M1 Garand
Le M1 Garand est le premier fusil semi-automatique réglementaire de l'US Army. Il remplaça le Springfield M1903 à verrou mais n'est pas le premier fusil semi-automatique utilisé dans une armée contrairement à ce que l'on croit souvent, puisqu'il s'agit du fusil Mondragón mis en service en 1908 dans l'armée mexicaine. Le M1 Garand fut aussi l'arme destinée aux fantassins de l'US Army la plus produite durant la Seconde Guerre mondiale, réputée pour sa précision fort acceptable pour une arme de production de masse à bas coût, la vélocité de sa munition bien supérieure à celle de la carabine US M1, ainsi que son système de rechargement semi-automatique.
M1 Garand | |
![]() Un M1 Garand | |
Présentation | |
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Pays | ![]() |
Type | Semi-automatique |
Munitions | 30-06 (7.62 x 63 mm) |
Fabricant | Springfield et Winchester sont les principaux fabricants |
Période d'utilisation | Breveté en 1934, mais la production commence en 1936 |
Poids et dimensions | |
Masse (non chargé) | 4,7 kg |
Masse (chargé) | 4,9 kg |
Longueur(s) | 1 092 mm |
Longueur du canon | 610 mm |
Caractéristiques techniques | |
Mode d'action | Emprunt de gaz et culasse rotative |
Portée | 1 600 m |
Portée pratique | 400 m |
Cadence de tir | 30 coups/min |
Vitesse initiale | 853 m/s |
Capacité | 8 cartouches |
Variantes | M1C et M1D |
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Développement
modifierContexte
modifierL’armée américaine se montre intéressée par le concept de fusil semi-automatique dès le début du XXe siècle. Des armes de ce type existent déjà à l’époque, l’armée mexicaine utilisant par exemple le Mondragón M1908, un fusil semi-automatique à rechargement par emprunt de gaz conçu par SIG[1]. Les Américains testent en 1911 le Bang M1911, un fusil de conception danoise, mais l’arme se révèle de conception trop fragile pour supporter la puissance de la cartouche .30-06 Springfield. Les expérimentations réalisées sur le fusil de dotation d’alors, le Springfield M1903, ne donnent de leur côté naissance qu’à une variante permettant de tirer en semi-automatique, mais uniquement des cartouches de pistolet[2]. Des essais sans suites sont également mené sur le Rychiger, un dérivé du fusil Schmidt-Rubin Modèle 1889 suisse[3].
Une longue sélection
modifierEn , John Garand, un ingénieur remarqué par l’Ordnance Committee pour la conception d’une mitrailleuse pendant la Première Guerre mondiale, est envoyé à la Springfield Armory pour mettre au point un fusil semi-automatique. Les spécifications sont établies en et des essais ont lieu en avec plusieurs armes : un dérivé du Bang danois, le Berthier français, le Thompson Autorifle, et une proposition de Garand fonctionnant grâce au recul de l’amorce : lors du tir celle-ci fait pression sur un taquet qui à son tour pousse un vérin faisant reculer la culasse. À l’issue des essais, il est décidé de poursuivre les recherches[3].
Dans les années suivantes, John Garand réalise plusieurs versions intermédiaires, comme le M1921 et le M1922. Une évaluation de ce dernier et du Thompson Autorifle a lieu en 1925, mais ne donne toujours pas de résultats concluants[4]. Les recommandations du test donnent naissance à une nouvelle version, le M1924, dont la hausse, la crosse et le canon sont modifiés. Les nouveaux essais réalisés en font pencher la balance en faveur du Garand, l’arme de Thompson ayant l’inconvénient majeur de nécessiter la lubrification constante des cartouches pour éviter de s’enrayer[5].
Dans l’intervalle émerge un nouveau concurrent, le Pederson Rifle, qui utilise une cartouche spécifique, la .276 Pederson, et se recharge avec une lame-chargeur[4]. Ce calibre montrant des propriétés intéressantes, il est décidé de refaire un concours pour un fusil semi-automatique, mais chambré cette fois en .276[6]. Deux modèles se distinguent parmi la dizaine de proposition : le T1 Pederson et le T3 Garand, avec avantage pour ce dernier en raison de sa conception plus simple, de son poids plus faible et de sa compatibilité avec une plus grande diversité de cartouches[7]. Des problèmes restant à corriger sur le Garand, une nouvelle version produite sous la désignation T3E2 est une nouvelle fois testé au printemps 1931 face au Pederson, au M1903 et au BAR. Ces essais concluent à la supériorité du Garand sur ses concurrents[8]. Le , le comité chargé des essais recommande d’adopter le calibre .276 pour le nouveau fusil semi-automatique et de commander cent vingt-cinq exemplaires du Garand T3E2 à distribuer aux troupes pour des tests de terrain[9].
Intervention de MacArthur
modifierLa décision du comité déplaît toutefois à Douglas MacArthur, chef d’état-major de l’armée. Il refuse d’approuver l’utilisation de la cartouche de .276 en invoquant le désordre que créerait dans la logistique un changement de la principale cartouche utilisée au sein des forces armées[9]. Le travail reprend alors sur le Garand T1, chambré en 0.30, afin d’y incorporer les améliorations faites sur le T3. Le fusil résultant est testé en à Aberdeen avec de bons résultats. Springfield Armory est alors chargé de produire quatre-vingts exemplaires, ce qui prend deux ans du fait de la nécessité de créer d’abord les machines nécessaires. Dans l’intervalle, le Garand reçoit sa désignation officielle, « US Semiautomatic Rifle, Caliber .30, M1 »[10].
Les tests de terrain débutent en , cinquante exemplaires étant remis à l’infanterie et vingt-cinq à la cavalerie[10]. Il s’achèvent en avec l’approbation des deux branches pour remplacer le Springfield par le Garand. Celui-ci est par conséquent adopté le , le 29e régiment d’infanterie, qui est chargé de l’instruction à Fort Benning, devant être le premier équipé[11].
Problèmes initiaux
modifierAfin de faciliter la production, Springfield Armory introduit un certain nombre de changement dans la conception d’origine, qui créent pour la plupart des problèmes de fonctionnement. Ainsi, la suppression des rampes de guidage du magasin amène l’arme à s’enrayer lorsque la septième cartouche est à droite et une modification du système de chargement l’éjection du chargeur avant qu’il ne soit vide. le retour à la conception originale règle la majorité de ces problèmes[12]. Une évolution importante est toutefois introduite avec la modification du système de récupération des gaz[13].
Par ailleurs, le M1 est la cible d’articles de presse critiquant sa conception. Ceux-ci le comparent souvent au M1941 Johson, qu’ils considèrent meilleur, bien que des essais réalisés en 1938 et en 1939 aient montré que les deux armes étaient équivalentes[14]. Afin de faire taire les critiques, le ministère de la guerre organise le une démonstration comparative à laquelle sont invités des officiers, des élus et des journalistes. L’essai confirme que les deux armes se valent et qu’il n’y a donc pas lieu de revenir sur l’adoption du Garand[15]. Des essais réalisés en par l’United States Marine Corps concluent en outre qu’il s’agit du meilleur fusil semi-automatique disponible, ce qui contribue également à réduire les critiques. Les Marines n’adoptent toutefois pas le M1, qui résiste moins bien que le M1903 aux mauvaises conditions rencontrées dans les opérations amphibies[16].
Production
modifierLa préproduction sur une série de quatre-vingt exemplaires débute en et se termine en , cette longue durée s’expliquant par la nécessité de concevoir les machines au préalable[17]. Lorsque le Garand est enfin adopté au début de l’année 1936, sa production de masse est ralentie du fait que l’outil de production, mis en place pendant la Première Guerre mondiale, est vieillissant et que de nombreux ouvriers qualifiés sont en train de partir à la retraite. La production ne débute ainsi qu’en , au rythme de dix unités par jour. elle n’est encore que de vingt par jour en , avant que les événements européens n’incitent à redoubler d’effort, la faisant passer à quatre-vingts en puis atteindre deux cent en [11]. Cette montée en charge s’accompagne entre 1936 et 1939 de la modernisation de l’usine[18].
Afin d’accroître la production, la Winchester Repeating Arms Company reçoit une commande pour soixante-cinq mille exemplaires et commence la production en . Au , un peu plus de cent mille exemplaires ont été produits, assez loin de la cible de production fixée à cette date à cent cinquante-six mille[14].
Des améliorations sont introduites au fur et à mesure à partir de 1940 sur la chaîne de production afin d’améliorer le rendement. Certaines pièces, comme le pontet, ne sont ainsi plus réalisées par forgeage mais par matriçage. Le brochage remplace également le fraisage dès que possible, ce qui permet par exemple de produire presque huit fois plus de carcasses dans le même temps. De même, le polissage manuel des pièces cède la place à la tribofinition. La Springfield Armoury restructure en outre son département ingénierie afin de pouvoir corriger au plus vite tout problème qui serait remonté[16].
Caractéristiques
modifierDisposition générale
modifierCe fusil fut créé en 1936 par un ingénieur de l'usine Springfield nommé John C. Garand, un Canadien français. Il pèse environ 4,9 kilogrammes (masse chargé) et se recharge par un clip de 8 cartouches de calibre .30-06 (7,62 × 63 mm puis disponible en 7,62 × 51 mm). Il offre une bonne précision jusqu'à 100 m, qui décline fortement à partir de 300 m[19], en même temps qu'une cadence de tir respectable, par comparaison avec le modèle allemand, alors très répandu (le Mauser Karabiner 98k à répétition manuelle).
Mécanisme
modifierLe système de rechargement du M1 est basé sur le principe de l’emprunt de gaz. À l’origine, le principe utilisé est celui du piégeage des gaz (gas trap) : celui-ci récupère les gaz de combustion en sortie de bouche et les utilise pour pousser un piston actionnant le système de rechargement. Néanmoins ce système pose plusieurs problèmes, notamment de fiabilité. Il est par conséquent remplacé par un système, dit Spline Type, récupérant les gaz directement dans le canon par l’intermédiaire d’un évent usiné dans la partie inférieure du canon, dans le creux d’une rainure[13]. Ce système implique toutefois un canon plus long et par conséquent un poids plus important. Presque tous les M1 produits avec le système d’origine ont été mis à niveau par la suite avec le nouveau système, de sorte qu’il n’en subsiste qu’une vingtaine d’exemplaires connus[20].
Variantes réglementaires américaines
modifierLe Garand est décliné en 3 versions pour armer les GI : sa version de base le M1 (décrite plus haut) et deux modèles pour tireur d'élite, le M1C (M1E7) et le M1D (M1E8).
La plupart des autres variantes (exceptées celles pour tireur d'élite) n'ont jamais été utilisées dans le service. Les versions M1C et M1D n'ont pas été produites dans de grandes quantités. Elles diffèrent du M1 du fantassin par la présence d'un appuie-joue et d'une lunette de visée (modèle M84). Un cache-flamme (modèle T-37) y est adaptable. Le M1C fut adopté en en remplacement du M1903A4.
Désignation de l'U.S. Army | Désignation de l'U.S. Navy | Description |
---|---|---|
M1E1 | N/A | Variante du M1 Garand : angle de came modifiée en « Operating Rod » |
M1E2 | N/A | Variante du M1 Garand : lunette prismatique et monture |
M1E3 | N/A | Variante du M1 Garand : roulement ajouté à la came du verrou (adapté plus tard pour l'utilisation avec le M14) |
M1E4 | N/A | Variante du M1 Garand : système de coupure de gaz et système d'expansion avec piston intégré à l'« Operating Rod » |
M1E5 | N/A | Variante du M1 Garand : canon de 18 pouces de long et crosse pliable |
M1E6 | N/A | Variante du M1 Garand : variante fusil de précision |
M1E7/M1C | N/A | Variante du M1E6 Garand ; variante fusil de précision avec une lunette M81 (bien que les lunettes M82 et M84 peuvent être utilisées) sur une monture « Griffin and Howe » |
M1E8/M1D | N/A | Variante du M1E7 Garand : variante fusil de précision avec une lunette M82 (bien que les lunettes M82 et M84 peuvent être utilisées) sur une monture « Springfield Armory » |
M1E9 | N/A | Variante du M1 Garand : similaire au M1E4, avec un piston séparé de l'« Operation Rod » |
M1E10 | N/A | Variante du M1 Garand : variante avec le système à emprunt de gaz « Ljungman » |
M1E11 | N/A | Variante du M1 Garand : système à emprunt de gaz de type « Tappet » |
M1E12 | N/A | Variante du M1 Garand : système à emprunt de gaz de type « Impengement » |
M1E13 | N/A | Variante du M1 Garand : système de coupure de gaz « White » et système d'expansion |
M1E14 | Mk 2 Mod 0 | Variante du M1 Garand : rechambré en .30 T65/7.62 × 51 mm OTAN avec « press-in chamber insert » |
T20 | N/A | Variante du M1 Garand : système de tir sélectif par John Garand, possibilité d'utiliser des chargeurs du Browning BAR M1918 |
T20E1 | N/A | Variante du T20 : utilise son propre type de cartouches |
T20E2 | N/A | Variante du T20 ; les chargeurs du E2 fonctionnent dans les Browning BAR M1918, mais pas l'inverse |
T20E2HB | N/A | Variante du T20E2 : variante « HBAR » |
T22 | N/A | Variante du M1 Garand : système de tir sélectif par Remington, « magazine-fed » |
T22E1 | N/A | Variante du T22 : différences inconnues |
T22E2 | N/A | Variante du T22 : différences inconnues |
T22E3 | N/A | Variante du T22 : différences inconnues, mais utilise le système de contrôle de tir T27 |
T26 | N/A | Variante du M1 Garand : canon de 18 pouces de long et crosse standard |
T27 | N/A | Conversion vers le système de tir sélectif de Remington pour le M1 Garand : habilité de convertir le M1 Garand au mode de tir sélectif et configuration de contrôle de tir utilisé avec le T22E3 |
T35 | Mk 2 Mod 2 | Variante du M1 Garand : calibre .30 T65/7.62 × 51 mm NATO (OTAN) |
T36 | N/A | Variante du T20E2 : calibre pour le T20E2 : .30 T65/7.62 × 51 mm NATO (OTAN) utilisant le canon du T35 et le chargeur du T25 |
T37 | N/A | Variante du T36 : même chose que le T36, excepté qu'il comprenait un « gas port location » |
Pays utilisateurs (ou ayant été utilisateurs)
modifierDans le cadre d'alliances militaires créées pendant la guerre froide, le Garand M1-M1C-M1D a été fourni à de nombreux pays africains, asiatiques et ouest-européens.
- Membres de l'OEA
- Argentine - Bolivie - Brésil (IMBEL en transforma un certain nombre en 7,62 OTAN et les dota du chargeur du FN FAL) - Colombie - Cuba (remplacé après 1959 par des SKS et des AK-47) - Équateur - Guatemala - Haïti - Honduras - Nicaragua - Panama - Paraguay - Pérou - République dominicaine - Salvador - Uruguay.
- Membres de l'OTAN
- Allemagne de l'Ouest - Danemark - France (lors des conflits en Indochine et en Algérie et par les unités stationnées en Allemagne) - Grèce (encore utilisé par les evzones) - Italie - Pays-Bas - Turquie (1952).
- Membre de l'OTASE
- Australie - Royaume-Uni (usage restreint durant la Seconde Guerre mondiale).
- Dans le cadre du traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon
- Japon (JSDF, toujours utilisé lors des cérémonies).
Annexes
modifierBibliographie
modifier- (en) Leroy Thompson, The M1 Garand, vol. 16, Oxford, Osprey Publishing, coll. « Weapon », , 80 p. (ISBN 9781849086219).
Liens externes
modifier
- Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généraliste :
Notes et références
modifier- ↑ Thompson 2012, p. 7-8.
- ↑ Thompson 2012, p. 8.
- Thompson 2012, p. 10.
- Thompson 2012, p. 12.
- ↑ Thompson 2012, p. 14.
- ↑ Thompson 2012, p. 15.
- ↑ Thompson 2012, p. 17.
- ↑ Thompson 2012, p. 18.
- Thompson 2012, p. 20.
- Thompson 2012, p. 22.
- Thompson 2012, p. 23.
- ↑ Thompson 2012, p. 25.
- Thompson 2012, p. 25-26.
- Thompson 2012, p. 27.
- ↑ Thompson 2012, p. 28.
- Thompson 2012, p. 30.
- ↑ Thompson 2012, p. 22-23.
- ↑ Thompson 2012, p. 24.
- ↑ (en) « Operational Requirements for an Infantry Hand Weapon », Hitchman, Norman A.; Forbush, Scott E. ; Blakemore George J., Jr. Novembre 1960.
- ↑ Thompson 2012, p. 26.