Chroniques à la campagne
C'est l'histoire d'un vieux bougon qui vit à la campagne mais qui n'en pense pas moins.

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Date de création : 10.01.2013
Dernière mise à jour : 22.03.2018
184 articles


Soupe hivernale

Publié le 15/01/2016 à 10:22 par levieuxbougon Tags : soupe primordiale virus rhume
Soupe hivernale

         Ayant la chance de n’être que rarement conduit à consulter mon médecin en son cabinet, nous n’avons d’autre recours pour nous rencontrer que de nous inviter chez l’un ou chez l’autre ou chez des amis communs. Ce soir-là, nos hôtes s’apprêtent à servir le dessert et je déguste une ultime gorgée de l’Arbois Savagnin 2012 qui a escorté le camembert de rigueur, lorsqu’il jette sur moi un regard professionnel de fort mauvais augure. « Tu sais sans doute, commence-t-il, qu’à peine quelques millions d’années après la formation de la Terre, la vie a amorcé l’incroyable cirque que l’on connaît aujourd’hui. » Devant mon assentiment étonné, il poursuit. « Le Grand Livre prétend que ce serait Dieu lui-même qui aurait donné le coup de pouce. Les historiens qui se sont penchés sur cette période reculée estiment quant à eux que tout aurait commencé dans ce que l’on appelle la "soupe primordiale". En réalité, un incroyable magma d’entités cellulaires en perpétuelles interactions, traversé d’éclairs fantastiques, d’éruptions volcaniques gigantesques, de bombardements de météorites à répétition et de pluies diluviennes de rayons cosmiques tous plus tueurs les uns que les autres. Il est facile d’imaginer la formidable compétition qui régnait alors au milieu de ce potage bouillonnant. Eh bien, n’en déplaise aux âmes sensibles, nous descendons tous de la lignée la plus accrocheuse et la plus combative de tous ces échantillons, comme cela se passe d’ailleurs toujours dans la nature. En se reproduisant avec autant d’énergie que l’aurait précisément conseillé leur créateur en mettant une dernière main à la fabrication d’Adam et d’Ève, elle a littéralement monopolisé à son profit les ressources des océans. Donnant ainsi naissance à la vie qui nous anime aujourd’hui. » Légèrement goguenards, nous nous émerveillons malgré tout devant un tel savoir tandis que madame sert à chacun sa part de mille feuilles au chocolat et aux noix de pécan et que monsieur débouche une bouteille de moscato d’asti en guise d’accompagnement. « On croyait jusqu’ici, poursuit notre professeur en plongeant sa cuiller dans une crème fine et onctueuse à souhait, que les autres molécules qui avaient participé à l’extraordinaire tambouille des début avaient disparu, englouties dans les oubliettes du Temps. » Notre ami qui s’enorgueillit de n’avoir été dans sa vie professionnelle qu’un brave gestionnaire aux deux pieds bien ancrés dans le terroir et le bon sens, laisse libre cours à sa bonne humeur. « Tu dois avoir le gosier bien sec à explorer ainsi d’aussi hauts concepts, lui dit-il en remplissant son verre. Irrigue donc tes cordes vocales ! » Le temps d’obéir et notre carabin reprend son exposé avec le plus grand sérieux. « En fait on avait tort. Tout porte à croire qu’une lignée de ces "entités cellulaires" que l’on estimait éteintes depuis des milliards d’années a survécu. » En virtuose du suspens, il marque une nouvelle pause tandis que j’éternue une fois de plus et aussi discrètement que possible. « Et alors, s’impatiente notre hôtesse, que vas-tu nous sortir de ton chapeau ? » Mais nous devrons subir auparavant ses compliments les plus cordiaux quant à la qualité du vin. « Rond en bouche, pétillant sans excès, gouleyant et chaleureux. Une perfection ! » Un grand éclat de rire lui répond. « Café pour tout le monde ? » propose le maître de maison en se levant. Mais la faculté le retient d’une main amicale sur le bras. « Regardez, dit-il. Je crois que notre expert en bougonneries campagnardes a croisé la route d’un descendant de l’une de ces lignées dissidentes : le virus du rhume ! » Et il écarte les bras comme pour mieux souligner cette évidence tandis que je retiens, vainement, un énième éternuement. « Contre cet envahisseur, nous ne pouvons rien sinon attendre patiemment qu’il périclite et qu’il meure. Et les chemins du futur étant imprévisibles, comme tu dis souvent, nul ne peut, hélas, en prédire la fin ». Ce qui me laisse bien des choses à penser à propos de ma provision de mouchoirs.          

Semaine exécrable.

Publié le 12/01/2016 à 11:21 par levieuxbougon Tags : pluie vent commémorations
Semaine exécrable.

        Exécrable semaine passée.Sous un ciel gris et pesant, le vent d’ouest bouscule avec hargne les cimes de mes acacias, érables et châtaigniers et la pluie qui tombe sans discontinuer transforme les allées de mon courtil en torrents et la mouillère en contrebas en étang aux rives incertaines. Installé à demeure sur sa chaise en paille avancée devant la cheminée, mon chat César ne se risque à l’extérieur qu’après avoir longuement mesuré l’évolution des intempéries. Quant à moi, chaussé de bottes et armé d’un parapluie, il me faut malgré tout donner à mes chèvres naines leur ration de foin quotidienne. C’est ainsi qu’au matin du troisième jour, je suis fort étonné de ne voir arriver vers moi que la Biquette. Sa cousine, la Noiraude, est allongée sur la paille dans un recoin sombre de leur petite bergerie, l’œil vitreux et le pelage rêche. Son grand âge l’aura emportée : elle aurait inauguré son seizième printemps lors du prochain équinoxe. Comment vais-je expliquer aux enfants qui raffolent de ses cabrioles que la fin de sa vie ici était arrivée et qu’elle s’en est partie désormais dans son lointain pays caprin ? Il me faudra faire preuve d’imagination. D’ici là, je vais devoir, sous l’averse et la bise glacée, lui creuser une tombe dans un endroit écarté et protéger sa dépouille des chiens errants, renards en baguenaude et autres sangliers fouisseurs. Semaine exécrable donc. D’autant plus qu’au retour de cette tâche macabre, je découvre que l’un de mes sapins a été décapité par une rafale trop agressive. La déchirure a définitivement brisé sa course vers le ciel. Nul doute que la cicatrisation sera difficile et que champignons, pourritures et maladies ne manqueront pas de s’insinuer jusqu’à la racine même. Me faudra-t-il couper ? En attendant, je vais devoir achever le travail de la bourrasque et dégager les entours meurtris, scier, émonder, charrier, entasser. Lourde et harassante besogne pour les jours à venir. Exécrable semaine, donc. Mais mon tracas reste supportable au regard de la vie du monde. Pendant ce temps-là en effet, les bateleurs poursuivent leur triste parade dans nos écrans de télévision. Folle et sanglante ici, poignante là, excessivement bavarde partout, à coup de décryptages fumeux, de platitudes ressassées sans fin, de discours enflammés et creux, de petites phrases porteuses de polémiques, de commémorations grandiloquentes et de projections à courte vue sur des lendemains improbables. En un mot, à l’image de la vallée noyée dans la tourmente hivernale, le bon peuple ne peut guère échapper aux rituelles et humiliantes exhibitions de l’émotion populaire. Et à quoi d’autre pourraient bien servir toutes ces disputations politico-médiatoques sinon à faire oublier les naufrages des migrants fuyant la guerre ou la pauvreté, le sort des sans-logis qui hantent toujours les rues de nos villes et meurent, parfois, sur un banc public ou sous un pont, la désespérance des chômeurs en fins de droits et celle de leur famille, la misère qui piétine devant les tréteaux des Restos du Cœur et autres Secours Catholique… ? La liste est interminable et s’étire ainsi dans l’indifférence des postures soi-disant protectrices. Le proverbe bantou dit que l’homme sage se tait même lorsqu’il n’a rien à dire. Mais serait-il sage aujourd’hui de ne rien dire ? Mais est-il sage aujourd’hui de ne rien faire ou presque ? Voilà qui nous laisse et nous laissera longtemps encore bien des choses à penser.

Améliorer l'avenir

Publié le 08/01/2016 à 10:10 par levieuxbougon Tags : avenir jeunes
Améliorer l'avenir

       Rencontré, il y a quelques semaines, mon futur voisin de l’autre côté du chemin. C’est l’heure de la pause pour les ouvriers qui construisent sa future maison. Benoîtement assis sur des parpaings, les quatre hommes mordent à pleine dents dans leur quignon de pain. Une fine brise de traverse languit sur le chantier, mêlant de volatiles fragrances de cochonnailles et de camembert aux odeurs d’humus échappées des bois alentours et aux relents d’essence émanant de la bétonnière. Je m’apprête à les rejoindre pour le rituel échange de salutations lorsque, sortant de l’ombre, un homme d’une trentaine d’années s’avance vers nous. « Ah, cher ami, c’est gentil à vous d’être venu ». Il avait glissé dans ma boite aux lettres, griffonné à la hâte sur une carte de visite, un message sibyllin me priant de le rejoindre. Nous nous écartons de quelques pas. « J’espère que tout ce bruit ne vous importune pas trop ! » Il fait allusion à la bétonnière qui vient de redémarrer, déclenchant une envolée de merles et de geais dont il est facile d’imaginer l’apostrophe qu’ils adressent autour d’eux de leurs cris stridents et nasillards. « Vos travaux avancent », dis-je, déterminé à demeurer poli voire peut-être même aimable. Ne sommes-nous pas appelés à nous côtoyer régulièrement ? Il se retourne vers le chantier et laisse échapper un long soupir désabusé. « Lentement, dit-il. Lentement ! Il paraît qu’il faut laisser du temps au béton de la semelle pour sécher correctement. » Loin au-dessus de nous un avion tisse son fil de laine blanche en silence. « Vous prévoyez d’emménager à l’été ! » Il hausse les épaules, repousse avec impatience une pierre égarée du bout de sa botte crottée jusqu’aux genoux et dodeline de la tête. « Comment prévoir ? » À la fin de l’été dernier, des engins de terrassement avaient enlevé la mince couche de terre arable qui dessine à présent un talus boueux et chaotique de chaque côté du passage ainsi dégagé et une noria de camions l’avait remplacée par des tombereaux de graviers tout-venant. Nous trébuchons presque à chaque pas. Il grogne et étouffe un juron aussi souvent. « Au moins, remarque-t-il en levant les yeux vers le lampadaire planté en bordure du chemin, il y a l’éclairage public ! » Et il se campe au milieu de la bande d’herbe épargnée par les tracteurs et les voitures de mes jeunes voisins, Mathieu, Juliette et leur fille Anaïs. « Mais ce chemin à peine carrossable, ajoute-t-il, ça ne va pas ! » Les lourds véhicules de chantier qui sont intervenus pour débarrasser son terrain, creuser les tranchées et livrer leurs matériaux ont en effet dessiné deux belles ornières remplies aujourd’hui d’un épais magma de branches mortes et de feuilles tombées des chênes et des châtaigniers alentours. Elles sont certes encore modestes mais elles ne demandent bien sûr qu’à s’approfondir. « J’ai l’intention de dire au maire de faire une vraie route ! » Une ombre de désillusion semble alors voiler le ton volontaire de sa voix. « Vous seriez d’accord pour joindre votre demande à la mienne, n’est-ce pas ? » Je comprends parfaitement qu’une vraie route, comme il dit, serait la bienvenue pour lui. Il épargnerait ainsi son beau 4X4 qui peine à demeurer aussi rutilant que dans son garage et il pourrait remplacer ses bottes souillées de boue par des Weston luisantes de cirage. « Ce n’est pas parce qu’on vit à la campagne, tente-t-il d’argumenter, qu’on n’a pas droit à un minimum de propreté sinon même de confort ! Et puis quoi, c’est l’avenir, non ? ». Le ton de sa voix emprunte cette fois des accents de conviction dignes d’un politicien dressé sur sa tribune. « Il faut améliorer l’avenir, conclut-il avec force. Il faut améliorer l’avenir » ! La moitié de la population mondiale ayant moins de 27 ans, on peut espérer en effet que cette jeunesse nombreuse saura apporter un peu d’air frais et plus d’humanité au cœur du monde. Voilà, en tout état de cause, qui laisse bien des choses à penser à propos du futur et de ses détours imprévisibles.

Les augustes présages de l'augure du futur.

Publié le 05/01/2016 à 10:43 par levieuxbougon Tags : présages futur
Les augustes présages de l'augure du futur.

      Le proverbe bantou dit que le berger dressé sur la colline voit plus loin que la chèvre broutant dans la vallée. Fort de cette expérience, notre Grand Berger à nous s’invite donc dans la grande lucarne entre une publicité vantant un produit récurant et une autre exaltant une potion facilitant la digestion. « Oyez, mes chers compatriotes, mes augustes présages ! » Il fut un temps jadis où les réjouissances du solstice d’hiver se portaient moins gravement. Le maître-soleil avait eu tendance au cours des derniers mois à se coucher de plus en plus tôt et à se lever de plus en plus tard. Qu’adviendrait-il demain s’il réclamait ses RTT et s’adonnait à l’oisiveté, la mère de tous les vices ? Il convenait de lui rappeler son devoir d’éclairer le monde, tout en limitant toutefois le réchauffement climatique aux 2° règlementaires. Le Pays se rassemblait alors à la nuitée. Qui apportait un œuf, qui un fromage, qui trois navets, pour agrémenter un vaste banquet où seraient sacrifiés en guise d’offrande rituelle mille et un canards, dindes, huitres et autres chapons. Nul ne doutait en effet que le maître-soleil reviendrait dans tout son éclat après cette fastueuse cérémonie. Le moment venu, le grand sorcier, guérisseur ou tout autre bonimenteur habile à user de la parole, invitait trompettes et tambourins à apporter un peu de rythme à la célébration pour dicter leur tempo officiel aux bardes de la bienpensance. Les prières s’élevaient vers le ciel, chargées des peines et des revendications de chacun. Qui s’estimait discriminé pour son nez de travers et tel autre ostracisé pour ses croyances venues d’ailleurs, qui se plaignait de la terre trop basse qu’il lui fallait pourtant bêcher pour gagner ses choux verts et ses radis roses, qui pesait son escarcelle et la jugeait encore bien maigre, qui espérait gagner le cœur, et plus si affinités, de l’accorte fille du boulanger qui persistait à l’ignorer, qui mendiait simplement soutien et protection pour sa trop modeste vie. De tous temps en effet, qu’il soit riche ou qu’il soit pauvre, chacun aspire, à l’arrivée d’un nouveau cycle des saisons, à connaître l’aboutissement de ses rêves. Aujourd’hui, tel un chamane relié au futur en "direct-live" grâce à son smartphone, l’Officiant lève onctueusement la main et le silence s’abat sur les terrasses et les cafés, lourd des rancœurs accumulées et des espérances déçues mais lourd aussi des attentes soudées au cœur et à l’âme. « C’est l’heure ! » Et chacun de s’embrasser en une immense clameur qui se hisse d’un coup jusqu’aux voûtes étoilées. Un trait clair barre bientôt l’horizon des contrées où naissent les vents de traverse. La foule met un genou en terre pour remercier le maître-soleil de l’avoir écoutée et félicite le Grand Berger pour la puissance de sa magie. Nul ne doute alors que les oracles qu’il vient de proférer d’une voix ferme se réaliseront : les courbes fatales s’inverseront enfin, le chômage et la pauvreté disparaîtront et le lait et le miel couleront en abondance de Bastille à Nation. Certes, maintes zones d’ombre laissent encore bien des choses à penser. Mais les chemins de l’avenir sont si imprévisibles que les traditionnels vœux de belle et heureuse année ne resteront peut-être pas lettres mortes, cette fois !

Addictions

Publié le 21/12/2015 à 09:47 par levieuxbougon Tags : fromages addictions
Addictions

      Nous avons tous nos rituels. Plus ou moins impérieux, ils ponctuent nos journées, les ordonnent et les charpentent et nous conduisent jusqu’au soir en toute sérénité. C’est ainsi que chaque matin, je vais parler à mes arbres. Chaussé de bottes ou de sabots, je fais le tour de mon courtil et j’écoute le vent dans leurs branches. Je hume les délicates fragrances de leurs bourgeons ou fais crisser leurs feuilles mortes tombées à leurs pieds. J’effleure l’écorce lisse et argentée du boulot et celle, rugueuse, du sapin. Je complimente le baliveau qui s’efforce de rattraper le fayard, son aîné de 30 ans, et j’interpelle les écureuils, ramiers et autres tourterelles dont ils se font tous les hôtes. Forts de l’empathie qui nous unit, ils poursuivront paisiblement leur vie d’arbre au service d’une nature qui les respecte. Et moi, le cœur léger et l’âme débonnaire, j’organise ensuite mes occupations en fonction de l’air du temps, de mes envies ou de mes obligations. Mais malheur si le ciel me prive de ma promenade de santé, si un lumbago me cloue au lit ou si mon éditeur m’envoie en quelque salon à l’autre bout du Pays ! L’humeur matutinale sera morose et celle de l’après-midi bourrue sinon même grognon. Au point que, parfois, je me demande si cette douce manie de vieux bougon de la campagne ne devrait pas plutôt être qualifiée d’addiction ! On connaît des cas moins pendables qui, selon les scientifiques, relèveraient d’office de la faculté. Ainsi, comme l’avait constaté le Grand Général, on dénombrerait dans notre bel Hexagone autant de fromages que compte de jours une année bissextile ordinaire. Chaque terroir arbore le sien, chaque village, presque chaque ferme. Fromage au lait de vache, au lait de chèvre ou au lait de brebis. Fromage à pâte molle ou fromage à pâte ferme. Fromage frais ou fromage fermenté. Fromage embaumant l’air autour de lui ou fromage à la délicate fragrance, fromage persillé ou fromage à la croûte fleurie. Fromage goûtu et fort en bouche ou fromage enlaçant les papilles de ses arômes raffinés. Leur liste tiendrait dans cent pages au moins mais citons tout de même les plus fameux d'entre eux comme les Camembert, les Livarot et les Pont-L’Évêque, les Vieux Lille et leurs cousins les Maroilles, les Munster et les Roquefort, les Chevrotin, les Chabichou, les Saint-Marcellin et les Rocamadour. Cent et un fromages qui s’inscrivent dans notre patrimoine culinaire si envié par le reste de l’humanité. Or, si ces fromages rencontrent un tel succès auprès des gourmets, ce serait, selon l’université étasunienne du Michigan, à cause de la caséine, une protéine présente dans les produits lactés. Lors de la digestion, elle libère en effet de la casomorphine, une molécule maligne qui présente la particularité d’activer les récepteurs du cerveau liés à la dépendance, transformant ce qui n’est au départ qu’une appétence ordinaire en addiction. Certes, des consommations excessives et répétées de tabac, d’alcool, de drogue, de thé vert, de chocolat ou de pâtisseries à la crème peuvent provoquer des accoutumances et conduire à l’addiction. Mais le fromage ! Vais-je devoir m’agenouiller dans le confessionnal et avouer à mon "psy" ces plaisirs coupables ? Et plus grave encore, vais-je devoir réduire mes portions de camembert au lait cru élevé en Normandie et moulé à la louche en bois de cèdre et rationner le vin qui les accompagne ? Voilà qui me laisse bien à penser pour ces jours à venir.

Octogénaire ? Et alors ?

Publié le 18/12/2015 à 09:53 par levieuxbougon Tags : octogénaire
Octogénaire ? Et alors ?

       Visite surprise, il y a quelques jours, de ma vieille amie Marthe Dumas du Mas du Goth. Ses rhumatismes et ses tendances casanières la confinent le plus souvent dans son cantou où défile par contre une grande partie de la population du canton sinon même de l’arrondissement. On la consulte pour l’herpès qui afflige le petit, la stérilité de la bru, les maux de tête du cadet, le désamour du mari volage ou mille autres tracas tout aussi impérieux. Ses visiteurs s’épanchent avec volupté en buvant un verre d’eau, un tilleul ou un café et elle écoute, la tête légèrement penchée vers sa cheminée comme pour n’en rien perdre de sa chaleur. Elle sourit de temps à autre, réconforte de trois mots chargés d’empathie, remercie pour la part de gâteau abandonnée sur la table ou le panier de cerises selon la saison et referme la porte avec de chaleureux encouragements plein la voix. Marthe n’a pas besoin de sortir de chez elle pour tout connaître des tribulations du monde. Elles viennent jusqu’à elle. Aucune calamité ne l’a cependant conduite jusqu’à mon courtil en compagnie de ma voisine Hélène. Elle tient simplement à m’apporter sans attendre une sienne bouture d’arbre à perruque afin que je la replante avant la lune noire. Jardiner avec la lune est sa marotte. Elle observe à la lettre les recommandations des almanachs envoyés par les marchands de graines et n’hésite pas, si besoin est, à leur faire remarquer leurs erreurs. Car si Marthe est nantie d’une belle qualité d’écoute elle est également dotée d’un vigoureux franc-parler. On aime ainsi sa liberté de parole lorsqu’elle jette son avis sur la table de réunion du conseil municipal. Orné des croustillantes fioritures d’antan enrichies au terreau du réalisme campagnard, son langage fait toujours merveille auprès des auditoires. Trop jeunes souvent pour avoir connu les restrictions de l’occupation ou immigrés venus de la ville et ignorants encore des codes de bonne conduite à la campagne, certains se récrient avec emphase. Mais le maire s’incline et lui abandonne d’autant plus facilement la parole qu’il sait qu’au moment du vote la majorité des conseillers l’ignoreront probablement. À grand tort, bien sûr. Demain, dans une semaine, dans un mois, la population toujours rétive aux dictats tombés d’en haut ne manquera pas d’en appeler à Marthe pour rétablir le bon sens. Elle écoutera les doléances avec un petit sourire sur les lèvres et la tête légèrement penchée vers la cheminée comme pour en prendre toute la chaleur. Puis elle haussera les épaules, citera Victor Hugo, Apollinaire ou Charles Péguy dont elle vient justement de lire "La Mystique républicaine", et qu’elle tient absolument à me rendre sans attendre là aussi, à moins qu’elle ne fasse appel à Jean-Luc Mélenchon qu’elle affectionne tout particulièrement et à l’une de ses saillies enflammées qui l’amusent toujours beaucoup et laissera échapper pour finir un "pfutt…" aérien qu’elle balaiera d’un revers de la main dans l’air surchauffé de sa cuisine. Je boirais bien une tisane, ajoutera-t-elle, en laissant à son interlocutrice le soin de faire chauffer l’eau et de sortir les tasses. Elle est comme cela, Marthe, digne et espiègle à la fois, candide et malicieuse, souriante et grave. Et curieuse toujours, sans cesse en quête d’idées nouvelles et de rencontres. Avide surtout de savourer chaque instant de vie comme une pâtisserie de Brillat-Savarin gorgée de crème fouettée. Et bien que les chemins du futur soient imprévisibles, on espère qu’elle nous dira pendant longtemps encore bien des choses à penser à propos de l’avenir.

Le chômage aurait-il disparu ?

Publié le 15/12/2015 à 11:12 par levieuxbougon
Le chômage aurait-il disparu ?

      Je prévoyais de déguster benoîtement ma journée de repos dominical devant ma cheminée en compagnie de mon chat César, du dernier opus de François Cheng dont on dit le plus grand bien, La vraie gloire est ici et d’Albéric Magnard et ses sonates pour violon et piano. Las, j’étais réquisitionné comme assesseur au bureau de vote du village sis dans la grande salle de la mairie mais la secrétaire avait oublié de me prévenir. J’abandonne donc mon programme bien tranquille pour un autre qui promet d’être plus agité. En réalité, l’affaire est assez simple. Vous passez une grande partie de votre temps à attendre debout la venue des citoyens soucieux de remplir leur devoir citoyen. Raide comme un piquet planté au milieu des courants d’air, vous vous dandinez d’un pied sur l’autre dans l’espoir de les réchauffer. De temps à autre, une âme charitable apporte du café dans un thermos, une viennoiserie, des chocolats pour préparer les fêtes qui arrivent. Vous remerciez chaleureusement même si la donatrice ne partage manifestement pas vos goûts. Vous serrez beaucoup de mains, même si vous n’en serrez qu’une par personne, vous faites deux ou trois bises sur des joues glacées tout en reniflant les parfums les plus divers et pas toujours discrets, vous embrassez quelques enfants au nez larmoyant emmitouflés dans leur manteau et le cache-col tricoté par Mamie et vous souriez gauchement en échangeant quelques mots de politesse. Et Jean-Michel, comment il va ? A voté ! On se connaît, aller ! Pas besoin de la carte d’identité. A voté ! Quelle belle écharpe vous avez-là, Madeleine, et chaude en plus ! A voté ! Et la carte d’électeur ? À tout à l’heure ! À sexte, les cloches de l’église sonnent la fin de l’office et la salle est tout à coup prise d’assaut par quelques bambins qui courent en tous sens et leurs grands-parents qui trottinent vers les isoloirs. Une file d’attente se constitue rapidement, égayée de salutations enflammées, de poignées de main, d’échanges de bises. On rit, on cause, on tousse, on s’apitoie, on s’impatiente un peu parce que c’est l’heure de passer à table, on tousse, on parle des gelées de la semaine dernière, du lampadaire du croisement avec la route de la Ville qui n’éclaire plus, du temps qu’il va faire la semaine à venir, de l’arbre de noël des enfants des écoles, de la réunion du club Troisième Âge. Mais mon remplaçant arrive enfin. Le maire s’assure que je serai bien de retour pour la fermeture et le dépouillement. Je retrouve César confortablement enroulé sur sa chaise en paille avancée devant la cheminée. Il accepte exceptionnellement de nettoyer mon assiette avant de rejoindre mon fauteuil pour poursuivre sa sieste. Le temps de raviver la flambée d’une ou deux bûches de frêne et d’un tour de jardin pour admirer les innombrables petites fleurs jaunes qui tapissent les jasmins d’hiver et c’est l’heure de regagner la mairie. Les caissières de supermarché ont l’habitude de ces clients aux si lourdes occupations qu’ils ne peuvent aller acheter leur pain qu’à l’heure de la fermeture du magasin. Il en est de même pour certains électeurs qui attendent systématiquement le dernier moment pour se précipiter vers les urnes. Antoine est de ceux-là. Escorté de son fidèle épagneul, il arrive tout essoufflé quelques minutes à peine avant la clôture des votes. Congratulations à n’en plus finir tandis que le maire surveille l’aiguille des secondes qui court inexorablement vers les sommets. L’isoloir, la carte d’électeur, l’enveloppe dans la fente. A voté ! Alors Antoine, et ce travail ? Quoi, ce travail ? Ce n’est pas parce que plus personne ne parle du chômage qu’il a disparu ! Les chemins du futur étant imprévisibles, peut-être, malgré tout, trouvera-t-il un emploi dans les prochaines semaines ! Voilà, en tout état de cause, qui nous laisse encore bien des choses à penser.

Déprime hivernale

Publié le 10/12/2015 à 22:13 par levieuxbougon Tags : déprime luminothérapie
Déprime hivernale

       Le matin s’est levé tard, aujourd’hui. Comme s’il hésitait à quitter le giron de la nuit. Il s’est ensuite dilué dans une brume grisâtre et indécise, à peine traversée des appels étouffés des choucas et des grues retardataires. Jusqu’à ce que les cloches de l’église sonnent none et que la nuit s’insinue de nouveau au cœur des maigres lambeaux du jour. Le poème de Denis Wettervald me revient en mémoire. "La nuit ne tombe pas / Ici / Au nord du nord / Elle glisse / Imperceptible / Imperturbable / Et soudain pèse / Couleur de plomb / Enveloppant d’un silence inquiétant / Les corps aux ressorts fatigués / Des enfants déjà vieux".(*)Il faut au moins les quintets pour piano et violons, viole et violoncelle de Friedrich Gernsheim par Olivier Triendl et le Gémeaux Quartett pour échapper à la morosité ambiante. Sinon tombe inexorablement la fameuse dépression saisonnière avec son cortège de fatigues chroniques et de réveils difficiles, avec ses crises de boulimie, ses rapports bougons avec les voisins, sa perte de confiance en soi et la chute vertigineuse de la libido qui en découle. Vos amis vous évitent, vos amours vous ignorent et votre chat lui-même vous fuit. L’un de vos proches, fervent adepte des médications naturelles, osera finalement franchir les barrières que vous avez édifiées autour de vous et vous prescrira des infusions de millepertuis, de passiflore ou de valériane sinon même des décoctions de ginseng. Mais tout le monde n’a pas la possibilité de cultiver un carré de plantes médicinales dans un coin de son courtil. Les indigènes des pays lointains perdus au nord du nord l’ont si bien compris qu’ils ont inventé la luminothérapie afin de stimuler dans leur cerveau la sécrétion de la fameuse sérotonine aux effets antidépresseurs. La méthode est simple et facile à réaliser chez soi dans sa cuisine ou son cantou. Il suffit, à l’aube de la nuitée, d’exposer ses yeux pendant une demi-heure à une lumière artificielle à large spectre imitant celle du soleil. Certes, vous ne pouvez pas, pendant ce temps, suivre avec attention votre feuilleton marseillais à la télévision. Certes, il vous faut négocier avec votre compagnon ou votre compagne qui profite de ces moments de répit pour pratiquer sa séance de yoga. Mais chasser cette vilaine déprime d’hiver exige un minimum d’efforts. Ou que faire, alors, des affreuses pensées négatives qui l’accompagnent généralement ? La crainte d’une augmentation imprévue des impôts, l’angoisse d’une visite inopinée de votre belle-mère ou de votre grand-oncle, l’appréhension avant l’entretien annuel avec votre supérieur hiérarchique ou, pire encore, le pressentiment d’une catastrophe imminente et inévitable comme un réchauffement climatique dans votre courtil. En réalité, tout espoir n’est pas perdu pour qui refuserait par déontologie écologique ou par souci d’économie de recourir à ce procédé. Il existerait, en effet, une luminothérapie intérieure.  L’éternel sourire du Dalaï-lama en est la preuve tangible. Mais comment fait-il ? Quelle lumière intérieure illumine le regard apaisé de Mathieu Ricard lorsqu’il répond avec calme et pondération aux questions sans intérêt des journalistes qui l’interrogent ? Quelle sérénité habite Rabindranath Tagore lorsqu’il compose ses odes à l’amour et à la paix ? Peut-on atteindre cette béatitude avec les textes de Fabien Marsaud, le hard rock des Eagles of Death Metal ou les livres de Bernard Werber ? Voilà, en tout état de cause, qui laisse encore bien des choses à penser au milieu des détours imprévisibles des chemins du futur.(*Denis Wettervald extrait de : Silence à fendre. Un hiver à Ventspils.Villèle Éditions) 

L'eau courante à l'évier

Publié le 04/12/2015 à 10:43 par levieuxbougon Tags : eau pollution sécheresse climat
L'eau courante à l'évier

     Le ru qui coule en contrebas de mon courtil s’est tari dès la mi-juillet. Les averses d’août lui ont redonné vie et celles de septembre une vraie vigueur. La situation de la France sur le globe terrestre lui permet en effet d’être régulièrement arrosée par les pluies d’automne, les pluies d’hiver et les pluies de printemps et par les orages d’été. Il peut certes arriver parfois que, dans un excès de colère, l’eau dévaste tout sur son passage, les maisons, les commerces, les ateliers et les vies. Mais en dépit de son inconséquence, l’Homme est globalement parvenu à la maîtriser. Dans le moindre village perdu au cœur de son désert rural, la ménagère peut ainsi s’enorgueillir de disposer de l’eau courante au-dessus de son évier et la ville la plus modeste se prévaloir d’offrir à ses habitants des immeubles modernes avec non seulement le gaz et l’électricité à tous les étages mais aussi l’eau au robinet. Dans les années soixante, on ajouta même des baignoires jusque dans les plus humbles HLM de banlieue. Pauvres, bien sûr, honnêtes, sans doute, mais surtout propres sur eux, telle était la devise des Offices Municipaux de Logements Populaires. Le summum du bien-être y est aujourd’hui assuré par la cabine de douche à la mode italienne qui permet de gaspiller jusqu’à 80 litres d’eau potable chaque jour pour avoir l’air civilisé quand un simple déodorant corporel suffirait à masquer pendant 48 heures d’éventuelles mauvaises odeurs. Et tandis que les citadins, fiers comme Artaban, se lavent et se relavent à satiété, les campagnes, pour une fois à la pointe du progrès, équipent leurs courtils de piscines pour la baignade à domicile. Plus besoin d’arpenter le macadam sur des kilomètres et des kilomètres et de diffuser ainsi dans l’air des tonnes et des tonnes de gaz à effet de serre et de particules cancérogènes pour prendre un bain de pieds. Il suffit de nos jours, même si c’est le plus souvent en été, d’ouvrir la porte donnant sur la terrasse et de plonger la tête la première dans une eau plus bleue que bleue en attendant l’heure de l’anisette bien fraîche "façon peuple" qui patiente sur le rebord soigneusement carrelé "façon pierre de Bourgogne". Pourtant, en dépit ou à cause de tout ce déploiement hédoniste si cher à Michel Onfray, l’eau devient de plus en plus un enjeu de première importance dans nos sociétés. Les viticulteurs guettaient hier le ciel dans la crainte de la grêle du mois d’août si ruineuse pour leurs vignobles. Leurs voisins d’aujourd’hui pompent allègrement l’eau des nappes phréatiques pour faire pousser leur maïs toujours plus haut. On a même vu tout récemment encore une véritable guérilla s’installer dans les profondeurs de notre sud-ouest au sujet d’un bassin de retenue d’eau officiellement destiné à abreuver des veaux, des vaches, des cochons et des couvées de canards. En ce début de troisième millénaire, nos terroirs risquent-ils de connaître une guerre de l’eau ? Verrons-nous revenir le temps des restrictions comme jadis pour le café ou le tabac ? La bière contient près de 95% d’eau. Qu’en resterait-il si l’on supprimait cet adjuvant faute d’approvisionnement ? Le cidre bouché normand, outre ses bulles, ses 4° d’alcool règlementaires et un peu de jus de pomme fermenté, contient essentiellement de l’eau. Quel goût aurait cette boisson bénie des dieux que les Égyptiens de l’antiquité appelaient déjà sikera ? Le corps humain lui-même est constitué de 60% d’eau. Qu’en restera-t-il si, là aussi, le gouvernement veut faire des économies comme il en fait déjà sur le dos de la Culture et des bénéficiaires des Allocations Familiales ? C’est pourquoi il convient dès à présent, et en vertu du grand principe de précaution, d’éviter tout gaspillage inutile. Sauf, bien entendu, en cas de bains de pieds dans la saumure pour endormir un œil de perdrix particulièrement agressif ou, dans un esprit de conciliation, pour mettre de l’eau dans son vin. Mais les imprévisibles chemins du futur nous laisseront peut-être, malgré tout, encore bien des choses à penser à propos de l’avenir.

L'avenir du futur et la COP21

Publié le 01/12/2015 à 09:22 par levieuxbougon Tags : Avenir COP21 pollution
L'avenir du futur et la COP21

       Discussion âpre et serrée avec mon ami Joseph. Je l’avais cueilli sur le bord de la route alors qu’il l’arpentait depuis plusieurs années au hasard de ses pas.Il s’était alors résolu à poser sa besace chez notre vieille amie Marthe Dumas, du Mas du Goth. Du haut de ses 85 ans, celle-ci apprécie grandement sa présence et sa gentillesse. En contrepartie du gîte et du couvert, il approvisionne régulièrement sa cheminée en frêne et en châtaignier, écoute religieusement ses conseils en matière de jardinage, veille sur ses poules et ses lapins et élève des pintades qu’il vend sur les marchés. Par amour de la nature sauvage qu’il a sillonnée si longtemps, Joseph est devenu au fil du temps un fervent adepte de l’élevage "bio". « C’est bon pour la santé et bon pour la planète, » affirme-t-il avec des accents de conférencier. Notre planète, dis-je, s’en moque éperdument ! Elle est bien assez grande pour se débrouiller toute seule. Quant au fameux réchauffement climatique, elle a connu pire avatar en 4,5 milliards d’années. Elle s’en est même si bien sortie qu’elle a fini par devenir habitable pour la vie. Certes, avec ses industries, l’homme est probablement en train de tout détraquer. Mais cela ne représente guère pour elle qu’un modeste gratouillis. Elle a la couenne assez ferme et le cœur assez coriace pour résister à ces petits désagréments. Par contre, il est vraisemblable que le dommage sera bien plus important pour cet homme qu’elle héberge. Lorsque toutes les pollutions qu’il parsème un peu partout sur le globe auront rendu la vie trop difficile, que deviendra-t-il ? Certes, les plus riches et les plus forts pourront s’acheter le meilleur confort pendant un certain temps encore mais pourront-ils aussi acheter leur survie ? Et que vaudrait-elle d’ailleurs lorsque les famines, les inondations, les incendies, les épidémies et les guerres en tous genres auront décimé la plus grande partie de l’humanité ? Peut-on vivre heureux ainsi ? Que vaudra le bonheur pour la dernière famille, le dernier homme, le dernier enfant ?  Peut-on vivre heureux seul ? C’est-à-dire sans avenir. Sans espoir. Avec seulement au cœur les regrets des temps passés lorsque, comme le chantait Jo Moustaki, la Terre était un jardin.  Cette nostalgie existe déjà bien sûr. Elle n’incite guère l’homme, hélas, à mettre tout en œuvre pour retrouver ces époques idylliques. Mais la Terre, quant à elle, ignore superbement toutes ces péripéties. Imperturbable, elle continue son parcours de planète au sein d’un système solaire lui-même imbriqué dans sa galaxie qui poursuit, impassible, son chemin tout tracé depuis le fameux big-bang. Et dans ce cadre, la persistance de la vie sur la Terre est bien moins tributaire de la sagesse humaine que de la proximité avec le soleil. Dans moins de deux milliards d’années, toute vie aura disparu. Brûlée. Carbonisée. Évaporée dans le vide intersidéral. L’Homme se comporte comme si la Terre était éternelle. Comme si la vie était éternelle. Mais que signifie l’éternité elle-même à l’aune du cosmos et de ses lendemains inexorables ? En réalité, l’espèce humaine devrait, dès maintenant, faire tout ce qui est en son pouvoir pour tenir le plus longtemps possible dans les moins mauvaises conditions. Hélas, même rassemblée en grandes pompes et fanfares tricolores, elle ne semble guère disposée à emprunter ce sentier difficile. Et même si elle y parvenait, peut-être est-il déjà trop tard. Mais les chemins du futur étant imprévisibles, peut-être y parviendra-t-elle malgré tout ! Ce qui nous laisse encore bien des choses à penser à propos de l’avenir.