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| légende = Charles Varlet
}}
'''Charles Varlet''', dit '''La Grange''', est un comédien français né en 1635<ref>''Cent ans de recherches sur Molière'', Paris, 1963, p. 707.</ref> et décédé à [[Paris]] le {{1erdate|1 mars 1692}}. [[1692]].Troupe de Molière|Camarade de scène]] de [[troupe de Molière|Molière]] et son successeur à la tête de la Troupe du Roi, il créa certains des principaux rôles de ses pièces, en particulier celui de Dom Juan, et tint pendant plusieurs décennies un registre de ses comptes, qui constitue un document exceptionnel sur la vie théâtrale de la seconde moitié du {{s-|XVII}}.
 
== Biographie ==
 
=== Famille et enfance ===
Fils aîné d'Hector Varlet, maître d'hôtel du maréchal de [[Charles de Schomberg|Schomberg]], et de Marie de La Grange (dont il prendra le patronyme comme nom de théâtre), Charles Varlet est baptisé en l'église Notre-Dame-des-Tables de Montpellier, à l'âge de neuf mois environ, le {{date-|9 mars 1636}}, très probablement tenu sur les fonts par [[Charles de Schomberg]] lui-même. Son frère [[Verneuil (acteur)|Achille]], qui sera comédien sous le nom de Verneuil, est ondoyé le jour même de sa naissance, le 17 décembre 1636, avec pour parrain [[Achille de Harlay de Sancy|Achille de Harlay]], évêque de Saint-Malo. Sa sœur Marie-Justine, née le 14 mai 1638 et ondoyée dans les jours suivants en présence de membres de la maison de Schomberg, sera religieuse chez les [[Ordre de la Visitation|Visitandines]] de la [[rue du Bac]] à Paris. Achille et Marie-Justine seront baptisés à [[Église Saint-Nicolas-des-Champs|Saint-Nicolas-des-Champs]], le 22 février 1642.
 
Son frère [[Verneuil (acteur)|Achille]], qui sera comédien sous le nom de Verneuil, est ondoyé le jour même de sa naissance, le {{date-|17 décembre 1636}}, avec pour parrain [[Achille de Harlay de Sancy|Achille de Harlay]], évêque de Saint-Malo. Sa sœur Marie-Justine, née le {{date-|14 mai 1638}} et ondoyée dans les jours suivants en présence de membres de la maison de Schomberg, sera religieuse chez les [[Ordre de la Visitation|Visitandines]] de la [[rue du Bac]] à Paris et mourra le 10 août 1685. Achille et Marie-Justine seront baptisés à [[Église Saint-Nicolas-des-Champs|Saint-Nicolas-des-Champs]], le {{date-|22 février 1642}}.
Le 24 avril 1640, le maréchal de Schomberg et sa femme [[Anne, duchesse d'Halluin|Anne de Halluin]] avaient fait au jeune Charles une donation de 6000 livres en témoignage de «singulière affection», qui fit l'objet d'une insinuation au Châtelet de Paris en janvier 1641. Quand La Grange en donna quittance, le 5 mars 1663, elle avait été augmentée des intérêts et se montait maintenant à 9.444 livres, que le comédien sut faire circuler et fructifier, à coups de prêts et de placements, avec un non moindre talent que celui qu'il exerçait sur les planches. Ainsi fut-il en mesure, en 1686, d'acheter une maison d'une valeur de 40.000 livres.
 
Le {{date-|24 avril 1640}}, le maréchal de Schomberg et sa femme [[Anne, duchesse d'Halluin|Anne de Halluin]] avaient fait au jeune Charles une donation de 6000 livres en témoignage de «singulière affection», qui fit l'objet d'une insinuation au Châtelet de Paris en {{date-|janvier 1641}}. Quand La Grange en donna quittance, le {{date-|5 mars 1663}}, elle avait été augmentée des intérêts et se montait maintenant à 9.444 livres, que le comédien sut faire circuler et fructifier, à coups de prêts et de placements, avec un non moindre talent que celui qu'il exerçait sur les planches. Ainsi fut-il en mesure, en 1686, d'acheter une maison d'une valeur de 40.000 livres.
C'est probablement au début de l'année 1641 que les époux Varlet et leurs enfants vinrent s'installer à Paris, si l'on admet qu'Hector Varlet avait suivi son patron, venu reprendre possession de son hôtel parisien. Mmes Jurgens et Maxfield-Miller, à qui l'on doit les renseignements fournis ci-dessus<ref>Voir ''Cent de recherches sur Molière'', p. 707-712{{Lien web|langue = |titre = Cent ans de recherches|url = https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/mm/media/download/FRAN_ANX_008004.pdf|site = Archives nationales|date = |consulté le = }}.</ref>, ajoutent une précieuse indication: l'hôtel de Schomberg se trouvait [[rue Saint-Honoré]], face à la boutique du tapissier Jean Pocquelin, et il y a de grandes chances pour que celui-ci, sinon son fils aîné, le futur [[Molière]], ait connu le père de Charles Varlet.
 
C'est probablement au début de l'année 1641 que les époux Varlet et leurs enfants vinrent s'installer à Paris, si l'on admet qu'Hector Varlet avait suivi son patron, venu reprendre possession de son hôtel parisien. MmesMadeleine Jurgens et Élizabeth Maxfield-Miller, à qui l'on doit les renseignements fournis ci-dessus<ref>Voir ''Cent de recherches sur Molière'', p. 707-712{{Lien web|langue = |titre = Cent ans de recherches|url = https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/mm/media/download/FRAN_ANX_008004.pdf|site = Archives nationales|date = |consulté le = }}.</ref>, ajoutent une précieuse indication: l'hôtel de Schomberg se trouvait [[rue Saint-Honoré]], face à la boutique du tapissier Jean Pocquelin, et il y a de grandes chances pour que celui-ci, sinon son fils aîné, le futur [[Molière]], ait connu le père de Charles Varlet.
Mais les actes de mariage des frères Varlet, cités par [[Auguste Jal]] dans son ''Dictionnaire critique de biographie et d'histoire'', les disent «fils de défunt Hector Varlet, vivant capitaine au château de Nanteuil»<ref>{{Lien web|langue = |titre = Dictionnaire critique|url = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4755d/f21.image.r=.langFR|site = Gallica|date = |consulté le = }}</ref>. Cette demeure, qu'Henri de Lenoncourt avait fait bâtir, au milieu du siècle précédent, à [[Nanteuil-le-Haudouin]] sur les ruines d'un château médiéval, était la propriété des Schomberg depuis trois générations.
 
Mais les actes de mariage des frères Varlet, cités par [[Auguste Jal]] dans son ''Dictionnaire critique de biographie et d'histoire'', les disent «fils de défunt Hector Varlet, vivant capitaine au château de Nanteuil»<ref>{{Lien web|langue = |titre = Dictionnaire critique|url = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4755d/f21.image.r=.langFR|site = Gallica|date = |consulté le = }}</ref>. Cette demeure, qu'Henri de Lenoncourt avait fait bâtir, au milieu du siècle précédent, à [[Nanteuil-le-Haudouin]] sur les ruines d'un château médiéval, était la propriété des Schomberg depuis trois générations.
[…]
 
=== Comédien chez Molière ===
Il devait appartenir depuis peu de temps à l'une des nombreuses troupes de campagne qui servaient de viviers de comédiens aux théâtres parisiens, lorsqu'au cours du relâche de Pâques 1659, il entra dans la «Troupe de Monsieur, frère du Roi», désormais conduite par le seul Molière et qui jouait, en alternance avec les comédiens italiens du roi, sur la scène du [[Petit-Bourbon]]. Quatre autres comédiens y faisaient leur entrée en même temps que lui: Philibert Gassot, sieur [[du Croisy]], et sa femme [[Mademoiselle Du Croisy|Marie Claveau]], Julien Bedeau, dit [[Jodelet]], et son frère François, dit [[L'Espy]], jusqu'alors membres de la troupe du Marais.
 
Joseph Béjart étant mort le {{date-|25 mai}} suivant, La Grange reprit les rôles de Lélie dans L'''[[L'Étourdi ou les Contretemps|Étourdi]], '' et d’Éraste dans Le ''[[Le Dépit amoureux|Dépit amoureux]]'', que le défunt avait tenus depuis la création des deux pièces, à [[Lyon]] en 1655 et à [[Béziers]] à la fin de 1656. Et lorsqu'en septembre, la troupe donna ''[[Le Menteur]]'' de [[Pierre Corneille]], pour la première fois depuis la mort de Béjart, c'est encore au jeune La Grange, ce nouveau venu, honnête, sérieux et de bonne tenue, que fut confié le rôle principal de Dorante.
 
[…]
 
Il ne fut pas seulement le jeune premier de la troupe, mignon jeune homme à la perruque blonde et au baudrier brodé, incliné avec grâce, parfait amoureux des gens honnêtes. Il fut aussi considéré comme un excellent comédien, comme en témoigne [[Samuel Chappuzeau]], qui écrivit dans son ''Théâtre françois'' (1674) :
 
{{début citation}}Quoique sa taille ne passe guère la médiocre, c’est une taille bien prise, un air libre et dégagé, et sans l’ouïr parler, sa personne plaist beaucoup. Il passe avec justice pour très bon acteur, soit pour le sérieux, soit pour le comique, et il n’y a point de rôle qu’il n’exécute très bien. Comme il a beaucoup de feu, et de cette honneste hardiesse nécessaire à l'orateur, il y a du plaisir à l'écouter quand il vient faire le compliment<ref>{{Lien web|langue = |titre = Le Théâtre françois|url = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k108751n/f324.image.r=.langFR|site = Gallica|date = |consulté le = }}</ref>.{{fin citation}}
 
[[Molière]] le tenait en haute estime, le considérant, sinon comme le meilleur comédien de la troupe, du moins comme l'un des plus capables. C'est en ce sens que la tradition interprète un passage de ''[[L'Impromptu de Versailles]]'' (fin de la scène I), dans lequel [[Molière]], jouant son propre rôle et distribuant les leurs aux autres comédiens, dit simplement à La Grange: « Pour vous, je n’ai rien à vous dire », lui donnant « devant la postérité un brevet de maître en comédie », comme l'écrira [[Henry Lyonnet]] dans son ''Dictionnaire des comédiens français''<ref>{{Lien web|langue = |titre = DictonnaireDictionnaire des comédiens français|url = httphttps://gallicalabsgallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2137871/f276.image.r=La%20Grange|site = Gallica|date = |consulté le = }}</ref>{{,}}<ref>En fait, ce passage n'a probablement pas ce sens, qui aurait été une mauvaise manière faite publiquement aux autres comédiens de la troupe et qui surtout est contredit un peu plus loin (début de la scène III) par le fait que La Grange adopte un mauvais ton de voix pour jouer le rôle d'un marquis ridicule et que Molière est obligé de le reprendre: « Mon Dieu, ce n'est point là le ton d'un Marquis, il faut le prendre un peu plus haut… Recommencez donc ». En fait, si Molière lui dit plus haut qu'il n'a « rien à lui dire », c'est que, une dizaine de répliques auparavant, il avait commencé sa revue des rôles par La Grange, justement, en lui disant: « Vous, prenez bien garde à bien représenter avec moi votre rôle de Marquis » avant d'être interrompu par les protestations d'une comédienne (« Toujours des Marquis! »), qui faisait dériver la conversation; on comprend que reprenant le fil de la distribution des rôles et se retrouvant devant La Grange, il se soit contenté de ces simples mots.</ref>.
 
La confiance de Molière dans ses qualités s'est rapidement traduite de façon concrète. À la date du {{date-|14 novembre 1664}}, La Grange note dans son Registre: « J’ai commencé à annoncer pour [= à la place de] Mons. de Molière ». Autrement dit, il s'est vu confier la charge d’«orateur» de la troupe, qui consistait à haranguer le public pour l'inciter à venir voir les prochains spectacles de la troupe, et à faire le «compliment» — ce qui lui donnait en même temps la responsabilité de faire imprimer les affiches. Pour [[Molière]], c'était la possibilité de ne plus venir au théâtre les jours où il ne jouait pas (à partir de 1663, il cessa de jouer dans les tragédies et dans les comédies d'autres auteurs que lui).
 
Lorsque, le {{date-|5 août 1667}}, ''L'Imposteur'', nouvelle mouture du ''[[Tartuffe ou l'Imposteur|Tartuffe]]'' créé en 1664, fut interdit après la première représentation, c’est à La Grange et à [[La Thorillière]] que [[Molière]] confia le soin d'aller présenter un placet à [[Louis XIV]], qui faisait le [[Siège de Lille (1667)|siège de Lille]].
 
En 1672, il épouse [[Marie Ragueneau]], qui était depuis une dizaine d'années ouvreuse de la salle du Palais-Royal, et que son mariage fit accéder au statut de comédienne sous le nom de ''{{Mlle}} La Grange''; elle passe pour avoir été sans charme et plutôt piètre comédienne. Lorsqu'en rédigeant plus tard son registre La Grange arriva à la page d'{{date-|avril 1672}}, il nota sobrement : « Le dimanche de Quasimodo 24{{e}}date-|24 avril 1672}}, je fus fiancé, et le lendemain lundi 25{{e}} je fus marié à [[Église Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris|Saint-Germain-l'Auxerrois]] avec {{Mlle}} Marie Ragueneau de l'Estang, qui est entrée actrice dans la troupe »<ref>Passage reproduit dans la nouvelle édition des ''Œuvres complètes'' de Molière dans la Bibliothèque de la Pléiade (Paris, Gallimard, 2010, tome II, p.1135).</ref>. Ils eurent deux jumelles, qui moururent quelques heures après leur baptême, le {{date-|12 décembre 1672}}, et, en 1675, une fille, Marie-Jeanne, dite Manon<ref>{{Lien web|langue = |titre = Dictionnaire critique|url = https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6539474q.image.r=GRAFT.f742.hl|site = Gallica|date = |consulté le = }}</ref>.[[FileFichier:Registre La Grange.jpg|thumb|296x296px|Page du ''Registre de La Grange'' relatant la mort de [[Molière]] ({{date|17|février|1673}})|left]]La Grange fut de tous les spectacles, et quand [[Molière]] mourut, le {{date-|17 février 1673}}, c'est à lui qu'incomba la direction de l’entreprise, d'autant qu'il jouissait, semble-t-il, de l'entière confiance d'[[Armande Béjart]]. Durant le relâche de Pâques, quatre de ses camarades passèrent dans la troupe rivale de l'Hôtel de Bourgogne et [[Louis XIV]] accorda la salle du [[théâtre du Palais-Royal|Palais-Royal]] à [[Jean-Baptiste Lully|Lully]] pour ses spectacles d'opéra: il fallut alors louer (au prix fort) une nouvelle salle<ref>Ce fut la salle de l’ancien opéra, fermée sur ordre depuis un an, au coin de la rue Mazarine et de l'actuelle rue Guénégaud.</ref>, tandis que les comédiens de la troupe du Marais, dissoute par le roi, étaient invités par ordonnance royale à rejoindre « les comédiens du Roi à l’hôtel dit Guénégaud ». La [[Troupe du Roy]], désormais forte de dix-neuf comédiens, ouvrit la nouvelle salle le {{date-|9 juillet 1673}}.
 
Lorsqu'en 1680 la [[Troupe du Roy]] du Théâtre Guénégaud et la Troupe Royale de l’[[Hôtel de Bourgogne (Paris)|Hôtel de Bourgogne]] furent réunies, sur ordre royal, dans ce qui allait être la [[Comédie-Française]], La Grange en fut l’orateur. En 1682, le consortium de libraires qui détenait le privilège d'impression pour les pièces de [[Molière]] lui confia la réalisation de la grande édition posthume des ''Œuvres de Monsieur de Molière'', dont il s'acquitta avec son ami Jean Vivot<ref>Sur ce personnage, voir Jean Mesnard, «Jean Vivot, ami, éditeur et biographe de Molière», ''L'Art du théâtre, Mélanges en hommage à Robert Garapon'', Paris, PUF, 1992.</ref>. Il composa en particulier la préface qui se lit en tête du premier tome<ref>Dans des notes rédigées vers 1696, Jean Nicolas de Tralage, neveu du lieutenant criminel Nicolas La Reynie, attribue ce texte à «Mr Vivot et Mr de La Grange. Le premier était un des amis intimes de l'auteur, et qui savait presque tous ses ouvrages par cœur. L'autre était un des meilleurs acteurs de sa troupe et un des plus honnêtes hommes, homme docile, poli, et que Molière avait pris plaisir lui-même à instruire.»
</ref> et que l'on peut considérer comme la première notice biographique consacrée à Molière.
 
Le {{date-|16 décembre 1691}}, en l'[[église Saint-André-des-Arts]], la jeune Manon La Grange épouse un avocat originaire de Bretagne, François-Louis Musnier du Trohéou, fils de Louis Musnier de Quatremarres et de Fiacre de Gratz. Deux mois et demi plus tard, le {{date|1|mars|1692}}, La Grange meurt de manière inopinée<ref>Fidèles à une tradition qui remonte à [[Pierre-David Lemazurier]], ''Galerie historique des acteurs du Théâtre français'', 1810, tome I, p. 300, la plupart des moliéristes attribuent cette mort au chagrin qu'aurait éprouvé La Grange de voir sa fille mal mariée. Mais dans un mémoire adressé vers 1697 à l'abbé de Mauroy et conservé dans les archives de la famille Gueullette, le frère de F.-L. Musnier du Trohéou écrira  : «Deux mois et demi après le mariage de sa fille, le sieur La Grange mourut. Le public, qui souvent ne pénètre pas dans la vérité des faits, attribua sa mort au chagrin que lui causa son gendre, de le voir perdre avec vous un gros bien. Sa veuve et sa fille, qui avaient des vues d'intérêt plutôt que de probité, confirmèrent le public dans l'erreur, quoique la vérité de cette mort venait de ce qu'il avait tout le bas-ventre gangrené et la rate pétrifiée comme un marron grillé, ce qui, au dire des médecins et des chirurgiens, provenait d'une cause bien plus éloignée. Même [?] après trois jours de maladie, il mourut en un clin d'œil, sans convulsions, par un abcès qui lui creva dans la tête, qui lui sortit dans le moment par les oreilles, le nez et la bouche. On le fit ouvrir en l'absence du gendre  ; ces femmes eurent leurs raisons apparemment pour qu'il n'y fût pas présent et qu'on ne lui ouvrît pas la tête, crainte de découvrir la vraie cause de cette mort qui les mettait dans la possession de tous les biens du défunt, parce qu'il y avait une donation mutuelle.»</ref>, laissant inachevé le ''Registre'' qu'il avait entrepris de rédiger depuis, semble-t-il, une dizaine d'années. Il est enterré le lendemain, en présence de plus de mille personnes.
 
== Le ''Registre'' de La Grange ==
[[FileFichier:Première page du registre de La Grange.jpg|thumb|303x303px467x467px|Première page du registre de La Grange]]
Ce qu'onil est convenu, appelledepuis le XIXe siècle, d''appeler "le Registre de La Grange"<ref>Le premier historien à s'y référer est [[Auguste Jal]], qui en citant un extrait écrit : «Le document auquel j'emprunte ces lignes est une sorte de Journal ou de Mémorial écrit par La Grange d'après les registres des recettes et dépenses de la Comédie, tenus de 1663 à 1672 par La Thorillière, de 1672 à 1673 par Hubert, de 1673 à 1685 par un autre comédien que je ne connais pas, écrit aussi d'après ses propres souvenirs, rappelés un peu tard sans doute, ce qui explique certaines erreurs.»</ref> est un cahier manuscrit quide nous359 pages, qui permet de suivre jour après jour l’activité de la troupe de Molière, puis de la [[Comédie-Française]], de 1659 à 1685. IlLe comédien indique, pour chaque séancejour de représentation, le titre de la (ou lesdes) pièces représentée(s), la recette et la « part » qui en revient à chaque acteur, une fois déduits les frais déduitsordinaires ou extraordinaires ; il dresse le bilan financier de l’année à la fin de chaque saison théâtrale, au moment du relâche de Pâques, et il fournit la liste des acteurs présents dans la troupe au commencement de chaque nouvelle saison (sauf lorsqu'il n'y a pas eu de changement) ; il ajoute enfin des informations sur la vie de la troupe (décès, mariages, ainsireprésentations quedonnées «chez visitesdes »particuliers de la troupeou dans les demeuresrésidences privées ou chez le roi etroyales, séjours prolongés dansà l'unela des résidences royalescour). Ce sont le plus souvent des ajouts en marge, en bas de page ou dans des blancs ; dans le cas d'événements marquants il consacre des développements de quelques lignes à une page ou deux.
 
On a longtemps pensé que La Grange avait commencé à tenir ce « Registre »journal dès son entrée dans la troupe en 1659 et qu’il l’a tenu au jour le jour. Il n'en est rien : écriture et encre indiquent que le plus souvent il a rempli d’affilée plusieurs pages correspondant à plusieurs mois, voire plusieurs années, de représentation, et surtout un grand nombre d'erreurs de dates pour des événements importants (mort du comédien Du Parc ou du père de Molière, oubli de la création de ''[[Psyché (tragédie-ballet)|Psyché]]'' aux Tuileries…[[Palais des Tuileries|Tuileries]]…) prouvent qu'il recopiait les registres de compte de la troupe en y ajoutant des éléments dont il se souvenait ou qu'il avait notés sur des fiches.
 
La couverture du manuscritcahier, conservé à la Bibliothèque-Musée de la Comédie-Française, porte au titre : « Extraict des Receptes et des affaires de la Comedie depuis Pasques de l’année 1659. Apartenant au Sr de la Grange l'un des Comediens du Roy ». En d'autres termes, La Grange n'a pas cherché à tenir un registre de comptes parallèle à ceux que ses camarades et lui-même tenaient à tour de rôle. Car on a conservé trois registres journaliers, dits « de La Thorillière » et « d’Hubert », du nom des comédiens qui les ont tenus, et on y voit que chaque page est consacrée à la représentation du jour, avec le détail des frais, de ce qui est dû par les uns ou les autres, et dedes l'argentsommes qu'a conservéconservées le comédien qui fait office de caissier ; bref, un livre de comptes journaliers, destiné à être vérifié et approuvé par les autres membres de la troupe. La Grange a donc tenu un cahier personnel qui n’a jamais eu vocation à rejoindre les archives de la troupe (d'ailleurs le<ref>Le manuscrit est demeuré dans sa famille, jusqu’à ce qu’en 1785, une dame Varlet, veuve d'un petit-neveu du comédien, en fasse don à la Société des Comédiens français.</ref>. C'est pourquoi on y trouve des notations personnelles concernant le mariage du comédien, la naissance de ses jumelles, ou la contestation qu’il a eue avec le reste de la troupe concernant l'engagement de sa femme.
 
On ne sait pas quelles étaient les intentions de La Grange, lorsqu'il s'est lancé dans la confection de ce document ; on ignore de même à quel moment il s'y est attelé. Peut-être est-ce à force de consulter ses fiches et de se plonger dans les registres de comptes pour fournir les renseignements demandés par les éditeurs de la grande édition posthume des ''Œuvres de Monsieur de Molière''? C'est vraisemblable, sans que nul ne soit en mesure de trancher<ref>Renseignements tirés de Bert Edward Young et Grace Philputt Young, ''Le registre de La Grange (1659-1685) reproduit en fac-similé'', Paris, E. Droz, 1947 (2 vol.) ainsi que de la notice consacrée au ''Registre'' dans l'édition des ''Œuvres complètes'' de Molière (Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2010, tome I, p.1580-1584)</ref>.
 
L'édition du ''Registre'' publiée en 1876 par les soins de la Comédie-Française, avec une préface d'Édouard Thierry (consultable en ligne<ref>[https://archivegallica.orgbnf.fr/detailsark:/archivesdelacom00lagruoft<12148/ref>bpt6k1462449?rk=21459;2 consultable en ligne]), a longtemps été offerte à chaque nouveau sociétaire faisant son entrée dans « la Maison ».
 
== Quelques-uns des rôles qu'il a créés ==
* Lélie, fils de Pandolfe, dans ''[[L'Étourdi ou les Contretemps|L'Étourdi]]'' en 1659 ;
* La Grange, amant rebuté, dans ''[[Les Précieuses ridicules]]'' le {{date-|18 novembre 1659}} ;
* Lélie, amant de Célie, dans ''[[Sganarelle ou le Cocu imaginaire]]'' le {{date-|28 mai 1660}} ;
* Valère dans ''[[L'École des maris]]'' le {{date-|24 juin 1661}} ;
* Lisandre devant la Cour le {{date-|7 août}} et Éraste devant le public le {{date-|25 août}} dans ''[[Les Fâcheux]]'' ;
* Horace, amant d'Agnès, dans ''[[L'École des femmes]]'' le {{date-|26 décembre 1662}} ;
* Le marquis dans ''[[La Critique de l'école des femmes]]'' le {{1er}}date-|1 juin 1663}} ;
* Un marquis ridicule dans ''[[L'Impromptu de Versailles]]'' le {{date-|14 octobre 1663}} ;
* Alcidas, frère de Dorimène, dans ''[[Le Mariage forcé]]'' le {{date-|29 janvier 1664}} ;
* Euryale, prince d'Ithaque, dans ''[[La Princesse d'Élide]]'' le {{date-|8 mai 1664}} ;
* Valère, amant de Mariane, dans ''[[Tartuffe ou l'Imposteur|Tartuffe]]'' le {{date-|12 mai 1664}} ;
* Don Juan dans ''[[Dom Juan ou le Festin de pierre]]'' le {{date-|15 février 1665}} ;
* Philinte dans ''[[Le Misanthrope ou l'Atrabilaire amoureux|le Misanthrope]]'' le {{date-|4 juin 1666}} ;
* [[Léandre (commedia dell'arte)|Léandre]], amant de Lucinde, dans ''[[Le Médecin malgré lui]]'' le {{date-|6 août 1666}} ;
* Acanthe dans ''[[Mélicerte]]'' le {{date-|2 décembre 1666}} ;
* Corydon dans la ''[[Pastorale comique]]'' le {{date-|5 janvier 1667}} ;
* Adraste dans ''[[Le Sicilien ou l'Amour peintre|le Sicilien]]'' le {{date-|14 février 1667}} ;
* Amphitryon dans ''[[Amphitryon (Molière)|Amphitryon]] ''le {{date-|13 janvier 1668}} ;
* Clitandre, amoureux d'Angélique, dans ''[[George Dandin ou le Mari confondu|George Dandin]]'' le {{date-|18 juillet 1668}} ;
* Cléante, fils d'Harpagon, dans ''[[L'Avare ou l'École du mensonge|l'Avare]]'' le {{date-|9 septembre 1668}} ;
* Éraste, amant de Julie, dans ''[[Monsieur de Pourceaugnac]]'' le {{date-|6 octobre 1669}} ;
* Iphicrate, amant magnifique, dans ''[[Les Amants magnifiques]]'' le {{date-|4 février 1670}} ;
* Cléonte dans ''[[Le Bourgeois gentilhomme]]'' le {{date-|14 octobre 1670}} ;
* Agénor dans ''[[Psyché (tragédie-ballet)|Psyché]]'' le {{date-|17 janvier 1671}} ;
* Léandre dans ''[[Les Fourberies de Scapin]]'' le {{date-|24 mai 1671}} ;
* Le vicomte dans ''[[La Comtesse d'Escarbagnas]]'' le {{date-|2 décembre 1671}} ;
* Clitandre dans ''[[Les Femmes savantes]]'' le {{date-|11 mars 1672}}, rôle écrit spécialement pour lui par [[Molière]] ;
* Cléante dans ''[[Le Malade imaginaire]]'' le {{date-|10 février 1673}}, où il fit un triomphe dans la leçon de chant avec [[Armande Béjart|{{Mlle}} Molière]].
 
== Dans la fiction ==
* Dans le film ''[[Molière (film, 1978)|Molière]]'' d'[[Ariane Mnouchkine]] (1978) : Jonathan Sutton
* Dans la piece de théâtre « ''Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres...''», création et mise en scène de [[Julie Deliquet]] pour la [[Comédie-française]] - [[Salle Richelieu]] (2022)<ref>{{Lien web|url=https://www.comedie-francaise.fr/fr/evenements/jean-baptiste-madeleine-armande-et-les-autres...-22-23#|titre=Jean-Baptiste, Madeleine, Armande et les autres...|site=[[Comédie-française|Comédie-française.fr]]|date=octobre 2022}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url=https://www.lhistoire.fr/th%C3%A9%C3%A2tre/la-vie-des-autres|titre=La vie des autres|site=L'Histoire.fr|date=16 décembre 2022}}</ref> : [[Sébastien Pouderoux]]
 
* Dans la comédie musicale ''[[Molière, l'opéra urbain|Molière l'opéra urbain]]'' de [[Dove Attia]] (2023) : Basile Sommermeyer.
 
== Notes ==
{{Références}}
<references/>
 
== Sources ==
* [[Auguste Jal]], ''Dictionnaire critique de biographie et d'histoire'', Paris, Henri Plon, 1867, p. 726-729, [https://www.google.fr/books/edition/Dictionnaire_critique_de_biographie_et_d/6whRAAAAcAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=intitle:dictionnaire+intitle:critique+inauthor:auguste+inauthor:jal&printsec=frontcover lire en ligne].
* [[Henry Lyonnet]], ''Dictionnaire des comédiens français'', Bibliothèque de la revue Universelle Internationale Illustrée, Paris et Genève, 1902-1908
* [[Édouard Thierry]], ''Charles Varlet de La Grange et son registre'', Paris, Imprimerie de J. Claye, 1875, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6456559r?rk=42918;4 lire en ligne].
* Bert Edward et Grace Philputt Young, ''Le registre de La Grange (1659-1685) reproduit en fac-similé'', Paris, E. Droz, 1947, 2 vol.
* [[Henry Lyonnet]], ''Dictionnaire des comédiens français'', Bibliothèque de la revue Universelle Internationale Illustrée, Paris et Genève, 1902-1908, Deuxième volume, p. 272-275, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2137871/f275.item.r=henry%20lyonnet lire en ligne].
* Pierre Larousse, ''Grand Dictionnaire Universel du {{s-|XIX|e}}''
* Archives de la Comédie française. ''Registre de La Grange (1658-1685), précédé d'une notice biographique''. Publié par les soins de la Comédie française, janvier 1876, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1462449?rk=21459;2 lire en ligne].
* ''Théâtre complet de Molière'', Le Livre de poche.
* Bert Edward et Grace Philputt Young, ''Le registreRegistre de La Grange (1659-1685) reproduit en fac-similé'', Paris, E. Droz, 1947, 2 vol.
* Molière, ''Œuvres complètes'', Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2010 (notes sur le ''Registre'' de La Grange, tome I, {{p.|1580-1584}}).
* [[Pierre Larousse]], ''Grand Dictionnaire Universel du {{s-|XIX}}'', 1873, tome X, p. 70-71, [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205362h/f74.item.r=grand%20dictionnaire%20universel%20du%20XIXe%20si%C3%A8cle lire en ligne].
* Madeleine Jurgens et Élizabeth Maxfield-Miller, ''Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe'', Paris, S.E.V.P.E.N., 1963, p. 707-710.
* [[Molière]], ''Œuvres complètes'', Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2010 (notes sur le ''Registre'' de La Grange, tome I, {{p.|1580-1584}}).
 
== Liens externes ==
* {{autoritéLiens}}
* [http://cesar.org.uk/cesar2/people/people.php?fct=edit&person_UOID=312299 La Grange et ses rôles] sur le site [http://cesar.org.uk CÉSAR]
* [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1462449 ''Registre de La Grange'' (1658-1685)] {{Gallica}}
{{Palette|Troupe de Molière}}
 
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