne. Les Reuer. Peres Iefuites n’y ont pas voulu prendre la charge des ames , fe contentant d’une efpece d’hofpice. Les Révérends Peres Carmes ont la Parroifle du Fort. Les Reuer. Peres Capucins eftoient feuls Mifsionaires à faim Chriftophe ; mais en ayant efléchaffez par Monfieur le General de Poincy,delafaçon queie l’ay remarquée:fi-tofl qu’ils en furent dehors , Monfieur de Poincy demanda de nos Religieux avec inftance au R. Pere Raymond ; mais ce bon Pere connoifTant l’injultice qu’on failoit aux Rever. Peres Capucins , ne luy voulut pas donner cette fatisfa» dion. A fon refus,il écrivit auxRR. PP. Iefuites delaMartinique, qui lui envoyèrent desReligieux,&depuis ce tëps-1 a ils y ont toufiours exercé les fondions de Mifsionaires, avec tout le zele & l’édification qu’on peut fouhaiter: mais quelques an- nées apres les Reu. P. Carmes partagèrent leurs travaux; ils avoient pourtant feuls le foin delà Capflerre, quand j’y pafTé en i6s 7. mais comme la moiffon eft grande, nous y auonseflc H h h 426 Htftoire Naturelle appeliez par Monfieur le Commandeur de Salles Fannée- derniereiééy. &: le R. P. Iean de Boulogne a fait ceteftablif- lement. Les Reu. Peres Iefuites ont efté feuls , aufsi bien que les premiers à la Martinique , depuis leur arrivée qui fut en l’année 1640. jufqu’en 1654. que le R. Pere Iean de Boulogne y eftablit une maifon pour l’Ordre , à la priere de M r le Ge- neral du -Parquet. Dés l’année 1650., Madame la Generale fa femme, auoit taf- ché d’y arreftetles R.P;Feüillec & Fontaine, qui alloicnt à la G uadeloupe, elle leur avoir offert une habitation , ôc les en a> voit fait prier par M r de S. Aubin, qui commâdoit dans l’Ifle: mais les befoins de la Guadeloupe, où il n’y auoit encor que nos peres , furent çaufe qu’ils ne purent Satisfaire à (es de* frrs , aufsi bien qu’à l’inclination de la plufpartdes habi- sans. Le Reu. Pere Raymond Breton y paffant à fon retour en France , promit a Monfieur du Parquet de luyenuoyer de nos Religieux , &afinquils y allaffent auec l’authorité ne* celfaire pour y feiuir les peuples,il écriuit à Rome au R.pere procureur General del’Ordrc, afin d’obtenir delà Congré- gation, de propagandafde , l’extenfion de noftre Mifsion fur toutes 1 es Ifles de la D omina tion F ran çoifc , ce qui nous fu t accorde le 7 ' ^^pr^rnbie de 1 année 16^4» auec d’autres ^ra- ces. Voicy les termes du Decret delà Congrégation: Propo. nente Eminentijsimo Cardinali Bichio libellum fupplicem Procura - tons fratnm Bomimcanorum ad Mifsion em Guadalup £ prof c if. cœt : ium,petentis primo Confrmationem dicta Mifsionis, & Faeul- tatum prout alias fuit factum , cum extenfone bammad ornntsçf fiïgulos alias infulas adiacentes Régi Chrifianifsimo fut net as &l\ SACRA CONGREGATIO ad primum refpondit affirma * tiue. L Auec ce pouuoir & l’agréement des Reuer.peres Iefuites, le R Pere de Boulogne y arriualczj. Décembre delamef- ane année 1654. &il acheta une place au fond du moüiI!acre‘ des libéralisez de Mofieur du- Parquet, où il baftitune Egli! * Des Antilles habitées far les François. '42 7 fe qu’il a deffervielong-temps avec le Reu.rere Iean Baptiffc Feliillet. En l’année ]6y 8. il alla s’eftablir à laCapfterre de la mefme Ifle , pour y adminiftrcr les Sacremens aux François, qui fuient habiter ce bel endroit de cette Ifle, où nous lom- mes feuls. Il n’y a quenpsperes dan-s T Ifle de Ste Croix. Monfieur le Commandeur deSalles les ayat demandez auR. P. Fontaine, qui eftoit pour lors Prefet Apoflolique de noftre Million , il y enuoya le r. Pere Nicolas Dubois, & leReu. Pere Mam- mez le Clerc , fur la fin de l’année 1659. ils y trauaillent en- cor à prefent avec beaucoup de luccez , &c de confolation des habitans. Nous avons efté les premiers MÎflionaires eftablis dans l’Ifle de la Grenade , où Monfieur le General du-Parquet, nous a donné une belle place , qu’il a mefme fpecifiée avec lès bornes dans le contrat de vente, qu’il en palla avec Mon- fieur le Comte de Cerilîac. Le rcu. Pere Brcflon, Docteur en Théologie , y a fervy le peuple jufqu’à fon arrivée, mais n’ayant pu s’accommoder avec luy , il s’en retourna à la Guadeloupe, &: il y a prefencement des Reu. reres Capu- cins. Il n’y a point encor de Mifsionaires dans les Ifles de faint Barthélémy, de faint Martin, de Marie-calande, & de fainte Aloufie où les Religieux vont, tantofl; les vns, tantoft les au- tres, félon les occafions & la necefsi té des habitans. Tous les Religieux delà Guadeloupe adminiftrent les Sa- cremens a leurs parroifsiens fansaucunc rétribution; car il n’y any dixraes, ny gros, ny offrande à recevoir, touts’y fait par un pur motifde charité ; & nous entretenons nos Cha- pelles d’orncmens,&: de tout ce qui eft neeel) aire pour le fer- vice Divin. Monfieur le General du- Parquet a donné quatre N égres à chacune des quatresparoiffes du Fort,du Prefcheur,du Car- bet de la Café pilote de la Martinique, pour l’entretien des Rever. peres Iefuites qui en ont foin, à condition que s’ils ve. noient à les quitter , ils demeureroient à ceux qui les defler- Hhh ij 42 S * Hijloire Naturelle viroiencen leur placeioutre cela il y a des Marguilliers éta- blis , qui fournirent ces Eglifes d’ornemens , 5c de tout ce qu’il faut pour faire le fcrvice. L’on prefehe tous les Dimanches dans toutes les Eglifes à la grande Melfe , apres avoir fait le Catechifme aux fervi- teurs 5c aux Negres à la première Melle. Bien que les Rever. Pcres Thomas l’Arcannier,Denys Me* land , Iean Chemel , 5c André De-jan Iefuites, fe foient ex- pofez les premiers aux Sauvages de la Martinique, &. y ayent travaillé avec beaucoup de zele : les rcu. peres Aubei geon, &'Gueyma , tous deux de lamefme Compagnie , d’une vie tres-exemplaire , n’y ont pas moins fait , 5c ont efté plus heu- reuxd’un 5c l’autre, ayant efté malfacrez le 23 de May de l’an <■ née 1654. le premier en célébrant la fainte Melle, & l’autre fe difpofant au mefme Lctilice.’ le nediray rien davantage des peines & des travaux des particuliers Milfionaires de nos Mes, mais ie ne puis m’empê- cher de me plaindre de la maniéré dont le fieur Biet, qui a é- crit l’hiftoire de la France équinoxiale, charge tous les Reli- gieux en general , 5c les Milfionaires de nos Iflcscn particu- lier , d’ignoran ce,de peu de foin des âmes qui leur font corn- mifes , d’ellre plus attachiez au teporel qu’au fpiritnel, de peu d’union victorieux 5c de plufieurs autres defordres qu’il ne veut pas rapporter, apres quoy il veut encore qu’ôcroyequc ce n’eft point par animolité qu’il ayt contre aucun ordreRe- ligieux. le le veux croire pour 1 obliger , mais ieluy deman- derois volontiers de quelle façon il fe fuit exprimé , s’il eu ft cité porté d'animofité contre eux ? Et rnoyie iuy protelle que c’eft fans relfcnument que ie répons à ce qu’il avance contre les Million aires, & pour me fervir de ces termes, il fau* droi tn atioir pas tant foit peu de scele de la gloire de Dieu, , 5c de l’honneur de ceux qui la procurent , par tant de travaux 5c de peines pour demeurer muet en cette rencontre. Car en vérité , ne (emb!e-t il pas que Monfieur Biet ayt efté dans toutes les Mes , qu il y a examiné la conduitede tous les Milfionaires, &qu’il a trouvé lafource de tous les do- Des Antilles habitées far les François . 42 9 foudres qui s’y commettent. Cependat il n’a veu que la Gua- deloupe^ il n’y a demeuré que depuis le 15. May,jufqu’au 1 o.Iuillet, c’eft à dire,envir 5 7.femaines:il ya bien de l’appa- rence qu’en cote pendant ce fejour durant 15. jours qu’il s’efl baigné ; (on Rheumatifme l’a obligé de fonger pluiloft à fa fanté,qu’à la conduite des Million aires. Audi l’on void bien qu’il n’avance rien que fur la relation de quelques efprits mal fatisfais d eux , à caufe du zele qu’ils ont eu à corriger leurs defordrcs,&du courage qu’ils ont fait paroître a arrêter leurs entreprifes. Toutes les flateries dont il vfe en quelques endroits , bien oppolêes à ce que nous avons veu l’efpace de plufieurs années, le font allez connoiftre. Mais quand il y auroit eu quelque manquement, foit pour la doctrine , foit pour les mœurs , en quelqu'un des Mifsio- naires : car ie ne veux pas dire que tous les Religieux Mifsio- naires foient impeccables &c également fçavans ( &c apres que dans le College desApoltres il s'-elt trouvé un Iudas) l’on ne s’eftonne pas fi dans les compagnies les plus faintes, il s’en trouve quelqu’un qui s’écarte de fon devoir. Mais Monfieur Biet m’avouera que c’eft le raifonnement le plus defe&ueux 5 c le plus contraire aux principes de la Logique, queceluy qui tire une confequence generale d’un fait par- ticulier : &c qu’ainii, parce que peut-eftre il s’ell trouvé quel- que Religieux Mifsionaire, quin’eitoitpas aufsi verfé dans la méthode du Pere Véron , queM Biet ou le Coutelier de Paris, ou qui n’avoit pas un talent égal au fien pour fe fervir dcfa(cience, &pour tonner comme luy aux oreilles de fes Auditeurs, de conclure que les Religieux ne font pas pro- pres pour les Mifsions, c’elf avoir peu eftudié la Logique, &c l’art de penfer. C’edpourquoy fans deffein de traiter icy laqueftion delà Hiérarchie, qui n eft nullement de ce lieu;ie croy queleju- gement que feu Monfieur le Cardinal de Richelieu a fait des Religieux, l’emportera dans tous les efprits raifonnables fur celuy deM 5 lieurBiet:& que le choix que ce grâdMiniftre tic d’eux pour les envoyer Mifsionaires aux Ides, prévaudra au Hhh iij Hifloire Naturelle fen ci ment de ce bon Curé Aufsi ce grand Prince de l’Egli- fe ne de en cela que fuivre l’exmple des -Souverains Ponti- fes , qui eftancinfinimenc plus efclairez que Monfieur Bict, pour juger ce qui eft plus neceifaire Sc plus vnle en ces occa- iions , ont pris ordinairement les Religieux pour ces fortes demplois. Ainfi faint Grégoire le Grand fe fervit des Religieux Béné- dictins pour envoyer en Angleterre , ainfi les Souverains Pontifes (es SucceffieursYen (ont toujours fervis dans pa- reilles rencontres, Si dans les derniers fiecles &c de nos jours, les feuls Religieux ont elle choifis , pour porter l’Evangile dans les grandes Indes , la Chine & le lappon; où ils ont ‘ fait paroiftre combien ils fontpropres pour toutes les fon- ctions Apoitoliques. le dis bien plus, qu’il n’y a perfonne plus propre pour les Mifsions, que les Religieux : car pour ne point parler de la difficulté qui fe rencontre à trouver dés Ecclefialtiques, qui veulent traverfer tant de mers , ce que Monfieur Biet n’a pu ignorer , puis qu’il a eferit que de fix qui dévoient palier a- v.ec Monfieur l’Abbé de llile Marivaut, deux manquèrent de courage apres fa mort , & qu’un autre (ayant elté raifonnable- ment refusé dezF aris , de faire palfer à ce premier voyage cer- taines Damoifellesdontil eftoicle Dirc&euv,) prit occaf on de retirer fa parole qu’il audit donnée à Monfieur L’ Abbé jplus de huit mois auparavant, cequi ayant obligé Monfieur /’ Abbé & U Campanie de luy accorde r fa demande ; on fut neantmoins con- traint de Us renueyerdu H ouvre , d’où elles furent fuivies par ce bon Ecclefafiique , qui prit leur mefme route ^quittant fin fieux dejfein. Les fatigues qu’il font efsu-ycr dans les commence- mens de l’eftabliffiement des Colonies, demandent des hom- mes dévoüez par leur eftat , à la pénitence ôc à la croix. le ne doute point aufsi quefiM r Biets’étoit informé des an- ciens habitans de la Guadeloupe,de i’aufterité dans laquelle nos Peres ont vefeu les dix premières années qu’ils y ont de- meuré, & qu’il euftapris que pendant tout ce temps, ils n’ont Des Jntillcs habitées par les Françoi s . 431 y cfcu que de Crabes , de Caflave, & de pourpier Sauvage cuir à l’eau, dont ils faifoient auffi leur boilfonj&que cepeli- danr ils ne laiiloient pas de travailler infatigablement pour affilier le peuple : qu’ils eftoient obligez de porter le Saint Sacrement en des lieux efloignez,de deux & de trois lieues par des montagnes & des précipices , les chemins de l’Iflfc n citant encore ny faits ny frayez , & que dans ces courfcs journalières , il leur falloir palfcr deux & croisfois les riviè- res , ayant l’eau jufques aux ailfelles ; il avoüeroit fans dou- te qu’il n’y a point de perfonnes plus propres pour ces fortes d'emplois , que ceux qui font profefs ion d’eftre morts au monde &: aeux-mefme. Il devoir fefouvenir des calomnies qu’on a vomy contre ïuy , pour ne fe pas laiffier fi aifement perfuader contre les Religieux Mifsionaires, &ienedoute point qu'il n’eut pas écrit comme il a fait s'il eut fongé aux perfecutions auf- quelles il fçait qu ils font expofez,parmy des gens qui ayant accouftume de vivre dans le libertinage, ne peuvent fou ff rix les réprimandés & les cotrcûions, quela juftice &la chanté obligent les Pafteurs de leur faire en bien des rencon- très. £ n effet, fi (non obftant les grads taîens de MonfïcurBiet pour les mifsions ; bien que depuis fon départ , il n’ait fait que reprendre ^corriger , mefme quand il elloic dans ^plus-bandes foibUffes& infirmité* ) il avoue neantmoins quJfcs tira ne es ont peu profite , failoic~il attnbuer à la faute des Reli- ef 11 * Mirsion ; ai f cs , fi les vices régnent impunément parmy les Ch refit en s qui habitent les Antilles, comme s’ils manquement a leur devoir Et parce que lorsqu’il cftoit à la rade de la Martinique , ii vint un ternie homme dans fon Bo & pofsibie qu’une nuit, fpuis q U on n avoit 432 Ht faire Naturelle débarqué que fur ie foir du i.iourîdeMay,& que ce fut le len- demain fécond ionr deMaj/fftedefaintAthanaf , qu’il vint dans foiii bord ) falloir- il, dis-je, fur le rapport de ce jeune homme croire ces defordres î mais elloic-ce un fujet pour tirer défi fafeheufes confequences, contre la conduite des Religieux Mifsionaires,que de dire qu'ils ne font nullement propres à ces fondions Apoftoliques. N’y a-t il pas bien plus d’apparence que ce jeu- ne homme s’ eh trompé , ÔC que Monfieur Biet a avancé trop legerement far fafoy que l’on Sabbatizoic dans la Mar- tinique, 6c que pour favo-rifer les Iuifs 1 c tour du poids duSa- medy avoit eflé transfert au Vendredyx ar eft-il croyable que les Rever. Peres Iefuites qui eftoient pour lors feuis Mifsionai- resdans la Martinique , 6c qui venoient d’empefeher Mon- feur du- Parquet , de recevoir le débris des Holandois du Récif, parce qu’ils choient heretiques , 6c dont le Supé- rieur mefme efloit allé à la Guadeloupe, pour obliger Mon- fieurHoüel, de ne leur point permettre deshabituer dans Ton Ifle , à caufe du danger qu’il y avoit qu’ils ne Pinfedaf- fent du venin de l’herefie,eulferrt fouffert ce changement du Samedy au Vendrcdy en faveur des Iuifs, & qu’on leur per- mit publiquement de fabbatizer. Mais quad l’authorité d’un Gouverneur l’auroit emporté en cecterécontte,fur les remollran ces desMifsionairesjferoic ce un fujet à M r Blet de les rendre refponfables de tous ces de- fordres,& n’auroit~il pas fait biéplus iudicieufemet de con- clure, j’ay crié en vain, ie me fuis épuife fans profit, S c toutes mes exhortations n’ont de rien fervi envers ceux delà Co- lonie de Cayenne , les MiCionaires des Antilles ne font pas plus heureux que moy. Car comme les ReligiéuxMiisio- naires raisoneroient fort mal de conclure à caufe des crimes & des pechez,qui fe font commis dans les vaiiTeaux qui ont conduitla Colonie de Cayenne , 6c dans Cayenne mefme; que Monfieur Biet & fes Confrères ne faifoient pas appréhen- der les iugemens de Dieu , 6c qu’ils eftoient comme des chiens muets voyant le Loup dans La bergerie, ne difoient mot:d\n{\ Monfieur Des Antilles habite es far les François. fjg Monfieur Biet n’a pas mieux raifonnc, quand (fur le rapport de ce jeune homme , & de quelques autres qui n’ont jamais .pu s’accorder non feulement avec aucun Supérieur des Mif- fionaires; mais mefme avec aucun qui avt eu , ou de l’efprit ou du bienj il a voulu rendre la conduite des Religieux Mif- fionaires,refponfab!e de tous les defordres qu’il a veu pen- dant fon fejour à la Guadeloupe, & que pendant ce mefme fejouril a apris des autres Mes. Aulft les preuves qu’il en apporte ne font pas moins defe- dueufes que fon raisônemét.En effet, n’cft- ce pas une preu- ve bien côvainquante d’apporter pour lapremiereraifonde ces de for dre s, que ces bos Religieux font tomMijsionairesApofoh qu e s, qui nereconnoilfent que le Souverain Pontife , cf partant ils font indépendant les vns desoiutres. Voila un fecrecqui juf- qu’à prefent avoir cfté inconnu , &: dont toute l’Eglife va eftre redevable à Monfieur Biet s car fi la qualité de Mifsio- naires Apo folique s, & la dé pen dance du fcul Souverain Pontife , cilla première fource de tous les defordres , que commet- tent les fîdelles des Colonies, les Papes ont elle bien peu ef- claircz dans leur conduite,& bien aveugles dans leur choix, d’employer ordinairement les Religieux dépendans d eux fculs à ces fondions A polloliqucs; mais aulfi cette i. raifort de Monfieur Biet’ell bonne, ilnous vaperfuader fans y pen- fer, que tout ce qu’on a dit de luy au fujet de Gayenne eft véritable, & que la première raifon des defordres qui s ’y font commis, c’eft la qualité deMifionairesApofoliques i dépendant du Souverain Pontife , que luy &: fes Confrères ont eû:car ie ne pefe pas qu’il veüille que nous croyons qu’il tint fa million de l’Evêque de Cayenne, puis qu’il n’y en a point eu jufqu’à prefent , ny d’aucun autre Evêque de France, puis qu’il n’y en a point qui ne foit trop efeiairé pour prétendre aucune jurifdidion hors de fon Territoire:&: partant, il faut ou que Monfieur Bietn’ayt point eu de million ( ce qu’il n’avoücra pas fans doute)ou qu’il foit MifsionaireApofolique en cet- te qualité, aufsi bien caufe des defordres deCayenne,que les Religieux Mifsionaires de ceux des Antilles. I i i ’jppf ffi floue Naturelle Ce bon Ecclefiaftique n’a pas efté mieux informé , quand il a avancé qu’il n’y a point de fuhordination entre les Reli- gieux Mifsionaires, que chacun fait a fa fantaifie, fans garder vn mefme ordre dans la difcipline de lEghfe. Car fi par la difcipline Ecclefiaftique , il entend certaines ceremonies extérieures, ie luy avouëray que les Religieux Mifsionaires ne font pas vniformes en cela , non plus qu’ils ne font pas vniformes en leurs habits , ny en la manière de reciter leur office , mais où eft en cela le defordre ? les Diocefes , les Paroiflés mefme font-elles vniformes dans cesx:eremonies extérieures ?quefi parla difcipline dcl’Eglifeü entend l’adminiftiation des S a- cremcns , il fe plaint d’une chofe qui n eft point particuliers aux Mifsionaires des Antilles , mais qui eft generale dans toute Y Eglife-,qui fe rencontre dans les Diocefes, ôc dans une mefme Paroiife, ou chacun fut a fa fintaife^&L ou, par ignoran- ce, ou par un efprit de relafchement,les uns reçoivent & per- mettët l’vfage des Sacremes- à ceux (qui pour leurs mauvaifes habitudes, ou pour quelques autres raifons airfsi fortes) en avoieht efté éloignez parles autres : & c’eft peut-eftre de ceux-là que m 1 ' Blet a trouvé , quil y anoit fpt ou 8. ans qui ne s if oient confeffez. ■. , tk non pas parce que les Mifsionaires ne veillent pas comme de véritables Pafteursv- Car il doit fçavoir qu’encore que chacun des Mifsionaires' ait fort canton corne il le faut pour fervir tous les habitans des Colonies , cependant Ton fçaitfort bien tous ceuxqui s’ap- prochent des Sacrernens, & s’il avoit efté informé de la vé- rité comme elleeft, il auroit apris que plufieurs fois on a fait fortir de l’Eglife , k qu’on a traité corne d’efeomuniez ceux qui manquoiencà fatisfaireau devoirdes Chrétiés, touchât la comunien Pafchafe.-c’eft pourquoy il fe trope lourdemec, quad il dit, qu’il n’y a point defibor dination entre les Mifsio- res, car quand ce que )’ay dit des RR .PP.Gapucins chaifez de faint Chriftophe,à l’égard denosPeres danslaGuadeiou- pe,&denosmefmes Peres à l’égard des Reu. peres Iefuites, lots de noftre eftabliftement dans la Martinique , ne le mon- treroitpas aftezji) n’a qu’à confulterles Regiftres delaGao* Des Antilles habitées par les François. 433 .grcg.ition , de Propagandafde : Si il verra que dans chaque Million il y a un Préfet delà Million , Si qu’aucun Profite ne peut adminiftier les Sacremens fans faperniiflion , Se que ceux mefme qui font approuvez par le Pape, Si qui ont pou- voir de fa Saintetéde le faire, font obligez de prelènter leurs facilitez à ce Prefec. C’c-ft ainfi que cette faciee Congréga- tion l’ordonne par Ion Decret du 7.Septeinbre léya.car ayac efté c o n fu 1 1 ée, ( ç avoi r fi tous les Prellres qui abordoient aux Mes pouvoient adminiflrer les Sacremens fans la permif- fion des Mi (lion aires:.///; H cent jrnguLis facerdoiibus ad dictas in - Jutas confluentibus , a bfquc Mifionariorum Ucentia , Sacramentel Bcclefiaftica admmiflrart ? elle répondit que non , SACRA CONGREGATIO rebondit , facerdotibus ad di et asm fui as con- fluent i bus h and liccre Sact amenta F.ecltfafica adminif rare fine Légitima approbations , a ut fine faut! tatibus Aqof oheis gojqtie obti - gari hiiiufrnocli facultatcs & approbationem prajecto Mifionis ojtendere : Si ainfi c’efl à tort que Mr Biet dit qu il n y a point de fibordination entre les Miffionaires. Il n’a pas moins de tort d’attaquer les Supérieurs des Mif- fionaires, Si de dire qu’ils envoyenten ces lieux leplus fouucnt des pet formes qui mont pas toute la fcience qui leur e(i nccejfaire\Z2X pour 11 e dire mot des Reu. Peres lefuites, Carmes Si Capu- cins, qui y fervent de Miflionaires, dont la doctrine Si les ta- lons pour s’en fer vit, font alfez connus pour dire à l’epreuvc de la cenfure de Monfieur Biet, 8i ne parler que des noftres; fi des Docteurs en Théologie de la Faculté de Paris , des gens qui ont enfeigné la Théologie , Si capables de Penfei- gner , comme ont efté prefque tous ceux que nous y avons enuoyez , n’ont pas toute la fcience necejairepour en faire des Mifionaires Apojtoliques : M r Biet a raifon. Mais fi ces per- fonnes en ont plus qu’il n’en faut pour ces fortes d’employs; comment a-t-il ofé avancer généralement , que les Supé- rieurs n’envoyent leplusfouuent que des gens qui nont pas tou- te U fcience qui lenrcjl neccjfaire. Mais quand bien l’on en au» roit envoyé quelqu’un qui ne feroit pas auffi fort que ie viens dédire , ie l’affeure bien que nous n’en avons jamais envoyé, Si que nous n’en envoyions jamais d’aftez ignorant, Iii ij ^^6 H ijloire Naturelle ' poiu confacrer avec du pain fait de farine de Manyoc, com- mefaifoit ce bon Preftre, que noftre R. P. la Mare, D odeur de la Faculté de Paris, trouva à la Martinique lors qu’il y ar- riva. Quoy que l’ignorance de ce bon Prédire foit très -con- fiante &C très- véritable , &c quelle ayt elle connue de la plufpart des habitans de cetce ïlle , ie me donneray pourtanc bien de garde d’en tirer une confequence generale , contre' tous les Ecclefraftiques qui vont aux Indes , en qualité de Miiîionaires, comme Monfieur Biet a fait contre tous les Religieux, parce qu’il en a veu un qui n'auoit j vas bien efl»* die la méthode du PereVeron . le veux croire au contraire qu’ils font tous très - fçavans , & aufli capables que Mon- fieur Biet; l’on m’avoliera pourtant qu'à parler generale-' ment , qu’il fc trouve pour le moins autant de Religieux ca- pables que d'Ecclefiaftiques Séculiers , & que cetix-cy par l’elfat de leur condition, qui les dégage davantage des cho- fes temporelles , ont pour le moins autant de diipolicion pour diüribuer les talens queDieuleur communique^om- me les Preftres Séculiers. M r , Biet fçait que les Ecclefiafti- ques de la France n’ont pas tous eftudie en 'Théologie , &û quemefme il s’en trouve plufieurs à la campagne qui ne fça- vent pas un motde Philolophie , qu’il y en a très- peu qui ayent ce beau talent qu’il exige des Milîionaires Religieux, ÔC qu’il exprime par ces paroles , qui tournent & quifafjentap - prebender tes tugemens de Dieu , qui reprennent les vices cour âge st“ Jemt.nt,& qui s’ oppofent fortemem pour les corriger. M r Biet fçait auffi , quefi dans des meilleures Villes du Pvoyaume,iUe trouve douze oü 15. Dodeurs,a peine y ena- t’il le quart , ie ne dis pas qui ayent ce beau talencqu il de~ mande aux Milîionaires denoslfles , mais quiprefchenc paflab’emenc. Cela lulFt pour faire voir que Mr Biet qui d’aiileui s eft un fort homme de bien , a cité pouifé à parler concrc les ReligieuxMiffion aires,, par quelques-uns deleurs ennemis: Et ie X u p plie leLeéteur de in’exculer de cette gran- de digieluon, que l’on m’a obligé de faire contre mes pro* près inclinations» Des Antilles habitées par les François . 4.37 Mais quand il y en auroit dauatage qui euflent ces talens que M r Blet defire dans les Religieux MÎfsionaires des Antil- les, & faute defquels il veut qu’ils foient la caufe de tous les defordres desChreftiens qui leshabitent;cenefontpasces Meilleurs qui quittent la France pour aller aider les peuples des Colonies , & travailler à la converlion des Sauvagesicar la plufpart étant attachez par de bonsBcnefices,ou par d’au- tres raifons qui ne leur permettent pas mefme, d’aider &c de fecouriries peuples de la campagne , qui bien qu’ils ayent leurs Pafeurs particuliers , qui ont droit de veiller fur Usâmes qui font fous leur direction , ne laiffent pas de demeurer dans une ignorance crafe et viure comme des befes , parce que ces Pa- yeurs, ou n ont pas toute U feieneequi leuref necejfaire , ou bien s' ils ont la feience , ils n ont pus le talent de s' en feruir , ou enfin s parce que ce font des chiens muets qut voyant le loup dans la ber- g crie ne difent mot. Ces Mefsieurs,dis-je,abandonnant ainfi le foin du falut de leurs voifins , n’ont garde de traverfcrles mers pour aller fervir des peuples qui leur font inconnus. Le moyen que Monfieur Biet dônepour remédier à tous ces dcfordrcSjdontil prétend quelesReligieuxMifsionairesfont îa caufe, ne me paroi fb pasfortfpécifiquc.Ce remede qui fert de côclufion au grad difeours qu’il a fait contre eux,ce’ft d’y envoyer des EveCques-,quelremede,dit-il i àcelai > l\ n'y en apoint dl autre que d'y enuoyer des Euefques. O l’excellent remede, s’il étoit aufsi efficace qu’il aparu à MofieurBiet,& qui neferoir pas feulement necelfaire pour les Ifl.es , mais encore pout tout le monde ; car fi l’cftabliflement d un Evefque empef- choit fes Diocefains d’eftre plufieurs années fans fe confef- fer, s’il difsipoiz l’ignorance crajfe qui eftparmy le peuple f\\ don- noit aux Ecclefiaftiqucs les qualités vequifes pour en faire des Mifiionaires Apoftoliques fi\ leur communiquoit toute la feien- ce qui leureft nectjfaire,& le talent de s’ en feruir ; enfin , s’il Fai - foit des Prédicateurs qui reprirent les vices couragcnfcment> qui filfent appréhender les iugemens de Dieu , & qui enfeignaf- fent comme il faut nos faintsMyJleres , il n’y a point de Villes ny de Bourgades confidcrables dans les Royaumes, où il ne lii iij 4^8 Hifloire Naturelle fuft à propos d'en eftablir, aufti bien que dans les Mes. Mais fi les lieux où il y a des Evefques , ne font pas exempts des defordres &: des vicesqueMonfieuriBieta veudans la Gua- deloupe s’il s’y en commet mefme de plu? grands ; avec quel iugemenca- t.il pu dire qu'il n’y appoint remedeà cela que d'y en vayer des Evefques. t L’on fçait bien que c’eft l’ordinaire d’établir desEvêques, aux lieux où l’on a planté la foy, quand les chofes font dans un eftat pour les faire fubfifter avec honneur ; il ne falloit point citer Theophilaûe pour ce fùiet,ny alléguer l’exem- ple du Royaume de Candie, où faine- Paul avoir lailfé faint Tite Evefque, pour régler les affaires de cette Eglife là, & eftablir des Preftres par les Villes quienavoient befoin; car quel rapport d’un temps à l’autre ? quelle convenance d’un Royaume peuple à des Mesdefertes , & d’un grand peuple à une poignée de gens , qui vont eftablir une Colo- nie , pour conclure que les Religieux ne doivent paseftre emploiez aux Millions > & qu il n y a point dautie remede aux defordres des Mes que d’y envoyer des Evefques : car fi les habitans ont tant de peine à payer les droits que laCom- pagnie &: les Seigneurs ont exi^é cy-devant, & qu’on exige encore aujourd’huy,que,ç’a toufiours efté le pretextedes ré- voltés & desfeditions;que feroit-cefi corne le veut M r Biet, on impoioit une dixme de toutes les chofes qui croiflcnt dans les Mes pour la fubfiftance des Evefques. Je parleray plus bas de l’ufage des viandes , contre lequel Monfieur Biet s’éleveii fort ; &.ie concluray ce paragraphe, en difant que ces grandes fojjefsions qu’ont nos Religieux, ne leur ont pas encore fourny le necelfaire à la vie &: au verte- ment, & partant que le trafic ne les a jamais empefehé de tra- vailler comme il faut au fa lut des âmes. Des Antilles habitées far les François. 4.3 p Dm Gouvernement . §■• I I» L E gouvernement de toutes les ïfles , depuis l’année 162.5. que l’on commença d’elEablii des Colonies, juf- qu’en l’année 1649. a elté Ariflocratique,<&; la Compagnie a gouverné les habitans par des Lieutenans , aufquels elle donnoit des commiflïons pour trois ans ; elle les honora en fuite de la qualité de Gouverneurs , &: pour les rendre plus oonfiderables,elle ioignicla qualité de Sénéchal 3 celle de Gouverneur, avec pouvoir de prefider à tous les juge- mens; Elle donnoit à ces Lieutenans ou Gouverneurs un droit capital de vingt-cinq livres de Tabac, à prendre fur chaque habitant, &: autant pour l’entretien des Forts neceffaires à la confervadon des Mes relie exemptoit outre cela certain nombre de leurs domeftiques, des droits Seigneuriaux, •§£ leur donnoit la preference d’acheter des Nègres , quand il en arrivoit dans leur Ifle. L ’5 eut pris,cn ce teps-Ia le Gouuernemét des Mes, pour un image du fîecle d’oncar les Gouverneurs quin’avoiët point d’autre fortune que leurs établiltemes das ces lieux, appre- hedac qu’on ne les blâmait en France, & qu’on empêchait la continuation de leurs charges , gouvernoientles habitans pluftolt en Pcres , qu’en Seigneurs &: en Mailtrcs, & la con- fiance cordiale que les habitans avoient en leurs Gouver- neurs, caufoit une fi eltroicc vnion, qu’ils fcmbloient n’avoir point d’autre volonté que la leur. Mais les guerres civiles ayant defehiré les ïfles durant les années 1645.44. &: 47. les intrigues deteltabies qu’on y a pra- tiquées depuis , ont également divifé lesefprits des Gouver- Hifloire Naturel k neurs &: des peuples , & ceux là fe font veus obligez d 5 agk avec plus d’authorité &c d’empire pour maintenir leur rang, & ceux cy prenant cette nouvelle conduite pour une op- p redion de leur liberté, ont beaucoup diminué de l'affection qu’ils avoient pour leurs perfonnes, & du refpeâ qui eftoic deu à leurs charges. La naiffance de Moniteur dcPoincy, fa qualité de Com- mandeur , 6c les grands emplois qu’il avoit eu en Franced’é- levant au deffus de la charge de (impie. Gouverneur : faMâ- jefté l’eftablit fou Lieutcnât General fur toutes les Illes, mais en cette qualité , Ton authorité nes’eften doit pas fur la poli- ce , ny mefme fur les habitans , fi ce n’eftoit dans. les chofes qui regardoient la guerre, en cas que les Efpagnols ou quel- que autre nation eulfent entrepris fur eux ; car pour lors il a- voit droit de commander aux Gouverneurs , & à tous les ha- bitans. Neantmoins quelque temps apres , îa Compagnie luy ayant donné aufli la qualité de Gouverneur de S. Chriftophe: toute l'authorité luy demeura. En 1645. Monfieur de Thoifi Patrocle fut pourveu delà Lieutenance generale des Ides ; mais il ne fut reconnu que dans la Martinique &: dans la Guadeloupe, où il no demeura qu’un an , & toufiours en guerre comme nous avons dit dans la première partie. La Compagnie ayant vendu les Ides, &: le Domaine avec la propriété qu’elle en avoir receu duRoy, à la . Religion de Malthe , &r. à Medieurs du-Parquet&: Hoüel, le Gouverne- ment devint en quelque façon Monarchique, & chaque Idc ne dépendit plus que d’un Seigneur. Chacun payoic à fon Seigneuries cent livres de petun, qu’on auôit couftume de payer à la Compagnie : tous les Blancs & les Noirs, hommes femmes, libres &c efclaves au dedus de dix ans payoient ces droits , excepté quelques offi- ciers qui avoient certain nombre de leurs gens exempts; fous M r du-Parquet à la Martinique, tous les ferviteurs des Capi- taines, en quelque nombre qu’ils pùdentedre, ne payoient rien i Des Antilles habitées par les François. 441 rien , non plus que les Ecclefiaftiqucs & les libres Créoles , c’eft à dire, ceux qui eftoientnés dans le pays. C’eftoit Tunique obligation des habicans des Ifles , cari! n’y avoir ny rail les ny impofts, ny doiianne pour lentreeSc pour la fortie des marchandifes. On ne pay oie point de lots &: ventes pour la vente des ha- bitations, & lors qu’on voulut établir cette couftumefle peu- ple fe foCileva la Compagnie fut obligée de n’y plus pen- fer, parce que Ton luy fit connoiilre que cela auroit ruiné les habitans , qui ne faifoient des habitations que pour les vendre; &c la plufpart des habitations en ce ternps-là , chan- geoit deux ou trois fois de maiftre en une annee. Les Gouverneurs eftoient abfolus,ils commandoicnt avec toute forte d’authorité, $£ comme ils recevoient ceux qu’ils vouloient dans leurs Ifles 5 ils avoient aufly 1 authorire d en chafler ceux qui ne leur agréoient pas. Mais depuis qu’ils devinrent Seigneurs & Proprietaires des Ifles , ils firent de plus grandes dépenfes, augmentèrent le nombre de leurs gardes , & diftribuérent les charges de la milice & de la iudicaturc à qui il leur plut. Ils ont toufiours eflé fort honorez , & tous les Of- ficiers de faint Chriftophe , (au moins ceux de la Baf- fe-terre) vencient falüer Monfieur de Poincy en fon Châ- teau tous les Dimanches au matin, ou il y avoir une table de 40. couverts pour déjeuner , 8c cette couftume fe pratiquoit dans les autres Ifles avec proportion. Quand un habitant va voir le Gouverneur, il l’arrefle ordi- nairemet pour difner à fa table,qui efl: toufiours ouverte aux honneftes gens , &C particulièrement aux Officiers ; mais cette magnificence confume une grande partie de leur re- venu. On a crû que cela avoir obligé Monfieur Hoüel d’aug- menter les droits de les habitans a deux cens livres de pe- tun , en les exemptant de l’obligation de faire la garde. Mais depuis il a pris jufqu’au dixiefme de toutes les marchan- difes qui fe faifoient dans fon Ifle: ce qui monte fi haut, que Kks 4 4 2 Hï flaire Na tare lie c’eft une merveille s’il n'eft pas bien riche à prefent,-. Chaque quartier forme une ou deux CÔpagnies, félon que' le quartier eft peuplé, de forte que tous les habitans font fol- dacs,& obeiflentauffi exactement a leur Capitaine, qu’à M? le Gouverneur , il a le pouvoir de les faire mettre aux fers, quand ils font quelque faute, & en fon abfence le Lieute- nant de la Compagnie commande dans le quartier. Les Officiers y font fort refpeétez , &c au moindre or dre. que l’Enfeigne ouïe Sergent donnent, onleurobeït fans aucu- ne reültance. Tous ces Officiers ont exemption des droits pour leurs pei fonnes, & pour huit ou dix de leurs gens,& dans la Gua- deloupeflls n’ont point de gages, & ordinairement il y a plus d’honneur que de proht;car ces charges les engagent à beau» coup de dépenfe. Il n’y a point de garnifon dans les Ifles , mais les habitans font obligez de monter la garde chacun à fon tour. Onia monte huit jours défaite dans la Guadeloupe, mais dans les ancres Ifles; elle n’eft que de vingt quatre heures. Il n’y a qu’un Officier à chaque brigade, avec un Sergent , ainfi une Compagnie eft quinze jours ou trois femaines en repos. Cet- te garde de huit iours eft a flez incommode aux habitans de la Guadeloupe, particulièrement à ceux qui font feuls, car leur place dépérit, beaucoup par une fi longue abfence. Les maiftres de Cafés y peuvent envoyer un de leurs gens, mais non pas un de leurs eiclaves, à qffionne, pei met pas de manier;des armesn Du temps que ic demeurois à la Guadeloupe, l’on faifoit ré- gulièrement l’exercice generale une fois le mois , & Mon- fleur le Gouverneur choiiiflbit un Dimanche, auquel les deux ou crois Compagnies les plus proches fe trouvaient fous les armes proche de noilre Eglife , & en forçant de laMefle, où quelquefois auparavant, ils faifoient l’exercice. Depuis que Meilleurs les Gouverneurs ont efté Pro- prietaires des Ifles , Ils ont voulu eftre maiftres abfolus chez eux , &: ne plus relever qqe de fa Majeflé, indépendammeiu Des Antilles habitées par les François. 443 de Monfieur Je Poincy. Monfieur du-Parquet, en confidera- fion de fes grands fervices , & delà prifonglorieufe qu’il ayoit endurée pour l’intereft du Roy , fur le premier que fa fMajefté gratifia de la qualité de fon Lieutenant General , fur la Martinique & fur les autres Ifies qu’il avoit achetées. Monfieur le Comte de Cerillac s’en fit pourvoir pareille- ment pour la Grenade ; & Monfieur de Boifferet obtint du Roy , que fes Sujetsne relevaffent plus de la Iurifdiétion de Monfieur Hoüel fon Oncle , ainfi ils eftoient tous in dépens dans les uns des aucrés , d’où plufieurs defordres citant arri- vées, fa Majefté a cité obligée pour y remédier de les rappel- ler tous , & les priver de leurs charges. L’on ne fe marioit point dans les Ifles fans en avoir de- mandé la permiilion au Gouverneur-,& quiconque euft pafie outre apres fa deffenfe, en auroit étédionteufement chalfé. Ceci a caufé de grands defordres , que le Concile de Trente avoit tafehé d’empeficher, par l'anathéme qu’il a lancé con- tre les Seigneurs qui ©fient à leurs fujets la liberté defema- rier. Le premier jour de l’An toutes les Compagnies ont accou- tumé d’aller laitier fous les armes M r le Gouverneur. • Perfonne ne peut fortir d’aucunellle fansvn c5gé par écrit, du Gouverneur, & ficelle du cachet de fes armes. Il recom- mande celuy à qui il donne ce congé comme Soldat d’une telle Compagnie qui a bien fervy le «Roy. On l’obtient facilement , mais celuy qui veut fortir , eli obli- gé de faire publier fapermiffioa au profne , pour avertir qu’il s’en va , afin que ceux qui luy doivent ,ouà qui il doit, viennent compter avec luy, fi bien que perfonne ne s’en va fans payer, &: les Capitaines des Navires n’oferoient embar- quer qui que ce foit fans congé > & s’ils l’avoient fait , ils fe- roient indilpenfablement condamnés à l’amende, •& per- droient tous les effets qu’ils laifferoient dans Lille. 444 / Hîjloire Naturelle De la Iujtice- §, I I L L E corps delà luftice n’eft compofé dans chaque lile, que d’unlugetqui porte tout eniemble la qualité de lu> ge Civil 5ù Criminel , parce qu’il juge également de l’un &£ de l’autre ; d’un Procureur Fifcal, 5c d’un Greffier, ians Ad- vocatsny Procureurs. Il y a une Salle deftinée pour tenir l’ Audience deux fois la femaine , où chacun plaide fa caufe foy-mefme,& comme nous concevons parfaitement les chofes qui nous regard- dent , & que l’ardeur de deffendre noftre droit rend les inte- reffiez fort éloquens, on ne fçauroit croire le plaifir qu’il y a- d’affifter a ces audiéces:où l’on void une eloquece fans fard, 5c une vivacité d’efprit à trouver des raifons , que des Ad- vocats qui ont confirmé toute leur vie fur les livres , au- roient do la peine à inventer. La partie intereffiée fait clle-mefme la fondion de Ser- gent ; car quand une perfonne areceu quelque tort d un autre , elle en va faire fa plainte au luge , qui luy donne un billet pour luy porter, par lequel il luy eft enjoint de fe trou- ver à l’ Audience : ce billet vaut autant que les exploits des- Mmffiers 5c des Sergens de France. S’il manque à y venir, le luge prie l’Officier qui eft de garde de l’envoyer quérir par deux de fes foldats,quine manquent point del amener j 5c outre l’amende à laquelle il eftirremiffiblement condam- né , on le met pour l’ordinaire apres que fa caufe eft iugée, aux fers jufques au lendemain , 5c quelquefois davan- tage : c’eft ce qui fe pratiquoit dans la Martinique , mais j’ay veu des Sergens dans la Guadeloupe. 11 y a appel des Sentences du luge, au Confeil fouverain Des Antilles habitées far les François . 44J <3e l’Ifle j que Monfieur le Gouverneur tient ou chez luy ou au Fort. Ce Confcil eft compofe des Capitaines , & de deux des principaux habitans de chaque quartier de 1 Ifle, qui iu- get en dernier refTort de toutes les caules , tat civiles que cri- minelles. Cette luftice fouveraine n y a elle eftablie que de- puis l’nnncc 164.6 . que Monfieur de Xhoify Patrocles en ap- porta la provifion du Roy. Auparavant on appelloit des iu- gemens rendus aux Mes, au Grand Confeil delaMajefte à Paris. Le luge affîfte à tous les poids , pouryraire payer ceux qui doivent , &c pour examiner la qualité üe la marchandife, delafaçon queiediray cy-apres. Le Gouverneur donne des gages au luge 5C au Piocu- reur Fifcal , &c il leur eft abfolument deffendu de rien rece- voir des Parties : mais ces gages font fi modiques , qu il n y a pas dequoy faire fubfifterun honnefte homme, auffy la plufpatt refufent ces fortes de charges , ou reçoivent des deux mains tout ce qu’on leur prefente , po ul " foftenir les grandes dépenfes qu’ils font obligez de fai- re , d’ou procédé ordinairement la corruption de. la lu- ftice. Il y aune taxemife fur toutes les séteces que les Greffiers délivre, outre laqulle il ne fçauroit rien exiger; mais ils font attendre les Parties fi long-téps, quelles font fouvent obli- gez de leur faire des prefens pour retirer leurs Sentences. Monfieur du Parquet ayant feeu que Vigcon en vfoitdela forte, le ca(Ta de fa charge , &c l’eucchaffé de i’Ifle fans la prie- re que Madame fit pour luy. Il y a des Notaires dans chaque quartier des Mes, qui re- courent lesteftamens , Sc qui pafFent toutes fortes de con- trats, comme on fait en France, mais ils le font à bien meil- leur marché. Toutes les caufes feiugent en Robbes courtes , 5c on ne fçait ce que c’eft que de foutanne ny de bonnet quaric. C’eft dans ces Mes où l’on fait bonne 5c bricue juftice : car comme l’on n’y employé point toutes les lormalitez d ecii- Kk k iij \ 44$ Hiftôtre Naturelle .tares qui fe pratiquent dans la France , & qui font voir affez fouvent la fin delà vie , auanc celle des procez, les caufes fonc Terminées du foir au lendemain, & l’on y voir rarement un procez durer plus cî’une fcmaine. L'on garde dans coures ces Lies la couflume de Paris, &; fi elle y eil; tranfgteffée en quelques points, cela vient de l’i- gnorance des luges qui ne la fçauem pas , ou de l’im- poffibilité de la garder, 6c en ce cas l’on fuit l’ufaee des lieux. V Monfieur le General de Poincy , &: Monfieur du Par- quée, lors que leurlante le permetroit fe trou voient toutes les femaines à l’Audiance , le premier fous le grandpi- guier a la Baffe- terre de Paint Chlftophe , &,le fécond à la Martinique fous fon calbacier au Fortfainc Pierre , où ils accommodoient tous les differents , & ne renvoyoient ja- mais les Parties qu’ils ne fuffent d’accord , &me fe fuffent em b rafle es. ' \ Les Ides ont efté long temps fans prifon, & Ton ne parloit point en ce temps-là de Geôlier ny d ecroüc.Quand quel- qu’un avoir, commis un crime qui meritoit punition ; le luge lefaifoit mettre aux fers dans le corps de garde , & 1 Officier en eftoit charge, c eftjoourquoy on lui deftinoit un Soldât, qui ne le perdoit point de veué : mais il y a mainte- nant des prifons & des cachots en plufieurs Iiles. Jamais on ne metperfonn-e en prifon pour debtes,on peut bien faifir Je pet-un quand on 1 apporte au poids public, maison rie fçauroit contraindre perfonne par corps àfatis- faire à fes créanciers. Le Boureau efl; ordinairement un Nègre , à qui l’on donne la liberté pour exercer cét infâme métier» il eft vray quil na pas beaucoup de pratique , car comme jufqu’à prefent , l’on a. eu befoin de monde l’on en a fait mourir le moins quon a pû afin de confer- ver laColonie : & l’on a fouvent changé la peine de mort à quelque banniffement dans d’autres Mes , d’où l’on reve- noit bien-toft. Mais à la Guadeloupe, Monfieur Hoiiel des Antilles habitées par les François. 447 n’a pas fort épargné la vie de Tes Sujets. Vn criminel fe fauue facilement dans les bois, quand il a fait un mauuais coup , d’où apres s’eftre tenus caché quelque temps, il luy efl aifé parle moyen de fes amis de s’embarquer dans les pre mieis vailfeaux. Mais quand un criminel eft appréhendé, fon procez luy cil fait fuiuant la forme , & il elt condamné à more ou au bamlfcment. 11 arriua dans laMartinique en l’année une chofeaffez particulière pour eftre remarquée. Vne femme mariée ayant elle accufee d’eftre Sorcière, &: les conjectures de ce crime fc trouvèrent li vray-femblables,qu'il étoitprefque impofli- ble d’en douter:car l’on prouvoit qu’au moment qu’elle tou- choit des enfans,ils devenoient en langueur & mouroienten cét état; qu’elle enuoyoit une efpece de chenilles inconnues fur les habitations de ceux avec qui elle auoit des differens , qui rauageoient tout ce qu’il y avoir de meilleur, pendât que les autres habitatiôs qui les environnoient ne foudroient au- cun dommage de cesinfeélcs , Vautres chofes femblables. Le luge l’ayant fait mettre aux fers pour en tirer la ve:icé,il la fit vifiter par tout, pour découvrir ïi elle n’auoit point quel- que marque de celles que l’on dit , que le Diable imprime à tous les Sorciers , mais n’en ayant trouvé aucune , il fe re- foltit de faire l’experience d’une obfervation qu’il di foi c auoir leuëdans les livres de quelques Authcurs dignes de foy , fçauoir que les Sorciers ne pleurent jamais pendant qu ils iont entre les mains de la luftice : il pria pour ce fujet l’un de nos Peres, fans luy découvrir fon dçlîein, d aller voir cette pauvre mal-heureufe , & deluy dire toucesles chofes les plus touchantes qu’il pourroit , afin de luy faire recon* . noiftre&: pleurer fa faute. Ce bonRehgieux n’y manqua pas , & dans le corps de garde qui luyfervoitdc prifon,ilîuy dit tout ce qu’il peut pour la toucher, mais ce fut en vain ; par où ce luge voyant une partie de fon expérience adeurée , il laht condui- re dans un magafrn , où il pria ce mefme Pere deluy dire encore quelque chofe, mais àpeine eut-il ouvert la bouche, 4.4. g Hijî'Oirâ Nature Hê qu’ellefe prie à verfer une fi grande quantité de larmes, quÇ elle excita tous ceux qui eftoient prefens à pleurer avec elle. Le luge croyant l’auoir fuffifamment conuaincuc par cette expérience impertinente, fuiuit encore le confeil d’un certain Maiftre Iacques Chirurgien, Italien de nation,appe- lé le Romain , qui luy dit qu’il auoit veu pratiquer en Alle- magne & en Italie,! épreuve de l’eau, & qu’elle eftoitpermi' fe. Ce bon homme fans prendre aduis des RR. Peres lefu.i* tesny de nous, y condamna cette miferable. Le lendemain onlaconduifit à une riviere aflez profon- de proche le Carbet , où on ne luy laifla fur le corps qu’un fimple caneçon de toile , & ce Maiftre Iean qui faifoit en cette rencontre pluftoft l’office de Bourreau que de Chirur- gien , luy attacha les deux pouces furies deux gros orteils des pieds, & l’ayant liée par le milieu du corps d’une gran- de corde que l’on tenoit des deux codez de la Riviere, elle fut pouflee dans l’eau,. & tirée jufqu’à l’endroit le plus profond , où elle dota comme un ballon fans jamais pouvoir enfoncer , bien que de fa part elle fit plufieurs ef- forts pour aller à fond : plus de deux cens perfonnes prefen- tes àcettea&ion, la croyant affez convaincue lavouloien-t retirer : mais ce Romain envoya un petit garçon à la nage, qui luy ayant attaché une éguille à coudre dans les cheveux elle enfonça auifi- toit comme du plomb , & fut au fond de l’eau l’efpace d’un bon Miferert , où on la voyoit fans fe.re- muër,mais aufli sas en avaler une goûte; ce qui eft û vray ,que lors quelle fut retirée, L’on fut obligé de luy en donner pour ’eftancher fafoif. Ces troiscirconlLanc.es de ne pouvoir en- foncer, d’enfoncer par un fi petit morceau de fer, & d’eftre dans l’eau fans prendre de refpiration & fans y pouvoir boi- re firent refoudre le Iwge de la condamner le lendemain à la mort. Mais pendant quiLfepreparoit au jugement, ce Romain s’avifa fur le foir de luy donner la quellion à fa mode, &luy brufla fi bien les codez &; les flancs , qu elle mourut 1a jnefme Des Antilles habitées par les françoifes 4.49 •mefme nuidfc fans avoir avoüé.le crime dont on l’accu- foit. Tout le monde blafma le précédé du luge , &: les Reli- gieux en firent leurs plaintes à Monfieur le Gouverneur, comme d’une chofe-dont la pratique eftoitinufitée en Fran- ce, ■& dont les confequences choient dangereufes. Quand iepaffay à faint Chriftophe en 1658. ie vis un cer- tain vieillard aux fers dans le corps de garde , accufé du rnefme crime, mais bien qu’il y eut plus de deux ans qu’il y /lift, jamais M r de Poincy ne voulut permettre que fon luge en vfât comme celu.y de la Martinique. Des Bapmens, tant publics que particuliers. .1 V. C -’Eft mal vfer des termes , ou ne pas fçavoir la définition d’une Ville , qu’Ariftotc donne dans fies Politi- ques , de dire qu’il y en a eu dans nos Ifles Françoiies, com- me font Meflieurs Biet & de Rochcfort } car il n’y any Vil- le nyBourg, mais feulement quelques rangées deMagazins, -battis de pierres U de planches, où les Marchands eftrangers vendent ce qu’ils apportent , où quelques Artifans font leurs retraites pour la commodité du public , comme les Tailleurs. les Menuifiers,& autres femblables. Chacun demeure fur fon habitation , excepté quelques .Officiers, qui ayant Peuvent affaire au Fort, retiennent com- me une elpece de petite Salle pour s’y retirer quand ils y viennent ; mais ils n’y tiennent point de ménage , &: ils •mangent chez les premiers Magaziniers où ils fc rencon- trent. T outes ces rangées de Magazins ne font pas tant de Ca- fe s te de maifons qu’il y en a à la Foire faint Germain de . lu Hîfloire Naturelle Paris ; outre qu’il n’y a ny portes ny murailles , qui donnent-' la forme d'une V ille ou d’un Bourg; &c il n’y a point de petit village en France, qui ne pafiat pluftoft pour une Ville, que les Villes prétendues qu’on dit eftre à la Guadeloupe : à* moins , comme fiay dit , qu’on nevueilie abul'erdes ter- mes , &: leur donner un autre feus que celuy qu’ils Signi- fient. LaBarboude feule habitée parles Anglois, fe peut van- ter d’avoir deux Villes Reguüeres , dans chacune defqueL les on compte plus de cent Hoftelleries , aulfi bien garnies qu’en Europe, Dans la plufpart des Iflês habitées par les Efpagnols; il y a des Villes Regülieies , bien bafiies , envi- ronnées de murailles, fortifiée de bons bafiions -, qui font fi peuplées , qu’il y a des Egliles Cathédrales , ô£ des Con- vens de Religieux de diirerens Ordres comme en Europe, Il faut efperer que le nombre des liâbitans s’augmentant dans les ïfies , on y formera des Villes êc des Bourgs comme autrepart;mais jufqu’àprefentii n’y enapoint,non pas mef- mechez les Anglois de faint Chrifiophe , d’^ntigoà, des Nicvres , de Monfarra, quoy qu’ils foient incomparable- ment plus peuplez que nous . Les Eglifes n’ont lien qui approche de celles de France, elles ont quinze à feize toifes de longueur , &; trois ou quatre de hauteur. Iufqu’à trois ou 4 . pieds hors deterre, les murailles font de pierre de taille ou de moellon: le refte aulfi bien que le comble cft de C hàipenterie;&toute la clô- tme efi à iour pour y donner de l’air. Il n’y a qu’un Au* tel : qui eft environné de baluftrades , le refte rfeft qu’une fiTrr.ple Nef, dont les hommes occupent la partie la plus pro- che de l’Autel, <5c les femmes l’autre, Lesornemens lontal- fez be^ux,mais il n’y any retable, ny menuiferieyla Chapelle du Fort de la Guadeloupe eft de pierre, mais elle efi; fi petite, que prefque tout le peuple efi obligé d’entendre la Meffe de dehors . Les maifons des Gouverneurs font toutes de pierre 'de taille ôc de moellons. L’arcixitecfcure en efi allez régulière, Des Antilles habitées par les François , les chambres fort commodes, te à l’extcrieur ejles n’ont rien qui les diftingue des baftimens de France. Monfieur le General de Poincy en a montré l’exemple aux autres par la belle maifon qu’il a baftie à trois eftages,de pierres te de bri- ques , comme j’ay dit ailleurs. Celles des Officiers te des ri- ches habitans s nefont encor pour laplufpart que de char- penterie reveftuë de planches , avec un eftage au deflus de la Salle, dont le plancher eftd’aisoude briques i elles font couvertes detuilles, que les Holandois apportent avec ces briques, &tout celaleur fert àlelfër leursNavires.Les autres ne font couvertes que delfcntes de bois , faites en façon de milles. Les Cafés des fimples habitans ne font encore palIifTa- dées que deRofeaux, particulièrement aux endroits où on ne craint pas les incurfions des Sauvages ; ces logemens n’ont que des Salles baffes , feparées par dedans en deux ou trois départemens, dont l’un fert deSalle, l’autre de chambre à coucher , te le troificme de garde-manger. Celles des plus pauvres, font couvertes defuëillesdeCannes,de Rofeau,de Latanier te de Palmifte , te celles-là font incompara- blement plus agréables que nos chaumines de Fran- ce. Comme il n’y a point d’Hyuer dans les Ifles,il n’y a a pas une feule cheminée dans toutes les maifons , excepte chez les Gouverneursjoù l’on en a fait pluftoft pour leur fer- vir d’ornement que pour lanecefïîte. LaCuifmeeft toujours feparce de la Café. Lllecftcom- pofée d’un petit appenty quienefl: àcinqoufixpas, audef- fous du vent. L’on pend la marmite à un gros bâton pofé iurdeux petites fourches , te l’on fait cuire publiquement chez les habitans de médiocre condition toutes les viandes que l’on mange : mais chez les plus accommodez, la Cuifine cil murée, comme une Café particulière. La vanité qui régné dans les habits des habitans , napas encor paffé jufqu’à leur meuble ; car quelque coffre , une ta- ble , un lift, te des bancs , font tout l’emmeublement des Cafés. Les perfonnes mariées ont des couches comme dans la France: mais les-autres n’ont que des livts de coton pen- L1 1 ij 4)2 Hifloire Naturelle dans, dans îefqueîsiis fe couchent à la façon des Sauvages: &C outre que l’vfage en ed commode , ils ne font pas de de- penfe,daucant qu'il nefauc ny oreillier,ny draps, ny couver- ture, de forte qu'un bon li Ct' de coton füfHt pour ia vie d’un homme. îl y a toufiours parmy les magafins' une fort belle Café defti née pour le poids Royal, où l’on péfe toutes les marchâ- difes , avant que les habitans enpuifient difpofer. fe n’ay jamais veu de fortsReguliers das toutes nos Antilles, &ceux que l’on areprefente infques icy fur les cartes, n’ont efté que des fiâios de Graveurs: il n’y avoir du téps que j'y demeurois que des plattes formes environnées de murailles , avec des embrafures où il y avoic huit ou dix pièces de canon ; mais j’ay apris que l’on y a fait d’afiez belles forteredes. Les Badimens font pour l’ordinaire fort peu élevés, à caufe de la violence des vçnts &: des Giiragans. le n’ay veu des vitres qu’aux fenedres des maifons des Gouverneurs , tous les particuliers n’en ont point, foit parce que le verre ed trop fragile , foit parce que l'vfageen ed in- commode^ caufe des chaleurs du pays, où l'on ed obligé de tenir toufiours la porte' & les fenedres ouvertes pour donner palfage à la brize,afin de rafraifehir la Cafe:que f’on ferme la nuitjàcaufo de la trop grande fraifchcur. Des Familles qui composent le s Colonies»- §• ' I L y a de* deux' forces de familles dans les ïiles ; les pre- mières font compofées de perfonnes mariées, les autres de certains garçons qui viuenten focieté , qu’ils appellent ma- telotage aux termes du pays s ils ont dans la Cale égaleau- thorite furies ferviteurs, tout y ed en commun, & ils viuent eo» fort bonne intelligence, Lors que l’un des deuxfe- D es An tilles habi té es par les ' Fr a nçots. 4S$ marie ; ils fe feparent , & 1 on paitage les Servi- teurs , tantFrançois engagez, que les Nègres efclaves; I ha- bi tati on cfl apreciée, &£ celuv a qui elle éc hoir cil obligé d en payer la moitié à l’aucre. Ces Séparations qui feioient en France des Sources intariSTables de procez, fe font ians bi uic &C Sans querelle: autrefois rncfme ik ne le Sepai oient pas, ê>c celuy qui n’eftoic pas marie continuoit de demeurer aucc fon Matelot ; mais la jaloutic qui s eft introduite dans le pays, & les fafeheux accidensqui font arriués par l’indif- cretion du Matelot, ou par l’imprudence des femmes, ont obligé les Gouverneurs de deffendre cette Société, & ils not pl us voulu loufïrir qu’un garçon demeurât dans la CaSe os fon Matelot, apres Son mariage. Toutes les meilleures familles qui font aujourd huy dans îbs Hles ont commencé comme cela: car Monfieur d Enam- buc , &: apres luy Monfieur de l’Oiiue n"y ayant mené que des engagez , quand ces pauures gensauoient acheue leurs trois ans , i-ls fe mettaient deux ou trois en Semble , abbut- toiûnt dubois, & faiSoient une habitation , iuï laquelle ils baftilfoienc une Cafe,& fàiloient des marchandées. Quand l’un choit marie, il afliftoit Son Matelot à faire une habi- tation, & tafehoit de !uy acheter quelqu engagé, afin de b ai- der à 'gagner quelque chofe , pour acheter une femme de la fâçon que i'e dirayd Au commencement que les liles furent habitées,chacun Eli foit fa place , ceux qui venoient libres au ec des hommes, al loient trouver le Gouverneur , qui leur donnoit gratuite- ment une place de bois de deux cens pas de large, fur mille pas de hauteur, à défricher: il en donnoit autant à ceux qui fbrtoient de feruice,mais l’on a depuis réduit la hauteur des eltages à cinq cens pas. L’ay veu de bons garçons aux Mes, qui ne fai Soient autre chofe que cefaire de belles habitations , qu’ils vendoient toutes plantées de viurcs & de Tabac a allez bon marche aux nouveaux venus: ce qui leur eftoit une grande commo- dité; car ordinairement iis fai foient comme on ditdelater^ L 1 I iij . 4N H i /foire Naturelle relefoffé, la payant du revenu de la place en deux ou troijs levées,à proportion de lafomme. Mais aujourd’huy les chofes font bien changces;car la terre y eft beaucoup plus chere à proportion qu’en France, & une place de fix ou huit mille livres de petun,n’eft pas grande chofe: encore trouue t-on r mieux fon compte de l’acheter à grand prix , que d’en aller défricher dans des montagnes éloignées du commerce, de la Rade & du Fort. Il n’y en a plus à faint Chriftophe à défricher , les places y font hors de prix, & le bois y eft fi rare , que j’ay veu des habitans en en- voyer quérir dans des; bateaux , àune petite Ifleappellée Sa- ^occupée par les Fîollandois. Les familles des gens mariés font ordinairement compofées de trois fortes de perfonnes:desMaiftres,des Ser- viteurs François, desEfclaues. C’eft une loy inviolable fondamentale dans les Ifles,que ceux qui y paffent au dé- pens d’un autre, foithommes, foit femmes, foit garçons, foit hiles, font obligez de fervir trois ans , à commencer du îour qu’ils mettent pied à terre dans Fille, ceux qui ont payé leur paflage.il n’eft pas befoin d’en paffer de contrat!, & on n'eft pas moins^engagé fans écriture , qu’avec tous les contrats des Notaires de-France. Celuy qui en pafTe un autre , n’a pas feulement le droit de s’en fervir trois ans , mais le peut vendre à qui bon luy fem- ble,& celuy-cy à un autre, fi bien qu’on a veu de jeunes gar- çons Fraçois, & fou vent de bien meilleure maifqn que ceux qu’ils fet voient , changer fept ou huit fois de maiftre pédant leurs trois ans. L’unique moyen de fe rédimer de cette fer- vitude, c’eft de trouver des amis qui en achètent un autre pourferuir en fa place; &: en ce cas, les Gouverneurs contrai- gnent lesMaiftres d’agréer cet échangeai eft vray,que fi c’eft un nouveau venu, il fervira quelquefois les trois ans, quoy que l’autre n’en eut plus qu’un à acheuer. Les femmes les & filles font fujetes àla mefme loy; mais comme elles font beaucoup plus rares , auili elles ne font pas foûmifes à toutes ces rigueurs ; car les femmes des Officiers les achètent , s’en fervent à faire leur ménage , au lieu Des Antilles habitées par les François ; 43$ des fémes Nègres qui (ont plusq>ropres à travailler à la terre. Elles ont un privilège quelesMaiftres&lesMaiftreflfes ne les peuvent pas retenir, quand queiqu’vn les recherche en ma- riage: car en rendant le prix qu’iis en ont payé, elles font mi- fes en liberté, &C il les époufent. Les familles d’aujourd’huy font bien differentes de celles du commencement , où la rareté des femmes obligeoit les habitans d’épouferles pre- mières vendes : ce qui a fait que quantité de pauures filles ont trouué de fort bons partis ; car on ne travailloit que pour auoir une femme, Sda première chofe qu’on deman- doit aux Capitaines quand ils arrivoient de France , eltoic des filles. A peine eftoient-elles décenduës à terre, qu’on couroit toutenseble aumarché &: à l’amourjonn’y exami- noitbien fouuent, ny leur naififance, ny leur vertu, ny leur beauté, & deux iours apres qu’elles eftoient arriuées, on les époufoit fans les connoiftre ; car il n’y auoit prefque pas une de ces precieufes qui ne fe vantât d’eftre bien alliée en France ; quoy qu’il en fut , le mary les habilloit le plus fuperbement qu’il pouuoit, & s’eftimoit encore bien- heureux d’en avoir àce prix. Mais ce qui eftoitau commencement fi recherché, efi: au- jourdhuy un fujet de rebut: les filles qui eftoient la meil- leur' marchandife qu’ern puft mener aux Ifies , eft aujour- d’huy de contrebande, fi ce n’eft qu’elles y ayenc quelques parens, qu elles paifent à leurs dépens, & qu’elles ne foient avantagées de quelque beauté ; car pour lors elles peuucnc cfperer de trouver un bon partie La caufe de ce changement vient de ce qu’à prefent , il y a quantité de filles nées aux Ifies , que les habitans aiment mieux prendre de bonne heure, de la maifon duPere& de la Merc pour s’allier dans fille, que d’époufer des perfonnes q-u’ils n’ont ) amais veuesny connues. Tous les Contrats de mariage fe font fuivant la Couftume deParis. Les fémes ordinaircmét y font fort avantagées, il y a fort peu de gens mariés qui ne fafifenr un don mutuel, & mefrac qui nefe donnent tout au dernier viuant: c’eft pour- quoy quand un homme efi: mort fans enfuis , la femme fe '^$•6 'Hijïoire Naturelle met en poflfeilîon de tous les biens, fans que les patens du ma» ry y puiflent rien prétendre : .le mary en fait de mefrne à lp. mort de (a femme. Chaque famille un peu conflderable compofe une efpe- ce de Hameau ; car, outre la Café principale où l’on demeu- re , il y a plufieurs autres petits baftimens allez proches , au milieu defquels eft la grande Cafe à petun, qui eft ordinaire- ment de huit ou dix toifes de longueur. LcsCafes de.sNégres font au deffous du vent , chaque garçon 8c . chaque homme marié a la Tienne , 8c ainfi on verra quelquefois quinze ou vingt petites Cafés l’une proche de l’autre deuant une gran» de place, qu’ils ont foin de tenir fort propre. 11 y a.un Commandeur dans chaque famille, qui a foin de faire travailler les ferviteurs , & fur lequel on ferepofede l’habitation ; quand il efl habile, on ne le fçauroit allez payer ( rnais quand il eft ou fainéant ou fans expcrience,il rui- ne bien-toft fon maiftre. Leur appointementeft de 1300 . li- vres, de deux mil livres , 8c de trois mil livres de petun par an , il mange à la table du maiftre , & tous les fer- viteurs, François &c Nègres iuy obeïffent en toutes cho- ies. Dans le temps de faire le Petun , il y a un liqueur dans la famille , qui a ordinairement le dixiefme pour fon tra- vail, c’eft à dire, de dix rolles un. Cette condition eft fort bonne dans les .1 fies, car un bonjorqueur gagnera aifément quatre ou cinq mil livres.de petun par chaqueannée, ou- tre la nourriture 8c le logement. U n’y a point de Boulan- gers dans les Ifles. Chaque famille fait fa Caffave de cette maniéré. LeCommadeur deftine une partie des Nègres pour arracher le Manvoc pendant le iour, & quand la nuit eft ve- nue , tous les gens de la Café le ratifient & l’égrugent: le lendemain la farine eftant prefîée , on deftine une Nè- gre ou deux , félon la quantité de la famille pour la cuire. Chaque famille a fa baffe- Court, où font nourris les vo- lailles d’Inde, les communes, 8c les Oyfons,il y en a qui ont des Canes 8c des Lapins. Toutes ont des parcs où l’on élève des Des Antilles hahitéesÇar les François. F}. çj des Cochons. Ces Parcs fonc certains Clos faits de pièces de bois, longues de feizc à 18. pieds , entrelaflées en quarré les vnesdans les autres, pour empêcher ces animaux de fortir: il s’en fait aulfi dc perits Citroniers, qui font une baye fi for- te & fi piquante , que les Porcs ne la fçauroienc forcer. On les nourrit dans ces Clos de fuëilles de -Patates & d’autres chofes : &Ton attache à ceux qu’on veut laifler courir de 'grands morceaux de-bois au col , deipeur qu’ils n’aillent chez les voifins , & on leur fourre de petits morceaux de fer ou de bois au groüin,de peur qu’ils ne foüillcnt les P atates; mais ]’en ay veu qui les détendent avec le pied. Qujind un habitant trouve le Porc de fon voilin fur fa pla- ce v fai fan t dômage , il doit en avertit le Maiffcre, afin qu’il le fafle retirer; s il ne le fait, il a droit de le tuër,ô£ d’en pren- dre la telle pour fe payer de fon cou p de poudre. L’ordinaire des repas efl réglé au déjeuné, difne&foupe comme dans la Frar.cede pain ordinaire eft la Callave qui fe fait de racine de Many oc, comme fay dit au §.14. du ch. 1 du z. Traité: ôt bien que les plus riches faffent venir delafari- ne de France & de Holande pour en faire du pain , il y en a pourtant plufieurs qui préfèrent la bonne Caflave au pain de l’Europe. Lemaillrc de-îa Café fait faprovifion de viande, lors que les Navires a: rivent &: achète autant de barils de bœuf, ou de la; d, qu’il luy en faut pour fa provifion.il en diflribuë une certaine quantité par fcmaine à fes efclaves, mais elle n’ex- cede pas pourtant une demy livre par tefle pour chaque iour. Quoy que la table du maiflre foie ordinairement fervie de ces viandes falées qui viennent de l’Europe , neantmoins les habitais aifez&bons ménagers qui nournllent beau- coup de beflail , ont toufioufè quelque pièce de viande frai fiche fur leur table, côme poulets d’Inde, V olaille,ouCo- chon de laiébmais dans les 1 fies où le Gibier cft abondât, les Perroquets , les Ramiers, les Perdrix &: les Ferriques , & d'autre Gibier ne manquent gueres les Dimanches & les Telles. M mm n 1 m 1 ■ j * {! il ;ft 11 il* H 1 * : -, J'V S •."mi 3 Hifioire Naturelle Quand leurs amis les viennent vifiter, ils les reçoivent a- ved beaucoup de cordialité , &: leur font des feftins qui ne ; cedencen rien à ceux de l'Europe. La boiffon ordinaire eft le Maby ou le Oiiycou , mais en. plufieurs Cafés l’on a couftume d’vier d’vne boiffon qu'on appelle Uefou, que ie trouve exceller. Ils ont pour la faire un petit moulin à bras>où l’on brife des Cannes de fucie,& l’on met deux pintes d’eau fur trois pintes de jus de Cannes, puis ayant mis cela das des v£-nfeaux,on le laiffe boinllir pendant deux ou trois iours., comme on fait le Oiiycou^ cette boiffon- eftantrallifc cft delicieufe au gouft, & auffi bonne que de la limonade, excepte qu eftmt plus chaude, elle eft beaucoup plus (aine àcaufe du pays. Les plus aifèz onc du vin deM-ade- re à leurs tepasffes ancres boivenc deux-ou trois coups d’eau.' de vie au difné,& autant au fou; é. Les iours maigres font très-difficiles- à paffcr aux Ifles : &Z il y a bien des familles ou les Negres n’en gardent point du tout. Ce n’eft pas que les Mers ne foient très poiffonneufes, mais chacü cff fi attaché a Con travail, qu’il n’y a que les plus accomodés,qui ont un Sauuage ou unNégre, qu’ils envoyer a la pefche pour leur table, corne font les Gouverneurs, chez lefquels l’on fert ordinairemét chair & poiffon les iours gras, parce que leurs gens vont tous les iours à la pefche <5e à h, chalfeJ’ay veu deux perfonnesà laMartinique,qui s écoienc appliquezà l’exercice de la pefche, l’on avoir taxé le poif- fon qu’ils vendoient à une livre ôc demie de petun , la livre 4c gros poiffon, une livre celle du petit. cela écoii fort co- mode, mais ce n’eftoit qu’une goûte d’eau dans la mer; ou- tre que la chaleur y eft fi grande^ue le poiffon y eft inconti- nent corrompu, & ce qui eft pris ie matin ne vaut plus rien à manger le foi r. il ne faut point parler de jeunes dans les Mes pour les gens de travail ; car comme il y fait extrêmement cnaud , il s’y faitune très grande diftipation d’efprits, & parconfe- quent de forces ; d’où vient qu’ils font obligez défaire plu- fieurs repas, & de manger beaucoup , pour reparer les forces perdues. il y en a neantmoins plufieurs, qui nonobftanc leur \ Des An tilles habitées par les François . jpyç travail ne laiftent pas de garder les jeûnes , mais cela eft tres- tare. Monficur Bi n’a pas rant deTujet de s’élever au fuiet de l’abftinence du Carefme ; car il eft prefque impofiiblc d’en faire une réglé generale ,• non feulement parce que la Morue , le Saumon, le Harang, &: le Maquereau fallé Ce corrompent, fi-toft que l’on donne air aux barils où ils font enfermés , ce qui fait que les Marchands en apportent très peu, mais parce que les Navires qui vont pefeher une gran- de quantité de Tortues aux Kayunans , qu’ils apportent ven- dre dans les Iflcs , n’arrivent qu’en Septembre ou en Octo- bre , fi bien qu'elle eft mangée ou gaftée avant que le Caref- mc arrive. L’huile & le beurc n’y viennent pas auffi, réglement , Sc s’il y en a en un temps , il n’y en a pas dans une autre, outre qu’eftant affez chers , les pauvres n’ont pas le moyen d’en acheter , ce qui fait que l’on leur permet ordinairement de manger des œufs:mais s’il y en a beaucoup qui palfentla dif- penfe,cela n’elt pas fi particulier aux Mes, qu’il en faille tirée un argument contre les Milfionaires. Les enfans de nos Mes ne font pas éleués auec tant de delicatefte , que les enfans de l’Europe : car on ne les em- maiilotce jamais , à caufe de la trop grande chaleur qui les corromperoit dans leurs ordures. On les nourrit de laiét,de patates $c de fruiéts, &c il y en a peu qui mangée de la boüil- lie 11 s’en trouve fort peu de contrefaits , & ils marchent bien pluftoftque dans laFrance Us viennent à merveille jufqua age de 7. ou huit ans , mais j’ay remarqué qu’à cét âge , la plufpart femblc eftre arrêtiez tout court, le teint leur pal lit , ils deviennentlanguilfans, fi bien queplufieursy meurent, le crois que ce’ a vient de la nourriture qui leur engendre des vers ; car en ayant faitouvrir quelques-uns, j’ay trouvé dans leureftomach de gros pelotons de vers en- trelaftez les uns dans les autres , qui leur piquotoient cette partie, d’où vient qu’avant leur mortils ne faifoicnt que vo- ^Jo Hïjlotrê Naturelle Les Peres de famille un peu accommodez font fbigneu:® quan d ils ont des enfans , d’acheter quelques François qui» Fçachenc lire & écrire pour montrer à leurs enfans. Ce n’elt pas qu il n y ayt quelques Maiff es d Efcoles, dont les condi- tions font fort bonnes aux lfles ; mais 1 éloignement des ha- bitations les unes des autres , fait que plu heurs n’y peuvent pas envoyer leurs enfans. Quand quelque Commandeur abufe d’une Néo-rc , l’en* fane mulaiîre qui en vient, ell libre , & le Pere eft obli- ge de le nourrir C onttoufiours fourny abondamment toutes les Ifles de tout ce qui eftoic necefiaire aux habitans. Audi eft-ce la première raifon pour laquelle nos habitans avoient abandonné les ports de France, pour mettre tous leurs effets entre les mains des Hoiandois : Aquovil faut adjoufterfi’excez des droits des doüannes, qui alloient bien fouvent fi haut , qu’ils excedoient le prix des marehandifes. Mais fansdoute ce qui a leplus rebuté les habitans , c’eft qu’il Falloir payer ces droits aufli bien pour les mauvaifes marehandifes qu'il falloit letter en la mer, que pour les bon- nes. Si bien que j’av véu de pauvres habitans redevables de plus de centefcus pour ees droits, qui penfoienc tirer jufqu’à cinq mil livreHlc ia vente de leur petun. des J nulle s habitées par les François. 4 S 3 Outre tout cela,laplufparc des vai (féaux qui ailoient aux Mes avant la formation de laderniere Compagnie, eftoicnc fi chétifs, qu ilny avoitaucune feurete pour les marchand i- fes qu'on y embarquoic , de forte que les Holandois ayant quantité de beaux , de bons, & de grands vaiffeaux,fe con- tentant bien fouvent de la moitié de ce queprenoient les François pour le fret : il ne faut pas s’ellonner fi l’onembar- quoit dans leurs vailfeaux toutes les marchandifes de nos Ifles. Si bien que fi nous confidcrons les chofes deprés, nous trouverons, que non feulement nos habicans ont eu raifon de mettre leurs interdis entre leurs mains: mais aulfi que les Holandois, qui fonc les gens du monde les plus avifez pour le trafic , ont eu fujet de rechercher avec emprelTement le commet ce de nos Mes , a caule des gains inconceuables qu'ils y ont fait. Ainfi lafranchife des P orts d'Holande y ainfenfibiement attire nos habitans,& les Marchands Fiol an dois leur on t té- moigne tant d affection & de fidélité, qu’ils le font adroite- ment emparez de tous les biens des Mes,& nosFraçois trou- vant aulfi leur compte auec eux , ont fait en mefme temps ccluy des Hollandois , en leurenuoyant toutes leurs mar- chandifes. Ce commerce a fort enrichi la ville de Ficflingue, dont les habicans appellent ceux des Mes , leurs planteurs , par ce qu’en effet ils ont toute la peine, &: ceux-là tout le profit. Mais de tous ceux qui trafiquent auec nos François, il n’y en a guéres qui falfent un profit plus confiderable que leurs Com million aires: car outre que ceux-cy ont trois pour cent tant des marchandifes qu’ils i eçoiuent des Mes, que de cel- les qu ils y envoyeur, ils font fouvenr acheter poureux, par des per Tonnes interpofées, les marchâdifes qu'ils reçoiuent, dont connoiffant la bonté & le profit que l’on peut faire défi us , il e il impofiible qu i s ne fafîent des gains tres-confi- derab es ; d’autant plus quecctachapt fc fait bien fouvent de l’argent mefme des habitans de nos Mes , qui demeure entre les mains de ces Commiifionaires, lors qu’ils ne trou- Hijloire Naturelle vent pas de quoy l’employer , en telle farte que quelques- uns de ces Gommiffibnaires ont eu l’dfpace de douze & de quinze années, des Tommes de vingtN de trente mille livres, •à des habitans qui n’étoient pas des plus riches: d oui on peut loger du relie, & à quel denier ces gens-là, quinelaif- àent pas de l argeur inutile dans un coffi.e,lc font pioFtei l’avantage qu’ils en retirent. ■Les habitas ayât témoigné il y a quelques années la crainte qu ds avoiëc de perdre tout leur bien en cas de rupture, entre •la France & laHoilande,Ies Koliâdois leurs otfrircc le droit de Bourgeoifie chez eux, & fir et aficurer leurs deniers fur les _ maifons deVille d’Anîfterdam,de-Mildebpiirg,& de Fieflin- rrue : ii bien que les plus conhdcrubles habitans de la Mai ti- nique-pr irent la qualité de Bourgeois , qui leur fut donnée «moyennant douze hures par an , pour .un certain droit de carde, & par ce moyen ils affeùrerent tous leurs biens. b A uffi la F rance chant fur le point de rompre auec la Hol * lande en l’an-n éc 1657. à cau-fe du Chevalier delà Lan de, que le Vice Admirai Ru y tel* auoit pris &C mené enZelande: les Hollan-dois depefeherent promptement une petite Fre- que l’on trouvoit touhours mieux fon compte avec les Holandois.L’un des principaux commerces qu’ils y ont exercé, ç’a ehé d y faire palTer des jeunes gaiçons engagez, cu tis vendoient aux habitans , pour les feruir trois ans comme des efclaves,dont le prix commun eftoic de milleou douze cens livres de petun ; mais ils choient vendus bien plus cher, lors qu’ils fçauoicnt quelques métier.LesGapitai- nes qui fai Foi eut ce deteftabie négoce auoient des gens qui lesprenoiem à toutesmains , Sc enjolioient bicnfouuenc Des Antilles habitées par les François . 46 y .de pauvres Ecoliers & des enfans de famille , leur Faifanc croire mille merveilles du pays,où ils les alloient réduire à l’efclavage. Monfieur le General de Poincy eferivit aux Seigneurs de la Compagnie , en l’an 1640. pour les obliger d’empécher ce dcteftable comcrce, &: de pourfuivre un Ca- pitaine qui en ayoit mené deux cens à la Barboude , fa let- tre exprime trop Bien la difgrace de ces pauvres enfans pour n’eltre pas donnée icy , voicy comme il parle. Vn nommé “ louas Sc Lantery fon frere , ont attrapé par leurs artifices £C deux ccnsjeunes hommes François, entre lefquels il y en a ££ de bonne maifon, qu’ils ont retenu l’efpace de trois mois à u S- Servais proche de S.Malo,& les ont engagez pour <$. 6 .&c Ce 7. ans, à raifon de#oo. liures de coton piece,&: ce en nflc“ de la Barboude. Pour parvenir plus facilement à leur deteflable delfein, £c ils froterent unNavire quileur appartenoit,& au Capitai- ££ ne Gibaut du Grenezay , ou Ierfay, & autres Marchands “ dumefme lieu: apres ledit Lantery s’accommoda auec le" Capitaine, &: entra pour Marchand dans ledit Navire, qui ££ fut chargé de diverfesmarchandilés,& de ces pauvres bre- ££ bis qu’ils ont mené à la boucherie du corps &: de l’ame . ce Dieu a défia puny ledit Lantery par la mort, qu'il luy a en- t£ voyé en chemin en s’en retournant, n’ayant pas voulu qu’il ££ ait joüi d’un fi înjufte profit.Ceux qui ont apporté ces nou-“ veiles, difent que c’eftoit bien la chofc la plus déplorable tC que l’on fçauroit dire, de voir ces pauures enfans à leur dé-‘ £ barquement. le ne penfe pas qu’il y ait lieu au monde, tant £e barbare foit- il, qu’il fe pull commettre unea&ion fi inhu- “ maine : fi Dieu lailfe ce Ionas quelque temps impuny , il « meriteroitbien d’ellre challié par les hommes, &contraint £C de racheter ces innoccns.Si l’Ifle de la Barboude eûtellé ££ fousl’authorité. du General des Anglois, ou qu’il futamy £ < du Gouverneur de cette Ifle : mais il n’ell pas dans l’eten- “ due de fonGouvernemet,& d’ailleurs ils font ennemis ir- £ « reconciliables ; ie les aurois reclamez, & me faits fort que ££ iemc ferois fait faire jufti ce: cela celfant, l’affaire mérité- ££ Nnn ^.65 Ht (loir e Naturelle- roit bien que fa Majefté donnait commandement à fon- cr Amba'fa leur prés du Roy d'Angleterre , de faire les dili- “ gences de les réclamer &' obtenir leur -rachapt,qui pour- ic roit eftre payé d:.s biens dudit ïonas &Lantery'. L’csuure ef ne fçauroit eftre que charitable &: méritoire, de garantir ces pauvres cxpofez,de perdre la vie de l’ame & celle du corps. Bien qu’il n’y eut rien de plus iufte,neantmoins la j plus que les magazins fans marchandées. La Martinique la Guadeloupe en font plus frequentees que jamais depuis qu’ils y ont travaillé , & le feront encor davantage dans la fuite des temps -, &£ parce flux & reflux: continuel de vaif- ; féaux, il n’y a plus d’arrière faifon dans les Ifles. On a encore une autre cfpece de commerce dans quelques :liles avec les Sauvages , qui a cfte auttefois meilleur qu il n’eft à prefent: car au commencement que les Ifles^ont elle habitées, ces Barbares ne connoiffant pas la valeur des cho- fes,ils les donnoient pour des bagatelles^ pom lors un Sau- vage eut donné fon li£t de coton pour un verre d eau de vie, ou pour un petit coufteau. Ils apportoient de belles depoüîlles de Garet, que nous appelions communément en France, écaillé de Tortue, oont on fait de beaux ouvrages;c’efl;oit la marchandée la pms re- cherchée par lesFraçois,&: 1 o en avoir une depoiiille de trei- ze fuëilles pour une hache, pour quelques grains de Grillai, ou de la Raiîade , pour leur faire des braflelets &: des coliers: à prefent qu’ils en connoifîent mieux le prix, ils demandent bien d’autres chofes. Outre cette écaille de Tortue , ilsapportent encore des Cochons en vie, des volailles &C des P crroquets,&:du poiffon cuit, qu’ils vendent pour delà toile , pour faire des voiles à leurs Pirogues. f f Quelques Holandois leur ont porte des flèches ferrecs > &C mefme des armes à feu pour du Caret. Qu o y qu’ils ne viennent que rarement aux Ifles, on ne laif- fepas de traiter auec eux, & il y a certains François a qui le^ gouverneurs donnent beaucoup de traire, &: qu ils enuoyeiic à la Dominique SC à S. Vincent , d ou ils rapportent quan- tité de Garée. Ils ne font plus fi niais qu’ils ont efté, écorne ils connoif- fent le befoin qu’ils ont eu de leurs lies apres les auoii vedus, ils n’en vendent plus. C’eft pourquoy la plufpart des lits de coton qui font aux Ifles, nous font venus de terre ferme. & 4 63 Hifiotre Naturelle Des Artifans. $. V I I. B ien que ce Toit ce qui manque le plus dâs leslilesrcen’cft pas pourtât que fa Ma,jefté,qui a permis l’ertabliflcmenf des Colonies, ne leur ayt donné de beaux privilèges pour les r > y attirer, déclarant par Ton Edit du mois de Mars 1642. Que les A' tifans-qui pafferont efdites HIes,& y exerceront leurs „ métiers pendant fix années confecutiues , feront repûtes ,, maillresde chef-d’oe.uvre, & pourront tenir boutiqueou- „ verte en toutes les Villes de noltte Royaume , àlareferve ,, denoftre ville de Paris, en laquelle ne pourront tenir bou- „ tique ouverte que ceux qui auront pratiqué ieurfdits mé- tiei s efdites Hles pendant dix années. Neantmoins les A- potiquaires, Chirurgiens, Barbiers, Maifties de Monoye, Or- fèvres, & tireurs a’or ,, ont efté exceptez de ce priui'cge par Arreft du Parlement rendu l’onzième Juillet 1664. Ce n’eft pas que beaucoup d’Artifans n’ayent patte aux Ifles j mais comme ils. trouvent mieux leur compte à dire maiftres que valets, ie veux dire, à ac heter une habitation & à la faire valoir, que de travailler pour les autres, delà vient qu’ils font rares, & que le peu qu’il y en a, exige des fa-la ires exceflifs, fi bien que tout ce qu’ilsfonc, couRc à proportion bië plus qu’il nefaitenErance:& parce qu’ils gagnent beau- coup en peu de temps , ilsont bien-toft acheté une habita- tion -, apres quoy ilsn’exercenc plusleur artou leurmeftier que par maniéré d’aquit , pour le défaire peu à peu de leurs pratiques. Il y a beaucoup de Chirurgiens, & l’on ne trouve point de quartier oui! n y en ayt un ou deux. Ils entreprennent les Cafés à l’année,, & on leur donne cinquante livres de peton Des Antilles habitées par les François. 4.6 g par telle., homes, femmes, enfans&:feruiteiirs,tant blancs que noirs , moyennant quoy ils font obligez de les traiter , & de leur fournir de remedes dans leurs maladies à la referve des accidens 5 comme les bleifures qui arrivent par battenes ou. autrement , qui leur valent beaucoup , mettant peine compnfcs dans leur marché. Ils doivent faire le poil cha- que lemaine aux François, & ceux qui ont bien de la prati- que deviennent riches en peu de tempsicar ils ne dépenfenc guéres en remedes , bc ont un ou deux petits garçons qu’ils achètent pour trois ans , qu’ils envoyent par les Cafés faire le poil, ce qui les foulage beaucoup: outre qu ils ne leur coû- tent g.ueres à nourrir j car ils font incelfamment en campa- gne à faireleur tour. Si toft qu’ils fçavent faire le poil & un peufaigner, ils Ce croyent habiles hommes , &quoy qu’ils l’oient fort ignorans, ils ne biffent pas de s’a vancer. Les pre- miers de cette piofelFion qui ontefté aux Illes , y ont frit des fortunes très -corrti erables -, c’eft: affez de dire, que M 1 Gi- raud qui alailfé puis dejooooo. livres de bien,& M r Aubefc en ont fait l’exercice aux Ides , &: que c’elt par là qu’ils ont commencé leur fortune. Le meftier de Torqueur s’apprend aux Ifles , on y eft maiftre farts chef- d œuvre, &: fans qu’il en coûte que la pei- ne de l’apprendre : ce font ordinairement de pan vres gar- çons qui ayant adieu é leurs trois ans de feruice s'adonnent àcetrauail. Il eilfort lucratif, &ungarçon qui y eft habi- le peut auoir beaucoup de refte au bout de l’année , car ils font nourris à la table du maiflre.mais comme ils ne travail- lent qu’une partie de l’année, la plufpart mangent dans une faifon eequ’ils ont amafféen l’autre. Il y a prefentement beaucoup de Gafes à la Guadeloupe & à la Martinique , où on a fait apprendre des Nègres à Torquer; & quoy qu’il n’y ait pas grand profit , c’ell pourtant une grande commodité» parce que les maifti es en difpofent comme il leur plaid’, ce qu'ils ne peuvent pas faire des Torqueurs François, qui font fouvent la débauche, & de laquelle on a peine de les recirer, bien que la befogne fou prelfee. Il y en a qui ne font d'autre meftier que de fcierdelong N nn ùj Hîftoïre Naturelle .dans les bois , &c de faire des planches qu’ils vendent bien -cher aux habitans. Il y ades Charpentiers , quelques Ma C~ ■Ions , & des Serruriers , qui fe meflent aufti de racommodec les armes. l’ay veuun Potier d’eftain à faint Chriftophe chez Mon- sieur le-General de Poincy , aufli bien que des Corroyeurs, qui corroioient des peaux de cheual pour faire des harnois, .mais ie n’en ay point veu ailleurs. Lanecçfïité des Cabroüets ouChafiois pour traifner les .marchandifes : des formes pour le fucre, & des quai fies pour rembarquer , qu’on faifoit venir d'Hollande à grands frais , ont obligé les habicans d’y appeller des-Charrons Sc des Tonneliers. II y a eu autrefois un Coutelier aîa Guadeloupe , à qui Monfteur Hoüel auoit donné deux de les Nègres pour ap» pren ais , comme il avoir fait aux.Charrons &: à tous les Ar- tifans qui travailloient chez luy, pour avoir des ouvriers à fa diferenon. L’on a pourtant crû que c’elloit une mauvaife politique , d’apprendre à des efeiaves à manier le fer, par- ce que dans une révolté ils pourroient beaucoup nuire. Il y a quantité de Tailleurs d’habits , mais il faut qu’ils -foientplusgens de bien que ceux de France;car quoy qu’ils foienc fort employez, ils font prefque cous gueux, ce quieft une preuve qu’ils ne dérobent pas. Il y a un Confifeur à laMartinique,qui confitdes Ananas, du Gingembre, du Piment verd,des Oranges,des Aimions, ôc d’autres fruits: Et come le fucre y eft à bon marché, &: que à tous ces fruiéts ne luy coûtent rien , ilnefepeut qu’il ne s'enrichiffejcaril en débité une prodigieufe quantité, & aux habicans, &: aux Capitaines de Navires; car perfonnenes’é- barque pour la France ompour la Hollande , fans faire pro- vifion de ces Confitures , particulièrement du Gingembre, &c d’une efpece de Piment doux , qui eft fort excellent fur mer. Comme il y a aux Ifles les plus belles Oranges & les plus beaux Limons quifoientau monde , on pourroit faire un grand commerce de ces confitures , fi l’huinidiçé de k .jmer ne leur failbicpas perdre leur glacis en chemin. Des Antilles habit les par les François. 471 Depuis l’atrivéé vent quantité de bons habitans , qui ne cherchent qu ’àpaf- fer le temps, ils jouent, ils fe diverriffent,&: mangent in fen- fiblement leur petit fait : au lieu que ceux qui y fontvei nus engagez ; & que la neceffité a obligez de fervir , travail- lent avec ardeur quand ils font libres; pour amaffer de quoy fe mettre à leur aife. Il n’y a poinc de différence de Noble, & de Roturier, entre de bien eil plus confideré; car il nnent rang , ainfi les richefies feules font la diftin&ion entre les autres. Les hommes y portent la qualité de Soldats, ôc il y*a fort peu de maifties de Cafés, qui ne portent l’efpée au collé , & la canne à la main, en quelque endroit qu’ils aillent. Le luxe eft grand dans les Mes, Fon-eft fur tout fort cu- rieux de beau linge , & parce que la plufpart ne portent point de pourpoint : ils ont des chemifes de toile de Hollan- de, fort belles, avec des Crânâtes au col , qui ont plus d’une aune & demie de longueur. Les hauts de chauffes font de quelque beau drap ou de quelque belle ferge brodée de paf- fement d’or & d’argenc, ou chargez de quantité degalands. Les Officiers font ordinairemër fort leftes &: fort-cuneux en bouquets déplumés ’& en baudriers , à. quoy ils n’y épar- gnent rien. L’on n’y porte point de manteaus , fi ce n eft quand il pleut , ou quand on fait voyage. Vn cercain gaillard à ce lujet voyant vn nouveav venu a l’Egli- fe, avec un manteau fur fes épaules , le fit affigner devant le luge . pour demanderdédommag.emenc contre luy de fa- les- vec de petun , difant qu’il la luy alioic faire perdre, pari hy^ verqu’rl alioic amener aux Mes, les habitans celuy qui a plus n’V a que les Officiers qui cie des Jri tilles habitées par les François . 475 Les femmes joüiffent du privilège de leurs maris , pelles croyent que leur qualité de Soldats méritent bien qu on les traite de Damoifelles. Elles en foûtienncnc aftez l ien le rang par leurs braueries , mais particulièrement les femmes des Officiers, qui font toutes veftuës de des-habilles de tafetas, gu de fatin de couleur. De là vient que les rubans font l’une des bonnes marchandifes ,& qui a le plus de débit dans le pays, à caufe de la prodigieufe quantité qu'il en faut: U j’en ay’vcu avec d’auffi beaux points de gennes qu’en France. Il eft vray que leur vanités leur l-uxe a elle plus grand qu’il n’eft pas à prefent car elles mettoient autrefois fur elles^ouc ce que leurs maris pouvoient gagner, ôd’on eut dit qu’ils ne travail Loient que pour les faire braves ce qui avoic donné lieu à ce proverbe , que les Ifles eftoient 1 enfer des hommes François , èc le Paradis de leurs femmes : & au contraire , quelles eftoient l’enfer des femmes Sauvages , &c le Paradis de leurs maris -, parce que les femmes Sauvages travaillent comme des efclaves , & font tout, pendant que leurs maris fe promènent ou s arrachent la bas bc ; &£ que les François s éventrent à force de travailler , pendant que leurs femmes ne fe mettent en peine que défaire les bel- les. ■ Comme les hommes vont de temps en temps voir les Gou- verneurs, leurs femmes vont auffi faire leur Cour auxiGou- rvernante. Les habitans viuent aftez en paix les uns avec les autres, s’ilsont quelques conteftations, c’eft ordinairement pour leurs bornes &: les lizieres de leurs habitations. , Autrefois ils fe traitoient aftez fouvent , avec des depen- fes & des profuftons effroyables , beuvoient dans ces fertins avec des exccz qui furpaffoient ceux des Aljemans ; mais à prefent il y a bien de la modération, & ils fe coten tent de boire des vins deMadere 1 , qui ne font pas ft mal que l eau de vie , dont au commencement ils faifoient des degafts eftranges. Ils n’ont pas l’exercice des jeux de la France, parce qu’ils r Oooij 47 $ Hifloire Naturelle n ont pasde temps , & il n’y a guère que les Mâgazinîers des Eorts qui fe divertillent quelquefois à. la boule. Ils s cntr affilient fort charitablement, quand-un habitant veut recouvrir- Ta Café , tous les voifins viennent l’aider , 3c il leur rend la pareille dans les occafons. Quand on a un, travail preffe, 1 on emprunte les Nègres des uns ÔC. des au- tres, & l’on ne les refufe que très. rarement. Les vif tes font fort frequétes,ce qui fert beaucoup â entre- tenir 1 amitié, auffi 1 on eft toufiours fort bien receu de ceux que 1 on va voir,&l on n’e lort jamais que l’on n’ayt fait gra- de chere ; car 1 on fait gloire de bien traiter ceux qui vien- nent rendre vifite 3 &j’ay veu des plus confiderables des Ifles, . qui s epargnoient) pour avoir dequoy bien regaler leurs a» mis, quand ils les venoient voir. Les plus riches en voyent de bonne heure leurs enfans en Fiance pour y eftudier ; car il n’y a pas encore de College dans nos Ides comme dans celles d’Efpagne. Les femmes y viuent dans une grande liberté , neantmoins fans fcandale. Elles luivenc ordinairement leurs maris dans les viftes qu ils i edent a leurs amis. La chaleur fait que chez elles par- ticulièrement, elles fonc veftues a la négligence, n’affeclant: d eftre braves que quand elles forcent, ou pour venir à i’E- glife,ouau Borc,oupour rendre vifite. La plufpart des Peres &c des Meres élevent leurs files avec un peu trop de liberté ; c’efis pourquoy la retenue dé la modeltie exteueure de nos files de France leur manque, aufi bien que beaucoup de chofes qu elle devroient ça- voir, comme travai 1er en TaprfTçrie, en linge, blachir, &au- tres chofes femblables. On les marie fort jeunes, & ie ne fçay fia chaleur du pays y contribue, mais on ne fait pas de dif- ficulté d’en marier à onze ans, qui auroienc encore la bavet- te en France ; elles ont des enfans de bonne heure , & elles^ acouchent fans beaucoup de douleur j j’en ay veu une qui eftoit acouchee a douze ans & demy , qui m’affeura qu’elle n avoir pas louffert plus d’un demy quart d’heure, encore la douleur n’eftoic-elle pas conf derabie* Des Antilles habitées par les François . 477 La façon de vivre du pays eft fi agréable , & l’on y vit dans une liberté fi honnefte , que ie n’ay pas veu un feul homme, ny une feule femme qui en foientrevenus,en qui ie n’aye re- marqué une grande paflion d’y retourner. La durete avec laquelle laplufpart traitent les François engagez qu'ils ont achetés pour les fervir trois ans, eft la feu- le chofe qui me paroifi: fafeheufe ; car ils les font travailler avec exccz, ils les nourriffient fort mal, & fou vent les obli- gent de travailler en la compagnie de leurs elclavcs , ce qui afflige ces pauvres gens plus que les peines exceflives qu’ils fouffrent, Il y a eu autrefois des mailhes fi cruels qu’on a efté obligé deleur deffendre d’en acheter jamais , &j’cnay connu un a la Guadeloupe , qui en a enterré plus de 50. fur fa place , qu’il avoir fait mourir à force de les faire tra- vailler, & pour ne les avoir-pas affidés dans leurs maladies. Cette durete vient fans doute de ce qu’ils ne les ont que pout trois ans , ce qui fait qu’ils ont plus de foin d’épargner leurs Nègres, que ces pauvres gens ; mais la charité des Gouverneurs a beaucoup adoucy leur condition par lesor- donnances qu’ils ont faites en leur faveur. Des maladies aufqitelles leshabitans de nos IJles font fijets . §. IX, E Mtre toutes les maladies , dont les habitans de nos Ifles font attaques, il y en a qui font communes avec celles^ delà France , & d'autres qui font propres & particulières à toutes ces Ifies, & aux terres qui fontexpofées a une mefme tëperaturede l’air. Les Fièvres intcrmitanccs,les Tiercesjes double tierces , & les quotidiennes, attaquent pour l'ordi- naire les nouveaux venus ; fi bien qu’il femb le que ce fois- O o o iij 1 moire une efpece de tribut , qu’il faut payer en arrivant aux Ides. L’on en eft pourtant quitte à bon marché , puifque ces fièvres intermitantes n’excedent guéres quatre ou cinq ac- cez &; elles font d a tuant moins dangereufes 5 qu’elles pren- nent plus prompte met; car l’on a remarqué qu’elles caufene Lien fouvent , ou la mort, ou des maladies qui ont de très» fafcheufes fuites, à ceux qui en ayant efté exempts àleurar- riuée , en font faifis durant le cours de la première année : c’eft pourquoy les plus prudens qui n’ont point payé ce tri- but, fe confervencpar un regune de viure fort modéré, fe gardans démanger auec excez des Citrons , des Oranges 4 des Fimies, des bananes, & des autres fruits du pays. Au commencement que les Ides furent habitées, l’on im» putoit lacaufe decesfiévres, au mauvais air que les terres nouvellement défrichées ont couftume d’exhaler.: mais de- puis qu’elles ont efté découvertes , SC que l’air, y eft devenu incomparablement plus pur; cous les nouveaux venus n’ont pas laifte de payer ce cribut comme auparavant; d’où vient que nos haLitans font contrains de dire, que c’eft !e change- ment de Climat & de viure , fort différons de ceux de l’Eu- rope, qui font caufe de ce déreglement d’humeurs. Outre toutes ces fièvres incermi tantes, l’on eft audi court mente des fièvres chaudes continues, auec leurs fympto- mes comme en France , de Pleurefies , de Colliques bilieu- fes,de Diffenteries,&: de toutes les autres maladies,aufquel- les le corps humain eft fu jet ; mais il fauc auoüer que comme le pays eft plus fain, elles y font aufli plus rares. Nos habitans font audï fujiets à certains maux qu’ils appel- lent maux d’eftomach ôc d’Hydropifîes,qui décôcenenc tous les Chirurgiens, ôc enlevent prefque les deux tiers de ceux qui meurent dans les Ides , mais particulieremëc les pauvres engagez ; fans qu’ils y puiffent donner remede: parce quel, a piufpart connoiffent auifi peu le mal, que fa caufe, &: les re- mèdes qu’il y faut apporter. Bien que ie ne pretende pas icy faire le Médecin , ie ne fçaurois pourtant m empê- cher de dire, ce que mes recherches m’ont fait connoîcre d£ ces maux. l Des Antilles habité es par les François. 47 p Leur principale fource eft à mon aduis l’impruden- ce de nos François , qui ne fe precaurionnenc nulle- ment contre touc ce qui les îeurpeuc caufer , 5c de ce que ces maux commençans fans douleur, ils les négligent juf- qnes à ce qu ils ne ioient plus en eftau d'y remedier. Ce der- nier inconvénient regarde particulièrement les pauvres fer.* viteuis engagez, qui feroienc mal receus à vouloir quitter leur travai l , & à le dorloter , pour un mal qui n'eftprefque rien dans 1 apparence, fi bien qu’eftans pouffez au trauaifjuf ques a ce qu ils fuccobent, il y en a tres-peu qui en rechaper» Mais ce qui leur eft commun avec les autres habitans nou- vellement arriuésjc’cft l’indifcretion avec laquelle ils vfent- des fruits & des eaux du pays; caria parfaite fanté del’home cenlilHt dan sJ a liberté du mouvemet du fang,& des cfpriis, qpi contiennet la vie,& la diftribuënt dans toutes les parties du corps } 1 empêchement ou le dérèglement de ce mouve- ment , fait des obftruCtios qui font les véritables caufes des maux, dont nous parlons maimenant pareeque nos François nouvellement arrivez dans un pays fort chaud, mangent in- difcrettemétpourfèrafraîchir quatité de Cicros, & boivent des eaux froides comme de la glace :& apres avoir bien fué tout le long du jour, gouftcnc avec deiicestoüs découverts les fraifeheurs piquantes des nuits. Pluficurs mefmes des pauvres engagez, fe couchant allez fouvent encore tous moites de fuêur fur la terre , ils en attirent los vapeurs froi- des &: veneneu fes; d’où vient que les Pores- les veines 5c les Arteres ferefserrant tout à coup, la Circulation du fang, 5c la tranfpiratio- des eîpritscn eft empêchée, 5c en fuite le foye & le ventricule n’ayanrplus l’entiere liberté de leurs fon- ctions , perdent leur force , 5c font bien-toft paroiftre tous les iymptomes, qui font les véritables appanages de toutes ces maladies. Car ils sôc furpris de débilitez ,de laiîi- tudes , & de maux de cœur, qui font fuivis de fièvres len-' tes, 5c fur tout du mal qu ils appellent coup de baire > qui n’eft autre qu une douleur qui leur prend fur le milieu des cuif- fes , qui les empefehede fe remuer , 5c tout cela eft accora- Hiftoire Naturelle pagne d’une foif enragée, qui attire apres foy lliydropi- lie. Vne bile jaune fe répâd quelquefois par tout leur corps, &: la trifteifeôcla mélancolie s’emparant pour L’ordinaire de leur efprit,les acheue & les.met au tombeau. Les principaux remedes contre ce mal , font d’éuiter tou» tes les caufes , qùile produisent ; car lors qu’il eft vne fois enraciné , il eft prefque impoffible de le guérir. Nos Chi- rurgiens leur ordonnent bien de fe promener êc de faire de l’exercice , mais la difficulté de refpirer 1 es en empêche ; ils leur commandent de manger peu & fou vent , & des aliments de bon fuc , & c’eft pour l’ordinaire ce qui leur manque. Car comme il n’y a point de Boucheries eftablies dans la plus part de nos Iftes,la viande fraîche ne fe rencon- tre pas toujours, èc la plus-part des Mailtres ne peuvenr, ou ne veulent pas en faire la dépenfe , pour leurs engagez, d’où vient qu’il en meurt une infinité de ces maux. Ilyaun autre forte de mal, propre 6c particulier à nos Mes, que plufieurs ont traîné jufqu’à la'morc , &c d’autres ontefté contraints d’en venir chercher le rçroede dans les eaux de.Bourbon , &; dans l’experience des bons Médecins. Cernai eft une efpece deParalifie ou engourdiflement des nerfs &c des tendons, caufé par .une pituite vifqueufe, qui diftillant du cerveau, imbibe la fubftance de ces nerfs, & empêche la libre communication des efprits vitaux, d’où il arrive que les membres , particulièrement les bras 6£ les jambes, demeurent deftituez de leurs forces , 6c quelques- fois demeurent tout contrefaits. Iây veu des habitans qui fe font fervis utilement pour la guérifon de ce mal , des deco 1 on n y faitles boitillons que de quelques vo'aides fans herbes ; h bien qu’il n’y aguéres que les plus ailez qui puiifent entrer tenir un régime conuenable pour la gueiiion. Des Jntilks habitées par les François. 483 TRAITE VIII DES ESCLAVES Des Antilles de l’ Amérique. E ne pretens pas traiter icy , en ïurifeon- fulte de la nature de la fervitude , 5c de la qualité du Domaine, que Phonie acquiert fur , . fon remblable,par l’achapt, par lanaiflance, 5C par le droit de la guerre : mais feulement iulti- fier nos habitans du reproche injurieux , que plufieurs per- fonnes,plus pieufes que fçavantes,leur font, de ce qu ils tiai- tent des Chrcftiens comme des efclaves , les achetant, les vendant, 5c en difpofant,dans un Pais ou ils viuent félon les loix delà France, qui abhorre la feruitude fur toutes les Na- tions du monde, 5c ou cous les efclaves recouvrent bcurcu- fement la liberté perdue , fi-toft qu ils y abordent, 5c qu ils en touchent la terre. le me contenteray feulement d en parler en Hiftoiien , 5c défaire connoillre au Leéteur la condition de ces pauvics miferables , dont nos François fe fervent dans les Illes ; 5c dautant que ces efclaves (ont le plus beau bien des habi- tans , puifquc toutes les richcffes du Pais viennent de leur trauail , 5c qu’ils font aujourd’huy une partie tt es- confiderable des Antilles par leur nombre , qui excedc de beaucoup celuy de nos François, jay cru ctlre obligé de 4- Ht (loir e Naturelle faire on traire particulier de leur conduire de leurs mœurs, dan s cette Biftoire naturelle, pour la rendre achevée dans toutes les parues. 'Wl: W- .SES- ^ e,?ç- çat -«r «>*? -s*-*. E^cs Efclaues Sauvages. CHAPITRE I. s ® us av °nsdeux fortes de Sauvages naturels de TA* ' 1 ™ Cl 'T! qm fer T VCiU dam les A ^illes, les Europcans* qui s y font habituez. L« uns fontBtafiliés, les auttesAioü»-' gacs peuples de la rerrefemœ.&ennemis- mortels de nosCa- raibes , qui leur font une fanglanteguerre, e’eftaufli d’eux - qu o es achète; car quâd ils en ont pris plufieuis dans quel, que expédition, apres auoirafibuvy leur ragefur quelqu’un decesmd-heuieux , &: latioir boucané & dévoré dans un vin general, i-s refervent ordinairement les femmes pour sen fervii auffi bien a leurs plaifirs, qu’à leur ménage ,Sc vendent les hommes & les jeunes garçons prifonnierj, aux François , aux Hollandois , ou aux Anglois , félon l’ami- tie & le commerce qu 1rs entretiennent auec ces Na oons. Pcndanda guerre que les Holandois ont fait aux Porta- gais dans le Brefil , leurs avancuncrs faifoient indifférem- ment efclaves tous les Sauvages Brafiliens qu’ils aura- poientjOu alapefthe, ou dans les terres lors qu’ils y defeen- - doient : car quoy que ces peuples fu/îent libres , les Holan- do ls preten doient que leur bonne intelligence auec les Por- tais , les rendant leurs ennemis -, leurdonnoit droit de lem ravir fa liberté, & deles ven dre dans des Ifles éloionees» & comme le befom que la plufpavc de ces vadTcaux ont de leraftraiichrr, les obllgeoit de paifer par nos Ifles, d'autres snelmcy venancexprespour chercher du Fret , cupowfe Des J ntille s habitées par les François, charger de bois vcrd,p.our payer une partie de la dépenfe de leur voyage , iis y vendoienc les Sauvages qu’ils auoient pris auBrefil. * Nos François n’en ont jamais pu faire autant aux Caraï- bes, car quelque guerre qu’ils ayent eu contre ceux des I fies de la Dominique , de la Grenade, de la Martinique, de faint Chriftophe , de faint V incent, & de fainte Aloufic, ils n’ont pu les réduire à la feruitude apres les avoir pris:dautant que ces Barbares accouftumez à la faineantife , ontune fi gran- de horreur de cette condition laborieufe , qu’il n’y a rien qu’ils ne tentent pour fe procurer la libercé par la fuite. Ce qui arriva au Gouverneur de Montfarrat pour le Roy d’Angleterre , montre bien l’averfion prodigieufe que cette Nation a de la fervitude ; car en ayant pris quelques- uns de la Dominique , il employa toute forte de moyens - pour les contraindre de travailler; mais il luy fut impofsible deles dompter, car quoy qu’il les chargeai!: de chaifnes fort pefantes pour les empefeher de s’enfuir , ils ne lailfoicnt pas de fe trainer au bord delà mer pour fe failir de quelque Ca- not , ou pour efjpier l’occafion de quelque Pirogue de leur Nation qui les reportait chez eux : fi bien que voyant leur opiniaftreté il leur fît crever les yeux, mais cette rigueur ne luy profîra de rien : car ils aymerent mieux felaifler mourir de triflelfe &c de faim,que de vivre efelaves. Ce qui ayantefté reconnu par nos François, ils ont mieux aymé les tuer apres les avoir pris, ou les garder pour en faire des efehanges aucc ccuxqu’ils nous avoient enlevez,que de tencerïnutilcment de les réduire à l’efclavage. De forte que dans ce premier Chapitre, ien’ay à traiter que des deux for- tes de Sauvages efelaves quei’ay dit,fçavoir desAroüagues & des Brafîlienst Hijloîre Naturelle Des Dfdaues Aroüaguts , I A perte de la liberté l’apprehenfîon d’untravail ru- ^jde & fafeheux , auquel les Aroüagues ne font nulle- ment accouftumez , foftt à-mon advisles deux fources du chagrin & de la tnlleire de ceux qui fervent d’efclaves dans nos lûes. Chagrin qui eft fi grand , que fi l’on ne les occupe à certains travaux, qu’ils prennent pluftoft comme un di ver- tiffement , que comme une peine que la fervitude leur impofe,ils meurent de mélancolie. De 1 à vient que pour en tirer du feruice, il faut les traiter en apparence comme s’ils eftoient libres ; car plus on leur témoigne de douceur & de familiarité, plus ils tafchentde bien faire les chofes qu’-on leur ordonne. C’eft pourquoy il ne faut point parler de les faire farder les jardins, ny befeher La terre pour y faire desfoftes à Manyoc, ny déjamber lepe- tun,ny de faire de rudes befognes;car on les tuëroic pluftoft que de les y contraindre , & ils fçauent fort bien dire que ces fortes de travaux ne font bons que pour les Nègres , fi bien qu’ils ne font efclaues, qu’à derny. C’eft pourquoy nos François eftudient leurs inclinations, & d’abord qu’ils ont connu l’exercice où ils fè plàifent, ils les y employant &c en tirent de grands feruices. Comme l’on en amène peu dans les Ifles , il n’y a que Meilleurs les Gouverneurs , les Officiers & les principaux habitansqui enayent , &ceux-cy ayanrd~autres efclaues pour faire le trauail de la Place, ils ne fe feiuentde ces A- roüagues quepdur la Chaffe ou pour la Pefche, à quoyiis font d’autant plus adroits, que ces deux exercices font l’or- dinaire occupation à laquelle ils s’adonnent chez eux. Ûes Antilles habit ses par l'es François. Nous auons bien de la peine à les inftruire dans les coni'- fhcncemcns, car ils font ftupides , dédaigneux, &c portent Une auerfion fecrette aux maiftres qui les retiennent à leur feruice,qui paflfe fouvent de leurs perfonnes à leur Religion. Le grand fecret pour les gagner à Dieu , c’eit de leur témoi- gner de la douceur &: de l’amitié ; d’où vient que la charité que les Religieux Miflïonaires leur font ordinairement pa- roiftrejes rend dociles , & leur fait écouter attentiuement le Catechifme , qu’on leur fait pour les rendre Chré- tiens. Il fembleque la grâce du Sacrement de Baptefme leur donne un autre clfprit & un autre tempérament : car fi toit qu’ils (ont baptifez , ils ne font plus fi trilles, n’ont plus tant de dégouft de leur condition , & à voir le changement de leur humeur & de leur conduite , il eftaifé de voir qu’ils s’elliment aulTi heureux , qu’ils fe croyoient mifierables ; ôc pour lors ils fervent aucc un zelequi donne de l'admira- tion. Nous l’auons fcnfiblemcnt remarqué en noftre Convent de la Baffe- terre de la Guadeloupe , en la perfonne du jeurfe Al.iyoiilé. Ce pauvreenfant fuepris à l’âge de huitouneuf ans en fon pays* ,~pa-r un Sauvage de l’Iik de faine Vincent, qui l’ayant amené en fon Carbet,le defiinoit pour ellre bou- cané quelque iour ( c’eft à-dire roty & mangé en un de leur fèftins;) défia mefmes les peritsCaraïbes fe refioüifiToiéc de la bone chere qu’ils en ferment un iour,&ne l’appelîoient plus que leur Boucan -, mais Ion mai (Ire traitant d un mariage en fit prefent à un autre Sauvage de la. mefme Ifie , qui cllanc d’un naturel plus doux , fe voyant importuné par les autres Caraïbes de le boucaner , il prit l’occalion de l’arrivée d’un Sauvage appelle. Thomas , pour luy fauver la vie : car il iuy en fit prêtent, & ce Thomas que Monfieur H üel auoic enuoyé à'faint Vincent , pour découvrir les Authcurs du maflacre des habitans de Marie-Gulande,dont ceux de la Dominique les chargeoient , eflant de retour à la Guadeloupe, amena ce jeune Ai oiiague chez nos Peres, qui luy en donnèrent tout. P- i ! VI i JSi ; 1 » ; , r i * tj. ffft j H i fl o Ire Naturelle f-ce qu’il voulue , pluftoft pour auoir occafion del 'inftruire que pour en tirer du fervice. Ils rhabillèrent aufli-toft qu’ils l’eurent, & l'inftruifirenc ajaec tant de foin , que neuf mois apres il fuc baptifé , te ap- pelle Raymond. La grâce qu’il receut de Dieu dans ce Sa- crement, luy faifant connoiftre le bon-heur de fon nouvel eitat,& la maniéré charitable & des-intereffée auec laquel- le nos Peres agiffoienten ion endroit , le tenant chçzeux pluhoft comme leur frere qu’en qualité d'efeîaue,l’©t rendu fi afte&ionné à leur fervice,qu’il n’a jamais plus de joye que lorsqu'il peut leur témoigner fon zele. il s’eft adonné à l’e- xercice de la pefchc , où il s’occupe aueç d’autant plus de jplaihr , qu’il connoift que fa peine leureft vtilc. 11 eft tore zélé pour la Religion Chreftienne qu’il a embrafïee, auili bien queles^autres Aroiiagues convertis ; & il ne peut fou fin r la nudité des Sauvages de nos Antilles, & témoigne une horreur extrême de leur façon de vilire. L A grande communication que les Brafîliens oneauee les Portugais , leur éveille d’une telle maniéré l’efpric, qu’ils n’ont rien de fauvage que le nom & 1 extérieur : fi bien qu’ils font incomparablement plus adroits à toutes chofes,plus civils dans leurs façôs de faire, Ô^d’une humeur plus gaye que les Sauvages de nos Ifles , te que les Aroüa- gues .Ils ont une adreffe admirable pour laChaffe te pour la Pefche, te il ne faut qu’un efclave Bralilien dans une Cafe s pour fournir en touttemps,la table du M aiftre,de Gibier te de poiflbn. La vivacité de leur efprit les rend plus faciles à ïn- ftruire, \ : des Antilles habitées far les François. 4 g g ftruire } & ils comprennent beaucoup mieux, & en moins de temps les m y itérés denoftre Religion , que les Aroü igues. L’on di dingue aifément ceux qui ont efté convertis à la foy par les Portugais , d’avec ceux qui ont demeuré auRé- cif auec les Holandois , par la pieté &c par la deuotion qu’ils font paroiftre dans les Eglifes, par l’alÉduité qu’ils ap- portent au feruice diuin , par leur extérieur, dans lequel :ils font paroiftre bien plus de retenue & demodeftie. Ils fupportent la mifere de leur condition auec s liez de patience, & pourveu qu’on les traite auec douceur , ils font prefts atout Elire, excepté à trau ailler à la terre. Noshabi- tanss’accommodat à leur humeur par necelfité, ne le-s y oc- cupent pas , mais feulement à la Pefche & à laChafte, pour lefquelles ils les achètent ordinairement. Les fem mes B r a fi 1 i en n es fo n t d es t h re fors d an s 1 es fa m i 1 - les ; car outre qu’elles font les chofes du ménage, aulquelies on les applique, pi us proprement que les femmes Nègres, el- les y font plus habiles. Nos Damoifelles Françoifcs (ont ra- vies d’en auoir pour porter leurs enfans , qui n’en ont pas tant d’auerfion que des femmes Mores,& i’en ay veu qui s’en fervoient me (me pour les nourrir. Madame la Generale Ru Parquet en auoit deux qui Juy fervoient de filles de chambre, & qui s’en acquiroient parfaitement bien. Elles font une efpece deCaftaue , qui n’eft pas plus é- paifte qu’un efeu blanc, fi appetiflante,que j’ay veu des ha- bicans la préférer au pain des farines de France, qu’on mau- ge à la table des Gouverneurs, & de quelques Officiers. Le Oiiycou qu’elle font , &: dans lequel elles mettent quelque peu de Gingembre, a tout un autre gouft, &:eft infiniment plus agréable à boire, que celuy qu’on fait ordinairement aux Illcs. L’adrefte qu’elles ont à émonder le ris, a obligé quelqueshabitans de la Martinique d’en cultiuer ; j’en ay veu chez nos Peres d'auffi blanc que celuy qu’on nous ap- porte en France; & leur Brafilienne le piloic fi délicatement dans une gradé louche d’arbre, que fon mary auffi Br«dilien auoit creufé exprès , qu’elle en tiroit la pellicule rougealtre. fans en écrafer un grain. 49° HîJlcjre Naturelle Ellesontun fecretparticulier pour blanchir le linge, suffi? bien que beaucoup d’adrefife , pour appreiler les viandes; mais ce que i’ayobferué de plus admirable dans leur con- duire, c’efi qu elles font au ffi arrachées au trauai!,que leurs mari> le (ont à lafameantifejcar elles ne fçauroient demeu- rer en repos : fi toft qu’elles ont achevé une befogne , elles en commencent une autre: & quoy qu’on leur donne à fai- re, elles ménagent h bien leur temps, qu’elles en trouvent af- fez, pour filer du coton pour fe faire des Lits , ou quelques hardes pour leurs enfans : quelques-unes mefme tricotent, - & font de fort beaux Bas pour leurs Mailkes Si pour leurs M ai ft refies* 11 les faut traiter comme les Aroüagues pour en tirer du- fervice, les laiifer dans l’opinion qu’ils font libres, &£ ne leum commander que les choies qui flattent leurs inclinations: car ils ont cette manie, de ne rien faire des chofes qu'ils cioyent qu'on leur commande comme à des e fc laves : c’effi pourquoy il faut les 1 ailler faire', Scilsen deviennent infini- ment plus vtiles , que quand on les traite avec empire &: a- vec rudefle. C’efl; en-celapartieulierement qu’ils fon t bien difterens des Nègres , , dont l’humeur arrogante veut eftre traitée avec authorité ; ce qui a donné lieu à ce proverbe viite dans les I lies -.regarder vn Sauuuge de ir eu ers , ceji le batre\t le batre^c ejl le tuer; baire'vn N égre-, c ejl le nourrir. Quand un efclave Brafilien fe melleou de la Chaiïeou de la Pefche, il ne faut atten dre autre chofe de luy : car quand il eilrevenu del’unoude l'autre exercice , il ferepofe le relie de la iournée , àmoins qu’il ne luy prenne fantaifie de faire quelque chofe, comme d'accommoder fes lignes, ou de faire des flèches, pour fe des-ennuyer. ïl y en aquin’ufenc point de poudre& de plomb a la chafle, & qui n’y vont qu’avec l’arc & les flèches; à quoy ils font fi adroits, quei’en. ay veu un, citer de, grives avec de petites flèches, qu’il leur dardoicavec la.main. Mais ce qui eft prefque incroyable, celuy que nos Peres avoient à la Martinique,tiroit des Co- libris de cette maniéré, en mettant au bouc d’une flèche ion- - Des An tilles habitées par les François. 49 1 gue d’un pied , un petit tampon gros comme un pois, de peur de les percer:&: de vingt il n’en manquoit pas vn. Ils font extrêmement jaloux, & il ne faut pas qu’un Com- mandeur s’amufe à l’entour de leurs femmes, comme ils font -quelquefois à l'entour des femmes Nègres : car un Sauvage neferoit aucune difficulté de le tuer. Ils font fort vaillans, -& ont une telle antipatie avec nos Caraïbes , qu’ils ont toujours efcé des plus échauffez à fe battre contre eux, dans -les occaflons. Quand les habitans de la Martinique fu- rent à la Capfterre de l’Ifle pour enohafer les Sauvages à vive force, le R. Pere Iean de Boulogne qui les accompa- gnoit parterre, y mena fon Brafilien pour porter une par- tie de fes ornemens , cét Efclave march'a toufiours à les collez fans le quitter, mais auffi toft qu’il eut apperceu les -Caraïbes , le Pere n’en fut plus le maiflrè, il mit fon paquet ■a terre, courut ioindre les foldats, 6c fe bâtit lî vaillamment qu’on le vit toufiours a la telle des François durant le com- bat , & ne fit pas moins d’execution avec fes flèches , que les •Iiabitans avec leurs armes à feu. Ils ne veulent avoir aucun commerce avec les Nègres, ne mangent jamais avec eux, 6c ballilfent mefme leurs Calés à part, auffi bien que les Aroiiagues ; les uns & les autres s’i- maginans qu’on les regarderoit comme des efclaves,fi on les vov oit converler avec eux. -Quoy que tout ce qu'ils prennent à la Chalfe ou à la Pef- che appartienne à leurMaiflre , ils nccroycnt pas pécher contre la fidelité , de difpoferde quelque chqfcpour avoir leurs neceflitez, 6c il y adesCargotiers qui les débaucher, 6c qui en tirent ordinairement à vil prix, une partie de ce qu’ils ont pris à la mer ou dans les bois ; il cft pourtant vray qu’ils font toufiours la meilleure part à leur Mailtre , 6c qu’ils ne vendent que ce qu’ils iugent de fupeiflu pour la Café. Avec ce petit commerce ils s’entretiennent honnefle- menqparoiflcnt aflez leftes , s’achètent du linge, de l’eau de vie* &cequieft necelfaire pour leurs enfans, à quoy l’on ferme les yeux, afin de ne les pas attrifter. Noftre Brafilien de Q.qq n 4'9 2 Hiftoire Naturel U la Martinique fai oit tous les Requiems , qu’il prenoità la pef- ehe. Iî en vendoit la chair aux Nègres pour du mil, dont il nourrifloit nos-volailies , pour des Figues, pour des Anà- na ,potn des Bananes, & pour des Mêlons , &- nemanquoit jamais d'apporter tous les jours pour le deffercun plat des chofesqu’ü trafiquoit. Les Holandois qui fe réfugièrent à la Guadeloupe & à la Martinique apres leur déroute du Récif, y amenèrent deux fortes de Sauvages Brafiliens, dont les unseiloient libres, & les autres efdavcsdaplufpartdes premiers étoient idolâtres, prefque tou, les féconds efloient Chreftiens , mais par le commerce qu’ils avoient avec les Hallandois leurs maL' ucs, quelques uns avoient fuccé le venin deleui herede.Fn l’année 16 57 deux bons Peres Cordeliers Port u^ais de rifle défunt Michel. -des Açores , ayant efté contrains de ferefu- ■ gici a la Mar' inique , pour ne pas tomber entre les mains d un .-aideau Zelan dois qui leur donnoit la ch a de , demeu- rciët chez nosPcres l’eipace de deux mois. L’on ne feauroie dire le fruit qu'ils firent parmy les efclaves Bi afiliens/qui les vinrét trouver de tous les quai tiers de PI de. Ils leur prefehe- rec fou vent en Portugais dans noftreChapelle,en côverrirét pludeurs, firent abjurer Pherede a quelques autres, les en- tendirent pre que tous en Confeffion ; ces pauvres gens étoient ravis de ce que ces Religieux- leur padoient Por~- tugais , car la plufpart Içavoit parfaitement cette lan= gue. L on remarque que les Sauvages Brafiliens libres , . font extrêmement pauvres, parce qu’ils ne veulent pas tra- viiliet à la terre pour faire des marchandifes , & ils fontfi faineans qu’ils jeufneroient fou-vent , fi les autres qui font chez des mai (1res ne les affiftoient de Gaffa vc , & des auc es chofes necedaires pour la nourriture. Leurs femmes font mi- ferablcs , parce quelles n’ont rien à faire, &l’oyfivccé dans làquelleelles vivent leur eft insupportable, Des ^Antilles habitées far les François . 49 / iji - El! 1 ! 4 Des Efclaues Meures , vulgairement appelle^ Adores, en France. CHAPITRE IL r ’Eft véritablement en la perfonne des Nègres , que nous déplorons les mifercs effroyables qui font atta- puis qu’ils ont perdu leur liberté , & que leurs maiftres en peuvent difpofer comme il leur plaid , mais ils ne fouffrenc prefque rien de la fatigue & des travaux de cette fafeheufe condition , les Nègres feuls en portent toute la peine : 8c comme fi la noirceur de leur corps eftoit le caractère de leur infortune, on les traite en efclaves,on les nourrit comme on veut, on les pouffe au travail comme des belles, &: l'on en ti- re de gré ou de force jufqu’àleur mort, tout le fervicedonc L Es Nègres fonr tous Originaires d’Afrique, tirez des colles de Guynée, d’Angoie, de Senega , ou du Cap- ver d. Les Marchands François, Efpagnols, Anglois, Portugais Qqq iij Iiabitans achètent pour les fervir , font elciaves à la vérité, chées à la fervitude : les Braillions &: les Aroüagues que nos ils font capables. §. I. ; Originaires d’Afri A9 4 Hifloire Naturelle & Holandois , les y vont traiter pour d’autre^ marchandé fes. Quand un Navire arrive à ces coftes } le Marchand du vaifieau s’adrelfeau Roy telec, ou au Gouverneur de la Pro- vince où il aborde, & ceux-là leur védent ces piuvres rmfe- r ra blés, hommes, femmes,^ enfans de tout âge, pour dcsBao res de fer, pour des meulles , pour de petites pièces d’argent, pour de l’eau de vie, pour de la Toile, & pour d’autres den- ses dont ils ont le p'us befoin en ces pays. Ils expofent ordinairement en vente trois fortes de per- sonnes. Premièrement, ceux qu’ils ont pris en guerre fur leurs ennemis ; Secondement, ceux qui ont mérité la mort pour quelque, crime , aymant mieux en tirer du profit, que de les faire périr par le dernier fuppiiee : en troifiefme lieu, ceux qui font furpris dans quelque vol, le Magiftrat fai- sant palfer pour un baniffemenc la perte qu’ilsfonc de leur liberté Ghez les ell rangers qui les achètent. Il s’eft trouvé des Marchandsaflez injuftes , qui ont enle- vé les innocens avec les criminels, ravififant la liberté à ceux mefme qui leur vendoient ces perfonnes captives , ou qui étoient venus à leur vaitfeau.pour y faire.bone chere: & l’on naadit, qu’un certainGapitaine en ayat attiré plufieurs dans fon vaifieau àiorce deboifion de prefens , pendant que ces pauvres gens ne fongeoient qu’à fe bien divertir ; le Pi- lote ayant levé l’anchre , fi-toft que le Navire fût fous voile, en les faifit, 8 c chargea de chaifnes , & qu’ils furent amenqs « aux Iflcs , où ils furent vendus en qualité d’efclaves. le ne fçay ce que cette nation afaic ; mais edi afiez que d’eftre noir , pour eftre pris , vendu, 8 c engagé à une fervitu- defafeheufequi dure toute la vie. En l’année 1657. un Ca- pitaine de Zelande en ayanttrouvé deux dans un Navire Portugais aux colles du Brefil , tous deux de condition li--.. bre, dont l’un efioii Diacre, 8 c l’autre un.tres fameux Mar» chaud, il les amena à la Martinique pour les vendre : mais s’eftantheureufementfauvez du vailfeauà la nage, pendant la nui 61 , ils s’allerent jetter aux pieds de Monfieur le Gene- ral du Parquet , qui fut tellement touché de leur difgrace Des Antilles habite es par les François. 4pj qo’il les prie fous fa protection comme fujets du Roy de Portugal Allié delà France, & tout ce que le Capitaine pur obtenir, ce fut un certificat de Monsieur le General, pour far décharge au prés de fes Marchands , aufquelspa-r un excez' de charité, il s’obligea de payer la liberté de ces deux Mores, S'ils n’ehbient pas fatisfaits de fes raifons. Le Diacre qui fit voir au R. Pere Feiiillet les lettres de fon Evêque, parloit fort bien Latin, & avoit fait deux années de Théologie. Le Marchand prelenta a Madame la Generale un ttes-beau diamant qu’il avoit fauué ; mais elle le refufa , en luy difant que Mr du Parquet ne cher choit d’autre recompenfe, que la gloire d’avoir fecouru des perfonnes affligées, & alliées du Roy Ion Mai dre. Les François & les Holandois n’ont pas toufiours efié 1 chercher fi loin l'a plufpart des efclavcs , qu’ils font venus vendre aux Ides : car ce fon c de riches prifes que les uns &c les autres ont fait furies ElpagnolstC fur ies Portugais : &: l’on ne fçauroit dire le nombre qu’ils leur en ont enlevé, car bien qu’il y en ait beaucoup aux Ifles, il en eft mort incom- parablement davantage dans leurs vaifieaux , qu ils ne nous en onrvendm L’on a veu des Capitaines qui en ont pris juf- qü’à fept cens dans un Navire , dont ils n en ont pas quel - quefois amené deux cens dans nos Mes , parce que n’ayant pour 1 ordinaire' des vivres qu’autant qu’il leur en faut pour- leur équipage, sais sot fui pris de quelque calme, ou éloignés des terres , n’y pouvant arriver que de long-temps apres , la plufpart des cfclaves qu’ils ont pris, perilicnt de milcies & de faim. P arm y ces efclaves il s’en trouve quelquefois qui choient de grande qualité dans leur pays j mais nous n avons iamais j>u (çavoir le rang qu’avoit tenu chez eux la première femme Nègre, quenous acheptafmes àla Guadeloupe, ny de quel- le façon elle avoit elle prife en guerre. Elle avoit un port de Reyne, &: vn efprit fi élevé au deffus delà niifere de fa condition, qu’on voyoit bien qu’elle n’avoit rien perdu de' fa dignité, dans fa dilgrace. Tous les autres Négres dc fa- f IUÎI m Il ! Si.: I ! ilrp .'Ai *j 7» , 4-çô H ijto irê 1S1 a tu re lié ■terre , hommes & femmes , luy rendoient des refpecls com» me à une Princefie ; quand ils la voyoient à l’Eglife ou en chemin , ils s’arreftoient cour court devant elle , ils met- toient les deux mains à terre , & s’en frappoient les cuif- fes , &c les tenoient en un moment élevées au deffus dé leurs reftes 3 qui eft la maniéré dont ilsrendent homageà leurs Sou- verains. Nos habitans eftiment davantage les Nègres a'AngoIe que ceux du Gap verd,tant pour la force du corps, que pour l’adrefte a bien faire les chofes qui leur l'ont commandées: mais lors qu'ils font échaufez , il ne faut pas eftre trop bon* quefteur pour en éventer le frais , •& les fu.ivrc àlapiftepar tout où ils ont palFé : car ils fcntent fi fort le bouquin , que l'air des lieux par où ils ont marché , en eft infc&é plus d un quart-d’heure apres. Ceux du Cap verdne Tentent p.as la moitié li fort que les Nègres d’AngoIe ; ils ont la peau plus noire , les membres du corps mieux proportionnez, les traits du vifage plus délicats , le naturel plus doux , & font mèfrne pour l’ordinaire d’une taille plus avantageufe. De l'humeur des Négres/jf de leur adrejfe à ce qu ils font» I I. I L eft de l'humeur delà pîufpart des Nègres , comme de ces couleurs bizares qui paroiiTenttantoft vertes , & tan- çait dorées félon la différence du iour où elles font expoféesj car ils font gay s ou mélancoliques, laborieux ou faineans, a- mis ou ennemis, félon les traitemens qu’ils reçoivent de leurs Maiftres , ou de leurs Commandeurs. Quand on les traite avec douceur, &c qu’on les nourrie bien,, Des Antilles habitées par les François . /bien , ils s’efliment les plus heureufes gens du monde, ils font à coût faire , 5c on voie fur leurs vifages 5c dans leurs actions , des marques certaines de la fatisfaéfcion de leur ef- prit. Au contraire quand on lestraite avec rigueur, on s ap- perçoit bien-toll que la mélancolie lesronge. II eft vray pourtant qu’à parler de leur humeur en gérerai, ils font fiers, arrogans , 5c fuperbes 5 5c qu fis ont ïi bonne opinion d’eux -mefmes , qu ils s cfliment autant ou plus que lesMaiflres qu'ils fervent. C clb auffy ce qui oblige les Nations de l’Europe eftablics dans l’Amerique, de les traiter avec hauteur , de ne leur pardonner point de fautes, comme à gens qu’on ne craint point ; parce que fi ces efclaves avoient la moindre penfee qu on les appréhendait, ils en deviendroient plus infolens , 5c plus hardis a former des cabales , pour s’affranchir de leur captiuite. Comme ils font grands railleurs, iis reie vent les moindres défauts de nos François , 5c ils ne fçaur oient leur voir faire rien de rept ehenfible , qu’ils n’en faffent entre eux le fujet de leur divertiffcment,&; de leur entretien. le ne fçay files chanfons qu’ils marmotent en travaillant, procèdent delagayeté de leur tempérament , ou s'ils les di- fenc pour charmer leurs fatigues ; mais ils paroiffent d une {rumeur aflezenjoiiée, 5c chantent ordinairement chacun en fon particulier quand ils travaillent une chanfon , dans laquelle il repetenc tout ce que leurs Maiflres ou leur Com- mandeurs leur font de bien ou de mal. Prefque tous ont une pente furieufe au larcin, & quand ils ne devroient pren- dre que des bagatelles, ils ont de la peine à s’en empefeher, fe dérobant mefmc les uns aux autres. L’on m’a voulu per- fuader qu’ils contraéloient cette inclination 5c cette habi- tude dans nos Antilles , parla neceifite qu ils foufirent de beaucoup de chofes , qu’ils tafehent de fe procurer par cet iniuile moyen : mais j’ay appris d eux- mefnres , qu ils ne le font pas moins chez eux , 5c que de tous eurs vices , celuy- là cil le plus commun & le plus ordinaire. Pour ce qui regar- 4 e l’y vrognerie, nous pouvons dire qu’ils ne tontfobres que Rrr 49 S Hïjtoire 'Naturelle par necefiîté ; car lors qu ils ont du vin ou de l’eau de vie, ils en boivent auec excez,&: s’en gaftent Facilement. Quand ils affe&ionnenc un Madtre , ils fe mettroient en pièces pour luy, Se font extrêmement fideles en toùtes cho*> Tes, Se nous a ons veu dans quelques uns d’auiïi fameux té- moignages do fiderité envers leurs M^iilres , que dans ces anciens ei cl a vos dont S eue que releve avec tant d éloquen- ce ie zeie Se l’affeétion Les premiers Nègres que nous euf- mes à la Guadeloupe voyantla nnfere où nous eftions ré- duits, ne vivans que de Crabes &de Pourpier, cuit à l’eau SS au fei, déroboient à nos voiiîns tout ce qu’ils pouvoient attrg.per;m.iis comme nous les obligions de reporter ce qu’ils avoient pris , ils nous difoient en leur baragoiiin qu’ils é- toient bons Nègres , Se qu’ils vouloient nous bien donner à- manger.. L’on a pu remarquer dans ma première Partie l’inviola- blefidelité de ceux de Monfieur de la Fontaine , Capitaine de Fille de laint Chuftophe, Se profcript pour auoir exécuté les ordres duRoy,car lès efclaves qui le nourrifioient das les- bois où ii s’eftoit réfugié, ayant efté fùrpris, les feditieux em- ployèrent toute force de tourmens , pour leur faire déclarer le lieu où étoitleur Mailbre, mais ilsnele voulurent jamais découvrir , Se: aymerenc mieux qu’on leur coupât les doigts des pieds Se endurer la mort , que de le tra- hir. Dans Firruptiom que les Nègres fugitifs firent avec les ^ Sauvages fur le morne de R.fiet à la Martinique , en 1 année 1657. les Nègres du fieur d Orange f; barrirent vaillamment' contre cesrevolcez qui les vouloient débaucher , Se eux feuls le coutelas à la main, & la rondache au bras,empefché- rent que ces furieux ne bruflafifenc la Gafe , &ne ravageaf- fenc 1 habitation de leur bon maiftre qui eftoit abfent , pen- dant que celles de les voifins eftoient tout en feu. le rappor- terois mi le autre exemples de leur fidelité en vers les Maî- tres qui les traitent avec douceur, Se comme parle Seneque r en petits amis Se non pas en efclaves, féru: font ? uno CQntubcr~ nales, Serujfont ïimo bimiUsamci*- Des Antilles habitées par les François. 4 g g Si les Nègres font fore fenfiblesaux bien-faits, ils le font pareillement aux outrages ; car ils portent une haine fccrere à ceux qui les mal-traitent , & il n’y a que la feule impuif- fanee de s’en vanger , qui efloufe une partie de leur reffenti- ment: & c’efl de ces efclaves réduits au defefpoir, que nous deuons entendre ce Proverbe, dontlemefme Senequefait mention , Totidem ejfe hoftes , quot feruos. La Martinique en vit un exemple effroyable dans l’irruption, dont ie viens de parler ,en la perfonne des Nègres du Sieur & de la Dame de la Planche, habitans des plus aifez de l’lfle; car ces efclaves fe voyant trop mal traitez, s’ètant enfuy & ayant pris l’occa- fion desSauvages pour executer leur vengeance contre leur Maiflre ôc leur Maiflreffî; ils vinrent effrontément en plein midy , entrèrent dans la Café , & leur ayant reproché les traitemens fafeheux qu’ils en avoient reeeus , leur fendi- rent la telle à tous deux, à coups de ferpe : &: apres ce cruel affaflinat, ces furieux fe mirent à crier qu’ils ne fefoucioienc plus de mourir , puis qu’ils s’efloient vangez des cruautez qu’on auoit exercé fur eux. Ils font vaillans& hardis dans les dangers: & dans tous les fafeheux demeflez que nos habitans de l’Ifle de faine Chriflophe ont eq de temps en temps avec les Anglois , ils ne fe font pas moi^s rendus redoutables à cette nation que leurs Maiflres. Mopfieur d’Enambuc s’en feruit avanta- geufement pour repouffer les Anglois dans leurslimites , &: Moniteur leComandeur deSalles fe voyanteetee année 1 666. dans la neccffué de vaincre ou de périr, les aemployées pour chaffer de l’Ifle, ces ennemis irréconciliables de noflrc Na- tion, & ils y ont fi bien fait leur devoir,en mettant le feu par tout, pendant quenosFiançois fe font battus, qu’ils n’ont pas peu contribué au fameux avantage que laFrance a rempor- té! url' Angleterre. O _ _ L’Amour qu ils ondes uns pour les autres, efl for cendre, Sc ceux d’une même terreont en femble des liaisos fr étroites S c fi particulières, qu’ils s’affilient das toutes leurs maladies, s’intcreffent dans le traitement qu’on leur fait , nepeu- Rrr ij S°0 Rifloire Naturelle voir mal -traiter leurs compagnons , fans compatir à leurs pemes, & fans en murmurer quelquefois afe hautement: ù bien qu i, but que le Commandeur qui les chaftie quand ils onr tudy , ditfimule avec prudence le mécontentement qu un homme hit paroiftre quand on punit fa femme eu qu un Pere &. une Mcte témoignent, quand on chaftie quel- qu un de leurs entansv ar S'il lesurritoit ctop,il y auroit fujec de craindre qu iis ne (e fouievaflfent contre luy. comme il effc quelquefois arrive : & j’ay veu des Peres & des Meres qui fe jetcojent a genoux** qui prioient qu’on les frappaft à la pla- ce de lc.u:s er.fans- r La plufpart.font aftez adroits à faire toutes les chofésauf*. queues ou les occupe , & nous remarquons oue lafrequen- tation de leurs enfans avec ceux de leurs M autres, . dans leur jeun elle leur ouvre Lefptit &les rend plus fpirkuels que leurs pe- es Pleins meres. Monfieur Hoüel voulant Ternes t e en eitat de Te palier des A r ci fans François, qu’il avoir fait venir de Pans avec de grandes depen fes , leur donna à tous de ces jeunes Negres pour apprentifs , qui le rendirent j liabl , - T J b a* oit dans fa ménagerie de la Cap! te rte des Negres Charrons , Menuficr s , Failleur* de pierre, - Malions. Couteliers, Scrruricis, Censeurs -, tous habiC les dans leurs meftiers. U faut pourtant avouer qu’l) y en a d il ltu.pi des & de fi grofliers , qu an a mille peine Lieu r fai- re ' aire les chofes qu’on leurcomman de ; & qui font aufll peu lii ez a la befogne ui bout de deux ou crois ans, comme, le premier Jour qu'ils font arrivez aux iiles.. Des Antilles habitées par les François . De la çonuerjîon des Nègres a la Religion Catho- lique, & du z^ele qu’ils y font paroijbre, quand ils dont embrafsee . §. m. Q Vand les Re'igieux Miffionaires ne s’occuperoienr? clans les Mes , qu’à travailler à Jaconverlion de ces pauvres efeiaves , ils devroient s’eftimer bien heureux, & leur travaux bien employez', puifque Dieu a répandu de fi abondantes bénédictions fur les foins qu’ils ont pris de leur faluc, qu ji n y a prelque pas un Negre dans toutes IcsAntil- Icj Fi ançoi les, qui ne foi t Ghrc ftien,& qu'ils n'a yen c re^cne* ré dans les eaux du Baptefme. Tous les Miffionaires enfcmb'e mont peut efhe pas cr a >. gne a Dieu vingt Sauvages adultes depuis trente-cinq ans , quoy qu’ils !e foient faerffiez à leur inftruclion j &■ que quelques-uns fuient aliez demeurer avec ces Antropopha- ges , en danger dans eftre tous les jours maffiacrésDe ne fuis point de ces faifeurs de Relations , qui font des miracles ds toutes chofes,& qui remploient leurs livres de Converfions, dont ceux qui ont efte aux I fies fe moquent comme d’un conte fait a piaifir , quand on leur en demande les parti- eularitez : mais ie fouftiens avec vérité, que les Miffionaires ont cette confolarion dans leurs peines, d’avok engendré à le fus Chrift & à 4’Eglife , plus de quinze mille efcUves, qui il ’auroient jamais eu la connoiffiance du vray Dieu dans’lcut pays, qui feroient miferablement morts dans lesimpietez & les erreurs de Mahomet, donteeux qu’on amené d’Afri- que font infeftez. Ceux qui font pris fur les Efpagnols, ou fur les Portu- Rrr \\y Htftoire Naturelle ; gaiSj font ordinairement Chreftiens, quand iis nous font vendus : car ils nefont point de difficulté dé les baptiler , fi- toft qu’ils les ont achetez en Afrique , dans 1'efperancede les inftruire quand ils feront chez eux. Mais ces foi ces de baptifez, n’en font pas plus fçavans dans nos myfteres, 6c ne nous donnent pas moins de peine à inftruire, que ceux qui ne l’ont pas cité. Les uns & les autres dont nous avons parlé , ne s’opi- miaftrent pas dans leurs erreurs, & ils y renoncent avec d’au- tant plus de facilité qu’il y font fort peuinfttuis. l’en a.y trouvé quantité qui n avoient point de Religion , 6c qui n’eftoienr.ny Idolâtres nyMahometans: qui n adoroient au- cune Divinité , 6c n’avoient jamais fait reflexion qu'il y eut un Dieu : en quoy nous pouvons dire , que leur fervitude eft leprincipe deleur bon heur , 6c que leur difgracc eft caufe de leurfalut, puifque la foy qu’ils ertibraftcnc dans leslûes les mec en eftat de connaiftre Dieu , de l’ay mer , 6c de le fervir. Les grâces que Dieu répand dans leurs âmes , confolenc xnerveilleufement les Miffionaires, de toutes les peines qu’ils prennent à les inftruire : mais il n’y a rien d'approchant pour les Caraïbes ; car.bien que par leurs travaux incroya- bles, il y en ayt beaucoup de fuffifamment inftruits des my fteres denoftre foy , que plufieurs portent des Chapelets au col ,6c fçachenc prier Dieu : avec tout cela , l’on n oïe- rffit les baptifer , parcequel'on ne void point qu’ils loient touchez d e Dieu , da.utant que l’on fçait qu’ils fe ferment Jbaptifer pour uncoûtearqpour un coup d’eau de vie, & pour des bagatelles. & qu’un quart- d’heure apres ils n’y sogeroiet plus. Mais les Nègres font certainement touchez de Dieu, puis qu’ils confervenr jufqu’âla.mort, laReiigion qu’ils ont embraflee: qu’ils en pratiquent les vertus, & en exercent les œuvres, 6c îepuis dire auec vérité qu’ils y vivent bien plus Chreftienncment dans leur condition , que beaucoup de françois. Us viennent exactement à la Meffe les Dimanches Des Antilles habitées par les Frart çoiç»< jo j' èc les Féflcs , ou comme ie l’ay dit, on leur fait vn Gâ- te chi fine exprez , auquel ils font foigneux de fe trouver , & fay affez fou vent remarqué, qu’ils y manquent plus par la fuite de leurs Maiftres qui les occupent, que parleur négligence. Iis hequentent les Sacremens avec beaucoup de pieté, & ce qui paroift comme incroyable en France , eiflefujet ordinaire de noftre admiration dansl’Amerique ; carnous les voyons fort fouvenc fe confeifer &: communier , &: il f e pâlie fort peu de Dimanches ou de Feftes,où nous ne voyons plulieurs hommes & femmes faire leurs dévo- tions. Chez tousles Gouverneurs , 1* Aumofnier ou quelque au- tre de la maifon, a foin de les faire prier Dieu. L’on obfcrve la me! me chofe dans les meilleures familles , ouleCom» mandeur , ou quelque Engagé les fait prier Dieu le matin, avanc que d’aller au travail , &c le foir apres l'avoir h'ny. Leurs enfans nez dans les I fies fontaulîi bien infirmes- que les petits Fiançois , ainfi fueçant la Religion avec ie laid, & y eflant élevez dés leur enfance, il y'aîieu d’cfpcrer qu’lis en pratiqueront les œuvres pour faire leur falur. Pendant le fejour que j’ay fait autrefois dans les Iflesde S. Euftache &c d’ Antigoa,on me dit que les Hblandois & les Anglois , tenoient pour maxime dans leur Reformation prétendue, de n'avoir point d’cfclaves Chvehiens : croyant faire injure au iang&àla loy de Icfus-Chrift , de tenir en fervitude ceux que fa Grâce affranchit de lacaptivité ; ÔC 1 on m'a fleura qu’ils ne baptizoienc jamais leursNé^rcs, oue quand ils les voyoient à l’article de la mort ; & que s’ils ré - chapoient de leurs maladie-*, ils choient libres,& n’etoient plus obligez àfervir leurs Maiftres, que comme les autres rerviteurs qui gagnent de bons gages : ceux qui me firent ce rapport me dirent aufsy , que la plufpart des habitans les laiff oient affez fouvent mourir fans Baptefme,de peur de les perdre s ils venoient à guérir. #*4 Hiftolre Nature IU Du Mariage des Nègres, de la tendrejfe qu'ils ont four leurs enfans . §. i y. L E domaine que les Maiftres ont fur leurs Efclaves eft fi abfoiu, & ils en ont une propriété fi entière , que non ‘feulement iis leur appartiennent, comme un bien qu'ils ont acquis par le titre d’açhapt : mais qu’ils ont encore le même droit fur les enfans mal-heureux qui naiffent de leurs maria- ges, corne fur un fruiét qui croiil: dans une terre dont ils font Seigneurs, C’eftpour cela ( que les Nègres faifant la force &C Jarichdfe de leurs Maiftres, & qu’un homme n’eftanc confi- deré dans les Ides que par le nombre de fes efclaves ) nos F rançois ont foin de les marier le pluftoft qu ils peuvét pour en avoir des enfans , qui dans la fuite du temps prennent la place de leurs Peres , font le mefme travail Sc leur ren- dent mefme affiftance» Il eft vray qu’il faut donner cette louange à nos habitans , qu'ils font tout ce qu’ils peuvent pour donner à leurs efcla- ves, des femmes de leur terre , qu ils ay ment incomparable- ment plus que les autres : c’eft pourquoy fi un Nègre & une Né greffe, qui appartiennent à deux Maiftres, s’ayment \ les Maiftres font un accommodement, & l'un acheté le Negre, ou l’autre la Négreffe,ou bien il luy fournit dans le premier Navire qui en apporte, un efelave au choix de celuy qui dé- lai fie à l’autre fon Nègre ou fa Négrcffe. Cette Règle n’cft pourtant pas fans exception , car il arriue quelquefois qu’on a peine à faire cette accommodement ; car un Maiftre qui connoit la bonté de fon efelave , a bien de la peine a s’en défaire, paruculierement^uand il a chez luy quelque N ég relie Des Antilles habitées par les François. joj Négrefle prefte à marier, Sc bien qu’il n’ufe pas abfolument de violence pour lâ luy faire époufer , il luy commande d’unemaniere, qui arrache fouvent fon confentemenr pour éviter d’eftre mal-traite , de forte que cetce malhcureu- fe neceflité , clt l’origine du mauvais ménageqne plufieurs font enfemble,car ils n.es’ayment point, & quoy qu’on fafife, 1 o ne fçauroic empefeher, qu’ils nenourrifTenc de puiflan tes inclinations pour quelque Nègre de leur terre , & qu’ils n’entreticnneru: fouvent avec eux un tres-daneereux coin- merce. L’on aveu à la Guadaloupe une jeune Négrefle, fi per- fuadèe de lamifere de fa condition , que fon Maiftre ne put jamais la faire confentir, àfe marier au Nègre qu’il luy prcfencoit; ce Maiflre d'abord croyant qu’elle en aymoit quelque autre j pria l’un de nos Peres de le fçavoir d’elle, &C de luy promettre qu’il l’acheteroit à quelque prix que ce fuftjtnais elle ne refpondic jamais autre chofe,fino qu’elle ne fe vouloir point marier. Son Maiftre fe mocquant de fa r-efolution , l’amena un Dimanche à no lire Eglife pour époufer le Nègre qu’il luy vouloir donner , elle ne relifta point, mais elle attendit que le Pere luy demandât fi elle vouloir un tel pour fon mary , car pour lors elle refpon- dit avec une fermeté qui nous étonna,- non mon Pere, je ne veux ny de celuy -là, ny même d’aucun autre : je me cotente d’eltre iniferable en ma perfonne, fans mettre desenfans au mon de, qui feroient peut- eftre plus malheureux que moy,&: dont les peines me feroient beaucoup plus fenfibles, que les miennes propres. Elle eft aufiy touliours constamment de- meurée dansfon effcat de fille, &on l’appelloit ordinairement la F uc elle des J/lcs. Les femmes Nègres font naturellement fort fécondés , fi bien qu’il femble que Dieu renouvelle en leur perfonne la merveille des femmes Iuifvcs efclaves en Egypte : car plus elles ont de mal , & plus elles ont d’enfans; le feul amour qu’elles leur portent les empefehe d’en avoir davan- tage ; car elles gardent une continence admirable, jufqu’à Sff jotf Hijtare Naturelle ce que leurs enfans foient fevrez, de peur que devenant gro ues , leur lai et ne leur falTe mal ; d où vient qu’elles n'acouchent pour l’ordinaire,, que de vingt mois en vingt mois, 5c quelquefois de deux ans en deux ans-, que fi l’en- fan t vient à ■•mourir bien toft apres fa-nailTance, elles man- quent rarement d’acoueher au bout des neuf mois, Elles accoucdient avec beaucoup defaciUté , 5c ne fça- vent pour la plufpart ce que c’eit que de Sages femmes pour les lecourir danscet état , car à peine ont-elles mis leurs en- fans au monde qu’elles les acc5modent,6c les vont lauer,&d elles font lï peu incommodées de leur accouchement , que j’en ay veu tracaOer deux ou trois heures apres dans la Café, comme fi rien ne s’eltoit paile. Leurs enfans ne viennent pas noirs au monde, Sbj’ctî a y- baptifé quantité d’aulîi blancs & d’auili vermeils que ceux denos François : mais deux ou trois iours apres qu’ils font nez, la couleur leur changeais paroilfent d’un jaune bazané, qui fe brunitpeu à-peu jufques vers le feptiefme iour , au- quel ils deviennent noirs comme du jayet. Elles n’ont point l’ufage de maillot, de béguin , ny- de berceau : mais elles Te fervent d’une toile qu’elles attachent par les deux bouts , 5c qu’elles fulpendent au dellus de leur grabat, à la façon des lifts de coton denos Sauvages, 5c elles les couchent tous nuds dans cette toile , àlaquelle elles lient une petite corde pour les bercer la nuift quand ils crient.- Pendant cinq oufix mois elles ne donnent à leurs enfans point d’autre nourriture que le lai ft de leurs mammclles , ce qui faitqu’ils deviennent plus gras hc plus potelez que nos petitsFrançois,à qui on doue de ia bouillie, &c qu’on éleue à la mode de France. Apres ce temps-làelles mafehent dans leurs bouches des Patatesj deslgniames,& du gros mil rôty; qu’elles leur font aualer , apres l’auoir réduit comme en boüillie; elles fe gardent bien de leur donner des Patates cuites dans la chaudière , parce qu’clles font trop venteu- fes. & leur caufent des coliques, mais elles les font cuire ex* prés fous la cendre,- Des Antilles habitées par les François, joy Elles font fort bonnes nourrifTes,c’eft pourquoy nos Fran- «çoifes qui ont le moyen d’en auoir, s’en ferventpour allaiter leurs enfans, <5c elles les nourrilfent & les elevent mieux que leurs propres mères. le ne fçaurois à ce fujet palfer fous filence,une chofe tres- conlîderable & tres-extruordinaire arrivée cette année à une Négrefle de Mademoifelie laGarique, cette Damoifelîe auHi bien queplufieurs autres femmes des Officiers de faine Chriftophe , ayant éfté mi fe fur un vaiffieau pour eftre con- duite en France, un iour devant le combat &: la deffaite des Anglois : ces Damoifelles ne penfant aller qu’à la Guade- loupe , firent embarquer fi peu de provifions &: de vi urcs, qu’ellespenferent toutes mourir en chemin , maisparticu- lierement une petite fille de cette Damoifelîe : elleeftoit nouvellement fevréc , & comme l’on n’avoicrien pourluy donner & l'appaifer , elle jettoit des cris continuels , qui ayant touché le coeur d’une vieille N égreffe, qui n’avoiteu, ny enfans ny laiét depuis plus de trente ans, elle prit cet en- fant , & pour l’amuferluy donna fon tetin à fuccer, ce que l’enfant fit fi bie,qu’apres de grandes douleurs que laNégref. fe fentit furies épaules & autour du fein,il luy vint une fi grande quantité de laiét , qu’apres auoir nourry cétenfant plus de fix mois, elle en nourrit encore a&uellement un au- tre, dont cette Damoifelîe eft accouché depuis qu’elle efi arrivée en France. Quand elles donnent àteter à leurs enfans , elles ne les tiennent pas fur leurs bras comme font nos Françoifes; mais elles les mettent fur leurs hanches , &c ces petits féparant leurs jambes , s’y tiennent fi ferrez auec les genoux & les pieds, & s’attachent fi fortement de leur deux mains à la ma- melle qu’ils fuccent , quelameren’apas befoin de les tenir, <&c ils s’accoultumentfi bien à cette fituation , que j’en ay veu mettre leurs enfans de cette façon quand elles travail- loient dans laCafe, fans que celales empéchaft de faire leur befogne: elles n’abandonnentfamaisleurs enfans, quand el- lesvont au travail, mais les portent fur leur dos ; ou elles les S ff i j jo c f H i fl g ire Mature lie mettent d’une main,&: fe tenant courbées, leur accomodefrt les jambes deçà &c de là le long de leurs reins , & les envelo'- pem d’une grande toile, qu’elles appellec Pannes , qui prend ces petits au defifous de la telle : apres cela elles le redrefent &C lient cette toile fur leur eflomach , & ces pauvres en- fans dorment ainfy fur le dos de leurs meres, comme lut un Bon bd; & quoy qu’elle les agitent beaucoup en travaillant à la terre ils n’en perdent pas un moment de leur lom- meil. S’ils font camus, c’eft que les Peres & les Meres leur écra>- zent le nez pour les rendre tels , comme ils leur prelfenc extraordinairement les levres pour les faire lippusscat ils ne viennéc ponittels naturellement : auffi le premier que nous avons élevé de noflre Nègre Dominique à la Guadeloupe,a le vifage audi beau le nez auifi aquilin , & les lèvres auffi minces que les François : en un mot-, il n’a rien de Nègre que la couleur &c les cheveux , parce qu’un de nos Peres avoir û expreifément défendu à fa mere de luy applat-ir le nez\ qu’elle n’ofa pas luy écacher. Ce bon Pere croyant qu’elle traiteroit de la mefme maniéré la fille quelle eut en fuite , il ne luy en parla pas davantage, mais il le trompa:& comme il luy en fit reproche, elle répondit que c’efloit pour la rendre plus belle que fort fils , qu’elle croy-oit extrêmement !aid> parce qu’il n’av-oic pas cette dt formicé hideufe dans laquel- le ils eflablifent la beauté en leur pays. Leurs enfans commencent à-maroher , on pluflofl à fe traifner à quatre pattes dez l’âge de fix à fept mois, 5c quoy que dans les commencemens ils- tombent autant de fois- qu’ils font de pas , i’ay pris garde qu’ils ne fe blelienc points car iis tombent toufioufs fur leur derrière , ou fur leurs mains, de là.vient qu’ils ne criaillent point quand ifs tom- bent, mais n’en font que niej &c c’eil un plaiiir de les voir fs relever de terre, car iis retomberont fouvenc p us de dix ou douze fois, auparavant que de fe pouvoir tenir debout : c’eft pourquoy iis tafehenttoufiours de^ s’attacher à la muraille ©u: àquelque meuble quand ils veulent marcher. Les fran- / Des Antilles habitées par les François. ja ç Côis nouvellement arrivez dans les 1 lies , ont prisfouvcnc de ces petits Nègres pour des finges,en les voyant fe traifner à quacre pattes dans le logis : de l’en ay veu plufieurs qui a- voient de gros calusaux genoux, à force des’eltre traifnés defïus. Quand ils ont atteint fept ou huit mois , les meres ne les tiennent plus fur leur dos pendant qu’elles travaillent , el- les les mettent à terre auprès d’elles (ans qu’ils crienc : ôcie me fuis cent fois eftonné de les voir des iournées entières., nuds comme la main- , expofez aux bradantes ardeurs du Soleil, fe veautrer dans lapoufliere, & dormir fur la terre, fans en edre malades. C’eft-un plaifîr nompareil que de voir trois ou quatre petits Nègres fe joLicr cnfcmble pendant que leurs meres travaillent, car ils-fe bai boüi lient, fe renverfenr* & font tantoft delVus , tantoft delïous ; fans pourtant fe faire aucun mal, fi bien qu’ils ne crient point , & ne détournent point leurs meres de leurs befognes,fi ce n’eft pour leur don- ner à téter, A l’âge de trois ou quatre ans , elles les laiffentà la Café fous la conduite de quelque petite Négrcffc defix à fept ans (as il s'en trouve dans la famille, ) pour en avoir foin : s’il n’y en a pas , celle qui a foin de la cuiline y prend garde. Quand les Peres &: Meres reviennent du travail, â midy ou au foir, la première chofe qu’ils font c’efl; d’appeler leurs enfans, ou de 1 es aller chercher chez les voifms,& ils ne mangent point ju qu’à ce qu’ils les ayent trou vez. Nous avons remarqué une chofe adez particulière l’ef- pace de plus de deux ans en noftre N égre Dominiquejapres la morrde fa. femme, il ne manquoit pas un feul iour , fi-tofl qui! efloit retourné delà place , de prendre le garçon & la petite fille qu il en avoir eus , & de les porter fut la folfe de la Defunte, où ils pleuroît devant eux une bonne de- my-heure, ce que ces petits enfans faifoient fouvent à foa i-mi ration. Quoy que j’aye dit , que depuis que les petits Nègres ont atteint l’âge de fept ou huit mois , les Meres ne les tiennent S ff iij $ïo Hijloire Naturelle plus fur leurs dos quand elles travaillent , neantmoin;. quand elles vont loin pour rendre quelque vifite , elle le; portent de mefme, jufqu’à l’âge de fix à fept ans ,• il eft vra\ que leurs maris les fouiagent dans cette pçine,en les port a ru comme elles fur leur dos. Les Nègres ayment leurs enfans avec tant de tendrelTe, qu’ils s’oftent le morceau de la bouche pour leur donner ; &: le meilleur moyen pour gagner leur afFedtion , c’eft défaire du bien à leurs enfans, car ils fe mettroient en pièces pour reconoilhe l’amitié qu’on leur porte : ils ne fçauroient auili les voir chaftier , ouïes entendre crier , qu’aufli toftils n’y courent &£ ne témoignent un extreme déplaifir du mal qu’on leur. fait , car ils aymeroient mieux qu’on les frappait qu’eux , & ien’ay iamais veu les efclaves moins maiftres de leur colere , que quand il s’agit de l’intereft de leurs pauvres enfans. On ne s’attend pas à eux pour leur apprendre à prier Dieu,ny les premiers principes de la civilitédes.habitans ep ont foin , & jufques à prefent il y a peu de familles dans les llles, où l’onn’éleve les petits Nègres de pair à compagnon avec les enfans du logis,- 5c plulieurs habitans aiment mieux qu’ils foient avec leurs enfans , qu’avec leurs Peres &£ leurs Mères. De là vient que la pîufpart des petits Nègres nefçavent point d’autre langue que la langue Françoife,& qu’ils n’en- tendent rien à la langue naturelle de leurs parens ; excepté feulement le baragoüin , dont ils vient commuuément dans les llles , &: dont nous nous fervons aufli avec les S" 11 iges,quieft un jargon compolé de mots François 5 L . t agnols, Anglois, Holandois. le vis à mon dernier retour des llles chez Monlieur de Poincy , plus dei6o. petits Nègres , garçons &: filles depuis quatre, iufqu’à neuf, à dix ans. Ils entendoient tous les ma- tins, la MelTe dans fa Chapelle , apres laquelle le François qui avoit foin d’eux, les faifoit prier Dieu tout hau t, ôc leur apprenoitle Catechilme ; ils étoient fi bien inftruits , que ie c. „ s Antilles habitées par les François. jn îi’en trouvay pas un tant foie peu grandelet qui ne feeut les prières, & quineme répondit pertinemment des myftcres delà foy qu’on luy avoit appris : i'en vis mefme quelques- uns qui commençoient à lire. Nous ne lommes pas dans nosmaifonsde l’opinion de plufieurs habitans , qui croyent qu’une bonne maxime pour tenir les Nègres dans le devoir, c’eft de les tenir dans une crade ignorance de toutes cho Tes , excepté de ce qui regar- de leur trauail , nous fommes bien ailes que les nofues ap- prennent à lire & àfervir à la Melle. Gcs Meilleurs qui font les Rafinez dans la Politique , leur font apprendre d’autres chofes qui feroient bien plus à craindre dans la fuite des temps pour appuyer leurs révoltés, fuppofe qu’ils en eulfent l’envie , comme de fçavoir manier les armes , d’apprendre à fo rger,& d’aller à la chalfe. Les Négredes ont quelques fois des enfans de nos François : qui n’eftant pas de la condition de leur mere, m’obligent d’en dire quelque chofe dans le paragraphe fùivant. f îr rf\ : ^ m r & De lanatjfance honteufe des Mulaflr es 3 & de leur condition. §•■ V. O N ne fçàuroit mieux vérifier le proverbe qui dit, que l’amour eft aveugle, que dans la paflion déréglée de quelques-uns de nos François qui fe portent à aymer leurs N-egrelfes malgré la noirceur de leur vifage , qui les rendhideufes , &: Fodeur infupportable qu'elles exhalent, qui devroientà mon aduis efleindre l’ardeur de leur feu cri- minel. Ie-ne taxe perfonne en particulier , ie dis feulement en $12 Hifloirô Nature lié general, qu’il y a quelques habitans qui ontabufc de leurs Négreflfes , anili bien que les Commandeurs qui les menenc au travail. 11 fe peut faire aufli qu’ils s'attachent pluftoll aux femmes mariées qu’aux filles, pour mieux cacher leur crime ; maislefruid de leur péché paroill plus 'commun é- mét aux lecôdes qu’aux premières. Il faut pourtant auoüer, que fi l’on pouvoir excu'er un crime que Dieu detefte, il n y aperlonne qui ne portail copaflion à ces pauvres mal-heu- -reufes , qui ne fe lailfent ordinairement aller au defirs falles de ces hommes perdus n que par des fentimens de crainte font rares, car pour lors ils font: bien heureux d’avoir de la Gaffave^encorenenont-ils pas à difcietion.- L’on ne leurdonne à boire de l’eau de vie , quclors qu’on lès oblige à quelque travail rude, ou quand ils replantent le- r Des Antilles habitées par les François. jij Tabac au fort de la pluye. L’Eau de vie eftanc un peu plus commune dans les lîles depuis que l’on y fait du fucre, par lefecrec qu’on a trouvé d’en faireauec l’cfcumc qu’on cire des chaudières, êe lesfirops qui découlent des formes , com- me j>y.dic.aillemrs,Qnleur-e^ donne quelques jours de la fe- maine chez quelques habitans , où les Commandeurs font ; fideles: car s’ils font y v rognes, ils diffipét dans les débauches , qu’ils en font auec leursamis , ce qui ne leur eft donné que pour le diiiribuer aux efclaves dorât ils ont la condui- te. N Les Nègres que bon employé à faire cuire le fucre , font incomparablement mieux nourris que ceux qui travaillent à la terre, & qui ne font que porter les Cannes, de la place au moulin ; car comme le trauail de ceux-là eft fort rude, on ne leur épargne, ny viande, ny boiflfon. Ils font ordinairement divifezen deux efcoüades , dont la première travaille fans interruption, depuis midy jufqu’à minuit;& la fécondé relè- ve celle-cy , &c travaille depuis minuit jufqu’à midy , fi bien que fans la nourriture donc ils reparent leurs forces , ils ne pourroient pas fubfifter long - temps avec ce tra- cyail. Les Holandois chaflez du Récif, qui fe font habituez à la -Guadeloupe &c à la Martinique, gouvernent leurs efclaves à • la façon duBrefil, &: ne leur donnent ny nourriture ny ha- ,bits,ny quoy que ce foie : maisaulTi ils leur 1 aillent la liberté de travailler pour eux le Samcdy de chaque femaine , leur donnant pour cefujet une quantité de terre fur l’habitation , pour y planter du Manyoc, des Patates des Pois, donc ils trafiquent de la maniéré que ie diray cy-apres. Plufieurs François croyant gagner beaucoup de fe dé- charger de la nourriture &: de l’entretien de leurs efclaves, ont voulu imiter les Holandois , mais ces efclaves n’ellanc pas (liiez à ce petit ménage comme ceux duBrefil,font con- traints de voler leurs propres M adirés, aulli bien que les voi- sins pour trouver dequoy viure. La neceflicé où on les a réduit par cette forte de Lezine eft T tt ij Jià H iftoire Naturelle ii gran.de , qu’il y en a qui ne vivent 'que de rapines , ce qui ^ au e un S ran< * ilia ^ aux voihns de ces fortes de Maiftres,car î s nc peuvent plus cultiver d'Ananasdans leurs jardins, é- icvei de volailles , ny entretenir de Bananiers à l’écart de leurs habitations, qui ne foient à la difcretion de ces Nègres afîamez; & La malice des Nègres de la Martinique , qui faifoient a- droiceraent mourir les Cochons, & mefme les chevaux pour Jes manger, apres qu’on les avoir jettes loin de V habitation, donna lieu a l ordonnance qui Fut faite par toute rifle , par laquelle il eftoit commandé à cous les Maiftres de Cafés de faire jecter tort loin en mer, les animaux qui leur mouroient: ce qui ne. fut pas pluftoli commencé d’executer , qu’ils» ceierenr ae faire mourir les beftiaux de leurs Maiftres. 1; n'y a rien que ces pauvres gens fouffrent avec plus d’im- paaence que la faim , auffi îln’y a point d’extremité , où iis ne s'expofent pour s’en garantir , jufqu’a-s'ofter lavie:com- me firent cinq ..pauvres dclaves en flfle de fatnrEuftache en J üUnee ! ^47 < Ces mal- heureux fe voyant dans une terre où i eau' émut fort rare pour lors , & où ils n’avoient pas à man- ger a moitié leur faoül , prirent refolution de fe faire mourir pour retourner en leur paÿs(car c’eft une des erreurs de ceux qui ne (ont pas baptiîez, de croire qu’en mourant ils s’en re- touï nentenleur pays natal ) Ayancdoncpris cette refolu- aon d». îefperee,ils fe pe dirent les uns apres les autres. Cette execution fut commencée par les plus jeunes & finie par une vieille femme âgée de plus de quàre vingt ans , laquelle aptes avoir rendu ce cruel fer vice aux autres, fclc rendit à loy-mcime. «■ / Des Antilles habitées parles François , Des Cafés des Ne grès , çjf ^ t’N/f ménagé qn font pour s entretenir. §. VIL ’On pratique fi bien le département des Nègres dans toutes les habitations des I fies, que pour éviter la mau - vaife- odeur qu’exhalent leurs corps , on les place toufiours au défions du vent du logis de leurs Maiftres, l’on ne les en éloigne pas beaucoup pourtant, afin de les obier ver. Chaque Nègre qui n’eft point marié a fa petite Cafic à part, l'homme & la femme r/en ont qu’une pour eux deux,& pour leurs pe- titsenfansjmais dez qu’ils font grandsje Perea loin de leur en bafiir quelqu'une proche delà ficnne. Leurs Cafés ont du rapport à celles où fe retiroient les habitans du ficelé d’or , dont Sencque nous décrit le bon. heur ,furca vtriwque fufycnfi fulcuint cœf'aw, fpiffiiù rama li bu s ac fondr congefia , & in prodine-difp ofii a , daurfus imbribus qiianwis ma gnu efi. Elles n’ont gu cres plus de neuf a dix pieds de longueur furfix de large, & dix ou douze de haut; elles font compofées de quatre fourches qui en font les qua- tre coins , &c de deux autres plus efievées qui appuyent la couverture qui n’eft que de Roleaux , que la plufpart font defeendre |tifqu’à un pied de terre. Ceux qui la tiennent plus hautes , la pallifiadeht avec de gros pieux qui fe tou- chent les uns les autres, fans fe fervir de Rofeaux comme les François, qui font bien aifes d’avoir de l’ainfi bien que leurs Cafés font clofes comme une boëte, de peur que le vent n’y entre , ce qu'ils font avec beaucoup de raifon, parce que n’y efiant prel’que jamais que la nuit, comme ces nuits fontex- ïomement froides, ils fcroienc tropincomoùez du venu Ttt iij, * j i S Hifloîre Naturelle du grand air, ainfi le iour n’y encre que par la porte qui eft de cinq pieds de haur. 1 ous les efclaves d’une mefme famille baftiffent leurs Ç.afes en un mefme lieu, en force neanrmoins qu’ils 1 aille ne dix ou douze pas de diftance. Quand ils font beauçoup ils' -font ordinairemétun cç-ircle,.&: ils }aiffenc..uyne place cômu- neau milieu de coures lesCafcs,qn’iis ont grand foin de tenir toufiours fort nette. Monfieur le General de Poincy qui en aveit fepe affiuît cens, avoir fait entourer leur quartier de murailles, 6c leur a- voicfaic baîtir des cellules de pierre 6c de brique. Ce quar- tier s’appeiloit la ville d’Angole ; mais une partie ayant elle détruite par ie feu , depuis ils fe font baiiis comme les au- tres. Leur lid fait peur à voir , <&:i! n’y a perfonne qui ne le crut plus propre à faire louffrir un corps', qu’à luy procurer le. repos necelfaire pour réparer les forces. Celifteft corn- pofé de branches d’arbres entrelallées en forme de claye , ÔC elevé de trois pieds de terre fur quatre gros ballons : mais il n’yany draps , ny pailiaffe, ny couverture. Quelques fueilles de Baliziers , dont ilsoftcot la greffe cotte, leur fervent de pailiaffe , 6c ils fe couvrent de quelques mef- chans haillons pour fe garantir du froid, qui leur eft d’au- tant plus fenhble pendant la nuicl , qu'ils ont eu pen- dant tout le iour les pores ouverts, par la chaleur extrême où ils fontexpofez en travaillant. Iis ne font pas plus riches en meubles , que nos Sauvages; leurs coffres &c leurs armoires confident en quelques caile- bafles de differentes groffeurs , dont ils fe fervent générale- ment pour ferrer leurs bagatelles>pour conferver leur eau de vie quandilsen ont , ou de vaiffelle à mettre ce qu’ils man- gent. Plufieurs habitans leur permettent de nourrir des vo- lailles, & avec cela, ils font ff bien leurs petites affaires , qu’il fe procurent les chofes les plus neceffaires. A l’arrivée des vaiffeaux , ils ontl’adreffe défaire prefent aux Capitaines /( qui font pour lors fore affamez de viande fraifehe ) de quel- Des Antilles habits es par les François. jiç que paire’ de poulets ou de chappons , qu’ils leur payent quatre fois au de la de ce qu’ils valent , foie en toiles , foie en eau de vie, foit en autre chofe dont ils peuvent avoir befoin, de ils portent le relie aux Gargotiers,qui leur en donnent en échange* les chofes qui leur font necellaires. Ce petit com- merce les foulage beaucoup, & efifort avantageux aux Maî- tres qui le permettent ; car ils s’achètent lî abondamment pour leur ellat, les chofes neceffaires, qu-’ils s’entretiennent •eux mefmes,ôc ne font plus à charge. On leur avoir autrefois permis de nourrir des Cochons mais le grand foin qu’ils en avoient leur faifant négliger ceux de leurs Ma’ltres qu’ils laiffoient mourir de faim; l’on a'efle contraint de leur retrancher cette permiilion. Lefreur D’o ange qui cfb adoré de fesefclaves, les nourrit d’une ma- niéré , qui au lieu deluy dire à charge luy eft encor vtilç: car il leur donne de temps en temps cinq petits cochon&à nourrir , dont il y en doit a voir trois pour lu y , de deux pour leur part , à fon choix : cela fait qu’ils les éle- vent tous avec un mefme foin , & comme ils font tous intereffez à les bien nourrir , c’efl à qui leur donnera à manger , de force qu’il n’y a pas un d’entre eux qui ne leur apporte une bralfée de fuëüles de Lianncs > ou de bois de Patates , quand ils retournent du travail, à rnidy & au foir. Apres que ceux là fonttuez, il leur en donne d’autres, de ainil les efclaves font bien nourris fans qu’il luy en couile rien. Ienefçay quel foin ils apportent pour faireprofiter leurs volailles de pour les diftinguer , car chacun reconnoit les hennés, fi bien qu’ils n’onciamais de querelle pour ce fujec. Elles multiplient infiniment davantage que celles delcuts Maiftres, une de leurs poules couvera deux fois, concre les autres une, de élevera mieux fes poulecs, (qui femblent dire négligez par leur abfcnce) que celles de la Café pour qui on? p;rcnd tant de peine de tant de foin. Les Ncgres qui ont le Samedy libre pour fe nourrir ^ ppur s’entretenir, à la façon de ceux du Brefil, vont travail-- 'Ht foire Nature ils 1er ce iour là chez les habitans , qui les nourriiïent 6c leur donnent dix livres de petumpour leur peine ; ils ne man- quent pas de trouver des gens qui les occupent , 5c l’on efi: aujourd’huy plus ai'e à la Martinique defe fervir d’eux, de cette maniéré, que d’emprunter ceux de les voifins, pour qui on eft obligé de faire d’autres corvées quand. ils les ont preftez. Les Maiflres déterminent une quantité de terre allez ample fur leurs habitations àcesefdaves , pour y plantet leurs pois, leurs Patates , 8c leurManyoc , & particulière- ment leurs Igniames, qu’ils ayment fur toutes chofes. Outre cela , ils font des jardins d’une partie de cette terre , où leurs femmes cultivent des herbes potagères, de.s Cocombres,des Melons detouteforte, 5c des Glraumons, que leurs Maris vont vendre aux Magazins les Dimanches 5c les Felles en- tre les deux Mefl.es. Ceux qui (ont ménagers , 5c qui ne dilïipentpas en dé- bauche le pecun qu’ils gagnent, fe nourrilfent 5c s’entretien- nent honneflemenc ; mais comme il y en a , ou qui n’ont pas allez d’induftrie, ou allez deretenuë, ces milerables mou- roient defaim, s’ils ne déroboient pourvivre. C’eftpour- quoy les habitans de la Martinique voudroient que cette coultume Brafiliennefuc abolie, parce qu’elle donne trop de liberté aux efclaves , 6c que plufieursne gagnant pas allez, .pour s’entretenir 5c fe nourrir, fe rendent marons. * 5 $ De la façon qu on habille les Nègres > èjf des orne * mens dont Us fe parent. c §. Y I I L ’EfUcy ou paroift véritablement la mifere des efclaves, car 11 l’oniuge ordinairement delà qualité d’une per- fonne des Antilles habitées par les François. j 21 fbnneparla ri chefTe des habits qui le couvrent, on a lieu de dire , en voyaht la pauvreté des haillons de nos Nègres, qu’ils font trcs-miferables , &: de la derniere condition qui foie au monde. Les hommes n’ont pour tout habit les iours de travail, qu’un méchant calleçon de grofie toile , pour couvrir leur nudité, & un bonnet a la telle -, & les femmes une nippe ou unecotte delà mefmeefloffe } qui clécend jufqu’à terre à quelques unes : mais qui fouventneva pas julqu'aux ge- noux , fans bonnet, ny autre choie qui leur couvre la^. celle. Les uns Se les autres n’vfent jamais de chauffes ny de fou- liers, leurs petits enfans, garçons & filles, vont ordinairement nuds comme la main,jufqu’à l’âge de quatre ou cinq ans ; ô£ pour lors on leur donne une petite robbe de groile toile, qu’011 leur laifle iufqu’à neuf ou dix ans, apres quoy l’on ha- bille les gai çons comme leurs Peres,& les filles comme leurs Meres. Les Dimanches & les Felles, les hommes ont une chemi- fe & une cal leçon de couleur, avec un chappeau : les fem- mes ont aufiî une chcmife avec une juppe de toile blanche» ou de quelque ferge rouge ou bleue. Etc’ell tout ce que les Maiflres font obligez de leur donner quand ils les entre- tiennent. S’ils veulent avoir quelque chofe pour fe parer ou pour parer leurs enfans , ils font obligez de fe le procurer eux- mcfmes. Leur plus grande ambition c’ell d’avoir de belles chemifes.&quelques galads«à leur chappeaudes femes font curieufes de juppes de belle toile blanche, qu elles préfèrent à toutes les étoffes , comme-plus capables de relever leur noirceur , en quoy elles mettentleur p'us grande beauté. Quand clics ont leurs beaux habits de toile, elles portent des coliers Sc des bracelets de Rafladc blanche à quatre ou cinq rangs, avec des rubans decoulcur aleurs cheveux, aleurs chemifes, &: à leurs juppes : & fe tiennent fort prop csles fours qu’elles ne travaillent pas. y uu 5 H ijfoire Naturelle Autrefois il y avoir des Nègres à la Martinique , qui par un abus intolérable porcoienc l’cpée ; mais i'on à eilé obligé- deleurofter, à caufe des fa fc heu Tes fuites que cela pouvoir avoir , &; ils ne portent plus qu’vn baftona la main comme 1 les Laquais. l’ay veü qu’on leur donnoit les aprefdifnées des Samedis pour laver leurs hardes,&pout raccommoder leurs, petites befognes , il y a mefine encor quelques vieux habi- tons qui gardent cette couliume.-mais on le leur a fi bien re- tranché en quantité d’endroits , qu’a peine leur donne-t’oti une heure de'relafche;ft bien que ces pauvres gens font obli- gez de dérober du temps de leur fommeii, ou de prendre cc- luy des Dimanches & des Feites,pour fe nettoyer raccom- moder leurs hardesi Quoy que leurs cheveux crépus nous paroifîent extrême- ment courts , il y a pourtant des Nègres qui les attachent des filets de coton pour les rendre plus longs:mais ie ne trou- ve rien de plus mauifade que de les voir en cét eilac ; car quoy qu’ils s’eitiment bien parez , quand il leur pend delà' celte une foixantaine’de cordons de coton qui lient leurs cheveux , de la groffeur du petit doigt- : cependant on pren» droit pour lors leurs telles pour celle d’une Medufe,à qui les-- Peintres apres les Poètes donnent des ferpens au lieu de* cheveux,- Aupatavântqu'üs ufalfent de chemifes , tant les hommes, que les femmes s’oignoient toutie corps avec de l’huile de Palmiftepour paroi lire plus noirs , maintenant iisme fe frot~ cent que le vidage, &: celuy de leurs enfans*- Quelques Ncgres fe razent la tefte par figures, tarîtoft err étoiles, tanrolt a la façon des Reiigieuxjmais la plus commu- ne c’eft de fe la razer par bandes , y ! autant autant de, plein que der-azé , &£ ilsfont ia mefme chofe à leurs petits gar- çon s..- Auparavant que leurs enfans portent des chemifes , les- Meres leur attachent des grelots aux ïambes &aux poignets^ elles leur mettent encore un Gober, des Braffelets &c uneef- peee de ceincure^de Raifade b le uë, blanche U verte. Des JntiUes habitées far les François, j 2$ Plufieurs Nègres particulièrement d’Angolc, ont une ef- -pece de broderie au vifage, au fein, aux bras &: aux épaules: &il faut pour cela qu’on leur ayt déchiqueté la peau avec unelacetteou quelqu’autre inftrument,&: qu’on ayt remply les cicatrices de quelque drogue pour les faire.lever.-car tou- tes ces cicatrices font des excreffances de chair , élevées de l’epailleur d’un gros grain d’orge,mais beaucoup plus lon- gues; elles reprcfentent differentes figures, les unes font tail- lées en fleursdes autres en étoiles, toutes font une bro- derie affez bigcareo j$v rî^ Du trauail qu on exige des Nègres. • g §• I X. S I le travail.auqucl Dieu engageale premier homme, eft un chaftiment de fa rébellion > & fi fa iuftice vangereffe y a tellement obligé les mal-heureux enfans de ce Pere cou- pable , que lob affeure qu’il ne leureft pas moins naturel, que le vo! àl'oy feau : on peut dire que les Nègres fouffrent •la plus rigoureufe peine de cette révolté. On peut aifément juger de la rigueur de leur travail , par la forte paflion que nos habitans témoignent pour amaffer du bien : car comme i’sïne viennent dans les Ifles que pour cela,ils tirent de leurs Nègres tout le fervice qu’ils peuvent» C’ell pourquoy ils les font travailler non feulement depuis le matin julqu’au foir : mais encor une grande partie de la nuiél:, particulièrement dans la faifon où l’on faitlepetun; car pour lors, ils ne finiffentpas le travail avec la journée: mais apres qu’ils oncfouppé,lcC5mandeur les conduit dans îaCaleàpetun , &£ diftribuë à chaque Nègre &: à chaque Négrcffe,&: mefme à leurs enfans, audeffus dedouÆeans, fcpz ou huiaul ettes de petun à éjamber , c’efi; à dire , fepc V u u i j Hijloire Naturelle ou huit Rofeaux longs de douze à quinze pieds, chargez: d’un bouc à l’autre de quantité de Plantes de Tabac, fan- nees , qu’ils font obligez de manier fuëille à fuëille pour en ofter la colle du milieu, ^quelques habiles qu’ils foient, il eft toufiours plus d une heure apres minuit quand ils ont ache- vé. Mars à peine ont-ils dormy trois ou quatre heures, qu'on les éveille pour retourner au travail , ce qui haraffe ces pauvres gens d’une celle maniéré , qu’on les void dormir tout de boutjquelqu’en vie pourtant qu’ils ayent de repofer, il faut qu’ils s’en deffendent : car h le Commandeur qui les obfei vedans le travailles voit fommeiller, il les frappe d’u- ne lianne , qui leur fait bien-toft perdre l'envie de dor- mir, Audi l’on peut a bon droit leur appliquer la définition qu’Anftote donne des ferviceurs , quand ils les appelle les ’ inftiumens de leurs Maiftres ; car comme le M aiftre fe ferc de fes iniirumens, quand &c comme il luy plaîft , ainfi on les occupe à tout ce que l’on veut. & l'on leur fait quitter la be- fogne qu’ils ont commencée , pour en reprendre un autre, fans qu’ils témoignent la moindre répugnance. ïe remarque pourtant trois chofes qui rendent leur travail extrême ment fakheux. La première eft, la chaleur du pays; careftantexpofez pendant tout le iou-r aux rayons du Soleil, il les échaufc d’une fi eilrange maniéré, qu'ils fondent continuellement en eau, de (orte que I on prendroit l’entre- deux deleurs épaules pour une goutiere, a caufe delà lueur continuelle qui en découle en une û prodigieufe quantité, que cela eft inconcevable. L’humeur fafeheufe des Commandeurs qui les frappent à la moindre fantaifie qui leur en prend, çft la fécondé chofe qui rend leur travail infupporrablc : car pour faire les bons valets , ou pour reparer le temps qu’ils ont employé à la dé- bauche, ils pouftenc ces pauvres ef, laves au travail, avec des rigueurs, que les Maiftres ne fouffvirôicnt pas, s’ils en avoieng la connoiffance. Delà vient qu’il meurt une infinité de Né^ grès , dont on ne connoift pas les maladies , les uhs ai reliant Des Antilles habitées par les François. j du petun , d’autres en fardant la terre , d’autres en faifant d’autres ouvrages^ la piufpart font plultoft morts que leurs Maiftres n’ont feeu leur indifpofition : car ils ont beau fe plaindre, fi leur Commandeur eft fafeheux , il fe rit de leurs plaintes , &c les pouffe au cravail à force de coups , /ulqu’à ce qu’ils n’en puifient plus. Mais ce qui rend leur travail le plus pénible &: le plus fâ- cheux à mon adviSjC'efl l’infrudluofité de ce travail ; car ils fça vent bien que toutes leurs lueurs vont au profit de leurs Maiftres, &: que quand ils leurs amafieroient des montagnes d’or, il ne ieur en reviendra jamais rien, & que quand ils vi- vroient des fiecles entiers,& qu’ils travailleroient davanta- ge qu'ils ne font , ils ne retireroient pas un fol de profit de toutes leurs peines; Tous les Nègres , hommes, femmes, garçons & filles, au- deflus d’onze ou douze ans, travaillent egalement ; & tout l’avantage qu’ont les femmes, c’cit que leur travail n’eft pas îôufiours fi rude que celuy des hommes, & qu’on leur choific de la befogne ailée quand elles font grolies de fept à huit mois. Les Nègres qui fuivent Meffieurs les Officiers à cheval, ne font pas pour cela difpenfez du travail , quandils (ont de retour ,• mais les N egreffes que leurs femmes piennent pour lés fervir, & pour tenir leurs enfans , font difpenfcz du tra- vail , ne font plus fous la jurif îidtion des Commandeurs, & ne s’occupent que dans les choies du ménage, comme les ■ fervantes Françoifes. Les Nègres qu’on employé à 1 a Chafle ou à la Pefche , ne font ordinairemefir autre chofe, parce que ces deux exerci- ces demandent un homme tout entier. Vn habitant qui a deux bons Nègres, peut vivre fort à fon aife & honorablement ; car ils luy peuvent fournir chacun de leur travail, 17. ou 18. cens livres de Tabac, fans les vivres qu’ils fonc,& il s’elt trouvé des habicans à la Martinique, qui louant leurs cfclaves à d autres François, à un certain prix par mois , y trouvoient aufii bien leur compte, qu aies faire (travailler. Vu u iij j 2 6 Hiflolre Na turc lie JOes Récréations des Ne grès. §. X. V N Poëte avoitbien raifon de dire chez Platon , que Dieuofte la moitié del’efprit aux efelaves, Dimidium mentis Iupiter illis aufert , de peur que connoiffant le mal- heur de leur condition , ils ne s’en affligent avec excez , 5c ne deviennent incapables de rendre fervice. Nous avons une expérience de cecy dans nos Nègres , qui ne fongent point à leur déplorable condition , que lors qu’on les mal- traite : mais c’eft encore fi legerement, que fl cette penfee les occupe aujourd’huy, ils n’y longent plus le lendemain. C’eft auffl d’eux que l’ô peut dire, que toute la terre eft leur patriejcar pourveu qu’ils trouvent à. boire 5c à manger, tous les Pays leur font indifferens,& bien éloignez des fentimens des enfans d’Ifraël , qui eftoient incapables d’aucun diver- tifîement dans la rigueur de leur captivité , 5c qui rejet- toient les récréations les plus innocentes, comme incom- patibles avec l’état prefent de leurs miferes : ils ne font pas moins joyeux dans leur fervitude , que s’ils eft oient parfaitement libres ; car ils chantent, danfent, 5c fediver- tiffent bien fou vent mieux que leurs Maiftres , 5c que ceux qui leur commandent. Il nefepafle guéres deFeftes&de Dimanches, queplu- fieurs Nègres d’une mefme terre, ou de celles qui leur sot voi. iineSjiie s’aflèmblent pour fe recréer ; 5c pour lors ils danfent à la mode de leur pays, tantoft à la cadence de leurs chan- fons, qui forment un chant très- defagreable , & tantoft au fon d’un tambourin , qui n’eft autre chofe qu’un troc d’arbre creufé, fur lequel l'on a étedu une peau de loup marin. L un d’eux tient cét infiniment entre fes jambes, & joüe delius Des Antilles habitées par les François. j2 / avec Tes doigts , comme fur un tambour de bafque ; puis quand il a joué un couplet de la chan (on , ceux qui danfenc en chantent un autre, continuant ainfi alternativement cane qu’elle dure. I en ay veu quelques.vns , qui faute de tambour fefer- voient de deux callebalfes remplies de petites roches , qu’ils manioient pourtant avec tant d’adreffe, qu’ils formulent un fon allez agreablê. Us font des podures fi contraintes , &: des contorfions de corps h violentes en danfant, que ie me fuis fouvent étonné* comme ils pouvoient fe remüer, apres avoir celTé ce pemble exercice: ccpen dant en fortant de là, ils font fi frais,&: paroif- fcnc ii peu fatiguer, qu’on ne diloic pas à les voir, qu’ils ayenc danfé. Us paffent en ces recrearions non feulement raprefdifnée entière désDimanches,mais ils continuent quelquefois leur diverciïfement conte la nuit, ne fe feparant les uns des aucres, pour s’en retourner à eurs habitations, que pour fe rendre avec les autres, à l heure qu’on les meine au travail. Pendant que les hommes les femmes danfent& fautent déroute leurforce , les pecits enfans compofenc une autre danleà pâ' t , où il y a du plaifîr à les voir imiter les poftures de leurs Peres & Mores, &c contrefaire leurs gelles : mais ce qui edeftonnant dans ces enfans. > c’eit qu’ils ne s’ennuyent pas plus dans ces pafle-temps que les grandes perfonnes , de 1 Oi te qu’ils chantent &: danfenc iufqu’à ce que le fommeil les accable. Quand ils ne font pas ces affemblces , ils vont rendre vifî- te , ou la i eçoivent , & la liberté qu on leur en donne cft une des plus grandes fatisfa&ions qu’ils ayent dans leur mal- heur Us reçoivent fort bien ceux qui les viennenc voirfqui font ordinairement ou leurs Alliez, ou dc^s Nègres de leur terre ) & n’épargnent rien de ce qu’ils onc dans leurs Cafés, pour leur faire bonne chere. I’ay veu 1 un de nos Nègres tuer inq ou fix pièces de volailles , qu'il accommodoic à x&taçon, & dep enfer plus de trois pintes d’eau de vie, pour Hiftoirt Nature lié ^aler cinq ou fix efclavçs de Ton pays qui l’eftoient venu voir ; & comme ie le blafmay de prodigalité , il me lepondit qu’il avoit autant fait cette de penfe pour leur montrer qu il elloit bien >&: qu’il n’eftoit pas miferable comme tel & tel deleurpays , ( ce qui fait le fujet le plus ordinaire deleurs converfaaons ) que pour leur faire paroiftre fon affe- Quand un Nègre reçoit vif te , il appelle ordinairement au petit régale qu’il fait, fes autres camarades , hommes 8c femmes ,lefquels pour paroiftre aufti courtois que luy , trai- tent aufli ceux de dehors, &i!s s’en retournent rarement, fap$ avoir bu un coup ou deux dans chaque Cale, quand ces pau- vres crens ont un peu de boiflon , ce qui n’arrive pas rouf- ’°I C remarquayun iour avec beaucoup de fatisfadion un Nègre d’un de nos habitans fortir de la Café de noftre Do- minique , chargé de viande & de Cafiave , ce qui m’ayant obligé de luy demander pourquoy il luy don-noit toutes ces chofes, il me répondit en fonbaragoüin, que fon M aiilr en'(~ toit pat bon Ctptian, pas' fa# a N égre, luy point donner à manger; que ce pauvre efclaveeftoit de fa terre , qu’il luy gardois toufiours un morceau de ce que nous luy donnions, que ce pauvre Néo-re venoicquerir chaque Dimanche. Leurs plus grandes refioüiftances fe font au Baptefme de leurs enfans cai\pour lors ils invitent toqsles-Négres de leur Pays/ aufli bien que tous ceux de la Café , & ils ven- dfoient pluftoft tout ce qu’ilsont, qu’ils n’eulfent de l’eau de vie pour folemnifer leur naiffance. Ouoy que les François ne s amufent pas a boire avec eux dans ces divertiffemèns , les Parrains & les Marraines qui Donc ordinairement des François, amis de leu; s Mailties , ne lailfent pas de contribuer à la bonne chere. ^ Ils font les mefmes refioüilTances lors quel on marie leurs enfans; maispour lors,c’eftau defpens deleurs Maiftres, qui les traitent, & qui leur donnent de l’eau de vie, tant pour eux, aue nour ceux qu’ils prient au feftin. Des Antilles habitées par les François. ApresleFeftin ,i’s danfenttout le iour & route la nuid, &: quand le Maiftre cft un peu facile , il leur donne encore le lendemain pour continuer leur récréation. L A necefiîté queie me fuis impofée de ne rien omettre dans ce traité , de ce qui peut donner au Lecteur une connoifiance parfaite de la condition miferablc de ces pau- lement de leur devoir : on les range auiîi par la rigueur des chaftimens quand ils s’en écartent. Leur humeur arogante & fuperbe, oblige nos habitans de ne laifTer palier aucune faute fans les en punir , à caufe des confequences dangereufes qui pourroient fuivre de l’impunité ; Sc ils font contrains de les chaftier,pour l’exem- ple des autres , de certaines fautes , qu’ils diiiimuleroienc dans toutes autres perfonne, s. Sansjcette ligueur, il feroit impofiîblc deles conferver;car l’on a veu par mille expériences, que l’impunité les rend in- fupportablcs , & que fi le Maiftre &: le Commandeur qui a foindeleur conduite, ne s’en font craindre , ils Iesmépri- fent, fe débauchent, &: ne travaillent pas : c’eft pourquoy toutes les Nations de l’Europe , François , Anglois , ’Efpa- gnols , Portugais & Holandois , qui fe fervent de Nègres dans l’Amérique, tiennent pour maxime fondamentale dans le gouvernement de ces efclaves , de ne les fraperiamais Des chaftimens dont on punit les fautes $. XI. vres efclaves; m’oblige de parler des chaftimens dont l’on fe fert pour les corriger, & de dire que comme on les gagne par la douceur, qu’on leur témoigne quand ils s’aquittent fidc- Xxx j$o Hiflcire Naturelle fans fujct , mais aufft de ne leur pardonner ramais aucune faute. La plufpartdes peines donc on punit les fautes des Nè- gres, eftant arbitraires , & à la difcretion de leursMaiftt cs,ie ne fçaurois precifément les déterminer , ny en donner une connoiftance entièrement cxaélcœ’eft pourquoy ie me cotv- tenteray deremarquer celles qui leur font le plus ordinai- res , &£ de rapporter divers chaftimens dont ie les ay veu ps- nir. La Par elle , le Larcin , la Defobeyffance, laFuitc Scia Révolté, font les fautes àufquelles ils font le plus fujcts,&r pour lefqueil.es on les punitimaisavecdeschaftimensbicrï dilFerens. En effet , ils font quittes de la première pour quelques coups de Lianne, que le Commandeur porte ordinaire- ment à la main , de laquelle il fan^le ceux qu’il trou- ve écartez de la bande pour ne pas travailler. CesLiannes qui font des branches d’une plante, groffe comme le pouce,, font fouples & pliantes comme de la-Baieme,& fait autanc plus de mai qu’un nerf de Bœuf, fi bien que quand le coup eft violent, il emporte la peau, ou fait au moins vne enfleure qui dure un iour ou deux . Le Larcin n’a point de chaftiment déterminé ,& il eft per- mis à tous les- habitans de battre les Nègres , quand ils les furprennent dérobans fur leurs habitations , ou dans leurs Cafés- Il eft vray qu’ils n’ont pas le droit de les tuer pendant, je jour, ô£ uimabitanc fc roi t puny exemplairement, Se obli- gé de rendre un autre Nègre, s’il en avoir tiré quelqu'une mais pendan t la mu cl il eil permis de tirer & de les tuer. l’ày connu un fort honnefte habitant à la Martinique, qui en traita un de la maniéré que ie va dire. Voyant qu’a- pres luy avoir plufieurs fois pardonné fes vols, il abufoit de Cx bonté, il l’attrapa un iour dans fon Parc à cochons, luy cou- pa les deux oreilles, Lins autre fo^me de procez,ïes envelop- pa dans des fuëiî les d’arbre, & luy donna- ordre de les por- ter à fon Maiftre. Laluftice les fait quelquefois attacher auCarcan publie Des Antilles habitées par les François. jji pendant tout un iour, avec un certain Bâillon à la bouche, qui s’ouvre par une ville, ce Bâillon eft frotté de piment qui fait baver ces pauvres miferables, d’une maniéré qui leur cft d’autant plus fafeheufe , que les petits enfans fe mocquent d’eux, &: fe divertiflent de leur peine. On les y attachoic autrefois par l’oreille avec un clou , & apres y avoir demeuré quelque efpaçe de temps l’on la leur coupoit. Il me fouvient à ce fujet , qu’un pauvre Nègre de faine Chriftophe ayant défia perdu l’une de fes oreilles parcefuppliccj'cômeil fut condamné à perdre l’autre, il ne voulut jamais permettre qu’on la luy coupaft, qu’il n’eut par- lé à Monfieur le General de Poincy , ce qui luy ayant efté accordé , il fe jetta à fes pieds , le pria d'avoir pitié de luy, 6c de ne pas permettre qu’on luy coupaft l’oreille , parce qu’il ne fçauroit plus où mettre fon bout de petun fi on la luy oftoit j ( car c’eft une coutume aux Nègres d’avoir toufiours un bout de petun fur chaque oreille pour fumer en travail- lant,) fa fimplicité, ayant touché Monfieur de Poincy, il luy fit mifericordc. La Defobeyfifance cft punie avec rigueur ; car l’on n’épar- gne point les coups de Lianne au Nègre, qui refufe de faire ce qui luy elt commandé. Il faut pourtant que ie donne cet- te loüange à nos François, qu’ils en vfent avec une modéra- tion, qui condamne la cruauté des Efpagnols; qui tuent fans mifericorde leurs efclaves au moindre refus, qu’ils font de leur obéir : aufti les Commandeurs Efpagnols ont toufiours deux ou trois piftolets de ceinture, & à la moindre refiftance, ou parole un peu haute , que fait ou que dit un Nègre , ils le tuent fur la place en prefence des autres : cette Nation te- nant pour une bonne maxime de fa Politique , qu’il vaut mieux perdre unN égre que d’en perdre cinquante. C’eft par cette voye de rigueur que les Efpagnols 6c les Portugais fe font tellementfait craindre à leurs efclaves , qu’un Com- mandeur en aura quelquefois quatre ou cinq cens fous fa conduite , qui n’oferoient le regarder en face , ny foufler devantluy. Xxx ij 5 32 Hïfioire Naturelle Les N egres fugitifs, 5C parcicu'ieremenc ceux qui débau- chent les auct es , font chaftiez fort rigoureufement ; caron les attache a un Pilier , & apres qu’on ieur a découpé toute la peau a coups deLiannes,on frotte leurs playes avec duPi- ment , du Sel > ÔC du jus deCitron, ce qui leur caufe des dou- leurs in croyables .Quand ce soc de pauvres Femmes qui ont fuivy leurs Maris, ou des Enfans qui ont fui vy leurs Pères, de qui 1 on n appréhende pas une féconde fuite, ils en font quittes pour ce chaftimentj niais quand on les ratrape une fécondé ou une troilielme fois apres leur fuite , les Maî- tres renouvellent cette punition une fois ou deux la fem ai- ne , pendant un mois. L on met ordinairement aux pieds de ces efclaves qui Ce font etuiiis pluficurs lois, de gros fers brilez , ii pefins qu’ils font obligez de .es foultenir avec une corde ; puis l’on rive ccs fers , qui ne les empefehent nullement de marcher d aller au travail avec les autres, «Si à moins qu’on ne vove en, eux un grand deplaifir de leurs fautes paifées,ils portent iour 6 nuit ces fers, le refte de leur vie. I ay veu dans faint Chriftophe pluficurs Nègres qui a- voient desColliers de fer autour duCol,m:fquels êtoient at- tachées deux gr âdes barres fur le derrière, en forme de croix de faint André, dont les deux bras d'en- haut pafioient deux pieds au dellus de leurs teftes , aux extremitez desquels il y avoit deux petits crochets aulîi bien qu’à celles d’en bas. C’cft là le meilleur moyen qu’on ayt peu trouver pour arrê- ter les plus mefehans, car il ell impoihble qu’ils pafleritpar les bois du pays avec ces infiruniens. La iuflicene prend point connoilfance de ces fortes de fautes, mais en laide le châtiment àla diferetion des Maîtrcf, qui les punillent par les voyes qu’ils iugent les plus propres pour les ranger à leur devoirli n’y a que 1a Révolté qu’on punit inexorablement du dernier fuppliee. C'elt ce que l’on a pu remarquer en beaucoup d’endroics de ma Pre- mière Partie, où , ay die, comme l’on a écartelé &: brufiéles principaux Authcurs desRevoltcs.il eft vray que quand il y Des Antilles habitées par les François . /// en a plufieurs d’vne bâde,on ne punie de mort, que les Chefs, &■ l’on rend les auti es à leurs Maidres,qui les punilfent chez eux du chaftimcnt des fugitif. L'on obferve ordinairement deux chofes dans les puni- tions exemplaires que l’on fait des Nègres fugitifs: car Pre- mièrement i’on oblige les Maidres de Café du quartier où l’execution fe fait, d’envoyer tous leurs N égres, hommes &£ femmes , garçons & filles , & rnefinè iulqu’aux enfans, pour aflider au chadiment de ces révoltez , afin OjUeparla peine qu’ils voyentinfiiger pour ces fortes de crimes, iis foient dé- tournez de pareilles fautes. Si par l’Arrcd l’on ordonne que le corps de ceux qui font condamnez à mort , feront brûliez apres avoir elle effran- giez , l’on contraint les Nègres de porter chacun vn mor- ceau de bois pour compoler le feu ; mais lors qu’ils font exempts du feu , l’on écartelle ces corps &c l'on en attache les membres aux avenues des places publiques, alamefervc de la telle qui edeoufiours donnée au Maiilre pour la faire mettre fur un poteau au milieu de Ion habitation, pour im- primer plus de crainte à fes efclaves. La féconde chofe qui s’obferve , c’cd que pour recompen - fer le Maiilre dont on fait mourir les Nègres , l’on en prend le prix fur le public, parce qu’il n’ell pas mile que lui perde plutoll fies efclaves que les autres, dont les efclaves ne l'ont pas moins coupables. Les Nègres fouffrent allez patiemment la peine de leurs fautes , mais quand on les trappe à tort , ils rugiflent comme des lyons, s’emportent dans une furie qui n’elï pas conccua- ble , ôc qui dégcncreroit en vn chagrm capable de les faire mourir, fi cela leur arrivoit fouvent. On ne Fait pas femblant toutefois d’éçouter, les p'aintes qu’ibfont cotre IcursCÔman dcurs,& quelques iuflcs qu’el- les foient, on leur done toujours le tort,de peur que fi leMaif- tre abandônoit i’intereft de celuy qui leur cômande,ils pnf- fenc la hardielle de luy defobeir , ou de 1 u y refider quand ils les frappe, dans l’cfperance que leMaidrc les foudien droit i Xxx îij * C ( ;■ - ^ 334 H foire Naturelle mais l’on avertit le Commandeur en' particulier , &011 ltiy deffend delcs mal. traiter fansfujet , 5 c me fine avec trop de rigueur quand ils ont failly. Vn Nègre qui auroit étape vn François, ou levé la main furluy , peut eftre mis entreles mains delamftice, &: j’enay v,eu vn auquel on avoiccoupé le poing, pour avoir donné vn fouflet à ton Commandeur. Chaque Ifle a Ton Bourreau, qui eft ordinairement un Ne- gre,à qui on donne la liberté pour ce fujet,qui eit auffi toute la recompenfe qu’il tire de cét employ infâme. le ne puis finir ce paragraphe fans exhorter les habitans des Antilles , par les belles paroles de faint Ambroile , &r de les prier comme ce grand Prélat faifoit les Maiftres Chré- tiens de fon teps,de traiter leurs efclaves avec charité, parce qu’ençor bien que la fortune les aytrendus leurs ferviteurs, ces pauvres miferables ne laiûfent pas d’eihe leurs frétés par Jagrace du Bapcefme,qui les a fait enfans de Dieu. Etjî fr- uits tfl condition?, gratta tamen f rater efi ? Etenim femïlitcr Chri- fum induit , ijfde m participât f&cramentù , eodem, quo o~ tu,vtitur fratre , curie non r utsitur r vt fratre ? les conjurant aufli d’avoir l’œil fur leurs Commandeurs, qui abufent tres-fou.vent de J’auchoiité qu’ils leur confient , &c qui traitent leurs efcla- ves , avec des inhumanitez qui les reduifent fou vent au de- fefpoir &: à la fuite. Des motifs qui obligent les Nègres à fe rendre Murons i c eft a dire a fuir de chez leurs Mafres :0f de la façon qu ils vi- uent dans les bois. §. XII. I E ne veux pas nier que le defir de la liberté , qui eft natu- rel à tous les homes, ne foit une des caufes prédominantes Des Antilles habitées par les François, jjç 4 e la fuite des Nègres, puis qu’ils ne font ny affezftupides,, ny aflez ignorons pour ne pas cônoilhe l'excellence du bien qu i s ont perdu : quelque palîîon pourtant quela nature leur donne pour la liberté , aufïi bien qu’au refte des hom- mes , l’ofe foufknir que ce motif n’ell pas le plus puiflantj qui les oblige a s affranchir de la fervitude par la fuite. Car ° aîre cc 4 ue J a y dit cy-delîus, que route la terre eft leur Pa- tne, pourveu qu’iLs y trouvent à boire & à manger , ils efti- ment h peu la liberté , que plufieurs Capitaines de Navires* dignes defoy, qui a voient fouvent frequente les colles d’A- nique , m ont affeuré,que les Peres y vendent leuts propres en ta ns aux eftrangers , & ce qui clt horrible à lire qu’eux- memes fe vendent quelquefois pour des bouteilles d’eau de vie, s engageant pour toute leur vie à vnefâcheufe fervi- tude, peut avoir dequoy s enyvrer vne fois. Les extrêmes miferes que la plufpart de ces efclaves fout- renten leur pays, eftfans doute la principale raifon del’in- ieniibi Iicc , qu’ils témoignent dans nos Ifles pour la liberté qu ils ont perdue lors qu’on les y a apportez : car (bit que leur Climat foit ingrat, ou qu’ils négligent par paicfl'e d’en cultiver la terre, ils. s’eftiment plus heureux d’eftre_efclavcs parmy nous, quand ils y font palfablemcnt nourris, & qu’on es traite avec douceur , que d’étre libres en leur pays cù ils meurent de faimjc’dl ce que ie Içay de la bouche mcfmc ck quantité de Ncgres , qui m’ont avoüé qu’ils ne voudroienc pas cftre obligez de retourner chez eux. C'eft pourqwoy il tant chercher d’autres caufes de leur fuite, que le defir de la liberté. Apres y avoir bien penfé , il me femble qu’il faut diftin- gmi entte ceux qui font nouvellement arrivez dans les lues , & ceux qui y ont défia demeuré long-temps; & dire que les caufes delà fuite des uns &: des autres eft différente. Car la peine qu’ont les premiers au travail auquel ils ne font nullement accouftumez dans leur pays, les rebute & les porte à quitter leurs Maiftres , & à s’enfuir dans les bois,, èlpcrant dy trouver le chemin pour retourner chez eux; 326 Hijloire 'Naturelle mais la faite des autres, eft ordinairement l’effet ou des mau- vais traitemens de leurs Maifties &: de leurs Commandeurs, ou le manquement de nourriture. L’on ne fçauroit dire combien les Premiers pâtiffent dans les bois, car ils n’y vivent que de fruits fauvages, deGrenoüillcs , de Crabes , de Tourlourous , qu’ris font contrains de manger tous crus ; & ils y endurent tant demifercs, que pludeurs retournent d’eux-mefmes quand ils peuvent retrouver le chemin ; & les autres y meurent miferablernent de faim , oudes maladies qu’ils y con- tractent. Les féconds eflant plus accouftumez au pays, nefe ren- dent jamais Marons, qu’ils n’ayent mis ordre à leurs affaires: c’eft pourquoy ils fe muniffent de ferremens, comme ferpes, haches &z couteaux, emportent leurs hardes , font provifion de gros Mil,& fe retirent aux lieux les plus élevez des mon - tagnes,qui font prefqu’inaecefiibies,où ils abattent du bois, font un jardin, y plantent du Manyoc & des Igniames,& en attendant qu’ils foient en maturité, ils viennent la nuiét à la liziere du bois , où les autres Nègres ne manquent point de Icurporcer à manger de ce qu’ils ont. Quand ils n’en peu- vent eftre fecourus,ils vont hardiment la nuiét dérober dans les habitations , Sz y prennent tout ce qu'ils trouvent, il y en a rnefme qui font venus dérober iufqu’à i’efpée &z au fufil de leurs Maiftres. Si -tolb que les vivres qu’ils ont plantées, font en maturité, le Mary vient quérir fa Femme &:fesenfuns, &z les autres viennent débaucher d’autres Nègres pour avoir compagnie. L’on ne fçauroit dire avec quelle abondance ces efclaves fugitifs fe nourriffent, carrienne leur manque, des chofes qui fe trouvent dans les bois , qu’ils accommodent àleur fa- çon Sz à leur gouft. En effet, les Chaffeurs delà Martinique ayant découvert en l’an 1657- ï Ajoupa d’unNégrefugitif,ils y trouvèrent de la Caffave , des Patates, & deux grandes Callebalfes remplies de ferpes falez, aufquels il avoir coupé I» telle, d’autres Callebaffes pleines d’eau,, U untifontouc allumé. Des Antilles habitées par les François. 33 f allumé. Quelques-uns ont vécu les cinq& fix ans en cct eflat, & l’on croidmefme qu’il y en a encor à la Martinique qui multiplient avec leurs femmes , & quoy qu’on leur ayt Peuvent donné la chalTe,on ne les a iamais pû rcncontrerjcar ils ont badrede de ne point faire de feu pendantle iour , de peur que la fumée ne découvre le lieu de leur retraite. Ces fugitifs font tout à fait à craindre , car quand ils ont goulté cette façon de vie, coquine & miferable,l’on a toutes les peines du monde à les réduire; ils débauchent les autres, &: l’on s’elt veu réduit à cette extrémité à la Martinique,: qu’on n’ofoit dire un mot de travers à un Nègre , ny luy fai- re la moindre correéf ion qu’il ne s’enfuît dans les bois : les Négreifes mefmes les imitoient , & s’y en alloient avec de pe tits enfans de fept ou huit iours. Des maladies des Négres>de leur mort /S de leurs funérailles. §. XII I. 1 _ ' 'i 1 ïen que les Nègres ne foient pas fi maladifs que les 1 (François , leurs maladies pourtant font bien plus vio- lentes , & il y en a certaines aufquelles ils font bien plus fu- jets qu’eux. Ils font allez fouvent atraquez d’un mal de telle extraordinairement violent, plufieurs habicans en perdirent de ce mal à la Martinique en l’année Mais l’on fut particulièrement furpris de celuy que nous perdifmes pour lors , qui mourut le farcloir à la main , fans dire mot , ny fc plaindre a les compagnons, bien qu’il fullelli mêle plus fort & le plus robulle de l’ifie. Comme ils vont toufiours nuds pieds , ils les ont ordinairement mangez de Chiques , &: à ; moins que les Peres & les Meres ne baignent cous les iours leurs enfans, & ne les tiennent bien propres, ils ontprefque tous l'Epian. Quand un Nègre efl: malade, on luy porte tout enfemblo’’ Yyy T 33$ Hifc otre Naturelle |e Vlatique&r l’Extreme-Onction, &c à moins qu’ils ne de^ meurent proche clés Egiifes , l’on n’a pas touiiours le temps de les aller voir dans cette extrémité. Ceux qui appartien- nent à de bons Maiftres qui en ontfoin , qui les affilient. Se qui leur deftinent quelqu’un delaGafe pour le fcrvir jls font allez heureux; mais il n’y a rien de plus miferab le quand ils appartiennent à d’autres qui les négligent. - C’eft dans cette rencontre que patoift le zele infatigable de nos Miffionaires ; car il leur faut fou vent faire deux ou trois lieues de pays , pour aller confoier un pauvre Negre couché fur fon Grabat , le plus fouvent abandonné de tout fecours 3 &: qui ne voit perfonne que ie foir, quand fes Cama- rades retournent du travail.il y amefrne desMaiftresfiinhu- mains, qu’ils ne veulent pas qu’une femme perde fon temps (comme ils difent)auprés de fon mary ou de fon enfant ma- lade. le n’en dis pas davantage , mais l’on peut aifément ju- ger delà peine de ces pauvres gens, en qui les fentimeiis de la nature ne font pas eftouffez avec leur liberté. Quand un Nègre eft moit , le Commandeur en dcftinc quatre autres pour l’apporccr à l’Eglife fur deux grandes perches , difpofees en forme de fîviere : Se c’eft i cy où j'ay fouvent déploré l’effroyable mi'fere de cette condition ; dans tous les autres cftats la mifere finie avec la vie du rnifcrable,mais elle per fevere encore dans nos cfclaves apres leur mort, car il ne faut point parier de fuai- ie , Sé de cinquante qui meurent, il n’y en a pas deux qu’on cnicvelifîe dans de la toile : on les apporte couverts de leurs mefehans haillons, ou en velopez dans quelques feüillcs de Baiifiers.Ceux qui ont apporté le mort, font la foffe où nous les enterrons. Si la charité de nos Miffionaires ne les afîiftoitde leurs prières , Se ne les portoic à dire une Mefle pour eux , il ne faudroit pas s’attédre que perfonne les fecourûtjoutre qu’ils n’ont rien, leurs Maiftres le mettent fore peu en peine de fai- Ve prier Dieu pour eux : C’eft pourquoy , ieplamsbien les cfclaves, où il n’y a point de Religieux qui eftendent leur chanté fur eux iufqu’apres leur mort > Se h ïamais 1 in ter eft Df'SÀt tilles habitées par les François. j?p rcgnedans le> ïfles^il eft certain qu’ils n’aurontplus de fou- Jagemenc, F I N. Fautes furvenuës à J’Impreflion. "î) Age ii. ligne I2.falé, lifez filée, p. U. ligne i. Baffetetrc, lif. Baffeterre. p.ij. £■ ligna), du Pieflis,// du Pldfts, p 31. 1 . 13. Pere du Chevalier, U -frere du Che- valier, p. 31 ligne 3 eft établi,/// fut établi, p. 38- ligne 18. Lande lif. Bande , p. 4 o. ligne 3. 1651. lif. 16)0. p 49. ligne 27. aux gaffes,//, aux gaffes, p. 49. ligne ig plain,//. pleines, p. 74. Chapitre 2. Uf. Chap. 3. ibid. ligne 34- les nieéfntes, lif. les comeétures, p. 1 $ 4 -. ligne il. touffe de lcts gros,//, vne groffe touffe de filets, p. 167. ligne 3. 40. pieds du trou,//. 40. pieds du tronc, p. 171. §. 8. lif. §.12. p. 172. §. 9. Uf. §. 13. p. 184. hg. 3. 16 ) y. l,f 1657. p. 233. ligne 17. le cours, Uf. le canot, p. 247. ligne 1. y lue, l/f. y lave, p. 239. ligne 7. Viguiot, lif. Vigniot, p. aj 4 . Ug ne I9 . couvenr, UJ. cloulènt. p. 2J4. lig. 19 Gifles de l a queiie, //.plumes delà queiie,p. 25J. Ugne 5. certains petis oyieaux.//. certains grands oyfeaux. p. 2 99. ligne 4. figura. Uf figure, p. 300. ligne 2c. ne feroir, lif. ne feroit,p. 31 1 . ligne 4.p'ondu & les bouclunr, lif. pondu clics bouchent, ibid. Ugne it. & ,fc jettent, Uf. elles fc jettent, p. 313. Ugne 28. Gcluv, lif. Celuy,p. 328 .ligne 1. touché des orties, lij. touché avec des orties, p. 3 43. Ugne 13. quelle eu vie, lif. qu’elle eft en vie. p. ;4/.§. 6. //.§j.p. 3*3 ■ ligue 37. Groenand, lif. Groenlano, p. 416. Ugne 26. que, Uf. qu il , p. 428- ligne 11. Guyeyma, //. Gueymu. ibid. Ugne i5.vj&orieux,//.entr’eux. p. 430 .ligne 30. fort. lif. faut. p.j)^9.ligne 7 ,i6gî.Ufi6j 6. ip.^6).hg>ea6. froiercnt .lifef fraitterent. y. 46s. ligne 17. du. //.de. p. y). ligne 3. Auû.//. Ainfi. p.jiy. ligne 8. qu’il e» font. Uf. qu’il font- p.ç2i .ligne 20, vue. lif.Yn. p.530 . ligne 18. plus. lif. ou plus.p. 53 É. ligne x€. plantées, ///^plantés.