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jefka
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Les mots, mis bout à bout pour s'enquérir des choses de la vie et rester éveillé.
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Par Anonyme, le 18.03.2024
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Par Anonyme, le 25.01.2024
l'homme le plus extraordinaire du xxeme siecle ..., il chante toute l'humanité éternelle et animale de l'attir
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merci pour votre service
Par Anonyme, le 25.01.2021
pourquoi
Par Anonyme, le 06.03.2020
Le corps serait-il le tombeau de l’âme, selon l’expression de Platon ? Autrement dit, la pensée serait-elle circonscrite par des exigences corporelles ? Des impératifs physiologiques annihileraient-ils toute tentative de l’esprit destinée à sortir de soi-même ? Platon développe dans Phédon l’idée d’un antagonisme entre le corps et l’âme, le premier refusant à la seconde une approche totale de la vérité : « …tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée par un tel mal, nous n’atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disons que l’objet de nos désirs c’est la vérité…Il(le corps) nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d’innombrables sottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser…La conséquence de tout cela, c’est que nous n’avons pas de loisir à consacrer à la philosophie…il(le corps) intervient sans cesse dans nos recherches…nous rend incapable de discerner la vérité. » Avant de pouvoir s’engager dans toute démarche spirituelle, l’homme serait soumis à toute une série de servitudes à laquelle il lui est difficile d’échapper pour vivre pleinement sa pensée. Les besoins primaires, pour reprendre la théorie de Maslow, l’assaillent, tels la faim, la soif, la sécurité. Il lui faut donc travailler pour subsister dans sa chair, s’épuiser dans des préoccupations utilitaires au lieu de s’épanouir dans des activités libérales. Le travail accapare celui qui s’y soumet, lui vole du temps disponible. En outre, une fois l’aisance matérielle acquise, le corps n’est pas pour autant rassasié. Que l’on soit pauvre ou riche, que la fortune nous accompagne ou pas, la sensibilité qui nous caractérise ne nous abandonne jamais. L’affectivité possède notre espace mental, jusqu’à nous corrompre dans l’illusion. Ce constat est un message de Socrate restitué également dans Phédon : « Toute âme humaine, en proie à un plaisir ou à un chagrin violent, est forcée de croire que l’objet qui est la principale cause de ce qu’elle éprouve est très clair et très vrai, alors qu’il n’en est rien. » Le corps est donc omniprésent ; il exige le maintien, l’entretien, la satiété, tout en ne promettant aucune gratitude certaine. La maladie dans l’absolu n’exclut personne. Est-ce pour autant que le corps est omnipotent et condamne ainsi l’âme au silence ? Certainement pas, l’homme ayant dépassé le stade de l’animalité. Mais l’humanité, en tant que représentation de la pensée, s’acquiert. Seulement Platon prévient que le corps n’est jamais bien loin. La raison doit composer avec l’illusion, l’imagination, l’empêchant ainsi d’avoir un rapport absolu avec la vérité : « Mais le pire de tout, c’est que même s’il nous laisse quelque loisir et que nous nous mettions à examiner quelque chose, il intervient sans cesse dans nos recherches, y jette le trouble et la confusion et nous paralyse au point qu’il nous rend incapable de discerner la vérité ». L’homme ne peut pas se détacher totalement de lui-même, une part de subjectivité et de sensibilité entrant toujours en ligne de compte, ombrant tout raisonnement à prétention objective. La seule issue envisagée par Platon quant à l’indépendance de l’âme est la fin du corps. Il nourrit donc une espérance à propos de la mort, mais il ne s’agit que d’une croyance car qui peut certifier que l’âme se prolongera une fois les organes en putréfaction. Platon se garde bien de ne pas verser dans le dogmatisme, cette réserve le maintenant dans son statut de philosophe : « Nous n’avons, semble-t-il, ce que nous désirons et prétendons aimer, la sagesse, qu’après notre mort, ainsi que notre raisonnement le prouve, mais pendant notre vie, non pas ». Cependant, il ne s’agit pas pour Platon de faire l’apologie de la mort. Le philosophe donne volontiers aux mots une coloration métaphorique et dans le cas présent, la séparation de l’âme d’avec le corps est avant tout un conseil qui nous est livré : être en mesure de se détacher du passionnel et du ressentiment pour se mettre dans les meilleures dispositions afin de décider librement. Les affects se présentent en effet comme une eau trouble, parfois agitée, dont les remous se dispersent sans commandement, brouillant toute transparence que réclame la vérité. Néanmoins, ne peut-on pas dire que les affects sont aussi ce qui nous rapporte au monde ? Le corps est bien le contact entre l’intériorité et l’extérieur. Il faut bien voir, entendre, sentir pour penser. L’âme d’ailleurs est-elle vraiment une entité distincte du corps ? Ne serait-elle pas plutôt une fonctionnalité de plus, comme ce cœur qui bat ? Nietzsche l’affirme : « …je suis corps tout entier et rien d’autre. L’âme n’est qu’un mot désignant une parcelle du corps… Instrument de ton corps, telle est aussi ta petite raison que tu appelles « esprit », mon frère, un petit instrument et un jouet de ta grande raison ». (Ainsi parlait Zarathoustra). Nietzsche présente l’âme de Platon comme un arrière-monde mensonger où se réfugient ceux qui sont effrayés par la part incompressible de l’inconnu, du chaos qui jouxte nos vies.
Corps ou âme ; âme ou corps ; corps et âme ; à chacun de s’y retrouver.
Le sommet de Copenhague sur l’environnement s’est conclut dans l’amertume. L’attente était immense que les grands de ce monde parviennent à un accord destiné à réduire l’émission de carbone liée à l’activité humaine. Le rendez-vous avait d’ailleurs été préparé de longue date et rythmé par une première semaine accordée aux diplomates de tout horizon, ceci pour mettre dans les meilleures dispositions les chefs d’Etat quant à la signature d’un engagement fort. Les choses ne sont pas déroulées comme attendu, ou plutôt espéré, car même devant l’urgence climatique les intérêts nationaux ont primé. Sarkozy aura eu beau de se présenter comme le héraut d’une Europe plus ou moins convertie à la nécessité écologique, les débats se sont perdus entre les deux principaux protagonistes, soient les Etats-Unis et la Chine. Obama ne sera certainement pas le grand Président américain que le monde attendait. La real-politique l’avait déjà rattrapée avant sa venue timide dans l’enceinte danoise, ne parvenant pas à surpasser un Congrès réactionnaire au défi environnemental. Les Etats-Unis acceptent ainsi seulement de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre avec pour base l’année 2005, et non par référence aux années 90 comme le prévoyait l’accord de Kyoto. Autant dire que l’Amérique n’a pas soldé l’héritage de ces administrations Clinton et Bush(s) plus préoccupées de l’or noir texan que de la hausse des températures. Quant à la Chine, est-ce vraiment une surprise qu’un pouvoir chinois irrespectueux des droits de l’homme ne s’engage pas dans une démarche soucieuse du sort de l’humanité ? Pékin goute depuis plusieurs décennies aux mirages d’un capitalisme effréné qui lui permet aujourd’hui de financer le déficit public américain. Le banquier des Etats-Unis estime ainsi ne pas avoir à rendre de compte à quiconque, et surtout pas vis-à-vis de la première puissance mondiale, y compris sur les aspects environnementaux. Copenhague se conclut donc sur un accord à minima, une simple déclaration d’intentions assorties de vagues objectifs chiffrés et l’idée de créer un fonds pour financer les énergies renouvelables dans les pays du Sud. Sur ce dernier point, les principaux acteurs se sont d’ailleurs très peu accordés, entre une formule consistant à donner les sommes nécessaires et une seconde voie privilégiant le financement sous forme de prêt. Copenhague ne s’est donc pas affranchi de la logique financière alors que l’enjeu dépassait la simple économie. Ils n’ont rien fait ou presque ces chefs d’Etat pour soigner la planète surchauffée. La prescription est remise à plus tard, pour un prochain sommet international, où l’espoir renaîtra que les puissants enfin se promettent de respecter un partenaire devenu incontournable, la Terre. Espérons que nous ne serons pas déçus une nouvelle fois et que surtout il ne sera pas définitivement trop tard.
Le christianisme fût la doctrine du salut qui domina le monde occidental à partir du IIème siècle après J-C. Puis au XVIème siècle, le doute fît son apparition, notamment sous l’impulsion de Descartes. Comment une religion qui promet la vie après la mort parmi les siens disparus a-t-elle pu faire l’objet d’interrogations si profondes jusqu’à être remise en cause ? Quelles furent les conditions qui assurèrent aux contempteurs de l’Eglise de trouver un écho au sein de la société ? Deux évènements majeurs de l’histoire du monde peuvent expliquer ce bouleversement qui donna naissance à l’individu moderne. Le premier est lié à l’invention d’instruments d’observation suffisamment puissants pour scruter le ciel étoilé. Une réalité auparavant inaccessible se dévoile désormais aux hommes avides de connaissance. Ce qu’ils découvrent infirme la cosmologie ancienne, présentée dans des temps plus anciens par Aristote et qui fût reprise par la chrétienté. Se livrent à la curiosité des télescopes les novae, ces étoiles qui apparaissent puis explosent. Ce constat abolit les principes d’intangibilité et d’éternité développés et présentés par les Grecs comme régissant l’univers. Ainsi, les préceptes chrétiens consistant à s’ajuster au monde pour gagner la vie éternelle deviennent difficilement justifiables. La seconde secousse qui atteint l’ordre religieux relève d’une naissance, celle du capitalisme. Le capital gagne en effet les villes à compter du XVIème siècle, et emporte avec lui de plus en plus d’hommes qui abandonnent leur milieu rural. Pour vivre, ils leur faut désormais un salaire, acquis grâce à la force de travail. Dans ce contexte, les nouveaux citadins vont progressivement s’émanciper vis-à-vis des communautés traditionnelles, dont la religion. Ces individus sont dès lors prêts à recevoir le vent des Lumières qui bientôt soufflera sur l’Europe.
La postmodernité qui caractérise notre époque se distingue des temps plus anciens par une sorte d’indifférence idéologique. La sphère privée prédomine aujourd’hui bien plus qu’autrefois sur les engagements collectifs. La tolérance dans ce contexte n’est pas exprimable, elle serait même un non-sens. Tolérer est en effet une attitude qui exige des convictions. J’accepte les idées défendues par d’autres dès lors que j’ai un avis qui diverge et non par indifférence au débat d’idées. Le caractère vertueux de la tolérance résulte d’un comportement actif et non de la passivité qui confine l’individu dans la paresse, voire la lâcheté. On ne fait pas preuve de tolérance lorsque, par le fait d’un esprit démissionnaire, l’on accepte tout et son contraire. Cette position est particulièrement néfaste car elle aveugle la conscience, y compris en présence de thèses abjectes et de dogmes déshumanisant. La négligence intellectuelle déresponsabilise, à contrario d’une attitude positive qui accepte et reconnaît la contradiction et non la négation de l’homme. La tolérance est un exercice difficile. Elle est le fruit d’une tension chez le sujet qui par nature se convint d’être le seul dépositaire de la vérité. Le respect est plus aisé parce qu’il va de soi. Respecter, c’est partager une même opinion, être en accord avec autrui. Le respect ne relève d’aucune ascèse. La tolérance par contre comble le respect qui n’a pas lieu d’être. Si elle fait défaut, il n’y a dès lors plus qu’un pas, soit pour sombrer dans une violence destructrice quand l’objet n’est pas toléré, soit se réfugier dans la résistance lorsque le fond est intolérable. A propos de cet objet qui met en jeu ou pas la tolérance, quel est-il ? Il s’agit des croyances, autrement dit ce qui ne peut pas relever d’une adhésion universelle de la communauté, ne s’agissant pas d’une loi mécanique mais de valeurs. La religion et la politique en sont les principaux représentants. Elles sont toutes deux pourvoyeuses d’idées, de points de vue, d’évangiles pour la première, de projet démocratique dans le meilleur de cas pour la seconde. Mais jamais elles ne délivrent de vérité, même si le dogmatisme menace toujours de se séduire les plus habiles. La tolérance trouve toute sa place dans ces environnements religieux et politiques, elle y est même indispensable pour que les différends induits par toute croyance ou opinion ne soient pas la mèche d’un conflit qui éclate. La science par contre ne connaît pas cette exigence, son but tendant vers l’objectivation du réel. La rivalité n’est certes pas totalement abolie au sein de la communauté scientifique, mais l’objectif est unanimement embrassé par ses membres. Cette communauté, Bayle la décrit de façon suivante : « Cette république est un état extrêmement libre. On n’y reconnait que l’empire de la vérité et de la raison et sous leurs auspices on fait la guerre innocemment à qui que ce soit. Les amis s’y doivent tenir en garde contre leurs amis, les pères contre les enfants, les beaux-pères contre leurs gendres». La démarche scientifique n’atteint pas la dignité humaine, les croyances elles, le peuvent. Celles-ci d’ailleurs, il faut bien l’admettre, sont bien plus enracinées dans la société que ne le sont les théories issues de la recherche. L’universel n’est pas une ambition partagée par le plus grand nombre. Les savants ne sont pas légion et même en leur sein l’éthique de la connaissance n’est pas toujours respectée. Le réel est bien plus le lien de la multiplicité, ce qui rend d’autant plus impératif la tolérance. C’est d’ailleurs la dernière issue possible qui mène à la coexistence pacifique. Selon Jean-Michel Gros, la tolérance « se manifeste comme l’ultime recours au moment où l’humanité cesse de se percevoir elle-même comme valeur universelle. Autrement dit la tolérance tient lieu du sentiment raisonnable de respect de l’autre, au moment où nous refusons en l’autre ce qui lui est propre et le plus intime, au moment où par ce qu’il affirme ou croit il cesse pour nous d’être notre semblable. Autrement dit encore, la tolérance m’impose de respecter l’autre, non pas en tant que je le reconnais comme une fin raisonnable mais en dépit de ce qu’il affirme être ou croire et qui le sépare radicalement de moi-même». La tolérance n’est pas innée. Elle s’acquiert au gré d’un apprentissage destiné à arracher l’individu de ses propres affects en tant que sujet pensant et d’une tutelle par trop omniprésente, voire dans certains cas de figure oppressante. La laïcité d’ailleurs est la seule garante de cette formation car son fondement dépasse les croyances. Elle dispense des principes dont l’application n’est possible qu’en vertu de la mise en jeu de la tolérance. La laïcité préserve un espace de liberté d’expression autonome et indépendant, qu’il convient à tous de défendre comme s’il s’agissait d’un bien commun. La laïcité ne propose pas l’unicité mais promulgue la diversité, ce qui lui vaut d’être en adéquation avec la nature, le monde étant une conjonction des diversités. La tolérance, en tant que bras armé au service de la laïcité, s’auto-entretient, à condition qu’elle ne soit pas illusoire ou exploitée à des fins intéressées par une partie de l’humanité au détriment de l’autre. La tolérance ainsi ne doit jamais être une concession motivée par une paix dont les bénéfices sont exclusivement réservés à certains. La tolérance n’est donc pas forcément bienveillante lorsqu’elle n’est qu’un compromis maquillant une égalité ostentatoire mais infondée. Dans le même esprit, Mirabeau en 1789 clame à l’Assemblée : « Je ne viens pas prêcher la tolérance. La liberté la plus illimitée de religion est à mes yeux un droit si sacré que le mot de tolérance qui voudrait l’exprimer me paraît en quelque sorte tyrannique de lui-même puisque l’autorité qui tolère pourrait ne pas tolérer». La tolérance, pour être qualifiée de vertueuse, doit procéder à la constitution et au fonctionnement d’une société de droit où la dignité de la personne humaine n’est point mise en péril, ni dans les mots, ni dans les gestes. Toute menace à l’encontre de cette éthique collective nécessite une condamnation sans appel et mérite s’il le faut le combat physique. Tout être humain a le droit à la parole et vaut d’être écouté. Doit être impérativement toléré le sujet, et non l’objet qui est discutable. A ce propos, la recherche de la vérité, en supposant qu’elle puisse en partie être atteinte mais là n’est pas la question, dispose chacun à partager et confronter les points de vue. Une pensée progressiste ne se forge qu’une fois les opinions éprouvées par le débat et la critique. L’éveil intellectuel se nourrit de contradictions et de persuasions. Les lumières des uns s’intensifient au contact de celles des autres, et réciproquement. Sur ce postulat, la seule limite que la tolérance est tenue de s’imposer s’applique à toute forme de négation de ce qu’il la rend possible : on ne tolère pas le racisme, le fascisme, l’antisémitisme, le génocide d’ordre politique ou ethnique. Seule une tolérance exclusivement et totalement désintéressée préserve l’humanité que tout homme porte en lui.
Le rationalisme ne se satisfait pas de la tradition. L’usage de la raison pour signifier toute chose induit bien souvent la contradiction, laquelle peut agir jusqu’aux coutumes les plus anciennes. Derrière la raison se cache le doute, la volonté de ne pas admettre sans siller ce qui est établi sous les auspices conventionnelles. L’opinion interfère l’acquiescement. Une prise de conscience à l’échelle collective bouleverse une société. Les soubresauts nés de façons de penser novatrices sont multiples dans l’histoire du monde. Athènes par exemple connaît une période de radicalisation de la raison à la sortie de la guerre du Péloponnèse. A cette période le mythe s’estompe, la sophistique s’emparant de la place publique athénienne. Les hommes se retrouvent bientôt seuls face à eux-mêmes, sans loi divine ni contrainte passéiste. La foi ne dispose pas encore de religion monothéiste. La raison est ainsi la seule issue restant à la Cité pour définir codes et systèmes de valeurs. La tâche n’est cependant pas aisée, l’opinion cédant facilement à la confrontation, au conflit. Les points de vue sont par nature divergents, le consensus requérant un effort. Du débat au pugilat, la menace est réelle. Le désordre risque de l’emporter sur l’harmonie qui pourtant est impérative au vivre ensemble. C’est dans ce climat aux allures chaotiques qu’intervient donc Socrate. Selon lui, la raison ne constitue aucunement un danger de désordre civique, à condition de savoir s’en saisir pour ce qu’elle est, c'est-à-dire la mettre au service du sens pour tous, et non pour sauvegarder ou développer les intérêts de quelques-uns dont le reflet n’est qu’absurdité pour les autres. Les sophistes, contemporains de Socrate, participent de ce dernier cas, à savoir le détournement de la raison. Ce qui les anime est la performance oratoire employée uniquement à convaincre, persuader et ce quelque soit le contenu du discours. Un sophiste se plaît par exemple à convertir un jour donné son auditoire sur une idée, tout en étant capable le lendemain de réfuter la même idée, que le public soit identique à celui de la veille ou non. La raison est ainsi instrumentalisée. Comme pour tout outil, elle peut être au service de tous les intérêts, y compris les moins louables. La rhétorique n’a donc que faire de ce qui est juste ou non, vrai ou faux. La vérité n’est pas ce qui la fonde. Elle est usage de la parole à des fins pragmatiques. La rhétorique est un élément de persuasion qui emporte ou non les assemblées ou les tribunaux. Dans ce contexte, le gouvernement de la cité est un exercice réservé aux plus habiles. Tout est devenu incertain, aucune transcendance n’assurant une représentation ou des principes sur lesquels l’homme puisse se tourner dès lors que le différend ou le mystère demeure. Et pourtant, Socrate démontre le contraire. Il est persuadé que l’universel n’est pas astreint à la relativité. Paradoxalement, ses armes sont les mêmes que celles maniées par les sophistes. Selon Patocka, philosophe tchèque du XXème siècle, en parlant de Socrate : « Il découvre, dans le discours, dans la discussion, dans la parole (logos), un véhicule de l’unité essentielle. » La parole est certes exploitée quotidiennement par le plus grand nombre à des fins utilitaristes, essentiellement dans le domaine privé, comme pour le travail et le commerce. Le discours est donc ordinairement un véhicule pour l’information. Socrate y décèle par contre la possibilité d’accéder à la transcendance. Il estime que les mots, selon la façon dont ils sont employés, sont porteurs de révélation. Ils sont potentiellement un matériau qui participe de l’expérience philosophique : « Quand nous voyons l’un et l’autre que ce que tu dis est vrai, quand nous voyons l’un et l’autre que ce que je dis est vrai, où le voyons-nous je te le demande ? Assurément ce n’est pas en toi que je le vois, ce n’est pas en moi que tu le vois. Nous le voyons l’un et l’autre dans l’immuable vérité qui est au-dessus de nos intelligences. » Le logos, si l’on s’en donne la peine, mène à la lumière en dimensionnant la réflexion selon l’universel et non en fonction de préoccupations affectives et personnelles. La parole en tant que manifestation orale de la raison ne doit pas se cantonner à confirmer le moi mais à affirmer le nous. La question est de s’évader d’un esprit étroit, de dépasser un intellect restreint au singulier pour franchir une porte accédant à un espace où l’universalité se reflète en tout point. L’homme est en mesure de s’extérioriser et de saisir la lumière suffisante pour distinguer le vrai du faux, le bien du mal, le juste de l’injuste. Cette capacité vaut d’ailleurs responsabilité parce qu’il est le seul être vivant à en disposer. « L’homme est à la mesure de toutes choses » énonce Protagoras, penseur contemporain de Socrate. Pour d’autres, comme Descartes, la mesure de toutes choses est Dieu. Autrement dit c’est le divin qui détient les règles du jeu et il appartient à l’homme, dès lors qu’il accepte une réalité non immanente, d’en être le lecteur. L’entendement est une composante de la condition humaine. Il est fini et en cela il ne peut pas être le producteur d’une vérité qui le dépasse, dans le temps et dans l’espace. Tout au plus peut-il être le traducteur d’une volonté d’essence divine en usant de la confrontation d’idées de manière interrogative, et non dogmatique ou versatile, pour déboucher sur une révélation. Cette expérience philosophique est interprétée par les uns comme un engagement de l’esprit vers la transcendance, mais elle est également interprétable comme une voie paradoxale, dénuée de sens car son principe tend à conduire la raison vers l’irrationnel.
Quelle est la différence entre une activité utilitaire et un exercice libéral ? Le premier élément de réponse concerne la notion d’utile qui correspond à un moyen employé pour atteindre une fin. L’utilité prévaut principalement dans le travail qui est réalisé pour satisfaire un besoin. Le travail, dans sons sens le plus originaire, est une contrainte vitale. Les Anciens considèrent d’ailleurs le travail comme une source d’asservissement. Je travaille parce que je n’ai pas le choix. Et ce qui me contraint restreint ma liberté. Cette contrainte se résume dans les besoins physiologiques auxquels l’homme est soumis. Il ne s’agit pas d’une fin en soi car l’homme n’est pas un animal. Le travail lui vole tout ou partie de son temps qui pourrait être entièrement consacré à des activités contribuant à l’expression de son humanité. Les Grecs, en liant l’idée de travail avec la servitude, justifient de leur point de vue l’esclavage. Ils considèrent en effet que les êtres privés de liberté sont les seuls aptes à travailler. Un homme ne peut être libre qu’à la condition qu’il s’exonère de toute activité utilitaire. Ce postulat est une souillure du monde grec car penser que la liberté ne s’applique pas à tous, que certains sont destinés à l’esclavage et d’autres non, constituent une preuve d’indignité. Les Anciens par contre font preuve de lucidité lorsqu’ils mettent en évidence la causalité entre le travail et la subordination. Les Modernes d’ailleurs s’appuient sur cette idée en conseillant à chacun de se libérer des besognes utilitaires pour se consacrer à des activités libérales, à savoir tout exercice qui lorsqu’il est réalisé permet à l’homme de s’accomplir dans son humanité. Ainsi en est-il de l’activité intellectuelle, à considérer comme un but et non comme un moyen. L’homme aspire en effet à la connaissance, toujours soucieux de comprendre. Aristote d’ailleurs argumente sur cet impératif : « Ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire ». La science n’est pas au service de l’utilité mais s’accorde aux intérêts spirituels et moraux, à condition que le prétendant au savoir soit disposé à s’y adonner totalement, autrement dit une fois l’ensemble des besoins physiologiques satisfaits. Aristote poursuit sur ce sujet : « Presque toutes les nécessités de la vie, et toutes les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre ». La politique est un autre exemple d’une fonction libérale. L’homme, en faisant de la politique, accomplit sa nature d’homme, ce qui lui permet entre autres d’exprimer l’idée de justice.
La dichotomie entre activité libérale et un utilitarisme forcené ou contraint est un débat anachronique de nos jours. Le monde de l’utile prédomine aujourd’hui sur tout le reste. La satisfaction des besoins matériels est le leitmotiv qui conduit l’existence. La science est devenue utilitaire. La recherche d’un savoir s’est estompée au profit d’une quête vers le pouvoir. L’homme politique n’agit pas autrement, en préservant avant tout ses intérêts et non en faisant son métier d’homme. Le temps non occupé au travail est considéré dorénavant comme perdu, inactif, qu’il convient de combler par quelques artifices que propose la consommation de masse. Tout est mis en œuvre pour que l’homme se complaise dans des activités utilitaires. L’école d’ailleurs souffre de cette pensée dominante. Elle est réduite au service de la société et non des individus qui la fréquente. La libéralisation des esprits n’est plus la préoccupation majeure d’un environnement technicien. Les activités libérales sont abandonnées alors qu’elles portent en elles les vertus d’une excellence humaine, soient le caractère désintéressé de toute action et la liberté de toute pensée qui n’est pas construite par automatisme. Les extraits suivants d’un article écrit par Alain Finkielkraut dans le journal Le Monde en 1998 prolongent ce constat :
- « Pour Aristote…, libre est l’homme qui, échappant à l’empire de la nécessité et au carcan de l’utile, peut s’épanouir dans le loisir, c'est-à-dire dans la contemplation, l’étude, la conversation en vue de la vérité. Nous avons, nous autres modernes, réhabilité l’activité laborieuse. »
- « Nous avons continue de croire avec les Anciens, que l’accès à l’excellence humaine passait par l’expérience des belles choses et par la fréquentation des grands esprits. Par l’instruction publique, nous nous sommes mis en tête de faire de la démocratie une aristocratie universelle, c'est-à-dire un monde où nul ne serait exclu du loisir de penser. Ce rêve est tombé dans l’oubli. »
- « L’ancestrale éminence de l’étude ayant été abolie par les pédagogues eux-mêmes, nous n’avons plus à notre disposition qu’une seule version de l’homme : l’animal laborans…de la naissance à la retraite, nous sommes des employés et, une fois achevé le voyage au bout de l’indifférenciation, le respect qu’on nous doit consiste à nous permettre, quelque soit notre âge ou le poste que nous occupons, de travailler toujours moins pour nous distraire et pour consommer toujours d’avantage. »
Pourquoi la philosophie pour tous ? Pourquoi la philosophie tout court d’ailleurs ? A quoi sert-elle ? A rien si l’on se situe exclusivement dans une optique utilitariste. La philosophie n’est ni une technique ni une science. Elle ne délivre aucun savoir d’application pratique, encore moins une démonstration objective constitutive d’une théorie scientifique. Qu’est ce qui donc la caractérise ? Pourquoi certains s’y adonnent-ils ? Donnerait-elle du sens ? Une fois de plus non, mais ce verdict est un premier élément de réponse quant à sa nature. La philosophie ne donne pas du sens au sujet de ce qui se présente à nous. Nous disposons en effet des capacités suffisantes, la sensibilité et la conscience, pour interpréter les choses et les faits. L’interprétation n’a pas besoin de philosophie lorsqu’elle se limite aux évidences. Mais ce qui est évident est-il vrai pour autant, en adéquation avec le réel ? Peut-être mais rien n’est moins certain. C’est ici que la philosophie parfois entre sur la pointe des pieds dans l’existence. Aux certitudes se substituent les premières interrogations. Ai-je raison en affirmant cela ? Pourquoi pas le contraire ? Et si je conclus que je ne sais rien, comment dès lors agir ? La philosophie ne s’accommode pas de truismes, ni d’opinions. Son but est de les déconstruire pour introduire un regard différent, une vue d’esprit qui bouscule les accoutumances. La philosophie est à ce propos fatigante, parfois même énervante, voire déroutante car elle ne se satisfait jamais d’une seule explication. Il lui faut toujours poursuivre, comme une espèce de quête vers la vérité, tout en sachant qu’aucune hypothèse, intuition, théorie, ne la comblera totalement. La philosophie apprend ainsi l’humilité, s’agissant là d’un grand service qu’elle nous rend. La philosophie, dans la démarché réflexive qu’elle entretient, apporte cependant quelques clés pour envisager le quotidien différemment, pour alléger en partie cette pesanteur de l’existence qui a très vite fait de nous assommer et de travestir la vie en une morne série d’habitudes journalières. La philosophie construit un regard neuf et nous accompagne dans nos premiers pas vers plus de liberté. Bonne route à toutes celles et à tous ceux dont le chemin philosophie empruntera les quelques pages de ce blog.
Platon naît en 427 ou 428 avant J-C. Son ascendance royale, l’éducation qu’il reçut dans des matières diverses comme la poésie, la musique, les mathématiques, sa formation sophistique, son penchant naturel pour l’ordre public, tout le prédestinait à une carrière politique. Il grandit cependant durant une période troublée. La guerre du Péloponnèse fait rage, ce qui par la suite vaut à Athènes d’être vaincue par Sparte. La cité athénienne devient alors sous l’emprise du gouvernement des Trente Tyrans. L’oligarchie sera cependant vite renversée au profit d’un système démocratique. C’est dans ce climat d’alternance que Platon, vers l’âge de vingt ans, fait la connaissance de Socrate qu’il côtoiera pendant à peu près neuf ans. Cette rencontre le détourne des affaires publiques mais le conduit à réfléchir sur l’art politique. Il se considère ainsi comme « un des rares athéniens, pour ne pas dire le seul, qui s’attache au véritable art politique. » (Platon – Gorgias).
La condamnation et la mort de Socrate l’affectent considérablement et lui imposent de reconsidérer les termes de la démarche politique. Il se persuade que l’action gouvernementale doit s’appuyer sur la philosophie. Il se décide également à voyager, publie à la même époque les Dialogues dits de jeunesse. Au cours de l’un de ses périples en Italie, il est invité à la cour du tyran Denys de Syracuse. Après entretien, Platon espère y réconcilier la politique et la philosophie. Dans l’une de ses lettres, Platon écrit : « Les races humaines ne verront pas leur maux cessés, avant que, ou bien ait accédé aux charges de l’Etat la race de ceux qui pratiquent la philosophie droitement et authentiquement, ou bien que, en vertu de quelque dispensation divine, la philosophie soit réellement pratiquée par ceux qui ont le pouvoir dans les Etats. » Mais Platon échoue dans son entreprise de persuasion. La cour syracusaine reste sourde aux appels platoniciens. Platon se lie malgré tout d’amitié avec le beau-frère de Denys, Dion. Ce qui ne lui empêche pas d’être déclaré indésirable par le pouvoir en place et donc contraint de partir. De retour à Athènes, il crée l’Académie et en assure pendant une vingtaine d’années la direction. En parallèle, il écrit les Dialogues dits de maturité.
Denys I meurt et cède ainsi son trône à Denys II. Les espoirs de Platon de modifier le comportement des puissants renaissent et encouragé par Dion, il retourne à Syracuse. Il échoue cependant de nouveau, la philosophie étant alors perçue par la cour comme un instrument dialectique destiné à impressionner à des fins uniquement narcissiques. Platon revient une nouvelle fois à Athènes. Il rédige les Dialogues métaphysiques. Jusqu’à la fin de ses jours Platon ne renoncera pas à l’idéal qu’il défend dans la République, mais il s’efforce à tenir compte dans sa démarche des contraintes du réel. Platon meurt en 347 ou 348 à l’âge de quatre-vingt ans.
Socrate estime que les hommes ne font pas le mal pour le mal, mais que les conséquences de leurs actes sont bien souvent le fruit d’une méconnaissance. Ils pensent agir pour le bien, d’une façon précise ou particulière, sans se rendre compte qu’ils se trompent en se conduisant de la sorte. Cette théorie est qualifiée d’intellectualisme moral et permet à Socrate de conclure ainsi : « la vertu est science, la méchanceté est ignorance. »
Au sujet de la morale et quant à son contenu, deux positions diffèrent : celle énoncée par Socrate et l’idée défendue par les sophistes. Socrate considère que la morale est une question à traiter dans un rapport unipersonnel bien plus que vis-à-vis d’autrui. Il s’agit d’être en harmonie avec soi-même. Agir contre cet ordre là génère la mésestime de soi. Les sophistes estiment que la morale personnelle doit être en adéquation avec la loi pour ainsi éviter toute sanction. Il s’agit là d’une approche bien plus pragmatique qu’éthique. Sur le même sujet, Hannah Arendt adopte la thèse socratique, en associant à l’énoncé « mieux vaut subir l’injustice que la commettre» la pensée suivante : « Mieux vaudrait me servir d’une lyre dissonante et mal accordée, diriger un chœur mal réglé, ou me trouver en désaccord ou en opposition avec tout le monde, que de l’être avec moi-même, étant un, et de me contredire. » (Platon – Gorgias). Il s’agit ici de refuser une acceptation bornée et aveugle des idées générales, d’une négation de l’adhésion systématique aux courants majoritaires qui conduit à la critique et ainsi à l’accomplissement de soi. A contrario, toute attitude motivée exclusivement par l’appartenance n’est que le tarissement d’une intelligence qui accentue d’autant plus l’abrutissement.