Comptes rendus des sances de

l'Acadmie des Inscriptions et

Belles-Lettres

Cits anciennes de Mauritanie : Tichite et Oualata

Madame Jacques Meuni

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Meuni Jacques. Cits anciennes de Mauritanie : Tichite et Oualata. In: Comptes rendus des sances de l'Acadmie des
Inscriptions et Belles-Lettres, 98 anne, N. 2, 1954. pp. 217-226;

doi : 10.3406/crai.1954.10273

http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1954_num_98_2_10273

Document gnr le 04/06/2016

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COMMUNICATIONS

CITS ANCIENNES DE MAURITANIE : TICHITE ET OUALATA,,

PAR Mme JACQUES-MEUNI.

En Mauritanie mridionale, quelques villages ont conserv des

traditions d'architecture particulires1, ils sont situs dans la
province du Tagante et dans celle du Hodh, la lisire du monde noir,
dans une rgion aujourd'hui dsertique ; ces villages sont espacs
sur une distance de sept cents kilomtres environ. Cinq villages dans
le Tagante dont Tichite tait autrefois la capitale, deux villages dans
le Hodh o se trouve Oualata qui jusqu' une poque rcente eut
une renomme prestigieuse.
Le Sahel mauritanien o se voient ces cits, jadis prospres, est
maintenant pauvre et dsol. L'on a peine imaginer leur
animation et leur abondance passes alors qu'elles taient des cits cara-
vanires rputes, sur l'une des principales routes sahariennes,
route qui ne cessa d'tre frquente depuis le haut moyen ge
jusqu' nos jours. Voie peut-tre la plus clbre par laquelle se faisaient
les changes commerciaux, de la Mditerrane et de l'Afrique du
Nord avec le Soudan, elle passait par Sijilmassa et le Dra,
contournait le dsert l'Ouest par les salines d'Ijjil et l'Adrar, atteignait
le Tagante, Tichite et Oualata, allant mme jusqu' Tombouctou
et Gao. Par cette voie s'changeaient le sel du Sahara contre l'or du
Soudan, et aussi les esclaves ; Oualata se trouvait en outre sur le
chemin suivi par les plerins d'Afrique occidentale se rendant la
Mekke. Reste longtemps un centre de culture islamique renomm,
Oualata semble tout prs de s'teindre dans l'infini du dsert.
Le Tagante et le Hodh ont des architectures trs diffrentes, bien
que leurs anciennes capitales Tichite et Oualata ne soient
loignes que de trois cents kilomtres vol d'oiseau. Toutes deux
sont bties en pierre mais seuls les plans des constructions se
ressemblent tandis que les techniques et l'ornementation diffrent. Ces
dissemblances architecturales entre Tichite et Oualata pourraient
rsulter du fait que ces cits anciennes ont pu appartenir des
mouvances diffrentes, Tichite tant relie l'Atlantique et au Maroc
par l'Adrar tandis que Oualata appartenait plutt au Soudan,
Tombouctou et Gao.
Les origines anciennes des dcors architecturaux de Tichite et de
Oualata sont difficiles discerner aujourd'hui en raison de l'absence
ou de la raret de termes de comparaison connus, il semble toutefois
que ces dcors aient l'un et l'autre une ascendance mditerranenne
1. La documentation concernant cette tude a t rassemble au cours d'une mission
confie par l'Institut des Hautes tudes Marocaines en 1947-1948.
218 COMPTES RENDUS DE L'ACADMIE DES INSCRIPTIONS

proche ou lointaine ainsi que certains lments le laissent

entrevoir.
Architecture du Tagante. Dans le Tagante occidental, les
demeures ont un caractre rural : elles sont vastes, avec de grandes
cours ; elles n'ont qu'un rez-de-chausse, parfois une pice de premier
tage dans un angle. La plupart de ces demeures sont en ruines
aujourd'hui, celles qui subsistent ne servent plus que d'entrept
aux nomades ; ceux-ci rpugnent habiter dans des maisons, ils
prfrent planter leur tente dans la cour, ou mieux encore
l'extrieur du village.
Les demeures taient difies sur deux types de plans. L'un
montre une grande salle, six piliers maonns, autour de laquelle
taient disposs les magasins et greniers. Le long de la cour
principale se trouvent des dpendances pour les domestiques et pour les
htes. La cour n'a qu'une seule porte ouvrant sur l'extrieur. Une
courette pour le btail est accole la grande cour.
Un autre type de plan, caractristique lui aussi, comprend deux
cours : l'une de service, l'autre d'habitation. La premire cour abrite
les dpendances et les latrines. Le logis d'habitation se trouve dans
la deuxime cour, il comprend deux ou trois pices longues,
juxtaposes et parallles. La premire pice sert l'habitation et
commande les autres : magasin et grenier. Cette disposition particulire
se retrouve dans tout le Tagante et aussi dans le Hodh.
Les faades sur la cour sont creuses de niches et ornes de grands
motifs gomtriques forms d'alvoles triangulaires, rserves en
creux dans le mur. Ces alvoles sont formes par de petites pierres
plates, dessinant des zigzags horizontaux, leur bord antrieur est
align sur le nu du mur. Les lignes de zigzags superposes sont
spares par une file horizontale de pierres plates. Ces motifs sont
toujours aveugles. Il existe aussi des dcors en feuilles de fougre
ou arte de poisson ornements qui ne se voient qu'au Tagante
occidental et ne se rencontrent pas Tichite (fig. 1).
Tous les murs sont construits en pierres grossirement quarries,
lies par un mortier de terre ; ils sont dpourvus d'enduit. Les
linteaux sont en pierre, tant ceux des portes que ceux des niches.
Les mosques de Qasr el-Barka et de Rachid sont construites
selon le mme procd, avec de gros piliers ; elles ont une grande
cour sur un ct de l'oratoire. Le minaret de la premire est dtruit,
la seconde parat n'en avoir jamais eu. Les portes de
l'oratoire ont des votes triangulaires, formes de deux dalles obliques ;
elles sont surmontes de zigzags et de feuilles de fougre d'une
excution malhabile. Le plafond est presque entirement effondr,
il tait support par des piliers en pierre, carrs et trapus, dont
 CITS ANCIENNES DE MAURITANIE : TICHITE ET OUALATA

quelques-uns ont un dcor sommaire de niches et de triangles. La

charpente est en bois de palmier.
Le type des constructions de Tijikja forme la transition entre celui
du Tagante occidental et celui de Tichite, les demeures y sont dj
moins tendues. Toujours deux cours : l'une de service, l'autre
d'habitation. L'entre se fait par un vestibule couvert dont les portes

Fig. 1. Dcor architectural Qasr el-Barka

dans le Tagante occidental.

sont en chicane, et le passage entre les deux cours est, lui aussi,
un vestibule couvert que l'on traverse dans le sens de la largeur.
Ce parti est commun Tichite et Oualata.
A Tichite, les plans sont plus exigus, les maisons plus citadines,
habituellement ramasses entre des ruelles troites. A la lisire du
village, certaines maisons paraissent fortifies mais la grosse tour
qui leur est souvent accole a t difie l, davantage pour carter
du logis la cuisine et les latrines que pour en assurer la dfense.
220 COMPTES RENDUS DE L' ACADMIE DES INSCRIPTIONS

Dans les maisons les plus rcentes, cette excroissance est devenue
une courette de service, possdant sa propre entre, ce qui vite les
alles et venues domestiques travers la cour d'habitation. Maisons
anciennes et maisons rcentes ont ici aussi trois pices juxtaposes
et parallles, la pice d'habitation commandant l'accs du
magasin et du grenier. Les portes sur la rue sont parfois surmontes d'un
fronton triangulaire, sorte d'arc lambrequins, dont le tympan
est orn d'alvoles. La construction est soigne, certaines parties
de muraille sont courbes. Il existe un dcor de pierre de couleur
pierre verte qui vient rompre l'unit des faades en pierre
blanche. Cette pierre verte peut tre dbite en dalles longues, son
emploi en chanages renforce les murs, elle est employe pour les
linteaux et les seuils et .forme aussi les corbeaux des votes ainsi
que certains lments des tympans. Sur la cour, la faade du logis
est dcore elle aussi. Bien que l'anciennet relative des
constructions soit difficile tablir, il semble que les faades les plus anciennes
soient ornes de trois tympans : l'un central assez grand, flanqu de
deux plus petits. La pierre verte n'entrait sans doute pas dans la
composition de ces dcors plus anciens, et les seuils, linteaux et
corniches taient en pierre blanche, comme le reste de la
construction. Au contraire, l'emploi de la pierre verte est trs rpandu sur
les murs de constructions paraissant plus modernes, le dcor des
faades au moyen de dalles vertes semble mme tendre vincer
le dcor en alvoles soit que ce dernier soit devenu trop coteux,
soit qu'il n'y ait plus d'artisans assez habiles pour l'excuter.
La mosque de Tichite est assez diffrente des autres mosques
du Sahel mauritanien : l'oratoire est un carr presque rgulier, le
minaret assez lev est isol dans la cour. La premire construction
du minaret qui soit consigne par la chronique est de 1842,
reconstruit en 1908, il aurait t bti nouveau en 1946. Au cours de ces
reconstructions successives, le couronnement du minaret s'est
modifi, il a perdu ses merlons d'angles, seule la terminaison du
noyau axial de l'escalier dpasse encore le niveau de la terrasse.

Architecture du Hodh. Trois cents kilomtres de dsert sparent

Tichite de Oualata. Celle-ci tait anciennement btie au flanc de la
falaise ; depuis que la scurit rgne sur le pays, la ville haute est
abandonne peu peu et tombe en dcadence. Les quartiers de la
ville encore habits aujourd'hui sont situs au pied de la falaise.
Les maisons de Oualata ont l'aspect urbain, elles sont austres au
dehors n'ayant que peu d'ouvertures. Les murs en moellons de
pierre noys dans du mortier de terre sont couverts d'un enduit de
terre rougetre ; le long des faades se trouvent de larges
banquettes maonnes o les hommes viennent s'entretenir. Les portes
 CITS ANCIENNES DE MAURITANIE : TICHITE ET OUALATA 22fi

donnant sur la rue ont un solide vantail trois traverses de bois,

orn de larges clous auroles mtalliques, un gros anneau sert
de heurtoir. Cette porte ouvre sur la cour d'habitation par un
vestibule.
Le type des plans de Oualata est presque le mme que celui de
Tichite : cour d'habitation, cour de service. Sur la premire cour
s'ouvre la pice d'habitation qui commande l'accs aux magasins.
Certains logis comprennent trois pices juxtaposes et parallles,
d'autres ont une grande salle deux piliers. Dans la cour de service
se trouvent runis la cuisine, les latrines, le bercail.
Les faades des cours sont enduites de crpi rougetre ; dans les
demeures les mieux entretenues, elles sont ornes d'un dcor
luxuriant dcor dispos surtout autour des portes. On en distingue
deux types principaux : d'une part un large dcor en bas-relief,
peint en blanc sur le fond rouge du mur, d'autre part, un dcor
plus fin peint en rouge sur fond blanc. Souvent, une niche et une
pierre d'ablution encastre dans le mur se trouvent de chaque ct
de la porte. Tous ces dcors doivent tre repeints chaque anne
car les pluies annuelles les dlavent (fig. 2). La porte des pices
d'habitation sur la cour n'a qu'un seul vantail comme la porte de
la rue, vantail orn lui aussi de clous dcoratifs collerettes
mtalliques. Les portes sur la cour n'ont que deux traverses de bois, au
lieu de trois sur la rue. L'encadrement de la porte prsente une ou
deux ranges de cavits sur la raison d'tre desquelles aucune
explication valable n'a pu tre recueillie.
Les mosques du Tagante et du Hodh ont entr elles une certaine
ressemblance : les oratoires sont longs et troits, les piliers sont
presque toujours carrs, une grande cour s'tend sur un ct de
l'oratoire : s'il existe un minaret, il est peu lev. La mosque de
Oualata est la plus grande, elle est construite comme les maisons,
en moellons noys dans du mortier de terre, et un enduit recouvre
les murs. On dit que la mosque est trs ancienne, qu'elle a t btie
par le fils d'Oqba ben Nafi, donc vers le dbut du vme sicle. Il est
vraisemblable toutefois que la premire mosque a disparu, l'difice
actuel parat avoir t construit vers 1914, la mosque s'tant alors
croule au cours d'un orage. Le minaret ne surmonte pas la
mosque, il se trouve quelque distance dans la cour, minaret bas,
couronn par un double encorbellement et quatre merlons d'angles,
l'escalier aboutit sous un lanternon. L'tat actuel de ce minaret est
celui d'une recontruction assez rcente. Sur la cour de la mosque,
deux baies ont la forme d'un arc surbaiss, outrepass ; l'oratoire
lui-mme n'a pas de votes mais un plafond sur poutres de bois. La
mosque est assige par le sable et il faut sans cesse la dgager.
La mosque de Nma est du mme type que celle de Oualata,
222 COMPTES RENDUS : DE L' ACADMIE DES INSCRIPTIONS

mais elle a deux oratoires, le plus troit sert, dit-on, en t et le

plus large en hiver ; l, les toitures sont supportes par des votes
rudimentaires.
Influences architecturales. Les origines anciennes des
architectures de Tichite et de Oualata posent des problmes difficiles

Fig. 2. Dcor architectural Oualata dans le Hodh.

rsoudre. Il est vraisemblable que ces architectures et leurs dcors

particuliers ne sont pas le fruit d'un art local mais qu'ils reproduisent
des techniques mditerranennes dont les modles anciens sont
perdus. Parmi les faits pouvant justifier cette hypothse sont les
suivants. D'une part, Tichite et Oualata ont t peuples par des
Noirs, et par des nomades : or, jusqu' une poque rcente, les Noirs
n'ont eu pour habitations que des paillotes, et les nomades que des
tentes. D'autre part, certains lments caractristiques des dcors
 CITS ANCIENNES- DE MAURITANIE ; TICHITE ET OUALATA 223

de Mauritanie se laissent rapprocher d'arts mditerranens anciens.

Il convient, semble-t-il, d'examiner des influences diffrentes pour
Tichite et pour Oualata influences qui ont pu s'exercer plusieurs
sicles d'cart.
a) Dcors de Oualata. En ce qui a trait Oualata, il semble que
son dcor extravagant drive d'un entrelacs classique, tels ceux
que l'art musulman a rpts. En effet, sur le ct d'une porte
relativement ancienne, un bandeau vertical nous a permis de reconnatre
un dessin d'entrelacs, entrelacs avec alternance de sections recti
lignes et curvilignes. Le trac de cette figure est analogue celui
d'un entrelacs qui a t rvl en 1952 par les fouilles de Marrakech
dans la forteresse d'Ibn Tachfine l'Almoravide entrelacs deux
brins qui faisait partie d'un lambris peint en rouge sur fond blanc,
sur les murs qui entouraient un bassin. Ces peintures datent du
dbut du xiie sicle ; en Espagne, des peintures comparables
retrouves Almria dateraient de la mme poque.
Des maisons de Oualata plus rcentes montrent des bandeaux
d'entrelacs trs altrs, la diversit de leurs tats illustre l'volution
dcadente de l'entrelacs originel, jusqu' ce que subsiste seul le
contour extrieur de ce qui fut un entrelacs figure nouvelle o
rien ne permet plus de reconnatre un entrelacs, mme dchu (fig. 3).
Quant aux rosaces qui ornent les parois des murs et le dessus des
portes, nous n'avons pu tablir une volution aussi positive ; elles
paraissent drives de rosaces quadrilobes familires l'art
musulman tant sur les lambris almoravides de Marrakech qu'ailleurs,
principalement sur les sites du xne sicle. A Oualata, ces rosaces
sont l'lment de base dont drive toute l'ornementation, notamment
la dcoration intrieure des pices rosaces qui peuvent tre entires
ou coupes par la moiti, ou mme par bandes. La juxtaposition
de ces dernires forme le jeu de fond des lambris l'intrieur des
pices lambris peints en rouge sur crpi blanc. De grands motifs
poss au-dessus du lambris tendent reproduire la moiti suprieure
d'une rosace.
Une disposition frquente Oualata est celle des motifs qui
accompagnent la porte de chaque ct : c'est--dire deux niches et
deux pierres ablution. Cette disposition peut rappeler un schme
tripartite de l'art musulman, celui de la porte Saint-tienne la
mosque de Cordoue, porte du ixe sicle. M. Henri Terrasse a dit
de ce schme qu'il tait d'origine syrienne et qu'il fut appliqu avec
rigueur dans l'art omeyade.
En rsum : les dcors de Oualata paraissent pouvoir tre issus
de l'art musulman. Les termes de comparaison qui nous sont connus
se trouvent d'une part au Maroc (xne sicle, poque almoravide),
d'autre part en Espagne (mme poque en ce qui a trait l'entre-
Fio, 3. Dcors de Oualata : l'volution du bandeau d'entrelacs. La figure A reproduit un
du xme sicle. Les autres figures reproduisent divers bandeaux de Oualata dont
 CITS ANCIENNES DE MAURITANIE t TICHITE ET OUALATA 225

lacs). Il peut n'y avoir l que des concidences et nul autre

tmoignage ne permet actuellement ni de prciser si l'art de Oualata est
un reflet de l'art almoravide et un vestige de la domination sanhaja
ni de lui assigner une autre origine.
b) Dcors de Tichite. En ce qui a trait aux dcors de pierre du
Tagante que nous avons prsents au dbut de cet expos,
l'influence dont ils pourraient driver, nous envisageons une toute
autre ventualit.
Ces dcors de pierre qui ornent les faades du Tagante sont
aujourd'hui du moins tout fait trangers au Hodh et Oualata.
Ils sont aussi presque inexistants au Maroc o nous ne connaissons
que de trs rares exemples d'alvoles et feuilles de fougre. Par
contre, il existe en Rhodsie du Sud des ruines dont les dcors ont
t rapprochs de ceux de Tichite par M. Thodore Monod ; ces
ruines qui ne seraient pas antrieures au Moyen Age prsentent des
feuilles de fougre et quelques dcors d'alvoles. Des dcors analogues
ont t retrouvs aussi en Angola. D'autre part, en Europe, au
Portugal, nous avons not quelques exemples de dcors d'alvoles.
Des indications aussi fragmentaires ne permettent pas d'attribuer
avec certitude un lieu d'origine aux dcors du Tagante. Cependant,
nous remarquons le fait suivant : le Tagante, la Rhodsie du Sud
et l'Angola sont des rgions connues pour avoir exploit l'or ou en
avoir fait le commerce. La Rhodsie et l'Angola ont t sinon
colonises par les Portugais, du moins en relations suivies avec eux
dans la deuxime moiti du xve sicle, tout le xvie, et quant la
Rhodsie pendant la premire moiti du xvne. En ce qui concerne
le Tagante, on sait que les Portugais s'taient tablis dans l'le
d'Arguin vers 1444, Arguin tant bien place pour dtourner le
commerce du Soudan qui passait vers le Maroc travers le Sahara.
N'y a-t-il l aussi qu'une concidence, ou faut-il voir dans la
prsence portugaise en Afrique la raison de ces analogies entre les dcors
de pierre du Tagante, de l'Angola et de la Rhodsie ? C'est ce que
nos recherches s'appliquent maintenant lucider.

M. William Marais a remarqu que cette civilisation de la pierre

montre parfois des piliers circulaires maonns ; mais pas de colonnes.
Il a relev qu' Oualata le minaret conserve le mme plan son
sommet qu' sa base, tandis qu'ailleurs le minaret se rtrcit en
plan dans le haut. Il approuve l'analyse qui vient d'tre faite du
dcor qu'on retrouve Marrakech.
M. Georges Marais souligne la nettet et le soin apport cette
communication. Il reconnat que la question des origines n'est pas
226 COMPTES RENDUS DE L' ACADMIE DES INSCRIPTIONS -:

claire. Pour lui, les mosques dont il s'agit seraient rapprocher

des nefs transversales du type de la mosque de Fez. Quant aux
maisons, il a remarqu certaines diffrences entre les maisons de
caractre rural et de caractre urbain. Celles-l possdent une grande cour
et une autre plus restreinte, celles-ci n'en ont qu'une ; de plus les
entres des maisons rurales sont droites et celles des maisons urbaines
chicanes.
Mme Meuni pense que l'influence de Medine, de Damas et du
Caire se fait sentir pour les mosques et que le type des maisons
rurales est plus rcent.
M. Charles Picard demande comment peut s'expliquer la
prsence de ces triangles de dcharge qu'on retrouve en Orient.
Mme Meuni rappelle qu'on les trouve en briques crues dans le
Sud marocain, mais qu' son avis ces arcs ont plutt un rle
ornemental.

UNE QOUBBA ALMORAVIDE A MARRAKECH,

PAR M. JACQUES MEUNI.

Le 2 juin 1950, M. Georges Marais prsentait ici mme une coin*

munication sur les Dcouvertes archologiques Marrakech .
M. Henri Terrasse y signalait une qoubba almoravide situe auprs
de la mosque Ben Youssef. L'actuelle mosque Ben Youssef s'lve
sur l'emplacement de la premire grande mosque difie par 'Ali
ben Yousof, au dbut du xne sicle. Cette premire
mosque-cathdrale almoravide devait tre sensiblement plus grande que la
mosque actuelle ; la base de son minaret a t dgage par M. Allain,
en 1950 ; elle mesure 10 mtres de ct. Construite en grandes
pierres du Guliz, elle annonce le minaret almohade de la Koutou-
biya ; mais elle prsente un double dpart d'escalier qui l'apparente
au minaret de la grande mosque de Cordoue.
La situation des restes du minaret nous permet d'imaginer
l'orientation et les dimensions de la mosque primitive : le terrain livr
nos investigations avait d se trouver en bordure de l'ancienne
faade latrale Sud. Les travaux de dgagement entrepris par la
Municipalit ont permis mon ami Charles Allain, puis moi-mme,
d'effectuer des fouilles compltes. Tout un ensemble de constructions
a t retrouv : vot*
un rservoir rectangulaire, qui fut plus tard en citerne,
alimentait une vaste fontaine-abreuvoir garnie d'auges sur trois ct ;
la qoubba qui nous occupe en tait toute voisine vers le Sud-Ouest ;
un hammam a exist anciennement, sous le hammam moderne,
situ au Sud. Ces constructions, toutes associes l'adduction de