Espèces D'espaces - Georges Perec
Espèces D'espaces - Georges Perec
Espèces D'espaces - Georges Perec
La petlte
planete no 28
.
porte depuis 1984 le no m de
17 beorges
\ 1982 UJPerec
)
orges I ere
I
galilee
LIVRARIA FRANCESA
Centro: Rua Bariio de
ltapetlnlnga N.o 2 7 5
Telefone : PBX 231-4555
Jardlns: Rua Professor
Atlllo Innocenti N.o 920
- Telefone : 8297956 -
SAO
PAULO
ESPECES D'ESPACES
\
GEORGESPER C
DEDALUS - Acervo - FFLCH-LE
843
Po486e
Especes d'espaces.
1\lllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
21300079411
ESPECES D'ESPACES
r
TOMB0.-:65175
llllllllmlllllllll~lllllllll
SBD-FFLCH-USP
.
GALILEE
ESPACE
ESPACE LIBRE
ESPACE CLOS
ESPACE FORCLOS
MANQUE D'ESPACE
ESPACE COMPTIO
ESPACE VERT
ESPACE VITAL
ESPACE CRITIQUE
POSITION DANS L'ESPACE
ESPACE DIOCOUVERT
DIOCOUVERTE DE L'ESPACE
ESPACE OBLIQUE
ESPACE VIERGE
ESPACE EUCLID IEN
ESPACE AlORIEN
ESPACE GRIS
ESPACE TORDU
ESPACE DU Rr=VE
BARRE D'ESPACE
PROMENADES DANS L'ESPACE
GIOOMIOTRIE DANS L'ESPACE
REGARD BALAYANT L'ESPACE
ESPACE TEMPS
ESPACE MESURIO
LA CONQUr:TE DE L'ESPACE
ESPACE MORT
ESPACE D'UN INSTANT
ESPACE CIOLESTE
ESPACE IMAGINAIRE
ESPACE NUISIBLE
ESPACE BLANC
ESPACE DU DEDANS
LE Pli:TON DE L'ESPACE
ESPACE BRISIO
ESPACE ORDONNIO
ESPACE VIOCU
ESPACE MOU
ESPACE DISPONIBLE
ESPACE PARCOURU
ESPACE PLAN
ESPACE TYPE
ESPACE ALENTOUR
TOUR DE L'ESPACE
AUX BOROS DE L'ESPACE
ESPACE D'UN MATIN
REGARD PERDU DANS L'ESPACE
LES GRANDS ESPACES
L'lOVOLUTION DES ESPACES
ESPACE SONORE
ESPACE LITTIORAIRE
L'ODYSSIOE DE L'ESPACE
avant-propos
13
ou,
SI L' ON PREFERE
ACTE UN
Une voix (off) : Au nord, rien. Au sud, rien. A !'est, rien.
A I'ouest, rien.
Au centre, rien.
Le rideau tombe. Fin de l'acte un.
ACTE DEUX
Une voix (off) : Au nord, rien. Au sud, rien. A !'est, rien.
A I'ouest, rien.
Au centre, une rente.
Le rideau tombe.
Fin de I' acte trois et dernier.
(Auteur inconnu. Appris vers
1947, rememore en 1973.)
15
la page
OU BIEN, ENCORE
1
J'ecris ...
]' ecris : j' ecris ...
J'ecris : j'ecris... ~
}'ecris que j'ecris.. .
etc.
]' ecris : je trace des mots sur une page.
Lettre a lettre, un texte se forme, s' affirme, s' <~ffermit, se
fixe, se fige :
une ligne assez srrictement h
0
z
0
a
Chanson enfantine des Deux-Sevres
(Paul Eluasd, Poesie involonraire
et poesie intentionnelle.)
16
1
e
se depose sur la
17
La page
h
a
e
n
b
a
Ia parcours.
Je suscite des blancs, des espaces (sauts dans le sens
discominuites, passages, transitions).
J'ea
dans
maq
18
Je vais
bas de page '
Je change de feui!Je_
19
La page
r ui!Je
Jc vectorise :
a droite
de gauche
d
e
h
a
u
b
a
]'Ccris
dans la
marge...
18
a la ligne.
Je renvoie
a une
Je vais
note en bas de page'
J e change de feuille.
19
4
II y a peu d' evenements qui ne laissent au moins une
trace ecrire. Presque tout, a un moment ou a un autre,
passe par une feuille de papier, une page de earner, un feuilJer d'agenda ou n'imporre que! autre support de forrune
(un ticket de metro, une marge de journal, un paquet de
cigarettes, Je dos d'une enveloppe, etc.) sur Jequel vient
s' inscrire, a une viresse variable et selon des techniques
differentes selon le lieu, l'heure ou l'humeur, l'un ou !'autre
des divers elements qui composent !'ordinaire de Ia vie :
cela va, en ce qui me concerne (mais sans doute suis-je un
exemple rrop bien choisi, puisque l'une de mes activites
principales est precisement d'ecrire), d'une adresse prise au
vol, d'un rendez-vous note a Ia hate, du Iibelle d'un cheque,
d'une enveloppe ou d'un paquet, a Ia redaction laborieuse
d'une lettre administrative, du remplissage fastidieux d'un
formulaire (declaration-d'impots, feuille-de-maladie, demande-de-prelevement-automatique-des-quittances-de-gaz-etd'electricite, bulletin-d'abonnement, contrat, bail, avenant,
recepisse, etc.) a Ia liste des emplertes a faire de route
urgence (cafe, sucre, sciure a chat, livre Baudrillard,
ampoule 75 watts, piles, Iinge, etc.), de Ia resolution parfois plutot coton des mots croises de Robert Scipion a Ia
copie d'un texte enfin mis au net, de notes prises a une
quelconque conference au gribouillage instantane d'un true
pouvant servir (un jeu de mots, un jet de mots, un jeu de
lettres, ou ce que !'on appelle communement une idee ),
d'un << travail litteraire (ecrire, oui, se mettre a sa table
et ecrire, se mettre devant sa machine a ecrire et ecrire,
ecrire pendant route une journee, ou pendant route une
nuit, esquisser un plan, merrre des grands I et des petits a,
faire des ebauches, merrre un mot a cote d'un autre, regarder
20
La page
5
L'espace commence ainsi, avec seulemenr des mots,
des signes traces sur Ia page blanche. Deer ire !' espace : le
nommer, [e tracer, comme ces faiseurs de porrulans qui
saruraienr Jes cores de noms de ports, de noms de caps, de
noms de criques, jusqu'a ce que Ia terre finisse par ne plus
etre separee de Ia mer que par un ruban continu de texre.
L' aleph, ce lieu borgesien oil Je monde enrier est simultanement visible, est-il autre chose qu'un alphabet ?
Espace invenraire, espace invente : !' espace commence
avec cerre carte modele qui, dans les anciennes editions du
Petit Larousse Illustre, representait, sur 60 em', quelque
chose comme 65 rermes geographiques, miraculeusement
rassembles, deliberement absrrairs : voici le desert, avec son
oasis, son oued er son chott, voici Ia source et le ruisseau
le torrent, Ia riviere, le canal le confluent le fleuve'
l'estuaire, !'embouchure er le delta, voici Ia m:r er ses Jles'
son archipel, ses ilors, ses recifs, ses ecueils, ses brisanrs, so~
21
II
La page
, olnn littoral, et voici le detroit, et l'isthme, et Ia peninsulc, ec l'anse et le goulet, et le golfe et Ia baie, et le cap et
Ia crique, et le bee, et le promontoire, et Ia presqu'lle, void
Ia laguoe ec Ia falaise, void les dunes, voici Ia plage, et les
ecangs, et les marais, voici le lac, et void les moncagnes, le
pic, le glacier, le volcan, le concrefort, le versant, le col,
le defile, voici Ia plaine, et le plateau, et le coteau, et Ia
co1line; voici Ia vi11e et sa rade, et son port, et son phare ...
22
le lit
Mroust
1
On utilise generalement Ia page dans le sens de sa
plus grande dimension. II en va de meme pour le lit. Le
lit (ou, si !'on prefere, le page) est un espace rectangulaire,
plus long que large, dans lequel, ou sur lequel, on se couche
communement dans le sens de Ia longueur. On ne rencontre
de lit c a l'italienne que dans les comes de fee (le petit
Poucet et ses freres, et les sept filles de !'Ogre, par exemple)
ou dans des conditions tout a fait inhabituelles et generalemenr graves (exode, suites d'un bombardement, etc.).
Meme quand on utilise le lit dans son sens le plus frequent,
c'est presque tau jours un signe de catastrophe que de devoir
y dormir a plusieurs : le lit est un instrument con,u pour
le repos nocturne d'une ou de deux personnes, mais pas
plus.
25
Le lit
I.e lie esc done l'espace individuel par excellence,
l'cspace elemencaire du corps (le lir-monade), celui que
m~me l'homme le plus crible de decces a le droit de conserver : les huissiers n'onc pas le pouvoir de saisir votre lie;
cela veuc dire aussi - ec on le verifie aisement dans !a
pratique - que nous n'avons qu'un lit, qui esc notre lie ;
quand il y a d'aucres lies dans Ia maison ou dans l'apparcemenc, on die que ce sonc des lies d'amis, ou des lies d'appoint.
On ne dorc bien, para1r-il, que dans son lie.
2
Lit= Ue
Michel leiris
C' esc couche a plat ventre sur mon lie que j'ai lu
Vingt ans apres, L'Ile mysterieuse ec Jerry dans l'Ile. I.e
lit devenaic cabane de crappeurs, ou canoe de sauvetage sur
!'Ocean en furie, ou baobab menace par I' incendie, renee
dressee dans le desert, anfracruosice propice a quelques centimetres de laquelle passaiem des ennemis bredouilles.
3
]' aime mon lie. Je I' ai de puis un petit peu plus de
deux ans. Auparavant, il apparrenaic a une de mes amies
qui, venant d'emmenager dans un apparrement rellement
minuscule que son lie, de dimensions pourcanc tour a fait
orchodoxes, entrait a peine dans Ia piece prevue pour le
recevoir, !'a echange concre celui que j'avais alors er qui
ecaic legerement plus etroir.
(J'ecrirai un jour - voir le chapirre suivanc- !'hismire, entre aucres, de mes !its.)
Le lie : lieu de Ia menace informulee, lieu des concraires, espace du corps solitaire encombre de ses harems ephemeres, espace forclos du desir, lieu improbable de l'enracinemenr, espace du n?ve et de Ia nostalgie cedipienne :
26
27
28
Le lit
4
Encore quelques banalites :
On passe plus du tiers de sa vie dans un lit.
la chambre
1
Fragments d'un travail en cours
Je garde une memoire exceprionnelle, je Ia crois meme
assez prodigieuse, de tollS les Eeux ou j'ai dormi, a !'exception de ceux de rna premiere enfance - jusque vers Ia fin
de Ia guerre - qui se confondent rous dans Ia grisaille
indifferenciee d'un dorroir de college. Pour les autres, il me
suffir simplemenr, lorsque je suis couche, de fermer les yeux
et de penser avec un minimum d'application a un lieu donne
pour que presque instanranement rous les details de Ia
chambre, J'emplacemenr des porres et des fenetres, Ia disposition des meubles, me reviennenr en memoire, pour que,
plus precisemenr encore, je ressenre Ia sensation presque
physique d'etre a nouveau couche dans cette chambre.
Ainsi:
31
32
La chambre
On se souvient sans doute que c'esc cet en!-la que, a Ia
suite des Accords de Geneve ec des negociacions avec Ia
Tunisie et le Maroc, Ia planece entiere, pour Ia premiere
fois depuis plusieurs decennies, conm1t Ia paix : cecce situa
cion ne se prolongea pas plus de quelques jours ec je ne
crois pas qu'elle se soit retrouvee depuis.
Les souvenirs s'accrochent a l'etroitesse de ce lie, a
!'etroicesse de cette chambre, a l'acrecc tenace de ce the crop
fort ec crop froid : cet ete-la, j'ai bu des pinks, rasades de
gin agrementees d'une goutte d'anguscura, j'ai flirce, plucoc
infructueusemenc, avec Ia fille d'un filateur recemment
rencre d'Alexandrie, j'ai decide de devenir ccrivain, je me
suis acharne a jouer, sur des harmoniums de campagne, le
seul air que j'aie jamais reussi a apprendre : les 54 pre
mieres notes - a Ia main droice, Ia gauche renon<;ant le
plus souvent a suivre - d'un prelude de Jean-Sebascien
Bach ...
L'espace ressuscite de Ia chambre suffic a ranimer, o
ramener, a raviver les souvenirs les plus fugaces, les .plus
anodins comme les plus essent1els. La seule cerucuge
coenesrhesique de mon corps dans le lie, Ia seule certitude
ropographique du lie dans Ia chambre, reactive rna memoire,
lui donne une acuice, une precision qu'elle n'a presque
jamais autrement. Comme un moe ramene d'un reve restitue,
a peine ecrit, tOUt un SOUVenir de ce reve, ici, Je seuJ fait de
savoir (sans presque meme avoir eu besoin de le chercher,
sirnplemenc en s'etant ecendu quelques instants ec en ayanc
ferme les yeux) que le mur etaic a rna droite, Ia porte a
cote de moi a gauche (en levant le bras, je pouvais tOucher
Ia poignee), Ia fenecre en face, fait surgir, inscantanement
ec pele-mele, un floc de details done Ia vivacice me laisse
pancois : cette jeune fille aux manieres de poupee, cer
Anglais immensemenc long qui avaic le nez legeremenc de
travers (je l'ai revu, a Londres, lorsque je suis aile y passer
33
34
La chambre
a coucher
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
a une sorte de
Mes chambres
Dortoirs et chambrees
Chambres amies
Chambres d'amis
Couchages de fortune (divan, moquette
conssins, tapis, chaise-longue, ere.)
Maisons de campagne
Villas de location
Chambres d'hotel
a) hotels miteux, garnis, meubles
b) palaces
Conditions inhabituelles : nuits en train, en
avion, en voiture ; nuits sur un bateau ; nuits de
garde ; nuirs au poste de police ; nuirs sous Ia
rente ; nuirs d'hopiral ; nuirs blanches, ere.
Dans un petit nombre de ces chambres, j'ai passe plusieurs mois, plusieurs annees ; dans Ia pluparr, je n'ai passe
que quelques jours ou quelques heures ; il est peur-etre
remeraire de rna part de prerendre que je saurai me souvenir
de chacune : que! erair le motif du papier peint de cette
chambre de !'Hotel du Lion d'Or, a Saint-Chely-d'Apcher
(Je nom - beaucoup plus SUrprenant quand iJ est enonce
que lorsqu'il est fcrit - de ce chef-lieu de canton de Ia
Lozere s'erait, pour des raisons que j'ignore, ancre dans rna
memoire depuis rna classe de troisieme er j'avais beaucoup
insisre pour que nous nous y arrerions) ? Mais c'esr evidemmenr des souvenirs tesurgis de ces chambres ephemeres que
j'attends les plus grandes revelations.
35
La chambre
~propices.
\....__../
Petit probleme
Lorsque, dans une chambre donnee, on change Ia
place du lit, peut-on dire que !'on change de chambre, ou
bien quoi?
(Cf. tope-analyse.)
3
Habiter une chambre, qu'est-ce que c'est? Habiter un
lieu, est-ce se J'approprier? Qu'est-ce que s'approprier un
lieu ? A partir de quand un lieu devient-il vraiment votre ?
Est-cc quand on a mis a tremper ses trois paires de chaussettes dans une bassine de matiere plastique rose ? Est-ce
quand on s'est fait rechauffer des spaghettis au-dessus d'un
camping-gaz ? Esr-ce quand on a utilise tous les cintres
depareillcs de l'armoire-penderie? Est-ce quand on a
pun~ au mur une vieille carte postale representant le
( Sengi de sairu~rsule de Carpaccio? Est-ce quand on y a
ouve l~ffres e l'atte~les exaltations de Ia passion, ou lestbrrr ents de I rage e dents ? Est-ce quand on
a rendu les fenerres ~de ,.-a" sa convenance, er pose les
papiers peints, et ~s parquets ?
4
Petite pensee placide n' 1
N 'imporre que! proprietaire de char vous dira avec
raison que les chars habitent les maisons beaucoup
36
1'appartement
1
Pendant deux ans, j'ai eu unc tres vieille voisine. Elle
habitair l'immeuble depuis soixante-dix ans, elle etait veuve
depuis soixante ans. Pendant les demieres annees de sa vie,
apres qu'elle se fut cassee le col du femur, elle n'est jamais
allee plus loin que sur le palier de son etage. La concierge,
ou un jeune gar~on de l'immcuble, lui faisair ses commissions. Plusieurs fois, elle m'a arrete dans l'escalier pour me
demander que! jour on erair. Un jour, je suis aile lui chercher une tranche de jambon. Elle m' a offerr une pomme et
m'a invite a emrer chez elle. Elle vivait au milieu de meubles sxrremement sombres qu'elle passaic son temps a
frotter.
2
II y a quelques annees, un de mes amis a forme le
projet de vivre un mois entier dans un aeroporr international, sans jama.is en sortir (sinon, rous les aeroports inter-
39
40
L'appartement
3
Une chambre, c'est une piece dans laquelle il y a
n lit; une salle a manger, c'esc une piece dans laquelle
il y a une table et des chaises, et souvent un buffet ;
un salon, c' est une piece dans laquelle il y a des faureuils
et un divan ; une cuisine, c' est une piece dans laquelle
il y a une cuisiniere er une arrivee d' eau ; une salle de
bains, c'est une piece dans laquelle il y a .une arrivee
d'eau au-dessus d'une baignoire; quand il y a seulement
une douche, on I' appelle salle d' eau ; quand il y a seulement un lavabo, on I' appelle cabinet de toilette ; une entree,
c'est une piece dent au mains une des partes conduit a
l'exterieur de l'appartement; accessoirement, on peut y
rrouver un portemanteau ; une chambre d' enfant, c' est
une piece dans laquelle on met un enfant ; un placard
a balais, c'esc une piece dans laquelle on met les balais
et l'aspiraceur ; une ~hambre de bonne, c'est une piece
que !'on loue a un etudiant.
De cette enumeration que !'on pourrait facilement
continuer, on peut tirer ces deux conclusions elementaires
que je propose a titre de definitions :
appartement est compose d'un nombre variable,
)1. Tout
mais fini, de pieces ;
[2. Chaque piece a une fonction
parricu~
41
L'appartement
08.30
08.45
09.30
10.30
07.15
07.30
07.45
08.00
08.15
La mere se lfve et va
preparer le petit dejeuner
dans Ia
L'enfant se !eve et va
dans Ia
Le pere se !eve et va
dans Ia
Le pere et !'enfant prennent
leur petit dejeuner dans Ia
L'enfant prend son manteau
dans I'
et s'en va a l'fcole
Le pere prend son manteau
dans I'
er s'en va au bureau
10.45
12.15
12.30
13.15
CUISINE
SALLE DE BAINS
13.30
SALLE DE BAINS
14.00
CUISINE
ENTR!iE
16.15
ENTR!iE
16.30
42
SALLE DE BAINS
PLACARD A BALAIS
CUISINE
ENTR:l\E
ENTRiiE
CUISINE
ENTR:l\E
SALLE A MANGER
ENTR:l\E
CUISINE
ENTR!iE
ENTR!iE
CUISINE
43
L'appartement
16.45
18.30
18.45
CHAMBRE D'ENFANT
CUISINE
bureau et remer
18.50
19.00
20.00
L'enfant va se coucher
dans sa
Le pere et Ia mere vont au
ils regardent la tClfvision,
ou bien ils ecoutent la
ENTIUE
SALLE DE BAINS
SALLE A MANGER
SALLE DE BAINS
CHAMBRE D'ENFANT
SALON
22.00
SALI.E DE BAINS
CHAMBRE
On remarquera, dans ce modele dont je tiens a souligner le caractere a la fois fieri et problematique rout
en restant persuade de sa justesse elementaire (personne
ne vit exactement comme ~. bien sur, mais c'est neanmoins comme ~a, et pas aurrement, que les architectes
et les urbanistes nous voient vivre ou veulent que nous
vivions), on remarquera, done, d'une part que le salon
et Ia chambre y ont a peine plus d'importance que le
placard a balais (dans le placard a balais,, on .mec....t'aspirateur ; dans Ia chambre, on met les cotp_s fourbuj : ~a
renvoie aux memes foncrions de recuperation et d'entre-
44
tien) et, d'autre part, que mon modele ne serait pratiquement pas modifie si au lieu d'avoir, comme ici, des
espaces separes par des cloisons delimirant une chambre,
un salon, une salle a manger, une cuisine, ere., on envtsageair, comme cela se fair beaucoup aujourd' hui~ un
espace prerendument unique et pseudo-modulable (vivou,
sejour, etc.) : on aurait alors, non pas une cUlstne, m~1s
un coin-cuisine, non pas une chambre, ma1s un comrepos, non pas une salle a manger, mais un coin-repas.
On peut imaginer sans peine un apparrement dont
Ia disposition reposerait, non plus sur des activites quoridiennes, mais sur des fonctions de relations : ce n'est
pas aurrement, d'ailleurs, que s'operair Ia repartition modele des pieces dices de reception dans les hotels particuliers du xvm' siecle ou dans les grands apparrements
bourgeois fin-de-siecle : suite de salons en enfilade, commande<! par un grand vestibule, er done Ia specification
s'appuie sur des variations minimes rournant routes aurour
de Ia notion de reception : grand salon, petit salon, bureau
de Monsieur, boudoir de Madame, fumoir, bibliorheque,
billard, etc.
II faut sans douce un petit peu plus d'imagination
pour se representee un apparrement dont Ia partition serait
fondee sur des fonctions sensorielles : on conc;oit assez bien
ce que pourraient etre un g~atOJium OU un audiroir,
mais on peut se demander a quai ressembleraient un
visoir, un humoir, ou un palE_Oir ...
- , D'une maniere a peine plus transgressive, on peut
penser a un parrage reposant, non plus sur des rythmes
circadiens, mais sur des rythmes hepradiens ' : cela nous
1. Un habitat fonde sur un ryrhme circa-annuel exisre chez
45
L'appartement
Ia decouverte du Pole (nord ou sud, au choix), ou !'ascension de !'Everest : Ia piece ne serair pas chauffee, on
dormirair sous d' epaisses fourrures, la nourrirure serait
a base de pemmican (corned-beef les fins de mois, viande
des Grisons les jours fasces) ; le mercredoir glorifierait
evidemmenr les enfanrs : c' est depuis quelque temps le
jour ou ils ne vont plus a l' ecole ; ce pourrair erre une
espece de Palais de Dame Tartine : les murs seraient en
pain d'epice er les meubles en pare a modeler, etc., etc.
46
a Londres ...
4
D'un espace inutile
]'ai plusieurs fois essaye de penser a un appartement
dans lequel il y aurair une piece inutile, absolument et
deliberement inutile. \=a n'aurait pas ere un debarras, ~a
n'aurair pas ere une chambre supplementaite, ni un couloir,
ni un cagibi,\ ni un recoin. \=' aurair ere un espace sans
foncrion. \=a n'aurait servi a rien, ~a n'aurair renvoye .a
rien.
I
II m'a ere impossible, en depir de mes efforts, de
suivre cerre pensee, cette image, jusqu'au bout. Le langage
lui-meme, me semble-t-il, s'est avere inapte a decrite ce
rien, ce vide, comme si !'on ne pouvair parler que de ce
qui est plein, utile, er fonctionneL
Un espace sans foncrion. Non pas c sans fonction
precise , mais precisemenr sans foncrion ; non pas pluri-fonctionnel (cela, rout le monde sait le faite), mais
a-foncrionneL \=a n'aurair evidemment pas ere un espace
uniquement destine a c liberer les aucres (fourre-touc,
placard, penderie, rangement, etc.) mais un espace, je le
repere, qui n' auraic servi a rien.
47
L'appartement
48
5
Demenager
Quitter un apparrement. Vider les lieux. Decamper.
Faire place nette. Debarrasser le plancher.
49
L'appartement
Emmenager
50
L'appartement
partes
52
a plusieurs annees, a Lansing, Michigan, Etats-Unis d'Amerique. Elle avair ere consrruite par Frank Lloyd Wright :
on commen~ait par suivre un sentier doucement sinueux
sur Ia gauche duquel s'elevait, cres progressivement, et
meme avec une nonchalance extreme, une Iegere declivite
qui, d'abord oblique, se rapprochait petit a petit de Ia
verticale. Peu a peu, comme par hasard, sans y penser, sans
qu'a aucun instant on air ere en droit d'affirmer avoir
per~u quelque chose comme une transition, une coupure, un
passage, une solution de continuite, le sentier devenait
pierreux, c'esr-a-dire que d'abord il n'y avait que de l'herbe,
puis il se mettait a y avoir des pierres au milieu de l'herbe,
puis il y avait un peu plus de pierces et cela devenait
comme une allee dallee et herbue, cependant que sur Ia
gauche, Ia pence du terrain commen~ait a ressembler, rr<~s
vaguement, a un muret, puis a un mur en opus incerrum.
Puis apparaissait quelque chose comme une toirure a
claire-voie pratiquemenr indissociable de Ia vegetation qui
l'envahissait. Mais en fait, il etai t deja crop card pour
savoir si !'on etait dehors ou dedans : au bout du sentier,
les dalles etaient jointives et !'on se trouvait dans ce que
!'on nomme habituellement une entree qui ouvrait directement sur une assez gigancesque piece done un des prolongements aboutissait d'ailleurs sur une terrasse agrementee d'une grande piscine. Le reste de Ia maison n'etait
pas mains remarquable, pas seulement pour son confort,
ni meme pour son luxe, mais parce que !'on avait !'impression qu'elle s'etaic coulee dans sa colline comme u chat
qui se peletonne dans ~ssin.
La chure de cette anecdote esc aussi morale que previsible : une dizaine de maisons a peu pres semblables
etaient disseminees sur les pourtours d'un club prive de
golf. Le golf etait entierement cloture ; des gardes done
on n'avait aucun mal a s'imaginer qu'ils etaient armes de
carabines a canon scie (j'ai vu beaucoup de films americains
dans rna jeuncsse) surveillaient !'unique grille d'entree.
53
murs
escaliers
l'immeuble
Projet de roman
57
58
L'immeuble
1 qui francrur le seuil d'une piece dans laquelle
se trouve un chien
10 individus adultes de sexe feminin, dont
1 qu~ ~'l!le _
1 qu1 est asstse
1 qui ciem un bebe dans ses bras
2 qui lisent, l'une, assise, le journal, !'autre,
couchee, un roman
qui fait Ia vaisselle
qui se baigne
qui tricote
1 qui mange des roasts
1 qui dort
6 enfanrs en bas age, dom 2 som certainement des petites
filles et 2 certainement des petits garc;ons.
2 chiens
2 chars
1 ours sur des roulettes
1 petit cheval sur des roulettes
1 petit train
1 poupee dans un landau
6 rats ou souris
pas mal de termites (il n'est pas sur que ce soit des termites ; en tout cas des especes d' animaux qui vivent
dans les planchers et les murs)
au moins 38 tableaux ou gravures encadn!s
1 masque negre
29 lampes (en plus des lustres)
10 lies
1 lit d'enfant
3 divans done un sere inconfortablement de lit
4 cuisines qui sont plutot des kitchenettes
7 pieces parquerees
1 tapis
2 carpettes ou_5kscentes de lit
9 pieces au sol sans douce reconvert de moquette
59
60
L'immettble
chien, au troisieme, un oiseau dans sa cage, une femme
et une petite fille.
II me semble que c'est l'ete. II doic etre quelque chose
comme huit h~ du .s_oir (il est curieux que les enfants
ne soient pas couches). J-a television n'a pas encore ete
inventee. On ne voit pas non plus un seul paste de
radio. La proprietaire de I' immeuble est sans douce Ia dame
qui tricote (elle n'est pas au premier, comme je l'ai
d'abord cru, mais, vu Ia position du porche, au rez-dechaussee, et ce ~'ai ~le rez-de-chaussee est en fait
un sous-sol : Ia maison n'a que deux ecages) : elle a eu
des revers- de forrune et a ete obligee, non seulement de
transformer sa maison en meuble, mais de scinder en deux
ses deux plus belles pieces.
Un examen un peu plus attentif du dessin permettrait
sans peine d'en tirer les details d'un volumineux roman :
il est evident, par exemple, que nous nous trouvons a nne
epoque ou Ia mode est aux cheveux frises (trois femmes
se soot mises des bigoudis) ; le monsieur qui dart sur son
inconforcable divan est sans douce un professeur : c'est a
lui qu'apparcient Ia serviette de cuir ec il a sur son bureau
quelque chose qui ressemble fore a un paquet de copies ;
Ia dame qui vaque est Ia mere de Ia jeune fille qui est
assise et il est tout a fait vraisemblable que le monsieur
qui esc acwude a Ia cheminee, un verre a Ia main et
qui regarde d'un ceil pluroc perplexe le mobile genre
Calder soic son futur gendre ; quant a son voisin, qui a
quaere enfancs et un chat, il semble s'acharner sur sa
machine a ecrire comme quelqu'un dont l'editeur attendrait
depuis trois semaines le manuscrit...
61
L'immeuble
Dans les immeubles en general
a autre,
62
les regarder ;
lever Ia rere ;
chercher le nom de l'archirecre, le nom de !'entrepreneur, !a clare de Ia consrrucrion ;
se demander pourquoi il y a souvenr ccrir gaz a
rous les erages ;
essayer de se souvenir, dans le cas cl'un immeuble
neuf, de ce qu'il y avait avant;
ere.
larue
1
Les immeubles sont a cote les uns des autres. Ils
sont alignes. II est prevu qu'ils soient alignes, c'est une
faute grave pour eux quand ils ne sont pas alignes :
on dit alors qu' ils sont frappes d' alignement, cela vent
dire que !'on est en droit de les demolir, afin de les
reconstruire dans l'alignement des autres.
L'alignement paralleJe de deux series d'immeubles
determine ce que !'on appelle une rue : Ia rue est un
espace borde, generalement sur ses deux plus longs cotes,
de maisons ; !a rue e t ct ..!}!li separe les maisons les unes
des autres, et aussi ce qui permet d'aller d'une maison
a !'autre, snit en longeanr, soit en traversant !a rue. De
plus, !a rue est ce qui permet de reperer les maisons. II
exisre differents sysremes de reperage ; le plus repandu,
de nos jours et sous nos climats, consiste a donner un nom
a Ia rue et des numeros aux maisons :
llacion cte
'a
65
La rue
66
te
67
La me
68
2
]'ai vu deux aveugles dans larue Linne. Ils marchaient
en se tenant par le bras. Ils avaient rous deux de longues
cannes exrremernenr flexibles. L'un des deux etait une
femme d'une cinquanraine d'annees, !'autre un rout jeune
hornme. La femme effleurair de J'exrrernire de sa canne
rous les obstacles verticaux qui se dressaient le long du
trottoir er, guidanr Ia canoe du jeune homme, les lui faisait
toucher egalernent en lui indiquanr, rres vire, et sans jamais
se tramper, de quels obstacles il s'agissait : un lampadaire,
un arret d' auto bus, une cabine telephonique, une corbeille
a papiers, une boite a lemes, un panneau de signalisation
(elle n'a evidemmenr pas pu preciser ce que signalait ce
panneau), un feu rouge ...
69
La rue
Travaux pratiques
70
71
72
La rue
73
Esphes d'espaces
La rte
Faire pleuvoir des pluies diluviennes, tout casser, faire pousser de l'herbe, rem placer les gens par des vaches, voir appara!tre, au croisement de Ia rue du Bac et du boulevard SaintGermain, depassant de cent metres les toits des immeubles,
King-Kong, ou Ia souris forcifiee de Tex Avery !
Ou bien encore : s' efforcer de se representer, avec le plus de
precision possible, sous le reseau des rues, I'enchevetrement
des egouts, le passage des !ignes de metro, Ia proliferation
invisible et souterraine des conduits (electricite, gaz, !ignes
te!ephoniques, conduites d'eau, reseau des pneumatiques)
sans laquelle nulle vie ne serait possible a Ia surface.
En dessous, juste en dessous, ressusciter !'eocene : le calcaire
4
Ou bien:
Brouillon de lettre
Je pense a toi, souvenr
parfois je rentre dans un cafe, je m' assieds pres de Ia porte,
je commande un cafe
74
75
Les lieux
(Notes sur un travail en cours)
En 1969, j'ai choisi, dans Paris, 12 lieux (des rues,
des places, des carrefours, un passage), ou bien dans lesquels
j'avais vecu, ou bien auxquels me rattachaient des souvenirs
particuliers.
Jai encrepris de faire, chaque mois, !a description de
deux de ces lieux. L'une de ces descriptions se fait sur le
lieu meme et se veut !a plus neutre possible : assis dans un
cafe, ou marchant dans Ia rue, un earner et un stylo a !a
main, je m'efforce de decrire les maisons, les magasins, les
gens que je renconcre, les affiches, et, d'une maniere generate, tous les details qui attirent mon regard. L'autre description se fait dans un endroit different du lieu : je
m' efforce alors de deerire le lieu de memoire, et d' evoquer
a son propos tous les souvenirs qui me viennent, soit des
evenemencs qui s'y sont deroules, soit des gens que j'y ai
renconcres. Lorsque ces descriptions sont terminees, je les
glisse dans une enveloppe que je scelle a Ia eire. A plusieurs
reprises, je me suis fait accompagner sur les lieux que je
decrivais par un ou une ami(e) photographe qui, soit libremenc, soit sur roes indications, a pris des photos que j'ai
alors glissees, sans les regarder (a !'exception d'une seule)
dans les enveloppes correspondantes ; il m' est arrive egalement de glisser dans ces enveloppes divers elements susceptibles de faire plus card office de remoignages, par exemple
des tickets de metro, ou bien des tickets de consommation,
ou des billets de cinema, ou des prospectus, etc.
Je recommence chaque annee ces descriptions en prenant soin, grace a un algorithme auquel j'ai deja fait allu-
76
La rue
sion (bicarre latin orthogonal, celui-ci eranc d' ordre 12),
premierement, de decrire chacun de ces lieux en un mois
different de l'annee, deuxiemement, de ne jamais deer ire
le meme mois Ia meme couple de lieux.
Cetre entreprise, qui n'esr pas sans rappeler dans son
principe les bombes du temps ~ . durera done douze ans,
jusqu'a ce que tous les lieux aient ere decrits deux fois
douze fois. Trop preoccupe, l'annee derniere, par le tournage de Un homme qui dort (dans lequel apparaissent,
d' ailleurs, Ia pi upart de ces lieux), j' ai en fait saute
l' an nee 7 3 et c'est done seulemenc en 1981 que je serai en
possession (si toutefois je ne prends pas d'autre retard ...)
des 288 textes issus de cette experience. Je saurai alors si
elle en valait Ia peine : ce que j'en attends, en effet, n'est
rien d'autre que Ia trace d'un triple vieillissement : celui
des lieux eux-memes, celui de roes souvenirs, et (elui de
mon ecriture.
le quartier
1
Le quarrier. Qu'est-<:e que c'est qu'un quartier ? T'habites
dans le quarrier? T'es du quarrier ? T'as change de quartier ? T' es dans que! quarrier ?
<;:a a vraiment quelque chose d' amorphe, le quarrier : une
maniere de paroisse ou, a strictement parler, le quart d'un
arrondissement, le petit morceau de ville dependant d'un
commissariat de police ...
Plus generalement : Ia portion de Ia ville dans laquelle on
se deplace facilement a pied ou, pour dire Ia meme chose
sous Ia forme d'une lapalissade, Ia partie de Ia ville dans
laquelle on n' a pas besoin de se rendre, puisque precisement
on y est. Cela semble aller de soi ; encore faut-il preciser
que, pour Ia pluparr des habitants d'une ville, cela a pour
corollaire que le quarrier est aussi Ia portion de Ia ville dans
laquelle on ne travaille pas : on appelle son quarrier le coin
ou I' on reside et pas le coin ou I' on travaille : et les lieux
de residence et les lieux de travail ne coincident presque
. jamais : cela aussi est une evidence, mais ses consequences
sont innombrables.
79
La vie de quarrier
C'est un bien grand mot.
D' accord, il y a les voisins, il y a les gens du quartier,
les commer~ants, la cremerie, le rout pour le menage, le
tabac qui reste ouvert le dimanche, la pharmacie, la paste,
le cafe dont on est, sinon un habirue, du moins un client
regulier (on serre la main du patron ou de !a serveuse).
Evidemment, on pourrait cultiver ces habirudes, aller
toujours chez le meme boucher, laisser ses paquets a l'epicerie, se faire ouvrir un compte chez le droguiste, appeler la
pharmacienne par son prenom, confier son chat a la ma~
chande de journaux, mais on aurait beau fane, ~a ne fera1t
pas une vie, ~a ne pourrait meme pas donner 1' i!lusi?n d' e:r~
!a vie : <;a creerait un espace familier, <;a suscJteralt un ltlneraire (sortir de chez soi, aller acheter le journal du soir,
un paquet de cigarettes, un paquet de poudre a laver, un
kilo de cerises, ere,), pretexte a quelques poignees de main
moUes, bonjour, madame Chamissac, bonjour, monsieur
Fernand, bonjour, mademoiselle Jeanne), mais ~a ne sera
jamais qu'un amenagement douceatre de la necessite, une
maniere d'enrober le mercantile.
Evidemment on pourrait fonder un orchestre, ou faire
du theatre dans !a rue. Animer, comme on dit, le quarrier.
Souder ensemble les gens d'une rue ou d'un groupe de rues
par autre chose qu'une simple connivence, mais une exigence ou un combat.
La mort du quartier
Le quartier
Ce que je regrette, surtout, c' est _Ie ci~ema de ~uartier,
avec ses publicires hideuses pour le remruner du com.
2
De rout ce qui precede, je peux rirer la conclusion, a
vrai dire peu satisfaisante, que je n' ai qu'une idee tres
approximative de ce qu'est un quartier.__Il est vr.ai q~e j'~~
ai pas mal change, au cours de ces dermeres annees : Je n a1
pas eu le temps de vraiment m'y faire.
Je me sers peu de man quarrier. C'est seulement par
hasard que quelques-uns de roes amis vivent dans le meme
quarrier que moi. Par rapport a man logis, ~e~ ~rincipaux
centres d'interer sont plutot excentriques. Je n a1 nen contre
Je fait de bouger, au conrraire.
Pourquoi ne pas privilegier !a dispersion ? Au lieu de
vivre dans un lieu unique, en cherchant vainement a s'y
rassembler, pourquoi n'aurair-on pas, eparpillees dans Paris,
cinq ou six chambres ? ]'irais dormir a Denfert, j'ecrirais
place Voltaire, j'ecouterais de !a musique place Clichy, je
ferais 1' amour a la poterne des peupliers, je mangerais rue
de Ia Tombe-Issoire, je lirais pres du pare Manceau, etc.
Est-ce plus srupide, en fin de compte, que de mettre taus les
marchands de meubles faubourg Saint-Antoine, taus les
marchands de verrerie rue du Paradis, taus les tailleurs rue
du Sentier, taus les Juifs rue des Rosiers, tous les erudiants
au quarrier Latin, taus les edireurs a Saint-Sulpice, tous les
medecins dans Harley Street, tous les Noirs a Haarlem ?
80
la ville
1
Les toits de Paris, cor~chh sur le dos,
leJtfi petites pattes en l'air.
Raymond Queneau
Ne pas essayer trop vire de trouver une definition de
Ia ville; c'est beaucoup trop gros, on a routes les chances
de se trorn per.
D'abord, faire l'invenraire de ce que !'on voir. Recenser ce dont !'on est sur. Erablir des distinctions elementaires:
par exemple entre ce qui est Ia ville et ce qui n'est pas Ia
ville.
S'interesser ace qui separe Ia ville de ce qui n'est pas
Ia ville. Regarder ce qui se passe quand Ia ville s'arrete. Par
exemple (j'ai deja aborde ce sujet a propos des rues), une
methode absolument infaillible pour savoir si !'on se
rrouve dans Paris ou a l'exterieur de Paris consiste a regarder le numero des aurobus : s'ils onr deux chiffres, on est
dans Paris, s'ils onr trois chiffres, on est en dehors de Paris
(ce n'est malheureusemenr pas aussi infaillible que ~a; mais
en principe, ,a devrait l'erre).
83
Bien nocer que Ia ville n' a pas cou jours ere ce qu' elle
ecaic. Se souvenir, par exemple, qu' Auceuil fuc longcemps
a Ia campagne; jusqu'au milieu du XIX' siecle, quand ]es
medecins voyaient qu'un enfant ecaic un peu crop paloc,
ils recommandaient aux parents d'aller passer quelques
jours a Auceuil respirer le bon air de Ia campagne (d'ailleurs, il y a encore a Auceuil une cremerie qui persisce a
s'appeler Ia Ferme d'Auteuil).
Se souvenir aussi que !'Arc de Triomphe fur bacia Ia
campagne (ce n'ecaic pas vraiment Ia campagne, c'ecaic plucoc l'equivalenc du bois de Boulogne, mais, en couc cas, ce
n'ecaic pas vraimenc Ia ville).
Se souvenir aussi que Saine-Denis, Bagnolec, Aubervilliers sonc des villes beaucoup plus importances que
Poiciers, Annecy ou Sainc-Nazaire.
Se souvenir que roue ce qui se nomme faubourg
se crouvait a l'exterieur de Ia ville (faubourg Saint-Antoine,
faubourg Saine-Denis, faubourg Saint-Germain, faubourg
Saine-Honore).
Se souvenir que si !'on disaic Sainc-Germain-des-Pres,
c'est parce qu'il y avait des pres.
Se souvenir qu'un boulevard est a l'origine une
promenade plantee d'arbres qui fait le cour d'une ville ec
qui occupe ordinairemenc l'espace oil ecaienc d'anciens
rem parts.
Se souvenir, au fait, que c'ecaic forcifie ...
2
Le vent souffle de Ia mer : les odeurs nauseabondes
des villes sonc poussees vers I' esc en Europe, vers I'ouest en
84
La ville
Amerique. C' esc pour cette raison que les quarriers chics
sonc a !'ouest a Paris (le Seizieme, Neuilly, Saint-Cloud, etc.)
eta Londres (le West End) ec a !'esc a New York (!'Ease
Side).
3
Une ville : de Ia pierre, du becon, de l'asphalce. Des inconnus, des monuments, des institutions.
Megalopoles. Villes centaculaires. Arceres. Foules.
Fourmilieres ?
Qu'esc-ce que le cceur d'une ville? L'ame d'une ville?
Pourquoi die-on qu'une ville est belle ou qu'une ville est
!aide ? Qu'y a-t-il de beau et qu'y a-t-il de laid dans une
ville"? Comment conna1t-on une ville? Comment connaiton sa ville?
a parler sur
85
La ville
4
Ma ville
Jhabite Paris. C'est Ia capitale de Ia France. A l'epoque
ou Ia France s'appelait Ia Gaule, Paris s'appelait Lutece.
Comme beaucoup d'autres villes, Paris a ete construit
dans Ia proximite immediate de sept collines. Ce sont : le
mont Valerien, Montmartre, Montparnasse, Montsouris, Ia
colline de Chaillot, les Buttes-Chaumont et Ia Butte-auxCailles, Ia montagne Sainte-Genevieve, etc.
Je ne connais evidemment pas routes Jes rues de Paris.
Mais j'ai toujours une idee de l'endroir oil elles se trouvenr.
Meme si je le voulais, j' aurais du mal a me perdre dans
Paris. Je dispose de nombreux points de reperes. Je sais
presque tou jours dans quelle direction je do is prendre le
metro. Je connais assez bien l'itineraire des autobus ; je sais
expliquer a un chauffeur de taxi le trajer que je souhaite
emprunter. Le nom des rues ne m'est presque jamais etranger, Jes caracteristiques des quarriers me soot familieres ;
j'identifie sans trop de peine les eglises er aurres monuments ; je sais oil soot les gares. De nombreux endroits se
rattachent a des souvenirs precis : ce soot des maisons oil
om vecu jadis des am is que j' ai perdu de vue, ou bien c'est
un cafe dans lequel j'ai joue pendant six heures d' affilee au
billard elecrrique (avec, pour mise initiale, une seule piece
de vingt centimes), ou bien c'est le square dans lequel j'ai
lu La Peatt de Chagrin en surveillant les ebats de rna petite
niece.
86
5
Villes etrangeres
On sair aller de Ia gare, ou de !'air terminal a son
hOtel. On souhaite qu'il n'en soit pas trop eloigne. On
voudrair erre dans le centre. On erudie soigneusement le
plan de !a ville. On repere les musees, les pares, les endroits
que !'on vous a forremenr recommande d'aller voir.
On va voir les tableaux er les eglises. On aimerait bien
se promener, Hiner, mais on n'ose pas; on ne sair pas aller
a la derive, on a peur de se perdre. On ne marche meme pas
vraiment, on arpente. On ne sair pas tres bien quoi regarder.
On est presque emu si !'on rencontre le bureau d'Air-France,
presque au bord des larmes si !'on voir Le Monde dans un
87
La ville
kiosque a journaux. Aucun lieu ne se laisse rattacher a un
souvenir, a une emotion, a un visage. On repere des salons
de the, des cafeterias, des milk-bars, des cavernes, des restaurants. On passe devant une statue. C' est celle de Ludwig
Spankerfel di Nominatore, le celebre brasseur. On regarde
avec interet des jeux complets de clefs anglaises (on a deux
heures a perdre et I'on se promene pendant deux heures ;
pourquoi serait-on plus particulierement attire par ceci ou
par cela ? Espace neutre, non encore investi, pratiquement
sans reperes : on ne sait pas combien de temps il faut pour
aller d'un endroit a un autre ; du coup, on est toujours terriblement en avance).
Deux jours peuvent suffire pour que !'on commence a
s'acclimater. Le jour oil l'on decouvre que Ia statue de
Ludwig Spankerfel di Nominatore (le celebre brasseur) n'est
qu'a trois minutes de son hotel (au bout de Ia rue du
Prince-Adalbert) alors que !'on mettait une grande demiheure a y aller, on commence a prendre possession de Ia
ville. Cela ne veut pas dire que !'on commence a l'habiter.
On garde souvent de ces villes a peine effleurees le
souvenir d'un charme indefinissable : le souvenir meme de
notre indecision, de nos pas hesitants, de notre regard qui ne
savait vers quoi se tourner et que presque rien suffisait a
emouvo ir : une rue presque vide plantee de gros platanes
(etaient-ce des plaranes ?) a Belgrade, une fa,ade de ceramique a Sarrebriick, les pemes dans les rues d'Edimbourg,
Ia largeur du Rhin, a Bllle, et Ia corde - le nom exact
serait Ia traille - guidant le bac qui le traverse...
88
6
Du tourisme
Quant
a VOW
glais qui font visiter par let<r domestique les pays qt/ils traversent.
Jules Verne
( c Le tour du monde en 80 jours >)
t~n
89
La ville
vesend.
Exercices
lei stations, dont les noms I01lt du reste affiches sur des
Ccriteaux, 'srtr les lanternes et les dossiers des banes du
quai. Arrets tres courts : se hdter.
Mddecins. Ou recomma11de les docteurs : L. Vintras, tnedecin de l'Ambassade de France et de l'hOpital franfais ( ... ) ;
H. de Meric ( chimrgien) ( ... ) ; H. Dardenne ( ... j ;
P.]. Baranoff, medecin de l'hopital franfais ( .. .);Naumann,
rw!decin de l'hOpitaJ italie11 ( ... ) Dentistes : A.A. Goldsmith
(americai1l) ( ... ); K. A. Davenport (americai1l) ( ...) H. L.
Coffin (americain) ( ... ); Pierrepoint (americain), etc.
Pharmacies (aucune pharmacie franfaise) ...
Emploi du temps : de"x semaines suffisent a peine, meme
voyageur infatigable, Je contentant d'un coup d'ceil
mperficiel, pour se faire une idee un peu claire de Londrei
el de Jei environs. Une distribution methodique d# temps
facilitera beaucoup cette tache ( ... ) le malin et l'apres-midi,
a un
90
Deer ire les operations que I' on effecrue Jorsque I' on prend
le metro avec Ia meme minutie que Baedeker pour le metro
de Londres en 1907
Repenser a certaines des propositions faites par Jes Surrealistes pour embellir Ia ville :
L' obelisque : I' arrondir et faire poser a son sommet une
plume d'acier a sa mesure
La tour Saint-Jacques : Ia courber legeremenr
Le lion de Belfort : lui faire ronger un os et le tourner vers
!'ouest
Le Pantheon : le trancher verticalement et eloigner Jes deux
moities de 50 centimetres
Essayer de calculer, en s'aidanr de cartes et de plans adequars,
un itineraire qui permettrait de prendre successivement
tous les aurobus de Ia capitate.
Essayer d'imaginer ce que deviendra Paris :
Paris deviendra le iardi11 d'hiver; - espaliers a fruits
sur le boulevard. La Seine filtree et chattde, - abondance
de pierres precieuses factices, - prod>galite de la dorure, Cclairage des mai.sons - on emmaga1inera la lumiere, car
it y a des corps qui ont cette propriete, comme le mere, la
91
la campagne
1
Je n' ai pas grand-chose a dire a propos de Ia campagne :
Ia campagne n'exisre pas, c'esr une illusion.
Pour Ia majorire de roes semblables, Ia campagne est
un espace d'agremenc qui encoure leur residence secondaire,
qui borde une portion des autorouces qu'ils empruncenc le
vendredi soir quand ils s'y rendenr, et done, le dimanche
apres-midi, s'ils one quelque courage, ils parcoureront quelques metres avant de regagner Ia ville ou, pendant le resre
de Ia semaine, ils se feronc les chancres du retour a Ia narure.
Comme rout le monde, pourrant, j'ai ere plusieurs foi"s
a Ia campagne (Ia derniere fois, je m'en souviens rres bien,
c' eraic en fevrier 197 3 ; il faisaic rres froid). D' ailleurs,
j'aime Ia campagne (j'aime aussi Ia ville, je l'ai deja die, je
ne suis pas difficile) : j'aime erre a Ia campagne : on mange
du pain de campagne, on respire mieux, on voir parfois
des animaux que !'on n'a prariquemenc pas !'habitude de
voir dans les villes, on fair du feu dans les cheminees, on
joue au scrabble ou a d' aurres petits jeux de societe. On a
93
Especes d'espaces
La campagne
94
2
L'utopie villageoise
Pour commencer, on aurait ete a !'ecole avec Ie facteur.
On saurait que le miel de l'instituteut est meilleur que
celui du chef de gare (non, il n'y aurait plus de chef de gare,
seulement un garde-barriere : depuis plusieurs annees les
trains ne s'arreteraient plus, une ligne de cars les remplacerait, mais il y aurait encore un passage a niveau qui n'aurait
pas encore ete automatise) .
On saurait s'il allait y avoir de Ia pluie en regardant Ia
forme des nuages au-dessus de la colline, on connaitrait les
endroits ou il y aurait encore des ecrevisses, on se souviendrait de l'epoque ou le garagiste ferrait les chevaux (en
rajouter un peu, jusqu'a presque avoir envie d'y croire, mais
pas trop quand meme ...)
Bien sur, on conna!rrait tout lc monde et les histoires
de toutle monde. Tous les mercredis, le charcutier de Dampierre klaxonnerait devant chez vous pour vous apporter
95
3
Alternative nostalgique (et fausse)
Ou bien s' enraciner, retrouver, ou fac;onner. ses racines,
arracher a l'espace le lieu qui sera votre, batir, planter
s' approprier, millimetre par millimetre, son chez-soi :
etre tout entier dans son village, se savoir cevenol se faire
poitevin.
'
~u bien .n~voir que ses vetements sur le dos, ne rien garder,
v1vre a 1 hotel et en changer souvenr, et changer de ville, et
changer de pays ; parler, lire indifferemment quatre ou
cmq langues ; ne se sentir chez soi nulle part, mais bien
presque partout.
96
du mouvement
le pays
1
Frontieres
Les pays som separes les uns des autres par des frontieres. Passer une fromiere est tou jours que! que chose d'un
peu emouvanr : une limite imaginaire, materialisee par une
barriere de bois qui d'ailleurs n'est jamais vraiment sur Ia
ligne qu' elle est censee representer, mais quelques dizaines
ou quelques cemaines de metres en de~a ou au-deJa, suffit
pour tout changer, et jusqu'au paysage meme : c'est le
meme air, c'est Ia meme terre, mais Ia route n'est plus tout
a fait Ia meme, Ia graphie des panneaux routiers change,
les boulangeries ne ressemblent plus tout a fait a ce que
nous appelions, un instant avant, boulangerie, les pains
n'om plus Ia meme forme, ce ne som plus les memes emballages de cigarettes qui tra1nem par terre ...
(Noter ce qui reste idemique : Ia forme des maisons ?
Ia forme des champs ? les visages ? les emblemes Shell ~
dans Jes stations-service, les panonceaux Coca-Cola ,
quasi idemiques a eux-memes, comme !'a prouve une
99
a.
en
::::>
"
J:
0
-I
LL
LL
"
a!
Cl)
Le pays
recente exposition de photos, de Ia Terre de Feu a Ia Scandinavie et du Japon au Groenland, les regles de Ia conduite
automobile (avec quelques variances), l'ecarrement des voies
de chemin de fer (a !'exception de l'Espagne), etc.)
pitons rocheux, le coin d'une rue. Pour des millions d'hommes, Ia mort est venue d'une Iegere difference de niveau
entre deux points parfois eloignes de moins de cent metres :
on se battait pendant des semaines pour prendre ou reprendre Ia Cote 5 32.
(L'un des generaux en chef de !'armee fran~aise pendant Ia guerre de 14-18 s'appelair le general Nivelle ... ).
2
Mon pays
Le territoire national (Ia Mere Patrie - en allemand
Vaterland - , Ia Nation, le Pays, Ia France, l'Hexagone)
est un Etat de !'Europe occidentale correspondant a Ia plus
grande partie de Ia Gaule cisalpine. II est compris entre
42'20' et 51 ' 5' de latitude nord et entre 7 ' 1l' de longitude otfest et 5 10' de longitude est. Sa superficie est de
528 576 kilometres carres.
Sur 2 640 kilometres environ, ce territoire est borde
d'un espace maritime qui constitue les eaux territoriales
fran~aises.
le monde
europe
ancien continent
L'Europe, l'Asie et !'Afrique
nouveau continent
Ohe, les gars, nom sommes decottverts !
(un Indien, apercevam Christophe Colomb)
Voyager.
On pourrait s'imposer de suivre une latirude dcnnee Qules
Verne, Les En/ants du Capitaine Grant), ou p1rcourir les
Etats unis d' Amerique en respectant I' ordre alphabetique
(Jules Verne, Le Testament d'un Excentrique) JU en liant
le passage d'un Etat a un autre a !'existence de deux villes
homonymes (Michel Butor, Mobile).
onnement et deception des voyages. Illus.on d'avoir
mcu Ia distance, d'avoir efface le temps.
re loin.
Voir en vrai quelque chose qui fur longtemps une image
dans un vieux dictionnaire : un geyser, une chtte d'eau, Ia
baie de Naples, l'endroit ou se tenait Gavrilo Prncip quand
il tira sur l'archiduc Franc;ois-Ferdinand d'Autiche et Ia
duchesse Sophie de Hohenberg, a !'angle de Ia ne Franc;oisJoseph et du quai Appel, a Sarajevo, juste en b:e du debit
103
Le monde
a onze heures
l'espace
\ r
J
... si bien que le mondc et l'espnce semblaient bre le miroir l'tm de l1atttre l'un et l1at#re minMieusement historiee de hieroglyphes et d'ideogrammes, et chacun d'eux
pouvait ttuJJi bien etre ou ne pas etre tt1J signe : une
co1zcretimz ca!caire st" du baJalte, rme crete soulevee par
le vent sur le Jable coagu!e du desert, Ia disposition des
yeux dans les plumes du paon ( tottt dor;cement, Ia vie au
milieu des signes avait condr1-it a voir comme atttant de
signes les chases innombrables qui d'abord se trortvaient
lti sans signaler attire chose que later propre pdsence1
elle les avait tran.sformCes mz signes d1elles-memes, et les
avait ajouteeJ a Ia Jerie de! signeJ fait! expreJ par qui
vot.:lait faire un signe), les stries du feu comre une paroi
de roche schisteusc, la quatre cent vingt-septiBme cannelure - tm pett de travers - de Ia corniche dtt fronton
d'ttn mausolee, ttne sequence de stries sur un ecran durant
u1ze tempete magn4tiqrte (Ia sirie des signes se 11J.ttltipliait
dans Ia serie des signes de signes, de signes rtJpetes un
nombre innombrable de foiJ, tOt<jours egaux et toujours
de que/que fafon different!, parce qu'au Jigne fait expre1
J'ajoutait le Jigne tombe Ia par hasard), le jambage mal
encre de Ia lettre R qui dans un exemplaire d 1tt1J. journal
dtt soir se rencontrait avec ttne paille filame1JteuJe du
papier, rme Craflure entre huit cent mille sur le mur goudronne entre deux docks de Melbourne, la courbe d'tme
statistiquel un cortp de {reim sur l'asphalte, tm chromosome..
Italo Calvi no
(Cosmicomics)
-j
109
mesures
lei i'avais fait un chapitre sur les lignes courbes, pour prouver l'excellence des /ignes droites.._
Une ligne droite ! le sentier ou doivenJ marcher les vrais chrhiens, disent les peres de l'Eglise.
L'emb/eme de Ia droiture morale, dit Ciceron.
La meilleure de toutes les lignes, disent les
plantettrs de chor.x.
La ligne Ia plus courte, dit ArchimUe, que
l'on puiJJe Jjrer d'un point
a tm autre.
(Tristram Shandy,
chapitre 240)
110
L'espace
112
113
L'espace
Jonathan Swift
Pensle sur diven sujets
114
115
L'espace
la conquete de l'espace
116
2
Sant Jerome dans son cabinet de travail
pa. Antonello de Messine (Londres, National Gallery)
Le cabinet de travail est un meuble de bois pose sur
le :arrelage d'une cachedrale. II repose sur une escrade a
lacuelle on accede par trois marches et comprend principa.ement six casiers charges de livres et de divers objets
(strrouc des boices et un vase), et un plan de travail done
Ia partie plane supporte deux livres, un encrier et une
phme, et Ia partie inclinee le livre que le saint est en train
de lire. Tous ses elements sont fixes, c'esc-a-dire constituent
le neuble proprement die, mais il y a aussi sur 1'escrade un
sie!e, celui sur lequel le saint est assis, ec un coffre.
Le saint s' est dtkhausse pour manter sur 1'escrade. II
a JOSe son chapeau de cardinal sur le coffre. II est vecu
d'me robe rouge (de cardinal) et porte sur Ia tete une
sol!e de calotte egalement rouge. II se cient cres droit sur
soc siege, er cres loin du livre qu'il lit. Ses doigcs sonc glisses a 1' interieur des feuillecs ou bien com me s' il ne faisait
qu< feuillecer le livre, ou bien plutllt comme s'il avait
117
3
L'Evade
Ains1 otJ
c~oit 11oir
4
Les rencontres
Cela n'aurait evidemment aucun sens s'il en etait autrement. Tout a ete ecudie, tout a ete calcule, i1 n'est pas
question de se tromper, on ne connait pas de cas ou il ait
ete decele une erreur, rut-elle de quelques centimetres, ou
meme de quelques millirnetres.
Pourtant je ressens toujours quelque chose qui ressemble a de J'emerveillement quand je songe a Ia rencontre des ouvriers fran<;ais et des ouvriers italiens au milieu
du tunnel du mont Cenis.
119
I'inhabitable
L'amenagement :
39533/43/Kam/J
6 novembre 1943
L'espace
\'
I
Mon pays natal, le berceau de ma fa\ mille, !a maison ou je serais ne, 1'arbre que
j'aurais vu grandir (que mon pere aurait
plante le jour de rna naissance), le grenier
\ de mon enfance empli de souvenirs intacts...
----
Paris,
1973-1974
Index
JARDIN D'HIVER, 91 .
JAUNE, 95.
JEU DE GO, 57.
LANDAU, 59.
LAVANDI~RE,
22.
BLOOM, 115.
LETTRE C, 87.
LETTRE A, 108.
LETTRE T, 68.
LIGNE MORICE, 102.
LION, 118.
LION DE B~LFORT, 9.
LION NO/R, 15.
LOUIS XVI, 48.
LUZERNE, 95.
L~OPOLD
124
COUTURE, 44.
CR~ME AU BEURRE, 23.
CROIX DE MALTE, 49 .
CUISINI~RE , 41 .
CYPR~S. 118.
DAME TARTJNE, 47 .
D~BIT DE SOISSON DES FR~RES
SJM/C, 104.
DIMANCHE, 80.
DRAPEAU TRICOLORE , 69.
DUGOMMIER, 48.
DUMAS, ALEXANDRE, 19.
EBL~. JEAN-BAPTISTE, 104.
ECREV/SSES, 95.
~L~PHANTS , 115.
ENCRIER, 60.
~QUJPAGES, 90.
ESCROQUERIE, 89.
ETRETAT, 34.
EULER, L~ONARD, 56 .
FLAMBEAU, 49.
FREUD, SIGMUND, 104.
GALET, 28.
GENGJ MONOGATORI EMAKI, 57.
GIRAFE, 60.
GOUTER, 43.
GRAFFITI, 71 .
GRANDE ILLUSION (LA), 100.
GRAND 0 ROUGE . 90.
GRENIER, 122.
GRJSONS, 47.
GUILLOTINE, 32.
HAREM , 26.
HARMONIUM, 33.
HAYDN , JOSEPH, 46.
/CARE, 68.
JAMBON, 39.
POLONA/S, 74.
POLYGRAPHIE DU CAVALIER,
57.
POMME, 39.
PONTOISE, 14.
PORCELAJNE, 122.
PORTEMANTEAU, 41 .
PORTULAN, 21 .
POT A EAU, 32.
POTERNE, 81 .
POUBELLE A P~DALE , 80.
RAGE DE DENTS, 36.
REGARD FURT/F, 67.
RIDEAU DE FER, 23.
ROSTAND, EDMOND, 69.
SABLES DE BEAUCHAMP, 74.
SAENREDAM, PJETER, 49.
SAHARA, 73.
SAINT ANTOINE, 81.
SAINT CH~LY D'APCHER, 35.
SAINT-CLOUD, 84.
SAINT-DENIS, 84.
SAINT-GERMAIN, 84.
SAINTE H~L~NE, 18.
SAINT-HONOR~. 84.
SAINT-JACQUES , 84.
SAINT-JEAN-ROHRBACH, 104.
SAINT J~ROME , 117.
SAINT-LAZARE . 69.
SAJNT-NAZAIRE, 84.
SAINT-OUEN, 74.
SAINT THOMAS D'AQUIN, 69.
SJR~NE, 119.
SISLEY, ALFRED, 32.
SOMMEIL L~GER, 118.
SOURCES, 122.
SPAGHETTI, 36.
STATUE, 22.
SYLVIA SCARLETT, 104.
TAPIS DE SOL, 29.
TARN, 104.
TE JNTURIER, 81 .
TOASTS , 56.
TOUL, 95.
TRAILLE, 88.
TRASIM~NE . 18.
TRAVERSIN, 26.
T.S.F., 116.
VENT, 84.
VERDUN , 94.
VERDURE, 121.
VIOLET, 14.
WRIGHT, FRANK LLOYD , 53.
13
17
25
31
39
57
projet de roman
La rue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
65
79
83
La campagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
l'utopie villageoise - alternative nostalgique
(et fausse) - du mouvement
Le pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
frontieres - mon pays
Europe . . .. . ...... . .. . ....
o.
0. 0 0 0 . . ..
93
99
102
Le monde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
103
107
DU MEME AUTEUR
124
Chez d'aulres edtleurs
LESCHOSES, Julliard, coli. Les Lellres nouvelles, 1965.
QUEL PETIT vELO A GUIDON CHRONIE AU FOND DE LA COUR ?,
Denoel, coli. Les Lellres nouvelles, 1966.
UN HOMME QUI OORT, Denoel, coli . Les Lellres nouvelles, 1967.
LA DISPARITION, Denoel, coli. Les Lellres nouvelles, 1969.
LES REVENENTES, J ulliard, coli. Idee fixe, 1972.
LA BOUTIQUE OBSCURE, Denod-Gonthier, coli. Cause commune,
1973.
W ou LE SOUVENIR D'ENFANCE, Denoel, coli. Les Lei/res
nouvelles, 1975 .
]E ME SOUVIENS ILES CHOSES COMMUNES I), Hachette/P.O.L.,
1978.
LA VIE MODE D'EMPLOI, Hachette/P.O.L., 1978.
LA CL6TURE ET AUTRES POEMES, Hachette/P.O.L., 1978.
UN CABINET D'AMATEUR, Balland, 1979.
LES MOTS CROISES, Mazarine, 1979.
L'ETERNirt, Orange Export LTD., 1981.
THEATRE I, Hachette!P.O.L., 1981.
PENSERICLASSER, Hachette, coli. Texles du xx' steele, 1985.
LES MOTS CROISES II, P.O.L!Mazarine, 1986.
53 }OURS, P.O.L., 1989.
L'INFRA-ORDINAIRE, Ed. du Seuil, coli. La Librairie du xx' steele,
1989.
Ouvrages en collaboration
PETIT TRAITE INVITANT AL'ART SUBffi DU GO, Christian Bourgois,
1969 (avec Pierre Lusson et Jacques Roubaud) .
Ouuro, LA LlTTERATURE POTENTIELLE. Creation, Recreations,
Recreations, Gallimard, call. Idees, 1973.
REciTS D'Ews ISLAND, Editions du Sorbier, 1980 (avec Raben
Bober).
L'CEIL EBLOUI, Chene/Hachette, 1981 (avec Cuchi White).
0UUPO, ATI.AS DE LlTTERATURE POTENTIELLE, Gallimard, call.
Idees, 1981.
0UUPO, LA BWLIO'l1lEQUE OULIPIENNE, Ramsay, 1987, 2 vol.
PRESBYTER ET PROLETAIRES. LE DOSSIER PALF, Cahiers Georges
Perec, n 3, 1989, Ed . du Limon, (avec Marcel Benaboul.
Traductions
Harry Mathews, LEs VERTS CHAMPS DE MOUTARDE DE
L'AFGHANJSTAN, Denocl, call. Les Lett res nouvelles, 1975.
Harry Mathews, LE NAUFRAGE DU STADE 0DRADEK,
Hachette/P.O.L., 1981.
Georges Perec
Especes d'espaces
Jean-Michel Palmier
Berliner Requiem
Paul Virilio
Vitesse et Polttique
Jacques Dreyfus
La ville disciplinaire
Jean Baudrillard
Oublier Foucault
Tewfik Allal, Jean-Pierre Buffard
Michel Marie, Tomaso Regazzola
Stluations migratoires
Jean Duvignaud
Lieux et non-lieux
Alain Medam
New York Terminal
Paul Virilio
Defense populaire et luttes !!cologiques
De la seduction
Alain Joxe
Le rempart social
Alain Medam
La polzlique du patrimoine
Rene Lourau
L 'horizon negatz/
Paul Virilio
La machine de vision
Felix Guattari
Cartographies schizoanalytiques
Paul Virilio
Esthetique de Ia disparition
Felix Guattari
Jean Baudrillard
La transparence du mal
Paul Virilio
L 'ecran du desert
Felix Guattari
Chaosmose
ACHEvt
D'IMPRIMER
EN
JANVIER
1992