Les Herbes rouges
Les Herbes rouges sont une maison d’édition québécoise basée à Montréal et fondée en par les frères Marcel Hébert et François Hébert. Elles publient de la poésie, des romans, des récits et des nouvelles, des essais et du théâtre.
Repères historiques | ||
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Création | 1968 | |
Fondée par | François et Marcel Hébert | |
Fiche d’identité | ||
Siège social | Montréal (Canada) | |
Dirigée par | Roxane Desjardins | |
Langues de publication | Français | |
Diffuseurs | Socadis | |
Site web | Les Herbes rouges | |
Préfixe ISBN | 978-2-89419 978-2-920051 |
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Histoire
modifierDébuts
modifierFrères Hébert
modifierMarcel et François Hébert sont deux autodidactes au parcours atypique. Issus d’un milieu populaire bénéficiant d’un accès limité à la culture, les deux frères se passionnent pourtant pour la littérature dès l’enfance. Dans une entrevue de 1988, ils racontent :
« Nous n’avions pas de livres chez nous, nos parents étaient illettrés. Selon eux, lire était une immense perte de temps (…) Nous étions des derniers de classe… Nous avons été élevés dans le bas de la ville, rue Cartier, dans un quartier très pauvre[1].»
Revue
modifierEn 1968, Marcel Hébert, en duo avec une amie aspirante écrivaine, Maryse Grandbois, fonde une revue intitulée « les herbes rouges », dont le titre est inspiré de celui du recueil de Jean-Paul Filion, Demain les herbes rouges, publié en 1962 aux Éditions de l’Hexagone[1]. Le premier numéro rassemble plusieurs auteurs établis comme André Major, Jean-Paul Filion et Lorenzo Morin. Maryse Grandbois et Marcel Hébert sont les deux seuls noms encore inconnus[1]. Dès le numéro 2, Maryse Grandbois quitte la revue et François Hébert rejoint son frère Marcel à la direction. La publication se consacrera ensuite exclusivement à la poésie pendant 10 ans[2].
Philosophie
modifierLes frères Hébert ont la volonté de donner un espace de parole à des poètes établis mais également à de nouvelles voix.
« Dès le début, tous les noms sont de la même grosseur, pour montrer que tous les poètes, connus ou inconnus, sont sur un pied d’égalité. Il n’y a pas de vedette, ce sont les textes qui comptent[1] ».
Dans les premiers numéros de la revue figurent plusieurs auteurs de renom, de Gaston Miron à Jacques Ferron en passant par Paul-Marie Lapointe, mais ce sont essentiellement des auteurs jusque-là inconnus qui signent les textes[3]. La revue (et plus tard, la maison d’édition), fait se côtoyer des auteurs appartenant à diverses écoles de pensée, littéraires et idéologiques (formalisme, marxisme, contre-culture)[4],[note 1]. La revue elle-même ne se revendique pas d’une orientation en particulier : « Nous avons toujours refusé d’écrire un éditorial indiquant l’orientation idéologique des HR. Et même l’orientation littéraire. L’éditorial, c’est la revue même » explique François Hébert en 1988[1].
Premiers livres
modifierDès le numéro 5 de la revue, on voit apparaître des numéros d’auteurs parmi les numéros collectifs. Le premier est une suite de Marcel Hébert lui-même, Sauterelle dans jouet, en 1972, qui devait paraître sous forme de livre aux Éditions d’Orphée. En raison du délai de publication trop long, Marcel Hébert décide de la publier dans la revue à la place[1]. Numéros collectifs et numéros d’auteurs se succèdent jusqu’au numéro 19. Les numéros collectifs demandant trop de temps et de travail[1], les frères Hébert décident ensuite de ne plus publier que des numéros d’auteurs[5],[3].
Fondation
modifierCollections de poésie
modifierEn 1974, Marcel et François Hébert se voient proposer la direction d’une collection de livres de poésie aux Éditions du jour par Victor-Lévy Beaulieu, qui fonde quelques mois plus tard les Éditions de l’Aurore avec Léandre Bergeron. Lévy-Beaulieu leur propose la direction d'une collection de livres de poésie dans cette nouvelle maison[6], collection que les frères Hébert intituleront « Lecture en vélocipède », en hommage à la poétesse Huguette Gaulin[note 2].
Création de la maison
modifierDeux ans plus tard, en 1978, les deux frères quittent les Éditions de l’Aurore, et François Hébert demande à Gaston Miron d’héberger une collection de livres de poésie aux Éditions de l’Hexagone. Gaston Miron lui propose plutôt de créer sa propre maison d’édition, financée par L’Hexagone. C’est ainsi que la maison d’édition Les Herbes rouges voit le jour en 1978, avec à sa tête François et Marcel Hébert, Gaston Miron et Alain Horic, les frères Hébert restant les seuls directeurs littéraires[1]. Les livres de la collection « Lecture en vélocipède » publiés aux éditions de l'Aurore sont rachetés par les frères Hébert et intégrés au fonds des Herbes rouges[1]. Dès les débuts de la maison, Les Herbes rouges affichent la volonté de suivre leurs auteurs tout au long de leur carrière littéraire[note 3].
Diversification des genres
modifierLes frères Hébert profitent de l'indépendance apportée par la création de la maison d'édition pour renouer avec leur passion pour la littérature sous toutes ses formes et la maison ouvre son catalogue à d’autres genres que la poésie. Au fil des décennies, elle accueillera diverses collections, des romans, des récits, des nouvelles, des essais, du théâtre[3].
Fin de la revue
modifierEn 1993, après 202 numéros, la revue – qui était indépendante de la maison d’édition[1] – cesse d’être publiée[7],[5].
Histoire récente
modifierDécès de Marcel Hébert et transition
modifierLe décès de Marcel Hébert survient en 2007[5], ce qui laisse son frère seul à la barre des Herbes rouges. En 2009, François Hébert, lui-même vieillissant, pense déjà à sa propre succession[note 4]. La transition s’amorce avec l’arrivée de Roxane Desjardins au sein de la maison, comme autrice d’abord, puis comme réviseuse[3], et ensuite comme éditrice et codirectrice, en janvier 2017[5], puis directrice générale en avril 2021[8],[note 5].
50 ans des Herbes rouges
modifierEn 2018, à l’occasion des 50 ans de la maison, paraît une anthologie, La poésie des Herbes rouges[5],[9], rassemblant 380 poèmes ou extraits de poèmes, et un spectacle est présenté au Festival international de la littérature, La volière est un oiseau de milliards de têtes, qui réunit une quinzaine d’auteurs et autrices phares de la maison[10],[11].
Décès de François Hébert
modifierFrançois Hébert décède en décembre 2021 à l’âge de 73 ans[8].
Nouvelle équipe
modifierEn 2023, l’équipe est composée, en plus de Roxane Desjardins, de Michaël Dumouchel, directeur commercial, Vincent Giard, directeur artistique, et Audréanne Martin, adjointe à l’édition[12].
Catalogue
modifierLa maison d’édition porte depuis ses débuts son attention sur les textes au-delà de toute autre considération, et prône une liberté dans ses choix éditoriaux. En 1988, Marcel Hébert disait : « Ce qui nous intéresse, ce sont de bons textes, quels que soient le nom de l’auteur et son âge »[1].
Ligne éditoriale et spécialités
modifierLes Herbes rouges publient environ 15 titres par année[3]. Elles comptent comme collections encore en activité, en plus de leur collection générale, qui rassemble de la poésie, des romans, des récits, des nouvelles et des essais, les collections « Enthousiasme » - qui se consacre à la réédition d'œuvres complètes d'auteurs des Herbes rouges -, « Territoires » - qui offre en format de poche des rééditions de textes majeurs du catalogue - et « scène_s » - consacrée au théâtre. La maison compte un catalogue de plus de 600 titres[12].
Engagement
modifierDepuis leurs débuts, Les Herbes rouges prônent une rigueur éditoriale et une liberté dans le choix des manuscrits publiés, tout en mettant de l’avant la fidélité à leurs auteurs, que la maison suit de livre en livre et de genre en genre et appuie grâce à un travail éditorial et une sélection rigoureux et sans concession[note 6].
Le choix d’indépendance éditoriale de la maison d’édition se fait aussi sur le plan financier[note 7].
Identité visuelle
modifierL’identité visuelle des livres des Herbes rouges est stable depuis les années 1980. Le nom de l’auteur, le titre, le genre de l’ouvrage et le nom de la maison d’édition figurent en Helvetica bold et en haut-de-casse sur la couverture. À l’origine, l’image de couverture figurait dans un encadré, mais elle est désormais en pleine page[12].
Auteurs publiés
modifierNotes
modifier- « Les Herbes rouges ont mis au monde toute une génération d’écrivains, en flirtant à la fois avec le formalisme, la contre-culture et la littérature engagée, surtout à travers la poésie, mais aussi par le roman, le théâtre et l’essai. (…) en retournant dans le passé des Herbes rouges, on peut réunir dans le groupe « contre-culturel » les poètes Denis Vanier, Josée Yvon et Patrick Traham. (…) vient ensuite la mouvance politique marxiste, avec Madeleine Gagnon, Philippe Haeck et François Charron. »[1]
- « Nous avons choisi ce nom pour commémorer la mort d’une amie. »[2]
- « La seule chose qui nous influence dans la fondation de la maison, c’est le départ de certains auteurs, leur livre sous le bras (...) Pour la maison d’édition, il y a toujours eu des contrats. À la revue, nous avons appris avec les départs de Philippe Haeck, de Madeleine Gagnon, de Denis Vanier et de Renaud Longchamps. Les auteurs pouvaient prendre leur livre sous le bras et partir sans autre cérémonie. Nous nous sommes fait avoir. »[3]
- Cependant il n'envisage pas de prendre sa retraite, dans une entrevue de 2009 il précise « je continuerai jusqu’à ma mort »[4]
- Dans une entrevue François Hébert mentionne : « Ça a pris beaucoup d’années avant que je trouve la bonne personne pour me succéder. J’ai tellement vu de maisons d’édition devenir des coquilles vides. (…) Roxanne est arrivée d’abord comme autrice. Mais elle avait aussi envie de faire de l’édition et elle travaillait déjà dans le milieu. En plus, elle connaissait déjà ma méthode. Alors oui, ça s’est fait assez naturellement. »[5]
- Selon Roxane Desjardins, « Les Herbes rouges favorisent la publication intégrale de l’œuvre d’auteurs (ce qui veut dire non pas d’accepter systématiquement tous leurs manuscrits, mais bien de les accompagner lorsqu’ils passent d’un genre littéraire à un autre), des écrivains à la démarche forte et singulière, qui ont en commun de ne jamais sacrifier le travail de la forme à leur propos. »[6]En cela, la nouvelle directrice de la maison marche dans les pas de son prédécesseur François Hébert, qui disait en 2018 « Il faut le dire quand c’est faible, et la plupart du temps, les auteurs sont très contents de savoir qu’ils peuvent être refusés, parce que ça donne de la valeur au fait qu’on les accepte. Si un auteur radote, s’il erre, c’est mieux de lui dire que de le laisser aller se faire démolir par la critique ou, pire, gagner un prix avec quelque chose qu’on ne trouve pas extraordinaire. »[7]
- « Nous n’avons jamais accepté ou refusé un manuscrit pour des raisons pécuniaires. Pour dire les choses autrement, nous n’avons jamais publié afin de faire de l’argent comme nous n’avons jamais écarté un bon texte sous prétexte qu’il ne serait pas rentable. Cette prise de position crée un lien avec l’auteur, qui se sent accepté pour ce qu’il est et compris. On ne retrouve pas souvent une telle souplesse dans les grandes structures éditoriales. »[8]
Références
modifier- Richard Giguère et André Marquis, « Les herbes rouges, 1968-1988 : persister et se maintenir... Interview avec François et Marcel Hébert, directeurs de la revue et des éditions Les Herbes Rouges », Lettres québécoises, hiver 1988–1989 (lire en ligne)
- Marine Noël et Léonore Brassard, « Entretien avec Roxane Desjardins », revue Fémur, (lire en ligne)
- Isabelle Beaulieu, « Les 50 ans des Herbes rouges : Braise ardente », Les Libraires, (lire en ligne)
- Caroline Montpetit, « Quarante ans d'Herbes rouges », Le Devoir, (lire en ligne)
- Dominic Tardif, « Les Herbes rouges et la force de la forme », Le Devoir, (lire en ligne)
- Sébastien Dulude, « Le voeu d’une liberté totale. Entretien avec François Hébert et Roxane Desjardins », Lettres Québécoises, (lire en ligne)
- Sébastien Lavoie, « Les Herbes rouges : l'étonnante destinée des frères Hébert », Lettres québécoises, (lire en ligne)
- Anne-Marie Provost, « L’éditeur François Hébert s’éteint », Le Devoir, (lire en ligne)
- Thierry Bissonnette, « sans titre », Nuit Blanche, (lire en ligne)
- Dominic Tardif, « Tomber dans le (beau) piège de la poésie », Le Devoir, (lire en ligne)
- « La volière est un oiseau de milliards de têtes. Les 50 ans des Herbes rouges », sur Festival international de littérature (consulté le )
- « site web des Herbes rouges » (consulté le )