Les Sept Boules de cristal
Les Sept Boules de cristal (typographié Les 7 Boules de cristal sur la couverture) est le treizième album de la série de bande dessinée Les Aventures de Tintin, créée par le dessinateur belge Hergé. L'histoire constitue le premier volet d'un diptyque dont le second est Le Temple du Soleil.
Les Sept Boules de cristal | ||||||||
13e album de la série Les Aventures de Tintin | ||||||||
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Haut de couverture de l'album Les Sept Boules de cristal. | ||||||||
Auteur | Hergé | |||||||
Scénario | Hergé | |||||||
Dessin | Hergé et Edgar P. Jacobs (décors) | |||||||
Couleurs | Edgar P. Jacobs | |||||||
Genre(s) | Franco-Belge Aventure |
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Personnages principaux | Tintin Milou Capitaine Haddock Professeur Tournesol Dupond et Dupont |
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Lieu de l’action | Belgique France |
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Langue originale | Français | |||||||
Éditeur | Casterman | |||||||
Première publication | 1948 | |||||||
Nombre de pages | 62 | |||||||
Prépublication | Le Soir (début) Le journal de Tintin (fin) |
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Albums de la série | ||||||||
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Une première partie de l'histoire est prépubliée sous son titre définitif du au en noir et blanc dans les pages du quotidien Le Soir. Après une interruption de deux ans, la seconde partie paraît en couleurs dans les pages du journal Tintin à partir du 26 septembre 1946, fusionnée avec l'histoire suivante, Le Temple du Soleil. Enfin, Les Sept Boules de cristal paraît en 1948 sous forme d'un album en couleurs indépendant de soixante-deux planches.
La prépublication du récit démarre donc durant l'occupation allemande de la Belgique, et ce, au sein d'un journal, Le Soir, pour lequel Hergé travaille depuis et qui est passé sous la direction de collaborateurs de l'Allemagne nazie. Elle est d'abord interrompue en raison d'une dépression de son auteur, puis par la libération du pays et l'interdiction qui est temporairement faite à Hergé d'exercer son activité professionnelle.
Pour créer cette aventure, Hergé s'adjoint la collaboration de son complice de longue date, Jacques Van Melkebeke, qui apporte de nombreuses références culturelles propres à développer le projet. Il reçoit aussi l'aide d'Edgar P. Jacobs, qu'il embauche pour la mise en couleurs et la création des décors. Dépassant ce rôle au niveau graphique, ce dernier apporte des idées, dont celle des boules de cristal, qui donnera le titre de l'œuvre.
Les Sept Boules de cristal , dans son aspect graphique, son intrigue, et sa narration , montre une évolution notable de l'art d'Hergé : souci nouveau du détail et meilleur rendu des décors. Quant au récit, les passages entre les différents formats de prépublication puis de publication imposent à Hergé plus de concision et d'efficacité.
Enfin, Hergé déploie des thèmes qui lui sont chers. Il s'inspire des civilisations anciennes, l'Égypte antique et la civilisation inca, dans une lignée des albums Les Cigares du pharaon et L'Oreille cassée. Sous l'influence de Jacobs, le fantastique, centre d'intérêt de l'auteur, est au cœur du récit.
Histoire
modifierRésumé
modifierMalgré les efforts de Tintin pour les protéger, six des membres d'une expédition scientifique consacrée à la civilisation inca sont victimes, les uns après les autres, d'une malédiction et plongés dans une profonde léthargie[7BC 1] de laquelle les médecins sont impuissants à les sortir[7BC 2]. La malédiction touche ainsi successivement le cinéaste Clairmont[7BC 3], le professeur Sanders-Hardmuth[7BC 4], le professeur Laubépin[7BC 5], le professeur Cantonneau[7BC 6], l'explorateur Marc Charlet[7BC 7] et le professeur Hornet[7BC 8].
Un dernier membre de l'expédition reste indemne : il s'agit du professeur Hippolyte Bergamotte, qui se trouve être un ami d'études du professeur Tournesol[7BC 9]. Tintin, le capitaine Haddock et Tournesol se rendent chez lui afin de lui porter assistance[7BC 10]. Ils ne sont pas les seuls car sa maison est sous étroite protection policière[7BC 11]. La momie de Rascar Capac, rapportée du Pérou, s'y trouve également, entreposée à l'intérieur d'une vitrine en verre[7BC 12].
En cours de journée, Tintin, le capitaine Haddock et le professeur Tournesol sont empêchés de repartir à cause d'un problème de voiture et doivent se résoudre à dormir sur place[7BC 13]. Durant la soirée, un orage éclate. Une sphère lumineuse, semblable à de la foudre en boule, s'introduit par la cheminée et fait disparaître la momie[7BC 14]. Affolé, le professeur Bergamotte dévoile à ses invités la teneur de la malédiction telle qu'il l'avait relevée sur les murs du tombeau de Rascar Capac. Or celle-ci correspond à la succession des évènements qui se sont déroulés jusqu'à présent[7BC 15]. Chacun va néanmoins se coucher. Alors que tous les personnages font un cauchemar identique dans lequel la momie est vivante[7BC 16], le professeur Bergamotte est victime à son tour de la malédiction[7BC 17]. Le lendemain, Tournesol est enlevé après s'être paré du bracelet de la momie, trouvé dans le jardin[7BC 18].
Tintin et Haddock se lancent à sa recherche et, après avoir observé dans une clinique un phénomène de transe de possession collective touchant les sept explorateurs[7BC 19], ils prennent la direction du Pérou[7BC 20].
L'histoire continue dans l'album Le Temple du Soleil.
Personnages principaux
modifierC'est la deuxième apparition du professeur Tournesol dans la série, immédiatement après Le Trésor de Rackham le Rouge. Il est désormais logé au château de Moulinsart, qu'il a permis au capitaine Haddock de racheter à la fin de l'album précédent grâce à l'argent reçu pour le brevet de son sous-marin de poche[m 1]. Tournesol est le véritable catalyseur de l'aventure[b 1] : à l'issue d'une nuit agitée chez son ami Hippolyte Bergamotte, il part se promener au jardin où, guidé par son pendule, il découvre le bracelet de Rascar Capac. En le portant à son poignet, il commet pour les Incas le sacrilège qui conduit à son enlèvement[m 1].
Pour Tintin, il ne s'agit plus de s'engager dans les évènements de son siècle, l'aventure appartenant désormais à sa sphère privée[d 1], ce qui lui permet d'accéder selon Jean-Marie Apostolidès « au rang de personnage mythique »[b 2]. C'est ainsi que, par exemple, l'occupation allemande n'apparaît d'aucune façon[h 1]. Le capitaine Haddock, désormais devenu un personnage central de la série, achève sa transformation : il n'est plus « l'ivrogne pitoyable » qu'il était dans Le Crabe aux pinces d'or[1] mais un homme respectable qui se conduit comme un nouveau riche depuis son installation au château[m 2]. Pour autant, mal à l'aise dans ces nouveaux habits, Haddock les abandonne vite pour son habituelle tenue de marin, dès lors qu'il s'agit de retrouver son ami. La colère puis le désespoir qui l'envahissent après la disparition du professeur témoignent des sentiments que le capitaine éprouve désormais à son égard[m 3].
Si Milou se montre moins loquace que dans les premières aventures[g 1],[m 4], il contribue néanmoins à faire avancer l'intrigue : c'est lui qui trouve le chapeau de Tournesol sur les quais de La Rochelle, offrant ainsi une piste aux deux héros[7BC 21].
Les Sept Boules de cristal fait intervenir une série de personnages secondaires déjà rencontrés dans de précédents albums. En premier lieu, le professeur Paul Cantonneau, membre de l'expédition Sanders-Hardmuth, faisait déjà partie de l'expédition arctique dans L'Étoile mystérieuse[2]. Le capitaine Chester, rencontré dans le même album, n'apparaît pas cette fois directement, mais la proposition de Tintin à Haddock d'aller le saluer relance leur enquête[m 5]. La cantatrice Bianca Castafiore, déjà présente dans Le Sceptre d'Ottokar, déclenche les hurlements de Milou en se produisant sur la scène du music-hall[m 6], où Tintin retrouve le général Alcazar, rencontré dans L'Oreille cassée. Chassé du pouvoir, il s'est reconverti en lanceur de poignards dans les salles de spectacles européennes sous le nom de « Ramon Zarate »[m 7]. Enfin, Dupond et Dupont, présents depuis Les Cigares du pharaon[Note 1], tentent en vain de percer le mystère du mal qui frappe soudainement les membres de l'expédition Sanders-Hardmuth[m 8]. Par ce retour de personnages déjà plus ou moins installés dans son œuvre, le but poursuivi par Hergé est d'installer une cohésion forte entre les différents récits, ce que Pierre Assouline traduit comme la volonté que ses récits aient « l'apparence massive, compacte et cohérente d'une œuvre »[c 1].
À l'inverse, certains personnages font leur seule apparition dans ce diptyque. C'est le cas de la plupart des membres de l'expédition ethnographique mais aussi de Rupac Inca Huaco, qui se produit sous le nom de « Chiquito » dans le numéro du général Alcazar au music-hall et que Tintin soupçonne, à juste titre comme il le découvrira dans Le Temple du Soleil, d'être la main armée de la vengeance inca[m 9].
C'est également le cas de Rascar Capac[m 10], ce souverain inca dont la momie, rapportée par les membres de l'expédition et enfermée dans une vitrine chez le professeur Bergamotte, hante les cauchemars de Tintin, du capitaine Haddock et du professeur Tournesol. Cette « ambiguïté » qui pourrait le faire qualifier de « mort-vivant » peut constituer une source de frayeur chez les lecteurs[3]. Objet de culte pour les uns, la momie de Rascar Capac se transforme pour les autres en instrument de vengeance : « Sa présence, bénéfique au Pérou, devient maléfique en Europe, où il réintroduit le sacré par le négatif, comme punition collective »[b 3].
Lieux visités
modifierL'histoire se déroule en Belgique et plus particulièrement à Bruxelles[4], bien que l'auteur ait procédé à un certain « gommage national » pour faciliter l'exportation de son aventure[5]. Ainsi, le théâtre dans lequel se déroule la séquence du music-hall est probablement inspiré du Théâtre royal des Galeries où Hergé avait assisté quelques années auparavant aux répétitions des pièces de théâtre dont Tintin était le héros, respectivement Le Mystère du diamant bleu et Monsieur Boullock a disparu[h 2]. De même, la célèbre place de Brouckère apparaît lors du déplacement de l'explorateur Marc Charlet qui se rend en taxi chez Tintin[h 3].
Vers la fin de l'album, le capitaine Haddock et Tintin se rendent en France, à Saint-Nazaire puis à La Rochelle, à la poursuite des ravisseurs du professeur Tournesol[Note 2]. Or il apparaît dans les strips non publiés du Soir, comme le remarque le journaliste Marcel Wilmet, qu'ils se rendaient initialement sur la côte belge, à Zeebruges ou plus probablement à Ostende[6]. Mais durant le temps d'interdiction de publication qui le frappe, Hergé a tout loisir de réaliser que ces deux ports ne possèdent pas de ligne maritime avec l'Amérique du Sud : il se décide alors pour les ports français[6],[7]. Néanmoins, il conserve les décors déjà créés, ce qui fait que le trajet vers la ville de Saint-Nazaire est représenté avec des décors correspondant à la côte belge[h 4],[6].
Création de l'œuvre
modifierContexte d'écriture
modifierDepuis le , la Belgique subit l'occupation de son territoire par les troupes du Troisième Reich. D'un point de vue artistique, ce contexte de guerre et d'occupation constitue paradoxalement une forme importante de stimulation, à tel point que certains commentateurs voient dans cette période un « âge d'or » de la création que « la qualité, la richesse et l'abondance [du] travail » des artistes d'alors révèlent particulièrement[c 2]. Ceci s'expliquerait notamment par le besoin de la population de se divertir afin d'oublier les malheurs du moment[h 5]. L'œuvre d'Hergé n'échappe pas à cette règle[c 2], et pour beaucoup d'artistes comme lui, c'est le temps de « l'accommodation » qui commence[c 3]. Sollicité par Raymond De Becker, rédacteur en chef du Soir, Hergé en intègre l'équipe à partir du . Le dessinateur, qui ne cache pas son enthousiasme, y voit un moyen de s'assurer des revenus réguliers et de ne pas se faire oublier du grand public[c 4].
À cette époque, ce journal est alors surnommé par la population Le Soir volé car, en violation de la volonté de ses propriétaires, sa publication est poursuivie sous l'Occupation allemande par des journalistes collaborateurs[c 5]. L'attitude adoptée par Hergé pendant les trois ans où il travaille au Soir est par la suite considérée comme ambiguë : l'auteur peut apparaître comme un homme prêt à subordonner toute éthique au succès et au rayonnement de ses créations artistiques, et en particulier des « aventures de Tintin »[c 6],[c 7]. Benoît Peeters souligne également une certaine indifférence d'Hergé envers les événements de son époque, occupé qu'il est par la création de son œuvre, à laquelle il consacre au moins douze heures de travail par jour[d 2]. Néanmoins, mis à part quelques contacts avec l'occupant pour développer ses projets, notamment pour obtenir le supplément de papier que son éditeur Casterman réclame aux autorités[c 8], il évite prudemment tout geste qui pourrait s'apparenter à de la collaboration, comme l'explique Pierre Assouline : « En temps de crise plus encore qu'en période de paix, la prudence est sa vertu cardinale[c 9]. » De même reste-t-il à l'écart de l'expression franche d'idées extrémistes, à part peut-être dans sa contribution à un recueil de fables dont l'auteur est Robert du Bois de Vroylanden et qui présente certaines caricatures antisémites dont il n'est pas l'auteur[c 10]. Surtout, ses représentations de commerçants juifs dans L'Étoile mystérieuse peuvent elles-mêmes être considérées comme antisémites[d 3], mais elles restent les seules de ce genre[8] et comme le souligne Pierre Assouline, cette aventure est le seul récit engagé de toute sa production pendant l'Occupation[c 11].
Néanmoins, ce n'est qu'à partir du diptyque formé par Le Secret de La Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge (prépublié en noir et blanc à partir du ) qu'il choisit franchement la fuite littéraire en exilant son héros hors de l'Europe occupée, ce qui peut être vu comme le moyen pour lui « de s'évader de l'actualité qui oppresse l'Europe et le monde »[9]. L'auteur poursuit dans cette veine avec Les Sept Boules de cristal[Note 3] : alors même que Tintin ne quitte pas la Belgique, la présence et les interdictions de l'occupant sont niées, comme le souligne Philippe Goddin qui note comme exemple le plus révélateur le fait que le véhicule qu'empruntent Tintin et le capitaine de retour du music-hall roule tous phares allumés[MBC 1], en contravention avec les prescriptions très strictes des autorités militaires allemandes[h 1].
C'est dans ce contexte que l'histoire paraît dans le journal Le Soir à partir du jeudi . La libération du pays, le , provoque l'arrêt de la publication du quotidien et donc celle de l'histoire[h 6]. Cette période est également marquée par la brève arrestation d'Hergé pour faits de collaboration, ce qui constitue selon Pierre Assouline une nouvelle « rupture […] nettement douloureuse » dans la vie de l'auteur[c 12],[Note 4]. D'ailleurs, quelques mois plus tôt, Hergé anticipe sans doute de futurs ennuis avec la Libération qui se rapproche et songe aux longues listes d'« inciviques » qui sont déjà préparées à Londres[d 4]. Il écrit ainsi dans une lettre datée du : « Seigneur, libérez-nous de nos Protecteurs et protégez-nous de nos Libérateurs ! »[c 13]. C'est durant cette période, du printemps à l'été 1944, que se manifestent chez lui les signes d'un profond syndrome dépressif[d 5]. Fin 1944, Hergé est alors interdit de publication et, l'expression des rancœurs à l'encontre des collaborateurs aidant, il peut craindre pour sa sécurité : quelques années plus tard, il raconte ainsi un épisode de 1945 (qu'il situe « quelques mois après la libération de Bruxelles ») lors duquel Edgar P. Jacobs se rend chez lui armé d'un gourdin afin de le protéger d'éventuels mouvements hostiles de la foule qui pourraient le viser[10],[Note 5].
Finalement, le , la justice choisit de n'entamer aucune poursuite à l'encontre de l'auteur et son dossier fait l'objet d'un classement sans suite[c 14] alors que d'autres journalistes qui ne sont pas plus impliqués que lui ne bénéficient pas d'autant d'indulgence. De lourdes peines sont réclamées par exemple à l'encontre de journalistes sportifs ou de critiques musicaux pour « trahison et intelligence avec l'ennemi »[c 15]. Plusieurs éléments expliquent cette mansuétude. D'abord, il bénéficie de l'aide de certaines de ses relations, et notamment de l'éditeur de presse et résistant Raymond Leblanc[9]. Mais, selon Pierre Assouline, il doit surtout son salut à « son image, sa popularité et la sympathie qui s'en dégage »[c 16], acquise grâce à la création de son héros, ce que le même Pierre Assouline résume par : « Georges Remi est sauvé par Tintin »[c 16]. Il s'en sort donc de justesse parce qu'en l'attaquant, et selon les mots qu'il rapporte et qui vont constituer la « version officielle »[c 16], la justice « se serait couverte de ridicule »[11], une affirmation que réfute Pierre Assouline[c 15]. Cet épisode passé, Hergé obtient son « certificat de civisme » et peut donc lancer son support, le journal Tintin[9], dans lequel il reprend la prépublication des Sept Boules de cristal en à partir de là où elle s'était arrêtée[9].
Écriture du scénario
modifierLes Sept Boules de cristal peut être considéré comme une œuvre collective dans la mesure où Hergé s'appuie largement sur ses amis Jacques Van Melkebeke, rédacteur du Soir-Jeunesse et co-auteur de deux pièces de théâtre avec lui[12],[13], et Edgar P. Jacobs, qu'il engage pour travailler à la colorisation de ses premiers albums[c 17] mais qu'il finit par associer à la préparation de sa nouvelle histoire, tant leur complicité est grande[d 6],[Note 6].
Si la trame générale du scénario est bel et bien écrite par Hergé, l'intrigue est donc largement développée par les échanges entre l'auteur et ses amis. Dans un témoignage à la mort d'Hergé en 1983, Jacobs revendique l'importance de ses apports en affirmant qu'ils avaient eu « ensemble de longues discussions pour préparer le scénario des Sept Boules de cristal et du Temple du Soleil »[d 6], à tel point qu'il affirme être l'auteur de plusieurs éléments significatifs de l'intrigue, notamment l'idée des boules de cristal, voire le titre de l'album[d 7],[h 7]. C'est pour cette raison que Philippe Goddin affirme : « il y a du Jacobs dans cette aventure-là. Plus que dans Le Temple du Soleil »[14]. De façon plus globale, cette collaboration fait évoluer le scénario d'Hergé vers une approche plus fantastique que ses précédentes productions, dont le contenu était beaucoup plus réaliste[15].
L'influence de Jacques Van Melkebeke est elle aussi manifeste. Certains observateurs, comme Frédéric Soumois, voient la pièce qu'il co-écrit avec Hergé en 1941, Tintin aux Indes : Le Mystère du diamant bleu, comme une source d'inspiration des Sept Boules de cristal pour son atmosphère générale, relativement sombre, et pour certains épisodes qui la constituent, comme la séquence où un fakir fait une démonstration d'hypnose[e 1]. Mais sa contribution apparaît surtout dans l'insertion de certaines références culturelles et religieuses : ainsi, ce serait Jacques Van Melkebeke qui aurait suggéré à Hergé l'idée de la transformation de l'eau en vin par le prestidigitateur dans la séquence du music-hall, ce qui constitue une référence à l'épisode des Noces de Cana du Nouveau Testament[d 8],[Note 7]. Comme le rappelle Benoît Peeters, il semble qu'Hergé ne possédait pas un bagage culturel suffisant dans ce domaine pour qu'on puisse lui attribuer l'idée de cette allusion : « Quelle est l'origine de cette soudaine érudition ? Il n'est guère probable qu'il s'agisse de souvenirs de Saint-Boniface, étant donné ce que Hergé disait de la médiocrité de l'enseignement qu'il y avait reçu[d 8] ». Si la « prégnance de l'imaginaire chrétien » se retrouve dans l'ensemble de la série, c'est bien dans cet album que le nombre de situations et d'allusions évoquant des scènes bibliques est le plus important[16].
Sources et inspirations
modifierLes Incas, la malédiction
modifierLes sources d'inspiration utilisées par Hergé sont très nombreuses et éclectiques[17]. L'auteur inscrit son œuvre dans la trame de l'histoire mondiale. Son premier centre d'intérêt est l'Égypte pharaonique, source d'inspiration qui apparaît dès les premières cases des Sept Boules de cristal, par le biais du voyageur assis à côté de Tintin dans le train[7BC 22]. Vingt ans auparavant, le , l'archéologue britannique Howard Carter découvre la sépulture du pharaon Toutânkhamon, et ravive en Europe un intérêt certain pour les mystères de l'Égypte antique[h 8] : ainsi, par exemple, dès 1923, l'écrivaine anglaise Agatha Christie se saisit de ce thème pour écrire L'Aventure du tombeau égyptien[18]. L'allusion aux déboires de l'équipe des découvreurs de cette tombe apparaît dès l'ouverture des Sept Boules de cristal[h 9].
Hergé choisit de croiser cette source d'inspiration avec une seconde, qui constitue l'axe scénaristique principal du diptyque : la civilisation inca[Note 8]. Le principal représentant de cette civilisation dans la bande dessinée est la momie d'un roi inca, Rascar Capac, dont l'évocation dès la première planche[7BC 23] puis l'apparition chez le professeur Bergamotte[7BC 12] constituent le cœur de l'histoire. Les recherches conduisent à penser qu'Hergé a pu prendre pour modèle une momie rapportée du Pérou en Belgique avec deux autres spécimens vers 1840[h 10]. Il est probable que le dessinateur s'était rendu en 1926 à une exposition consacrée à l'art précolombien où cette momie était présentée[h 11]. Elle est, en 2015, exposée dans la section Cinquantenaire des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles dont le conservateur confirme que « la momie de Rascar Capac [est] inspirée de celle [du] musée » et que sa datation remonte « à l’intermédiaire récent qui se situe entre 1100 et »[19].
Les recherches du conservateur et archéologue Serge Lemaitre et de l'archéologue Caroline Tilleux du Musée Art et Histoire de Bruxelles démontrent qu'il s'agit d'un homme de 1,52 mètre-1,53 mètre, chasseur d'otaries à crinière, dont l'âge est compris entre 30 et 40 ans. La datation au carbone 14 situe la momification entre 1480 et 1560 et la localise à Arica, dans la région chilienne d'Arica et Parinacota[Note 9],[20],[21].
Le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle voit dans la posture de Rascar Capac, les mains enserrant son visage, un rappel du célèbre tableau Le Cri, du peintre norvégien Edvard Munch[22], dont le personnage présente une grande ressemblance avec une momie chachapoyas au visage figé dans la mort[23]. Découverte au Pérou en par des explorateurs français qui la rapportent au Musée ethnographique de Paris[24],[23], elle présente la particularité de tenir sa tête dans ses mains, comme celle dessinée par Hergé[22].
Concernant ses sources bibliographiques, Hergé s'appuie principalement sur l'ouvrage Pérou et Bolivie, écrit par l'explorateur Charles Wiener, paru en 1880 et dont, pourtant, il y a tout lieu de considérer qu'il est déjà dépassé en 1943 par des recherches plus récentes[h 12].
Par ailleurs, Hergé recycle certains des documents utilisés par Edgar P. Jacobs pour la création de son Rayon U, paru durant la même période : quelques erreurs dues à Jacobs se glissent ainsi chez Hergé, comme la représentation d'un Rascar Capac nu alors que les momies incas étaient habillées[h 13]. La plus grande partie de la documentation d'Hergé provient de recherches effectuées par ce même Jacobs dans la section du Cinquantenaire des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles sur les civilisations inca et péruvienne où il l'a envoyé[h 14],[d 6]. Dans la bibliothèque du musée, son assistant découvre plusieurs ouvrages illustrés dans lesquels il effectue un important travail de décalque[h 15] : outre celui de Charles Wiener, il trouve L'Empire du Soleil de Conrad de Meyendorff[25], un ouvrage en allemand, Kunst und Kultur von Peru (1929) par Max Schmidt (de), un autre en anglais, Dress and Ornaments in Ancient Peru (1929) par Gösta Montell (de) et un dernier ouvrage en italien, Vecchio Peru (1933) par Giuseppe Bazzocchi[h 16].
Ainsi, c'est de cette documentation que provient le nom du roi inca dont la momie des Sept Boules de cristal est rapportée en Europe : le nom de Rascar Capac serait composé à partir de ceux du premier (Manco Cápac) et du dernier (Huascar) des rois incas identifiés dans les recherches d'Hergé[Note 10]. Néanmoins, les recherches dont Jacobs communique les résultats à Hergé sont dans un tel état de désordre, notamment à cause de sa volonté d'économiser le papier calque, qu'elles sont difficilement exploitables : cela oblige à des recherches ultérieures dans les mêmes ouvrages[26].
Sources littéraires
modifierHergé ne s'inspire pas que d'ouvrages documentaires pour concevoir son histoire. Marqué dans son adolescence par la lecture de L'Épouse du Soleil, roman de Gaston Leroux paru en 1912, qui est également l'une des lectures préférées de Jacques Van Melkebeke[12], l'auteur s'en est souvenu lors de la réalisation de son histoire[MBC 2]. Ainsi, dans les deux œuvres, un proche du héros se fait enlever par des descendants des Incas qui le conduisent dans un site reculé où ils vivent cachés, au Pérou, afin d'être sacrifié au soleil. Hergé reprend également le détail du bracelet d'or qui désigne l'héroïne du roman comme l'épouse du soleil pour en faire la pièce qui condamne le professeur Tournesol au sacrifice[b 4]. De même, trois crânes vivants font irruption dans la chambre de l'héroïne du roman, par sa fenêtre, et l'enlèvent, ce qui rappelle la scène où la momie de Rascar Capac pénètre de manière cauchemardesque dans les chambres de Tintin, Haddock et Tournesol[a 1]. À la suite de cet événement, l'héroïne tombe endormie, puis elle est maintenue dans cet état de sommeil tout au long de son transport à l'aide d'un parfum redoutable, des éléments auxquels fait écho le sommeil léthargique des membres de l'expédition Sanders-Hardmuth dans la bande dessinée[a 1].
Si l'influence du roman de Gaston Leroux est attestée, une autre œuvre littéraire a pu influencer la rédaction du scénario des Sept Boules de cristal. Dans une thèse sur la représentation du paranormal dans les Aventures de Tintin, Vanessa Labelle établit plusieurs similitudes entre l'intrigue de la bande dessinée et le roman Le Joyau des sept étoiles de Bram Stoker publié en 1903[a 2]. Cet ouvrage, qui regorge de références à l'égyptologie, met en scène une malédiction millénaire qui entraine une série de morts mystérieuses. Le père de l'héroïne, l'égyptologue Abel Trelawny, est retrouvé allongé sur le sol au milieu de la nuit, frappé de léthargie et portant un bracelet au poignet. La chambre du savant est remplie d'objets d'art issus de ses voyages, comme l'est le salon du professeur Bergamotte dans Les Sept Boules de cristal. Abel Trelawny est en fait frappé de la malédiction qui touche tous les membres de l'expédition ayant pénétré dans le tombeau de la reine Tera, dont la sépulture était gardée par un avertissement semblable à la prophétie inca[a 2]. Pour Vanessa Labelle, qui met aussi en avant la ressemblance entre les deux titres, qui contiennent le chiffre sept, « il n'est pas insensé de penser que Van Melkebeke ou Jacobs aient lu ce roman, car […] les deux avaient une connaissance encyclopédique de la culture populaire et étaient fascinés par la littérature anglaise de la fin du XIXe siècle et du début du XXe[a 2] ».
Elle relève cependant des différences notables entre les deux œuvres. Dans la bande dessinée d'Hergé, les membres de l'expédition ne meurent pas, dans la mesure où l'album s'adresse avant tout à un jeune public. De même, le roman de Bram Stoker contient une visée argumentative, et l'auteur utilise les phénomènes paranormaux comme prétexte pour exploiter des questionnements plus profonds et mener une réflexion sur les sciences occultes et leur maîtrise par les civilisations anciennes[a 2].
Par ailleurs, le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle voit dans la séquence où le professeur Tournesol se pare du bracelet de la momie un rappel de La Vénus d'Ille, la nouvelle de Prosper Mérimée. Le lecteur comprend immédiatement que le geste du professeur aura pour lui de graves conséquences, à savoir son enlèvement, de même que le jeune homme de la nouvelle de Mérimée, qui passe une bague au doigt d'une statue en bronze de Vénus, symbole d'une alliance sacrée, finit écrasé sous son poids[27]. La trace d'une main sanglante retrouvée sur un arbre par Tintin quand il recherche le professeur dans le parc est une référence directe au roman d'Henry Cauvain, La Main sanglante, à l'origine d'un stéréotype largement répandu dans la littérature et le cinéma[28].
Autres éléments de décor
modifierHergé inscrit également son aventure dans un contexte historique proche. Par exemple, il fait appel à un sujet qui a un certain retentissement à la fin de cette première moitié du XXe siècle : « le paranormal et ses satellites »[29]. Ainsi, lorsqu'il choisit de faire intervenir le fakir Ragdalam dans la séquence où le capitaine et Tintin se rendent au music-hall, c'est en fait à un fakir ayant exercé ses talents au milieu des années 1920, Tahra-Bey, qu'il fait référence, comme il le fera par la suite en 1957 dans La Vallée des Cobras, un épisode des Aventures de Jo, Zette et Jocko, avec un personnage nommé Mahra Bey qu'il tourne en dérision[29]. Cette référence apparaît nettement dans des notes préparatoires aux Sept Boules de cristal présentées par le tintinologue Dominique Maricq pour la revue Hergé, dans lesquelles le dessinateur fait mention du « fakir Tara Bouch Bey » en le qualifiant de « sorcier tibétain »[29].
Par ailleurs, Hergé intègre très facilement dans son histoire des éléments de grande proximité qui l'entourent : c'est ainsi que la maison du professeur Bergamotte est inspirée d'une bâtisse voisine de sa maison à Boitsfort[30],[31],[32]. Quand il s'agit d'objets du quotidien, la première source de documentation d'Hergé est le Nouveau Larousse illustré qu'il « consulte abondamment »[h 17] pour représenter des pièces de mobilier (chez le professeur Bergamotte par exemple[h 18]), des éléments de décor comme ceux qui agrémentent le fronton du château de Moulinsart[h 19], ou encore des représentations d'animaux comme dans le bureau du professeur Hornet[h 20]. Hergé s'inspire donc de modèles réels, comme pour les voitures. Abonné à la Revue Ford, à laquelle il a également collaboré, il en extrait des images qu'il conserve dans sa documentation pour représenter ensuite certains modèles[33]. Ainsi, la voiture du capitaine, avec laquelle il se rend à Saint-Nazaire puis La Rochelle en compagnie de Tintin, est une Lincoln-Zephyr de couleur jaune[34]. Cette voiture apparaît dans 22 cases de l'album, ce qui en fait le véhicule le plus représenté de la série[34]. Le taxi emprunté par l'explorateur Marc Charlet est quant à lui une copie d'un modèle Ford V8 de 1937[33]. De même, l'hydravion emprunté par Haddock et Tintin pour rejoindre le Pérou à la fin de l'aventure est une copie d'un Short S.25 Sunderland[35]. La scène du music-hall est également nourrie de croquis pris sur le vif par Hergé et Jacobs dans la salle du Théâtre royal des Galeries[30].
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Une Lincoln-Zephyr, similaire à celle du capitaine.
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L'hydravion Short S.25 Sunderland qui conduit Tintin et Haddock au Pérou.
Concevoir le décor de la demeure du professeur Bergamotte, l'américaniste, a été pour Hergé l'occasion d'y mêler des objets d'art provenant de régions variées de l'Amérique. Ainsi, dans la case le montrant pour la première fois au lecteur, on découvre une salle ornée de deux têtes sculptées surmontant des portes. Celle de droite, la tête d'un rapace, évoque les masques des Amérindiens de la côte nord-ouest de l'Amérique du Nord, tandis que celle de gauche rappelle la tête du serpent à plumes ornant la pyramide de Quetzalcoatl à Teotihuacan au Mexique[h 21]. Sur le mur derrière la vitrine de la momie, est suspendue une peinture représentant un extrait du codex Borbonicus, un codex mésoaméricain réalisé par les Aztèques dans les années 1510 et conservé au Palais Bourbon. L'extrait provient de la page 14, représentant le dieu Xipe Totec, « Notre seigneur l'écorché », qui incarne le printemps et le renouveau de la végétation. L'auteur a toutefois pris la liberté de l'encadrer d'une frise à triangles[h 22].
Hergé présente également une collection d'objets issus des arts premiers dans l'appartement de Marc Charlet et qui évoquent, parmi d'autres souvenirs de voyage, les objets exposés au Musée ethnographique dans la première planche de L'Oreille cassée[36]. Sur le bureau de Paul Cantonneau figure une statuette miniature qui représente l'un des Chevaux de Marly, œuvre du sculpteur Guillaume Coustou exposée au musée du Louvre[37],[7BC 6].
Autres références et clins d'œil
modifierRéférences à des albums précédents
modifierHergé éprouve le besoin d'introduire des éléments de cohérence entre ses albums afin de les constituer en œuvre. Or, un moyen pour renforcer cette cohérence tient dans la référence à de précédents albums. C'est pourquoi, à la manière des auteurs de la fin du XIXe siècle, il choisit de convoquer les personnages de précédentes histoires[c 1]. Ainsi, outre ses deux héros, Tintin et Milou, et ceux qui sont désormais devenus récurrents, c'est-à-dire le capitaine Haddock et les détectives Dupond et Dupont, Hergé fait appel à des personnages plus ou moins installés dans son œuvre et en tout cas déjà rencontrés : le professeur Tournesol, présent pour la deuxième fois depuis Le Trésor de Rackham le Rouge, le Général Alcazar, déjà rencontré dans L'Oreille cassée[7BC 24] et la cantatrice Bianca Castafiore, déjà vue dans Le Sceptre d'Ottokar[7BC 25]. Ces trois personnages sont en effet destinés à revenir plusieurs fois dans la série des Aventures de Tintin. Enfin, on retrouve également le professeur Paul Cantonneau déjà présent dans L'Étoile mystérieuse et que l'on reverra une dernière fois dans Le Temple du Soleil[2], et le capitaine Chester, que l'on avait déjà vu dans l'album L'Étoile mystérieuse, est mentionné[m 5].
Par ailleurs, certains éléments de scénario des Sept Boules de cristal en eux-mêmes constituent autant de renvois plus ou moins évidents à de précédents albums. Ainsi, en convoquant cette idée de la malédiction liée à la découverte d'un tombeau dans un pays étranger, Hergé choisit une base déjà éprouvée dans Les Cigares du pharaon[38],[9]. De plus, en évoquant le continent sud-américain, Hergé fait un renvoi clair à l'album L'Oreille cassée, datant de 1935, dans lequel le jeune reporter part dans le pays imaginaire du San Theodoros à la poursuite de trafiquants d'art. Le fétiche arumbaya (inspiré d'une statuette Chimú[39]) et le masque inca qui y apparaissent soulignent tout l'intérêt qu'Hergé porte déjà à la culture andine[h 23].
Apparitions et clins d'œil
modifierHergé a pris l'habitude de représenter des proches parmi les personnages qui peuplent ses albums. Ainsi, dans Les Sept Boules de cristal, il représente son assistant Edgar P. Jacobs, arborant son légendaire nœud papillon, parmi les spectateurs d'une scène de music-hall (planche 16, ligne 2, case 1, dans un balcon, au milieu à gauche)[40]. De même, il représente son ami Jacques Van Melkebeke, derrière le général Alcazar alors que celui-ci va s'embarquer vers son pays[7BC 26],[41].
Sous les traits du professeur Tournesol, il est possible de reconnaître le physicien suisse Auguste Piccard (1884-1962) avec qui, hormis sa taille plus petite que son modèle, il offre une ressemblance frappante[c 18],[42]. Sous ceux du professeur Bergamotte, il est possible de reconnaître l'égyptologue belge Jean Capart (1877-1947) que beaucoup considèrent comme le père de l'égyptologie belge, confirmant en cela l'importance de l'inspiration qu'offre le domaine dans la création de l'œuvre[h 24]. Enfin, les chercheurs pensent que pour le professeur Paul Cantonneau, Hergé se serait inspiré de l'homme politique suisse et fondateur de l'université de Fribourg Georges Python en souvenir de ses vacances passées dans cette ville quelques années auparavant[43].
pour créer certains de ses personnages présents dans Les Sept Boules de cristal.
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Le physicien suisse Auguste Piccard inspire le personnage du professeur Tournesol.
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L'égyptologue belge Jean Capart inspire le personnage du professeur Bergamotte.
Parution
modifierPrépublication dans Le Soir puis Tintin
modifierL'histoire paraît initialement en feuilleton quotidien dans Le Soir. Le , le journal annonce en une le prochain retour de Tintin. Quatre autres annonces suivent jusqu'à la parution du premier strip, numéroté H1, le suivant[k 1]. Chaque épisode adopte la forme d'une bande d'environ 4 cases, qui représente approximativement le tiers d'une planche d'album, en noir et blanc. Hergé référence chacune de ces bandes en bas à droite de la dernière case en inscrivant un H suivi de son numéro d'ordre[MBC 3].
La publication dans Le Soir est parsemée d'embûches. Elle est provisoirement interrompue entre le et le en raison de la dépression dont souffre Hergé[d 5], même si l'auteur a toujours pris soin de conserver une avance d'une dizaine de strips sur la publication[h 25], ce qui lui permet par exemple de prendre des vacances en [h 25]. Le , Hergé fait paraître une bande de quatre cases qui résume les épisodes passés. Le récit reprend finalement le lendemain, mais n'est publié qu'un jour sur deux entre le 8 et le [k 1].
L'histoire est de nouveau interrompue, pour une période de deux ans cette fois, le dimanche , à la suite de la suspension des activités du journal du fait de l'entrée des armées alliées dans Bruxelles : cette suspension se fait au strip H152, ce qui correspond à une cinquantaine de planches sur les 62 du futur album[9],[k 1], au moment où Tintin entraîne le général Alcazar au poste de police[h 26]. Quatre bandes demeurent inédites et ne sont découvertes qu'à la fin des années 1990 lors de leur rachat par la Fondation Hergé[44].
La publication de l'aventure ne peut continuer durant les deux années qui suivent car les journalistes ayant exercé sous l'occupation allemande se voient empêchés de poursuivre leur activité professionnelle[45]. Dans ce contexte, « l'interdiction de publication qui le frappe ne concern[ant] que la presse, pas les albums », Hergé se consacre presque exclusivement à la refonte de ses albums d'avant-guerre, aidé dans cette tâche par Edgar P. Jacobs[d 9].
Ce n'est qu'en 1946 qu'Hergé peut reprendre son histoire, ce qu'il fait dans le premier numéro de l'hebdomadaire Tintin, qui paraît le [c 19] sous la forme d'une planche complète occupant les deux pages centrales du journal dans un format « à l'italienne » et en couleurs[46]. Cette prépublication dure treize semaines entre le et le [47],[Note 11], mais cette fois sous le titre « Le Temple du Soleil »[48], alors même que cette nouvelle aventure ne débute réellement qu'à l'arrivée de Tintin et Haddock au Pérou[k 2].
Parution en album, rééditions et nouvelles publications en Belgique
modifierLa première publication des Sept Boules de cristal sous forme d'album en couleurs a lieu en 1948 aux éditions Casterman[49]. Comme à son habitude, Hergé retravaille son histoire pour l'adapter à ce format de publication : ainsi, 97 cases sont modifiées ou supprimées entre les deux versions[k 2]. L'album est régulièrement réédité depuis[49],[50].
Dans les années qui suivent cette parution, l'aventure est de nouveau publiée en Belgique dans différents périodiques[k 3]. C'est d'abord le quotidien démocrate-chrétien La Cité qui diffuse la série entre le et le . Cette même année 1959, Les Sept Boules de cristal paraît dans Le Courrier de l'Escaut et La Métropole, d' à dans Le Rappel et Le Journal de Mons, puis dans la Gazette de Liége en 1961. L'aventure est également publiée dans le quotidien de langue allemande Grenz-Echo du au , et dans le quotidien néerlandophone De Standaard en 1960[k 3].
La version en noir et blanc, qui correspond à la publication sous forme de feuilleton tel qu'il est paru quotidiennement dans Le Soir, est publiée en en un album de 80 planches édité par Le Soir[50]. Enfin, une autre édition de la même version en noir et blanc paraît en sous le titre La Malédiction de Rascar Capac, qui rassemble les deux aventures du diptyque inca[51]. L'histoire des Sept Boules de cristal en constitue le premier tome, avec pour sous-titre Tome 1 : Le Mystère des boules de cristal, sous la forme d'un album cartonné à l'italienne[52].
Publications étrangères et traductions
modifierComme les aventures précédentes, Les Sept Boules de cristal est diffusé en France dans les colonnes de l'hebdomadaire catholique destiné à la jeunesse Cœurs vaillants. Sa parution s'étale du au [k 4]. Dans les années qui suivent, l'aventure est de nouveau sérialisée dans différents magazines ou journaux régionaux comme La Voix du Nord (1959), Ouest-France (1959-1961), Le Dauphiné libéré et Dernières Nouvelles d'Alsace (1960), Nord Éclair (1962), La Vie (1962-1963), Le Méridional (1964), Le Bien public et L'Yonne républicaine (1965), Télé (Actualité) Magazine (1966), Agri 7 Jours (1970), L'Éclair (1981) et Le Maine libre (1982)[k 5].
En Suisse, L'Écho illustré, qui détient les droits de publication de Tintin depuis sa première aventure, propose Les Sept Boules de cristal du au . Comme en France, l'aventure paraît ensuite dans plusieurs magazines comme Rataplan entre et , ou l'hebdomadaire suisse de langue allemande Der Sonntag entre 1955 et 1957[k 6].
Par ailleurs, l'aventure fait l'objet de nombreuses traductions et paraît dans des périodiques du monde entier dont il semble impossible de dresser, avec précision, la liste exhaustive[k 7]. Le tableau suivant présente les dates des premières parutions de l'aventure dans des journaux et magazines étrangers.
Pays | Périodique | Titre | Date |
---|---|---|---|
Allemagne[k 8] | Die Woche im Bild | Die sieben Kristallkugeln | du au |
Australie[k 9] | Canberra Times | The Seven Crystal Balls | du au |
Brésil[k 10] | O Estado de S. Paulo | As 7 bolas de cristal | du au |
Danemark[k 11] | Kong Kylie | De syv krystalkugler | du au |
Égypte[k 12] | Samir | du au | |
États-Unis[k 13] | Children's Digest | The Seven Crystal Balls | de janvier à |
Finlande[k 13] | Aamulehti | Seitsemän kristallipalloa | du au |
Grèce[k 14] | Tenten | Οι επτά κρυστάλλινες μπάλες | 1969 |
Inde[k 15] | Andamela (আনন্দমেলা) | মমির অভিশাপ | de au |
Irlande[k 16] | The Irish Times | The Seven Crystal Balls | du au |
Koweït[k 17] | Saad | 1979 | |
Pays-Bas[k 18] | Nieuwe Schiedamsche Courant | De zeven kristallen bollen | du 1er au |
Portugal[k 19] | Diabrete | As 7 bolas de cristal | du au |
République démocratique du Congo[k 20] | Zaïre | du au | |
Royaume-Uni[k 21] | Daily Mail | The Seven Crystal Balls | du au |
Suède[k 22] | Tjugofemman (25:an) | De 7 Kristallkulorna | du au |
Thaïlande[k 23] | Viratham | du au | |
Turquie[k 24] | Milliyet Çocuk | Yedi Kristal Küre | à partir de |
L'album connaît lui aussi de nombreuses traductions[53]. En 1961, il est traduit en espagnol et édité par Juventud, puis l'année suivante, les éditions Methuen prennent en charge l'édition de l'aventure au Royaume-Uni[49]. Des éditions en langues régionales sont également proposées[54], comme en charentais en 2013[55].
Chronologie de la création des Sept Boules de cristal
modifierAnalyse
modifierAnalyse critique
modifierL'universitaire Philippe Marion affirme qu'avec cette aventure, « l'univers hergéen s'est étoffé », et souligne que « l'auteur fait montre d'une maîtrise incontestée sur de multiples plans : graphique, narratif, médiatique »[56]. Pierre Assouline considère que « le récit est d'autant plus séduisant qu'il est énigmatique à souhait »[c 20]. De nombreux spécialistes s'accordent sur la place essentielle qu'occupe cette aventure dans l'œuvre d'Hergé : ainsi, l'écrivain et critique d'art Pierre Sterckx l'inscrit parmi « les chefs-d'œuvre absolus » de l'auteur[57], tandis que l'écrivain Jan Baetens considère qu'Hergé atteint dans cet album une perfection au niveau du dessin[58].
Pour Vanessa Labelle, qui rédige une thèse sur l'introduction du paranormal dans Les Aventures de Tintin, la collaboration entre Hergé, Edgar P. Jacobs et Jacques Van Melkebeke autour de cet album est d'autant plus fructueuse que « les intrigues se complexifient, les gags se perfectionnent et les décors se raffinent ». Les Aventures de Tintin deviennent « un tout uni » dont la dimension romanesque s'accroît, notamment par la « complexité narrative sans précédent » que leur apporte Van Melkebeke[a 3].
Pour Benoît Peeters, « Hergé nous offre un récit haletant qui représente son avancée la plus forte dans la voie du fantastique »[59] aboutissant à « la plus effrayante des Aventures de Tintin »[d 6]. Pour le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé livre un « récit d'archéologie-fiction »[60] qui s'articule autour d'une enquête (la trame policière) et d'une quête (la recherche de l'ami perdu)[61]. Il considère par ailleurs la séquence de l'apparition nocturne de la momie de Rascar Capac comme l'une des plus célèbres de la bande dessinée[f 1].
Style graphique
modifierÉvolution du style et apport d'Edgar P. Jacobs
modifierSur le plan graphique, ce nouvel album marque une évolution notable. Pour Benoît Peeters, l'image se fait plus fouillée et comporte des décors et des détails plus complexes que dans les albums précédents : « Sur le plan graphique, une coupure essentielle passe entre Le Trésor de Rackham le Rouge et Les Sept Boules de cristal. Les décors se nourrissent, les détails se précisent : adieu les rues suggérées en quelques traits, les affiches monochromes et les personnages qui marchent sur le bord de la case[d 10]. » Il attribue cette évolution à l'influence d'Edgar P. Jacobs, qui travaille comme coloriste pour Hergé et participe à la refonte des précédentes aventures. Jacobs apporte son perfectionnisme et son souci du détail dans la réalisation des décors, chaque séquence faisant l'objet de recherches minutieuses et parfois de repérages sur le terrain[d 10],[f 2]. Pour l'essayiste Jean-Marie Apostolidès, cette accentuation des détails a pour conséquence de faire passer pour vrai, au premier coup d'œil, l'univers purement fictif du dessinateur[b 5]. Pour ses portraits et ses rendus d'attitudes, Hergé, qui a l'habitude d'utiliser ses collaborateurs comme modèles pour réaliser des esquisses sur le vif[62], fait essentiellement appel à Jacobs pour ses croquis préparatoires : celui-ci, ayant été quelques années plus tôt figurant et chanteur d'opéra, possède en effet toutes les compétences pour mimer des attitudes particulièrement expressives quand la simple mémoire visuelle du dessinateur ne suffit pas[h 27].
L'apport de Jacobs est aussi déterminant dans le travail de colorisation. Selon Pierre Sterckx, à partir de cet album, Hergé « orchestre la couleur selon de véritables symphonies »[63], ce que confirme Pierre Fresnault-Deruelle, pour qui « le pastel diversifie et homogénéise l'étendue de ses gammes »[f 2]. Ce dernier précise que le coloriage de l'album, réalisé en 1947 par Guy Dessicy, doit beaucoup au Rayon U dessiné par Jacobs quelques années plus tôt[64].
De façon paradoxale, parallèlement à cette complexification, Hergé procède à une simplification extrême dans certaines de ses cases, telles ces « cases onomatopées », « exclusivement composées d'une onomatopée en gros caractères »[g 2] : ainsi Jérôme Dupuis pointe comme vignette représentative cette case où l'éclair en boule explose contre la momie de Rascar Capac et qui est composée uniquement d'une boule jaune entourée d'étoiles, dans laquelle est inséré un énorme « BANG »[7BC 27],[g 2].
Cadrage et mouvement
modifierComme le souligne Jean-Marie Apostolidès, Hergé fait preuve d'une grande maîtrise dans l'usage de la perspective et la grande variété de cadrages qu'il emploie, largement influencés par le cinéma, et qui créent selon lui « à la fois une profondeur du champ perceptif et une profondeur psychologique »[b 5]. La séquence où Tintin et Haddock retrouvent le général Alcazar au port de Saint-Nazaire (planches 56 et 57) donne un parfait exemple de cette construction cinématographique. Les personnages sont systématiquement présentés en buste et de trois quarts face pour les dialogues, mais quand Tintin et Haddock se dirigent vers le paquebot, ils sont dessinés en pied, puis de dos, avant de basculer sur un plan large lorsque Tintin se met à courir pour rejoindre le général qui embarque. Quand la discussion s'engage entre eux, c'est de nouveau le plan rapproché qui est utilisé[65].
Des informations importantes sur le plan narratif se cachent parfois dans certains détails d'apparence insignifiante et que le dessinateur exploite par sa science du cadrage. Ainsi dans la 46e planche, l'interrogatoire d'un automobiliste à un barrage routier n'apporte, à première vue, aucune information, si bien que le lecteur poursuit sa lecture « avec le sentiment mal formulé selon lequel Hergé a fait du remplissage », selon l'expression de Pierre Fresnault-Deruelle[f 3]. Or, deux planches plus loin, le gendarme qui discute avec Tintin se remémore ce bref interrogatoire en portant son attention sur le passager de la voiture, un étranger au visage osseux dont le héros comprend qu'il s'agit de Chiquito, le ravisseur de Tournesol. Pierre Fresnault-Deruelle voit cet épisode comme une invitation à se replonger dans la première case, dans laquelle Hergé avait pris soin de dessiner un passager en partie caché par le bord de la portière aux côtés d'un conducteur sans intérêt particulier. De fait, la présence de Chiquito, en partie masqué, ne relève pas de la simple figuration mais a pour rôle de « fonctionner rétroactivement comme indice »[f 3].
Par ailleurs, les critiques relèvent dans Les Sept Boules de cristal un art consommé dans la représentation du mouvement. Il n'est certes pas spécifique à cet album mais il comporte certains exemples représentatifs : ainsi, dans une étude du général Alcazar lançant un couteau lors du spectacle de music-hall[7BC 28], « Hergé démontre sa profonde connaissance des mécanismes du mouvement appliquée au corps humain »[62]. La maîtrise du dessinateur se révèle par la présence d'un petit détail qui permet d'amplifier la perception du mouvement, comme l'écharpe que le lanceur de couteau porte en ceinture, accessoire insignifiant qui « accentue et anticipe la torsion du buste »[62]. Par ailleurs, Hergé reprend plusieurs fois le thème des escaliers dans cet album, un procédé fréquent dans la série pour rendre l'impression de mouvement[f 4].
Sur un autre plan, Hergé joue parfois avec la fixité de l'image et contourne la règle selon laquelle chaque vignette doit constituer « un espace-temps ontologiquement homogène »[f 5]. Une séquence qui figure dans la 53e planche est édifiante à ce titre[f 5]. Le capitaine Haddock, inconsolable, lève un verre de whisky à la mémoire de Tournesol devant l'effigie peinte de son ami disparu[7BC 29]. Dans les deux cases suivantes, le capitaine est surpris de voir Tournesol sortir du cadre pour s'adresser à lui, avant qu'il ne retrouve sa position première[7BC 30]. Comprenant que l'alcool est responsable de son hallucination, le capitaine se décide à jeter sa bouteille et passe alors devant un autre tableau[7BC 31]. Selon Pierre Fresnault-Deruelle, ce second tableau, coupé par le cadre de la vignette, est bien plus qu'un décor. Le regard de l'homme représenté, probablement un dignitaire du siècle de Louis XIV portant la perruque, semble juger avec sévérité le capitaine, comme pour illustrer la mauvaise conscience de ce dernier. Par ailleurs, il peut s'agir d'un signe envoyé au lecteur pour rappeler que « les images ont tout à gagner à rester dans les limites qui sont les leurs, faute de quoi tout se brouille »[f 5].
Enfin, Les Sept Boules de cristal offre un bon exemple de la « grammaire du mouvement » qui s'applique à la représentation des voitures dans les Aventures de Tintin. Ainsi, comme le remarque Charles-Henri de Choiseul Praslin, quand une voiture est représentée se déplaçant de la gauche vers la droite, c'est-à-dire dans le sens de la lecture, c'est qu'elle est conduite par un héros positif ou que le récit avance. À l'inverse, pour les véhicules conduits par des méchants, ou quand les héros rencontrent un obstacle, la voiture est souvent représentée de la droite vers la gauche[66]. C'est le cas dans cet album : dans neuf vignettes qui racontent que Tintin et le capitaine font avancer l'action, le véhicule se déplace de la gauche vers la droite, tandis que dans trois autres, le véhicule est représenté en sens inverse, à chaque fois quand les deux héros sont bloqués dans leur marche en avant[67].
Les images recyclées
modifierComme à son habitude, Hergé utilise dans cet album ce que Pierre Fresnault-Deruelle appelle des « images recyclées », au premier rang desquelles figure le motif récurrent de l'entrée à Moulinsart[f 6]. Au début de l'aventure, Tintin, accompagné de Milou, arrive au château. Il est représenté dans l'axe de l'allée centrale, sa mèche alignée sur le clocheton du château. Cette image rappelle la séquence finale du Trésor de Rackham le Rouge, qui apparaît comme une « prise de possession symbolique des lieux ». Dans les deux cases suivantes, Tintin qui a franchi le perron sonne à la droite du porche, puis Nestor apparaît, engageant la discussion avec le héros[7BC 32].
Si la séquence n'apporte aucune information décisive au lecteur, elle fait écho à une autre séquence qui figure à la fin de l'aventure, quarante-huit planches plus loin : les trois images sont presque reprises à l'identique, à l'exception des paroles échangées par Nestor et Tintin, et de la position de Milou, symétrique à celle qu'il occupait dans la première séquence[f 6].
Erreurs et approximations
modifierLa profusion des sources utilisées combinée à l'état de désordre des recherches communiquées par Edgar P. Jacobs explique en partie pourquoi Hergé commet quelques erreurs dans la première version parue dans Le Soir. Ainsi, dans son récit introductif présenté sous la forme d'un article de journal, il situe l'Empire inca en Amazonie[MBC 4], ce qui constitue une contre-vérité historique[h 28]. De même, il parle d'une écriture inca[h 29] alors que cette civilisation n'en possédait pas[h 30]. C'est seulement lorsqu'il remanie ses strips en 1945 pour la publication des Sept Boules de cristal en album qu'il peut véritablement bénéficier des recherches de Jacobs, et ce, même s'il juge cette documentation insuffisante au point de devoir s'en ouvrir à son éditeur. Ainsi, dans un courrier du adressé à Charles Lesne, son correspondant à Casterman, il regrette encore ce manque : « Les livres sur le Pérou et les Incas sont rarissimes […]. N'auriez-vous pas chez vous […] l'un ou l'autre ouvrage traitant de ce sujet ?[68] »
Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'il peut compléter ou corriger ses illustrations pour les rapprocher de la réalité[h 15], comme il le fait notamment avec la parure de Rascar Capac qu'il modifie considérablement[h 31]. Hergé met aussi à profit ce passage en album pour corriger son erreur géographique en écrivant cette fois que « l'expédition Sanders-Hardmuth vient de rentrer en Europe après un long et fructueux voyage d'exploration au Pérou et en Bolivie »[7BC 33]. En revanche, il choisit de maintenir son assertion sur les « inscriptions funéraires » dont il parlait précédemment : d'abord dans l'article introduisant l'histoire[7BC 33], mais aussi lors de la soirée chez le professeur Bergamotte, quand celui-ci présente aux héros la traduction d'une partie des inscriptions qui se trouvaient gravées sur les murs du tombeau de Rascar Capac. Cette erreur vient sans doute d'une autre commise par l'explorateur Charles Wiener, comme l'explique Philippe Goddin : « Wiener […] était convaincu que les dessins figurant sur les tissus brodés qu'il mettait au jour dans les sépultures constituaient un langage écrit, de même d'ailleurs que ceux qu'il pouvait observer dans les décors tissés des étoffes anciennes. Sa théorie a depuis longtemps été battue en brèche : si ces décors comportent des symboles, il n'est pas question de langage écrit. Quant aux célèbres « quipus », ces écheveaux de cordelettes à nœuds de différentes longueurs retrouvés dans certaines tombes, s'ils constituent bien une « transcription », il semble que celle-ci se rapportait exclusivement à des relevés quantitatifs[h 22]. »
De même, Hergé supprime dans la version en album la médaille qui accompagne les débris de boule présentés par les Dupondt à Tintin après les deux premières agressions, notamment parce que les dessins qui y figurent ne sont pas réalistes[b 6],[h 32]. D'après Philippe Goddin, il pouvait s'agir de symboles mayas ou mochicas[h 32]. Malgré sa volonté de représenter les bijoux de manière réaliste, le dessinateur commet là aussi quelques erreurs. D'abord, contrairement à ce que laisse croire l'article de journal qui introduit l'histoire, le « borla » (ou « puyllu ») n'est pas un « diadème royal en or massif », mais un cordon à franges de laine rouge formant un serre-tête retombant sur les yeux du souverain[h 33]. Il en va de même pour le bracelet en or massif provenant de la momie, que ramasse le Professeur Tournesol. S'inspirant visiblement des bijoux conçus par les Chancays, ces artéfacts sont normalement plus légers et ne comportent aucune pièce mobile[h 33].
Style narratif
modifierUne narration contrainte
modifierDu point de vue narratif, le format de la prépublication puis celui de la publication créent de fortes contraintes sur la manière qu'a Hergé de raconter son histoire. Malgré cela, Les Sept Boules de cristal est souvent perçu par les critiques comme offrant une grande cohérence entre son aspect narratif et son aspect visuel. Ainsi, pour Pierre Assouline, « le récit et sa mise en forme sont d'une telle homogénéité qu'ils ne sont guère critiquables »[c 21].
Le premier format que doit adopter l'auteur consiste en une bande formée d'un ensemble de 3 ou 4 cases, un strip, en raison du manque de place disponible dans Le Soir, le journal dans lequel le récit paraît sous la forme d'un feuilleton quotidien : les journaux souffrent en effet de la pénurie de papier consécutive aux conditions de guerre. Ce format de publication a pour conséquence d'astreindre Hergé à plus d'efficacité et de concision dans sa manière de raconter. Pour l'écrivain Numa Sadoul, auquel Hergé accorde plusieurs entretiens, cette contrainte se révèle pour le dessinateur comme « une grande école de narration »[69]. De plus, comme pour tout feuilleton, ce format impose à l'auteur d'achever chaque strip par un effet de surprise ou un questionnement, afin de maintenir le lecteur en haleine[h 34], ce qui fait dire à Philippe Goddin qu'« un strip, c'est un rythme particulier »[70].
De la même manière, le passage de ce format par strips au format par planches au sein d'un album a des conséquences sur la narration[71]. À cette occasion, Hergé opère une série de modifications qui peuvent être significatives, tant pour le dessin que sur le plan du récit[h 35],[72]. Ainsi, certaines cases sont modifiées : l'intérieur de l'appartement de l'explorateur Marc Charlet fait simultanément l'objet d'un recadrage arrière et d'un élargissement, ce qui fait qu'une case occupe désormais l'équivalent de deux[7BC 34],[h 36]. Par ailleurs, des séquences entières sont retranchées : la mésaventure de Milou tombant dans une mare en chemin vers Moulinsart disparaît tout simplement[7BC 35]. De même, dans la première version, une médaille était déposée auprès de chaque victime en même temps que la boule de cristal, comme pour accentuer la dimension religieuse de la vengeance inca. Ce détail est supprimé dans la version finale afin de maintenir le suspense et de renforcer le côté romanesque de l'aventure[b 6]. Plus rarement enfin, des séquences sont ajoutées : lorsque Tintin, accompagné de Haddock et de Tournesol, se présente à la grille de la maison du professeur Bergamotte[MBC 5], deux cases sont ajoutées[7BC 36] afin d'amplifier la présence policière assurant la sécurité de ce dernier[h 37].
De fait, Hergé cherche à tirer profit de ce changement de format pour encore dynamiser ou mieux expliciter son récit. Il crée par exemple de grandes cases spectaculaires[h 38] : la case de l'album la plus emblématique de ce changement, que Philippe Goddin qualifie de « case à grand spectacle »[h 39], est celle où le capitaine Haddock apparaît sur scène au milieu de la représentation du numéro de l'illusionniste Bruno. Elle occupe désormais l'équivalent d'une demi-planche[7BC 37] alors qu'elle n'occupait précédemment que l'espace d'une case de taille normale dans le strip H50[MBC 6]. Par ce procédé purement graphique, l'« entrée en scène du capitaine » est alors proprement « magnifiée »[h 39].
Par ailleurs, Hergé procède à un certain « gommage national » entre les deux versions pour donner à son héros un caractère plus international. Ainsi, dans la version originale, le taxi de l'explorateur Marc Charlet passe devant le Métropole, un des plus prestigieux palaces bruxellois, dont le nom est finalement effacé dans la version définitive[5].
Procédés narratifs récurrents
modifierDeuxième diptyque des Aventures de Tintin
modifierEnfin, dans la continuité du Secret de La Licorne et du Trésor de Rackham le Rouge, Hergé conçoit un nouveau diptyque : Les Sept Boules de cristal constituent le premier volet d'un récit qui s'étale sur deux albums et trouve son prolongement dans Le Temple du Soleil. D'une part, ce procédé lui permet de « laisser libre cours à ses talents de conteur », selon l'expression de Benoît Peeters[d 1], tout en étant un moyen de contourner les exigences de son éditeur quant au format contraint de la publication en album[c 22]. Une nuance apparaît néanmoins entre ces deux diptyques. Si Le Secret de La Licorne forme un tout cohérent et homogène, au terme duquel le lecteur peut accepter d'en rester là car de nombreux éléments sont résolus bien que les fils de l'intrigue ne soient pas définitivement dénoués, le récit des Sept Boules de cristal laisse tout en suspens. À la fin de l'album, Tintin et le capitaine savent où est retenu le professeur Tournesol, mais, comme le lecteur, ils ignorent encore qui le retient, par quels moyens, et dans quel but. Plus encore que dans le diptyque précédent, cette fin qui n'en est pas une apparaît comme une franche invitation au lecteur[73].
Première planche du récit
modifierPlus largement, la première planche des Sept Boules de cristal suit la même construction que celle de la plupart des autres albums de la série : Tintin mène une activité banale, en l'occurrence un voyage en train pour rendre visite au capitaine Haddock à Moulinsart, avant d'être soudainement détourné de cette activité par l'apparition d'un élément imprévu et chargé de mystère, dans ce cas la prophétie du passager anonyme quant à l'éventuelle malédiction des membres de l'expédition Sanders-Hardmuth[73].
Pour autant, l'auteur varie ses habitudes dans la mesure où cet élément mystérieux n'entraîne pas de modification immédiate dans le comportement du héros[73] : Tintin poursuit son voyage et il faut attendre la 17e planche pour qu'il soit enfin confronté à l'étrange épidémie qui figure au cœur de l'intrigue[56]. De même, la dernière case de la planche ne s'achève par aucun questionnement ni effet de surprise : elle ne suscite aucune attente spécifique et ne contient aucun indice qui permette au lecteur d'envisager la suite du récit[74].
Économie de la narration
modifierCe nouveau récit est en continuité avec le style des précédents albums jusque dans ses tics narratifs, qui sont autant de facilités : ainsi, Hergé entame son histoire par un résumé au moyen d'une coupure de presse, un procédé que Pierre Assouline qualifie de « degré zéro du dessin »[c 23]. Il s'agit d'un procédé largement utilisé par l'auteur dans ses œuvres, Assouline soulignant « [qu'il] y résiste rarement[c 23] », que ce soit en tant qu'introduction à son récit, comme dans Le Secret de La Licorne[75], ou afin de le relancer, comme dans Le Trésor de Rackham le Rouge, pour expliquer la venue de prétendus descendants du pirate[76]. Dans L'Oreille cassée, la coupure de journal est même remplacée par un poste de radio[77].
Ce parti-pris d'Hergé en faveur de l'importance de l'information, qui fait souvent progresser l'action, se retrouve donc dans la plupart des albums[78] : jeune reporter qui n'écrit jamais, Tintin n'en est pas moins un journaliste au sens de l'information affûté. Ainsi la focalisation sur un article de journal en pleine vignette permet d'opérer la soudure narrative entre deux séquences du récit, tout en renforçant sa dramaturgie. Dans la première vignette de la 22e planche, l'assemblage graphique de plusieurs titres à la une de journaux, appuyé par la brève radiophonique entendue par le capitaine Haddock dans la case suivante, accélère le rythme du récit tout en accentuant son réalisme[79]. Les phénomènes médiumniques, relativement présents dans les Aventures de Tintin, répondent au même objectif. Ainsi, en annonçant que les membres de l'expédition Sanders-Hardmuth sont sous le coup d'une malédiction, la voyante, Madame Yamilah, fait le récit d'une situation contemporaine à l'action mais inaccessible dans un régime de communication sensoriel normal, tout autant qu'elle permet une certaine « économie de la narration »[80].
Indices visuels sur la suite du récit
modifierPierre Fresnault-Deruelle, qui rappelle que « rien n'est mentionné qui n'ait vertu d'indice » dans les récits d'Hergé, relève que l'auteur introduit un certain nombre d'éléments apparemment anodins pour alerter le lecteur quant à la suite du récit. Ainsi, l'évocation de la malédiction de Toutânkhamon par le voyageur assis à côté de Tintin dans le train, puis les recherches menées par le professeur Tournesol à son arrivée à Moulinsart afin de retrouver un tombeau mérovingien, sont deux références directes à l'archéologie qui sous-tend le récit, puisque la malédiction des boules de cristal frappe les explorateurs qui ont osé profaner la sépulture de l'Inca[81].
Plus loin, avant que Tintin et Haddock prennent place dans les loges du music-hall, Hergé montre la foule qui se presse à l'entrée du bâtiment[7BC 38]. Dans cette vignette, de laquelle les héros sont absents, une silhouette féminine se découpe au centre de l'image. Il s'agit d'une femme élégante et vêtue d'un manteau vert qui contraste avec les tons bruns utilisés pour les autres personnages, de sorte que le dessinateur cherche manifestement à attirer l'attention sur elle. Bien qu'elle soit représentée de dos, la chevelure blonde et la silhouette élancée de cette femme laissent entendre qu'il s'agit de madame Clairmont, que le lecteur retrouvera dans la séquence suivante. Au fond du décor, à gauche, une affiche vante le spectacle de la voyante Yamilah, qui développera une conversation dramatique avec cette dernière dans ladite séquence, de sorte que, selon Pierre Fresnault-Deruelle, la cohabitation de ces deux personnages dans la même vignette, avant leur entrée en scène, est un indice laissé au lecteur par le dessinateur[82]. À la fin de cette séquence, lorsque madame Clairmont quitte précipitamment la salle pour rejoindre son mari frappé d'un mal mystérieux, Haddock estime que l'annonce qui suit immédiatement la révélation de la voyante ne peut être qu'un coup monté. Pour Tintin, qui se remémore la conversation avec le voyageur du train à propos de l'expédition Sanders-Hardmuth, il ne peut s'agir d'une coïncidence, si bien que le lecteur est confronté à l'apparition d'une inquiétante hypothèse qui sera confirmée dans les planches qui suivent[83].
De la même manière, quand Tintin prévient Marc Charlet par téléphone, ce dernier est représenté à côté d'une statuette mexicaine grimaçante dont la proximité physique avec l'explorateur laisse entendre au lecteur que la menace se précise. De fait, Marc Charlet est frappé à son tour dans le taxi qui le conduit chez Tintin[7BC 39],[84].
L'humour pour faire retomber la tension
modifierL'album offre un côté mystérieux et inquiétant prononcé. Aussi Hergé l'émaille-t-il de gags dans le but de tempérer la tension du lecteur, comme le souligne le journaliste Tristan Savin : « À l'aide d'animaux, accessoires, chutes et quiproquos, Hergé fait avancer le récit tout en faisant retomber la tension dramatique[g 3]. » L'humour est donc présent dès le début du récit.
L'apparition du capitaine Haddock sur la deuxième planche est l'occasion d'un gag en deux temps appartenant au domaine du burlesque[g 4]. Après avoir annoncé à Tintin que « [Monsieur] ne tardera pas à rentrer. », Nestor confirme à la case suivante, tandis que l'animal se présente seul, « voilà déjà son cheval… », pour constater finalement avec flegme, « Et voilà monsieur », tandis que Haddock arrive à pied, visiblement commotionné par une chute[7BC 40]. Plus loin, l'entrée de Tintin, Milou et Haddock au château est l'occasion d'un nouveau gag, « digne des meilleures pitreries de Charlot », qui appartient au domaine du « comique visuel » et dont Tristan Savin salue le « suspens savamment mis en scène jusqu'à la chute finale »[g 3]. Nestor, qui porte un plateau chargé de boissons, est bousculé par la poursuite entre Milou et le chat de la maison. Il effectue sur plusieurs cases un numéro d'acrobate, contrarié par le retour final de Milou qui fait chuter au sol le contenu du plateau[7BC 41]. Hergé emprunte en fait ce gag à une histoire parue quelques années plus tôt dans l'hebdomadaire Le Blé qui lève, une publication de l'Association catholique de la jeunesse belge, qui montrait un majordome tombant dans un escalier tout en réussissant à sauvegarder le contenu de son plateau. Hergé y ajoute néanmoins la chute finale de Nestor[h 40].
Bien d'autres gags sont présents dans l'album, qui font le plus souvent intervenir le capitaine, comme lorsqu'il ouvre la porte sur le nez de Nestor qui regardait par le trou de la serrure[7BC 42], ou lorsque, victime d'une hallucination, conséquence de son ivresse, il croit voir le portrait peint de Tournesol s'animer[7BC 43]. Les nombreuses insultes qu'il profère tout au long de l'album enrichissent également le registre comique du récit[7BC 44], tout comme la séquence des coulisses du music-hall, quand Haddock et Tintin cherchent à regagner leur place, l'une des plus hilarantes de l'album selon l'historien de la bande dessinée Thierry Groensteen, et qui rappelle les scènes du film Silence, on tourne ! de Clyde Bruckman et Harold Lloyd, sorti en 1932[85]. Ainsi, Hergé déploie toute une palette de formes d'humour : non-sens britannique, quiproquo ou encore jeux de mots[g 5]. Il se plait parfois à rabaisser le capitaine, quand le verre d'aguardiente proposé par Alcazar s'avère trop fort pour lui — un comble pour un alcoolique notoire —, de même que quelques planches plus loin la poignée de main du professeur Bergamotte est trop serrée[86].
L'entrée inattendue du capitaine Haddock, coiffé d'une tête de vache, sur la scène du music-hall pendant le numéro de Bruno l'illusionniste, est mise en scène de manière théâtrale, par un effet de zoom arrière déployé sur une vignette de la taille de deux strips. Hergé adopte le point de vue des spectateurs, avec lesquels le lecteur peut se confondre, utilisant un procédé largement répandu notamment dans les illustrations d'Honoré Daumier, de sorte que le spectacle se trouve également dans la salle : le vacarme causé par l'entrée du capitaine crée un début de panique parmi la foule[87]. Ce gag est repris plus loin dans l'album quand Milou, accidentellement coiffé du heaume d'une armure, court aveuglément devant lui et enchaine les catastrophes[7BC 45],[88].
Une comparaison de l'album avec la prépublication sous forme de strips fait néanmoins apparaître qu'Hergé a procédé au retrait d'un certain nombre de scènes comiques de son histoire entre les deux versions. Ainsi, la scène de voyance au music-hall est incomplète dans l'album car à l'origine, la voyante Yamilah révélait que le capitaine possédait une bouteille de whisky dans une de ses poches et une réserve de monocles dans l'autre[MBC 7], et celui-ci s'en trouvait ridiculisé devant l'hilarité de la salle[g 6].
De même, un gag où l'on voyait un policier dresser un procès-verbal à Tintin qui avait marché sur la pelouse en poursuivant un bandit[MBC 8] disparaît de l'album car certainement « trop proche [de l'esprit] des albums Quick et Flupke », selon l'analyse de Daniel Couvreur[g 6]. Ce dernier en conclut que « la tragédie a pris le pas » sur la comédie, Hergé souhaitant probablement « se concentrer sur le drame qui va bientôt animer son récit », bien que cela doive se faire au détriment de l'humour[g 6].
Le fantastique au cœur du récit
modifierHergé et le paranormal
modifierUne des caractéristiques des Sept Boules de cristal est que le fantastique constitue le cœur du récit[9]. L'album concentre en effet les phénomènes paranormaux : voyance, hypnose, malédiction, envoûtement ou encore radiesthésie[a 4]. Il ne s'agit pourtant pas d'une nouveauté dans l'œuvre d'Hergé, comme le souligne le critique Frédéric Soumois, qui indique que l'auteur intègre « au fil de ses récits un élément rationnel qui donne la clé, au moins partielle, d'un phénomène a priori totalement incompréhensible tout en gardant une part de mystère irrésolu au cœur de l'histoire »[e 1]. Pour Philippe Marion, cette part d'hésitation répond bien à la définition du fantastique avancée par Tzvetan Todorov dans son Introduction à la littérature fantastique[56],[Note 12]. Ainsi le genre est déjà présent dans les albums précédents, à travers la « prédiction » faite à Tintin par le khouttar dans Les Cigares du pharaon, les tours de fakirs dans ce dernier album puis dans Le Lotus bleu, les mutations que subissent les êtres vivants au contact d'un métal extra-terrestre dans L'Étoile mystérieuse, l'utilisation d'un pendule par le professeur Tournesol dans Le Trésor de Rackham le Rouge ou même les diablotins emportant les ennemis morts de Tintin dans L'Oreille cassée, pour ne citer qu'eux[e 1]. Des auteurs comme le critique littéraire François Rivière insistent sur un certain « réalisme fantastique » qui serait propre à l'œuvre d'Hergé[89], et certains observateurs décrivent un intérêt profond de la part du dessinateur pour ce domaine[90], intérêt parfois même qualifié d'« obsession » par François Rivière[91].
De fait, l'introduction du fantastique dans Les Sept Boules de cristal est au service d'interrogations intimes que l'auteur se pose. La première porterait, selon Harry Thompson, sur « la peur de l'inconnu »[92] qui tiendrait de façon immédiate au contexte de guerre mondiale et dont l'apparition nocturne de Rascar Capac chez le professeur Bergamotte serait un symbole manifeste[e 2]. Mais d'après François Rivière, c'est également sa place de mortel dans le monde qu'Hergé interrogerait : « Son intérêt pour l'au-delà et ses mystères s'est accru singulièrement, à mesure que son propre épanouissement venait sublimer la douloureuse question de sa survie d'homme et d'artiste[93]. » Sur ce dernier point, Hergé évoque ainsi un souvenir d'enfance remontant au décès de son grand-père maternel et qui le hante au point d'en avoir réalisé une esquisse : le dessinateur est persuadé d'avoir aperçu une tête de mort à la fenêtre lors de la veillée mortuaire[e 3]. Plusieurs chercheurs, comme Philippe Goddin, s'accordent à penser que cet évènement aurait pu être le véritable élément fondateur de l'histoire des Sept Boules de cristal[94],[e 3].
Une immersion progressive au long de l'album
modifierLa spécificité des Sept Boules de cristal est que l'auteur verse plus franchement qu'il ne l'a jamais fait vers le fantastique, probablement du fait de l'influence d'Edgar P. Jacobs et de Jacques Van Melkebeke dans l'écriture du scénario[15]. De fait, l'ouvrage est volontiers décrit comme le « plus effrayant album jamais conçu par Hergé, notamment à cause de l'apparition fantomatique de Rascar Capac »[9]. Selon Pierre Fresnault-Deruelle, à travers cette aventure, le lecteur passe « de la prestidigitation (la magie blanche) à la divination (ici, la formulation de la malédiction), et de la fantasmagorie (le cauchemar partagé) à la persécution constatée des archéologues (la magie noire)[61]. » Philippe Marion affirme que l'album « se gard[e] bien d'apporter une réponse aux questions les plus troublantes, notamment celle qui concerne l'éventuelle nature surnaturelle des agresseurs ». En ce sens, il affirme, comme d'autres spécialistes, que Les Sept Boules de cristal est le récit le plus fantastique de l'auteur car « il protégera jusqu’au bout son mystère et sa composante hésitationnelle »[56].
Le thème du fantastique fait l'objet d'une lente progression dans l'album, accumulant les péripéties étranges pour atteindre un sommet lors d'un épisode de cauchemar collectif. En effet, l'étrange est convoqué dès la première ligne de la première planche, comme le remarque l'historien Jean-Marie Embs : « Toute l'atmosphère des Sept Boules de cristal repose sur le paranormal, que le brave voyageur du train introduit d'une façon anodine, pour créer le climat voulu par l'auteur[e 4]. » Ce voyageur met en garde Tintin et dénonce les fouilles entreprises par l'expédition Sanders-Hardmuth au Pérou, évoquant pour cela les mystérieuses morts parmi les découvreurs du tombeau de Toutânkhamon[h 8] : « Songez à tous les égyptologues qui sont morts mystérieusement après avoir ouvert le tombeau de ce Pharaon… Vous verrez, la même chose arrivera à ceux qui ont violé la sépulture de cet Inca…[7BC 46] » Plus loin, Hergé fait retomber la pression en mêlant l'étrange et le ridicule lorsque le capitaine Haddock se propose de transformer de l'eau en vin, voulant ainsi reproduire la prestation d'un prestidigitateur[95].
Mais peu après, le récit dépasse l'étrange pour tomber du côté du fantastique lors d'une séquence au music-hall : une voyante, Madame Yamilah, maintenue en état d'hypnose par le fakir Ragdalam, annonce que les membres de l'expédition ethnographique sont sous le coup d'une malédiction, en premier lieu le cinéaste Clairmont dont la femme est présente dans la salle, ce qui provoque l'émoi du public[7BC 47]. Dès lors, le récit bascule vers le paranormal et ne le quittera plus[96]. Selon Frédéric Soumois, « Hergé a parfaitement su transformer la scène du music-hall, plongée entre ombre et lumière, en une faille qui permet le passage vers une autre dimension[e 1]. ». Pour le philosophe Jean-Luc Marion, le music-hall et le temple du Soleil dans le deuxième album se répondent comme deux lieux clos où l'obscurité « efface la frontière entre rationnalité et irrationnel », de sorte que naît la confusion entre le monde illusoire et le monde réel[97]. Par ailleurs, le thème de l'hypnose, lancé à ce moment par Hergé, traverse finalement l'histoire puisqu'il réapparaît plus tard avec la léthargie dont souffrent les membres de l'expédition et dont ils ne sont libérés qu'à la fin du Temple du Soleil[e 5].
Le fantastique se cache dans les moindres détails. Quand Tintin et les Dupondt pénètrent dans le bureau du professeur Hornet, celui-ci gît à son bureau devant une vitrine qui comporte des squelettes d'animaux exotiques et un crâne humain. La morbidité de ce décor renforce « l'inquiétante étrangeté » de la scène[7BC 8],[98]. La tension s'accroît donc au fil du récit, en même temps que s'intensifient les phénomènes étranges. Elle atteint un sommet lors de l'épisode chez le professeur Bergamotte, dans une séquence qui est selon Jacques Langlois « l'une des plus impressionnantes et des plus réussies de toutes les Aventures de Tintin[e 5]. » L'épisode suit une progression : plus la nuit approche, plus la peur s'amplifie chez les protagonistes et en particulier chez le professeur Bergamotte : « D'abord sûr de lui-même comme de l'imposant dispositif policier qui l'entoure, ce colosse de professeur perd de sa superbe au fur et à mesure de l'emballement des événements[e 5]. » En effet, lui qui riait d'un rire tonitruant devant la momie[7BC 48] finit par se liquéfier sur son siège sous l'effet de la peur après que celle-ci s'est volatilisée[7BC 49]. Enfin, le dernier élément fantastique de l'épisode, et dont on ne sait finalement s'il s'agit de cauchemar ou de réalité, réside en une séquence clairement inspirée des œuvres de Gaston Leroux ou de l'écrivain belge Jean Ray, spécialisé dans le fantastique[e 4] : l'apparition dans le rêve de ses victimes de la momie de Rascar Capac qui, après avoir « déchaîné sur lui-même le feu purificateur », se meut et projette des boules de cristal[7BC 50],[e 4].
Hergé semble d'ailleurs avoir une certaine fascination pour le phénomène de foudre en boule qu'il utilise pour la deuxième fois dans l'histoire de la série. Dans L'Oreille cassée, elle sauve Tintin en le projetant hors de la maison où il était retenu prisonnier et à deux doigts d'être exécuté. Plus tard, dans L'Affaire Tournesol, Hergé utilisera une nouvelle fois la foudre pour faire sauter les plombs au château de Moulinsart[99].
Le cauchemar de la momie, pivot du récit
modifierSelon Pierre Fresnault-Deruelle, la 32e planche de l'album, où figure le cauchemar de Tintin, est probablement la plus célèbre de tout l'œuvre d'Hergé[100]. Jean-Marie Embs estime que le dessinateur dépasse ici le fantastique pour « bousculer la frontière qui sépare l'artifice du véritable prodige »[e 4], tandis que pour Philippe Marion, la séquence des cauchemars « est une des plus traumatiques de la saga tintinesque » et « constitue le climax fantastique de l'album »[56].
Elle est d'autant plus troublante que le dessinateur se plait à leurrer son lecteur et à susciter chez lui une sorte d'hésitation : rien n'indique qu'il s'agit réellement d'un cauchemar dans la mesure où Hergé n'apporte aucun indice qui permette au lecteur de dépasser le premier degré de lecture[56]. Les deux premiers strips de la planche montre l'abattement et le désarroi d'Hippolyte Bergamotte après la volatilisation de la momie. Effondré, le professeur comprend que la malédiction s'abattra également sur lui. Le ton sombre des deux derniers strips de la planche indiquent que les personnages se sont retirés dans leur chambre pour dormir. Les volets de Tintin sont ouverts, probablement en raison de la chaleur. Dans la huitième case, le lecteur découvre l'arrivée d'un spectre sorti de la nuit, qui n'est autre que la momie de Rascar Capac. Pour Pierre Fresnault-Deruelle, cette vignette est « le pivot du récit » dans la mesure où elle transporte les personnages « depuis la nuit réparatrice supposée jusqu'aux tourments, bien réels, des ténèbres »[100]. Le visage de Tintin, toujours endormi, semble pressentir la menace car il est entouré de gouttelettes qui révèlent son trouble, comme s'il avait l'intuition de l'arrivée de la mort dans son dos, une image universelle et largement répandue dans la littérature et le cinéma, comme sur l'affiche du film de la série Fantômas, Le Mort qui tue, réalisé en 1913[101].
Dans la case suivante, la momie enjambe la fenêtre et s'introduit dans la chambre pour s'en prendre à Tintin, ce qu'il fait ensuite en projetant sur lui une boule de cristal qui éclate dans un écran de fumée[7BC 51]. Dans les premières cases de la planche suivante, Tintin, réveillé en sursaut, s'est redressé dans son lit, et constate que la fenêtre, sous la force du vent, s'est ouvert violemment au point de se briser au contact du vase situé sur le meuble d'angle. Il se réjouit alors de n'avoir que rêvé, mais à peine s'est-il ressaisi que l'appel au secours du capitaine, puis celui du professeur Tournesol, en proie au même cauchemar, placent de nouveau l'aventure dans une atmosphère inquiétante. De fait, le professeur Bergamotte est bientôt retrouvé en état de léthargie, des éclats de cristal au pied de son lit[102]. Si le réveil de Tintin laisse entendre que le début de la séquence nocturne était irréel, il ressort que « l'auteur a hystérisé son récit en regroupant ces cauchemars »[102].
Le regard, vecteur du fantastique ?
modifierDans le cadre d'une étude sur la place de la bande dessinée dans la production fantastique belge, le professeur d'université Benoît Grevisse pose la question du regard comme vecteur du fantastique à travers le récit. Il décèle dans Les Sept Boules de cristal tout un travail sur ce thème, à travers le monocle du capitaine Haddock, la séance d'hypnose du fakir au music-hall ou encore le regard inexistant de la momie de Rascar Capac lors de ses inquiétantes apparitions. Pour Grevisse, dans la mesure où la ligne claire fait l'économie de nombreux traits, la présence du narrateur est particulièrement faible dans le visage des héros, ce qui laisse une forte possibilité d'investissement pour l'imaginaire du lecteur. Ainsi, la sobriété de l'expression des visages, et, partant, de leur regard, apparaît comme un terrain idéal pour le développement du fantastique[103].
Autres thèmes abordés
modifierThèmes récurrents et nouveautés
modifierLe lecteur retrouve dans Les Sept Boules de cristal plusieurs thèmes communs aux autres albums de la série. Par exemple, Hergé recycle le thème de la malédiction déjà traité dans Les Cigares du pharaon[a 5], puis il inaugure à la fin de l'aventure, et plus encore dans son prolongement, Le Temple du Soleil, le mobile de la disparition d'un proche pour lancer son héros dans l'aventure. Ce thème est repris plus tard dans L'Affaire Tournesol, où le professeur est au centre d'une lutte entre des agents bordures et syldaves, puis dans Tintin au Tibet, quand le héros part à la recherche de Tchang[104]. De même, il est notable que depuis Le Secret de La Licorne, Tintin délaisse l'engagement politique et l'intérêt collectif pour des enjeux d'ordre privé[c 18],[105] : l'Occupation allemande de la Belgique pousse l'auteur à s'éloigner du « sol réaliste » où se situait ses premières aventures. Le scénario des Sept Boules de cristal s'inscrit dans cette logique[12].
Sur un autre plan, Philippe Marion reconnaît dans la construction de l'intrigue « le dispositif conventionnel mais toujours efficace d'une élimination successive et implacable des victimes désignées par la malédiction », ce qu'il appelle « l'effet Dix Petits Nègres », en référence au roman policier d'Agatha Christie[56]. Ces éliminations successives créent une tension dramatique sur le sort de l'ultime rescapé, le professeur Bergamotte, que Tintin va tenter de préserver, en vain. Pour Philippe Marion, cette séquence narrative constitue le climax de l'intrigue[56]. Hergé est le premier à introduire ce thème dans la bande dessinée, avant qu'il soit repris par certains de ses confrères de l'école de Bruxelles : Edgar P. Jacobs le développe avec la vengeance du Dr Septimus dans La Marque jaune, et Jacques Martin le reprend à travers le châtiment de cinq généraux romains dans La Griffe noire[5].
Pour Jean-Marie Apostolidès, l'album marque une évolution importante dans la série : « Tintin ayant quitté la pensée d'incarner à lui seul les valeurs de l'Occident, ses aventures délaissent le domaine de l'histoire pour celui de la fiction »[b 7]. Il considère que les albums d'Hergé développent désormais leurs propres mémoires, et c'est ainsi que l'auteur convoque des personnages secondaires des précédentes aventures, comme le général Alcazar, Bianca Castafiore ou le professeur Cantonneau, un procédé qui permet de refermer l'univers de la série sur lui-même en lui apportant plus de cohérence[b 7]. Une double chronologie structure dorénavant les Aventures de Tintin : dorénavant, la chronologie propre à chaque album est ceinte dans la chronologie générale des épisodes[b 7].
Un récit initiatique
modifierSelon Vanessa Labelle, qui étudie la représentation des phénomènes paranormaux dans l'œuvre d'Hergé, Les Sept Boules de cristal marque un tournant dans la série, dans la mesure où le fantastique, que l'auteur utilisait jusqu'alors à des fins scénaristiques et pour détendre ou captiver son lecteur, ajoute ici « une dimension initiatique à l'histoire »[a 6]. Jean-Marie Apostolidès partage le même constat : si, selon lui, chaque aventure de Tintin peut être lue comme un roman initiatique, ce diptyque en est l'exemple le plus abouti[b 8]. Le climat de terreur mis en place tout au long du récit est propice à la « transformation ontologique » du lecteur tant par son identification aux héros que par la peur qui, selon le psychanalyste Bruno Bettelheim, est formatrice pour le jeune lecteur[106],[a 7].
En ce sens, la séquence nocturne dans la villa du professeur Bergamotte est édifiante : après l'orage et l'apparition de la boule de feu qui volatilise la momie de Rascar Capac, puis le cauchemar collectif des protagonistes, les personnages sont terrifiés, à l'image du capitaine Haddock qui en tombe de son lit ou du professeur Tournesol qui tremble de peur. Cette atmosphère noire, renforcée par le caractère onirique des événements, est absente des albums précédents, si bien que le contenu macabre et mystérieux des Sept Boules de cristal, prolongé dans Le Temple du Soleil permet aux lecteurs d'en ressortir transformés[a 8].
Jean-Marie Apostolidès situe la première étape du voyage initiatique dans la séquence du music-hall. Tintin et Haddock « doivent aller au-delà des apparences » et franchir pour cela plusieurs entrées interdites dans les coulisses. Le capitaine cherche à guider Tintin dans ces méandres mais il n'y parvient pas, et « retombe dans le chaos primitif ». Dans cet « univers confus et carnavalesque », le héros doit « distinguer ce qui est important de l'accessoire », et c'est à ce stade qu'il renoue avec le général Alcazar, ce dernier lui révélant plus tard la double identité de son partenaire Chiquito[b 8]. Apostolidès place la deuxième étape dans la séquence des boules de feu qui pénètrent dans la villa du professeur Bergamotte et marquent les héros, les désignant à l'aventure future, celle du Temple du Soleil où leur initiation se poursuit[b 8].
Opposition entre Incas et Européens
modifierLe profane et le sacré
modifierL'essayiste Jean-Marie Apostolidès considère que le diptyque formé par Les Sept Boules de cristal et Le Temple du Soleil est bâti sur l'opposition entre deux sociétés : l'une, celle des Incas, étant fondée sur le sacré et le refus du monde contemporain, l'autre, celle des Européens, sur le profane et l'ouverture au monde[b 9]. Le sémiologue Pierre Fresnault-Deruelle partage ce constat et voit dans ce récit le « retour de l'Indien », qu'il définit comme un « phénomène diffus par le truchement duquel la mémoire […] des peuples amérindiens remonte après bien des vicissitudes »[107], et qu'incarne la figure de Rascar Capac. L'intrigue de l'aventure se réfère ainsi « à un passé qui ne passe pas » et pour lequel « les Occidentaux manquent encore […] de discernement »[107].
Apostolidès précise que « le respect de la tradition constitue le dogme fondamental de la société [inca] », dont « ni les coutumes ni les costumes n'ont changé depuis le XVe siècle ». Or, l'équilibre de cette société est rompu quand sept savants européens violent la sépulture de l'empereur Rascar Capac et en subtilisent la momie. De ce point de vue, Jean-Marie Apostolidès considère que les bijoux de la momie jouent le même rôle que le sceptre d'Ottokar dans l'album éponyme[b 9]. Pour Pierre Fresnault-Deruelle, « les Européens et leur surdité postcoloniale ont maille à partir avec les croyances magiques des traditions secrètement cultivées par les autochtones, cruellement exploités des siècles durant »[107].
Un groupe de fidèles est donc chargé de retrouver la momie en Europe et d'accomplir la vengeance inscrite dans la prophétie inca pour rétablir l'équilibre. Pour le philosophe François Flahault, qui voit dans les boules de cristal « la menace par excellence » et l'instrument du châtiment suprême, « le récit montre de la manière la plus explicite que l'effraction vengeresse est réplique de et à l'effraction commise par les sept savants qui ont arraché Rascar Capac à sa tombe »[108]. En agissant de la sorte, les vengeurs incas opèrent dans l'intérêt de leur camp, de même que les membres de l'expédition Sanders-Hardmuth pensent agir pour le bien et la connaissance. Pour Jean-Marie Apostolidès, Hergé semble choisir son camp : « Les scientifiques sont les prêtres de l'Occident, la science a pris la place de la foi, et la notion de vrai remplace celle de révélation. Les sept archéologues […] sont honorés, les journaux parlent de leur découverte, la police les protège, l'État finance leurs recherches. Ils rapportent la momie pour mieux l'analyser ; ils décomposent les éléments de son culte pour donner une signification laïque à un mystère. Le message sacré de Rascar Capac n'a pas de sens pour eux ; le professeur Bergamotte, qui a déchiffré les inscriptions du tombeau, manifeste d'abord un profond scepticisme[b 9] ».
Mais au contact de la foudre, mis devant le fait accompli, le professeur Bergamotte abandonne ses réticences et finit vaincu par un mystère que ses connaissances seules ne peuvent expliquer. En ce sens, la fin du récit des Sept Boules de cristal apparaît comme « le triomphe de l'univers archaïque », la magie des prêtres incas se montrant supérieure aux connaissances des scientifiques européens. C'est à cet univers que Tintin et le capitaine devront se confronter pour retrouver leur ami dans le deuxième volet du diptyque[b 9].
Vision paradoxale du colonialisme
modifierLe personnage de Rascar Capac met en évidence, pour l'universitaire britannique James Scorer, la vision paradoxale que porte Hergé sur le colonialisme européen[109]. Le dessinateur semble condamner le viol de la sépulture de l'Inca à travers la critique formulée par le voyageur assis à côté de Tintin dans le train, qui s'exclame : « pourquoi ne laisse-t-on pas ces gens tranquilles ? … que dirions-nous si les Égyptiens ou les Péruviens venaient, chez nous, ouvrir les tombeaux de nos rois ? ». De même, l'universitaire Hugo Frey note que plusieurs éléments des Sept Boules de Cristal apportent une critique franche du colonialisme européen et de son arrogance qui le conduit à piller les tombes Inca sans se soucier du respect des pratiques culturelles de ce peuple[110]. Néanmoins, cette critique implicite se heurte au mal mystérieux qui frappe les membres de l'expédition et les plonge périodiquement dans de grands spasmes incontrôlables. De même, Rascar Capac devient une figure menaçante et effrayante pour les Européens dès lors que sa momie est amenée en Europe. Hergé semble donc à la fois justifier la vengeance des Incas, et en même temps décrit ce peuple comme un Autre dangereux et menaçant[109].
Sur un autre plan, Hugo Frey considère que la malédiction de Rascar Capac reflète le mythe de la « contagion coloniale », c'est-à-dire la peur que des cultures anciennement colonisées, étrangères et différentes, ne se mettent à envahir l'Europe à leur tour[110]. Ainsi, lorsque la momie de Rascar Capac est engloutie par la foudre puis vient hanter le sommeil de Tintin et ses compagnons, la maison dans laquelle se trouvent les héros est plongée dans la tempête et une obscurité menaçante, quasi surnaturelle, un décor souvent mis en scène dans la littérature britannique de la fin du XIXe siècle[110]. Néanmoins, selon Frey, Hergé critique également les archéologues qui ont ramené la momie de Rascar Capac, les rendant presque responsables de la maladie qu'ils ont contractée, de sorte que l'affrontement entre Incas et Européens mis en scène par l'auteur peut être vu comme le témoin d'une certaine mixophobie de sa part, c'est-à-dire une critique du mélange des cultures : lorsque deux cultures très éloignées sont mises en contact, il en résulte désordre et maladie[110]. Implicitement, la figure de Rascar Capac semble symboliser la préférence d'Hergé pour des sociétés monoculturelles qui, en ne se mélangeant pas, sont plus fortes et susceptibles de résister aux maladies apportées par l'étranger. Pour Hugo Frey, la critique du colonialisme émise par Hergé aurait donc avant tout des raisons racistes[110].
Pour James Scorer, Hergé soutient par ailleurs une certaine forme de « colonialisme "acceptable" », représenté par l'attitude de Tintin face aux Incas à la fin du Temple du Soleil : le héros défend les archéologues, expliquant qu'ils souhaitaient simplement faire connaître au monde entier la splendeur de la civilisation Inca. En cela, Hergé adopte un regard ethnocentrique européen sur les autres cultures, notamment sud-américaines[109].
Évolution des personnages
modifierDans cette aventure, Tintin « accède au rang de personnage mythique », selon l'essayiste Jean-Marie Apostolidès qui précise que ce statut n'est possible qu'à condition que le héros évolue au sein d'un univers détaché de « l'histoire immédiate »[b 2]. Son fidèle compagnon, Milou, reste un personnage important qui contribue à faire avancer l'intrigue, comme lorsqu'il rapporte envers et contre tout le vieux chapeau trouvé sur les quais de La Rochelle et qui se révèle être celui de Tournesol[7BC 21]. De même, il fait l'objet de courtes séquences au sein de l'histoire, comme lorsque, fidèle à sa gourmandise légendaire[m 11], il va chercher un os malgré les balles qui fusent autour de lui[7BC 52], ou quand il se bat avec le chat du capitaine dans le vestibule du château[m 12], mais il perd tout de même une grande partie de son interaction avec Tintin, avec qui il n'a plus les échanges langagiers des premiers albums. Le critique et auteur de bande dessinée François Rivière remarque qu'« au fil des albums, sa loquacité diminue »[g 1]. Milou tend donc à devenir un chien comme un autre[111] qui, mis en concurrence avec Haddock[d 11], est devenu « moins le complice de Tintin que son compagnon »[g 1].
Apparu plus tardivement dans la série, le capitaine tend à devenir un personnage central de celle-ci. Les Sept Boules de cristal marque l'achèvement de sa mue, entre l'alcoolique pathétique qu'il était lors de sa rencontre avec Tintin dans Le Crabe aux pinces d'or et l'ami fiable et fidèle qu'il est devenu[112]. Son installation au château de Moulinsart à la fin de l'aventure précédente modifie profondément son style de vie[m 2]. Tel que Tintin le rencontre au début de l'album, Haddock se rêve en châtelain et se conduit en nouveau riche[b 10] : il porte désormais le monocle et des costumes élégants, monte à cheval et possède une belle voiture[m 2]. De même, il remplace sa vieille pipe par des havanes, préfère un cocktail préparé par Nestor plutôt que son habituel whisky, et s'adresse à Tintin avec un certain snobisme, lui donnant du « cher ami » et l'invitant au music-hall[b 10]. Mais pour Jean-Marie Apostolidès, ce changement est trop éloigné du personnage pour être crédible et le capitaine n'est pas à l'aise dans le rôle qu'il se donne : incapable de rester en selle sur son cheval, il ne cesse de briser son monocle, ce qui oblige son domestique Nestor à en posséder une réserve[b 10]. Au reste, il n'a pas besoin, de toute évidence, de ce monocle, mais il affecte pourtant de ne pas reconnaître Tintin avant d'en avoir chaussé un de rechange : ces grands airs sonnent faux, et prêtent avant tout à rire[113]. Aussi, dès qu'il s'agit de sauver son ami le professeur, Haddock abandonne ses nouveaux attributs pour retrouver son élément originel et sa vieille tenue de marin[b 11].
Sur un autre plan, l'animalité du capitaine est questionnée dans cet album[114], et la fusion entre l'humain et l'animal prend tout son sens dans la séquence du music-hall. Pénétrant dans les coulisses, le capitaine et Tintin cherchent à regagner leurs sièges avant le spectacle de Bruno l'illusionniste, dont Haddock veut percer le mystère. Le capitaine déclenche alors une série de catastrophes à la suite desquelles il s'effondre dans la fosse d'orchestre, coiffé d'une tête de vache. Sous ce masque, il apparaît tel le Minotaure et opère ainsi une régression jusqu'au stade animal, selon l'expression de Jean-Marie Apostolidès[b 12]. Pour la chercheuse Sylveline Bourion, l'ensemble de cette scène à la limite du surréalisme révèle la personnalité du capitaine, à l'image du mur de briques qu'il heurte violemment en ouvrant une fausse porte indiquant la buvette et qui agit comme un renvoi à sa dépendance alcoolique dont il ne peut guérir[114]. Une fois transformé en Minotaure, Haddock se lance dans une course folle qui met en lumière ses principaux traits de caractère : la brutalité, l'impulsivité et le manque de contrôle[114]. Sa volonté de répéter le miracle de Bruno l'illusionniste, capable de changer l'eau en vin, apparaît comme un rêve de toute-puissance : « Haddock obtiendrait un pouvoir lui permettant de satisfaire son désir quotidien de boisson, c'est-à-dire qu'il effacerait la marge entre ses fantasmes et leur capacité de réalisation[b 13]. »
Le professeur Tournesol acquiert dans cet épisode une fonction qu'il ne possédait pas dans l'album précédent, celle de « catalyseur de l'aventure »[Note 13] qu'il remplit en étant la cible de la vengeance inca. Pour François Rivière, « Ce n'est donc pas un hasard si le professeur Tournesol a quitté son rôle quelque peu bouffon pour devenir le pôle d'attraction de forces maléfiques diverses. La surdité de ce visionnaire absolu […] lui confère soudain l'apparence et le rôle d'une sorte de mage, dont Tintin est chargé de sauvegarder l'innocence.[93] ». Par ailleurs, Jean-Marie Apostolidès considère l'enlèvement du professeur comme un « rite de passage » qui lui permet à terme d'appartenir au cercle familial formé par Tintin, Milou et le capitaine Haddock[b 1].
Enfin, le général Alcazar effectue son retour dans la série, bien des années après L'Oreille cassée. Chassé du pouvoir et contraint à l'exil, il en est réduit à gagner sa vie comme artiste : « De la politique, il est descendu aux jeux du cirque, et réalise l'essence théâtrale de son nom[b 13]. »
Mémoire et adaptations
modifierBande dessinée
modifierLe dessinateur Jacques Tardi s'inspire à deux reprises des Sept Boules de cristal. En 1974, il adresse un clin d'œil à cette œuvre en dessinant Rascar Capac à la quatrième planche de La Véritable Histoire du soldat inconnu. Quatre ans plus tard, dans Momies en folie, quatrième volume des Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec, la momie qui décore l'appartement de l'héroïne finit par disparaître et reprendre vie, comme celle de l'Inca dans le récit d'Hergé[115],[116].
En 2005, Jean-Christophe Menu publie Les 16 Boules de cristal, une série de seize planches inspirées de la couverture de l'album dans un esprit surréaliste[117]. En 2017, Stanislas Barthélémy détourne la couverture des Sept Boules de cristal pour la cinquième édition des Aventures d'Hergé, réalisées avec Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet. Sur l'illustration de Stanislas, Hergé remplace Tournesol au centre de l'image, sur le fauteuil posé au centre de la table. Autour de celle-ci, les outils du dessinateur sont disposés au sol, tandis que la couleur verte de la couverture originale est conservée[118].
Radio
modifierEntre 1959 et 1963, la Radiodiffusion-télévision française présente un feuilleton radiophonique des Aventures de Tintin de près de 500 épisodes, produit par Nicole Strauss et Jacques Langeais et proposé à l'écoute sur la station de radio France II-Régional[Note 14]. La diffusion des Sept Boules de cristal s'étale sur 15 épisodes d'une dizaine de minutes et débute le pour prendre fin le suivant[119]. Dans cette adaptation réalisée par Jean-Jacques Vierne, sur une musique de Vincent Vial, Maurice Sarfati intervient dans le rôle de Tintin, Jacques Hilling interprète le capitaine Haddock, tandis que Jacques Dufilho prête sa voix au professeur Tournesol, Henri Virlogeux à Nestor, Caroline Cler à la voyante et à Bianca Castafiore, Jean Carmet et Jean Bellanger aux Dupondt. Cette adaptation est ensuite distribuée sous la forme d'un disque 33 tours aux éditions Pathé Marconi[120] puis rediffusée en sur France Culture dans le cadre de la « Nuit spéciale Tintin »[121].
En 2017, une nouvelle adaptation radiophonique est enregistrée puis diffusée par France Culture, en coproduction avec la Comédie-Française et la société Moulinsart. L'adaptation en quatre épisodes est signée par Katell Guillou et réalisée par Benjamin Abitan sur une musique d'Olivier Daviaud, orchestrée par Didier Benetti pour l'Orchestre national de France. Tintin est interprété par Noam Morgensztern, le capitaine Haddock par Thierry Hancisse et le professeur Tournesol par Denis Podalydès, tandis que Sophie Bissantz et Élodie Fiat assurent les bruitages[122],[123].
Cinéma et télévision
modifierIl existe plusieurs adaptations animées de l'album. En 1969, les studios Belvision produisent un long métrage d'animation, Tintin et le Temple du Soleil, qui reprend la trame de cet album et du suivant. Réalisé par Eddie Lateste, il fait intervenir Philippe Ogouz dans le rôle de Tintin, Claude Bertrand dans celui du capitaine Haddock, Alfred Pasquali dans celui du professeur Tournesol ou encore André Valmy dans celui du professeur Bergamotte[124],[125]. En 1992, une nouvelle série animée est produite en collaboration par le studio français Ellipse et la société d'animation canadienne Nelvana[126],[124]. Réalisée par Stéphane Bernasconi, cette série est diffusée sur France 3 à partir du et rencontre un certain succès d'audience. Comme la plupart des aventures adaptées dans cette série, l'histoire des Sept Boules de cristal s'étale sur deux épisodes[127],[128].
En 1995, le producteur Claude Berri et le réalisateur Alain Berberian, qui a connu le succès avec son film La Cité de la peur, cherchent à monter une superproduction française adaptée du diptyque Les Sept Boules de cristal-Le Temple du Soleil et destinée à rivaliser avec le cinéma américain. Le projet, validé par les ayants droit de la série, s'appuie sur un large budget de 120 millions de francs (environ 27,2 millions d'euros en 2023[129])[130]. Jean Reno est pressenti pour le rôle du capitaine Haddock, Darry Cowl pour celui du professeur Tournesol et Sami Frey en roi des Incas[130]. Le projet finit par être abandonné car Berri et Berberian sont en désaccord sur leur choix de Tintin, le premier réclamant une vedette trentenaire tandis que le second désire un jeune inconnu entre dix-sept et vingt ans, qu'ils n'ont de toute façon pas trouvé malgré de très nombreuses auditions[130]. Claude Berri s'oriente finalement sur la première adaptation en prise de vues réelles d'Astérix, Astérix et Obélix contre César, qui sort en 1999[130].
En 2011, lors de la sortie du film Les Aventures de Tintin : Le Secret de La Licorne, réalisé par Steven Spielberg, le scénariste Anthony Horowitz annonce que le deuxième film de la « trilogie Tintin » doit reprendre la trame de ce diptyque, une affirmation cependant réfutée quelques semaines plus tard[131]. En 2015, l'acteur Jamie Bell, qui incarne Tintin dans le premier volet, affirme que ce « Tintin 2 » est encore en projet et que le tournage pourrait débuter à la fin de l'année 2016[132], un tournage cependant repoussé. En 2019, Benoît Mouchart, directeur éditorial de Casterman, annonce qu'un deuxième volet doit bien être réalisé par Peter Jackson, mais confirme que l'adaptation du diptyque inca n'est plus d'actualité[133].
En 2019, Frédéric Cordier réalise le documentaire intitulé Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac, co-écrit par Philippe Molins et diffusé sur Arte et la RTBF. Le film montre l'enquête menée par Serge Lemaitre, conservateur de la collection « Amérique » du Musée Art et Histoire de Bruxelles, et par l'archéologue Caroline Tilleux pour tenter de retrouver l'identité de la momie qui a inspiré celle de Rascar Capac[134]. Co-produit par Un film à la patte, Panoramique Terre Productions, Moulinsart, Arte et la RTBF, avec le soutien du Centre national du cinéma et de l'image animée, de la région Grand Est et de la Procirep, ce documentaire intègre la sélection de plusieurs festivals et reçoit le Prix Jules Verne du Festival du film d'archéologie d'Amiens en 2020[134]. Bien qu'il montre l'ensemble du travail d'investigation archéologico-médico-légale mené par les deux spécialistes, le réalisateur ne s'attarde pas en revanche sur le processus de création de l'œuvre d'Hergé[135].
Jeu vidéo
modifierPar ailleurs, le diptyque inca fait l'objet en 1997 d'une adaptation en jeu vidéo sous le titre Tintin : Le Temple du Soleil. Le jeu, édité par Infogrames, est jouable sur Windows, Game Boy, Super Nintendo et Game Boy Color[136].
L'adaptation est plutôt fidèle et le scénario suit la trame des deux histoires[137]. Il s'agit d'un jeu de plates-formes puisque le joueur déplace Tintin au sein de différents tableaux correspondant à certains épisodes de l'album, ces phases étant entrecoupées de séquences animées qui permettent au joueur de se situer au sein du scénario[137]. Le jeu fait l'objet d'une critique assez positive de la part de la presse spécialisée, la rédaction de Jeuxvideo.com lui attribuant la note de 14/20[137].
Comédie musicale
modifierEn 2001, Les Sept Boules de cristal et Le Temple du Soleil font l'objet d'une adaptation sous forme d'une comédie musicale, Tintin : Le Temple du Soleil, d'abord présentée dans sa version néerlandaise sous le titre Kuifje, de zonnetempel, au Stadsschouwburg d'Anvers en Belgique[138],[139], puis dans sa version francophone au Palais des Beaux-Arts de Charleroi au début de l'année suivante[139], sur un texte de Didier van Cauwelaert. La mise en scène du spectacle est assuré par Frank Van Laecke, sur une musique orchestrée par Dirk Brossé[139].
Dans sa version néerlandophone, le rôle de Tintin est interprété par Tom Van Landuyt, tandis qu'il est joué par Vincent Heden dans la version française[139]. Le spectacle reçoit un accueil positif de la part de la presse comme du public, les représentations anversoises attirant au total 158 000 spectateurs[139]. Frédéric Seront, journaliste du quotidien La Dernière Heure, le présente comme « digne des shows de Broadway »[140].
Le spectacle, qui devait également être produit en France est finalement annulé[141] après plusieurs reports pour des raisons financières et techniques[142].
Expositions et événements
modifierUn circuit en sept étapes, issu d'un projet lancé par l'association « Les 7 soleils » et son président Jean-Claude Chemin en 1992[143], rend hommage aux Sept Boules de cristal à travers la ville de Saint-Nazaire, où Hergé situe une partie de son intrigue[144]. Six vignettes géantes, extraites de l'album et reproduites sur du métal émaillé, sont disposées dans différents lieux, principalement autour des quais. Une table d'orientation, conçue par le plasticien nazairien Jérôme Besseau et installée près du phare du vieux Môle, montre les directions des différents ports et autres lieux maritimes visités par Tintin au cours de ses aventures[144].
De à , le Musée du Cinquantenaire à Bruxelles accueille l'exposition « Au Pérou avec Tintin » qui propose aux visiteurs un parcours présentant les vestiges archéologiques et les objets d'art qui ont inspiré Hergé dans la création du diptyque inca, en particulier la momie qui sert de modèle à celle de Rascar Capac[145]. Cette même exposition se tient au Musée de la civilisation de Québec entre et [146]. Certains des objets présentés lors de ces deux expositions le sont aussi au Musée d'ethnologie de Leyde, aux Pays-Bas, qui accueille une exposition consacrée au diptyque inca de à [147].
Notes et références
modifierNotes
modifier- Ils apparaissent dans Tintin au Congo qui lui est antérieur, mais seulement dans la version en couleur datant de 1946. Ils ne figuraient pas dans l'édition originale en noir et blanc de cet album, datant de 1931.
- Une visite en six étapes et autant de reproductions géantes de cases représentant la ville est proposée au port de Saint-Nazaire. Voir Tintin et la mer, p. 95.
- Continuation certes du point de vue de l'intention d'une fuite littéraire, mais Les Sept Boules de cristal n'en constitue pas moins une rupture thématique avec ses prédécesseurs puisqu'il ne s'agit plus là de conduire ses personnages sur l'océan, ce que Philippe Goddin résume par : « En 1944, après avoir mené ses héros sur différents océans, Hergé clôt le « cycle nautique » de Tintin. », in Les grandes civilisations, p. 48.
- Dans sa biographie, Pierre Assouline évoque deux ruptures précédentes dans la vie d'Hergé : d'abord sa rencontre avec Tchang en 1934 (« Hergé s'apprête à faire une rencontre anodine en apparence mais en fait si profonde qu'elle va bouleverser sa vie. Et donc son œuvre. » (Assouline 1996, p. 145)) ; puis sa rencontre avec Edgar P. Jacobs en avril 1941 lors de la première de sa pièce Tintin aux Indes (« De cette rencontre naîtra une amitié et une collaboration des plus fécondes. Avec des hauts et des bas. Mais la vie et l'œuvre d'Hergé en resteront marquées à tout jamais. » (Assouline 1996, p. 290)).
- Jacobs se serait plaint auprès de Jacques Martin qu'Hergé n'aurait pas agi ainsi dans le cas contraire : « Lui, pour me défendre, il n'aurait même pas pris une badine. » estimant certainement dissymétriques les rapports qui les unissaient (voir dans Assouline 1996, p. 397).
- Les liens d'amitié entre Hergé et Edgar P. Jacobs sont tels que les observateurs les comparent volontiers à ceux qui unissaient Hergé à Tchang, comme l'indique Benoît Peeters : « Hergé ne tarde pas à se rendre compte que Jacobs est davantage qu'un collaborateur technique. C'est la première fois depuis Tchang qu'il trouve un complice à part entière, avec lequel il peut discuter de tout. » (Peeters 2006, p. 280).
- Des références théologiques apparaissent également dans Le Secret de La Licorne, un album pour lequel l'apport de Van Melkebeke est fondamental, au point que Benoît Peeters le considère comme le véritable coscénariste de l'aventure. Ces références sont absentes des premières aventures de la série. Voir Peeters 2006, p. 210-212.
- Se reporter au chapitre « Sur les traces des Incas », in Le Mystère des boules de cristal, p. 5-8.
- Ces recherches font l'objet d'un documentaire, Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac, écrit par Philippe Molins et Frédéric Cordier, réalisé par F. Cordier, produit par Un Film à la Patte, Panoramique Terre, Moulinsart, Arte GEIE et la RTBF en 2019.
- Voir la liste des rois incas établie par Hergé et l'explication qu'en fait Philippe Goddin dans Le Mystère des boules de cristal, p. 12.
- Une observation des sources primaires suivantes permet également d'arriver à une telle conclusion : Les Sept Boules de cristal 1975 (planche 62), Le Temple du Soleil 1977 (planche 1) et Les secrets du temple du soleil, p. 39.
- Tzvetan Todorov distingue le fantastique du merveilleux par l'hésitation qu'il produit entre le surnaturel et le naturel, le possible ou l'impossible et parfois entre le logique et l'illogique.
- C'est la seconde aventure de Tintin où apparaît le professeur Tournesol après Le Trésor de Rackham le Rouge. Ce rôle de catalyseur culminera par la suite dans l'album L'Affaire Tournesol.
- Chaîne de radio dont la fusion avec France I entre octobre et décembre 1963 aboutit à la création de la station France Inter.
Références
modifier- Vanessa Labelle, La représentation du paranormal dans les Aventures de Tintin, 2014 :
- Labelle 2014, p. 33.
- Labelle 2014, p. 42-51.
- Labelle 2014, p. 20.
- Labelle 2014, p. 26.
- Labelle 2014, p. 17.
- Labelle 2014, p. 52-53.
- Labelle 2014, p. 54-56.
- Labelle 2014, p. 57, 62.
- Jean-Marie Apostolidès, Les métamorphoses de Tintin, 2006 :
- Apostolidès 2006, p. 247.
- Apostolidès 2006, p. 61.
- Apostolidès 2006, p. 253-254.
- Apostolidès 2006, p. 247-248.
- Apostolidès 2006, p. 240-242.
- Apostolidès 2006, p. 261.
- Apostolidès 2006, p. 242-243.
- Apostolidès 2006, p. 265-266.
- Apostolidès 2006, p. 248-254.
- Apostolidès 2006, p. 254-255.
- Apostolidès 2006, p. 260.
- Apostolidès 2006, p. 259.
- Apostolidès 2006, p. 257.
- Pierre Assouline, Hergé, 1996 :
- « En faisant revenir des personnages secondaires de ses précédents albums, Hergé a emprunté à la tradition littéraire du XIXe et du début du XXe […]. Rien de tel pour que des livres fassent bloc, et que le bloc ait l'apparence massive, compacte et cohérente d'une œuvre. » (Assouline 1996, p. 326).
- Assouline 1996, p. 328.
- Assouline 1996, p. 233.
- Assouline 1996, p. 242.
- Assouline 1996, p. 241.
- « Deux jours plus tard, il est fier de pouvoir annoncer à un ami que Le Soir vient de doubler le cap des 300 000 exemplaires. Une prouesse à laquelle il n'est pas étranger. Cela seul compte à ses yeux. » (Assouline 1996, p. 246).
- « L'heure est aux grands projets. Le dessinateur n'en manque pas, tant il est obsédé par l'urgence d'occuper le terrain, dans les librairies comme dans les kiosques. » (Assouline 1996, p. 242).
- Assouline 1996, p. 266.
- Assouline 1996, p. 239.
- « Hergé, pas plus qu'aucun de ses pairs, ne pourrait illustrer un texte avec lequel il serait en désaccord, ne fût-ce que sur un plan éthique. » (Assouline 1996, p. 268).
- Assouline 1996, p. 279.
- Assouline 1996, p. 330.
- Assouline 1996, p. 327.
- Assouline 1996, p. 356.
- Assouline 1996, p. 373.
- Assouline 1996, p. 372.
- Assouline 1996, p. 320.
- Assouline 1996, p. 306.
- Assouline 1996, p. 383-384.
- Assouline 1996, p. 325.
- Assouline 1996, p. 325-326.
- Assouline 1996, p. 322.
- Assouline 1996, p. 323.
- Benoît Peeters, Hergé, fils de Tintin, 2006 :
- Peeters 2006, p. 210.
- Peeters 2006, p. 238.
- Peeters 2006, p. 144.
- Peeters 2006, p. 282.
- « Bientôt, [Hergé] parle sans ambages de « dépression ». […] Du 6 mai au 6 juillet 1944, la publication des Sept Boules de cristal s'interrompt dans Le Soir. » (Peeters 2006, p. 283).
- Peeters 2006, p. 280.
- « J'ai apporté de nombreux éléments à cette histoire, en particulier l'idée des boules de cristal et le titre du premier album. » (Peeters 2006, p. 280).
- Peeters 2006, p. 264.
- Peeters 2006, p. 293.
- Peeters 2006, p. 281-282.
- Peeters 2006, p. 232.
- Tintin et les forces obscures, 2013 :
- Frédéric Soumois, « Incroyable mais vrai ? », dans Tintin et les forces obscures, p. 51-53.
- Jean-Marie Embs, « Les clés du songe », dans Tintin et les forces obscures, p. 11-13.
- Philippe Goddin, « Hergé ou la vie en clair-obscur », dans Tintin et les forces obscures, p. 122.
- Jean-Marie Embs, « Visions hallucinées », dans Tintin et les forces obscures, p. 21-23.
- Jacques Langlois, « Marchands de sommeil », dans Tintin et les forces obscures, p. 31-33.
- Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le secret de l'image, 1999 :
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 62-63.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 27-28.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 106-107.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 58.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 46-47.
- Fresnault-Deruelle 1999, p. 114-115.
- Le rire de Tintin, les secrets du génie comique d'Hergé, 2014 :
- François Rivière, « Milou », dans Le rire de Tintin, p. 25.
- Jérôme Dupuis, « Les cases onomatopées », dans Le rire de Tintin, p. 90.
- Tristan Savin, « Le comique visuel, une suite de procédés bien rodés », dans Le rire de Tintin, p. 68.
- Tristan Savin, « Des gags, des quiproquos et du rire tambour battant », dans Le rire de Tintin, p. 76-77.
- « Le génie du burlesque », dans Le rire de Tintin, p. 66-95.
- Daniel Couvreur, « Traits d'humour gommés et gags perdus », dans Le rire de Tintin, p. 130-133.
- Philippe Goddin, Le Mystère des boules de cristal, 2014 :
- « Hergé, en tout cas, n'impose aucune restriction à ses personnages : il éclaire voitures et vitrines comme si de rien n'était. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 46).
- Le Mystère des boules de cristal, p. 38.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 52.
- Ce fait est présenté à la page 116 du Mystère des boules de cristal : « La Belgique y est reconnaissable à son ciel chargé. Le pays flamand y est évoqué grâce à ses fermes et à ses clochers, ainsi qu'aux arbres qui, à proximité du littoral, poussent penchés vers l’intérieur du pays. » Le récit est complété de photos anciennes montrant des paysages de polders, asséchés par un moulin à vent, comme celui visible dans le décor de la version initiale.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 36.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 112.
- « C'est [Edgar P. Jacobs] qui lui aurait suggéré d'intituler l'épisode Les Sept Boules de cristal, un titre mystérieux comme le créateur de Tintin les aime, et qui aurait été aussitôt adopté. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 84).
- « Déjà évoquée par Hergé dans Les Cigares du Pharaon, la soi-disant « malédiction » [de Tout-Ankh-Amon] […] avait effectivement défrayé la chronique durant la seconde moitié des années vingt. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 46).
- « Le compagnon de voyage de Tintin lorsqu'il se rendait à Moulinsart en train, au début de cet épisode-ci [fait état de la soi-disant « malédiction » de Tout-Ankh-Amon]. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 46).
- « Ces momies […] avaient été exhumées vers 1840 dans le Cerro de Pasco [département péruvien de Pasco] par le baron Jean-Baptiste Popelaire de Terloo, qui s'en était porté acquéreur et les avait ramenées dans son pays. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 72).
- « Il est cependant plausible que [Hergé] ait eu ladite momie sous les yeux, au moins une fois. En effet, en novembre 1926, […] la presse belge fit grand cas d'une exposition précolombienne […] à laquelle il est possible que le jeune dessinateur se soit rendu. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 72).
- « Il puise l'essentiel de sa documentation dans un ouvrage à bien des égards dépassé - Pérou et Bolivie, édité en 1880. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 12).
- « Suivant en cela l'interprétation fantaisiste qu'avait faite du même document son ami Jacobs dans Le Rayon U, il représente la momie dénudée, ignorant que les liens [sont là] pour maintenir un vêtement. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 68).
- « Hergé avait donc envoyé Edgard explorer la bibliothèque de l'institution […] avec pour mission […] d'y décalquer toute illustration qui pourrait lui être utile. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 80).
- « Si le créateur de Tintin a pu, dès 1945, remanier en connaissance de cause le contenu des strips du Soir, en vue de composer l'album Les Sept Boules de cristal, c'est en bonne partie grâce à la moisson de dessins rapportés […] par Jacobs. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 80).
- Le Mystère des boules de cristal, p. 80.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 90.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 86.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 14.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 56.
- « Le responsable de ce rapprochement hasardeux est connu : il n'est autre qu'Edgar P. Jacobs, qui s'occupe notamment des décors du récit en cours. Abonné, comme Hergé, au National Geographic Magazine, il y a trouvé les photos de qualité qui lui avaient permis récemment d'établir dan son propre récit, Le Rayon U, un rapprochement encore plus flagrant de ces deux pièces sculptées. », in Le Mystère des boules de cristal, p. 66.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 74.
- « […] à plusieurs reprises sa route a pu l'amener à poser le regard sur des objets appartenant à cette culture, et même à approcher physiquement l'ancien Empire inca. C'est dès 1935, dans L'Oreille cassée, que le monde inca apparaît : […] un masque en bois […] dont le regard resurgira dans [Le Temple du Soleil, et] un fétiche péruvien bien plus marquant sur lequel Tintin va longuement s'interroger. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 5).
- « Le professeur Bergamotte peut surtout s'enorgueillir d'avoir eu pour modèle le professeur Jean Capart. » (Le Mystère des boules de cristal, p. 70).
- Le Mystère des boules de cristal, p. 114.
- « Tintin persuade le général d'aller raconter tout cela à la police, mais les lecteurs du Soir ne connaîtront pas la suite […] » (Le Mystère des boules de cristal, p. 112).
- Le Mystère des boules de cristal, p. 24.
- « Bien qu'une partie de la haute Amazonie s'étende sur l'actuel Pérou, il n'y a jamais eu d'Incas en Amazonie(Le Mystère des boules de cristal, p. 12). ».
- « […] Leroux avait publié ce roman en 1913, dans la foulée de la découverte des ruines de Machu Picchu par Hiram Bingham, deux ans auparavant. Au cours de son adolescence, le futur Hergé l'avait lu, et avait été séduit, dira-t-il plus tard, par la dynamique de ce récit d'enlèvement, de course-poursuite et de sacrifice, ainsi que par l'ambiance particulière qui s'en dégageait. », in Le Mystère des boules de cristal, p. 30.
- « On n'a jamais découvert le moindre système d'écriture chez les Incas(Le Mystère des boules de cristal, p. 12). ».
- « Le créateur de Tintin tentera de rétablir une certaine vraisemblance scientifique au moment de la confection de l'album, en 1945, notamment en prêtant à la momie une sorte de tiare en forme d'oiseau… aux ailes refermées(Le Mystère des boules de cristal, p. 78). ».
- Le Mystère des boules de cristal, p. 48.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 12.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 96.
- « Lorsque […] Hergé et son ami Jacobs remanieront l'épisode, […] certains passages feront naturellement l'objet d'ajustements ou de modifications(Le Mystère des boules de cristal, p. 44). ».
- « L'album des Sept Boules de cristal sera encore plus explicite que les strips du Soir, car en élargissant l'image où l'on découvre l'homme dans son living-room… » (Le Mystère des boules de cristal, p. 44).
- « Lors de la confection de l'album Les Sept Boules de cristal, Hergé renforcera […] le contrôle policier(Le Mystère des boules de cristal, p. 66). ».
- « Parmi les plus visibles, il y aura ces grandes cases, occupant jusqu'à une demi-page, et destinées à rendre les choses plus claires ou à varier le rythme de la narration(Le Mystère des boules de cristal, p. 44). ».
- Le Mystère des boules de cristal, p. 44.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 20.
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- « Et c'est ainsi que, les années passant, son intérêt pour l'au-delà et ses mystères s'est accru singulièrement. » (François Rivière 1983).
- « Et Tournesol, pratiquant la radiesthésie pour la galerie, permet à Hergé de nous plonger sans retenue au cœur même de son obsession. » (François Rivière 1983).
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- « Il est sûr d'avoir vu une tête de mort. Alors on ne peut pas s'empêcher […] de croire qu'il s'agit d'un des éléments fondateurs. » (Entretien avec Philippe Goddin) (29 min 15 s).
- « Dans les premières planches de l'album […], Tintin est littéralement happé par les décors en trompe-l'œil du réel pourtant débonnaire : à Moulinsart, un capitaine Haddock, légèrement ridicule sous ses atours de châtelain, tente d'initier le jeune reporter à la magie, alors même que celle-ci se situe beaucoup plus près d'eux, au sein même de l'aventure qui se prépare en coulisse (François Rivière 1983) ».
- « Hergé, dès ce moment [de la séquence avec Madame Yamilah], va laisser la fantaisie coutumière de son propos dériver […] vers les zones de la paranormalité. » (François Rivière 1983).
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Renvois aux albums d'Hergé
modifier- Version de prépublication des Sept Boules de cristal, citée dans Le Mystère des boules de cristal 2014 :
- strip H52 dans Le Mystère des boules de cristal, p. 47.
- « […] Leroux avait publié ce roman en 1913, dans la foulée de la découverte des ruines de Machu Picchu par Hiram Bingham, deux ans auparavant. Au cours de son adolescence, le futur Hergé l'avait lu, et avait été séduit, dira-t-il plus tard, par la dynamique de ce récit d'enlèvement, de course-poursuite et de sacrifice, ainsi que par l'ambiance particulière qui s'en dégageait. », in Le Mystère des boules de cristal, p. 30.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 13.
- « L'expédition Sanders-Hardmuth vient de rentrer en Europe après un voyage d'exploration dans les régions de l'Amazone […] où ils ont découvert plusieurs tombeaux incas. », strip H1 in Le Mystère des boules de cristal, p. 13.
- strip H83 in Le Mystère des boules de cristal, p. 67.
- Le Mystère des boules de cristal, p. 45.
- strip H28 in Le Mystère des boules de cristal, p. 31.
- strip H76 in Le Mystère des boules de cristal, p. 63.
- Version en album des Sept Boules de cristal :
- Les Sept Boules de cristal 1975, planches 9, 17, 18, 20, 21, 23 et 36.
- « D'après un premier examen, il semble que les explorateurs soient plongés dans une sorte de sommeil léthargique ou hypnotique. » in Les Sept Boules de cristal 1975, planche 18, ligne 1, case 1.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 9, ligne 2, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 17, ligne 2, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 18, ligne 3, case 4.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 20, ligne 4, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 21, ligne 3, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 23, ligne 4, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 26, ligne 2, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 26.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 26, ligne 4.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 28, ligne 1, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 29, ligne 3, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 31, ligne 4, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 30, ligne 2, case 2 puis planche 30, ligne 1, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 32, lignes 3 et 4.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 36, ligne 1, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 40, ligne 1, case 3 et planche 44, ligne 3, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 49, ligne 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 62, ligne 2, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 60.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 1.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 1, ligne 1, case 3.
- D'après le témoignage de Tintin qui explique au capitaine Haddock : « Alcazar... Je l'ai connu en Amérique du Sud... » in Les Sept Boules de cristal 1975, planche 10, ligne 1, case 2.
- D'après le témoignage de Tintin qui explique au capitaine Haddock : « J'ai rencontré [Bianca Castafiore] en Syldavie, lors de l'affaire du sceptre d'Ottokar... » in Les Sept Boules de cristal 1975, planche 11, ligne 2, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 57, ligne 1, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 31, ligne 4, case 1.
- Voir le rendu final, in Les Sept Boules de cristal 1975, planche 10, ligne 1, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 53, ligne 1, case 5.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 53, ligne 1, cases 1 et 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 53, ligne 3, case 1.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 2, ligne 2, cases 1 à 3.
- planche 1, ligne 1, case 3, Les Sept Boules de cristal 1975.
- Comparer Le Mystère des boules de cristal, p. 19 et Les Sept Boules de cristal 1975, p. 51.
- Comparer les strips H3 et H4 de Le Mystère des boules de cristal, p. 15 et Les Sept Boules de cristal 1975, p. 2.
- planche 26, ligne 4 in Les Sept Boules de cristal 1975.
- Les Sept Boules de cristal 1975, p. 16.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 7, ligne 2, case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 19, ligne 4, case 1.
- Gag présent des cases 1 à 3 de la planche 2, ligne 3 in Les Sept Boules de cristal 1975.
- planche 4 in Les Sept Boules de cristal 1975, p. 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 51 ligne 4 case 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 53.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 55 ligne 2 cases 2 et 3.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 52.
- planche 1, ligne 2, case 3 (Les Sept Boules de cristal 1975).
- Les Sept Boules de cristal 1975, planches 8 et 9.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 28, ligne 1, case 1.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 32, ligne 1, case 2.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 32.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 32, cases 9 à 12.
- Les Sept Boules de cristal 1975, planche 43.
Annexes
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Bibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Albums d'Hergé et ouvrages consacrés aux Sept Boules de cristal
modifier- Hergé, Les Sept Boules de cristal, Tournai, Casterman, , 62 p. (ISBN 2-203-00112-7, présentation en ligne).
- Hergé, Le Temple du Soleil, Tournai, Casterman, , 62 p. (ISBN 978-2-203-00113-8, présentation en ligne).
- Philippe Goddin et Hergé, La Malédiction de Rascar Capac : Le Mystère des boules de cristal, t. 1, Bruxelles, Casterman, coll. « éditions Moulinsart », , 136 p. (ISBN 978-2-203-08777-4).
- Philippe Goddin et Hergé, La Malédiction de Rascar Capac : Les Secrets du Temple du soleil, t. 2, Bruxelles, Casterman, coll. « éditions Moulinsart », , 176 p. (ISBN 978-2-203-08843-6).
- Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé ou le retour de l'Indien : Une relecture des 7 Boules de cristal, Paris/14-Condé-en-Normandie, Sépia, coll. « 1000 Sabords », , 128 p. (ISBN 979-1033401803, lire en ligne).
Ouvrages sur l'œuvre d'Hergé
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- Collectif (trad. de l'italien), Tintin à la découverte des grandes civilisations, Paris, Le Figaro, Beaux Arts Magazine, , 128 p. (ISBN 978-2-8105-0029-1).
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- Pierre Fresnault-Deruelle, Hergé, ou le secret de l'image : Essai sur l'univers graphique de Tintin, Bruxelles, éditions Moulinsart, , 142 p. (ISBN 978-2-930284-18-7, OCLC 42821166).
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Ouvrages sur Hergé
modifier- Jean-Marie Apostolidès, Hergé, Paris, Flammarion, coll. « Champs », , 435 p. (ISBN 978-2-08-120048-7).
- Pierre Assouline, Hergé, Paris, Gallimard, coll. « Folio », , 820 p. (ISBN 978-2-07-040235-9).
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Autres supports de documentation
modifier- Frédéric Cordier, « Tintin et le mystère de la momie Rascar Capac », sur Arte boutique, (consulté le ).
- Philippe Goddin, interview par Philippe Garbit, Nuit spéciale Tintin 1/2 - Entretien avec Philippe Goddin, La Nuit rêvée de…, France Culture, (consulté le ).
Liens externes
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- Site officiel
- Ressource relative à la musique :