Manuel Cooperation Steiner
Manuel Cooperation Steiner
Manuel Cooperation Steiner
Manuel de coopration
1979
Le parti pris de cette dition est donc de prsenter ce texte sans chercher
gommer les quelques passages dats , sans tenter une quelconque et laborieuse
mise jour : nous le livrons tel qu'il ft publi il y a plus de vingt ans aux tats Unis.
Ainsi, ce que Claude Steiner dit en S'appuyant sur des exemples tirs de la vie en
communaut, est-ce que cela ne reste pas d'une formidable actualit quand on se
proccupe de la qualit de la coopration dans toutes sortes de groupes, de la famille
l'entreprise en passant par les associations ou la vie quartier et de voisinage?
C'est ce titre que l'dition franaise de ce texte prsente des enjeux trs
actuels.
L'diteur
L'individualisme
L'individualisme donne aux gens l'impression que lorsqu'ils mnent quelque chose
bien, c'est tout seuls et sans l'aide de personne, et que lorsqu'ils chouent, c'est,
encore une fois, tout seuls et sans l'influence des autres. Croire en la valeur de
l'individualisme empche de comprendre l'influence, positive ou ngative, qu'on exerce
les uns sur les autres. Le rsultat de l'individualisme, c'est que les tres humains sont isols
les uns des autres et ne peuvent pas se regrouper pour s'organiser contre les forces
oppressives bien structures qui les exploitent. A cause de leur individualisme, les gens
sont facilement influenables et deviennent une cible facile lorsqu'ils dvient, ou
commencent remdier leur oppression individuellement, sans le soutien d'autrui. En
fin de compte, l'individualisme empche les gens de communiquer entre eux, alors
mme qu'ils deviennent de plus en plus conscients de leur oppression ; les soupons
lgitimes qu'ils ont l'gard de leur gouvernement, de leur employeur, de leur clerg, de
leurs ducateurs et de leurs fonctionnaires ne sont pas reconnus. Livr lui-mme et
conscient d'une oppression aussi subtile qu'vidente, l'individu risque de perdre l'esprit ;
les gens sont rduits l'alination, chaque individu enferm dans son systme, lui ou
elle, impuissant et paranode.
Les jeux de pouvoir peuvent tre brutaux et impliquer une relle coercition
physique. Ils peuvent aussi se jouer par une pression mutuelle subtile, verbale ou
mentale, que les gens vont exercer, pour obtenir ce qu'ils veulent.
Coopration
Comment alors, allons-nous, nous qui vivons dans une socit d'abondance,
bnficier de cette abondance et la rpartir quitablement entre tous ceux qui la
mritent ? Rponse : par la coopration. La coopration est un mode de relations
interpersonnelles bases sur l'hypothse que la pnurie n'existe pas en ce qui concerne
ce dont nous avons besoin (nourriture, signes de reconnaissance, protection, espace)
et que tout le monde a un droit gal la satisfaction de ces besoins.
Coopration et famille
Etre, vivre ou travailler avec d'autres, ncessite une certaine comprhension et
des rgles pour grer ces relations. Le modle relationnel le plus accessible est celui de
la famille. Donc, lorsque les gens sont en relation dans un groupe, l'hypothse
immdiate est que les mmes rgles qui s'appliquaient dans leur famille d'origine,
s'appliquent ou devraient s'appliquer dans leurs relations actuelles.
Il n'est pas rare que les gens dcrivent leur lieu de travail, leur foyer ou leur groupe
de thrapie comme une grande famille, et en gnral on voit cela comme un
compliment. Quand on dit qu'un groupe est "une famille", on veut gnralement dire
que dans ce groupe les gens s'aiment, qu'ils travaillent bien ensemble et qu'ils ont un
but commun. Il peut y avoir d'autres aspects dans un groupe qui se comporte comme
une famille, qui ne sont peut-tre pas aussi souhaitables que ceux que nous venons de
mentionner. Par exemple, le groupe peut tre domin par un homme qui se comporte
comme un pre bienveillant. Bien que son attitude soit, la plupart du temps, juste et
quitable, long terme, ce n'est pas ncessairement quelque chose que les gens
apprcient.
Il va de soi pour la plupart des gens, qu'en priode de stress, il est bon et mme
souhaitable que quelqu'un, un homme fort de prfrence, prenne le pouvoir et guide
le groupe pour prendre les dcisions ncessaires. Ds que nous sommes capables de
comprendre les histoires qu'on nous raconte pour nous endormir ou que nous regardons
la tlvision, on commence nous montrer des situations d'urgence o un homme
prend le pouvoir et conduit les autres en scurit.
Cet homme en gnral s'est vu assigner cette position de leader par une
convention pralable, comme dans l'arme o chaque fois qu'un chef tombe,
quelqu'un d'autre, dj dsign, le remplace. Mais parfois, quelqu'un prend la tte
d'un groupe en vertu de ses "capacits suprieures tre leader". Ces capacits de
leader sont vaguement dfinies mais on peut supposer qu'elles sont surtout reconnues
par le reste du groupe lorsque le leader en fait la preuve, en prenant les dcisions les
meilleures "dans le feu de l'action".
Nanmoins, le fait est que celui qui devient habituellement leader dans le feu de
l'action, sauf s'il a t dsign d'avance, se trouve tre justement le plus ambitieux, le
plus puissant, celui qui sait le mieux contrler les autres.
Il existe toutefois dans les groupes, des manires de faire accordant chaque
membre des droits gaux, tout en partageant et en optimisant le potentiel du groupe
au bnfice de chacun, galit. Dans ces groupes, il n'est pas ncessaire de
renoncer son intimit ni ses biens personnels ni ses traits particuliers pour vivre en
coopration. Il n'est pas ncessaire non plus de renoncer sa volont propre et de se
laisser influencer sans rflchir par un gourou ou par un leader bien-aim qui se met
alors en devoir de prendre toutes les dcisions importantes, tout en laissant aux
membres l'illusion qu'ils ont leur mot dire dans ce qui se passe. Il est possible, en un mot,
de vivre et de travailler efficacement et dmocratiquement dans de grands groupes,
mais la plupart des gens sont persuads que ce n'est pas possible et ont peur de
s'impliquer dans des expriences collectives de travail coopratif.
Vivre et travailler en coopration est possible mais c'est le comment qui n'est pas
clair pour la plupart. Beaucoup de gens aux Etats-Unis exprimentent des mthodes
coopratives de vie et de travail ; la revue Communities (PO Box 4260, Louiba, Virginia
23093) traite prcisment de ce sujet et sert de source d'information aux gens qui fuient
la famille unique ou la rsidence unique. Une approche raliste de la coopration se
dveloppe peu peu, par essais et erreurs, aboutissant des rsultats toujours plus
importants et plus satisfaisants.
La coopration telle que nous la dfinissons, repose sur une hypothse et trois
directives qui dfinissent avec succs le degr de comprhension ncessaire minimum
que les gens doivent atteindre afin de crer les conditions qui garantissent l'harmonie et
l'galit des relations de vie et de travail.
I, Pas de jeux de pouvoir. Les jeux de pouvoir sont pour les gens une manire
d'essayer d'obtenir quelque chose qu'ils n'auraient pas autrement. Plus spcifiquement,
un jeu de pouvoir est une manuvre (qui peut tre brutale -par exemple, hurler,
frapper, jeter des objets et profrer des menaces- ou bien subtile -bouder, cancaner,
parler trs vite ou couper la parole, former un clan et mentir) qui aboutit au rsultat
voulu contre la volont de l'autre. Ces jeux de pouvoir sont souvent utiliss en dsespoir
de cause ou comme ultime recours aprs avoir essay des mesures plus coopratives. Il
faut toutefois interdire les jeux de pouvoir afin de maintenir les relations de coopration.
Celui qui n'obtient pas ce qu'il dsire n'a pas d'autre recours, dans une situation de
coopration, que de continuer de rclamer ce qu'il veut, aussi souvent qu'il pense en
avoir besoin, et partout o c'est possible. Mais l'utilisation du jeu de pouvoir ne se justifie
jamais et ne devrait jamais tre accepte dans une situation de coopration.
II, Pas de mensonges. Les mensonges sont une autre forme de comportement
qu'il est ncessaire d'carter des situations o les gens veulent travailler et vivre
ensemble en cooprant galit. Ce concept de mensonge ne recouvre pas
seulement les mensonges honts ou de commande mais aussi les mensonges par
omission, le retrait ou la rtention d'informations importantes. Font partie des mensonges
par omission, toutes sortes de secrets que les gens ont vis--vis les uns des autres. Un
secret peut tre un sentiment ngatif (ou mme positif) envers quelqu'un d'autre.
Souhaiter ou dsirer quelque chose et ne pas l'exprimer, constitue galement un secret
et doit tre vit. En un mot, tout ce qui se passe d'important dans la conscience de
quelqu'un et qui a trait aux gens du groupe ne doit pas tre tenu secret. En
consquence, il est ncessaire que les gens disent ce qu'ils ressentent par rapport aux
autres, surtout si ces sentiments sont forts, qu'ils soient positifs ou ngatifs ; les gens
doivent galement "demander 100% de ce qu'ils veulent 100% du temps". Par contre,
dcider jusqu'o les gens devraient sincrement partager leur vie avec les autres sans
omissions - leurs joies, leur sexualit, leurs proccupations, leurs peurs et leurs haines, leurs
secrets honteux, leurs amours - est quelque chose qui ne peut pas s'inscrire dans une
rgle. Permettez-moi de dire toutefois, que dans mon esprit, il est souhaitable qu'existe le
plus grand degr de sincrit et que, mme si c'est difficile la plupart des gens, des
relations de coopration vraies ne sont pas vraiment compltes si elles n'incluent pas
une totale sincrit.
III, Pas de sauvetage. Cette troisime directive vise viter que ne s'tablissent
des ingalits travers un autre processus appel Sauvetage. Les jeux de pouvoir
crent des ingalits cause de l'gosme des gens qui obtiennent ce qu'ils veulent en
s'en emparant. Le Sauvetage fonctionne l'inverse, c'est--dire qu'il cre une ingalit
dans une situation o l'on donne sans avoir rflchi. Un Sauvetage c'est quand
quelqu'un ou bien fait plus que sa part de travail ou bien quelque chose qu'il ne veut
pas faire.
En faisant plus que sa part, il renonce l'galit volontairement. Tandis que cela
peut plaire celui qui le reoit ou qui bnficie de l'ingalit (peut-tre mme celui
qui donne), cela ne sert pas ncessairement l'ensemble du groupe. De plus, le
Sauvetage a tendance faire boule de neige. Si A fait plus que sa part pour B, alors B
risque de penser qu'il devrait faire plus que sa part pour C qui, son tour, suppose que
faire plus que sa part pour F, G et H est acceptable. Ceci cre un schma de
Sauvetage au sein du groupe pouvant aboutir des ingalits importantes. Certains
affirment que ce pinaillage propos des responsabilits des gens est une atteinte
minime au sentiment d'amour positif et nourricier qu'on souhaite dans une
communaut. Cela peut effectivement apparatre ainsi ; en fait, lorsque les gens
commencent apprendre cooprer, ils pinaillent quelquefois, mais mesure qu'ils
acquirent davantage de matrise, comme dans tout autre apprentissage, les
problmes se clarifient et on vite facilement et automatiquement le Sauvetage. Les
circonstances importantes o les gens font plus que leur part ne sont jamais difficiles
identifier et, en pratique, ce n'est pas un problme.
Le second aspect du Sauvetage apparat lorsque quelqu'un fait quelque chose
qu'il ne veut pas faire. Ce comportement va de pair avec avoir des secrets et mentir.
Trs souvent, on fait des choses qu'on ne veut pas faire par obligation ou par sens du
devoir ou parce qu'on ne peut pas dire clairement ses prfrences. Faire quelque
chose qu'on ne veut pas faire sans dire qu'on ne veut pas le faire, est une violation de
la directive sur les mensonges et pour cette raison on devrait l'viter. Mais, mme si aprs
avoir dit qu'on ne voulait pas le faire, on le fait quand mme, cela aussi cre un
problme en empchant de trouver celui qui le ferait peut-tre avec plaisir. On peut
supposer que, dans un groupe relativement important de gens qui veulent vivre et
travailler en coopration, certaines tches apparaissent parfois ingrates certains.
Pourtant, lorsqu'il y a assez de gens, il se trouvera un volontaire pour faire pratiquement
tout ce qu'il y a faire. Si Paul a horreur de faire la vaisselle, il se peut que Benot ait
rellement du plaisir la faire. Si Martine dteste nettoyer la salle de bain surtout autour
du W-C, Didier peut tre tout fait d'accord de le faire. Etienne adore peut-tre
s'occuper des poubelles et Pierre couper du bois. Il est rare, mais cela arrive, qu'il faille
accomplir une tche et que personne ne soit volontaire. Alors, tout le monde refusant
de s'impliquer, on peut supposer que cette tche ne sera pas accomplie, ce qui arrive
parfois. Si personne ne se sent dispos nettoyer le sous-sol, alors c'est peut-tre que le
sous-sol n'a pas besoin d'tre nettoy. Peut-tre que c'est OK d'avoir un sous-sol en
pagae et qu'aprs avoir support un sous-sol en dsordre pendant deux ou trois
semaines ou mois, quelqu'un voudra le ranger. Mais supposons que ce sous-sol en
dsordre prsente un risque d'incendie et qu'en fait il faille le ranger : nous nous
apercevons qu' une runion de toutes les personnes concernes, o la ncessit de
ranger le sous-sol a t clairement exprime ainsi que le refus de chacun le faire, les
gens sont prts aller plus loin dans la discussion, et quelqu'un ngocie avec le reste du
groupe pour effectuer cette tche, pour une raison ou une autre. Par exemple, on peut
effectuer une transaction avantageuse, ou bien l'inquitude cause par le risque
d'incendie est plus sensible chez l'un parce qu'il en a fait l'exprience, ce qui lui donne
une motivation plus forte que celle des autres. Le groupe en tant que tel peut tre
d'accord pour un tirage au sort, et alors celui qui est dsign est satisfait d'une situation
qui fait prvaloir la justice. Ces tches ingrates peuvent s'effectuer tour de rle et tout
le monde acceptera de le faire. Tout le monde peut s'y mettre ensemble ou bien une
heure de cette tche ingrate quivaudra trois heures d'une tche plus agrable. De
toute faon, il s'agit de ragir d'abord ce qu'on ne veut pas faire en le disant et non
pas en le faisant. Aprs avoir manifest clairement son refus, le groupe peut alors passer
la ngociation des options. Aprs un certain entranement, les Sauvetages
deviennent minimes parce que faire preuve de bonne volont, c'est--dire vouloir
parvenir un compromis sur ce qu'on veut mutuellement, c'est en fait le produit d'une
vie en coopration. Ce mode de vie transforme les besoins des gens de sorte que le
plaisir de partager et d'arriver un compromis remplace le plaisir que procurent les
choses matrielles et le confort. Ce qui serait un Sauvetage dans une autre situation
(parce que c'est faire quelque chose qu'on ne veut pas faire) devient un acte de
coopration gnrateur de plaisir.
Suivre ces directives de la coopration, c'est laisser aux gens le champ libre pour
qu'ils exercent pleinement leur pouvoir. Une atmosphre d'galit o chacun se voit
considr part entire dans toute sa valeur et o il a toutes les occasions de
s'exprimer de son mieux sans empiter sur les droits d'autrui, est une atmosphre idale
o les gens peuvent dvelopper et augmenter leur pouvoir. Protgs des abus de
pouvoir qui nous oppriment, nous sommes alors en mesure d'tre pleinement aimants,
de dvelopper notre intuition, de communiquer et d'exercer notre sagesse. La
coopration constitue un terrain fertile pour que le pouvoir se dveloppe dans le
monde sans exploiter autrui.
Vivre en collectivit
La possibilit de vivre en collectivit offre aux gens des avantages conomiques
et affectifs importants. Non seulement cela cote beaucoup moins cher de vivre
ensemble cinq ou six dans une grande maison que sparment dans un
appartement ou dans un foyer, mais en plus, cette vie collective satisfaisante procure
de trs nets avantages affectifs, souvent inesprs, particulirement spectaculaires pour
les gens qui ont des enfants.
Pourtant, vivre en groupe peut tre une russite. On peut vivre dans une grande
maison en partageant les installations communes, en faisant les courses en commun et
o les gens sont disponibles les uns pour les autres, sur le plan affectif ou pour les besoins
quotidiens comme garder les enfants, rpondre au tlphone ou tout simplement tre
l en cas de besoin. Les gens peuvent ainsi se rendre la vie beaucoup plus facile et plus
agrable que l'individu isol moyen qui doit se dbrouiller avec sa voiture, son grille-
pain, sa machine laver, sa cuisine, toutes choses dont le prix et l'entretien lui
incombent exclusivement.
Assembles
La dcision la plus importante prendre lorsqu'on dcide de vivre en collectivit
c'est, je pense, que les rgles de vie sont ncessaires et qu'il est ncessaire de les clarifier
constamment. Pour cela, il est ncessaire de tenir des runions rgulires qui devraient
commencer avant le moment o l'on doit prendre des dcisions comme acheter une
maison, signer des baux ou rpartir les dpenses et le loyer. Au del, ces runions
devraient continuer d'avoir lieu rgulirement.
Lorsqu'on s'est install ensemble sans avoir pris ces dcisions, il convient de les
prendre ds que possible. En plus des runions rgulires, des runions ad hoc peuvent
tre convoques par n'importe quel membre de la maison, en partant de l'hypothse
que si quelqu'un veut une runion, les autres membres ragiront de manire
cooprative.
Il arrive quelquefois dans des situations de vie en groupe, que ceux qui ont le
pouvoir et les privilges n'acceptent pas volontiers l'ide des assembles de crainte que
dans ce genre de runion on ne conteste leur pouvoir et qu'on ne prenne des dcisions
allant l'encontre de leurs intrts. Il n'est donc pas inutile que ds le dpart, ceux qui
veulent vivre en collectivit, se rendent compte que l'institution d'assembles fera l'objet
d'une rsistance ouverte ou subtile de la part de certains. Une telle rsistance peut tre
due au dsir d'empcher ceux qui ont moins de pouvoir de s'organiser pour satisfaire
leurs besoins et peut effectivement freiner l'panouissement du groupe.
Bon nombre de rgles domestiques banales -ou "Mickey Mouse", comme nous les
appelons - s'laborent relativement facilement lors d'une de ces runions. Par exemple :
"Faut-il verrouiller la maison en permanence ?", "Faut-il faire la vaisselle aprs chaque
repas ?", "Faut-il arrter de faire du bruit partir de 10 heures du soir ?" Ces points sont
facilement abords, discuts et traits et sont importants pour le fonctionnement
harmonieux d'un foyer collectif.
Par contre, il y a un grand nombre de questions qui ne sont pas abordes ni
traites avec autant de facilit, du genre "Les habitants de cette maison sont-ils libres
d'entamer des relations sexuelles entre eux ?", "Les aliments consomms collectivement
doivent-ils tre biologiques ou bien peuvent-ils inclure des aliments non nutritifs ?",
"Qu'est-ce que a veut dire, propre ?", "Faut-il modifier la rpartition du loyer ?", "Que
fait-on par rapport l'alcoolisme de Jacques ou aux bagarres entre Batrice et Marie
?", "Est-ce qu'on demande quelqu'un qui ne veut pas cooprer de quitter la maison
?", "Comment grons-nous le sentiment que nous prouvons par rapport la manire
dont Suzanne lve son fils Jason, est-ce qu'elle le gte trop ou est-ce qu'elle le
maltraite ?"
Afin de parvenir des dcisions collectives et coopratives sur des points plus
complexes, les modalits, en gnral vagues et non structures qui rgissent la plupart
des assembles, ne suffisent pas. Trs souvent on en arrive des affrontements et des
dsaccords insolubles et les ngociations chouent. Invariablement, en cas d'chec
des ngociations, les choses dgnrent : on s'affronte en camps ennemis ou on
cherche un bouc missaire. De telles situations peuvent durer des mois, causant des
souffrances atroces, et amnent beaucoup de gens tourner le dos la vie en
groupe.
Les directives pour la Coopration dcrites plus haut s'avrent trs efficaces pour
rsoudre la plupart des problmes que nous avons affronts dans les groupes au sein
desquels j'ai vcu et elles ont contribu amliorer notre qualit de vie de manire
spectaculaire.
Egalit. L'hypothse d'galit signifie que les gens doivent tre prts aborder
leur comportement discriminatoire, qu'il soit fond sur le sexe, l'ge ou le fait d'tre en
couple. Il existe chez tous sans exception remplissant leur vie d'a priori flagrants ou subtils
d'ingalit. Le sexisme est la forme d'ingalit la plus vidente et comme dans toutes les
autres formes d'injustice, elle est en gnral galement partage par tous ceux qui sont
partie prenante de la situation. Il est typique que dans une maison o le sexisme existe:
les femmes n'y font pas face de manire critique et finissent par accomplir davantage
de tches lies au nettoyage et la cuisine alors que les hommes vont effectuer
davantage de tches lies aux installations, aux rparations et aux aspects techniques
de la direction d'une maison. Dans la mesure o, par ncessit, les femmes effectuent
leurs tches plus rgulirement, cette rpartition signifie en gnral plus de travail pour
les femmes que pour les hommes, sauf en de rares occasions temporaires o il y a
beaucoup de construction et de rparations. Ce type d'ingalit n'est pas
ncessairement valoris seulement par les hommes ; les femmes en gnral s'y habituent
et semblent mme prfrer cela dans certaines situations, du moins pendant un temps.
Toutefois, il faut affronter cette tendance l'ingalit et la combattre, sinon elle finit par
constituer une tension et une difficult dans la maison. De la mme manire, les a priori
sur les droits ingaux des enfants (en raison de l'ge) ou de ceux qui sont en couple par
opposition aux clibataires, sont aussi source d'injustice et doivent tre traits. L'ge
ainsi que l'appartenance un couple ou le fait d'tre un homme ou une "grande
personne" servent souvent de fondement l'ingalit au foyer.
L'une des sources importantes d'une ingalit a priori est la manire dont s'est
organis le bail d'origine ou l'achat de la proprit qui abrite la communaut. Trs
souvent, une personne ou un couple, en gnral celui qui a le plus d'argent, soit
achte la proprit, soit signe le bail. En vertu du fait qu'il a t le premier dans les lieux,
il (c'est en gnral un homme) s'attribue et/ou se voit attribuer des droits et des
privilges qui crent une ingalit fondamentale au foyer. Il est donc important de
clarifier ces a priori et de parvenir un accord sur les droits de ceux qui ont sign le bail
et des propritaires, ou de ceux qui ont rsid le plus longtemps dans la communaut
ou dans la maison. Il est parfois impossible de mettre ces situations galit totale mais il
est important d'au moins les clarifier et d'en dbattre ouvertement. Si quelqu'un par
exemple possde la maison o tout le monde vit, il n'est pas possible de rpartir le
pouvoir dans la mesure o, si au bout du compte les choses en viennent au pire, le
propritaire a incontestablement le pouvoir et les moyens lgaux d'exercer ce pouvoir.
Pourtant, sauf dans ces circonstances extrmes, il est possible d'quilibrer les droits et
privilges des membres, des couples, des anciens, des propritaires de maisons ou de
terrains, ou des signataires du bail. Il est extrmement important de dbattre de ces
sujets de manire cooprative ds le dpart. Il est galement important, si la personne
qui possde la maison ou le terrain est particulirement gnreuse - ce qui est souvent
le cas - qu'elle exprime clairement ce qu'elle attend. Attend-elle des autres que rgne
un sentiment "de famille" ? Attend-elle du travail en change ? Ou sa gnrosit est-elle
gratuite ?
Les communauts peuvent effectivement se dvelopper sur la proprit prive
d'un individu, condition que cette proprit soit suffisamment dveloppe et que les
membres du groupe ne finissent par se retrouver fournir un travail important qui au
bout du compte bnficiera au seul propritaire. Si c'est le cas, il faudrait lui demander
de rembourser ceux qui effectuent ce travail.
L'hypothse d'galit inclut les enfants ; en fait, c'est avec les enfants qu'il est
ncessaire de dfinir trs prcisment ce concept d'galit. Egalit ne signifie pas
identit (tout le monde est pareil) mais fait rfrence des droits et obligations
semblables (y compris pour les enfants). Les grandes personnes n'ont pas davantage
droit l'intimit que les enfants. Les droits des enfants d'tre pris en charge quivalent
leur obligation de prendre les autres en charge au mieux de leurs possibilits. Les
couples ne sont pas exempts des droits et obligations de donner et de prendre qu'on
attend des clibataires.
L'galit inclut l'galit d'effort. Nettoyer la table, pour un petit de quatre ans,
peut se comparer, en termes d'effort, au petit djeuner que sa mre a prpar pour lui.
Pour les enfants, galit signifie qu'on attend d'eux qu'ils assistent aux assembles et
que ces runions sont adaptes leur participation. On leur demande de participer et
il est ncessaire d'entendre leurs commentaires et d'y ragir en les considrant comme
vrais et importants et non pas mignons ou bizarres mais sans valeur concrte. Les
enfants sont tout aussi intresss et capables que les adultes de respecter l'ordre du jour
et d'animer les runions, et lorsqu'on les traite en gaux, ils montrent des capacits
surprenantes de pntration et de prise en charge.
Il est clair que les enfants ne sont pas capables de participer d'une manire
identique celle des grandes personnes ; il y a des choses qu'ils ne peuvent pas faire.
Mais on attend d'eux qu'ils soient capables, c'est--dire qu'ils fournissent un effort gal
celui des grandes personnes. Ceci a pour rsultat que les enfants dveloppent des
comptences de niveau adulte une rapidit surprenante et gratifiante (pour eux-
mmes et pour les autres). Ce qu'il y a de plus gratifiant pour eux dans ce cas, c'est
qu'on les traite comme des personnes et non comme des "gamins". Dans notre maison,
on recherche leur prsence pour leurs signes de reconnaissance, leur spontanit, et
l'clairage neuf qu'ils apportent certaines situations.
Comprendre clairement les jeux de pouvoir et les abus de pouvoir individuels est
tout aussi difficile, et demande tout autant de clarification que comprendre la
discrimination due au sexe, l'ge, au fait d'tre ou non en couple et les autres formes
d'abus de pouvoir des institutions. Seule, une lutte acharne peut rsoudre la question
de ces forces destructrices. Encore une fois, ceci s'effectue mieux lors des assembles o
les dbats sont structurs, disciplins et autocritiques.
L aussi, il faut inclure les enfants dans ces dbats. Souvent, les questions qu'ils
posent ("Qu'est-ce qu'un jeu de pouvoir ?" ou "Pourquoi est-ce qu'il faut que je lave les
assiettes de Marie ?") suscitent le dbat et rvlent des contradictions ou une absence
de clart.
Vote et consensus
Si on doit prendre des dcisions dmocratiquement et sans violer les droits ni les
souhaits de quiconque, il ne suffit pas toujours d'un vote la majorit simple sur un sujet
donn, car la minorit peut tre systmatiquement maltraite par la majorit. Par
consquent, il est trs important que la dmocratie ne s'exerce pas de manire brutale
mais plutt de manire cooprative et bienveillante, ce qui empche les autres
d'exercer une oppression mme s'ils forment la majorit. Ainsi, une dcision par
consensus (tout le monde est d'accord) est prfrable dans la plupart des cas.
Pourtant, il faut se rappeler que l'approche par consensus peut tre impossible pour
traiter certaines dcisions de fond sur lesquelles on ne peut arriver un consensus et, au
bout du compte, il doit tre entendu qu'on se pliera un vote dmocratique. Prenons
comme exemple les conflits qui existaient dans une rsidence o un homme, autoritaire,
sexiste, aimait bien se saouler et jouer avec des armes feu. Dans cette maison, la prise
de dcision s'effectuait par consensus bienveillant. Lorsque aprs de longs mois de lutte
strile, certains ont dcid qu'ils ne voulaient plus vivre avec cet homme, il y a eu un
vote la majorit pour lui demander de partir. Ce vote tait considr comme
contraignant mme par ceux qui ne partageaient pas la dcision. Dans une situation
semblable o les gens insistaient pour fonctionner par consensus, celui-ci n'a jamais t
atteint. Au contraire, le conflit a tellement dmoralis les gens qu'ils se sont mis
dmnager. La maison est partie vau-l'eau et a t cde celui dont le
comportement ngatif avait t l'origine de la difficult.
A mesure que les gens emmnagent, on leur demande de se joindre aux autres
membres de la maison dans un contrat de coopration.
Les achats sont faits en commun et deux repas par semaine sont pris en commun
auxquels chacun est cens participer. Les autres repas sont organiss et prpars par
les membres eux-mmes et en sous-groupes, leur gr. Chacun a une tche
particulire comme passer l'aspirateur dans l'entre, faire les courses, nettoyer la
chaudire, s'occuper des ordures, tondre la pelouse, etc.
On demande ceux qui n'ont pas de relations sexuelles antrieures leur entre
dans la maison, de ne pas en entamer avec d'autres membres avant d'avoir dbattu
de leurs intentions lors d'une assemble. L'intimit est considre comme l'un des
aspects les plus importants de la vie de la maison et elle fait l'objet d'un trs grand
respect. Les membres de la communaut mnent tous une vie d'une totale
indpendance, y compris les enfants, gs de 11 et 13 ans. Les assembles ont lieu
environ deux fois par mois et on les convoque quand c'est ncessaire. Le degr de
sincrit y est trs lev, le degr de Sauvetage rduit et les jeux de pouvoir quasi
inexistants. Dix ans aprs, cette vie s'est tout fait stabilise et elle est devenue trs
agrable et beaucoup de gens ont eu envie d'y participer ou bien ils ont cr des
conditions de vie similaires. En tout, vingt-cinq personnes diffrentes y ont vcu,
certaines jusqu' cinq ans, d'autres seulement six mois.
Les enfants qui ont vcu dans des conditions de vie o l'ingalit, les jeux de
pouvoir, les secrets et les Sauvetages taient de rgle, ont en gnral des problmes
pour entrer en coopration. Ils peuvent tre drouts face ces nouveaux droits et
obligations qui leur arrivent d'un coup, mais ils apprennent vite et avec un vif dsir. Le
problme, quand il y en a un, c'est qu'en gnral, les grandes personnes ne sont pas
cohrentes, elles n'arrivent pas croire que les rgles de coopration ont un sens,
mme avec les enfants. Et donc, elles vont constamment les Sauver, entrer dans des
jeux de pouvoir avec eux, leur mentir et les embrouiller. Il semble que les enfants
apprcient autant que les adultes les avantages de la coopration et ils changent
avec bonheur les Sauvetages de l'enfance contre le traitement gal, la libert et le
respect qu'ils gagnent dans une situation de coopration.
Runions coopratives
A partir de notre exprience des principes de la Psychiatrie Radicale appliqus
des conditions de travail coopratif, nous avons labor un processus pour les
runions de travail que nous avons trouv fort efficace pour augmenter la productivit
et la satisfaction affective. Voici un rsum de ces rgles.
Les principes qui rgissent nos runions de travail sont les mmes principes de
coopration que nous avons prsent plus haut sur le fait de vivre et de travailler en
coopration, en un mot, 'il n'y aura pas de Sauvetage, pas de jeux de Pouvoir ni de
Secrets. Ces trois rgles prsupposent que chacun fera une part de travail gale, que
personne ne fera ce qu'il ne veut pas faire, qu'il n'y aura pas d'attentes caches ni de
secrets entre les partenaires de travail, c'est--dire qu'on ne dira pas de mensonges et
qu'on ne dissimulera pas non plus d'informations relatives au travail, et en dernier lieu,
l'utilisation de jeux de Pouvoir est inacceptable.
La raction qu'on attend de celui qui a reu l'expression d'un ressentiment, c'est
seulement qu'il le reconnaisse, ce qui implique qu'il le comprend mme s'il n'est pas
ncessairement d'accord avec. La bonne manire de recevoir un ressentiment, c'est
d'essayer honntement de comprendre la fois ce que l'autre a peru de vous dans
ce que vous avez fait, et sa raction affective cela. Cela suffit.
Parfois une personne n'est pas dans un tat d'esprit lui permettant d'aborder les
ressentiments ou les sentiments paranodes ; elle devrait le dire et dans ce cas,
l'animateur peut vrifier si la runion peut effectivement continuer sans que la personne
ne s'exprime. Si ce n'est pas le cas, et ceci arrive trs rarement, la personne pourrait tre
amene quitter la runion jusqu' ce que la question soit rgle.
Une fois rgls les prliminaires, la runion se droule selon l'ordre du jour,
l'animateur veille ce que les gens restent dans le sujet, ne dpassent pas leur temps
de parole, expriment leurs ressentiments, leurs sentiments confus ; leurs sentiments
paranodes, leurs signes de reconnaissance et leurs critiques tout au long de la runion,
chaque fois que c'est possible. Le rle d'animateur ncessite une habilet que tous
devraient acqurir et, par consquent, cette responsabilit est assume tour de rle
chaque runion. Lorsqu'on s'attend des runions difficiles, on peut demander
d'animer ceux qui ont une plus grande comptence pour le faire. On attend de
l'animateur qu'il domine la situation, et le cas chant, qu'il demande de l'aide ou
mme qu'il demande une autre personne d'assurer ce rle lorsqu'il est fatigu,
submerg ou personnellement impliqu. Il est bon de prendre un court moment en fin
de runion pour que les gens puissent changer des signes de reconnaissance et
formuler leurs critiques, en ce qui les concerne ou en ce qui concerne les autres, sur le
travail du jour.
Lors de leur prochaine rencontre, Jeanne et Marie fonctionnent toutes les deux
sous l'emprise de systmes paranodes (fonds chacun sur une once de vrit), suscitant
tellement de colre et de suspicion entre elles, qu' la runion suivante du collectif, elles
se disputent violemment et la runion prend fin dans le plus grand tumulte. La dispute
porte sur le sparatisme et sur le fait de savoir si les sparatistes et les femmes qui sont en
relation avec des hommes peuvent travailler ensemble. Certes, elles aimeraient
poursuivre le dbat mais les dbats suivants dgnrent encore plus, la colre et la
paranoa augmentent. A la fin, Marie et Jeanne se trouvent la tte de deux factions,
en scission complte, y compris des idologies opposes et pendant les deux annes
suivantes, elles s'asticotent, se blessent, interviennent dans le travail l'une de l'autre et
finissent par faire honte aux autres membres de la collectivit.
Il est clair que ces deux femmes sont des femmes bien, qui pensent qu'un conflit
de principes vaut qu'on s'y engage. Pourtant, parce qu'elles n'ont aucune exprience
(et personne d'autre ne l'a rellement) de la manire dont volue une faction qui se
dveloppe, - phnomne si courant dans les groupes coopratifs d'o la hirarchie est
absente, - et en raison de leur tendance respective la comptition et
l'individualisme, elles sont incapables de poursuivre ce conflit de principes. Le fait qu'il y
ait d'autres situations semblables, avec des scissions semblables, dans d'autres groupes,
nourrit la notion que ce genre de rupture ( propos du sparatisme ou de toute autre
diffrence) est prdtermin, qu'il se produit invitablement et qu'il est inutile d'essayer
de travailler en coopration.
Le bouc missaire. La situation entre Marie et Jeanne volue vers une scission
parce qu'elles ont toutes les deux un pouvoir peu prs gal. Mais si, disons Marie,
n'avait aucun pouvoir (ni aucun soutien) au sein du collectif, elle pourrait facilement
devenir un bouc missaire plutt qu'tre la tte d'une faction. En d'autres termes, les
scissions et le bouc missaire rsultent souvent de luttes de pouvoir dguises.
Les spectateurs. Ceux qui prennent parti pour l'un ou l'autre ct sont souvent
des gens qui se sentent impuissants dans l'association et qui y voient une occasion de
jouer un certain rle dans les vnements venir. Leurs dformations, alimentes par
leurs motivations personnelles, nourrissent directement la scission.
Les spectateurs qui refusent de prendre parti se voient souvent reprocher leur
objectivit. On les traite de "libraux", et leur refus de participer cette inimiti entre les
groupes est vu comme un acte hostile de bienveillance envers l'ennemi. Ces gens
partent souvent d'eux-mmes, dgots, ou parce qu'ils y sont contraints
effectivement, par les deux camps.
A mesure que la barrire entre les deux groupes augmente, que le foss se creuse
dans leur communication, les systmes paranodes prennent plus d'ampleur, fonds sur
des "grains de vrit" incontestables, et le cercle vicieux s'intensifie et se renforce. Une fois
ces barrires difies, il est difficile de se rconcilier, sauf peut-tre au bout d'une longue
priode de retrait (pouvant durer des mois ou des annes). Il reste souvent suffisamment
de bonne volont entre les adversaires pour que celle-ci prvale en fin de compte. J'ai
vu des rconciliations satisfaisantes aprs de telles ruptures, des annes aprs le conflit
de dpart. Nanmoins, dans l'intervalle, le travail des participants en a pti et les gens
ont perdu leur crdibilit et leur capital confiance aux yeux de la communaut.
6 - Pressions exerces sur ceux qui sont neutres pour les obliger prendre parti et
intimidation quand ils ne le font pas.
Sincrit. Le niveau de sincrit qui existe dans ces situations est particulirement
important. Les mensonges sont extrmement nuisibles aux organisations, surtout celles
qui travaillent partir d'une hypothse de sincrit. Nous sommes levs dans une
atmosphre de mensonge et nous y ragissons un niveau ou un autre. De plus, des
groupes ennemis ont utilis les mensonges en toute conscience et avec une grande
efficacit pour dstabiliser des groupes militants. La connaissance et le contrle du
mensonge dans nos organisations constituent des armes puissantes pour lutter contre
de telles tentatives de dstabilisation et contre notre tendance nous en faire les
complices.
Jeux de pouvoir. Les jeux de pouvoir ou les abus de pouvoir se multiplient dans
les scissions sous forme brutale ou subtile. Des jeux de pouvoir brutaux comme "je laisse
tomber" (si tu ne fais pas comme je veux) ou "tu ne fais plus partie du groupe" (sauf si tu
me suis), ou hurler ou cogner (si tu ne veux pas "couter la voix de la raison, tu vas
couter celle de la violence") ou bouder ("tu ne me feras pas faire cela") ou couper la
parole, sont des manoeuvres assez videntes de non-coopration. Des manoeuvres
plus subtiles, comme abuser du pouvoir dcoulant de nos liens, parler trop longtemps
ou trop vite ou en termes trompeurs, ou abandonner le pouvoir et la responsabilit (afin
de laisser aux autres toute latitude pour "se planter"), sont infinies et doivent tre
surveilles de prs.
Le matriel contenu dans ces pages est le rsultat de nombreuses annes d'laboration
thorique, accompagne d'une pratique quotidienne au sein d'une communaut de psychiatrie
radicale. De nombreuses personnes ont contribu ce travail, en particulier Bob Scbwebel qui a
t le premier ranimer notre intrt pour la coopration travers des jeux coopratifs, et Hogie
Wyckof, j; dont la contribution aux dbuts de la psychiatrie radicale et l'laboration de
directives viables concernant la coopration a t d'une importance capitale.