L'impot confiscatoire: Notion et jurisprudence
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À propos de ce livre électronique
Si le Conseil constitutionnel français a progressivement décidé de fonder l’exigence d’un impôt non-confiscatoire sur le principe d’égalité devant les charges publiques, il semble difficile de concevoir un impôt confiscatoire sans référence au droit de propriété, référence qui permettrait de donner toute sa vigueur à cette exigence. Quoi qu’il en soit, de notables évolutions sont à attendre en ce qui concerne l’exigence d’un impôt non-confiscatoire. Déjà ouvert aux praticiens par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité, ce nouvel outil contentieux est incontestablement appelé à se développer.
Cet ouvrage retrace la genèse de la notion d’impôt confiscatoire en droit français et la compare avec les évolutions de la jurisprudence internationale.
Il tente de dégager un équilibre entre principe d’égalité devant l’impôt et droit de propriété. Il intéresse les cadres et dirigeants d’entreprise, les magistrats et fiscalistes.
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Avis sur L'impot confiscatoire
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Aperçu du livre
L'impot confiscatoire - Pierre-Léonard Rouzaud
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée pour le Groupe Larcier.
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© Groupe Larcier s.a., 2016
Éditions Larcier
Espace Jacqmotte
Rue Haute, 139 - Loft 6 - 1000 Bruxelles
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ISBN 9782804488390
Remerciements
Je souhaiterais vivement remercier Maître Philippe Corruble et Maître Cyril Valentin pour leur écoute, leur disponibilité et leurs précieux conseils au cours de la rédaction de cette étude.
Je souhaiterais par ailleurs adresser mes remerciements à Benjamin Boisanté pour sa relecture patiente, depuis sa première rédaction jusqu’à sa dernière version.
J’adresse enfin ma gratitude au président Jean Barthélémy, sans qui je n’aurais pas osé poursuivre dans la voie du droit et sans qui cet ouvrage n’aurait pu voir le jour.
Préface
Qu’est-ce qu’un impôt confiscatoire ? Un impôt est-il même susceptible de subir le grief d’être confiscatoire ? Existe-t-il un taux (facial ou effectif) « magique » au-delà duquel une imposition, quelle que soit sa nature, serait excessive et prohibée car spoliatrice du contribuable ? La question derrière celles-ci est bien entendu la suivante : est-il possible de mettre en évidence et de définir précisément les contours d’un argument juridique – en l’occurrence, sur un plan constitutionnel – susceptible de s’opposer à un prélèvement obligatoire au motif que celui-ci présenterait un caractère excessif qui, de manière instantanée ou par un effet de récurrence, seul ou par cumul avec d’autres prélèvements, confinerait à la confiscation ? L’introduction en droit français de la question prioritaire de constitutionnalité a considérablement renouvelé et amplifié l’intérêt de cette question pour les contribuables et les praticiens du droit fiscal, puisqu’est désormais en jeu l’existence d’un réel outil contentieux.
La réponse est évidemment complexe. Le taux « magique » mentionné ci-dessus n’existe pas. Pour autant, l’argument constitutionnel existe ; l’analyse de son contenu et de sa genèse est passionnante, et le résumé, clair et concis, que nous livre M. Pierre-Léonard Rouzaud de la jurisprudence subtile et nuancée du Conseil constitutionnel l’est tout autant. Pour quelles raisons le Conseil écarte-t-il le fondement constitutionnel qui viendrait le plus immédiatement à l’esprit, savoir le droit de propriété ? Comment articuler, dans le cadre du débat sur le caractère confiscatoire de l’impôt, les principes d’égalité devant les charges publiques et d’égalité devant la loi ? En quoi ces principes contiennent-ils une exigence de proportionnalité, et comment le Conseil fait-il application de celle-ci à la matière fiscale ? Le premier mérite, et il est immense, du travail de M. Pierre-Léonard Rouzaud est d’examiner avec précision et rigueur la longue évolution, et les fluctuations et contradictions, de la jurisprudence constitutionnelle en la matière, depuis la première mention par le Conseil de la « capacité contributive » à l’occasion de sa célèbre décision IGF de 1981 jusqu’à la théorie dite (pour reprendre l’expression de M. le Président Fouquet) du « mille-feuille » des impositions élaborée à l’occasion notamment des débats sur l’éphémère (mais fameuse) « taxe à 75 % », en passant par l’importante décision « bouclier fiscal » de 2005.
Le second mérite, et il est tout aussi grand que le premier, de cet ouvrage est de restituer la position du Conseil à son contexte, à la conception de l’impôt dans notre pays, et à la conception que le Conseil a de son propre rôle. Conception qu’il en a à l’heure actuelle, ajoutera-t-on, tant il est permis de se demander – et Pierre-Léonard Rouzaud esquisse d’intéressantes perspectives dans ce cadre – si celle-ci est appelée à évoluer, sous l’influence du droit européen et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, dont l’appréciation de l’exigence de proportionnalité, notamment en matière fiscale, semble s’écarter à certains égards de celle des juges de la rue Montpensier.
Cyril Valentin
Avocat à la Cour, associé,
Freshfields Bruckhaus Deringer LLP
Sigles et abréviations utilisés
Introduction
Peut-on contester son niveau d’imposition en arguant du caractère confiscatoire du prélèvement ? La réponse est aujourd’hui négative, du moins sous cette forme là. Le terme même d’« impôt confiscatoire » provoque indubitablement une première réaction ambivalente. S’il sonne d’abord comme familier, il devient ensuite de plus en plus nébuleux au fur et à mesure que l’on cherche à le définir précisément. Comme le soulignait le professeur Paul-Marie Gaudemet¹, l’expression est naturellement fondée sur deux concepts : l’impôt et la confiscation.
La définition la plus classique de l’impôt a été offerte par le doyen Gaston Jèze qui le décrivait comme « une prestation de valeur pécuniaire, exigée des individus d’après des règles fixes, en vue de couvrir des dépenses d’intérêt général et uniquement à raison du fait que les individus qui doivent la payer sont membres d’une communauté politique organisée »². Cette définition, comme l’ont bien montré chacun de leur côté les professeurs Olivier Négrin³ et Michel Bouvier⁴, a largement irrigué l’ensemble de la doctrine par la suite. De manière plus récente, il serait possible de retenir la définition offerte par les professeurs Gaudemet et Joël Molinier, pour lesquels l’impôt était « un prélèvement opéré par voie de contrainte par la puissance publique et ayant pour objectif essentiel de couvrir les charges publiques et de les répartir en fonction des facultés contributives des citoyens »⁵. Cette définition a le mérite de contenir la notion de « capacité contributive » du contribuable et d’intégrer le débat doctrinal autour de la progressivité du prélèvement.
De son côté, la confiscation signifie étymologiquement bien plus que ce à quoi elle a progressivement été associée. Issue de la conjonction des mots latins « cum » et « fiscus », elle représentait à l’origine la simple attribution d’un bien au fisc, c’est à dire le transfert d’une partie du patrimoine privé vers le patrimoine de l’État. La pratique juridique a donné un sens plus restreint à cette notion. Le Vocabulaire juridique, établi sous la direction du professeur Gérard Cornu la définit ainsi comme l’ « acquisition par l’État, aux fins d’aliénation à son profit de tout ou partie du patrimoine d’un condamné » ou l’ « expropriation intervenant le plus souvent à titre de peine complémentaire dans les cas spécifiés par la loi. ». Elle peut être « générale » et « porter sur l’ensemble des biens présents », ou « spéciale » et « porter sur un ou plusieurs biens déterminés soit à titre de peine, soit à titre de mesure de sûreté (fréquente en matière fiscale, économique et douanière ) »⁶. Le Dictionnaire du vocabulaire juridique établi sous la direction du professeur Rémy Cabrillac est, lui, encore plus radical, assimilant la confiscation à une « peine par laquelle l’État obtient, dans des conditions fixées par la loi, la mainmise sur un ou plusieurs biens de la personne condamnée lorsque ces biens ont servi ou étaient destinés à la commission de l’infraction ou s’ils en sont le produit, la confiscation pouvant être générale dans le cas d’infractions particulièrement graves »⁷.
La confiscation est ainsi assimilée à une sanction. C’est en ce sens qu’elle figure à l’article 1791 du Code général des impôts (« CGI ») régissant les pénalités en cas de fraude relative aux contributions indirectes. Cet article dispose ainsi que sont punies d’une amende toute manœuvre ayant pour but ou pour résultat de frauder ou de compromettre les différents droits relatifs à ces contributions indirectes « sans préjudice de la confiscation des objets, produits ou marchandises saisis en contravention, ainsi que de la confiscation des biens et avoirs qui sont le produit direct ou indirecte de l’infraction ». Dans une instruction du 1er octobre 1996, l’administration précisait même la nature « hybride » de cette confiscation, en soulignant que « bien que sa nature ne soit pas nettement définie, la confiscation présente, suivant les matières auxquelles elle s’applique, un caractère prédominant qui est, tantôt celui d’une peine, tantôt celui d’une mesure de police et de sûreté, tantôt enfin, celui d’une réparation civile »⁸. La confiscation reste ainsi attachée, y compris en matière fiscale et douanière, à l’idée de la commission d’une infraction. C’est encore en ce sens, et en ce sens seulement, que la doctrine administrative emploie le terme de confiscation dans ses commentaires actuels.
Pourtant, une fois ces deux termes éclaircis, il apparaît bien, comme le soulignait le professeur Gaudemet, qu’un impôt puisse être qualifié de confiscatoire, hors cas d’une sanction, et ce « lorsque l’élévation de son taux oblige le contribuable à amputer son patrimoine pour l’acquitter, son revenu disponible n’y suffisant plus »⁹. Défini comme tel, une telle disposition revient donc par ses effets à exproprier de manière déguisée le contribuable de son bien. Le cadre n’est dès lors plus celui de la pénalité. La définition du professeur Gaudemet peut même être étendue