Mauthausen 302
Mauthausen 302
Mauthausen 302
n302
juillet 05
B U L L E T I N D E L ' A M I C A L E D E S D P O R T S , FA M I L L E S E T A M I S D E M AU T H AU S E N
Sommaire
p.2 ditorial
p.3 - 27
Compte-rendu du voyage du 60e
anniversaire de la libration de
Mauthausen et ses Kommandos,
au jour le jour
nationales.
(Page 28 et suivantes)
Numro spcial :
60e anniversaire de la
libration de Mauthausen et
ses kommandos.
n 2 Ebensee
(lire page 3 et suivantes)
MAUTHAUSEN / 302
ditorial
Michelle ROUSSEAU-RAMBAUD
2005 : un anniversaire
exceptionnel.
Le voyage de mmoire du mois de mai est toujours un temps fort dans la vie de lAmicale.
Lordonnancement, souvent connu, matris, la taille
raisonnable du groupe accentuent le caractre
dintimit dun plerinage en famille.
Mai 2005 fut un vnement dune autre dimension,
la mesure de lobjectif : la commmoration du 60e
anniversaire de la Libration du camp et des camps
annexes.
Nos normes habituelles ont explos :
6Oe anniversaire
6Oe anniversaire
Cette vritable uvre dart et dhistoire au quotidien prouve quil existe bien une mmoire de lEurope,
quelle est crative et porteuse.
Et cest partir de la Mmoire que
lon construit lAvenir, surtout un
Avenir de Paix. Une version franaise de cette exposition sera officiellement inaugure le 22 juin
Paris aux Archives Nationales.
Longue vie cette exposition qui
va senrichir des regards, des critiques, de la pense dautrui, qui
va devenir un outil pdagogique.
Cest le plus bel hommage qui
puisse tre rendu aux martyrs du
camp de Mauthausen.
Redl-Zipf,
Kommando dEbensee,
le 6 mai.
6Oe anniversaire
Roger Gouffault :
Ebensee a vu arriver en novembre 1943 le premier
convoi de dports. Personnellement, cest en janvier 1944 que jai t conduit ici, et jy suis rest dixsept mois, jusqu notre libration par nos amis
amricains.
Ce que nous avons vcu ici, esclavage, cruaut,
famine, et la mort chaque jour de nombreux camarades, vous le savez et pourtant vous ne le savez
pas. Du sort que nous avons subi, rien ne tmoigne
vraiment, que notre parole, et puis ces immenses
tunnels percs dans la montagne, au prix de souffrances indicibles. On sait lhistoire de linstallation
du camp, lentassement croissant des hommes, le
rle des entreprises industrielles en qute desclaves, le projet nazi dusines de guerre souterraines.
On connat les circonstances si particulires de la
libration du camp dEbensee : cette foule de dtenus faisant reculer et fuir le commandant du camp,
la veille de larrive des troupes amricaines.
Mais comment vous faire ressentir ce que fut la
dtresse du quotidien, ce que cest que vivre sous la
Daniel Simon :
Nous pouvons, Roger, tassurer, toi et tous tes
camarades, de notre fidlit et du sens de notre
engagement.
Voyons en effet Ebensee, soixante ans aprs la
droute militaire et politique des nazis. Voyons la
foule que nous sommes, diverse, solidaire, mue,
lucide, pacifique. Nous savons sur quel continent
nous vivons et voulons vivre : Ebensee, dans ce
dcor bucolique, est jamais marqu dune balafre.
La fosse commune prs de laquelle nous nous
tenons, lespace invisible de ce que fut le camp, les
troues glaciales des tunnels, nous sommes capables den restituer le sens. Nous sommes, nous
continuerons dtre, pour les habitants dEbensee,
des revenants obstins. Nous sommes cette humanit qui entretient des liens avec son pass, avec
ses ans, pour qui le prsent et lavenir ne sont pas
table rase ; celle qui connat et respecte sa diversit ; celle qui affirme un socle de valeurs communes,
vocation universelle : respect inalinable et universel de la personne humaine, refus de la dtention
arbitraire, de la torture, de lesclavage ; dmocratie,
toujours plus de dmocratie. Et nous savons que
ces valeurs impliqueront dautres combats.
Parmi les dix-huit mille hommes que les nazis enfermrent ici, dont plus de huit mille nont pas rchapp, il y eut moins de dix pour cent de Franais. A lchelle de lhistoire, ces chiffres seuls, en France
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Roger GOUFFAULT et Daniel SIMON la tribune, dresse sur lesplanade des monuments Ebensee, sadressent lassemble internationale
des participants. Photos Laurent LAIDET
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6Oe anniversaire
A gauche, Martha GAMMER, commente lexposition du Mmorial de Gusen. Photo Charles HALM
A droite, les fours crmatoire de Gusen. Photo Janine LAVEILLE
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Claude PLAZIAT
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Dear friends,
Today is a special day. And a difficult one.
You are coming to share with us the remember of
the bad days.
Sixty years have gone and you are here another
time in Gusen. As you can expect our mind is
also back to this period.
We have never forgotten that day when you came
to give us back the freedom the Nazis took over
some years before. You were the liberators.
Today we are with you to tell you again : tank
you. Thank you to all of you.
Of course your presence recall us all the faces of
our friends who died in this camp. We understand
it is certainly the same for you.
Many of your friends are like ours not alive any
more to share our emotion. They died on their
way to Mauthausen, some in Normandy, some in
Alsace or in Germany to kill the devil and to make
the world free.
As you know too many of our friends died here.
Either during the camp life, or just after the
liberation, here in your Gusen hospital, and of
course since the survivors are back to France.
For the same reasons as yours, to win the same
battle. To make the world free of violence, free of
racism, free of concentration camps. To get
justice, to see all the people becoming brothers
despite of their origin, their race, their political
ideas as long as they love freedom for them and
for the others.
We would like you to accept we will also
associate to our remember all the allied nations
people, the British, the Russians, all the others.
They all were so courageous.
But without you, without America nothing would
have been possible. We will never forget.
The years have passed away and despite of this
they will never erase our memory. You will stay
for ever in our mind.
6Oe anniversaire
vocation solennelle
des Franais gazs
Hartheim
Geste indit, ambitieux, risqu peut-tre : convier
cinq cents personnes, parmi lesquelles cent cinquante lycens qui avaient rejoint dans la journe le
groupe des Franais, une crmonie scnographie, conue dans ses moindres dtails mais dont
chaque participant ne fut inform qu linstant dentrer dans lespace, et devant se drouler sans discours, sans parole autre que lappel des noms des
quatre cents six Franais dtenus Mauthausen et
assassins au chteau.
Lide est de Pierre Saint Macary et Michelle
Rousseau-Rambaud : symboliser, en plusieurs
squences, le transfert vers Hartheim des dports
de Mauthausen, leur extermination, et le temps
aprs. La prparation sest discrtement tale sur
plusieurs mois : Hubert Saint Macary, comdien (et
neveu de notre prsident dhonneur) en rglant avec
une parfaite prcision le droulement dans lespace
et la dure ; Jean-Marie Winkler apportant sa
connaissance trs exacte du chteau-mmorial et
facilitant les contacts institutionnels et techniques ;
Daniel Simon proposant les squences musicales ;
un groupe de lycens dYvett prparant, sous lautorit dun professeur de musique particulirement
10
Hartheim,
le samedi 7 mai vers 22 heures.
Mathilde, une lycenne de Haute-Normandie,
interprte au violon un extrait du Quatuor pour la fin
des temps dOlivier Messiaen. Avec cette musique
nous sortons dun long silence voquant la mort de
nos compatriotes. Mathilde nest pas seule, avec
elle ce sont plus de 150 lycens qui ont contribu
par leur prsence, leurs chants, leurs paroles la
russite des crmonies du 60e anniversaire de la
Libration de Mauthausen.
Ce qui sest pass en Autriche nest quune partie
dun vaste projet pens il y a plus dun an. Les
premiers contacts ont t pris en mai 2004 avec le
Rectorat de Rouen et les trois lyces pressentis :
Camille Saint Sans de Rouen, Thomas Corneille
de Barentin et Raymond Queneau dYvetot.
Le cadre est fix par lAmicale. Nous souhaitons une
prsence active des jeunes aux crmonies
f r a n a i ses et internationales. En retour nous
pouvons proposer une visite du camp central, du
centre dextermination dHartheim et du kommando
de Gusen. Une quinzaine denseignants ont ajout
leurs exigences pdagogiques celles de
lInspectrice dAcadmie. Tout en laissant les enseignants libres de leurs dmarches, nous convenons
que notre projet nest pas de sacraliser la
Dportation, de mme quil serait rducteur de ne
voir dans les Dports que des victimes du
nazisme. Nous souhaitons garder lesprit que
Mauthausen est aussi un symbole de rsistance.
Les enseignants sont galement conscients quil
faut accompagner psychologiquement les lves. Ils
nont pas sapproprier la souffrance des survivants
et des familles. Il faut donc leur donner les outils
pour comprendre la Dportation et dpasser le
stade de lmotion.
Ds lautomne, le projet prend de lampleur :
- Une quinzaine de jeunes germanistes, conduits
par Delphine Bour, venant dun lyce de Saint
Quentin en Yvelines, se joignent au groupe.
- Dans chaque tablissement les lves consacrent
leurs Travaux Personnels Encadrs (TPE) ltude
de questions lies la Dportation. Par exemple :
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6Oe anniversaire
remercis. La prsence des dlgations internationales, souvent dcries pour leur aspect folklorique,
a donn nos lves limage dune Europe jeune,
vivante, soucieuse de dmocratie et attache au
respect des droits de lhomme.
Nous navons modestement fait que notre travail
denseignants en donnant ces jeunes qui se sont
eux-mmes qualifis de militants quelques
outils pour tre des citoyens vigilants et responsables car, comme le dit Sophie Ernst, philosophe de
lducation, il faut peut-tre toute une vie pour
comprendre en profondeur ce que fut le nazisme,
() il est vain de croire que lcole russira porter
seule une rflexion que ses contemporains prfrent viter dans ce quelle a de plus drangeant.
Jean-Louis ROUSSEL
Les lycens venus de Normandie dposent une gerbe au pied du monument franais ; droite, Jean-Louis ROUSSEL qui a organis et coordonn
leur dplacement Mauthausen. Photos Bertrand LAUDE
6Oe anniversaire
Chers Amis,
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Madame la Ministre,
Monsieur lAmbassadeur,
Mesdames et Messieurs,
6Oe anniversaire
Nicole GUEDJ, secrtaire dtat aux Droits des victimes, lors de la crmonie au monument franais au camp de Mauthausen.
Photo Laurent LAIDET
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Au monument Espagnol.
Comme chaque anne, la France a marqu le lien
spcial quelle entretient avec les dports
espagnols : toute notre dlgation sest rendue
devant le Monument espagnol o Jean-Marie
Ginesta a pris la parole.
Une fbrilit inhabituelle rgnait. Pour la premire
fois, un Premier ministre espagnol tait prsent
Mauthausen, et cet vnement survenait alors que
venait dclater l affaire Marco [voir p.32 ], lexprsident de lAmicale espagnole ayant prcipitamment quitt lAutriche. Jos Luis Zapatero fut donc
accueilli par Rosa Toran, tandis que flottaient cte
cte, fait stupfiant, ltendard de la Rpublique
espagnole et le drapeau de lEspagne daujourdhui.
Raction.
Des insatisfactions, presque des remous dans lassistance que confirmrent ensuite bien des
conversations ! ont accueilli les propos de la
ministre. Comment mieux sen faire lcho quen
citant notre amie Gisle Guillemot ? Le fragment
ci-dessous est extrait dune chronique de ce voyage
de mai Mauthausen, quelle a donne au Patriote
Rsistant, dans son numro de juin (n788) :
6Oe anniversaire
1.- la trs profonde motion de me, de nous retrouver dans les garages o nous avons pass les
toutes premires heures de la folie de Melk.
2.- le remerciement du fond du cur, au Colonel
commandant le rgiment, de nous avoir autoriss
pntrer dans la caserne pour un tour dhorizon
prcieux pour les familles.
3.- la satisfaction de voir les jeunes gnrations
participer activement cette crmonie, comme
cela sest fait ici depuis de longues annes linitiative de la municipalit.
4.- la joie dy avoir entendu toutes les langues
dEurope, non plus dans la cacophonie du camp
mais la paix et la libert.
7 mai / Ebensee
7 mai / Hartheim
7 mai / Gusen
Ci-dessus,
dpt de gerbe
Gusen, photo
Charles HALM .
A Gauche,
intervention dun
vtran devant
Martha GAMMER,
Claude PLAZIAT,
Jean GAVARD.
Photo Henri
BOUSSEL .
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6Oe anniversaire
8 Mai / Mauthausen
Ci-dessus, gauche et
au centre, le camp
de Mauthausen le jour
de la crmonie avec
larrive des dlgations
trangres. Photos
Henri BOUSSEL .
A droite le dfil
des dlgations. Photo
Bertrand LAUDE .
La dlgation franaise
( gauche et ci-dessus droite)
et la dlgation amricaine
( droite).
Photos Charles HALM .
Le dfil des
dlgations. Photos
Bertrand LAUDE .
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6Oe anniversaire
Dans la cour de la caserne de Melk, lancien Kommando, Pierre SAINT MACARY puis Ernest VINUREL
adressent quelques mots aux participants. Photos Henri BOUSSEL ( gauche) Sophie NEYRET ( droite).
9 Mai / Melk
Ci-dessus, la chemine du crmatoire. Photo Laurent
LAIDET . Ci-dessous, devant le crmatoire et sous lil
attentif du petit-fils de Pierre SAINT MACARY, le maire de
Melk signe le livre dor. Photo Sophie NEYRET
gauche, recueillement devant la stle lentre du tunnel C (Slovnie). Ci-dessus, crmonie devant la stle
du camp Sud. A droite lemplacement du camp du Loibl Pass Sud encercl par les montagnes de Slovnie.
Photos Janine LAVEILLE
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6Oe anniversaire
Lallocution du maire, David Forstenlechner, fut traduite par Madame Waltraud Neuhauser, que nous
tenons remercier trs particulirement et
chaleureusement, pour son dvouement, sa fidlit
et son action pour la mmoire des dports franais
et espagnols morts Steyr. Nous lui exprimons
notre reconnaissance et lassurons de notre amiti
indfectible.
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Loibl Pass,
le 9 mai.
Le principe dun voyage options a, en particulier,
offert cette anne une extension vers le camp
annexe du Loibl Pass, qui devait permettre aux amis
prsents Mauthausen avec lensemble du groupe
de mieux percevoir lextension et la logique du
systme Mauthausen certains dentre eux,
qui avaient particip antrieurement un voyage
de juin au Loibl, dcouvraient Mauthausen pour la
premire fois. Cette offre (hasardeuse, en termes
dorganisation) ayant reu un cho favorable audel des perspectives les plus optimistes , cest
tout un autocar qui sen fut vers Klagenfurt. La
dlgation franaise, conduite par la Prsidente
Michelle Rousseau-Rambaud, a privilgi une
dmarche informelle, sans ngliger pour autant les
rencontres et les prises de parole, tant en Autriche
quen Slovnie. Pour retrouver deux jours plus tard
lensemble du groupe dans les avions de Munich
Pari gagn.
Toutefois, la demande pressante des organisateurs (en Carinthie et en Slovnie) des crmonies
officielles au Loibl, fixes comme chaque anne en
juin, lAmicale fut reprsente celles-ci par Daniel
Simon et Christian Tessier. Cette anne, nous nous
serons trouvs deux fois au Loibl. Ce 11 juin,
versant autrichien, en prsence de Madame Lise
Prokop, ministre autrichien de lIntrieur, Daniel Simon
a pris la parole pour expliquer la raison pour laquelle, cette anne, les Franais taient peu
nombreux, et limportance quil fallait attacher aux
crmonies de ce soixantime anniversaire. Ct
slovne, il a apport le salut chaleureux de lAmicale
franaise, voquant le continent fragile et incertain qui est le ntre, o la question des frontires
continue dtre pose, et celle dun socle de valeurs
et de projets communs.
Au Loibl, il est manifeste que les Franais sont
d e s htes privilgis, dont labsence serait
inconcevable.
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Au Loibl Pass, le tunnel creus par les dport est utilis pour
le passage de lautoroute. Photo Janine LAVEILLE
Publications de lAmicale :
Les Kommandos
LAmicale a entrepris la publication de dpliants
consacrs aux camps annexes de Mauthausen. Ils
sont destins dabord aux visiteurs individuels et
peu informs de la localisation des sites et de leur
histoire spcifique. Ils se dploient en quatre
rubriques : topographie histoire mmoire
informations pratiques.
Sont parus :
HARTHEIM. Centre dassassinat par gaz (19401944). Mmorial de l euthanasie nationalesocialiste (2003). Rdaction : Michelle RousseauRambaud, Claude Winkler-Bessone, Jean-Marie
Winkler.
EBENSEE. Camp annexe de Mauthausen. Des
tunnels pour lindustrie de guerre : le projet
Zement . Rdaction : Daniel Simon, Pierre
Jaute.
A paratre : Gusen, Loiblpass, Melk.
Les petits kommandos et autres camps
annexes feront, cest notre souhait, lobjet dun travail analogue dans la mesure des moyens de
financement.
En vente lAmicale et Mauthausen (Centre
daccueil des visiteurs).
Prix : 4 .
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6Oe anniversaire
Jean-Baptiste
NOBILET
Franois
RICHARD - Paul ROCHON - Pierre SAINT MACARY Andr VALADE - Alexandre VERNIZO - Ernest VINUREL
Thomas-Corneille de Barentin. Je souhaite vous remercier avec beaucoup de chaleur de nous avoir convis
un tel vnement.
Jai trente ans et jenseigne lhistoire depuis sept ans : jai
particip en 1999 un voyage de professeurs dhistoiregographie organis par lAmicale ; ce fut pour moi une
exprience inoubliable. En revenant avec mes lves sur
les lieux, jai pris conscience que jtais leur place :
javais eu lhonneur de dposer une gerbe sur le monument franais. En tant que trs jeune enseignant (ctait
ma premire anne), jtais considr comme faisant partie de la gnration de ceux qui doivent transmettre leur
tour. Emmener mes lves Mauthausen a donc pour
moi une rsonance toute particulire. () Je tiens vous
assurer que les lves ont t profondment touchs par
lensemble des crmonies, quils ont entendu une leon
dhistoire autant quune leon de vie. ().
Je suis papa de trois enfants et ne dispose pas de beaucoup de temps. Mais jespre, dans lavenir, pouvoir me
rendre utile lAmicale.
[Bertrand Laude]
Madame la Prsidente,
Messieurs les coordonnateurs,
() Il est fort regrettable que, dans chaque car, un dport nait pas parl pendant le trajet vers tel ou tel camp,
comme cela se passait autrefois Profitons de leur prsence ! () Lorganisation ne nous a pas permis de tout
faire. Donner trois options aux gens, cela part dun bon
sentiment, mais cest la pagaille !!!! Deux suffisent. Le
changement de car sans arrt ne permet pas de faire des
rencontres, de lier amiti, comme nous lavions fait lors
de nos prcdents voyages. () Dautre part, tous les
matins, nous attendions le car, en plein courant dair, au
moins trente minutes et sous la pluie. () Dans ce voyage, personne ntait responsable !!!! Cest pas moi, cest
lautre !!!
[Famille Morin-Beignon]
Madame, Monsieur,
Jai particip, en tant quenseignant, aux commmorations de la libration du camp avec mes lves du lyce
26
Chers Amis,
Ce voyage fait ensemble en mai Mauthausen fut non
seulement un moment dmotions intenses sur les lieux
du martyr de mon pre et de tous ses camarades. ()
Mais surtout, ce voyage aura t pour moi celui dune
grande fraternit partage, dune tolrance inespre
dans ces temps de communautarisme exacerb, toutes
valeurs que Madame Nicole Guedj a largement bafoues
lors de son discours partisan et dplac le 8 mai
Mauthausen.
Enfin, je veux saluer chaleureusement tous ceux et toutes celles qui ont particip lorganisation minutieuse de
ce voyage (transport, dplacements, hbergement et restauration) et sa russite ; pour leur gentillesse constante aussi vis--vis de tous.
Fraternellement vous tous.
[Georges Gumpel]
27
Titre
La part
article
visible des camps
Les photographies du camp
concentration de Mauthausen
de
Le doute, peut-tre la sourde inquitude des survivants de Mauthausen, est que nous ne sachions
pas quel point la photographie natteste pas le
quotidien qui fut le leur ni dailleurs, symtriquement, celui des bourreaux, voir leurs autoportraits
complaisants. En ralit, si limage exerce toujours
un pouvoir spcifique de fascination, nous
comprenons mieux quen 1945 en quoi elle est
aussi un leurre : aux clichs nazis de Mauthausen,
documents SS, nous ne demandons certes plus
aujourdhui dtablir, ni mme dillustrer lexistence
du systme concentrationnaire. Ce que montrent les
photos cache, escamote, en un sens annihile ce
quelles ne montrent pas. Contrairement certaines
ides reues, les images des camps ne sont pas
plus terrifiantes que les mots, et relvent, tout
comme eux, de la critique historique. Comme les
rcits de rescaps, elles doivent tre considres
mme celles de Mauthausen qui ont t conserves
si nombreuses pour leur extrme raret, le sort
invraisemblable au terme de quoi elles ont subsist,
tels ces papiers enfouis, tracs dune criture
moribonde, exhums a et l du sol des camps.
Fragments dcoder puis sertir, pour leur extrme
fragilit, et parce quils sont autant de grimoires.
Linvestigation des sciences humaines sollicite donc
aussi les talents du graphiste, pour la salle dexposition et pour le catalogue. Au bout du compte, nous
sommes invits non seulement voir, mais
mesurer, par limage accompagne de son appareil
textuel et scnographique, la part visible des
camps . Ce qui se nomme proprement limpact, ce
pouvoir de capter notre conscience, de crer des
affects, se sublime en un cheminement vers lintelligibilit qui en appelle toutes les dimensions de
lesprit de sorte que saccomplisse, si je puis citer
Saint-John Perse en pareille circonstance, un
agrandissement de lil aux plus hautes mers
intrieures.
Lon commence aujourdhui saisir distinctement
que la mmoire des camps outrepasse le registre de
la stricte connaissance historique pour prendre
place dans le champ global de la culture. A ce titre
minent, Monsieur le Ministre, nous sommes trs
honors et heureux de votre prsence.
Daniel SIMON
23 juin 2005
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31
Limposture
dEnric Marco
Tous ces
amis disparus
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Jean CAYROL
Jean Cayrol n Bordeaux en 1911 est mort le 10
dcembre 2004. Rsistant de la premire heure, il a
t immatricul dans le Rseau Confrrie Notre
Dame de la France Libre en janvier 1941. Jean
Cayrol fut arrt Bordeaux le 10 juin 1942, intern
sur place, puis dix mois au secret Fresnes ; il a
t dport le 25 mars 1943 Mauthausen et
transfr Gusen le 7 avril pour travailler comme
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Pablo ESCRIBANO
Pablo Escribano, fils de la Vieille Castille, de ces
hauts plateaux, svres, glacs en hiver, brlants
en t, excessifs comme tu pouvais ltre parfois.
Sur le drame de la guerre dEspagne, il tait peu
loquace mais on pouvait deviner ce quavait t le
chemin qui la conduit de son village natal la
retraite des armes rpublicaines sur lEbre.
En France, le sort commun des exils est bien connu :
des camps de la frontire Argels, Gurs et les autres
puis les compagnies de travailleurs militariss mais
sans armes, pour lui Angoulme, dans une carrire
dj, dont il gardait un bien mauvais souvenir.
Ctait, en effet, le dbut des malheurs plus graves.
Comme plus de 7000 combattants espagnols,
soldats exclus de la Convention de Genve par
larbitraire des nazis, il prend le chemin de
Mauthausen, le camp des irrcuprables.
A Mauthausen, il a quand mme la chance de rester
au camp central o la solidarit inbranlable des triangles bleus fit quil fut plucheur de pommes de
terre. Ce qui, mme avec les pieds dans leau, lui a
permis de survivre et daider les autres. Cela pendant cinq longues annes.
Libr, il se fixa en France, renonant tout jamais
lEspagne. Solitaire, il ne quittera jamais Paris et
fera chez Renault une longue carrire professionnelle, vivant modestement dans le quartier de Bercy
et de Charenton.
Devenu Franais, soutenu sans dfaillance par
lAmicale dEmile Valley, il sera dune fidlit ombrageuse cette Amicale dont il deviendra le portedrapeau.
34
Jaroslaw KRUZYNSKI
Tes preuves au camp central de Mauthausen et
Melk, nous les connaissions bien pour les avoir
vcues tes cts. Par contre, toi seul savais en
parler en vrit , avec des mots simples,
sincres et mesurs.
Comment oublier ton tmoignage aux portes du
Revier du camp central ? Les musulmann
condamns quon emmenait la piqre mortelle
passaient devant vous et vous chuchotaient :
Faites quelque chose . Et toi, fig au garde
vous, impuissant et dsespr de ne pouvoir rien
faire, riv dans le silence sans mme pouvoir prononcer un mot de compassion.
Nous sommes tous, professeurs et dports, rests
glacs dhorreur et tremblant dans le silence qui a
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Jean LAFFITTE
Homme de grand cur et de loyaut, militant
communiste et antifasciste ds 1933, prisonnier en
juin 1940, vad en dcembre, FTP en 1941,
responsable du groupe Valmy , il participe
un sabotage, parmi dautres, contre le cinma
Rex Paris, alors lieu de distraction des autorits
doccupation. Arrt en mai 1942, intern
Romainville, il est remis la Gestapo et transfr
vers une destination inconnue : Mauthausen, mars
1943, convoi des 25000 . En quarantaine au
block 16, celui des cobayes. Puis la Carrire.
Contacte les camarades espagnols, et, leur exemple, travaille la solidarit car lisolement est mortel. Mars 1944 : Ebensee.
Les coups, la famine, les humiliations, lpuisement
au travail, la salet, la pluie, le froid, la neige dans
ces montagne, les poux et les terribles maladies
contagieuses narriveront pas branler la personnalit et la dignit de Jean. Homme de sagesse, il
organise la rsistance intrieure raliser des
sabotages, prendre les postes responsabilit,
mettre sur pied une organisation internationale clandestine. Le 6 mai 1945, Jean est lu chef du camp
libr, par toutes les nationalits, et coordonne toutes les activits, avec diplomatie, humanit, intelligence et fraternit.
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Pierre LAIDET
O tait Dieu Mauthausen ? Dans le cur des
hommes comme Pierre.
Il a parl sans haine ces jeunes de Moissac, et
pourtant il a t, laube de ses vingt ans, victime
de cette entreprise satanique de dshumanisation,
de destruction systmatique de lhomme. Les
bourreaux finissaient par considrer les prisonniers
non plus comme des tres humains mais comme
des choses, des objets, et alors ils tapaient dessus,
sans mauvaise conscience, comme on donne sans
remords un coup de pied dans une vieille ferraille
cabosse et rouille Et cet escalier de pierre aux
marches disproportionnes o il fallait monter de
lourdes charges sous les coups et les insultes,
comme version sadique du mythe de Sisyphe !...()
Non, la foi nest pas lvidence. Si ctait vident, si
a sautait aux yeux, nous serions obligs de croire.
On ne croit que ce que lon ne voit pas. Si ctait
vident, ceux qui nont pas la foi seraient de
mauvaise foi, les incroyants seraient coupables !
Comme les ngationnistes contre lesquels Pierre
sest tellement mobilis, qui osent nier la ralit, nier
lvidence, et qui font des jeux de mots plus que
douteux sur les fours crmatoires.
A lannonce dune mauvaise nouvelle, il peut nous
arriver de dire Cest pas vrai !, non pas pour mettre
un doute mais pour manifester un tonnement.
Ceux qui ont libr les camps nen croyaient pas
leurs yeux, devant tant dhorreur. Et on a envie de
dire Ce nest pas possible ! devant le drame terrible
de la solution finale perptre de faon
diabolique contre les Juifs, les rsistants, les
Tziganes, les homosexuels. Il y a l quelque chose
de rellement satanique ! Il est peut-tre difficile de
croire en Dieu ; il est toujours difficile de croire en
lhomme ()
35
Histoires :
La peur au camp (suite)
Ernest VINUREL
Le Christianisme est le plus beau des human i s m e s : il nous dit que tout homme est une
histoire sacre (). La prire de lEglise est fort
belle, mais une expression me fait difficult : Dieu
tout-puissant Si Dieu peut tout faire, il navait
qu arrter le tsunami et empcher la Shoah, sinon
nous sommes en droit de laccuser de nonassistance personne en danger , nous pourrions
accuser la divinit de crime contre lhumanit .
Jean MANSCHING
Cest la tristesse de lAmicale tout entire que je
porte en moi. Aucun mot ne saurait dire ce que tu
reprsentais pour nous les jeunes - cest ainsi
que nous appelais avec malice et tendresse.
Ne te plaignant jamais de ce combat contre la maladie, qui tait un incroyable dfi la vie, tu tais toujours tonique et prsent, sans jamais timposer. Tu
nous as fait confiance immdiatement et pleinement
dans cette folle entreprise qui est la ntre de vouloir
porter haut et longtemps limage de lAmicale de
Mauthausen. Ta relation notre gard tait faite de
rigueur mais de comprhension, desprit critique
mais de bienveillance. Tu avais bien senti, ds le
dpart, que notre souhait tait non de vous remplacer au sein de lAmicale, mais de vous entourer, de
faire vivre avec vous, toutes gnrations confondues, ce message de tolrance et de vigilance quinlassablement vous avez transmis depuis bientt
soixante ans.
[Michelle Rousseau-Rambaud]
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dernier message.
D.S.
Livres, film,
Nul ne sen tonnera : de trs nombreuses parutions marquent lanne du soixantime anniversaire
de la libration des camps. On trouvera ci-dessous
une liste non exhaustive de celles qui ont quelque
motif de nous concerner de plus prs. Nous reviendrons dans le prochain numro du Bulletin sur certains des livres mentionns.
Rcits et tmoignages
Pierre DAIX, Brviaire pour Mauthausen. 150 p.
Gallimard. 14,50 .
Caroline LANGLOIS et Michel REYNAUD, Elles et
Eux et la dportation. 447 p. Tirsias. 24 . -31
tmoignages (sur Mauthausen : Pierre Saint
Macary, Serge Choumoff, Marie-Jos Chombart de
Lauwe, Gisle Guillemot, Lise London).
Les derniers jours de la dportation. Collection
Rsistance-Libert-Mmoire. Ed. Le Flin. 14,90 .
Il sagit dune publication de larges extraits de la
srie dentretiens diffuss par France-Culture en
janvier dernier (de Mauthausen : Marie-Jos
Chombart de Lauwe, Pierre Saint Macary, Serge
Choumoff, Ernest Vinurel).
Pierre et Vronique SALOU OLIVARES, Les
Rpublicains espagnols dans le camp de concentration nazi de Mauthausen. / Los Republicanos
espanoles en el Campo de concentracion nazi de
Mauthausen. Le devoir collectif de survivre / El
deber colectivo de sobrevivir. Prface de Michel
Reynaud. Bilingue. 875 p. Tirsias. 36 .
Etudes historiques
La part visible des camps. Les photographies du
camp de concentration de Mauthausen. Catalogue
de lExposition [voir p. 28]. Edition bilingue (francoespagnole). 220 p. ; 280 images et lintgralit des
textes de lexposition. Tirsias. 24,90 .
MAUTHAUSEN / 302
Film
Patrick ROTMAN, Les survivants. Film diffus le
18 avril sur FR3. DVD (comportant 40mn dentretiens supplmentaires), FR3 Editions.
Je viens de revoir le film, manifestation mdiatique
majeure mais unique marquant le 60e anniversaire
de la libration des camps. Mauthausen y est
voqu trs brivement et sans erreur quant la
libration mais presque ironiquement pour ce qui
est des cinastes amricains. Ce quoi les
dports librs ne pouvaient videmment rien. Le
film est de qualit mais, comme le plus souvent, partial et polaris. Est-ce fatal ? Faut-il se rsoudre
ce que ce soit la loi du genre ? Y aurait-il des alternatives ?
Certes, on ne peut pas plus reconstituer la vie
concentrationnaire ordinaire que la solution
finale. Mais on devrait pouvoir lvoquer, faire
percevoir des ambiances vridiques, faire ressentir
lcoulement du temps, les morts chelonnes, la
brutalit de la vie quotidienne, la faim permanente,
le danger immanent, le poids du travail sans rpit,
tous lments dficitaires sinon absents dans Les
Survivants. Comment faire ? Peut-tre en purant
svrement liconographie (pas exclusivement
photographique) et en labstraitisant (style
Chirico), en recueillant les tmoignages in situ plutt
quen studio, en utilisant pour les commentaires des
citations des grandes uvres littraires et en ne
sollicitant que de faon trs mesure le tragique
individuel des gros plans sur des visages burins ou
lgitimement submergs par lmotion (car le mlodramatique est alors dangereusement proche).
Les places dappel, les tunnels, les carrires, les
femmes atteles au rouleau de Ravensbrck, les
ddales de chlits, la neige, le dimanche de repos,
le gummi, les Prominenten casquettes noires, les
musulmann il y a de la matire.
Sujet dun grand change de vues entre praticiens
de laudiovisuel et les dportsTant quil en reste.
[Pierre Saint Macary]
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Vie de lAmicale
Le 5 mai lArc de Triomphe de lEtoile
Jtais Paris ce jour-l. Il avait donc t dcid que
je reprsenterais lAmicale la crmonie du
Souvenir et porterais notre drapeau.
Je fus accueilli chaleureusement et notre Amicale
eut droit tous les honneurs. Elle fut salue
en priorit par les gardiens de la Flamme et le
Gnral qui officiait ce jour-l. Il sadressa la foule,
trs nombreuse autour de nous, pour dire qui nous
reprsentions, ce que signifiait notre prsence en
ces lieux et que les Dports rescaps taient
Mauthausen pour clbrer le 60e anniversaire le la
libration du camp.
En fin de crmonie, il me demanda dexprimer aux
anciens de Mauthausen quil tait de tout cur avec
eux et prs deux et quil leur adressait les marques
de sa profonde sympathie.
Je transmets donc ses aimables paroles dont, je lai,
en notre nom, vivement remerci.
Jacques PEYRAT
Carnet de lAmicale
N O S
P E I N E S
MAUTHAUSEN / 302
Q U I
C O N N U
Amicale de MAUTHAUSEN
31, Boulevard Saint-Germain
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Tl 01 43 26 54 51
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Responsable de la publication : Daniel
Simon - Rdaction : Jean Gavard,
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