I-Dvp Au BRPM

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 446

DEROULE DUNE VIE

PROFESSIONNELLE

PREMIERE PARTIE

AU BRPM

PREMIERE PERIODE : JUILLET 1964 SEPTEMBRE 1974

AUX TRAVAUX MINIERS

DEUXIEME PERIODE : OCTOBRE 1974 SEPTEMBRE 19B1

AUX EXPLOITATIONS ET A LA DIRECTION TECHNIQUE

Othmane KHETTOUCH

1
OUVERTURE
Jai toujours caress le rve dcrire, et jai longtemps hsit rassembler mes crits
remontant mes premiers dbuts dans la vie professionnelle, et poursuivre, dans le feu
de laction quotidienne, cette uvre durant plus de quarante cinq ans.

En me dcidant le faire, jai voulu tout dabord tester ma mmoire.

Lcriture moccupe, mais elle est aussi pour moi un trs bon compagnon, une
discipline de tous les jours, et un vritable exutoire pour tre en paix avec moi-mme et
avec les autres.

Cest aussi un moyen dexpression qui me permet de continuer vivre au jour le jour
sans regarder ou mattarder sur le pass.

Je continue toujours crire, parce que lorsque je dmarre dans lcriture, je ne vise
pas forcment un lecteur prcis, si ce nest moi-mme.

Le lecteur potentiel que je pourrais intresser apparaitra, peut-tre par la suite.

Lcrit fait son chemin pour librer le cours du droul dune vie professionnelle et
restituer celui-ci lampleur des actes accomplis, tout en enregistrant des rminiscences
sur lesquelles chacun essaie de saccrocher pour ne pas oublier.

Certains souvenirs et certaines informations parcellaires de ma vie professionnelle


nauraient jamais exist, si je ne les avais pas fixs, en leur temps, travers et dans des
crits tenus rgulirement, alors que la mmoire retient les apparences et laisse
schapper la ralit du fond et lenchanement des dtails.

Chacun a sa propre perception des faits et des vnements, et cest dans leur
narration que lon retrouve une fidlit de la mmoire, de sa mmoire.

Or, aujourdhui, on a tellement tendance oublier que chacun, avec ses spcificits,
doit faire un travail de mmoire dabord, puis ensuite un travail de synthse crit
susceptible dtre constructif et utile.

Cest tout simplement, ce que jai essay dentreprendre travers cet essai.

Ma dcision dlaborer un document visualisant lessentiel de mon parcours


professionnel et post professionnel, avec ses diverses pripties, ses moments forts et ses
priodes de faiblesse ou de creux de la vague, a t prise aprs une maturation longue
se faire, une mre rflexion et les encouragements de mes nombreux amis et de mes
proches, dclenchant en moi lobligation morale de mexprimer sans dtours, avec un
effort de prcision dans le cheminement des faits.

Ce document a pour ambition dexprimer fort bien et de rassembler les souvenirs


encore vivaces et les traces dune carrire et dune exprience originale.

Ds lors, je me suis efforc dtre le plus possible prs des ralits vcues sur le
terrain, dans les bureaux, au cours des voyages et des nombreux et diffrents contacts
avec des personnes de tous bords.

Ce document relate tout dabord certaines vrits, des fois amres, que rencontre
tout jeune ingnieur sorti frais et moulu de lenvironnement des tudes, trs vite
confront des responsabilits auxquelles il ne sattendait pas de sitt.

Dpouill de toute recherche littraire, ne craignant pas de sortir des sentiers battus
et de prendre sur les vnements des positions qui ne recevraient pas toujours

2
lassentiment du lecteur potentiel et gnrique, le document analyse, non seulement le
destin dun ingnieur en action, mais aussi son vcu de plusieurs dcennies qui ne sarrte
pas aux impressions superficielles et aux bonnes paroles distilles par des pseudos
courtisans.

Il est le fruit de plusieurs annes de travail de terrain, de bureau et de dplacements


multiples accompagns de relations et de contacts divers et varis, en minterdisant de
livrer une information sans lavoir rellement vcue ou vrifie.

Cest aussi une compilation de plusieurs centaines de documents labors


rgulirement, revendiquant la neutralit objective en ce qui concerne la gense et le
droul des vnements pour mieux les saisir et apprcier leur sens.

Ce document, peut-tre austre pour certains, rbarbatif pour dautres, avec souvent
des rptitions ou des redites, na pas la prtention dtre une analyse exhaustive et
approfondie dun parcours dans ses moindres dtails, et nest pas non plus une complte
autobiographie.

De temps autre, il met un accent trs appuy pour des missions ou des voyages
professionnels, ou rarement des vnements personnels ou familiaux, toujours en
essayant de joindre lutile lagrable et en sortant du cadre technique stricto sensu pour
embrasser des domaines gographiques, historiques, etc.

Il est pour moi, le survol dune priode de responsabilits graduelles, certes rvolue
aujourdhui, mais demeurant celle dun vigoureux enthousiasme pour certaines valeurs
moins honores prsentement quil y a quelques dcennies.

Je considre que la responsabilit, vritable package lourd et pnible, devant laquelle


il ne faut pas se drober, doit tre assume dans toute son entiret, avec abngation et
ouverture desprit, tout en se mfiant des compliments dbrids.

Pour aboutir des rsultats significatifs, et constamment fortifis et irrversibles, il


faut, en permanence, faire preuve de persvrance, de got de leffort, et essayer de
corriger les faiblesses en tant partie prenante et agissante.

Pour ma part, je crois fermement faire partie de ceux qui ne refusent pas les
responsabilits, ne reculent pas devant elles, ne baissent jamais les bras, ne dsesprent
pas, et qui, force de volont, de persvrance, arrivent franchir les obstacles et les
cueils, viter les embches de toutes natures.

Je pars du principe que ce que jai appris de mon mtier dingnieur, cest
normment dhumilit, parce que rellement, on ne connat rien ou pas grand-chose
dans un vaste monde en perptuelle volution.

Le domaine spcifique du BRPM, centre de gravit de mes activits et de mes soucis


durant plus de dix sept ans, me semble tout indiqus pour tre le champ dexpriences et
de lvolution dune carrire professionnelle.

La Mine que certains considrent sous langle dun trsor mystrieux et cach
dans les entrailles de la terre, dautres sous laspect dun travail pnible, dangereux et
reintant, est rellement envotante et accapareuse pour ceux qui apprcient le got de
leffort ininterrompu et de la fraternit dans ce milieu de travail.

Comme une pieuvre, elle vous enserre trs rapidement de ses tentacules et ne vous
lche plus, sans toutefois vous touffer ou vous avilir.

La Mine hante puissamment ceux qui y ont travaill, mme durement, car elle
demeure un milieu de dpassement de soi, dexpression de sentiments profonds de
disponibilit dans laction et de dtachement du nant de la vie facile.

3
On peut y tudier le travail de la mmoire, mais aussi rechercher comment sopre la
reconstitution du vcu et linfinie varit des sensibilits individuelles, loin du
subjectivisme et des visions partiales.

Mon attirance et ma dvotion au monde de la Mine et du monde minral en


gnral, remontent trs longtemps o, jeune colier Goulmima, dans la province
dErrachidia, jaffectionnais les randonnes en montagne, sur le plateau de lArhenbo
dominant la grande valle verdoyante de lOued Ghris.

Allant la dcouverte des grottes, des karsts et des minraux de toutes sortes,
souvent, avec des amis de mon ge, nous avons effectu de longues randonnes travers
la montagne et les hauts plateaux de la rgion.

Je me rappelle mtre toujours merveill rellement de ce que nous avons travers,


visit ou dcouvert durant nos prgrinations.

Quelques annes plus tard, jeune collgien Ksar-es-Souk, aujourdhui Errachidia,


jtais un passionn dhistoire, de gographie et de gologie, un admirateur chevronn
des grandes dcouvertes, un amateur passionn des longs voyages et de tout ce qui avait
trait lunivers sidral.

Lexploit du premier homme de lespace, le Russe, Youri Gagarine, bord de son


vaisseau Spoutnik 1, premier satellite artificiel de la Terre, nous avait subjugus,
enthousiasms en lanant les premiers jalons de ce que clamait Jules Verne dans son
fameux livre De la Terre la Lune.

Cette propension naturelle essayer de comprendre et dcouvrir le monde minral


fut renforce par les dclarations enflammes des anciens mineurs de la Socit des
Mines dAouli, originaires de Goulmima, lors de leurs congs annuels.

Jtais merveill par ce quils relataient et nous dcrivaient, par les fabuleuses
richesses minires souterraines et les quipements mis en oeuvre pour les rechercher,
exploiter, transporter, extraire et transformer dans des usines sophistiques installes
sur les lieux Aouli et Mibladen.

En accdant lEcole Mohammedia dIngnieurs en 1960, marquant cet attrait


prmatur pour le monde minier, javais inscrit dj sur mes tablettes, naturellement
avant terme, ma dcision irrversible et irrvocable de devenir un ingnieur des mines.

Durant ma priode dtudiant, lEcole Mohammedia, aucun moment, il ne mtait


venu lide de vouloir changer dorientation, et encore moins de regretter la voie pr
trace.

Mais le diplme dingnieur ne fait pas lindividu, car le jeune laurat, sens tre
correctement form et prpar durant de longues annes dtudes et de stages
multiformes successifs, na quune ide floue et vague de la communaut humaine dans
laquelle il est appel voluer.

De plus, et gnralement, il est, peu ou insuffisamment inform pour russir un bon


dmarrage ou assurer des responsabilits importantes.

Jai toujours considr que travailler et vivre dans un environnement minier, cest
dabord accepter de faire le sacrifice de sa personne.

Cest aussi et surtout, ne pas compter son temps, tout en dcidant et en acceptant de
bonne foi, de sidentifier rapidement ceux qui vous ctoient quotidiennement dans un
milieu solidaire, fraternel et disponible en permanence.

4
Au BRPM, dans le secteur priv, lextrieur du pays, il se cre trs rapidement entre
les personnes du monde minier des liens daffection particuliers et spcifiques, et une
complicit dans laction de tous les jours, souvent hors du commun et indfinissable.

Les mineurs ont un caractre de familiarit, de cordialit et souvent de bonhomie,


vertu introuvable ailleurs, faisant dire trs justement que Lesprit et la fraternit entre
les mineurs dpassent les frontires.

Au gr des visites rapides et des sjours de longue dure dans les chantiers de
recherches et dans les exploitations minires, des contacts loccasion des journes
dtudes, des sminaires, des congrs sectoriels, des comits de directions, des conseils
dadministration, des missions et des voyages lintrieur et lextrieur du Maroc, jai
dcouvert un monde affable, ayant le sens du travail bien fait, de lorganisation, adepte
de la conciliation, ne reculant jamais devant les difficults et les problmes, sans amnit
pour ceux qui transgressent les principes de base, et jaloux de ses droits et de ses
devoirs.

Cet esprit, particulier et singulier, est depuis toujours la base de la mise en valeur
des ressources minrales et lun des aspects les plus exaltants de laction pour le
dveloppement conomique et social de notre pays.

Ainsi, lactivit minire, ple de promotion rgionale, dveloppe les infrastructures


de base, cre et stimule lemploi, amliore la qualification de la main duvre, acclre
lindustrialisation par lexploitation et la valorisation des matires premires minrales,
favorise les entres de devises, et accrot le potentiel technologique national travers la
combinaison heureuse dingniosit et de moyens techniques appropris.

Mon dbut de carrire fut vcu intensment, au BRPM sur les chantiers de recherches
et dans les exploitations de ses filiales, me donnant loccasion de connatre de la vie des
mineurs, de leurs peines, de leurs dboires, mais aussi de leurs succs indniables et de
leurs joies profondes.

Jestime aujourdhui encore, navoir pas rat ma vocation naturelle, ni fait un


mauvais choix en intgrant ds le dpart la famille des mines au sein de laquelle javais
prouv les sensations dun bonheur professionnel accompli, moi qui nai connu dautre
recette que le travail acharn et parfois obsdant, recherchant en premier chef un
enrichissement intellectuel, et refusant tellement dopportunits.

Javoue, que par moments ce fut difficile, mais cela fait partie de chacun de nous de
persvrer dans leffort, sachant que, sans oublier les contraintes subies, toute
responsabilit ne doit pas tre marque du sceau de la facilit, mais aussi, doit tre
imprgne de la philosophie du dicton clbre aujourdhui pourrait tre mieux quhier
et bien moins que demain .

5
La dernire anne dtudiant
A LEcole Mohammedia dIngnieurs (EMI), dans un environnement estudiantin et
professoral serein et chaleureux, la vie communautaire linternat favorisait le travail
dquipe au sein dune grande famille issue des classes prparatoires des annes 1958,
1959 et 1960, et structure ds le mois de juillet 1961 en options : mines, gnie civil,
lectrotechnique et mcanique.

Nous tions seulement 33 lves ingnieurs, une vritable fratrie, qui avaient volu
ensemble depuis six ans dans un cadre de convivialit et de profonde amiti.

A lOption Mines place sous lautorit du Professeur Vladimir Krasilnikoff, ingnieur


civil des mines, franais dorigine Russe Blanc, nous tions un groupe de cinq tudiants
(Lhatoute, Kerrou, Aouad, Alioui et moi-mme), trs proches de nos professeurs, entre
autres, Hammou, Serfaty, Skirej, Benchekroun et Pinzuti.

Pour moi, aprs trois annes de formation intense dans tous les domaines des
sciences et des techniques, suivies de multiples visites dans les mines nationales et de
longs stages aux Charbonnages de France (Lorraine, Nord et Pas-de-Calais), dans la
sidrurgie Creil Montataire, dans le Centre dEtudes sur lenrichissement des minerais
Fontainebleau et dans les mines de fer de lOuest de la France, la quatrime et dernire
anne fut une priode charnire et dcisive, avant de mettre le cap sur le monde du
travail professionnel, mystrieux et semi voil pour nous.

Ds lors, pour notre petit groupe, pour raffermir notre formation, leffort fut encore
plus soutenu et plus incisif, travers des sjours frquents dans les principales
exploitations minires du pays (Khouribga, Youssoufia, Mines de fer du Rif, Charbonnages
de Jrada, Kettara, Boubeker, etc.) que nous rejoignons souvent dans un seul vhicule
lger ou par train, en compagnie du professeur Krasilnikoff.
****
Le 18 juin 1964, fut une journe euphorique et mmorable pour nous, car ce jour l,
le Roi Hassan II reut lensemble de notre promotion au Cabinet Royal, en prsence
dAhmed Bahnini, inamovible Secrtaire Gnral du Gouvernement, du Ministre de
lEducation Nationale, Youssef Bel Abbs, considr comme le dfenseur inconditionnel de
lEMI, et du Ministre des Travaux Publics, Dr Mohammed Benhima, trait, peut-tre
abusivement, dadversaire irrductible de notre Ecole, et dit-on manipul par la
camarilla des ingnieurs de son Ministre, oppose farouchement lmergence dune
Grande Ecole nationale .

Nous avons pntr au Cabinet Royal, en groupe, accompagns du Directeur de


lEcole, Driss Amor, impressionns par la majest des lieux.

Le Souverain, dcontract, alerte et dtermin, tait arriv sans relle grande pompe
dans limmense salle du Cabinet Royal.

Aprs une prsentation rapide de Bel Abbs, le Souverain, trs attentif, autour de la
grande table du Conseil des Ministres, avait tenu personnellement senqurir de la
qualit de la formation dispense lEcole Mohammedia, du niveau de classement des
futurs laurats au sein de lAdministratifs et des Offices publics, et du devenir trs proche
de chacun de nous.

La runion fut trs anime et le Souverain, sciemment, avait laiss les futurs
ingnieurs spancher sur leur devenir et leurs aspirations.

Parole de Souverain, votre situation sera clarifie rapidement , avait rpondu le


Roi un camarade qui stait inquit de la suite de laudience royale.

6
Nous tions sortis de laudience royale encore plus ragaillardis et convaincus du
soutien de la plus haute autorit de lEtat pour notre jeune institution cre en 1960 pour
asseoir et conforter un systme de formation dingnieurs, unique lpoque dans notre
pays, et lui assurer laura et la considration normalement dues.

Toutefois, nous tions conscients que le chemin sera sem dembches, car lEcole
Mohammedia avait faire face des contempteurs qui considraient que les seules
formations dingnieurs dans les Ecoles trangres taient les plus crdibles.

Les prparatifs de la remise des diplmes par le Roi en personne, battaient leur plein,
transformant durant une semaine le secteur en chantier festif.

Le 25 juin 1964, lEcole Mohammedia et le quartier de lAgdal furent le centre de


gravit du Maroc pour une demi journe, loccasion de la remise des diplmes par le Roi
aux laurats de notre promotion baptise : Promotion Mohamed V.

La crmonie de remise des diplmes, organise dans lenceinte des Ateliers de


Mcanique, parmi les machines-outils, prs des Laboratoires de chimie, entendait
marquer, symboliquement, avec grand clat, lorientation industrielle et technique
irrversible dun Maroc nouveau.

Le Gouvernement au grand complet, le corps diplomatique et les corps constitus


taient l pour assister la naissance de la premire promotion et la conscration de
lEcole Mohammedia en tant que le plus grand et le plus minent centre national de
formation dingnieurs, futur pourvoyeur en cadres suprieurs des principales activits
industrielles du pays, et notamment dans les domaines des mines, de llectrotechnique,
de la mcanique et du gnie civil.

La crmonie, haute en couleurs, rehausse par la prsence du Roi, trs dcontract,


avait dbut par un discours de circonstance du Directeur Amor, suivi immdiatement
aprs par la remise des diplmes aux laurats de loption Mines, annoncs
triomphalement et avec motion par Amor.

Tu es de Goulmima, du Tafilalet, que Dieu te bnisse et te vienne en aide , mavait


dit le Souverain, en me remettant mon diplme dIngnieur des Mines.

Je fus rellement combl par cette sollicitude du Roi qui avait tenu par la suite
adresser quelques mots dencouragement chacun des laurats.

Avant de quitter lEcole Mohammedia, dans une grande ambiance de fte, le


Souverain avait donn ses hautes directives aux diffrents responsables des ministres
techniques et au Directeur Amor pour que tous les laurats fussent constamment suivis
de prs dans leur nouvelle vie professionnelle.

Le Souverain, pour marquer son grand attachement la nouvelle Grande Ecole, avait
insist ce quun rapport exhaustif, faisant le bilan de leur insertion dans la vie active, au
sein de lAdministration, des services publics et du secteur priv, lui ft adress avant la
fin de lanne 1964.

La Haute Autorit de lEtat avait donn sa bndiction, et lEMI tait tenue de mriter
cette confiance et de faire honneur la formation dispense au Pays.

Le mme jour, pour leur marquer notre attachement, notre reconnaissance et notre
considration, nous avons organis un mmorable dner au restaurant de lHtel Balima
(lieu trs pris lpoque Rabat), en lhonneur du Directeur Amor et de lensemble du
corps professoral.

Nous nous tions spars avec amertume, mais avec le ferme engagement de rester
lis par le truchement de notre Association des Anciens de lEMI, cre le 24 juin et dont
je fus lu premier prsident pour un mandat renouvelable de deux ans.

7
Ds le 26 juin, les oripeaux avaient disparu, le quartier du Haut Agdal avait repris son
visage habituel, et lEcole Mohammedia stait vide avec une rapidit dconcertante.

Les nouveaux diplms staient vapors, certains, pour aller se reposer chez eux,
dautres pour prparer dj leur entre dans le monde du travail.

A la grande agitation effrne de la fin de lanne, tait venu succder le calme plat
et profond, comme aprs une tempte.

Pour moi, les quatre jours, seul Rabat, furent bien tristes, avant de rejoindre mon
employeur attitr : le Bureau de Recherches et de Participations Minires (BRPM) auquel
me liait un contrat de 4 ans.

Javais mis profit cet intermde pour chercher un logement, mettre au point et
dposer les statuts de notre jeune Association auprs des autorits comptentes de la
ville de Rabat.

8
AU BRPM

DE JUILLET 1964 A SEPTEMBRE 1981


***

PREMIERE PERIODE : AUX TRAVAUX MINIERS

JUILLET 1964 - JUIN 1974

DEUXIEME PERIODE : AUX EXPLOITATIONS ET A LA DIRECTION


TECHNIQUE

JUILLET 1974 SEPTEMBRE 1981

9
RESUME
Cette phase de ma vie professionnelle au BRPM avec lequel jtais li par un contrat
de quatre ans, fut marque, ds le 1er juillet 1964, du sceau de lintensit et de la
continuit de leffort aprs la sortie de lEcole Mohammadia.

Interrompu par lintermde dun fabuleux voyage au pays de lOncle Sam, dont le Roi
Hassan II avait gratifi et honor lensemble de notre promotion, leffort se poursuivra
sans relche jusqu mon affectation en fin septembre 1981 la Direction des Mines au
Ministre de lEnergie et des Mines.

Ainsi, aprs une trs courte priode dattentisme et dobservation de six mois, je fus
happ jusqu fin dcembre 1974 par les activits sur les principaux chantiers de
recherche minire, affrontant les premires difficults, mais prouvant beaucoup de
bonheur et de satisfaction personnelle, et justifiant mon souhait sincre dintgrer
rapidement la grande famille du BRPM.

Aprs une anne au BRPM, je fus appel exercer des responsabilits au centre
minier dIrherm en dveloppement, pour mettre fin une situation dltre et chaotique
en rorganisant une modeste exploitation de minerai de cuivre au fin fond de lAnti Atlas
du Sous.

A Irherm, dans des conditions de vie spartiates, expos aux nombreux alas de la
nature, javais pass des moments inoubliables, tissant des relations de travail fcondes
avec le personnel, assumant toutes les responsabilits, sans jamais baisser les bras et me
dpartir de mon engagement rsolu.

Jai appris Irherm, et sur le tas, que dans la profession que javais exerce, je
savais beaucoup de choses et en mme que je ne savais rien, et que le chemin tait bien
long pour arriver dominer des situations ardues et complexes.

Jai retenu aussi que quand linformation circule mal, la responsabilisation est
difficile faire admettre et la cohsion instaurer parmi les intervenants aux diffrents
niveaux dexcution.

Limpulsion doit venir du haut de la pyramide et les rapports doivent fonctionner sur
le mme schma aux diffrents chelons de la hirarchie.

Les dficiences et les insuffisances tant nombreuses, la gestion dune entreprise au


niveau de lapprciation des agents et de la hirarchie, est souvent pesante et dure
assumer.

Javais essay de faire lapprentissage de tout cela, convaincu dy avoir consacr une
bonne partie de moi-mme, sans jamais reculer devant les problmes quotidiens et
ladversit pesante.

Au terme de ma mission Irherm, forg pour affronter sans complexe de nouvelles


responsabilits, je fus rappel Rabat en dcembre 1965 et nomm Chef du Service,
charg de conduire et dexcuter les programmes de recherche minire tous azimuts du
Bureau.

Nos travaux, raliss par des quipes de plus en plus aguerries, disposant de moyens
matriels de plus en plus modernes, menes par dminents surveillants mineurs
lexprience confirme, puis encadres par de jeunes ingnieurs nationaux, avaient mis
en vidence des gisements mtalliques, polymtalliques et de substances utiles ayant
donn naissance la quasi totalit des exploitations minires des trente dernires annes
dans notre pays, faisant rellement du BRPM, le promoteur principal affirm de lactivit
minire dans notre pays.

10
Par ailleurs, la notorit de nos quipes minires grce lexcellence de leur travail,
avait permis au BRPM de sintroduire dans le secteur des travaux de recherche et
dadduction deau, dassainissement des grandes villes et de reconnaissance des sites de
barrages, domaines jusque l rservs au secteur priv.

Dans le feu de laction, et en priode dembellie des relations maroco-algriennes, je


fus charg deux reprises, pour piloter ou faire partie des missions charges du
rexamen du dossier du gisement de fer phosphoreux de Gara Djebilet.

La crise mondiale de la sidrurgie, la dcouverte dimmenses gisements de fer de


bonne qualit au Brsil et en Australie et lmergence du dossier du Sahara, avaient
enterr, pour longtemps, cette belle perspective de la participation des mines la
construction du Grand Maghreb.

Dautres missions lintrieur et lextrieur du Maroc mavaient donn loccasion


dapprcier lvolution des techniques minires, dengager des actions de modernisation
de nos mthodes de travail sur les chantiers et de prparer notre entre dans les
domaines de lexploitation et de la valorisation minires.

Avec limplication dtermine du BRPM dans la mise en valeur des gisements, et en


quittant la recherche minire, je fus appel en 1974 reprsenter le Bureau dans
certaines de ses filiales et assumer des responsabilits dans dautres, travers le
management direct, la construction, le pilotage et le suivi des projets.

Cet pisode de ma vie professionnelle fut enrichissant plus dun titre car,
bnficiant de la confiance totale des Directeurs Gnraux successifs du BRPM, nous
avons pu relever le dfi de la gestion technique et financire des socits filiales et du
dveloppement prodigieux de leurs ressources humaines.

Au terme de mon parcours au BRPM, et avant de rejoindre, en septembre 1981, la


Direction des Mines au Ministre de lEnergie et des Mines, je fus nomm Directeur
Technique, charg de superviser, coordonner et animer toutes les activits dans les
domaines de lexploration, de la recherche, des tudes, tout en continuant assurer la
pleine responsabilit des exploitations et des projets miniers en construction ou en
dveloppement.

11
PREMIERE PERIODE : AUX TRAVAUX MINIERS
DE JUILLET 1964 A JUIN 1974

****
Les premiers contacts
Seul Rabat au lendemain de la remise des diplmes, habitant provisoirement dans
lappartement prt gracieusement par les camarades de la deuxime promotion, Addou
et Larguet, partis en stage dt en France, je fus bien content et soulag de dmarrer
dans la vie active au BRPM ds le 1er juillet 1964.

Quelques jours plus tard, je fus rejoint par mes camarades de promotion, Berkia et
Lahlou affects respectivement, aux Ateliers et au Service Matriel de la Base des Zar,
sur la route de Casablanca.

Lhatoute, pour sa part, avait rejoint la mine de pyrrhotine de Kettara, en plein


dveloppement, non loin de Marrakech.

Contractuel avec le BRPM du temps dAbdelhafid Kadiri et Thami Ouazzani, premiers


Directeurs Gnraux marocains du Bureau, et bnficiant dun complment de bourse
apprciable pour lpoque, je savais davance que lon me destinait aux activits de
recherches minires.

La future mine dor de Boumadine dans lOugnat, proche de Goulmima ton village
natal, conviendra parfaitement bien tes dbuts dingnieur, me disait Albert Hamou,
ancien Directeur des Participations au BRPM, et notre professeur dconomie minire.

Attir trs tt par le monde des chantiers miniers, je navais marqu aucune
rticence quant cette affectation prcoce, tant originaire de la rgion et dsireux
dassouvir mes anciennes volonts de jeune lve Goulmima et de collgien fougueux
Ksar-es-Souk.

A mon entre au BRPM, lquipe dirigeante tait compose de Sinacer Belarbi,


Administrateur Dlgu, Directeur Gnral, Mohamed Jadi, Secrtaire Gnral, Edouard
Fauvelet, Directeur Technique, Albert Hammou, Directeur des Participations et Albert
Chazan, Directeur de lExploration Ptrolire.

La premire prise de contact avec le chef du Service Travaux Miniers (STRM), Hubert
Prono, et le chef du Dpartement des Travaux de Recherches Minires (DTRM), Andr
Lasfargues, deux ingnieurs des mines franais, fut trs correcte, annonciatrice pour moi
dun bon dmarrage dans la vie professionnelle au BRPM.

Je connaissais Lasfargues qui nous avait accompagns et encadrs dans certains de


nos dplacements dtudiants, notamment la mine de Kettara.

Par la suite, au fil des jours et en travaillant ensemble, javais dcouvert en Prono un
homme discret, courtois et apprci du personnel marocain sous ses ordres, auquel il
avait su imprimer et inculquer un esprit travailleur, doubl dune discipline toute spartiate
et accepte par tous.

Javais beaucoup apprci lattitude et le comportement de Prono mon gard, alors


quil savait pertinemment que jtais appel, brve chance, assurer sa relve,
comme premier ingnieur des mines marocain aux Travaux Miniers.

Mais, javais compris pour ma part que pour prendre convenablement le relais sans
douleur, je devais mintgrer et midentifier le plus rapidement possible lactivit de
recherche minire, sans agressivit, flagornerie et prtention.

12
Anim dune foi immense et dun enthousiasme dbordant, javais dmarr, sans me
soucier outre mesure de ltat des lieux, au Sige du BRPM au 4, rue Moulay Hassan (ex
Urbain Blanc), dans un petit bureau au rez-de-chausse, poussireux, voire malsain,
encombr de documents, de plans et de cartes gologiques et minires de tous genres.

Le personnel administratif du Service observait mes premiers pas avec beaucoup de


curiosit, de bienveillance et de sympathie dissimule, car jtais le premier ingnieur des
mines marocain pntrer aux Travaux Miniers .

On piait mes faits et gestes, scrutait mes premiers agissements, et on attendait


avec impatience de voir et de constater de quoi jtais rellement capable.

On voulait dceler si jtais venu pour faire de la figuration derrire un bureau, et si


javais la fibre et la sensibilit minires, de la bienveillance et de la reconnaissance pour
les petites gens qui triment sur les chantiers, loin de Rabat .

Entre la vie dtudiant et la ralit sur le terrain, cest tout un monde ; avant de
prtendre au commandement, il faut mettre la main la pte, peiner dabord sur les
pistes et les chantiers, partager la vie des gens, connatre et assumer leurs problmes et
leurs soucis quotidiens, avais-je souvent entendu autour de moi, mais aussi avais-je
appris de Prono.

Ces paroles et ces remarques ne mavaient nullement gn ou indispos, ni


dcourag, ayant dcid de peiner, si de besoin, et denterrer progressivement,
dfinitivement et sans complexe ma vie dtudiant.

Tout dabord, je mtais fix comme priorit dassimiler lorganisation du Service


Travaux Miniers, de connatre et comprendre la situation Rabat, puis aprs sur le tas,
en allant au bled au contact des vritables professionnels de la recherche minire.

En cela, jtais support et accompagn par Prono, devenu mon mentor pour
quelques mois, avant son dpart programm avant la fin de lanne 1964.

Aprs quelques jours consacrs intensment compulser des dossiers, des cartes et
des centaines de documents mis ma disposition, visiter les services centraux au Sige,
me familiariser avec les structures de la Base des Zar et du Laboratoire de Valorisation
des Minerais sur la route de Casablanca, javais commenc dj faire partie de la maison
et renforcer mes relations avec le personnel qui mentourait.

Prono et Lasfargues observaient, de prs et de loin, mon comportement et mes


ractions, se gardant dmettre la moindre remarque dplace ou dsobligeante
loccasion de nos nombreuses sances de travail.

Je ne me faisais pas dillusion pour la suite, devant prendre en mains, moi-mme, ma


propre destine professionnelle, avec en perspective des missions dures et des contacts
multiples sur les chantiers du Bureau.

Pour marquer mon entre au BRPM, javais pass une visite mdicale en mme
temps que Omar Kabbaj, cadre la Direction des Participations, devenu plus tard
reprsentant du Maroc au Fonds Montaire International, Ministre des Affaires
Economiques et Directeur Gnral de la Banque Africaine de Dveloppement (BAD).

Ainsi, aprs mon insertion administrative sans encombre, une srie de missions de
courte dure sur les chantiers avait dmarr pour mimprgner rapidement de lesprit et
de la situation relle du microcosme minier du BRPM.

13
Tout dabord ce fut la mine de fluorine dEl Hammam.

Pour sortir du cadre monotone du bureau, nous irons demain au chantier de


fluorine dEl Hammam, dans le Maroc Central, non loin de la localit dAgoura , me lana
Prono, une semaine aprs mon entre en fonction.

Je fus enchant daller faire un peu de bled et de me frotter aux ralits des
centres de travaux miniers.

Javais dj une ide des activits extrieures du BRPM au cours de notre stage
dorientation en 1961 la fin de la premire anne de lEcole Mohammedia.

Ce stage, trs bien organis lpoque par la Direction Technique, sur


recommandation de Jadi, Secrtaire Gnral, nous avait conduits avec mes camarades de
promotion, durant un priple dun mois, sur les chantiers de recherches minires et
ptrolires et dans les plus importantes exploitations minires de plomb, zinc, fer,
manganse, relevant des socits filiales du BRPM.

Cette occasion fut, en son temps, lorigine de mon dclic pour lOption Mines lEcole
Mohammedia et pour tout ce qui gravitait autour de lactivit minire.

****
El Hammam, environ 200 km de Rabat, tait une ancienne mine de fluorine
exploite dans ses affleurements par la socit SAMINE, ancienne filiale du BRPM.

Pour valuer les enracinements de la minralisation et les potentialits du gisement,


le BRPM y avait implant un important chantier de recherches minires en pleine fort de
chnes verts et de pins, daccs difficile par une piste de 40 km, partant dAgoura, au
profil accident, longeant par endroits lOued Boutoukret, affluent de lOued Beht.

Ds notre arrive sur les lieux, nous avons crapahut dans les valles et les collines
boises dEl Hammam pour visiter des travaux de galeries de reconnaissances flanc de
coteau et des sondages implants sur les crtes, et aussi pour rencontrer le personnel et
les chefs des chantiers.

Ce fut certes fatiguant, mais rellement enrichissant et passionnant pour un dbutant


curieux et intress comme moi.

Prono, plusieurs reprises, sans malveillance ni arrire pense, mavait propos de


marquer une pause, mais javais insist pour continuer notre visite, nignorant pas qu
travers ce vritable baptme de feu, il voulait peut-tre tester mes ractions et mon
endurance.

A la fin de la tourne, et notre retour Rabat, javais tenu le remercier davoir


commenc nos dplacements au bled par cette premire preuve.
****
La deuxime semaine Rabat fut consacre la participation aux missions radio
quotidiennes avec les chantiers parpills sur le territoire national, pour minformer sur la
situation des programmes de travaux en cours et la prise de contact avec les Services de
la Comptabilit, des Achats et Approvisionnements, et la Base logistique des Zar sur la
route de Casablanca.

Au secrtariat du Dpartement, Omar, Boulahya, Reyani, et Mlle Gimenez, tous


affables et coopratifs souhait, me furent dun grand secours, tous heureux de ctoyer
enfin un ingnieur marocain, arriv parmi eux sans dpaysement et dans son lment
chaque jour davantage.

14
Aprs le bureau, chaque soir, je retrouvais mes amis dEcole, Berkia, Lahlou et
Lahrichi pour changer nos points de vue sur les premiers balbutiements de notre vie
professionnelle, discuter ensemble du dossier de lAssociation des Anciens de lEMI, et
laborer les lments du rapport/mmorandum prsenter au Cabinet Royal avant fin
1964, conformment aux directives royales des 18 et 25 juin.

Une deuxime sortie tait intervenue la mine de cuivre dIrherm (Imi NIrfi).

Nous continuerons notre tourne des chantiers aprs demain, et nous irons cette
fois-ci Irherm dans la rgion dAgadir ; ce sera pour vous une autre occasion pour
apprcier davantage la vie dun chantier dun autre type , me dit Prono, alors que nous
venions dexaminer un rapport mensuel dactivit des chantiers miniers dans ses menus
et moindres dtails.

Le priple annonc tait relativement long pour lpoque, car il fallait tout dabord
rejoindre laroport de Casa Anfa, prendre un avion DC3 assurant la liaison sur Agadir,
puis emprunter un vhicule lger pour rejoindre la mine dIrherm, 200 km au Sud est de
la capitale du Sous.

Ctait mon premier voyage par avion lintrieur du Maroc, et de surcrot Agadir,
ville balnaire en grande partie dtruite en fvrier 1960 par un terrible tremblement de
terre, avec le souvenir du Roi Mohammed V sur les lieux du sinistre, trs affect par le
drame, arpentant les rues dvastes parmi les dcombres des immeubles effondres
comme des chteaux de cartes.

A larrive laroport dAgadir-Bensergaou, aprs deux heures de vol, un chauffeur


dans une voiture lgre Skoda, de fabrication tchque, nous attendait pour nous conduire
la mine dIrherm.

En traversant Agadir et Inezgane, javais not, aprs le terrible sisme, lmergence


de deux villes nouvelles, dnotant le courage fabuleux des habitants de cette rgion du
Sous, connus pour leur srieux et leur abngation lgendaires.

Pour la premire fois, je dcouvrais Inezgane, At Melloul, Ouled Tema, Taroudant,


lOued Sous et lAnti-Atlas occidental.

Taroudant, entre la valle du Sous et le Haut-Atlas, derrire ses grandes murailles


datant du 16 sicle, donne au visiteur une formidable vision du sud marocain, aprs
avoir occup une place importante dans lhistoire du Maroc au temps de la dynastie des
Sadiens.

Je fus charm par les grands domaines agricoles, les fermes dorangers et de
citronniers et la grande fort darganiers, unique au monde.

Aprs la traverse de limmense lit ensabl du Sous, proximit du village de Freija,


bourgade encercle de haies de cactus et de champs doliviers, une petite route asphalte
serpentait travers les premiers contreforts de lAnti Atlas, nous faisant dcouvrir un
paysage extraordinaire fait de minuscules villages pittoresques, en cascades, aux maisons
en pierres sches, entours damandiers, avec leurs agadirs ou greniers collectifs o
lon entreposait les denres prissables.

Puis, aprs 20 km de route goudronne, ce fut la piste rocailleuse, traverse par de


nombreux rats musqus, toute en virages, calvaire persistant des chauffeurs des camions
poids lourds qui acheminaient le matriel du port dAgadir ou de Rabat sur le centre
minier dIrherm.

Au fur et mesure, la vue tait imprenable et le bonheur en altitude certain, parmi


les merveilleux paysages de lAnti Atlas, couverts darganiers et damandiers, qui
soffraient nous pour une irrsistible invitation au voyage et au dpaysement.

15
Aprs avoir travers la localit dIrherm, ancien centre militaire de la pntration
coloniale franaise de lAnti-Atlas, et le douar dOuarendaz perch sur les contreforts
montagneux, nous avons emprunt la piste peine carrossable en direction du village de
Douzrou, nich dans la valle encaisse de loued du mme nom, parmi les amandiers
parses et les haies de cactus.

Nous sommes arrivs vers midi, sous un soleil de plomb, au centre dImi NIrfi,
village minier constitu de baraques en prfabriqu pour le personnel dencadrement, de
petites maisons en briques ciment pour les ouvriers.

Une centaine de personnes vivaient l, dans un environnement austre et triste, fait


de valles encaisses et de montagnes aux reliefs durs et oppressants.

A Imi NIrfi, petit gisement de cuivre stratiforme, aux couches minralises pentues,
affleurant le long de la valle et sennoyant sous de hautes falaises, lactivit tait axe
sur les travaux de recherches minires par galeries, les prparatoires de lexploitation
souterraine, les terrassements et le gnie civil de la centrale diesel lectrique et de lusine
de traitement du minerai de cuivre.

Une flotte de camions lourds acheminait au chantier des containers de matriel en


provenance de Tchcoslovaquie, dbarqus au port dAgadir, destins lusine de
traitement de minerai et la centrale lectrique.

Nous avons visit lensemble des sections du centre minier en dveloppement


(installations au jour, travaux miniers de recherche et dessais dexploitation au fond),
guids par les diffrents responsables de sections.

Le contact avec lensemble du personnel fut trs chaleureux et courtois, et certains


agents navaient pas cach leur plaisir et leur joie de voir un ingnieur marocain parmi
eux, venu senqurir de leur situation et de leurs problmes.

La vie des chantiers est toujours rude, vous le constaterez dailleurs partout ;
toutefois, en organisant son temps de travail et ses contacts, tout devient supportable
aprs ; jespre que ce sera votre cas , me dit cordialement Prono, en prsence des
responsables des sections, tous trs attentifs ses dclarations, lui tmoignant un
respect rel et non de circonstance.

Aprs un djeuner copieux, dcontract et marqu par de nombreuses manifestations


de sympathie mon gard, auxquelles je fus particulirement sensible, nous avons repris
le chemin dAgadir.

Avant de rejoindre laroport, nous avons visit le port et le quai minerais,


rceptacle des productions des mines de Bouskour (cuivre) et Bouazzer (cobalt), dans la
rgion dOuarzazate, relevant du Groupe Omnium Nord Africain (ONA).

Tard, nous avons rejoint Casablanca par le mme avion DC3 du matin, accueillis
laroport de Casa Anfa par lpouse de Prono.

Vous devez tre bien fatigu, mon mari a d vous malmener durant le voyage ,
me dit, sans insinuation, lpouse de Prono.

Je lui avais rpondu, quau contraire, je remercie vivement son mari de mavoir si
bien guid lors de cette journe mmorable et enrichissante au plan professionnel et
humain, me faisant dcouvrir par la mme occasion, et pour la premire fois, Agadir et sa
rgion immdiate du Sous et lAnti Atlas occidental.

Mme Prono, fort gentiment, nhsita pas me demander si le travail du bled me


plaisait, sil ne perturbait pas ma vie familiale.

16
Javais rtorqu que cette activit menchantait et, qutant clibataire, je my tais
prpar de longue date, avec grande rsolution.

Ce premier dplacement Irherm fut de bon augure pour mes dbuts, et je mtais
senti enthousiaste pour continuer, sans me soucier des conditions de transport et de
sjour sur le chantier, impressionn par la discipline qui rgnait aux chantiers et laccueil
chaleureux qui me fut rserv partout.

A Rabat, aprs mes premires sorties sur le terrain, la sympathie et la bienveillance


des agents du Service et du Dpartement avaient redoubl.

Javais mme senti leur disposition maider pour aller de lavant, attendant de ma
part un apport de sang neuf, de nouvelles mthodes de travail susceptibles de modifier
les habitudes et damliorer les structures en place aux Travaux Miniers.

Toutefois, je mtais gard dmettre la moindre remarque sur la gestion en cours des
hommes et des moyens, ayant pleine conscience de ntre quun dbutant, sur mes gardes
pour nimportuner, ni froisser personne.

Javais vit de susciter une quelconque raction dfavorable ou impromptue de


Prono, toujours coopratif et aimable, qui mincitait multiplier les contacts avec les
services centraux et extrieurs pour mincruster davantage au BRPM , dit-il.

Les diffrents dplacements la Base des Zar dirige par Belin assist de Chaillot
aux Ateliers, me donnaient loccasion de rester en contact permanent avec mes
camarades de promotion Berkia et Lahlou, et de nouer des relations solides et prennes
avec le Service des Transports, dirig dune main de matre par Balafrej et Lyazidi,
devenus des passages obligs et des soutiens apprcis de tous les instants.

Travailler dans ce cadre, mavait permis dassimiler au fur et mesure les


procdures, de tisser paralllement des amitis vigoureuses avec les gologues Smeykal,
Saint Gal de Pons et Prs du Service de la Gologie minire en charge du suivi rgulier
des programmes de travaux de recherches minires.

Avec la Division Financire conduite par Azzeddine Benmoussa, le Secrtariat


Technique pilot par Tripoli et Abdeljebbar, les Approvisionnements et Achats anims par
Taleb Guessous, Jirari, Kabbaj et Chaffa, le Service du Personnel plac sous lautorit de
Cherkaoui et Idrissi, et la cellule Caisse rgente par une grande dame, Mme Lorserie,
javais entretenu les meilleurs rapports possibles, bnficiant souvent de leur
comprhension et de leur relle bienveillance.

A la fin de ma quatrime semaine au BRPM, Prono, ayant remarqu mon rel intrt
pour la recherche minire, ma prdisposition et ma propension aller au bled, me
proposa de sjourner plus longuement la mine dIrherm pour suivre la construction de
lusine de traitement, la mise en place de la centrale lectrique et des sections auxiliaires,
la ralisation des travaux dossature minire, et pour assister aux premiers essais des
mthodes dexploitation souterraine.

Quelques jours de plus dans le bled ne vous feront que du bien ; de plus, vous
apprcierez davantage les efforts dploys par le personnel, sa pleine disponibilit et sa
mobilisation durant les moments difficiles , me dit Prono avec dlicatesse.

Encore une fois, jtais partant avec un plaisir redoubl pour le Sous et le secteur de
lAnti Atlas qui mavaient sduit et enchant ds la premire visite.

Javais rejoint la mine en voiture, conduit par le chauffer Bouzegane, en empruntant


la route ctire sinueuse passant par Essaouira, Smimou, Tamanar, puis Tamri avec ses
gargotes et ses plantations de bananiers.

17
A Irherm, o, comme auparavant, je fus accueilli chaleureusement, les conditions de
vie, tout en tant austres, taient supportables malgr les chaleurs torrides de lt 1964
au cours duquel les tempratures avaient dpass 45.

Dans cette partie de lAnti Atlas, aprs des vagues dun froid cruel en hiver, suivies de
rafales de vent glac, surviennent immdiatement des chaleurs suffocantes dbutant en
gnral en avril et se prolongeant jusquen octobre.

Malgr la chaleur touffante du mois de juillet 1964, javais aim la vie en plein air et
en communaut, car elle ragaillardit et dcomplexe vis vis du personnel des chantiers,
toujours observateur attentif des ractions et des comportements des responsables de
Rabat, considrs comme des gens ide passage, indisposs par la chaleur et ne
supportant par les conditions de vie au bled et lenvironnement semi-dsertique.

En fait, pour moi, vivre les problmes quotidiens dun centre minier, en perptuelle
transformation, participer la mise au point des mthodes de travail et ldification des
installations, partager lordinaire des gens autour dun verre de th, dun tajine ou dun
couscous, buvant des fois leau bouillie puise dans les medfiats, mimprgner des
vritables conditions du milieu de travail dans le bled, furent pour moi des opportunits
inoubliables et envotantes plus dun titre.

Les rapports et les contacts avec lensemble du personnel furent trs courtois et
affables, dautant plus que je navais aucune responsabilit exercer et assumer ;
jtais l pour observer, comprendre et apprcier le milieu du travail o je serai appel
voluer certainement plus tard. Je vivais les journes Irherm avec une relle passion,
dans une ambiance gnrale empreinte de sympathie.

Le chef de lexploitation, Tadeusz Wielcosz, franco-polonais, mari une Espagnole,


dirigeait les travaux avec bonhomie et sans grande rigueur, laissant souvent le soin aux
chefs de section de mener leur barque leur guise .

Nos relations, empreintes de cordialit, remontaient 1961 Stolazar, dans les


Mines du Rif, o javais effectu mon premier stage sur un chantier BRPM de creusement
de descenderie avec utilisation dun moto-treuil diesel.

Jtais, plusieurs reprises, invit chez lui pour goter lexcellente cuisine espagnole
de son pouse toujours accueillante, affable, donnant une impression de dcontraction et
de dtachement, dans un milieu loin de ses proccupations.

La cantine pour cadres taient remarquablement administre et orchestre par le


cuisinier Mohammed, originaire du Sous, toujours souriant et aux petits soins pour tous
les gens de passage.

Lhbergement tait assur modestement et correctement dans des chambres


individuelles en prfabriqu Carrre Durisol, o en de rares occasions, des serpents et
des tarentules venaient rendre visite aux lieux .

Dans cette ambiance spartiate, mais sereine et amicale, le temps semblait sgrener
trs vite, les journes taient bien remplies, charges de poussires, de graisse, de sueur,
mais aussi de ralisations concrtes et daffection collective.

Les travaux de prparation des panneaux dexploitation minire souterraine se


droulaient convenablement, et selon le planning prtabli.

Le gnie civil de laverie et de ses annexes tait conduit avec maestria par Maghraoui,
chef dquipe expriment, dtach sur place par la Base des Zar pour organiser et
superviser les oprations de construction des socles en bton des quipements, en troite
et amicale collaboration avec Boujema, ancien responsable de lusine de traitement de
Plomb Moulouya (Zada prs de Midelt).

18
Boujema, connu pour son professionnalisme et son dynamisme permanent, donnait
limpression dacter part, sans faire montre dun esprit de collaboration avec Wielcosz et
les responsables des travaux miniers prparatoires.

Pour moi, encore profane, tout semblait baigner dans lhuile, dans un environnement
que la sympathie et la bienveillance des gens mavaient fait apprcier, sans contrepartie
et de faon toute dsintresse.

Ds lors, javais considr les premiers contacts avec lactivit minire du BRPM
comme un bon prsage pour la suite de ma carrire professionnelle.

Prono, puis plus tard Lasfargues, avaient bien raison de morienter sur cette voie,
celle de leffort continu, de la ngation de soi et du contact fcond avec ceux qui peinaient
sur les chantiers.

19
Premier voyage aux Etats-Unis
Au dbut du mois daot 1964, la mine dIrherm, alors que jaccompagnais
Maghraoui et Boujema pour une mise au point sur ltat davancement des travaux du
gnie civil de lusine de traitement, on me demanda par radio de Rabat de rentrer de
toute urgence pour partir aux Etats-Unis dans le cadre dun voyage dont le Roi Hassan II
avait gratifi la Promotion Mohammed V de lEcole Mohammedia.

Dans leuphorie de la grande sollicitude royale, javais quitt Irherm avec regret, mais
avec lespoir de revenir brve chance pour continuer participer luvre de
montage des installations industrielles et de prparation des ossatures de lexploitation
minire souterraine.

A Rabat, Lasfargues et Prono mavaient marqu tous les deux leur bonne apprciation
quant mon long sjour Irherm, mexhortant suivre la mme voie lavenir, celle du
contact frquent avec les chantiers et du suivi direct de leurs activits multiformes.

Je suis convaincu que vous ferez du bon travail au Travaux Miniers , me dit Prono,
avec beaucoup de considration, avant de nous quitter pour la dernire fois.

Les retrouvailles avec les amis et camarades dEcole, aprs moins de deux mois de
sparation, furent mouvantes, chacun se plaisant raconter ses problmes, ses
dboires, mais aussi ses succs de dmarrage de carrire professionnelle.

Aprs des briefings lEcole Mohammedia sur lobjet, le programme et la nature de


notre grand priple aux Etats Unis, nous allions redevenir durant cinq semaines des
tudiants vivant de nouveau en petite communaut, retrouvant les habitudes de linternat
et de la promiscuit, et appels assouvir un rve en se projetant dans un monde part,
le Nouveau Monde, dmesur, sophistiqu, attachant et extraordinaire.

Pour des raisons dindisponibilit physique et de force majeure, seuls manquaient


lappel nos camarades Abdeslam Berkia, Mohammed Benjelloun, Mounir Aouad et
Mohammed Morjane.

Le Directeur de lEcole Mohammedia, Amor, le menu et frle homme la pipe, et le


Secrtaire Gnral, Rhiati, dbonnaire et agit, faisaient partie du voyage, donnant
notre groupe un surcrot de srieux, de discipline avant daller au pays tant adul de
lOncle Sam.

LAmbassadeur des Etats-Unis, le grand Parker, et ses principaux collaborateurs


taient l pour nous saluer avant notre dpart de laroport de Rabat-Sal, et poser en
photos souvenirs avec lensemble du groupe.

Lavion, un quadriracteur Douglas DC8 de la Pan American, nous avait conduits


dabord Lisbonne pour une courte escale, puis aux Iles Aores, proximit de limmense
base amricaine de lOTAN, avant datterrir en fin daprs midi laroport Kennedy
New York, aprs un vol de plus de dix heures.

Nous fmes accueillis par des officiels amricains et par Ignateff, conomiste et
historien russo-amricain, qui nous guidera, en bon pre de famille durant tout notre
priple travers les Etats-Unis.

Nous tions tous lessivs et abattus par un aussi long voyage, et installs dans un
htel en bordure de lHudson, en plein quartier de Brocklyn habit par des juifs Lbovich
en grandes nattes et chapeau noir, plongs dans leurs profondes mditations
talmudiques, sans se soucier des intrus dans leur propre domaine.

20
New York, cest fabuleux, fascinant et fantastique , avaient cri, sans retenue,
certains camarades blouis par les nombreux et immenses gratte-ciel de lle de
Manhattan se profilant majestueusement lhorizon.

Fonde par les Hollandais en 1626, sous le nom de Nouvelle Amsterdam, la ville
devient New York aprs sa conqute par les Anglais en 1664, aprs dpres luttes, de
connivence avec les tribus indiennes de la rgion.

Premier centre financier du monde, grand port, nud ferroviaire et arien, New York,
vritable patchwork, nous avait enthousiasms par ses grandes avenues, ses immenses
buildings, ses shopping centers, lEmpire State Building, Rockefeller Center, Madison
Square Garden, lHudson enjamb par plusieurs ponts, la statue de la libert, etc.

Le lendemain, aprs un dmnagement dans un autre htel au centre de Manhattan,


nous avons effectu une longue randonne en autobus, travers les larges avenues de
Broadway, la Cinquime Avenue, puis en longeant Madison Square Garden et en
traversant le quartier noir de Harlem, avant darriver Greenwich Village, le quartier des
artistes et dexcentriques de tous genres.

A lhtel, de nombreux camarades taient comme de gosses devant les gadgets, les
machines sous, les billards, en sy adonnant cur joie.

Aprs limposante New York, nous avons rejoint Washington par la route pour
dcouvrir la campagne amricaine et lampleur des voies de communication (routes,
autoroutes, voies fluviales.), en passant prs de Philadelphie et Baltimore.

A Washington, capitale fdrale, ville are et plonge dans la verdure, dans le


district de Columbia, sur le Potomac, rsidence du Prsident des Etats-Unis, nous fmes
logs dans un grand htel (Mayflower), proximit de la Maison Blanche.

Notre sjour fut merveilleusement organis et agrment par les visites du Capitole,
haut lieu de la dmocratie amricaine, du Mmorial de Jefferson, du Monument Lincoln,
de Mont Vernon, village natal de Georges Washington.

Particulirement, nous fmes impressionns par le Lincoln Memorial, tout de marbre


blanc, rig en hommage celui qui fut le chantre de la lutte contre lesclavage des
Noirs, et qui fut assassin en 1865 par un fanatique esclavagiste, Booth, la fin de la
Guerre de Scession.

Le long du Potomac, dautres btiments rappellent les hauts faits de la cration des
Etats-Unis et de la Guerre de Scession, avec le souvenir des pres fondateurs de la jeune
nation affranchie de la tutelle britannique, avec le concours dun corps expditionnaire
franais command par le Gnral La Fayette.

Aprs des confrences et des contacts dans les Universits de Columbia et de


Georgetown, animes par des professeurs de grande renomme, parmi eux de grandes
sommits dascendance noire et indienne, nous fmes convis des rceptions
fastueuses organises par les autorits fdrales.

Par ailleurs, nous fmes reus dans une ferme, dans le Maryland, la priphrie de la
ville, o aprs une visite dtaille et des explications sur les hauts rendements agricoles,
nous avons got un mas dlicieux gros grains.

Nous avons particip la prire du vendredi la mosque du Centre islamique dans


le quartier bourgeois sur Massachusetts Avenue, et notre tonnement, le sermon y fut
lu en arabe par un imam blanc, puis en anglais par un religieux noir.

Par la suite, nous fmes convis un grand djeuner donn en notre honneur par le
smillant Ambassadeur du Maroc, Ali Benjelloun, en sa belle rsidence dans un quartier
hupp de la jolie et verdoyante agglomration de Georgetown.

21
Pour clturer notre passage dans la capitale fdrale amricaine, chacun une rose la
main, nous nous tions recueillis au cimetire dArlington, en bordure de la rivire
Potomac, sur la tombe du Prsident Kennedy, assassin Dallas au Texas en 1963, et
dont le souvenir continuait dalimenter la conscience amricaine.

De Washington, en avion, nous avons rejoint Boston, capitale de lEtat du


Massachusetts, centre industriel, commercial et financier, grand port, sige de lUniversit
Harvard et du Massachusetts Institut of Technology (MIT).

L, nous fmes impressionns par le gigantisme et la qualit des campus


universitaires amricains, et par lampleur des programmes et des crdits allous la
recherche et au dveloppement, venant expliquer lnormit de lavance technologique
amricaine par rapport aux autres pays dEurope et dAsie.

Ignateff, notre mentor et notre guide, tait toujours l avec nous, attentif et
attentionn, apprciant notre curiosit et notre admiration pour lAmrique.

Aprs Boston, nous avons rejoint Pittsburgh.

Au cours du vol de Boston vers Pittsburgh, pour la premire fois, en tant que
Prsident de notre jeune Association des Anciens de lEMI, jeus exercer mon arbitrage
entre le Directeur Amor et notre camarade Achour, suite une altercation entre eux, pour
des raisons rellement futiles et sibyllines.

Amor, ulcr par le comportement jug dplac de son ancien lve lors dune
discussion anodine, avait dcid, notre insu, en arrivant lhtel Pittsburgh, de quitter
le groupe et de regagner le Maroc.

Alerts par Rhiati, avec les camarades Lhatoute et Jaoui, en catastrophe nous avons
pris un taxi pour rejoindre, trs vive allure, laroport de Pittsburgh.

Amor, dj parmi la longue file des passagers, tait en train de se prparer


enregistrer pour embarquer sur Paris, via New York.

Calmement, mais pniblement, nous avons russi extraire Amor de la file, et


patiemment, dans un coin de laroport, aprs lui avoir fait ingurgiter un grand jus
dorange pour le sortir de son tat thylique, nous avons pu le raisonner pour renoncer
son funeste projet.

Enfin, nous lavons reconduit lhtel Pittsburgh pour linstaller dans sa chambre
comme un jeune adolescent.

Avec bonheur le lendemain, nous avions constat sa totale amnsie de lpique


vnement de la veille que nous avons, nous aussi, dcid de taire et de ne pas divulguer
parmi nos camarades.

Notre sjour Pittsburgh en Pennsylvanie, sur lOhio, lun des plus grands centres
sidrurgiques et mtallurgiques du monde, fut focalis sur la visite des immenses usines
de fabrication de matriel lectrique (moteurs et gnratrices de grandes puissances,
turbines, cbles dnergie, etc.) de la socit Westinghouse.

Puis, ce fut le tour de Buffalo sur le lac Eri, port fluvial et centre industriel, connu
pour son Universit et son Muse dart, proche des chutes du Niagara hautes de 47m,
phnomne naturel unique au monde, haut lieu touristique et site dun gigantesque
complexe hydrolectrique.

Nous fmes lobjet dattentions particulires et dune gentillesse exquise travers


des invitations par groupe de trois, chez des familles amricaines.

22
Notre groupe pour sa part, eut loccasion de visiter avec nos htes des usines de pte
papier et dapprcier le niveau lev de la productivit et de lefficacit du management
au sein dune PME performante dans la rgion.

A Ames, capitale de lIowa, ville universitaire proche de Des Moines, nous avons
visit lUniversit de lEtat et de gigantesques exploitations agricoles de mas, fiert du
profond Middle West.

Javais gard un souvenir ineffable de limmense pizza que lon nous avait servie,
Lhatoute et moi, dans un restaurant de la ville, et dont on nous avait fait emporter les
restes en doggy bag.

De mme, javais apprci la clrit avec laquelle on mavait fait parvenir San
Francisco mon passeport, oubli la hte, dans ma chambre dhtel Ames.

Aprs le Middle Ouest, en avion, nous avons rejoint San Francisco en Californie.

La ville, dbouch dans le Pacifique, fonde en 1776 par les Espagnols, devenue
amricaine en 1846, dtruite par un tremblement de terre en 1906, centre des industries
chimiques et mcaniques, lieu des signatures de la Charte des Nations Unies en 1945 et
du trait de paix entre le Japon et les Allis, nous avait enchants par la beaut des sites
et la chaleur de laccueil des autorits locales et des divers responsables universitaires.

Nous avons visit les Universits de grande notorit mondiale, de Stamford et


Berkeley, monde de linnovation et de lexprimentation, les usines de Lockheed Aviation
la priphrie de San Francisco o lon dveloppait les avions long courrier et les fameux
avions espions X15.

Ensuite, la tourne en bateau de la baie de San Francisco nous donna lopportunit


dadmirer limmense pont de Golden Gate et de passer proximit de la non moins
clbre prison de lle dAlcatraz.

A la fin de notre sjour, nous avons dambul Chinatown, cre par les immigrants
chinois, image dun secteur dune ville comme Shangha ou Nankin, avant dassister un
spectacle de patinage artistique sur glace, Ice Folies.

Aprs le spectacle, avec le camarade Jaoui, en voulant regagner lhtel pied,


dboussols et sans repres, nous fmes tonns dtre conduits par un gant noir qui
refusa mchamment de nous indiquer le bon chemin emprunter.

Un hispanique sollicit aprs, nous avait heureusement mis sur la bonne direction,
avec beaucoup dentregent et de gentillesse.

A Los Angeles, mtropole de lOuest amricain, centre dindustries mcaniques,


chimiques et alimentaires, notre passage fut agrment par la visite de Hollywood,
Beverley Hill, Universal Studios et du fabuleux centre dattractions de Disney World.

Partout, le monde californien nous avait envots et subjugus par son organisation
mthodique et ses normes ralisations, sans commune mesure avec nos standards
triqus et en dphasage de plusieurs dcennies.

Aprs Los Angeles, nous avons rejoint par autobus la ville dEl Centro, dans le sud de
la Californie, non loin de la fameuse Valle de la Mort, sous une chaleur torride faisant
fondre lasphalte de lautoroute, nous contraignant courir en descendant du car pour ne
pas nous exposer aux rayons terribles du soleil.

Dans cette zone proche de la frontire mexicaine, longue plaine surnomme la


Grande Valle, ressemblant trangement la plaine du Haouz, nous avons dcouvert une
vaste et riche rgion agricole, faite dimmenses ranchs btail, de vignobles, de cultures
subtropicales et de palmeraies tires au cordeau, produisant du vritable mejhoul

23
(dorigine marocaine nous avait-on dit), emball dans des sacs plastique pour en assurer
la conservation et la bonne cueillette.

En Californie, le gnie amricain a transform un ancien dsert, battu par les vents,
infest de serpents sonnettes, en un paradis agricole, irrigu avec leau amene sur
plusieurs milliers de kilomtres par grands canaux des Montagnes Rocheuses et du fleuve
Colorado.

La dcouverte du ptrole et de lor et la construction du chemin de fer


transcontinental ont assur la prosprit de cette contre conquise sur le Mexique en
1848 et rige en Etat de lUnion en 1850.

De lautre ct de la frontire avec le Mexique, ctaient la dsolation, le dnuement


et le sous dveloppement notoires.

Au passage frontalier de Mexicali, en provenance du Mexique, on voyait des hordes


douvriers, avec leurs balluchons et leurs guenilles, en qute de travail, soumis la fouille
systmatique des policiers et des douaniers yankees, grands seigneurs hautains et
mprisants, arborant de grands chapeaux de cow boy.

En direction du Mexique, du ct amricain, Calimex, des Mexicains repartaient


chez eux, bord de rutilantes voitures, probablement acquises aprs avoir travaill
durement dans les exploitations agricoles, et amass un bon pcule.

Le dplacement en Californie du sud, en autobus climatis, fut pour nous loccasion de


manifester notre dcontraction par des chansons marocaines reprises en choeur,
orchestres par notre camarade Bouslikhane, accompagnes danecdotes ou de blagues
dbites par linfatigable Kerrou.

Aprs le sud de la Californie, notre priple nous mena Albuquerque, capitale du


Nouveau Mexique, sur le Rio Grande, rappelant par son climat, ses montagnes rostres et
son environnement gologique, les zones dErrachidia et dOuarzazate.

Nous avons sjourn lUniversit de lEtat et visit ses laboratoires et ses


bibliothques, avant daller, par train AMTRAK double tage, admirer lextraordinaire
panorama du Grand Canyon du Colorado, dcrit et magnifi de par le monde, et lieu des
chevauches fantastiques des films western.

Nous avons assist des danses indiennes sans me, organises lintention des
touristes en qute dexotisme et de rencontre avec les anciens Peaux Rouges.

La visite dun village indien, nous dvoila ltat de sous dveloppement relatif des
rserves indiennes places sous administration directe du Ministre Fdral de lIntrieur,
pour mieux les contrler trs probablement.

Sur la place centrale de lune de ces rserves, nous avons salu un grand chef indien,
juch sur un norme tas de sable, en chemise blanche et pantalon gris, coiff dun
immense chapeau, en signe dinsertion dans le way of life amricain, en paix avec ses
adversaires historiques.

Aprs le Nouveau Mexique, Denver, au pied des Montagnes Rocheuses, capitale de


lEtat du Colorado, centre dindustries mcaniques et aronautiques, nous avons sjourn
pour visiter lUniversit, des centres de recherche et dimportantes ralisations
industrielles.

Notre tourne aux Etats-Unis, sacheva New York avec la rception offerte par
lAssociation Amricaine des Ingnieurs, installe dans un grand immeuble Manhattan,
proximit de lnorme palais de verre des Nations Unies Manhattan.

24
Nous avons convenu, avec nos htes de maintenir le contact dans le cadre de notre
Association des Laurats de lEMI, en phase de gestation.

Prenez soin de vous, lavenir sera brillant , me dit paternellement, notre guide
Ignateff, tonn lors de nos frquentes discussions durant notre priple, de mes
connaissances sur son pays dorigine, la Russie, et sur sa transformation par le rgime des
Soviets aprs la Rvolution bolchevik doctobre 1917.

Que dire de ce priple au pays de lOncle Sam, si ce nest quil fut rellement,
passionnant, intressant et instructif.

Durant plus de cinq semaines, nous avons dcouvert un pays continent, dune trs
large diversit gographique et ethnique, model par de nombreuses vagues
dimmigration, elles-mmes fondues pour former une nation nouvelle et originale, et
dployer une civilisation daudience plantaire.

Nous avons rencontr des gens de tous les horizons, de toutes les races, dans une
Amrique profonde, attachante, sympathique et accueillante.

Les Noirs qui reprsentaient plus de 10% de la population, amens comme esclaves
aux 17 et 18 sicles, commenaient conqurir lentement et srement leurs droits
civils et politiques, annonant un grand chambardement dans la socit amricaine
domine jusqualors par les Blancs europens et dirige de facto par les WASP (White
Anglo-Saxons Protestants).

La composante hispanique, issue de lAmrique latine (Mexique, Cuba, entre autres)


apparait de plus en plus comme une force sur laquelle il faut compter.

Nous avons conclu, juste titre, que lAmricain des films western, du chewing-gum
et du whisky, nest pas reprsentatif de lAmricain moyen.

Le meilleur moyen pour connatre les Etats-Unis est de ne pas capter seulement des
bribes, des images et des signes, mais de se rendre sur place et de se confronter
directement avec les ralits de limmense pays.

Tout en tant enrichissant plusieurs gards, le voyage aux Etats Unis fut pour moi
personnellement prouvant, et je regrette vivement de nen avoir pas profit pleinement
comme je lavais souhait.

En effet, en tant que Prsident de lAssociation des Anciens, je fus mis rude preuve
quotidiennement pour rgler mille et un problmes matriels, mnager certaines
susceptibilits, jouer les arbitres, viter les frictions et maintenir au sein du groupe
lesprit de concorde, daffection et damiti qui avait toujours caractris nos relations
depuis 1958.

La patience et le sang froid aidant, heureusement tout avait fini par rentrer dans
lordre, oubliant les dsagrments et ne retenant que le ct positif du voyage.

A New York, tous contents davoir accompli un magnifique priple, notre intermde
dtudiants avait pris fin.

Chacun avait ds lors pris son chemin, celui dun autre monde de nouvelles relations
professionnelles.

25
Des dbuts laborieux
Au retour des Etats-Unis, et prs un bref voyage dagrment, Paris, Amsterdam et
Copenhague, en compagnie de mon camarade et ami Abdelmalek Jaoui, javais rejoint
Rabat au dbut de septembre, convaincu que la priode dtudiant tait dfinitivement
rvolue, que ma vie professionnelle allait rellement dmarrer, et quil fallait sy atteler,
sans attendre et sans coup frir.

Durant mon absence, et comme ctait prvu, Prono avait quitt dfinitivement le
BRPM pour rentrer en France, le poste de Chef Service Travaux Miniers tait donc
pourvoir trs rapidement.

Au dpart, la Direction Gnrale du BRPM avait prfr me nommer Charg du


Service Travaux Miniers, probablement pour me tester et pour ne pas brler les tapes,
mais aussi pour me pousser persvrer dans leffort manifest en juillet et aot 1964,
avant de prendre les rnes dun des plus importants services du Bureau, dot dun effectif
de plusieurs centaines de personnes, rparti sur plusieurs chantiers, et disposant de
grands moyens matriels de tous genres.

Javais alors travailler directement avec le Chef du Dpartement, Andr Lasfargues,


avec lequel les relations taient demeures respectueuses, cordiales et amicales jusqu
son dpart dfinitif du BRPM la fin de lanne 1968.

En octobre 1964, javais pris la prcaution de louer un appartement dans lex rue
Henri Pop prs de la Tour Hassan, quelques encablures du sige du BRPM lavenue
Moulay Hassan que je regagnais pied en toutes saisons, ne disposant pas encore dun
vhicule de service ou personnel.

Aprs une courte priode de remise en condition Rabat, bnficiant du support


bienveillant du personnel administratif du Service, je fus charg dune premire mission
dans le secteur de la CADET (Centrale dAchat et de Dveloppement Economique du
Tafilalet), organisme public cr par lEtat pour soutenir et dvelopper lexploitation
artisanale des petits gisements de plomb de la rgion dErfoud et Rissani.

A signaler que la production artisanale de plomb tait collecte et vendue la CADET


sur la base de prix fixs mensuellement par lAdministration des Mines, eux-mmes
fonction des cours internationaux erratiques des mtaux de base.

La mission devait porter sur lexcution dun programme de dnoyage des travaux
dartisans mineurs dans la zone dactivit de Boufedouze, situ 50 km de piste au sud
ouest de la localit de Rissani, et 70 km dErfoud.

Bien avant, alors que jtais aux Etats-Unis, la prparation de la mission tait confie
Jerdouj, un vieux mineur chevronn originaire de la rgion dEl Kela des Mgouna,
rompu aux chantiers difficiles, comptent, spartiate, aid du mcanicien Renaud, parmi
les rares Europens encore en activit au Service Travaux Miniers.

Je suis le chef de chantier de Boufedouze, je viens en qute dinstructions et de


directives, nous sommes prts , me lana schement Jerdouj, en pntrant dans lancien
bureau de Prono que je venais doccuper peine depuis quelques jours.

Pris au dpourvu, ne connaissant pas Jerdouj, rellement je ne savais pas quoi lui
rpondre, tant encore ignorant des personnes et pas au fait des programmes des travaux
miniers, de leur tendue et de leur rpartition rgionale.

Avez-vous prpar tous vos quipements de chantier, et si oui, nous partirons ds


demain , lui avais-je rpondu avec un semblant de fermet et de dtermination ; ce que
Jerdouj avait dailleurs beaucoup apprci de prime abord.

26
Effectivement, tt le lendemain, nous avons quitt Rabat en convoi comprenant trois
Land Rover et un camion atelier pilot par Renaud.

Aprs une courte halte la Base logistique du BRPM de Midelt gre par lagent
administratif Kherfi, puis un arrt Erfoud pour prendre contact avec le Directeur de la
CADET, Hajoui, ancien laurat de lEcole des Mines de Rabat, nous tions rendus au bout
de deux jours au chantier de Boufedouze, 650 km de Rabat.

Nous avons dcouvert sur les lieux un chantier sans me, abandonn depuis
plusieurs mois par les artisans mineurs aprs lenvahissement de leurs travaux par les
eaux la suite dune avarie du systme de pompage.

Notre quipe, sous limpulsion de Jerdouj et Renaud, stait vite attele la tche
pour installer le camp, dresser les tentes et entamer les oprations de mise en place du
matriel de dnoyage (treuil de levage, motopompe Recta axe vertical et train de tiges)
en tte du puits principal dextraction du minerai, dune profondeur de 80m.

Sous un soleil de plomb, habituel dans ce secteur, le montage du train de tiges et le


positionnement appropri de la motopompe, sans dviation, furent longs et pnibles,
mettant rude preuve les nerfs du personnel et le savoir faire de Jerdouj et de Renaud,
tous les deux en dsaccord total et avou sur la gestion du temps et des moyens humains
et matriels disponibles.

De mon ct, encore novice, ne connaissant pas suffisamment les acteurs et ne


matrisant pas les diffrentes oprations, je ne faisais quobserver attentivement les
travaux, tant tmoin de toutes les actions lmentaires de mise en place des
quipements et de la vie quotidienne au chantier.

Aprs trois jours defforts inlassables sous une chaleur torride, dengueulades et de
vocifrations entre Jerdouj et Renaud, interrompus la tombe de la nuit et repris au
lever du jour, la motopompe RECTA commena, enfin avec soulagement, et comme par
enchantement dbiter abondamment, avec un rel bonheur, une eau saumtre et
boueuse, et dnoyer progressivement les travaux dartisans noys.

Le succs de lopration fut ft par un bon tagine et un th, servis mme le sol,
sous nos tentes sommaires, vritables fournaises, faites de toile troue, battues par le
vent de sable brlant.

Sur ce succs, et aprs cette prouesse technique, Jerdouj et Renaud staient


rconcilis et staient congratuls chaleureusement, oubliant toutes les dconvenues et
ne retenant que la suite positive de leurs efforts.

Rapidement, comme par enchantement, les artisans loigns depuis des mois par
linondation de leurs chantiers, certains avec leur famille, commencrent affluer et se
rinstaller pour reprendre les travaux souterrains de dpilage des petits filons de galne.

Pour ma part, je fus enchant de suivre de prs lenchevtrement des multiples


oprations dun chantier, loin de Rabat, tout en inaugurant des contacts de sympathie
avec les diffrents intervenants (ouvriers, artisans) et en nouant particulirement avec
le vtran Jerdouj, des relations amicales, demeures fcondes et destime rciproque
jusqu mon dpart du BRPM en septembre 1981.

Cette premire mission dans le secteur du Tafilalet mavait convaincu de la ncessit


de soutenir supporter et de venir en aide aux artisans de ces rgions excentres et
pauvres, en amliorant les moyens dexhaure, et en orientant ce monde besogneux et
anonyme dartisans mineurs dans le dveloppement des travaux souterrains de
reconnaissance et de recherche des filons de plomb.

27
Jy avais dailleurs consacr, plusieurs annes durant, une partie de mes nergies et
de mes possibilits de dcision aux Travaux Miniers, puis bien plus tard au sein de
lAdministration des Mines.

Je reviendrai souvent dans ce secteur du Tafilalet pour dcider des moyens mettre
en uvre pour amliorer les accs aux diffrents centres de production artisanale par la
construction de nouvelles pistes, et pour me familiariser avec les mthodes de travail de
fonage de puits, de creusement de galeries de reconnaissance, de dnoyage des travaux,
apprciant par la mme occasion la pnibilit du travail et leffort des artisans pour
gagner leur vie, tout en conservant leur dignit en toute circonstance.

Avec le Directeur de la CADET, Hajoui, et Saint Gal De Pons, gologue du BRPM,


responsable du suivi gologique du secteur du Tafilalet, avec lesquels javais toujours
entretenu des relations amicales, nous avons effectu de nombreuses tournes des
chantiers, descendant plusieurs reprises dans les puits pour mieux coordonner et
orienter nos interventions, au bnfice des artisans, auparavant livrs eux-mmes.

****
Ds mon retour du secteur de CADET, je fus charg par le Directeur Technique
Fauvelet, dune mission spcifique, en compagnie du responsable de la Base de Midelt,
Sad, lancienne exploitation minire de plomb de Bou Arhous, non loin de la localit de
Gourrama.

Dans le gisement de plomb, anciennement exploit par la SOGEMI, le BRPM, en 1953


et 1961, avait ralis un important programme de travaux de recherches portant sur des
travers-bancs flanc de coteau, suivis de galeries de reconnaissance et de chemines de
liaison et darage des diffrents niveaux dexploitation.

A la fin de la campagne de recherches, les quipes BRPM staient retires sans avoir
au pralable dmantel le chantier, laissant au fond du matriel de mine (rails,
wagonnets, tuyauteries, etc.) quun exploitant priv de Gourrama (Assou Zedgui)
souhaitait acqurir dans le cadre de lamodiation du domaine minier.

En visitant les travaux souterrains, accompagn dun reprsentant de Zedgui, je fus


tonn de lnorme cart entre les listings qui mavaient t remis par la Direction des
Participations du BRPM Rabat et lexistant rel au fond de la mine.

Javais tenu faire part de cette anomalie au Chef de Dpartement, Lasfargues et au


Directeur Technique, Fauvelet.

Lambivalent Zedgui ne tardera pas cder le domaine et le matriel un autre


permissionnaire (Jadi) aprs avoir fait certainement une substantielle plus value.

****
Paralllement aux travaux dans le secteur de la CADET, javais suivi lactivit de
limportant chantier de recherches de minerais polymtalliques (plomb, zinc, or, argent)
de Boumadine dans lOugnat, proche de mon village natal, Goulmima, 25 km par piste
lest de la localit de Tinejdad, et 600 km de Rabat.

Il est signaler que Boumadine tait annonc en 1963 par Albert Hammou, Directeur
des Participations du Bureau comme la future grande mine dor du pays, pour laquelle
jtais destin comme directeur alors que jtais encore tudiant.

Les travaux miniers en cours visaient la reconnaissance des avals des anciennes
carrires de dpilage artisanal remontant la priode euphorique de Sijilmassa et des
caravanes en direction du Mali.

Le chantier tait plac sous la frule dun vieux chef chantier, Mlinac, d'origine
tchque, ancien lgionnaire de larme franaise, adepte de la dive bouteille, dpass par

28
les vnements pour piloter et organiser les travaux de recherche du plus grand chantier
minier du BRPM de lpoque.

Dans les vapeurs thyliques de bon matin, Mlinac connu pour sa dsinvolture
manifeste et permanente, stait senti en droit de nous narguer tous Rabat, en
profrant publiquement chaque jour, des injures la radio de chantier.

Chaque mois, il envoyait Errachidia un vhicule Dodge pour dposer les bouteilles
vides et ramener les pleines de vin rouge et autres alcools.

De plus, Mlinac entour dune poigne de courtisans locaux, marginalisait les


surveillants mineurs de qualit professionnelle reconnue, Meskine et Omar Riffi, dnigrait
ostensiblement les responsables des Travaux Miniers, et suivait difficilement les
instructions judicieuses et redondantes des gologues dans lorientation et le
dveloppement des travaux de recherches.

Ds lors, je mtais pos la question de savoir sil fallait ncessairement maintenir sur
place un parasite tranger pour faire fonctionner un chantier que des nationaux
pouvaient valablement piloter avec plus defficacit et moins de charges.

Ne faudrait-il pas prendre le taureau par les cornes une fois pour toutes et carter,
sans le moindre regret, ce saoulard impnitent, insensible toutes les remontrances, et
convaincu quil tait indispensable ?

Que pourront-ils faire contre moi, ce sont des jeuneaux sans exprience, et loin des
ralits du terrain , disait Mlinac ses confidents et compagnons parasites loccasion
des beuveries quotidiennes.

Vous gagnerez trs certainement vous laisser voir tels que vous tes, que de
paratre ce que vous ntes pas , disait un sage connaisseur de la gestion des activits
des chantiers miniers du BRPM.

Malgr mon inexprience de fait, je ntais nullement dispos laisser chavirer le


plus important chantier de recherche du BRPM, et encore moins fuir mes responsabilits
face la Direction Technique du BRPM qui semblait ne pas tre gne par le
comportement dsinvolte de Mlinac.

Et cest ainsi, que jai appris traiter les rcalcitrants et les parasites, advienne que
pourra avec les suprieurs hirarchiques europens.

La dcision dloigner Mlinac avait tard venir, malgr son mauvais comportement
et mon insistance le voir dguerpir rapidement de Boumadine en laissant la place des
nationaux plus mritants et moins dsinvoltes.

Alors, et face cette situation anachronique, javais attendu patiemment son dpart,
sans mexposer des reproches et des critiques acerbes, malveillantes et infondes de
ses supporters occultes et avrs.

Au fil du temps, Rabat, et particulirement la Direction Technique, on stait bien


rendu compte que Boumadine devrait oprer une vritable mue dans la conduite des
travaux miniers, et que le pilotage du chantier devrait changer de main avec clrit et
diligence.

Suite lune de mes dernires et nergiques interventions auprs de Lasfargues,


Mlinac, en dfinitive, la mort dans lme, fut envoy Rissani superviser et suivre la
construction de la nouvelle piste daccs au secteur artisanal de Bou Maz, le plus
important centre de production du secteur de la CADET.

29
Javais retrouv Mlinac sous la tente lentre de Rissani loccasion dune de mes
tournes dans le secteur, tout penaud, sans ressort, rsign et sans la morgue et
lagressivit quil manifestait avec insolence, quelques mois auparavant.

Lre Mlinac sur les grands chantiers tait dfinitivement close et rvolue, et le vieux
lgionnaire ne tardera pas quitter le BRPM pour de bon.

Salah Imrich fut choisi pour assurer la relve parce quil reprsentait et incarnait
cette catgorie de surveillants mineurs srieux, dvous, disciplins et expriments au
sein de la grande famille des Travaux Miniers.
***
Grce louverture des chantiers travers le Maroc, et en les visitant rgulirement
avec enthousiasme, dtermination, bravant le mauvais temps, le froid, la neige, la
chaleur, les pistes, voyageant de nuit, par route, par train, par avion, jeus loccasion de
connatre le pays et les personnels, de mieux comprendre les comportements, les
ractions et les agissements des responsables locaux.

Je mtais senti euphorique, convaincu de la ncessit et de lurgence de


lamlioration de la situation gnrale sur les diffrents chantiers au vu des quipements
mis en uvre et des conditions de vie dun autre ge du personnel.

Ainsi, rapidement, et sans oppositions manifeste des hauts responsables de Rabat, le


niveau des salaires et ltat des logements furent amliors pour promouvoir la
productivit et faire bnficier le personnel des retombes de son travail, venant buter,
videmment, contre certains prjugs et drangeant beaucoup de situations
anormalement et insidieusement acquises.

Le renforcement de lactivit dans les secteurs de CADET et Boumadine, donnaient


limpression, aux non avertis, de favoriser ma rgion dorigine au dtriment dautres, en
recrutant de nombreux ouvriers ordinaires issus du Tafilalet et des rgions avoisinantes.

En fait, il ne me revenait pas seul de dcider de la politique du BRPM en matire


dlaboration des programmes de recherche minire, et encore moins de la
rgionalisation de ses interventions, tant surtout charg de lexcution des programmes
de travaux que la Direction Technique et le Service de la Gologie Minire dfinissaient
chaque anne dans le cadre du budget du Bureau.

Vous laccusez de rgionaliste, mais tous ces ouvriers recruts, sont des Marocains
ayant droit au travail. Par ailleurs les programmes de travaux sont dtermins et fixs par
la Direction Technique, les Travaux Miniers ntant que le bras dintervention dans leur
excution , avait rpondu le Directeur Gnral du BRPM, Chefchaouni, quelquun venu
un jour se plaindre de moi pour lavoir peut-tre conduit loccasion dune demande de
service ou dembauche.

Par cette rpartie, Chefchaouni avait rendu justice tous ces travailleurs, srieux et
courageux, qui se rvleront par la suite, et de lavis gnral, comme tant les meilleurs
ouvriers, agents techniques et administratifs des chantiers du BRPM, et plus tard de ses
nombreuses filiales minires.

Ds lors, bnficiant de la totale confiance du Chef de Dpartement, Lasfargues, sans


dtour et sans parti pris pour une rgion spcifique, javais choisi mon chemin, celui de
leffort continu, loin des mdisances, en avalant les couleuvres, en massumant, sans
accepter de me faire pardonner les dfaillances ou de les justifier.

Amliorer les conditions de vie de nos agents, promouvoir leur bien tre et leur
scurit, furent pour moi les facteurs essentiels tudier et amliorer, connaissant par
avance la difficult quil y aurait bousculer certaines habitudes administratives et
bureaucratiques des personnes responsables, souvent mal ou insuffisamment informes,

30
et gnralement peu soucieuses de linfortune de ceux qui se dmenaient pour le Bureau,
et quelques fois crevaient la tche.

Pour moi, lefficience conomique de notre action pouvait aller de pair avec un
certain degr de sentimentalisme pour ceux qui peinaient en permanence sur les
chantiers, perdus dans le bled, loin de leurs familles, bravant les intempries et les
risques du milieu du travail.

Dans ce contexte et dans cette frnsie de renouveau, la disponibilit de tous fut


dterminante, le personnel de Rabat et des chantiers ayant compris que jtais venu pour
travailler dur, imprgn dune sensibilit toute particulire pour les dmunis et les agents
travailleurs.

Javais une continuelle soif de connatre et dutiliser au mieux mes capacits de


travail et de les rechercher constamment en moi-mme, car la vie professionnelle est une
mulation enjoue, mais pas toujours loyale des diffrents courants de penses et des
mthodes de travail.

Javais compris aussi que, pour mener bien et terme toute activit, il me fallait
asseoir mes arrires, continuer cohabiter et sympathiser avec les responsables
administratifs et financiers, en leur expliquant souvent limportance toute particulire de
certaines oprations spcifiques aux chantiers miniers, loin de lapprciation superficielle
ou incomplte des centres de dcision de Rabat.

Ainsi, les excellentes rapports entretenus avec la Comptabilit des chantiers, le


Service Achats et Approvisionnements, le Magasin central, le Service Transports, le
Service Matriel et les Ateliers la Base des Zar, avaient contribu dans une large
mesure solutionner promptement des problmes dapprovisionnement et de
maintenance des quipements, vitant ainsi des temps morts et des arrts intempestifs
de nos centres de travaux.

Je suivais personnellement les problmes quotidiens dintendance et de vacations


radio, maintenant ainsi un contact quasi permanent avec les diffrents chantiers
parpills travers le territoire national.

En moins dune anne au BRPM, un long chemin fut parcouru, des rsultats positifs
engrangs, lintgration conforte, et des amitis noues et prennises.

Malheureusement, contrario de cet effort inlassable, ma situation salariale et


indiciaire ne sarrangeait pas, et le versement rgulier de mes moluments bloqus en
attente de la fixation des chelles de classement dans la grille BRPM des ingnieurs issus
de lEcole Mohammedia.

Ainsi, avec mes camarades Berkia et Lahlou, dans la mme situation, nous avons
vcu durant huit longs mois, sous le rgime des avances sur salaires pour subsister en
vigueur au BRPM pour les dbutants lavenir incertain.

Notre situation peu reluisante, avec en filigrane une vellit de dmission collective,
avait abouti, sur intervention du Secrtaire Gnral, Jadi, lapurement de nos dossiers
et au versement de nos salaires, suivi de notre classement lchelle 2 et le gel abusif et
injustifi de notre avancement durant plusieurs annes.

Toutefois, en faisant le bilan professionnel de cette courte priode de labeur assidu,


javais considr le rsultat positif et assez encourageant pour poursuivre mon action
dans la mme voie.

Sans me soucier outre mesure des obstacles franchir, fidle mes engagements et
mes convictions profondes, javais dcid de continuer uvrer dans la mouvance de la
recherche minire du BRPM, relguant plus tard lapurement dfinitif des conditions
bassement matrielles.

31
Une premire responsabilit
La mine dIrherm
En juin 1965, je me trouvais Boumadine pour superviser le dmarrage du
programme de recherche au puits B, implant dans la zone dun panneau riche en
minerais polymtalliques (plomb, zinc, argent, or) mis en vidence par des campagnes
intenses de sondages carotts profonds.

Ma prsence sur place tait ncessaire pour guider et encourager le nouveau chef de
chantier, Salah, et loigner de certains esprits les prdispositions des ingnieurs des
Travaux Miniers lire domicile Rabat, se contentant, partir de leurs bureaux, de
donner des instructions par radio, loin des ralits sur le terrain.

De plus, il fallait, une fois pour toute, me convaincre sur le tas de la capacit de nos
surveillants mineurs diriger de grands chantiers, tout particulirement aprs
lloignement dfinitif de Mlinac de Boumadine.

Les travaux de recherche, diffrents niveaux dans les puits, avanaient


correctement, la gestion du centre minier tait bien mene, au grand dam des anciens
courtisans loigns du srail, toujours l lafft, guettant le moindre problme pour
lamplifier, le rpercuter sur tous les toits, et crier lincurie et lincomptence des
nouveaux responsables, dont jtais le symbole vivant.

Alors que je remontais du fond o lon venait, aprs de longues heures, de rsoudre
un problme pineux du systme dexhaure, on mordonna de Rabat par radio, sur
instruction expresse du Directeur Technique, Fauvelet, de rentrer de toute urgence, sans
explication, vritable oukase ne pas discuter, et encore moins commenter dans les
conditions du moment.

Javais compris sur-le-champ, que lon voulait, trs probablement, me faire payer
mon attitude rsolue lgard du vieux Mlinac, et marquer un frein ma propension
vouloir cote que cote responsabiliser les chefs de chantiers nationaux jugs encore
immatures.

Mon dpart prcipit de Boumadine inquita et dut tous ceux qui avaient soutenu
mes initiatives et approuv mes engagements avec force et sans complaisance, y dcelant
ma disgrce dans les hautes sphres ou mon loignement dfinitif du Service Travaux
Miniers vers une destination de second rang.

A Rabat, le Chef de Dpartement, Lasfargues, avec beaucoup de discernement, tint


minformer de la situation dplorable svissant la mine dIrherm o le divorce de
lautorit et de la responsabilit tait la raison majeure du glissement inexorable vers
lanarchie et le chaos au sein du jeune centre dexploitation.

Il y a lurgence dun redressement sur les lieux. Vous tes lhomme quil faut pour
surmonter la crise, et je suis certain, tel que je vous connais, de votre russite. Tout
dabord, allez voir le Directeur Technique, il a certainement dautres choses plus
importantes vous dire en personne, me lana gentiment et amicalement Lasfargues,
sans se dpartir de son flegme habituel.

Mes relations avec Lasfargues ayant toujours t empreintes de respect et de


franche et amicale collaboration, javais donc fait confiance son jugement, en lui
marquant, de prime abord, mon accord de principe daller Irherm, et sans conditions
pralables de mon ct.

Si vous avez des conditions poser, nhsitez pas le faire, cest votre droit le plus
absolu , me fit-il remarquer.

32
Aprs mon entrevue avec Lasfargues, serein et dcid, je mtais prsent au
Directeur Technique, Fauvelet, qui me reut froidement et schement, dans son air des
trs mauvais jours.

La Direction Gnrale du BRPM vous a dsign pour assurer la responsabilit de


lexploitation dIrherm, il faut rejoindre votre affectation rapidement. Monsieur Jadi,
Secrtaire Gnral, vous attend dans son bureau pour vous donner ses orientations et les
dernires instructions, me lana Fauvelet, sans plus de dtail.

Jadi me reut trs gentiment dans son bureau o je pntrais pour la deuxime fois,
la premire fois, un an auparavant, pour me faire part de sa bonne apprciation quant la
ralisation des travaux miniers dans le secteur CADET, et la bonne coordination avec le
Directeur Hajoui et Driss Belbachir, Chef du Dpartement de la commercialisation des
minerais du BRPM.

Nous avons pens toi pour redresser la situation Irherm o rgne depuis
quelque temps, daprs mes rcentes informations, une situation de dsordre et
dindiscipline caractrise. Ce qui va lencontre de nos prvisions et contrecarrer notre
politique de mise en valeur du secteur dAgadir. Ta formation, ton srieux et tes
antcdents aux Travaux Miniers et la CADET te permettront de redresser rapidement et
efficacement la barre. Nous comptons sur toi pour quIrherm merge vite du chaos
install , me dit Jadi, toujours trs affable et attentionn.

Je neus pas dobjection pour aller Irherm, mais en acquiesant, javais tout
simplement demand de bnficier des moyens ncessaires pour travailler dans la
srnit et prendre les dcisions urgentes, avec lobligation de rsultat, sans taire la
vrit, ft-elle dplaisante pour la hirarchie.

Tu as carte blanche pour amliorer la situation dplorable, et bon courage. Le


travail l-bas est certainement trs intressant pour un jeune ingnieur comme toi ,
souligna Jadi, affectueusement.

Lentrevue avec Jadi, tout en tant dun grand soulagement pour moi, loigna de
mon esprit la hantise des entourloupettes des dtracteurs occultes, toujours lafft des
faux pas pour dnigrer et casser les bonnes volonts.

En acceptant daller Irherm, jeus limpression davoir du Fauvelet, car il ne se


doutait pas quIrherm, o javais apprci lesprit dquipe et gard de merveilleux
souvenirs lors de mes tous premiers pas en juillet 1964, mintressait rellement pour
poursuivre ma longue marche au sein du BRPM.

Lasfargues, inform de mes contacts avec Fauvelet et Jadi, satisfait de mon


acceptation, confirma immdiatement par crit ma nomination en tant que directeur de
lexploitation dIrherm, sans dsigner de responsable, dans la foule, au poste de chef du
Service Travaux Miniers, signe avant coureur que je le retrouverai plus tard.

Ainsi, un an peine, aprs mon entre en fonction, mon acceptation daller au bled
pour une probable longue priode, sans rechigner et sans exiger davantages particuliers,
fut non seulement une manire de marquer ma rsistance mes contempteurs, de
persvrer dans leffort, de relever un premier grand dfi, mais aussi de prouver mon
appartenance dfinitive la grande famille du BRPM.

Au personnel administratif du Service, soucieux et inquiet de me voir partir bien loin,


javais expliqu que mon avenir au BRPM en tant que jeune ingnieur des mines,
dpend du passage oblig par Irherm, de la ncessit de faire du bled avant dassumer
plus tard des responsabilits plus importantes .

Je suis comme un soldat, je dois rester disciplin et rpondre lappel de la


Direction Gnrale du BRPM, et je considre que mon affectation Irherm est une
marque de confiance , avais-je tenu souligner.

33
Mes nombreux amis Rabat mavaient vu partir avec regret, laissant pour quelque
temps un vide parmi notre groupe issu de lEcole Mohammdia, mais aussi aux Travaux
Miniers que Lasfargues devait grer directement.

Javais invit mes amis me rendre visite la mine, et ne pas me laisser isol et
reclus au fin fond de lAnti Atlas du Sous.

Avant de rejoindre votre nouvelle affectation, allez faire un petit sjour la mine
de Sidi Bou Othmane dont la capacit de production est voisine de celle dIrherm, cela
vous aidera mieux apprcier les problmes sur place, et vous familiariser avec la
gestion quotidienne dune modeste exploitation , me conseilla trs gentiment
Lasfargues.

A la mine de Sidi Bou Othmane, petite exploitation de plomb argentifre, relevant de


la Compagnie Royale Asturienne des Mines (CRAM), situe 35 km au nord de Marrakech,
en bordure de la route de Casablanca, javais visit la laverie, les travaux souterrains et
procd lexamen des prix de revient analytiques.

Aprs Sidi Bou Othmane et avant de rejoindre Irherm, anim du dsir de russir dans
ma nouvelle fonction, jtais pass Kettara demander les conseils aviss de mon ami
Lhatoute et du directeur de lexploitation m, ingnieur des mines dorigine norvgienne,
ptri de grandes qualits humaines et professionnelles.

Tous les deux taient contents pour moi de quitter la bureaucratie de Rabat et daller
vivre intensment les problmes dune mine, quels que soient sa capacit de production
et son environnement.

Vous retournerez Rabat avec une exprience fabuleuse que vous envieront
certainement bien des ingnieurs , mavait dit m.

Il faudrait rappeler quau dbut des annes soixante, le BRPM avait dvelopp les
centres miniers de Kettara et Irherm, dans le cadre de sa nouvelle politique dimplication
et dintervention de proximit dans lexploitation des gisements mis en vidence
laborieusement par ses propres travaux de recherches minires dans les Djebilet et lAnti
Atlas du Sous.

Ainsi, Kettara, une socit, la SEPYK, filiale du BRPM et de lOCP, fut cre pour
assurer la mise en valeur de la partie sulfure profonde du gisement constitue de
pyrrhotine, concde par la Compagnie Minire et Mtallurgique (CMM).

Cette dernire, la partie suprieure du gisement, exploitait depuis longtemps le


chapeau de fer oxyd constitu docres et la zone de cmentation relativement riche en
minerais de cuivre et en pyrite.

LOCP achetait lensemble de la production de SEPYK pour produire de lacide


sulfurique ncessaire pour ses installations de valorisation des phosphates Safi.

A Irherm, en dveloppement moins avanc, le Dpartement des Travaux de


Recherches Minires tait charg en premire phase de lexcution du programme de
recherches et de prparatoires, du suivi quotidien de la mise au plan des mthodes
dexploitation et de linstallation de lunit denrichissement du minerai de cuivre et des
installations annexes.

Ainsi, spcifiquement pour Irherm, une contribution financire consquente avait t


dbloque par lEtat pour lacquisition de matriels et dquipements en Tchcoslovaquie,
suite un accord bilatral de compensation par livraison de concentr de cuivre
marocain.

Une quipe de techniciens tchques tait sur place la mine pour assurer et
superviser le montage, les essais de performances des installations de traitement de

34
minerai et de la centrale lectrique, et enfin initier le personnel marocain la conduite et
la maintenance des matriels et des quipements livrs.
****
Avant de quitter Kettara, javais acquis Marrakech, exceptionnellement aprs
autorisation de La Direction Technique du BRPM, des appareils lectromnagers pour
quiper la maison dhtes de la mine dIrherm qui en tait rellement dmunie.

Conduit par le fidle chauffeur Bouzegane, aprs un bref passage Agadir, javais
retrouv le centre minier avec plaisir le 15 juin 1965, sous une chaleur torride, mais
toutefois sans cette inquitude que donne lignorance des lieux.

A mon arrive Irherm, rgnait effectivement une atmosphre dltre, double


dune dmotivation vidente et de relations tendues entre les responsables.

Je suis bien content pour vous, car je constate quon vous a gt en vous
permettant dacheter un rfrigrateur et une cuisinire, alors que moi je suis dmuni dans
ce bled perdu comme pour me punir, me lana Wielcosz sans autre commentaire, en me
voyant minstaller dans la maison dhtes de la mine.

Wielcosz, accus dincurie, dpit et fatigu, en conflit permanent avec Boujema,


chef laveur, demeura quelques jours encore pour la passation des consignes, puis
dmnagea sur Rabat, tout content de quitter les lieux, car ce fut pour lui comme une
vritable dlivrance.

Cest la fin dun cauchemar pour moi. Je vous souhaite bon courage et bonne
chance pour la suite , me lana-t-il, sans autre commentaire.

Une nouvelle phase de ma vie professionnelle commenait, loin de Rabat, mariant


lactivisme et la discrtion pour btir une nouvelle exploitation minire, petit fleuron du
BRPM qui ne manquait pas de susciter beaucoup dinterrogation sur sa viabilit technico-
conomique et sa prennit.

Ds lors, jtais seul aux commandes pour assumer la responsabilit, sans faiblesse,
arm de mon seul courage faire vivre et entretenir avant quil ne svanouisse pour de
bon, tout en vitant viter les faux pas.

Ce fut la meilleure initiation pour moi dans la gestion de la mine dIrherm.

Par prcaution, pour ne pas tre affid des lments incertains, javais faire venir
avec moi certains agents des Travaux Miniers, dont le fidle et dvou Akka, magasinier
la base logistique de Midelt, qui fut pour moi dun grand secours dans ladministration des
services gnraux du centre minier, et qui restera fidle durant plus de trente ans, mme
aprs mon dpart du secteur minier.

Dailleurs, plusieurs agents des chantiers miniers staient ports volontaires pour
maccompagner dans mes nouvelles fonctions, mais en ces dbuts, javais tenu faire
confiance au personnel en place la mine.

Ds le lendemain, javais convoqu tous les chefs de sections pour une longue
runion de travail afin de les sensibiliser sur lampleur de notre tche et sur la ncessit
de relever le dfi de la conduite dune exploitation minire.

Une nouvelle re a commenc Irherm et un dfi nous est lanc tous pour
redresser la situation. Je suis venu pour vous accompagner et vous apporter mon soutien
permanent dans notre nouvelle marche vers le dveloppement harmonieux de
lexploitation , avais-je dit pour commencer.

Un tour de table avait permis de connatre lavis de chaque responsable sur les voies
et les moyens mettre en uvre pour recenser les problmes, aplanir les difficults afin

35
damliorer ltat de lexploitation, dans le cadre dun organigramme fixant et dfinissant
clairement les attributions de chacun, ayant lassentiment de tous, sans exception.

La runion, apprcie par lensemble des prsents, peu habitus la concertation, fut
un vritable dtonateur, car ds le lendemain, chacun tait son poste, anim dune
volont inbranlable de russir le challenge, dans une nouvelle ambiance, avec le
sentiment de revivre en sortant dune priode cauchemardesque que nous devions
transcender trs rapidement.

Je mtais mis au travail avec dtermination, pour approfondir les raisons du malaise
existant, en rexaminant de prs lorganisation de chaque section, le systme des
rmunrations en vigueur, le calcul des primes de rendement et la justification de loctroi
des heures supplmentaires.

Le but vident tait de montrer lensemble du personnel quune oreille attentive


sera dsormais accorde ses multiples problmes et ses proccupations, en
contrepartie dun engagement rel et permanent pour stimuler lardeur au travail, en
veillant une meilleure productivit, et lutter sans relche contre la gabegie, les pertes
de temps et les dpenses superflues.

Durant de longues journes, il fallait expliquer, de manire redondante, tous les


chefs de section, la porte de leffort fournir pour amliorer les prix de revient, en
luttant contre le laisser aller et lirresponsabilit, car la prennit et la rentabilit
dIrherm taient ce prix.

Javais prfr et dcid daugmenter les primes de rendement et de productivit, car


je pouvais comprendre linsuffisance professionnelle, mais jamais linsouciance et le
gaspillage dlibrs.

Mes journes Irherm me paraissaient courtes, tant constamment sollicit et mis


contribution par toutes les sections du centre minier.

A la mine, notamment dans les travaux dexploitation souterraine, on stait


vertu pendant de longs mois essayer de dpiler la couche dite dIrherm par la
mthode des longues tailles, avec mcanisation du dblocage des produits dabattage par
scrapage au treuil air comprim de vieille gnration.

Les rsultats obtenus furent dcevants et la mthode inoprante, parce que la


configuration du gisement faiblement pentu, le potentiel modeste des rserves et la faible
qualification des mineurs, ne sy prtaient pas.

Aprs louverture, grand risque, de deux tailles de cinquante mtres, la mthode fut
abandonne, relaye par la mthode par chambres et piliers, avec dblocage du minerai
dans des montages pousant le pendage de la minralisation, et le chargement des
wagonnets basculants par des estacades quipes de treuils lgers de scrapage air
comprim SAMIA.

A mon arrive, cette mthode ses premiers balbutiements, fut poursuivie avec plus
de conviction et de dtermination, en mettant laccent sur loprabilit des treuils de
scrapage et leur alimentation en air comprim pression suffisante.

Aprs deux mois dessais, nous avons enregistr une amlioration sensible des
rsultats, conforte par ladaptation de plus en plus efficiente des quipes de recherches
aux oprations de production.

Mais le point faible dIrherm fut le volume limit des rserves exploitables et le
retard dans les travaux prparatoires et les recherches en extension vers lOuest.

Dans ce contexte, un programme daction fut laborieusement mis au point et propos


lapprciation de la Direction Technique et du Service de la Gologie.

36
Lapprobation de ce programme fut donne aprs le passage impromptu de Perrot,
conseiller du BRPM en matire dexploitation minire et ancien Directeur Gnral Adjoint,
venu senqurir de ltat gnral du deuxime centre dexploitation minire du Bureau,
dont il avait lui-mme engag les tudes de mise en valeur.

Amateur de whisky, Perrot nous avait fait bnficier de sa longue exprience et de


ses conseils au cours de longues discussions, tard la nuit.

Sans attendre, des antennes de recherche dans diffrents niveaux furent lances pour
reconnatre les extensions des couches, aprs concertation avec Smeykal, gologue
mrite et chevronn, dorigine yougoslave, considr comme le meilleur connaisseur des
minralisations de cuivre du Maroc, et de lAnti Altas occidental en particulier.

Rgulirement, chaque quinzaine, Smeykal tait pied duvre sur les lieux pour
faire une mise au point minutieuse, amicale et chaleureuse avec moi.

Sa prsence nous avait toujours stimuls et orients dans lexploitation rationnelle


du gisement et lexcution des travaux de recherches pour augmenter le potentiel des
rserves et allonger consquemment la dure de vie dIrherm.

Ainsi, Irherm aprs Kettara, non sans difficults, taient nes et formates de
jeunes quipes dexploitation, car transformer du personnel habitu et rompu depuis des
dcennies aux travaux de galeries, de puits, chemines, pistes et tranches, en personnel
dexploitation, soumis aux contraintes de production slective, semblait une grande
gageure et un risque ne pas minimiser.

Nous y avons tous consacr beaucoup deffort, mlant le courage la volont, pour
adapter les mthodes de travail aux conditions relles du gisement.

Les surveillants mineurs, Oussaga et Mekki, furent sensibiliss sur le respect des
dimensions des chambres et des piliers, sur leffet nfaste de la dilution inhrente la
chute du toit de la minralisation, sur limpact de la teneur du tout-venant sur les
rsultats de lusine de traitement, et sur la ncessit imprieuse dassurer la maintenance
des quipements de foration, paralllement la lutte sans merci contre lutilisation
abusive des consommables (explosifs, cbles, flexibles ...).

Des contrles rguliers au fond et le respect des consignes de Smeykal avaient


permis de matriser la qualit de la production et de satisfaire les demandes de plus en
plus exigeantes de lusine denrichissement du minerai de cuivre.

A la laverie, Boujema, vtran du traitement au BRPM, fort de son exprience de


laveur lancienne mine de plomb de Jbel Khetem, dans le Maroc Central, puis Plomb
Moulouya (Zada), conduisait les oprations avec professionnalisme, tout en vitant le
contact direct avec les mineurs.

Du temps de Wielcosz, le manque de coordination entre la mine et la laverie fut


lorigine du dsordre et des mauvais rsultats enregistrs, car la laverie avait faire face
constamment lhtrognit du minerai et aux variations erratiques de la teneur
dalimentation, souvent ignores par les mineurs.

Les runions rgulires consacres lexamen des problmes et facteurs


perturbateurs de la marche de la laverie, avaient permis aux mineurs et aux laveurs de
mieux se connatre, de travailler en synergie en conjuguant leurs efforts pour le bien
commun, savoir la viabilit conomique et la prennit de lexploitation dIrherm.

Ainsi, toute baisse de teneur lors du dpilage des zones avec inclusions de schistes
ou de carbonates striles, tait signale par la laverie aux mineurs qui ragissaient en
contrlant la tenue du toit et en slectionnant les secteurs dabattage ; le changement de

37
facis gologique tait port la connaissance de la laverie qui ragissait son tour en
modifiant les quantits de ractifs de flottation.

Par ailleurs, le ramnagement de la configuration de laire de stockage en tte


dusine et du systme de dchargement des camions, avait fini par rgulariser la teneur
du minerai trait par lusine.

Linstauration dun climat de collaboration franche et loyale, fut lun des points
positifs et forts de mon action Irherm, et son effet stait rpercut immdiatement sur
lensemble des activits du centre dexploitation, en crant une quipe soude et
fraternelle que jeus le devoir dencourager et de stimuler avec vigueur, sans parti pris et
sans complaisance.

Les susceptibilits staient rellement et profondment estompes pour faire place


un nouvel esprit responsable, empreint de sentiment dappartenir une mme famille,
celle de la mine dIrherm ; ds lors tous les espoirs taient permis pour effacer les
mauvais souvenirs de lre Wielcosz.

La Centrale lectrique, quipe de groupes tchques SKODA, de fiabilit


douteuse, nous avait donn beaucoup de soucis, en dpit de la prsence de techniciens
tchques de grande valeur professionnelle, doubls par de jeunes et talentueux
techniciens marocains, Omari, Nafaoui, Hilali et Jaffari.

Javais pris garde de sensibiliser ces derniers, pleins dentrain et anims du dsir de
bien faire, sur le rle quils auront jouer sous peu, aprs le dpart annonc des
Tchques, et sur leur devoir de coller eux pour se former et sinformer pour hter la
relve dans lamiti et la correction.

Aux Ateliers de mcanique, conduits de main de matre par Moha ou Addi, nous
disposions dune quipe comptente, dynamique, disponible et souvent mise
contribution et rude preuve pour rpondre aux sollicitations et aux demandes des
activits de production minire.

La Centrale air comprim, quipe de compresseurs Chicago pistons dun


autre ge, tait un autre point noir, les mineurs se plaignant souvent du manque de
pression dair lentre des marteaux piqueurs et des marteaux perforateurs .

Nous avons fini par les remplacer par des compresseurs vis, Holman, dune nouvelle
gnration, plus fiables et dexploitation plus conomique.

La gestion des stocks magasin et ltablissement des inventaires confis Akka,


avaient assur le suivi rgulier des mouvements dentres-sorties, contrls ensuite par
les disponibilits physiques dans les rayonnages et aux parcs matriel.

Ces oprations nous avaient donn beaucoup de fil retordre, car auparavant,
chacun se servait sans se soucier de ses besoins rels, de la dpense et de
limmobilisation de fonds importants.

Il fut constat plusieurs chelons, aprs une vrification assidue, la constitution de


stocks parallles, justifis par le souci des responsables dviter les coups durs et des
pannes ventuelles.

Une bonne gestion du magasin central simposait donc pour bannir cet tat desprit,
mais aussi pour viter des ruptures dapprovisionnement nfastes pour la conduite
normale des oprations la mine et lusine de traitement.

Les demandes, justifies par les sections, devaient tre satisfaites dans la stricte
orthodoxie conomique, se traduisant quelques fois par des arbitrages houleux entre le
Magasin et les utilisateurs.

38
Souvent il fallait trancher car, sur ce point, le laxisme devait tre vit pour ne pas
paratre faible.

Le transport de minerai provenant du fond constituait un goulot dtranglement


pour la laverie, car la distance trop courte entre la trmie de dchargement des
wagonnets et laire de stockage en tte dusine, ne justifiait pas la mise en service dune
flotte de camions TATRA, benne basculante, mal adapts pour ce type dopration.

Lexploitation eut souvent souffrir de limmobilisation prolonge de ces camions,


par manque de pices de rechange, et nous y avons remdi, en court-circuitant la trmie
et en prolongeant la voie jusquen tte du stockage de la laverie.

Les camions TATRA avaient fini la ferraille, linstar dune bonne partie du matriel
tchque, de pitre qualit et dexploitation trs onreuse.

Au niveau du village minier, les logements et les installations sociales furent


ramnags ou remis en tat, pour maintenir sur place un personnel vou corps et me
la jeune exploitation minire.

Lapprovisionnement en denres alimentaires tait correctement assur pour une


communaut de plus de cent cinquante personnes, avec un appoint ventuel provenant
du souk hebdomadaire dIrherm, et parfois de Taroudant ou dAgadir.

Aux services administratifs et comptables, Khallou se dmenait en permanence, avec


bonhomie, sans jamais marchander son temps.

Avec les techniciens tchques, nous avons cr et maintenu les meilleurs


rapports possibles, notamment dans la conduite de la Centrale, nerf moteur du Centre.

A plusieurs reprises, nous organis des matchs de volleyball, et assist ensemble la


projection de films relatant les popes de la libration par les troupes sovitiques de la
Tchcoslovaquie occupe par les forces nazies.

Mais ils taient pingres, remettant continuellement en cause le prix des repas la
cantine, lpoque fix la modique somme de cinq dirhams, correspondant en ralit au
seul prix dachat des denres alimentaires approvisionnes partir du souk du village
dIrherm et des marchs du Taroudant et Agadir.

Le conseiller conomique de leur Ambassade, Kaspar, venait chaque mois senqurir


de leur situation et terminait son sjour par une entrevue avec moi pour discuter du taux
lev des repas la cantine.

Pour mettre fin aux discussions striles, nous avons suggr aux Tchques de faire
leur propre cuisine, de sapprovisionner directement lpicerie de la mine, avec
fourniture gratuite du gaz butane ; ce quils avaient fini par accepter, nous vitant des
conciliabules byzantins avec eux.

Par ailleurs, avec les habitants des villages environnants dOuarendaz et


Douzrou, nous avons vcu en bonne intelligence, en vitant de porter atteinte aux
traditions locales, et en respectant strictement le mode de vie des populations du Sous
connues pour leur pudeur.

Nous tions invits aux ftes et aux moussems locaux, car la mine reprsentait un
centre de dveloppement conomique, gnrateur demplois et de distribution de revenus
non ngligeables dans une contre montagneuse dshrite.

Avec les autorits locales de lAnnexe dIrherm, places sous le


commandement du khalifa Abdellah, homme affable originaire de Khemisset, nous avons
entretenu des relations de collaboration troite et respectueuse.

39
****
Aprs trois mois, jtais rentr Rabat pour rendre compte de mon action au Chef de
Dpartement, Lasfargues, et au Directeur Technique, Fauvelet, auxquels fut remis un
rapport trs dtaill, rsumant lensemble des oprations et retraant fidlement
lvolution de la situation depuis mon affectation Irherm.

Aprs des contacts avec le Service Laboratoire et les Ateliers de la Base des Zar pour
examiner les problmes latents de lexploitation, javais rejoint aussitt Irherm,
accompagn par un ingnieur laveur, Amor, venu apprcier leffort fourni au niveau de
lenrichissement des minerais oxyds de cuivre, et enregistrer sans complaisance les
performance de la laverie.

Amor tait rest plusieurs jours Irherm pour nous aider affiner avec les quipes
de Boujema les mthodes de contrle du circuit de flottation.

Avant la fin de lanne 1965, Irherm tait restructur, les essais dexploitation par
chambres et piliers avaient abouti des rsultats satisfaisants au plan de la
sensibilisation et de la productivit des mineurs, et de la slectivit des minerais.

Les prparatoires et les recherches avaient t poursuivis conformment au


programme agr par la Direction Technique, et seuls subsistaient des points de dtail
inhrents lentretien des treuils air comprim Samia mis en uvre dans le dblocage
du minerai dans les montages.

A la laverie, aprs des dbuts hsitants et agits, la rcupration mtal avait atteint
son rgime de croisire, et des lots de concentrs 32% de cuivre furent achemins
Agadir pour lexportation vers la Tchcoslovaquie.

Les sections auxiliaires (ateliers, centrale, compresseurs) avaient retrouv leur


rythme normal, en rpondant avec clrit aux sollicitations du fond et de la laverie.

Le village minier avait t amnag et agrandi, et lensemble du personnel log


dcemment sur place et approvisionn rgulirement en denres de base.

Mais personnellement, je considre encore aujourdhui, que le rsultat le plus


probant et le plus significatif Irherm, fut la coordination des activits de lexploitation,
la formation du personnel dans les diffrentes disciplines, et enfin le travail en synergie
avec lmergence dun vritable esprit dquipe et de corps.

Cette situation avait acclr la relve des techniciens par de jeunes marocains
rompus aux oprations de la Centrale lectrique, lentretien des camions de transport de
minerai et la conduite de lusine de traitement de minerai.

Dans ce nouveau contexte favorable, plusieurs responsables de Rabat staient


succd Irherm, venus se rendre compte, de visu et sur le tas, des ralisations et des
relles amliorations apportes au centre minier qui dprissait peine quelques mois
auparavant.

Partout au BRPM, on clamait quIrherm avait revtu un nouveau visage et entrevoyait


de nouveaux horizons.

Ce fut un bon augure pour la poursuite des oprations de production la mine et la


laverie, et le maintien dun environnement de srnit et de concorde.

Aprs ce constat encourageant pour la prennit de lexploitation, je fus rappel


Rabat o dautres responsabilits allaient mtre confies.

Javais quitt dIrherm, le cur gros, en laissant sur place une merveilleuse quipe
avec laquelle javais fait corps durant plusieurs mois, anxieux lide de me retrouver de
nouveau Rabat dans la mouvance bureaucratique.

40
Je garde toujours en ma remmore nos premiers ennuis la centrale lectrique le
lendemain du dpart des techniciens tchques, heureusement surmonts et transcends
grce au courage, la comptence rvle et la dtermination, face au dfi, de nos
jeunes lectromcaniciens, Hilali, Nafaoui, Jaffari et Omari.

Je me remmore encore laccident de tir dans un montage, suite un dpart


intempestif dune amorce lectrique, causant plusieurs blesss que javais tenu
accompagner, tard la nuit, pour les soins durgence lhpital de Taroudant.

Je nai pas oubli la petite fille du douar de Douzrou mordue par un serpent, sauve
heureusement aprs lintervention rapide et efficace de notre infirmier.

A ct de cela, je garde aussi en souvenirs les agrables moments dun ahwach aux
villages dImi NIrfi et Douzrou, les rjouissances loccasion des naissances dans les
foyers des agents de lexploitation, et la satisfaction dissimule aprs les bons rsultats
obtenus la mine, la laverie et la centrale lectrique.

Je garde de merveilleux souvenirs dun travail srieux, accompli dans le respect des
uns et des autres, dans une ambiance de grande famille soude par de vritables liens
affectifs.

Javais quitt dIrherm, avec la crainte de voir scrouler tout ce que nous avons bti,
tous ensemble, grce notre courage dtermin, notre persvrance dans leffort, la
ngation de soi aux moments opportuns, pour faire face ladversit, relever le dfi et
dmontrer que de jeunes quipes, bien encadres et stimules, peuvent accomplir des
prouesses insouponnes.

Avant de rejoindre Rabat, la Direction Gnrale du BRPM me chargea daller


reprsenter le Bureau aux obsques de six mineurs victimes dun terrible accident dans le
creusement dune chemine la mine de cuivre de Bouskour (groupe ONA).

Dans ladversit et le malheur des autres, le dplacement me donna loccasion de


visiter des rgions du Maroc encore inconnues pour moi, en traversant successivement la
plaine du Sous, Ouled Berrehil, Aoulouz, Taliouine, Tazenakht, Ouarzazate, Skoura, avant
darriver par une piste rocailleuse la mine de Bouskour.

Reggadi, ingnieur des mines, de la deuxime promotion de lEcole Mohammedia,


tait venu assurer la relve Irherm, et de Rabat jtais charg de suivre et de guider ses
premiers pas pour maintenir, autant que possible, la cohsion des quipes en place la
mine, la laverie et aux sections auxiliaires.

La suite fut malheureusement peu glorieuse et Irherm en ptira longtemps.

Reggadi, nayant pas su perptuer lesprit dquipe et de sacrifice, fut cart, et


aprs un bref passage Agadir pour installer la base logistique Bensergao, il fut mis la
disposition de lONA Bouskour, puis de la SEPYK Kettara o il demeurera plusieurs
annes avant de rejoindre le sige Rabat.

Des directeurs trangers se succderont la tte de lexploitation, notamment, le


Belge, Connings, suivi du Yougoslave Mirkovich, sans toutefois amliorer la situation
gnrale et les rsultats conomiques de la mine.

La mine dIrherm sera ferme au dbut des annes soixante dix lpuisement des
rserves, reconnues exploitables et aprs la cration de la socit maroco-roumaine,
SOMIMA, charge de mettre en valeur les gisements de cuivre dOuansimi et Talat
NOuamane.

41
Des activits tous azimuts
En allant Irherm, javais eu tout de mme une certaine apprhension quant la
manire dassumer des responsabilits exigeant un esprit de dcision, dinitiative,
danalyse, danimation, de prvision et des facilits de communication avec les proches
collaborateurs et lextrieur.

Il ne sert absolument rien de possder une masse de connaissances thoriques et


livresques, sil ny a pas les qualits pour les fructifier et les utiliser efficacement au
bnfice de la collectivit au sein de laquelle on volue.

Javais appris Irherm sur le tas que dans la profession que javais exerce, je savais
beaucoup de choses et en mme temps que je ne savais rien face aux multiples problmes
et aux alas de tous les jours.

Javais retenu aussi que quand linformation circule mal, la responsabilisation est
difficile faire admettre et la cohsion instaurer parmi les intervenants aux diffrents
niveaux de suivi et dexcution des tches.

Il ny a rien dtonnant ce que les entreprises qui communiquent, innovent et


crent un esprit de cohsion, soient parmi les plus performantes, en ayant compris
limportance de ces facteurs considres comme un vritable patrimoine, au mme titre
que les biens matriels.

Limpulsion doit venir du haut de la pyramide, et les rapports doivent fonctionner sur
le mme schma aux diffrents chelons de la hirarchie.

Les dficiences, les incomptences et les insuffisances tant nombreuses, la gestion


dune entreprise au niveau de lapprciation des agents et de la hirarchie, est souvent
pesante et dure assumer.

Jtais revenu dIrherm en ayant essay, avec toute la volont ncessaire, de faire
lapprentissage de tout cela, convaincu dy avoir consacr une bonne partie de moi-mme,
de mon temps et de mon nergie.

Dans ce bouillonnement dides, javais retrouv Rabat et les amis, non sans plaisir,
avec un arrire got de bled et de sueur, mais avec la satisfaction dun travail bien
accompli, aprs avoir vcu intensment dans un milieu attachant et en constante
mobilisation au service du BRPM.

Je navais pas tard effectivement constater que mon sjour Irherm fut une
exprience extraordinaire et passionnante, la fois source de formation professionnelle
et de mobilisation pour affronter sur le tas les problmes pratiques les plus divers sur les
chantiers miniers.

Irherm mavait donn le sens du rel et de lhumain, mais aussi m'avait quelque peu
forg pour assumer sans complexe mes nouvelles responsabilits aux Travaux Miniers.

En retrouvant mes amis et collgues et lquipe de gestion du Service, ma rinsertion


dans le milieu de Rabat stait faite progressivement et avec douceur.

Aprs un cong en Espagne, en Belgique, au Danemark et en Sude, avec mes amis


Kouch et Ouchna, dans une ambiance nationale marque par la disparition de Ben Barka
Paris, javais repris mon activit au Service Travaux Miniers, avec la mme volont et la
mme dtermination quavant daller Irherm.
Ds lors, le vrai dpart de ma vie professionnelle tait bien lanc pour de bon.

Pour rcompenser mes efforts Irherm et mon dvouement sans quivoque au


BRPM, je fus promu la fin de lanne 1965, Chef du Service Travaux Miniers, charg de
superviser lensemble des activits de recherche minire du Bureau employant des

42
effectifs suprieurs 400 personnes sur plusieurs chantiers de plus ou moins grande
ampleur.

Cette promotion me donna plus dassurance pour poursuivre leffort de


restructuration des quipes minires, entam avant daller Irherm, avec comme but
principal, une meilleure organisation des activits du Service, une productivit plus
leve, des prix de revient plus labors et mieux suivis sur les diffrents chantiers, et un
travail en synergie avec les responsables de la gologie minire, gardiens vigilants de
lorientation et de la fiabilit de nos travaux.

Toutefois, autour de moi, certains schinaient dceler des lments de rupture ou


de continuit dfectueuse avec lancienne mthode de travail, un peu comme si on voulait
tout prix sparer le bon grain de livraie.

Les cassandres de tous bords pouvaient tre l pour nourrir le doute viscral sur
lincapacit des nouveaux ingnieurs grer et mener correctement les affaires des
chantiers miniers du Bureau.

Faisant fi de tout cela, javais dcid de foncer et daller de lavant, sans me soucier
des dtracteurs tapis dans les recoins et opposs toute innovation.

***
En 1966, la rgionalisation de lactivit du BRPM, visant promouvoir lemploi, stait
traduite par louverture de chantiers sur lensemble du territoire national.

La diversit, lampleur et la dure des programmes nous avaient obligs constituer


des quipes plus nombreuses et plus aguerries, et mettre en branle une logistique plus
labore et des quipements plus volus (matriel de levage et dextraction,
compresseurs, pompes, matriel de foration, etc.)

Les contacts frquents avec la Base des Zar, centre nerveux des interventions de
maintenance sur les chantiers du Bureau, avaient exig beaucoup de patience et
dentregent, notamment avec les responsables des Services du Matriel, des Ateliers, des
Magasins et des Transports (Lahlou, Berkia, Alaoui, Oudghiri, Balafrej et Lyazidi).

Comme prcdemment, les excellentes et amicales relations entretenues avec eux


avaient facilit lexamen des demandes manant des chantiers, auxquelles des rponses
satisfaisantes furent souvent donnes avec clrit et diligence, accompagnes, sur nos
demandes, de missions des responsables de la Base des Zar sur les lieux pour nous
soutenir, nous conseiller et vivre la vie des chantiers.

Ainsi, nous emes loccasion et le plaisir de recevoir sur les chantiers miniers,
notamment mes amis de promotion, Berkia et Lahlou, ainsi que Balafrej.

RECHERCHES MINIERES
En ce qui concerne nos diffrentes activits de recherches minires, nous avons
travaill simultanment sur plusieurs chantiers, durant des priodes plus ou moins
longues, en fonction de lorientation des gologues et de limportance des indices et des
gisements mis en vidence.

Nos travaux de recherches dans certains gisements furent suivis de dveloppement


et de prparation en vue de la mise en valeur de ces gisements dans le cadre de socits
minires filiales du BRPM.

Ainsi, durant plus dune dcennie, nos interventions tous azimuts, travers
lensemble du territoire national, furent les fondements de laction du BRPM en tant
quacteur principal et central de la promotion et du dveloppement de la mine mtallique
et des substances utiles dans notre pays.

43
Cette priode euphorique avait enregistr, entre autres, la venue de jeunes
ingnieurs des mines, la formation dune pliade de techniciens multidisciplinaires,
lintroduction de nouvelles mthodes dintervention sur les chantiers et de nouveaux
quipements de levage et dextraction, de foration, dexhaure, de transport, de marinage
et de production dnergie lectrique.

Toutes ces actions de recherches et de dveloppement furent suivies de


lamlioration sensible des conditions de vie sur les chantiers.

Sans respecter lordre chronologique de lexcution des travaux sur les


chantiers, et en oprant une analyse par secteur, nos multiples interventions ont
concern, notamment :

Le Secteur du Tafilalet
A Boumadine, la reconnaissance du gisement stait poursuivie sans relche au-del
du niveau -50 avec lapprofondissement des puits A et B et C et la multiplication des
secteurs de recherche dcide et coordonne avec nous par le gologue Saint Gal De
Pons, gologue snior au Service de la Gologie minire.

Ces oprations avaient donn un surcrot de travail nos quipes en place, et exig
de ma part un suivi constant et rapproch.

Quelques infimes erreurs dans lorientation des galeries donnrent loccasion aux
sournois, aux mauvais esprits et aux nostalgiques de lpoque Mlinac de se rveiller pour
clamer lincomptence et lincurie de nos chefs de chantier, nous obligeant faire front et
feu de tous bois pour endiguer la mare de malveillance qui stait abattue sur nous.

Heureusement, trs rapidement, aprs une srieuse reprise en main et un suivi


gologique permanent, des progrs furent enregistrs dans lorganisation des quipes et
lentretien du matriel, se traduisant par des rsultats satisfaisants, bon augure dune
gestion de chantier plus sereine.

Aprs lapprofondissement des puits A, B et C pour retrouver et reconnatre les


enracinements des filons, suivi de llaboration par les gologues dun programme
pluriannuel, les travaux miniers et les sondages mirent en vidence dimportants indices
de minerais polymtalliques (plomb, zinc avec de notables indices dor), bons indicateurs
sur les potentialits relles du gisement et pour la ralisation dun vritable projet minier
denvergure dans lOugnat.

Limportance des programmes de travaux, avait ncessit le renforcement de


lquipe sur place en la faisant diriger de prs par Mohammed Chaba, jeune ingnieur de
la quatrime promotion de lEcole Mohammedia, originaire dErrachidia, qui avait fait ses
dbuts prometteurs dans le secteur dAgadir.

Chaba, aprs un excellent travail de coordination des travaux et de gestion


rigoureuse du chantier fut charg de lensemble du secteur de lOugnat avec domicile au
centre de Boumadine.

Javais guid ses premiers pas en le soutenant dans ses initiatives judicieuses, et en
loignant dautorit la vindicte des surveillants mineurs peu habitus supporter et voir
un ingnieur en permanence sur le chantier qui leur faisait de lombre et amoindrissait
leurs prrogatives, oubliant quelque peu lomnipotence du vieux Mlinac et de ses sbires.

Au terme des programmes de recherches et aprs lvaluation des rserves, une


autre priode dinvestigation avait suivi pour dterminer les mthodes dexploitation et
de valorisation des minerais complexes sur lesquels plusieurs essais furent entrepris au
Maroc, en France et en Union Sovitique.

44
En dfinitive, dans lincertitude technique et conomique du moment, le chantier fut
mis en veilleuse en 1970, et le repli des quipes opr sur dautres centres, dans
lamertume, mais avec lespoir de voir surgir, un jour, un centre minier dans la rgion de
Tinejdad et Goulmima.

Les affirmations d'Albert Hammou en 1964, pour me dcider intgrer le BRPM,


furent battues en brche, la grande mine dor ntant pas pour demain.

Leffervescence, longtemps entretenue dans le secteur de Tinejdad, avait baiss dun


large cran pour laisser la place un calme profond dans les valles encaisses de lOugnat
central.

Mais Boumadine, de par la diversit et la complexit de ses horizons gologiques et


de ses minerais polymtalliques, fut pour beaucoup de gologues, ingnieurs des mines,
surveillants mineurs, techniciens et ouvriers, un des meilleurs centres de formation,
dexprience et dexpertise du BRPM.

Dans la zone CADET, aprs Boufedouze, nos travaux avaient concern les centres
dactivit artisanale Bou Maz Douira, Bou Maz Coucha, Bou Maz Labied, Mfis Coucha,
Timgharine et Tizi Mokhazni.

Grce la poursuite effrne de nos interventions dans le dnoyage des puits et aux
travaux de reconnaissance en profondeur des gisements, la production de plomb
augmenta dans de larges proportions,

Sur les chantiers, les problmes dexhaure, lis la salinit de leau, constituaient la
pierre dachoppement de toutes nos activits.

Rien de substantiel ne pouvait tre accompli sur les diffrents centres, sans la mise
en uvre dun systme de pompage fiable permettant la poursuite de la reconnaissance
et du dpilage des filons profonds que les possibilits intrinsques des artisans mineurs
du secteur ne pouvaient assurer.

Ce fut pour les quipes du BRPM une lutte acharne et continue contre les venues
deau dans ces contres pourtant rputes dsertiques, voire inhospitalires.

Les Travaux Miniers y avaient mis les moyens, mais aussi le cur et lardeur la
tche excute par des quipes aguerries.

Ds lors, chaque fois que le dnoyage des travaux tait ralis, ctait leuphorie
parmi le monde artisanal qui, aprs sa mobilisation rapide, battait tous les records de
production de plomb de la zone dErfoud/Rissani.

Ce fut mouvant de participer au maintien, au dveloppement et la prennisation


dune activit sculaire, seule ressource de ces populations rompues au travail dur,
toujours dignes et chaleureuses malgr les difficults du quotidien.

Grce son action de support technique, la construction de pistes daccs pour


dsenclaver les chantiers, la conception et lexcution de programmes de recherches, en
parfaite coordination avec la direction gnrale de la CADET, le BRPM peut toujours
senorgueillir et sestimer fier davoir accompagn et encourag les artisans dans la mise
en valeur des nombreux petits gisements, et particip la promotion et au
dveloppement conomique de cette zone du Tafilalet.

De ce fait, rarement, linstitution du systme de collecte centralis des productions


par la CADET ne fut remise en cause par les artisans.

Rarement aussi, un Office de lEtat comme le BRPM, navait accord autant


dattention et de sensibilit une activit dans laquelle ses quipes avaient excell par

45
leur travail et leur dvouement exemplaires, dans un environnement partout et toujours
rude, en toutes saisons.

Aprs le dpart du Directeur Hajoui, affect aux Dpartement des Participations du


BRPM Rabat, le secteur CADETAF amora sa chute.

Ainsi, la dcision inopportune et irrflchie du nouveau responsable, Sourouri, de


raliser et de conduire lui-mme les travaux, arguant des cots de facturation levs du
BRPM, se solda par un cuisant chec aux rpercussions catastrophiques pour le secteur
artisanal du secteur dErfoud.

Sourouri oubliait ou mconnaissait que le BRPM ne rentrait pas dans ses frais, car les
facturations des prestations la CADET couvraient peine les charges de salaires et de
carburants, bien loin des bnfices annoncs de mauvaise foi.

Mme les ouvriers provisoires, pine dorsale de nos activits, refusrent de travailler
directement avec la Centrale et demandrent rejoindre les autres chantiers BRPM.

Le matriel dextraction, de foration et dexhaure, cd la CADET des prix


symboliques, subira les effets dun manque dentretien et envoy la ferraille aprs une
courte priode dutilisation.

Aprs le retrait de nos quipes, lencadrement des artisans et la recherche de


nouveaux gisements tant ngligs, la zone minire artisanale du Tafilalet retomba dans
la rcession et la lthargie, suivies du gel gologique de tout le secteur.
La Centrale ne sen remettra plus jamais, et le BRPM fut dlest dun lourd fardeau
financier tran malgr lui depuis plusieurs annes.

Le temps faste du secteur artisanal dErfoud aura vcu, les responsables de CADET
qui succderont Sourouri, aprs son grave accident de circulation, navaient jamais pu,
eux aussi, redresser la situation.

Lextension de la zone dactivit artisanale la rgion de Bni Tadjit aprs le retrait


de la socit Penarroya, ne fera pas oublier la priode des vaches grasses survole par les
interventions du BRPM.

De cette priode, je garde dineffables souvenirs du courage ininterrompu de nos


quipes et du monde artisanal dans un milieu rude et austre, que la seule volont des
hommes et leur dtermination avaient maintenu et prennis.

Je garde en mmoire la vue dun merveilleux coucher du soleil et le spectacle sublime


et centenaire sur les dunes de Merzouga, prs de Taouz, couvertes dun lger manteau de
grle, aprs de violents orages sur la hamada.

A Iraoune en plein Mader, proximit dOumjrane, 200 km au Sud-Ouest


dErfoud et 800 km de Rabat, les travaux miniers avaient comme objectif la
reconnaissance par puits et galeries des minralisations sulfures de cuivre, recoupes
auparavant par quelques sondages carotts peu profonds.

Avant le dmarrage, une mission de reconnaissance fut entreprise pour examiner


ltat des pistes daccs et lenvironnement du chantier, car aller Iraoune ntait pas une
partie de plaisir, loin sen faut.

On y accde par deux itinraires diffrents : le premier venant de Tinerhir et passant


par le col de Tizi NTfarkhine dans lAnti-Atlas et la localit dAlnif, le deuxime emprunte
la piste Rissani-Mssici-Alnif.

A partir dAlnif, il faut emprunter la piste rocailleuse vers At Sadane, traverser


limmense oued assch dEl Fecht avant de dboucher sur limmense hamada dnude,

46
non loin du petit douar dOumjrane blotti dans un bosquet de palmiers, avec quelques
maigres lopins de luzerne.

Dans les deux cas, les pistes rocailleuses de plus de 170 km, taient souvent coupes
par des passages doueds ensabls, trs difficiles traverser, o les chauffeurs devaient
montrer tout leur savoir faire et leur aptitude se dgager des situations prilleuses.

Les normes crues soudaines des oueds, dvalant des massifs de lOugnat et du
Saghro, nous avaient immobiliss plusieurs reprises, notamment lOued El Fecht, dans
un environnement minral trs peu frquent.

Les messages radio, annonant lheure de dpart vers Iraoune, furent souvent les
seuls indicateurs permettant de localiser notre position en cas de panne ou dennui
imprvisible, et dengager ainsi rapidement les oprations de secours.

Iraoune, cest tout juste ct, derrire la colline devant vous, cest tout proche ,
nous avait rpondu un jour un jeune berger qui nous demandions la direction du
chantier, aprs avoir perdu notre direction et emprunt lune des dizaines de pistes qui
avaient labour la hamada.

En fait, Iraoune tait bien plus de 40km ; lapprciation de la distance tait toute
relative pour les gens du dsert et de la hamada du Mader.

Que de fois, de nuit, nous avons t obligs de marquer une halte pour discerner,
parmi tant de pistes, celle qui devait nous mener bon port Iraoune.

A Iraoune, malgr le savoir faire et lacharnement des quipes menes par le vtran
Jerdouj, doubls des moyens techniques importants mis en place, le fonage navait pas
dpass 15 mtres.

Des venues deau de 120 m3/heure et la mauvaise tenue des terrains traverss,
suivie dboulements caverneux derrire les parements du puits, avaient perturb la
marche du chantier et la poursuite du programme de reconnaissance.

Nous fmes contraints et forcs dabandonner Iraoune et de nous replier sur dautres
chantiers du secteur, en attendant un rexamen du dossier par les gologues pour une
implantation plus favorable et plus approprie des travaux.
****
Une deuxime tentative fut engage quelques annes plus tard, avec des moyens
humains et matriels plus puissants, et un ingnieur des mines, Moussanif, fut charg de
piloter le chantier, avec le support de Chaba partir de Boumadine.

A plusieurs reprises, je mtais rendu sur les lieux pour apprcier la situation difficile
que traversait ce chantier en pleine hamada du Mader.

Notre intervention stait traduite galement par un cuisant chec, les terrains tant
difficiles traverser avec les techniques du moment et les venues deau toujours trs
leves (plus de 120 m3/h).

Le dossier dIraoune fut dfinitivement ferm, laissant en dormance quelques


mtres de profondeur sous la hamada, un gisement de cuivre, peut-tre important.

A Aguensou Aouragh, dans le secteur dAlnif, 130 km louest de Rissani, sur les
contreforts du massif montagneux du Bougaffer, un petit chantier pilot par Salah venant
de Boumadine, avait reconnu par galeries un petit indice de cuivre.

Les rsultats des travaux furent dcevants, entranant labandon rapide du chantier,
et la clture de la recherche dans cette partie du Bougaffer.

47
A Oumjrane, le secteur avait fait dj lobjet dune campagne de recherches dans
les annes cinquante, arrte prmaturment par suite des fortes venues deau au cours
du fonage du puits et par manque de matriel dexhaure appropri.

La reprise dOumjrane ntait donc envisageable quavec des moyens adquats et


fiables, pour viter daller au suicide et de rditer les erreurs antrieures.

Avant le dmarrage, une mission exploratoire fut organise pour valuer les moyens
humains et matriels mettre en uvre, trs loin de Rabat.

Lacheminement du matriel sur les lieux fut long et pnible malgr dimportants
moyens de transport utiliss pour transcender le mauvais tat des pistes de Rissani (170
km) et Tinerhir (150km) et les multiples passages doueds difficiles et sablonneux, aprs
Alnif et At Sadane.

Ainsi fut implant, en plein Mader, le plus important chantier de lhistoire de la


recherche minire au BRPM, aprs une prparation minutieuse visant matriser les
problmes dexhaure, instruits en cela par nos deux checs Iraoune, quelques
kilomtres plus au sud.

Notre meilleure quipe fut affecte cette importante entreprise et place dans un
premier temps sous lautorit du plus aguerri de nos chefs de chantier, Meskine,
originaire de Tinejdad, connaissant parfaitement les hommes et les lieux pour avoir fait
partie de toutes les prcdentes expditions.

Nos meilleurs surveillants mineurs, Ryani Ahmed et Rahdou Sad, les lectriciens les
plus confirms Jaffari, Ighaz, Oulhaj et Nafaoui, et les mcaniciens les plus
entreprenants, Moha ou Addi et Ouddich, sy succdrent durant plus de cinq ans, avec
beaucoup de dtermination.

Sur place, nous avons assur au personnel une vie dcente pour lui pargner les
tracas du bled, et ainsi furent construits des logements en dur en lieu et place des
sordides gourbis traditionnels et des tentes des chantiers rarement remplaces.

Lapprovisionnement rgulier en denres alimentaires de base fut assur avec des


descentes rgulires aux souks de Zagora, dAlnif et de Rissani.

Une maison dhtes fut amnage pour recevoir convenablement les nombreux
visiteurs de tous les horizons professionnels du BRPM, et beaucoup de cadres se
plaisaient rsider Oumjrane pour plusieurs jours.

Les communications radio furent scurises, doubles dune administration locale


comptente, disponible et sensibilise sur ses devoirs de soutien permanent envers
lensemble des intervenants.

Malgr les prcautions prises au dmarrage, malgr la qualit et le professionnalisme


de nos agents de matrise et ouvriers, les moyens matriels disponibles au BRPM
savrrent encore une fois insuffisants.

Malgr les apparences trompeuses de la hamada rocailleuse et dsertique, les


immenses tendues dnudes et planes du Mader constituent le dversoir des oueds
prenant leur source dans lAnti Atlas de lOugnat et du Bougaffer, alimentant une grande
nappe aquifre quelques mtres de la surface.

Ainsi, aprs la reprise du fonage de lancien puits de recherche sur quelques mtres,
et contre toute attente, les venues deau furent largement suprieures toutes nos
prvisions (plus de 150m3/Heure), immobilisant le chantier pour plusieurs jours, en
attendant la mise en place de moyens dexhaure supplmentaires (batterie de pompes
lectriques FLYGT, groupes lectrognes plus puissants).

48
La tnacit et la pugnacit de nos quipes furent les grands stimulants pour ne pas
baisser les bras, et ne pas cder au dcouragement et la lassitude.

La lutte de nos quipes contre les venues deau stait traduite par des efforts durs et
parfois dangereux et une abngation rigoureuse.

Nous tions conscients que toute dfaillance ou toute ngligence de notre part se
rpercuterait sur lensemble des travaux et immobiliserait le chantier, et que tout arrt du
systme de pompage en place, se traduirait par une monte vertigineuse du niveau deau
et exigerait plusieurs journes de dur labeur pour retrouver la situation initiale.

Seul un tmoin oculaire peut comprendre une situation pareille et comprendre quen
aidant notre personnel et en mettant en uvre des quipements plus adapts, on permet
la recherche minire dtre plus efficiente.

Dans ce contexte, Oumjrane avait cultiv et entretenu un esprit de sacrifice et une


sensibilit hors du commun, rvls loccasion dun malencontreux incendie dans un
magasin de chantier qui avait occasionn, notamment, la destruction de matriel
lectrique (cbles, contacteurs, fusibles) et endommag des pompes FLYGT, nerf moteur
du dnoyage des travaux.

Alert Rabat, je mtais rendu, illico presto sur les lieux pour valuer lampleur des
dgts et dcider des mesures prendre pour viter la perturbation de nos travaux de
recherche minire en plein dveloppement.

Arrivant au chantier pour constater et apprcier les effets du sinistre, javais trouv
le chef de chantier, Ahmed, les chefs de poste et les lectromcaniciens abattus et
prostrs, en sanglots.

Me montrant des pompes lectriques hors dusage et des cbles calcins, exposs sur
des bches de fortune, le chef de chantier Ryani et les chefs de poste se mirent pleurer.

Pour eux, la destruction de ce matriel, force de frappe pour mener une lutte
permanente contre leur ennemi (lenvahissement des travaux par les eaux) signifiait
larrt irrmdiable des travaux, et lanantissement de leurs efforts et de leurs sacrifices
consentis depuis plusieurs mois.

Je dus, fortement, les consoler en leur annonant le remplacement sous peu des
quipements hors service.

Ils ne furent rellement rassurs que le jour o les pompes et leurs accessoires
furent effectivement livrs au chantier.

Par ailleurs, au cours de nos nombreux briefings Rabat, nous avons convaincu la
Direction Technique de nous autoriser renforcer nos effectifs et quiper le chantier en
matriel suffisant et fiable.

Pour sen convaincre davantage, et aprs une longue tourne des chantiers du
secteur du Tafilalet (Boumadine, CADET) et une visite spcifique sur place Oumjrane,
le Directeur Technique, Fauvelet et son adjoint, Guessous, avaient constat lampleur des
problmes dexhaure, et furent convaincus de la ncessit dengager des moyens
consquents pour relever le dfi.

Ainsi, des crdits importants furent allous et dbloqus rapidement pour acqurir
des pompes, des groupes lectrognes et des compresseurs plus puissants et plus
performants, renforcer notre parc matriel, approvisionner nos stocks en pices de
rechange et en consommables divers.

49
De plus, ce fut loccasion de renforcer les quipes de travail, de les motiver en leur
garantissant en permanence des indemnits et des primes de rendement, et assurer une
logistique la mesure dun centre de recherche minire loin de Rabat.

Outre les achats dquipements, leffort dinvestissement en infrastructures sociales


stait traduit par une amlioration des conditions de vie existantes par la construction
dautres maisons en dur et dune infirmerie.

Tout cela avait permis de fixer le personnel en lui pargnant les tracasseries du
quotidien, loin des familles et des proches.

La situation que traversait Oumjrane me proccupait et mavait contraint me


dplacer souvent sur les lieux.

Que de fois, je partais de Rabat le matin, pour me retrouver le soir Oumjrane, en


ayant parcouru 800 km, dont 200 km de mauvaise piste.

Le lendemain, avec le chef de chantier, nous descendions au fond pour visiter les
travaux, tudier les problmes sur le tas et passer des journes entires essayer de les
rsoudre, en mettant contribution tout le monde.

Par la suite en tandem avec Chaba, nous avons rgulirement tous les mois visit
les travaux pour apporter notre rconfort nos agents, et marquer notre dtermination
poursuivre les travaux, en y mettant notre cur et en ne lsinant sur aucun moyen.

A plusieurs reprises, nous avons brav ensemble, presque inconsciemment, les


venues deau et les dgagements de gaz carbonique au fond et front des avancements
de galeries pour apprcier et partager avec le personnel lpret de sa tche et ses
sacrifices consentis sans rechigner aucun moment.

Durant mes frquentes visites, mettant la main la pte, partageant la vie des gens
sous tous ses aspects, nous parvenions galvaniser lnergie des quipes toujours
disponibles et courageuses.

La grande intensit de lactivit minire Oumjrane avait ncessit la rotation des


quipes dencadrement (chefs de chantier, chefs de poste, lectromcaniciens), vitant
ainsi des dpressions pour certains agents dorigine citadine, et donnant loccasion aux
autres responsables des travaux miniers de se familiariser avec les problmes pineux de
la recherche minire en milieu austre et difficile.

A Oumjrane, furent dfinis les ratios considrs comme les plus quitables pour
motiver et stimuler lardeur au travail et la productivit, et furent mises en oeuvre les
nouvelles procdures dapprovisionnement, de gestion des stocks et de prix de revient de
chantier par sections homognes.

Considr au dpart comme le chantier le plus difficile, un bagne pour certains, de


par sa situation gographique et lpret de son environnement, Oumjrane en dfinitive,
attira beaucoup de monde, car lambiance au travail y tait sereine, les logements bien
amnags en lieu et place des gourbis sordides, les rmunrations et les primes
attrayantes et lapprovisionnement rgulirement assur.

Tout le monde y trouva son compte et personne ne vint se plaindre des responsables
ou de liniquit dans leur comportement.

Durant plusieurs annes, Oumjrane fut notre principal ple dactivit et le vritable
centre de formation des agents du Service Travaux Miniers (mineurs, lectriciens,
chaudronniers magasiniers, chauffeurs etc.).

50
L, les problmes de tous ordres avaient forg notre personnel en lui reconnaissant
une rputation dendurance, de srieux et de comptence, notamment dans les domaines
des travaux miniers difficiles, de llectromcanique et des mthodes de dnoyage.

La disponibilit de leau dexhaure en grande quantit, distribue selon les rgles de


lart en vigueur dans les rgions subsahariennes, encouragea le personnel pendant ses
heures de pause, dvelopper la petite agriculture sur des parcelles tires au cordeau et
attribues sans distinction.

Trs vite, sous la frule dun des chefs de chantier, Rahdou, de vritables potagers
surgirent du nant, apportant une note de verdure et de gaiet dans ces contres arides
et dessches o le printemps tait enivrant et dlicieux grce aux champs de luzerne et
de henn qui rpandaient une odeur suave incomparable.

Il fut mme envisag, en collaboration avec les Eaux et Forts et la province


dErrachidia, de planter de vritables forts deucalyptus pour rpondre aux besoins en
bois de soutnement des futurs travaux dexploitation souterraine.

Les travaux staient poursuivis durant plusieurs annes, apportant leur lot de
souffrances, dexaltation, de relvement de dfis, et des fois dextravagance.

Ainsi, dans la zone doxydation dune puissance de lordre de 40m, de merveilleux


spcimens minralogiques (malachite, et azurite entre autres) furent dcouverts attirant
lattention des gologues et poussant lun deux, Badissy, organiser la collecte et la
fouille des remblais.

Par ailleurs, chose piquante et incongrue, lors du fonage des chemines de liaison
des sous-niveaux, une chvre gare dun troupeau qui paissait proximit des travaux
tait tombe au fond, faisant croire, aprs la dcouverte du cadavre du caprin, une
maldiction des lieux.

Le bruit avait couru comme une trane de poudre que les travaux souterrains
Oumjrane taient hants parce quils avaient agress et chatouill les dmons cachs
dans les entrailles du secteur du Mader !

Au terme de la reconnaissance par travaux miniers et par forages carotts de la zone


oxyde et de lenracinement du gisement, des rserves apprciables de minerais furent
mises en vidence.

Une tude de faisabilit fut lance, en collaboration avec le premier partenaire,


SACEM (socit dexploitation de la mine de manganse dImini, filiale du BRPM),
intresse de se dployer dans le secteur du Mader.

Dans lattente dune dcision des associs dans la convention de mise en valeur du
gisement, le chantier fut mis en veilleuse et le repli des quipes opr sur Boukerzia 15
km plus lEst.

De nouveau, un calme profond avait rgn sur les grands espaces du Mader et le
primtre irrigu par lexhaure de la mine ne tarda pas dprir.

Le petit douar dOumjrane et tout le secteur environnant, connus pour leurs trs
maigres ressources, et qui avaient bnfici durant plusieurs annes des retombes de
lactivit de recherche minire du BRPM, travers la distribution des salaires aux
ouvriers, allaient retomber dans le dnuement et la prcarit.

Larrt dOumjrane nous avait laiss un got amer aprs tant de labeur acharn
ayant forg et form les quipes des Travaux Miniers aux dures oprations de recherches
dans des conditions de milieu de travail peu amnes.

51
Le triste constat de linterruption des travaux avait loign srieusement lespoir de
mise en valeur dun gisement de cuivre dans le Mader.

A Boukerzia, gisement de cuivre, prsentant les mmes problmes dexhaure et de


tenue des terrains qu Oumjrane, nos quipes, exprimentes et aguerries, affrontrent
la situation avec panache, en ralisant un puits profond, suivi de galeries de
reconnaissance.

Mais le volume et la qualit des rserves ne justifirent pas, lpoque, une


exploitation rentable, eu gard au niveau bas des cours du cuivre.

Le chantier fut abandonn en attendant des jours meilleurs , et les quipes


dispatches entre les chantiers de recherche des secteurs dOuarzazate et dAgadir.

Le Secteur de Marrakech
A Draa Sfar Nord, non loin de lOued Tensift, 15 km lOuest de Marrakech, au
dbut de lanne 1967, un programme de recherche pour cuivre avait associ, dans le
cadre dune convention, le BRPM et la Compagnie Minire Mtallurgique (CMM) qui
exploitait la partie oxyde du gisement de Kettara.

Lassociation BRPM/CMM montrait la volont des deux partenaires de conjuguer


leurs efforts de mise en valeur du potentiel minier du secteur des Jbilets.

A Draa Sfar Nord, fut install un chantier employant plus de cent agents, avec des
logements pour le personnel, des matriels dextraction, dexhaure et dair comprim ;
lnergie lectrique tait fournie par une ligne haute tension en 22 KV, de 12 km de long.

Ds les premiers mtres de fonage de puits, la traverse dune faille,


dimportantes venues deau (plus de 100m3/Heure) avaient ralenti lavancement des
travaux, mettant rude preuve lingniosit et le savoir faire de nos quipes.

Aprs des mois deffort, malgr linadaptation des pompes Recta lectriques axe
vertical, lexhaure fut provisoirement matrise, facilitant la poursuite du fonage du puits
sur une trentaine de mtres.

Malheureusement, par suite de nombreuses avaries de pompes, de montes


intempestives du niveau deau en priode de pluie, le chantier fut immobilis plusieurs
reprises, sans pour autant dcourager nos quipes auxquelles nous rendions souvent
visite pour les soutenir, sans mnager aucun effort, dans leur combat contre les venues
deau et la mauvaise tenue des terrains.

Des chefs de chantier chevronns (Meskine, Jerdouj, Hcini) se succdrent la


direction des travaux, avec plus ou moins de succs et de bonheur.

Malgr lappui sans rserve et les interventions de la mine de Kettara dans lentretien
des pompes et des compresseurs, le fonage du puits avanait trs lentement, en raison
des fortes venues deau et de la nature bouleuse des terrains traverss, ncessitant un
btonnage systmatique trs onreux, dpassant les capacits financires du
Groupement de recherche.

Aprs une longue priode de ttonnement et de mise au point du systme dexhaure,


le fonage du puits fut achev 104m dans des conditions difficiles et risques,
entranant des surcots et des avenants la convention BRPM/CMM.

Lexcution dun travers banc de 120m de longueur la base du puits, nayant


rencontr que de faibles passes de minralisation base de pyrite, avec des teneurs
basses en cuivre, les partenaires dcidrent dun commun accord darrter les travaux et
de mettre fin la convention, le domaine minier revenant au BRPM.

52
Le gisement de cuivre de Draa Sfar Nord fut enterr sans laisser demprunte
particulire parmi nos gologues de lpoque, Figuet et Perez.

Mais Draa Sfar Nord fut pour les Travaux Miniers le champ dexprimentation et de
mise au point des techniques de fonage en terrains boulants, de btonnage systmatique
des parements du puits, des systmes dexhaure gros dbit, de lutilisation des explosifs
rsistant leau.

Il fut aussi le champ dexprimentation et dlaboration dun canevas de prix de


revient analytique par lAttach la Direction Technique, Guessous, polytechnicien fru
de calculs intgral.

Du chantier que je visitais trois fois par mois, je me rendais souvent Kettara chez
mon ami Lhatoute qui dployait lexploitation un travail remarquable avec lorganisation
des quipes fond et la mise au point de mthodes modernes dabattage, de foration, de
roulage et dextraction.

A Draa Sfar Sud, sur la rive gauche de lOued Tensift, 15 km de Marrakech, face
lancien centre de Draa Sfar Nord, le chantier de recherche pour plomb et zinc, par puits
et galeries de grandes sections, dirig par le vtran Jerdouj ambitionnait de reconnatre
les anomalies dcouvertes par les forages raliss par le Service Forages miniers quelques
mois auparavant.

Au cours du fonage du puits, la mise en uvre dun treuil de levage, du type


marine, que Lasfargues stait entt mettre en service, se rvla inoprant.

Un treuil dextraction dune autre gnration, plus adapt et plus sr, fut install et
avait subi des essais de performance avec laide du mcanicien Peugeot dpch sur les
lieux par la socit Galinet de Limoges, fournisseur de lquipement.

A Draa Sfar Sud, les essais de mcanisation du chargement par pelle air comprim
Eimco, et les plans de tir avec bouchon Coromant, en collaboration avec Atlas Copco,
furent raliss pour la premire fois avec succs aux Travaux Miniers.

Durant les essais de mcanisation du chargement, Jerdouj avait fait remarquer aux
responsables dAtlas Copco Maroc que la chargeuse Eimco tait du matriel de remploi
utilis prcdemment la Mine de Bouskour, et non, comme ils prtendaient, de
lquipement de premire main.

Jerdouj avait tout fait raison pour lavoir utilise lui-mme auparavant en tant que
mineur Bouskour.

La campagne de recherche dans des terrains de mauvaise tenue et gorgs deau,


mettra en vidence un gisement de zinc et plomb qui sera mis en exploitation par la
SEPYK, et le minerai enrichi dans une unit de flottation de rcupration fabrique dans
les ateliers de Kettara.

Les rsultats du traitement de minerai tant dcevants au plan de la rcupration


mtal, il fut dcid darrter lexploitation.

Draa Sfar Sud sera repris la fin des annes 90 dans le cadre de la socit de
Guemassa, filiale de MANAGEM/ONA.

Pour la postrit, il faut signaler que le chef de chantier, le vtran Jerdouj dsign
par le BRPM pour aller en plerinage La Mekke, avait prfr sabstenir pour achever le
programme de travaux.

A Kettara, nous avons suivi pour le compte de la SEPYK, le fonage du puits principal
dextraction de 450m, excut par la socit allemande Verushaft.

53
Lintervention des Travaux Miniers avait port sur le contrle des avancements et le
relvement des incidents au cours du creusement.

Le relais avec la socit allemande fut assur par un ingnieur allemand, Rudolph,
relevant du Service Travaux Miniers, recrut au dbut des annes soixante par lancien
Directeur Gnral du BRPM, Kadiri, pour superviser les essais dexploitation aux carrires
de Zada dans la rgion de Midelt.

Aprs Kettara, Rudolph rejoindra les Travaux Miniers en devenant pour quelque
temps et jusqu son dpart en 1970 le chef de la Base logistique dAgadir.

Rudolph, contrairement la rigueur allemande, tait rput pour tre un petit


travailleur, collectionneur de tapis et de bijoux berbres, et peu apprci du Directeur
Technique, Fauvelet et de Lasfargues qui lui reprochaient son manque de rigueur et sa
propension faire du tourisme.

Nous avons gard des rapports damiti aprs son dpart du BRPM pour rejoindre
son pays pour occuper des postes de responsabilit lOffice Fdral de la Gologie et des
Mines Hanovre.

A Souk el Tnine, prs de la mine de Jbel Irhoud, 25 km de Chemaa, une activit


limite lexploitation en carrire des remplissages de cassures , source de revenus pour
une quinzaine de personnes, fut maintenue pour produire, de faon marginale, quelques
centaines de tonnes de barytine ptrolire scheide, trie et exporte par le port de Safi.

Lactivit mene par le chef de chantier, Sidi Moh, avait rencontr souvent des
problmes inhrents loccupation des terrains, mais toujours rsolus aprs des
conciliabules avec les riverains.

Le domaine minier sera apport par la suite la socit COMABAR exploitant le


gisement de Jbel Irhoud.

Dans le secteur dEl Kelat des Sraghna, 80 km lEst de Marrakech, les travaux
dmarrs par le chef de chantier, Hcini, pour reconnatre lextension et lenracinement
dune minralisation cuprifre, furent stopps aprs le creusement dun puits suivi de
quelques dizaines de mtres de galerie.

Le gisement stait rvl discontinu et les teneurs en cuivre juges trop basses pour
justifier un effort soutenu de reconnaissance.

Prs de Sidi Bou Othmane, au milieu dune fort deucalyptus, dans les Jbilet,
proximit de grandes excavations ciel ouvert, des travaux par puits et galeries avaient
reconnu des zones de grandes concentrations de galne argentifre, exploites plus tard
dans le cadre de la SODIM (filiale du BRPM et de ZELLIDJA).

A Iberdaten, dans le Haut Atlas, 10 km dAzegour (ancienne mine de molybdne,


tungstne et pechblende), une petite campagne de travaux de surface, dirige par le chef
de chantier Nouari, avait montr le peu dintrt de ce gte de cuivre, haut perch et
daccs difficile par piste de montagne.

Le Secteur dOuarzazate

A Imiter, dans lAnti Atlas de lOugnat, 25 km louest de Tinerhir, 630 km de


Rabat, au cours des annes cinquante, une campagne de forages, de puits, de galeries de
reconnaissance et dessais dexploitation pour plomb, raliss par la Socit Minire de
lAtlas Marocain, filiale de PENARROYA, navaient pas abouti des rsultats probants.

54
En 1962, les recherches furent reprises par le BRPM, orientes vers lexploration des
avals des anciennes excavations par sondages inclins et qui ont dmontr lexistence de
minerai vierge en profondeur.

Par la suite, en 1966, une campagne de cubage et dchantillonnage par puits avec
soutnement par buses en bton fut entreprise par les quipes de Jerdouj pour valuer
les teneurs en argent des haldes, rsidus des travaux remontant la priode stalant du
8 au 14 sicle.

Le tonnage des haldes tait estim plus de 650.000 tonnes, une teneur de 300g
Ag/tonne.

On nimaginait pas encore en 1966, le pactole considrable en dormance dans les


parages, sous les haldes, peine effleur par les anciens mineurs et rat par les travaux
modernes du BRPM et de PENNAROYA.

A Timgharine, dans la plaine des Zenaga, 30 km au sud ouest de Tazenakht, dans


une rgion mica et bryllium, des grattages suivis de petits puits et galeries, rvlrent
une minralisation de muscovite dans les pegmatites, sans intrt.

Le domaine sera amodi plus tard la socit OUISSELSAT Mine, appartenant At


Hmam, jeune exploitant dynamique et plein dides en matire de valorisation des
substances utiles, et qui y ralisera des fouilles, tranches, galeries et puits de
reconnaissance des lentilles de pegmatites lies aux structures granitiques.

A Inki, en bordure de la piste menant dAskaoun Tazenakht, des indices dor


dcouverts par le gologue Smeykal, furent prospects par tranches et dcapages, avec
de maigres rsultats.

A Skoura et At Saoun, la demande de la Direction de la Gologie visant relancer


lactivit artisanale du secteur, un programme de recherches pour cuivre fut excut pour
aider la Cooprative Minire dOuarzazate (C.M.O) sortir de sa longue lthargie.

Ce programme intressait notamment tous les petits gisements de cuivre de la


rgion localiss dans le domaine minier attribu, et maintenu en vigueur
exceptionnellement par la Direction des Mines.

Malheureusement, les travaux, mens grande allure par nos quipes, navaient
rencontr que quelques concentrations sans grand intrt conomique, au grand dam des
artisans du secteur qui espraient puis croyaient vivement une reprise de leur activit
en veilleuse depuis des annes.

Au Jbel Sedrar, 70 km au sud est dOuarzazate, 10 km de Tazzarine, aprs la


visite des lieux avec des reprsentants de la Direction des Participations du BRPM, une
quipe lgre tait intervenue pour explorer par tranches des structures de trs beaux
marbres fossiles.

Des tractations occultes, entre la province dOuarzazate et des privs, loignrent le


BRPM de la mise en valeur de ce gisement de roches ornementales qui ne pouvait pas
faire lobjet dun permis minier.

Dautres chantiers, de courte dure, furent ouverts pour reconnatre les petits
gisements superficiels ou faible recouvrement Foum El Kouss (plomb) prs de
Tinerhir, Sidi Flah (cuivre) prs de Skoura, Taourirt Tamlalet (wolfram) en bordure de
la piste menant Ikniouen dans le Bougaffer, mais sans rsultats notables pour lpoque.

A Bleda, 150 km au Sud dOuarzazate, dans le secteur Est de la boutonnire du


Grara, la zone minire de Bleda avait attir lattention par ses nombreux anciens
grattages datant du 11 sicle.

55
Au cours de la priode 1963-1967, la zone avait fait lobjet de travaux par
gophysique suivie dune campagne de 6.000m de forages et dchantillonnages des
parties minralises, dans le cadre de la Socit At Ahmane Mining Company associant le
BRPM des promoteurs canadiens.

Arrts de 1968 1970, les travaux avaient repris en 1970 dans le cadre dun
syndicat de recherches pour le cuivre, associant le BRPM, lONA et le groupe japonais
MITSUI.

Le fonage dun puits, implant dans la zone sud pour confirmer les rsultats des
forages, ralis dans les rgles de lart et dans des conditions davancement
remarquables, fut loeuvre de nos quipes exprimentes orchestres par les matres
mineurs Meskine et Messaoud.

A la base du puits de 75m, les creusements de travers bancs et de galeries de


reconnaissance, suivis rgulirement par les gologues du BRPM, de lONA et de MITSUI,
taient venus confirmer la qualit de nos quipes, la bonne organisation de nos travaux et
les rsultats prometteurs dans la recherche du cuivre.

Aprs les succs enregistrs dans la zone sud et ltude gologique minutieuse sur la
zone nord supervise par un gologue japonais de grande comptence, Matsutoya
(rencontr pour la premire fois Allous en 1968), un programme complmentaire fut
mis au point et un additif annex la convention initiale BRPM/ONA/MITSUI.

Mens tambour battant et simultanment sur plusieurs fronts, les travaux de


recherche avaient dcouvert dimportants panneaux minraliss base essentiellement
de chalcopyrite, bornite et chalcosine, bon augure pour envisager dores et dj la mise
en exploitation du gisement de Bleda.

Lintrt grandissant de Bleda, manifest par les partenaires BRPM/ONA/MITSUI,


avait justifi mes dplacements frquents sur les lieux pour suivre lvolution de
lexcution des programmes de recherche.

Que de fois, en gnral aprs la visite des chantiers du secteur du Sous, je partais
dAgadir, de nuit, seul bord de ma voiture personnelle, pour retrouver la Land Rover du
chantier Tazenakht

Jarrivais Bleda, tt le matin, compltement puis par la piste rocailleuse et


ravine de plus de 80 km, passant par les mines de cobalt de Bouazzer et Irhtem et la
localit dAt Ahmane.

Comme sur tous les chantiers, la joie de la vie professionnelle tait pour moi dans
laction et de trouver Bleda un chantier organis, des quipes enthousiastes et animes
par lengouement de raliser les travaux dans les temps et les cots impartis par les
partenaires dans le cadre de la convention.

A lexploitation de cobalt de Bouazzer, toute proche, dirige par le vtran Tauban,


second plus tard par Chrif, nous avons toujours reu le meilleur accueil et la plus
prcieuse des aides dans les moments difficiles, notamment en matire de dpannage des
engins et de fabrication de pices urgentes aux ateliers de la mine.

Le Secteur dAgadir
A Agadir, par suite de la multiplication et de la multiplicit des chantiers de
recherches dans la zone de lAnti Atlas du Sous, il fut dcid dinstaller une vritable Base
logistique, dabord au quartier de Bensergao puis par la suite, pour plus de commodit,
au Quartier Industriel.

56
Cette structure fut place sous la responsabilit dun ingnieur, chef de secteur
(Reggadi au dmarrage, venant dIrherm, puis Rudolph par la suite avant son dpart
dfinitif du BRPM).

La base fut dote en moyens humains (comptables, mcaniciens, chauffeurs) et


matriels (vhicules de transport, atelier, magasins dappoint) pour tre en mesure de
rpondre avec clrit aux multiples demandes dinterventions des chantiers, sans faire
appels aux services lointains de la Base des Zar Rabat.

Pour des raisons dconomie et de rationalisation des frais gnraux, lquipe sera
rduite cinq agents placs sous lautorit dun agent administratif, Sad, en provenance
de lancienne base de Midelt, aprs sa fermeture.

A Ouansimi, 20 km lest dIfrane de lAnti Altas et 200 km au Sud dAgadir, dans


un environnement trs austre, aux collines dnudes, battu par les vents glacs en hiver,
daccs trs difficile par piste, des travaux de reconnaissance avaient concern durant
plus de cinq annes un champ filonien de cuivre, objet danciens travaux remontant
plusieurs sicles.

Ltude mtallognique de la rgion entreprise en 1963 avait conclu lintrt du


secteur, et un programme de recherche minire par galeries fut dcid pour reconnatre
les avals des affleurements des filons subverticaux spars par des intercalaires striles
de 6m et 80m.

Lamene du matriel fut une vritable expdition, la piste daccs partir dIfrane
de lAnti Atlas, malgr dimportants terrassements et un entretien priodique, sera un
long calvaire pour les transporteurs jusqu larrt de lexploitation dOuansimi en 1988.

Aprs linstallation de chantier dirig par Oussaga, la reconnaissance des zones


minralises avait dmarr intensment aprs le creusement, au niveau 1040, en bordure
doued, du travers banc principal flanc de coteau, dune longueur de 220m pour aller
recouper tous les avals du gte 80m au dessus des affleurements.

Au cours de la premire anne, loccasion de prcipitations exceptionnelles, une


crue doued soudaine stait engouffre dans cet ouvrage, frlant de peu la catastrophe ;
certains ouvriers avaient chapp la mort en se rfugiant dans les recoupes salvatrices.

Le creusement dune chemine incline dvacuation durgence, dbouchant au jour,


loigna dfinitivement la rdition de pareils incidents.

Les travaux, suivis avec rgularit par le gologue Smeykal, avaient confirm
lexistence de plusieurs zones minralises en extensions latrales et en profondeur aprs
la ralisation de puits intrieurs (ou bures).

La minralisation tait constitue de chalcopyrite imprgnant les roches


encaissantes schisteuses, avec prsence secondaire de pyrite, malachite et azurite.

La structure gologique simple du gisement facilita lorganisation de nos travaux


davancement, la rentabilisation de nos moyens humains et matriels et le lancement
prcoce des travaux prparatoires et dossature de la future exploitation.

A Tizert, prs dIrherm, aprs lamnagement de la piste daccs et la construction


de logements pour le personnel, un programme de reconnaissance des couches et amas
minraliss, men par le chef de chantier Ryani Ahmed, suivi par les gologues Salem et
Afous, fut entam avec vigueur, combinant lexcution de descenderies, puits, chemines,
suivis de forages Afferni dans la valle de loued.

Malgr lampleur des moyens mis en uvre et des programmes de recherches sur
plusieurs fronts, les rsultats furent relativement dcevants.

57
Les rserves modestes et disparates (250.000 tonnes), et les teneurs en cuivre de
lordre de 2%, avaient conclu la non rentabilit de lexploitation du gisement.

Le chantier fut mis en veilleuse.

A Tadenst, Tifferki et Tazert, prs de Tizert, les gisements taient dimportance


conomique secondaire.

Leur dveloppement de ces chantiers, comme pour tant dautres, sera diffr, en
attendant une conjoncture plus favorable des cours du cuivre.

A Tadenst, la dcouverte, la suite dun forage minier, dune source deau artsienne
avait t exploite par les habitants du village.

Ces derniers sopposrent plus tard la restitution dune partie de leau ncessaire
la mise en valeur ventuelle du gisement de Tizert tout proche.

Ce refus fut ritr et manifest avec force loccasion dune runion pique avec le
Gouverneur dAgadir, Mote que nous sommes alls rencontrer avec Lhatoute en 1977
pour lui expliquer la ncessit de disposer dune partie de leau pour assurer
lapprovisionnement de lusine de traitement projete Tizert

A Tirzit, 30 km lest de Taliouine (rgion rpute pour sa production de safran),


en bordure dun affluent du Sous, un vaste programme de recherche par galeries flanc
de coteau, suivi par le gologue dorigine tchque, Skacel, et excut par les quipes du
chef de chantier, Hcini, avait reconnu un gisement de cuivre de basse teneur, avec des
oxyds schlammeux difficiles traiter.

Lintrt technico conomique nayant pas t concluant, les travaux furent arrts
et le personnel dploy sur dautres centres de travaux du secteur dAgadir.

A Talat Nsous et Amadouze, non loin dAoulouz, et Amalou nOuaillal, en


bordure de lancienne piste dIrherm Tata, dans une zone couverte damandiers, des
programmes de galeries et de dcapages en surface, avaient vis lvaluation des
gisements de cuivre sdimentaires avec un faible recouvrement.

Les rsultats obtenus furent considrs comme peu satisfaisants pour justifier la
poursuite de la reconnaissance de ces indices.

A Zgounder, avec la remonte des cours de largent mtal, il fut dcid de dmarrer
un chantier de travaux miniers de reconnaissance approfondie par galeries dans le cadre
dune convention SACEM/BRPM.

Il faut rappeler que Zgounder, cher Saadi Moussa (minent gologue devenu plus
tard Directeur de la Gologie, puis Ministre de lEnergie et des Mines), situ 60 km au
nord de Taliouine est une ancienne mine dargent ayant fait lobjet dans les annes 50 de
travaux BRPM visant reconnatre les enracinements des vieux travaux dexploitation
remontant aux 11 et 13 sicles.

Aprs une installation de chantier rude, en zone montagneuse du massif du Siroua, la


campagne de recherche conduite par Jerdouj, avait port sur la poursuite du travers
bancs flanc de coteau surplombant lOued Zgounder, pour aller reconnatre davantage
laval des anciens travaux remontant plusieurs sicles.

Dans lexcution des travaux de creusement des galeries, nous avons dplor
malheureusement la mort dun de nos ouvriers mineurs par suite dune explosion dune
cartouche dexplosif rate lors du chargement des dblais.

A loccasion de lmission quotidienne de radio avec Rabat, Jerdouj, imperturbable


avait dclar : Un mort au chantier aujourdhui, rien signaler .

58
Pauvre Jerdouj, lui qui tait toujours trs proche et en parfaite communion avec
lensemble de son personnel !

Cette situation nous avait interpels tous aux Travaux Miniers pour mieux surveiller
et scuriser nos oprations de tir.

Des campagnes de sensibilisation furent organises lintention des ingnieurs, des


chefs de chantiers, des chefs de poste, des boutefeux et des prposs au chargement des
dblais pour coordonner leurs actions.

A Zgounder, les rsultats des recherches furent considrs comme peu


encourageants par suite de la prsence discontinue et capricieuse des minralisations
argentifres.

Le programme de travaux fut arrt aprs une expertise gologique ayant


recommand de suspendre la campagne de recherche, car les nouvelles rserves
dcouvertes ntaient pas juges conomiquement exploitables ; en consquence, la
convention fut annule, le domaine minier revenant au BRPM.

Mais pour la premire fois, et longtemps avant les extraordinaires dcouvertes


dImiter, la dcouverte dune plaque dargent avait dfray la chronique de lpoque et
suscit de nombreuses convoitises et interrogations.

Layant reue personnellement de Jerdouj, je lavais remise Bouchta, Chef de la


Gologie minire qui lavait offerte au Directeur Gnral du BRPM, Chefchaouni.

La fameuse plaque finira son priple au muse royal de Rabat.

Le BRPM, seul, reprendra en 1978 ltude de Zgounder la lumire de lexprience


gologique et des mthodes de valorisation acquises Imiter.

Le gisement sera exploit plus tard en 1981, dans le cadre de la socit SOMIL, filiale
du Bureau et de lArab Mining Company (ARMICO).

Tazalaght, situ 200 km au Sud Est dAgadir, 20 km de la localit des At


Abdellah, dans lAnti Atlas du Sous, une altitude de 2.200m, daccs difficile par piste de
montagne partir des At Baha et de Tafraout, est cit parmi les plus anciens et
importants gisements de cuivre de lAnti Atlas.

Lexistence de scories et de vestiges danciennes fonderies confirme une activit


fbrile des anciens mineurs de cette rgion.

On raconte que des milliers de personnes, organises en fractions regroupant de


nombreuses familles, avaient travaill la mine jusqu la fin du 19 sicle.

La fort recouvrait les collines et les pentes abruptes et fournissait le bois pour les
oprations de fusion du minerai.

Le minerai extrait des zones doxydation, tait riche ; au vu du volume des haldes et
des scories, le tonnage de cuivre mtal est estim 150.000 tonnes.

Redcouvert en 1930, le gisement fut travaill par la socit SERMISUD de 1941


1943 en y ralisant des puits et des galeries.

Les travaux BRPM, avaient port par la suite sur la reconnaissance de la zone par
forages, travers-bancs, suivis de lchantillonnage et du cubage des haldes des anciens
travaux, pilots par Jerdouj dans des conditions difficiles, par suite des boulements dans
les puits dchantillonnage.

59
Les rserves furent values 130.000 tonnes de haldes 3,2% de cuivre et 32 g
dargent par tonne.

Le transport dun lot de haldes pour essai de traitement la laverie dIrherm, se


rvla coteux et risqu cause de la longueur (environ 90 km) et de la nature
accidente de la piste passant par le village dAt Abdellah.

Lopration avait failli sachever en drame aprs la chute dun camion TATRA au fond
dune valle encaisse de cette zone montagneuse, le mcanicien dIrherm, Omari, ayant
chapp de peu la mort.

Aprs deux annes doubli, le cubage des haldes fut suivi dune campagne dessais de
traitement au laboratoire de Rabat.

Un programme de recherches deau par puits dans la valle dIfesfas, couvertes


damandiers, et par forages profonds dvelopps laborieusement lexplosif, lEst, avait
rvl un aquifre suffisant pour alimenter une petite unit denrichissement du minerai
de cuivre, essentiellement constitu doxyds.

A Agoujgal, 60 km de piste au Sud Est de Tafraout, en direction de Foum El Hassan,


la campagne de travaux miniers, conduite par le chef de chantier Hcini, avait mis en
vidence un petit gisement de minerai de cuivre oxyd complexe et difficile valoriser
par les mthodes du moment.

Durant la fin de la premire dcennie du 21 sicle, et pendant la priode faste des


cours du cuivre, ce gisement sera exploit pour saturer et rentabiliser lunit de
traitement du centre minier dAkka.
A Allous, gisement de cuivre 140 km au Sud Est dAgadir, javais particip aux
essais de foration en carrire avec un engin ROC 600, en dmonstration avec Atlas Copco
reprsent par un jeune technicien, Pierre Fauque, devenu un grand ami de famille, et
plus tard le Directeur Gnral dAtlas Copco Maroc.

La campagne dessais, en prsence du reprsentant de lONA, partenaire du BRPM


dans la convention de recherche sur ce gisement de cuivre, avait permis, aprs plusieurs
voles, la mise au point dun schma de tir appropri susceptible dtre adapt lors dune
ventuelle exploitation en carrire.

Durant la priode des essais, javais habit Irherm, plus de trente kilomtres,
retrouvant avec grand plaisir mes anciens collaborateurs des annes 1964 et 1965,
dirigs par un chef dexploitation yougoslave, sympathique et avenant, Mirkovich.

A Tafest et Gratoun, proximit de la localit dAskaoun, dans le massif du Siroua,


dans un environnement splendide de pturages et de troupeaux de chevaux, non loin du
lac dIfni, deux petits chantiers mens par le surveillant mineur Banane, avaient concern
les dcapages des affleurements base de malachite et azurite, jugs par la suite sans
grand intrt conomique.

A Jbel Jouad, dans le secteur dIfni/At Baamrane, 40 km lOuest de Guelmim, la


campagne de recherche fut orchestre par le chef de chantier Omar.

Les travaux avaient dmontr lexistence dun gisement polymtallique base de


plomb et cuivre, denvergure trs modeste, pouvant tre valoris dans le cadre dune
cooprative locale.

Dans le massif du Tichka (rgion de Taroudant), une campagne de travaux lgers


superficiels mene par le chef de chantier Taourirti, visait la recherche du molybdne
dans le cadre dune convention avec le BRGM.

60
Jeus le grand plaisir de participer un jour de Ramadan, en compagnie du gologue El
Ja, lescalade pied du massif pour implanter 2.500m daltitude, les zones de
prlvement dchantillons.

Pour la premire fois au BRPM, furent utiliss des marteaux perforateurs Cobra dans
des caissons, quips dun moteur thermique, transportables dos dhomme.

Les rsultats peu encourageants pour poursuivre la recherche de ce minerai


stratgique, entranrent lannulation de la convention.

A Tamterga, en juin 1968, en compagnie de mon pouse enceinte de sept mois et de


Rudolph, chef du secteur dAgadir, nous avons effectu une visite mmorable au chantier
de recherche pour plomb dans le Haut Atlas de lOunene.

Les travaux de recherche par travers-bancs flanc de coteau, mens par le chef de
chantier Messaoud, auxquels on accde par une piste de montagne trs difficile, avaient
mis en vidence un gisement de faible extension et de nature oxyde.

****
Le 5 juin 1967, jour du dclenchement de la guerre isralo-arabe ou Guerre
des Six jours, fut clbr mon mariage avec Fatima Rachidi, juriste et
responsable du secrtariat de notre dpartement o elle assurait, avec
comptence et professionnalisme, le suivi administratif de toutes les actions de
recherches par travaux miniers et forages miniers.

Ce fut rellement une belle occasion pour recevoir de nombreux amis de la


grande famille du BRPM

Au pire des moments de lorganisation des oprations Irherm, des fortes


venues deau Oumjrane et Draa Sfar Nord et des difficults daccs
Tamterga, Fatima mavait accompagn sur les lieux ; ce qui lui avait permis
chaque fois dapprcier sur le tas les difficults du moment, entoure des gards
particuliers du personnel des chantiers auquel elle vouait une sensibilit
particulire.

Le 28 aot 1968, natra mon fils Karim, seulement quelques jours aprs notre
retour dune tourne mouvemente sur les chantiers de lAnti Atlas.

Le Secteur de lOriental

A Zelmou, prs de Bouarfa, faisant suite aux travaux des annes 1956 (sondages,
chantillonnages et analyses chimiques) et 1960 (sondages et wagon drill), lactivit avait
repris en 1966 sous la conduite du surveillant mineur Ourbaa, avec louverture de petites
carrires pour des essais de production de barytine blanche de densit 4,4.

Les importants programmes de recherche raliss plus tard, avaient permis la mise
en vidence de rserves values 1.500.000 tonnes de barytine exploites dans le cadre
de la Compagnie Marocaine des Barytes (COMABAR), qui deviendra lune des plus
importantes exploitations de barytine du Maroc avec une production annuelle de plus de
100.000 tonnes de produits marchands de qualit ptrolire.

En compagnie de Rudolph, venant de Midelt, lore de Bouarfa, nous avons camp


sous la tente qui fut emport plusieurs reprises par un vent violent.

61
Lors de la visite de ce chantier, jeus le plaisir de rencontrer pour la premire fois,
Rabah Bouchta, Chef du Service de la Gologie minire au BRPM, certainement lun des
plus minents gologues nationaux que le Maroc ait connu.

A lpoque, Bouchta travaillait dans le secteur des Hauts Plateaux sur les gisements
de cuivre avec des traces dor.

Depuis ce jour l, nous sommes rests de bons amis en menant ensemble tous les
programmes de recherches minires du BRPM, et en assurant, partir de 1975, le
prodigieux dveloppement de la mine dargent dImiter.

A Jbel Klakh, 35 km au Nord Est de Bou Arfa, le secteur avait fait lobjet danciens
travaux attests par des haldes et des scories, dune reconnaissance en 1922 par la
Socit des Mines de Bouarfa et de travaux dexploitation par la SMEM jusquen 1972.

Dans son domaine minier, le BRPM, en 1967 et 1971, nous avons ralis des
dcapages superficiels, puits, galeries, chemines et forages et estim les rserves
350.000 tonnes 3% de cuivre.

Des indices dor seront dcouverts plus tard proximit dans le cadre de la recherche
du mtal jaune dans la rgion.

A Jbel Belaane 30 km au nord ouest de Berkane, les indices de plomb dans une
zone boise, ayant fait lobjet danciens travaux, repris par une quipe lgre dirige par
le chef de chantier, Salah, staient rvls peu encourageants, en raison de la faiblesse
des teneurs en plomb du minerai.

Le suivi gologique des travaux tait assur trs pisodiquement par Fellahi, chef de
la Division de la Gologie minire, originaire de la rgion de lOriental.

La priode dactivit fut marque par des inondations catastrophiques dans les Bni
Snassen, entranant linterruption de longue dure de la route Taforalt-Berkane, et
consquemment larrt de notre petit chantier de recherche.

Le personnel et le matriel furent vacus sur Berkane dos de mulets et envoys au


chantier dEl Hammam.

A Sidi Lahcen, 20 km lest de Debdou, lancienne mine de plomb riche en argent,


datant du Moyen Age, fut ractive dabord par la Socit Zellidja jusquen 1950, et
relaye en 1967 par le BRPM dans le cadre dune convention le liant avec la
Socit bulgare TECHNOEXPORT, portant sur le dnoyage des vieux travaux et des
recherches par galeries aux niveaux intermdiaires.

La campagne mene par le chef mineur Rahdou, prit fin trs vite aprs le dnoyage
difficile, coteux et long des niveaux suprieurs et lchantillonnage de certains fronts
davancement.

Les partenaires bulgares ayant dcid de ne pas poursuivre leffort de


reconnaissance, il fut dcid de mettre fin la convention.

Le gisement sera rtudi et mis en valeur, plus tard, par la socit SOMIL filiale du
BRPM et de lArab Mining Company, sur la base de rserves estimes 960.000 tonnes
6% de plomb, 1% de zinc et 120 g dargent par tonne.

A Jbel Tazekka prs de Taza, sur la route de Bab Bouider, une quipe lgre, dirige
par Taourirti, avait travaill, sans grand succs, sur les nombreux affleurements de plomb
situs proximit de la Maison forestire.

62
Le Secteur du Maroc Central

A Midelt, le BRPM disposait depuis lpoque euphorique des travaux de


reconnaissance, des essais dexploitation en carrire et des campagnes de traitement de
minerai de plomb de Zada, dans les locaux de lancienne gare dsaffecte du chemin de
fer colonial Guercif-Midelt, dune base logistique assurant le relais administratif et
comptable avec les nombreux chantiers du secteur Sud Est.

La Base disposait de bureaux, dun grand hangar pour entreposage de matriel et de


consommables divers, et dun petit laboratoire danalyse rapide dchantillons prlevs
sur les chantiers du secteur.

La gestion chaotique de la Base et les dissensions parmi son personnel, nous avaient
rsolus lvacuer aprs une demande doccupation des autorits militaires dsireuses de
la transformer en dpt de matriel.

Linstallation dans des locaux provisoires, lous un priv de Midelt, mit fin la
plthore des effectifs et lorganisation mise en place dans les annes soixante.

Plusieurs quipements furent transfrs sur les chantiers du secteur, le matriel


obsolte rapatri sur Rabat, et lquipe de gestion rduite quatre personnes sous
lautorit dun agent administratif.

La nouvelle Base sera ferme aprs la pose de la premire pierre par le Roi Hassan II
de lusine de traitement de la mine de Zada, et la fin des travaux dans les zones de
CADET, de Boumadine et dOumjrane.

Pour se rapprocher de ses chantiers du Tafilalet et des exploitations dImiter,


Boumadine et Oumjrane, le BRPM installera une base Errachidia, en bordure de la
route vers Goulmima.

A El Hammam, dans le Maroc central, premier chantier visit mes tout dbuts au
BRPM en 1964, aprs la rfection de la piste daccs partir dAgoura et lacheminement
grand risque du matriel travers une zone boise et bouleuse, la reprise des travaux
miniers visait la reconnaissance des enracinements des corps minraliss, prcdemment
exploits par la SAMINE, filiale du BRPM,

Les travaux, dmarrs par Salah, portaient sur lavancement rapide en galeries, avec
lutilisation dune estacade de chargement front quipe dun treuil air comprim
SAMIA, et la mise en uvre dun plan de tir spcifique en terrains karstiques, avec
prdominance de calcite.

Avec Chaba, nous avons pilot sur les lieux les essais de foration, de tir et de
chargement avec une estacade.

Les conclusions taient que le plan de tir devait tre modifi toute variation de
terrain dans les avancements, exigeant une ractivit rapide aprs chaque vole.

Par suite des temps de dplacement longs de lestacade de chargement, nous avons
introduit une pelle air comprim, pour aboutir de bien meilleurs rsultats.

El Hammam chantier pris et convoit, proche de Mekns, quatre heures de route


de Rabat, dans une zone boise, avec abondance deau et de gibier en toutes saisons,
reut de frquentes visites de responsables de Rabat.

Le suivi gologique des travaux et leur orientation taient assurs par Figuet et plus
tard par le jeune gologue, Maghraoui.

Pour la petite histoire, il faut mentionner que par peur des serpents, Salah avait
prfr passer ses nuits dans un hamac que dans une chambre en dur.

63
Le programme de travaux en galeries avait confirm lenracinement du gisement
filonien et mis en vidence dimportantes rserves de fluorine qui feront lobjet plus tard
dune exploitation et dun enrichissement par flottation.

A Meskadal, indice de plomb et zinc, situ 30 km lEst dImmouzer des


Marmoucha, cher au Directeur Technique, Fauvelet, et inscrit rgulirement depuis trois
ans au programme des travaux de recherche minire, nous avons install un petit
chantier o le matriel fut achemin dos dhommes et de mulets, aprs avoir t
dmont au bas de la valle, puis remont sur place.

Une visite de ce chantier haut perch, eut lieu un week end aprs une marche
harassante, sur une dizaine de kilomtres, travers une magnifique cdraie, en
compagnie de Chaba et du gologue dorigine bulgare, Kolev.

Aprs un mois dactivit ayant mis en vidence une minralisation de calamine et


galne, capricieuse, discontinue, ne mritant pas tous les efforts dploys si
gnreusement par nos quipes, nous avons repli lquipe, et comme linstallation, on
fit appel lnergie humaine et animale.

Fauvelet ne parlera plus de cet indice de zinc oxyd.

A Takarart, 70 km au Sud Est de Midelt, les travaux miniers par puits suivis de
galeries de reconnaissance des minralisations de plomb et zinc, dirigs par Messaoud,
furent dcevants, les lentilles minralises stant rvles de faible extension et de
valeur conomique drisoire.

Pour lanecdote, le mcanicien du chantier, Mimil, par suite de fortes chaleurs


estivales avait dcid de cimenter le radiateur dun compresseur, en croyant fermement
le refroidir !

Au chantier de Sidi Mbark, dans le Maroc Central, 40 km de Khnifra, les travaux


miniers orchestrs par Ryani, venant dOumjrane, par puits et galeries pour la recherche
dantimoine, furent relativement striles.

A Zguit, dans le massif granitique dOulms, dans une belle zone couverte de forts,
o dimportants travaux furent raliss en 1946 pour faire apparatre quelques belles
zones minralises sans enracinement vident, la nouvelle reconnaissance par puits et
galeries, pilote par Salah, avait mis en vidence de faibles indices de wolfram dans des
cassures remplissage filonien.

La mise en place prcipite dune ancienne petite unit gravimtrique mobile se


solda par un chec, par suite de son inadaptation ce type de minerai.

Dans les Granites des Zar (secteurs de la Ferme Paquis et Sokhrat Allal), 20 km
louest de Rommani, une campagne de recherches alluvionnaires des minraux lourds et
une valuation des teneurs en tain-wolfram, suivie par le gologue Clavel, rvla
quelques placers sans grande envergure conomique.

A Tabaroucht et Abadine, dans le Haut Altas de Bni Mellal, non loin du barrage du
Bin El Ouidane, deux quipes lgres, pilotes par Omar, avaient travaill sur la recherche
du cuivre, sans rsultats tangibles, malgr loptimisme du Directeur Technique, Fauvelet,
obnubil par la prsence de plantes cuivre.

Ces oprations isoles avaient concid avec la dcouverte dans la mme zone du
gisement de Tansrift, au bord du lac du barrage de Bni El Ouidane, ayant dfray la
chronique lpoque pour lampleur de son cot dacquisition par la socit de Jbel
Aouam, un oprateur priv, Kaskoreff.

64
Tansrift, constitu de lentilles minralises rcurrentes en cuivre, avec des rserves
de 1.000.000 tonnes 1,32% cuivre fut exploit en carrire, la cadence de 500t/jour,
par la Socit Marocaine dExploitation Minire et Commerciale, (SOMEMIC), filiale de la
Socit des Mines du Jbel Aouam.

A Oued Mellah, prs de Benslimane, une quipe tait intervenue dans lvaluation
du gisement dattapulgite, avant dexcuter une campagne aux marbres Midar prs de
Nador, dans le cadre de conventions avec des promoteurs privs.

A Timahdit, 35 km au sud dAzrou, aux gisements de schistes bitumeux, suite


lenvole des prix du ptrole, un programme de recherche par sondages pour valuer les
rserves et leur intensit spatiale, avait ncessit lintervention des quipes minires
dans la ralisation de dizaines de kilomtres de pistes daccs et de dcapages de surface.

Le chantier reut la visite dune importante dlgation prside par le Ministre charg
des mines, Ghissassi, accompagn de Moussa Saadi, Secrtaire dEtat au mme
Dpartement et promoteur de lopration schistes bitumeux.

Plus tard, en 1979, une amorce de travaux souterrains par descenderie et de


dpilage en chambre magasin fut ralise et visite par le Roi Hassan II.

A travers le prisme du suivi des travaux partir de Rabat

A Rabat, les runions frquentes la Direction Technique furent la source


dinformations et dorientations enrichissantes pour la conduite de nos travaux.

Ainsi, llaboration et le suivi de la ralisation des programmes de recherches


minires, lexamen approfondi des problmes rencontrs, furent des occasions de voir les
points de vue sexprimer et des fois sopposer avec force.

Mais, ce ntait pas toujours agrable dcouter certaines personnes sriger en


procureurs, sans amnit et objectivit, prtes dtruire ce que nous avons difi.

Le Chef de Dpartement, Lasfargues, tait souvent vis pour son incapacit


coordonner les activits des forages et des travaux miniers.
Mais il faut lui reconnatre beaucoup de fair-play, car aucun moment il navait
essay ou tent de se dcharger sur ses Chefs de service.

Avec le staff de la Gologie minire du BRPM, Bouchta, Smeykal, Saint Gal de Pons,
Prez, Clavel, Skacel, Maghraoui, Salem, Afous, Amelhay entre autres, nous avons
entretenu des relations fcondes, car ils comprenaient et encadraient parfaitement les
mineurs et apprciaient leurs efforts sans relche.

Nous avons vcu, en leur enrichissante compagnie, des moments inoubliables qui
avaient permis de cimenter notre amiti et notre franche collaboration avec eux.

Sur les diffrents fronts dactivit de recherches minires, notre souci principal tait
de veiller lutter contre les dpenses superflues et obtenir des prix de revient
raisonnables et comptitifs pour un BRPM qui ambitionnait de se lancer dans la
prparation et lexploitation des gisements, puis dans les travaux lentreprise pour
professionnaliser et aguerrir davantage ses quipes.

Mais pour notre part, nous navons pas oubli que la recherche tait dabord un
risque support par le BRPM seul, et que les promoteurs privs nationaux ou trangers ne
viendraient quaprs la mise en vidence et le dveloppement dun gisement exploitable
dans les conditions du moment.
****
Pour dmystifier le caractre austre de nos chantiers et faire toucher du doigt, des
profanes de la mine, limpact de la recherche minire dans le dveloppement rgional,

65
javais entrepris deux longues missions, la premire avec un reprsentant de la presse
crite, Aboulkhatib, la seconde avec un cadre de la Direction des Participations du BRPM,
Mouline.

A lissue de ces dplacements, CADET, Boumadine et Draa Sfar, la presse crite et


nos collgues de la Direction des Participations, navaient pas manqu de louer le rle
minemment positif de lactivit du BRPM, notamment dans certains secteurs excentrs
et dshrits des provinces du Tafilalet et dOuarzazate.

La promotion des hommes et lencadrement des chantiers miniers en profonde


mutation

En assumant la responsabilit du Service Travaux Miniers, le point nodal de mon


action au BRPM fut lamlioration des conditions de travail du personnel, toutes
catgories confondues, y voyant la reconnaissance implicite des efforts consentis depuis
des lustres sur les chantiers de recherche.

Cette action rsolue et volontariste avait permis, trs rapidement, lpanouissement


de nos chefs de chantier, la prise cur de leurs interventions pour donner la pleine
mesure de leurs capacits pour stimuler lardeur au travail des quipes sous leur
commandement.

Par ailleurs, au fil de la connaissance des hommes, javais ressenti la ncessit et


lurgence de la relve des anciens, certes ptris de qualits professionnelles et disciplins,
par des jeunes plus ouverts et permables linnovation et la gestion rigoureuse des
chantiers de plus en plus importants.

Lenvoi de plusieurs fournes dagents en formation ou en perfectionnement lEcole


Pratique des Mines de Touissit, fut le prlude au bouleversement considr par certains
responsables comme une atteinte leur autorit et leurs attributions.
Tout en mnageant les susceptibilits, il mavait fallu prendre des dcisions quelques
fois dchirantes, pour intgrer de jeunes talents, ambitieux, travailleurs, rpondant au
besoin naturel damlioration de nos mthodes de travail et de mise en uvre
dquipements plus modernes dune autre gnration.

Un conflit de gnrations stait dclench inexorablement, les rcalcitrants ou ceux


qui ne pouvaient pas sadapter furent les rels perdants.

Larrive des jeunes imprima une dynamique nouvelle notre activit, avec
linstauration dune comptition inter chantiers, suivie de la course aux avancements dans
les creusements de galeries et les fonages de puits.

A plusieurs reprises, je dus freiner les ardeurs des quipes vouloir raliser des
prouesses dans les avancements au dtriment de la qualit des travaux, de lutilisation et
de la maintenance rationnelle des quipements.

Lampleur de laire gographique et des programmes de recherches minires, la


ncessit dune conduite plus technique et plus rapproche des chantiers et le contact
plus professionnel avec les gologues, avaient exig le recrutement dingnieurs des
mines.

Ainsi, lintgration de Chaba, brillant laurat de lEcole Mohammedia, la grande


famille des Travaux Miniers, tait venue renforcer lencadrement de nos activits dans le
secteur dAgadir, Midelt, Boumadine et Oumjrane.

Jai vu natre Chaba professionnellement.

Par la suite il fut de toutes les joies, de toutes les russites, mais aussi de tous les
tourments sur les chantiers miniers.

66
Cela ne se fit pas sans douleur, car certains chefs de chantiers y virent une remise en
cause de leur autorit et une irruption dans leur domaine rserv.

Doigt et patience finirent par venir bout de leur rticence et par les convaincre du
ct positif de la prsence dun ingnieur dans lorganisation et la conduite des travaux
de plus en plus complexes, pour sortir du cadre classique des mthodes de travail
remontant des dcennies.

Longtemps, la cohabitation entre Chaba et ses subordonns directs ne fut pas


empreinte de bons sentiments, et je dus intervenir fermement pour mettre un terme aux
altercations, voire des fois aux basses accusations.

Le srieux, la disponibilit et lenthousiasme de Chaba eurent raison des rticences


les plus coriaces et des prjugs les plus condamnables.

Javais toujours encourag, soutenu et dfendu Chaba, malgr les rserves, voire
lopposition manifeste de certains esprits mal informs, mal intentionns et jaloux de la
russite professionnelle de ceux qui travaillent, non seulement avec leur esprit, mais
aussi avec leur coeur.

Le courage et la tmrit tant notre credo, avec Chaba, nous avons sillonn le
Maroc, sans mnager ni notre temps, ni notre vie familiale.

A plusieurs reprises, titre dexemple, aprs la visite de Boumadine, nous tions


Oumjrane laurore, aprs plusieurs heures de piste, pour, ds notre arrive, descendre
travers le puits pour visiter les travaux souterrains envahis par les eaux, et des fois avec
des manations de gaz carbonique intrinsque aux roches carbonates traverses, et
partager les moments difficiles avec nos agents aux fronts davancement des galeries.

Les heures de dner et de djeuner taient inconnues pour nous, et on salimentait


comme et quand on le pouvait, des fois au grand dam de nos chefs de chantier et du
responsable de la cantine locale.

Le partage avec Chaba de ces nombreux moments de dur labeur, ne dcomptant ni


notre temps, ni notre nergie, forgea notre amiti et notre estime rciproques pour
toujours.

A Oumjrane, en pleine euphorie des travaux de recherche, de phase dlicate de


dnoyage intense, de dgagements de gaz carbonique aprs lamorce dun travers-banc
au niveau-54, larrive de jeunes ingnieurs des mines, Laroussi, Moussanif, Hammeddine
et Arabat, stait traduite, encore une fois, par des ractions pidermiques des chefs de
chantier.

Je fus oblig de nouveau dintervenir pour arrter cette mascarade et sensibiliser


lensemble du personnel sur limportance que le BRPM attachait la conduite et la
russite des travaux, bnficiant de lapport de chacun et de tous.

Que de fois les nerfs craquaient, les voix se levaient et vocifraient, leffort baissait
notablement, faisant place au dcouragement, la lassitude et lapathie.

Mais il suffisait dune franche explication, dune analyse objective des problmes
pour quun dclic se dclencht, que tout repartt de plus belle, oubliant les
ressentiments, les sautes dhumeur et les invectives sournoises, car au final, lensemble
du personnel tait demeur attach son travail et fidle son chantier.

Cette attitude et cet esprit de sacrifice et de dvouement quasi mystique, poussaient


nos agents se surpasser pour relever beaucoup de dfis, car ils considraient que
baisser les bras devant les problmes et ladversit ne fait pas partie de la vritable
culture des Travaux Miniers .

67
Aussi, avions-nous le devoir de veiller la satisfaction de leurs besoins essentiels, de
rendre justice leur travail, leur abngation, leurs efforts soutenus et trs rarement
marchands.

Mon action, ds lors, tait toute trace, et depuis, je navais jamais cess de
dfendre le personnel des chantiers, de le soutenir moralement et de susciter
lamlioration de sa situation matrielle et de ses conditions de vie, y prouvant beaucoup
de bonheur intrieur et de satisfaction personnelle.

Javais tenu ce que cette attitude lgitime par le comportement irrprochable de


nos agents, devrait tre aussi le crdo de nos ingnieurs.

Les nombreuses visites aux chantiers finiront par devenir pour moi personnellement,
de vritables expditions de sympathie et de retrouvailles affectives avec le personnel.
****
Au cours de cette priode dactivits intenses sur les chantiers, les systmes de
gestion en vigueur au BRPM depuis plusieurs dcennies, furent rexamins en vue de leur
modernisation et de leur adaptation la situation nouvelle des recherches minires et
ptrolires.

Ainsi, dans le cadre dune tude dorganisation labore par la socit SEMA, en
troite collaboration avec le Contrle budgtaire dirig par Benazzou et la Division
Financire reprsente par Mme Zarari, nous avons affin et simplifi les procdures pour
les inculquer rapidement au personnel, en exigeant des ingnieurs, des chefs de chantier
et des agents administratifs, plus de rigueur et de suivi dans les affectations du
personnel, les mouvements du matriel, les achats, les sorties et les stocks de
consommables.

Lactivit tant soutenue dans tous les secteurs, et les esprits ntant ni duqus ni
prpars pour assimiler efficacement les nouvelles mthodes de gestion, nous fmes
contraints de doubler les chefs de chantier dagents rompus aux oprations comptables,
et de les sensibiliser sur limportance du prix de revient par sections homognes.

Sur les chantiers, des vrifications physiques furent opres par les ingnieurs pour
viter des drapages et faire comprendre aux chefs de chantiers que la gestion laxiste
tait bien rvolue et que la collecte de linformation devrait tre prcise, fiable et sans
zones dombre.

Toute notre nergie fut alors consacre confirmer, maintenir et consolider nos
acquis tous les stades de notre activit, visant tablir rgulirement tous les mois des
prix de revient de chantier les plus ralistes et les plus crdibles possibles.

La mise en uvre fut longue et pnible, notamment au plan des achats de


consommables essentiels (carburants, explosifs) et des stocks chantiers pour lesquels
nous avons relev quelques anomalies sanctionnes sans complaisance, et vite redresses
avec le Service de la Comptabilit Matires dirig par Bouras.

Une nouvelle structure

A Rabat, la fin de lanne 1968, dans le cadre dune lgre restructuration de la


Direction Technique, le chef de dpartement, Lasfargues, fut remplac par Esseddiqui,
laurat de lEcole des Mines de Saint Etienne et Charg dtudes la Direction Technique,
avec Fauvelet et Guessous

Lancien Dpartement des Travaux de Recherche Minire (DTRM) avait pris la


dnomination de Dpartement des Etudes et Oprations Minires (DEOM), et moi je fus
promu au poste dadjoint au Chef du DEOM, Chef du Service Travaux Miniers.

68
Esseddiqui, disait-on, venait remettre de lordre dans lactivit minire du
Bureau , affichant, avec ses collaborateurs, morgue et mpris ostentatoire pour tous
ceux qui officiaient aux Travaux Miniers, accuss dincomptence et dincurie.

Esseddiqui, sans lafficher ouvertement, tait confront avec la ralit de la situation


et tenu danalyser les problmes loin des racontars et des mdisances.

Voyager et peiner avec moi sur les longues pistes rocailleuses de Bou Madine,
Oumjrane ou Ouansimi, descendre dans les puits, tout cela avait permis Esseddiqui de
dcouvrir par lui-mme la ralit et non la fiction, enterrant dfinitivement la hache de
guerre que certains avaient commenc brandir pour lui.

Lanne 1969 dbuta dans un environnement socialement pnible, avec le


licenciement de plus de 200 personnes relevant des diffrentes divisions, dpartements et
services du BRPM.

Cette triste dcision visait diminuer limpact de la masse salariale dans


lAdministration et les organismes publics subventionns par le Budget de lEtat.

Ltablissement des listes des licenciables fut une preuve pnible pour nous, et pour
moi personnellement, car nous fmes somms de nous sparer dagents ayant consacr
une partie de leur vie au BRPM, dans des conditions peu enviables de salaires et de
protection sociale.

Avec regret, nous avons vu partir plusieurs de nos collaborateurs du sige et des
chantiers miniers proches de lge de la retraite.

Heureusement, la compression des effectifs tait intervenue sans agitation, et


accompagne dune indemnit consquente.

Certains agents malins invtrs, profitrent mme de laubaine pour se faire


licencier, toucher un bon pcule et se recaser ailleurs, sans beaucoup de regret.

Dans lambiance des Travaux lextrieur

Au dbut des annes soixante dix, la responsabilit dimpliquer le BRPM dans une
activit extrieure, sortant du cadre traditionnel de la recherche minire, tait suppose
et considre, par certains caciques, risque et sans intrt technique et conomique,
voire une entreprise dangereuse et voue lchec.

Mais comme dans la recherche minire, nous avons assum nos responsabilits,
convaincus des retombes positives en ouvrant de larges perspectives doccupation de
nos quipes, surtout en priode de rcession dans la recherche minire, et comme il tait
dusage, en phase de sous activit.

Cette intervention extrieure hors du commun, redoute et combattue ds le dpart,


par certains responsables frileux, avait sorti, en dfinitive, le Bureau de lenvironnement
classique de la recherche minire en lui donnant lopportunit de se frotter aux
contraintes svres des appels doffres, des soumissions et des adjudications des marchs
de lEtat et des organismes publics.

Ainsi, le dmarrage dun programme de travaux extrieurs pour le compte de lOffice


National de lEau Potable (ONEP), avait concern le centre d'Ouarzazate pour augmenter
le dbit de la station de pompage en bordure de loued, lentre de la ville, en direction
de Zagora.

Notre premire sortie enregistra un large succs avec lquipe coache par le
vtran Meskine qui deviendra plus tard, outre ses qualifications minires, un expert
reconnu de la recherche deau travers le pays, et particulirement Rabat.

69
Par la suite, aprs ce premier essai et de longues ngociations avec ses dirigeants,
lONEP proposa au BRPM qui accepta, ltablissement dune convention cadre accordant
au Bureau la priorit de lexcution des travaux de recherche hydrogologique sur
lensemble du territoire national.

Dans le cadre de cette convention, le BRPM tait intervenu successivement avec


matrise et panache Ifrane, El Gara, Khnifra, Tadla, Oued Zem, Midelt, Goulmima,
Marrakech, Guercif et Agadir pour foncer des puits suivis de galeries de captage et
dessais de dbit de longue dure pour confirmer limportance des ressources aquifres et
des dbits de leur exploitation.

Toutes les interventions, menes avec ingniosit par Meskine et Rahdou avaient
ncessit des quipements appropris et ingnieux, comme les trousses coupantes
mtalliques pour le btonnage des terrains boulants, et la mise en uvre de pompes
puissantes pour la traverse des zones aquifres importantes.

Ainsi, tous les travaux de captage deau dans les centres de lONEP furent raliss
la satisfaction de lOffice, nos quipes ayant acquis une rputation de srieux, de rapidit
et defficacit, des prix trs concurrentiels.

A Rabat, le BRPM, devenu et reconnu comme puisatier mrite, fut sollicit maintes
reprises pour le fonage de puits dans les secteurs rsidentiels du Souissi et
dAmbassador, pour le compte de personnalits publiques et prives.

Malgr la clrit et la qualit de nos travaux, beaucoup de bnficiaires avaient


longtemps hsit rgler les factures mises par le Bureau, ne portant pratiquement que
sur le seul cot de la main duvre et des carburants.

En aot 1972, lors de la deuxime tentative de coup dEtat, alors que je rendais
visite notre quipe de fonage dun puits de recherche deau dans le fort de la Mamora,
la ferme de Benghabrit, conseiller la Primature, des avions de chasse Northrop F5 des
Forces Royales Air, volant basse altitude et passant en rase motte au dessus de notre
chantier, allaient mitrailler la piste de laroport de Sal et le Palais Royal Rabat.

A Aoulouz, 150 km lEst dAgadir, en direction dOuarzazate, le BRPM avait


ralis, pour la premire fois, un travail de reconnaissance dun site de barrage destin
alimenter la nappe phratique du Sous rabattue excessivement par les multiples
pompages pour irriguer les immenses domaines de marachages et de primeurs de la
plaine entre Agadir, Taroudant, Sebt Benguerdane et Oulad Berrehil.

Un grand chantier y fut install, combinant les amnagements de surface et le


creusement des galeries flanc de coteau, sur plusieurs fronts, par des quipes
supervises par un jeune ingnieur, laurat de lEcole Mohammedia, Louafa.

Comme auparavant avec les ingnieurs Oumjrane, il avait fallu son tour pauler
et soutenir Louafa pour viter les ractions pidermiques rcurrentes des vieux chefs de
chantier, Messaoud et Omar.

Les rsultats obtenus par notre intervention muscle, dans des terrains caverneux et
karstiques, furent trs satisfaisants aux plans technique et financier.

Cette nouvelle intervention ayant permis au BRPM de faire une entre remarque
dans le domaine les travaux lentreprise, avait suscit de vives ractions et des
sarcasmes du secteur priv dnonant limprialisme du BRPM dans le monde des
travaux souterrains, non miniers .

Fort de lexprience acquise, le BRPM continuera sur la lance en intervenant plus


tard dans de grands travaux sur les barrages et les missaires dassainissement de
grandes sections des villes comme Rabat et Sal.

70
La Premire Mission lextrieur
En t 1969, au cours de la priode des congs, en pleine fte nationale marquant le
quarantime anniversaire du Roi Hassan II, Lhatoute, responsable du Service Fond la
mine de Kettara, et moi en tant que Chef du Service des Travaux Miniers, nous avons
effectu, une mission dtudes et dinformation en France, aprs des hsitations et des
tergiversations incomprhensibles de la Direction Technique du BRPM.

Ce dplacement rpondait linvitation ritre de la socit Fni Brossette,


fournisseur traditionnel de matriel de mine du BRPM.

Ainsi, aprs prs cinq annes de labeur acharn et productif la mine de Kettara et
sur les chantiers miniers, la Direction Technique en donnant son accord, considrait alors
nous avoir fait tous les deux un bon cadeau estival.

Pour notre part, nous nignorions pas que certains responsables, loin dtre mritants,
soctroyaient des missions, frquentaient rptition les avions et les htels, souvent
sans vritables retombes pour le BRPM.

Avant notre dpart, ce premier voyage professionnel lextrieur avait t


minutieusement prpar et organis avec le concours de Pris, responsable du
dpartement mines et forages de la socit Fni Brossette Casablanca.

Pris connaissait bien Kettara et les chantiers miniers o il stait dplac


plusieurs reprises pour assister des dmonstrations de matriel de foration et de forage
Montabert et Longyear que reprsentait Fni Brossette au Maroc.

A bord de ma voiture personnelle, accompagns de mon pouse, Fatima, nous avons


dbarqu Malaga, puis travers lEspagne bord du train couchettes pour arriver la
gare de La Totcha Madrid, frais et dispos, sans avoir souffrir les affres de la chaleur et
des longues et pnibles routes de lAndalousie et de lEstremadura.

71
A Madrid, en pleine canicule, installs lHtel Conde Duque durant deux jours, nous
avons dcouvert avec rgal la grande mtropole ibrique, sur le fleuve Manzanares, avec
ses monuments baroques, ses glises, ses places ombrages, ses galeries commerciales,
ses soires animes par les jacasseries des mujers espagnoles, et ses nombreux
muses, dont le plus clbre est le Prado.

Ensuite, aprs un passage par Saragosse sur lEbre et Lrida avec sa majestueuse
cathdrale, nous avons sjourn dans la belle et verdoyante valle encaisse dAndorre
(Andorra la Vella), petit Etat dans les Pyrnes, plac depuis 1607 sous la souverainet
conjointe du chef de lEtat de France et de lvque dUrgel en Espagne.

Logs luxueusement lHtel du Cheval Blanc, nous avons apprci le beau panorama
de ce minuscule Etat o Franais, Espagnols et autres touristes viennent faire profusion
dachats de produits et articles dtaxs (cigarettes, alcools appareils photo, chanes Hi fi,
notamment).

A loccasion dun dner lhtel, on nous servit une omelette au jambon qui attira lire
indigne de Lhatoute, bon musulman ses heures.

Enlevez-moi a rapidement, et que a saute . avait dit Lhatoute au garon mdus


par cette apostrophe et qui lui rpliqua schement :

Monsieur, mme le gnralissime Francisco Franco ne peut sadresser moi de


cette faon , faon de montrer quil avait t importun et mal trait.

Nous avons fini par calmer les esprits en faisant comprendre au garon que les
Musulmans que nous sommes ne mangent pas de viande de porc.

Lincident fut clos aussi vite quil avait t initi.

Traversant les Pyrnes et poursuivant notre priple par le sud de la France, nous
sommes passs Perpignan, important march de fruits et lgumes et de jouets, puis
Narbonne, march vinicole et Montpellier, ville universitaire.

Nous avons marqu des haltes successivement Nmes, lune des plus belles villes de
lEmpire romain, avec ses beaux monuments et ses arnes, puis Avignon dans le
Vaucluse, la ville des Papes de 1309 1374, Cavaillon grand march des fruits, connu
pour ses melons et ses primeurs, avant de longer la valle du Rhne et darriver le 15
juillet au soir dans la grande mtropole de Lyon.

Lyon, troisime ville de France, chef lieu de la rgion Rhne-Alpes, ancien centre
gallo-romain, est aussi un centre universitaire et industriel rput pour ses industries
mcaniques, lectriques et textiles, o lindustrie de la soie a t introduite au 16 sicle.

Lyon, premire tape de notre mission officielle, o nous avions sjourn en 1961
lors de notre premier voyage de promotion, de lEcole Mohammedia, en pleine guerre
dAlgrie, nous avait sembl compltement transform, en devenant un carrefour des
grands axes vers la Mditerrane, un grand centre universitaire et commercial, et une
grande mtropole europenne.

Nous fmes reus avec des gards particuliers par le Directeur du dpartement
matriel, Manionneau, et les principaux responsables de la socit Montabert.

Notre sjour fut centr sur les visites dusines de production de matriel lectrique
et du centre de fabrication et dessais de performances des quipements de foration et de
forage Montabert, bien connu et apprci au Maroc.

Par gard et grande considration pour nous, un petit avion CESNA, spcialement
affrt pour loccasion, nous avait mens ensuite Nantes pour visiter la mine de fer de

72
Segr, en Maine-et-Loire, o tait mis en uvre divers matriels de foration Montabert
dans les chantiers dexploitation souterraine.

A Segr, nous fmes lobjet dun accueil chaleureux de la part du Directeur de la mine
et de son staff dingnieurs des services jour et fond.

Avec regret, nous avons appris, deux annes plus tard, la mort tragique dans un
crash davion du pilote qui avait si gentiment fait dcouvrir la ville de Nantes et tenu
compagnie mon pouse durant notre visite la mine de Segr.

Nantes nous avait rappel lEdit de Nantes rendu en 1598 par le roi Henri IV pour
rgler la situation lgale de lEglise protestante, et sa rvocation en 1685 par Louis XIV
qui provoqua lmigration de centaines de milliers de Franais vers la Suisse et
lAllemagne, plus permables aux ides calvinistes.

De retour dans la grande cit rhodanienne, Lyon, nous avons plusieurs reprises
traboul dans les vieux quartiers et got la cuisine de la rgion, connue pour la qualit
et la finesse de ses mets.

Avant darriver Paris, notre priple stait poursuivi en Bourgogne Dijon, grand
centre industriel et ferroviaire, rput aussi pour ses productions de moutardes et de
pains dpice.

Notre sjour dans la capitale franaise, logs somptueusement lHtel Powers la


rue Franois 1er, concida avec le premier et historique dbarquement sur la Lune de Neil
Armstrong, projet sur grand cran et suivi avec une grande ferveur par des milliers de
gens masss sur lAvenue des Champs Elyses.

Au grand bonheur de Fatima, nous avons profit dun weekend pour visiter plusieurs
centres dintrt Paris (Tour Eiffel, Louvre, Tuileries, Etoile, Quartier Latin) et surtout
Versailles au sud ouest de Paris, en compagnie dun ancien camarade au collge de Ksar-
es-Souk, Zouagui, tudiant en agronomie Grignon.

Versailles, cit royale en 1642, ville de Louis XIV, est rput par ses palais (Palais
royal avec la fameuse Galerie des Glaces, le Grand et le Petit Trianon), ses jardins et ses
plans deau, foyer de lart classique franais.

Versailles est aussi clbre pour nous par les grands vnements historiques qui sy
taient tenus, entre autres, le trait ayant mis fin la guerre dAmrique, la proclamation
de lEmpire allemand aprs la dfaite de Napolon III face la Prusse de Bismarck en
1871, et la signature en juin 1919 du trait mettant fin la Premire Guerre Mondiale.

En Ile-de-France, nous avons visit les usines de la socit Longyear, le centre de


fabrication des couronnes diamantes pour forages et de mise au point et de
dveloppement des techniques de foration.

Aprs Paris, nous fmes reus Douai et Arras par le Prsident de la socit SAMIA,
Turmine, homme distingu et dallure trs bourgeoise et collet mont.

Nous avons djeun dans un restaurant hupp Arras, ville fortifie au 17 sicle par
Vauban, ancienne capitale europenne de la tapisserie, dvaste par les bombardements
lors de la Premire Guerre Mondiale, fief de Guy Mollet, ancien premier ministre et
Secrtaire Gnral de la SFIO.

A Douai, ville abritant lEcole des Mines et centre de la mtallurgie, de la chimie et de


limprimerie, nous avons visit les installations de fabrication des treuils air comprim
SAMIA, trs utiliss dans les mines marocaines (notamment Irherm et Kettara pour le
scrapage du minerai dans les montages et les tailles).

73
Nous avions travers les villages miniers abritant de nombreuses colonies douvriers
marocains et portugais en service dans les exploitations des Charbonnages de France.

Notre mission officielle stait termine le 31 juillet Maubeuge, ville sur la Sambre,
prs de la frontire belge, ancienne ville fortifie du temps de Vauban, o nous avons
visit les installations de fabrication des tuyauteries en galvanis de la socit
VALLOUREC, utiliss pour le transport dair comprim et deau.

Toutefois, nous nemes pas le plaisir dobserver un clair de lune qui fait aussi la
renomme de cette ville du Nord de la France.

Le 1er aot, tt le matin, nous avons quitt Maubeuge, en prenant la prcaution


demprunter les itinraires flchs, publis la veille par le journal France Dimanche.

Informs la radio France Inter, par Bison fut, nous avons pris la prcaution
dviter les grands axes encombrs par les dparts en cong des aotiens.

Quittant Lhatoute Paris, prs des quais de la Seine, non loin de la Tour Eiffel, nous
avons poursuivi aisment notre voyage travers la France profonde.

Nous avons emprunt, avec bonheur, des chemins dtourns, des routes
dpartementales, des chemins vicinaux et des petits villages avec leurs mairies et leurs
clochs, alors que France Inter annonait de longs bouchons aux entres des villes
dOrlans, Blois, Chtellerault et Poitiers.

Au soir, sans avoir senti la fatigue, ni rencontr le moindre problme, mais en


engrangeant de merveilleux souvenirs, nous avons marqu une halte dans une auberge,
en bordure de lautoroute du Sud Ouest, prs dAngoulme, aprs avoir parcouru, sans
encombre, plus de 900 km en une seule journe.

Le lendemain, aprs un passage Hendaye dans les Pyrnes-Atlantiques, station


balnaire sur la Bidassoa, nous avons pntr en Espagne par le poste frontire dIrun,
avant de nous arrter dans un htel de bas niveau Salamanque, lune des plus riches
cits dEspagne au Moyen Age, en pleine fria estivale.

Poursuivant notre randonne, nous avons travers la frontire portugaise au poste


de la Guardia avant darriver dans lagrable ville universitaire de Coimbra, sur le Rio
Mondego, rpute pour sa cathdrale du 12 sicle et ses muses.

Aprs un passage rapide Porto, prs de lembouchure du Douro, deuxime ville du


Portugal, grand centre dexportation des vins du mme nom, domin par la cathdrale
datant de lpoque romane, nous avons sjourn durant deux jours au centre de
Lisbonne (Lisboa pour les Portugais), non loin du Tage enjamb par un immense pont
dallure rcente.

Lisbonne avait t occupe par les Arabes de 711 1147, avant de connatre une
prodigieuse prosprit lie lactivit maritime et coloniale en direction du Nouveau
Monde, de lAfrique et des Ocans Indien et Pacifique.

Elle fut ravage par un violent tremblement de terre en 1755, le mme sisme ayant
dtruit une partie de la ville de Rabat et de la mosque de la Tour Hassan.

Par la suite, aprs la traverse dimmenses forts de chnes lige et de pins, nous
avons dcouvert et pass la nuit Faro, au sud de lAlgarve, o les paysages nous avaient
rappel trangement le sud marocain avec ses palmiers dattiers et ses vergers clturs de
hauts murs en pis.

Nous avons rejoint lEspagne en traversant le Rio Guadiana bord dun bac, avant
darriver Sville, et de nous installer lHtel Europa, sous une chaleur torride et
insupportable.

74
Sville, sur le Guadalquivir, capitale de lAndalousie, fut lune des villes les plus
florissantes de lEspagne arabo-mauresque, durant les poques omeyyade (712- 1031),
abbasside et almohade au 12 sicle.

Partout des monuments rappellent les arts mudjar et baroques (jardins, mosques,
glises, muses, difices civils).

Le soir, nous avons fln travers lancienne ville pour dcouvrir les grands
magasins, la Giralda (minaret dune ancienne mosque surlev au 16 sicle, soeur de la
Koutoubia de Marrakech), et lAlcazar, vieux palais des sultans musulmans ramnag
aprs la Reconquista de la ville par les Rois catholiques.

En plein air, tout en dgustant un gaspacho andalou bien frais, nous avons assist
une agrable soire de flamenco.

Le surlendemain, aprs la traverse des immenses espaces arides de lAndalousie


occidentale sous un soleil de plomb, et un passage rapide Cadix et Tarifa, nous avons
rejoint Algsiras, tte de ligne pour lembarquement pour le Maroc, ville encore
relativement insalubre, sentant les gouts de plein air, et peu dveloppe linstar de
toutes les villes ctires du sud de lAndalousie.

Il y a lieu de rappeler qu Algsiras, stait tenue en 1906 la Confrence


internationale, prlude linstauration du Protectorat franais dans notre pays.

A bord du ferry Algsiras-Tanger, nous avons li connaissance avec la famille du


pasteur russe orthodoxe Ignateff, que nous avons reue chez nous Rabat.
***
En conclusion, la premire mission lextrieur dans le cadre du BRPM, fut loccasion
de renouer, aprs une longue clipse, avec le monde extrieur, de nous informer sur les
nouvelles techniques de foration et de sondages, sur le matriel de marinage et de
chargement au fond, et de tisser des relations de coopration et damiti avec des
ingnieurs et des responsables des usines et des mines en France.

Nous nous tions promis de rditer ce genre de dplacement et de susciter des


missions pour rester au contact de lvolution des techniques minires.

Mon pouse, quant elle, fut enchante par sa premire sortie ltranger.

Habitue, travaillant et ctoyant les gens de la mine au Maroc, elle stait adapte
tous les programmes et toutes les pripties de la mission.

Elle avait su avec dlicatesse joindre lutile lagrable, en dcouvrant la fraternit


et lhospitalit lgendaires entre tous ceux qui gravitent autour de lactivit minire.

La longue dure du voyage, loin de notre fils Karim, et les embouteillages sur les
routes, ne lavaient aucunement perturbe.

75
Au gisement de fer
De Gara Djebilet
En novembre 1971, dans leuphorie des retrouvailles maroco-algriennes, aprs la
brouille ne de la guerre des sables de 1963, et aprs diffrentes runions en haut lieu,
il fut dcid dapprofondir ltude de la mise en valeur du gisement de fer de Gara Djebilet
dans le cadre dune socit mixte, la Socit Maroco-Algrienne.

Lide qui prvalait lpoque tait que toute la production de minerai Gara
Djebilet destine lexportation devait tre dbloque travers le territoire marocain,
par une voie ferre aboutissant un port sur lAtlantique, proximit de la ville de
Tantan, dans la province de Tarfaya.

Il faut signaler quune mission prliminaire du BRPM, laquelle avaient particip


Guessous, Directeur Technique, Bouchta, Chef de la Division de la Gologie Minire,
Esseddiqui, Chef du Dpartement des Oprations Minires, avait lanc Alger les
premiers jalons de la coopration maroco-algrienne sur la reconnaissance approfondie et
la mise en valeur du gisement ;

Ce nouvel intrt pour Gara Djebilet venait conforter les premires investigations
engages par le Bureau de Recherches Minires Africain (BRMA) du temps de la
colonisation franaise.

Dans ce contexte, une mission nous avait conduits en Algrie pour relancer, avec les
responsables de la Socit Nationale de Recherches Minires (SONAREM), lexamen du
dossier et reconnatre le trac du futur chemin de fer.

Du ct marocain, le Ministre charg des mines, lOffice National des Chemins de


Fer (ON CF) et le BRPM taient reprsents respectivement par Kacimi, ingnieur
gologue, Achaoui, responsable des quipements et moi-mme.

Originaire du Tafilalet proche des wilayas du sud algrien, je fus charg par la
Direction Gnrale du BRPM de piloter la mission, malgr la rticence dissimule
d'Achaoui de lONCF.

Avant le dpart de la mission, juge caractre stratgique et politique, le Secrtaire


Gnral, Diouri mavait brief longuement, mexhortant tout faire pour que nos
partenaires algriens fussent convaincus de notre dsir rel de participer la mise en
valeur rapide du grand gisement de fer.

Aprs un bref sjour Alger, accueillis avec des gards particuliers, nous fmes logs
dans la rsidence du Club des Pins pour montrer lexcellence retrouve des rapports entre
les deux ples du Maghreb.

Aprs des contacts avec les responsables de la SONAREM et de plusieurs


administrations concernes, nous avons rejoint Tindouf par un petit avion, bimoteur
CESNA, spcialement affrt pour la circonstance.

Lavion, aprs avoir survol les Hauts Plateaux, lAtlas saharien et Bechar (ancien
Colomb-Bchar) avait atterri Tindouf, aux confins du Maroc mridional, sur une piste en
tle daviation perfore datant de loccupation franaise.

Nous fmes accueillis par un reprsentant de la SONAREM et installs sobrement


dans un camp /base au centre de la petite cit saharienne.

Tindouf est relie Bechar par une belle route goudronne de 800 km, travers les
hamadas o viennent se dverser les oueds marocains Ziz, Ghris et Guir et loued
algrien Zousfana, en formant les oueds Daoura et Saoura.

76
Avant Tindouf, la route tait largie et transforme en piste daroport pour accueillir
les avions gros porteurs.

On nous avait signal que la Caravelle du Prsident Boumediene, en tourne dans les
wilayas du sud, y avait atterri quelques mois auparavant.

A quelques encablures de Tindouf, en pleine hamada dsertique, un forage deau


(Hassi Robinet), ralis par les mharistes franais la fin des annes quarante,
alimentait les nomades et les postes de gardes frontires algriens.

Nous avons bu de cette eau lgrement saumtre.

Autour de ce point deau providentiel, dun dbit de quelques litres par seconde,
devenu plus tard Hassi Rabouni, seront rigs en 1975 le quartier gnral du Polisario et
les camps de rfugis, en provenance oblige de Layoune, Smara et Boujdour et des
pays voisins (Mauritanie, Mali, Niger) attirs par les aides du Haut Commissariat des
Nations Unies aux Rfugis.

Tindouf avait rappel mon bon souvenir laffectation, en 1954, de mon cousin
germain, Bassou, en tant que goumier dans la compagnie des confins sahariens
stationne dans cette localit administre partir dAgadir.

Il faut rappeler quen 1963, sur ordre du Roi Hassan II, aprs lintercession des de
lOrganisation de lUnit Africaine (OUA) pour mettre fin la guerre des sables, les
troupes marocaines, commandes par le Gnral Benomar, avaient renonc loccupation
de la ville, historiquement marocaine, o la population tait sortie en masse, avec moult
drapeaux, pour accueillir les troupes victorieuses des Forces Armes Royales.

Mon frre an, Haj Ali, jeune sous-lieutenant, aide de camp du Gnral Benomar,
avait particip aux oprations au cours desquelles il fut bless.

Par la suite, en tant que responsable du secteur de la Gendarmerie Royale de la


rgion dAgadir, il avait suivi les dplacements des commerants marocains loccasion
des mouggars (foires annuelles) de Tindouf, drainant un mouvement considrable
daffaires entre le sud marocain et le sud algrien.

***
Nos collgues algriens tant toujours en Mauritanie, nous avons profit de cette
situation dincertitude pour circuler travers Tindouf, petite ville en pleine expansion
immobilire, dans un univers rude et triste, battu par les vents du dsert.

Au gr des discussions avec les responsables locaux de la SONAREM, nos collgues


algriens taient annoncs ou signals dabord Bechar, puis Tindouf, sur la piste
mauritanienne, et enfin Gara Djebilet.

En fait, personne ne connaissait leur position exacte, car ctait le flou total.

Pour les retrouver, et sans grande conviction, nous fmes contraints deffectuer, en
une seule journe, le trajet Bechar-Tindouf-Bechar-Tindouf (soit plus de 2.000km)
grande allure, en Citron DS 21, heureusement confortable, mise notre disposition par
le maire de Bechar.

Au cours de notre bref sjour Bechar, nous avons t la ville charbonnire de


Knadsa, non loin de la frontire marocaine, o une petite centrale thermique utilisait
lanthracite extrait pour produire de llectricit ncessaire la ville.

Bechar mavait remmor aussi la liaison Ksar-es-Souk-Colomb Bechar des annes


cinquante, par une longue piste de plus de 350 km partant de la gare routire au centre
de Ksar-es-Souk, et traversant les localits de Boudenib, Bouanane, An Char et
Mengoub.

77
Sur le trajet Bechar-Tindouf, nous avons travers la localit dAbadla o un petit
primtre irrigu par le barrage construit sur loued Guir prenant sa source Maroc, tait
en cours damnagement.

Cette opration, dcide unilatralement par lAlgrie, avait bnfici, pour viter un
casus belli, de la bienveillance du Maroc qui avait renonc ldification dun barrage de
retenue dans la rgion de Boudenib-Atchana.

Abadla mavait rappel les familles algriennes Sayyed, notables de la rgion,


rfugis durant la guerre dAlgrie Goulmima chez mes parents, et sans nouvelles deux
depuis quils avaient regagn leur village aprs lindpendance en 1961.

Aprs Abadla et le minuscule village de Tabelbala, ce sont, jusqu Tindouf, les


immensits monotones et rocailleuses o poussent les rares buissons chameau.

A Tindouf, pas de traces de lquipe algrienne !

Le lendemain, dans le flou le plus total, nous avons rejoint, par une piste de 170 km,
le gisement de Gara Djebilet au sud-ouest de Tindouf, proximit de la frontire
mauritanienne.

L, le trac avait t tir au cordeau par les Franais pour inclure le gisement de fer
dans lensemble colonial relevant des Dpartements des Oasis, puis plus tard de la
fantomatique Organisation Economique des Rgions Sahariennes (OERS) que le Gnral
De Gaulle voulait soustraire au territoire revendiqu par le FLN, aprs la dcouvertes des
riches gisements dhydrocarbures de Hassi Messaoud.

Des baraquements en tle ondule, avaient servi de camp et de base appui aux
lgionnaires des forces doccupation franaises assurant la protection des quipes de
techniciens et douvriers charges sur les lieux de ltude du gisement, du prlvement
des chantillons et des essais pilotes dexploitation et de valorisation du minerai de fer
phosphoreux.

Danciennes installations denrichissement du Bureau de Recherches Minires


Africain (BRMA) taient l, sous le soleil implacable, battues par les vents de sable et
soumises au travail de sape de la corrosion, dans un environnement de pierraille brune,
de collines peles et de ravins longtemps et toujours desschs.

Nous avons profit de notre sjour pour aller visiter la petite source dAn El Agreb,
cinquante kilomtres lEst de Gara Djebilet, et boire le th saharien de lamiti et de la
bienvenue avec les nomades Rguibat au teint mconnaissable, et aux visages membres
burins comme les cailles des crocodiliens.

Sur le chemin de retour vers Gara Djebilet, nous fmes pris sous une terrible tempte
de sable, et sur le conseil de notre chauffeur guide, nous sommes demeurs sur place en
attendant le retour du calme profond, aprs le dchanement impitoyables des lments
de la nature.

Aux baraquements, nous avons pass notre temps jouer aux cartes et nous
adonner la lecture des nombreux livres abandonns par les lgionnaires franais.

Aprs trois jours dune interminable attente, nos collgues algriens tant signals
Tindouf, nous avons quitt Gara Djebilet bord de deux Land Rover pour les retrouver au
camp de la SONAREM et prparer ensemble la mission de reconnaissance du trac de la
voie de chemin de fer vers la cte atlantique.

Deux experts amricains de la socit TEMPO, taient l pour participer la mission


en tant que conseillers en transport de la partie algrienne pilote par lingnieur des
mines, Tmina, indiffrent au contretemps de plusieurs jours.

78
Le soir, aprs un dner trs ordinaire, nous avons discut longuement du programme,
puis esquiss le circuit de la traverse du territoire marocain jusqu Tantan ; nous avons
alors estim atteindre la cte atlantique aprs deux jours de reconnaissance du trac sans
encombre.

Tt, nous avons quitt Tindouf, bord de quatre Land Rover Santana, avec tout
lquipement de campement, de survie et de reconnaissance.

Les chauffeurs Rguibat, visages dissimuls derrire leurs turbans bleus, taient
confiants de leur parfaite connaissance du terrain et des lieux de passage.

Au bout dune demi-heure peine, nous avons atteint la frontire algro-marocaine,


sans marque particulire, avant de nous engager dans la hamada, en longeant la frontire
rectiligne de lex-Sahara espagnol.

La traverse fut relativement aise, les Lands Rover roulant trs vive allure,
comme la parade, soulevant dpais nuages de poussire ocre.

A plusieurs reprises, nous avons marqu une halte pour examiner les cartes, la
nature des terrains et localiser les changements de dclivit de la future voie ferre.

Achaoui de lONCF, faisait montre de beaucoup de professionnalisme comme pour


impressionner les techniciens de TEMPO.

Les Algriens observaient sans broncher, alors que Kacimi et moi, tions l pour
donner notre avis sur les zones de passage oblig.

Dans le secteur plat et monotone de la hamada, la ralisation du chemin de fer ne


devrait pas poser de problme particulier, les travaux porteraient essentiellement sur des
terrassements et la pose de la voie en terrain relativement consistant et de bonne tenue.

Aprs une longue journe, toute de sable et de sueur, nous avons dcid dune pause
mrite, les chauffeurs saffairant pour piquer les tentes et installer le bivouac, non loin
dun campement de nomades intrigus par notre prsence.

Aussitt, nous fmes assaillis par un groupe de militaires marocains (peut-tre


alerts par les nomades) tonns de nous voir dans ces parages.

LArme marocaine tait l pour surveiller la frontire avec lex-Sahara espagnol


revendiqu depuis toujours comme partie intgrante de notre pays.

En dpit de nos explications sur lobjet de notre mission, nos interlocuteurs ne


voulaient rien savoir, arguant ne pas tre informs officiellement de notre passage.

Vous devez venir avec nous Zag pour vous expliquer avec le capitaine
responsable de la garnison, car nous ne sommes pas informs de votre passage dans
cette zone, nous dit le chef du peloton, quelque peu agressif et agit.

Que faire ?

Les Algriens et les experts amricains taient muets et perplexes, et nous


Marocains, htes de la mission, tions srieusement gns par la tournure inattendue des
vnements.
Pourtant, avant notre dpart de Rabat, toutes les dispositions avaient t prises pour
informer les autorits civiles et militaires du secteur du circuit et des lieux de passage de
notre mission.

Sans attendre, et bien obligs malgr nous daccompagner les militaires pour prendre
contact avec le capitaine, chef de la garnison de Zag, javais propos mon collgue
algrien, Tmina, de partir en laissant le camp sinstaller tranquillement.

79
En pleine nuit toile, bord de deux Land Rover, nous avons quitt le bivouac,
guids par nos claireurs Rguibat, experts dans lorientation par tous les temps, habitus
des pistes chamelires, des ravins ensabls et encaisss, des buissons et des dpressions
de terrain.

Aprs plusieurs heures de cahotement, nous avons atteint, tard la nuit, lentre de
Zag dont on distinguait, peine au loin, quelques lumires blafardes.

En plein milieu dun oued, une de nos Land Rover tomba dans une crevasse,
entranant la rupture du systme de freinage hydraulique, nous contraignant continuer,
bord du deuxime vhicule, jusqu la caserne, seul btiment imposant de la bourgade
de Zag.

Nous fmes accueillis avec beaucoup dgards et de chaleur par lofficier en second,
tout confondu en excuses pour cette dconvenue sur notre circuit.

Le capitaine chef de la garnison est Tantan, il sera de retour demain, vous tes
les bienvenus parmi nous , nous dit lofficier avec dlicatesse.

On nous servit un dlicieux dner et on nous logea confortablement au chaud.

Le lendemain matin, toutes les autorits locales de Zag, civiles et militaires, taient
averties de notre prsence, et attendaient un message radio de la province de Tantan
pour nous autoriser poursuivre notre mission.

La batterie de la radio tant plat, il avait fallu recourir celle de notre Land Rover
pour communiquer avec Tantan et obtenir le feu vert de qui de droit.

A Zag, il ny avait pas de garage, ni datelier mcanique, et encore moins de


lubrifiants pour systme de freinage pour dpanner notre deuxime Land Rover
immobilise depuis la veille dans loued.

Nous tions rellement dsempars devant une situation aussi cocasse.

Le khalifa de Zag nous proposa curieusement de lhuile domestique !

Ne nous voyant pas revenir au bivouac, inquiets, nos amis du camp taient venus
la rescousse avec loutillage de secours.

La raction des hommes du dsert et des habitus des pistes avait bien fonctionn
avec beaucoup de clrit, mais aussi de discernement.

Aprs la remise en tat du vhicule et le feu vert des autorits locales, toutes
confondues en excuses, nous avons rejoint notre camp, en esprant calmer les esprits
torturs de nos collgues rests sur place.

Rellement, malgr les coups de gueule des responsables provinciaux de Tantan, les
autorits locales de Zag, reprsentes par un frle khalifa, et les militaires ntaient pas
informs de notre passage.

Le lendemain, aprs une dure journe de reconnaissance de la descente de la


hamada, des oueds ensabls de la zone de Labouirate, dautres dconvenues nous
attendaient, au grand dam renouvel de nos compagnons trangers.

Au soir de cette journe, alors que nous installions notre camp, une escouade de
soldats marocains tait venue nous assaillir au pas de course, prte tirer sur nous, sans
sommation ni mnagement.

Nous avons encore une fois expliqu le but de notre mission, parlement, palabr
sans fin, et rappel les pripties de lavant veille Zag.

80
Coriaces, les soldats voulaient nous obliger les accompagner au poste de Hassi
Bouirate, une trentaine de kilomtres pour rencontrer le chef du fort.

Mais aprs de longues palabres, nous les avons convaincus de nous laisser passer la
nuit, sous leur garde, et de partir Hassi Bouirate le lendemain la premire heure.

Les Algriens et les experts amricains, dcontenancs, voyaient dj la mission


compromise par des vnements rcurrents avec les forces armes marocaines, sur leur
garde permanente le long de notre parcours.

Au lever du jour, le dmnagement du camp fut rapide pour rattraper le retard dans
la reconnaissance du trac de la voie, dans cette zone doueds ensabls.

Nous sommes arrivs, avant midi, au casernement de Hassi Bouirate, vieille btisse
datant de loccupation espagnole de la zone de Tarfaya, perche sur une colline dominant
la valle encaisse et ensable de Labouirate.

Le vieux fort surplombait un puits implant dans le lit doued qui alimentait en eau
potable les militaires et les campements de nomades.

Le contact avec le capitaine chef de garnison fut trs affable, et comme la veille avec
ses soldats, il nous fit part de lignorance du passage de notre mission dans laire de son
commandement.

Nous avons tous compris, juste titre, que la coordination et linformation ntaient
pas le fort des Administrations civile et militaire marocaines.

Notre prsence tant signale Tantan par message cod, nous avons attendu
plusieurs heures pour la transmission, la rception et le dcodage du message retour, la
radio du fort militaire tant alimente par dynamo actionne en pdalo par un soldat,
rappelant trangement le film du Pont sur la Rivire Kwa.

Je suis navr de vous avoir retenus ici, mais je ne pouvais faire autrement, je vous
souhaite bonne continuation , nous dit, avant notre dpart, lofficier rellement dpit
du contretemps subi.

Nous fmes librs en dbut daprs midi, aprs avoir consacr en dfinitive plus
de temps aux discussions avec les militaires qu lexamen des cartes et la vritable
reconnaissance du trac de la future voie ferre.

Les Amricains taient soulags, alors que les Algriens avaient gard un mutisme
complet, ne se dridant que bien plus tard.

Aprs la reconnaissance du trac sur le plateau rocailleux avant la localit de Msied,


un autre arrt nous fut impos par des gardes mokhaznis un passage oblig, 70 km de
Tantan.
Nous avons de nouveau attendu, durant plusieurs heures, le feu vert des autorits
provinciales pour nous laisser continuer notre route.

Tard le soir, enfin, en vritables loups du dsert, poussireux et hirsutes, nous


sommes arrivs Tantan, et accueillis avec beaucoup deffusion par le Secrtaire Gnral
de la province, tout dsol des perturbations sur notre parcours depuis lentre en
territoire marocain.

Aprs nous tre dbarbouills, une grande rception organise par la province de
Tantan, nous fit oublier, quelque peu, nos multiples msaventures.

Le lendemain, nous avons reconnu lembouchure de lOued Draa et le secteur de la


Plage Blanche, terminus suppos de la future voie ferre Gara Djebilet-Tantan.

81
Avec un grand soulagement, les experts amricains de TEMPO, perplexes et peu
diserts jusqualors, et Achaoui de lONCF avaient entam llaboration dune premire
esquisse de la future voie, puis fix le programme de leurs contacts futurs pour
approfondir davantage la nature du trac.

Cinq jours aprs notre dpart de Tindouf, en compagnie de Tmina et des autres
membres de la dlgation marocaine, nous avons rejoint Rabat, aprs un passage rapide
Agadir, accueillis chaleureusement par le personnel du BRPM.

Les autres membres de la mission avaient repris le chemin de Tindouf, avec pour
tche demprunter le mme circuit qu laller, en saccordant cette fois le temps
dexaminer en dtail la configuration des terrains, les passages doueds et la remonte de
la hamada.

Nous avons appris par la suite que le retour vers Tindouf stait effectu sans
encombre, la satisfaction des experts de TEMPO.

A Rabat, Tmina eut loccasion de rencontrer le Directeur Technique du BRPM,


Guessous, daborder avec lui le programme de la mise en valeur du gisement de Gara
Djebilet et la constitution de la future socit pour le transport et la commercialisation du
minerai de fer.

De bonnes perspectives pointaient lhorizon, alors que les relations algro-


marocaines semblaient sengager dans une phase euphorique.

Tous, ensemble, nous avons espr que cela continue !


****
La premire mission tant juge relativement positive, et les relations entre les deux
pays au beau fixe, une deuxime mission fut organise en 1972 pour examiner ltat
davancement des travaux et des tudes ralises et commandites unilatralement par
la partie algrienne.

Du ct marocain, le Dpartement charg des Mines tait reprsent de nouveau par


Kacimi, le BRPM par Omar Amraoui, Chef de la Division de la Valorisation Minire et moi-
mme, et SEFERIF par Harrak, responsable des centres miniers de Nador (Wixan et
Stolazar), ingnieur de grande exprience, rompu aux problmes dexploitation et de
transport du minerai de fer.

A Alger, nous avons, ds le premier jour, constat le stand by du dossier, malgr


loptimisme affich du Directeur Gnral de la SONAREM, Hmadia.

Le rapport de TEMPO, sens tre mis au point depuis un an, ne nous avait pas t
communiqu pour en apprcier la pertinence et les conclusions.

Les Algriens faisaient semblant de ne lui accorder aucun crdit et considraient que
tout tait reprendre dans le cadre dune nouvelle approche.

Avant de rejoindre Gara Djebilet, et sur notre demande, nous avons effectu un long
priple le long de la cte mditerranenne, Bejaia sur le Golfe du mme nom, Skikda,
dbouch maritime du Constantinois, futur grand centre de liqufaction et dexportation
du gaz naturel du gisement de Hassi Rmel.

Nous avons dcouvert Annaba, site de lancienne Hippone, puis plus lintrieur,
Constantine au dessus des gorges du Rummel, Stif ville martyre de lpoque coloniale,
Djamila /Timgad, connue pour ses imposantes ruines romaines de la ville antique de
Cuicul fonde en lan 100.

82
Avant darriver Alger, tard dans la soire, nous sommes passs par les dfils des
Monts Hodna (1890m) qui ont connu des accrochages sanglants entre larme franaise
et les groupes arms du FLN.

Au cours de ce long dplacement, nous avons dcouvert une Algrie avec ses
fantasmes rvolutionnaires, mais aussi les magnifiques paysages en Petite Kabylie le long
de la cte mditerranenne, zone vritable potentiel de dveloppement touristique de
premier ordre, ignore des autorits places sous le joug du ptrole et du gaz des
gisements fabuleux Hassi Messaoud et Hassi Rmel.

Malheureusement, partout le dlabrement des campagnes, linsuffisance et le triste


tat des infrastructures daccueil et dhbergement taient patents et laissaient supposer
une profonde lthargie pour plusieurs annes.

Ainsi, notre arrive tardive lhtel le plus hupp de la ville de Constantine, nous
navons pas pu dner par suite de la fermeture du restaurant.

Nous avons assouvi notre faim par une omelette de mauvais got servie dans nos
chambres poussireuses.

De retour Alger, et aprs une dernire mise au point avec les responsables du
secteur des mines, nous sommes repartis par un avion Beachcraft Gara Djebilet, via
Bechar, accompagns de Hmadia, Directeur Gnral de la SONAREM et Budin ingnieur
civil des mines franco-algrien que je rencontrerai plus tard par hasard lors dune escale
Orly Sud.

Notre sjour sur le site de Gara Djebilet fut une vritable rptition de celui de 1971,
agrable mais sans intrt particulier.

Sur place, aux baraquements et aux affleurements du gisement, rien de nouveau


navait t entrepris par la partie algrienne.

Les livres laisss par les lgionnaires franais taient toujours au mme rayonnage,
envahis par la poussire et loubli.

Les quipements du BRMA continuaient tre rods par les lments de la nature,
et le gisement navait fait lobjet daucune activit relle de recherche et dveloppement ;
ctait limmobilisme absolu.

Aprs deux jours, ponctus de succulents mchouis, nous sommes rentrs Oran par
la piste et la route (environ 2.000 km).

Au passage, nous avons visit la cit de Tindouf, toujours aussi morne et triste, la
splendide palmeraie de Taghit domine par les dunes du Grand Erg Occidental, Ain Sefra,
et en fin la ville deau minrale de Sada au pied des Monts de Sada.

En longeant la frontire avec le Maroc, nous avons observ les stigmates de


loccupation franaise et de la guerre de libration (champs mins, casemates, camps
fortifis, postes dobservation et miradors sur les hauteurs, terre brle).

DOran, deuxime ville dAlgrie sur la Mditerrane, ancienne ville coloniale, centre
commercial et industriel, nous avons rejoint Alger par avion de nuit.

Le lendemain, nous avons visit les localits de Sidi Frej (Sidi Ferruch), petite baie
louest dAlger o avait dbarqu le corps expditionnaire franais le 14 juillet 1830 pour
prendre revers les troupes turques, puis Tipaza avec ses vestiges romains, et enfin le
quartier de Bouzra, sur les hauteurs dominant la capitale.

Nous avons quitt nos amis algriens avec lespoir de voir le projet dmarrer
rellement, un jour proche.

83
Mais la nature controverse des relations maroco-algriennes avait fait tomber le
dossier dans les oubliettes.

Les Sovitiques avaient tent de le ractiver en tudiant le raccordement de Gara


Djebilet au chemin de fer Bechar-Ghazaouet, sur une distance de 1.600 km.

Il aurait mme t envisag le transport du minerai par avions gros porteurs !!!

La crise mondiale de la sidrurgie, la dcouverte dimmenses gisements de fer de


bonne qualit et non phosphoreux au Brsil et en Australie, la perptuation de laffaire du
Sahara occidental, avaient enterr, pour longtemps, cette belle perspective de la
construction du Grand Maghreb.

84
Des exploitations minires en perspective

A la recherche dquipements miniers


Pendant longtemps, dans lexcution de ses travaux de recherches minires, le BRPM
stait cantonn dans la mise en uvre et lexploitation de matriels de mine dune autre
gnration ou dge trs avanc.

Aprs bien des conciliabules, nous avons convaincu la Direction Technique doprer
une vritable mutation dans nos moyens de travail en remplaant, dans une premire
phase, le matriel de foration classique et les pelles chargeuses air comprim par des
quipements plus modernes et mieux adapts nos nouvelles mthodes de travail et la
conceptualisation des axes de la recherche minire.

Ainsi, dans llaboration de nos budgets dinvestissement, grce lappui de


Guessous, futur Directeur Technique, nous avons pu inscrire rgulirement chaque anne
des crdits relativement importants, visant rattraper le retard et combler le gap, en
rpondant aux besoins pressants de nos grands chantiers en quipements miniers de
nouvelle gnration.

Avant lintroduction de ces quipements et pour apprcier les techniques de foration


par jumbo bras et le marinage des produits par des engins diesel sur pneus charge et
roule, plusieurs dplacements furent organiss dans les mines marocaines et franaises.

Avant dexplorer les possibilits en Europe, nous avons examin les disponibilits au
Maroc aprs la fermeture des exploitations de la Compagnie Royale Asturienne des Mines
de Touissit et de la Compagnie Minire de manganse de Bouarfa qui mettaient sur le
march national une multitude de treuils, du matriel de voie et dextraction et des
quipements lectriques divers.

En France, nous avons visit successivement les exploitations minires de Salsigne,


vieille mine dans lAude exploitant lor, largent, le cuivre, larsenic, de Bater dans les
Pyrnes Orientales prs de Carcassonne, produisant du fer oxyd, des Malines (plomb),
prs de Montpellier, de Largentire dans lArdche (plomb argentifre) et de Brignoles
(bauxite) dans le Var, non loin de Marseille.

Partout, nous avons constat un effort de modernisation pour se mettre aux


standards des grandes mines sudoises, canadiennes, amricaines et sud africaines.

Par la suite, en octobre 1973, sur insistance de Guessous, la veille de sa promotion


comme Directeur Technique, en compagnie de Kenzaoui, responsable des Ateliers de la
Base des Zar, une longue mission nous avait mens successivement :

En Allemagne Fdrale en plein boom conomique, o prs de la frontire avec la


Hollande, non loin de Mastricht, nous avons examin des stocks importants de rails et de
wagonnets basculants de premire main, pour lesquels nous avons donn une ferme
option dachat.

A cette occasion, nos htes allemands eurent lamabilit de nous faire visiter le
fameux muse des mines de charbon de Bochum, ville de la Ruhr, centre houiller,
sidrurgique et dindustries chimiques.

Nous fmes invits dguster le poulet la broche dans une des tavernes de la ville,
o lambiance, survolte sous leffet de la bire, rappelait, quelque peu, la priode du
dferlement du national socialisme sur lAllemagne.

85
En Autriche, sur invitation de la Chambre de Commerce, nous tions logs
confortablement lHtel Intercontinental de Vienne, proche du Danube et des Jardins du
Prater, o se tenait la runion des Pays Exportateurs de Ptrole.

Nous avons, le lendemain, visit, non loin de la ville, des usines de fabrication de
matriel de mines, des carrires de matriaux de construction, et des travaux souterrains
utilisant des engins de foration hydraulique et le mineur continu Alpine dans le
creusement des tunnels de mtro.

Notre sjour dans la splendide capitale de lancien empire austro-hongrois, concida


avec linauguration de la ligne de la Royal Air Maroc, Casablanca-Vienne, en prsence du
Ministre du Tourisme, El Kouhen, du Prsident Lasky et de Maninou de la Tlvision
marocaine, minent commentateur qui nous fit un remarquable briefing sur les dernires
oprations militaires sur le front du Sina lors de la guerre isralo-arabe de 1973.

Que faites-vous ici , nous avait dit le Ministre la rception organise dans les
salons de lHtel Intercontinental, comme si notre prsence limportunait.

Ce sont nos amis ingnieurs du BRPM, ils sont les bienvenus parmi nous , avait
dlicatement fait remarquer et rectifi le Prsident Lasky pour faire oublier le
comportement indlicat du Ministre.

Aprs la rception, nous avons particip un night seing pour dcouvrir la vie
nocturne de la capitale autrichienne, situe lendroit o le Danube quitte les Pr Alpes
pour entrer dans la plaine de Pannonie.

Vienne, ville du beau Danube bleu , carrefour des anciennes routes reliant la Mer
Baltique la zone mditerranenne, grande mtropole denvergure mondiale, avec des
difices prestigieux et des muses, est surtout un centre de grand dploiement dactivits
musicales, thtrales et touristiques.

Vienne, centre conomique de lAutriche, abrite dimportantes entreprises


industrielles (usinage des mtaux, mcanique de prcision, lectrotechnique, artisanat)
et le sige de grandes socits dassurance.

Aprs Vienne, nous avons pass un week end Rome, tout orient vers la dcouverte
de la ville situe sur les bords du Tibre, connue pour ses fabuleuses ruines romaines, le
Capitole, le Forum de Trajan, le Monument Victor Emmanuel, Colise, le Panthon le
Forum Romain travers par la Voie Sacre, le Quirinal, la Via Veneto, la Fontaine de Trevi
avec le ruissellement de ses eaux, la Cit du Vatican, rsidence des Papes depuis le 14
sicle et la Basilique Saint Pierre avec sa coupole conue par Michel-Ange.

Aprs Rome, nous avons rejoint Marseille o laroport Marignane, des


reprsentants de SOMATRAP (socit spcialise dans la vente de matriels de
prparation mcanique reconditionns) nous attendaient pour nous conduire de nuit dans
le secteur des Hautes Alpes.

Avant Grenoble, dans une splendide auberge, nous avons marqu une halte pour
dner aux grives, dans lambiance dune chemine alors que la neige tombait sans arrt,
enveloppant tout le secteur dun manteau blanc.

Nous avons pass la nuit Albertville sur lIsre, vers Chamonix, en plein massif des
Hautes Alpes enneiges.

Le lendemain la sortie dAlbertville, nous avons visit le carreau dune ancienne


mine de charbon vendant des rails, des wagonnets et des engins de chargement pour
lesquels nous avons marqu notre rel intrt et donn des options dachat.

Par la suite, Als, dans le Gard, ancien bassin houiller, abritant lEcole des Mines,
prs des montagnes Cvennes, nous avons visit les ateliers centraux de SOMATRAP o

86
taient reconditionns des concasseurs, des pompes, des engins de chargement, des
groupes lectrognes et des compresseurs vis.

Nous avons l aussi marqu notre intrt pour des engins de marinage et des
concasseurs de prparation dchantillons sur les chantiers.

De la cit phocenne (Marseille), et transitant par Mallorca, centre touristique trs


actif des Balares, et Madrid, nous avons gagn Lisbonne, puis la mine de plomb de
Terramonte, en pleine fort de pins, prs de Porto.

L, nous avons visit le carreau de la mine ferme depuis quelques mois, et examin
de prs une machine dextraction, en bon tat, susceptible aprs un lger
reconditionnement dquiper un des puits dextraction de la future exploitation de cuivre
de Bleda.

A notre retour, aprs plus de deux semaines de tribulations, sans trop attendre ou
tergiverser, le BRPM lana les commandes de matriel de mine (rails, wagonnets
basculants, engins de chargement, petits concasseurs giratoires et mchoires pour
chantillonnage aux chantiers) et de la machine de Terra Monte destine au premier puits
dextraction de Bleda Sud.

Ceux qui colportaient, avant et durant notre mission, que nous tions alls nous
promener et passer du bon temps en Europe, staient bien fourvoys.

A partir de cette date, une action de renouvellement irrversible du matriel des


chantiers avait dmarr et se poursuivra intensment durant les annes 70.

La prparation et le lancement des projets miniers


Aprs les longues phases de recherches minires et dtudes de faisabilit, une
nouvelle re de prparation, de construction et de conduite des projets miniers jugs
mrs (Bleda, Ouansimi, Talat NOuamane, Tazalaght, Assif Imider, El Hammam,
Zgounder, Naour) et de maintien de lactivit aux Mines dAouli, avait srieusement
dmarr, confortant la place du BRPM dans la promotion et le dveloppement de la mine
dans notre pays.

Dautres sites (Oumjrane, Zgounder, Draa Sfar Sud, Allous et Tizert) furent mis en
veilleuse, en attendant une conjoncture plus favorable des cours des mtaux.

A Bleda, aprs lexcution par les quipes BRPM des programmes de recherche
ayant mis en vidence dimportantes rserves (environ 2.500.000 tonnes de minerai
4,5% de cuivre) et aprs les tudes technico-conomiques ralises en collaboration
troite avec les quipes de lONA, il fut dcid de construire le projet dans le cadre de la
Socit des Mines du Bougaffer (SOMIFER).

Au dpart, en plus du BRPM et de lONA, SOMIFER avait comme autres actionnaires


MITSUI (Japon) et la Socit Financire Internationale (SFI), filiale de la Banque
Mondiale ; ces deux derniers se retireront par la suite en cdant leurs actions au Groupe
ONA.
En plus des ouvrages miniers dinfrastructure de base, les partenaires avaient dcid
de raliser ladduction deau partir dune station de pompage prs dAgdz dans la valle
du Draa, et une ligne lectrique partir du Barrage dOuarzazate, paralllement au
revtement de la piste Tazenakht-Bleda et la construction dune remarquable cit
minire la mine.

Bleda deviendra un modle dexploitation moderne, mcanise et gre dans le


cadre du Ple Mines de lONA pilot avec comptence par Mourad Chrif.

87
La ralisation du projet, prsente brillamment lors du colloque maroco-amricain sur
les mines et salue avec vigueur par tous les participants, fera date dans lhistoire de la
mine moderne au Maroc.

Bleda se rvlera plus tard le plus important gisement de cuivre dcouvert au Maroc
et dans le monde arabe, et un exemple de collaboration fructueuse entre le BRPM et le
Groupe ONA.

Jeus loccasion plusieurs reprises daller sur place, en compagnie de Chrif,


apprcier ltat davancement et le bon droulement du projet.

A Ouansimi, avec le suivi gologique assur fidlement par Smeykal, la


reconnaissance jusqu la profondeur de 400m des diffrentes zones minralises,
partir dun bure (puits intrieur) fonc en tronons de 50m, stait poursuivie sur
plusieurs niveaux et plusieurs fronts pour hter lvaluation des potentialits du
gisement, estimes, de prime abord, 1.300.000 tonnes 2,40% de cuivre.

Aprs la ralisation des infrastructures minires de base, des travaux dossature des
panneaux dexploitation, une tude de prfaisabilit technico-conomique, labore par
le Dpartement des Oprations Minires (DEOM), avait dmontr lintrt conomique du
gisement.

Ainsi, et dans le cadre des relations maroco-roumaines, la Socit Minire Marocaine


(SOMIMA) associant le BRPM et lorganisme roumain GEOMIN, fut cre pour superviser
et achever les travaux prparatoires amorcs par les Travaux Miniers, et monter le projet.

Paralllement, lactivit de SOMIMA stait tendue la poursuite de lancienne


exploitation BRPM dIrherm, et la poursuite de la prparation du gisement de Talat
NOuamane dans le mme secteur.

A Ouansimi, le fonage du puits principal dextraction avait mis contribution,


encore une fois, nos meilleures quipes, aprs des palabres sans fin avec les autres
ingnieurs du DEOM (Marcil et Reggadi entres autres) et les techniciens roumains
(Simiescu, Lazar) sur la mthodologie suivre pour cette opration.

En dfinitive, on opta pour la solution prconise par les Travaux Miniers, consistant
oprer sur plusieurs fronts, partir de diffrents niveaux de recherche raliss
prcdemment, tout en assurant un suivi topographique et gomtrique permanent du
fonage en grande section, pour aboutir des percements des tronons de puits, sans
dviation.

Pour un premier essai, ce fut un coup de matre, car le fonage du puits fut ralis
dans les rgles de lart sans dviation par nos quipes diriges par Rahdou, la
satisfaction de SOMIMA.

Les programmes de travaux de recherches et de prparatoires furent conforts par la


dcouverte de potentialits en eau souterraine suffisantes pour alimenter les futures
installations de traitement du minerai de cuivre.

Un remarquable travail de captage, suivi de la construction dune digue souterraine


de retenue de leau pressurise, fut accompli par nos quipes minires et de forages, suivi
dune campagne dessais de dbit de longue dure, superviss efficacement par la
Direction de lHydraulique dAgadir.

A Talat NOuamane, de vieux travaux sous forme de grattages et des vestiges


danciennes fonderies attestent dune vieille activit minire dans le secteur.

Nos quipes, menes par Ryani Ahmed, avaient excut les travaux de puits,
galeries, chemines et montages, dans de dlais trs courts, des prix de revient dfiant
toute concurrence.

88
Des rserves values 1.075.000 tonnes 1,9% de cuivre et 30g dargent par
tonne, furent mises en vidence, justifiant lextension de lactivit de SOMIMA cette
zone, aprs lpuisement du gisement dIrherm.

Au cours des travaux, nous avons dplor la mort de Bouras, mcanicien de la Base
dAgadir, suite un accident de la Land Rover long chssis sur lune des pistes menant
la plateforme dun forage de reconnaissance.

Bourras fut un technicien de tous les instants, toujours disponible et prt pour aller
dpanner les chantiers du secteur dAgadir, nous vitant comme par le pass de faire
appels aux mcaniciens de la Base des Zar Rabat. Bouras laissa derrire lui un grand
vide qui ne sera pas combl par la suite.

Les campagnes de recherches et de prparatoires furent suivies par une phase


dessais dexploitation de 1973 1975 pour extraire 150.000 tonnes annuellement.

A Ouansimi et Talat NOuamane, les Travaux Miniers taient intervenus plus tard en
fournissant des prestations de services dans la construction des infrastructures de surface
(pistes, plateformes, terrassements), laissant le soin SOMIMA de lancer le projet dans
toutes ses composantes (mine, laverie, services auxiliaires).

A Tazalaght, aprs la campagne infructueuse de recherche deau par puits dans la


valle dIfesfas, lexcution des forages profonds, suivie de leurs dveloppements
lexplosif, avait dmontr la prsence de potentialits aquifres suffisantes pour
alimenter une petite unit de traitement des haldes cuprifres.

La construction de lusine de traitement fut alors lance avec les propres moyens du
BRPM, les investisseurs intresss (ZELLIDJA et ONA) ayant dclin leur participation,
arguant de la non viabilit du projet par suite du faible volume de ses rserves
exploitables et de sa position en altitude, daccs difficile.

Les anciennes installations de traitement du chantier de Plomb Moulouya Zada,


furent remises en tat la Base des Zar, compltes par des acquisitions de matriel
neuf ou doccasion, et mises en place avec beaucoup de difficults.

Outre la supervision du chantier, lintervention des Travaux Miniers consistait


assurer le relais, Rabat, avec les Ateliers et les Services du Laboratoire et de la
Valorisation minire dirigs par un ingnieur dorigine gyptienne, Moftah, comptent,
la science infuse, peu coopratif et de mauvais caractre.

Sur place, Boujema, ancien matre laveur dIrherm, avait su, avec fermet et
efficacit, diriger lensemble des oprations de terrassement, de montage des
quipements (unit de traitement, centrale lectrique, ateliers), douverture de carrire
de haldes, dadduction deau et de construction de logements.

Paralllement, un effort fut engag pour organiser le chantier, constituer les stocks
de matriel et de consommables, structurer les quipes et lancer les travaux de reprise
des haldes, en vitant les cueils et les erreurs enregistrs lors des prcdents
dmarrages des petites exploitations.
****
Au printemps 1974, alors que je me trouvais en mission Tazalaght, ma tante Fadma
qui mavait lev aprs le dcs de ma mre en 1942, stait teinte au retour du
plerinage La Mekke, aprs avoir accompli le rve de sa vie.
A Assif Imider, lexistence de vieux travaux miniers tmoigne de la prsence dune
ancienne activit minire dans la rgion.

A la suite de forages inclins raliss par le BRPM en 1959, suivis dune campagne de
gophysique en 1972 et de recherches par puits, galeries et chantillonnage systmatique
des voles durant la priode 1973-1975, un petit gisement de cuivre ( base de bornite,

89
chalcosine et azurite) riche en argent, fut mis en vidence, avec des rserves estimes
240.000 tonnes 3,94% de cuivre et 60g dargent par tonne.

A la fin des travaux de recherche, suivis dessais de traitement concluants, une tude
technico-conomique prliminaire, confirme par une deuxime tude confie des
laurats de lEcole Nationale de lIndustrie Minrale (ENIM), avait dmontr la faisabilit
conomique dun projet sur ce petit gisement.

Ds lors, le chemin tant balis, la construction du projet fut dcide et lun des
laurats de lENIM, Lalaoui, appel en assurer le pilotage sur les lieux.

De Rabat et travers de multiples dplacements, javais guid et suivi de prs le


dmarrage de la jeune exploitation.

La situation du gisement dans une valle encaisse et linsuffisance des ressources


en eau en priode de scheresse persistante, avaient justifi limplantation des
installations minires au fond de la valle et celle de lunit denrichissement et des
services auxiliaires sur les hauteurs, prs du douar d'Ouaoufengha et de la route menant
Irherm.

Un programme complmentaire de recherche deau, orchestr par lhydrogologue


Dembl, dorigine malienne, fut engag pour capter toutes les sources environnantes, les
anciens forages du BRPM et le puits dAllous.

A Akiout, 3 km louest, dans la valle, fut implant et ralis un puits de 50m de


profondeur, reli par une conduite de plusieurs kilomtres un bassin principal implant
sur un point haut proche de lusine de traitement.

Paralllement, des contacts furent nous avec les fabricants de laveries mobiles
sudois, autrichiens et roumains.

Nous avons opt pour ces quipements mobiles car ils sont faciles manutentionner,
monter et dmonter, et sont considrs comme les plus appropris et les plus adapts
pour les gisements aux rserves limites.

A El Hammam, dans le Maroc Central, lactivit de recherche, suivie avec efficacit et


comptence par le gologue Maghraoui, fut poursuivie en collaboration avec les quipes
de lONA pour valuer les rserves en fluorine des diffrents corps minraliss des
secteurs des collines J et K.

Ltude de faisabilit, labore par les deux partenaires (BRPM et ONA), avait abouti
des rsultats satisfaisants, justifiant la ralisation du projet et le dmarrage rapide des
infrastructures de base (route et ligne lectrique partir dOuljat Soltane et Khemisset).

Nos quipes de travaux miniers, aprs plusieurs annes de labeur, se retirrent en


bon ordre, aprs avoir accompli leur tche de recherche et de prparation de lossature
minire de base, passant immdiatement le relais celles de lONA pour conduire les
essais dexploitation, le lancement des appels doffres de lusine de traitement du minerai
et des autres installations de surface (logements, ateliers, bureaux etc.), et mettre en
place les structures de la socit de gestion, SAMINE.

A Naour, 20 km lest dEl Ksiba dans la rgion de Kasbah Tadla, dans un


environnement splendide de forts de chnes verts, le gisement de cuivre avait t
reconnu par galeries flanc de coteau dans des conditions difficiles, en raison de la
mauvaise tenue des terrains et des fortes venues deau aux fronts davancement.

Le vtran Jerdouj y avait dploy durant plusieurs mois toute son exprience pour
faire face aux difficults inhrentes au soutnement des galeries en zone bouleuse et
lutilisation des explosifs en milieu noy.

90
Des panneaux minraliss avaient t mis en vidence un total de rserves de lordre
de 300.000 tonnes 2,5% de cuivre.

Aprs llaboration dune premire tude de rentabilit concluant lexploitation


conomique du gisement, la mise en valeur de ce gisement fut engage prcipitamment
dans le cadre dune socit mixte maroco-tchcoslovaque SOMETNA, associant le BRPM et
METALIMEX, place sous la direction d'Ali Amraoui, laurat de lEcole Centrale de Paris et
cadre au DEOM.

La baisse vertigineuse des cours du cuivre porta un coup fatal au projet et entrana la
suspension des travaux de construction de lusine de traitement, et plus tard, la
liquidation prmature de la socit.

Le domaine reviendra au BRPM qui essayera plus tard de le ractiver sans succs, les
cours du cuivre tant au creux de la vague.

A Aouli et Mibladen, gisements de plomb dcouverts en 1923, entrs en production


en 1930, dvelopps par PENARROYA partir de 1946) la demande du Gouvernement,
le BRPM tait intervenu pour essayer de redresser une situation dsespre et maintenir
lactivit de la Socit confronte la mauvaise conjoncture des cours du plomb.

Un plan de sauvetage fut mis en uvre, chargeant le Bureau de raliser Aouli un


programme de travaux de recherches par puits et galeries, visant la dcouverte dautres
rserves conomiquement exploitables.

Les travaux excuts aux filons Henri et Engil par une quipe spcialement
renforce, suivie de prs par Chaba, avaient concern le fonage dun puits et le
creusement dune longue descenderie dans des terrains de mauvaise tenue, ncessitant
un soutnement mtallique onreux.

Malgr les efforts financiers de lEtat et lactivit acharne et dbordante des quipes
minires du BRPM, les travaux de fonage de puits et de creusement de galeries de
recherche navaient pas enregistr de dcouvertes majeures, en mesure dassurer la
prennit de lune des plus anciennes, des plus importantes et des plus riches
exploitations minires de plomb du Maroc.

Le maintien au forceps de lactivit de la mine ntant plus justifi, en priode de


trend baissier des cours, il avait fallu se rsoudre prparer la fermeture dfinitive
dAouli en juillet 1975.

Une reprise eut lieu la laverie de Mibladen en 1977, puis la mine dAouli en 1979,
avec comme objectif principal lachat des productions de plomb de la sous entreprise et
des permis extrieurs des secteurs de Midelt et dErrachidia.

Cette activit ne tardera pas pricliter, le secteur minier de Midelt, aprs avoir t
lun des plus florissants aprs la Deuxime Guerre Mondiale, sombra dans une profonde
lthargie avec des retombes sociales difficiles pour toute la rgion.

Les mines dAouli et de Mibladen, fleuron de la mine mtallique marocaine, mourront


de leur belle mort, laissant le champ libre aux oprations frauduleuses de recherche
risque de spcimens de vanadinite aux trfonds des travaux souterrains, et Midelt
retrouvera son aspect de ville du Farwest marocain, et sa rgion vivant de maigres
ressources de lhorboriculture(pommes notamment).

91
DEUXIEME PERIODE

AUX EXPLOITATIONS
ET A LA DIRECTION TECHNIQUE

JUILLET 1974 A AOUT 1981


****
Rsume

Cette deuxime priode au BRPM tait une suite logique dans le droul de ma vie
professionnelle, en passant de la recherche minire au suivi de la construction des
projets, avant dassurer leur gestion de proximit dans le cadre de filiales gres
directement par le Bureau ou par ses partenaires.

Avec la promotion de Guessous comme Directeur Gnral du BRPM, une nouvelle


structure fut mise en place, charge des exploitations, des participations et de la
commercialisation, et dont javais assur une partie des attributions.

Cette phase fut marque essentiellement par la cration de la Socit de


Dveloppement du Cuivre de lAnti Atlas (SODECAT) et la reprise laborieuse de gestion de
la Socit Mtallurgique dImiter (SMI).

La SODEACT avait connu un dveloppement prodigieux avec louverture, notamment,


des exploitations de Tazalaght, Assif Imider et Tiouit, et fut le prcurseur de lacquisition
et de la conduite des laveries mobiles.

La SODEACT avait connu un dveloppement prodigieux avec louverture, notamment,


des exploitations de Tazalaght, Assif Imider et Tiouit, et fut le prcurseur de lacquisition
et de la conduite des laveries mobiles.

La SMI, aprs le traitement des haldes, avait enregistr un dveloppement


exceptionnel avec la dcouverte dimportantes et riches rserves de minerai dargent
frais, justifiant la mise en uvre de moyens puissants dans lexploitation minire et
laugmentation de la capacit de lusine de traitement par cyanuration.

Par la suite, avec la venue dun nouveau Directeur Gnral, Chahid, lensemble des
exploitations, gres directement par le BRPMP, fut regroup au sein de la Division des
Etudes et des Exploitations (DEE), avec comme objectif primordial un travail en synergie
pour optimiser et rationaliser les moyens et les ressources.

Dans ce contexte, javais bnfici, sans quivoque, de lappui et de la confiance


totale de Chahid, lui-mme acquis une plus large responsabilisation des cadres, au
travail de groupe et une approche de proximit des problmes sociaux.

Avant le terme de ma mission au BRPM, je fus promu au poste de Directeur


Technique, avec de nouvelles responsabilits associant les gologues, les mineurs, les
traiteurs et les services auxiliaires du Bureau.

92
Un brillant technicien, Directeur Gnral au BRPM
En novembre 1974, Guessous, Directeur Technique du BRPM, fut nomm Directeur
Gnral en remplacement d'Abdelaziz Benjelloun appel dautres importantes fonctions.

Au Bureau, Guessous avait occup, successivement depuis 1965, les postes de Chef
du Dpartement Technique, Attach de Direction, puis Directeur Technique aprs le
dpart de Fauvelet en 1970.

Guessous, aurol de sa rputation de grand bosseur, intelligent et dtermin,


possdait lnorme qualit de sintresser de prs aux diffrentes activits du Bureau, de
ne jamais dfendre les fainants, les parasites et les tire aux flancs.

Il fut un Directeur Gnral dune trempe plus raliste et plus technicienne,


contrairement ses prdcesseurs soucieux de leur seul rle de reprsentation, loin du
monde des chantiers et du monde du travail laborieux, pnible et reintant.

Aprs Abdelhafid Kadiri, le premier Directeur Gnral marocain alliant la comptence


la sensibilit sociale, ses successeurs, souvent absents, staient entours, sans raison
valable, dune bulle artificielle, que le peu dintrt quils avaient accord aux activits
minires du Bureau, rendait encore plus anachronique et mme dsinvolte.

Durant toute une dcennie, aucune occasion, nous navions enregistr la moindre
visite dun premier responsable du Bureau sur un chantier minier, et encore moins
constat son souci pour les conditions de vie de nos agents caractrises par la pnibilit
de leur travail dans le bled.

En six ans, en tant que Chef de Service des Travaux Miniers, responsable de plusieurs
centaines dagents, je neus jamais lhonneur et le plaisir de rencontrer les Directeurs
Gnraux, Bellarbi et Chefchaouni, ni particip une visite, une runion ou un
sminaire prsids par eux.

Des rencontres annuelles phmres avec les cadres du BRPM, tente en 1964 et
1965, avaient tourn court sans explications.

En haut lieu, on stait rsolu, sans gne dailleurs, dcider de lavenir, sans prendre
en considration, une seule fois, les avis, les ides et les propositions de ceux chargs de
lexcution de la politique du Bureau et dassurer la prennit de son action aux chelons
rgional et national.

Larrive de Guessous la tte du BRPM bouleversa manifestement cette situation, et


consquemment les relations entre la Direction Gnrale et les diffrentes divisions,
dpartements et services.

Distantes, rares ou inexistantes avec ses prdcesseurs, avec lui, ces relations
taient devenues amicales, dcomplexes et parfois mme conviviales.

Personnellement, avec lui javais toujours maintenu des relations cordiales,


empreintes de respect, de considration et destime rciproques.

Son soutien, sa confiance et ses encouragements navaient jamais fait dfaut aux
moments les plus cruciaux de la vie de la recherche et de lexploitation minires au BRPM
et dans ses filiales.

La nomination de Guessous tait intervenue un moment de profonde mutation dans


lactivit minire, mutation quil avait lui-mme suscite et encourage en soubassement
depuis 1965.

Nous avons, trs rapidement, enregistr un nouvel esprit de srieux, de profonde


mobilisation, et de professionnalisme dans le suivi et lexcution des programmes de

93
recherche, faisant passer nos chantiers de recherche lgers de vritables entreprises
dotes de moyens logistiques appropris et volus.

Ainsi, dans le secteur des travaux miniers, notre champ daction, tout en englobant le
domaine dintervention classique, sorienta rsolument vers la prparation et le
lancement des nouvelles exploitations (Tazalaght, Assif, Imider, Ouansimi, Talat, Naour,
Sel Mohammedia, Boumadine, Oumjrane) et les travaux extrieurs lentreprise pour le
compte de lONEP et de la Direction de lHydraulique (Barrages).

Dans le domaine des tudes technico-conomiques, plusieurs actions furent


engages pour valuer les potentialits minires, notamment des gisements de cuivre de
Tizert dans le secteur de lAnti Atlas dAgadir, de fer de Jbel el Assel dans la rgion de
Khnifra, de magnsite et zinc de Boudkek et Cadnar dans le Rif palozoque, de barytine
de Tirmi prs de Taourirt en convention avec ZELLIDJA, de potasse de Khemisset en
collaboration avec le Bureau dEtudes et de Participations Industrielles (BEPI), et
dargent de Zgounder dans le Siroua en convention avec la SACEM (Imini).

Eu gard la complexit des minerais, au niveau bas des cours des mtaux et
linsuffisance des infrastructures de base (route, lectricit, eau), la poursuite des tudes
de mise en valeur des gisements prcits fut diffre plus tard.

En plus de mes activits au BRPM, je fus appel assurer les cours dexploitation des
mines et dconomie minire lEcole Nationale de lIndustrie Minrale, me donnant
loccasion de maintenir le contact avec le monde tudiant et dapporter ma contribution
la formation des futurs cadres du secteur minier national.

Jaurai dailleurs le grand plaisir de retrouver la plupart de mes tudiants au sein


de lAdministration des mines, quelques annes plus tard.

Le dpart des Travaux Miniers


Aprs sa nomination, et pour marquer le BRPM de son empreinte particulire,
Guessous procda une rorganisation des structures techniques en crant de nouvelles
divisions, et en mettant laccent sur une plus forte implication du Bureau dans les
domaines de lexploitation et de la valorisation des minerais.

Inscrit dans cette mouvance, je fus appel, aprs dix ans dactivit, quitter les
Travaux Miniers aprs avoir engag une vritable mutation dans les mthodes de travail
et pass le relais Chaba, ingnieur comptent, srieux, mritant, et comme moi,
imprgn des mmes soucis de production, de productivit, mais aussi rceptif aux
aspirations et aux revendications lgitimes du personnel des chantiers.

Mais en partant, convaincu davoir tiss des relations confiantes et amicales avec
toutes les catgories du personnel (ingnieurs, techniciens, agents de matrise, employs
et ouvriers), je navais pas oubli tous ceux qui avaient perdu la vie sur les pistes et les
routes, sur les carreaux des chantiers, dans les travaux de fonage des puits, de
chemines et de bures, dans les creusements de galeries, au service du BRPM, de la
recherche et du dveloppement miniers.

A la Division des Exploitations, des Participations et de la


Commercialisation
Avec Lhatoute, venant de Kettara, nous fmes appels tous les deux, considrs
comme les vtrans de la mine au BRPM, aprs certaines rticences, tractations, et coups
bas, seconder au sein de la nouvelle Division des Exploitations, des Participation et de la
Commercialisation (DEPC), Omar Amraoui, ancien Chef de la Division de la Valorisation
minire, trs proche de Guessous, et ancien lve de Polytechnique et de lEcole des
Mines de Paris.

94
Ainsi, aprs des annes dans la recherche, les tudes minires et le lancement des
projets, linsertion dans le domaine des exploitations, des participations et de la
commercialisation fut une suite logique du droul de ma carrire professionnelle.

Avec Lhatoute, nous avons dmarr en trombe pour relever les dfis, conscients
quune action de longue haleine nous attendait, et que les dtracteurs, toujours lafft
et tapis dans les nombreux recoins, taient prts nous dnigrer au moindre faux pas
dans la conduite et le suivi des affaires minires du Bureau.

Pour ma part, je devais, selon le dcoupage opr par la Direction Gnrale,


moccuper, dune part, des dmarrages de Tazalaght et Assif Imider dans le cadre de la
Socit de Dveloppement du Cuivre de lAnti Atlas (SODECAT) dont je fus nomm
Administrateur Directeur, et dautre part des participations dans les socits filiales de
Bouskour, Bouazzer, Bleda, Comabar, Sel Mohammedia, Somima, Socit Mtallurgique
dImiter, Socit Chrifienne des Sels, et assurer le suivi des activits du secteur artisanal
de la Cadetaf.

Loin des discussions striles et des conciliabules dans les bureaux feutrs, je mtais
attel la tche comme au 1er juillet 1964 mon entre au BRPM.

De nouveau, ce fut passionnant de participer activement une uvre de


construction et de progrs dans le secteur minier, avec le souci premier de bien faire et de
russir le challenge.

La cration de la SODECAT tait venue assurer avec plus de souplesse et de clrit


la prise en charge directe de lexploitation de Tazalaght, le lancement de la construction
du projet dAssif Imider, et llaboration des tudes de mise en valeur des petits
gisements de cuivre du Bougaffer.

La reprise de gestion de la Socit Mtallurgique dImiter tait intervenue pour


conforter lirruption directe du BRPM dans le domaine de lexploitation minire.

Plusieurs missions Comabar et la Chrifienne des Sels avaient montr les lacunes
dans les activits de ces filiales o, seule la mise en place dune structure adapte, tait
de nature rpondre au besoin defficacit dans la gestion.

A Sel Mohammedia, javais suivi, avec quelques svres anicroches avec les
gestionnaires de la Socit, Sekkat, lactivit de fonage du puits dextraction, centre
nvralgique de la future exploitation de sel.

Lavancement du creusement du puits tait expos de multiples difficults


inhrentes aux venues deau provenant des nappes perches et au btonnage long et
coteux des parements de louvrage.

Le puits fut ralis avec plusieurs mois de retard sur les prvisions.

Les essais dexploitation avaient dmarr aprs le montage de la machine


dextraction acquise en Allemagne et la fourniture des engins de chargement fond.

Avec lONA, en bonne intelligence, javais accompagn la construction du projet de


Bleda dans toutes ses composantes (adduction deau par pompage partir du Draa
proximit dAgdz, ligne lectrique partir du barrage dOuarzazate, construction de la cit
minire, essais dexploitation etc.), et suivi lactivit des exploitations de Bouskour
(cuivre) et Bouazzer (cobalt).

Les rapports avec les responsables du Dpartement de lONA (Bouteloup, Chrif,


Tauban, Bensari, Abaro) furent toujours instructifs, empreints dun esprit de
comprhension, de camaraderie, destime rciproque et de franche collaboration.

95
A la Cadetaf, la situation ntait pas reluisante car le secteur artisanal dans les
secteurs dErfoud et Bni Tadjit traversait une priode difficile.

Dans la zone de Bni Tadjit connue pour ses riches gisements de plomb et de zinc, la
Socit dEtudes Minires du Haut Guir et Penarroya avaient opr jusquen 1953, puis
pass le relais aux artisans.

Dans cette nouvelle situation, les deux socits prcites staient orientes vers
lachat de leur production aux artisans, et en leur apportant une assistance technique
sous forme de creusement de puits et de chemines, de fourniture de petits matriels et
dapprovisionnement en explosifs.

Ce systme qui procurait aux deux socits dapprciables bnfices moindre frais,
avait amen lAdministration des Mines soustraire la zone minire de Bni Tadjit de
lexploitation honte des artisans et tendre en 1970 lactivit la province de Figuig
(lancienne Cadet devenant Cadetaf).

96
Une entreprise de Dveloppement Minier :

La SODECAT

La cration de la Socit de Dveloppement du Cuivre de lAnti Atlas (SODEACAT),


filiale 100% BRPM, tait venue assurer avec plus de souplesse et de clrit la prise en
charge directe de lexploitation de Tazalaght, le lancement dans le mme giron de la
construction du projet dAssif Imider, et llaboration des tudes de mise en valeur de
tous les petits gisements localiss dans les secteurs de lAnti Atlas du Sous, de lOugnat et
du Bougaffer, et plus tard dans les Jbilets.

Tazalaght
Dans un lieu daccs difficile, perch plus de 2.000 m daltitude, battu par les vents
glacs et sporadiquement soumis de fortes chutes de neige en hiver, lentre en
production de la laverie en septembre 1974 avait ncessit lorganisation des quipes, le
dmarrage de la centrale lectrique, des ateliers, des magasins, du laboratoire, la gestion
du village, lexploitation ciel ouvert des anciennes haldes datant de plusieurs sicles,

Javais mis un point dhonneur relever le dfi en assurant une gestion rigoureuse de
lexploitation en matire de politique salariale, dapprovisionnement, de suivi et de
contrle prcis et quotidien de toutes les installations industrielles.

Mais surtout, SODECAT, nous avons constamment veill, avec Boujema, former
une gnration de jeunes professionnels du traitement, et tout entreprendre pour viter
lexploitation de souffrir des ruptures dapprovisionnements en consommables et de
mauvais services de maintenance des quipements en place, notamment la laverie et
la centrale lectrique

En peu de temps, bnficiant dun climat social serein et stabilis, nos quipes
orchestres par Boujema, avaient atteint le but assign en parvenant matriser les
oprations de traitement, malgr les sarcasmes de lquipe du Laboratoire de Rabat qui
avait initi le projet et qui ne concevait pas que dautres en assurent la gestion, puis plus
tard le dveloppement.

En fin danne 1974, les contrles de production et de la teneur du concentr taient


venus confirmer la pertinence de nos dcisions quant au ramnagement du flow sheet
de lusine en liminant les quipements de deshlammage inoprants (les produits fins
tant riches en cuivre) et en ralisant par rcurrence des conomies dnergie
apprciables.

Lexprience acquise dans le traitement des haldes cuprifres, nous poussa oprer
des modifications dans le circuit de flottation des minerais oxyds et remplacer certains
matriels jugs obsoltes et peu fiables.

Avec les rels progrs dans la conduite de lusine de traitement, la production de


concentr de cuivre atteignit des niveaux jugs trs satisfaisants pour un dmarrage,
doubls dune teneur convenable.

Un lot de 3.000 tonnes de concentr 34% cuivre fut expdi Agadir pour
lexportation, venant mettre fin aux discussions striles, la science infuse de Moftah et
aux insinuations dmesures quant notre incapacit grer avec professionnalisme une
unit denrichissement.

Avec Boujema, aux commandes sur place, nous formions une quipe soude, fonde
dabord sur une longue amiti rciproque, remontant 1964 mes dbuts Irherm, mais
aussi sur le souci partag de conduire un projet de valorisation de nos ressources

97
minires nationales, crateur demplois et de richesses dans le secteur dmuni de lAnti
Atlas du Sous.

Rendant justice, malgr quelque rticence de sa part, javais promu Boujema au


titre dingnieur assimil, dtach du BRPM SODECAT, avec des avantages matriels et
sociaux plus consquents pour lui et sa famille installe Agadir.

Par ailleurs, je navais jamais mnag mes efforts pour assurer la promotion des
autres agents de lexploitation et pour tre au diapason des revendications de nos agents,
et mme de les devancer plusieurs reprises.

Que de fois, comme du temps des Travaux Miniers, je partais de Rabat, tard le soir,
pour prendre lavion de Casablanca sur Agadir o un vhicule mattendait pour me
conduire immdiatement aprs Tazalaght o jarrivais trs tt le matin.

La fatigue ntant jamais de la partie, avec Boujema, nous examinions aussitt de


manire approfondie la situation de lexploitation et les problmes pendants.

Aprs la visite de tous les secteurs dactivit et des contacts directs et informels avec
le personnel, je repartais sur Agadir, souvent confiant et serein pour lavenir de la jeune
exploitation de Tazalaght.
****
Au cours du premier trimestre 1975, eut lieu linauguration officielle du centre
dexploitation, sous la prsidence effective du Ministre charg des Mines, Ghissassi, en
prsence du Directeur Gnral Guessous et des autorits locales et provinciales.

La manifestation haute en couleurs, dans ce secteur de lAnti Atlas du Sous, se


droula la satisfaction gnrale, et tous ceux qui avaient particip la ralisation de
cette uvre, et grce leur tnacit et leurs sacrifices, furent heureux des rsultats
obtenus et des belles perspectives davenir.

Lunit de production tait venue enrichir le patrimoine du BRPM et redonner


confiance ses agents et ses cadres.

Tazalaght, pauvre bourgade de quelques foyers, tait sortie de sa torpeur, de sa


lthargie et de son long sommeil remontant au 10 sicle.

Ainsi, le bruit des engins de carrire, des concasseurs, des broyeurs et de la centrale
lectrique, tait venu perturber le profond silence rgnant depuis des sicles sur cette
contre drape de calme et de srnit.

Les effets induits de cette nouvelle activit industrielle navaient pas tard se faire
sentir dans toutes les valles environnantes avec lapparition des petits commerces et la
monte en puissance des moyens de transports.

Le revtement de la piste entre At Baha et Tafraout, passant proximit des Ida


Ougnidif et du col de Tidki, fut ralis rapidement et facilita les accs Tazalaght et
consquemment la localit des At Abdellah.

Les hivers rigoureux et les fortes chutes de neige ntaient plus des priodes
cauchemardesques dans cette zone o le printemps est la saison idale, colore par les
amandiers et les pchers en fleurs, lt tant relativement doux et la temprature
dpassant rarement 30.

Sous la houlette de Boujema omniprsent, quitable, intgre, trs proche de ses


collaborateurs et mme paternaliste, lquipe avait acquis au fil du temps, une notorit
au BRPM, grce son homognit, sa fiert, sa bravoure permanente et son sens lev
du devoir.

98
Lacquisition de nouveaux matriels de concassage, suivie de lextension du circuit
de flottation par adjonction de cellules conues, fabriques et montes aux ateliers de
lexploitation, avait amlior les ratios techniques de lusine.

La centrale lectrique, nerf moteur de lexploitation, fut renforce et agrandie aprs


lacquisition de nouveaux groupes lectrognes Caterpillar plus puissants et
dexploitation plus conomique.

Le carreau fut largi avec la construction de logements et lamnagement


dinstallations sociales pour une communaut de cent personnes.

Cette nouvelle situation avait instaur un climat de confiance en assurant au


personnel une vie dcente et en le faisant bnficier des retombes de son travail assidu
et de ses peines en milieu rude.

Lexploitation de Tazalaght tait cite comme un exemple de bonne gestion et


dentente cordiale et sincre tous les niveaux de responsabilit.

Modeste, au vu de la capacit de traitement de lusine (150 t/jour), le projet de


Tazalaght fut cependant aussi riche en enseignements quune grande unit.

Avec lpuisement des haldes des diffrents secteurs, lavenir et la dure de vie du
centre dpendaient de lexploitation des rserves en place par louverture dune carrire
ciel ouvert et lamorce de travaux en subsurface.

Ainsi, fut entame une campagne de recherche souterraine pour reconnatre laval
des anciens travaux de la structure anticlinale de la srie de base adoudounienne
stratiforme, oriente Nord-est.

Ces travaux seront suivis plus tard par des sondages verticaux pour localiser trois
niveaux de minralisation, dnomms gtes (gte O exploit par les anciens, gte I
stratiforme dans les siltstones, considr comme le plus important et gte II dans les
grs suprieurs).
***
A Tazalaght, fin 1979, un grand malheur tait venu frapper de plein fouet
lexploitation, suite au dcs subit de Boujema, terrass en pleine activit par une crise
cardiaque, laissant un norme vide difficile combler.

Javais perdu en Boujema un ami fidle, un collaborateur efficace, toujours


disponible, nayant mnag ni ses efforts, ni sa sant, ni sa famille installe Agadir quil
ne retrouvait que le week-end.

Tazalaght ne se remettra jamais convenablement de la disparition de Boujema qui


avait faonn les quipes sa manire, entretenu et dvelopp durant de longues annes
cet esprit de sacrifice et de dpassement de soi, hors du commun.

Une foule nombreuse, en prsence de Chahid, nouveau Directeur Gnral du BRPM,


assista son enterrement Sal, pour lui rendre un dernier hommage.
Laide apporte sa nombreuse famille fut sans commune mesure avec les
immenses services rendus au groupe BRPM durant des dcennies et avec son dvouement
la jeune socit SODECAT quil chrissait tant avec passion.

Le souvenir de Boujema continuera flotter sur Tazalaght et lAnti Atlas du Sous et


imprgner toutes les jeunes gnrations de techniciens laveurs au BRPM.

Larrive dun nouveau responsable, Boushaba, moins professionnel et peu


scrupuleux, savra nfaste ; rapidement il fut renvoy sans mnagement.

La nomination dun gologue de bon aloi, Mouniri, second par des quipes de
traitement et dentretien de valeur, avait continu maintenir la stabilit et la quitude

99
ncessaires en phase dpuisement des haldes et de production de minerai frais, et
perptuer le souvenir de Boujema au sein du personnel.

Lexemple de SODECAT fera rellement cole au BRPM, et viendra rendre justice


tous ceux qui avaient fourni un travail persvrant, imprgns du sens du devoir et de
lintrt gnral.

SODECAT se rvlera un creuset o taient venus se fondre les mauvais gnies, et


une solide cole de formation pour toute une ppinire de jeunes talents, conscients de
leurs responsabilits, confiants en leurs possibilits, et dsireux de participer luvre
commune ddification du groupe BRPM.

Lancement dAssif Imider


Les structures de SODECAT tant toutes mises en place et lautonomie de gestion de la
socit assure, il restait largir son champ dintervention par la mise en production du
centre dAssif Imider o avaient dmarr les travaux prparatoires souterrains,
lamnagement de la piste daccs, la construction des logements, ladduction deau et
lamnagement gnral du carreau.

Eu gard aux modestes rserves du gisement (environ 200.000 tonnes plus de 3%


de cuivre), nous avons opt pour le traitement du minerai dans une laverie de petite
capacit, facile transporter, installer, exploiter, dmonter et transfrer sur dautres
petits centres de production minire que SODECAT tait appele mettre en valeur dans
lAnti Atlas.

Aprs lanalyse des offres techniques des fournisseurs autrichiens, roumains et


sudois, le choix stait port sur lquipementier sudois SALA, reprsent au Maroc par
Atlas Copco.

Rpondant notre demande, SALA dpcha Rabat, Ronkvist, le responsable de son


dpartement commercial, pour nous informer des possibilits et des performances des
laveries mobiles.

Pralablement notre dcision dachat et pour mieux ltayer, et pour loigner


encore une fois les critiques malveillantes quant ladaptabilit de ce matriel pour la
valorisation des petits gisements, nous avons convenu avec lui daller, successivement,
visiter une unit en activit sur un gisement de cuivre en Iran, lusine de fabrication des
quipements SALA en Sude, et une unit en Yougoslavie utilise pour des essais
industriels dans un gisement dantimoine.

En Iran,

Comme convenu avec le reprsentant de SALA, Ronkvist, lors de son sjour Rabat
en mars 1975, javais entrepris une mission en Iran en mai 1975, accompagn par Rabit,
responsable du Dpartement Matriel minier dAtlas Copco Maroc et ami de longue date.

Aprs le transit par laroport Roissy et une escale Nice, nous sommes arrivs de
nuit Thran laroport Mharabad, aprs un atterrissage terrifiant, suite un violent
orage sur le mont Elbrouz ( 4.150m daltitude) dominant la ville.

Accueillis par le reprsentant dAtlas Copco en Iran, Irani Jad, nous fmes installs
dans un htel bruyant au centre ville, sans pouvoir dormir de toute la nuit.

Le lendemain, au sige dAtlas Copco, Irani Jad nous reut avec une amabilit
exquise et organisa, pour notre grand plaisir, un tour de ville et de ses environs, guids
par un Iranien originaire du Baloutchistan.

100
Ce fut tout dabord une premire visite dans limmense Bazar bond de prcieux tapis
en soie et laine renomms mondialement.

Le Bazar, anim, affair et bouillonnant, domin par les magnats enturbanns des
grandes places de vente et dexposition de tapis, est le vritable centre de gravit et le
pouls de la vie conomique iranienne,

Pour Thran, le Grand Bazar est autre chose quun simple centre commercial, car
tout au long de ses 10 km de ddales, de passages couverts, lopinion publique se modle
et se construit en permanence.

Un gouvernement ne pouvait durer et une loi navait de chance dtre adopte que
sils avaient lassentiment du Bazar.

Celui qui domine le Bazar domine de fait lIran , nous dit notre accompagnateur,
connaisseur du monde de la finance et des transactions sur les tapis de qualit qui font la
rputation de son pays, en plus du ptrole, du gaz et du caviar de la Mer Caspienne.

Nous fmes subjugus par la varit des tapis de soie et de laine et par les
immenses talages de ces prcieux produits.

La visite dun atelier souterrain de fabrication de tapis nous avait fait dcouvrir
lexploitation inhumaine des fillettes aux mains expertes dans le travail de la laine et de la
soie, derrire des mtiers rudimentaires.

Ensuite, nous sommes alls, en traversant la grande mtropole iranienne, aux jardins
du Palais de Golestn, demeure du Shah in Shah, Reza Mohamed Pahlavi, fils de Reza
Chah, ancien gnral cosaque fondateur en 1925 de la dynastie des Pahlavi, aprs avoir
limin celle des Qdjrs.

Le Palais, immense domaine install sur les contreforts du mont Elbrouz, dans un
environnement de rve, dsert en priode dt par la famille impriale en villgiature
sur les bords de la mer Caspienne, talait les fabuleuses richesses, les fastes et les
magnificences de lEmpire perse.

Partout, Thran et dans ses environs immdiats, travers les chantiers de


construction de complexes dhabitations, routes, autoroutes, usines, raliss avec
lassistance des puissances occidentales et du Japon, on ressentait lambition de lIran
dentrer dans le concert des nations industrialises.

Le dtour lUniversit de Thran nous avait fait dcouvrir un vaste campus quip
de centres de recherches ultra modernes embrassant toutes les disciplines.

Les quartiers rsidentiels dnotaient la richesse et lopulence de la classe des nantis


du rgime, contrastant avec les quartiers populaires constitus de maisons basses en
pis, proches de la zone dsertique et des dpressions enserrant Thran.

La proximit du mont Elbrouz, perptuellement enneig, donne la possibilit aux


Thranis de svader en week-end et de prendre dassaut les nombreuses auberges et
gargotes en bordure des rivires alimentes par la fonte des neiges.

Accroupis sur des nattes, prs du bruissement des eaux en provenance de lElbrouz,
lombre des platanes, parmi les familles iraniennes, nous avons dgust le th
accompagn de gteaux au miel et aux pistaches.

Avant de quitter Thran, au Bazar, nous avons vainement cherch acheter du


caviar, rput mondialement, dont le commerce, svrement rglement, tait entre les
mains des barons du rgime.

101
Notre hte Irani Jad, eut la dlicatesse de nous en faire goter au foyer de sa socit,
au dernier soir de notre sjour.

Aprs Thran, par un vol des lignes intrieures iraniennes, en compagnie de notre
guide, nous avons rejoint Ispahan la deuxime grande ville dIran, centre culturel de
notorit internationale, au charme envotant, connue pour ses mosques, ses medersas,
ses palais et son Grand Bazar, cerne de toutes parts par un dsert profond, parsem de
chotts sals.

Grande base arienne de larme de lair iranienne, abritant des escadrilles davions
de chasse amricains F14 Phantom, Ispahan rpute pour ses monuments du 11 au 18
sicle, dont la Grande Mosque Bleue darchitecture sfvide, est une ville ayant domin
lhistoire de lempire perse musulman.

Nous avons visit le Bazar, le palais de Shah Abbas et les belles mosques bleues,
devant lesquelles on ne peut sempcher de penser la priode faste de la civilisation
musulmane ayant domin toute lAsie Centrale et les confins chinois.

Notre priple nous mena ensuite, bord dune voiture cabosse, Nan, bourgade
constitue de masures en pis, ne refltant aucunement la richesse enfouie dans ses
ateliers de tapis de soie rputs.

De Nan, par une piste carrossable travers une contre dsertique nous avons t
la mine de cuivre de Talmassi, 200 km lEst dIspahan.

Le site, noy dans les immenses espaces monotones, du type hamada, o des
troupeaux de chameaux paissaient paisiblement prs des carrires dexploitation de
minerai et des installations de traitement, rappelle trangement Oumjrane.

La laverie mobile SALA, tait l, implante ciel ouvert dans un dcor lunaire,
proximit des haldes danciens travaux remontant 1950.

Le minerai extrait des carrires, constitu de malachite et azurite, titrait 2 3% de


cuivre, avec prsence de cuivre natif et dargent.

Aprs la visite approfondie des lieux, sous un lger nuage de poussire ocre, et une
longue sance de discussions et dchanges de points de vue, les responsables du centre
nous avaient fourni diligemment toutes les informations sur lunit mobile (capacit de
traitement, rendements, maintenance, pices de rechange) et fait part des problmes lors
de lacheminement, de la mise en place et du dmarrage.

La laverie mobile, ncessitant des effectifs de conduite rduits et un entretien ais et


peu onreux, nous avait sembl parfaitement adapte pour Talmassi, et pourquoi pas
pour Assif Imider et les autres gisements du mme gabarit.

Les techniciens iraniens ayant eu le temps ncessaire pour la tester sur un tonnage
important de minerai reprsentatif du gisement de Talmassi, taient satisfaits des ratios
de traitement obtenus et de la qualit des concentrs produits.

Nous avons repris le chemin de Nan aprs le djeuner, et rejoint Thran par avion
de nuit partir dIspahan, aprs une dernire escapade pour visiter dautres chefs
duvre de larchitecture sfvide.

A Thran, loccasion de rencontres avec le Chef du Service Gologique Iranien et


les ingnieurs minralurgistes, nous avons not leur unanimit quant ladaptation de la
laverie mobile SALA pour les petits gisements loigns des centres de peuplement, car
facile transporter, mettre en place et conduire .

102
Dans ce contexte et dans leuphorie des prix du ptrole, lIran avait lanc un vaste
programme de diversification et de valorisation de ses ressources minires (notamment
plomb, cuivre, zinc et barytine).

Ainsi, au plan des petits gisements, lacquisition de cinq units mobiles avait t
dcide par lAutorit responsable des Mines.

Instruite de ce dveloppement spectaculaire, et pour rpondre aux demandes


pressantes des Iraniens, la socit SALA Sude avait ralis Thran, avec des
promoteurs privs iraniens, une usine de fabrication de matriel sous licence, avec
lespoir de doubler son chiffre daffaires dans les deux prochaines annes.
***
Pour notre part, outre lintrt professionnel de notre mission qui nous avait
conforts dans le choix dune unit mobile pour Assif Imider, gisement de mme ampleur
que Talmassi, nous tions heureux de dcouvrir une partie de lEmpire perse, dune
superficie de 1.645.000 km, insr entre les dpressions de la Mer Caspienne au nord et
du Golfe Persique au sud, et porte ouverte sur lEurope.

Dans son ensemble, le climat en Iran est de type continental, sec et chaud en t,
rigoureux en hiver, et surtout dans la partie au Nord.

LHistoire a prouv que lIran, malgr la ceinture des massifs montagneux qui
lenferme, a jou un rle de carrefour des civilisations et demeure un creuset o se sont
mlangs, Mongols, Turcs, Grecs, Arabes, Kurdes, Afghans, Bloutches, Tadjiks,
Turkmnes. Une vritable mosaque des peuples !

Les paysans constituaient la classe la plus nombreuse dont la vie tait centre sur
leau ; lautre extrmit de lchelle sociale, les mille familles dominaient la vie
conomique et notamment la proprit foncire.

Entre les deux, une classe moyenne (commerants du Bazar, mollahs, petits
fonctionnaires, employs de banques) faisait lopinion publique.

LIran tait une monarchie hrditaire, avec comme souverain, Mohamed Reza
Pahlavi, mont sur le trne en 1941, aprs labdication de son pre Reza Chah, et
couronn Empereur en 1967 loccasion dune grandiose crmonie Perspolis, comme
pour rappeler et magnifique lancien Empire perse.

Nous avons constat la mutation profonde en cours dans une socit gagne par le
ngoce, baignant dans les normes recettes ptrolires et ouverte aux ides modernistes
du monde occidental, et surtout anglo-saxon.

Ctait aussi lpoque de la Rvolution blanche, du boom industriel et de la


redoutable Savak (police secrte iranienne connue pour ses actions assassines).

Ostensiblement, rien nindiquait ou supposait, pour nous, visiteurs de quelques jours,


la rvolution sanglante et la profonde transformation que le rgime des mollahs et des
ayatollahs, men par Khomeny allait dclencher, cinq annes aprs.

Notre dernier jour (un samedi) Thran se droula pratiquement laroport de


Mharabad dans lattente de lembarquement pour Paris dans le vol dAir France en
provenance de Colombo, au Sri Lanka.

Malheureusement, le retard enregistr par ce vol nous avait contraints changer


ditinraire et transiter par Rome, Paris, Copenhague, avant darriver tard le soir
Stockholm o personne de SALA ne nous attendait.

103
En Sude

Ce fut pour moi mon deuxime voyage en Sude, le premier remontant 1963 avec
un passage Malm, alors que jtais encore tudiant lEcole Mohammedia.

Plus tard, je reviendrai dans ce pays attachant plus de cinquante fois.

Stockholm, ville fonde en 1250, port actif et centre industriel, stendant sur
dinnombrables les et presqules du lac Mlaren et de la Mer Baltique, est connu aussi
pour ses muses et ses Universits.

Aprs notre installation lhtel Sheraton et un petit tour de ville, nous avons
rintgr lhtel, transis de froid et bien tristes lide du lendemain dimanche.

La ville de Stockholm sera bien vide demain, je propose daller faire un tour au bord
de la Mer Baltique , me dit Rabit bien dsol de la situation et gn du peu dgards des
responsables de SALA pour un visiteur, client potentiel de surcrot.

Je lavais rassur que je ne tiendrai rigueur personne et que ctait un ala du


voyage quil faut transcender et oublier.

Ne pouvant en week end oprer le change officiel de monnaie, Rabit fouilla ses
bagages et ses poches pour retrouver quelques couronnes sudoises, nous permettant
ainsi demprunter le petit train de banlieue entre Stockholm et la Mer Baltique toute
proche, et dguster rellement pour loccasion des hots dog que les mouettes venaient
nous disputer sur les bancs.

Le lundi matin, la socit SALA envoya un reprsentant nous rcuprer lhtel


Sheraton et nous conduire ses usines 150 km de Stockholm.

Aprs un accueil anodin, mais courtois, notre visite fut centre sur les ateliers de
fabrication des quipements denrichissement par flottation, la mise au point des
mthodes de maintenance, pour se terminer la station de traitement pilote.

Pour le management de SALA, jtais un visiteur ordinaire venu sinformer sur les
quipements, sans plus.

Aprs des discussions approfondies sur les performances de lunit mobile SALA, le
rseau des ventes travers le monde et une sance de projection de films, javais fait part
mes interlocuteurs, en fin de journe, de ma dcision de signer une lettre dintention
dachat ferme.

Le lendemain, les responsables de SALA, emmens par Ronkvist, avaient dpli le


tapis rouge , suivi dgards particuliers sans commune mesure avec la rception et les
contacts de la veille.

Solennellement, nous avons labor et sign une lettre dintention marquant la


volont de SODECAT daller de lavant dans lenrichissement du minerai dAssif Imider, en
mettant en uvre une laverie mobile dune capacit journalire de traitement de 150
200 tonnes de minerai titrant 3 4% de cuivre argentifre.

Sur la base de nos informations, SALA tait confiante quant aux rsultats attendus
dans la valorisation du minerai dAssif Imider.

Nous avons convenu dune offre ferme de SALA avant fin mai 1975, programm la
signature du contrat fin juin Rabat et la livraison des quipements en t 1976,
priode de lanne correspondant la fin de lensemble des travaux souterrains et
lamnagement des services jour Assif Imider.
****

104
Aprs la Sude, javais rejoint Dsseldorf, Sekkat, Directeur de la socit de Sel
Mohammedia et Gros Lafaige, responsable des services jour de Kettara, pour laborer et
fixer avec la socit GHH les conditions de livraison dune machine dextraction et
dengins de chargement diesel pour lexploitation souterraine de sel.
***
Comme prvu, nous avons reu loffre de SALA fin mai 1975, Ronkvist tait venu
fin juin signer avec nous le contrat dachat de la laverie mobile, en prsence de Diouri,
Secrtaire Gnral du BRPM.

Les Sudois de Sala staient montrs dans nos relations des partenaires srieux,
fiables, disponibles pour intervenir efficacement dans la rsolution des problmes qui ne
leur taient pas toujours imputables.

Aussi, avais-je veill durant plus de six ans de contacts fructueux, maintenir avec
eux les meilleures relations possibles, notamment avec le premier responsable du
Dpartement Equipement, Malmgren, devenu un vritable ami et qui, avec sa femme
dorigine japonaise, nous avaient reus en famille, un soir dhiver enneig, son domicile
dans la ville de Sala.

****
Au cours de la premire quinzaine de juin 1975, rpondant une invitation dAtlas
Copco, avec Lhatoute et Chaba, nous avons entrepris une tourne dans les grandes
mines sudoises d'Orobro, Falun et Kiruna.

A Kiruna en Laponie, nous sommes arrivs minuit sous un soleil radieux, dans un
merveilleux environnement de forts et de lacs, et installs dans des chambres dhtel
aux rideaux noirs pour crer une ambiance dobscurit.

Sans pouvoir dormir, deux heures du matin, sous un soleil demi voil, nous nous
tions retrouvs tous les trois, arpentant les rues dsertes de la petite ville du Grand Nord
sudois, au-del du cercle polaire.

Notre sjour studieux en Sude, nous avait permis dapprcier les progrs accomplis
dans les domaines de la foration, du chargement, des mthodes dexploitation et de la
productivit.

Dans toutes les mines visites, les moyens utiliss avaient confirm le haut niveau
dvolution des technologies minires sudoises.

De passage la socit SALA, javais rencontr les responsables pour examiner ltat
davancement de la fabrication de la laverie mobile destine Assif Imider, les moyens de
renforcer notre coopration dans le domaine du traitement des minerais et la fourniture
dautres quipements pour les futurs projets de mise en valeur par SODECAT des petits
gisements de cuivre dans le secteur du Bougaffer.

Au cours de nos discussions, javais retenu que SALA avait fourni une laverie mobile
en Yougoslavie sur un gisement dantimoine pour mettre au point les mthodes
denrichissement sur la base dune capacit journalire de 200 tonnes.

Sur la base de ces informations, javais envisag de me rendre dans ce pays pour
conforter davantage notre choix pour Assif Imider.

En Yougoslavie
Cest ainsi quaprs lIran et la Sude, et joignant lutile lagrable au cours de mon
cong annuel, javais effectu un sjour en Yougoslavie, organis avec le concours
bienveillant de Yovanovich, expert financier, responsable de nos activits comptables,
originaire du pays du Marchal Tito.

105
Mon priple avait dmarr Belgrade, o mon arrive, je fus accueilli par Madame
Yovanovich, pouse du responsable comptable et financier de nos socits.

Dans la capitale yougoslave, au confluent du Danube et de la Save, est un centre


industriel et commercial, javais tenu une runion de travail avec les responsables de la
socit minire Zajaca, pour minformer sur les performances par la laverie mobile et les
raisons qui les avaient pousss opter pour ce type de matriel

Par la suite, seul bord dune voiture de location Renault 12, javais entrepris, un
priple de 2.500 km qui mavait conduit la mine dantimoine de Raytchevagora, situe
proximit de la ville de Brusse, en Yougoslavie centrale.

On accde la mine par une piste faiblement carrossable, traversant de splendides


zones de forts et des villages sans infrastructures de base, rappelant que la Yougoslavie
tait encore un pays peu dvelopp.

Les techniciens yougoslaves de Raytchevagora me reurent avec beaucoup de


chaleur et me firent part, comme en Iran, de leur relle satisfaction quant aux rsultats et
performances obtenus au cours de la phase dessais industriels visant la dfinition
complte puis la mise en oeuvre de la mthode denrichissement du minerai dantimoine
exploit, avec la dfinition des paramtres technologiques.

Le minerai-sous forme filonienne- est compos de sulfures et doxyds dantimoine


auxquels sont lis des sulfures secondaires de blende et de galne.

Les rserves taient estimes plus de 5 millions de tonnes titrant 2% dantimoine


et 0,4% de zinc.

Quittant Brusse, longeant le littoral de la mer Adriatique domin par les chanes
Dinariques et prcd de nombreuses les, jtais pass Pristina puis Titograd,
principale ville, centre universitaire et dindustrie de laluminium du Montngro.

Par la suite, ce fut la traverse de la presqule de Kotor avant darriver Ivangrad,


puis Dubrovnik (Raguse), centre touristique sur la cte dalmate, connue pour ses
monuments de lpoque romane et dtruite partiellement par un tremblement de terre en
1667.

Plus au nord, javais fait un dtour par Split (Spalato), centre de constructions
navales, avant de pntrer en Bosnie Herzgovine, o les villages avec leurs mosques
rappelaient que lon se trouvait dans une rpublique musulmane.

Javais pass une nuit lHtel Europe Sarajevo, ville connue pour tre le thtre
du meurtre de lArchiduc dAutriche en 1914, prlude au dclenchement de la Premire
Guerre Mondiale.

Je fus tonn par la pit de la population et garde toujours en souvenir mon entre
la mosque prs de lhtel, et linsistance du mufti me voir faire mes ablutions avant
de pntrer dans la salle de prires.

Aprs un bref passage Belgrade, javais gagn Istanbul sur le Bosphore et la mer de
Marmara pour un voyage dagrment de quelques jours.

De retour Rabat, javais repris mes activits, en tant convaincu que :

-lexploitation de petits gisements dans le cadre dune socit organise, soutenue


par la formation de jeunes quipes motives, est viable conomiquement,

-que la laverie mobile SALA, sans tre la panace universelle et la clef magique de la
mise en valeur des petits gisements parpills au Maroc, tait un choix judicieux pour
traiter les minerais dAssif Imider et des gisements du Bougaffer, condition dassurer un

106
suivi permanent des oprations de traitement et de mener une lutte sans merci contre le
gaspillage et les dpenses ostentatoires.

Lentre en production dAssif Imider


A la fin de 1975, les travaux prparatoires de lexploitation souterraine taient
termins et les essais dabattage en chambre magasin entams et poursuivis durant
plusieurs mois, sous la direction du jeune ingnieur Lalaoui.

Paralllement ladduction deau, la construction des logements, la plateforme de


lunit SALA et linstallation de la centrale lectrique et des units auxiliaires, avaient t
acheves.

Conformment au contrat, la laverie mobile SALA tait arrive en juillet 1976 au port
dAgadir et achemine avec clrit sur place, en moins de trois jours.

Le montage et les essais de performance, superviss par un technicien sudois,


avaient ncessit moins de deux semaines, et ds septembre 1976 la laverie avait
commenc produire des concentrs de cuivre de teneur leve.

Le dmarrage fut malheureusement entach par un incident majeur, ayant


occasionn le grillage du moteur de 90 KW du broyeur boulets de la laverie, par suite de
lenttement de llectricien de lexploitation vouloir le redmarrer aprs deux
dclenchements successifs.

Malgr notre responsabilit avre dans ce fcheux incident, SALA, pour marquer sa
bonne disposition, avait fourni gratuitement un nouveau moteur, en express par avion, la
laverie nayant t immobilise que durant trois jours.

A fin 1976 et dbut 1977, la scheresse persistante ayant tari les sources, nous fmes
contraints, durant deux mois, de transporter par gros camions citernes du BRPM, leau
dappoint pour la laverie partir des sguias de Taroudant 50 km.

Notre estimation prmature et errone des potentialits aquifres de la rgion fut


lun des points noirs de la conduite du projet, car malgr les dclarations optimistes des
hydrogologues, la zone dAssif Imider ne disposait pas en subsurface de ressources en
eau prennes et suffisantes.

Les priodes de pluies en hiver et les dbits relativement importants partir des
forages profonds staient traduits par des performances et des rsultats apprciables de
lunit mobile.

La rduction drastique des charges, la modicit de linvestissement, la qualit et la


bonne teneur des minerais exploits, la mise au point du traitement du minerai avec le
concours de lquipe de Tazalaght plus aguerrie et plus professionnelle, avaient permis
dattnuer et de transcender les difficults de dmarrage.

Malgr le comportement ombrageux du chef du centre, Lalaoui, froiss de subir la


prsence des responsables dune autre exploitation, le travail en synergie des
exploitations de Tazalaght et Assif Imider se rpercutera favorablement sur les rsultats
consolids de SODECAT.

Au plan minier, par suite de la mauvaise tenue des terrains entranant des
boulements dans les chambres, la mthode dexploitation souterraine en chambres
magasin fut abandonne au profit de lexploitation ciel ouvert dans les zones sud du
gisement qui se rvleront riches en minerai de cuivre argentifre facile traiter.

107
A la fin de lanne 1977, Lalaoui, sa demande, fut remplac par Hasnaoui, laurat
de lEcole Mohammedia, ancien ingnieur des mines dAouli, second par un jeune
conomiste Oulali, volontaire et disponible en permanence.

Plus tard, avec le dpart prcipit de Benabbou, chef du centre dImiter, Hasnaoui fut
appel assurer sa relve, laissant la responsabilit dAssif Imider Oulali, cadre
connaissant le mieux lexploitation, vivant les problmes quotidiens, prsent
constamment pour les affronter, second par un jeune ingnieur laveur et par des quipes
de plus en plus aguerries.
****

Tazalaght et Assif Imider resteront dans les annales du BRPM comme des petites
exploitations ayant permis lclosion dune nouvelle gnration de laveurs et de
gestionnaires de chantier, pour lesquels le travail srieux, continu et dtermin fut la
seule raison dtre.

Je tiens ici leur rendre hommage et saluer encore une fois la mmoire de
Boujema qui fut le vritable prcurseur des techniciens laveurs et le plus grand
contributeur la russite des premiers pas de SODECAT Tazalaght.

108
Une mine exceptionnelle : Imiter

La reprise de lexploitation
Le gisement argentifre dImiter, situ dans le cercle de Boumalne (province
dOuarzazate), localis sur le flanc nord du Jbel Saghro, une altitude de 1.400 1.500m,
avait fait lobjet dexploitations remontant aux 8 et 9 sicles, comme en tmoignaient
des centaines de milliers de tonnes de haldes.

Exploit de 1951 1956 pour le plomb par la Socit de lAtlas Marocain, filiale de
Penarroya, il fut vite abandonn par suite des rsultats dcevants.

Les recherches furent reprises en 1962 par le BRPM pour explorer par sondages
inclins les avals des anciennes excavations, puis cuber et chantillonner les haldes.

Ces travaux prliminaires avaient dmontr lexistence de minerai vierge en


profondeur, et valu les tonnages de haldes disponibles 600.000 tonnes titrant 300g
dargent par tonne.

En 1969, aprs de multiples tudes ayant conclu la rentabilit de lexploitation de


350.000 tonnes de haldes 365 grammes dargent/tonne, le BRPM dcida de monter le
projet par ses propres moyens.

Dans une premire phase, il passa commande des quipements de traitement par
cyanuration la socit hongroise NIKEX, et dans une deuxime phase, il entreprit par
ses propres quipes les travaux de gnie civil de lusine et des sections auxiliaires
(centrale, magasins, logements, bureaux).

Alors que nos quipes de travaux miniers, diriges par le surveillant mineur Meskine,
ralisaient le gnie civil de surface et les divers terrassements, on nous intima lordre, en
haut lieu au BRPM, de quitter le chantier aprs les congs de rcupration et de nous
replier sur les autres centres de recherche minire de Boumadine, Oumjrane et du
secteur CADET.

Au cours du premiers semestre 1970, une convention fut conclue avec le Groupe
ONA, le chargeant de poursuivre et dachever le montage du projet puis de le grer durant
cinq ans, dans le cadre dune socit anonyme, la Socit Mtallurgique dImiter (SMI),
au capital dtenu hauteur de 69% par le BRPM et 31% par le Groupe ONA.

La convention prcite devant arriver chance le 31 mai 1975, le BRPM, dans le


cadre des orientations donnes par le Gouvernement et le Conseil dAdministration de
simpliquer davantage dans lexploitation minire, dcida dexercer son droit en ne
reconduisant pas la convention, et de reprendre la gestion de la SMI compter du 1er juin
1975.

Il le fit faire savoir officiellement lONA qui cria, sans raison, la violation des
accords et latteinte lthique en matire de relations minires.

Le Directeur Gnral de lONA, Meune, loccasion dun conseil dadministration de la


SMI avait effrontment dclar ladresse des dirigeants du BRPM, (Guessous, Directeur
Gnral et Bouchta, responsable de la gologie minire) :

109
Vous voulez reprendre et assurer la gestion de SMI, eh bien allez-y, je vous
souhaite du courage , leur lanant un vritable dfi quils taient obligs de relever,
advienne que pourra.

La non reconduction de la convention fit leffet dune bombe, et certains y avaient vu


un simple rglement de comptes entre le BRPM et lONA, ou tout simplement entre le
Directeur Gnral Guessous et lONA.

La dcision du BRPM tant irrvocable et irrversible, un contact permanent, amical


et coopratif avec les quipes de lONA simposait pour assurer la relve dans le calme et
sans passion dmesure.

Malgr le pressing de Guessous, pour abrger la dure, nous lavons convaincu de


nous accorder le temps suffisant pour organiser la reprise et le transfert dfinitif, de
manire apaise pour carter le ressentiment de lONA.

Avec le concours efficace de la Division financire du Bureau, nous avons adopt un


planning de travail tal sur six mois pour nous informer sur la situation relle de la
socit et sur ses programmes court et moyen termes.

La collaboration exemplaire avec nos collgues de lONA fut concrtise par un


dplacement fin mai 1975 Imiter, en compagnie de Bouteloup, responsable des
exploitations de lONA, pour informer officiellement le personnel du transfert de lautorit
de gestion au BRPM que dsormais je reprsentais personnellement.

Au cours dune runion avec Arnodeau, directeur du centre depuis plusieurs annes,
et lensemble du personnel, et aprs une intervention introductive de Bouteloup, javais
pour ma part, insist sur la ncessit de maintenir la cohsion des quipes dans le strict
respect des engagements pris par le Groupe ONA.

Javais tenu raffirmer avec force et dtermination le souhait rel du BRPM


dexercer ses nouvelles responsabilits, sans porter atteinte aux droits acquis, et sa
dcision de dployer rapidement un programme de recherches souterraines pour
augmenter la dure de vie de lexploitation, jusqualors oriente sur le traitement des
haldes argentifres.

Assurer la marche continue des installations durant cinq ans, sans interruption et
perturbation, est une preuve de bonne gestion et dune grande expertise
professionnelle , avais-je dit pour marquer notre bonne apprciation de la gestion des
quipes de lONA Imiter.

Ensemble, avec lensemble du personnel en place, nous avons pris lengagement


solennel de nous mettre au travail avec ardeur et confiance, de maintenir et dvelopper
lesprit dquipe ayant fait la force de la SMI depuis sa cration en 1969 et le dmarrage
de lexploitation en 1970.

Une autre phase de la vie dImiter avait commenc sous de bons auspices.

Ds lors, en tant que nouveaux gestionnaires, nous avons mis un point dhonneur
relever le dfi en assumant nos responsabilits avec fermet, rigueur, quit, mais aussi
sans complaisance.

Dans un esprit de conciliation, et pour viter toutes les susceptibilits et assurer une
transition apaise, la responsabilit du centre dImiter fut confie De Saint Ours,
ingnieur la Division des Exploitation, des Participations et de la Commercialisation
(DEPC) au BRPM, dorigine franaise.

110
De Saint Ours sacquittera de sa tche avec beaucoup de comptence, de discrtion
et un sens du devoir remarquable, tout en sachant quil tait l pour assurer seulement
une transition apaise de courte dure.

Pour ma part, aprs ma nomination comme Administrateur Directeur de la SMI, en


parfaite collaboration avec De Saint Ours, javais suivi rgulirement lvolution de la
situation de Rabat et sjourn lexploitation une semaine par mois pour tre au fait des
problmes techniques, des conditions de travail du personnel.

Je tenais par ma prsence rcurrente maintenir lesprit de concorde et de confiance


ayant prsid toutes nos interventions aprs le retrait de lONA.

Ds le dpart, pour assurer une bonne gouvernance du centre, les contacts et les
relations avec lensemble du personnel furent frquents, francs, loyaux et transparents
pour btir solidement la confiance entre lensemble des intervenants.

Pour galvaniser les nergies, les engagements pris furent tenus sans rserve,
montrant les capacits du BRPM grer, organiser les affaires et rivaliser pacifiquement
avec le secteur priv dans tous les domaines.

Le dluge, annonc et attendu dsesprment par certains esprits retors et


malveillants, neut pas lieu.

Malgr les apprhensions, lanne 1975 sacheva dans le respect des prvisions
budgtaires de production de prcipit dargent arrtes par lONA, et surtout sans drive
des charges dexploitation.

Les rsultats obtenus, reconnus avec fair play par nos partenaires, furent le fruit de
la comprhension et du dvouement des quipes sur place, mais aussi de la participation
efficace des services centraux de Rabat, double de la confiance totale de la Direction
Gnrale du BRPM pour piloter lentreprise.

Dbut 1976, aprs une relve en douceur comme prvu, De Saint Ours fut rappel
comme convenu la Division des Exploitations des Participations et de la
Commercialisation Rabat, et remplac par Benabbou, ingnieur mcanicien, laurat de
lEcole Mohammedia, homme dordre et comptent, issu du secteur priv Casablanca,
qui se dmena corps et me pour justifier la relve dun expatri franais mritant et
coopratif souhait sous tous les angles.

Le relais entre les deux responsables de lexploitation stait opr dans la dignit et
lamicale considration.

De Saint Ours fut flicit publiquement par le Directeur Gnral du BRPM, Guessous
pour avoir assur une transition de gestion sans le moindre incident avec nos partenaires
du Groupe ONA.

Des recherches prometteuses


Tout en poursuivant la reprise et le traitement des haldes dont lpuisement pouvait
intervenir court terme, et pour assurer lavenir dImiter, nous avons labor avec le
staff de la Gologie du BRPM, Bouchta et Smeykal, un programme de recherches visant la
mise en vidence de rserves minires souterraines sous les travaux des Anciens.

En tant que mineur, et connaissant la perspicacit des jugements de valeur des


minents gologues, Bouchta et Smeykal, javais pris sur moi personnellement de
cautionner lensemble du programme de recherche et de lui accorder tous les moyens
financiers ncessaires

Prenant en considration les rsultats positifs des sondages BRPM des annes 1960,
et de la distribution erratique de la minralisation argentifre, ignorant la fameuse

111
thorie de Grappes affirmant le non enracinement de la minralisation au-del de la
Grande Carrire des Anciens, ce programme ambitieux visait la reconnaissance de laval
des vieux travaux dartisans dans la Grande Carrire, par un vaste programme de puits et
galeries, avec plusieurs niveaux dintervention.

Tous les produits des travaux (voles davancements en galeries, longs trous,
saignes) taient chantillonns systmatiquement et analyss avec diligence au
Laboratoire pour orienter les recherches en extension vers lOuest jug favorable pour la
continuit de la minralisation.

Ainsi, instruits des rsultats positifs des travaux de recherche ds la premire anne,
nous avons dvelopp le programme de recherche malgr le scepticisme de Meune,
Directeur Gnral de lONA.

Meune avait fustig avec force, lors dun conseil dadministration, notre enttement
vouloir rechercher de largent laval des vieux travaux, alors que des indices
prometteurs dargent natif furent dcouverts 75m laval de la Grande Carrire, aprs
le fonage du puits suivi de la reconnaissance par galeries.

Nous avions fait fi des remarques dsobligeantes de Meune en poursuivant avec plus
de dtermination, la reconnaissance du gisement en extensions Est et Ouest, 200m de
profondeur sous la Grande Carrire.

A loccasion dune autre runion du Conseil dAdministration, Meune fut surpris et


bahi en palpant une plaque dargent natif provenant de nos travaux miniers que je lui
avais prsente.

Meune ne fera plus de remarque quant lopportunit de poursuivre avec intensit


les travaux de recherche.

Avec lvolution favorable des travaux de recherche, nous avons dpass la phase de
transition avec les haldes pour pntrer dans le monde de la future mine.

Les travaux miniers furent minutieusement mens tous azimuts, lEst, lOuest, en
extension et en profondeur, et les produits de recherche systmatiquement analyss pour
orienter la recherche et fixer les objectifs.

Dans les avancements en galeries aux diffrents niveaux, des teneurs


exceptionnelles et fabuleuses, jamais connues de par le monde (10% dargent par tonne
de minerai) font dImiter un phnomne mtallognique rare o le minerai sexprime
sous forme de sulfures et sulfosels dargent, de sulfures mixtes dargent et de mercure, et
aussi damalgames dargent et de mercure natifs.

Avec la dcouverte dun nouveau minral complexe base dargent et darsenic,


dnomm Imitrite, Imiter est devenu un scandale gologique.

Dans cet environnement attractif pour certaines personnes sans scrupules, pour
lutter contre les disparitions et les subtilisations des plaques dargent natif, nous fmes
obligs dinstaurer une surveillance rapproche et un contrle svre de tous les agents
la sortie des travaux souterrains.

Des quipements appropris, analogues ceux mis en service dans les aroports,
furent utiliss pour exercer ce contrle.

Amlioration lusine de traitement


La conduite rgulire de lusine tant assure, les quipes responsabilises et mises
en confiance, nous avons orient nos rflexions vers lamlioration des performances
existantes de la section de cyanuration des minerais.

112
Cette dernire ayant continu fonctionner sans arrt et sans perturbation, des
amliorations furent apportes aux circuits des eaux mres (charges dargent) et des
eaux uses en liminant dfinitivement le phnomne dentartrage des tuyauteries.

Les campagnes dessais industriels sur du minerai frais, en collaboration troite avec
Kriaa, chef du le Dpartement Valorisation minire du BRPM Rabat, et aprs de
multiples mises au point, avaient abouti des rsultats satisfaisants quant aux diffrents
ratios de traitement, la rcupration de largent et du mercure.

Ainsi, fut introduit dans le process de production des prcipits dargent, un systme
ingnieux et simple combinant le chauffage des prcipits, la circulation des gaz et le
refroidissement travers un serpentin.

En concomitance avec la fusion des prcipits en lingots ou en grenaille, et pour


augmenter la rcupration dargent mtal, une petite unit de flottation des rejets de
cyanuration fut fabrique et installe avec le concours efficace de lquipe de SODECAT de
Tazalaght.

Dans lambiance de ces amliorations Imiter, et pour donner plus de plus value
nos produits, au niveau commercial, notre principal client suisse, INCONTRA, nous
proposa la fourniture gratuite dun four de fusion pour obtenir directement des lingots
plus de 98% dargent.

Il va sans dire que cette initiative permettait INCONTRA de disposer de produits


dmercuriss et de minimiser les problmes environnementaux en Suisse.

Dans ce cadre et pour davantage de conviction, INCONTRA organisa une visite la


fonderie de Valcambi, prs de Lugano, magnifique ville situe au bord du lac de mme
nom, au sud de la Suisse, non loin de la frontire italienne.

Ce fut pour Hassani, responsable du Dpartement vde la Commercialisation, et moi-


mme, loccasion de prendre en considration et de mieux apprhender les besoins en
produits dmercuriss de nos autres clients anglais et franais, dsireux eux aussi de
profiter de lexprience suisse.

Par ailleurs, la demande de la Direction des Mines, nous avons procd la vente
de deux tonnes dargent en grenaille aux artisans de Marrakech, Casablanca et Fs pour
tester la qualit du mtal produit localement.

Les artisans, Idrissi de Marrakech et Benmoussa de Casablanca, satisfaits de la


qualit de nos livraisons, avaient demand et obtenu la fourniture de tonnages plus
importants, des conditions de prix et de dlai raisonnables.

Mais par la suite pour des raisons fiscales lies aux exonrations des exportations de
la SMI, les ventes locales furent stoppes.

Une nouvelle mine en perspective


Au plan minier, aprs un effort de recherches soutenu de plus de deux ans,
lexistence dimportantes rserves souterraines riches en argent augurait dun avenir
radieux aprs lexploitation mnage et lpuisement total des haldes.

Au cours du premier semestre 1977, des essais dexploitation dans les zones de
puissances minralises leves furent lancs pour tester la tenue des terrains, valuer la
dilution et trouver un guide fiable pour le mineur, lui vitant la ralisation de travaux
davancement onreux.

Dans une premire phase, en attendant la reconnaissance approfondie des corps


minraliss, il fut dcid de dvelopper les essais par la mthode chambre magasin
dans les zones de 15m de puissance maximum.

113
Le grand souci, maintes fois exprimes, de voir lpuisement des haldes suivi de
larrt dfinitif de lusine de cyanuration, tait jamais rvolu.

Le dmarrage dune vritable mine tait pour bientt, et la dure de vie dImiter en
tant quexploitation minire assure pour des dcennies.

Aprs le dpart de Benabbou pour raisons strictement personnelles et familiales, et


pour confirmer la nouvelle orientation imprime notre action de mise en valeur des
rserves minires de minerai frais, Hasnaoui, ancien responsable dAssif Imider, avait
assur la relve et fut charg spcialement dengager la reconnaissance des corps
minraliss du secteur Ouest et de piloter les essais dexploitation en chambres magasins.

Imiter doit Benabbou le maintien de lesprit dquipe indispensable la prennit


dune activit de production rationnelle, continue et efficace, et la mise en place de
structures dentretien et de maintenance des installations nvralgiques, telles lusine de
traitement, la centrale lectrique, les ateliers dlectromcanique et le laboratoire
danalyses et de contrles.

Avec Benabbou, nous avons travaill et coopr ensemble, dans lamiti et lestime
rciproques, durant ses trois annes de responsabilit assures pleinement et avec
efficacit Imiter.

Avec larrive de Hasnaoui, ingnieur des mines, lactivit jusqu'alors concentre sur
la reprise des haldes en voie dpuisement, et lusine de cyanuration, stait dplace vers
les travaux souterrains, nouveau ple crateur demplois et gage davenir et de la
prennit du centre dexploitation dImiter.

Lancien personnel ONA, sans grande conviction au lancement des travaux de


recherches souterrains en 1976, y croyait fermement, au fur et mesure que les essais de
traitement du minerai frais lchelle industrielle se traduisaient par une relle
production dargent mtal sous forme de grenaille.

De son ct, le Groupe ONA avait reconnu avec fair play la qualit de notre gestion et
la pertinence de nos programmes de recherches souterraines.

Lampleur des travaux de recherche, le niveau lev des rsultats financiers dgags
et des dividendes distribus par lexploitation aux actionnaires, donna Imiter une aura
et une audience toutes particulires au sein du groupe BRPM et auprs de notre
partenaire, lONA.

Les conseils dadministration rgulirement tenus furent des opportunits pour


enregistrer des satisfcits de la part des actionnaires BRPM et ONA, nous encourageant
aller de lavant dans le dveloppement minier dImiter.

Au plan social
Un effort sans prcdent fut consenti pour amliorer le niveau des salaires, la qualit
des logements et des installations scolaires et sanitaires, et faire participer tous les
responsables des sections la gestion du centre.

Dans leuphorie de la Marche Verte de novembre 1976 pour la rcupration des


provinces sahariennes, un programme de logements avait dfinitivement rsorb les
prfabriqus et les gourbis sordides et insalubres.
La mosque et les installations scolaires et sanitaires furent agrandies et amnages,
entranant chez le personnel un sentiment gnral de satisfaction.

Ds lors, les mouvements sociaux inconsidrs eurent peu de prise, les problmes
tant rapidement examins et solutionns, dans le cadre dune concertation permanente

114
et transparente, devanant souvent les revendications et les proccupations des
reprsentants lus du personnel.

Au plan de lencadrement, de jeunes ingnieurs et techniciens, taient venus


renforcer et dynamiser les quipes en place, donnant la preuve de notre ferme
dtermination faire dImiter un ple de dveloppement minier de premier plan et un
exemple de parfaite symbiose entre le management et le personnel.

Le climat social tant serein et constamment apais.

Ds lors, le BRPM pouvait se targuer davoir repris lgalement la gestion de la SMI,


sans porter atteinte aux us et coutumes dans la profession minire.

Imiter vivant en tat de grce, reut beaucoup de visiteurs de marque comme le


Ministre de lEnergie et des Mines, Moussa Saadi, le Gouverneur de la province
dOuarzazate, Boufous, des oprateurs miniers nationaux et plusieurs dlgations
trangres de tous bords.

Tous taient venus constater de visu et sur le tas quune mine exceptionnelle tait en
train de natre grce la tnacit, au dvouement, labngation et au savoir faire de nos
quipes multiformes.

Missions lextrieur
Pour mieux coordonner les travaux miniers et les essais dexploitation la mine
dImiter et leur assurer davantage defficience, et pour renforcer la centrale lectrique
sollicite de plus en plus par le dveloppement minier souterrain, des missions furent
organises lextrieur.

Ainsi en Angleterre, Manchester, ville clbre pour son Universit et centre


industriel (mtallurgie, textiles, chimie), o aprs des discussions trs amicales avec la
socit Merless Blackstone, fournisseur de trois groupes de 360 KVa Imiter en 1970,
nous avons mis au point le contrat de livraison dun groupe lectrogne de 900 KVa et de
pices de rechange pour garantir lentretien de lensemble de la centrale lectrique.

Pour mieux apprcier limportance et la qualit des quipements et du service aprs


vente, nous avons visit les usines de fabrication de Merless Blackstone prs de
Stockport, non loin de Liverpool.

Nous avons toujours trouv auprs de nos fournisseurs anglais et de leur


reprsentant en France qui avait effectu une visite Imiter, beaucoup de comprhension
et desprit de collaboration.

La livraison dans les temps du groupe lectrogne de 900 KVa viendra point
nomm pour rpondre aux besoins croissants du centre dexploitation (jour et fond), en
attendant plus tard le raccordement au rseau national de llectricit.

En France, la mine de plomb de Saint Salvy, dans le Sud Ouest, nous avons
examin et analys une mthode dexploitation originale, mise en uvre pour les
dpilages de filons de grande puissance.
A Saint Salvy la mcanisation totale des oprations de foration, de minage et de
dblocage de la production, assurait une rcupration maximum de minerai produit.

Lexprience acquise Saint Salvy nous avait guids dans la mise au point de la
mthode dexploitation de nos chantiers souterrains Imiter.

Au Mexique, le voyage avait t entrepris sur conseil de Laren, expert sudois en


mthodes dexploitation, aprs sa visite Imiter en mai 1978.

115
En compagnie de Rabit dAtlas Copco, et aprs un transit par Tanger, Madrid et
Montral, nous sommes arrivs de nuit Mexico et installs dans un htel au centre de
limmense cit.

Le lendemain, Richard Soudah, ancien Chef du Service Forages Miniers au BRPM,


palestinien originaire de Jrusalem, devenu directeur dAtlas Copco Mexique, stait joint
nous pour la tourne des mines mexicaines prs de Guadalajara lOuest et de
Chihuahua au Nord.

Ainsi, nous avons visit successivement les mines de San Martin, Sobre del Mar, Las
Torres et Perigrina et le secteur agricole dAnganguo.

Partout, nous fmes accueillis avec chaleur par les diffrents responsables des
exploitations qui nous avaient fourni toutes les informations relatives la recherche,
lexploitation et lenrichissement des minerais.

Le Mexique est connu pour tre le premier producteur mondial dargent, devant les
Etats-Unis, le Canada et lAustralie,

Les mines mexicaines, en gnral, produisaient du cuivre, du plomb et du zinc,


largent tant un sous produit de lenrichissement par flottation diffrentielle, sous forme
de bulk envoy dans les fonderies pour mtaux de base.

Le grand intrt de nos visites se situait au niveau des mthodes dexploitation et de


la mthodologie de recherche des concentrations dargent en vue de minimiser les
travaux de recherches et les travaux prparatoires.

Dans ce domaine, nous fmes difis pour les campagnes de recherches et


prparation que nous menions Imiter.

En joignant lutile lagrable, nous avons dcouvert un beau pays attachant, qui,
dans sa partie septentrionale, rappelle trangement les rgions dOuarzazate et
Errachidia, sans les palmiers, avec le mme climat semi-aride, les montagnes dnudes et
les buttes tmoins reconnaissables dans les films western.

Le climat devient humide et forestier au sud la frontire avec le Guatemala et dans


la presque le du Yucatan.

La majeure partie de la population, dessence mtisse et indienne, se concentre dans


les zones montagneuses fertilises par les panchements volcaniques.

Le Mexique, outre les grandes ressources de son sous-sol (argent, or, cuivre, plomb,
zinc, fer, ptrole et gaz) produit du caf, coton, mas, tabac.

La mtallurgie et le textile base de coton, sont des industries de premier ordre, et


font du Mexique un grand exportateur vers les Etats-Unis.

Mexico, capitale fdrale, 2.250 m daltitude, sur le plateau de lAnahuac, fonde en


1325 par les Aztques sous le nom de Tenochtitlan, tait une mgapole tentaculaire de
plus de 15 millions dhabitants, situe dans une cuvette noye de brume et de fumes
dusines, domine par une srie de volcans dont le plus clbre est le Popocatpetl
culminant 5.452m

Dans cette ville immense, dtruite par le conquistador Corts en 1521, puis
reconstruite en damier, on passe trs rapidement des quartiers rsidentiels pour
milliardaires aux bidonvilles les plus sordides.

Le centre ville ar, avec ses larges avenues et ses vastes jardins, abrite le fameux
muse dAnthropologie aztque de renomme mondiale, la Cathdrale de la Vierge noire,
les monuments de lpoque coloniale espagnole de la priode allant du 16 au 18 sicle.

116
Nous avons fln loisir sur la grande place de lIndpendance avant daller le soir
couter les mariachis et dambuler la lagunia, grand bazar dbordant dantiquits,
o le marchandage tait vivement conseill pour nouer des relations avec les habitants.

Nous avons visit, non loin de Mexico, les pyramides de Titihuacan et replong un
instant dans lempire aztque connu pour son criture idographique et ses sacrifices
humains empreints de syncrtisme religieux.

Ici, on sacrifiait les plus beaux jeunes hommes , nous avait dit le guide au
sommet dune des pyramides, en nous montrant, sans la moindre gne, les rigoles ou
coulait le sang des victimes dun destin aussi cruel.

Le centre sud du Mexique est une zone de forts, peuples dIndiens pauvres,
domins par les minorits mtisse et espagnole, reprsentant 20% de la population.

Au Mexique, le sous-dveloppement ntait pas encore vaincu, malgr la manne


ptrolire et les normes potentialits minires, agricoles et touristiques dans les rgions
dAcapulco sur le Pacifique, Cancun sur le Golfe du Mexique et le secteur de la presqule
du Yucatan.

Au terme de notre voyage mexicain et aprs une ultime attention dAtlas Copco, nous
avons rejoint Paris par avion Concorde, en vol subsonique jusqu Washington en raison
de la position amricaine de ne pas perturber lenvironnement, et en supersonique
jusquau dessus de lIrlande.

Au Canada, deuxime producteur mondial dargent aprs le Mexique, nous sommes


alls sur conseil de Bouchta, Secrtaire Gnral du BRPM, connaisseur des minralisations
argentifres de la province de lOntario pour les avoir tudies dans le cadre dune
mission internationale.

En compagnie de Tijani, gologue charg du dossier argent au BRPM, aprs un


transit par Montral et un court sjour Ottawa pour contacter le Geological Survey,
organisateur de notre programme de visites, nous avons entrepris un long voyage
travers lOntario bord dune voiture de location.

Nous avons travers la zone minire et forestire de lOntario, en passant Lakeland,


au muse de la ville de Cobalt o taient exposes dnormes plaques dargent et de
fabuleuses ppites dor, puis aux mines souterraines de la socit Noranda, produisant
des tonnages importants de concentrs auro-argentifres.

Dans les mines visites, nous avons surtout apprci le degr de mcanisation des
oprations de production et le faible taux de dilution dans les chambres dabatage des
minerais.

Les mines de lOntario produisaient de grandes quantits dargent et dor dans les
concentrs de plomb, zinc et cuivre, rcupres dans les fonderies et raffineries de ces
mtaux de base.

Tijani eut loccasion de discuter de la gologie des minerais prcieux et des


metallotects pour mieux apprhender les rsultats dImiter en pleine expansion.

De passage Montral, logs au Hilton du boulevard Sherbrooke, nous avons


dcouvert la ville fonde en 1642 prs des Rapides Lachine, devenue une grande
mtropole industrielle, commerciale, o staient tenus lExposition Universelle en 1967
et les Jeux Olympiques en 1976.

Par ailleurs, nous avons rencontr, leur demande, les responsables de la firme SNC,
intresss par lexploitation damiante au Maroc, notamment au gisement de Bou
Ouffrokh, dans le secteur de Bouazzer.

117
En Asie

Au Japon (Nippon)
Depuis plusieurs annes, le BRPM, dans le cadre de la cartographie gologique, de la
recherche minire et du dveloppement minier, avait entretenu dexcellentes relations
avec la Japan International Cooperation Agency (JICA)

Prcdes par la venue au Maroc dun gologue mrite, Matsutoya (que javais
rencontr pour la premire fois sur le gisement de cuivre dAllous, prs dAssif Imider,
dans lAnti Atlas du Sous, en juillet 1968), plusieurs missions dexperts japonais taient
venues au Maroc pour concourir llaboration et ltablissement de cartes gologiques
et minires de grande qualit, relatives aux rgions dOuarzazate et Errachidia.

Lintrt accord plus tard par le Japon au secteur minier marocain stait traduit par
la participation effective de la Socit MITSUI au dveloppement de la mine de cuivre de
Bleda, et par linvitation rcurrente de responsables du BRPM pour un sjour au pays du
Soleil Levant.

Ainsi, pour lexercice 1979, en septembre, venant aprs la premire mission


laquelle avait pris part Lhatoute en 1978, une deuxime invitation adresse au BRPM
nous avait permis, Amraoui et moi-mme, accompagns de nos pouses, deffectuer en
Asie un voyage mmorable de dix huit jours.

118
Aprs un transit par Paris, une escale Moscou et le survol de la Sibrie, nous
sommes arrivs de nuit au nouvel aroport de Narita, accueillis par une dlgation de
JICA et conduits, aprs des formalits trs rapides, lHtel Minzu, immense btisse au
centre de Tokyo, envahi par les hommes daffaires, en chemise et cravate, ingurgitant en
groupe des pintes de whisky et profitent des occasions pour se divertir en gardant la
mme tenue.

Les chambres dhtel, minuscules, quipes de gadgets de toutes sortes, mettaient


des kimonos la disposition des clients.

Tokyo (ancienne Edo ou Yedo) capitale du Japon depuis 1868, port au fond dune
baie dans le Pacifique, grand centre industriel, administratif et commercial, nous avait
impressionns par la beaut de ses jardins paysagers, son Muse national, ses gratte-ciel
anti sismiques, ses nombreuses chemines daspiration des fumes dgages par
limportant trafic de vhicules.

Notre sjour dans la capitale nipponne nous avait montr la discipline des Japonais
tous les stades de leur vie quotidienne, lorganisation des multitudes descendant du
mtro sans la moindre ordure aprs larrt des rames, le respect du temps et des
programmes constamment observ par nos accompagnateurs habitant de longues
distances de notre lieu de rsidence.

Partout rgnent lordre et la discipline qui finissent par simposer mme au visiteur le
plus rcalcitrant.

Dans les faubourgs de Tokyo, nous avons visit des centres fabuleux de recherche et
dveloppement dans les domaines de la minralurgie, de la mtallurgie et de la protection
de lenvironnement, nouveau credo des Japonais.

Une soire au quartier chic de Guinza est fascinante.

Le palais imprial avec ses grands jardins est une splendeur.


De loin, nous avons admir le Fuji-Yama, point culminant du Japon (3.778m), volcan
teint couvert ternellement de neige, difi par les Japonais, entour dun parc naturel
dune rare beaut.

Pour lhistoire, il faut rappeler que Tokyo fut rase partiellement par les
bombardements amricains de 1942 1945.

En rade de la conurbation fut signe la capitulation des armes japonaises sur le


cuirass Missouri.

Le gnral Mac Arthur, devenu par la suite le vritable proconsul au Japon, imposa
ses dictats en rvisant la loi fondamentale qui rgissait la vie politique du pays, et en
instaurant une dmocratie loccidentale, lEmpereur Hiro Hito, demi-dieu, tant relgu
dans un statut honorifique et de respect.

Aprs Tokyo et les nombreux contacts officiels avec les organismes miniers japonais,
nous avons entrepris une tourne de plusieurs centres dintrt qui nous avait conduits
trs agrablement:

- Hachinohe, grand port de pche dans le nord de larchipel o des installations


mtallurgiques de grande tenue et des chantiers navals ultramodernes dnotaient
limportance de la pche hauturire dans la vie du Japon travers ses interventions
jusque dans les lointaines eaux territoriales marocaines, en qute des produits de la mer
diversifis et de grande valeur (crustacs, poulpes),

- dans des exploitations minires de plomb, zinc et cuivre dans la zone de Kameoka, trs
mcanises, visites en blouses blanches, sans la moindre souillure,

119
- en train grande vitesse (300 km/heure) Osaka, grand port, centre des industries
chimiques et lectroniques et des chantiers navals.

- Kyoto, ancienne capitale impriale, ville de la paix et de la tranquillit, au centre de la


principale le, Honsh, clbre par ses deux mille temples et son muse.

La ville dtruite par des tremblements de terre et des incendies, avait failli tre rase
par une bombe atomique amricaine en 1945, mais fut pargne par crainte dempcher
tout jamais toute rconciliation avec le Japon.

Nous avons admir les anciens palais impriaux, les magnifiques jardins tracs au
cordeau, le clbre quartier de Gion rput pour tre celui des geishas, avant dassister
plusieurs soires artistiques et culturelles, organises en notre honneur.

Kyoto, capitale des kimonos japonais, est considre comme le joyau culturel du
Japon et un centre de cuisine raffine (tempura, fruits de mer, hutres frites, sushi,
saumon grill et sal).

Il faut souligner qu travers notre voyage, par la densit de sa population, le Japon,


pays verdoyant, auquel ses habitants vouent un vritable culte, nous avait paru un grand
village du nord au sud.

Les rgles draconiennes de lutte antipollution, dans les usines, les villages et les
villes, avaient constitu lobjet de toutes nos discussions techniques.

Partout des petits incinrateurs permettaient dliminer les dchets ; le contraire


aurait fait du Japon une vritable poubelle en considrant le volume des rsidus mis par
les activits industrielles multiformes.

Le travail est une seconde nature du Japonais, trs srieux, poli et courtois, attach
son mode de vie, qui ne part en cong annuel que pour un maximum de deux semaines,
et jamais seul, car la socit japonaise ne connat pas lindividualisme loccidentale.

Le secret de la russite du Japon rside dans la mticulosit, le grand souci accord


au dtail, le temps et largent consacrs aux recherches et au dveloppement ; de ce fait il
nest pas tonnant que le nombre de brevets dposs annuellement atteigne des dizaines
de milliers.

Un passage dans un monument shintoste, nous avait rvl la croyance des


Japonais, leur culte de la nature et leur attachement la mthode zen base sur la
contemplation et la concentration.

Le Japon est comme une immense usine flottante important les matires premires
du monde entier et exportant des produits manufacturs de qualit indniable pour tout
le monde.

Lactivit conomique est tourne aussi bien vers lexportation que vers la
satisfaction des besoins dun march intrieur de plus de 120 millions dhabitants.

Le Japon souffre dune dpendance nergtique marque, et tout en produisant du


charbon et de lhydrolectricit dans des proportions modestes, il doit importer la totalit
de ses besoins en ptrole.

Malgr ses faibles ressources en minerais, la sidrurgie japonaise occupait le


troisime rang mondial.

La mtallurgie (constructions automobiles et navales, la chimie, le textile) est trs


dveloppe, sans pour autant relguer aux oubliettes lartisanat.

Ladmiration quon peut ressentir pour le Japon provient du fait que cet archipel de
378.000 km, disposant de peu de ressources naturelles, se classe en deuxime position

120
dans lconomie mondiale aprs les Etats-Unis, et que son PIB correspondait celui de
lAllemagne, de la Grande Bretagne et de la France runies.

Sa puissance provient de sa population trs qualifie, doue dune forte thique du


travail associ au capital, se traduisant ainsi par une stabilit tonnante du personnel des
entreprises et une haute matrise des nouvelles technologies.

Dune faon gnrale, le Japon continuera dans les prochaines dcennies tre lune
des plus grandes puissances conomiques du monde, et tout en intgrant la modernit, il
saura garder son authenticit.

En conclusion, lorganisation, la minutie et lamabilit des Japonais avaient rendu


notre sjour utile, agrable et trs enrichissant.

Il laurait t encore davantage si nos collgues marocains avaient respect les


programmes et les horaires dcids par nos htes.

Avant notre dpart de Tokyo, lAmbassadeur du Maroc, Tadlaoui, nous convia un


dner en sa rsidence, suivi le lendemain dune grande rception dadieu donne en notre
honneur par lAgence Japonaise de Coopration (JICA).

Aux Philippines,
Quittant les Amraoui Tokyo, nous avons fait une rapide vire aux Philippines, pour
apprcier lampleur des problmes de dveloppement que connaissait ce pays.
Archipel de lAsie du sud-est, form de plus de 7.000 les (les principales les sont
Luon et Mandanao) et lots dorigine gnralement volcanique, les Philippines possdent
des ressources minrales varies (or, argent, cuivre, chrome, fer) et agricoles abondantes
(riz, mas, coprah, tabac).

Le pays, o lIslam a t introduit au 15 sicle, a subi successivement les


occupations, espagnole au 16 sicle, japonaise au 17 sicle et amricaine au 19 sicle,
avant de devenir indpendant en 1946 aprs la Deuxime Guerre Mondiale.

Manille dans lle de Luon, au fond de la baie, est le principal centre industriel,
commercial et intellectuel des Philippines.

Nous sommes arrivs Manille en pleine canicule, emptrs dans nos nombreux
bagages pour lesquels il fallait payer des frais de transport et de consigne importants,
avant de rejoindre le superbe Htel Intercontinental, au centre ville, entour de
merveilleux bosquets de palmiers et de cocotiers.

Un dplacement dans les environs de Manille, nous avait fait dcouvrir la beaut des
paysages dans une ancienne rgion volcanique et lintensit de la mousson dans cette
partie de lExtrme Orient.

De retour, sur demande apitoye dun prpos de lhtel, nous avons achet pour lui
des cartouches de cigarettes dans un duty free shop tout proche.

Pour nous marquer sa reconnaissance, il nous invita assister une fte familiale en
pleine campagne, une trentaine de kilomtres de Manille.

Par crainte dennuis hors de la capitale, nous avons injustement dclin cette
invitation, et nous le regretterons vivement le lendemain.

Pour nous remercier du petit service rendu, en compagnie de sa fiance, il dposa


une norme gerbe de fleurs dans notre chambre dhtel, tout en regrettant de ne nous
avoir pas reus chez lui en famille.

A Hong Kong

121
De Manille, nous avons rejoint Hong Kong, bord dun avion de la Cathay Pacific ; le
vol fut trs agit, car pour viter le survol interdit du continent chinois, lappareil fut
oblig de piquer du nez pour atterrir laroport de Hong Kong implant en bordure de
mer

Mon pouse se souviendra toujours de ce vol mmorable, et ds lors, elle aura une
aversion permanente pour les voyages par avion.

Hong Kong, le de la baie de Canton, cde en 1842 sous contrainte la Grande


Bretagne pour un bail emphytotique, englobant un chapelet dautres les et la pninsule
continentale de Kowloon, tait surpeuple (plus de 5 millions dhabitants pour un peu
plus de 1.000 km).

Nous fmes impressionns par le rle jou dans lchiquier politico-conomique du


sud-est asiatique par cette importante place du commerce international, fortement
industrialise (textiles, lectronique), lentre de la grande Chine dsireuse de
rcuprer cette portion de son territoire avant lchance du bail.

En Thalande
De Hong Kong, nous avons rejoint Bangkok, capitale de la Thalande, et installs dans
un superbe htel (Le Lusitani).

Bangkok, port actif prs de lembouchure du fleuve Mnam, est une grande ville avec
des monuments datant du 18 sicle, connue pour tre un centre de la prostitution des
mineures et la base arrire de repos des soldats amricains aprs les oprations militaires
en Indochine (Laos, Vietnam et Cambodge).

Dans ce grand royaume du sud-est asiatique, ancien Siam, partie occidentale de la


pninsule indochinoise, on produit des bois prcieux comme le teck, du mas, du coton, du
tabac, du riz (base de lalimentation) et on pratique llevage bovin.

Lconomie repose sur la production du caoutchouc (hva), ltain et les pierres


prcieuses et semi prcieuses.

La situation politique est caractrise par une instabilit chronique, ponctue de


coups dEtat militaires ; toutefois le rgime monarchique est trs respect et le monarque
est une personne sacre.

Nous avons visit le march flottant, le sanctuaire aux quarante bouddha, les
quartiers populaires et les nombreux magasins de pierres prcieuses et dorfvrerie.

Une soire artistique et folklorique remarquable organise par lhtel, cltura notre
court sjour Bangkok.

A la rception de lhtel on mavait subtilis mon appareil photo, me dpossdant


ainsi de toutes les merveilleuses prises de vue en Thalande, me laissant un got amer de
ce merveilleux pays.

En Inde
De Bangkok, nous avons rejoint lInde par le vol dAir France, en partance sur Paris,
encombrs chaque jour davantage par nos nombreux sacs et valises de voyages bonds
de souvenirs glans au Japon, Hong Kong et Bangkok.

Delhi est compose de deux villes : New Delhi aux larges avenues et belles
constructions en grs rose o apparat la fameuse porte de lInde, et Old Delhi o lon
sent battre le pouls populaire avec ses nombreuses salles de cinma, ses rues encombres
de tricycles, de vieilles voitures et de gambardes dun autre ge.

122
Aprs notre installation au superbe htel du Taj Mahal, nous avons visit,
successivement, le Raj Ght, situ au bord du fleuve Yamuma, lieu dincinration du
Mahatma Ghandi, le Red Fort datant du 17 sicle, les monuments de type indo-
musulman des 13 et 16 sicles, la Grande Mosque et les marchs souterrains
foisonnant de victuailles, de cotonnades et de soieries des prix trs abordables.

A Delhi, on trouve de tout et tous les prix dans les nombreux bazars o loffre est
plthorique pour des produits de qualit (cashmere, soie, bijoux).

Nous avons got la cuisine vgtarienne dans le magnifique restaurant du Taj


Mahal et sirot les jus de fruits de toutes sortes.

Nous avons constat lemprise des classes dans cet immense pays continent o la
religion hindouiste est reconnue responsable de la conservation partielle des clivages
sociaux hrits de la division en castes, rendant inutilisable lun des plus grands
troupeaux bovins du monde.

Avec effroi, nous avons vu New Delhi des femmes veiller leurs maris malades, et
squelettiques, tendus sur les gazons o se dbattaient tranquillement des vaches dites
sacres.

Un dplacement en car nous avait mens Agra pour admirer le Taj Mahal, lun des
lieux les plus visits au monde (17.000 entres quotidiennes).

Le btiment allie la splendeur esthtique la noblesse des sentiments de son


btisseur, lEmpereur Moghol, Shah Jahan, en mmoire de son pouse, Mumtaz Mahal,
morte en donnant naissance leur quatorzime enfant.

Le mausole, lev au 17 sicle aprs 22 annes de travail de 20.000 ouvriers, tout


de marbre blanc incrust de pierres semi-prcieuses (nacre, turquoise, onyx, jaspe, lapis
lazuli), lune des plus belles splendeurs architecturales lgues par lempire musulman
Moghol, domine majestueusement limmense plaine crase de soleil brlant.
Aprs le Taj Mahal, nous avons t au Fort Rouge, larchitecture martiale en grs
rose, o fut enferm le Shah Jahan dpos par lun de ses fils.

A toutes les haltes dans les villages et en pleine nature au bord des routes, nous
fmes assaillis par les charmeurs de serpents exhibant des cobras, des vipres, des
singes, donnant froid au dos par leurs normes dimensions.

Sur notre route pour Delhi, en traversant la campagne indienne et aprs de multiples
arrts, nous avons constat lampleur des problmes de transport et dinfrastructures de
base (routes dfonces, utilisation forcene du btail pour les dbardages, moyens
mcaniques trs sommaires).

Le lendemain Delhi, aprs un tour au march des saris, nous avons quitt la
capitale indienne pour Djeddah, aprs un enregistrement sous le charme des nombreux
cafards laroport, alors quun cordon de police nous enjoignait de passer au contrle
sanitaire.

A La Mekke
Aprs la multitude indienne, notre voyage stait poursuivi avec une longue escale
laroport de Kowet City, sur la cte nord du Golfe Persique, capitale de lancien
protectorat britannique, devenu indpendant en 1961.

Sous une chaleur torride, il ny avait aucune possibilit de nous restaurer avant de
rejoindre Djeddah par le vol rgulier de la Kuwait Airways.

123
A Djeddah, aroport de La Mekke, sur la Mer Rouge, lpoque sige des missions
diplomatiques trangres avant leur transfert Ryad, nos passeports furent retenus par
les services de limmigration malgr lintervention du reprsentant de la Kuwait Airways
venu notre rescousse.

Ce dernier fut agress injustement et brutalement par un officiel saoudien


omnipotent et dchan.

Cela ne vous regarde pas, nous sommes en Arabie Saoudite, et de quoi vous vous
mlez. Quant vous, Marocains, vous pouvez rcuprer vos passeports au service
spcialis Madinat Al Hajjaj, avait dit avec arrogance lagresseur du jour.

Aprs avoir dpos nos nombreux bagages la consigne de laroport, nous avons
emprunt un taxi pour nous mener lhtel rserv partir de Tokyo par les soins de
lAmbassade du Maroc.
Mais malheureusement, sans passeports, et malgr la rservation, on nous refusa
brutalement laccs lhtel.

Effectivement, vous avez une rservation, mais sans passeports pas de chambre. Je
vous conseille daller Madinat Al Hajjaj, cest aussi confortable quun bon htel , nous
recommanda, non sans ironie, le responsable gyptien de la rception de lhtel.

Navement, nous lavions cru en esprant que notre calvaire prt fin, dautant plus
que Fatima sans nourriture depuis la veille Delhi, souffrait de brlures par ultra violets
depuis Agra, lors de la visite du Taj Mahal.

Aprs de coteuses navettes entre laroport et le centre ville, sans pouvoir


rcuprer nos passeports, et dsempars dans un monde sacr sans amnit, nous
fmes contraints de passer une terrible nuit Madinat Al Hajjaj, dans un dortoir tages,
surpeupl, nausabond, sentant le grsil.

Pour mettre un terme la faim qui rongeait Fatima depuis le Kowet, un couple
dAlgriens, logs la mme enseigne que nous, eut la gentillesse et la dlicatesse de lui
offrir des pommes et de leau.
Le lendemain, tt, sous une chaleur torride et humide, je fus oblig de faire la
navette pied entre le centre dtenant nos passeports et Madinat Al Hajjaj pour
menqurir chaque fois de ltat de mon pouse ravage par les ultra violets et les
affres de la faim et de la soif.

En fin daprs midi, aprs avoir sign une dcharge, nous avons pu rcuprer nos
passeports et aller illico presto La Mekke, bord dun taxi press de terminer sa
course, au grand dam de mon pouse effarouche par une conduite aussi tmraire,
rapide et effronte.

A mi-chemin entre Djeddah et La Mekke, un arrt obligatoire, nous fmes obligs de


dcliner notre appartenance religieuse avant de poursuivre notre route.

La prire vous concerne, moi je dois retourner en vitesse Djeddah , me dit le


chauffeur de taxi, en arrivant La Mekke, alors que le muezzin de la Grande Mosque (Al
Haram Charif) appelait la prire dAl Asr.

Installs, sans autre choix, dans un htel minable, mais heureusement tout proche de
la Grande Mosque, nous avons essay, avec beaucoup de peine pour Fatima, daccomplir
la Omra aprs la dernire prire dAl Icha.

Malheureusement, aprs les circumambulations la Kaba, sur le circuit de Safa et


Marwa (commmorant le souvenir de Agar, deuxime pouse dAbraham, renvoye par
ce dernier sur injonction de sa premire femme, Sarah, mre dIsaac, en qute deau pour
son fils Ismal), Fatima fut ballotte dans tous les sens, avant de se retrouver confine
dans un coin de ldifice sacr.

124
La retrouvant aprs un moment de relle panique, je dus la ramener sur mon dos
lhtel pour rcuprer ses forces, sans avoir achev le rituel de la Omra.

Tard la nuit, aprs une priode de repos rparateur, nous avons pu circuler aisment,
accomplir normalement la Omra et satisfaire quelque peu notre ferveur religieuse
mousse par tant de pripties peu agrables.

Le lendemain, nous avons rejoint Djeddah par bus, en longeant dimmenses parcs de
voitures et dengins de travaux publics de toutes sortes couverts de sable, dnotant
lpret du climat de ces contres.
Aprs des difficults et des lenteurs lenregistrement, nous faisant craindre le pire,
nous avons, avec soulagement, embarqu dans lavion dAir France sur Paris.

Dans la capitale franaise, en priode de salons, aprs la tourne dune vingtaine


dhtels, nous avons enfin trouv une chambre lHtel du Pont Neuf, non loin du clbre
quartier de Saint Germain.

Le lendemain aprs-midi, en voulant nous divertir au cinma Gaumont aux Champs


Elyses, nous fmes dans limpossibilit de suivre le droulement du film de Francis
Coppola Apocalypse Now relatant les pripties sanglantes et les horreurs de la guerre
du Vietnam, suivis des terribles consquences autant pour les GIs que pour les civils
vietnamiens, car ma femme souffrait encore le martyr des ultra violets indiens.

Aprs la courte escale Paris, et pour rpondre une invitation dAtlas Copco et de
SALA, notre priple stait poursuivi en Sude, dj sous le froid de lautomne.

Avec Malmgren de SALA, et aprs un voyage dans une mine de cuivre, exploite en
carrire non loin de la frontire norvgienne, nous avons effectu un tour dhorizon de
notre coopration en matire dengineering des laveries mobiles pour les adapter
davantage aux conditions de nos petits gisements.

Nous sommes rentrs Rabat, aprs une absence denviron un mois, satisfait davoir
accompli un priple long et passionnant, et heureux de retrouver notre fils Karim sa
onzime anne.

Nous avons dplor, malgr les prcautions et les cots prohibitifs du fret et de la
mise en consigne dans les diffrents aroports, que la majeure partie de nos articles
souvenirs achets au Japon, Philippines, Hong Kong, Thalande et Inde, avaient subi
beaucoup de dgts.

En Guine Conakry
Immdiatement aprs notre retour dAsie, javais particip, en octobre 1979, une
mission en Guine Conakry, visant raffermir et consolider la coopration avec le pays de
Skou Tour.

125
La dlgation prside par le Ministre de lEnergie et des Mines, Saadi, tait
compose de Karbid, Directeur des Mines, Bouchta, Chef de la Division de la Gologie
minire du BRPM, Lhatoute et moi-mme de la DEPC.

Nous fmes accueillis laroport de Conakry avec beaucoup dgards et installs


dans de superbes villas au bord de la lagune donnant sur le front de lOcan Atlantique,
seules installations de grand standing destines accueillir les htes de marque de la
Guine rvolutionnaire.

Notre sjour, outre les diffrents contacts officiels dans la capitale guinenne, nous
donna loccasion de visiter les mines de bauxite ciel ouvert de Fria, Sangaredi, les
installations dvacuation du minerai de Kamsar, et dapprcier lorganisation des centres
miniers de production de bauxite transforme sur place en alumine dans de grandes
usines denrichissement bien organises et bien gres.

Aprs la visite des immenses carrires dexploitation ciel ouvert, le Ministre Saadi
navait pas manqu de faire le parallle entre les gisements de bauxite en Guine et ceux
des phosphates au Maroc.

Il y a beaucoup de similitude dans la gense du phosphate marocain et la bauxite


en Guine , avait affirm le Ministre Saadi.

Effectivement, comme au Maroc pour les phosphates, les rserves de bauxite en


Guine, estimes 25 milliards de tonnes, sont les plus importantes du monde, et pour
les exploiter, de grands moyens de production et de transport (engins de foration,
draglines, camions de grande capacit) taient mis en oeuvre sur les sites.

A Conakry, revenant par hlicoptre prsidentiel de la visite de Fria, sans nous tre
dbarbouills, nous fmes invits djeuner au Palais prsidentiel.

Skou Tour, tout de blanc vtu, nous reut avec beaucoup de chaleur.

Vous tes chez vous dans ce pays qui admire le vtre , nous dit-il.

Plusieurs ministres guinens, dont Ismal Toure, frre de Skou Tour et Ministre de
lEnergie et des Mines, et une femme distingue, assistaient ce djeuner impromptu.

Autour dune table toute simple, avec des couverts en arcopale, presque rouills, le
Ministre Saadi tait la droite du Prsident et moi sa gauche, dans ma tenue blanche
tache de graisse de la visite de la mine de Sangaredi.

Jespre que votre venue nous aidera surmonter les difficults passagres de
notre secteur minier. Nous comptons sur votre grande exprience dans les phosphates et
sur votre expertise sculaire en matire de mines mtalliques. Revenez en Guine nous
aider, vous tes chez vous, dans votre deuxime patrie avait clam le Prsident Skou
Tour.

Le Ministre Saadi avait rpondu au Prsident en affirmant la dtermination du Maroc


intervenir dans le dveloppement et la promotion du secteur minier en Guine, et dans
la formation des cadres guinens dans nos coles dingnieurs et les diffrents instituts
professionnels en mettant disposition des bourses dtudes.
Ce nest pas un djeuner comme chez Sa Majest Rabat. Ici la nourriture est trs
simple, base de manioc et de riz. Jespre que vous lapprcierez , avait poursuivi le
Prsident.

Durant le repas, Skou Tour avait tenu marquer son admiration pour le Maroc et
son roi et dfendre la marocanit du Sahara occidental.

Le Maroc est chez lui, mais il doit se dfendre pour y rester, et nous sommes avec
vous avait martel le Prsident, dfenseur acharn de notre cause nationale.

126
En le quittant la fin du repas, et sortant le dernier, il mavait retenu pour moffrir
quelques unes de ses uvres ddicaces.

Jeune homme, ne les jetez pas et ne les oubliez pas dans un coin perdu, profitez-
en , me conseilla le Prsident.

Homme sobre, toujours habill de blanc, tribun sans pareil, Skou Tour habitait,
sans ostentation, dans lancienne rsidence aux tuiles rouges du Haut Commissaire de
France en Afrique Occidentale, tout prs des embarquements de bauxite au port de
Conakry, dans un vritable environnement spartiate, couvert dune fine pellicule de
poussire blanche dalumine.

Au dernier jour de notre visite officielle, aprs la signature du procs verbal des
runions avec nos partenaires guinens, une grande rception fut donne en notre
honneur, suivie dune soire folklorique au Thtre National construit par les Chinois, non
loin de la Grande Mosque finance par lArabie Saoudite.

Aprs le dpart du Ministre Saadi et des autres membres de la Dlgation, nous


fmes chargs, Karbid, Directeur des Mines et moi-mme, de rester Conakry en vue de
poursuivre les contacts avec nos collgues guinens et dapprofondir lexamen de toutes
les possibilits de coopration dans les domaines des mines, de la gologie et de la
formation des cadres guinens au Maroc.

Toujours installs dans une villa en bordure de la lagune, tous les matins, nous tions
tenus de prendre la nivaquine pour nous prmunir du paludisme endmique dans toute la
zone de lAfrique de lOuest.

Durant la deuxime phase de notre sjour, nous avons pu apprcier ltat de


dveloppement rel du pays en visitant dautres centres miniers, notamment Kindia o
des investissements importants taient engags pour lextension de la production de
bauxite et dalumine, avec la collaboration des pays du bloc de lEst.

Une tude prliminaire avait t ralise pour poursuivre le cycle de transformation


de lalumine en aluminium dans une fonderie, ncessitant beaucoup dlectricit
provenant des barrages programms sur le fleuve Niger et ses nombreux affluents.

Au cours des discussions, nous avons retenu quaprs le non de Skou Tour au
Gnral De Gaulle en 1958 pour faire partie de la Communaut franco-africaine, les
Franais, pour punir la Guine, lenfant terrible de lAfrique franaise , staient retirs
prcipitamment.

La Guine, rcalcitrante et fire, fut laisse exsangue et livre elle-mme, sans


administration organise et comptente.

Mme les billets de banque CFA et les rserves en devises furent rapatris en
catimini, Dakar, sur ordre du hautcommissaire, Messmer tout en laissant samorcer des
tentatives de dstabilisation du pays, orchestres par des groupuscules pro franais.

Les relations franco-guinennes resteront longtemps dgrades jusqu la


normalisation en 1975.

Le recours aux Israliens pour dvelopper lagriculture stait sold par un grand
fiasco, aprs labandon de plusieurs projets de bananeraies et de fermes modles de
production dananas.

La venue des Sovitiques, aubaine pour ces derniers pour sinstaller dans un des
bastions de lAfrique francophone, navait pas non plus amlior la situation.

127
Bien au contraire, les Sovitiques, semble-t-il, auraient pill les richesses minires du
pays (or, diamants) et livr du matriel industriel obsolte et non adapt pour les grandes
exploitations de bauxite.

Effectivement, nous avons observ, laroport de Conakry et lexploitation de


bauxite de Kindia, dimmenses dpts de ferrailles rouillant au soleil.

Au plan militaire, des lots de matriel quipant les divisions sovitiques oprant en
Sibrie (chasse neige, chars amphibies) avaient t livrs ce pays tropical o la
temprature ne descend jamais en dessous de 20.

Egalement, nous avons remarqu, aux abords de laroport, dimmenses quantits de


matriel militaire ronges par la rouille et lhumidit.

Aprs une semaine de contacts et de visites de travail, nous avons quitt Conakry par
le vol de Sabena sur Dakar, aprs une autorisation spciale de la Prsidence de la
Rpublique, la compagnie belge nayant pas le degr de libert appropri pour embarquer
des passagers lescale de la capitale guinenne.

Nous sommes partis de Conakry, avec un immense regret de constater que la Guine
aux potentialits agricoles, hydrolectriques et minires immenses, restait la trane
cause dune gestion chaotique de lconomie du pays soumis au rgime implacable du
parti unique.

De Dakar, Karbid avait poursuivi son voyage sur Paris.

Pour ma part, javais sjourn dans la mtropole de lAfrique de lOuest durant deux
jours, dcouvrant une grande ville, capitale du Sngal, port sur lAtlantique et escale
arienne pour les autres pays africains et lAmrique du Sud.

La France, trs prsente dans tous les rouages de la vie conomique, y avait conserv
une base militaire.

A Dakar, le centre commercial est une vritable mdina, anime par de nombreux
commerants marocains la rue Mohammed V.

Je mtais rendu en bateau lle de Gore, au large de Dakar, ancien comptoir


franais, clbre par son pnitencier et ses batteries ctires datant de la Seconde Guerre
Mondiale, et lieu de dpart des esclaves vers la lointaine Amrique.

Javais regagn le pays aprs une courte escale Nouakchott en Mauritanie.

Un mlomane, Directeur Gnral du BRPM


Le dernier trimestre de 1979 enregistra des vnements significatifs majeurs pour le
BRPM, alors quun important colloque sur les schistes bitumeux se droulait lhtel
Hilton Rabat, en prsence dexperts internationaux.

128
Guessous, en dsaccord avec le Ministre Saadi sur la politique de valorisation des
schistes bitumeux, fut brutalement remplac la Direction du BRPM par Chahid,
Administrateur Dlgu des Charbonnages,

Diouri, Secrtaire Gnral du BRPM, en voyage aux Etats-Unis dans le cadre de la


recherche des hydrocarbures, fut cart et remplac par Bouchta, responsable de la
Division de la Gologie minire,

Guessous est un grand technicien, dou et dot dune trs vive intelligence, qui avait
fait ses preuves sur les chantiers, dans les mines, et qui avait su redorer le blason du
BRPM auprs des partenaires extrieurs.

Chahid est homme imprgn dart, de musique, mlomane ses heures, excellent
communicateur, dot dune fibre sociale ayant toujours fait dfaut aux prcdents
managers du Bureau, mais peu vers sur la chose technique et la gestion rigoureuse et
tatillonne des affaires,

Diouri, un des premiers gologues du Royaume, est un homme dbonnaire, tout en


malice et entourloupettes, des fois jovial et spirituel.

Bouchta est certainement le meilleur gologue du pays, matriellement


dsintress, esprit cartsien et critique n, form la dure cole de la gologie de
rflexion et non damateurisme, et surtout connu pour tre trs humain, adul par ses
proches de lensemble de ses collaborateurs.

Jeus le plaisir de collaborer avec lui dans lamiti et la considration dun vritable
artiste de la gologie, caractristique rare dans notre pays

Dans ce grand mouvement, le BRPM, au plan technique, perdra en efficacit et en


rigueur dans la conduite de ses activits.

En retour, il gagnera en ralisations sociales, domaine o il avait accumul durant


des dcennies un norme retard, contrastant avec les avances des autres grands Offices
de lEtat.

Au plan minier, avec Chahid aux commandes, la construction des projets de Zgounder
(argent), Sidi Lahcen (plomb), Tiouit (or) et Asfalou, Akka NOulili et Tizi Moudou (cuivre)
stait poursuivie dans le cadre des accords et conventions avec lArab Company, et de la
cession des domaines miniers SODECAT.

Paralllement, la mise en place des structures de gestion et dencadrement des


socits filiales tait assure au fur et mesure de lvolution des projets.

Une nouvelle structure de gestion au sige Rabat


En mai 1980, aprs le dpart d'Amraoui du BRPM pour la Direction de lIndustrie au
Ministre du Commerce et de lIndustrie, alors que jtais en mission en Sude, Chahid
procda la rorganisation de la Division des Exploitations, des Participations et de la
Commercialisation.

Ainsi furent cres deux divisions : la Division des Participations et de la


Commercialisation (DPC) confie Lhatoute, et la Division des Etudes et des Exploitations
(DEE) place sous mon autorit.

En regroupant lensemble des exploitations au sein de la DEE, lobjectif primordial du


nouveau boss du BRPM tait dassurer un travail en synergie pour optimiser et
rationaliser les moyens et les ressources, et lmergence dun esprit dquipe anim par la
foi en lavenir prometteur de la mine marocaine sous limpulsion redouble du Groupe
BRPM.

129
Dans ce contexte, javais bnfici, sans quivoque, de lappui et de la confiance
totale de Chahid, lui-mme acquis une plus large responsabilisation des cadres, au
travail de groupe et une approche de proximit des problmes sociaux dans les
diffrentes exploitations ; ce qui avait t toujours ma conviction profonde.

Au sein de la DEE furent crs le Dpartement des Etudes charg du suivi des projets,
confi Maghraoui venant de SOMIMA, le Dpartement de la Valorisation Minire charg
des projets de fonderies de plomb et cuivre, confi Haddadi, et le Dpartement des
Exploitations plac sous ma responsabilit directe.

Dans un esprit dquipe remarquable, inconnu jusqualors au BRPM, les changes et


la collaboration inter exploitations staient dvelopps, stimuls par la disponibilit
permanente des responsables enfin dlivrs de leur isolement.

Les runions priodiques Rabat avec les cadres, les dplacements frquents dans
les mines et le suivi sans relche de la construction des projets, avaient ciment les liens
au sein de la DEE Rabat, et entre les directeurs des centres, les ingnieurs et les
personnels des exploitations.

A Rabat, une quipe de gestionnaires, dirige avec maestria et comptence par


Yovanovich dorigine yougoslave, ancien responsable financier la SEPYK (Kettara),
second admirablement par Mhamdi, Manchouf et Hanimi, fut mise contribution pour
moderniser nos quipements, les adapter lvolution des techniques comptables et
informatiques, suivre ladministration du personnel, les prix de revient, la gestion des
stocks et la commercialisation de nos productions dargent, cuivre, plomb et zinc, et
tablir les tableaux de bord examins rgulirement.

Cette nouvelle mthode de travail nous avait permis de suivre rgulirement


lvolution de nos activits dans les exploitations et les chantiers des projets, dinformer
la Direction Gnrale du Bureau sur nos succs et nos avatars, et de susciter si de besoin,
les correctifs ncessaires.

Lquipe de gestion fut appele effectuer des visites frquentes sur les chantiers
et dans les exploitations pour apprcier la situation sur le tas, vitant des
incomprhensions redoutables avec le personnel de production.

On ne pouvait plus accepter une ignorance des tches dvolues aux gestionnaires du
sige Rabat et aux quipes des exploitations et des chantiers.

Par ailleurs, dans le cadre de la grande famille de la DEE, une action de trs grande
porte fut initie et engage rsolument pour intgrer llment fminin dans notre staff
de gestion de Rabat.

Personnellement, je considre que la femme niveau de formation gal, est plus


motive, plus intuitive, plus pragmatique, mieux organise et plus engage que lhomme,
car faisant ses preuves dans le mtier en allant la passion des faits, cherchant toujours
comprendre et ne rechignant pas suivre un dossier, au point den devenir agaante
pour certains misogynes.

En misant dabord sur leur comptence et leur professionnalisme, les femmes cadres
ne perdent pas leur temps dans les discours et les interrogations, car elles veulent tre
dans le concret face la complexit des problmes.

Ainsi, sagissant dune simple volont de ma part, javais fait appel Tamou Idrissi,
Rkia Ghanimi et Mme Achour qui, en suivant de prs la gestion des ressources humaines,
des stocks et des inventaires comptables, staient rvles efficaces et performantes en
accomplissant leur travail avec panache.

130
Vous avez couru des risques, cest une premire aux Exploitations , mavait dit
quelquun oppos mon initiative.

Certains rcalcitrants, qui ne voulaient pas admettre de se mettre sous lautorit de


la gent fminine, furent pris, instamment et sans regret, de quitter la DEE, en laissant la
place ceux qui voulaient prendre le mme train que nous.

Beaucoup de responsables oubliaient que la donne tait en train de changer, malgr


quil reste un long chemin parcourir avant dinculquer dfinitivement notre socit que
la femme a une place importante occuper dans notre quotidien, toute aussi cruciale que
celle de lhomme.

Personnellement jtais dcid lutter contre cet ancrage sculaire et atavique qui
considrait que la femme est infrieure lhomme.

Je pense aujourdhui avoir ouvert la voie sur laquelle beaucoup de responsables du


BRPM avaient fini par sengager rsolument, et avec conviction profonde.

Dans les Exploitations


Dans cette nouvelle ambiance, lactivit dans les exploitations avait suivi des
chemins divers et varis.

Ainsi Ouansimi, notre action fut assombrie par un conflit social inconsquent,
avec occupation illgale des travaux souterrains et des revendications incongrues, alors
que la socit traversait une priode difficile.

En adoptant une position ferme et rsolue, nous avons mis fin ce mouvement
irrdentiste en licenciant les meneurs aprs lvacuation muscle des lieux par les forces
auxiliaires envoyes sur les lieux par le Gouverneur de Tiznit.

Un nouveau responsable, Lazaar, laurat de lEcole des Mines de Paris, jeune et


dynamique, fut dsign pour remettre de lordre lexploitation.

A Talat NOuamane, malgr la construction de la ligne Haute Tension et la mise en


place des stations de compression, le projet fut mis en veilleuse en attendant une
conjoncture plus favorable des cours du cuivre.

A Tiouit (or) et Asfalou (cuivre), les quipes de SODECAT avaient amorc les
ossatures minires, fond et carrires, amnag et construit les plateformes des laveries
mobiles, des ateliers, des magasins et des laboratoires de contrle.

Pour Tiouit, la construction de nouveaux logements pour le personnel et la ralisation


de ladduction deau partir de lOued Dads prs de Boumalne, avec relais de pompage
chaque importante dnivele, furent confies des entrepreneurs issus de la rgion.

Il faut rappeler quaprs la signature Paris des contrats portant sur la livraison de
deux laveries mobiles, les Sudois de SALA, comme leur habitude, fourniront dans les
temps impartis les quipements commands pour les gisements de Tiouit, dAsfalou et
Tizi Moudou, et maintiendront encore longtemps leurs excellentes relations avec le
Groupe BRPM.

Le matriel sudois permettra ainsi de reprendre Tiouit la valorisation dun


gisement de cuivre aurifre dcouvert en 1947 par la socit COMANSOUR qui avait
install en 1950 une usine pilote de 25-30 tonnes/jour pour produire 10 kg dor et 50 kg
dargent par mois.

131
Suspendue en 1956, la production reprendra en 1959 dans le cadre de la socit
canadienne WESTFIELD qui avait extrait 38.000 tonnes de minerai 18 g dor et 134 g
dargent/ tonne durant la priode 1960-1963.

Au total, lexploitation antrieure 1964 avait permis lextraction de 107.000 tonnes


de minerai 15 g dor et 119 g dargent / tonne.

En 1964, la mine avait t ferme par suite de difficults financires, le domaine


revenant au BRPM.

A Asfalou, la minralisation base de chalcopyrite associe la malachite et


lazurite dans les zones de cmentation et doxydation tait supporte par des rserves
estimes 108.000 tonnes 1,63% de cuivre et 206 g dargent par tonne.

A Tizi Moudou qui devra entrer en production lpuisement des rserves dAsfalou,
la minralisation compose de chalcosine, bornite, malachite, azurite et argent
natif concernait des rserves exploitables estimes 90.000 tonnes 3% de cuivre et
210g dargent par tonne.

Les activits de SODECAT sur ces trois centres miniers viendront ractiver la zone du
Bougaffer connue pour ses potentialits en cuivre aurifre et argentifre.

A Zgounder, notre action avait permis de relancer ltude de la mise en valeur de ce


gisement dargent situ dans le massif du Siroua, 2.000m daltitude, exploit dj aux
onzime et treizime sicles, et considr aprs Imiter comme lun des plus grands
centres de production dargent dAfrique du Nord.

On peut encore observer sur les pentes montagneuses de nombreuses excavations et


des haldes provenant des vieux travaux de dpilage.

Lactivit de recherche et de dveloppement y fut reprise par la Socit Minire de


lAtlas Marocain (SMAM) de 1950 1955, et sporadiquement par le BRPM et la SACEM
(IMINI) de 1956 1970.

Devant les rsultats peu encourageants et le faible niveau du cours de largent, les
diffrents intervenants furent amens abandonner le gisement, le domaine minier
revenant au BRPM.

A Zgounder la dcouverte de la premire plaque dargent (offerte en 1968 par le


Directeur Gnral du BRPM, Chefchaouni au muse du Palais Royal de Rabat) avait
soulev tant dinterrogations sur lampleur et lenracinement du gisement.

En 1975, laune de la connaissance gologique approfondie dImiter, le BRPM, seul,


reprit les recherches par forages et travaux miniers qui se rvlrent dignes dintrt pour
lancer les tudes technico-conomiques.

Dans le cadre dune augmentation de capital, suite lextension des activits de la


Socit Minire de Sidi Lahcen (SOMIL), associant le Bureau lArab Mining Company
(ARMICO), le domaine minier sera apport par le BRPM, inaugurant ainsi la remise en
exploitation du gisement sur la base de rserves globales de 400.000 tonnes 550 g
dargent par tonne.

Le procd de traitement retenu tait la cyanuration suivie de prcipitation et fusion


dans un four arc pour produire de largent mtal 99%.

Le choix prliminaire des quipements denrichissement se porta sur du matriel


hongrois de la Socit Nikex, connu pour avoir donn des rsultats satisfaisants dans le
traitement des haldes argentifres dImiter.

132
A notre demande, des reprsentants de Nikex, conduits par le Dr Dregelyi, financier
et homme de grande culture, assists du Conseiller commercial de lAmbassade de
Hongrie Rabat, Sasz, taient venus nous briefer sur la nouvelle gnration des
quipements mis au point par leur socit et considrs comme plus performants que
ceux livrs Imiter en 1970.

Par la suite, une dlgation de techniciens de Nikex tait venue au Maroc pour
approfondir les conditions de coopration avant de nous inviter en Hongrie pour visiter
les usines de fabrication de matriels et finaliser, Budapest, les termes dun contrat de
fourniture, de montage et dessais de performance des quipements.

Ainsi, en dcembre 1980, pour concrtiser nos diffrents contacts et fixer les
chances, un dplacement, en compagnie de Kriaa, Chef du Service de la Valorisation
Minire du BRPM, fut effectu en Hongrie o, durant plus dune semaine, nous avons vcu
une priode de froid intense (-22), de gel du Danube et de chutes de neige
exceptionnelles en Europe centrale.

Aprs dpres discussions avec nos partenaires hongrois, nous avons mis au point le
contrat de fourniture des quipements de la future usine de cyanuration, avant daller
visiter une mine polymtallique (plomb et zinc) et une grande exploitation ciel ouvert
de lignite, une centaine de kilomtres de Budapest, non loin de la frontire
tchcoslovaque (la Tchquie et la Slovaquie tant encore unies).
****
Je reviendrai, plus tard, au pays des Magyars, loccasion dun voyage familial qui
nous avait conduits dabord aux Etats-Unis, Canada, Sude, Tchcoslovaquie.

Chaperonns par Dr Dregelyi ds notre arrive, nous emes loccasion de dcouvrir le


pays de plaines lest du Danube, les collines de la Transdanubie, le lac Balaton avec ses
nombreuses stations estivales sur les deux rives, et enfin Budapest forme par la runion
de Buda (Ville haute) sur la rive droite et Pest (Ville basse) sur la rive gauche du Danube.

Dune faon gnrale, la Hongrie tait un pays agricole o la rforme agraire et la


collectivisation acclre par la cration de coopratives dynamiques, avaient favoris la
culture des olagineux (tournesol, colza), du bl, du mas, du coton, de la betterave
sucre, ct de grands vignobles et dlevages bovin et porcin.

Dpourvue de ressources nergtiques (en dehors du lignite), rpute pour ses


produits chimiques et ses textiles, la Hongrie dispose dimportantes rserves de bauxite
et avait dvelopp une importante sidrurgie, base de fer import, qui alimente des
industries de transformation mtallurgiques.

La Hongrie, rpublique populaire depuis 1946, avait connu de terribles soubresauts


en 1953-1955, durant la priode de dstalinisation avec Imre Nagy.

Linsurrection hongroise fut noye dans le sang par les troupes sovitiques en
novembre 1956, suivie aprs par une politique librale lintrieur et douverture vers
lextrieur, anime par Janos Kadar, premier secrtaire du parti communiste, de plus en
plus dtach du centralisme de Moscou.

Avant lclatement du bloc socialiste, la Hongrie tait considre comme la


rpublique populaire la plus avance et la plus dynamique.

De passage Paris, aprs la mission en Hongrie, nous avons retrouv les


reprsentants de SALA pour signer le contrat relatif aux laveries mobiles destines aux
nouvelles exploitations de Tiouit, Asfalou et Tizi Moudou, dans le Bougaffer, lanant ainsi
les bases de plusieurs projets miniers du Groupe BRPM, renforant et prennisant nos
excellentes relations avec les Sudois.

133
Au retour et sans attendre, les travaux de gnie civil furent dmarrs paralllement
aux prparatoires souterrains, ladduction deau, aux installations sociales et
industrielles, et la construction des logements.

Un chef de projet Zgounder, Aoulay, ancien responsable des services jour la mine
de Kettara, fut recrut et install sur les lieux.

A Sidi Lahcen, la prparation de la mine et du carreau fut poursuivie avec le


concours des quipes des centres miniers de Kettara et dAouli, suivie de lacheminement
sur les lieux des anciens quipements de la laverie de Draa Sfar en complment des
matriels dappoint neufs de lusine de traitement.

La construction de la cit minire et lamnagement de la voie daccs goudronne de


19 km partir de la route Debdou-Mrija furent achevs dans les dlais impartis
lEntreprise Boutayeb de Taourirt.

A Aouli et Mibladen, lexploitation des chantiers riches avait continu. Mais le plus
urgent tait la restructuration de la socit, lvaluation des rserves exploitables et des
stocks magasin parpills travers le vaste domaine minier.

Les usines de traitement dans les deux centres ne dgageaient que de maigres
rsultats en priode de rcession des cours du plomb, suivis dune situation sociale
instable en raison des agissements du personnel, connu de longue date pour tre peu
disciplin et souvent frondeur.
***
Dans cette situation aux diffrentes exploitations, malgr de nombreuses petites
tches grises, ce fut une vritable priode de grce et de satisfaction profonde, tant la
machine tait bien huile et les mcanismes rpondaient de faon harmonieuse, au grand
dam de nos dtracteurs.

****
A la fin du premier trimestre 1981, un voyage, avec Lhatoute, nous avait conduits
Amman pour participer aux conseils dadministration des filiales communes avec ARMICO
(Zgounder et Sidi Lahcen) et au Congrs Minier Arabe.

Au terme des travaux du Congrs, nous avons visit les centres de production de
phosphate de Hassa et le chantier des travaux de construction du projet de Potasse de la
Mer Morte pilot par ARMICO, actionnaire majoritaire.

Aprs Amman, en transitant par Athnes et aprs des vols perturbs par le mauvais
temps, javais rejoint lquipe de la Division des Etudes et des Exploitations (DEE)
Budapest pour une actualisation du contrat avec la socit NIKEX.

Une visite royale tant attendue


Au retour des missions au Moyen Orient et en Hongrie, on nous annona la visite du
Roi Hassan II Imiter dans le cadre de sa tourne dans les provinces dOuarzazate et
Errachidia.

Ce furent un grand honneur et une norme responsabilit pour le Groupe BRPM, et


particulirement pour la SMI, de participer lorganisation de cette visite et de recevoir
dignement le Souverain la mine.

Ce fut loccasion pour lexploitation de faire peau neuve et de prendre un visage de


vraie fte locale, sans perturber les activits traditionnelles de lusine de traitement et de
recherche minire aux diffrents niveaux dans les puits.

Voulant faire de ce grand vnement la relle conscration des efforts du BRPM dans
le monde rural, et particulirement dans la province dOuarzazate, nous avons consacr

134
plus de deux mois aux prparatifs, en relation avec le Ministre de lEnergie et des Mines,
les autorits provinciales et locales, et les services du Protocole Royal et de la
Chancellerie.

Personnellement, je fus pied duvre Imiter pour une longue priode,


supervisant jour et nuit lensemble des oprations, mettant contribution toutes les
exploitations de la DEE, chacune charge de suivre un volet prcis de lorganisation.

Un remue-mnage effrn avait envahi Imiter, les quipes saffairant pour amnager
la piste daccs, tracer le circuit de visite de la Grande Carrire et des installations de
traitement, dresser les tentes sur les promontoires dominant la valle, mettre en place
les schmas explicatifs des activits du centre dexploitation et ses projets de recherche
et de dveloppement.

Me trouvant un matin lusine de traitement, on me demanda par radio de descendre


de toute urgence Tinerhir tlphoner mon ami et Secrtaire Gnral du BRPM, Rabah
Bouchta.

Rellement, japprhendais, comme en 1965, un vnement incertain et important


qui pourrait engager mon avenir au BRPM.

Bouchta mannona, avec gentillesse et la dlicatesse qui le caractrise, la dcision


du Ministre Saadi, de me proposer, en haut lieu, au poste de Directeur des Mines dans le
cadre de la nouvelle restructuration du son Dpartement, savoir le Ministre de
lEnergie et des Mines.

Tout de go, pris de cours, javais dclin cette proposition en notifiant ma prfrence
pour la poursuite de la ralisation des diffrents projets miniers du BRPM lancs par la
Division des Etudes et des Exploitations (DEE).

Le Directeur de lEnergie, Esseddiqui et le Directeur Gnral du BRPM, Chahid,


taient revenus successivement la charge, sans me convaincre, car rellement je ne
voulais pas quitter le Groupe BRPM qui mavait tant donn, et auquel jtais rest attach,
sans discontinuit, depuis 1964.

Par ailleurs, lampleur et lintrt du travail Imiter me subjuguaient, car nous tions
lore dune dcouverte majeure et de la mise en production de la mise en production
dune mine dargent hors du commun.

En fin de matine, le Gouverneur dOuarzazate, Boufous, me fit part de ma


convocation au Palais Royal de Marrakech pour le lendemain, me demandant de prendre
mes dispositions pour y tre dans les temps.

Ctait un oukase ne pas discuter ; il fallait partir sans obtemprer.

Un sentiment damertume mavait envahi, et avec regret javais quitt


subrepticement Imiter dans laprs midi, aprs avoir inform de mon dpart le
responsable de lexploitation, Hasnaoui, sans lui en donner les raisons, le chargeant de
poursuivre normalement les prparatifs de la visite royale.

Jtais pass voir le gouverneur Ouarzazate et rcuprer une tenue traditionnelle


avant de regagner Marrakech, trs tard la nuit.

Le lendemain matin, aprs acquisition par prcaution, dune tenue habille et


caractre officiel dans un magasin chic de Marrakech, javais rejoint le Ministre Saadi et
mes amis du Ministre et du BRPM lHtel Badia, htel connu pour abriter les ministres
loccasion de leur sjour dans la ville ocre.

135
Aprs une longue attente dans lincertitude des vnements, on nous annona que
seul le nouveau Directeur Gnral de lONAREP, Douieb, allait tre reu par le Roi, la
nomination des autres hauts fonctionnaires tant diffre plus tard.

Ce fut une vritable douche froide pour nous, et pourquoi cet ostracisme ?

Le Ministre Saadi, lui-mme, tait dsempar et voyait probablement ses projets de


restructuration de son Dpartement compromis pour longtemps.

Dans cette situation frisant le cocasse, en groupe avec le Ministre, aprs un djeuner
rapide, nous avons rejoint Rabat, dcontenancs, penauds et dus, ne sachant comment
expliquer nos collaborateurs respectifs ce revirement inattendu de dernire minute, ou
ce diffr dans les nominations.

A Rabat, il fallait grer la situation comme on pouvait, sans trop sattarder sur les
raisons de la dcision royale, alors que les supputations battaient leur plein sur
lopportunit de la restructuration du Ministre de lEnergie et des Mines.

Ce nest que partie remise , avait clam le Ministre Saadi, toujours calme,
flegmatique et rflchi pour la circonstance.

Durant mon sjour Rabat, javais rexamin le programme de la DEE, en matire


dtudes des projets de fonderies de plomb et de cuivre avec le responsable du
Dpartement, Haddadi, la lumires des nouvelles donnes sur les cours de fusion du
plomb et du cuivre.

Quelques jours aprs, la visite royale tait confirme par le Ministre Saadi,
mobligeant repartir illico presto Imiter pour activer les prparatifs de lvnement
exceptionnel.

Comme auparavant, de nouveau nous avions travaill dans la fbrilit en


permanence, en essayant de ne ngliger aucun aspect des prparatifs.

La maison dhtes fut totalement ramnage, des meubles furent achemins de


Casablanca et les dispositions furent prises pour viter tout ratage dans lorganisation de
la visite royale.

Le jour J-1, le Ministre Saadi accompagn de ses collaborateurs du Ministre et des


dirigeants du BRPM et de lONA, taient venus Imiter pour constater ltat de nos
prparatifs et nous marquer leur grande satisfaction.

Par la suite, des agents de la scurit et du Protocole Royal avaient inspect les
lieux, et donn leur bndiction pour le circuit de la visite des lieux par Sa Majest.

Les habitants de la rgion, les braves At Atta du Saghro, taient l avec leurs tentes
et leurs familles, leurs hallebardes.

Certains avaient march sur plusieurs dizaines de kilomtres pour participer la


grande fte et assister lvnement majeur dans leur circonscription.

Le jour J, Imiter avait revtu son manteau des grandes occasions, le Ministre, le staff
du BRPM, Chrif de lONA et les autres responsables du secteur minier taient l, alors
que les hlicoptres survolaient la rgion pour annoncer et devancer larrive du Roi.

Nous tions tous inquiets pour la possible insuffisance dans la qualit de laccueil,
ntant pas rompu ce type dvnement.

Tout est parfait, vous tes la hauteur de lvnement , me dit Zakaria, un des
adjoints du chef de la Scurit royale, Mdiouri, comme pour mettre un terme la terrible
tension qui planait sur lensemble de notre quipe.

136
Le temps sgrenait mais le Roi ne venait pas, jetant la consternation parmi nous, et
ne sachant quoi faire et quelle attitude adopter.

On nous annona malheureusement que, vu lheure tardive et la ncessit pour le Roi


de faire son entre officielle Tinerhir avant la tombe de la nuit, la visite dImiter tait
carrment annule.

Ce fut pour nous une vritable douche froide et une profonde consternation, aprs
tant de dbauche dnergie et de sueur pour accueillir lillustre Hte.

Les hlicoptres disparurent du ciel dImiter comme par enchantement, et trs


rapidement tous les dignitaires, les invits et les responsables du BRPM quittrent les
lieux, certains sans mme nous saluer avant leur dpart furtif.

Seules les quipes ayant abattu un travail gigantesque pour prparer la visite royale
taient demeures sur place, gardant leur dignit et sans raction dplace.

Au loin Tinerhir, on entendait les clameurs et les ovations de lentre royale, alors
que pour nous la nuit fut bien triste sous les immenses tentes dresses comme par
drision sur les hauteurs qui dominent le village minier.

Les At Atta, venus de loin, qui taient l depuis quelques jours, avec femmes et
enfants pour admirer le Souverain, avaient rong leur frein sans broncher, attendant avec
un rel espoir une prochaine visite du Souverain dans leur rduit du Bougaffer et de
lOugnat qui avait connu tant dpopes et de rsistance acharne, dirige par Assou
Baslam, loccupation franaise de la rgion.

En groupe soud, nous avons dn tristement sous la tente officielle, en ressassant


notre dpit de navoir pas reu le Roi.

Le lendemain matin, aprs avoir reu une dlgation du personnel dsireuse daller
Tinerhir se joindre aux festivits, nous sommes partis en groupe, visiter les chantiers des
projets de Tiouit, Asfalou et le site de Tizi Moudou

Notre dplacement, provoqu par la situation de lannulation de la visite royale, nous


avait permis de nous rendre compte de ltat davancement des travaux, recenser les
problmes, les discuter et proposer sur le tas les solutions appropries, oubliant quelque
peu lnorme dception de la veille.

Nous avons enregistr avec plaisir le respect des programmes et des plannings pour
recevoir les units mobiles de traitement des minerais par flottation.

De retour le soir Imiter, on minforma de la tenue Rabat dune runion urgente


sur Zgounder et Sidi Lahcen avec les reprsentants dARMICO et dune mission en
Roumanie pour examiner le devenir de SOMIMA avec nos partenaires.

Javais quitt Imiter tt, le cur meurtri, avec le pressentiment de ne plus revenir
dans une exploitation que javais intgre ma vie durant sept ans, mais heureux davoir
vcu des moments inoubliables avec tous les responsables de la Division des Exploitations
et des Etudes (DEE) dans les longs et fastidieux prparatifs de la visite royale.

Ces prparatifs, encore une fois sans perturber nos activits de production dargent
mtal et de recherches souterraines, furent loccasion dapprcier, sa juste valeur,
lesprit de communion et de symbiose rgnant au sein de nos quipes.

Il ne servait rien de le dire si, sur le terrain, rien de palpable ntait peru.

A Imiter, tous nos cadres avaient particip par leur savoir et leur cur la
prparation dun vnement indit.

137
Mme si la visite royale neut pas lieu, elle aura au moins permis la jeune mine
dImiter de se faire connatre et de briller non seulement par la richesse de ses
minerais, mais aussi par la valeur, insouponne pour certains, des jeunes quipes
minires du BRPM et de ses filiales.

En Roumanie
Aprs leuphorie des annes soixante dix, la mise en vidence des gisements de
cuivre dans lAnti Atlas du Sous, le dveloppement des centres miniers dOuansimi et de
Talat NOuamane par les quipes du BRPM, les activits de production de la socit
SOMIMA navaient jamais enregistr de rels rsultats positifs.

A Ouansimi, malgr tous les efforts engags pour rduire les charges de toutes
natures, la situation avait continu se dgrader, lexploitation ne pouvant maintenir son
activit sans lapport de fonds propres par les deux partenaires (BRPM et GEOMIN) pour
endiguer la crise devenue endmique.

La succession de responsables la tte de SOMIMA (Karbid, Maghraoui, Lazaar)


navait pas non plus amlior la situation gnrale.

A Talat NOuamane, aprs la construction de la ligne lectrique partir de Taroudant,


linstallation des stations de compression et la construction des logements, SOMIMA
stait retrouve en face de srieux problmes de trsorerie ne permettant pas de prendre
en charge les dpenses ordinaires de la nouvelle exploitation, complexs davantage par la
drive baissire des cours du cuivre sur le march international des matires premires.

Du ct roumain, on avait enregistr une esquive pour sauver SOMIMA de la


banqueroute et un dsir exprim de se retirer en rcuprant, autant que faire se peut, les
crances en souffrance inhrentes aux livraisons des pices de rechange.

Ce fut dans cette situation presque dsespre, quaprs lannulation de la visite


royale la mine dImiter, jtais rentr Rabat, pour effectuer en compagnie de Lhatoute
une mission en Roumanie.

Lobjectif assign notre mission tait dexaminer avec nos partenaires la situation
et lavenir de SOMIMA, la lumire des rsultats de plus en plus dcevants enregistrs
Ouansimi, et de la mise en veilleuse de lexploitation de Talat NOuamane, avec
rellement peu despoir de reprise.

Nous fmes chaleureusement accueillis par les responsables de GEOMIN et par le


Directeur Gnral du grand district minier de Baa Mare.

A Bucarest nous avons essay, sans beaucoup de succs, de clarifier la situation de


SOMIMA avec nos associs, mens par Manescu et Radu, partenaires avec nous dans la
cration de la socit au cours des annes soixante dix.

A lHtel Athne, lieu de notre rsidence, en plein centre ville de Bucarest (Bucaresti
pour les Roumains), nous avons rencontr, Azzeddine Guessous, Ministre du Commerce et
de lIndustrie, et Amraoui, ancien chef de la division DEPC du BRPM, nomm rcemment
Directeur de lIndustrie.

Que faites-vous en Roumanie , nous dit de faon dsinvolte Guessous, comme si


notre prsence dans la capitale roumaine le gnait ou limportunait.

Nous avons prfr ne pas rpondre, tout en me remmorant, pour ma part,


lattitude du Ministre El Kouhen Vienne en Autriche, plusieurs annes auparavant.

138
A Bucarest, capitale du pays, sur la rivire Dimbovita, sous-affluent du Danube,
carrefour de lOrient et de lOccident, cohabitent des styles divers et des difices de
diffrentes poques, tmoins dun pass glorieux.

La ville rpute pour ses glises byzantines des 16 et 18 sicles, fut dvaste par
un tremblement de terre en 1977, et les difices anciens remplacs par des grands blocs
de bton du temps du matre absolu, Ceausescu.

Aprs Bucarest, nous avons entrepris dans le district de Baa Mare, non loin de la
frontire hongroise, des visites de mines, dusines denrichissement et de fabrication de
matriels, suivies de randonnes travers la campagne roumaine.

Nous avons, au cours de notre priple, dcouvert un pays dirig dune main de fer par
Ceausescu, o lagriculture collectivise tait base sur la production des crales (mas
et bl), des vins et llevage de bovins.

Lactivit industrielle tait fonde sur lextraction du ptrole, gaz naturel, charbon,
lignite, fer, plomb et zinc, permettant de dvelopper la sidrurgie, les constructions
mcaniques et la chimie.

Au plan historique, la Roumanie avait russi au 19 sicle chapper lemprise


ottomane et avait entrepris de construire un rempart chrtien face lempire islamique
de lpoque.

Les autorits officielles se faisaient discrtes sur la minorit musulmane


essentiellement dorigine turque.
***
En conclusion, aussi bien Bucarest qu Baa Mare, nos discussions furent franches
et amicales, sans pour autant dblayer le chemin tortueux de la gestion normale et
rgulire de SOMIMA.

Malgr toutes nos explications sur la situation difficile de celle-ci, les contacts avec
les Roumains se rvlrent en dfinitive sans issue, le seul but de nos partenaires tant
de se dgager de SOMIMA et de rcuprer leurs crances.

Nous les avons quitts, convaincus que lavenir de SOMIMA tait sombre et quil
urgeait de trouver une issue de sortie, sans quoi les problmes allaient se perptuer,
salourdir et se compliquer.

Quelques mois aprs, lactivit de SOMIMA sera suspendue, et pour mettre fin
latermoiement de nos partenaires roumains et une situation dplorable qui navait que
trop dur, la liquidation de la socit fut engage et exigera, malheureusement, plusieurs
annes dchanges et de discussions striles.

Une grande pope dune importante mine de cuivre dans lAnti Atlas occidental avait
pris fin, dans lamertume et le souvenir des agents du BRPM qui avaient si durement, et
pendant de longues annes, travaill ou perdu leur vie dans les creusements de galeries,
les fonages des bures et des chemines dexploitation, et la construction des pistes
daccs difficile au gisement dOuansimi.

A la Direction Technique
Comme lavait affirm le Ministre Saadi, Marrakech, mon affectation au Ministre
de lEnergie et des Mines ntait pas remise en cause, mais subissait seulement un report
dont la dure demeurait incertaine.

Aussi, en attendant de rejoindre le Ministre de lEnergie et des Mines, Chahid avait-


t-il tenu, avec beaucoup de considration pour moi, ce que mon intgration dans

139
lAdministration soprt un niveau de responsabilit au BRPM plus lev, et pour ce
faire, je fus nomm Directeur Technique, avec pour missions principales :

- de superviser, coordonner et animer les activits du Bureau dans les domaines de


lexploration, de la recherche, des tudes et des exploitations minires,

- de continuer assurer la pleine responsabilit des exploitations et des projets en


construction relevant de la Division des Exploitations et des Etudes.

Un travail immense mattendait, sans mimpressionner outre mesure, centr tout


dabord sur des runions de coordination avec les responsables des divisions du Bureau
pour suivre et dynamiser nos interventions, tous les niveaux des activits techniques
(prospections et recherches, exploitations et valorisation, acquisitions de matriel, suivi
des travaux la Base des Zar, etc.).

Une nouvelle re semblait dmarrer o un vritable travail en synergie fut amorc,


associant les gologues, les mineurs, les traiteurs, renforcs par les services auxiliaires de
la Base des Zar.

****
La priode de cong annuel ordinaire mloigna pour quelque temps de cette activit
trpidante, sans rellement penser ce qui mattendait au Ministre de lEnergie et des
Mines, dans trs peu de temps.

Lors de notre merveilleux sjour de vacances chez nos amis Preuilh, Msos, dans
les Landes en France, ponctu de visites de la rgion du Sud Ouest et des contreforts des
Pyrnes atlantiques, des ennuis cardiaques ressentis par mon pouse loccasion dune
escapade de plage, avaient perturb notre sjour.

Aprs confirms de ces ennuis par le mdecin dorigine pakistanaise du village de


Msos, mon pouse fut admise durgence Bordeaux lHpital du Haut Lvque, o lon
dcela un rtrcissement mitral aigu.

Sur le conseil des mdecins, aprs un examen cardiologique approfondi, nous avons,
illico presto, court notre sjour landais pour rentrer rapidement au Maroc.

De passage Madrid, nous avons subi un weekend agit, durant lequel mon pouse
fut admise dans le dpartement des soins durgence pour un contrle rapide.

Nous sommes rentrs Rabat, aprs un passage en catastrophe Ceuta.

A Rabat, aprs consultation du Professeur Mazouzi responsable du Dpartement


Cardiologie lHpital Avicenne, il fut dcid de recourir une opration pour dilatation
de la valve mitrale.

Fatima encaissa le coup et partit la table dopration avec le sourire.

Je noublierai jamais toutes les marques de sympathie du personnel du BRPM notre


gard durant cette dure preuve, et le nombre de donneurs de sang venus se prsenter
lhpital Avicenne le jour de lopration.

Le post opratoire fut long et difficile, et Fatima, femme battante en tout temps,
mettra plus dun an se remettre en forme.

Des contrles en France puis aux Etats-Unis lui avaient permis de traverser la priode
de grande dprime et dangoisse.

Remise en confiance, retrouvant son dynamisme habituel, elle quitta dfinitivement


le BRPM aprs plus de quinze ans de service pour sadonner une activit moins
contraignante, en dmarrant et en grant avec fougue, en plein centre de Rabat, un
magasin darticles de cadeaux trs apprci.

140
Le dpart du BRPM
Au dbut du mois de septembre 1981, ma nomination au poste de Directeur des
Mines tant confirme, javais mis profit mes derniers jours au BRPM pour rgler les
problmes en suspens, clarifier la situation, revoir la situation du personnel pour laisser
au relayeur la Division des Etudes et des Exploitations un domaine transparent, assaini,
loin des suspicions, des ragots et des cancans malveillants.

Javais particip avec la Direction Gnrale llaboration dun nouvel organigramme


de nature rpondre lmergence de nouvelles comptences et couper court toutes
les vellits de dtournement du BRPM de ses objectifs rels.

Ainsi, au niveau des Exploitations, fut cre la Division des Exploitations (DEX)
conduite par une quipe constitue de deux vtrans de la mine, Chaba et Nassir, avec
mission de poursuivre luvre de promotion et de dveloppement du patrimoine minier
du BRPM.

Quelques jours aprs, venant clturer dix huit annes au service du Bureau, javais
fait mes adieux loccasion dune rception pleine dmotion, prside par Chahid et
Lhatoute promu Secrtaire Gnral la place de Bouchta

Bouchta, le vtran gologue, le professionnel aguerri de la gologie minire,


tait appel occuper le poste de numro 2 lOffice National de la Recherche Ptrolire,
nouvellement cr, sur insistance du Ministre Saadi lui mme convaincu que le Maroc
tait la veille dun dveloppement majeur dans le domaine des hydrocarbures aprs les
dcouvertes du secteur de Meskala prs dEssaouira.

Jtais parti du BRPM, le cur serein, satisfait, heureux et honor de laisser derrire
moi plusieurs ralisations minires florissantes, et davoir prennis beaucoup damitis
tous les niveaux et dans tous les domaines dactivit.

Javais quitt le secteur de la recherche et de lexploitation minires, en amorant


une rflexion prmonitoire sur ces deux activits complmentaires.

Ne faudrait-il pas rexaminer lapproche nationale de ces activits et rgionaliser les


travaux ?

Ne faudrait-il pas, par exemple dans lAnti Atlas du Sous, engager une rflexion
gologique plus complte du secteur ?

Ne faudrait-il pas aussi approfondir la connaissance des gisements (exploits dj ou


ayant fait lobjet dtudes technico-conomiques) en vue dune mise en valeur dans le
cadre dune entit regroupant lensemble des usines de traitement au barycentre de ces
gisements ?

La rflexion avait t amorce.

141
DEUXIEME PARTIE
****
AU MINISTERE DE LENERGIE ET DES MINES

1981 1994

PREMIERE PERIODE : A LA DIRECTION DES MINES

SEPTEMBRE 1981 OCTOBRE 1992

DEUXIEME PERIODE : AU SECRETARIAT GENARAL

NOVEMBRE 1992 AOUT 1994

***

142
PREMIERE PERIODE : A LA DIRECTION DES MINES

SEPTEMBRE 1981 OCTOBRE 1992

RESUME
Une nouvelle phase de ma vie professionnelle avait dmarr dans un autre milieu et
une nouvelle ambiance de travail, loin des chantiers, des exploitations, de la sueur et de
la poussire.

Comme dhabitude, il fallait observer avant de commencer pour mimprgner des


mthodes daction et de lapproche des programmes, en compagnie de personnes que je
connaissais peu ou pisodiquement.

Bnficiant, ds le dpart de la confiance du Ministre Saadi, je mtais attel la


tche avec la mme dtermination et la mme volont quen 1964 mon entre au BRPM.

Il fallait aller au devant des ralits sur le terrain, en poussant lAdministration des
Mines sortir de sa tour divoire pour se frotter aux problmes et viter quelle ne ft
traite dun manque de volont et dincomptence.

Ce faisant, pour ne pas tre rejets par le courant du progrs, nous avons dcid,
tous ensemble la Direction des Mines, de tout mettre en uvre pour imprimer une
dynamique nouvelle, en rapprochant davantage lAdministration des oprateurs miniers,
loignant les tendances vouloir se comporter en prince de la dcision.

Javais consacr, personnellement, une partie de mon temps essayer de dominer


cette situation pour crer un climat de confiance indispensable toute action de progrs,
en multipliant les runions dinformation et les dplacements travers le pays pour
instaurer des relations de franche collaboration et damiti avec mes collaborateurs et les
oprateurs miniers publics et privs.

Ainsi, des missions dans les centres de lOCP avaient permis de rompre la barrire
psychologique entre lAdministration des Mines et lOffice qui se tournaient le dos depuis
longtemps, sans raison valable.

A loccasion des visites chez les permissionnaires, publics et privs, nous avons
montr notre souci de lapplication de la lgislation et de la rglementation dans ses
grands principes rgaliens, sans vouloir perturber lactivit de production ou de retarder
linvestissement par des procdures dpasses ou inadaptes.

Pour promouvoir la recherche minire, reconstituer les rserves exploites et


amliorer les procds de valorisation, nous avons, de concert avec la profession minire,
ramnag le texte de la Provision pour Reconstitution de Gisement (PRG) pour le rendre
plus attractif et plus incitatif.

Pour mieux faire apprcier laction du Dpartement, nous avons renforc nos
relations avec le Bureau International du Travail en matire de scurit, dhygine et du
milieu du travail.

Par ailleurs, nous avons organis les journes gologiques et minires dans le cadre
de synergie entre les oprateurs et intervenants nationaux, en associant de plus prs
lUniversit et ses nombreux chercheurs.

Dans son rle de conciliateur, la Direction des Mines avait arbitr dans deux
diffrends opposant les Mineurs et la Fonderie et deux vtrans de la mine.

143
Les fermetures des exploitations minires, notamment de Kettara et Bouazzer,
furent des moments difficiles traverser, non seulement pour la profession minire, mais
aussi pour lAdministration des Mines qui avait apport sa contribution pour rgler les
problmes de manire apaise.

Avec larrive en 1985 dun ministre issu de lOCP, nous avons poursuivi puis achev
llaboration du panorama de lindustrie minire nationale, grce la collaboration de
lensemble du secteur minier.

En collaboration avec la Socit de lIndustrie Minrale franaise, nous avons


organis le Congrs minier de Marrakech qui eut un succs considrable.

Durant une longue priode, pour continuer nous inscrire dans la mouvance du
dveloppement minier mondial, et pour lever les obstacles la venue de nouveaux
investisseurs dans le secteur minier national, nous avons poursuivi la refonte des textes
rgissant lactivit minire, et labor des projets de textes nouveaux.

Larrive en 1990 dun ministre fru de communication et ma promotion en 1992 au


poste de Secrtaire Gnral du Ministre, avaient permis de jeter les premiers jalons de la
production indpendante de llectricit, dasseoir une politique nergtique oriente vers
la mobilisation des ressources locales, la diversification des nergies utilises et la
matrise de lnergie, et furent aussi loccasion damarrer le Dpartement au nouveau
concept de la gestion rationnelle et quitable des ressources humaines.

A la fin de 1993, avec un nouveau ministre, ancien de lOCP, mon action et mon
dynamisme furent mis rude preuve, et marqus trs rapidement du sceau de la
msentente, justifiant mon dpart prcipit dun secteur o javais act durant plus de
trente ans.

Par ailleurs, il faut souligner quau cours de cette deuxime phase de ma vie
professionnelle, plusieurs missions furent entreprises dans diffrents pays et diffrents
continents pour tisser des relations fcondes et prenniser les liens existants, faciliter la
comprhension des problmes poss par les dveloppements miniers travers le monde,
renforcer et faire connatre la position du Maroc dans le contexte minier mondial, et
inciter les investisseurs potentiels venir simplanter dans notre pays.

144
Dans lAdministration
Le 26 septembre 1981, au cours dune crmonie lEcole Nationale de lIndustrie
Minrale (ENIM), prside par le Premier Ministre, Karim Lamrani, je fus install
officiellement dans ma nouvelle fonction de Directeur des Mines, en mme temps que
Karbid, Secrtaire Gnral du Ministre, Bouhaouli et Bensad, Directeurs de lEnergie et
de la Gologie, Lhatoute, Secrtaire Gnral du BRPM, Esseddiqui, Directeur Gnral de la
Socit Nationale des Produits Ptroliers (SNPP) et Fakihani, Directeur du Centre de
Dveloppement des Energies Renouvelables (CDER).

Ces nominations taient venues mettre fin la longue attente, aprs le diffr
Marrakech en avril 1981, et concrtiser la dcision du Ministre Moussa Saadi de
redynamiser lactivit au sein de lAdministration de son Dpartement et des organismes
publics dont il assurait la tutelle.

Le 1er octobre 1981 aprs midi, aprs mes adieux au BRPM, javais rejoint le
Ministre de lEnergie et des Mines pour participer une runion prside par le Ministre
dans la grande salle attenante son bureau, groupant tous les hauts responsables du
Dpartement et consacre lexamen des problmes en instance.

Ds les premires runions, et travers plusieurs interventions, le Ministre Saadi


marqua la prminence de la Direction des Mines, signe dune confiance redouble pour
mencourager intgrer rapidement, sans complexe, les rouages de lAdministration de
lEnergie et des Mines.

Une nouvelle phase de ma vie professionnelle avait dmarr dans un autre milieu et
une nouvelle ambiance de travail, bnficiant au dpart de la sollicitude bienveillante de
mes amis du BRPM pour me permettre dquiper mon bureau et mettre ma disposition
des moyens de transport.

Mes premiers contacts directs furent consacrs aux responsables de la Direction des
Mines, suivis du passage dans tous les services et les bureaux, pour connatre de visu tous
mes collaborateurs et pour mimprgner de latmosphre rgnant au Ministre.

Par la suite, ce furent les runions spcifiques avec les divisions, les services centraux
et les services rgionaux, ayant toujours en mmoire la formule lapidaire et toute pleine
de bon sens, dun vieil ami il faut dabord observer avant de commencer .

Ny allez pas trop vite en besogne, ne brlez pas les tapes, les fonctionnaires sont
durs manier, car leur ter des habitudes ancres est une opration bien difficile
mavait dit et conseill quelquun daverti et connaissant les arcanes et les rouages de la
Fonction publique.

Alors, javais dabord observ attentivement, tout en me fixant un court dlai pour
pntrer vraiment la Maison des Mines.

Au cours du mois doctobre 1981, peine install la Direction des Mines, je fus
remis un moment dans lambiance de la Direction Technique du BRPM pour participer
une mission en Belgique avec le Directeur Gnral Chahid et ses collaborateurs des
Divisions des Participations et de lExploration minire.

Reus Bruxelles avec beaucoup dgards par les responsables de lUnion Minire
Belge (actionnaire de rfrence de la Royale Asturienne des Mines, elle-mme actionnaire
de la Socit de Jbel Aouam), nous avons examin avec eux les possibilits relles de
coopration dans la ralisation du projet de fonderie de cuivre et au plan de
commercialisation des minerais produits par les socits filiales du Bureau.

Un dner nous avait regroups avec nos htes au domicile de lAmbassadeur du


Maroc, Sebti, pour marquer notre dsir partag de renforcer nos relations.

145
Aux Etats-Unis pour les schistes bitumeux
Mon installation au Ministre tant peine acheve aprs les multiples runions et
briefing dinformation, et en pleine euphorie des projets de valorisation des schistes
bitumeux, une mission, prside par le Ministre Saadi, nous avait conduits du 31 octobre
au 14 novembre 1981 aux Etats-Unis pour relancer la coopration bilatrale, notamment
au plan de lnergie, des mines et de la gologie.

Les participants au dplacement furent les Directeurs du Ministre et des


reprsentants du BRPM, de lONAREP et des Charbonnages du Maroc.

A Washington nous avons rencontr les responsables du Dpartement Fdral de


lEnergie et de la Banque Mondiale, pour examiner avec eux les domaines de coopration
en matire de recherche ptrolire, de dveloppement des schistes bitumeux,
dapprovisionnement du Maroc en charbon vapeur amricain.

Partout, nous avons trouv une oreille attentive et de trs bonnes dispositions pour
accompagner notre pays dans ses efforts de diversification et de dveloppement de ses
ressources minires et nergtiques.

Outre les diffrentes rceptions des Autorits fdrales et du secteur priv et le


fastueux dner lAmbassade du Maroc, nous avons t au muse de lEspace, au
Smithsonian Institut, lUniversit de Georgetown, avant dtre reus par le Chef adjoint
de la Commission de lEnergie du Congrs au clbre Capitol Hill, berceau de la
dmocratie nord amricaine.

De Washington nous avons rejoint Los Angeles et installs dans un grand htel,
proximit du lieu o fut dcouvert lor noir en Californie.

Au sige de la socit TOSCO, accompagns par Andr Azoulay, charg de mission du


groupe Paribas, nous avons examin avec nos htes la situation nergtique dans le
monde la lumire de lenvole des prix du ptrole brut et de son impact sur les
conomies mondiales.

Les Amricains taient convaincus de la ncessit urgente de trouver des nergies de


substitution au ptrole dont les rserves aux Etats-Unis srodaient vive allure et
inexorablement, les nouvelles grandes dcouvertes se faisant rares.

Puis, nous avons t, successivement au muse de palontologie, au centre dtudes


sur les schistes bitumeux dOccidental Irvin, et au mythique parc dattractions de
Disneyland dans les faubourgs de Los Angeles.

Notre sjour en Californie stait achev par une visite au site du racteur de
recherche TRIGA, dune puissance de 1,5 Mgawatt, install en pleine Universit de San
Digo, analogue celui que notre pays avait command la socit General Atomics et
qui sera mis en place dans le secteur de Rabat.

Il nous avait sembl que leffroi et la peur, crs autour de linstallation dun racteur
TRIGA proximit du centre urbain de Rabat Agdal, taient donc carter.

A Denver (capitale du Colorado), nous avons effectu une visite au centre de


recherche de TOSCO, suivie dun dplacement aux installations de la socit Energetics
International qui dveloppait un grand centre de recherches sur les nergies
renouvelables et la protection de lenvironnement.

Dans le secteur du Colorado central, dans la rgion de Grand Junction, plusieurs


milliards de dollars taient dj investis dans la construction acclre des aroports, des
autoroutes, des routes et de vritables centres urbains.

146
Sur les sites de schistes bitumineux, de grandes ossatures minires, tels les grands
puits dextraction, les galeries dvacuation des produits abattus, et lacquisition de
puissants matriels miniers, avaient t dj ou en cours de ralisation.

Sur les lieux, la frnsie tait telle quen atterrissant le matin sur une piste sommaire
Grand Junction, nous avions dcoll en fin daprs midi de la mme piste entirement
asphalte et quipe pour recevoir des avions moyen courrier.

A Anvi Point, la socit PARAHO avait entrepris les essais dexploitation en souterrain
des schistes bitumeux par la mthode des chambres et piliers, et procdait lextraction
de lhuile contenue dans la roche (krogne) par pyrolyse selon la mthode in situ,
laissant les rsidus sur place pour ne pas perturber lenvironnement.

Malgr ce grand branle-bas, les Amricains du Dpartement de lEnergie taient


prudents et considraient que le boom ptrolier ne devait pas sterniser, et que le cours
du brut devrait revenir court terme des niveaux raisonnables.

Les schistes bitumineux, ce nest pas pour maintenant, nous en reparlerons bien
plus tard, le ptrole a encore de lavenir et de beaux jours devant lui, nous avait
toutefois lanc un technicien averti.

Nous avons appris, peu de temps aprs notre passage au Colorado, que les
gigantesques investissements engags par les Amricains dans tous les domaines taient
abandonns et lextraction grande chelle de lhuile partir des schistes bitumeux
renvoye aux calendres grecques pour longtemps encore.

Etait-ce une prmonition ou une simple rflexion dexpert ?

Pour clturer notre mission aux Etats-Unis, nous nous sommes rendus, dans les
environs de Denver, au Centres dtude sur les nergies renouvelables (photovoltaque,
olien) pour apprcier lvolution des techniques et des quipements en vue de leur
introduction ventuelle au Maroc.
****
En conclusion, la mission aux USA reste pour moi un merveilleux souvenir, tant par
lintrt divers et vari des visites, que par la bonne ambiance et lesprit de camaraderie
et dentente cordiale, notamment avec mes collgues les Directeurs de lEnergie et de la
Gologie, Bouhaouli et Bensad, que je dcouvrais pour la premire fois avec beaucoup de
sympathie et damicale considration.

Pour sa part, le Ministre Saadi, durant toute la mission, fit preuve de grandes qualits
de cur et de bonne compagnie.

Au cours du vol Los Angeles-Washington, il nous gratifia mme dun numro de


prestidigitation avec des billets de dix dollars, concurrenc un moment par le chef de
cabine enchant de se retrouver parmi des passagers aussi gais et dcontracts.

Il convient de souligner, aprs la mission et les essais de valorisation Timahdit par


le procd T3, que le grand espoir plac dans lexploitation des schistes bitumeux au
Maroc sera de courte dure.

Notre pays continuera malheureusement dpendre largement de limportation de


ses besoins en produits nergtiques (ptrole, gaz et charbon).

A Abou Dhabi
Au Ministre, les missions se succdaient sans se ressembler, mais toujours dans
une ambiance bon enfant.

Ainsi, en dbut dcembre 1981, aprs de multiples runions et briefings sur les
problmes urgents relatifs la prparation du budget 1982 du Ministre, et la fermeture

147
de la mine de Kettara, javais fait partie de la dlgation ayant accompagn le Ministre,
Saadi, la runion annuelle des Ministres arabes des Ressources Minires, Abou Dhabi.

Omar Mhamdi, Directeur de Cabinet, et Bensad, Directeur de la Gologie, faisaient


partie du groupe.

Aprs un transit par Paris, Dahran et Duba, nous sommes arrivs Abou Dhabi,
capitale fdrale des Emirats Arabes Unis, et installs luxueusement et confortablement
dans un immense htel de grande classe au centre ville.

Il faut rappeler que la Fdration des Emirats Arabes Unis, constitue en 1971,
correspond lancienne Cte des Pirates, qui regroupe les mirats de Abou Dhabi, Duba,
Adjman, Fujairah, Chariqa, Ras El Khayma et Oul Qaywayn.

La Fdration est gouverne par un conseil compos des cheikhs de chaque mirat
et un gouvernement fdral install Abou Dhabi, prsid par le Cheikh Zad ben Soltane
Al Nahyane.

Pays relativement libral, les Emirats Arabes Unis dont la population tait estime
lpoque 1,5 millions dhabitants dont 80% dtrangers, avaient accueilli des cadres et
travailleurs trangers (Indiens, Iraniens, Pakistanais), rels artisans de la rapide et
fulgurante prosprit de ce pays o les autochtones, sponsors et animateurs lointains,
bnficiaient de fabuleuses rentes de situation.

Ds le lendemain de notre arrive, tait apparu au grand jour le peu dintrt


professionnel du grand forum des Ministres arabes des Ressources Minires.

Les discussions dabord huis clos entre pays membres de lOrganisation des Pays
Arabes Exportateurs de Ptrole (OPAEP), furent suivies secondairement par le survol
furtif, voire dsinvolte, durant moins de deux heures, des problmes inhrents aux
ressources minires dans le monde arabe.

Il nous tait apparu de prime abord que la Mine tait rellement le parent pauvre du
monde arabe, et tout particulirement des pays du Golfe riches en hydrocarbures.

Dans cette situation, aprs en avoir inform le Ministre Saadi, nous avons mis profit
notre sjour pour dcouvrir la cit dAbou Dhabi.

La ville, en plein dveloppement le long du Golfe arabo persique, la lisire des


tendues de sable blanc, domine par ses gratte-ciel, disposait dinfrastructures
modernes (autoroutes, ponts, viaducs) ralises grce aux immenses revenus ptroliers.

La vgtation, luxuriante pour un pays de sable et aride, faisait lobjet dune


attention particulire par irrigation au goutte goutte avec de leau provenant des
installations de dessalement.

Dans les jardins des belles et grandioses villas, toutes de marbre blanc de Carrare, en
bordure de mer, les tentes en poil de chameau rappelaient aux nouveaux riches Bdouins
leurs habitudes ancestrales de nomades.

Au principal quartier dAbou Dhabi, surnomm le Bombay arabe, la population


dorigine indienne, majoritaire, contrlait toutes les activits commerciales et les
mouvements daffaires florissants dans cette partie de la pninsule arabique, plus tourne
vers lInde et lIran que vers le monde arabe.

Aprs notre tour de ville, nous fmes reus djeuner par lAmbassadeur du Maroc,
en prsence du commandant Hamid Lanigri, chef de la mission de gendarmes marocains
chargs de former les escouades de gardes autochtones de la scurit du Cheikh Zad.

148
Notre retour, via Paris avec la Gulf Air, fut perturb par le mauvais temps en Europe,
entranant la fermeture des aroports de Paris et le dtournement de notre vol sur
Londres o nous avons pass la nuit avant de rentrer Rabat.

Une nouvelle structure la Direction des Mines


Lanne 1981 stait acheve comme je lesprais, avec mon intgration effective et
sans rels problmes ou avatars dans les rouages et les arcanes de lAdministration,
impulse et renforce par la confiance renouvele du Ministre Saadi et par les nombreux
contacts amorcs et poursuivis avec tous les acteurs du secteur minier national.

Ds lors, jtais encourag continuer sur la voie du travail assidu et permanent,


malgr quelques freins certains niveaux de la hirarchie, notamment aux services
extrieurs, que javais tenu traiter avec beaucoup de rigueur, en rappelant lordre,
notamment pour lexemple, le chef du service rgional des mines de Marrakech, quelque
peu dsinvolte et indisciplin..

Sans baisser les bras, il fallait secouer le cocotier et aller de lavant pour
amliorer la situation existante, en poussant les cadres sortir de leur tour divoire, et les
convaincre daller au devant des ralits sur le terrain, se frotter aux vrais problmes du
secteur minier, pour viter quils ne fussent traits dun manque de volont et de
disponibilit, ou dincomptence.

Dans un premier temps, il fut dcid de rendre linformation facilement accessible


pour permettre de rapprocher lAdministration du secteur minier, sans attendre quil
vienne elle parce que contraint de subir les dcisions du prince.

Des runions, tenues selon un programme qui se poursuivra rgulirement jusqu


mon dpart en 1992, avaient permis tous les responsables de la Direction de travailler
en quipe, dexposer leurs problmes, leurs proccupations et leurs dolances en toute
transparence et amiti.

Au cours de ces runions priodiques, javais redoubl de patience, mais aussi de


fermet pour ramener la raison certains responsables rcalcitrants aux changements,
loigner les menes pernicieuses, les lenteurs et les domaines rservs, et inaugurer une
priode de travail de groupe et dquipe rellement soude et entreprenante.

Mais je restais convaincu que cette nouvelle approche de notre travail ne pouvait
donner ses fruits que si les membres composant le staff de la Direction des Mines
sengageaient, sans dtours, sur une voie o lintrt gnral primait avant lintrt
personnel dont taient affubls certains responsables.

Il nous fallait rompre avec limmobilisme et la routine et essayer de construire


intgralement une mthode de travail partir de principes fondamentaux, vitant de
sempiler sur les dispositifs anciens, tout en noccultant pas certaines avances avec mon
prdcesseur Karbid lev au rang de Secrtaire Gnral du Dpartement.

Ce fut le crdo de nos runions, auquel les chefs des divisions, des services et des
bureaux avaient adhr, me semblait-il.

Toutefois, par prcaution, la solidit de mes convictions profondes, pour un rel


besoin dadaptation de lAdministration des Mines, tait toujours accompagne du doute
quant la ractivit du personnel dont jignorais encore les relles motivations et le
degr de sensibilisation au changement des mthodes de travail, danalyse, de
concertation et de dcision.

Mayant fait une ide plus prcise de ltat des lieux, nous avons, tous ensemble,
labor un plan dactions pour 1982, ax sur les diffrents volets dintervention

149
extrieure de la Direction des Mines, en collaboration avec les diffrentes composantes du
secteur minier national.

Ainsi, aux plans du Patrimoine minier, de lInspection du travail, de la


Commercialisation, du Suivi des investissements, des Explosifs et des Machines vapeur
et pression de gaz, nous avons ragi vigoureusement pour apprcier leur juste valeur
les problmes en suspens ou occults depuis des dcennies.

A titre dexemples, le suivi et la mise jour des dossiers des permis miniers
sopraient aprs de longues priodes insupportables pour les oprateurs miniers, et
certaines machines vapeur et pression de gaz navaient pas t contrles depuis plus
de 27 ans.

Ce faisant, pour ne pas tre rejets par le courant du progrs, nous avons dcid de
tout mettre en uvre pour oublier le pass allant rebours de lvolution.

Aprs laccord du Ministre Saadi, et pour insuffler un sang nouveau en


responsabilisant les cadres et en imprimant une dynamique nouvelle notre action, la
restructuration de la Direction des Mines fut adopte, enregistrant :

- la cration dun poste dAttach la Direction, charg du suivi des activits


rgionales et administratives, dvolu El Mtahri, ingnieur gologue, ancien chef du
service de la valorisation minire, remplac par Khatib, ingnieur des mines,

- cration de bureaux spcialiss au sein des Divisions de la Gestion minire et de la


Valorisation Minire,

- cration de nouveaux services rgionaux dans les provinces non dotes, et


largissement des attributions des chefs de services rgionaux pour renforcer la prsence
de lAdministration, tout en recentrant leur mission rgalienne pour tre des facilitateurs
pour les oprateurs miniers.

Dans cette nouvelle organisation, le travail me semblait de plus en plus serein,


chacun tant responsabilis, nul besoin dtre derrire les gens tout le temps.

Pour ma part, travers ma disponibilit et mon entrain de tous les jours, je devais
donner lexemple et reprsenter une force de proposition accepte par tous, au lieu de me
contenter de donner seulement des ordres.

Je considre qu travers la rpartition et la dconcentration claires des tches, on


peut stimuler les initiatives individuelles porteuses de progrs et dinnovation.

Mais le dsquilibre entre la nouvelle structure cre et les moyens disponibles la


Direction des Mines, demeurait une des causes fondamentales de la matrise insuffisante
des problmes et de la difficult raliser des plans dactions conformes aux ncessits
de notre dveloppement.

Javais consacr une partie de mon temps essayer de dominer cette situation pour
crer un climat de confiance indispensable toute action de progrs, en multipliant les
dplacements travers le pays pour apporter un plat dinformations considrables,
ncessitant une analyse profonde et objective, et pour instaurer des relations de franche
collaboration avec tous les oprateurs miniers.

De toutes ces actions, loin de la villgiature et de la sincure, au contact des hommes


sur les chantiers et dans les mines, javais tir une immense satisfaction, car elles furent
des occasions dchanges dides et une source inpuisable denseignements pour
lAdministration des Mines que nous voulions plus ouverte et plus attentive aux
problmes du secteur minier.

150
Aussi, avais-je dcid de multiplier et gnraliser les sorties sur le tas, sans
privilgier aucun secteur, tout en incitant les responsables et les cadres de la Direction
des Mines faire de mme pour mieux connatre le secteur minier en assurant un contrle
daccompagnement et non un contrle tatillon, source de blocage, de dcouragement et
de perturbation des initiatives des nombreux promoteurs.

Aux Etats-Unis pour le charbon et les phosphates


Dbut janvier 1982, aprs plusieurs runions de travail houleuses sur le devenir de la
mine de pyrrhotine de Kettara en prsence des reprsentants de lOCP et du BRPM, et sur
instructions du Ministre Saadi, javais conduit une mission aux Etats-Unis, accompagn de
Kanouni Administrateur Dlgu des Charbonnages du Maroc (CDM), Houdaygui chef de
division la Direction de lEnergie, et Aouad, Directeur Gnral de la socit Sococharbo,
filiale des CDM spcialise dans limportation des charbons de toutes catgories.

Le programme de notre mission axe sur dventuelles importations de charbon


vapeur amricain pour les besoins des centrales lectriques de lOffice National de
lElectricit (ONE), comprenait des runions de travail dans la capitale fdrale, des
visites de mines de charbon, le port de Baltimore et des contacts Denver au Colorado et
Salt Lake City en Utah.

A Washington, sous un froid intense, concidant avec la prsentation du rapport sur


ltat de lUnion du Prsident, Reagan , nous avons examin avec les Dpartements de
lEnergie et du Commerce et lAssociation Nationale des Producteurs et Exportateurs de
charbon, les possibilits et les conditions dapprovisionnement de notre pays en charbon
vapeur amricain.

Daprs Aouad, les propositions et les conditions amricaines taient intressantes,


mais il fallait tre plus regardant au niveau du transport rendu Maroc.

Ensuite au Geological Survey Reston, dans la priphrie de Washington, nous avons


rencontr les responsables pour lancer la coopration au plan de la cartographie
gologique et du patrimoine minier.

Dans lensemble, nos interlocuteurs amricains taient ravis de lvolution de la


coopration entre nos deux pays en matire dnergie et de mines, et staient engags
encourager et favoriser nos contacts directs avec les producteurs et exportateurs de
charbon vapeur.

Ainsi, non loin de Harrisburg, dans les Appalaches, important bassin houiller ayant
donn leur nom un relief classique, couverts dun immense manteau de neige nous
avons visit une mine danthracite pour apprcier les mthodes dabattage et la
productivit de mineurs amricains sans commune mesure avec nos standards et nos
performances la mine de Jrada.

Au retour de Harrisburg, lavion, un bimoteur hlices, aprs avoir survol


plusieurs reprises le National Airport Washington par suite de mauvais temps, avait
finalement pu atterrir en catastrophe quelques moments aprs le crash du vol dAir
Florida dans la rivire Potomac.

Aux arogares o rgnait une atmosphre de dbandade gnralise, nous tions


bloqus avec des milliers de passagers dans limpossibilit de regagner la ville, en raison
des accidents de mtro et de linterruption du trafic sur les principaux ponts enjambant le
Potomac et menant au centre de Washington.

Aprs plusieurs heures dune attente infinie, seize personnes dans un seul taxi,
nous avons, heureux et soulags, pu rejoindre pniblement, sous la neige, lHtel Johnson
and Johnson, non loin de la Maison Blanche et du Centre Kennedy.

151
Le lendemain, les conditions atmosphriques dplorables sur le Nord et le Centre des
Etats-Unis, ayant persist, notre programme au Colorado, en Utah et au port de Baltimore
fut annul sine die.

Aprs de nombreux contacts dAouad avec des fournisseurs de charbon de


Sococharbo, nous avons opt pour des visites dune mine danthracite en Alabama, forte
concentration de mthane rcupr comme gaz de ville, dune cokerie Birmingham et du
port de Mobile sur le Golfe du Mexique, rgions o le climat tait beaucoup plus clment.

Par la suite, spcifiquement pour Houdaygui et moi-mme, un dplacement nous


avait conduits aux exploitations de phosphates prs de Lakeland en Floride, et lunit de
rcupration duranium partir des phosphates, installe par la socit Gardinier
proximit de la ville de Tampa sur le Golfe du Mexique.

Dans son usine, la socit Gardinier rcuprait luranium contenu dans les
phosphates, sous forme de yellow cake qui, aprs plusieurs cascades de transformation
et de centrifugation, tait enrichi pour devenir un combustible utilis dans les centrales
nuclaires aux Etats-Unis.

Le mme procd tait envisag pour les phosphates marocains qui contiennent plus
de 100 g duranium par tonne dacide phosphorique.

Nous fmes particulirement impressionns par lampleur des exploitations de


phosphate noy, titrant 30%BPL, nettement moins riche que le phosphate marocain.

Nous avons not lintrt accord par les grandes socits minires aux problmes
de pollution, de recyclage des eaux, de prservation de la nature et de restauration des
sols, en application de la loi de 1978 adopte par lEtat de Floride.

Cette loi imposait une taxe de 10% sur la valeur du phosphate rocheux extrait,
consacre au ramnagement des sols endommags par lexploitation minire, les sols
rcuprs tant affects des zones dhabitat, de loisirs, darboriculture et dlevage.

Nous avons admir de belles fermes dorangers et dimmenses ranchs btail sur le
site des anciennes dcouvertes compltement transformes, assainies et ramnages
avec beaucoup de russite et de got.
****
De cette mission aux USA, nous avons retenu que :

- ds lors que le ptrole a perdu lavantage dtre une nergie bon march, la question du
retour au charbon se posait, et le Maroc devra faire partie des pays consommateurs de
charbon pour produire une lectricit meilleure march,

- qualit gale, le charbon vapeur amricain rendu en Europe, tait moins cher que les
charbons europens, en raison du volume immense des rserves en place aux Etats-Unis,
de la qualit des gisements, de la mcanisation, mais aussi de la grande productivit des
mineurs amricains,

- des mesures devraient tre adoptes par lEtat marocain pour aligner la taxation du
charbon sur celle du ptrole, amnager et amliorer les infrastructures portuaires,
notamment Mohammedia, puis plus tard Jorf Lasfar, pour satisfaire les besoins des
centrales thermiques de lONE,

Ces dispositions taient juges ncessaires pour que la conversion au charbon des
centrales lectriques, des cimenteries et des sucreries places dans le contexte des
conomies dnergie, ft possible et profitable.

- en matire de phosphates, les Amricains attachaient une attention particulire aux


problmes de lenvironnement et de prservation des sols.

152
Ce qui nous interpelle fournir un effort considrable au niveau de lEtat et de lOCP
pour rsoudre les problmes lis la restauration des sols des zones de Khouribga,
Youssoufia, Bengurir et Boucra.

LOCP tait dispos sauter le pas pour amliorer laspect du paysage des sites
dexploitation pour les transformer en zones dintrt conomique en lanant des
oprations de reboisement.

Mais est-ce que lEtat acceptera de renoncer une partie des dividendes engrangs
pour laffecter la restauration des zones concernes ? L, rside le vritable problme.

De Floride, aprs avoir transform mes billets davion, javais regagn New York, puis
Paris en avion Concorde.

Ce dernier mavait paru moins impressionnant et moins attrayant, laccueil au sol et


le service bord devenant presque anodins, loin des merveilleuses conditions du premier
vol en supersonique de Mexico Paris en 1978, avec Rabit dAtlas Copco.

En Tunisie
Aprs le dplacement aux Etats-Unis et la mise en place de la nouvelle organisation
la Direction des Mines, il fallait, en fvrier 1982, accompagner de nouveau le Ministre
Saadi, pour une mission en Tunisie laquelle avaient particip aussi les Directeurs,
Bensad et Bouhaouli, et Bouchta, Secrtaire Gnral de lONAREP.

La mission visait le renforcement des relations bilatrales dans les domaines des
mines, de la gologie et de lnergie.

A Tunis, en marge des runions plnires des dlgations prsides par les Ministres
de lEnergie et des Mines des deux pays, nous avons rencontr nos homologues tunisiens
pour approfondir davantage avec eux nos relations et dresser les plans dactions futurs.

Nous avons circul pour visiter la Mosque Zitouna, datant du 9 sicle, le Palais de
Bardo, la Mdina, avant daller au port de la Goulette, Carthage, Gammarth, et Sidi
Bousad, village perch au-dessus du golfe de Tunis.

Ce village mditerranen, unique en son genre, avec ses maisons de charme dun
blanc clatant, sent bon le jasmin et accueille des milliers de touristes en guise
dexotisme et de doux farniente.

Dans une ambiance o se mlent le mystre oriental et le charme andalou, on y croise


aussi la jeunesse dore tunisienne et des artistes, venus comme nous, siroter le th aux
quignons de pin et menthe au Caf des Nattes aux fentres et portes peintes en bleu,
couleur de la Mditerrane.

Au deuxime jour, Bizerte, ancienne base franaise sur la Mditerrane, au


dbouch du lac de Bizerte, ville martyre bombarde par laronavale franaise lors du
soulvement de la population de 1961, nous avons visit le centre sidrurgique El Foulad
qui assurait une grande partie des besoins tunisiens en produits sidrurgiques ronds et
fils machine.

Le lendemain, nous avons rejoint par avion le champ ptrolier dEl Borma en plein
Sud, dans le Grand Erg oriental, produisant 3 millions de tonnes de brut/an.

Le champ ptrolier avait fait lobjet dune exploitation controverse entre la Tunisie
et lAlgrie qui avaient fini par trouver un accord amiable aprs la dlimitation laborieuse
des frontires entre les deux pays.
Au retour dEl Borma, spcifiquement pour Bensad et moi-mme, un dplacement
nous avait conduits, non loin de la frontire avec la Libye, la grande Sebkha de Zarzis,

153
objet dune petite exploitation de chlorure de sodium et dtudes dextraction de
saumures diverses.

De retour vers Tunis par la route, nous avons admir la cte mditerranenne et lle
de Djerba, lentre du Golfe de Gabs.

Djerba, lentre du Golfe de Tunis, couverte de palmiers, grand centre touristique et


de pche, avec ses nombreuses plages de sable Homt Souk, lieu de villgiature et
descapade des touristes europens, est connue pour ses potiers Guellala, petit village
o subsistait encore une petite communaut berbre.

En passant par Gabs clbre par sa palmeraie, Sfax (port phosphatier, industries
chimiques), Kairouan (Mosque), Sousse sur le golfe de Hammamet (mosaques
romaines) et Nabeul (poteries), nous avons not leffort consacr au dveloppement de la
campagne tunisienne ainsi que les remarquables infrastructures daccueil le long de la
Mditerrane pour accueillir plus de trois millions de touristes, dans un cadre enchanteur
et surtout bon march.

Trs tt, les Tunisiens avaient mis sur le tourisme de masse des prix abordables
au plan des sjours et du transport arien.

Au dernier jour de notre mission, avant un grand dner en notre honneur, la signature
dun protocole avait marqu le dsir des deux pays de mettre tout en uvre pour
renforcer et dvelopper la coopration dans les domaines de lnergie, de la gologie, des
mines et de la formation des cadres.

Nous avons not avec regret, quaussi bien larrive, comme au dpart,
lAmbassadeur du Maroc, Taz, invisible durant tout notre sjour, sans le moindre geste
lgard de la dlgation de son pays, navait pas daign tre laroport pour nous
accueillir et nous saluer.

LAmbassadeur stait born accompagner le Ministre Saadi lors de laudience


accorde ce dernier par le Prsident Bourguiba.

Par contre, il tait laroport pour accueillir le Gnral Kabbaj, Inspecteur Gnral
des Forces Royales Air, de passage dans la capitale tunisienne.

Avec le Ministre Saadi et Bouchta, nous avons transit par Paris avant de regagner
Rabat, le reste de la dlgation optant pour le vol direct Royal Air Maroc du lendemain
pour Casablanca.

Dveloppement de la coopration avec les Etats- Unis


Aprs la mise en place de la nouvelle organisation la Direction des Mines, les
inaugurations des mines de cuivre de Bleda et dor de Tiouit dans le Bougaffer taient
venues concrtiser leffort de dveloppement minier consenti par SOMIFER et SODECAT
dans la province dOuarzazate.

Bleda, exploitation modle ralise dans le cadre de la coopration franche et loyale


entre le BRPM et le Groupe ONA, de par la qualit et limportance de ses rserves fut la
plus grande mine de cuivre du monde arabe.

Elle tait aussi, dans un environnement semi-dsertique, un exemple de centre


minier moderne sous tous les aspects de lexploitation souterraine, du traitement des
minerais de cuivre par flottation diffrentielle, de linfrastructure sociale et de la gestion
locale de proximit dynamique.

Pour son inauguration, les personnalits furent transportes par avion Hercules C130
affrt pour loccasion, partir dOuarzazate, avec atterrissage sur une piste existante,
agrandie et amnage pour lvnement.

154
La ractivation de la mine dor de Tiouit, rsultat des travaux assidus de SODECAT,
filiale 100% du BRPM, fut plus modeste, car pour accder au gisement il faut
emprunter, partir de Boumalne du Dads, une piste toute en lacets vers Iknioune, chef
lieu du Bougaffer et centre de la tribu des Illemchane, importante fraction de la grande
Confdration des At Atta.

Lvnement minier avait enregistr la prsence de lAmghar Aherdane et de


Abdelkrim Ghellab, idologue de lIstiqlal, tous les deux venus pour se remmorer la
priode de la guerre du Bougaffer o la puissante arme doccupation franaise, avec son
aviation et son artillerie lourde, avait t tenue en chec par les gurilleros Illemchane
mens par le grand rsistant Assou Baslam.
****
Aprs ces inaugurations, la demande du Ministre Saadi, javais entrepris en juin
1982 un voyage aux Etats-Unis, en vue de dvelopper et prenniser avec le Bureau of
Mines nos relations spcifiquement minires.

Ces relations taient lances en 1978 par des missions amricaines venues au Maroc
sinformer sur les potentialits minires, et participer des journes dtudes sur
lexploitation minire et les possibilits dinvestissements.

Elles furent srieusement actives en novembre 1981 par la visite du Ministre Saadi
et dune importante dlgation dans le cadre du dveloppement des schistes bitumineux,
et poursuivies en janvier 1982 par une mission consacre aux conditions
dapprovisionnement du Maroc en charbon vapeur.

A Washington, retrouvant Bensad, Directeur de la Gologie, nous avons pris contact


avec le Bureau of Mines, le Geological Survey, lUSAID, la Banque Mondiale et des
reprsentants du secteur priv (Union Carbide) pour examiner les possibilits relles de
coopration, notamment aux plans des phosphates, de la formation des cadres et des
changes dinformations rguliers sur lactivit minire et gologique .

Auprs de nos interlocuteurs du Bureau of Mines, reprsent par Shekarshi, ingnieur


des mines dorigine iranienne, et du Geological Survey, nous avons rencontr une oreille
trs attentive en matire dchanges dinformations et de documentation sur les
phosphates, les mtaux de base et la scurit minire.

Aprs Washington, accompagn de mon fils Karim, et poursuivant la tourne des


centres de recherche relevant du Bureau of Mines, nous avons t Minneapolis et Salt
Lake City, puis Los Angeles et Las Vegas.

A Minneapolis, dans le Minnesota, sur le fleuve Mississipi, connue pour son Universit
et son muse, le Bureau of Mines dveloppait un vaste programme de recherche sur la
foration et le traitement des minerais de fer et la mise au point de machines de mine
assurant les meilleures conditions de scurit et dhygine.

A Salt Lake City, capitale de la secte des Mormons, fonde en 1847, prs du Grand
Lac sal sur lequel se droulaient les essais de voiture fuse, le centre de recherche du
Bureau of Mines, mondialement connu, ralisait dimportantes investigations sur les
substances minrales stratgiques (cobalt, nickel, molybdne, vanadium) et les mtaux
prcieux (or et argent).

A Los Angeles et Las Vegas dans le dsert du Nevada, centre touristique et de jeux de
hasard, un sjour dagrment avait satisfait la curiosit de Karim, fru de cinma
hollywoodien, de Disneyland et des machines sous.

A Las Vegas, dans la prcipitation, oubliant nos billets davion lhtel, nous avons
failli rater lavion sur Washington, si ce ntait la gentillesse dun chauffeur de taxi noir
qui tait all les rcuprer avant le dpart du vol de Delta Airlines.

155
****
Plus tard, en mai 1984, au cours dune autre mission, jtais revenu aux Etats-Unis
puis au Portugal, en rponse linvitation du Bureau of Mines et du Directeur Gnral de
la Gologie et des Mines du Portugal, Pereira.

A Washington, nous avons fait le point des relations existantes, dj troites avec le
Bureau of Mines, en matire dchanges dinformations et dexpertise.

Avec la Banque Mondiale, nous avons analys les conclusions peu reluisantes du
rapport labor par ses experts sur le secteur minier marocain de CADETAF.

A Martinsburg, au sud de Washington, rpondant une invitation du Groupe CADEX


aprs la tenue dun sminaire sur les explosifs organis Mohammedia, auquel avait
particip un expert amricain, nous avons visit lusine de fabrication dexplosifs de
Potomac River appartenant au groupe Dupont de Nemours

Dans ce centre, taient tudis et dvelopps des explosifs sans nitroglycrine, aux
performances suprieures celles de la dynamite classique.

De retour des Etats-Unis et transitant par le Portugal, en prvision dune mission du


Ministre Saadi, javais effectu un dplacement dans les trois principales mines du pays :
Panasquera (wolfram), Aljustrel (pyrite) et Neves Corvo (cuivre), projet en cours de
dveloppement avec le BRGM franais.

Au Portugal, la mine avait rellement besoin, plus que jamais, dun ramnagement
de ses vieilles structures.

Le grand projet de cuivre de Neves Corvo tait le prlude une vritable rvolution
des esprits dans les exploitations souterraines du pays.

Dans les diffrents centres miniers, je fus accueilli par les premiers responsables
portugais avec des gards exceptionnels, et souvent en famille.

A Genve : au Bureau International du Travail (BIT)


Avant mon arrive la Direction des Mines, le Bureau International du Travail avait
dj pris les contacts avec le Maroc pour lorganisation en novembre 1982 dune journe
de rflexion sur la scurit, visant sensibiliser les employeurs, les travailleurs et les
dlgus la scurit sur les problmes inhrents la scurit et lhygine dans les
entreprises minires nationales.

Peu de temps aprs cette journe qui connut un grand succs, javais conduit une
mission Genve laquelle avaient particip le Chef du Service de lInspection du Travail,
Belahcen, et Naji, reprsentant du BRPM et de ses filiales.

Lobjectif assign notre mission tait dexaminer avec le BIT lorganisation dun
grand sminaire international sur lHygine et la scurit dans les mines, associant des
pays africains et europens.

Un programme fut arrt cet effet, visant la lutte contre les risques professionnels
et la sensibilisation des responsables des entreprises, des travailleurs et des dlgus
chargs des problmes de scurit et dhygine dans les mines.

A Genve, nous avons enregistr la bonne disposition du BIT nous apporter son
concours dans les domaines de linformation et de la documentation, relatives aux
expriences vcues dans dautres pays.
Sur le chemin du retour, javais transit par Marseille, et en compagnie d'Abdelhaq
Bennani, Chef de la Division de la Valorisation Minire, nous avons visit lusine de
fabrication des explosifs de Saint Martin de Craux.

156
Dans ce centre, nous avons pu apprcier les conditions de production, de
manutention et de stockage des explosifs, trois oprations qui devront tre la
proccupation majeure dans les usines des Groupes CADEX et SCAM implantes dans la
rgion de Casablanca, Tit Mellil et Bouskoura.

Visites historiques lOCP


En dcembre 1982, je mtais rendu dans les exploitations et les centres de
Khouribga (Oulad Abdoun), de Youssoufia (Gantour), Bengurir, Jorf Lasfar et les
Embarquements Casablanca

En janvier 1983, javais particip avec le Directeur Gnral, Lamrani, linauguration


du renforcement de la voie ferre, Youssoufia- Safi.

En fvrier 1983, en compagnie de mon fils Karim, je mtais rendu lexploitation de


Boucra et aux installations de Phosboucra Laayoune.

Alors que nous visitions les installations de Phosboucra, prs du port de Laayoune,
guids par le Directeur Nacer, un ancien camarade de la Promotion Mohammed V de
lEcole Mohammedia, nous avons appris la mort, aprs une longue maladie, du prince
Moulay Abdellah, frre du Roi Hassan II.

Aprs les missions lOCP, jeus le sentiment davoir rompu une barrire
psychologique entre lAdministration des Mines et lOffice qui se tournaient le dos depuis
longtemps, sans raison valable.

Javais rencontr partout des amis, des camarades dEcole, et constamment, je fus
accueilli chaleureusement avec les honneurs et la considration dus ma charge de
Directeur des Mines, reprsentant de lAdministration de tutelle.

Karim Lamrani tait lui-mme satisfait de la tournure prise par les relations avec le
Ministre et mavait exhort continuer sur la mme voie.

Vous faites du bon travail, continuez dans la mme direction, vous tes bien
apprci dans le secteur minier , me dit-il, loccasion dune de mes visites au centre de
Youssoufia et de linauguration du renforcement de la nouvelle ligne de chemin de fer
vers Safi, en prsence du Ministre des Transports, Mansouri.

Mon initiative fut unanimement apprcie, et nos relations avec le premier groupe
minier national taient revenues leur normalit, la satisfaction de tous, et
particulirement du Ministre Saadi et de Guerraoui, chef du Secrtariat du Directeur
Gnral de lOCP, devenu dsormais mon interlocuteur.

Pour ma part, je fus rellement enchant et fier de dcouvrir les grandes ralisations
de notre pays dans le domaine des phosphates et de leurs drivs, et dapprcier les
programmes de dveloppement du Groupe OCP pour les cinq prochaines annes aux plans
de lexploitation et de la valorisation minires.

Chez les permissionnaires et au secteur artisanal


Outre les dplacements dans les exploitations relevant des Offices de lEtat (OCP et
BRPM) et du Groupe ONA, les visites des mines du secteur priv furent organises pour
rester inform des problmes et participer la recherche des solutions appropries, mais
aussi pour inciter les cadres de la Direction des Mines simpliquer davantage et tre au
fait des vritables problmes et des enjeux de la Mine nationale, cratrice de richesses,
et demplois, et contributrice au dveloppement rgional.
Mon premier souci, tout en tant sourcilleux sur lapplication de la lgislation et de la
rglementation dans ses grands principes dallocation des salaires, de vie dcente, de
scurit et dhygine, tait de ne pas perturber lactivit dans les exploitations, dviter

157
de retarder linvestissement par des procdures dpasses ou inadaptes, des fois non
matrises par nos cadres eux-mmes.

Ainsi, des missions avaient concern les domaines des petits permissionnaires, entre
autres :

- Tanfit, gisement de cuivre et barytine, dans la valle de lAgoundis, prs dIjoukak


exploit par Haj El Baz, vieux routier de la mine, dans le cadre de sa socit, la SOCOMIS,
avec des rserves de 55.000 tonnes 2,5% de cuivre et 30.000 tonnes de barytine de
densit 4,15,

- Matate et Lalla Aziza, gisements de barytine respectivement prs dAsni et Imi


NTanout, o les rserves taient estimes plus de 350.000 tonnes, exploits et
dvelopps par la socit SMBA dirige par un jeune promoteur dynamique, Larbi
Belghiti, assist de Mhamed Bennani, lui-mme exploitant minier.

-Sel dAhl Draa 11 km de Demnate, domaine couvert par un trs ancien droit coutumier
accapar durant des dcennies par le Pacha de Marrakech, El Glaoui qui avait dpossd,
son profit, par la ruse et la force, les propritaires lgitimes.

Au fond de la mine, javais vu loeuvre des vieillards en train de dbiter des plaques
de sel que des adultes et mme des enfants transportaient pniblement sur leur dos dj
vot, sur plusieurs dizaines de mtres de plan inclin.

Dans ce centre, au fond de lexploitation, on avait limpression dtre au Moyen Age,


mais aussi que les ouvriers vivaient et mourraient sur les lieux de production.

Au jour soprait la vente de plaques de sel gemme des acheteurs peu scrupuleux
de Marrakech et Bni Mellal.

- Aguerd NTazoult, ancien chantier du BRPM dans le Haut Atlas, 17 km de Zaouiat


Ahensal, daccs difficile par une piste de 75 km partir d'Ouaouiizeght, passant par
Tillouguite, o lamodiataire El Ghazi exploite depuis 1970, de manire semi-artisanale,
un gisement de zinc de bonne teneur.

- Salines Souk Larbaa du Gharb, 3 km de la localit, en bordure de la route de Tanger,


sur la rive droite de lOued Mda, exploites en carrire dans une structure anticlinale de
type diapir par le permissionnaire Lamrani de Marrakech, et par les habitants du douar
Doun Bourk.

La production tait de lordre de 2.500 tonnes par an, sous forme de blocs de sel
gemme dissous par jets deau, recueilli ensuite dans des bassins de dcantation, puis mis
en sacs dans une petite unit de conditionnement.

Lors de notre visite, avec Hakkaoui, Chef du Service du Patrimoine Minier, lui-mme
originaire de la rgion, nous avons pu rgler les problmes de dlimitation entre les
exploitants, en litige depuis des lustres.

- Lac Zima, en bordure de la route Marrakech-Safi, lexploitation du sel porte sur 600
hectares deau de hauteur variable en fonction de la pluviomtrie.

Le Lac, aliment par une circulation deau sale souterraine en provenance de la


plaine de Chemaa, produit du sel de qualit avec une teneur de 96% Na Cl.

Jusquen 1939, lexploitation appartenait au Makhzen qui mettait en adjudication le


domaine tous les trois ans.
En 1947, avec la cration de la Socit Chrifienne des Sels, associant le BRPM aux
Salins du Midi franais, le domaine fut transform in fine en concession attribue au
BRPM en 1950.

158
La production, estime 20.000 tonnes en 1986, est utilise essentiellement par les
sardiniers de Safi et les conserveurs dolives de Marrakech.

- Le secteur de CADETAF, o la situation critique dans laquelle se dbattait le monde


des artisans avait justifi le suivi permanent et rapproch de cette zone appele, depuis
sa cration et son extension jouer un grand rle socio-conomique dans les provinces
dErrachidia et Figuig.

La mauvaise gestion et le manque de contrle rigoureux, aprs le dpart des quipes


du BRPM au cours des annes soixante dix, avaient entran une situation de gabegie
double dincurie, et terni profondment limage de la Centrale auprs des vrais artisans
mineurs honteusement exploits par plusieurs requins de la rgion de Bni Tadjit.

Ces derniers, aprs avoir achet les productions de calamine (carbonate de zinc) aux
artisans mineurs, les coulaient ensuite sur la base de fausses teneurs leves,
occasionnant pour la Centrale des manques gagner et des dficits importants que les
subventions de lEtat ne pouvaient couvrir indfiniment.

Une action nergique fut entreprise pour mettre fin ces agissements contraires
lthique dans la profession minire, en loignant lintermdiation, et en faisant ainsi
bnficier les vritables artisans des retombes de leur dur labeur.

En Sude
En mars 1983, la demande du Ministre Saadi, une mission fut entreprise en Sude
avec le concours de son Ambassadeur Rabat, Linqvist, et dAtlas Copco Maroc, pour
tudier les problmes de musologie, de patrimoine minier et denvironnement dans les
mines sudoises connues pour leur fermet dans la protection de la nature et du
traitement appropri de laprs mine.

La visite de la mine exprimentale dAtlas Copco Stockholm, nous avait fourni


moult informations pour un amnagement du muse souterrain que le Ministre avait
dcid de raliser dans lenceinte du btiment du sige de lAgdal.

Atlas Copco stait engag nous fournir gratuitement du matriel dexposition, des
plans damnagement, des maquettes, etc.

Par ailleurs, des sances de travail furent tenues Stockholm et Uppsala avec des
experts en matire de protection de lenvironnement, de lgislation minire, dinspection
du travail, dexploitation et de commercialisation des minerais.

Le sjour Stockholm stait achev par une visite lpave dun ancien navire
immobilis dans un des chenaux et transforme en muse de la mer.

Avec nos diffrents htes sudois, nous nous sommes accords pour changer les
informations, les statistiques et les expriences dans ces domaines importants.
****
Je reviendrai en Sude en mars 1984, sur invitation des autorits de ce pays,
accompagn par le Directeur Gnral dAtlas Copco Maroc, Brogli, pour visiter, sous la
neige, des centres de recherches et des usines de fabrication de matriels miniers dans la
priphrie de Stockholm, Uppsala, Sala, Sandvik, Boliden.

Javais achev ma tourne par Shleftea en bordure de la Mer Baltique en allant


lunit de fusion du cuivre et du plomb selon le procd Kaldo.

Au retour de Sude, javais transit par Paris pour un dplacement, en compagnie


d'Ali Yousfi, Prsident du Groupe CADEX Casablanca, aux usines dexplosifs dAblon en

159
Picardie et de Herry prs dAuxerre, pour minformer sur les mesures adoptes par les
producteurs dans le cadre de la refonte du rglement minier franais intervenue en 1980.
****
En t 1984, aprs un dplacement rapide lunit de fabrication dexplosifs
Brigues en Suisse, et sur invitation du Directeur Gnral dAtlas Copco Maroc, Brogli et de
son pouse, nous avons, mon pouse et moi, t accueillis trs chaleureusement en
Norvge et en Sude par les socits Volvo BM, Alvnius et Atlas Copco, firmes fabricants
de matriel de mines et de gnie civil.

Fermetures de mines
Les moments les plus tristes de la vie dun ingnieur des mines sont les fermetures
ou les mises en veilleuse des exploitations minires.

Personnellement, habitu depuis mon entre au BRPM rechercher des gisements,


les tudier, les dvelopper et les mettre en production, en crant des emplois et de la
richesse, ce furent pour moi de vritables cas de conscience et de rels dchirements de
devoir participer lextinction dfinitive dactivits minires remontant souvent
plusieurs dcennies.

Kettara, la premire mine concerne mes dbuts la Direction des Mines, avait fait
lobjet de travaux de recherches de cuivre en 1930, dexploitation en 1938 et 1940 des
minerais de fer (hmatite, pyrite et ocre) dont les prix taient alors rmunrateurs pour la
socit dexploitation, la Compagnie Minire Marocaine.

A lpuisement des rserves docre et de pyrite, au sommet du gisement, Kettara,


dans sa partie infrieure, avait vcu plus de vingt ans en fournissant de la pyrrhotine au
complexe chimique de Safi, dans des conditions financires trs inconfortables pour la
socit dexploitation, SEPYK, filiale du BRPM et de lOCP.

La dcouverte des grands gisements de soufre au Canada, en Irak, en Pologne et


lextraction rentable du soufre partir du gaz, avaient sonn le glas de la pyrrhotine,
minerai polluant et ferrugineux.

Kettara, longtemps adul par les quipes du BRPM, centre de formation dune pliade
dingnieurs et de techniciens des mines, ne sen remettra plus jamais.

La dcision en juin 1982 de la fermeture de la mine fut marque par une priode de
grande tension entretenue et attise par le comportement des syndicats et des
reprsentants du personnel.

Au cours de runions interminables la Direction des Mines, ce furent souvent des


palabres, des joutes oratoires et des discussions striles et irralistes, domines par la
dmesure et la dmagogie.

Aprs de nombreuses runions la Direction des Mines avec le BRPM et lOCP, les
deux principaux actionnaires de la SEPYK, puis par la suite avec les syndicats (UMT
notamment), il fut dcid, au final et aprs consensus, darrter lactivit de production
de pyrrhotine, dindemniser le personnel et de recaser une centaine dagents aux
Charbonnages de Jrada et aux Phosphates de Youssoufia, les ingnieurs et les cadres
rintgrant le Groupe BRPM sans grande difficult.

Une activit sporadique avait t maintenue aux Ateliers pour rpondre des
demandes spcifiques, les logements furent cds symboliquement au personnel et les
btiments administratifs octroys la Commune de Kettara.

Les quipements (matriel de mine, machines dextraction, usine denrichissement,


etc.) furent dmonts puis dispatchs dans les autres mines du Groupe BRPM au fur et
mesure des besoins.

160
Bouazzer pour sa part, lune des plus anciennes mines du Maroc moderne, tait
lorigine de lrythrine (arsniate de cobalt) utilise comme raticide et insecticide par les
habitants de la rgion.

Larsniate de cobalt vendu sur les souks et Jema El Fna Marrakech fut
lorigine de la dcouverte du minerai de cobalt dans les annes 1928-1930 dans le secteur
de Bouazzer, dans la boutonnire du Grara.

Avec lpuisement des rserves du centre de Bouazzer, les nouveaux gisements


dIghtem, Aghbar, Ambad, Tamadrost, Tarouni et Oumlil avaient pris le relais.

En mars 1983, en priode deffondrement des cours du march mondial du cobalt, et


aprs un effort exceptionnel de recherches, les rserves conomiquement exploitables
tant pratiquement puises, la mise en veilleuse des centres miniers fut dcide dans la
discrtion, la dignit et la comprhension des deux antagonistes (la socit CTT, filiale du
Groupe ONA et les Syndicats de toutes obdiences),

Larrt de lexploitation fut officiellement enregistr et accept par les parties


concernes, en prsence du Gouverneur de la province d'Ouarzazate, Boufous, de Chrif,
Directeur du Ple Mines de lONA et de moi-mme en tant que reprsentant de
lAdministration des Mines.

Les cadres et plusieurs dizaines douvriers furent recass aux mines de Bleda, El
Hammam et Imiter.

Larrt de lactivit aux deux centres de production de Kettara et Bouazzer fut un


coup svre pour le secteur minier avec la disparition de plus de 1.500 emplois.

Le Maroc minier doit beaucoup lexpertise acquise dans ces deux mines par
plusieurs dizaines dingnieurs, de techniciens et ouvriers spcialiss qui viendront
enrichir et renforcer les quipes en charge des nouveaux projets dvelopps en communs
par le BRPM et lONA.

La mine de Bouazzer sera ractive la fin des annes quatre vingt pour rpondre
la demande du client chinois, et aprs la conclusion avec lui dun contrat bas sur un
cours du cobalt intressant et rmunrateur, justifiant la reprise de lexploitation dans
certains quartiers abandonns cause du niveau non rmunrateur de leurs teneurs.

Ramnagement de la PRG
Sensibiliss par les problmes regrettables des fermetures des mines, mais aussi
dsireux de promouvoir la recherche minire pour reconstituer les rserves exploites et
amliorer les procds de valorisation, nous avons, de concert avec la profession minire,
ramnag le texte de la Provision pour Reconstitution de Gisement (PRG) datant de
septembre 1958, pour le rendre plus attractif et plus incitatif, notamment au plan de la
transformation des minerais et de la participation dans dautres socits de
dveloppement minier et paraminier.

En effet, en dehors de lOCP et de certains grands groupes miniers, les socits


minires seules ntaient pas en mesure de faire face aux investissements lourds que
ncessite lindustrie de transformation.

Par ailleurs, lexcentricit gographique des mines ne devait pas se traduire par un
isolement effectif sur le plan conomique, mais plutt devait tre accompagn et assur
dun environnement adquat pour inciter et encourager les oprateurs miniers
entreprendre avec plus dardeur, les actions de dveloppement minier, moteur dun grand
nombre dactivits cratrices demplois et de richesses.

161
Avec lappui dtermin du Ministre Saadi et de lAssociation des Industries Minires
dirige avec grande comptence par Tab Skalli, lui-mme ancien Directeur des Mines, le
nouveau texte fut rapidement approuv par le Gouvernement, la grande satisfaction de
tous les oprateurs dans le secteur de lindustrie minrale.

Cest ainsi que le taux de provision avait t port 25% du chiffre daffaires au lieu
de 15% en vigueur, et que la dure de validit et dutilisation avait t porte 5 ans,
avec utilisation de 50% du montant accord pour le dveloppement des rserves globales
des gisements miniers.

Ce ramnagement avait, en son temps, permis de constituer de confortables


rserves financires en priode de hauts cours, et de faire face des priodes de dprime,
contribuant ainsi la dcouverte et au prodigieux dveloppement des mines de Hajar,
Imiter, El Hammam, Touissit, Assif Imider, Tiouit, entre autres.

De plus, une nouvelle dynamique avait t imprime la recherche minire tous


azimuts, augurant dune nouvelle re pour lexploitation et la valorisation minires dans
notre pays.

Au Moyen Orient
En avril 1983, javais particip en Arabie Saoudite au sminaire sur la technologie
minire dans le monde arabe et son volution historique, organis par lOrganisation
Arabe des Ressources Minires (OARM) dirige par Alaoui Mhammedi.

Bensad, Directeur de la Gologie, et Lhatoute, Secrtaire Gnral du BRPM, avaient,


aussi particip ce Sminaire Djeddah.

Comme laccoutum dans les runions interarabes, une bonne partie du Sminaire
fut consacre aux discours creux, des recommandations de peu dintrt et des
rceptions interminables.

A la fin du Sminaire, et comme pour apprcier le grand potentiel minier de


lArabie Saoudite, des dplacements furent organiss au gisement dargent de Noqrah, et
Mahd Addahab, mine dor remontant lpoque de la Reine de Saba, sur la piste des
anciennes caravanes venant du Hadramaout en direction de la Syrie.

A Mahd Addahab, nous avons not la drobade dguise des ingnieurs des mines et
des gologues saoudiens pour nous accompagner dans la visite des travaux souterrains.

Des cadres sudois et franais et des ouvriers philippins assuraient la direction et


lexcution des travaux miniers.

Le programme de visites navait pas t men son terme en raison du mauvais


temps qui avait svi en Arabie Centrale, nous empchant datterrir Jbel Sayid, gisement
polymtallique (plomb, zinc).

Sur les lieux, les travaux de recherches minires taient dirigs par Fauvelet, ancien
Directeur Technique du BRPM, dtach sur place par le BRGM France pour assurer le suivi
et la conduite des travaux.

Fauvelet tait venu Djeddah nous saluer et remmorer avec nous la priode o il
officiait au BRPM.

En vrit, malgr les dclarations des Saoudiens dsireux avant tout de montrer la
diversit des ressources naturelles de leur pays, les potentialits minires de lArabie
Saoudite sont bien modestes et ne reprsentent en valeur que quelques minutes de
pompage des immenses rserves en hydrocarbures.

162
A Djeddah, avec Lhatoute, grce lintermdiation d'Alaoui Mhammedi, Secrtaire
Gnral de lOrganisation Arabe des Ressources Minires (OARM), nous avons t reus
par Ghazi Soltane, Vice Ministre des mines pour examiner les possibilits de coopration
au plan des travaux miniers en Arabie Saoudite.

Mais nous constaterons par la suite, malgr les promesses et les bonnes paroles, quau
Moyen Orient, on prfrait traiter avec les Occidentaux plus souples et moins retors.

Ds lors, le BRPM malgr son immense exprience et sa notorit, navait jamais pu


pntrer le vaste march saoudien des travaux souterrains.

Durant notre sjour, nous emes la chance daccomplir en compagnie dofficiels


saoudiens, la Omra dans des conditions trs agrables, en nous rendant La Mekke,
puis en avion Mdine, deuxime ville sainte de lIslam.
****
Par la suite, plusieurs missions mavaient donn loccasion de retourner au Moyen
Orient, dans lespoir de dvelopper et de promouvoir la coopration, avec les autres pays
arabes, notamment :

En Jordanie, qui avait abrit Amman le Sminaire sur le cuivre et le plomb dans le
monde arabe, organis par lArab Mining Company (ARMICO).

La participation marocaine lvnement fut nombreuse, diversifie et apprcie


tous les stades (exposs techniques et conomiques, gologie minire et structurale,
plans daction, recherche et dveloppement).

Pour la premire fois, javais assist une manifestation arabe enrichissante,


dnotant la matrise par ARMICO du savoir organisationnel et technique.

Au terme du Sminaire, une visite du grand projet de potasse de la Mer Morte nous
avait montr les efforts consentis par ARMICO dans la valorisation des eaux satures en
sel, proximit de la frontire avec Isral, non loin du site biblique de Sodome et
Gomorrhe.

A Bahren, en compagnie de Chahid, Directeur Gnral du BRPM, nous avons essay,


dans la capitale Manama, ville organise la britannique, dintresser, mais sans succs,
les promoteurs du Golfe au financement des projets miniers marocains.

Par la suite, dans cet ancien protectorat britannique, devenu indpendant en 1971,
riche en ptrole, nous avons visit des installations sidrurgiques et mtallurgiques
approvisionnes en fer dAustralie et en alumine de Guine, et ralises sous la
supervision dun expert algrien, Omar Grine.

Linvestissement nous avait sembl disproportionn pour un petit pays comme


Bahren, et de rentabilit douteuse en priode de crise internationale dans la sidrurgie
et la mtallurgie.

Il faut rappeler que Bahren est archipel du Golfe Persique, proche de lArabie
Saoudite, laquelle il est reli par un pont de 28 km, intensment frquent dans les
deux sens durant les week end,

En Arabie Saoudite, venant de Bahren, aprs une escale dans limmense aroport
de Ryad, nous avons gagn Djeddah pour rencontrer le Vice Ministre saoudien des
ressources minires, Ghazi Soltane et les reprsentants de la Banque Islamique dispose-
nous disait-on- financer des projets miniers.

Nos multiples contacts furent malheureusement striles, malgr les promesses


vaseuses et les bonnes intentions.

163
Le BRPM, chaud une deuxime fois, fera son deuil de ses espoirs au Moyen Orient
et ne tentera plus ce type dintervention auprs des pays du Golfe, probablement
rfractaires, comme en 1983, toute intervention minire marocaine.

A Amman en Jordanie, aprs lArabie Saoudite, nous avons rencontr les


responsables dARMICO conduits par Tabet Taher, en vue dlargir et raffermir notre
coopration concernant les exploitations de Zgounder et Sidi Lahcen et les programmes
de recherches sur dautres gisements dans le cadre de la Socit SOMIL, filiale du BRPM
et dARMICO.

Une randonne touristique fut organise pour nous sur les bords de la Mer Morte, lac
biblique de Palestine, salure trs forte, o se dverse aux environs de Karamah, le
Jourdain, fleuve mythique prenant sa source au Golan syrien occup par Isral depuis la
guerre des Six Jours en 1967.

Karamah, clbre pour son agriculture riche, ses domaines de bananiers, dorangers
et de marachages, fut le thtre, aprs la guerre des Six Jours, daffrontements sanglants
entre larme isralienne et les Palestiniens appuys par les forces jordaniennes.

Nous avons admir, du bord de la Mer Morte, plus de 390 en dessous du niveau de
la Mditerrane, le merveilleux coucher du soleil sur Jrusalem, qui de loin nous
paraissait haut perche, alors que des enfants jordaniens se baignaient en toute
innocence dans les eaux satures, faisant penser un bain dhuile.

Les Israliens veillaient au grain, avec le survol en permanence de la zone par des
avions de reconnaissance Hercule C130.

Nous sommes passs proximit du pont Allenby, du nom du marchal anglais ayant
contraint les Turcs vacuer la Palestine.

Cet ouvrage quasi branlant, vestige dsuet de loccupation britannique de la


Palestine, tait le seul lieu de passage entre la Jordanie et les Territoires Occups par
Isral depuis 1967.

Le pont Allenby venait rappeler aux visiteurs que cette terre baigne dhistoire,
berceau des trois religions monothistes, est secoue en permanence par les soubresauts
et les affres de la guerre ouverte ou larve que se livrent, sans rpit depuis des dcennies,
les Arabes et les Juifs.

En mditant sur cette situation regrettable, on peut affirmer que seuls les rayons de
la paix sont en mesure denrayer ces rancunes qui aveuglent les peuples arabes et le
peuple isralien, et qui continuent dtruire leurs enfants.

En route vers Amman, nous avons travers une zone de valles boises, de cultures
en terrasses rappelant trangement la rgion du Rif.

Amman, en profitant du conflit irako-iranien et du trafic Aqaba-Bagdad, tait une


ville phagocytant son environnement immdiat, et dployant ses quartiers rsidentiels et
administratifs sur les collines.

Le soir, nous fmes convis un dner amical et dcontract au domicile de Tabet


Taher, en prsence du staff dARMICO, men par le vtran et toujours affable Tassir.

Le lendemain, nous avons quitt Amman pour Paris, avec une courte escale
laroport de la capitale syrienne, Damas.

Au Troisime Sminaire de lEcole des Mines de Paris

164
Au cours du premier trimestre de 1983, dans le cadre de notre plan dactions, javais
effectu plusieurs visites dans les mines du BRPM, du Groupe ONA et de lOCP,
accompagn des cadres de la Direction des Mines chargs du suivi des investissements,
de lInspection du Travail et du Patrimoine Minier.

Par ailleurs, la tenue des runions priodiques de la Direction des Mines avait engag
et inaugur lactualisation des textes lgislatifs et rglementaires rgissant les activits
extractives et de valorisation.

En mai 1983, linvitation de lEcole des Mines de Paris, et sur instructions du


Ministre Saadi, javais particip au Troisime Sminaire dEconomie et de Stratgie
Minire, organis sous lgide bienveillante du Ministre franais de la Recherche.

Ce sminaire avait pour but de favoriser et de faciliter la comprhension des


problmes poss par les dveloppements miniers, sur le plan de la prise de dcision et de
la politique des Etats et des grandes entreprises spcialises.

Le sminaire tait destin des cadres politiques, administratifs et financiers ayant


des responsabilits dans la politique de dveloppement minier, au niveau des entreprises
minires ou des institutions financires.

A la demande de lEcole des Mines, javais prsent un expos sur la situation du


secteur minier au Maroc et ses perspectives de dveloppement qui avait suscit
rellement un intrt parmi les participants, eu gard aux nombreuses questions qui me
furent poses.

Le sminaire stait termin sur une rflexion globale sur certains problmes des
matires premires pour permettre den prendre une conscience objective.

Ainsi, il a t enregistr que :

- les deux chocs ptroliers de 1973 et 1979 furent absorbs par les pays
industrialiss, grce des ajustements conomiques lis aux taux dintrts et la
recirculation des ptrodollars,

- la crise de lnergie stait traduite par une augmentation vertigineuse des charges
dexploitation, entranant la fermeture des centres de production minire, obligeant
certains Etats redistribuer leurs moyens et opter pour dautres orientations et dautres
priorits,

- les pays en voie de dveloppement furent les plus durement touchs, et certains
dentre eux contraints de vendre leur production perte pour faire face aux problmes
lis leur balance des paiements,

- au niveau de la transformation locale des produits miniers, il avait t constat que


certains pays comme le Maroc et le Chine bnficiaient de positions privilgies,
respectivement pour le phosphate et le cuivre.

Pour dautres, les surcapacits de transformation existantes ne permettaient pas dy


installer des usines neuves dont lamortissement tait trs difficile,

- au niveau des financements, on sorientait de plus en plus vers des interventions


conjointes avec les organisations internationales et le retrait de plus en plus marqu des
banques commerciales,

- tout le monde stait accord pour affirmer que la russite de la coopration Nord-
Sud devait dabord passer par une coopration Sud-Sud pour favoriser et renforcer une
discipline des acteurs producteurs des matires premires minrales,

165
- au niveau de la coopration Nord-Sud, les pays industrialiss considraient quelle
devrait viser la scurit dapprovisionnement dans le cadre des intrts des uns et des
autres.

Mais tout le monde saccordait pour affirmer que sa russite devait dabord passer
par une coopration Sud-Sud pour favoriser et renforcer une discipline des acteurs
producteurs de matires premires minrales.

La participation ce Sminaire fut pour moi loccasion de rencontrer des collgues


africains, de nouer et de renforcer les relations avec le corps professoral de lEcole des
Mines de Paris, et de reprsenter notre pays considr comme lun des pionniers de la
mine en Afrique et dans le monde arabe.

Aux Forums euro arabes de Genve


Poursuivant leffort de restructuration de la Direction des Mines, je mtais attel la
visite de tous nos services rgionaux pour examiner avec les responsables les problmes
poss quant aux moyens humains et matriels mis en uvre dans chaque dlgation.

Je mtais rendu compte trs vite de la faiblesse notoire de nos moyens


dintervention, et souvent javais eu recours mes amis du BRPM, toujours disponibles
pour nous apporter leur soutien.

En juin 1983, javais particip Genve au premier forum euro-arabe, au cours


duquel le Secrtaire Gnral, Karbid, avait prsent la politique marocaine en matire de
mines et dnergie, suivie dun large dbat visant intresser les investisseurs potentiels
europens et arabes venir simplanter dans notre pays.

Aprs, avec le Directeur de lEnergie, Bouhaouli, nous nous sommes rendus dans la
zone du Beaujolais prs de Villefranche pour visiter des installations industrielles et
scolaires, ralises dans loptique des conomies dnergie dveloppes en France.

Par la suite, nous avons assist Cannes, la dmonstration dun dirigeable


Arostat, et son bord, nous avons survol la Cte dAzur.

Aprs un court passage Paris, javais rejoint mon fils Karim Bordeaux pour
assister son dpart aux Etats-Unis o, dans le cadre de lAgence Nacelle, il devait
sjourner au sein dune famille du Minnesota.

Karim tait tout heureux de prendre le large tout seul, sans la prsence
ombrageuse de ses parents.
****
Je reviendrai en novembre 1984 au deuxime Forum dans le cadre dune dlgation
prside par le Ministre Saadi qui avait insist auprs des oprateurs europens et arabes
pour accorder leur intrt la recherche ptrolire et au dveloppement minier au Maroc.

Mais l encore, le succs ntait pas de la partie pour notre pays boud par les
investisseurs arabes.

Au cours de la runion de clture, le 23 novembre 1984, javais appris le dcs de


mon pre lhpital Avicenne Rabat.

Accompagn de Lhatoute, javais quitt immdiatement Genve.

Javais transit par Paris pour tre le surlendemain Goulmima o mon pre tait
malheureusement dj enterr.

Je noublie pas encore aujourdhui llan de sympathie manifest en cette


douloureuse occasion par lensemble du secteur minier.

166
Journes gologiques et minires
Au cours des annes prcdentes, seules taient organises les Journes
gologiques, suivies aussi bien par les gologues que par les mineurs.

Aussi, dans un souci de synergie, avais-je demand au Ministre Saadi, lui-mme


minent gologue, dautoriser lorganisation conjointe et solidaire des journes
gologiques et minires.

Ainsi, ds fin 1983, en rassemblant durant plusieurs jours Rabat, des gologues et
des mineurs issus des mines, des offices publics, de lAdministration et de lUniversit, ces
journes furent loccasion de confronter les ides, les expriences, dexposer les rsultats
des travaux, dresser le bilan des recherches et des tudes et valuer les performances
obtenues dans les diffrentes mines et aux facults des sciences.

Au cours de ces forums, qui se tiendront tous les deux ans, les gologues traitaient de
linfrastructure gologique nationale et des derniers dveloppements en matire de
cartographie, les mineurs de leur ct analysaient les volutions en matire
dquipements miniers et de traitement, de mthodes dexploitation et de valorisation des
minerais complexes.

Ces journes, avaient toujours enregistr un grand et franc succs, tant par la qualit
des participants que par le niveau des exposs relatifs aux activits de reconnaissance,
dlaboration des cartes gologiques, de recherches en laboratoire, damlioration des
techniques de production et de valorisation des minerais.

Rservs au dbut, limage de mon collgue et ami Bensad, Directeur de la


Gologie, les gologues avaient fini par tre convaincus pour adhrer lorganisation
commune de ces journes scientifiques et techniques, au grand bonheur et la
satisfaction du Ministre Saadi.

Arbitrages de la Direction des Mines


En dbut 1984, la Direction des Mines fut sollicite pour arbitrer dans deux litiges, le
premier entre les Mineurs et la Fonderie Plomb Zellidja (FPZ), le deuxime entre la
SOTRAREM et la SACEM.

Entre les Mineurs mens par la Compagnie Minire de Touissit (CMT), premier
producteur de plomb, et la Fonderie dirige par le vtran Beladi, homme retors et imbu
de sa science infuse en mtallurgie, ce fut lpreuve de force, suivie du blocage des
livraisons de concentrs de plomb lusine dOued El Heimer prs de Touissit.

Les Mineurs refusaient de vendre leurs productions de concentrs de plomb sur la


base des frais de fusion jugs trop levs par rapport au niveau international.

La Fonderie, de son ct, invoquait les clauses des contrats lui garantissant
lapprovisionnement rgulier de son usine, occultant les bouleversements des cours au
niveau international et la vrit des cots locaux de production.

Aprs une analyse approfondie de la situation prside par la Direction des Mines, et
aprs accord des deux parties, il fut dcid dorganiser une mission dinformation en
Europe pour apprcier le niveau des frais de fusion et les cots opratoires des principales
fonderies de plomb.

Les conclusions de cette mission prside par Arsalane, chef du Service


Commercialisation la Direction des Mines, furent la base de larbitrage rendu et
communiqu aux deux parties, avec lespoir de mettre fin un long diffrend
prjudiciable essentiellement pour la profession minire nationale.

167
Larbitrage fut brutalement rejet par Beladi, obligeant les Mineurs maintenir
mordicus leur refus de livraison sans accord pralable sur un niveau raisonnable des frais
de fusion, et opter pour lexportation de leurs productions pour bnficier de frais de
fusion plus clments sous dautres cieux.

La Direction des Mines enregistrera, avec un profond regret, cette position peu
cavalire de la Fonderie, sans autre forme de procs.

Beladi sera pendant longtemps le souffre douleur de lAdministration des Mines et


des producteurs nationaux de minerais de plomb.

Les relations entre Mineurs et la Fonderie resteront conflictuelles et exacerbes


jusqu lloignement dfinitif de Beladi, pour devenir sur le tard, plus sereines et plus
quilibres avec larrive la tte de FPZ de Lakhssassi, ancien Directeur de lEcole
Nationale de lIndustrie Minrale.

Lakhssassi, assainira ses relations avec les Mineurs avec beaucoup dentregent.

Le deuxime litige (SACEM/SOTRAREM) fut une confrontation passionne entre


Kettani et Lazrak, patrons des deux socits et vieux routiers de la mine.

A la demande de SACEM, Lazrak avait accept la mise disposition de ses chantiers


de barytine du Haut Seksaoua, moyennant redevance.

Les gisements concerns, situs dans le Haut Atlas occidental 3.000m daltitude,
entre le massif du Tichka et la valle dArgana, avec des rserves estimes 780.000
tonnes de barytine de densit 4,15, avaient fait lobjet en 1974 dimportants travaux de
terrassements suivis de la construction dune piste de montagne de 70 km partir d u
village de Timerdoudine, sur la route nationale Marrakech-Agadir.

Aprs lextraction de plusieurs milliers de tonnes de barytine de bonne qualit,


SACEM ayant conclu la non rentabilit de lopration, dcida brutalement de se retirer,
sans pravis, poussant Lazrak demander une juste compensation.

Aprs une intervention infructueuse de lAssociation des Industries Minires


Marocaines (AIMM) et de son Prsident, Skalli, pour trouver une entente amiable, les
deux antagonistes sollicitrent larbitrage de lAdministration des Mines.

Aprs plusieurs mois de multiples, longs et harassants conciliabules dans mon


bureau, il fut mis fin au litige ayant perturb longtemps lactivit des chantiers de
barytine de Seksaoua.

La SACEM avait accept de rgler certaines crances, dcorner quelques dettes, de


quitter les lieux et de faire bnficier Lazrak de la sous-traitance des travaux
dexploitation de manganse dans le secteur dIMINI

Cet arbitrage conforta laura de la Direction des Mines auprs de la profession


minire assure dsormais de trouver une oreille attentive ses problmes.

Congrs minier arabe Khartoum (Soudan)


En fvrier 1985, lactivit la Direction des Mines tant sa vitesse de croisire,
javais conduit la dlgation marocaine au 5me Congrs Minier Arabe Khartoum,
comprenant des reprsentants de lAdministration, des Offices publics (OCP, BRPM,
ENIM) et du secteur priv (AIMM).

Notre participation, travers 9 interventions traitant des ressources minires et des


mthodes dexploitation, sur un total du Congrs de 29, fut trs apprcie.

168
Il faut souligner avec un zeste de satisfaction, quau plan technique, le Congrs fut
une russite, compte tenu du niveau des communications et de lintrt manifeste des
discussions approfondies entre participants.

Plusieurs recommandations furent adoptes relativement la recherche,


lexploitation, la valorisation des mtaux prcieux et stratgiques, la formation et le
perfectionnement des cadres dans les instituts du Monde Arabe.

Paralllement aux travaux du Congrs, notre dlgation stait entretenue avec ses
homologues de Mauritanie, de Tunisie et dIrak pour faire le bilan de notre coopration
bilatrale, en vue de la promouvoir et de la dvelopper.

Les chefs de dlgations furent reus la fin du Congrs au Palais prsidentiel par le
Marchal Nemeyri, en grand uniforme, chamarr de mdailles, au verbe et la rhtorique
faciles, serein, sr de lui et dominateur.

Il sera renvers et chass du pouvoir par un coup dEtat militaire, deux semaines
aprs notre passage au Palais prsidentiel.

Au dernier jour, aprs la visite du muse de Khartoum, du quartier dOum Dourman,


du confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc appel Gezireh, la dlgation marocaine fut
convie dner en sa rsidence, par lAmbassadeur du Maroc, Abdellatif Mouline, grand
connaisseur du Monde Arabe, et mon voisin Rabat, dans le quartier de Bir Kacem.

De cette mission, outre son ct technique et lhomognit et la qualit de la


dlgation marocaine, nous avons retenu et constat avec amertume, que le Soudan est
en pleine dliquescence, augurant dun avenir incertain et agit.

La rcurrence de linstabilit politique Khartoum, et linscurit dans les provinces


chrtiennes et animistes du Sud, domines par John Garang, perturbaient la vie
conomique et empchaient les investisseurs trangers de venir mettre en valeur les
normes potentialits de lagriculture, de llevage, des gisements dor, et des ressources
ptrolires non loin de la Mer Rouge.

Dans cette triste situation le pays, le plus vaste dAfrique, peinait pour saccrocher au
train du dveloppement.

En Jamahiriya

Dbut avril 1985, aprs la tenue des journes gologiques et minires ayant connu
un grand succs mdiatique, scientifique et technique, la demande de la partie libyenne,
nous nous sommes rendus, Chahid, Directeur Gnral du BRPM, et moi, en Jamahiriya,

A cette occasion, nous avons rencontr les responsables du projet sidrurgique de


Misurata, du Centre de Recherches Industrielles et de la Socit Nationale des
Investissements Industriels, et examin avec eux les possibilits dapprovisionner la
sidrurgie libyenne en minerai de fer de SEFERIF.

Lors de notre visite au complexe de Misurata, implant parmi les palmiers, en


bordure de la Mditerrane, nous avons constat, avec tonnement, lampleur des
travaux et du cot financier (plus de cinq milliards de dollars) des installations
sidrurgiques, sans commune mesure avec les possibilits techniques et humaines de la
Libye rvolutionnaire.

En ralit, les Libyens, malgr leur norme apport financier tir des ventes de
ptrole, surfaient sur le projet dont le suivi et la ralisation taient assurs par des
socits japonaises et des expatris anglo-saxons.

Notre mission, en dfinitive, fut sans intrt rel, car au fil des discussions nous
avons retenu et compris que, malgr les promesses gnreuses, lapprovisionnement en

169
minerai de fer du Complexe de Misurata allait provenir du lointain Brsil, et que de ce fait,
loption SEFERIF tait dfinitivement carte.

Pour clturer notre sjour, une randonne touristique nous avait mens Leptis
Magna (aujourdhui Lebda), ancienne colonie phnicienne puis romaine, ville natale de
Septime Svre, empereur romain de 193 211, et connue pour ses nombreuses ruines
en bordure de la Mditerrane, lest de Tripoli,

Quelques semaines plus tard, une dlgation libyenne tait arrive au Maroc, sans
pour cela que la donne change.

Les Libyens taient venus pour dautres proccupations et non pour conclure des
contrats de livraisons du fer de Nador.

Ds lors, le BRPM fera son deuil des espoirs ns dune possibilit de reprise, plus
large chelle, de la production des minerais sulfurs de SEFERIF.

Dcidment, nous fmes convaincus, une fois pour toutes, quil est illusoire de
vouloir sentter essayer de susciter ou de promouvoir des relations minires avec des
partenaires dont les intrts sont souvent ailleurs.

La technicit du BRPM et les expriences minires et paraminires marocaines nont


pas rellement la faveur de nos frres arabes.

170
Un Ministre issu de lOCP
Dans lavion de Tripoli Casablanca, de retour de mission en Jamahiriya, nous avons
appris le changement la tte du Ministre de lEnergie et des Mines.

Moussa Saadi, qui fut lorigine de la cration et de la prodigieuse mutation du


Ministre de lEnergie et des Mines, tait nomm au Tourisme et remplac par Fettah,
Directeur du Dveloppement lOCP.

Laurat de lEcole des Mines de Saint Etienne ayant intgr lOCP en 1963, Fettah,
minence grise du grand boom des industries chimiques du Groupe, promoteur du secteur
phosphatier de Bengurir, tait arriv avec un prjug favorable pour remplacer un
gologue ayant marqu de son empreinte le Dpartement depuis sa cration en 1979.

Connaissant Fettah depuis 1963, alors quil tait tudiant Saint Etienne, ayant
entretenu avec lui des relations amicales et cordiales de longue date, je ne pouvais
personnellement que me rjouir de continuer, sous son autorit et bnficiant de son
amiti, consolider et raffermir les nombreux acquis la Direction des Mines, et
oeuvrer sur la voie du progrs dans les mines nationales.

Ds le premier mois, dans le cadre de son programme de contacts directs avec le


secteur minier, en compagnie des responsables de la Direction des Mines et du BRPM,
Fettah, en complte dcontraction, stait rendu Tiouit et Imiter pour constater
lambitieux programme de dveloppement minier dans la province dOuarzazate.

Par la suite, il avait continu sa tourne Errachidia pour prsider le Conseil


dAdministration de la CADETAF, et sinformer des activits artisanales Tizi Nfirest dans
la rgion de Rich.

A Tizi Nfirest, tait calcine la production artisanale de calamine dans une batterie de
5 fours de 180 tonnes de capacit globale produisant 700 800 tonnes/mois de minerai
plus de 50% de zinc, coul traditionnellement sur les marchs allemand et yougoslave.

Sur le chemin de Rabat, avec Lhatoute, nous avons visit le gisement de Ghassoul
(de la famille des argiles smectiques) de Tamdafelt dans la province de Boulemane,
exploit, suite une adjudication, par la famille Sfrioui.

Il faut signaler que ce gisement singulier fut concd aux chorfas Ouled Moulay Ali
de Ksabi par le sultan Mohamed ben Abdellah par dahir de mars 1878, puis soumis
adjudication priodique de 10 ans.

Nous avons, pour loccasion, relev leffort fourni en matire dextraction par
traages et dpilages, de valorisation du Ghassoul sous forme de produits plus labors
(shampoings, savons) et de prestations sociales au profit du personnel.

La direction de lentreprise, anime par le jeune chimiste, Salah Sefrioui, avait


engag plusieurs actions de valorisation du produit en amliorant les mthodes
dexploitation et de production, en engageant dimportants investissements et des tudes
gologiques dtailles, et en dveloppant un savoir-faire en matire de valorisation du
Ghassoul et de ses drivs.

Paralllement ces actions, des oprations de diversification industrielle,


dermatologique et pharmaceutique et des campagnes vigoureuses de promotion
commerciale ont t diligentes, notamment en Tunisie, Allemagne, France, Angleterre,
Thalande et au Japon.

Par la suite, pour approfondir ses connaissances du secteur minier, hors phosphates,
le Ministre stait dplac une seconde fois Ouarzazate pour inaugurer successivement
des programmes dlectrification rurale El Kela des Mgouna, lextension des

171
installations minires et de traitement Imiter visant quadrupler la production dargent
mtal, et la cit minire Tinerhir appele devenir un exemple de ralisation sociale
dans le secteur minier.

Poursuivant ses contacts avec le secteur minier, le Ministre se rendra aux mines de
Jbel Aouam et dEl Hammam pour senqurir des efforts dinvestissement engags par les
socits SMA et SAMINE dans les nouveaux quipements denrichissement des minerais
de fluorine et de plomb, et dans les programmes de travaux de recherche et de
dveloppement des gisements.

Fettah prsidera les Journes Fer et Charbon organises par la Direction des Mines
pour examiner lavenir de ces deux substances, la lumire des problmes SEFERIF, et
du lancement du plan de dveloppement des Charbonnages du Maroc.

Cette manifestation, comme les prcdentes consacres au cuivre, plomb, zinc, fut
un succs et nous avait interpells sur les difficults des mines de Nador et de Jrada, par
suite de la crise mondiale dans la sidrurgie et lindustrie charbonnire.

Au niveau du charbon, dans plusieurs pays europens notamment, les exploitants


taient subventionns par les pouvoirs publics soucieux avant tout de maintenir la
cohsion sociale dans les centres de production remontant souvent plusieurs dcennies.

Le cas de Jrada ne devrait pas faire exception, lEtat devant tout ou tard mettre
davantage encore la main la poche pour maintenir sous perfusion la plus grande
communaut minire nationale aprs lOCP.

Aux deuxime, troisime et quatrime sminaires de lEcole des


Mines de Paris
En mai 1985, javais particip pour la deuxime fois au Sminaire dEconomie et de
Stratgie, dont les enseignements furent les suivants :

- le diagnostic de lindustrie minire et mtallurgique avait montr une grave crise en


1980-1981, par suite de la baisse brutale des cours des matires premires minrales,
occasionnant des pertes financires considrables pour les firmes, avec des
investissements lourds par suite des surcapacits de production avaient,

- en matire de commercialisation, on avait enregistr une divergence entre traders et


mtallurgistes, par suite des fluctuations des cours et de lincertitude lie aux volutions
macroconomiques et aux taux de change des monnaies.

- au niveau du financement, on avait not une amlioration des procdures de mise en


place des financements bancaires.

Je reviendrai en mai 1987 pour participer pour la troisime fois au Sminaire ax sur
la position des pays miniers du Tiers Monde face la crise des matires premires
minrales, au cours duquel javais expos sur le secteur minier national, en faisant les
remarques suivantes :

- les rserves sont les ressources gologiquement prouves et exploitables dans ltat de
la technologie du moment,

- la technologie minire continuera bouleverser les mthodes de recherche et


dextraction des minerais des teneurs de plus en plus faibles,

- au Maroc, les zones profondes et caches nont pas encore t suffisamment explores
par des mthodes scientifiques modernes (gophysique, magntisme, forages profonds)
et pour cela elles mritent quon leur accorde lattention et la volont ncessaires pour
dcouvrir dautres gisements dimportance,

172
- grce la nature de ses gisements et sa position gographique lui donnant un atout
considrable, le Maroc sest engag dans un important programme de dveloppement
minier irrversible.

Pour ce faire, lEtat en collaboration avec les oprateurs miniers, a labor un plan
ax principalement sur le dveloppement de la production et de la valorisation des
phosphates, la recherche, la production et la valorisation des mtaux prcieux, mtaux de
base, substances utiles, roches industrielles et ornementales, la refonte de tous les
textes lgislatifs et rglementaires pour les adapter aux conditions du dveloppement.

Cet expos, appuy fortement par les reprsentants du secteur minier marocain au
sminaire, avait montr le climat de collaboration et de synergie rgissant au Maroc les
relations de lEtat avec la profession minire.

Au cours de ce Sminaire, aprs des discussions en apart durant les pauses caf,
javais suscit et encourag le recrutement par le BRPM de Benyakhlef et de Mlle
Benkhedra, doctorants lEcole des Mines, devenus plus tard, tous les deux, de grands
responsables dans les secteurs minier et nergtique nationaux.

Je participerai, pour la quatrime fois, au Sminaire de juin 1990 consacr aux


perspectives de lactivit minire dans le monde avec les conclusions suivantes :

- la crise de lindustrie minire et mtallurgique du dbut des annes quatre vingt


semblait dpasse, la situation du secteur ntant pas devenue ce quelle tait
auparavant, les marchs des commodits restaient structurellement instables,

- ces transformations staient ajouts des enjeux conomiques nouveaux lis la


perspective de lActe Unique Europen,

- la dstabilisation des marchs des matires premires minrales tait-elle irrversible ?


Comment taient anticipes les nouvelles rgles du jeu ?

- il a t constat un dsir profond de certaines firmes minires de se dgager des


oprations dextraction et denrichissement pour se consacrer des activits
mtallurgiques plus profitables, moins risques (cas du plomb et du zinc),

- dautres prfraient se diversifier ou axer leurs activits vers des crneaux pointus (cas
du molybdne) pour dominer le march et fixer les prix,

- mais de faon gnrale, il stait affirm une prise de conscience de la ncessit dun
travail concert et de ltude commune des problmes dapprovisionnement en matires
premires minrales et produits semi-finis (secteur de lautomobile notamment), position
diffrente de celle connue prcdemment, proche de la croyance dans le concept du
juste prix,

- le temps ntait plus ceux qui voulaient capitaliser le profit et socialiser la perte, et
que certains rient et dautres pleurent,

- la contribution de tous la lutte contre la crise tait ncessaire, la solidarit et


lintgration mondiales tant la voie du salut pour tous,

- les dsaccords ne mneront rien et ils ne feront quamplifier les effets de la crise et en
retarder le dnouement,

- il ne faut pas se rfugier derrire la main invisible du march,

- tions-nous la veille de la fixation ou de la dfinition dun juste prix des commodits ;


lavenir demeurait incertain car la demande pouvait tre prvisible condition de tenir
compte des phnomnes de base en analysant de prs les erreurs passes, mais surtout
en disposant du maximum dinformations justes et fiables.

173
****
Poursuivant notre action de refonte et dactualisation des textes rgissant le secteur
minier, nous avons, paralllement, inaugur une nouvelle politique douverture prne
par le Gouvernement vers les organisations syndicales de toutes les obdiences, et ce,
pour instaurer le dialogue et la concertation.

Souvent, malgr certaines positions dmagogiques, nous tions parvenus trouver


des solutions aux nombreux problmes poss ou en suspens depuis des annes.

Au cours de lt 1985, joignant lutile lagrable, accompagn de Dunker, Directeur


Gnral de la SCAM, javais effectu un dplacement rapide en Italie pour visiter des
usines dexplosifs Ghedi, dans la rgion de Brescia en Lombardie, connue pour ses
muses et ses nombreux monuments datant de lpoque romaine.

Notre mission stait poursuivie en Sardaigne, le et rgion italiennes au sud de la


Corse, au relief tourment avec des panchements volcaniques, disposant de ressources
viticoles et cralires, levages ovin et bovin, gisements de plomb, zinc et charbon, et o
le tourisme balnaire se dveloppait grande allure malgr lisolement et lmigration.

Aprs notre arrive laroport de Cagliari, nous sommes alls Domusnovas, o


nous avons pu apprcier les dispositions et les mesures prises dans une unit de
fabrication des explosifs de grande sensibilit.

Les visites Ghedi et Domusnovas mavaient convaincu de la ncessit de poursuivre


au sein de la Direction des Mines notre effort de contrle rapproch des units de
fabrication et de stockage dans les secteurs de Bouskoura et Tit Mellil.

Ainsi, ds mon retour, javais convoqu une runion avec les producteurs dexplosifs
et daccessoires de tir pour les sensibiliser sur les problmes de production, de stockage
et de manutention de ces produits sensibles.

Dans ce cadre, la Division de la Valorisation Minire stait penche sur la refonte


quasi complte du texte rgissant les explosifs remontant 1914.

Dans les mines tunisiennes


En dcembre 1985, aprs llaboration de notre plan dactions et la contribution
llaboration du projet de budget 1986, sur invitation de mon homologue, Zerelli, javais
particip au Sminaire sur lHygine et la Scurit dans les mines tunisiennes organis
aux Phosphates de Gafsa.

Avant la tenue du sminaire, une tourne mavait men Hammam Zriba (fluorine,
barytine) Sra Ouartne (centre dessais sur le traitement des phosphates) Bougrine
(gisement de zinc en cours de reconnaissance), Boujaber (barytine) Jrissa (fer) et
Moulars prs de Gafsa (phosphate).

Au cours de cette tourne, jeus loccasion de constater le retard patent des mines
tunisiennes aux plans de lorganisation, de lencadrement, de la gestion et des mthodes
dexploitation et de recherches.

Partout le syndicalisme forcen et la plthore de personnel avaient gangren ltat


des lieux o toute volution devrait passer obligatoirement par la remise en cause et le
dpassement de cette situation.

Avec nos partenaires tunisiens, nous avons dcid de relancer la coopration


bilatrale dans les domaines de la recherche, de lexploitation, de la valorisation et de la
formation professionnelle.

Mais, malheureusement, ce fut bien regrettable et dsesprant que ces dcisions


fussent restes lettre morte, encore une fois de plus.

174
****
Par la suite, conformment aux dcisions de la Grande Commission maroco-
tunisienne, une dlgation tait venue valuer leffort de notre secteur au plan de
lorganisation, des mthodes de recherche, de lexploitation et de la valorisation.

La dlgation fut impressionne par lintroduction de linformatique dans la gestion


du patrimoine minier, la circulation gnralise des informations, la responsabilisation
des cadres et la sensibilisation du personnel tous les chelons.

Une grande uvre : le panorama de lindustrie minrale


Llaboration du panorama de lindustrie minire nationale, uvre dcide et
entame du temps du Ministre Saadi, fut activement poursuivie pendant plusieurs annes
grce la collaboration de lensemble du secteur minier.

Aprs les nombreux bouleversements dans les mines au Maroc, il nous avait sembl
ncessaire den comprendre et apprcier les effets, de dresser un bilan exhaustif des
rsultats obtenus et dexaminer les perspectives de dveloppement dans un monde en
perptuelle mutation.

En publiant cet ouvrage, recueil de 1912 1986 de toutes les exploitations minires
et para minires du pays, la Direction des Mines esprait mettre la disposition des
investisseurs nationaux et trangers, des enseignants, des chercheurs et des tudiants,
un outil de travail leur apportant des informations sur les potentialits minires du pays
pour les aider circonscrire une part de nos orientations et de nos perspectives nouvelles.

Des statistiques historiques, techniques, conomiques et sociales, et toute une


panoplie dindicateurs socio-conomiques peuvent aider mieux comprendre le devenir
de la mine au Maroc et de mesurer les efforts consentis depuis plusieurs dcennies pour
assurer sa prennit.

Plusieurs centaines de documents historiques, techniques, conomiques et sociaux


furent passs au peigne fin, analyss et synthtiss.

Des enqutes furent menes dans les diffrentes mines, pour recueillir le maximum
dinformations exactes, fiables et objectives, avec lambition de rpondre un besoin
pressant de faire revivre lactivit minire sous ses multiples aspects, avec son prodigieux
foisonnement et ses lignes de force.

Le document, tir 2.000 exemplaires pour un cot de 400.000 dirhams, est le fruit
dun travail associant les ingnieurs et cadres de la Direction des Mines et tous les
intervenants du secteur minier national.

Diversit et prcision, dune part, cohrence et largeur de vue dautre part, telles
furent les proccupations commandant larticulation de cet ouvrage indit dans lhistoire
de la mine marocaine, dont les principaux lments de base sont :

- la vocation minire sculaire de notre pays, a eu des influences directes et induites


sur son histoire et sa civilisation,

- la mine est une composante majeure de la vie conomique et sociale ; sa promotion


et son dynamisme concernent lensemble de la collectivit nationale.

- le secteur minier joue un rle de premier plan travers la cration de nombreux


emplois, la formation professionnelle, la ralisation dinfrastructures de base et le
dveloppement dun savoir faire,

- le Maroc, empire des phosphates, est depuis des sicles, producteur de mtaux
prcieux (argent et or), de mtaux de base (plomb, zinc, cuivre), de charbon (anthracite),
de roches industrielles et ornementales,

175
- la politique suivie depuis lindpendance en matire de prospection systmatique,
de promotion des projets miniers, de valorisation et de formation professionnelle, a
enregistr des rsultats satisfaisants, permettant notre pays doccuper une place de
premier rang parmi les nations vocation minire,

- un train de mesures a t pris, en vue dune actualisation et dune adaptation de la


rglementation minire, au plan du patrimoine minier, de la promotion de la recherche,
du code des investissements, de lexploitation des mines, des explosifs, du statut des
entreprises minires, etc.

Des activits diverses et varies


En fvrier 1986, aprs lexamen de la pnible situation o se dbattait la CADETAF
par suite de msentente entre les rels producteurs et les intermdiaires, et rpondant
linvitation du BRGM, en compagnie de mon collgue de la Gologie, Bensad, nous avons
sjourn Orlans pour examiner les possibilits de coopration en matire de gologie
et dtude de faisabilit des projets miniers

Notre sjour fut organis par Tixeront et Bouteloup, deux anciens du Maroc, ayant
exerc la Direction de la Gologie et lONA, devenus de grands dcideurs au sein du
groupe BRGM.

Les sances de travail Orlans furent suivies dune visite au projet minier de cuivre
en plein dveloppement de Chessy prs de Lyon.

Le gisement, situ dans une zone agricole, faisait lobjet dun vaste programme de
recherches dans un secteur o le vignoble du Beaujolais tait plus pris que la mine de
cuivre souterraine.

Les rsultats Chessy aux plans des recherches, des rserves et des essais de
valorisation, semblaient peu prometteurs pour le BRGM.
****
Je reviendrai quelques mois plus tard, seul, Orlans pour discuter avec Tixeront du
plan minral marocain et relancer la coopration minire maroco-franaise dans le cadre
dun programme de recherche pluriannuel financ par la Banque Africaine de
Dveloppement.

Javais cette occasion marqu la disposition du Maroc accompagner le BRGM dans


la dfinition des termes du projet, de son tude, de son plan de financement, et de son
excution.
****
Par la suite, aprs Chessy, un dplacement au centre du groupe Imtal, Trappes
dans la banlieue parisienne, mavait donn loccasion de minformer sur les potentialits
en recherches fondamentales et appliques au plan des mtaux rares, des mtaux
stratgiques et des sulfures complexes.

De Paris, javais rejoint Genve o, pour rpondre la demande dun nouvel


actionnaire suisse de la socit, stait tenu exceptionnellement le Conseil
dAdministration de la SACEM (Imini)

****
En avril 1986, javais fait partie de la mission conduite par le Ministre Fettah au
Portugal, linvitation des autorits de ce pays pour redynamiser la coopration bilatrale
en matire de mines et dnergie.

A ce dplacement avaient particip, outre les Directeurs du Ministre, le Secrtaire


Gnral du BRPM, Lhatoute et Skalli, Prsident de lAssociation des Industries Minires
Marocaines (AIMM).

176
Aprs les discussions officielles Lisbonne et une randonne Cascais et Capo de
Roca, point le plus lOuest de lEurope, nous nous sommes rendus au complexe
portuaire de Sines au Sud de Setubal, rceptacle des mthaniers approvisionnant le
Portugal en gaz.

Nous avons poursuivi notre tourne et visitant les centres miniers de Neves Corvo et
dAljustrel pour apprcier les efforts engags dans la mise en valeur des mines
portugaises de la ceinture ibrique riche en minerais sulfurs de cuivre.

A lAmbassade du Maroc, au cours du djeuner clturant notre sjour, un protocole


daccord fut sign, marquant avec force, la dtermination des deux pays cooprer dans
les domaines de lnergie, des mines et de la gologie.

****
En mai 1986, en plein Ramadan en grande dlgation reprsentant le secteur minier,
nous avons particip Douai au Congrs de la SIM pour lanne 1986 qui fut un grand
forum maill de quelques notes gaies et folkloriques.

A cette occasion, nous avons examin avec nos partenaires du comit dorganisation
franais les prparatifs du Congrs Marrakech, dcid pour lanne 1987, aprs laccord
du Premier Ministre Lamrani, ami de Bailly, Prsident de la SIM.

Nous sommes partis de Douai, convaincus que le futur Congrs Marrakech, dcid
exceptionnellement en dehors de France, sera plus impressionnant.

Avant daller Douai, javais visit prs de Limoges, en compagnie de mes amis Rabit
et Galinet, le village, tristement clbre, dOradour-sur-Glane, o des centaines
dhabitants furent massacrs durant loccupation nazie, en rponse aux actions de
harclement de la Rsistance franaise.
****
En dbut juin 1986, linvitation de lEcole dEtat Major Kenitra, commands par le
Gnral Loubaris, vtran des interventions des Forces Armes Royales au Shaba, et fin
connaisseur de la situation conomique de notre pays, javais donn une confrence sur le
secteur minier national, devant un parterre dofficiers suprieurs marocains et trangers.

Jinterviendrai plus tard, dans le mme cadre lEcole Royale Navale Casablanca, en
traitant du secteur minier national et de ses perspectives pour la prochaine dcennie.

Chaque fois, un long dbat avait suivi, montrant lintrt manifeste des futurs
officiers dEtat Major des FAR et de la Marine Royale pour lavenir conomique et social de
notre pays.
****
Reprenant une vieille tradition remontant aux annes soixante dix, la Socit Atlas
Copco Maroc avait organis fin juin 1986 dans la salle de confrences du Ministre, et
titre tout fait exceptionnel, un symposium pour montrer son dynamisme, la permanence
et la qualit de ses relations avec les exploitations minires marocaines et lensemble du
secteur minier.

Ce fut loccasion donne aux exploitants, aux fabricants et aux fournisseurs de


matriel minier de se rencontrer et de dbattre des problmes de fiabilit et de
maintenance des quipements.
****
En juillet 1986, en priode de cong, javais rejoint mon fils aux Etats-Unis pour un
sjour chez nos amis Amina et Larry, Washington, suivi dun voyage en Floride pour
admirer les merveilles de Disney World, Magic Kingdom et Cap Kennedy.

A Disney World, rplique plus moderne de Disney Land de Los Angeles, nous avons
dcouvert avec plaisir le pavillon du Maroc magnifiquement amnag en mdina et
agrment de produits de lartisanat.

177
Au grand centre dattractions de Magic Kingdom, dans des installations futuristes, le
spectacle fut ferique et captivant.

A Cap Kennedy, nous avons t bahis par les gigantesques installations de la NASA
et les diffrents sites de lancement des fuses de toutes natures, au milieu des marcages
alligators et des parcs naturels vigoureusement protgs.

Aprs la Floride, nous nous tions installs durant une semaine sur la cte du Golfe
du Mexique, Sarasota, pour goter les plaisirs de la plage, de la mer, des footings
matinaux et des randonnes pdestres, avant de retourner Washington.

Aprs trois jours dans la capitale fdrale, nous avons rejoint New York par la
navette arienne Trumph, puis Paris par Concorde que Karim empruntait en guise de
rcompense pour son excellent parcours scolaire au Lyce Descartes de Rabat.

Malheureusement, le bonheur et le plaisir attendus bord dun avion supersonique


aussi prestigieux, furent gchs par le comportement inamical de lhtesse dAir France
lenregistrement New York, du fait de larrive chance du passeport de Karim.

Vous devez, en arrivant Paris, rserver immdiatement pour Rabat nous dit
lhtesse malgr le laisser pass dlivr par lAmbassade du Maroc Washington.

A larrive de nuit Paris, aprs trois heures et demie dun vol morne et triste, nous
fmes tonns de ne subir aucun contrle didentit la police des frontires.

Karim qui sattendait reprendre lavion sur Rabat le lendemain, fut soulag pour
rester dans la capitale franaise avec sa mre arrive la veille.

Aprs Paris, accompagn du directeur de la socit Galinet, nous sommes alls en


Finlande visiter les usines de fabrication de matriel Tamrock, des fonderies et des
aciries, accueillis chaleureusement par nos htes, et en ayant engrang une large
moisson dinformations sur les loaders de mines et de carrires.

La Finlande est reste pour moi un pays couvert de forts de conifres, exploites
pour le bois et la pte papier, principales ressources du pays.

Les crales, la pomme de terre, llevage bovin et la production de lhydrolectricit


ncessaire aux industries mtallurgiques, chimiques et textiles, sont les autres
composantes de lconomie de ce pays du Grand Nord.

Je me remmore la traverse de la Mer Baltique en ferry boat, en longeant les


chapelets dles sudoises de Stockholm Turku, ancienne cit avec son chteau et sa
cathdrale datant du 13 sicle.

Tt le matin, sous un soleil limpide, des dizaines de passagers sudois avaient envahi
les nombreux bars et les boutiques de ventes dalcool. Avant midi, ils taient dj dans les
vapeurs thyliques, et sans descendre du bateau, beaucoup regagneront Stockholm, le
lendemain.

Au retour de Finlande, jtais pass SALA pour saluer mes amis sudois et rappeler
les bons souvenirs de notre coopration fructueuse et amicale des annes soixante dix
pour le compte de SODECAT.

A Rabat aprs les congs, les dossiers CADETAF, les prparatifs du Congrs minier de
Marrakech avec la SIM et la refonte de la fiscalit minire furent le menu quotidien et
lobjet de nos runions hebdomadaires.

Mais, tout particulirement, le Congrs Miniers de Marrakech avait mobilis nos


nergies la Direction des Mines, car nous avions fermement tenu relever un dfi de
lorganisation, du programme des interventions et des visites extrieures.

178
Au pays des Incas : la Bolivie
En octobre 1986, javais conduit une mission en Bolivie, comprenant Omari, Directeur
des Exploitations de lOCP et Louali, Directeur Technique du BRPM.

Les orientations pour accomplir notre mission nous furent donnes lors dune runion
coprside par le Ministre Charg des Affaires Sahariennes, Khalli Henna Ould Rachid,
connu pour ses accointances avec le monde hispanophone et lAmrique du Sud, et par le
Ministre de lEnergie et des Mines, Fettah, fin connaisseur des problmes lis
lapprovisionnement en soufre des industries chimiques de lOCP de Safi et Jorf Lasfar.

Cette mission exploratoire avait fait suite la visite au Maroc du Vice Prsident de la
Rpublique bolivienne, et tait axe essentiellement sur :

- ltude du potentiel soufrier bolivien et des possibilits dapprovisionnement en soufre


des industries chimiques de lOCP, en contrepartie de la fourniture de phosphate et
dengrais lagriculture bolivienne,

- ltablissement dune coopration dans les domaines des mines, de la mtallurgie, de


lindustrie des engrais, et tout particulirement de lexploration et de lexploitation des
gisements de soufre en Bolivie,

Partis de Casablanca, nous avons transit par Madrid pour emprunter le vol rgulier
d'Arolinas Argentinas, en partance pour Rio de Janeiro.

Arrivs tt le lendemain dans la grande mtropole brsilienne, nous disposions


dassez de temps pour admirer la Baie de Cuanabara, le Pain de Sucre, la plage de
Copacabana, et essayer, malheureusement sans succs, de nous faire vacciner contre la
fivre jaune, active en Bolivie.

A La Paz, nous sommes arrivs de nuit, accueillis trs chaleureusement laroport,


et conduits immdiatement lhtel au centre ville.

En raison de laltitude (3.658m), des bouteilles doxygne furent mises notre


disposition pour enrailler le premier mal de tte persistant de Louali.

La Paz capitale de lEtat, est construite sur les contreforts dun plateau aride occup
par dimmenses bidonvilles et des quartiers en pis.

Dans cette grande mtropole vivaient 20% de la population du pays estime six
millions dhabitants grande majorit indienne, et domine par une oligarchie de souche
espagnole dtentrice des rnes du vritable pouvoir politique et conomique.

Vaste pays de plus dun million de kilomtres carrs, dot de ressources minires
considrables, la Bolivie tait en pleine crise conomique aprs la chute brutale des cours
de ltain, principale production minire, entranant dans le sillage le licenciement de
50% des effectifs du secteur minier.

En plus des mines, dune agriculture encore rudimentaire, des forts quatoriales et
tropicales dans les basses terres, la Bolivie tait connue pour tre le pays de la drogue
(cocane) et de linstabilit politique notoire et persistante.

Le bruit courait que le chef du rseau bolivien de la drogue aurait suggr au


Gouvernement de le laisser en paix, en contrepartie du remboursement de la dette
extrieure du pays value plusieurs milliards de dollars.

Le rseau de la drogue disposait dune vritable arme, darodromes dans la fort


vierge, et bnficiait de soutiens et de complicits parmi les populations.

179
On rapporte que de vritables batailles ranges entre le rseau de la drogue et
larme rgulire avaient fait des centaines de victimes.

Au plan politique, la Bolivie avait connu plus de cent coups dEtat depuis son
indpendance, telle enseigne que certaines avenues portant le nom des anciens
Prsidents, avaient chang dappellation plusieurs reprises, et quune grande avenue de
la Paz portait le nom du Prsident actuel.

Linflation avait atteint des taux inconnus ailleurs, culminant en lespace de quelques
annes 82.000%, transformant le peso, en monnaie de singe.

Ds le lendemain de notre arrive, plusieurs sances de travail, axes principalement


sur le soufre et les phosphates, furent tenues avec le Ministre des Mines et de la
Mtallurgie, en prsence de ses principaux collaborateurs, des directeurs doffices et des
socits sous tutelle.

Au cours dune entrevue, le Ministre de lAgriculture nous avait fait part des besoins
importants de lagriculture bolivienne en engrais complexes, court, moyen et long
termes, et de lintrt dune coopration avec le Maroc.

Par la suite, nous avons tenu des sances de travail lOffice National des Ptroles,
au Service Gologique, lOffice dExploration Minire, la Corporation Minire, et en fin
de journe la Corporation des Assurances Sociales de lArme, dtentrice de grandes
concessions minires.

Partout, nos contacts emprunts de grande cordialit et de considration pour le


Maroc, avaient montr la ncessit pour la Bolivie de dvelopper son agriculture par un
apport massif dengrais phosphats en change de ventes de soufre local ou de
ralisation de joint ventures avec lextrieur, dont le Maroc.

Par ailleurs, suite la publicit autour de notre mission, orchestre par les mdia,
plusieurs producteurs et permissionnaires privs avaient exprim le dsir de nous
rencontrer dans le cadre de runions coordonnes par le Ministre des Mines.

Les oprateurs du secteur soufrier, jaloux de leur autonomie, caressaient lespoir de


voir leur production augmenter, suite une possible et importante demande manant du
Maroc considr comme un dbouch srieux, et tous sattendaient des investissements
marocains dans la recherche et la production.

De vritables bataillons de producteurs potentiels nous avaient assaillis tous les


jours notre htel, en qute dinformations commerciales crdibles.

Omari, ancien Directeur de Phosboucra Layoune (parlant la langue de Cervants)


fut souvent sollicit par tlphone dans sa chambre, la rception et au Ministre des
Mines, pour rpondre aux nombreuses demandes dclaircissements.

Au troisime jour, un avion spcial fut affrt pour nous permettre de survoler la
Cordillre des Andes occidentales, proche de la frontire chilienne, zone de soufrires
lies au volcanisme andin, puis la Cordillre orientale connue pour ses riches gisements
de minerais polymtalliques (tain, argent, plomb, cuivre).

Par la suite, une longue tourne nous avait mens lancienne mine dtain de
Quelhuani, la station de ski de Chacaltaya plus de 5.000 m daltitude, o nous avons
souffert du manque doxygne, ne pouvant marcher sur plus de cent mtres pour admirer
les merveilleux paysages andin.

Dans le secteur agricole en amnagement prs du lac Titicaca (perch 3.812m et


8.340km de superficie), nous avons admir un troupeau de lamas utiliss par Indiens
autochtones comme bte de trait et de production de lait et de laine prise.

180
Au cours de notre sjour, nous fmes reus par le Vice-prsident de la Rpublique,
Prsident du Congrs, en prsence de plusieurs snateurs membres de la dlgation
layant accompagn au Maroc.

La veille de notre dpart de La Paz, en grand faste, sous les lambris des immenses
salons du Ministre des Affaires Etrangres, nous avons sign un document faisant la
synthse de nos diffrentes discussions et des perspectives davenir entre nos deux pays.

Le Vice- Prsident de la Rpublique nous convia un dner au club de lArme pour


marquer sa grande considration pour notre pays.

Comme laller, transitant par Rio pour un sjour de dcompression aprs une
semaine dans latmosphre de La Paz, nous fmes soumis une fouille complte car nous
venions du royaume de la drogue.

Le retour Paris bord dun avion des lignes brsiliennes Varig fut calme, mais
long, avec plus de dix heures de vols sans escale.

****
Notre mission, assurment, fut considre comme une tape importante dans le
dveloppement des relations de notre pays avec lAmrique latine et particulirement
avec le Groupe Andin, dont la Bolivie tait un membre influent.

La partie bolivienne souhaitait une coopration multiforme avec notre pays.

Lattention particulire accorde par les autorits boliviennes notre mission, les
diffrentes runions et les contacts avec les secteurs public et priv, nous avaient
convaincus de lexistence de rels sujets dintrt pour les deux pays,

Dans le domaine du soufre, les potentialits boliviennes exigeaient des tudes


gologiques, minires et technico-conomique approfondies pour valuer leur ampleur et
la rentabilit de leur mise en valeur,

Pour les phosphates et les engrais drivs, les marchs bolivien et andin, pourraient
tre moyen terme, des dbouchs pour les produits marocains, les possibilits agricoles
de la Bolivie tant immenses et encore faiblement exploites.

Notre mission ayant dblay le terrain, des sjours en Bolivie de plus longue dure,
associant des gologues de terrain et des ingnieurs, devraient suivre pour valuer le vrai
potentiel en soufre de la Bolivie, slectionner les cibles exploitables et mesurer lampleur
de leffort humain, technique et financier apporter par notre pays dans le cadre dune
coopration plus approfondie et plus quilibre.

Nous sommes rentrs au pays pour essayer, chacun de son ct, de donner une suite
concrte notre dplacement politico-technique.

Malgr le retentissement politique de cette mission, malgr les nombreuses


dclarations, les bonnes intentions des deux parties sont restes lettre morte, lOCP
ntant pas intress par ce genre dopration en Amrique latine o le Polisario soutenu
par lAlgrie tait en qute de lgitimit et de soutien politique.

181
Vers une refonte des textes
Et lintroduction de lInformatique
Pour une meilleure comprhension de notre action la Direction des Mines, et
apprcier lvolution de lactivit minire dans notre pays depuis les temps reculs,
durant la priode du Protectorat franais et aprs lIndpendance, il y a lieu de rappeler
ici un certain nombre dlments de base :

Au plan gographique et gologique


Les mines marocaines staient dveloppes dans un cadre gographique et
gologique favorable, doubl dun relief trs vari et marqu par la chane des Atlas.

La structure gologique reflte la longue histoire de la formation du Maroc et fait


apparatre des terrains allant des plus anciens (prcambriens ou primaires affleurant au
Sud et lOuest) aux plus rcents (Haut et Moyen Atlas, Rif).

Le centre du pays offre une large tendue de formations plus rcentes (msozoques)
qui constituent lessentiel des terrains du Moyen et du Haut Atlas; au Nord, le Rif est
constitu de matriaux plus jeunes.

Cette diversit gologique, lorigine de la varit des minralisations, permet de


distinguer onze zones minralises principales, savoir :

- Les phosphates dans le crtac et le dbut de locne dans les secteurs des Ouled
Abdoun, des Gantours, de Chichaoua, dImi NTanout, de Meskala et de Boucra,

- Les zones de charbon : dans le Pays des Horsts au nord-est du pays (Jrada),

- Les zones plomb et zinc parfois associs au cuivre et largent dans le lias du Haut
Atlas, la partie orientale du Pays des Horsts et dans le Jbel Bani au sud,

- Les zones manganse notamment dans la rgion dOuarzazate et dans la partie


occidentale du Pays des Horsts,

- Les zones cobalt et nickel dans la rgion de Bouazzer dans lAnti-Atlas,

- Les minerais de fer rpandus dans les terrains primaires du Tafilalet, de Anti-Atlas
occidental et dans les zones de Khnifra, de Nador et dAmgala dans le Sahara,

- Les zones cuprifres dans lAnti-Atlas et le Haut Atlas de Marrakech.

- Les zones antimoine dans le Maroc Central,

- Les zones polymtalliques dans le Haut Atlas, les Jbilets, les Rhamna, le Maroc Central et
le Rif interne,

- Les zones substances utiles (sel gemme, gypse, potasse) dans les secteurs de Safi,
Mohammedia, Berrechid, Khemisset et Guercif.

Au plan historique,
Lactivit minire au Maroc remonte plusieurs sicles et la technicit minire
marocaine est mondialement reconnue.

Florissante jusquau 15 sicle, lactivit minire a t par la suite ralentie car les
Anciens mineurs taient stopps, non seulement par la profondeur, mais aussi par la
duret de la roche et les problmes inhrents lexhaure et larage.

182
Parmi les vestiges attribus lpoque romaine, les rcits anciens signalent les restes
des travaux au Jbel Hadid 22 km dEssaouira pour lextraction du minerai de fer, Sidi
Rahou, Jbel Mahsseur et Sidi Boubeker dans la rgion dOujda pour lexploitation du
plomb.

Les procds employs pour traiter les minerais taient bass sur loxydation
partielle en les brlant sur le charbon de bois vent modr ou semi oxydant.

Dans la rgion de Tedders, non loin de Khemisset, des lampes en terre ont t
trouves proximit des exploitations de filons dtain.

Dans le domaine des carrires, les Romains avaient exploit la pierre btir dans le
calcaire bleut de lOued Akreuch prs de Rabat, le grs de la cte atlantique ou pierre
de Sal utilise pour les sculptures, le calcaire de Zerhoun Volubilis dbit flanc de
colline pour atteindre les bancs compacts et de bonne qualit.

A lavnement de lIslam, lactivit minire fut lun des piliers de lconomie du pays
et le point de dpart des relations tisses avec le monde extrieur et particulirement
avec les pays du bassin mditerranen et au sud du Sahara.

Diverses technologies minires et mtallurgiques (travail du cuivre, fabrication de


lacier) ont t transmises lEurope travers lEspagne musulmane, les Pyrnes et le
sud de la France.

Sur le plan de lexploitation les anciens mineurs avaient acquis une technicit
prcoce permettant la mise en valeur des mines les plus riches du monde musulman et
dassurer lessor conomique remarquable du Maroc au dbut du Moyen Age.

Les auteurs arabes et europens du 9 au 19 sicle ont relat dans leurs crits des
descriptions des mines exploites pour largent, le cuivre, le fer, le plomb et lor.

Dans sa description des routes musulmanes de lAsie centrale aux Pyrnes, Ibn
Kordodbah donne en 840 des indications sur Dra, grande cit peuple proximit
dune mine dargent.

La ville de Sijilmassa dans le Tafilalet, prs de Rissani, cre en 757 par Midrar, un
ancien forgeron, tait une grande capitale qui contrlait les productions minires dor,
dargent et de cuivre de la rgion du Dra.

Lhistoire nous apprend qu'Idris Ier dirigea sa premire expdition contre Taza
rpute pour sa mine dor.

El Bekri, puis plus tard en 1134, El Idrissi, voquent la prsence des mines dargent
Tazraret prs du col du Tizi NTest et aux environ dIgli, zones dinfluence, puisqu la
mort dIdris II en 828, ses successeurs se partagrent les principauts correspondant
des centres dextraction minire.

Ainsi Yahia stablit Da prs de Kasbah Tadla, tape sur la route de Fs et Aghmat
prs de Marrakech o lon extrayait le cuivre ; Abdellah rgna sur Tamdoult et Igli o lon
produisait du cuivre, de largent et de lor.

Hassan El Ouazzane (Lon lAfricain), au 16 sicle, dcrit lorigine des querelles dans
le Sous entre les habitants des montagnes de lAnchisa pour la possession des mines
dargent, et mentionne lexploitation et le travail sur place du plomb et de lantimoine
dans la localit d'An Char lest du Haut Atlas, o de vieux travaux sont visibles sur plus
de 3 km.

Lexploitation des gisements de fer (Nador, Bentayeb, At Ammar, Jbel Hadid, El


Joumoua au nord de Demnate) revtait un caractre stratgique travers la fabrication
de sabres, socs de charrue et outils divers.

183
En ce qui concerne le zinc (appel toutia) extrait des mines du Tafilalet, il servait la
fabrication du laiton (alliage cuivre-zinc) travaill par des artisans de Fs (Souk
Esseffarine) pour produire des outils et ustensiles usage local.

Ltain tait exploit El Karit dans la rgion dOulms et chang par les Sadiens
avec lEurope au 16 sicle.

Le sel produit dans les rgions de Taza, Tissa, de Guercif, Souk Larba et au Lac Zima,
constituait une activit florissante et organise, et des caravanes entires partaient au
Soudan et revenaient dans la valle du Dra avec de lor, de livoire et dautres produits
africains.

A travers de nombreux tmoignages, on a pu relever que les diffrentes dynasties


marocaines eurent comme objectif doccuper les rgions minires, et la mine devenant un
enjeu dans la lutte pour la domination et la puissance.

Ainsi, les Almoravides au 11 sicle occuprent le Dra, Sijilmassa, Tamdoult, Bou


Maden, Jbel Aouam et Oualkennas.

Les Almohades sassurrent le contrle de la mine de Senhaja dans le Moyen Atlas et


Aghbar (Zgounder) dans le Siroua.

La premire expdition des Mrinides contre les Almohades fut dirige en 1229
contre la mine de plomb argentifre de Jbel Aouam.

Il faut souligner qu cette poque lactivit dextraction tait accompagne du


travail du cuivre et du fer Fs dans des fonderies conues cet effet.

La richesse minire du Maroc avait attir les convoitises extrieures.

Ainsi, par le jeu des alliances avec des notables, les Portugais installs Ceuta, Ksar
Esseghir, Anfa, Massa, Tarjicht, Ifrane de lAnti Atlas et Mazagan, procdrent au pillage
systmatique des richesses minires marocaines pour approvisionner lEurope (Espagne,
France, Hollande et Angleterre).

Aprs le dpart progressif des Portugais, les dynasties avaient poursuivi


lexploitation des mines et dvelopp mme lexportation sur lEurope.

Aprs les Sadiens et jusquau 19 sicle, lactivit minire, bien que ralentie et
perturbe par les vnements politiques, avait subsist pour approvisionner le march
local en plomb, cuivre et sel.

A la fin du 19 sicle, le sultan Moulay El Hassan 1er fit appel des ingnieurs anglais
pour prospecter les rgions de Tanger et Marrakech et envoya en Europe des tudiants
marocains sinitier aux nouvelles technologies minires.

En 1901, le gologue franais Brives fut le premier se rendre au Maroc pour estimer
les potentialits minires du pays.

Lexploration et lexploitation prendront une nouvelle ampleur avec lavnement du


Protectorat en 1912.

La Premire Guerre Mondiale acclra le dmarrage des exploitations dont les


produits furent destins aux besoins de larmement des pays europens en conflit.

Durant cette priode les principaux gisements furent mis en exploitation,


notamment : phosphates de Khouribga et Youssoufia, plomb-zinc de Boubeker, Touissit,
Sidi Lahcen, Aouli, fer dAt Ammar, manganse dImini et Bouarfa, cobalt de Bouazzer,
antimoine du Maroc Central.

184
Le rythme de production, quelque peu perturb par les hostilits de la Deuxime
Guerre Mondiale, avait repris avec vigueur en 1946.

A partir de 1951, on assista une nouvelle priode de rflexion, de reconnaissance


approfondie et dtudes de synthse sous limpulsion du Service Gologique et du Service
des Mines.

La recherche et lexploitation minires devaient se soumettre au cadre lgislatif


rnov pour organiser le secteur minier et asseoir les bases dune exploitation moderne et
rationnelle.

Lintervention du BRPM, en tant quorgane de lEtat, avait pour but de dynamiser la


recherche dans les zones encore vierges et pour promouvoir dautres objectifs en mettant
en uvre des programmes de plus en plus ambitieux.

Aujourdhui encore, le Maroc possde des ressources minires abondantes, et


certaines dentre elles, tels les phosphates, le plomb, le zinc, largent, le cobalt, la
barytine et le sel, prsentent une importance notable lchelle mondiale.

Dautres substances minires comme le fer, le cuivre, la fluorine, lor et les


substances nergtiques (schistes bitumeux) rvlent des possibilits tendues.

Au plan lgislatif
Si le cadre gographique, gologique et historique stait montr dans lensemble
favorable la cration dune industrie minire puissante, il en tait de mme du cadre
lgislatif dans lequel elle stait dveloppe, et du rgime minier qui lui avait servi de
support durant des dcennies.

Ce rgime libral lgu par le Protectorat, laissait linitiative prive une grande
part dans la recherche et la mise en valeur des mines.

LEtat, travers ses institutions spcialises (notamment lOCP et le BRPM), jouait le


rle danimateur et souvent daccompagnateur et stait mme rserv le droit de
rechercher et dexploiter les phosphates.

Au fil du temps, le Rglement minier, le Statut du Mineur et les autres textes relatifs
lactivit minire, taient jugs inadapts, car il y avait un manque de flexibilit doubl
de contraintes administratives dmotivantes pour les investisseurs potentiels,
notamment trangers.

Les obstacles lamlioration de la situation taient notamment :

- une connaissance relativement insuffisante du potentiel minral du pays, inhrente


une couverture cartographique ne rpondant pas aux besoins pressants du secteur
minier,

- le maintien du rgime CADETAF qui gle et perturbe le dveloppement minier dans de


larges zones du territoire,

- le nombre limit des oprateurs miniers nationaux ou trangers, se traduisant par le peu
de dynamisme de la recherche minire,

- la dlimitation du rgime des mines et des carrires entranant des effets pervers pour
une exploitation rationnelle des gisements, car sur un mme permis les intervenants
peuvent tre en concurrence avec des carriers ou avec des exploitants miniers dune autre
catgorie minire,

- les contraintes lies au statut foncier des terrains, trs dissuasives pour des
investisseurs potentiels.

185
Lanalyse de la situation, entame dj en 1982, fut de nouveau lobjet de plusieurs
dbats au dernier trimestre de 1986 pour marquer notre dtermination accompagner le
secteur minier national dans sa qute de renouveau.

La refonte des textes (dont certains dataient du dbut du 20 sicle) et leur


modernisation simposaient donc, pour continuer sinscrire dans la mouvance du
dveloppement minier mondial, et pour lever les obstacles la venue de nouveaux
investisseurs dans le secteur minier national.

Ainsi nous avons rexamin le Rglement miner pour ladapter la nouvelle


conjoncture des substances minires, le Statut du Mineur en vigueur depuis la fin des
annes cinquante, et les Rglements relatifs lExploitation des Mines, aux Machines
vapeur et pression de gaz, et aux Explosifs que personne ne stait vertu revoir
depuis leur adoption durant le Protectorat.

Nous avons poursuivi notre effort en laborant un projet de texte relatif la


protection de lenvironnement dans les exploitations minires, volet que les grands pays
miniers plaaient au devant de leurs proccupations.

Tous ces textes, aprs concertation avec la profession minire, ambitionnaient


dinscrire moyen terme le Maroc dans la mouvance des pays miniers avancs, comme la
Sude, le Canada et lAustralie, les Etats-Unis et lAfrique du Sud.

Au plan fiscal
Lapprciation tait diffrente selon quil sagit de lexploration ou de lexploitation
minire.

Le rgime fiscal tait jug positif par suite de la suppression de la taxe ad valorem, la
rduction de limpt sur les socits (lIS) 35% et son exonration partielle pour le
chiffre daffaires ralis lexportation, et lexonration de la TVA pour lacquisition de
biens dquipement, matriels et outillages,

Cependant, les possibilits de dduction des charges taient limites et la gestion


des pertes peu efficace pour les entreprises.

Linstitution de la provision pour reconstitution du gisement (PRG) avait permis de


crer et de dvelopper des exploitations minires, en consacrant une partie des bnfices
bruts des travaux de recherche pour augmenter les rserves minires et allonger la
dure de vie des mines.

Pour largir lassiette dutilisation de la PRG, et dans une premire phase, nous avons
ramnag le texte existant pour le rendre plus incitatif aux promoteurs miniers au plan
de la recherche, de la valorisation et des prises de participations dans les socits
minires aussi bien au Maroc qu lextrieur.

Ladoption du nouveau texte de la PRG, aprs de longs conciliabules avec le Ministre


des Finances, fut lorigine du prodigieux dveloppement de la recherche minire du
secteur priv et de la mise en production, entre autres, des gisements de Bleda, El
Hammam, Touissit, Assif Imider, Tiouit et Hajar.

Introduction de lInformatique
Malgr des avances certaines au niveau de la refonte et du dpoussirage des textes
lgislatifs et rglementaires, de lorganisation, des structures et des actions de formation,
beaucoup restait encore faire dans le domaine de linformatisation de nos actes de
gestion traditionnels.

186
Au niveau des hommes, nous avons continu renforcer lencadrement des services
centraux et rgionaux, o de jeunes talents, volontaires, avaient marqu et manifest
leur dsir de se perfectionner et de se recycler pour tre au diapason et en adquation
avec le nouvel environnement mondial.

Mais que leur avait-t-on offert en retour ?

Peu de chose, au regard de leurs prtentions lgitimes, car les conditions matrielles
demeuraient prcaires, face aux problmes pineux, notamment aux plans du transport
et du logement.

La notion dingnieur des annes soixante avait perdu de sa superbe, lingnieur


devenant presque un lment ordinaire de la socit, expos aux ncessits et aux alas
du quotidien.

Certes, des sminaires, des stages multiples et varis, et laccs aux Grandes Ecoles,
avaient donn loccasion un grand nombre de nos jeunes ingnieurs de sinformer et de
se perfectionner.

Mais le troisime millnaire attendait deux plus de comptence et desprit


dinnovation dans un environnement professionnel en pleine mutation, et auquel
sapplique parfaitement ladage Il nest de richesses que dhommes .

Tout particulirement, dans le domaine de linformatique, un retard considrable


avait t enregistr au plan des quipements et de la formation de nos ingnieurs et des
cadres subalternes.

A titre dexemple, un domaine nvralgique comme celui du patrimoine minier, grant


des milliers de permis, tait accul traiter les dossiers selon une mthode remontant
plusieurs dcennies, au grand dam des permissionnaires publics et privs dsireux de
grer et suivre leur domaines avec clrit.

Ce retard dramatique, dnonc maintes reprises par la Direction des Mines, avait
largi le gap avec le monde extrieur, sans mouvoir et proccuper les responsables de
lallocation des ressources budgtaires au ministre des Finances, cramponns leur
opposition saugrenue doctroi de crdits consquents.

Ainsi, par suite de la dcision du Ministre des Finances de faire approuver tout
investissement spcifique par la Centrale dachats des Administrations publiques, notre
plan de dveloppement informatique tait renvoy aux calendes grecques.

Cette situation, si nous ny avions pas pris garde, allait nous exposer la
marginalisation et aux effets nfastes et pernicieux du gap technologique.

Pour relever le dfi et faire face aux nouvelles donnes dune gestion efficace et
diligente de notre patrimoine minier, nous avons recherch des moyens extrieurs pour
sortir du sous-dveloppement informatique .

Ainsi, fort heureusement, aprs la fourniture gracieuse de micro ordinateurs et de


leurs priphriques par la Compagnie Minire de Touissit (CMT), nous avons entam une
action prometteuse pour le devenir de la Direction des Mines.

Cette amorce de dveloppement fut anime par une quipe jeune, dynamique, et
enthousiaste, pilote par Sadiqui, Chef de la Division de la Gestion Minire, et suivie et
anime quotidiennement par le Chef de Service de Patrimoine Minier, Hakkaoui, lui-mme
fru dlectronique et dinformatique.

Pour renforcer les capacits de nos ingnieurs, de multiples stages furent organiss
ltranger, aids en cela par le Programme des Nations Unies pour le Dveloppement
(PNUD).

187
Ce dernier dlgua, pour de longues priodes, un remarquable expert, Handelsmann,
toujours disponible et coopratif, encourag lui-mme par lengouement de nos cadres
quil ctoyait tous les jours au sige du Dpartement.

Des quipements (ordinateurs, tables traantes) nous furent fournis gratuitement


par le PNUD, permettant ainsi de saisir et digitaliser toutes les informations concernant
3.000 permis miniers et de rpondre la demande dans des dlais relativement courts.

Lintroduction de linformatique dans la gestion de nos affaires, en donnant une


nouvelle impulsion aux rapports avec les oprateurs miniers, avait sonn le glas de
ladministration traditionnelle du patrimoine minier.

Elle promettait de gagner en clrit et qualit du travail de nos cadres, redorant le


blason de la Direction des Mines en la rapprochant davantage, notamment des citoyens
demandeurs de permis miniers.

Dans cette situation, notre objectif primordial tait dlaborer et mettre en place une
politique de formation et de perfectionnement de nos cadres, permettant ces derniers
dentrer dans lre de linformatique de gestion et de lInternet.

Cela leur permettait de sadapter aux profondes mutations et aux progrs


technologiques, puis par la suite de se doter dquipements de qualit et en nombre
suffisant pour embrasser lensemble des activits centrales et rgionales de la Direction
des Mines.

Dans cet esprit, et pour tablir le bilan de notre action et lancer les plans futurs, nous
avons tenu le Sminaire Informatique bas sur des exposs techniques entrecoups de
visites des centres de formation et de recherches, des laboratoires, et des exploitations
minires de lOCP, du BRPM et de lONA.

Plus de 31 pays avaient particip la manifestation et eurent loccasion de dcouvrir


le Maroc et dapprcier le niveau de son dveloppement.

Les rsultats engrangs par notre action nous avaient incits persvrer, tout en
faisant profiter de notre exprience les autres pays africains francophones avec
lassistance et le soutien matriel et logistique du PNUD.

Hakkaoui deviendra plus tard un vritable expert auxiliaire du PNUD pour aller
dispenser sa science et sa grande exprience dans plusieurs pays africains au sud du
Sahara (Guine, Cameroun, Burkina Faso, Mauritanie), assist de lomniprsent
Handelsmann devenu un grand ami du Maroc
***
En fvrier 1987, la suite dun terrible accident de circulation, nous avons enregistr
le dcs de Kortbi, chef du service des mines de Marrakech.

Kortbi tait estim parmi ses pairs et dans le secteur minier, en raison de son
srieux, sa comptence et ses relations exemplaires.

Un lan de solidarit extraordinaire, initi par la Direction des Mines, avait soulag la
douleur de sa famille, et assur ses enfants des conditions de vie dcentes par
lacquisition dun logement Marrakech.

Kortbi a laiss un souvenir inoubliable parmi le secteur minier.

Sa disparition brutale avait montr que les gens des mines, dans leur ensemble,
ont du cur en rpondant prsent lappel dans les moments cruciaux.

188
En Chine
En 1983, la conjoncture dfavorable des cours de cobalt, conjugue lpuisement
des rserves au secteur de Bouazzer, avait contraint le groupe ONA mettre en veilleuse
une exploitation unique au monde.

Ce fut alors un coup dur pour toute la rgion de Tazenakht o la mine avait cr de
longue date une intense activit multiforme.

En 1986, la demande insistante des Chinois, clients du Maroc depuis 1958 et


jusqu la fin des annes soixante, en qute de sources dapprovisionnement en cobalt,
lONA rexamina la reprise de Bouazzer de lexploitation de certains quartiers
souterrains considrs comme pauvres et abandonns, avec comme objectif de
redmarrer la production des concentrs de cobalt partir de 1987.

Aprs le sjour au Maroc dune dlgation chinoise venue sinformer du potentiel en


minerai, les deux parties avaient dcid de ractiver leurs relations et convenu de lenvoi
dune mission en Chine pour discuter et finaliser les termes dun nouveau contrat de
livraison de concentr de cobalt, et visiter les installations de valorisation de ce minerai
stratgique.

Chrif, Directeur du ple mines de lONA, me demanda de faire partie de la mission,


voulant ainsi massocier au redmarrage de Bouazzer que nous avons ensemble, trois ans
plus tt, mis en veilleuse, en accord avec les autorits provinciales dOuarzazate et les
reprsentants du personnel.

Aprs laccord du Ministre Fettah, javais rpondu favorablement cette invitation,


tout enchant deffectuer un voyage dans un pays mythique et connu pour sa brillante et
ancienne grande civilisation.

Report plusieurs reprises pour des raisons lies au programme de Filali,


Administrateur Dlgu de lONA, le dplacement tant dsir, longtemps attendu, eut
finalement lieu partir du 22 mars 1987.

Nous sommes partis de Casablanca pour Genve, oubliant dans leuphorie le


dclassement lembarquement lAroport Mohammed V, par suite de loccupation sans
gne et honteuse de tous les siges de premire classe par les filles de Mekouar,
Directeur Gnral de Royal Air Maroc, et leurs petites amies,

Aprs un arrt de quelques heures Genve sous un magnifique soleil printanier,


nous avons rejoint Zurich o Hoffman, Directeur de la socit INCONTRA, client
traditionnel des mines de lONA et du BRPM, nous convia un dner amical.

Le 23 mars, aprs un tour de ville le long des canaux, nous avons pris le vol rgulier
de Swissair en partance pour Pkin.

Installs confortablement en classe Prsident, bnficiant dun service parfait et


attentionn, nous sommes arrivs Bombay en Inde, notre premire escale, aprs un vol
direct de dix heures.

Dans cette grande mtropole, durant lescale dune heure, nous avons apprci le
nettoyage complet et rapide de lappareil par la multitude douvriers indiens.

Au cours du vol Bombay-Pkin dune dure de sept heures, galement parfait, nous
avons admir lEmpire du Milieu haute altitude, alors que le jour se levait sur le nord de
limmense Chine

189
A lapproche de Pkin (Beijing ou cit du nord pour les Chinois, ancienne Cambaluc
du temps de Marco Polo), dans un paysage uniformment plat et triste, lhiver tait
encore prsent, avec les champs sous un manteau de neige.

Notre arrive eut lieu en fin de matine, dans un aroport maussade, sentant le moisi
et sous quip, mais o les formalits de police et de douane furent, notre grand
tonnement, extrmement diligentes.

Aprs un accueil des plus chaleureux par le Directeur de lusine de cobalt, ZU, et son
staff dingnieurs accompagns de linterprte TSU, parlant franais, nous nous sommes
rapidement engouffrs dans deux voitures japonaises aux siges recouverts de broderie
blanche, signe dgards pour les visiteurs que nous tions.

Avant darriver lHtel Jie Yin, notre lieu de rsidence, nous avons travers Pkin,
ville triste, laide, faite de grandes artres domines par des grappes dnormes btisses
en briques rouges.

Lhtel, situ sur lune des principales avenues de Pkin, tait dun niveau ordinaire,
avec toutefois des chambres propres et bien tenues.

Nous tions logs l, non par manque dgards pour nous, mais parce que tous les
htels de renom taient complets, en raison de la grande affluence Pkin loccasion de
la runion annuelle de la Grande Assemble Nationale Populaire, le Parlement chinois.

Aprs quelques instants de repos pour nous remettre de la fatigue du voyage et du


dcalage horaire, nous fmes convis un djeuner dans limmense salle du restaurant
de lhtel envahi par des groupes compacts de Chinois djeunant bruyamment autour des
tables rondes.

Par courtoisie, nos htes, avaient tenu nous demander notre prfrence culinaire ;
et naturellement nous avons opt pour la cuisine chinoise rpute comme lune des
meilleures et des plus raffines au monde.

Aprs le rituel crmonial de bienvenue, nous nous sommes mis autour dune table
ronde merveilleusement dcore pour la circonstance, dj garnie dune multitude de
petits plats, donnant limpression dune vritable estampe.

Le service tait assur avec raffinement par une myriade de jeunes et jolies filles en
tenues traditionnelles carlates.

Avec plaisir, nous fmes soumis au rituel des toasts au mote (alcool de riz).

Laprs midi, sous un froid piquant, nous sommes alls la grande place Tien An
Men, au Mausole Mao, lAssemble Nationale Populaire, prs de la Cit Interdite, et
enfin au Magasin de lAmiti frquent par les trangers venus admirer, comme nous, ou
acheter des soieries, broderies, objets en jade, ivoire, porcelaine.

Dans ce magasin, les articles taient pays en yuans convertibles (un yuan quivalait
deux dirhams environ), alors que dans la profusion des petits commerces, seul le yuan dit
populaire tait utilis.

Le soir, lancien Attach commercial de lAmbassade de Chine Rabat (qui tait venu
me rendre visite la Direction des Mines quelques mois auparavant) nous fit lhonneur
dun grand dner au fameux Restaurant Le Canard Laqu.

Dans ce haut lieu de la gastronomie chinoise, alliant larchitecture moderne lart


traditionnel, de nombreux visiteurs trangers taient venus savourer avec dlice, eux
aussi bruyamment, la cuisine du pays.

190
Avec une amabilit exquise, nos htes se faisaient un rel plaisir nous servir et
nous faire goter tous les mets, entrecoups, de temps autre, comme il est de rgle en
Chine, par des toasts au mote, suivis de la formule habituelle kampe (cul sec comme on
dit dans le jargon de la boisson).

Dans son interprtariat et ses traductions, TSU maniait la langue franaise avec
beaucoup dlgance et de dextrit, layant apprise luniversit de Nanchang et
pratique durant trois ans au Maroc, en accompagnant des experts chinois venus au
Maroc, Sidi Allal Tazi dans le Gharb, pour encadrer les essais de culture du th.

Nous avons chang nos bons souvenirs avec lancien Attach commercial, fumeur
invtr, alors que nos htes taient ravis de passer une soire agrable avec des
trangers apprciant leur cuisine et leur art de vivre.

Tard la nuit, sous un froid glacial, nous avons rejoint notre htel, satisfaits davoir
inaugur notre sjour en Chine par des contacts amicaux et chaleureux.

Le lendemain, aprs un rveil matinal et un petit djeuner copieux, nous avons pris le
chemin de la Grande Muraille situe 60 km de Pkin.

Au petit matin, sur les grandes artres tristes, nous avons observ des cohortes
dhommes et de femmes de tous ges faisant, sous le froid intense, leurs mouvements de
gymnastique devant leurs maisons, sur les trottoirs, lentre des usines, dans les parcs.

Des myriades de bicyclettes allaient et venaient en hte, mais sans


prcipitation, comme si le Chinois magnifiait le temps.

Peu de voitures lgres, mais de nombreux camions poussifs et cabosss datant de la


dernire Guerre Mondiale, attestant que le monde chinois tait encore rellement vtuste.

A la sortie de Pkin, la campagne chinoise, avec ses hameaux, ses routes encombres
de charrettes charges de charbon et de vieux camions toussotant sous le poids de lge,
tait dlabre.

Les Chinois taient partout, sur la route, sur les chemins vicinaux, dans les
champs tracs au cordeau !

La Grande Muraille, leve entre la Chine et la Mongolie au 3 sicle avant J.C, et


dveloppe sous la dynastie Ming du 15 au 16 sicle, est rellement impressionnante
par son allure majestueuse, et ses dimensions intrinsques (15 20 m de haut, 5 6 m de
large).

Sa longueur, de 3.000 km, allant de la frontire corenne jusquau dsert de Gobi, est
entrecoupe de forts solidement implants et gards lpoque par des troupes
nombreuses luttant contre linvasion de la rgion de Pkin par les hordes dvastatrices
venues des steppes de lAsie centrale.

La Grande Muraille, une des sept merveilles du monde (visible de la Lune dit-on),
pouse majestueusement le relief, suit le chemin des crtes, traverse les valles et
arpente les plaines comme un immense serpent, doublant la ceinture de dserts et de
montagnes qui enserrent limmense Chine.

Sa construction avait dur des dcennies et exig une main duvre de plusieurs
millions de personnes.

Des centaines de milliers y sont probablement mortes dpuisement pour la btir


sous la contrainte.

Quelques trangers- comme nous- taient l, noys dans la grande masse chinoise
partie avec fougue lassaut des forts de garde haut perchs, en empruntant un chemin
de ronde.

191
Nous tions gels, mais enchants de dcouvrir cette ralisation fantastique, alors
que nos accompagnateurs, transis de froid, avaient prfr nous attendre sur la
passerelle, ravis de nous voir intresss par une gigantesque uvre de lpope de
lhistoire millnaire de leur pays.

Aprs un djeuner et un passage rapide aux magasins de vente de jade, porcelaine,


ivoire et tapis, nous avons visit les impressionnants tombeaux des empereurs mings,
enfouis vingt mtres sous terre.

Les empereurs mings, avant leur mort, choisissaient le lieu de leur inhumation dans
les environs de Pkin, la campagne, dans le calme et la srnit de la nature, dans un
cadre enchanteur de collines boises.

Chaque empereur consacrait une partie de son rgne (plus de sept ans) la
construction de son tombeau par 30.000 personnes.

Dans cette plaine secrte, close de collines harmonieuses, et embaumes par les
lauriers roses, des groupes dtrangers, dont des Franais, taient venus, comme nous,
chercher les souvenirs de la grande dynastie Han qui rgna sur la Chine durant quatre
sicles (de 206 avant J.C 220 aprs J.C), et qui fut lorigine de lun des sommets de la
civilisation chinoise,

Nous sommes partis ensuite visiter au pas de course le Palais dEt, demeure estivale
des empereurs chinois, implant dans un immense domaine cr sur les dblais du
creusement dun lac artificiel de plusieurs milliers dhectares.

Nous avons emprunt limmense galerie des sculptures sur bois, retraant les
pisodes de la vie millnaire chinoise, et admir le bateau en marbre blanc immacul de la
vieille et dernire impratrice Tseu Hi laquelle de judicieux jeux de miroirs donnaient
limpression de naviguer sur les flots.

Amarr sur le lac, ce majestueux difice, domine les minuscules habitations occupes
au sicle dernier par des milliers de soldats, de gardes, de courtisans et de palefreniers
la solde de leur souveraine.

Nous avons quitt avec regret ce haut lieu de la civilisation chinoise pour rejoindre
notre htel, travers le vieux Pkin tout fait de masures, de ruelles dlabres,
poussireuses, dfonces, sales et grouillantes de monde.

Aprs un grand dner, selon le mme et traditionnel rituel chinois, tout fait de
dlicatesse et dattentions, un contact eut lieu avec lAmbassadeur du Maroc Pkin lui
demandant dinformer Filali de notre prsence Pkin.

La princesse Lalla Meryem et son mari taient arrivs de Hong Kong, le mme jour et
installs la Cit Interdite, signe de grande considration des autorits chinoises pour la
fille et le gendre du Roi Hassan II.

A Shangha
Le 26 mars, tt le matin, nous avons rejoint laroport des lignes intrieures
chinoises pour prendre lavion sur Shangha, deuxime tape de notre voyage.

En salle dattente, jetant un mgot, je fus verbalis de deux yuans.

Des Allemands subirent le mme sort sans mnagement, avec limpression amuse
davoir contribu aux recettes du budget chinois.

Nous sommes arrivs dans la grande mtropole, aprs deux heures de vol, accueillis
cordialement par les reprsentants locaux de la Socit de Cobalt.

192
En voiture, nous avons travers des quartiers pauvres et dlabrs o de partout,
affluaient des milliers de gens, jeunes et vieux croulant sous le poids de lge et de
lenvironnement.

Des matelas taient tendus par terre, sur les devantures des maisons, sur les
trottoirs ; le linge suspendu au bord des rues volait au vent.

Nous avons t tout dabord au centre des expositions, grande btisse de type
stalinien, construite du temps des bonnes relations sino-sovitiques des annes
cinquante, abritant au dernier tage un superbe restaurant financ et gr dans le cadre
dune socit dconomie mixte cre avec des Chinois de Hong Kong.

De la terrasse du btiment, parmi les canards laqus enfils par dizaines, nous avons
admir Shangha, capitale de la Chine centrale.

Ville pleine dhistoire, Shangha rappelle tout particulirement les grands


vnements de la vie politique chinoise de la fin du 19sicle, et les priodes de grande
tension avec les puissances occidentales fermement dcides ouvrir par la force le
march chinois leurs produits manufacturs.

Shangha, lembouchure du Yang Ts Kiang, qui avait abrit le premier congrs du


Parti communiste chinois en 1921, et o staient renoues les relations avec les Etats-
Unis aprs la signature du fameux protocole entre Chou en La et Nixon, doit son essor
son ouverture sur lextrieur depuis 1842.

Dans cette mgapole, au gigantisme rampant, les maisons traditionnelles,


larchitecture typiquement chinoise, seffaaient pour laisser progressivement la place
dimmenses buildings dans une vritable course la verticalit, phnomne que nous
avons constat Pkin, puis par la suite Canton au Sud.

En 1986, Shangha, premire ville chinoise avec plus de 12 millions dhabitants,


contre 10 millions Pkin, tait aussi le premier centre industriel du pays (mtallurgie,
chimie, textile) avec 12% du total national, le premier ple du commerce extrieur avec
18% des exportations chinoises, la ville la plus riche avec un revenu par habitant
suprieur 1.000 dollars, contre environ 300 dollars pour la moyenne nationale chinoise.

Larrire pays de Shanghai abritait en 1986, plus de 200 millions dhabitants, soit
20% de la population totale de la Chine.

La ville, situe au bord de la rivire Huangpu, englobe aussi deux faubourgs


vocation particulire, Minhang consacr aux industries exportatrices, et Hangqiao aux
investissements trangers.

Aprs la visite du centre ville, dans une grande salle dapparat, un dlicieux djeuner,
compos dune multitude de plats succulents, nous fut servi, toujours avec raffinement et
une extrme dlicatesse.

En quittant les lieux, nous avons t surpris par des cohortes de jeunes venues la
Foire du Vtement, en longues files stirant sur des kilomtres, travers les rues
avoisinantes, pour acheter T Shirts, jeans et blousons, signe dune amorce douverture
timide, mais peut-tre irrversible, vers lOccident.

Nous avons visit le quartier commerant de la fameuse rue de Nankin, sige des
quartiers gnraux des anciennes socits trangres de ngoce et des grands magasins
de luxe, encombr de bicyclettes, de charrettes, de petites voitures japonaises et de vieux
camions poussifs et surchargs de bric et de broc.

La rue de Nankin dbouche sur le port de Shangha, porte ouverte sur le monde
extrieur, dot de lautonomie administrative dune province, ouvert tous les pavillons

193
internationaux, et vrai poumon de la Chine communiste relativement ferme aux
changes internationaux.

Des milliers de Chinois en vareuse col Mao, dambulaient le long du fleuve,


accompagns de leurs enfants chiquement vtus et piaffant sur les alles.

Vers Nanchang
Nous avons pris le train 15 h 35 pour Nanchang, ville situe 1.000 km lintrieur
des terres, lOuest de Shangha.

Nous tions installs dans un wagon couchettes dit de luxe, dans une cabine pour
quatre personnes (Chrif, le Directeur ZU, linterprte TSU et moi-mme).

Passs les premiers moments de promiscuit, dinconfort relatif et dobservation, les


manires affables et lextrme sensibilit de nos htes, doubles de la chaleur du service
bord de limmense train, nous avaient bercs jusqu notre destination finale.

On nous servit du th vert plusieurs reprises pour nous souhaiter et renouveler la


bienvenue en Chine.

Aprs les immenses faubourgs de Shangha, le train stait engag dans une
immense rgion de cultures intensives de colza, riz et mrier.

Les champs taient minutieusement travaills, et certainement avec amour, par des
nues de femmes, denfants, de personnes ges, et intensment exploits jusqu
proximit de la voie ferre, des pistes et des chemins vicinaux pour ne pas perdre un seul
arpent de terre cultivable.

Les plans deau et les tangs prs des hameaux fournissaient de la gadoue, excellent
engrais dpandage.

Les produits organiques de toutes natures taient rcuprs et rinjects dans le


sol, souvent la main.

Les lacs, les mares, les tangs et les rivires taient mis contribution pour lever
canards, oies, poissons.

Partout on sentait un labeur intense et continu pour tirer le maximum de la terre


laquelle chaque Chinois voue un vritable culte.

Le paysan chinois, connu pour son travail assidu de la terre source de sa subsistance,
obtient des rendements agricoles levs, susceptibles de ltre encore davantage par
lintroduction dengrais complexes grande chelle.

Partout le travail est une seconde nature, leffort est toujours intensif, entrecoup de
courtes pauses sur le lieu mme dactivit.

On se nourrit nimporte quand, on dort sur place, prs de sa machine, de son btail
ou de ses volatiles.

A mon avis, il est peu de terres au monde qui donnent limpression que leur travail
est exerc comme un art pour lequel la russite masque lintensit de leffort consenti par
tous, rapide, constant, toujours pnible et harassant.

Labsence ou le manque de moyens mcaniques tait remplac ou compens par


cette masse humaine dferlant de partout pour fournir ses bras et son corps.

La Chine tourdit le visiteur tranger par le sentiment de la multitude humaine, et


nulle part au monde, sauf peut-tre en Inde, mme dans les quartiers des villes, la
densit de la population ne simpose autant au voyageur.

194
La Chine du 20 sicle donnait limpression davoir t habite par des centaines de
millions de personnes depuis des sicles.

Lnergie mise en uvre tait essentiellement base de charbon pour lequel la Chine
est le premier producteur mondial (1 milliard de tonnes), double de la force musculaire
de dizaines de millions de Chinois habitus, depuis des millnaires, se dpenser sans
relche.

Le voyage en train nous donna une vision inoubliable de la Chine rurale, celle des
champs tirs au cordeau, des cultures vivrires allant lassaut des coteaux et des
collines, envahissant les valles, ctoyant de prs les habitations, les routes, les voies
ferres, les usines et semblant ne pas laisser la terre le moindre rpit.

Dautres images, aprs la traverse dun des greniers de la Chine, sont graves dans
nos mmoires pour toujours : celles dune route troite, dun chemin vicinal encombr de
charrettes surcharges de sable, de charbon, de lgumes, de briques et objets de toutes
sortes, tires parfois par des hommes ou des femmes.

Ce qui avait dfil sans cesse sous nos yeux, suscite toujours notre profonde
admiration pour ce grand peuple et pour cet immense pays.

Avec TSU, nous avons discut de lhistoire de la Chine, des invasions venues des de
lAsie centrale, de la Grande Marche, de Confucius, de Sun Yat Sen, du Kuomingtang, du
Grand Bond en Avant, des Communes Populaires, de la Rvolution Culturelle, de Mao, de
Chou en La, de Lin Piao, de Liu Chao Chi et des nationalistes de Tchang Ka Chek rfugis
Tawan (Formose) aprs leur dbcle en 1949 face aux troupes communistes.

Dans le couloir du train, un officier suprieur de lAcadmie militaire de Shangha


stait joint nous pour nous entretenir trs aimablement de lagriculture et de lindustrie
chinoises dont il semblait matriser toutes les donnes.

La tombe de la nuit sur la campagne tait saisissante, car trs rapidement, on avait
vu les paysans et leurs familles saffairer pour rentrer leurs btes (buffles, porcs, oies)
aprs une journe complte de dur labeur.

Les pistes, les routes staient charges tout dun coup dun flot interminable de
bicyclettes, de cyclopousses et de marcheurs volontaires et dtermins.

De temps autre, on voyait des ombres furtives se dplacer paisiblement sur les lacs
bordant la voie ferre : ctaient des pcheurs du crpuscule venus jeter leurs filets avec
lespoir dune prcieuse prise le lendemain.

De toutes les petites maisons, au toit en tuiles rouges, se dgageaient des volutes de
fume, signes de la prparation du dner, repas principal pour les Chinois.

Le train stait arrt Hang Zhu, ville enserre de collines boises et de champs de
mriers pour les levages de vers soie.

Lieu tant dclam par les potes chinois et les grands explorateurs occidentaux, ville
de la soie et des soieries rputes de par le monde, Hang Zhu est considr par les Chinois
comme le paradis sur terre.

Nous sommes descendus sur le quai de la gare sombre et triste, aux lumires
blafardes, pour sortir de notre antre et prendre lair aprs plusieurs heures
denfermement, avant que le train ne reparte dans un sifflement strident.

En traversant des wagons bonds de passagers, pour rejoindre notre cabine, nous
avons suscit sur notre passage ltonnement amus et amical de centaines de Chinois
entasss avec leurs balluchons, leurs victuailles et leurs poulets.

Trs aimablement on nous nous avait propos du th.

195
On se croirait dans un souk de mdina, avec des visages diffrents et brids.

Collant nous, nos htes taient ravis de nous faire dcouvrir les diffrentes facettes
de la vie simple chinoise.

Personnellement, javais vcu ces instants avec une exaltation profonde, partageant
des moments damiti chaleureuse au milieu dun peuple attachant.

En cabine, nous fmes de nouveau accueillis avec un th de bienvenue renouvele,


alors que TSU, toujours affable, dou dun art consomm de la rpartie, en connaisseur
averti, rpondait sans esquive toutes mes questions.

Vous pouvez me poser toutes les questions que vous dsirez, je suis votre
disposition , me lana TSU, quelque peu dbonnaire.

A travers nos longues discussions, javais compris que les autorits chinoises au
pouvoir reconnaissaient certaines erreurs de la politique de Mao, notamment au plan de
Communes Populaires, du Grand Bond en Avant et de la Rvolution Culturelle qui avaient
retard le dveloppement de la Chine de plusieurs annes.

Concernant la politique douverture de Deng Xiao Peng, successeur de Mao, TSU nous
confirma le souhait sincre de la Chine de souvrir au monde extrieur, la technologie
occidentale, dans le but dassurer le mieux tre de son peuple arrir.

La Chine tait apparemment encore un grand pays en voie de dveloppement, aux


potentialits considrables, o tout dveloppement durable doit au pralable concerner
limmense monde rural, march encore vierge en mesure dabsorber les produits de son
industrie.

Mais il ne faut pas privilgier un secteur par rapport un autre, il faut un


dveloppement intgr et profond , avais-je fait remarquer.

Absolument daccord avec vous, cest notre vu le plus cher, et nous sommes
visss sur cette voie salutaire. Notre peuple ayant souffert depuis des sicles, il est temps
de mettre fin son calvaire en empruntant un autre chemin, une autre voie, et ce serait
un drame de ne pas tenir compte des affres du pass et de leurs consquences nfastes
sur la vie conomique de notre pays, fut la rpartie de TSU.

On avait senti chez TSU le dsir de voir son pays dcoller, loin des guerres
idologiques, de lembrigadement des masses de jeunes et des politiques politiciennes
nfastes pour une socit en qute de stabilit et dharmonie.

Il avoua, avoir t lui mme Garde Rouge pendant la Rvolution Culturelle, avoir
commis des erreurs et particip des abus de tous genres responsables de lnorme
retard de dveloppement aprs la priode dune grande folie gnralise.

TSU dbita sans interruption son savoir, content de me voir si intress par lhistoire
et la grande aventure moderne de son pays.

Rgulirement, lhtesse, en tenue carlate, venait nous proposer du th, tonne de


voir deux trangers parmi des milliers de Chinois sur le chemin de Nanchang au fin fond
de cette Chine lointaine.

Aprs le dner sympathique servi au wagon restaurant, nous avons continu deviser
avec TSU sur les problmes de lheure, nos autres htes suivant la discussion avec une
curiosit manifeste et amuse.

De temps autre, TSU leur lanait quelques mots en chinois pour expliquer
probablement son tonnement de rencontrer des trangers aussi intresss par les
menus dtails de la vie de leur grand pays.

196
Nous avons discut objectivement de la Bande des Quatre, de son origine, ses
motivations, son ascension fulgurante, ses agissements et sa chute brutale, du devenir de
Madame Mao, des relations entre la Chine continentale et Taiwan, du diffrend avec le
Vietnam, immdiatement aprs sa runification, de lavenir des relations avec les Etats
Unis, fer de lance du capitalisme, et du Tiers Monde.

TSU, travers nos entretiens, mavait sembl peu dogmatique et plus ouvert que le
Chinois strotyp prsent en Occident.

A la fin du dner, nous avons assist une vritable scne de collaboration entre les
couches socioprofessionnelles, au cours de laquelle des soldats, des paysans et des
ouvriers, tous passagers ordinaires, staient dvous pour aider le personnel du train
prparer le repas du lendemain.

Le train sarrta toutes les gares, toujours lugubres, sombres et sans cachet.

Au lever du soleil, avant notre arrive Nanchang, aprs 17 heures de voyage, on


nous proposa du th pour nous rveiller et nous sortir de notre torpeur.

Personnellement, je navais pas beaucoup dormi, mais plutt rest veill pour
apprcier la beaut et luniformit du paysage qui se droulait sous mes yeux.

La campagne traverse et admire la veille aprs Shangha, se retrouve mille


kilomtres plus lOuest, avec les champs de colza, les rizires, les hameaux aux maisons
en briques rouges, les parcelles de terre toujours bien travailles par des familles qui en
tiraient leur subsistance.

Ici le mot subsistance avait toute sa signification, car comme tenait nous le
rappeler TSU, au dbut du 20 sicle les famines et les inondations emportaient chaque
anne des millions de personnes.

Ds lors, avec les guerres civiles frquentes, les reprsailles et les exactions des
grands seigneurs terriens, on peut imaginer lenfer meurtrier que reprsentait la Chine il y
a quelques dcennies.

Assurer de nos jours la subsistance et lautosuffisance un peuple de plus dun


milliard trois cents millions dindividus, est rellement extraordinaire et fantastique si lon
considre son pass rcent.

A Nanchang
A larrive la gare de Nanchang o nous attendaient les reprsentants de lOffice
Rgional des Ressources Minrales de la province, le dferlement sur les quais dune
vritable mare humaine, bruyante, anime, fut impressionnant.

On dirait que le train a transport toute une ville , avais-je fait remarquer TSU
habitu aux multitudes.

Aprs les salutations dusage, trs courtoises, on nous avait conduits au plus grand
lhtel en plein centre ville, certes peu confortable et dsuet, mais avec des chambres
spacieuses et th vert servi profusion dans de grands brocs.

Aprs quelques moments de repos, avant daller effectuer un tour de ville sous le
froid et la pluie, le Vice Prsident de lOffice, personne ge, membre du parti communiste
en vareuse col Mao, tait venu nous rendre une visite de courtoisie et damiti et
senqurir du droulement de notre long voyage par train.
Bienvenue chez nous Nanchang, et avez-vous bien dormi dans le train , fut sa
premire exclamation.

197
Nanchang, avec ses larges avenues bordes de grands arbres, chef lieu de la province
de Jiang Xi, occupe une place importante dans lhistoire de la Rvolution Chinoise, car
cest l quest n en 1927 le mouvement des soldats et officiers anim par Chou en La,
relat par plusieurs fresques et statues au centre ville, prlude au dclenchement du
mouvement paysan dirig par Mao dans la province du Hunan.

Peu de voitures, mais des milliers de bicyclettes ; peu de magasins, mais


dinnombrables petites choppes offraient aux clients, bananes, oranges et autres
produits alimentaires de premire ncessit.

La Grande Chine traversait une priode de lthargie que le systme politique en


vigueur navait pas encore totalement surmonte, emptr dans dautres problmes plus
prioritaires pour lui, savoir pacifier le pays, le mettre au pas et organiser les structures
conomiques face au capitalisme belliqueux

TSU profita de loccasion pour rendre visite son beau pre, minent cadre en
retraite du Parti communiste, install dans un modeste appartement situ dans un
quartier obscur et sans me, qui comme dautres Nanchang, donnait limpression de se
retrouver cent annes en arrire.

Laprs midi, au sige de lOffice Rgional des Ressources Minrales, autour de


petites tables basses garnies de fruits et de tasses de th, nous avons entam nos
premires et longues discussions.

En ouvrant les travaux, nos htes, auxquels staient joints des responsables de
lOffice Rgional des Ressources Minrales, vritable dtenteur du pouvoir de dcision,,
avaient rappel leur excellent voyage au Maroc en 1986, leur dsir sincre de renouer
avec le Groupe ONA et dtablir avec lui des relations amicales quilibres, tout en
marquant leur disposition acheter toute la production de concentr de cobalt de
Bouazzer.

Chrif les remercia de laccueil chaleureux et amical qui nous avait t rserv depuis
notre arrive Pkin, souligna le dsir partag du Groupe ONA de renouer avec le Chine,
et mit le souhait de voir les discussions aboutir des rsultats concrets, tangibles et
acceptables pour les deux parties.

Les pourparlers entrecoups de pauses th et fruits, avec de multiples redites et


des demandes dclaircissements, durrent plus de trois heures, sans quaucune des
parties ne se dpartisse de sa srnit, tant les rapports taient empreints de grande et
amicale considration.

Nous avions remarqu la bonne apprciation des Chinois pour la matrise du dossier
par Chrif pour lavoir dj trait plusieurs annes auparavant avec lancien Directeur
Gnral de lONA, Meune.

A la fin de la journe, toujours la case dpart, chacun accroch ses positions,


nous avons convenu, sans le moindre ressentiment, de reprendre nos discussions le
lendemain.

Nous avions ainsi rpondu au vu dissimul des Chinois de faire traner et durer les
pourparlers, en esprant contraindre linterlocuteur cder.

Le soir, nous fmes convis un grand dner prsid par le Vice Prsident de lOffice
Rgional des Ressources Minrales, dans un salon de lhtel spcialement amnag pour
la circonstance, en prsence dun reprsentant local du Ministre des Affaires Etrangres
chinois.

Le dfil des plats fut interminable, le service impeccablement assur par de jeunes
et jolies filles, pares de leurs plus beaux atours, interrompu par des changes de toasts
au mote, dans une ambiance dtendue et chaleureuse.

198
Nous avons chang nos points de vue sur lvolution de la socit chinoise, la
politique douverture et les relations internationales, et not que les rformes ralises
dans les entreprises visaient restaurer leurs initiatives, stimuler lactivit des secteurs
assurant la satisfaction des besoins de la population, et utiliser dans le cadre de la
politique douverture les avantages comparatifs du pays.

Les autorits chinoises semblaient accorder la priorit aux industries utilisatrices de


main duvre, de prfrence aux industries incapables de gnrer des emplois en nombre
suffisant et gourmandes en capital.

La Chine tait entre dans la phase de consommation des mnages avec le boom de
llectromnager (machines laver, rfrigrateurs etc.).

Mais en dpit des rsultats enregistrs, des goulets dtranglement continuaient


perturber le systme conomique, tels les problmes nergtiques, linsuffisance des
moyens modernes de transports, la vtust des usines et le retard dans le management
des organisations et services.

De nombreux grands projets taient ltude, telles la construction des voies


ferres, routes, barrages, centrales nuclaires, la rnovation et l'ouverture de mines de
charbon, la modernisation et la rhabilitation dusines existantes, la construction dhtels,
le dveloppement des communications.

Embrassant un large ventail des rformes destines librer les entreprises du


contrle de lEtat et du Parti communiste, les dcisions des autorits taient considres
comme un tournant crucial dans lre post Mao et llimination progressive du modle
dconomie centralise.

Les succs rencontrs par les rformes, surtout dans le monde rural encore arrir,
pourraient tre le moteur de lacclration de la rforme au niveau des grandes
agglomrations urbaines.

Ravis davoir renforc nos relations damiti, nous avons pris cong du Vice Prsident
et de nos autres htes, en le remerciant bien vivement pour leur agrable compagnie et
pour leur hospitalit gnreuse.

Nous avons compris aprs les premiers pourparlers, que le passage Nanchang
ntait donc quune tape de la premire phase dun long processus de discussions avant
lacte final.es.

Cest leur habitude et leur approche dans les ngociations avec leurs partenaires
trangers ; avec les Chinois, il faut tre patient et surtout ne pas marquer son agacement
ou sa prcipitation , me dit Chrif, en fin connaisseur.

A Ganzhou
Le lendemain, nous avons quitt Nanchang 6h30, sous un temps maussade et une
brise glaciale, bord de deux voitures Lada russes, en direction de Ganzhou, lieu
dimplantation de lusine de transformation des concentrs de cobalt.

A la priphrie de Nanchang, la campagne tait sous les eaux et la petite route


emporte sur plusieurs centaines de mtres par les dernires pluies diluviennes.

Des centaines de Chinois saffairaient pour combler manuellement les trous et


amnager les ncessaires dviations des vhicules, des charrettes et des bicyclettes.

En traversant les nombreux villages, le constat et les tmoignages difiants du sous


dveloppement de la Chine rurale profonde, taient patents.

199
A larrt pour le petit djeuner, en pleine campagne, en bordure des rizires, TSU
continua nous entretenir de son pays.

La Chine est un pays est en pleine mutation et les autorits sont dcides ne pas
sarrter en chemin , dit-il, comme pour nous convaincre.

En Chine, limpact de la population nombreuse, depuis toujours, constituait une


contrainte considrable pour le dveloppement conomique intgr, et les mesures
adoptes, bases sur la contrainte, pour endiguer la croissance rapide de la population
staient rvles efficaces.

Ainsi, la campagne de contrle des naissances avait fait baisser le taux de croissance
dmographique de 2,3% pour la priode 1960-1970, 1,5% pour la priode 1970-1981 ;
ce taux devait baisser encore davantage.

Le dclin est d, avant tout, la faible natalit, la gratuit des contraceptifs, au


mariage tardif, aux quotas de naissances, quelques avantages conomiques, la
strilisation fminine et masculine et lencouragement de la politique de lenfant unique,
exception faite pour la campagne o lon autorise un deuxime enfant pour assurer la
descendance.

Aprs avoir visit et travers des villages, nous avons gard une impression
ineffaable et palpable que la solidarit, appele la solidarit du bol de riz en commun
de la grande famille chinoise, est vivace comme au Maroc sous forme dentraide entre les
groupes familiaux.

Ayant survcu trois gnrations de bouleversements nationaux, le sentiment


dinscurit vis vis du bol de riz stait estomp.

Avec lintroduction de conditions de vie meilleures, le 21 sicle pourra tre pour la


Chine un grand tournant, et ce sera pour les Chinois lune des plus grandes tches
collectives que lhumanit ait jamais connue et accomplie.

Lors dune halte en pleine nature, notre conversation avec TSU fut interrompue la
vue dune scne pathtique : un paysan pieds nus, pantalon retrouss, torse nu malgr le
froid et la pluie, transportait en balance sur plusieurs centaines de mtres deux seaux
pleins de gadoue pour aller les dverser dans son champ, puis revenait louvrage
plusieurs reprises, avec le mme courage et la mme rage de braver les lments de la
nature, sans aucun moment se dpartir de son calme, ni sintresser ce qui se passait
alentour.

Aprs la traverse dune campagne la beaut indicible, de cachet surraliste, de


calme et de srnit, avec dimmenses rivires sur lesquelles voguaient dinnombrables
barques de pcheurs, nous avons marqu une halte lhtel de Guang Chang, suivie dune
visite des magasins dEtat et des coopratives approvisionns en produits de pitre
qualit.

Notre prsence tonna une famille chinoise qui accepta avec gentillesse de poser en
photo avec nous au bord du fleuve ; le marmot chinois fut tout heureux de faire lobjet
dune telle attention.

Comme dhabitude, chaque repas, nous avons dgust dautres spcialits base
de poisson, soja, champignons, cresson, choux et diffrentes herbes, expliquant et
justifiant ladage chinois :

Tout se prpare et se mange en Chine ; tout ce qui vole se mange, excepts les
avions ; tout ce qui nage se mange, excepts les sous marins .
Nous sommes arrivs Ganzhou en fin daprs midi, aprs avoir travers des zones
de rizires forte densit de population, donnant deux rcoltes par an.

200
Notre installation lhtel fut suivie dune visite de la ville et de ses environs
couverts de merveilleux bosquets de bambou.

Du haut dun ancien sanctuaire bouddhiste, au bord dun immense fleuve, un


panorama saisissant, dune beaut rare, loin des vacarmes et des bruits des villes,
soffrait nous, mduss.

Le dner, servi avec crmonial dans le salon dapparat de lhtel, fut une occasion de
poursuivre les discussions avec TSU, de les approfondir dans une chaude ambiance, sous
lil attentif de nos htes.

Ainsi de 1980 1982 le rgime des Communes Populaires mis en place avec fracas
la fin des annes cinquante, avait t pratiquement dmantel et le monopole de lEtat
aboli sur certains produits agricoles comme les crales.

Au systme de collectivisation force, avait succd le systme de responsabilit,


moyennant un quota lEtat, un prix augment de 10 30%, les paysans tant
autoriss vendre leurs produits sur les marchs libres, force dentranement dcisive
pour lappareil industriel encore timor.

Un vent nouveau, charg despoir, souffle sur la Chine, et nous esprons que son
intensit ira crescendo , dit TSU avec lassentiment non dissimul de nos htes qui
navaient pas hsit remettre en cause la politique du Grand Timonier, Mao.

La dtente sera longue et difficile, mais une vritable lame de fond tait en train de
natre, en mesure de transformer profondment le visage de ce grand pays.
***
Aprs une nuit bien calme, nous avons repris nos activits par la visite de lusine de
cobalt, complexe intgr de construction sommaire, produisant de lacide sulfurique, des
produits chimiques divers, des produits drivs du tungstne et des concentrs de cobalt
dsarsnifis.

La tourne de lusine avait dbut par le stock de rsidus, reliquat du traitement des
concentrs de cobalt de Bouazzer davant les annes soixante dix, puis par les sections
agitation, attaque chimique, concentration et fusion.

Ce fut mouvant de toucher cette partie de terre marocaine en pays lointain,


constitue de scories oxydes, couleur rouge drythrine.

Lusine, rellement rudimentaire, sans sophistication, nous tonna par sa simplicit,


alors que nous nous attendions trouver une unit ultra moderne de traitement dun
minerai dit stratgique : le cobalt.

Sans complexes, les Chinois taient fiers de leur usine construite avec des moyens de
fortune, parce quelle tait eux, elle fonctionnait et produisait selon une technologie
simple de transformation des concentrs de cobalt.

Pour moi, cette visite de lusine levait le voile de mystre absurde entretenu en
Occident sur la valorisation du cobalt.

Pour les Chinois, les importations de concentrs de cobalt de Bouazzer viendront


sajouter la production locale et aux achats provenant de la lointaine province du Shaba
au Zare de Mobutu.

La consommation chinoise, estime 1.000 tonnes de cobalt mtal par an, tait
essentiellement utilise dans la fabrication des aciers spciaux.

Toutes les explications relatives au fonctionnement des installations nous furent


fournies sans dissimulation ni esquive.

201
Nous avons pris toutes les photos dsires et circul travers les diffrentes sections
de lusine sans la moindre entrave ou dissimulation.

Notre tourne prit fin aprs la visite des installations de valorisation de tungstne
dont la Chine est lun des plus grands producteurs mondiaux.

Comme pour les concentrs de cobalt, lusine tait de technologie trs simple,
rustique, et surtout, sans sophistication.

Un magnifique djeuner au foyer du complexe fut encore une fois loccasion de


poursuivre nos discussions et denrichir nos connaissances sur la Chine.

Depuis quelques annes, lentreprise en Chine est devenue une entit conomique
jouissant dune autonomie relative, responsable de ses propres profits et pertes, capable
de se transformer, de se dvelopper et dagir en tant que personne morale, avec droits et
obligations. Le directeur assume la responsabilit pleine et entire de lexploitation, le
rle des instances du Parti tant limit la supervision globale des politiques de lEtat,
nous dclara TSU.

Pour mettre en pratique le principe de la rpartition des revenus selon le travail, les
carts entre les salaires avaient t augments afin de reflter les diffrences entre le
travail manuel et intellectuel, qualifi et non qualifi, la rmunration du travail
intellectuel tant basse, compare celle du travail manuel.

Les salaires lusine de cobalt taient de lordre de 120-150 yuans (soit lquivalent
de 250 320 Dirhams par mois), le salaire de louvrier pouvant dpasser de 10% celui du
technicien, et mme de lingnieur.

Mais paralllement ce niveau bas des salaires, il faut noter lexistence de


prestations sociales importantes, tels le logement, lhabillement, les soins mdicaux, le
transport, lducation et la nourriture.

Dans ce cadre lusine de cobalt disposait dune remarquable infrastructure sociale


permettant de fixer et fidliser le personnel et la population du centre.

A lusine de cobalt, comme dune faon gnrale en Chine, la mobilit des personnes
tait faible, la productivit et la qualit du travail taient insuffisantes.

Souvent la titularisation restait lobjectif primordial pour la grande majorit des


Chinois, donnant limpression dun manque de confiance dans lavenir.

Les rformes lances, bases sur les incitations conomiques, les primes et lardeur
au travail, se heurtaient de fortes rsistances, le stakhanovisme dbrid ntant plus
la mode comme auparavant.

Les entreprises chinoises la recherche de lefficacit, comme lusine de cobalt,


taient entres dans une priode de profondes rformes.

De plus en plus, les Chinois dcouvraient les insuffisances de leur systme


conomique, et linfluence minente des hommes dans le dynamisme dune conomie ou
lefficacit dune entreprise.

La sensibilisation de centaines de millions de personnes et lincitation produire plus


et mieux, avaient permis aux Chinois de faire un vritable grand bond en avant, et de
rattraper une partie du retard accumul dans tous les domaines.

Sur cette toile de fond et dans la grande salle de runions du complexe industriel,
nous avons repris nos entretiens et nos ngociations relatives llaboration dun contrat
de livraison de concentr de cobalt de Bouazzer.

202
Chrif me rappela quavec lancien Directeur Gnral de lONA, Meune, ils avaient t
obligs de rester Pkin pour discuter les contrats de livraison de concentr de cuivre de
Bou Skour avec les services centraux du Ministre de lIndustrie, car lpoque aucune
initiative ntait laisse aux provinces.

Depuis, la situation avait sensiblement volu avec lentre en lice des usines
consommatrices, habilites discuter les contrats dans le cadre de la nouvelle politique
douverture et de dcentralisation.

Avec nos partenaires, les changes, comme deux jours auparavant, furent longs et
redondants, sans toutefois nous dcourager.

Chrif, avec une infinie patience, dfendit sa position, donnant et ritrant ses
explications claires et approfondies sur les propositions de son groupe, au plan du prix de
vente et des conditions accessoires.

Moi, jtais l en tant que support officiel pour apporter, quand il le fallait, la caution
morale de lAdministration des Mines marocaine.

De leur ct, les Chinois taient revenus la charge pour expliquer et justifier le
niveau lev de leurs frais de traitement, et demander en consquence une baisse de prix
des concentrs de cobalt de Bouazzer.

Aprs plusieurs heures de discussions franches, cordiales et animes, nous nous


tions mis daccord sur les prix de rfrence producteurs de cobalt, tel que publi
rgulirement par le London Metal Bulletin.

Ce fut une perce, car les Chinois connus pour tre de fins, tenaces et coriaces
ngociateurs, font languir et souffrir leurs partenaires avant de conclure et parfois de
rompre les ngociations.

Ainsi des Occidentaux, confiants en leur force de persuasion, venus ngocier pour
quelques jours, taient repartis chez eux aprs plusieurs semaines dattente,
dantichambre et de discussions striles.

En considrant cela, nous tions dans une situation bien particulire et privilgie,
rvle par la chaleur exceptionnelle et redouble de laccueil qui nous tait
constamment rserv.

Ds lors, laccord tait lhorizon, il restait seulement en dfinir les contours prcis,
laisser dcanter les choses durant le restant du sjour, puis finaliser par des
ngociations de dernire heure avant notre dpart.

Les pauses th staient succd pour nous consulter et situer le niveau des
concessions rciproques.

Nos htes, la reprise, insistrent sur les cots de traitement en progression


constante par suite du renchrissement des produits chimiques et nergtiques.

Chrif rtorqua que la Maroc subit encore plus durement ces effets, ntant
producteur ni des uns ni des autres.

De plus, la remise en production de la mine de Bouazzer, arrte depuis quatre ans,


exigera des investissements lourds que seuls des prix raisonnablement rmunrateurs
pourraient justifier.

A la tombe de la nuit, harasss mais confiants dans lissue de nos discussions, nous
avons convenu de suspendre les pourparlers et de les reprendre par la suite.

Nos htes, tout en apprciant leffort de la partie marocaine, avaient dcid de nous
faire des propositions concrtes le surlendemain Guangzhou (Canton).

203
Le soir, pour marquer solennellement lesprit damiti ayant toujours prsid nos
discussions, nous fmes convis un grand dner officiel, en prsence du reprsentant
provincial du Ministre des Affaires Etrangres.

Plusieurs toasts furent changs pour marquer notre dsir commun de cooprer
amicalement dans lintrt mutuel bien compris, convaincus de notre ct de lintensit et
de limportance exceptionnelle des derniers moments en Chine.

A Guangzhou (Canton)
Le rveil, encore une fois, fut matinal, car une longue journe nous attendait avant
darriver Guangzhou.

Les trois responsables de lusine de cobalt de Ganzhou, (la partie la plus concerne),
taient l, signe de la conclusion trs probable du contrat, autrement ils ne se seraient
pas tous drangs pour nous accompagner durant quelques jours.

Nos htes avaient pris place bord dune voiture de la scurit publique, alors que
TSU nous accompagnait dans un vhicule de la Socit de cobalt.

La route troite, mal entretenue, crevasse, principal accs vers les provinces
intrieures du Yunnan et du Tibet, tait surcharge de camions haletants, de charrettes et
de cyclopousses, image reprsentative de la nouvelle Chine.

Comme ailleurs, il y avait beaucoup de monde aux champs, bchant, sarclant,


repiquant, labourant avec les buffles et pandant les engrais naturels la main, nous
donnant le sentiment que limmense population chinoise aime vivre en grand nombre et
en plein air.

La Chine, on le comprend bien, est trs peuple depuis des millnaires.

Nous avons travers des villages dun autre ge, souvent dlabrs, avec leurs
gargotes poussireuses, leurs troupeaux de porcs et doies, leurs marchs de lgumes, de
fruits et de tabac.

Sur les routes et les chemins vicinaux, nous avions crois ou doubl des multitudes
de gens pieds, transportant pniblement des calebasses.

Nous avons vu des chantiers de travaux publics o saffairaient calmement des


milliers douvriers cassant la pierre la masse pour produire de la gravette.

Sur notre parcours, dans un cadre merveilleux, Shaoguan, prs dun plan deau
bord de bambous, nous avons djeun au fameux Restaurant des Bambous, dgustant
les fins plats de la province de Guang Zhu, proximit dune stle et dune statue la
mmoire du docteur Sun Yat Sen, premier fondateur de la Rpublique chinoise qui sallia
aux communistes pour crer un Etat socialiste.

Dadorables petites filles acceptrent de bonne grce, sous lair amus de leurs
parents, de poser en photo souvenir avec nous.

En ville, de partout affluaient les bicyclettes.

En Chine, la bicyclette appele la Petite Reine, omniprsente, rouille ou flambant


neuf, porte, tire tout et tous, et reprsente un des modes de transport pris, ouvert et
accessible aux grandes masses.
La bicyclette tait pour le Chinois une illusion de mcanisation, sa voiture venue lui
faciliter la tche et mcaniser ses propres forces, sans aucun apport extrieur dnergie.

Une bicyclette rutilante tait alors signe de niveau de vie ais.

204
Javais compris alors, pourquoi TSU se portait constamment volontaire pour rgler
nos achats en Yuans ordinaires et rcuprait nos Yuans convertibles (devise forte) pour
se permettre plus tard lachat dune bicyclette.

Aprs le repas copieux et bien achaland comme de coutume, nous avons visit un
temple bouddhiste lextrieur de la ville, implant dans un immense parc fleuri.

Nos htes dsintresss, taient rellement indiffrents ce genre ddifice religieux


dun autre ge pour eux, cadres du parti communiste athe.

Du temple montaient les chants des moines bouddhistes, alors quune nonne, crne
ras, photographie en train de balayer les alles du sanctuaire de Bouddha, marqua son
dsappointement et disparut en profrant probablement des injures.

Ce fut la seule occasion du voyage o un citoyen chinois avait lev la voix.

A la sortie de la ville, nous avons t pris, cas rarissime en Chine, dans un


embouteillage, les pluies diluviennes ayant dvers sur les routes et les pistes un ocan
de boue affront vaillamment par des milliers de bras volontaires.

Nous avons travers encore des zones de rizires, toujours intensment travailles
dans les valles, les plaines et les montagnes par une population dense.

Par endroits, des ncropoles dissimules dans les buissons ou creuses dans le roc,
signalaient un cimetire de village, loin des cultures pour ne pas perdre un seul pouce de
la terre nourricire.

La voiture de la scurit publique fut arrte avant Canton pour excs de vitesse, le
chauffeur verbalis par retrait de son permis de conduire et convoqu le lendemain un
stage dducation civique pour avoir enfreint le code de la route.

Larrive de nuit Canton et la traverse de limposante agglomration


lembouchure du Si-Kiang, furent impressionnantes.

Comme par miracle, aprs tre plongs, durant plusieurs jours dans une obscurit
relative depuis Nanchang, nous avons retrouv la dbauche de lumires et la frnsie des
grandes mtropoles.

En signe de considration et destime, nous fmes logs lHtel dOrient, grand


palace o tait descendu ce jour l, le Prsident du Cameroun, Paul Biya.

En raison de notre arrive tardive, mais aussi de la fatigue aprs une journe bien
pleine, nous avons prfr dner la caftria de lhtel, dans une ambiance artificielle,
parmi des clbrits du thtre et du cinma chinois, assaillies par des supporters en
qute dautographes.

Nos htes, paysans de la Chine profonde et millnaire, taient perdus dans ce milieu
qui ntait pas le leur, celui de tous les jours des citoyens de Canton.

Aprs le dner, nous avons fln pour admirer les parcs de lhtel, les galeries dart
chinois, avant daller nous mettre entre les mains de Morphe.

Le lendemain, aprs le petit djeuner pris ensemble dans limmense salle


magnifiquement dcore de lhtel, nous avons entam les ultimes tractations sur les
termes dfinitifs du contrat, et vers 10 heures, laccord conclu, nous nous sommes
chaleureusement congratuls en prenant une tasse de th et des fruits.
Pour clbrer lvnement et saluer lesprit damiti ayant prsid nos entretiens,
un djeuner des grandes occasions nous regroupa avec nos htes euphoriques dans le
salon dapparat de lhtel, avec le dfil interminable de plats encore plus raffins que
prcdemment.

205
Par cette ultime et touchante attention, nos htes avaient voulu ritrer leur
considration et marquer leur relle satisfaction davoir abouti un contrat satisfaisant
pour les deux parties, labor aprs damicales ngociations avec deux responsables
marocains sduits par la Chine, apprciant lart de vivre et la profonde hospitalit de son
grand peuple.

Laprs midi, en minibus spcialement affrt pour la circonstance, nous avons visit
Canton, ville de plusieurs millions dhabitants, le poumon de la Chine du sud, proche de la
zone de Hong Kong encore sous domination britannique.

Du haut dun promontoire, nous avons admir la ville avec ses gratte-ciel remplaant
progressivement les anciennes maisons basses en tuiles rouges.

Dinnombrables chantiers de construction de routes, autoroutes, ponts, immeubles


de bureaux et dhabitations, htels, complexes sportifs, attestaient dune Chine en
profonde et rapide transformation, contrastant avec les provinces intrieures demeures
encore sous lemprise du sous dveloppement.

Aprs la visite de la Grande Foire de Canton, immense btisse moderne, connue


mondialement, regorgeant de produits chinois de relle qualit, nous avons fait le tour
des muses dhistoire o taient exposes de magnifiques uvres dart en ivoire, jade et
porcelaines uniques au monde.

En fin daprs midi, aprs des adieux mouvants avec les responsables de lusine de
cobalt de Guanzhou, nous avons rejoint laroport.

Un retour Pkin perturb


Aprs lenregistrement, on nous annona un retard de quelques heures, puis en final,
le report du vol pour le lendemain 11h.

Notre programme Pkin fut perturb, semant le doute sur la rencontre avec le
Prsident Filali et la signature officielle du contrat devant concrtiser une longue semaine
de discussions et de ngociations entre les deux parties.

En bus, nous avons rejoint trs tard lHtel dOrient, nos htes chinois abattus, dus
de voir tous les efforts dploys durant une semaine, contraris par des problmes futiles
de retard davion.

Pour dtendre lambiance, nous avons repris nos discussions avec TSU pour voquer
le dveloppement rapide de la zone de Canton, son impact et ses retombes sur la vie
conomique gnrale.

Sans se dpartir de son flegme et de sa srnit, TSU enchana en disant :

Chaque Chinois aspire un dveloppement rapide et meilleur, une vie dcente,


sans toutefois renier ses origines, ses traditions et sa culture .

Dans le secteur de Canton, les grandes ralisations taient le fruit de la collaboration


des autorits avec les Chinois installs en Asie du Sud Est (Singapour, Philippines,
Malaisie, Thalande).

Ces Chinois, dune autre trempe, sont les animateurs puissants de la croissance
conomique des pays daccueil o, tout en gardant leur art de vivre et leur attachement
leur Chine ancestrale, ils sont dous dune facult dadaptation remarquable, et dun sens
confirm du bisness.

Le lendemain matin, aprs une longue nuit envisager avec Chrif tous les
itinraires possibles pour rejoindre Paris, le petit djeuner nous avait runis de nouveau
avec nos amis chinois arborant toujours une mine triste et dsappointe.

206
Nous avons tenu les soulager en leur soulignant que le but de notre mission tait
atteint aprs notre accord de la veille, ltablissement avec eux des liens de coopration
amicale et de confiance, et la dcouverte de leur grand pays.

Lavion tait parti avec deux heures de retard sur lhoraire prvu, ajoutant une
nouvelle touche triste au dsarroi de nos partenaires chinois.

A bord, javais transcrit le contrat en franais sur le papier entte de la compagnie


China Airlines ; TSU, de son ct, avait assur la traduction en chinois, malgr les fortes
turbulences avant larrive Pkin 15 heures 30.

Le secrtaire de lAmbassade du Maroc tait l laroport pour nous conduire


immdiatement la Cit Interdite, lieu de rsidence de la princesse Lalla Meryem et du
Prsident Filali.

Nos htes chinois, jusque l contrits, taient ravis de la tournure des vnements, et
leurs visages staient clairs dun sourire rellement sympathique.

TSU jubilait, voyant son travail assidu se terminer en apothose avec la signature
officielle du contrat dans lenceinte de lendroit le plus ferm de Chine, temple mystrieux
et solennel du rgime communiste, svrement gard, o se dressent de majestueux et
anciens palais impriaux btis sur plus de 70 hectares.

Abdeslam Jadi, consul gnral du Maroc News York, organisateur du voyage en


Chine du couple princier, nous reut tout dabord dans un salon magnifiquement dcor
o lon nous servit une collation de bienvenue.

Par la suite, le Prsident Filali nous avait rejoints, dcontract, pull over et chemise
sur pantalon de flanelle grise, un grand cigare la main.

Avec son amabilit coutumire, rappelant ses deux annes Pkin, tout enfant, alors
que son pre tait Ambassadeur du Maroc en Chine dans les annes soixante, Filali devisa
quelques minutes en chinois avec nos htes ravis de rencontrer un personnage aussi
jeune, avenant, affable, et parlant leur langue.

Dans une immense salle, autour dune grande table, le contrat crit de ma main sur
des feuilles de la compagnie China Air Lines et traduit par TSU, fut officiellement sign par
Filali et par un reprsentant de la Socit de Cobalt, qui, notre tonnement, tait celui
qui nous semblait le moins responsable de nos htes.

Aprs les congratulations dusage, aprs avoir pris cong de Filali, et dlis de tout
engagement, 18h, nous avons quitt la Cit Interdite pour rejoindre en trombe
laroport de Pkin.

Pour remercier TSU de sa coopration et de sa totale disponibilit en tant que parfait


interprte, nous avons vainement essay de lui faire accepter un souvenir personnel de
notre part.

Il avait fallu, pour vaincre sa rticence, lui remettre une enveloppe cachete en
exigeant de lui de ne louvrir quaprs notre dpart.

Avec nos htes, nous avons convenu de nous revoir au Maroc la fin de lanne 1987
pour concrtiser le contrat par la livraison dun premier lot de concentr de cobalt de
Bouazzer.

Contrairement notre crainte de la veille, lenregistrement sur le vol de Lufthansa


pour Francfort eut lieu le plus normalement du monde.

207
Mal rass, fatigus, mais heureux davoir entrepris un aussi long et beau voyage,
nous avons quitt Pkin dans un avion pratiquement vide, bord duquel le service fut
agrable et parfaitement germanique.

Avant latterrissage Bahren, nous avons survol les torches des innombrables puits
de ptrole exploits offshore.

Aprs lescale o seul un passager tait mont bord, et aprs le survol de la


Jordanie, de la Syrie, de la Turquie, de la Bulgarie et de la Yougoslavie, nous sommes
arrivs Francfort 7h du matin, juste temps pour prendre la correspondance sur Paris
8h.

Javais quitt Chrif laroport de Roissy pour rejoindre Rabat, aprs avoir vcu
intensment avec lui les pripties dune inoubliable randonne.
****
Quelles furent les enseignements de cette mission axe essentiellement sur la
signature dun contrat de livraison de cobalt marocain aux Chinois aprs une clipse de
plusieurs dcennies?

Rellement et franchement, parmi les nombreuses missions effectues dans


plusieurs continents, le voyage en Chine demeure celui qui mavait le plus marqu,
instruit, envot et charm sous tous ses aspects.

Aussi ai-je tenu lui consacrer un important dveloppement, sans prtendre avoir
effectu le grand priple dIbn Batouta.

En ce qui me concerne, une mission dtudes de deux semaines ne peut mattribuer la


prtention de connatre ce pays continent de 9,6 millions de kilomtres carrs, peupl de
plus de 1,3 milliard dhabitants, de profondeur historique de plus de 6.000 ans, avec
lequel notre pays avait entretenu des relations depuis la fin du premier millnaire (vers
990).

Par ailleurs, le grand voyageur marocain, Ibn Batouta, est rellement celui qui avait
fait connatre la Chine au monde arabe en gnral, grce son priple effectu travers
lEmpire du Milieu au 14 sicle.

Mais ce que nous avons vu et vcu en Chine, pays reprsentant un quart de


lhumanit, mritait dtre cont, rappel et analys, mincitant tmoigner mme si le
tmoignage est peut-tre entach dinexactitudes ou dinsuffisances.

Il faut avoir vu pour croire, dissiper et loigner les prjugs pour reculer autant que
faire ce peut, les frontires de lignorance de la Chine.

Mais nous avons surtout travers la campagne chinoise et sjourn dans des zones
o peut tre peu dtrangers taient passs avant nous.

Nous avons rencontr des techniciens, des agronomes, des chercheurs, des
syndicalistes, des dirigeants de comits politiques, des enseignants, des militaires, et vu
luvre les ouvriers et les paysans chinois.

Plusieurs fois par jour, avec notre interprte, au cours des sances de travail, des
visites dusines, des repas, en voiture, dans lavion, en train, nous avons convers
longuement, amicalement, sans arrires penses, ni dmagogie, tout en essayant de
transformer nos discussions en changes bnfiques pour nous.

Les renseignements et les claircissements obtenus, toujours de bonne grce et sans


dissimulation, taient abondants et varis, peut-tre quelques fois superficiels, mais
assez convaincants et suffisants pour nous permettre davoir une ide de la Chine et de
son grand peuple.

208
Rellement quand on a partag avec les Chinois le bol de riz et la tasse de th, un
lieu amical et affectif particulier nat, vit et ne meurt pas, car le Chinois qui vous reoit et
vous accompagne, fait partie de la famille, ou encore mieux, vous faites partie de sa
famille, et il se fait un devoir dtre avec vous et de le prouver travers son
comportement et ses manires affables de vous accompagner.

Ce fut notre cas, et pour le marquer si fort, nos htes chinois furent constamment
aux petits soins avec nous, depuis larrive et jusquau dpart.

La Chine daujourdhui ne peut tre comprise quen se rfrant la Chine dhier, et on


apprciera mieux le succs et les checs en comparant les rsultats obtenus la situation
ayant prvalu avant la Grande Rvolution.

Nous avons intensment vcu, sans ressentir la fatigue physique ou morale qui
caractrise des voyages dnus dintrt, monotones et sans chaleur humaine.

En tudiant lhistoire de la Chine, vritable forteresse replie sur elle-mme,


semblant perptuer la Chine ancestrale ferme aux trangers jusquau 15 sicle, on
dcouvre une vaste et radicale mtamorphose intervenue en un temps bref, pour
transformer la vie dun grand peuple rest fidle au meilleur de son hritage, tout en
rejetant et en abolissant le pass dans plusieurs domaines.

A travers les mdias et la propagande du temps de Mao, la Chine donnait limpression


demprunter la mme voie que le Japon un sicle plus tt.

Une Chine possdant des missiles, matrisant lnergie nuclaire, ayant brav les
Etats-Unis et lOccident en Core et en Indochine, et soutenant le blocus de Formose
(Taiwan), semblait un pays en plein boom conomique et social.

Mais y voir de plus prs, et travers les multiples discussions avec nos htes, la
Chine, aprs les grands bouleversements du 19 sicle, les Guerres de lOpium en 1840 et
des Boxers en 1900, fomentes par limprialisme occidental soutenu lui-mme par le
fodalisme local, tait rellement un pays en voie de dveloppement.

Les guerres civiles aprs la rvolution de 1911, dirige par le Dr Sun Yat Sen, avaient
dlabr un pays surpeupl, affam et anmi par les calamits naturelles (scheresses,
inondations et tremblements de terre).

La mise en place dun rgime marxiste en 1949, aprs lpope de la Longue Marche,
ne stait pas traduite pas une stabilit, mais par des vnements douloureux foments
par lOccident fondamentalement oppos au communisme.

Les bouleversements engendrs par la politique du Grand Bond en Avant, des


Communes Populaires et de la Rvolution Culturelle, avaient saign blanc ce grand pays
aux potentialits immenses et diversifies.

Dans le domaine du travail, on peut dire quen Chine nous avons vu luvre un
peuple travaillant dur, avec des moyens rudimentaires, accentuant davantage leffort
physique fourni par le paysan chinois et le monde rural en gnral.

Lexploitation de la terre est intense, et les champs, source de subsistance de ceux


qui les cultivent et les entretiennent, sont travaills avec amour.

Partout lhomme porte, tire et travaille avec ses mains et avec son corps.

La densit de la population dans les campagnes est voisine de celle des villes, la main
duvre dans les champs est nombreuse et constamment astreinte au travail rude quelle
supporte parce quelle a chapp aux conditions serviles dautrefois.

Lorganisation de la multitude chinoise est sans pareil au monde.

209
La vie est sans cesse rgle, et dune Chine que lhistoire dpeint comme un pays
ingouvernable et divis, on est pass progressivement un vritable continent gouvern
et en paix.

La rigueur du rgime paraissait douce, compare la fodalit sous laquelle les


Chinois avaient subi tant dexactions et endur tant de peines et de privations.

Partout une seule autorit (le Parti communiste) imposait sa loi, sans contestation
apparente, les populations tant encadres et disciplines, leurs besoins essentiels
satisfaits, vivant modestement dans luniformit dune pauvret supportable et accepte
par tous, avec des salaires anormalement bas.

A la misre terrible davant 1949, aux famines, aux pidmies et catastrophes


naturelles, comme les inondations du Fleuve Jaune (Houang Ho) et du Fleuve Bleu (Yang
Tse), avait succd une pauvret au dessus du minimum vital, accompagne dun
nivellement gigantesque des masses et dune mystique du dsintressement.

Il nous tait apparu en 1987, que le Chinois ne recherchait pas largent ; il semblait
en avoir peur, le fuir, ou refusait de le saisir comme sil tait malfaisant.

Etait-ce un principe, une philosophie du dsintressement, une peur du Parti


communiste qui prnait la virginit des rapports avec les trangers ?

Le trs proche avenir nous le dira.

Dans cet environnement singulier, un vent douverture et de rformes soufflait sur la


Chine dsireuse de sortir de son isolement et de son sous dveloppement.

Nous avons not la remise en cause de la politique de Mao, ce dernier ntant plus un
personnage sacr.

Ses erreurs taient tales au grand jour, sans pour autant que les Chinois renient
certains acquis positifs de la Grande Rvolution, exprience unique dans lhistoire de
lhumanit, et la plus captivante analyser travers les bouleversements introduits dans
le grand monde chinois.

Les Chinois, malgr ladversit, reconnaissaient leurs points faibles, sans se dpartir
de lhonneur dun peuple dont la civilisation millnaire avait atteint des degrs
insouponns de raffinement.

La Chine offre par ailleurs un champ imprvisible de recherches et dinvestigations


profondes, o le courage et les sacrifices font partie de la vie de tous et de tous les jours.

Cest un spectacle rare et mouvant que celui dun peuple au travail, qui a pu vaincre
la faim, domestiquer les grands fleuves dvastateurs, et qui a su avec une rare matrise,
cultiver la confiance en soi, dans une Chine encore archaque, mais toutefois sans
complexe.

Ceux qui ont connu la Chine, disaient quils ne la reconnaissent plus, car elle est
devenue un autre monde, nayant pas subi une volution mais une mutation profonde
dans tous les domaines.

En ouvrant ses portes, longtemps fermes, ne risque-t-elle pas de perdre son me et


son authenticit.

Lavenir nous le dira, car dans une Chine ouverte au libre change, le Parti naura
plus de communiste que le nom.

En conclusion finale, je pourrais dire que nous avons fait un long et beau voyage,
reus partout avec une magnificence et une hospitalit sans pareille.

210
Nous avons parcouru environ sept mille kilomtres en avion, train et voiture, et visit
les trois plus grandes villes du pays (Shangha, Pkin, Canton).

Ce voyage qui avait nourri mon imagination ds le dpart, avait ouvert de vastes
fentres sur ma comprhension, encore insuffisante, du devenir de la Chine.

Cest sans nul doute, lenseignement le plus prodigieux, parmi tant dautres, que je
retiens de cet exaltant sjour au cur de la Chine ternelle.
***
En mars 1988, deux responsables de lusine de cobalt, accompagns dun ingnieur
mtallurgiste, furent reus avec les honneurs par lONA Rabat, Casablanca, Bleda et
Bouazzer, et la Direction des Mines Rabat.

Les runions avec la dlgation chinoise avaient permis de concrtiser les dcisions
prises dans le cadre du contrat sign dans la Cit Interdite Pkin et de perptuer avec le
Groupe ONA les relations commerciales mutuellement bnfiques dans le domaine du
cobalt, remontant 1958 aprs la reconnaissance par le Maroc de la Rpublique populaire
de Chine.

211
Des activits multiformes
Ds le retour de Chine, il a fallu satteler la prparation et lorganisation
Marrakech du Congrs de lIndustrie Minrale, importante manifestation franco-
marocaine, qui se tiendra exceptionnellement en dehors de lHexagone, avec la
collaboration des secteurs des mines et des carrires au Maroc et en France.

Ainsi, des runions avec nos collgues franais, dj amorces au Congrs de Douai,
avaient arrt les programmes, dfini la logistique, choisi les circuits de visites des mines
et des centres industriels, et fix la date de la tenue du Congrs en octobre 1987
Marrakech.

Au Canada
En juin 1987, dans le cadre de nos relations de coopration, javais fait partie de la
dlgation accompagnant le Ministre Fettah au Canada et comprenant des reprsentants
du Ministre, du BRPM et de lONAREP.

Tout dabord, nous avons visit la centrale nuclaire de Gentilly II, non loin de
Montral, la premire dune srie de 600 mgawatts, base sur la technique CANDU, en
exploitation depuis 1983, ayant cot 1,3 milliard de dollars canadiens.

Les moyens de surveillance et de protection, rduisant fortement les risques


daccidents, taient renforcs par dautres systmes de sret spciaux, veillant la
scurit de ceux qui frquentent la centrale et intervenant en cas durgence.

En 1992, 21 racteurs nuclaires en Ontario viendront sajouter aux 12 dj en


exploitation au Canada.

Aprs, nous avons rejoint Ottawa par la route pour rencontrer lAmbassadeur du
Maroc, Jorio, et assister le lendemain une runion lEnergie Atomique du Canada, pour
nous informer sur les programmes labors et engags en matire dnergie nuclaire.

Le Ministre Fettah avait fait un remarquable expos sur le programme marocain de


construction dune centrale nuclaire au Maroc et les efforts dploys par notre pays dans
la formation des cadres en gnie atomique.

Un grand dner lAmbassade du Maroc cltura notre passage Ottawa.

Le lendemain, aprs un djeuner au Ritz Carlton de Montral, nous avons t reus


lInstitut de Recherches de lElectricit de la province du Qubec qui axait ses travaux sur
lnergie olienne, la fusion thermonuclaire et la mise au point de matriels de transport
dnergie lectrique trs haute tension (1 millions de volts).

Nous avons rejoint par avion la ville de Qubec, fonde par le Franais Champlain en
1608, situe sur un escarpement dominant le grand fleuve Saint-Laurent, au confluent de
ce dernier avec la rivire Saint-Charles, et abritant la clbre Universit Laval.

Le soir, dans un merveilleux cadre, au bord du grand fleuve Saint Laurent, nous
avons t convis un dner prsid par le Ministre provincial de lEnergie et des
Ressources du Qubec, en prsence de plusieurs personnalits de la politique et des
hommes daffaires francophones.

De la terrasse du restaurant, nous avions une superbe vue sur les chantiers de
construction et de montage des gigantesques plates formes de forages ptroliers.

Tard dans la soire, dans la vieille ville de Qubec, nous avons longuement march
pied au milieu dune foule bruyante et colore, laccent vieille France , rappelant aux

212
visiteurs le caractre spcial de la province, au sein dun monde canadien domin par les
anglo-saxons.
Tt le lendemain, nous avons rejoint par avion le Grand Nord pour visiter le
gigantesque complexe hydrolectrique de la Baie James, dmarr en 1973, dans un
environnement impressionnant, rude, avec des tempratures de -40 en hiver.

Lamnagement de la premire phase du complexe hydrolectrique avait dur 12 ans


et employ 16.000 personnes.

Pour crer le rservoir du complexe, 180 digues et barrages furent construits,


reprsentant un volume de 150 millions de mtres cubes de remblais.

Le projet global comporte la construction de trois centrales sur la Grande Rivire et


le dtournement de deux rivires voisines.

Les travaux sont le tmoignage vivant du gnie, de la tnacit des techniciens et de


la matrise canadienne des oprations dans une centrale hydrolectrique, produisant au
premier stade, 50 Milliards de KWh (cinq fois la consommation marocaine de lpoque),
dont une partie est fournie aux Etats-Unis du Nord.

Aprs une escale Montral, nous avons rejoint Toronto o un petit djeuner de
travail en prsence du Vice Ministre de lEnergie, du Dveloppement du Nord et des Mines
de lOntario, nous avait runis avec des hommes daffaires des secteurs des mines et de
lindustrie.

A cette occasion, furent examines les possibilits de coopration dans les domaines
de lnergie et des mines (construction de barrages, soutien canadien au programme de
prospection ptrolire au Maroc, exploitation des ressources nergtiques et minires,
formation des cadres).

Une randonne nous mena enfin aux fameuses chutes du Niagara pour djeuner en
groupe au restaurant tournant, avant de rentrer au Maroc, via Paris, en compagnie de
Bouchta et Lhatoute.

Le Congrs minier de Marrakech


Immdiatement aprs le retour du Canada, la Direction des Mines, nous nous
tions attels, tambour battant, aux prparatifs, du Congrs minier de Marrakech, avec le
soutien permanent du secteur minier national, et en synergie avec nos collgues franais
du Comit dorganisation.

Tout le monde sattendait un vnement indit de grande envergure dans la cit


ocre (Marrakech), mais doutait peut-tre dun grand succs et dune parfaite organisation
des diffrentes phases du Congrs.

La sance douverture, prside par le Premier Ministre, Karim Lamrani, grand ami du
Prsident de la SIM, Bailly, laquelle avaient assist plus de 900 personnes, stait
droule dans le cadre de lHtel Safir, dans une ambiance extraordinaire de grande fte
de lindustrie minrale.

Le Congrs, prlude dautres manifestations scientifiques et techniques


denvergure dans notre pays et occasion exceptionnelle pour les chercheurs, ingnieurs
et techniciens de confronter leurs ides et leurs expriences, fut le tmoignage vivant des
relations amicales existant entre tous ceux qui uvrent dans lindustrie minrale
travers le monde.

Le secteur minier, les cimentiers et les carriers marocains staient investis, sans
relche, avant et pendant le Congrs, dans lorganisation, la prparation, laccueil, la
prsentation de plusieurs communications, lanimation des tables rondes et sances

213
posters, la conduite des visites des mines et des centres industriels, toutes unanimement
apprcies par les congressistes.

Les rceptions par le conseil municipal de la ville et les grands dners organiss
Chez Ali Marrakech et au Firdaous la Plage des Nations prs de Rabat, furent
dignes de lhospitalit marocaine.

Le Congrs, outre son impact psychologique et mdiatique, avait servi grandement la


cause de notre pays, en le faisant connatre et apprcier ceux, nombreux, qui sy taient
rendus pour la premire fois.

La manifestation avait permis nos invits dapprcier le niveau rel du secteur


minier marocain au plan de lorganisation et des rsultats, et de constater par eux-
mmes, lesprit de collaboration et de synergie entre lAdministration des mines et
lensemble de la profession minire nationale.

Enfin, de lavis des observations avertis, le sjour, les travaux du Congrs, les
sances techniques et lexposition de matriels Marrakech, suivis des visites des centres
miniers et industriels, furent remarquablement organiss.

Partout, les Congressistes furent reus avec faste et considration.

Au cours de ce Congrs qui fera date dans lhistoire de la Socit de lIndustrie


Minrale franaise, nous avons travaill en symbiose et amiti avec le comit
dorganisation franais et lAgence Imprial Tours de Marrakech charge de la
logistique du Congrs.

Aprs le Congrs, et pour rpondre aux souhaits de nos amis franais de la SIM, nous
avons lanc avec la profession minire la rflexion sur lopportunit de constituer une
Association Marocaine de lIndustrie Minrale.

Mais aprs mre rflexion, oubliant leuphorie de Marrakech, il fut jug utile de
diffrer cette constitution, notre secteur ntant pas encore dispos engager une
opration denvergure, gardant lesprit quen France la cration de la SIM remonte la
fin du 19 sicle.

En Europe

Aprs le Congrs de Marrakech, un dplacement fut entrepris en Autriche Vienne


pour assister la runion annuelle du Groupe dEtude du Plomb et du Zinc, dont jassurais
la vice prsidence depuis 1986.

Le Maroc, reprsent par une forte dlgation, fut lu pour la deuxime fois au poste
de Vice Prsident, manifestant ainsi lestime du Groupe pour notre pays, considr
comme producteur important du plomb et du zinc, aussi bien en Afrique que dans le
monde.

Par la suite, javais fait partie dune mission en Belgique prside par le Ministre
Fettah consacre des contacts Bruxelles avec des ministres belges, des reprsentants
des communauts europennes, des hommes daffaires, suivie au final par la visite des
Houillres de Campine et de la centrale lit de schistes fluidiss implante Beringen.

Aprs la Belgique, en Allemagne fdrale dans la rgion de la Ruhr, javais visit


des installations dextraction de charbon et des usines de fabrication de matriel de mine
de la socit SIEMAG intresse par le plan de dveloppement de la production
danthracite des CDM (Jrada).

LAllemagne mavait paru bien transforme avec lindustrialisation effrne et les


problmes pineux de lenvironnement.

214
Par la suite, en compagnie du Directeur Gnral du BRPM, Chahid, nous avons
effectu une mission en Hollande linvitation de la socit BILLITON, intresse par
une participation dans la mise en valeur du gisement polymtallique de Hajar.

Outre les discussions avec les responsables de la socit nerlandaise, nous avons
t la fonderie de zinc de Budel et au laboratoire de recherches dArnhem, avant de
clturer notre sjour par une soire thtrale mmorable Amsterdam, au grand bonheur
du mlomane, Chahid.

A Amsterdam, je fus reu djeuner par un ami originaire de Goulmima, install en


famille en Hollande depuis une dizaine dannes.

De passage en France, accompagn de mon pouse, nous avons rejoint Montpellier


pour voir notre fils Karim, tudiant la facult dconomie, et pour rencontrer en
Camargue, Herbinger, producteur de barytine et de fluorine, intress par ltablissement
de relations avec le secteur minier marocain.

En juin 1988, je reviendrai en France linvitation des Charbonnages de France, pour


effectuer une visite dans les Bassins du Nord et du Pas de Calais.

Cette rgion fut aprs la Seconde Guerre Mondiale le centre dune activit
charbonnire intense, employant des dizaines de milliers douvriers mineurs, rappelant
mon bon souvenir les stages que jy avais effectus en tant qutudiant en deuxime et
troisime annes de lEcole Mohammedia dIngnieurs.

Pour moi, ce fut mouvant de descendre dans La Fosse de lEscarpelle, lun des
gisements de charbon encore en activit dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais o la
crise du charbon avait entran la fermeture de centres de production et transform
compltement le visage du Nord de la France.

Les effectifs de taille de La Fosse, exposs aux risques professionnels, comprenaient


une majorit douvriers marocains originaires de Marrakech, Kelat Sraghna, Ouarzazate,
Agadir, Tiznit et Guelmim, installs en France depuis plus de 15 ans, et unanimement
apprcis.

Prs de Livin, dans un vieux centre daccueil, lancien sergent recruteur au Maroc,
Maura, avait install une station agricole exprimentale destine la formation des
ouvriers marocains en vue de leur reconversion aprs la fermeture dfinitive des
dernires fosses.

Dans cette station taient recres les conditions dirrigation par capillarit en milieu
semi dsertique comme Ouarzazate et dans lAnti Atlas, lieux de provenance de la
majorit des mineurs marocains.

La station surveille par un ouvrier originaire d'Agdz prs dOuarzazate, faisait


pousser des fraises, des meulons, de la menthe du persil, de la coriandre.

Les Charbonnages de France espraient travers cet essai de formation et loctroi de


crdits bonifis, inciter les ouvriers marocains touchs par la compression des effectifs
se reconvertir et se rinstaller chez eux au Maroc.

Cette opration ne fut pas trs concluante, et beaucoup douvriers avaient prfr
rester en France en trouvant du travail dans le secteur du BTP.

A Oignies, jai visit la reprise dun ancien terril riche en rsidus de charbon, de 8
millions de tonnes, sous-traite par les Charbonnages de France.

Lentrepreneur mettait en uvre une installation gravimtrique modulaire (spirales,


cyclones, liqueur dense) pour rcuprer 10% du tonnage en place, sous forme de charbon
lav au pouvoir calorifique de 4.500 kilocalories.

215
Cette opration juge rentable avait incit les Charbonnages poursuivre la
valorisation de certains terrils dans les anciens Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, visant
par la mme transformer lenvironnement en lui donnant un aspect moins lugubre et
moins sinistre aprs la disparition des terrils suivie de reboisement.

Profitant de mon passage au Nord de la France et en rgion parisienne, jai visit


successivement :

- A Auby la fonderie de zinc aprs une sance de travail avec les premiers responsables du
Groupe Vieille Montagne dsireux de concentrer les efforts sur les dbouchs en aval.

Un important programme dinvestissement et de restructuration avait permis de


doubler la capacit de lusine en zinc lectrolytique, damliorer les conditions opratoires
et de moderniser la chane de traitement.

La Fonderie de zinc, lune des plus importantes dEurope, installe en bordure du


Canal du Nord, tait approvisionne en concentrs de zinc par pniches en provenance
des ports de Dunkerque et Anvers.

La situation procurait la Fonderie un avantage face la concurrence, lui permettant


dcouler ses productions sur les centres de consommation en France, Belgique,
Allemagne fdrale, et dexporter mme en Angleterre et aux Etats Unis.

- A Bthune, lusine Micronor, en bordure de canal, (dirige par Dery, ex-Directeur de


la Mise en Valeur Agricole au Maroc), qui valorisait la barytine blanche en provenance du
secteur de Bni Tadjit, coule aprs micronisation, aux Etats-Unis et en Allemagne pour
tre utilise dans lindustrie de la peinture.

- A Mazingarbe et Verneuil en rgion parisienne, le Centre du CERCHAR, o les


travaux de recherche concernaient, entre autres, les utilisations du charbon, la mise au
point des technologies de combustion, la scurit et les techniques minires.

Le CERCHAR tait dispos nous apporter sons concours et son support technique
pour amliorer les conditions dhygine, de scurit et dutilisation des explosifs, et
valuer les risques professionnels dans les mines marocaines, tout en nous faisant
profiter de son exprience aux Charbonnages et de laide de la coopration franaise.
***
A la fin de la mission, javais rejoint Montpellier pour fter avec mon fils Karim son
succs lexamen de fin danne la Facult dconomie, apprciant par l mme ses
efforts pour se maintenir au peloton de tte, dans un cadre qui ntait pas le sien au
dmarrage en octobre 1987.

Dans le secteur minier


A fin juin, javais particip un symposium Erfoud et Rissani sur les potentialits
conomiques de la rgion du Tafilalet au cours duquel javais expos sur le secteur
minier, reprsentant depuis des sicles un des plus ples importants de lconomie de
cette zone dshrite.

Ce fut loccasion pour les natifs de la rgion de se retrouver et de faire le point sur les
perspectives de dveloppement.

Aprs le sminaire, jtais pass la mine de Boumadine en phase de pr exploitation


par la socit SODIM, me rappelant pour loccasion mes dbuts laborieux au BRPM en
1964 et les espoirs mis dans le dveloppement du secteur de Tinejdad et de lOugnat.

En juillet, en compagnie du promoteur, Lazrak, vtran de la mine marocaine javais


visit la mine de barytine de Seksaoua dans le Haut Atlas Occidental plus de 2000m
daltitude, dans un cadre merveilleux, fait de valles verdoyantes et domin par des
montagnes aux cimes encore sous la neige.

216
La construction de la piste daccs au gisement de 70km partir du village de
Timezgadiouine, sur la route Marrakech-Agadir, a permis de dsenclaver la rgion, de
permettre lclosion dactivits conomiques diverses, et de booster lemploi dans un
secteur excentr et presque oubli.

Lazrak, avait tenu ce que je me rende au mausole dun saint descendant du grand
sultan almoravide, Youssef Ben Tachfine, honor par les habitants des Seksaoua connus
pour tre dopinitres guerriers opposs la pntration coloniale franaise de cette
zone.

A fin juillet 1988, je mtais rendu dans lOriental pour valuer, avec Chaba,
Directeur Gnral des Charbonnages, ltat davancement du Projet de Dveloppement
des Charbonnages de Jrada financ en grande partie par un prt de la Banque Mondiale.

En raison des problmes financiers de tous ordres, la situation tait rellement


proccupante pour lavenir de la socit qui employait plus de 7.000 personnes,

A loccasion du sjour dans lOriental, suite louverture de la frontire entre


lAlgrie et le Maroc, mettant fin u ne brouille de plus de dix ans, nous avons, avec
Chaba, pntr en territoire algrien par le poste dAhfir, pour constater la lourdeur et
linertie de la bureaucratie de nos voisins

Les villes de Ghazaouet et de Maghnia nous avaient paru dlabres et sans me, mais
partout nous avons ressenti, en faisant abstraction de la politique politicienne, le vrai
bonheur des Algriens de renouer avec leurs frres marocains.

Ainsi, au poste frontalier de Zouj Bghal, de longues files de voitures tmoignaient de


la ferveur des retrouvailles entre les deux peuples.

En janvier 1988, aprs les runions des commissions spcialises sur les substances
minrales, lexamen et la mise au point de la convention BRPM-ONA sur le dveloppement
et lexploitation du gisement polymtallique de Hajar, javais effectu des visites la
mine de fluorine dEl Hammam pour apprcier les efforts du Groupe ONA/Samine visant
augmenter la production et assurer une meilleure rentabilit au centre minier, confront
lapprofondissement des chantiers.

A Ouarzazate, javais assist la pose de la premire pierre dune usine de fer


micass projete par un consortium groupant des producteurs nationaux et des clients
autrichiens, employant la main duvre issue des familles danciens mineurs marocains
des Charbonnages de France.

Par la suite, une srie de dplacements mavait conduit successivement:

- Errachidia, pour accompagner le Ministre la runion du Conseil dAdministration de


la CADETAF, runion tant attendue pour tablir le bilan aprs la nomination de Dalil, chef
de service la Direction des Mines, en tant que Directeur Gnral, en remplacement de
Soussi rappel au service central Rabat, suite des dmls avec les autorits locales et
des accusations gratuites ayant entran son incarcration pendant quelque temps.

Javais, en son temps, tenu marquer mon soutien Soussi pour le soustraire aux
accusations injustes et le blanchir dans la gestion de la CADETAF.

En faisant preuve de courage, dabngation, de comptence, grce la


commercialisation des productions en zinc, plomb et barytine dans de bonnes conditions
de cours, et aux encouragements de la Direction des Mines dans le financement des
nouveaux achats dquipements, Dalil, redressera une situation devenue catastrophique
pour lEtat et le secteur artisanal.

217
La trsorerie de la Centrale tant renfloue, dope et conforte par une gestion plus
rigoureuse, un souffle nouveau fut imprim aux relations avec les artisans mineurs,
notamment du secteur de Bni Tadjit devenu le centre de gravit.

- Imiter, pour assister linauguration du centre culturel, cher Chahid, destin aux
activits rcratives des enfants du personnel, et de la nouvelle unit de traitement par
cyanuration produisant plus de 230 tonnes dargent mtal.

Malgr les critiques de certains, le centre tait un exemple de lattention accorde


par Chahid au dveloppement de laction sociale en milieu rural Imiter.

Les nouvelles installations industrielles modernes avaient fait dImiter le fleuron de


la mine mtallique marocaine, un important ple de dveloppement et de rayonnement
rgionaux, et un tmoignage vivace de la prennit de lactivit minire sculaire dans les
secteurs du Saghro et de lOugnat,

A loccasion dune autre visite dImiter en compagnie des dirigeants du BRPM et de


lONA, Filali, patron du Groupe ONA, avait apprci lampleur et la qualit du travail
ralis par les quipes du BRPM, souhaitant par l mme que de la collaboration pleine
et vive entre les deux grands groupes miniers nationaux, surgiront dautres projets aussi
importants quImiter .

- Bleda pour constater la poursuite de leffort fourni par le groupe ONA, en bon pre de
famille, dans lexploitation et la valorisation rationnelles des gisements de cuivre du
secteur de la boutonnire du Grara,

Bleda, de par lampleur des rserves exploites se rvlera comme la plus grande
mine de cuivre de notre pays.

- Bouazzer, o, aprs la conclusion du contrat avec les Chinois, lactivit cobalt,


double de la production dargent et de chromite, avait amlior lenvironnement gnral
en crant deux cents nouveaux emplois,

Le secteur de Bouazzer navait pas fini de rserver des surprises avec la mise en
exploitation de tous les quartiers considrs comme de teneur relativement basse.

- Hajar, o le Groupe ONA, avait pris le relais du BRPM dans le cadre de la Compagnie
Minire de Guemassa (CMG), et lanc le dveloppement de la production aprs les essais
industriels sur les minerais polymtalliques (zinc, plomb, cuivre, argent) dans la laverie
mobile SALA acquise auprs de CADETAF et reconditionne sur les lieux par les ateliers de
la mine,

Le projet, grande capacit, tait assur de voir le jour, en considrant les rsultats
encourageants obtenus pendant la premire phase dessais de production et
denrichissement des minerais extraits dans la laverie prcite.

Dans le projet Hajar, la mobilisation rapide des quipes et des bonnes volonts et la
collaboration exemplaire BRPM/ONA, furent les atouts majeurs dans la russite du projet,
parce que la mine, la fois un grand chantier et une grande famille, est aussi une grande
ide pour ceux qui y croient de tout leur cur.

Lesprit qui animait un grand Office de lEtat (le BRPM) et un grand groupe priv
national (lONA) fut un bon augure pour lavenir du dveloppement de la mine et de la
valorisation des minerais dans notre pays.

Dans cette mouvance, Filali avait une attitude prmonitoire, et lHistoire lui donnera
raison avec le dveloppement prodigieux des centres miniers dImiter, Hajar et Draa Sfar.

218
- Jbel Aouam, o une longue grve perturba la fin du premier semestre de 1989, le
personnel exigeant des augmentations de salaires, complexant la situation dj mine
par les maigres rsultats de 1988, combinaison dune diminution de la production et du
niveau bas des cours des mtaux.

Les interventions des autorits provinciales et de lAdministration des Mines


navaient pas pu dnouer la crise, avec un risque vident de voir sterniser le conflit
social dans le Maroc Central qui nen avait besoin, et qui finira malheureusement par en
souffrir durement plus tard.

- au Groupe OCP, aux centres de Bengurir, Youssoufia, et Khouribga, pour constater la


mise en place de nouvelles mthodes de travail (cercles de qualit), lorigine dune
vritable mtamorphose des relations de pouvoir, associant plus intimement le personnel
aux dcisions.

LOCP avait donn lexemple dans le domaine de la qualit du travail, et sera suivi par
le Groupe ONA Bleda, Hajar et El Hammam.

Deuxime mission en Guine Conakry


Dbut fvrier 1988, javais fait partie de la dlgation accompagnant le Ministre,
Fettah, en Guine, rpondant une invitation des autorits de ce pays pour relancer notre
coopration bilatrale.

Notre mission, de courte dure, stait traduite par la signature dun protocole
daccord fixant les volets de coopration dans les domaines de la recherche gologique et
minire, de lvaluation et la mise en valeur des gisements, et la cration dune socit
mixte maroco-guinenne de recherche et dexploitation dor et de diamant en Guine.

Nous avons admir les belles villas du quartier de lOUA finances et ralises par le
Maroc, et regrett limpatience et lempressement de lAmbassadeur du Maroc, Belarbi,
quitter ce pays trs attach au ntre par des liens spciaux, et o beaucoup restait faire
dans tous les domaines.

Je fus charg du ct marocain de la coordination des contacts avec la Guine et de


suivre de prs lexcution des dcisions arrtes.

A Conakry, aprs la disparition de Skou Tour, le pays tait rest encore exsangue
et dlabr, malgr les potentialits considrables convoites par les socits trangres
reprsentes par des opportunistes et des requins installs dans le grand Htel de
lIndpendance, prs de la Cit de lOUA.

Notre dpart de Conakry fut quelque peu perturb, et nous avions craint de rater le
vol dUTA en partance sur Paris via Bamako, le reprsentant de la Royal Air Maroc ayant
trop tard dans lacheminement de nos bagages.

****
Peu de temps aprs, le Ministre Guinen des Ressources Naturelles et de
lEnvironnement tait venu Rabat la tte dune importante dlgation pour relancer
notre coopration.

A la lissue des discussions, la partie guinenne avait marqu sa totale disposition


constituer avec le Maroc une association de recherche et de dveloppement minier, visant
in fine la cration dune socit mixte de recherche et dexploitation de lor dans le
secteur de Mandiana, prs de la frontire malienne.

219
Aux Etats-Unis et au Mexique pour la barytine
En dbut septembre 1988, au cours de mon cong annuel, et joignant lutile
lagrable, linvitation de mes amis Stutz et Benam, je suis all aux Etats-Unis, tout
dabord la Nouvelle Orlans et Bton Rouge, pour une visite des installations de
dchargement et de transformation de la barytine blanche en provenance des centres de
production du Maroc.

La barytine marocaine, aprs un transit pour micronisation par la socit Micronor au


nord de la France, tait utilise dans les units de la socit Chemlig, proche des voies de
communication fluviales impressionnantes.

Par la suite, nous avons rejoint, trs tt, par avion Saint Louis dans le Missouri, pour
visiter les carrires dexploitation et lusine de broyage de barytine Potosi o ltat de
dlabrement insouponn des installations expliquait la propension et la ferme volont de
la socit Barod (trs connue par les producteurs marocains) importer de la barytine en
vrac pour la conditionner sur place.

Notre sjour fut agrment par la visite dune ancienne plantation Nottaway,
vestige dune poque rvolue dexploitation des Noirs venus dAfrique et des Carabes,
dans un environnement de lucre et de luxe.

A La Nouvelle Orlans, nous avons dn dans un restaurant dont lossature mtallique


tait constitue de chutes de ferraille de la Tour Eiffel Paris, avant dassister des
soires de jazz et de folklore irlandais dans les tavernes du clbre French Quarter, tout
proche des digues et des berges du Grand Fleuve Mississipi.

Avant notre dpart, nous avons suivi lvolution du typhon Gibert qui avait ravag les
Etats de la Louisiane et du Mississipi, la Jamaque et le nord du Mexique.

A La Nouvelle Orlans, la population tait informe en permanence de la situation


pour lui permettre de prendre les dispositions appropries.

Des agents de la municipalit dboulonnaient les statues avant quelles ne fussent


emportes par les vents soufflant plus de 200 km/heure.

Aprs un passage par Washington pour un dner avec lAmbassadeur du Maroc,


Bargach, suivi dun court sjour New York, javais pass un weekend chez Stutz, en
compagnie de son fils Damian, tudiant Danbury dans le Connecticut.

De retour Washington chez nos amis Larry et Amina dans la splendide rgion de
Fern Lane, jeus loccasion de visiter les immenses et spectaculaires Grottes souterraines
de Virginie et le Temple maonnique Alexandria au bord du Potomac.

De Washington, javais rejoint mon pouse et mon fils Paris pour quelques jours,
avant daller par TGV Zurich djeuner avec les amis dIncontra, en compagnie de
Benam et Hans Bertshmann, un grand amoureux du Maroc possdant une superbe villa
Tanger.
***
Je reviendrai en dcembre 1988 pour un voyage de courte dure aux Etats Unis et au
Mexique, dans le cadre dun arbitrage entre les producteurs et les fournisseurs du secteur
CADETAF et lentreprise mexicaine PEMEX.

En collaboration avec lAmbassadeur du Maroc, El Aloui, et son adjoint Mdina, le


litige fut aplani, permettant de nouveau lexportation de la barytine marocaine dans les
rgions du Golfe du Mexique et du Mississipi.

220
A Mexico, javais redcouvert le Mexique en plein boom conomique, boost par
lentre en vigueur de la zone de libre change (ALE) qui le lie avec les Etats-Unis et le
Canada,

De retour Washington, Larry et Amina avaient organis un dner auquel avait


particip lAmbassadeur Bargach.

Pour la petite histoire, Bargach, en voulant se rendre au domicile de nos htes, stait
tromp dadresse et avait pntr dans la maison voisine, en labsence de ses
propritaires amricains.

Ce ne fut quaprs un contact tlphonique quil stait rendu compte de la situation


cocasse o il se trouvait, et stait dpch de quitter rapidement les lieux, donnant la
possibilit la presse amricaine de signaler que lAmbassadeur du Maroc a pntr par
effraction dans la maison de M.X Fer Lane.

Le voyage aller et retour aux Etats-Unis se fit en supersonique Concorde o le service


bord fut encore une fois loin dgaler celui dantan.

Au Congrs de la Socit de lIndustrie Minrale Angers


A peine de retour au pays aprs les congs, il fallait repartir en France pour assister
au Congrs de la Socit de lIndustrie Minrale franaise Angers.

Angers, sur Le Maine, capitale des comtes dAnjou, rpute pour ses monuments
gothiques, ses tapisseries et son Ecole dArts et Mtiers, est aussi un centre commercial et
industriel (constructions mcaniques et lectriques.

Tout en tant une russite scientifique, technique, le Congrs dAngers fut loin
dgaler celui de Marrakech rappel notre bon souvenir par plusieurs participants.

Parmi les sorties sur le terrain, javais particip celle consacre aux ardoisires de
Trlaz o je fus surpris et impressionn par lampleur des oprations souterraines de
dbitage et dextraction des ardoises utilises dans les toitures.

Aprs Angers et un court sjour chez des amis dans la rgion, javais rejoint
Bordeaux pour un djeuner laroport de Mrignac avec Rabit, vieil ami et ancien
retrait dAtlas Copco Maroc, pour nous remmorer nos souvenirs du Maroc et nos
nombreux voyages professionnels travers le monde.

Ensuite, javais rejoint Genve pour la runion du groupe dEtude du Plomb et du


Zinc, au cours de laquelle nous avons retenu, aprs diffrentes discussions et exposs,
que lavenir du zinc tait prometteur, par suite dune relance de lactivit de construction
automobile et du btiment.

La dlgation marocaine, parmi les plus importantes, fut trs active dans les
coulisses, limage de Ghissassi, ancien ministre des Mines et de Lakhssassi, Directeur
Gnral de la Fonderie FPZ.

Exceptionnellement dans les annales du Groupe, le Maroc, pour la 3 fois, je fus rlu
premier vice-prsident.

LAmbassadeur du Maroc auprs des organisations internationales (Ghali Benhima)


nous convia trs aimablement djeuner.

Situation difficile aux Charbonnages du Maroc (CDM)


Aprs Genve, nous avons repris les contacts avec la Banque Mondiale pour lancer le
programme dassistance PERL II et srier les problmes du secteur minier.

221
Dans ce cadre, nous avons analys la situation critique des Charbonnages du Maroc
o, malgr la ralisation trs rapide du Puits 3 de 800m par une quipe chinoise, et la
fourniture des quipements de production fond, les dettes de la socit navaient fait que
salourdir, sans espoir dclaircie.

Il est temps de prendre ses responsabilits et darrter la mascarade des CDM. La


mine danthracite doit tre ferme, et le plus vite sera le mieux. Pourquoi sentter
vouloir produire Jrada du charbon un prix de revient deux fois plus lev que le prix
du charbon import dAustralie ou de Colombie , disait un administrateur loccasion
dune runion du Conseil dAdministration Rabat.

Devant la gravit de la situation, une commission interministrielle, anime par la


Direction des Mines, fut charge dlaborer une tude de restructuration et
dassainissement de la socit.

Les conclusions de la Commission avaient recommand la compression des charges


de toutes natures, notamment la rduction du personnel et des investissements, la
suppression des bureaux de Rabat et une responsabilisation accrue du BRPM, actionnaire
majoritaire.

Un vent de panique soufflait sur la socit en butte des problmes financiers


rcurrents, doubls dune mauvaise gestion partir de Rabat, et aggravs par une longue
grve du personnel fond dclenche en dcembre 1988.

Ainsi, aprs la runion et les dbats de la commission conomique de la Chambre des


Reprsentants, et pour mettre un terme la grve Jrada, je fus charg de prsider
Oujda une runion de conciliation entre les CDM et les syndicats auteurs des cahiers de
revendications anachroniques en priode critique.

Aprs des sances de travail marathoniennes, avec le soutien affirm du Gouverneur


dOujda, Boufous, pour assurer la paix sociale dans sa province, nous avons abouti une
solution satisfaisante pour lensemble des parties en conflit, sans grande incidence
financire pour les CDM.

Malgr laccalmie sociale, les rendements et la production de charbon taient en


chute libre, sans le moindre espoir damlioration.

Devant la situation de plus en plus dplorable la mine et au sige, lAdministrateur


Dlgu, Kanouni et le Directeur Gnral, Chaba, furent relevs de leurs fonctions et
rintgrs leur maison mre, le BRPM.

Lloignement des deux premiers responsables des CDM ne se fit pas dans la
srnit, exacerb et accompagn daccusations et des rglements de compte longtemps
dissimuls.

Nos interventions avaient calm leffervescence des bouchers prts sacrifier les
anciens responsables sur lautel de la lutte contre la mauvaise gestion.

Dans cette phase de convulsions, le BRPM, plus impliqu dans la conduite des
affaires, mit en place une nouvelle quipe dirige par Nassir, charge dappliquer les
recommandations de la commission interministrielle au plan de la rduction du
personnel et des autres charges dexploitation.

Malgr toute la panoplie defforts, la situation avait continu se dgrader et la


Socit, pratiquement en cessation de paiement, avait continu se dbattre dans des
dficits et des endettements insupportables, complexs par la dtrioration de ses
relations avec les organismes sociaux, dont la CNSS, et les fournisseurs.

Le retard dans la fermeture des bureaux de Rabat, cause des agissements


irresponsables de certains agents refusant de rejoindre leur poste Jrada, avait

222
entretenu un climat malsain attis par une campagne de presse inqualifiable, venant
envenimer les relations entre le BRPM et les prvenus au dpart la mine.

Sur place Jrada, des tentatives dinsubordination et dindiscipline furent vite


stoppes grce la fermet de la Direction Gnrale qui ne lsina pas sur la manire forte
pour les endiguer sans mnagement.

Lors de la tenue des Conseils dAdministration successifs, dans lpret des dbats, la
sincrit et la profondeur des interventions, les runions avaient fait un triste constat de
ltat des lieux, sans proposer de solutions viables pour le devenir de lexploitation
charbonnire.

Le report sine die de la runion de la commission interministrielle, visant lexamen


de la situation, navait fait que retarder lchance dune sortie de crise.

Tous les intervenants concerns taient convaincus de lacheminement inexorable


des CDM vers larrt de la production et la fermeture de la mine, avec des retombes
sociales inqualifiables pour une communaut de plus de 70.000 mes.

Le plan de relance et de dveloppement pour un montant de 100 millions de dollars,


financ par la Banque Mondiale, nayant pas atteint son objectif de 1.000.000 de tonnes
de charbon par an, fut enterr, ouvrant la voie une fermeture progressive de la mine,
avec en prvision une indemnisation consquente du personnel, la ralisation de certains
actifs et lintervention du budget de lEtat pour prendre en charge une large partie du
passif accumul sur plusieurs exercices.

Avec la fermeture dfinitive et irrversible de Jrada, une page de lhistoire de la


mine dans lOriental sera dfinitivement ferme sans espoir de retour.

Un terrible coup fut assn lensemble de la rgion, malgr la perspective de la


cration dune province pour tenter de relancer lconomie locale par la reconversion de
certaines activits de la mine (menuiserie, chaudronnerie, artisanat, exploitations des
anciennes zones daffleurement danthracite).

Dveloppement de la coopration avec le Portugal


Poursuivant nos efforts de diversification des rapports de coopration en matire de
mine et de gologie, et rpondant linvitation du mon homologue portugais, Alcides
Pereira, en novembre 1988 javais conduit au Portugal une dlgation comprenant
Bensad, Directeur de la Gologie, Lhatoute, Directeur Gnral du BRPM et Chrif,
Directeur Gnral du Ple mines de lONA.

Notre programme, articul autour des visites des gisements de pyrite et de cuivre
dAljustrel et de Neves Corvo, des carrires de marbres, fut cltur par des discussions
Lisbonne avec des reprsentants de lindustrie extractive.

Dans le secteur des marbres, nous avons dcouvert une activit insouponne,
mettant en uvre des moyens puissants, utilisant une main duvre nombreuse et
qualifie, agissant dans le cadre dune rglementation encore mal adapte.

A Aljustrel, la valorisation de la pyrite et des sous produits tait reste au point mort
depuis plus de deux ans, et on nentrevoyait aucune perspective lhorizon.

A Edma, lusine pilote dveloppait avec succs la technique de flottation du minerai


de cuivre par colonnes.

A Neves Corvo, mine bien structure et organise, les ratios technologiques prvus
taient atteints tous les niveaux des productions minires et de traitement.

223
Aprs les rceptions et le dner lAmbassade du Maroc, nous avons dcouvert avec
plaisir Lisbonne et admir le majestueux estuaire du Tage, lieu de dpart des grands
navigateurs Vasco de Gama et Magellan, conqurants du Brsil et promoteurs des
comptoirs le long des ctes africaines, en Inde et en Chine.

Partout Lisbonne, les traces de ce pass prestigieux et glorieux clairent la ville,


avec la prsence de plusieurs monuments commmoratifs et de statues.

Du Chteau Saint Georges, au cur du quartier de la Moreira o vcurent les


Musulmans aprs la Reconquista chrtienne, on avait constat avec tristesse, la
destruction de pts entiers dimmeubles par un incendie datant de quelques mois.

Dans ce quartier, naquit le Fado, chant nostalgique, parfois tendre et joyeux, o les
Portugais se reconnaissent et communient au son alerte des guitares et de luths.

On oublie souvent que Lisbonne est la capitale trangre la plus proche de


Casablanca et de Rabat.

A peine une heure de vol avait suffi pour effectuer le trajet Lisbonne Rabat avec le
jet du Groupe ONA, appel en urgence par Chrif, par suite dun long retard du vol sur
Casablanca.

Avec le secteur des explosifs


En dcembre 1988, aprs les prcdentes visites en Italie et en France en compagnie
des responsables des Groupes SCAM et CADEX, nous avons examin les mesures adoptes
par les producteurs dexplosifs et damorces italiens et franais, la lumire de la refonte
des rglements intervenus dans les deux pays.

Dans le souci de moderniser notre arsenal juridique, nous avons tenu plusieurs
runions avec les administrations concernes pour mettre au point une circulaire
avaliser par les autorits comptentes, et faire publier, en attendant ladoption du projet
de texte de loi labor en 1982 et soumis lexamen, depuis plusieurs mois, du
Secrtariat Gnral du Gouvernement.

Par ailleurs, loccasion dune journe de rflexion, clture par un large dbat
centr sur les nouvelles technologies mises en uvre dans la dmolition par implosion de
vieux btiments en site urbain et sur la fabrication de nouveaux accessoires de tir plus
performants, les producteurs, les utilisateurs dexplosifs et les services rgionaux des
mines furent sensibiliss sur les conditions de fabrication, de stockage, de transport et de
manutention.
****
Lanne 1989 dmarre avec la disparition de mon beau-pre qui fut un homme sage,
affectueux et ultime recours pour moi et pour ses nombreux amis.

Le Ministre Fettah qui le connaissait de longue date, avait tenu assister son
enterrement au cimetire du Chellah.

Sminaire New York


Au cours de la dernire dcade de janvier 1989, en compagnie de Omari, nouveau
Directeur de la Planification de lOCP, javais particip au sminaire organis par les
Nations Unies sur le thme, Perspectives minires lhorizon 2000, regroupant des
reprsentants des pays en voie de dveloppement, des experts financiers, des experts en
minerais et mtaux.

Durant plusieurs jours, dans le btiment des Nations Unies, nous avons examin
lavenir des mtaux de base (fer, cuivre, plomb, zinc, nickel, aluminium), des mtaux

224
prcieux, des phosphates et des roches industrielles, suivi les nombreuses confrences, et
dbattu des problmes inhrents la crise des matires premires en gnral.

Plusieurs rceptions furent donnes en note honneur par les banques et les
dpartements spcialiss des Nations Unies.

Par ailleurs, jeus le plaisir de djeuner avec le Chef de Dpartement des Ressources
Naturelles, en prsence de Tabet Taher, Directeur Gnral dARMICO, et de rencontrer le
Directeur du Fonds Auto Renouvelable pour examiner avec lui les possibilits de
coopration dans la recherche minire en zone CADETAF.

Une matine fut consacre la visite du COMEX Wall Street, haut lieu des
transactions sur les matires premires (mtaux de base, bl, caf sucre) dun montant
suprieur 1.000 milliards de dollars par an.

Le sminaire stait termin par un certain nombre de constatations et de


recommandations rsumes ainsi :

- les minerais et mtaux sont une source de revenus importante, ncessaires pour
couvrir les importations et rembourser la dette,

- les industries minires taient considres comme un lment en obsolescence de


lindustrie et du commerce lchelle internationale.

- les pays en dveloppement, peupls et en industrialisation rapide, demeurent de


grands consommateurs,

- les perspectives de prix des mtaux en 2000, avaient fait lunanimit autour de
prix rels faibles, les producteurs apprenant vivre avec cette condition,

- la reprise des cours des mtaux ntait pas considre comme un dbut de
redressement rel et durable, il tait peu probable que ces cours retrouvent les taux
levs de 1973-74 et 1979-80,

- sagissant du devenir de lindustrie minrale, il avait t soulign limportance de


lintensit et du degr du succs des activits dexploration,

- les chances de russite pouvaient tre renforces en accordant une attention


particulire au choix, la conception, lexcution et lvaluation des projets,

- cet gard, le rle positif jou par le Fonds Auto Renouvelable avait t reconnu
dans certains pays o llaboration dune politique minire long terme, accompagne
dun rgime fiscal juste vitant lapplication de charges ad valorem et dune lgislation
de lenvironnement, tait juge ncessaire.
***
Aprs le Sminaire de New York, javais continu suivre de prs lvolution de la
situation aux CDM pour essayer damoindrir autant que faire se peut les incidences de la
fermeture inexorable de lexploitation.

Avec le secteur de la barytine


Au plan de la barytine, le commerce tait tomb dans un marasme prolong, par
suite de la faiblesse de la demande et dune relative stagnation des cours.

A fin janvier 1989, pour remdier cette situation, javais conduit une dlgation du
secteur une runion Casablanca avec Hassad, Directeur Gnral de lODEP, pour
examiner les difficults du secteur en matire de transport et de prestations de services
diverses dans les ports (arrimage, aconage, plateformes).

225
LODEP avait marqu sa bonne disposition aider le secteur pour traverser la priode
critique en ramnageant les tarifs de location des parcelles de stockage et les oprations
de stevedoring, dans les ports principaux du pays, notamment de Casablanca, Safi,
Nador et Agadir.

En Yougoslavie
Dbut fvrier 1989, aprs la runion du Comit technique de CADETAF Errachidia
ayant enregistr des difficults dcoulement de calamine du secteur de Gourrama, et sur
invitation dINCONTRA (Suisse), en compagnie de Dalil, Directeur Gnral de CADETAF,
nous avons effectu une mission en Yougoslavie visant placer la totalit de la
production artisanale dans ce pays importateur traditionnel.

De Belgrade, et aprs un dner au vieux quartier renomm de Skadarlia, nous avons


rejoint Skopje par avion, puis Titoleves (ville de 60.000 habitants dont 13.000 en service
dans les units industrielles).

La rgion est connue pour ses anciennes mines de zinc et de plomb (Zletovo, Kratovo
et Osogovska) et sa fonderie utilisant le procd Imperial Smelting pour produire
diffrentes qualits de zinc et de plomb et des sous produits (cadmium, argent, alliage
antimoine plomb ou zamak).

La fonderie employait un effectif plthorique de 1.200 personnes dont 60 ingnieurs


et cadres techniques.

Au cours de nos discussions loccasion dun djeuner, nous avons convaincu nos
interlocuteurs yougoslaves de continuer utiliser 10.000 tonnes/an de calamine
marocaine comme additif de fusion ; ce tonnage correspondait aux prvisions de
production du secteur CADETAF pour les annes 1989 et 1990.

De son ct, INCONTRA stait engag placer ces productions dans les meilleures
conditions de prix et de frais de fusion.

En Yougoslavie, en crise conomique aigu, le chmage battait son plein ( Skopje,


capitale de la Macdoine, 3.000 mdecins taient sans travail)

Mais malgr cela, aucun indice ne laissait supposer une dliquescence foudroyante
de la Fdration yougoslave aprs la disparition du Marchal Tito, et lirruption soudaine
de sentiments sparatistes et de guerres dextermination ethnique entre Serbes
orthodoxes et Bosniaques majoritairement musulmans.

226
Au pays du grand scandale gologique :
Le Zare
Aprs avoir essay encore une fois de dtendre la crise qui secouait les CDM, en
compagnie de Lhatoute Directeur Gnral du BRPM, et des responsables dAtlas Copco
Maroc, Rigaumont et Verdoux, nous avons effectu une mission au Zare pour visiter les
installations minires et mtallurgiques de la GECAMINES, socit zaroise rsultant de la
nationalisation de lex Union Minire du Haut Katanga.

Aprs un entretien avec lAmbassadeur du Zare Rabat, nous sommes partis


Lhatoute, Verdoux et moi, de Casablanca le samedi 18 fvrier 1989, par vol Royal Air
Maroc pour rejoindre Rigaumont laroport de Bruxelles.

Lembarquement pour Kinshasa annonc pour 22h 30, eut lieu 1 heure du matin
dans une cohue indescriptible.

A bord de lavion, un vieux DC 10, unique long courrier dAir Zare, exploit au
maximum de sa capacit, le service fut correct et laccueil dbonnaire.

Nous sommes arrivs Kinshasa le dimanche, 19 fvrier, 8h 30, sous la pluie et une
atmosphre chaude et moite, dans un aroport envahi par des badauds venus assaillir les
containers bagages pour extraire sans mnagement les valises, faisant craindre le pire
pour nos affaires.

A lescale, aprs nous avoir retir nos passeports et nos billets, on nous avait
conduits au salon VIP pour un moment dattente, avant de repartir sur Lubumbashi avec
deux heures de retard.

Nous fmes tonns, Verdoux et moi, en constatant lembarquement sur


Lubumbashi, notre transfert en classe conomique que nous avons quitte aprs une
nergique protestation pour retrouver nos places en premire.
***
Historiquement, au 19 sicle, le Roi de Belgique, Lopold, aprs de multiples
tractations avec les diffrents roitelets de la rgion, constitua un empire appartenant aux
biens de la couronne belge et fit construire une capitale au bord du fleuve, Lopoldville
devenue plus tard Kinshasa, faisant face, sur lautre rive du fleuve, Brazzaville, capitale
de lex Congo franais.

Pour accder lOcan Atlantique, le Roi Lopold ngocia avec les Portugais,
occupants de lAngola, la cession de la zone de Matadi en contrepartie de lenclave de
Cabinda, connue aujourdhui pour ses importants gisements dhydrocarbures.

Ds le dbut du 20 sicle, lexploitation outrance des ressources minires par des


socits belges (lUnion Minire du Haut Katanga tant la plus connue) fut lorigine de
lessor de la mtallurgie du cuivre en Belgique et de laccumulation de richesses
considrables sur son territoire exigu et dpourvu de ressources naturelles (en dehors de
quelques mines de charbon).

Aujourdhui, qui dit Zare, pense Lumumba, Kasabuvu, Mobutu et la longue guerre
civile ayant suivi la tentative de scession de Tshomb au Katanga (Shaba) aprs la
proclamation de lindpendance du pays en 1960.

Aprs la disparition tragique de Lumumba, la rintgration du Katanga au sein de


lensemble congolais suite lintervention controverse du corps expditionnaire des
Nations Unies (auquel avait particip un contingent marocain command par le Gnral
Kettani), Mobutu eut le grand mrite dunifier le pays, malgr des tentatives rcurrentes
de rbellion ou de scession de plusieurs provinces.

227
Ainsi, des invasions venues dAngola avaient tent de dstabiliser le pays et le rgime
de Mobutu en investissant des villes du Shaba, massacrant des centaines de personnes,
dont plusieurs expatris europens.

La participation et les interventions des Forces Armes Royales Marocaines dans le


cadre des oprations de paix des Nations Unies, avaient contribu au retour au calme au
Shaba, riche rgion convoite par les puissances occidentales pour ses immenses rserves
en cuivre, cobalt, zinc, germanium, diamant, uranium et or, et ses potentialits agro-
pastorales.

Le Zare (rebaptis Rpublique dmocratique du Congo aprs la mort de Mobutu) est


actuellement le 3 pays africain en superficie (environ 2,4 millions de km2), aprs le
Soudan et lAlgrie, et le 3 au point de vue population, aprs le Nigeria et lEgypte.

Le pays comprend dix provinces peuples dethnies varies, lethnie dominante et la


plus cultive tant le Kasa.

La langue la plus rpandue est le Lingala, le franais tant celle des affaires et de
lAdministration.

Les Pygmes, de petite taille, habitent la fort la frontire avec la Rpublique


Centrafricaine et vivent isols du reste des populations.

Vous ntes pas seulement des citoyens part entire, vous tes des citoyens tout
court , leur avait dclar le prsident Mobutu loccasion dune tourne.

Le Zare dispose dun rseau hydrographique trs dense, le fleuve Zare tant
considr avec lAmazone comme lun des plus puissants du monde, avec un potentiel
hydrolectrique de 100.000 Mgawatts (50 fois la puissance lectrique installe au Maroc
en 1988).

En plus des ressources minires, le Zare bnficie dautres ressources naturelles


importantes (agriculture, les forts, llevage), et certaines provinces comme le Kivu
lEst, possdent des parcs naturels avec faune et flore varies, et sont de vritables
paradis pour touristes, amateurs de chasse, de pche ou de safari.
****
Imprgns de ces donnes historiques, gographiques et conomiques, nous avons
survol un pays de forts, de vastes tendues de hautes herbes, travers par un rseau
hydrographique trs dense.

Devisant, bord de lavion vers Lubumbashi, avec un ingnieur belge, expert en


voies ferres, javais retenu que le Zare dispose de quatre issues pour dbloquer ses
productions minires.

- la premire transite par la Zambie, le Zimbabwe et lAfrique du Sud, pour dboucher sur
lOcan Indien Durban, permettant dcouler 15% de la production,

- la deuxime, travers la Tanzanie, aboutit Dar Es Salam sur lOcan Indien, en


assurant lcoulement de 5%,

- la troisime, vhiculait 40% du tonnage, en empruntant un parcours de plus de 2.500


km travers le Zare, avec des ruptures de charges (transport fluvial jusqu' Kinshasa et
transbordement par rail jusquau port de Matadi sur lAtlantique),
- la quatrime, assurait le transport de 40% de la production, en transitant par lAngola
Benguela, avec aboutissement au port de Lobito sur lAtlantique.

Cette dernire issue, quoique perturbe par la situation politique en Angola et


coupe par intermittence par le mouvement Unita de Savimbi, avait la prfrence des
Occidentaux, dsireux dempcher le Zare dtre matre des voies de communications et

228
de commercialisation de sa production minire stratgique (cuivre, cobalt, or,
germanium).

Des crdits, valus plus de 200 Millions de dollars, taient mis la disposition du
Zare pour la rhabilitation de la voie ferre, aprs le rglement dfinitif de la crise
angolaise.

A Lubumbashi
Nous sommes arrivs 14 heures, aprs deux heures davion de Kinshasa, sous un
climat doux une altitude de 1.200 m.

Accueillis au bas de la passerelle par Herbigneaux, Directeur dAtlas Copco Zare,


nous fmes conduits au salon dhonneur o les socits trangres accdaient aprs
paiement dune taxe annuelle pour viter de sexposer aux tracasseries de la bureaucratie
zaroise.

Aprs, nous avons rejoint lHtel Sheraton Karavia, lunique htel de standing pour
une ville de plus de 700.000 habitants.

Le soir, nous fmes convis dner au domicile des Herbigneaux, couple belge trs
affable, au Zare depuis plus de quinze ans.

Le dner servi par une domesticit zaroise dvoue et discrte, fut gay par les
blagues de Verdoux, matre dans lart, alors que Rigaumont dnigrait les autochtones
incapables, daprs lui, de grer leurs propres affaires.

Le dpart des Belges est une catastrophe pour lconomie du Zare, tout ce qui a
t minutieusement, inlassablement et patiemment construit, a t dmoli, ou sabot
sans mnagement, suite la guerre civile et aux luttes tribales ou ethniques, affirma t-
il, tout nostalgique de lpoque coloniale durant laquelle les Zarois taient des valets et
de vritables btes de somme corvables merci.

Lubumbashi, chef lieu du Shaba, la ville du cuivre, est le sige de la GECAMINES, de


la Socit Nationale des Chemins de fer et des entreprises industrielles (minoteries,
huileries darachide, biscuiteries, usines de farine).

Lubumbashi dispose de terrains de sports, de cinmas et de restaurants frquents


par des expatris o lon sert des plats zarois abondamment arrose de bires Simba
(bire du lion) ou Temba (bire de llphant).

Les amateurs de chasse et de safari peuvent aller au parc de Kundelungu, abritant


une faune constitue de zbres, antilopes, phacochres, lphants et lions.

La grande affaire du Shaba fut le rle jou en 1967 par la GECAMINES aprs sa
cration, suivie de lindemnisation des partenaires belges, prlude rapide la
nationalisation des mines du cuivre.

Malgr sa zarisation et son emprise tentaculaire sur lconomie du pays, la


GECAMINES ne souffrait pas de lourdeurs bureaucratiques, semblant disposer dune
autonomie de gestion lui permettant dcouler facilement ses productions de cuivre et de
mtaux associs (cobalt notamment).

Desservie par de nombreux problmes inhrents aux transports, la GECAMINES se


rattrapait par la richesse exceptionnelle et lnorme potentiel de ses gisements, les cots
bas de la main duvre et de lnergie.

Ainsi, les salaires taient de lordre de 20.000 zares (quivalent 400 DH) pour un
ouvrier spcialis, et 70.000 zares (1.400 DH) pour un cadre responsable.

229
Lnergie lectrique (0,05 DH/KWh) est fournie par le barrage dInga, reli au Shaba
par une ligne en courant continu haute tension, de 2.000 Km, et par des centrales
auxiliaires construites sur les rivires pour faire face des coups durs.

La ralisation de cette ligne avait ncessit un investissement de 5 milliards de


dollars (soit 50% de la dette extrieure du Zare) financ par la Banque Mondiale, pour
une dure de 7 ans.

La ligne lectrique, tout en fournissant une nergie bon march, joue un rle
stratgique majeur en maintenant le Shaba dans lensemble zarois, loignant ainsi les
vellits scessionnistes de lpoque Tshomb.

Le lendemain aprs une visite aux bureaux dAtlas Copco Zare installs dans le
quartier rsidentiel de Lubumbashi, dans un ensemble de btiments appartenant un
rsident sudois, nous fmes reus au sige gnral de la GECAMINES par le Directeur
Technique (Kabwe), en labsence du Prsident parti accompagner Mobutu aux funrailles
de lEmpereur du Japon, Hiro Hito.

Lentrevue, au dpart timore, se transforma en sance de travail entre techniciens


des mines, facilitant le contact et lchange dinformations et dopinions.

Nous avons retenu quaprs une priode difficile lie au dpart massif des expatris
belges, la chute des cours du cuivre et du cobalt, la GECAMINES avait redress la barre
en investissant des centaines de millions de dollars dans la modernisation et le
reconditionnement de ses installations, le raffinage sur place du cuivre blister jusque l
expdi en Belgique.

Avec un effectif de 40.000 agents, (dont des milliers de cadres et techniciens zarois
ayant assur la transition et la relve de la totalit des expatris belges et franais), une
production annuelle de 470.000 tonnes de cuivre mtal (5rang mondial aprs le Chili, le
Canada, les Etats-Unis et la Zambie) et 16.000 tonnes de cobalt (les 3/4 de la production
mondiale), la GECAMINES tait rellement un vritable Etat dans lEtat, un lot de
prosprit, dorganisation et defficacit, dans un grand ocan de dsordre.

En priode faste des cours, la GECAMINES seule, reprsentait plus de 70% des
recettes du pays en devises.

La Gcamines tait rellement un Etat dans lEtat, et quand elle se portait mal,
lensemble du Zare tremblait.

Aprs un amical change de vues sur les possibilits de coopration entre le Maroc et
le Zare, nous avons effectu un tour de ville o toutes les activits commerciales et
industrielles taient invitablement clipses par celles de la transformation du cuivre
battu et de la fabrication dobjets en malachite.

A Kolwezi
Aprs djeuner, bord de deux voitures, nous avons quitt Lubumbashi pour
Kolwezi, 300 km au nord ouest, non loin de lAngola et du poste frontalier de Dilolo,
tristement clbre pour avoir t, en 1978 et 1979, le point de dpart des invasions
repousses grce au concours des Forces Armes Royales Marocaines.

Partout, ces dernires avaient laiss un souvenir empreint de respect pour le


courage, le srieux et la haute tenue des officiers et des soldats marocains.

La route troite qui longe la ligne lectrique venant dInga et les clairires gagnes
sur la fort, tait mal entretenue depuis 20 ans, obligeant Herbigneaux rouler vive
allure pour mieux survoler les trous .

230
Nous avons travers le Shaba, verdoyant, fait de coteaux boiss, de valles fleuries,
dtendues de hautes herbes parsemes de termitires gantes, dfriches par endroits
par des paysans indolents pour produire leurs moyens de subsistance base de patates
douces et de haricots blancs.

A la sortie des nombreux sentiers, des sacs de charbon de bois dnotaient une
activit de dforestation sauvage.

Sur les points hauts se dressaient dnormes croix, vestiges des missionnaires anglo-
saxons venus vangliser ces contres animistes.

Likasi, notre premire escale, ville de garnison, clbre par sa grande prison, abritait
la division dlite des forces zaroises, entrane par des officiers israliens.

Ville du Far East zarois, avec ses avenues dfonces, ses nombreux bars et
restaurants, vestige de loccupation belge, elle fut le centre de gravit dun grand centre
minier et mtallurgique.

Au muse minralogique, guids par un cadre zarois affable, nous avons admir les
spcimens rares de minerais de cuivre, cobalt, or, argent et uranium.

Sur notre route, nous avons marqu une halte sur le site minier de Foungouroum,
immense gisement de cuivre ayant dfray la chronique et fait lobjet de reconnaissance
par galeries, tranches et dcapages de surface.

Un village, comprenant dispensaire, villas pour expatris et cit ouvrire, fut


construit proximit des units industrielles pilotes denrichissement des minerais.

La chute brutale des cours du cuivre, la fin des annes soixante dix, avait contraint
le consortium Anglo American - BRGM, oprateur sur place, abandonner les lieux aprs
un investissement de plus de 300 millions de dollars, le domaine minier rintgrant le
patrimoine de GECAMINES.

Autour des btisses en ruines et des carcasses dusine, quelques paysans avaient
dfrich des arpents de fort pour produire du manioc et du mas.

En repartant, pour viter de possibles attaques main arme, Herbigneaux avait


roul vive allure pour atteindre Kolwezi avant la nuit.

Sous une pluie battante de lt austral au Shaba, nous fmes installs lImpala
Htel (antilope), puis convis dner au centre ville, dans un restaurant tenu par un Grec
et frquent uniquement par les expatris.

Le lendemain, sous un ciel dgag et un soleil brlant, nous sommes alls visiter la
mine de Kamato, en traversant lancienne ville coloniale construite autour des glises,
dispensaires, coles, aux artres dfonces et maisons aux tuiles rouges dans une
situation de dlabrement avanc.

Du temps des Belges, tout tait impeccable, lordre et la discipline rgnaient,


Kolwezi tait considr comme la perle du Katanga , dit rageusement Rigaumont.

A la priphrie de la ville, commencent les normes installations de la GECAMINES


(usines denrichissement, ateliers dentretien) o des nues dengins donnaient
limpression de participer un ballet indescriptible.

Les gigantesques carrires de minerai de cuivre, parmi les plus importantes du


monde, jouxtent dimmenses cits ouvrires insalubres.

Kabango, Directeur du centre, ingnieur des mines, de grande taille, volubile, nous
reut avec beaucoup dgards, nous gratifiant dun briefing remarquable sur Kamato, et
nous faisant part des perspectives de dveloppement et des problmes inhrents aux

231
normes stocks de pices de rechange (18 mois de consommation, quivalent de 3
milliards de dirhams) obrant la trsorerie de la socit.

Nous sommes descendus dans la mine souterraine en blouse blanche, bord de


voitures lgres Peugeot 405 (made in Zare), en empruntant laccs principal constitu
de deux descenderies en parallle o des pancartes affichaient le soutien inconditionnel
de la GECAMINES au Guide de la Rvolution, Mobutu.

Les travaux souterrains, les oprations de foration, chargement, boulonnage et


transport, rappelaient maints gards les grandes mines de fer de Kiruna en Sude.

Hormis quelques rares expatris europens (franais et belges), le personnel


dentretien tait en majorit zarois.

Des mineurs fond rwandais taient intgrs la population autochtone.

La gestion de la mine et de lenvironnement industriel dnotait une ambiance


dordre, discipline, matrise des dossiers par les responsables zarois et leur bonne
apprciation de lacuit des problmes rencontrs.

Aprs djeuner, nous sommes alls au sige du district de Kolwezi pour rencontrer le
directeur, Schaijes, responsable de plusieurs centres de production, dernier cadre belge
encore en activit, une anne de la retraite aprs 25 annes de service la GECAMINES.

Le contact avec lui, correct et distant, fut suivi dun expos prcis sur le secteur
minier de Kolwezi, considr comme le centre moteur de la GECAMINES, avec des
rserves estimes 40 ans de production.

Par la suite, un ingnieur des mines zarois, nous avait conduits et guids aux
immenses carrires ciel ouvert stendant sur plusieurs kilomtres.

L, les tonnages excavs en strile et en minerai se comptaient par dizaines de


millions de tonnes, les profondeurs de fosse avoisinaient 170 m et les prvisions de
dveloppement iraient 470 m denfouissement.

Ces chiffres impressionnants sous-tendaient les gigantesques moyens matriels mis


en uvre (pelles de 15 m3 de godet, camions de 100 tonnes) dont une partie par des
socits sud africaines, connues pour leurs grandes performances et leur grande mobilit
dans les oprations de dcapage.

Notre guide zarois, nous fit part des problmes rencontrs dans la stabilit des
terrains, lexhaure et la disponibilit des engins de carrire.

Au retour, nous avons observ de vritables paysages lunaires, constitus


dimmenses craters au lieu et place dune nature autrefois luxuriante.

Sur le retour, nous avons crois un cortge funbre prcd par des danseuses
chantant et riant, car dans cette rgion, le dcs nest pas clbr en tristesse et
mlancolie, mais en musique dans une atmosphre de complte dcontraction.

Le soir, la GECAMINES nous convia dner au foyer des cadres, en prsence du


directeur belge entour de son tat major de responsables zarois parmi lesquels, ladjoint
du directeur, un zarois de lethnie maluba, de petite taille, contrastant avec les autres de
lethnie Kasa, tous de grand gabarit.

De formation agronome, ladjoint du directeur cumulait ses fonctions la


GECAMINES avec la responsabilit rgionale du Mouvement Populaire de la Rvolution
(MPR) parti unique au Zare, fond et prsid par Mobutu,

Le dner anim et dcontract, servi impeccablement par un personnel zarois


coach par une expatrie belge, fut cltur par des discours.

232
Schaijes, connaissant notre pays pour y avoir fait lescalade du Toubkal, nous avait
promis de nous rendre visite au Maroc.

Au retour lhtel, et comme les jours prcdents, lorage clata dans un bruit
terrifiant, amplifi par la toiture en tles ondules de nos chambres, et suivi de vritables
trombes deau sur la rgion.

Le lendemain, nous sommes alls lusine denrichissement par flottation


diffrentielle du zinc et du cuivre, inaugure quinze annes auparavant par Mobutu et
Kaunda, prsident de la Zambie, puis lusine de Luilu alimente en concentrs de cuivre
par pipe de gros diamtre, garde par des agents en tenue malachite et considre
comme une zone stratgique.

Les installations dlectrolyse taient doubles dune unit de rcupration de cobalt


en granules, inaccessible aux visiteurs pour cause de secret de fabrication.

Comme ailleurs, la tourne de lusine fut guide par un ingnieur mtallurgiste


zarois comptent nous rappelant, encore une fois, le rle minent des Forces Armes
Royales dans la sauvegarde de lintgrit territoriale du Zare.

Une unit dlectro raffinage du cuivre, en construction dans lenceinte de lusine,


devrait valoriser la production et rduire la dpendance du Zare vis--vis de la Belgique
o taient installes les usines de transformation.

A travers une campagne de craters gants, rsidus des anciennes exploitations, et de


termitires recouvertes darbustes, nous avons poursuivi notre tourne par les ateliers
centraux de Kamioto o le directeur des services jour nous fit un brillant expos, suivi de
la visite des sections de lentretien des gros engins.

Rigaumont, Herbigneaux et Verdoux taient fiers de nous montrer le centre dessais


de performances des matriels hydrauliques quip par Atlas Copco.

Nous avons longuement chang des ides et des points de vue avec les Zarois sur
limportance accorde lentretien du matriel et la disponibilit des engins.

Nous avons retenu que les exploitations souffraient des retards dans la livraison des
pices de rechange et de la rtention entretenue par les grands fournisseurs
dquipements, alors que la GECAMINES tait connue pour sa crdibilit et sa clrit
dans les rglements des achats lextrieur.

Nous avons quitt les lieux, convaincus davoir vu de grands centres miniers et
industriels, et surpris par le haut niveau technologique des installations, la qualit du
travail et la matrise professionnelle du personnel zarois.

Aprs djeuner, nous avons visit un atelier d'articles en malachite appartenant un


libanais originaire de Beyrouth.

Je suis venu faire fortune dans ce coin de lAfrique australe, la qualit de mes
ouvrages et de mon travail sont lorigine des nombreuses commandes des pays du
Golfe , nous dit-il, avec beaucoup de prestance.

Comme laller, bord de deux voitures, nous avons repris le chemin de


Lubumbashi, via Likasi, sous le beau temps et une temprature clmente, oubliant ltat
dfectueux de la route pour redcouvrir la belle campagne du Shaba.

Une halte proximit dun hameau, donna loccasion Herbigneaux dacheter des
chanterelles (champignons apprcis) un prix drisoire des gosses tous heureux
dengranger quelques centaines de zares et de poser firement en photo avec nous, aprs
avoir reu de Lhatoute quelques billets supplmentaires.

233
Nous sommes rentrs Lubumbashi la tombe de la nuit et installs de nouveau
lhtel Sheraton Karavia, affich complet, en raison de larrive de dlgations
zambiennes et dhommes daffaires.

Pour la seconde fois, nous fmes convis dner chez les Herbigneaux avec au menu
du saumon frachement arriv de Stockholm.

La soire, bon enfant, fut anime par Verdoux, alors que Rigaumont temptait et
dnigrait tout ce qui est zarois.

Le lendemain, dernier jour au Shaba, Mme Herbigneaux nous avait fait dcouvrir la
ville en passant dans une salle dexpositions tenue par une multre, et aux magasins de
souvenirs appartenant des expatris belges, libanais et grecs.

Au centre, des vendeurs ambulants, agressifs, nous avaient reproch de ne traiter


quavec des Europens tenanciers de magasins chics.

La visit dune trfilerie quipe de matriels datant du dbut du sicle, donna


loccasion Rigaumont de tourner en drision les conditions de travail du personnel.

Nous avons peru une certaine tension dans lair en croisant des patrouilles militaires
appeles contrer la grve des tudiants locaux, solidaires de leurs camarades de
Kinshasa mobiliss contre la chert et linsuffisance des transports.

Nous avons appris par la suite, que des heurts violents avaient oppos les forces de
scurit aux tudiants, se soldant par des morts parmi ces derniers.

A la fin de la matine, un orage terrible clata, transformant la ville en marcage,


vite absorb par la terre spongieuse.

Aprs le djeuner, pour viter toute dconvenue, nous avons rejoint laroport pour
enregistrer lavance, car au Zare on nest jamais sr de partir lheure.

Effectivement on nous annona un retard dune heure, alors que prs de nous un
rabbin, sa femme et un officier isralien attendaient calmement.

Nous coutant deviser en arabe, lofficier nous aborda. :

Vous tes Marocains, moi aussi, je suis n Agadir , nous dit-il.


Nous avons li connaissance et appris quil tait colonel de larme isralienne,
originaire dune localit proche de la Bande de Gaza, en service command au Zare pour
entraner les parachutistes des forces spciales de Mobutu.

Nous entretenons dexcellentes relations avec les Palestiniens, et nous regrettons


vivement que la paix tarde sinstaurer dans cette partie du monde, berceau des
descendants dAbraham ; le problme isralo-arabe sera aplani dans un avenir proche
pour permettre au gnie juif, la culture et la richesse arabes de se conjuguer pour
crer un monde meilleur, de concorde et dentente entre les peuples ; je suis Marocain et
fier de ltre, jadmire notre roi Hassan II , dit-il.

Nous avons parl longuement de lavenir du Proche Orient et de la position


intransigeante du gouvernement isralien prsid par Shamir.

Nous ne sommes pas daccord avec Shamir, nous dsirons la paix pour assurer
lavenir de nos enfants ; dites le au Maroc , souligna t-il fermement, alors que le rabbin,
mdus, se demandait si nous nous connaissions rellement.

Nous sommes tous des Marocains, on ne peut pas loublier , insista lofficier, en
sadressant au rabbin rellement surpris par tant deffusion sentimentale de la part de
son compatriote.

234
Avec finalement deux heures de retard, nous avons embarqu pour Kinshasa, aprs
avoir remerci Herbigneaux et son pouse de leur amabilit et de leur bienveillante
hospitalit.

Rigaumont et Verdoux taient rests deux jours de plus, avant de nous retrouver
Kinshasa dans le vol sur Paris.

A Kinshasa
En dbarquant de nuit Kinshasa, un autre officier isralien, n Marrakech, ayant
vcu Casablanca avant daller en Isral, stait joint nous, heureux galement de
retrouver des Marocains.

Je souhaite vivre en paix avec nos voisins palestiniens, pouvoir circuler sans
entraves, et venir au Maroc retrouver ma patrie dorigine, mes amis et les membres de ma
famille ; venez en Isral, vous tes nos invits , nous lana-t-il, avec fiert.

En guise de souvenir, il mavait offert un shekel, pice de monnaie isralienne.

A larrive, nous fmes accueillis par le Conseiller et le Premier Secrtaire de


lAmbassade du Maroc venus, heureusement, nous assister dans la pagaille et lanarchie
rgnant laroport du Kinshasa.

Nous avons rcupr et port nos valises nous-mmes jusqu la Mercedes de


lAmbassade, pour loigner tout risque inutile.

Sur le trajet, nous avons travers Kinshasa, grande mtropole de 4 millions


dhabitants, o les quartiers pauvres occupaient plus de 90% de la superficie.

Par talkie walky (en raison de lincurie des services de tlcommunications zarois,
plusieurs reprsentations diplomatiques staient quipes en moyens autonomes plus
srs), lAmbassadeur Alem, aprs stre assur de notre arrive, nous convia djeuner le
lendemain.

Nous tions logs lhtel Intercontinental, immense complexe moderne, zone


spciale, ultra sophistique dans un monde de dsordre, loin du centre trpidant.
Aprs notre installation et le dpart des reprsentants de lAmbassade, nous avons
dn tranquillement sous les arbres, bercs par le bruissement des cascades deau et
servis par un jeune universitaire zarois.

Je nai pas dautres solutions, je nai pas me plaindre, des centaines


duniversitaires comme moi attendent un travail , dit-il avec beaucoup de dignit.

Le lendemain, nos compatriotes taient venus nous chercher pour une visite aux
diffrents centres dintrt de la ville, dcouvrant ainsi des quartiers sordides au centre
ville et de beaux quartiers rsidentiels le long du fleuve Zare.

A lembarcadre entre Kinshasa et Brazzaville, sous le regard impassible des policiers


et des douaniers, se droulaient des scnes burlesques portant sur le trafic de devises et
de denres alimentaires, anim par des mamas expertes dans les transactions de tous
genres et par des handicaps sur leur chaise roulante.

Des touristes amricains taient l sur le terre plein, ahuris, mais sans raction, par
ce qui se droulait sous leurs yeux.

Aprs une pause caf la ptisserie Aladin dtenue par des Libanais, dans le
quartier des affaires, nous avons t au march central, cur du Kinshasa, grouillant
dactivit multiples (vente de fruits et lgumes, talages de poissons schs et fums,
mchoui de singe, larves vivantes suscitant le dgot de Lhatoute).

235
Aprs une visite de courtoisie la Chancellerie de lAmbassade du Maroc installe
dans le mme immeuble que celles de Sude et du Sngal, nous avons rejoint la
rsidence de lAmbassadeur Alem, situe sur les hauteurs, bnficiant dun panorama
blouissant, avec lhorizon, la ville de Brazzaville.

LAmbassadeur Alem nous reut avec une amabilit exquise, renforce par nos liens
professionnels et amicaux avec son oncle Hamid, vtran de la recherche ptrolire au
BRPM et lONAREP.

Nous lavons inform du droulement et des rsultats de notre mission, tout en le


remerciant vivement des marques dattention notre gard.

Autour dun dlicieux repas marocain, nous avons discut de lavenir du Zare, de son
diffrend avec la Belgique et du rle du Maroc comme mdiateur.

Cela va se calmer et les choses vont rentrer dans lordre ; depuis lindpendance en
1960, les relations entre les deux pays sont conflictuelles, mais cela se passe toujours
comme entre deux conjoints ; nous sommes actuellement dans la phase du tumulte , dit
lAmbassadeur, trs au fait des problmes du Zare.

Prenant cong de lAmbassadeur, nous avons fait un crochet en bordure du fleuve,


avant daller au Ministre charg des mines.

Le Ministre, entour de ses collaborations, nous reut quelques instants puis nous
laissa avec les diffrents responsables pour explorer les voies de coopration.

Nos htes impressionns par lorganisation et les rsultats du secteur minier


marocain, se faisaient dj un plaisir de venir au Maroc.

Pour notre part, nous leur avons signifi nos bonnes impressions sur la mine au
Shaba et sur lexcellente tenue des exploitations de la GECAMINES.

En leur faisant remarquer la baisse importante des productions dor et de diamant,


nagure trs florissantes, les Zarois reconnaissaient que, malgr les contrles et les
mesures dissuasives adoptes, un grand trafic dor et de pierres prcieuses, difficile
enrayer, subsistait, encourag et soutenu par des mains occultes, probablement par des
expatris grenouillant dans les couloirs des ministres et des grands htels.

Le soir, le Premier Secrtaire de lAmbassade, Guessous et son pouse nous reurent


dner avec beaucoup de dlicatesse.

Tard la nuit, nous avons dambul travers les quartiers anims de Kinshasa o la
bire coulait flot, dans un monde de rues dfonces, de baraques dlabres, la lisire
des quartiers rsidentiels frisant lindcence par leur opulence.

Tt le matin, pour viter les surprises, nous avons rejoint laroport Kinshasa Nadjili
par lautoroute emprunte par un flot continu de pitons, femmes, enfants, vieillards,
transportant des balluchons, tirant des charrettes, pataugeant dans la boue laisse par
les dernires averses.

Aprs la traverse dun premier barrage de police grce au fanion diplomatique de la


voiture de lAmbassade, un deuxime nous attendait lentre de larogare o le
chauffeur zarois fut mchamment refoul :

Toi, vas-t-en, tu na pas accs larogare, mme en tant quagent de


lAmbassade , lana un gant au chauffeur tout penaud qui se retira sans broncher, alors
que des Europens hagards, ruisselant de sueur, taient l, perdus.

Aprs un enregistr tumultueux, nous fmes vertement accueillis et bloqus


lentre du salon dhonneur par un militaire gant, au crne ras.

236
Guessous disparut dans la tourmente pour revenir aprs, accompagn du directeur
du salon confondu en excuses.

Nous avons quitt nos compatriotes en les remerciant de leur concours, car sans eux,
notre sjour Kinshasa eut t sans attrait, voire prilleux.

Lembarquement eut lieu dans un dsordre indescriptible.

Rigaumont et Verdoux taient sur la passerelle, inquiets puis soulags en nous


apercevant parmi la foule, hagards mais contents de repartir vers dautres horizons.

A bord de lavion se trouvait un groupe de cinastes conduit par Vadim, revenant


dun long sjour dans la province du Kivu.

Lavion (le mme DC 10 qu laller) survola respectivement le Congo Brazzaville, le


Gabon, le Cameroun, le Nigeria, le Niger, lAlgrie, avant darriver Paris, aprs un vol
parfait de huit heures.

Mon fils Karim tait l qui mattendait.

Quels furent les enseignements de cette mission ?

Le sjour, quoique de courte dure, nous avait permis de dcouvrir un pays aux
potentialits humaines, agricoles, hydro-lectriques et minires considrables,

Les mines souterraines et ciel ouvert, disposaient dnormes richesses en cuivre


alli au cobalt, zinc, germanium, cadmium, argent et or.

Ds lors, on comprend les raisons qui avaient pouss les missionnaires europens
sintresser au Congo la fin du 19 sicle, ainsi que les tentatives de scession du
Katanga et les invasions perptres en 1960,1978 et 1979.

A la GECAMINES, nous avons visit des centres de production (mines, carrires,


usines denrichissement et dlectrolyse), des ateliers dentretien, des centres dessais de
performances bien structurs, bien grs, dnotant une matrise des techniques minires
et gestionnelles par les cadres zarois.

Les problmes de la mine au Zare restaient tributaires non seulement du mouvement


erratique des cours des mtaux, mais aussi des circuits de transport.

Le dblocage des productions de cuivre, de zinc et de cobalt, restait li ltat des


voies ferres en direction de la Zambie, du Zimbabwe, de lAfrique du Sud, de la Tanzanie,
de lAngola et de laxe intrieur Shaba Kinshasa Matadi.

Les fournitures de pices de rechange, lorganisation des services aprs vente et des
immenses parcs matriels lourds, demeuraient galement un des points clefs pour
lobtention de bonnes performances, grce au niveau bas des salaires et au prix modique
de lnergie hydrolectrique.

Lindustrie minire au Zare occupait une place prpondrante, tant par la taille et le
nombre de gisements et dusines de transformation, que par la valeur de la production, le
montant des investissements induits et les nombreux emplois crs.

Mme si elle tait intensive, lexploitation du sous-sol zarois laisse encore une large
place la prospection et la chance de dcouvrir dautres gisements.

Particulirement oriente vers le cuivre et le cobalt, elle bnficie dune exprience


datant du dbut du 20me sicle, pouvant tre stimule par de nouvelles perspectives de
dveloppement et continuer reprsenter une source de prosprit et de mieux tre pour
toute la collectivit nationale, non seulement pour le Shaba.

237
Un pays comme le Zare, avec ses potentialits varies, sa nombreuse population et
sa situation stratgique, tait en mesure de devenir plus ou moins long terme un des
gants de lAfrique Australe.

La mobilisation de la population, la lutte permanente contre la corruption, la gabegie


et lirresponsabilit, pourraient faonner un nouvel homme zarois, loin du tribalisme et
du provincialisme, dabord dispos servir sons pays avant tout.

****
Malheureusement, quelques mois aprs notre mission, de terribles vnements
avaient de nouveau perturb lactivit minire au Shaba, entranant linondation de la
mine de Kamioto, la destruction des usines de cobalt et des raffineries de cuivre.

Les Herbigneaux avaient fui Lubumbashi aprs lincendie de leur maison.

Lingnieur Kabango est mort de sida.

Quels tristes sorts !

238
A la dcouverte
De lancienne Msopotamie

Au retour du Zare, javais particip la tenue des conseils dadministration des


diffrentes socits minires et au du Comit de Direction du BRPM ayant enregistr des
rsultats relativement satisfaisants.

Par ailleurs, aprs les interventions ritres de la Direction des Mines auprs des
responsables de la Socit du Jbel Aouam et du Gouverneur de la province de Khnifra
(Ali Kabiri), la longue grve la mine de lAouam tait arrive sa fin.

Nous avons tous enregistr avec fiert et satisfaction, le quadruplement de la


production dargent mtal Imiter aprs le dmarrage et les essais concluants de la
nouvelle unit de cyanuration et fusion.

Dautre part, la ralisation du projet Hajar tait conforme aux prvisions et augurait
dun bon avenir pour la Socit de Guemassa.

Dun autre ct, les Commissions ad hoc sur la barytine et les explosifs ont t
runies pour faire le point de la situation la lumire de la crise ptrolire et de ltat
davancement des textes rglementant la production, le transport, le stockage et
lutilisation des explosifs et articles de tir.

Pour la troisime fois, javais effectu une tourne dans les exploitations de lOCP
Bengurir, Youssoufia et Khouribga pour marquer lintrt de lAdministration pour le
plan de dveloppement du secteur des phosphates.

Aux Charbonnages de Jrada, le Ministre Fettah avait pris la dcision dloigner non
sans difficult, les deux responsables de la socit (Kanouni et Chaba) dont la chute fut
terrible, accuss de tous les maux.

Tout ce qui avait t savamment prpar et construit Jrada, essentiellement grce


au labeur de Chaba (remplac par Nassir), fut rapidement battu en brche par les
responsables du BRPM, avec rapparition des ressentiments longtemps dissimuls, mls
de rglements de comptes.

Pour ma part, javais tenu faire remarquer que la crise de Jrada ntait pas lie
seulement aux dirigeants, mais surtout quelle tait inhrente aux difficults
dexploitation dans un gisement aux rserves limites et de mauvaise qualit.

Malgr les mesures adoptes, la situation continuera se dtriorer et lEtat devra


prendre des dcisions drastiques pour une ville qui risquait de dprir.

****
Ce fut dans ce triste cadre, quavec Lhatoute, nous avons entrepris un voyage en Irak
et en Jordanie, rpondant une invitation des Directeurs Gnraux de lOffice irakien
GEOSURV, Aldouri, et dARMICO, Tabet Taher.

Il faut rappeler quen mai 1989, le BRPM et GEOSURV avaient sign un contrat de
service, chargeant le Bureau dexcuter un programme de recherche minire dans le
Chott El Arab, dans le cadre dun projet dnomm mystrieusement, P 232.

Le contrat, prlude des interventions dans dautres pays du Moyen Orient et


dAfrique, tait une opportunit pour le BRPM de dmontrer lextrieur son savoir faire
minier et faire connatre la qualit et le professionnalisme de ses quipes.

239
Aprs des prparatifs laborieux, une quipe de choc du Bureau stait rendue en Irak
pour raliser des travaux de fonage de puits en terrain marcageux et des creusements
de galeries, suivis de prlvements dchantillons, danalyses et dessais dexploitation.

Toutes les conditions taient runies pour assurer cette premire sortie un
retentissant succs, les membres de lquipe tant tris sur le volet et la conduite du
chantier confie Rahdou, vtran des chantiers miniers et des travaux ardus.
***
Un an aprs la signature du contrat BRPM/GEOSURV, nous sommes partis Bagdad
le 7 mai 1989, jour de lAd El Fitr, en transitant par Paris, heureux daller retrouver nos
compatriotes en Irak et de dcouvrir un pays d'histoire millnaire.

Dans lavion Casablanca Paris, nous avons rencontr Karim Lamrani, Directeur
Gnral de lOCP, arborant son ternel cigare, en route vers Budapest.

Jaurai le plaisir de rencontrer votre ami, lAmbassadeur Chahid, et daller avec lui
dans les tavernes couter la musique tzigane , nous dit-il.

Le lendemain, de nuit, sous une temprature clmente (20), nous sommes arrivs
Bagdad par le vol dAir France, aprs une escale Amman.

Le contrle des passeports fut ais, mais lattente des bagages, longue et ennuyeuse,
alors que Ouchne, responsable au BRPM et nos htes irakiens taient l, ravis de nous
accueillir en terre dIrak.

Aprs la traverse du nouveau Bagdad superbement illumin, bord de deux


voitures Toyota, nous avons rejoint lhtel Sheraton Ishtar situ dans un des quartiers
rsidentiels, en bordure du Tigre, lieu pris de la jeunesse irakienne et des gens du Golfe
attirs par le Casino, les loisirs et les distractions du week end.

En face, se dresse lHtel Mridien Palestine, frquent par la clientle dAir France,
non loin dune belle mosque avec sa coupole aux mosaques bleu vert.

Sur une butte en terre, trnait le portrait gant de Saddam Hussein en tenue de
combat, clair par des projecteurs dissimuls dans les buissons.

Ds le premier contact avec lIrak, nous ne pouvions nous retenir de remmorer


lvolution historique du pays des Abbassides, connu auparavant sous le nom de
Msopotamie, fille des grands fleuves, Tigre et Euphrate, bastion danciennes civilisations,
remontant plusieurs millnaires.

Le pays de 434.000 km2, est une contre au relief monotone, constitue


essentiellement de basses terres o lon cultive le bl, lorge, le riz, les dattes, le tabac et
le coton, et dont les rserves en ptrole sont classes au second rang mondial aprs
lArabie Saoudite.

LIrak fut conquis par les Arabes sur les Sassanides en 637 et domin par la dynastie
des Omeyyades (issue de Mouawiya fils dAbou Soufiane) jusquen 750.

La dynastie abbasside (issue d'Abbs, oncle du Prophte Mohammed) avait pris la


relve et Bagdad devint la capitale de lEmpire.

En 1258 commena la priode mongole, suivie au 16 sicle par la conqute


ottomane; au dbut du 20 sicle, le pays fut occup par les Britanniques.

En 1930, le trait anglo-irakien consacra lindpendance nominale de lIrak, les


Anglais restant toutefois les vritables matres du pays.

La dynastie hachmite qui rgna sur le pays fut secoue par des coups dEtat et des
putschs militaires, dont celui du 14 juillet 1958, dirig par le gnral Kassem, au cours

240
duquel le roi Fayal, son oncle Abdallah et le premier ministre Noury Sad furent
assassins, et la rpublique proclame.

En 1963, Kassem, aprs avoir ralis lindpendance effective du pays, fut, son
tour, assassin par les baasistes et les nassriens, plongeant alors le pays dans
linstabilit rampante avec la succession des frres Aref la tte du rgime.

En 1979, succdant au vieux marchal Al Bakr, min par la maladie et


dmissionnaire, Saddam Hussein, vice prsident du Conseil de la Rvolution, devint
prsident de la rpublique.

La longue guerre avec lIran et la tendance ressusciter lantagonisme millnaire


entre Arabes et Perses, avaient remis sur le devant de la scne internationale une zone
longtemps thtre et creuset des anciennes civilisations assyrienne, sumrienne et
babylonienne, puis plus tard arabo-musulmane.

A Bagdad
Le lendemain de notre arrive, en dbut de matine, une sance de travail nous
avait runis GEOSURV avec Aldouri et les responsables irakiens intresss par le Projet
P 232, pour mettre au point notre programme de sjour joignant lutile lagrable, la
technique lhistoire et la spiritualit.

Nous avons t impressionns par le nombre de techniciens et ingnieurs officiant


GEOSURV (600 sur un effectif global de 850 personnes), dont plusieurs mobiliss sur le
front avec lIran et incorpors dans les units du gnie militaire.

Nos discussions furent ponctues de pauses pour dguster le th et le caf turc servis
profusion par une femme ge, tout de noir vtue, coqueluche de lOffice.

De nos entretiens et discussions, il stait dgag une impression de srieux ; les


Irakiens, peu connaisseurs des problmes miniers, voulaient les examiner dans le dtail
pour mieux en apprcier lampleur, limportance et lintrt.

Nous avons not leur bonne apprciation des travaux excuts par les quipes du
BRPM, de la conduite du personnel et de la coordination amicale entre techniciens,
ingnieurs et ouvriers des deux parties.

Aprs, nous avons t au Tombeau du Soldat Inconnu, ralisation en bton, marbre


et granit rose, uvre dune socit japonaise, voulant immortaliser le sacrifice des
soldats irakiens sur le front iranien.

Ce monument, rig dans lun des plus beaux secteurs de Bagdad, entour de jardins
fleuris et de pelouses minutieusement entretenues par une myriade douvriers, avait
ncessit pour sa construction plusieurs annes, occup plusieurs milliers douvriers et
occasionn une dpense de plus de 80 millions de dollars.

De vastes esplanades et des complexes sportifs enserraient ce majestueux mmorial


transform en mus de larme irakienne.

Nous avons visit ldifice, guids par un milicien, dcouvrant les anciennes armes
feu marocaines fabriques Fs aux 14, 15 et 16 sicles, la panoplie des armes
irakiennes prsentes sur dimmenses tableaux, les tenues de combat et de parade des
diffrents corps darme, les trophes iraniens saisis sur le front de Fao, les reliques dun
Mirage isralien abattu en 1967 la frontire jordanienne lors de la Guerre des Six Jours.

Sous un soleil de plomb, nous avons poursuivi notre tour de ville en empruntant les
grands boulevards Saadoun et Abou Nouwas, pour aller au mausole d'Abdelkader Al
Guilany (Saint homme vnr aussi au Maroc), situ dans un quartier en restauration o

241
les vieilles btisses, datant de plusieurs sicles, ont t systmatiquement dmolies et
remplaces par des maisons en bton.

Outre la mosque attenante, avec ses mdersas et son esplanade en marbre blanc,
le mausole est centr sur le tombeau plac sous une coupole en verre, clair et noy
dans une forte odeur dencens et de parfums exotiques.

Nous avons quitt furtivement ce lieu sacr pour aller rendre une visite de courtoisie
au Vice Ministre, Adnan, charg des questions minires.

En tenue vert olive dofficier suprieur du parti Baas, Adnan nous reut avec chaleur
et amabilit en prsence des responsables de GEOSURV, et nous fit part du rel dsir de
lIrak de dvelopper ses relations avec le Maroc dans les domaines des phosphates, des
engrais, du soufre et de la recherche des minerais mtalliques.

Le Vice Ministre avait tenu marquer sa satisfaction et celles des autorits


irakiennes quant la qualit des travaux raliss dans le cadre du Projet P 232, et
senqurir du droulement de notre mission, insistant de tout mettre en uvre pour
multiplier les changes dexperts entre nos deux pays.

Nous avons une coopration fructueuse sur les phosphates et le soufre avec la
Tunisie, et pourquoi pas avec le Maroc considr, juste titre, comme le leader mondial
du phosphate ; nous avons besoin de votre exprience, venez, vous tes chez vous ,
nous confia le Vice Ministre.

Nous lavons assur de notre disponibilit collaborer, convaincus de notre part que
nous avons ensemble des expertises changer au plan des mines et de lnergie.

A la lumire des discussions avec Adnan, nous avons retenu que lIrak a travers une
priode difficile, consquence de la longue et terrible confrontation avec lIran,
dclenche au septembre 1980.

Le peuple irakien a souffert dans sa chair et dans sa vie de tous les jours ; plusieurs
centaines de milliers de morts nous ont permis dendiguer le fanatisme et
lexpansionnisme iraniens dont le seul but est lanantissement de notre pays et
laffaiblissement de la nation arabe. LIrak a relev le dfi, a support les coups de boutoir
de ladversaire, sans plier ni faiblir, puis a repris linitiative pour lui assner des coups
foudroyants. Grce au sacrifice de tout notre peuple, nous sommes sortis vainqueurs de la
confrontation impose par lIran ; certes, nous sommes en priode de ni guerre, ni paix,
mais nous sommes dsormais en mesure dempcher ladversaire de ritrer son
aventure, car il sait davance que de terribles destructions lattendent , nous avait dit
Adnan, avec fiert.

Les zones des combats dans le Chott Al Arab, Bassorah, Fao, Oum Quas,
faisaient lobjet dune attention particulire des autorits, concrtise par un effort de
reconstruction pour tout remettre en tat avant septembre 1989 (anniversaire du
dclenchement des hostilits) et faire disparatre les squelles de la guerre.

Ainsi tous les moyens de larme taient sur place pour construire des routes, des
ponts, des habitations, des hpitaux, des coles, etc.

Pour acclrer la rinsertion du secteur dans lactivit conomique et sociale du pays,


le Prsident Saddam Hussein, en personne, suivait lexcution des travaux de ce
gigantesque chantier en sy rendant frquemment pour constater son volution.

En sortant du Ministre, aprs avoir remerci Adnan de sa dlicate attention, nous


avons circul dans Bagdad, ville de plus de 1.000 km, 4 millions dhabitants (25% de la
population globale de lIrak), rappelant Marrakech par ses palmiers et ses grandes
avenues, soigne par les pouvoirs publics, bnficiant dun plan directeur damnagement
cohrent, o les vestiges du pass taient rass.

242
Non loin du palais prsidentiel sur la rive droite du Tigre, protg par des escouades
de soldats portant kalachnikov et missiles sol-air, des quartiers administratifs flambant
neufs jouxtent les quartiers rsidentiels et les nombreuses casernes de larme dotes
descadrons de chars et de batteries antiariennes sur les murs denceintes fortifis.

Partout, les effigies et des portraits gants de Saddam Hussein occupaient les
devantures des ministres, des banques, des htels et des grands magasins ; on voyait
Saddam sous tous les angles, en habit civil, en tenue de combat, en uniforme de
gnralissime, en bdouin avec keffieh, le sourire franc et carnassier.

A Bagdad, quoiqu'on dise, malgr la rigueur du rgime et ltat de ni guerre ni paix,


on se sentait en scurit et les habitants vaquaient normalement leurs occupations,
sans fbrilit et sans tension.

La guerre nous a secous, sortis de notre torpeur et de notre nonchalance ; elle


nous a aguerris, transforms et responsabiliss , nous dit un de nos htes.

Lamaigrissement (tarchiq), impos aux dirigeants, tait lobjet des discussions et de


conciliabules en cette priode de lanne choisie par les autorits pour la pese et le
contrle devant une commission nationale.

Les responsables des administrations, organismes et socits dEtat taient


convoqus pour passer rgulirement cet examen.

Les bedonnants ne rpondant pas aux critres de base instaurs, taient dgrads,
aprs avoir bnfici dun dlai pour perdre les kilos superflus, alors que les maigres
disposaient dun crdit de poids.

Cette procdure, unique dans les annales de la fonction publique et des organismes
tatiques, tait porte sur la place publique sans grande raillerie, et certains y voyaient la
panace contre certains maux de la socit, et un remde pour lobsit, le diabte, les
maladies cardiovasculaires et gastro-intestinales.

Un ami, Raad, ancien cadre de lOrganisation Arabe des Ressources Minires Rabat,
directeur technique de GEOSURV, avait subi les preuves avec succs ; nous lavons
retrouv en pleine forme, aprs avoir perdu 33 kilos en six mois.

Lquipe autour de Saddam Hussein, constitue de personnages sveltes et en parfaite


condition physique, contrastait avec les ventrus dil y a quelques annes ; seul le Vice
Prsident, personnage g, avait bnfici dune mesure de clmence.

La guerre du Golfe avait rellement transform le haut de la hirarchie du rgime en


lui faisant subir une vritable cure damaigrissement, le Prsident Saddam Hussein tant
le premier donner lexemple.
A Bagdad, la circulation tait dense, mais fluide, grce la ralisation de voies de
communication rapides (ponts rcents) assurant la liaison entre le vieux Bagdad et les
quartiers neufs du sud ; les accidents taient rares et svrement rprims.

La ville, contrairement la propagande iranienne, navait pas souffert des tirs des
missiles sol-sol ; certaines, ogives tombes proximit des grands htels et des difices
publics, avaient endommag et dtruit quelques habitations et des coles ; les
dcombres et les ruines taient gardes intactes pour rappeler en permanence lIrakien
la perfidie meurtrire du rgime des ayatollahs.

Des programmes de construction avaient permis de faire face lafflux des


campagnards venus Bagdad pendant la guerre des villes avec lIran.

Le Tigre, une des mamelles de lIrak, charrie ses eaux claires travers ses mandres,
donnant un charme particulier Bagdad.

243
Les deux rives du grand fleuve taient en cours de consolidation pour lutter contre
les effets des crues, rarement dvastatrices, mais souvent abondantes aprs les chutes de
pluie et de neige dans les zones montagneuses du Nord, aux confins de la Turquie
orientale, chteau deau de la Msopotamie.

Un vent de rformes soufflait sur lensemble des activits conomiques dun pays qui
se voulait une puissance politique, militaire et conomique, une vritable Prusse du
Proche Orient.

Saddam souhaitait tre lhomme fort de la rgion, aprs la dfaite de lIran et la


dconfiture cinglante du Prsident Assad en au Liban.

Les rentres procures lIrak par les ventes de ptrole estimes 20 milliards de
dollars, assises sur des rserves dhydrocarbures considrables, lui donnaient la
possibilit de poursuivre son effort dindustrialisation aprs larrt des hostilits.

Pour les Irakiens lre des usines clefs en mains, tait rvolue, et dans la majorit
des contrats, ils exigeaient de leurs partenaires le transfert de technologie en matire de
barrages, daciries, de centrales lectriques, dusines darmement

Malgr les caciques du parti Baas, soucieux de maintenir leur mainmise tentaculaire
sur lensemble des rouages de la nation, une volution tait perceptible travers un
mouvement de privatisation pour attirer les investissements saoudiens, koweitiens,
japonais, franais, brsiliens et mme amricains.

Un appel tait lanc la diaspora irakienne pour rentrer au pays et participer


luvre commune de reconstruction et ddification ; le rejet de la socit demeurait
Jalal Talabani, le chef kurde dissident, compromis avec le rgime iranien.

Lactivit conomique ncessitant une main duvre nombreuse et qualifie, lIrak


lavait faite venir des pays arabes non ptroliers, dInde et mme de Chine.

Ainsi, on dnombrait en Irak 1,5 millions dEgyptiens, un million de Soudanais,


500.000 Ymnites, des Indiens, des Philippins, des Corens et aussi des Marocains dans
la restauration, lhtellerie, le btiment, les transports et lagriculture.

On nous avait signal que plusieurs familles originaires dErrachidia et Ouarzazate,


avaient t installes dans la rgion du Najef pour mettre en valeur des terres agricoles et
crer de vritables hameaux marocains en plein Chott Al Arab.

Laprs- midi, nous avons t aux quartiers neufs des ministres dans lancien
Bagdad o les souks odorants, aux ruelles troites et mystrieuses, avaient disparu pour
faire place des difices hideux en bton.

Nous sommes passs dans la rue o avait t perptr lattentat contre le gnral
Kassem en 1960 ayant entran la mort El Ghariri et la blessure au pied de Saddam ; un
sanctuaire rig sur les lieux commmorait cet vnement.

Sur les devantures des magasins, des banderoles exprimaient au Prsident Saddam
leurs condolances loccasion de la mort de son gendre, le gnral Kharallah, Ministre
de la Dfense, commandant en chef adjoint des forces armes, disparu mystrieusement
dans le crash dun hlicoptre.

Aprs une visite de courtoisie lAmbassadeur du Maroc, Kettani, en sa rsidence,


entoure de palmiers, nous nous sommes rendus au mausole de Abou Hanifa, avec ses
salles de prires recouvertes de beaux tapis, turcs, perses et pakistanais, et ses
splendides sculptures marocaines.

L, les fidles, aprs leurs circonvolutions, glissent travers les moucharabiehs des
billets de banque rcuprs chaque anne pour les uvres de bienfaisance.

244
Le sanctuaire frquent par les Turcs sur le chemin de La Mekke, est connu pour
abriter des reliques datant de lpoque du Prophte et ressorties chaque anne durant le
Ramadan, loccasion de la Nuit du Destin.

Nous sommes alls ensuite visiter le mausole de Moussa Al Kadim (Saint chiite)
parmi les femmes en tchador et leurs enfants heureux de pique-niquer sur les esplanades,
sous la surveillance discrte des miliciens du Baas.

Le Prsident Saddam, sunnite, accorde une attention particulire aux mausoles


chiites, consacrant chaque anne des millions de dollars pour leur entretien et leur
rfection, dmontrant aux Iraniens chiites, quen Irak, sunnisme et chiisme sont traits
la mme enseigne , nous avait fait remarquer notre guide.

Le soir, GEOSURV nous avait convis dner dans le Palace Melia, en prsence de
Fayal Ghali, ancien Vice-ministre des Ressources Minires et Prsident en exercice de
lArab Mining Company.

Des jeunes serveurs marocains et gyptiens nous avaient fait part de la considration
des Irakiens pour la qualit de leurs services et de leur conduite.

En discutant avec Fayal Ghali du conflit Irak Iran, nous avons retenu que les fronts
du Chott Al Arab et du Kurdistan, avaient permis lIrak, paralllement au dveloppement
de ses infrastructures de base, daguerrir ses forces armes, les loigner du sectarisme
religieux et doccuper un million de soldats issus de toutes les couches de la population.

Pour des raisons de secret militaire, les publications taient rares, loignant, disait-
on, les prtentions et les vises iraniennes sur les rgions conomiquement nanties (les
Majnoune notamment, riches en ptrole, occupes par lIran puis vacues, au prix de
dizaines de milliers de morts).

Nous avons discut du phnomne tarchiq et regrett pour nos amis irakiens,
dtre lorigine dun dner bien calorique.

En quittant le Palace Melia, nous avons assist larrive dun cortge de mariage,
avec klaxons et youyous des femmes.

Au chantier BRPM
Tt, le lendemain, nous avons quitt Bagdad pour nous rendre au chantier BRPM,
200 km plus au sud, en empruntant lautoroute vers le Chott El Arab, uvre de socits
de gnie civil allemandes et polonaises, assurant la desserte rapide entre Bagdad et la
zone des combats prs de Bassorah, pour acheminer vivres, quipements et munitions.

Sur notre chemin vers le Sud, nous avons travers de vastes rizires et des
plantations de coton, lombre des palmeraies sculaires faisant de lIrak le premier
producteur de dattes au monde avec un patrimoine valu 30 millions de palmiers.

Notre premire halte eut lieu au site historique de Babylone au bord de lEuphrate,
160 km au sud est de Bagdad, antique cit remontant 5.000 ans, dont lapoge remonte
aux Akkadiens (plus de 2.000 ans avant Jsus Christ), sous la dynastie amorrite, avec le
grand roi Hammourabi.

Dtruite par les Hittites, soumise aux Kassites, Babylone devint le centre de la
civilisation assyrienne venue du Nord, sous les rois Assourbanipal et Nabuchodonosor II,
conqurant de Jrusalem et captif dune partie du peuple juif.

Occupe par les Perses, puis par Alexandre le Grand, elle entra en dcadence quand
les Sleucides labandonnrent, lIrak du sud devenant Babylonis.

245
Nous avons visit les ruines, emprunt les anciennes avenues recouvertes dasphalte
et admir le lion de Babylone, pour terminer par un rafrachissement sous une tente en
feuilles de palmiers, alors que des touristes japonais, comme partout, photographiaient
les monuments sous tous les angles.

Pour remettre en tat les monuments historiques et susciter un courant touristique


vers ce centre des civilisations millnaires, les autorits irakiennes avaient dbloqu des
crdits pour organiser le festival et dvelopper les fouilles.

Une fresque lentre de lautoroute montrait le prsident Saddam devisant avec le


roi Nabuchodonosor II, sous-entendant par l la continuit ininterrompue de la nation
irakienne depuis des sicles.

Nous avons poursuivi notre voyage travers les palmeraies de Musayad et Hilla, puis
Najef, lieu de spulture de Ali, cousin du Prophte et quatrime calife, dont la demeure
vnre est remarquable de loin par son dme dor.

Najef, lieu de spulture des morts sur le front iranien, dans un cimetire tristement
clbre pour tre lun des plus grands du monde, avait abrit pendant des annes
lAyatollah Khomeiny avant son expulsion en France en 1979 par les autorits irakiennes
pour taire leurs dissensions avec le Chah dIran.

Nous avons visit le mausole de Ali, troisime lieu de plerinage des chiites, aprs
La Mekke et Mdine, guids par un mollah, parmi des plerins en lamentations aux grilles
du tombeau, alors que sur lesplanade, des fidles enjambaient mystrieusement des
pavs en argile sche.

Aprs Najef, nous avons, travers un paysage dsertique, gagn le village BRPM,
proximit de la petite ville de Manathera, surplombant une dpression couverte de
palmiers et de rizires, 12 m en dessous du niveau de la mer.

Le village, constitu de roulottes tractables, disposes autour dune plateforme


plante deucalyptus, disposait de leau courante, de llectricit fournie par des groupes
lectrognes, de douches, de sanitaires, dun restaurant, dun foyer quip de tlvision,
dun tlphone radio utilis pour communiquer avec le Maroc et dune mosque o
Lhatoute avait tenu accomplir la prire du Dohr.

Nous avons retrouv le vtran Rahdou et son quipe de cinquante agents, aguerris
et expriments, originaires des provinces de Marrakech, Agadir, Ouarzazate, Errachidia
et Khnifra, heureux de voir des compatriotes responsables, venus leur rendre visite et
senqurir de leur situation et de leurs problmes.

Nous fmes impressionns par la mobilisation, lardeur au travail et labngation


remarquable de nos compatriotes, loin de leur pays et de leurs proches.

Nous avons t ensuite au chantier implant dans une zone marcageuse, en


empruntant une piste en terre battue, travers les rizires, dans une rgion connue pour
ses vents de sable et ses chaleurs torrides atteignant plus de 50 en t.

Les quipes BRPM, aprs une minutieuse prparation, furent pied doeuvre ds fin
1988 pour amnager le carreau du puits, mettre en place les quipements de fonage,
installer les magasins et les dpts limage des chantiers BRPM au Maroc.

En premire phase, les travaux avaient port sur le fonage dun puits de 75 m de
profondeur et 3,20 m de diamtre, entirement btonn et tanch, dans des terrains
sablonneux boulants et de marnes altres, caractriss par de fortes venues deau sur
les vingt premiers mtres.

Lexprience des quipes BRPM eut raison de ces difficults, aprs plusieurs mois
defforts inlassables, la grande satisfaction des Irakiens.

246
A notre passage, le puits tait achev et les galeries amorces au niveau -75 m.

A lallure des avancements, malgr le souhait des Irakiens de ne pas recourir aux
explosifs, le programme de la premire phase devait tre termin en septembre 1989,
suivi dun programme complmentaire de reconnaissance, de prlvement dchantillons
et dun essai dabattage du minerai en chambre magasin.

Autour dun grand djeuner au camp, nous avons ft notre manire, la


coopration entre deux pays aux extrmits du monde arabe.

Par la suite, au cours dune runion groupant lensemble du personnel du chantier,


nous avons examin les dolances de chacun.

Lhatoute avait tenu fliciter et rassurer tout le monde tout en exprimant le souci
du BRPM de tout mettre en uvre pour que lintervention en Irak ft un succs sur tous
les plans.

Sous une pluie exceptionnelle, avec motion, nous avons quitt nos valeureux
compatriotes, aprs avoir pos en photos souvenirs en cette lointaine terre dIrak.

Sur le chemin de retour vers Bagdad, nous avons visit la ville religieuse de Karbala,
avec les mausoles d'Hussein et Abbas, fils et petit fils d'Ali, o nous avons retrouv
comme Najef, la mme ferveur religieuse et populaire.

Dans cette cit, vnre par les chiites, Hussein, petit fils favori du Prophte, fils de
Fatima et de Ali, tomba, avec sa famille et quelques domestiques, dans un guet-apens
tendu par des sentinelles du rgent Yazid, fils de Moawiya.

Etant le seul de la ligne du Prophte, encore en vie, ne sattendant pas ce quon lui
ft du mal, Hussein refusa donc de se rendre bien quil ft encercl.
Au bout de dix jours, le petit groupe tait mis en pices et la tte d'Hussein envoye
Yazid Damas, au grand scandale et la consternation des musulmans.

Depuis, le massacre de Karbala devint le mot de ralliement de tous ceux qui se


mfient des Omeyyades.

Avec force dtails, mouvants et pitoyables, cette priptie historique de lIslam


naissant, forme la base des ftes de la passion du dixime jour du mois de Moharrem,
clbres par les chiites et certains sunnites.

Les chiites, lorigine faction politique arabe, en vinrent adopter des doctrines de
plus en plus loignes de celles des sunnites considrs non comme des apostats, mais
plutt comme des musulmans rebelles.

A Karbala, un grand effort durbanisation tait en cours pour moderniser les


infrastructures et assainir les quartiers autour des lieux sacrs.

Nous sommes rentrs Bagdad la tombe de la nuit, fatigus mais contents davoir
pass une journe bien remplie dhistoire, de technique et de spiritualit.

Aprs dner, nous avons effectu une marche le long de la corniche en bordure du
Tigre o lon proposait aux clients des grillades de poissons, prlevs des viviers
entretenus par les restaurateurs, alors quau Sheraton et au Mridien en face, de
nombreux mariages taient clbrs bruyamment.

Au Nord de lIrak
Le lendemain nous avons quitt Bagdad, pour une tourne au Nord de lIrak.

247
La priphrie de Bagdad faisait lobjet de grands travaux dinfrastructure (routes,
ponts de drivation, voies express, travaux dassainissement, construction dusines de
traitement des ordures, drainage et asschement des marcages).

Dimmenses bases militaires (aviation, blinds, infanterie, rampes de missiles,


radars) ceinturaient la ville pour assurer sa couverture.

A une cinquantaine de kilomtres, nous avons travers un champ ptrolier


rcemment mis en exploitation.

A lapproche de la ville historique de Samarra, on avait not un effort de mise en


valeur des terres par dfrichement et irrigation.

Samarra, longtemps capitale des Abbasides, tait une ville de plus de 500.000
habitants, ayant rayonn lpoque du Khalif Al Moatassim (10m sicle) et abrit des
noms illustres tels lImam Ali Al Haddi, Hassan Al Askari et Abbas Esseffah.

Du fameux minaret en tire bouchon de Malwiya, haut de 52 m, nous avions devant


nous un panorama saisissant de limmense plaine traverse par le Tigre.

La lgende raconte que durant ldification du minaret on transportait les matriaux


de construction le long du chemin en colimaon par des nes prcipits la fin du haut du
minaret pour viter de les redescendre ; triste fin pour les quids !

Nous avons marqu une pause au Projet P 999, proximit de la ville de Dor, o une
quipe dhydrogologues travaillait sur lvaluation des potentialits aquifres du secteur
en liaison avec la gotechnique rgionale.

Aprs Takrit, lieu de naissance de Saddam, toujours omniprsent, la monotonie du


paysage de pnplaines est interrompue par une zone de collines occupes par des
batteries antiariennes protgeant la raffinerie de ptrole de Beyjee, lieu de jonction des
oloducs des champs ptrolifres du Nord et de lEst.

Une noria de camions citernes transportait des produits bruts ou raffins vers les
centres de consommation en Turquie, encombrant lautoroute vers Mossoul.

Vers midi, nous sommes arrivs au gisement de soufre de Mishreq o, aprs


djeuner, nous avons visit les installations, guids par un technicien chimiste.

Les installations de Mishreq comprenaient plusieurs dpartements, dont le pompage


deau grand dbit dans le Tigre, les units de production deau chaude pressurise et de
vapeur envoyes dans les forages pour faire fondre le soufre et lextraire, et des units de
production de soufre raffin et dacide sulfurique pour les besoins internes et rgionaux.

Avec 1.500 ouvriers et techniciens, le complexe de Mishreq produisait 1.000.000 de


tonnes de soufre frash, 150.000 tonnes de soufre de rcupration et 60.000 tonnes
dacide sulfurique et de produits chimiques secondaires.

Les prvisions pour 1990 et 1996 taient de 2 millions et 5 millions de tonnes.

LIrak tirait par ailleurs 350.000 tonnes de soufre de la dsulfuration du gaz et


consommait 400.000 tonnes dans les industries de phosphates et darmement.

Sans dissimulation, les responsables prsents (le directeur gnral tant convoqu
Bagdad pour subir lopration du tarchiq) nous avaient fourni les cots de production
carreau mine et le prix de revient rendu FOB Aqaba (variant entre 45 et 70 dollars/tonne)
et taient disposs fournir du soufre lOCP que notre guide connaissant bien pour
avoir visit le complexe chimique de Safi.

Aprs des changes de points de vue avec les gologues, nous avons retenu que
lIrak dispose l, dun des plus grands gisements de soufre sdimentaire au monde,

248
estim 1 milliard de tonnes, avec des indices en cours de reconnaissance sur plus de 200
km pour valuer le potentiel des horizons quaternaires.

Les chiffres sont provisoires, le potentiel rel est plus important signala le
responsable en second du centre, alors que nous examinions des carottes de sondages
montrant des couches minralises de 60 m 100 m de puissance.

Nous avons gard une bonne impression du centre de Mishreq, bien structur,
conduit par des ingnieurs comptents, o des ouvriers polonais taient venus remplacer
les Irakiens appels au front iranien.

A lentre du complexe, un immense tableau affichait les portraits de ceux tombs au


champ dhonneur, essentiellement des jeunes de moins de trente ans.

Avant Mossoul, nous nous sommes arrts la base de Hammam Al Anin, o un


gologue nous avait montr des carottes de sondages, dont certaines avec des passes de
soufre natif de plusieurs dizaines de mtres.

Nous sommes au dbut de la reconnaissance, le soufre est partout, mme au--del


de la rive gauche du Tigre considre jusqualors sans intrt. Nous envisageons de crer
autour de la ville thermale de Hammam Al Anin, des units industrielles et le
dveloppement dactivits touristiques , dit le chef de la base, trs enthousiaste pour
lavenir conomique de la rgion.

Aprs la traverse de la localit de Qayarra, nous sommes arrivs Mossoul avant le


coucher du soleil, observant tout autour sur les points hauts, des rampes de missiles sol-
air et des batteries de dfense antiarienne, doublant dimmenses camps militaires
abritant les divisions blindes et dinfanterie mcanise.

La psychose dattaques ariennes surprises des Iraniens navaient pas empch la


population civile de vaquer ses occupations ordinaires.

Mossoul, ville tire le long des rives du Tigre, bnficiant dun climat clment, dune
eau abondante et dune vgtation luxuriante.

La ville a t construite proximit de lancienne cit assyrienne de Ninive (Niniwa),


capitale de lancien empire msopotamien ayant domin lOrient du 9 au 7 sicle avant
Jsus Christ, notamment lapoge du roi Assourbanipal, conqurant du royaume de
Babylone et de lEgypte.

Dans le secteur de Mossoul, des fouilles avaient mis en vidence des vestiges
assyriens et un grand trsor constitu de pices dor, dcouvert dans la rgion de Nimrod,
ville dAssyrie sur le Tigre, fonde au 13 sicle avant Jsus Christ.

Mossoul est le bastion des Kurdes irrdentistes, opposs au rgime baasiste de


Bagdad, reconnaissables leur facis typique et leur tenue caractristique (pantalon
bouffant et turban).

Le particularisme kurde tait accept avec mfiance, la langue kurde, proche de


liranien et du turc, est enseigne avec larabe.

Nos htes, arabes, vitaient de soulever le problme du Kurdistan, en se rfugiant


derrire lignorance du dossier.

Au Palace Ninive, magnifique ensemble htelier aux formes assyriennes, ralis avec
le concours de socits indiennes et gr par un personnel mixte gypto- indien, deux
mariages, lun de rite musulman sunnite, lautre de rite chrtien, taient clbrs
bruyamment dans les immenses salons du Palace.

Aprs une courte pause, nous avons circul travers la Rue des Fruits Secs,
clbre par ses choppes de pistaches, de raisins secs et de loukoum, puis long la

249
corniche en bordure du Tigre, trs frquente, avec ses cafs, ses restaurants et ses
stands dattractions pour les nombreuses familles.

A la mosque du Prophte Jonas (Younous), nous avons effectu la prire dAl Icha,
parmi trs peu de fidles.

Le lendemain matin, en traversant le Tigre par un pont, vestige de loccupation


britannique, nous avons crois un groupe douvriers chinois se rendant pied leur
travail, venus assurer, la demande des autorits irakiennes, la relve des Irakiens
engags dans les diffrentes units combattantes du front Nord avec lIran.

Aprs une visite rapide des Mosques Bossues de la vieille ville, nous avons repris
le chemin de Bagdad par lautoroute emprunte toujours par un flot continu de camions
citernes turcs, venant sapprovisionner en ptrole raffin.

Vers 13 heures, nous sommes arrivs Bagdad sous une chaleur torride.

En fin daprs-midi, nous avons tenu une sance de travail GEOSURV avec Aldouri
et ses collaborateurs pour tirer les conclusions de notre mission.

Comme marque de confiance et convaincu du srieux et de lefficacit de


lintervention minire marocaine en Irak, Aldouri voulait impliquer davantage le BRPM
dans la recherche minire au Kurdistan par lenvoi dune mission pour laborer un
programme dactions sur une zone de 17.000 Km, connue pour ses indices de plomb,
zinc, cuivre, fer, marbre, etc.

Lhatoute, aprs avoir donn son accord de principe, suggra la visite des lieux en
juin 1989 par la mission susvise, comprenant des gologues et des foreurs, pour
approfondir les discussions, examiner lensemble des documents disponibles GEOSURV
et faire des propositions concrtes.

Nos discussions amicales et dcontractes furent sanctionnes par la signature dun


procs-verbal marquant la disposition des deux parties poursuivre et dvelopper leur
coopration dans les domaines de la prospection gologique, de la recherche minire et
des tudes de mise en valeur des gisements en Irak.

A la tombe de la nuit, Raad nous avait accompagns au quartier commercial pour


effectuer quelques emplettes des prix trs abordables, avant un dner officiel au
restaurant Al Hamra o le service fut assur avec dlicatesse et comptence par des
Marocains et des Egyptiens.

De retour lhtel vers minuit, nous fmes accueillis comme tous les soirs par des
processions de mariages.

Tt le matin, nous avons rejoint laroport pour prendre le vol de la Royal Jordanian
en partance sur Amman.

Le survol de lIrak du sud montre un paysage verdoyant, fait de champs tirs au


cordeau, irrigus par des rseaux de canaux tentaculaires.

A haute altitude on avait le loisir dadmirer les grands lacs Tharthar, Abbaniya et
Razzah, utiliss pour rgulariser les cours du Tigre et de lEuphrate et loigner les affres
de la scheresse.

Mais trs rapidement, aprs le survol des secteurs des phosphates de Rutba et Qam,
nous avons quitt le monde de lagriculture millnaire pour le grand dsert de sable, nu et
vide jusquaux approches dAmman.
****
Aprs lIrak, et rpondant une invitation de lArab Mining Company, nous avons
rejoint Amman en Jordanie.

250
Accueillis chaleureusement laroport dAmman par Tabet Taher et Saad, et aprs
une courte pause, nous avons rejoint lhtel Palace Plaza travers Amman, compltement
transform depuis la visite en 1985 avec Chahid.

Au sige dARMICO, nous avons retrouv Tayssir et Alami, loigns des activits de
SOMIL, par suite dune dcision du Conseil dAdministration de ne pas perptuer des
domaines rservs en diversifiant les interventions des responsables.

Au cours de la runion de travail, nous avons fait part du souhait du Ministre de


lEnergie et des Mines et du BRPM de voir ARMICO simpliquer davantage dans la
recherche minire au Maroc.

Tabet Taher souligna lentire disposition dARMICO participer aux efforts de mise
en valeur de gisements marocains nouveaux, marquant sa satisfaction pour lentre de la
Socit Mtallurgique dImiter dans le capital de SOMIL par incorporation des crances,
et son accord pour le programme de recherches complmentaire pour dvelopper les
rserves du gisement dargent de Zgounder.

Par ailleurs, suite la demande irakienne, le BRPM et ARMICO avaient convenu de


conjuguer leurs efforts pour intervenir en Irak dans la recherche et le dveloppement
miniers.

Pour marquer leur bonne apprciation de la coopration fructueuse avec


lAdministration des mines, ils dcidrent de me copter comme administrateur au Conseil
de SOMIL.

Aprs une visite des nouveaux quartiers rsidentiels, nous avons rejoint lauberge
des Sept Collines, parmi les prairies fleuries et embaumes et des bosquets de pins,
pour participer un djeuner trs amical, au cours duquel nos changes portrent, entre
autres, sur les perspectives peu reluisantes et dgrades des relations inter arabes.

Laprs midi fut consacr la visite de la ville en compagnie de Saad et le soir, nous
fmes convis dner au restaurant panoramique du Hyatt Regency, anim par un jeune
groupe libanais ; une dlgation de lArme amricaine invite de lEtat Major jordanien
tait parmi lassistance.

De retour au Plaza Hotel, tard la nuit, nous avons retrouv comme Bagdad, des
processions de mariages.

Le lendemain matin, dimanche, la radio jordanienne diffusa, durant plus dune heure,
une messe orthodoxe en arabe, avec des extraits de la Bible rcits comme les
incantations et les dclamations des versets du Coran.

Il faut signaler quen Jordanie, les Chrtiens, quoique minoritaires, mais plus cultivs
que les Bdouins, occupaient des postes importants dans le ngoce, la bijouterie, et
mme au sein de larme.

Par ailleurs, la socit jordano-palestienne ne connait pas de dissensions entre


Musulmans et Chrtiens, contrairement lEgypte o la minorit copte subit
sporadiquement des exactions et des massacres perptrs par des extrmistes
musulmans de Haute Egypte.

A laroport, tous les collaborateurs de Tabet Taher parti pour Londres la veille,
taient venus nous saluer.

Nous avons travers plusieurs barrages et fait lobjet de fouilles, car ce jour l, les
membres du Bureau Politique de lOLP partaient pour Tunis assister une runion de la
Centrale palestinienne.

251
A lescale de Tunis lavion stait vid avec le dbarquement des Palestiniens,
larrive Casablanca eut lieu dans les temps prvus.

Que dire de cette mission


Elle fut riche et passionnante, car, et contre toute attente, aprs une guerre, longue
et meurtrire avec lIran, nous avons dcouvert lIrak en plein boom conomique, o les
squelles dun conflit de huit ans sestompaient.

Ds notre arrive laroport Saddam, on avait senti lordre impos par un rgime
spartiate, domin par le parti Baas omniprsent et omnipotent.

Bagdad, labbasside, dtruite par les Mongoles dferlant de lAsie Centrale, tait une
immense mtropole nayant pas souffert des tirs de missiles ou des bombardements
iraniens, bnficiant de la sollicitude du rgime et tirant profit de la mobilisation gnrale
pour stendre, sembellir, sarer, se moderniser et squiper.

A ct des difices administratifs, avaient t crs des complexes hteliers de


premier ordre, des quartiers rsidentiels, des installations sportives et de gigantesques
monuments la gloire des martyrs tombs sur le front iranien, le tout visant galvaniser
la population, la tenir constamment sous tension pour faire face toute ventualit.

Les vieux quartiers rass ont laiss la place des constructions en bton comme pour
occulter le pass et le Bagdad des Mille et une Nuits.

En Irak du sud (Chott Al Arab) et au Kurdistan, de gigantesques travaux taient


consacrs aux infrastructures de base, la bonification de nouvelles terres agricoles,
sous-tendus par dimmenses rserves en hydrocarbures, soufre, phosphates, et des
disponibilits en eau (cas rare au Moyen Orient).

Le pays disposait de 2.500 km dautoroutes reliant toutes les grandes


agglomrations, assurant les liaisons rapides avec le Kowet, lArabie Saoudite, la
Jordanie, la Syrie, la Turquie et lIran, compltes par des routes asphaltes pour
dcongestionner les provinces et en assurer le contrle en cas dvnements.

Un rseau de canaux, issus du Tigre et de lEuphrate et relis aux lacs et dpressions,


achemine leau vers les zones potentiel agricole.

Pour remdier aux insuffisances en main duvre, les Irakiens avaient fait appel
entre autres aux ouvriers gyptiens et marocains pour travailler la terre et assurer les
services dans le tourisme.

Llectrification gnralise, arrive jusqu la moindre bourgade, la puissance


installe (6.000 MW) et le prix de kWh (0,12 DH) tant des atouts majeurs et indniables
pour promouvoir lindustrialisation du pays.

Malgr la svrit du rgime et lomniprsence du parti Baas, un vent de libralisme


tait perceptible travers le dsengagement de lEtat des petites et moyennes
entreprises, le contrle des domaines stratgiques (leau, llectricit, les transports, les
tlcommunications, les banques et les hydrocarbures).

Dans une socit tolrante, la majorit chiite (60%) navait pas t influence par la
propagande iranienne, lappartenance la nation irakienne tant plus forte que les
incitations des ayatollahs renverser le rgime impie de Saddam ; le chiisme irakien
ntait pas aussi fanatique et obscurantiste quen Iran.

Lanimosit demeurait vive pour le rgime syrien accus de tous les maux et de
trahison avec lIran ; les frontires avec la Syrie taient fermes, la guerre des ondes
battant son plein, dans un Moyen Orient connu pour ses frquents coups de thtre et o
la hache de guerre peut tre enterre aussi vite quelle a t sortie.

252
LIrak, quoique meurtri et saign par le long conflit avec lIran, soutenu en
soubassement par lOccident, tait sur la voie de la reconstruction et du dveloppement
sans prcdent.

Pour nous, aucun indice ne prsageait des terribles destructions humaines et


matrielles intervenues moins de deux annes plus tard lors de la Premire Guerre du
Golf aprs loccupation du Kowet par les troupes de Saddam.

La premire intervention du BRPM dans un pays arabe fut un grand succs sous tous
les aspects ; le professionnalisme et le comportement digne du personnel marocain
avaient montr aux Irakiens les immenses possibilits de notre pays en matire de
travaux miniers et de matrise des oprations dans des terrains marcageux et difficiles
traverser.

Lintervention du BRPM dans la recherche minire au Kurdistan au Nord, aprs son


intervention apprcie au Sud, pourrait trouver dans un Irak apais, un terrain de
prdilection permettant au know how minier marocain de sexprimer avec clat.

Avec ARMICO, nous avons enregistr une nouvelle prise de conscience des
responsables quant une participation plus importante et cible dans les affaires
minires au Maroc, notre pays tant considr dans le monde arabe, comme le plus
crdible aux plans technique et de la gestion des affaires.

La Jordanie avait tir profit du conflit irako-iranien et des vnements au Liban, et


lessentiel du trafic extrieur de lIrak transitait par la Jordanie et par le port d'Aqaba en
empruntant la route du grand dsert sur plus de 1.000 Km de territoire jordanien, en
direction de Bagdad.

Dimportants investissements des pays du Golfe, fuyant le Liban, taient venus


sinstaller dans le Royaume Hachmite, avec des retombes conomiques considrables,
malheureusement limites limmobilier luxueux Amman.

Linvestissement dans la pierre nest pas rentable, lostentation est condamnable ,


nous dit Saad, comme pour expliquer les derniers vnements Maan (bastion des
Bdouins fidles du rgime) qui avaient secou lestablishment jordanien et montr la
ncessit des rformes structurelles profondes de la socit.

En Jordanie, les soubresauts ayant secou le Sud Maan, taient peut tre le prlude
de grands bouleversements, malgr la position de wait and see des Palestiniens
traumatiss par le souvenir de Septembre noir de 1970.

253
Troisime voyage
En Guine Conakry
Au retour du Moyen Orient, ce furent les problmes des Charbonnages qui avaient
proccup lAdministration des Mines et le BRPM, la socit tant au bord de la faillite et
en cessation de paiement depuis des mois dj.

Le dossier pineux des explosifs avait t clarifi aprs ladoption unanime de la


circulaire dorganisation du secteur de production, de transport et dutilisation.

A la Direction des Mines, lintroduction de linformatique avait fait son chemin au


niveau central avec beaucoup de progrs malgr les moyens demeurs insuffisants pour
assurer et garantir les quipements ncessaires et appropris e un travail de fond pour
nos cadres.

De plus, au niveau rgional, le gap tait encore difficile combler; toutefois, nous
avions confiance en une amlioration substantielle dans peu de temps avec une
sensibilisation de nos cadres.

Aprs la runion du Conseil dAdministration de la CADETAF prsid par le Ministre


Fettah Errachidia, ayant enregistr lamlioration gnrale du secteur artisanal et les
perspectives prometteuses, et un dplacement Amman pour le Conseil dAdministration
de la Socit SOMIL(filiale du BRPM et ARMICO), jai effectu pour la troisime fois, en
juin 1990,une mission en Guine, en compagnie de Skalli Administrateur Directeur
Gnral de Touissit et Wadjinny, Responsable du service gologique de la mme socit.

Lobjectif tait de clarifier, puis de redynamiser les relations maroco-guinennes en


matire de mines et gologie remontant plusieurs annes, quelque peu perturbes ces
derniers temps, et de remettre un message personnel du Ministre, Fettah, son
homologue guinen, Sylla.

Auparavant, les principaux groupes miniers marocains (BRPM, ONA, CMT), avaient
constitu un syndic de recherche en Guine et son pilotage confi Touissit, et une
socit, lAfricaine de Recherche et de Dveloppement (ARD), fut cre pour en assurer le
support logistique et technique.

Dans le sillage de ces dcisions, des missions de gologues marocains confirms


avaient reconnu le site de Mandiana la frontire du Mali, pour en estimer le potentiel en
or avant de lancer une vritable campagne de recherche.

En labsence de support juridique et administratif convenable, hormis le permis de


recherche dlivr en novembre 1989, lARD avait jug bon de ne pas renforcer sa
prsence en Guine et de ne pas prendre des risques inutiles, induisant une raction des
Guinens quant au retard des interventions marocaines dans leur pays.

Au pralable, avant notre voyage, Skalli avait pris contact avec lUnion Minire Belge
exploitant un gisement dor prs de Siguiri, lest de la Guine, proche de la frontire
malienne.

Notre souci tait dapprcier, travers une visite dune exploitation en cours, les
conditions acceptes par les Guinens pour oprer dans leur pays.

Devant assister Goulmima aux obsques de mon proche et ami, Kouch, disparu
tragiquement dans un accident de circulation prs de Mekns, je dus faire laller et retour
Rabat-Goulmima dans la journe du dimanche 19 juin, (1.200 Km) pour prendre le vol
Casablanca Conakry du lundi.

Lavion envahi par des enfants guinens bruyants, regagnant leur pays en fin danne
scolaire, avait fait escale Dakar.

254
A larrive Conakry, nous fmes accueillis par lAmbassadeur du Maroc, El Fassi,
venu avec son pouse saluer leur fils qui rentrait au Maroc, entour de ses collaborateurs
et par des reprsentants du Ministre guinen des Ressources Naturelles et de
lEnvironnement.

Latmosphre tait lourde et lhumidit intense suite aux dernires pluies diluviennes
de la veille.

La traverse de Conakry par lunique axe routier, appel exagrment lautoroute,


nous avait montr une cit grouillante de monde et dlabre o lafflux des paysans de
lintrieur avait grossi le lumpen proltariat avec ses nombreux problmes de scurit et
dapprovisionnement.

Partout, foisonnaient les petits commerces et les marchands ambulants que les
autorits narrivaient pas endiguer.

Nous avons rapidement rejoint lhtel Novotel lextrmit de la presqule, dans le


quartier des ministres proximit de la Cit de lOUA oeuvre des artisans marocains,
offerte par notre pays au peuple guinen du temps de Skou Tour en reconnaissance de
son appui sans rserves pour nos causes nationales.

Le Novotel tait le seul endroit dcemment entretenu o se retrouvait la colonie des


expatris europens ou libanais, tous des intermdiaires redoutables dans le commerce
de gros.

Le soir, au dner chez lAmbassadeur, El Fassi, dans sa villa prs du Novotel, en


labsence du Ministre Sylla, taient prsents des responsables du Dpartement des
Ressources Naturelles et leurs pouses peu disertes durant toute la soire, au grand dam
de Madame El Fassi, trs expansive et affable souhait.

Dans une ambiance dcontracte et chaleureuse, lAmbassadeur nous avait fait part
des difficults de la vie diplomatique et des problmes rencontrs constamment pour la
scolarit de ses enfants, par suite de ses nombreuses tribulations travers le monde.

LAmbassadeur, vieux routier des affaires diplomatiques, ancien reprsentant du


Maroc dans plusieurs pays africains, connaisseur averti de la Guine, avait insist sur
linfluence du lobby franais aprs la mort de Skou Tour, et la baisse de laudience du
Maroc auprs des officiels du Cabinet du nouveau Prsident, Lansana Cont, suite aux
dmls inhrents la cration dune banque maroco-guinenne.

Le lendemain, conformment au programme, nous avons t reus par le Ministre,


Sylla, pour une longue sance de travail.

Depuis un temps, quelque chose grince avec le Maroc, nous souhaitons avoir avec
vous une explication franche. On nous a signal vos difficults financires,
administratives et de transport. La Socit Financire Internationale nous a informs de
votre approche pour bnficier dun financement, et nous en dduisons que vous avez
aussi des soucis pour dmarrer des travaux en Guine. Ce qui nous mne douter du
devenir de notre coopration ; dailleurs, dans ma dernire lettre jai fait part de mes
apprhensions mon frre, le Ministre Fettah ; pour nous, le projet de convention est fin
prt, mis au point avec dautres dpartements ministriels intresss, et aprs son
examen de votre part, nous pourrions lofficialiser loccasion de la prochaine visite de
Monsieur Fettah en Guine , avait soulign le Ministre Sylla, laissant supposer que le
Maroc bnficiait Mandiana dun rgime de faveur exceptionnel.

Rpondant au Ministre, nous lui avons tout dabord remis le message du Ministre
Fettah, affirm notre souci de rester fidles aux engagements pris ensemble en fvrier et
octobre 1988.

255
Puis, avec vigueur et dtermination, nous avons dmenti lexistence de problme de
financement du ct marocain, tout en signalant que malgr labsence de tout accord sur
les conditions dassociation, ni de support juridique et administratif, la partie marocaine
travers lAfricaine de Recherche et de Dveloppement (ARD), avait dj engag depuis
janvier 1989 plus de 200.000 dollars.

La rfrence aux dispositions du code minier guinen, postrieures nos accords,


tait inacceptable et nous ne saurions agrer des conditions en retrait par rapport celles
consenties des promoteurs extrieurs, de surcrot, non africains.

Alternativement avec Skalli, nous avons essay de clarifier notre position et de


marquer notre ferme volont de tout mettre en uvre pour poursuivre notre effort de
coopration, sans ambigut, dans la srnit et la confiance mutuelle.

Visiblement convaincu par nos interventions, Sylla stait montr finalement et


apparemment satisfait de notre dtermination poursuivre notre action de mise en
valeur du gisement de Mandiana.

Devant se rendre Monrovia pour examiner avec les autorits libriennes le dossier
du gisement de fer du Mont Nimba, il chargea Diallo, Secrtaire Gnral du Ministre, de
poursuivre les discussions en vue daboutir un accord satisfaisant pour les deux
partenaires.

LAmbassadeur du Maroc avait conclu en souhaitant le dveloppement et le


renforcement de la coopration, dans lintrt bien compris des deux parties.

Immdiatement aprs, nous avons rejoint laroport, accompagns de Coulibaly,


coordinateur du Projet Mandiana.

En Guine orientale
Un avion de la compagnie AREDOR charge du dveloppement des gisements dor et
de diamants en Guine, nous transporta en deux heures la mine de Siguiri, aprs avoir
survol basse altitude la Guine, avec ses plaines inondes, ses collines boises, ses
vastes tendues de hautes herbes et ses fleuves charriant des dbits deau considrables,
linstar du fleuve Niger tranant majestueusement ses eaux charges de latrite.

Le pays nous avait sembl vide, la population tant concentre dans quelques
agglomrations et hameaux.

Les voies de communications taient inexistantes et les forts denses.

Nous sommes rendus Siguiri lheure prvue, aprs un atterrissage sur une piste
de brousse, reus par les reprsentants belges de la Socit Aurifre de Guine (SAG),
alors que des techniciens amricains et australiens repartaient sur Conakry par vol retour,
accompagnant une cargaison dor, discrtement charge bord de lavion et escorte par
des militaires guinens.

Nous avons rejoint le centre minier Koran 20 km, aprs avoir travers la
bourgade dlabre de Siguiri, chef lieu de la Guine orientale.

Le village minier, implant dans un magnifique site, comprenait des maisons


spacieuses pour les expatris, des blocs de logements pour le personnel local, un
conomat, un dispensaire et des chambres dhtes avec air conditionn.

Les responsables, Chics et Warsen, nous avaient fait la visite des lieux.

Certains expatris vivaient avec leurs familles et leurs loisirs sorganisaient autour de
la pche, de la chasse ou des caisses de bire belge Jupiter.

256
Le climat est supportable, les grosses chaleurs rares ; les autochtones, tous
musulmans, sont agrables vivre et pas du tout agressifs pour nous , nous dit Warsen,
dgoulinant de sueur.

Aprs un repas sommaire la cantine du centre minier, nous avons fait le tour des
diffrents points dintrt minier et gologique parpills dans la fort, le long de la
rivire Koran.

La mise en valeur du gisement avait fait lobjet dune convention entre lEtat guinen
et la socit belgo-australienne Chevaning, le capital de la socit (SAG), tant dtenu
hauteur de 51% par Chevaning et 49% par lEtat guinen.

Lactivit portait sur lexploitation ciel ouvert de placers dont les rserves taient
estimes 10 ans, la capacit journalire de production de 2.500 3.000 tonnes de
minerai titrant 2g dor par tonne.

Lexploitation disposait dateliers dentretien bien quips, de moyens de production


et dexhaure puissants.

Leau dexhaure tait envoye vers les anciennes excavations ou recycle pour les
besoins du lavage du minerai.

Aprs lextraction facile par carrire, le minerai tait achemin par camions vers une
trmie en tte de concassage, suivi dun trommel de dbourbage ; les produits grossiers
taient envoys la digue striles implante proximit.

Les produits fins plus riches taient passs au jiggage pour obtenir par gravimtrie
un concentr rcupr dans un bac de sret, plomb et surveill la base des jigs, puis
trait sur des tables secousses suivies dun circuit damalgamation au mercure.

Le produit final tait dirig vers la section fusion et affinage pour obtenir des lingots
97,5%-98% dor, stocks dans une chambre forte avant leur expdition par avion
Conakry ; la production annuelle tait de lordre de 1.500 Kg, la production journalire
pouvant varier de 2,5 5 Kg.

A la fin de la visite, on nous avait annonc lannulation du vol retour sur Conakry par
suite de laffectation de lavion dautres missions urgentes et imprvues, nous donnant
le temps de discuter longuement avec nos htes.

Ainsi, au cours du dner chez le Directeur du centre, nous avons abord franchement
la situation de la SAG, lapplication de la convention et les relations avec lEtat guinen.
Les Belges nous avaient fait part de leur dsarroi et de leur profonde dception quant
la mise en uvre de la convention et du respect de ses clauses par leur partenaire
guinen.

Vous, les Marocains, vous tes en mesure de fixer, peut-tre dimposer, vos
conditions pour Mandiana do nous avons t carts, malgr notre proposition dun
programme de dveloppement de 2 millions de dollars , nous dit Warsen trs volubile
aprs plusieurs verres de whisky.

Chics nous informa de linvestissement engag Koran, valu 40 millions de


dollars dont 9,5 millions de droits dentre et 30,5 millions pour les installations et les
activits annexes.

Il aurait pu tre de 30 millions, si on avait affin ltude de faisabilit, notamment


au niveau des engins de carrire et des quipements de traitement ; de votre ct, veillez
faire des essais de traitement en usine pilote pour mieux dfinir le flow sheet et la taille
des quipements , nous signala Chics.

257
Nous avons not le rsultat marginal de lexploitation et les amliorations espres,
en diminuant les charges dexploitation et en portant la production 2.000 Kg par an,
prvisions probables, eu gard aux rserves potentielles et au cours de lor du moment
(de lordre de 350 $/once).

Pour la ralisation de son programme initi en 1984, la SAG avait bnfici


davantages fiscaux considrables (exonration dimpts et de droits de douane en phase
de construction du projet).

Ainsi, rgulirement des containers de matriel et dquipements taient achemins


de Bamako (Mali) et de Conakry sans subir de taxes.

Les carburants taient achets off shore et transports par camions par une
socit de gnie civil dirige par un Allemand rencontr la cantine de la cit.

Un circuit complexe de vente dor, de rglements des factures par lintermdiaire de


banques londoniennes, de dductions de charges, de remboursement des emprunts,
caractrisait cette activit de trading douteux.

Aprs ces oprations, les maigres rsultats dgags taient rpartis entre les
partenaires au prorata de leur participation au capital de la SAG.

Aprs les discussions, en labsence de Coulibaly, nous avons conclu que


linvestissement Mandiana tait jouable, condition que la convention avec lEtat
guinen soit claire, prcise et respecte.

Aprs dner, nous avons rencontr lquipe de gologues de la Compagnie Minire de


Touissit ayant sjourn dans le secteur de Mandiana et ralis un merveilleux travail de
reconnaissance, malgr les difficults matrielles et un environnement austre.

Profitant du dplacement de Wadjinny et Coulibaly Bamako, tout heureux, ils


avaient rejoint la capitale malienne pour rentrer Casablanca par le vol rgulier de la
Royal Air Maroc.

Le lendemain, en attendant larrive incertaine de lavion, nous avons effectu la


tourne des villages et des marchs avoisinants, en compagnie dun agent des services
administratifs de la SAG et dun chauffeur originaire de la rgion.

Partout, dans les villages, de nombreuses mosques marquent limplantation


profonde de lIslam propag au 16 sicle par des missionnaires marocains.
Les lieux foisonnent de petits commerces de poudre dor , nous avait-on dit.

Dans toute cette rgion orientale de la Guine, le commerce de lor tait tolr par
les autorits, et les tentatives de la Banque Centrale pour collecter la production des
orpailleurs, moyennant le versement dune partie de la vente en devises et le reliquat en
francs guinens, staient traduites par un chec, les orpailleurs ayant trouv et opt pour
des circuits dtourns plus rmunrateurs, en coulant vers le Mali tout proche 75% de la
production dor.

Je suis ladjudant responsable du district militaire, si vous avez besoin de mes


services, je suis ici le chef. Je sais que vous tes Marocains, vous tes donc nos frres et
nos parents , nous dit avec fiert un jeune homme au march du village, relay par un
autre jeune, hirsute :

Je suis lingnieur des mines responsable du secteur artisanal .

Dans un autre village, sous une tente, trnait le marchand dor, malicieux, barbiche
prominente, indiffrent, fier de sa balance de prcision, exhibant des sacs de billets de
banque guinens, refusant avec morgue de se faire photographier.

258
Des vieilles femmes, toutes dcharnes, taient venues lui proposer le produit de
leurs cueillettes, sorti soigneusement de petits tubes et dvers sur le plateau de la
fameuse balance de prcision.

A plusieurs reprises, le marchand auscultait les produits aurifres avec un petit


aimant pour liminer les inclusions ferrugineuses, puis pesait et repesait, pour enfin
calculer mentalement la valeur verser aux vendeuses.

Ces dernires comptaient et recomptaient leurs billets et nonchalamment,


repartaient dpites, non pour avoir t spolies, mais dues par le maigre produit dun
dur labeur, peine 3 ou 4 grammes dor, rarement plus.

Nous avons ensuite t la zone dorpaillage dans la fort, prolongement du


gisement de la SAG, constitu de latrite altre le long des ruisseaux.

De partout, affluaient des femmes, calebasses sur la tte, venues aider leurs maris ou
parents dans le lessivage des graviers aurifres sortis des trous dhommes de quelques
mtres de profondeur.

Des milliers dartisans, entasss sur quelques arpents de terre, se bousculaient,


sinvectivaient sans se bagarrer, chacun pour soi dans un trou de un mtre carr jusqu
puisement des potentialits aurifres ; rares taient les artisans qui disposaient dun
compresseur et dune pompe pour lexhaure.

Le niveau aurifre est huit hauteurs dhomme, soit environ 15 mtres , nous dit
un orpailleur en train de creuser son trou la main, sa femme et ses enfants en tte de
puits vacuant les dblais, les visages tendus et scrutateurs.

Les productions variaient de 100 200 grammes dor par an, vritable pactole pour
les familles.

Les accidents mortels dans les travaux seraient nombreux, par manque de
soutnement dans les creusements des puits.

Nous avons rencontr des artisans roulant en mobylettes Honda, preuve de leur
activit dorpaillage florissante.
Notre venue dans le secteur, suscita des mouvements de masse et trs vite notre
voiture portant le sigle SAG, fut entoure dune foule menaante, portant pelles, pioches,
massues, prte agresser les intrus trangers.

Quest ce que vous venez faire ici, nous spolier davantage, comme vous lavez
russi ct ; allez-vous-en et vite , disaient les meneurs dchans.

Nous tions pris dans une vritable nasse, tresse par des agitateurs anti-SAG, les
artisans nous prenant pour des agents de cette socit, venus enquter sur leur domaine
en vue de les expulser ou de les loigner.

Des visages dmonts, les yeux rougis de haine, nous faisaient face, sen prenant
notre accompagnateur guinen, accus dagent malfique de la SAG.

Calmement, nous avons laiss le soin ladjudant dexpliquer qui nous sommes,
savoir des invits de leur Gouvernement, venus sinformer des conditions locales Koran
pour mieux apprcier la mise en valeur du gisement dor de Mandiana.

Je vous avais dit ce matin de vous rfrer moi en cas de besoin ; avant de venir
ici, il aurait fallu mavertir pour vous accompagner et vous guider , nous lana
ladjudant, en grand mdium des orpailleurs trucids, semble-t-il, par le budget
prfectoral, raison de 45.000 francs guinens par puits.

259
Latmosphre stait trs rapidement dtendue lannonce de notre nationalit, et
les visages staient dcrisps pour devenir mme affables, avec une pointe de regret
pour avoir t agressifs.

Nous avons compris ltat de tension latente dans les rapports des artisans avec la
SAG, venue les spolier de leur gagne pain, disaient-ils.

Cette manifestation sur le tas, nous avait dmontr que toute action de
dveloppement en Guine, proximit des centres artisanaux, devrait tre mrement
rflchie pour viter de porter atteintes aux droits coutumiers des gens et de blesser les
susceptibilits locales et rgionales, souvent fleur de peau.

Il est dommageable que les immenses potentialits agropastorales de cette rgion ne


soient pas capables de suppler lactivit aurifre, loignant des esprits le dicton un
gramme dor vaut mieux quun pi de mas.

Sur le chemin du retour, sur un chantier de construction de logements sociaux, des


ouvriers guinens nous avaient accueillis par :

Nous aimons les Marocains, ce sont des gens honntes qui ne nous ont jamais
spolis sur leurs chantiers ; par contre ici, la SAG, cest le rgime de larbitraire .

A la cit minire, en retrouvant lquipe de direction de lexploitation, Saw,


lingnieur guinen chef de la section tablage jiggage, nous annona tristement :

Par suite dennuis mcaniques, la journe na pas t bonne, peine 2,5 Kg.

Warsen et ses compatriotes avaient disparu, dus dengranger une aussi faible
production de mtal jaune.

Vers midi, Wadjinny et Coulibaly taient de retour de Bamako alors que lon nous
annonait larrive de lavion dAREDOR, puis dmentie la fin du repas, par suite dun
retard imprvu.

Ce sera peut-tre pour demain , dit le beau frre du Ministre, Sylla, alors que
Coulibaly abattu, craignait lannulation de tous les rendez-vous Conakry.

Aprs dner, un terrible orage se dchana et se poursuivit toute la nuit, transformant


la cit en vritable lac qui disparatra comme par enchantement le lendemain, absorb
par la terre spongieuse.

Lavion annonc pour 9H30, ne venant pas, et en attendant, un gologue australien


nous fit un remarquable briefing sur les potentialits en or de la Guine orientale et
particulirement du district de Siguiri.

Pourquoi se focalise-t-on sur lor, alors que les potentialits agropastorales de la


rgion sont importantes , dis-je Coulibaly.

La rive gauche du fleuve Niger ou zone du Bouri est connue depuis des sicles pour
ses orpailleurs, les habitants stant spcialiss dans cette activit du temps du grand
Empereur Toure, pour acheter des armes avec le produit de leur travail. La rive droite,
vers Mandiana est peuple surtout dagriculteurs, dleveurs de btail, chargs de fournir
la nourriture aux autres populations. A Siguiri, les femmes travaillent durement parce
quelles ont t achetes par leurs maris qui, avant leur mariage, versent une dot
compose de 100 grammes dor, dix bufs et le travail de la terre de leurs beaux parents
durant deux ans me rpondit Coulibaly, avec sa bonhomie habituelle.

Coulibaly, inspir, avait poursuivi en traitant du phnomne de lincarnation, sa


famille dorigine malienne tant connue pour se rincarner dans lhippopotame.

260
Les hippopotames que vous voyez sur les bords du Niger et du Tinguessou, sont
des gens tranquilles, il ne faut pas leur tirer dessus , dit-il fermement.

Les habitants de ces contres sont musulmans, trs pratiquants, mais il subsiste
parmi eux un relent de ftichisme.

Au troisime jour, nous avons rejoint laroport lannonce du dcollage de lavion


de Conakry 7H30, mais ce dernier nayant pu atterrir cause des orages, le prochain vol
ne pourrait intervenir que dans deux jours.

Avec rsignation, nous avons dcid de rejoindre Conakry par la route, sur un trajet
de plus de 800 km, bord dune Land Cruiser de lARD, toute neuve, conduite par un
chauffeur guinen fier de nous mener travers la Guine, muni de sa rserve de kola
pour tenir le coup en restant veill.

Vous serez Conakry dans 12 heures , nous lana un cadre guinen.

A travers la Guine
Nous avons emprunt la piste en latrite battue, longeant le fleuve Tinguessou,
principal affluent du Niger que nous avons travers bord dun bac, pour dcouvrir des
terres noires en friche, avec quelques rares levages de bovins.

En prenant des risques, dans un environnement de marcages, de pistes dfonces,


de belles forts, doiseaux colors et de profusion de gibier, nous avons poursuivi notre
randonne travers des chemins difficiles emprunts par des quipes de Mdecins Sans
Frontires venues dispenser bnvolement des soins aux populations des villages et
hameaux isols dans lpaisse fort.

A 16H, nous tions Kouroussa, agglomration 70 km de Siguiri, o lunique


auberge, tenue par une Libanaise, nous fmes schement reus.
Je nai rien vous offrir, peut-tre boire, sinon je vous conseille daller
lauberge La Savane o lon sert des mets dlicieux , dit-elle.

Aprs un djeuner expdi la hte, et aprs avoir navigu travers une zone de
belles forts aux essences rares, nous sommes arrivs Dabola au coucher du soleil, au
moment o le muezzin appelait la prire.

De nuit, nous avons circul travers le Fouta Djalon, peupl de Peulhs, ethnie
reprsentant 40% de la population de la Guine.

Dommage que vous ne puissiez pas admirer de jour le Fouta Djalon, la plus belle
rgion de la Guine , nous dit Coulibaly.

Coulibaly, nostalgique de la priode Skou Toure, nous rappela que la Guine, faute
de langue nationale unique, avait opt pour le franais comme langue officielle de travail.

Ismal, frre de Skou Toure, satrape sanguinaire, est responsable des maux de la
Guine ; Skou Toure, dans la conscience populaire, est un leader charismatique, grand
tribun, dsintress matriellement, vivant simplement au milieu de ses livres. On peut
reprocher beaucoup de choses lancien rgime, le nouveau, chaperonn par le Gnral
Cont, nest pas pour autant efficace et populaire. , nous confia Coulibaly, reniant les
apports de la nouvelle classe dirigeante et de la diaspora guinenne.

La nuit sur la campagne guinenne tait terriblement obscure et les villages plongs
dans le noir absolu.

Les paysans sclairaient encore au ptrole lampant car le gaz ntait pas encore la
porte du commun des mortels.

261
Nous sommes arrivs minuit Mamu, grosse bourgade de 60.000 habitants, et
Kindia 2H du matin pour emprunter un tronon de route asphalte, bien entretenue,
correctement signale, uvre de socits allemandes.

Aprs 17 H dun priple fatigant mais trs enrichissant, nous sommes rendus, enfin,
lhtel Conakry 4H du matin.
***
A 9 H, fins prts, nous avons rencontr lAmbassadeur du Maroc, content de nous
revoir aprs stre inquit de la perturbation de notre programme et de nos
msaventures de voyage.

Nous lavons inform de la russite de notre randonne, ayant engrang moult


informations sur le secteur minier guinen et les possibilits relles de coopration.

Javais invit hier soir le Secrtaire Gnral de la Prsidence de la Rpublique, un


grand ami du Maroc, personnage trs au fait des problmes de son pays et qui regrette
vivement de ne vous avoir pas rencontrs , dit lAmbassadeur.

A 11H, nous avons tenu une sance de travail au Ministre avec Diallo, en prsence
des principaux responsables du Dpartement, alors que Kourouma, le Directeur des Mines
en poste, tait trangement absent, confirmant son viction et lincertitude rgnant au
sein de lAdministration des mines guinenne.

Dans cette situation confuse et non matrisable, nous avons essay de dfinir une
stratgie vis--vis de nos interlocuteurs guinens agits par un profond mouvement
brownien et convaincus que les anciennes lites avaient brad les intrts du pays, les
plaant entre les mains dtrangers, profiteurs, spoliateurs et dnominateurs.

Nous avons repris les discussions, conforts par tout ce que nous avons vu, constat
et remarqu durant notre dplacement sur le terrain et au cours des changes avec les
responsables de la SAG et Coulibaly.

La runion, trs anime, dura plus de deux heures pour clarifier la situation et lever
le voile des incomprhensions, et convaincre nos partenaires de notre bonne foi et de
notre dtermination aller de lavant dans la coopration avec eux.

Nos travaux furent sanctionns par les dcisions suivantes :

- ds le 26 juin, la partie guinenne adressera la partie marocaine, par la valise


diplomatique, un projet de convention relative la constitution dune socit mixte
dexploitation du gisement de Mandiana, accompagn dune rponse au message adress
par le Ministre, Fettah, son homologue, Sylla,

- sous quinzaine, la partie marocaine fera parvenir la partie guinenne, un projet de


texte modificatif de larrt instituant le permis de recherche accord lARD, prenant en
considration les dispositions du code minier guinen,

- sous quinzaine suivante, la partie guinenne fera part de son avis quant aux
modifications apporter ; en cas daccord, un nouvel arrt sera dlivr lARD,

- la partie marocaine sengage crer rapidement une socit de droit guinen,


installe Conakry, disposant de moyens adquats pour acclrer les travaux de
reconnaissance et de dveloppement du gisement de Mandiana, la fin de la saison des
pluies en octobre,

- les travaux Mandiana, financs par la partie guinenne, seront valus sur la base
des normes acceptables, la partie guinenne annonant dores et dj un montant de
500.000 dollars,

262
- le projet de convention relatif la socit mixte sera examin ultrieurement aprs
son tude approfondie par la partie marocaine.

Les dcisions ainsi prises auguraient dune coopration fructueuse avec les Guinens
soulags et acculs trouver une sortie honorable.

Pour nous, le ramnagement de larrt dinstitution du permis de Mandiana tait


un pas positif pour la sauvegarde de nos intrts immdiats et futurs.

En dbut daprs midi, lAmbassadeur Fassi, ravi des rsultats de notre mission,
nous convia djeuner en sa rsidence dans la Cit de lOUA.

En fin daprs midi, nous avons visit les quartiers rsidentiels pour trouver un
local destin abriter le sige de la future socit de droit guinen.

Le soir, laroport, accompagns de Saw et Coulibaly, satisfaits de lissue heureuse


de nos discussions, nous fmes chaleureusement salus par le Ministre du Plan, lui aussi
ravi des conclusions de nos travaux Conakry.

A bord de lavion de la SABENA en partance pour Bruxelles, nous avons longuement


convers avec les Ambassadeurs du Sngal et de Chine, tous les deux fins connaisseurs
du projet de Mandiana.

****
Peu de temps aprs, une mission guinenne conduite par le nouveau Ministre des
Ressources Naturelles et de lEnvironnement, Mohamed Traor, tait venue au Maroc
poursuivre les discussions relatives au gisement dor de Mandiana.

Les Guinens narrivaient pas adopter une position claire et dfinitive car
curieusement ils ne voulaient jamais prendre de dcision dfinitive; de plus avec eux, les
contacts, tout en tant affables, restaient striles

Pour lhistoire, un nouveau protocole daccord fut sign, marquant le dsir des deux
pays de cooprer troitement dans les domaines des mines et de lnergie, laissant la
latitude lAfricaine de Recherche et de Dveloppement pour trouver avec les autorits
guinennes un terrain dentente garantissant la relance rapide des interventions sur le
site de Mandiana.

Mais, malheureusement, nos multiples efforts ne produiront pas deffet, les Guinens
continuant tergiverser pendant longtemps, voulant peut-tre bnficier davantages
particuliers et occultes ; ce que nous naccepterons jamais.

La mise en valeur du gisement aurifre de Mandiana, dans le cadre de la coopration


maroco-guinenne, sera enterre pour toujours, au grand dam de ce qui croyaient comme
nous une coopration Sud-Sud et au principe de Win-Win, ou Gagnant-Gagnant.

263
Aprs vingt cinq annes,
Il faut continuer
Le 1er juillet 1989, en bouclant mes 25 annes de travail, principalement dans le
secteur minier, une premire squence de ma vie professionnelle tait arrive son
terme, empreinte de relative satisfaction et dincitation persvrer.

Je ne pense pas un seul instant, avoir brl les tapes ou bnfici de complaisance
grce mes accointances, mes appuis ou mes introductions, ne bnficiant ni de soutiens
particuliers, ni de supports occultes pour me parachuter des postes de responsabilit.

Jestime que ma volont et mon abngation inbranlables et permanentes, allies


ma modeste exprience des hommes et des choses, furent les bases fondamentales de
mon parcours professionnel duquel je navais tir ni fiert dmesure, ni propension la
flagornerie.

Faisant le bilan dun quart de sicle dactivit, anim de la mme flamme pour
continuer uvrer dans la mouvance des mines et de lnergie, en essayant dimprimer
mes actions une dynamique de progrs, je pouvais affirmer que la plus grande
satisfaction pour moi fut davoir tiss, avec mes collgues et mes collaborateurs de tous
grades, un rseau relationnel empreint, damiti, de respect, destime et daffection
rciproques, suscitant constamment en moi un immense et vritable bonheur intrieur.

Aprs lambiance chaleureuse des chantiers et des exploitations minires au BRPM


durant plus de dix sept ans, la Direction des Mines javais battu le record de longvit,
avec lespoir de sortir trs prochainement du Principe de Peter pour aller sous dautres
cieux ou occuper dautres responsabilits.

Jeus un immense plaisir travailler avec une pliade de jeunes talents qui, grce
leur savoir, leur esprit dinnovation et leur obstination vouloir modifier les mthodes de
travail, ambitionnaient de ne pas rester ancrs dans un milieu ossifi.

En ayant visit le plus grand nombre de centres miniers et paraminiers, je pense tre
le plus proche du monde des mines et des mineurs par mes actions quotidiennes et par
mon cur.

Il fut important pour moi dans lexercice et la plnitude de mes fonctions, sans
adopter un profil bas, de canaliser les nergies, de les encadrer, de leur accorder toute la
latitude ncessaire pour sexprimer, puis de les responsabiliser tout en exigeant de rendre
des comptes (ou accountability comme disent les Anglo saxons).

Tout en persvrant dans leffort, avec un chemin bien balis, malgr quelques
niches dimperfections, nous avons continu la Direction des Mines notre chevauche
fantastique lance rsolument et avec conviction au BRPM, pour raliser dautres
avances dans le progrs.

Pour ma part, jestime quadopter une position contraire tait une hrsie, voire un
crime inqualifiable pour le devenir du BRPM et de lAdministration des Mines que nous
voulions tous plus dynamiques, plus justes, plus percutants et moins bureaucratiques
dans lexcution des tches au service de lEtat et des citoyens.

Ainsi, dans le cadre de notre plan dactions la Direction des Mines, nous avons lanc
et achev les prparatifs du sminaire Mine et dveloppement rgional, activit visant
sensibiliser les oprateurs miniers et le public sur le rle des activits minires dans le
dveloppement socio-conomique des rgions et leur impact sur les collectivits
territoriales.

264
Le sminaire avait analys le rle de la mine dans le dveloppement conomique
rgional et son apport macro-conomique de par sa spcificit qui sinsre parfaitement
dans le cadre de la dcentralisation et du dsenclavement de plusieurs rgions du pays.

Le sminaire, aprs des dbats anims eut un large cho et avait montr que les
activits minires sont de relles actions de promotion, de dsenclavement, de crations
demplois et productions de richesses dans plusieurs provinces du pays.

La construction de routes daccs, de cits minires quipes dinstallations socio-


ducatives et les amenes deau et dlectricit, sont bien les facteurs importants dans le
dveloppement conomique de ces ^provinces.

Le sminaire avait t cltur avec des recommandations pertinentes, prconisant


entre autres le rapprochement avec les Grandes Ecoles et les Instituts de recherche
fondamentale pour dvelopper la mise en uvre plus large chelle de loutil
informatique

Par ailleurs, faisant suite aux dcisions prises par le Gouvernement pour acclrer et
simplifier les procdures relatives lapurement des dossiers dinvestissements, des
runions furent tenues avec les oprateurs miniers pour les informer de la disponibilit de
lAdministration les accompagner dans ce sens.

Tout en se flicitant et en louant laction pertinente de la Direction des Mines, les


oprateurs miniers avaient manifest leur mcontentement quant leurs relations avec
les autres administrations, notamment pour ce qui avait trait la mise excution des
avantages octroys par le code dinvestissements miniers.

Nos interventions avaient permis de dbloquer bien des dossiers en souffrance,


redonnant confiance au secteur minier pour renforcer ses activits dinvestissement dans
la recherche et le dveloppement.

Par ailleurs, sur instructions du Ministre Fettah, je mtais rendu Layoune pour
examiner les raisons du mauvais climat de travail prvalant la dlgation du Ministre
de lEnergie et des Mines.

Il tait inadmissible que les agissements des responsables rgionaux (nergie,


mines, gologie) appels travailler en synergie, pussent remettre en cause les acquis
antrieurs et dcrdibiliser notre dpartement, aprs avoir consenti tant de sacrifices
pour construire et quiper cette dlgation sensible des provinces du Sud.

Ainsi, aprs lanalyse de la situation et le contact avec lensemble du personnel, il fut


dcid de relever immdiatement tous les responsables de leurs fonctions pour les
remplacer par des cadres imprgns du souci de servir dabord lEtat et non des intrts
personnels ou partisans.

Javais saisi loccasion de mon passage Laayoune pour visiter les installations de
Phosboucra, en compagnie de mon fils Karim.

En juin 1989, un dplacement Touissit avec Skalli fut loccasion dapprcier le


travail remarquable accompli par CMT pour exploiter rationnellement le gisement,
engager un programme de recherche consquent pour mettre en vidence de nouvelles
rserves riches en plomb.

Il faut rappeler que le premier centre minier de Touissit, dcouvert en 1907, avait t
mis en exploitation ( ciel ouvert et en souterrain) au dbut des annes trente, puis
dvelopp par la Compagnie Royale Asturienne des Mines (CRAM) en 1950 la suite de
dcouvertes intressantes dune minralisation de plomb zinc avec des traces de cuivre.

265
Le gisement avait t considr comme puis en 1975 aprs avoir produit plus de
10 millions de tonnes de minerai (350.000 tonnes de plomb mtal et 175.000 tonnes de
zinc mtal).

La Compagnie Minire de Touissit (CMT), aprs une vaste campagne dinvestigations


gologiques et minires, prendra par la suite le relais aprs la dcouverte des riches
gisements de Beddiane et Oued Mekta dont les rserves globales exploitables taient
estimes en 1986 environ 4.000.000 tonnes de minerai 15% plomb et 1% cuivre.

Outre la mise en place des moyens modernes dexploitation, dextraction et


denrichissement des minerais, les diffrentes exploitations minires eurent faire face
des problmes dexhaure avec des venues deau de 100m3 500m3/heure,
harmonieusement combattues aprs la mise en place au fond dimportants quipements
et dinfrastructures de pompage, loignant ainsi les risques dinondations soudaines et
imprvisibles.

Lors de notre visite, une grve du syndicat UMT secouait le centre minier depuis des
semaines, perturbant lactivit dexploitation et denrichissement.

Malgr la venue dans lOriental du Ministre Fettah pour inaugurer des projets de
dveloppement rgional, la grve, caractrise par des luttes intersyndicales et des
surenchres la veille dune anne lectorale, stait poursuivie durant tout le mois de
juillet 1989, et ne prendra fin quaprs un accord entre les parties pour mettre en place
une structure permanente de concertation et de dialogue.

Aux CDM, la Direction des Mines fut sollicite pour suivre lvolution de la situation
critique, assombrie par la remise en cause de toutes les actions engages par le BRPM
pour sortir lentreprise du marasme, relaye par les mdias et les agissements malsains
du personnel de Jrada qui, comme par le pass, stait oppos toute instauration des
rgles de discipline pour endiguer la crise.

Aux bureaux des CDM Rabat, des agents irresponsables, soucieux de se maintenir
leurs postes Malgr2 tout, avaient donn du fil retordre aux nouveaux responsables
dlgus par le BRP0M, suivis par des tentatives de grves sauvages obligeant les
pouvoirs publics acclrer la mise en place du plan de sauvetage pour faire face aux
problmes urgents.

A SEFERIF, le Conseil dAdministration, tout en enregistrant les maigres rsultats


positifs obtenus, avait insist sur la poursuite de leffort de rduction des charges et
dassainissement du bilan par la compression des effectifs et des charges de toutes
natures, paralllement la poursuite des oprations de production des oxyds, de pyrite
et de magntite pour honorer les contrats avec les clients allemands, tunisiens et
albanais.

Toutefois, comme pour les CDM, tous les dpartements ministriels concerns
staient accords pour hter, dans lordre, la fermeture des plus importantes et des plus
anciennes mines de fer qui ont marqu lhistoire de la zone du Rif et du Maroc.

A Sel Mohammedia, la visite de la mine par les membres du Conseil dAdministration,


nous avait montr une exploitation 400m de profondeur, bien organise, sur la voie dun
rel redressement, et ce, malgr une situation financire proccupante inhrente son
passif. Une rduction des charges damortissement et financires permettra moyen
terme de rentabiliser lexploitation de sel petite cadence et dentrevoir un avenir
meilleur dans le cas dune demande extrieure plus importante et des installations de
chargement mieux adaptes aux ports de Mohammedia et de Casablanca.

Concernant la barytine, la runion la Direction des Mines de la Commission ad hoc


en prsence de tous les producteurs, avait not une amlioration des prix, augurant dune
anne confortable, malgr le dumping effrn des Chinois et des Indiens arrivs en
conqurants sur nos marchs traditionnels dAmrique et dEurope du Nord.

266
Concernant les projets de textes lgislatifs et rglementaires (Statut du Mineur,
Rglement minier, Rglement de lExploitation des Mines, Rglement des explosifs et
accessoires de tir, Rglement sur lutilisation des machines vapeur et pression de
gaz), et malgr nos efforts de leur ramnagement et de leur actualisation, ils taient
rests en souffrance dans les tiroirs du Secrtariat Gnral du Gouvernement, et
deviendront obsoltes lorsquune dcision sera prise pour les examiner en Conseil de
Gouvernement.

Il faut noter la tenue dune runion, dans une ambiance tendue, chez le Premier
Ministre Azzedine Laraki, consacre lexamen de la demande de lOffice National des
Chemins de Fer (ONCF) daugmenter trs sensiblement les tarifs de transport des
phosphates et rejete par lOCP la jugeant abusive et sans fondement.

Il avait t demand au Ministre des Transports, Bouamoud, chatouilleux sur tout ce


qui touche son Dpartement, de revoir avec lONCF le niveau des tarifs proposs et
dapporter les justificatifs ncessaires.

Par ailleurs, le Ministre Fettah mavait charg darbitrer dans le diffrend entre le
BRPM et Sococharbo reprsents respectivement par Lhatoute et Aouad.

Tous les deux, de caractre difficile, staient opposs depuis des annes dans le
systme de gestion de Sococharbo, filiale des Charbonnages du Maroc, et par ricochet du
BRPM

Ce fut pour moi trs pnible darbitrer entre deux de mes camarades de promotion de
lEcole Mohammadia.

Plus tard, la nomination dun nouveau Directeur Gnral de Sococharbo (Mustapha


Alaoui), avec lvation, sur ma proposition, dAouad au titre dAdministrateur Dlgu,
navait pas calm les esprits.

Aprs une enqute mene par une commission que javais prside, comprenant
Bencheqroun, Adjoint au Directeur de lEnergie, et Bayali du Ministre des Finances,
Aouad, accus dindlicatesse notoire, fut remerci et Mustapha Alaoui confirm son
poste.

Aouad, irascible, me tiendra rigueur pour ne lavoir pas dfendu.

267
De lalpinisme aussi
Ladage un esprit sain dans un corps sain, sous-entend la ncessit de sadonner de
temps en temps au sport pour permettre au corps de se dsintoxiquer, dvaluer son
endurance, de mieux travailler, rflchir et percevoir.

Ce fut dans ce cadre que nous avons convenu entre amis descalader pour la
deuxime fois la chane dAl Ayachi, dans le Haut Atlas dominant majestueusement la
rgion de Midelt.

Aprs un premier essai laborieux et pnible en 1984, ce deuxime, aussi harassant et


puisant, mrite dtre cont.

Quinze randonneurs avaient particip lescalade, dont Peron, 65 ans, ancien


professeur la Facult des Lettres de Rabat, parlant parfaitement le Tamazight, retir
en France, fin connaisseur de lescalade de montagne, spcialiste de la traverse de lAtlas
depuis Imi N'Tanout dans le Haut Atlas Occidental jusqu Taza.

Au dernire moment, Fredericks, responsable du Peace Corps amricain au Maroc,


tait venu se joindre nous.

Nous nous tions retrouvs tous, le vendredi 11 juillet 1989, vers 19h30 Midelt,
lhtel Al Ayachi pour faire une dernire mise au point de nos prparatifs.

Apparemment tout baignait dans lhuile, nos amis de Midelt ayant tout apprt
depuis plusieurs jours, relativement la reconnaissance des lieux, au transport vers le
cirque de Jaffar, lapprovisionnement en nourriture et eau, et la disponibilit des
mulets monts par des guides de montagne expriments.

Aprs un grand dner chez les parents Lhatoute, nous sommes alls, relativement
tt, nous coucher pour tre frais et dispos le lendemain de bon matin.

A lappel matinal, tout le monde tait l : Peron et son pouse, Lhatoute et son
pouse Khadija, Fredericks, Ali Bennani, At Seddiq, Cherrat, Yahia Assou, Yahia Ahmed,
Lahcen, Abdelkader et moi mme.

Partis vers 5h du matin, nous avons embarqu Ali et son fils Omar au douar de
Berrem, alors que le jour commenait se lever et quune longue journe nous attendait.

A lentre du cirque de Jaffar, nous avons rencontr des touristes franais venus
camper parmi les rochers et les rares thuyas pargns par les bcherons.

Les valles verdoyantes du cirque de Jaffar dnotaient une anne pluvieuse, au


grand bonheur des nomades et de leurs troupeaux dovins et de caprins.

De bon matin, jonchs sur les rochers, des enfants, de loin, nous interpellaient
gentiment et joyeusement.

Aprs une dernire mise au point avec les chauffeurs sur la ncessit de demeurer
sur place jusqu 16h pour rcuprer dventuelles dfections, nous nous sommes lancs
lassaut des hautes montagnes dans la bonne humeur, sous un soleil dardant dj de
ses rayons les sommets de la chane de lAyachi.

Rapidement, travers les rochers et les pistes traces par les troupeaux, certains
participants avaient imprim un train rapide la randonne, sans mnager leurs forces,
alors que nous navions pas lintention de battre des records.

Peron, le spcialiste, circulait avec circonspection en aidant sa femme peu habitue


ce genre dexercice.

268
De loin, les nomades nous faisaient de grands signes de bienvenue et nous
souhaitaient bien du courage pour parvenir aux cimes de lAyachi.

Au bout du premier quart dheure, lpouse Peron avait commenc montrer des
signes de fatigue et doppression physique en altitude, et dj avec le reste du peloton
lcart commenait se creuser.

LAmricain Fredericks, habitu des randonnes travers les Appalaches, un grand


chapeau cow boy sur la tte, voluait doucement, vaillamment et srement.

Pour ma part, tranquillement, sans trop me dpenser, instruit des erreurs de 1984,
javais suivi les chemins muletiers parmi les crevasses et les rochers.

Suivez les chemins muletiers pour accder aux hauteurs, me disait la veille un
grand connaisseur des pistes de montagne.

Au bout dune demi-heure descalade du premier escarpement rocheux, un peloton


de tte stait constitu avec Lahcen, Cherrat et moi-mme, le reste de nos amis stalant
sur les pistes le long des flancs de la valle.

A 8H15, nous sommes parvenus au point de ralliement pour une pause petit
djeuner, devancs par les muletiers chargs de lamnagement du campement.

Le groupe se reconstituait dans la bonne humeur, au fur et mesure de larrive des


vaillants montagnards, dont certains, les visages livides, montraient dj de rels
signes de lassitude, par suite de lintensit de leffort pour braver le premier tronon de
800m de dnivele.

Seule lpouse Peron, avait prfr renoncer, laissant le soin son mari de relever le
dfi pour deux.

Arme de sa canne, elle tait retourne seule notre point de dpart du cirque de
Jaffar o lattendaient les chauffeurs.

Au petit djeuner, plusieurs montagnards staient bien remplis la panse.

Personnellement javais vit dlibrment de me surcharger, quelques morceaux de


sucre et un comprim vitamin avaient suffi pour retrouver le rythme et reprendre
vaillamment lescalade.

Avec Cherrat et Yahia, poursuivant notre ascension fulgurante, 10H15, nous tions
parvenus au deuxime point de ralliement, aprs une escalade de 2.400m de dnivele, le
reste du groupe emmen par Peron, tant bien distanc.

Nous avons retrouv lemplacement du camp de 1984, dans le mme tat, comme si
les lments de la nature navaient pas agi durant cinq annes.

En altitude, le panorama vers Zaouiat Sidi Hamza qui soffrait nous, tait saisissant,
les hautes valles et les escarpements du cirque de Jaffar taient encore plus
impressionnants.

Devant nous, se dressait le dernier piton de 300m, notre souffre douleur de la


premire escalade de 1984.

Nos compagnons arrivaient en petits groupes disperss, certains puiss et


haletants, dautres toujours vaillants et dtermins.

Le bataillon fut au complet 11H, mais les muletiers ntant pas au rendez-vous,
nous obligeant patienter jusqu 12H pour un djeuner rapide.

269
Lescalade reprit 13H par la face nord du massif montagneux, rondement mene
pour atteindre le point godsique en moins dune demi-heure, moi, distanant Cherrat et
Lahcen de peu et le reste du peloton de 15 minutes.

A laltitude de 3.698m (surnomme Ich NAli Ouhadi) le paysage tait sublime malgr
un lger voile de brume.

Pas la moindre trace de vie vgtale ou animale, mais de la pierraille battue par les
vents et la neige pendant plusieurs mois de lanne !!

Des traces davalanche taient visibles le long des cnes dboulis, et dans un col
haut perch en direction de Tounfite, subsistait un maigre nv suspendu.

Au fond de la valle menant au cirque de Jaffar, des tentes de nomades et leurs


troupeaux taient reprables par les blements des moutons et des chvres.

Alors que les visages staient dcrisps en prenant de lassurance aprs les dures
preuves de lescalade, nous avons pos pour la photo souvenir au pied du point de
triangulation mtallique install l depuis des dcennies.

Mais ce ntait pas lescalade lHimalaya, mais tout de mme un relatif exploit sportif
par des profanes comme la plupart dentre nous.

Aprs la reconstitution du groupe 14h, Peron, alerte et dans son lment, nous
signala quil restait deux sommets encore plus hauts atteindre.

Nous tions repartis de nouveau lassaut des hauteurs, cheminant travers un


dsert de pierres brunes, calcines et tranchantes.

Lorage commena gronder et le soleil tait compltement voil.

Un frisson nous avait traverss, mais heureusement lorage ne tarda pas sloigner
en direction de lEst vers Rich et NZala.

En tte avec Peron, nous avons longuement devis sur les bienfaits des randonnes
en montagne, loin de la vie trpidante des villes surpeuples et dune nature
environnante pollue.

Fouler le massif de lAyachi fait rver les randonneurs pdestres et les frus de haute
altitude, car, aprs lescalad pied, sajoute la joie de contempler perte de vue le vaste
panorama qui soffrait nous avant damorcer la descente.

Mais trs rapidement, nous fmes contraints de marquer une halte, car plusieurs de
nos compagnons taient largement distancs.

Lescalade en direction du deuxime sommet 3.727 fut relativement facile, la


dnivele tant peine de 29m.

Devanant le reste du groupe et sans se fier aux tranards, nous avons men avec
Omar lassaut du dernier sommet 3.747m, la rage au cur, pour latteindre en 25
minutes, le reste du groupe, parpill sur une longue distance arrivera une demi heure
plus tard.

Au top, nous avons retrouv les traces btonnes dun ancien point godsique,
jetant le doute sur la relle altitude du pic, alors que quelques flocons de neige,
accompagns de grle, commenaient tomber, rapidement emports par les rafales de
vent frais.

Curieusement, un petit oiseau tait venu se blottir dans un ressac avant de reprendre
lair vers lOuest, nous faisant penser au Petit Prince de Saint Exupry.

270
Du troisime sommet, on avait une vue merveilleuse sur la valle verdoyante
dImtchimn parseme de hameaux.

Derrire le dernier cordon de montagnes, on entrevoyait les plaines de Tounfite et de


Boumia, crases de soleil.
****
Aprs que Peron, connaisseur des lieux, ait retrouv le chemin appropri, aprs
quelques moments dhsitation et dincertitude, nous avons entam vigoureusement a
descente vers 16H travers une zone dboulis et descarpements abrupts, en direction
dAgoundi NIyssane.

Tout en restant sur nos gardes pour ne pas provoquer dinsidieuses avalanches de
blocs et loigner des chutes dangereuses, la descente fut rellement pnible pour certains
de nos compagnons dans le dvalement des pentes abruptes.

A laltitude de 2.700m, poussaient quelques touffes dherbes avidement recherches


par des troupeaux de moutons et de chvres conduits avec srnit par des bergers
alertes et dtermins.

A 17H, le groupe stait de nouveau reconstitu alors quun jeune et sympathique


berger tait venu nous indiquer le chemin du village dAt Ouchne.

Malgr notre souhait de rester groups, un peloton de tte stait form avec Peron,
Khadija et moi mme, imprimant la descente une trs vive allure, travers la valle
encaisse, vaillamment et sans faiblir, faisant preuve de grande concentration et de
rgularit dans leffort.

Au fond des valles, nous avons rencontr les premiers nomades vivant en parfaite
adquation avec leur milieu, surpris et amuss de voir Peron, grand blond, yeux bleus,
leur parler un berbre parfait, avec laccent du terroir.

Invits prendre le th haute altitude, nous avons prfr poursuivre notre chemin
en empruntant une vritable piste muletire.

Sur les contreforts, au bas des falaises gantes dominant la valle encaisse, nous
avons admir dautres tentes colores, gardes par des chiens aboyant sans mchancet
notre passage.

Des femmes, tonnes de voir Khadija parmi nous, ricanaient, amuses et intrigues
par notre intrusion dans ces parages, hauts perchs, alors que de jeunes bergers, sur les
falaises, nous saluaient bruyamment de loin.

A laltitude de 1.800m, nous avons rencontr les premiers cdres gants, fiert de ces
rgions, dcims par la scheresse des annes prcdentes, les troupeaux de chvres
dvastateurs, les coupes illicites de bois et les frquents brlis.

Tout le long de la valle, nous avons vu de vritables cimetires darbres,


dpecs probablement en cachette par des bcherons, sous le regard laxiste des gardes
forestiers et des autorits.

Dans une dpression abrite par de hautes falaises, nous avons admir une
magnifique futaie de cdres majestueux, vestiges des belles forts dantan.

Nous avons rencontr des filles de nomades, de retour des longues corves deau,
intrigues et fires sous le port altier de leurs tuniques bigarres.

En voulant louer des mulets pour le transport de nos camarades puiss, les nomades
staient drobs, craignant davoir faire des gardes forestiers.

A la tombe de la nuit, nous avons craint de gros ennuis pour nos amis laisss loin
derrire, car cheminer dans ces parages dans lobscurit est toujours risqu.

271
En connaisseur des lieux, Peron stait propos pour demeurer prs des premiers
hameaux pour attendre nos compagnons et les guider bon port.

Avec Lahcen, toujours vive allure, nous avons continu sur le village dAt Ouchne
pour retrouver les Land Rover et les orienter au devant des retardataires.

A 20H30, le groupe, enfin reconstitu, avait rejoint Tounfite o le cad avait


vainement essay de nous retenir dner.

En le remerciant de son hospitalit, nous avons rejoint Midelt vers 23H, abattus,
lessivs, mais heureux et contents davoir particip allgrement une aussi belle et
envotante randonne en haute montagne.

Le lendemain, au djeuner chez Yahia, en prsence du Gouverneur de la province de


Khnifra, Kabiri, chacun stait plu raconter avec menus dtails les exploits et les ennuis
de la randonne, historique, dure, longue, inoubliable et domine par la bonne humeur et
la dcontraction.

LAyachi nest plus dsormais inaccessible pour nous, et le chemin nest pas si
escarp pour les habitus du sport pdestre.

En haut de la montagne, lespace vous parle; il suffit de sarracher le temps dun


week-end la vie stressante de Rabat pour prendre le temps daller lcouter.

272
Au pays des Maures
Durant mon cong annuel dt aux Etats-Unis, et rpondant une invitation
personnelle, javais apprci les efforts consentis par la famille de Jo Benam et la socit
AMBACO Morgan City en Louisiane pour rceptionner et conditionner les cargaisons de
barytine en provenance du Maroc, dans une zone dactivits industrielles et commerciales
intenses le long du fleuve Mississipi.

Javais redcouvert le Texas, avec ses grands espaces, ses fermes, ses ranchs btail
et ses champs ptroliers en bordure dautoroute.

Les images des films amricains dfilaient devant nous, lhtel, au bar, au
restaurant, aux super marchs et aux stations dessence.

San Antonio, avec ses canaux, patrie de David Crocket, ville o lon vous accueille
bras ouverts, rappelle la guerre que staient livrs le Mexique et les Etats-Unis dcids
de se rattacher le Texas.

Sur lautoroute de Houston nous avions chapp un terrible accident par suite du
comportement dun chauffard mch.

Aprs un crochet Washington et New York, javais transit par Paris pour
participer au Colloque International sur les Perspectives minires en Afrique organis
la Sorbonne par lInstitut Panafricain de Gopolitique.

A cette occasion, javais fait un expos sur le secteur minier marocain, fort apprci
par les organisateurs.

Immdiatement aprs, je suis parti en Mauritanie pour rpondre linvitation


renouvele du Directeur Gnral de la SNIM, Heyine.

Le 20 septembre 1989, laroport de Roissy, la fouille tait systmatique avant le


dcollage du DC 10 dUTA pour Nouakchott, et sur les visages on percevait linquitude et
langoisse, aprs lannonce de lexplosion dun avion dUTA au dessus du dsert du Tnr
au Niger, aprs le dcollage de NDjamena au Tchad.

Aprs le passage au-dessus dAgadir et le survol des immenses cordons de dunes de


sables des provinces du Sud et du nord mauritanien, latterrissage Nouakchott eut lieu
aprs 4H30 de vol.

Au bas de la passerelle, jtais attendu par Baham de la SNIM, charg de me faciliter


lembarquer pour Nouadhibou bord dun Fokker 28 dAir Mauritanie surbook, dans
une atmosphre suffocante.

Le vol dura 45 minutes.

A Nouadhibou
Heyine et Lhatoute administrateur assidu de la SNIM depuis dix ans, taient
larrive, tous ensemble, heureux de nous retrouver en terre mauritanienne.

Nous avons rejoint la cit de la SNIM Cansado, en bordure de la baie, l o la


MIFERMA (anctre de la SNIM) avait cr dans les annes soixante, un village au
terminus de la voie ferre acheminant la production de fer des mines de Zouerate.

La cit minire de Cansado disposait de toutes les infrastructures de base et abritait


plusieurs milliers de personnes.

Je fus install avec beaucoup dgards dans la maison dhtes attenante lhtel
Ocania donn en grance par la SNIM un Franais mari une Algrienne.

273
Par la suite, je fus convi un dner sous la tente, auquel avaient particip, outre
Heyine et Lhatoute, le Gouverneur de la rgion, le maire de Nouadhibou et des
administrateurs kowetiens et irakiens, (reprsentant les capitaux arabes ayant pris la
relve des intrts occidentaux aprs la nationalisation de la MIFERMA), et les cadres
mauritaniens de la SNIM.

Aprs dner, sous une brise lgre, nous avons effectu une longue marche travers
la cit minire endormie.

Le lendemain, nous avons visit les installations industrielles au port minralier, puis
les immenses ateliers dentretien et de rparation du matriel ferroviaire (locos, wagons,
rails) trs bien tenus et fiert de la SNIM.

Au port, dun tirant deau de 19m, diffrents stocks de minerai (calibrs, concentrs)
permettent de rpondre la demande, la cadence de chargement de 3.000
tonnes/heure pour des minraliers de 150.000 tonnes.

A notre passage, un minralier japonais de 75.000 tonnes de concentrs de fer tait


en cours de chargement.

Lnergie lectrique tait fournie aux installations par une centrale de 20 MW, dont le
reliquat de puissance tait inject dans le rseau de la Socit Nationale Mauritanienne
de lElectricit (SONELEC).

Au port de pche et dans les rues de Nouadhibou, nous avons crois des marins
russes, japonais, corens, venus de trs loin pcher dans les eaux mauritaniennes
connues comme tant les plus poissonneuses du monde.

A Nouadhibou, une unit de conditionnement traitait une large diversit de poissons


destins lexportation, de valeur variant de 250 4.500 dollars/tonne.

A la mini acirie de la SAFA, de 20.000 tonnes de capacit, dirige par un ingnieur


tunisien plac sous les ordres dun cadre mauritanien, employant 114 personnes, la
production base des ferrailles de la SNIM (roues de wagons, rails) tait de 5.000 tonnes,
suffisante pour satisfaire la demande faible du march local.

Les installations, quoique rcentes, souffraient dun manque dentretien, conjugu


aux difficults financires de lentreprise pour faire face au renouvellement de certains
quipements obsoltes.

Avec louverture des frontires avec le Maroc et le revtement de la route Dakhla-


Nouadhibou, facilitant lapprovisionnement des provinces du Sud, les Mauritaniens
espraient une augmentation de production pour amliorer la rentabilit de lentreprise.

Nous sommes passs proximit de la raffinerie de ptrole finance par lAlgrie


pour remercier la Mauritanie davoir reconnu la Rpublique sahraouie.

Aux Ateliers, nerfs moteurs de lEntreprise, les diffrentes oprations dentretien


permettent dassurer rgulirement la circulation du plus long train minralier du monde
(20.000 tonnes de charge) sur une distance de 700 km en zone dsertique ensable o les
draillements sont frquents, suite la corrosion et lusure intense des rails et des roues
de wagons.

Au Dpartement informatique, remarquablement pilot par un cadre mauritanien, la


SNIM avait tout mis en uvre pour se mettre au diapason de ses concurrents en matire
de gestion administrative et financire.

Aprs un djeuner avec les membres du Conseil dAdministration de la SNIM, nous


avons rejoint laroport sous une chaleur accablante et humide.

274
Les administrateurs moyen-orientaux, ravis de partir, entrevoyaient dj les dlices
de leur passage Casablanca et Paris.

Avec Heyine, Lhatoute et un technicien amricain de BUCYRUS, nous avons rejoint


Zouerate bord dun bimoteur dAir Mauritanie, spcialement affrt.

Nous avons survol le mur de dfense marocain, bien visible haute altitude, avec
ses points dappui feu et ses postes de garde, et la ligne de chemin de fer longeant la
frontire des provinces sahariennes.

Nous navons jamais t inquits, et nous vitons de communiquer avec les


militaires marocains, car nous navons rien leur dire ; les communications transitent par
Nouadhibou et le Centre Rgional de Las Palmas, charg dorienter la navigation arienne
dans tout le secteur jusqu Dakar , souligna le pilote.

Le Nord Ouest de la Mauritanie, est une zone de vastes hamadas, de cordons


dunaires pratiquement infranchissables, o laridit tait entretenue par la scheresse
svre des dernires annes.

Avant datterrir, nous sommes pass au-dessus de lancienne cit minire de Fderick,
premier centre dextraction de lancienne MIFERMA, alors que la radio de bord signalait
une temprature de 42 Zouerate.

Il fait froid chez nous , plaisanta le technicien de la tour de contrle.

A Zouerate
Laroport de Zouerate tait constitu dune piste en terre battue gagne sur la
hamada, rceptacle, la fin des annes soixante dix, des gros Hercules C130 de transport
des troupes marocaines venues la rescousse de larme mauritanienne en difficult face
aux harclements du Polisario.

Accueillis par Abdelfettah, Directeur du centre, entour de ses collaborateurs, nous


fmes conduits la cit des cadres et confortablement installs.

Notre tourne du centre dbuta par le service gologique o une triplette de cadres
mauritaniens nous fit un remarquable expos sur la gologie structurale, les potentialits
minires, loptimisation des projets dexploitation, le suivi de linfrastructure gologique
de base et les perspectives de dveloppement du secteur de Zouerate et des Guelbs.

La plupart des cadres avaient fait leurs tudes suprieures au Maroc, et certains, par
contre, avaient gard de trs mauvais souvenirs de leur sjour en Algrie et dans les pays
de lEurope de lEst.

Nous avons t ensuite aux immenses ateliers dentretien et de rparation du


matriel de carrires (camions, pelles, sondeuses, etc.), bien agencs et organiss, dirigs
par un jeune ingnieur tunisien heureux de travailler la SNIM.

A lunit de reconditionnement des moteurs de 1.300 CV, un expatri franais


encadrait des mcaniciens mauritaniens.
Un immense parc ferrailles, proximit des ateliers, reoit tous les rebuts dont une
partie tait vendue la mini acirie SAFA Nouadhibou.

Avant le coucher du soleil, nous avons t la carrire de Tazadit et la Kdia, en


passant Rouissa o, travers un tunnel, une srie de convoyeurs dverse la production
de minerai de fer dans les normes stations de concassage.

Du sommet de la Kdia, nous avons admir les grandes carrires de Tazadit


exploites avec de puissants moyens (camions acquis 1 million de dollars, pelles
chargeuses etc.), o les fosses atteignent des profondeurs de trois cents mtres.

275
Malgr lintensit des travaux et la frnsie des engins et des hommes, il rgne sur
cette contre un climat de quitude et de solitude tonnant, les bruits des engins et des
usines semblant se noyer en permanence dans cet univers surnaturel o se profile
lhorizon le Grand Erg de sable avec quelques pitons rocheux dnomms Guelbs (curs).

Sur le chemin de retour, la tombe de la nuit, nous avons travers la cit minire en
terre battue, uvre dune entreprise corenne, curieusement moins disante dans les
appels doffres internationaux lancs par la SNIM.

A Zouerate, au crpuscule, nous avons retrouv une ville endormie, la


sdentarisation et lentre des nomades dans la vie moderne ne les ayant pas dpartis de
leur srnit, de leur calme et de leur nonchalance.

Zouerate, cre en 1950, constitue de plusieurs cits abritant des populations


refoules par lavance du dsert et la scheresse, en qute de travail et de plus de
quitude, tait une ville de plus de 40.000 habitants (dont 4.000 agents SNIM).

Lethnie noire y tait largement reprsente, dmentant la propagande des mdias


europens sur lexistence dun racisme exacerb en Mauritanie.

La ville stale en longueur et suit la configuration de la chane de la Kdia constitue


de quartzites trs durs, mergeant comme par enchantement de la hamada pour
interrompre la monotonie du paysage.

Un effort srieux de reboisement tait engag et leau achemine par conduite


partir de forages, 30 km au Sud Est, implants sur des nappes fossiles ou alimentes par
des orages, le courant des Canaries et les alizs de la cte atlantique ntant pas
favorables pour les prcipitations vers lintrieur.

Zouerate la fin des annes soixante dix, avait fait lobjet dagressions du
Polisario ayant entran la mort de plusieurs agents SNIM (dont deux Europens).

Lintervention des avions Jaguars franais, bass Dakar, avait dcim plusieurs
katibas du Polisario.

Par ailleurs, des murs de dfense marocains, encore visibles, avaient stopp le
dferlement des commandos et loign la menace pesant sur la cit minire.

Le soir, nous fmes invits un dner organis aux foyers des cadres, auquel avaient
particip les responsables locaux de la SNIM draps dans leurs boubous.

Le dner offici et servi par des Noirs en livre, stait poursuivi dans la bonne
ambiance, et le th mauritanien servi profusion dans de petits verres.

Nous avons longuement chang nos points de vue sur la mine, la gestion des
affaires, la coopration maroco-mauritanienne et sur le conflit du Sahara occidental.

Le souvenir des Forces Armes Royales Marocaines (FAR) tait prsent dans les
esprits, mme si nos concitoyens ne staient pas mls la population en restant
cantonns dans leurs casernements de toile proximit de larodrome.

Le retrait du contingent marocain, demand par le Prsident Ould Hadallah aprs


son putsch, stait opr par la piste en direction de Guelta Zemmour et par voie arienne
vers Layoune.

Dans laffaire du Sahara occidental, la Mauritanie veut tre neutre,


malheureusement et malgr nous, nous sommes entrans et concerns ; la solution
finale sera politique ; le Maroc, en position de force, peut faire les premiers pas, car on ne
peut gommer dun seul trait le Polisario qui a tenu tte durant quatorze ans , signala un
de nos interlocuteurs, expliquant ainsi le louvoiement des autorits de Nouakchott, sous
la pression du Polisario.

276
Assurment la Mauritanie voulait se dtacher du dossier sahraoui, mais il reste
rgler lavenir de la zone de Lagouira proximit de Nouadhibou pour ne pas mettre en
pril la principale activit conomique du pays.

Le lendemain, sous un ciel compltement dgag et une temprature clmente,


bord de deux Land Rover, nous avons t Mhaoudat 50 km lest, aprs avoir travers
les anciens murs de dfense en pierres et sable, destins protger les installations des
incursions du Polisario.

A partir des Guelbs, en direction de Mhaoudat, nous avons quitt la route pour nous
engager dans la hamada parseme de touffes dherbes pour chameaux.

Des forages, implants au fond dune valle, alimentaient en eau les nomades et
leurs troupeaux dcims par la terrible scheresse dans le Sahel.

Un prpos de la SNIM, install sur place, organisait labreuvoir et enregistrait le


nombre de bnficiaires.

Mhaoudat, avec ses monts de plus de cent mtres, se dtache majestueusement de


cet univers quasiment plat, perte de vue.

Le champ minralis dconsidr par la MIFERMA la fin des annes soixante, car ne
recelant que du minerai magntique sans grande valeur conomique, stend sur plus de
14 km et affleure en plusieurs endroits notamment au Col des Rendez-vous, lieu clbre
o un gologue, lors dune halte en attendant ses compagnons de prospection, avait
dcouvert un important gisement de fer oxyd.

Les nouvelles recherches SNIM avaient montr la prsence de plusieurs amas


dhmatite haute teneur en fer, faciles traiter, venant assurer et renforcer la poursuite
de lactivit dextraction, aprs lpuisement des rserves de la Kdia.

Aprs la visite des sondages et de dcapages superficiels, nous avons constat la


bonne qualit du minerai et apprci limportance des rserves du secteur.

Ensuite, nous sommes revenus aux Guelbs, norme butte tmoin, coeur du gisement,
o lexploitation se dveloppait en vastes carrires mcanises, produisant du minerai
oxyd envoy la verse et des minerais magntiques.

Les mixtes taient dirigs vers lusine denrichissement pour subir une premire
opration de concassage dans un concasseur giratoire de 80 tonnes (considr comme le
plus gros du monde), dune capacit de 5.000t/heure, avant dtre envoys, aprs
dstockage par une immense roue pelle, lunit de broyage et de sparation
magntique basse intensit.

Le produit final, concentr magntique, est expdi par trains Nouadhibou.

A notre passage, de multiples problmes se posaient, notamment :

- Au dstockage, une des deux roues-pelles fournies par Delattre Levivier (France) tait
larrt, suite une rupture des montants, entranant la chute de la cage de commande et
une perte de plusieurs millions de dollars,

- Au broyage autogne, une avarie sur la couronne dentranement stait traduite par une
baisse importante de production,

- A la filtration, en attendant de trouver une solution approprie, lexhaure totale des


poussires avait plong lusine dans une atmosphre irrespirable.

Ces problmes dnotaient linadaptation des quipements au traitement des minerais


des Guelbs, et la prcipitation dans linvestissement ralis par des fournisseurs en qute
de champ dexprience pour leurs quipements prototypes.

277
Nos amis mauritaniens, conscients de la gravit de la situation, espraient surmonter
les difficults en faisant appel une expertise extrieure de qualit.

Notre tourne aux Guelbs stait acheve par un passage la centrale lectrique
construite par les Italiens, quipe de groupes lectrognes totalisant 56 Mgawatts,
alimentant aussi Zouerate 30 km.

En route, avec Abdelfettah, nous avons encore discut du Sahara occidental.

Le Sahraoui, fier, ne connat pas de frontires, il campe avec les pturages, attir
par lappt du gain, le reste tant futile pour lui ; les Espagnols lont bien compris ds le
dpart, les Algriens aprs 1974 ; la SNIM, nous avons enregistr en un jour le dpart
de quarante agents conducteurs dengins et de locos auxquels on a fait miroiter des
choses inconcevables ; un sondeur on a promis le poste de ministre de lhydraulique ,
signala Abdelfettah.

Les autorits mauritaniennes, en autorisant les dparts intempestifs, avaient cr


des situations anachroniques o les fils combattaient leurs parents.

Les retours au pays taient nombreux et se multipliaient discrtement, les gens


tant conscients davoir t berns par la propagande du Polisario.

Les derniers temps avaient enregistr le retour dans le secteur de Zouerate, avec
armes et bagages, de plusieurs sahraouis dorigine mauritanienne.

Certains craignaient de faire les frais du rfrendum et de se retrouver ainsi


marginaliss, eu gard au recensement espagnol de1974.

Les fuites des camps de Tindouf sont nombreuses et sacclrent ; lAlgrie, tout en
donnant limpression de se laver les mains, ne veut pas perdre la face , continua
Abdelfettah avec beaucoup de conviction.

Aprs un copieux djeuner, nous avons marqu une pause jusqu 18h30, avant
deffectuer une vire dans les dunes appeles Zouerate .

Allongs sur des tapis mme le sable, sirotant le th, nous avons assist un
coucher de soleil sublime sur les dunes, observant au loin le train minralier en
provenance des Guelbs, lhorizon vers le sud, la chane de la Kdia avec ses centres
illumins, et lest les projecteurs de la gare des Guelbs, visibles plus de cent
kilomtres en temps clair, semble-t-il.

Nous avons poursuivi notre discussion sur le dossier du Sahara occidental.

Nos amis mauritaniens, tout en reconnaissant la dtermination du peuple marocain,


aprs dnormes sacrifices pour garder les provinces sahariennes, avaient soulign que le
rglement du problme sera dordre politique, dans un cadre dfinir et acceptable par
tous, le rfrendum tant difficile organiser.

Notre rgion a besoin de quitude et de stabilit pour affirmer sa personnalit et


affronter le sous- dveloppement , nous dit sagement Heyine.

Nous avons rappel le rle nfaste d'Ould Hadallah, ayant propuls la Mauritanie
dans les bras du Polisario et de lAlgrie.

Hadallah stait retir de la scne politique, il vit avec ses troupeaux de chameaux
dans le centre du pays, se faisant oublier , ajouta Abdelfettah.

Tout autour de nous, ctait un ocan de dunes, caches des commandos du Polisario
lors de lattaque de 1979.

278
En de multiples endroits, nous avons reconnu les traces des campements des Forces
Armes Royales ceinturant Zouerate.

Larme marocaine stait retire en bon ordre vers le Nord, protge sur ses flancs
par les troupes mauritaniennes pour viter les embuscades des Sahraouis bons
connaisseurs de terrain continua Abdelfettah.

Vers 20H nous avons rebrouss chemin, heureux davoir bnfici dun moment de
dtente affectionn par les Mauritaniens pour se dconnecter de la routine et se
replonger dans leurs habitudes bdouines ancestrales.

Le soir, un grand dneur mauritanien, avec mchoui et couscous, au domicile de


Abdelfettah, nous avait runis avec tous les responsables de la SNIM Zouerate, et
comme suprme accueil et marque de grande considration, on nous avait offert du lait
de chamelle encore tout chaud, produit dune traite rcente.

Pour lhistoire, nous avons sign le livre dor, inaugur par le Gnral de Gaulle en
1957 en ces termes : Enfin de grandes esprances ; dautres hommes illustres de
passage, tels Ould Daddah, Senghor, Benijara et le colonel Ould Taya, chef de lEtat
mauritanien, avaient galement marqu de leur plume, leur passage la mine.

Tard la nuit, nous nous tions quitts, heureux davoir rencontr et li connaissance
avec de jeunes talents mauritaniens ayant relev, avec intelligence, les grand dfis de la
nature, dans un environnement austre et difficile.

Tt, le lendemain, toujours en compagnie de Heyine, nous avons quitt Zouerate


pour Nouakchott, bord du petit avion dAir Mauritanie, aprs un sjour amical, agrable
et fortement instructif.

Nous avons survol la voie de chemin de fer, puis basse altitude et plusieurs
reprises, le centre minier dAkjoujt, connu pour avoir abrit une garnison marocaine de
soutien aux forces mauritaniennes contre les incursions des katibas du Polisario la fin
des annes soixante dix.

Evnement rarissime, dans cette contre battue par les vents du dsert et soumise
lavance inexorable des dunes de sable, il avait plu abondamment, et des flaques deau
taient observables un peu partout, annonant une bonne anne pour le btail avec la
ractivation des pturages.

Aprs tre passs au-dessus dun grand cordon dunaire, quasiment infranchissable,
Heyine nous rappela lattaque de Nouakchott en 1976 par un commando sahraoui dirig
par El Ouali, venant du Nord.

A notre arrive Nouakchott aprs un vol de deux heures, nous fmes accueillis par
Baham venu nous guider dans la visite dune cooprative de tapis reprsentatifs des
diffrentes rgions de Mauritanie, employant 100 ouvrires.

Nouakchott est une agglomration menace par lavance du dsert malgr leffort
consenti pour stopper le dferlement du sable.

Limposante Ambassade de France occupe un immense domaine, proche des vastes


terrains clturs destins accueillir les chancelleries des pays du Golfe.

Aprs une visite de courtoisie lAmbassadeur du Maroc, Benomar, trs optimiste sur
le devenir des relations maroco-mauritaniennes aprs la fin des hostilits au Sahara
occidental, nous fmes reus par le Ministre des Mines Ould Jidou, install dans lancien
sige de la SNIM, en prsence de Heyine et de Abdelaziz, Secrtaire gnral du Ministre,
de lethnie noire.

279
Nous avons examin notre coopration bilatrale en matire de mines et de gologie
et les mesures pour la dvelopper davantage, notamment dans le domaine des ressources
minires autres que le fer (soufre, cuivre, phosphate).

Nous avons quitt le Ministre, aprs une courte discussion avec Abdelaziz, pour aller
djeuner avec Heyine et Baham dans un restaurant tout proche.

Vers 16H, nous avons visit le port de pche artisanale, vritable march ambulant
install sur le sable, anim par des mamas en boubous chatoyants, rappelant les
scnes dune plage sngalaise.

Une dlgation parlementaire franaise conduite par lAmbassadeur de France


claudiquant, essayait de se frayer un passage aprs larrive des pirogues salue par des
hurlements de joie.

Notre tourne stait poursuivie par la visite du nouveau port de commerce venant
remplacer lancien warf de capacit insuffisante.

Dune capacit dun million de tonnes, en partie sous forme de conteneurs, le port,
construit grce une aide chinoise de 130 millions de dollars, pourrait ultrieurement,
desservir le Mali enclav et tributaire du port de Dakar et du chemin de fer Dakar-
Bamako.

A la lisire de la ville, un camp abritait les rfugis mauritaniens chasss du Sngal,


alors que tout prs, dans les jardins du Novotel, lAmbassade saoudienne festoyait
fastueusement, dans une dbauche de lumires et de victuailles.

Au Novotel, lunique htel de classe internationale en Mauritanie, nous avons crois


Franois Soudan, reporter de Jeune Afrique venu sinformer sur la crise mauritano-
sngalaise et ses implications socio-conomiques et politiques.

Le soir, avant notre dpart, la SNIM avait organis en notre honneur un dner anim
par une troupe folklorique renomme, une famille originaire dAtar.

Le vol dAir Afrique sur Paris fut excellent.

Que tirer comme conclusions de cette mission ?

La visite tant attendue, avait permis de dcouvrir un pays o les mines de fer du
district de Zouerate demeurent le pilier fondamental de lconomie.

La SNIM assurait lemploi plus de 4.500 personnes, exploite les installations


portuaires de Nouadhibou et la ligne de chemin de fer de 700 km de long, contribue la
prennit des villes de Zouerate et Nouadhibou, et ralisait un chiffre daffaires suprieur
200 millions de dollars, soit plus de 12% du PIB mauritanien.

Je fus personnellement agrablement surpris par lexcellente organisation de la


SNIM et la qualit de sa gestion assure par de jeunes quipes mauritaniennes rompues
aux travaux dans des zones dures et austres, o seule la valeur des hommes est le
facteur primordial pour garantir une production de minerais et la maintenance des divers
quipements en service.

Dans les centres de la SNIM, nous avons peru une relle dtermination des cadres,
ouvriers et employs relever les grands dfis de la nature, en mettant en uvre des
technologies de pointe et en assurant la conduite et la gestion des exploitations avec
efficacit, dans un environnement austre et difficile.

Des difficults majeures restaient surmonter aux Guelbs pour atteindre la vitesse
de croisire, par lamlioration des techniques denrichissement et ladaptation du
matriel la nature des minerais.

280
Les potentialits Mhaoudat et des autres centres, la cadence de 12 millions de
tonnes par an, assurent une dure de vie de plus de cent ans.

Larrive de Heyine, homme de terrain, comptent, connaissant les hommes, avait


fait de la SNIM un des plus grands producteurs et exportateurs de fer dans le monde,
dont lavis compte loccasion des discussions sur la fixation des prix du minerai de fer,
avec les premiers producteurs mondiaux, le Brsil et lAustralie.

Au plan personnel, nous avons nou avec le Directeur Gnral de la SNIM et ses
collaborateurs, des relations bases sur lestime et la considration rciproques.

Les pouvoirs publics continueront daccorder une attention particulire lactivit


extractive, la dsignation des responsables de la SNIM tant toujours judicieusement
tudie et minemment politique.

Paralllement la mise en valeur minire, la Mauritanie stait engage dans une


politique de diversification de ses ressources, notamment dans la pche hauturire et
lagriculture le long du fleuve Sngal.

Dans le domaine de la formation, nous avons not leffort fourni par notre pays en
accueillant des centaines dtudiants mauritaniens reconnaissants.

Concernant le Sahara occidental, nos htes mauritaniens considraient que le dossier


voluait en faveur du Maroc, mais que le rglement ne peut tre que politique, dans un
cadre dfinir et acceptable pour les parties concernes.

Au plan de la coopration, nous avons convenu dtablir un courant permanent de


missions de gologues, de mineurs et dconomistes miniers, pour mieux apprcier les
domaines dintervention bnfique pour les deux pays.

La prennit des liens et la sensibilit entre Mauritaniens et Marocains seront les


garants dune coopration fructueuse, malgr les vicissitudes politiques.

281
Dautres activits prenantes
De retour de Mauritanie en fin septembre 1989, nous avons particip, en grande
dlgation, Als, au Congrs de la Socit de lIndustrie Minrale domin par les
nouvelles techniques denrichissement et de valorisation des minerais et dinformatisation
des activits minires et paraminires.

Profitant de mon sjour, javais effectu une visite de lEcole des Mines dAls pour
minformer et apprcier lvolution des programmes et des moyens techniques et
pdagogiques mis en uvre.

Un dplacement avait suivi lexploitation ciel ouvert des Charbonnages de


Decazeville o se profilaient lhorizon les problmes sociaux lis au recasement du
personnel et la fermeture de lune des dernires mines de charbon en France.

Au Tunnel sous la Manche


De passage en France en octobre 1989, aprs la runion annuelle ordinaire du
Groupe International dEtude pour le Plomb et le Zinc Vienne, en collaboration avec la
Socit SEMAFOR de Limoges et les autorits locales de Calais, jeus le privilge de visiter
le chantier du Tunnel sous la Manche install sur 50 hectares, proximit du village de
Sangatte, ancien village de paysans et de pcheurs.

Durant toute la tourne, pour des raisons de scurit, avec beaucoup de discrtion,
un vigile dorigine maghrbine fut nos trousses.

600 ingnieurs (la plus forte concentration en Europe) et 2.500 personnes relevant de
20 socits (dont Bouygues, Spies Batignolles, CGE et Chaufau Dumez) travaillaient sur
lensemble du site.

Les travaux avaient dmarr avec le fonage dun puits de service de 60m de
diamtre et 60m de profondeur, ralis selon une mthode de creusement combinant le
forage de lanneau priphrique et son cuvelage en terrain meuble (craie blanche), le
cur tant dbit en banquettes avec chargement par engins.

A la base du puits (niveau -60m), dans la craie bleue consolide, avaient t raliss
les tunnels ferroviaires et de service et les units de concassage et de classification des
produits des avancements.

Le creusement des galeries de 90 m2 de section tait assur par des tunneliers


japonais Kawasaki, compltement automatiss, ayant fait leurs preuves dans le tunnel
reliant les les de Honshu et Hokkado au nord du Japon, chacun conduit par un seul agent
en cabine, trente mtres en retrait par rapport au front.

Les produits des creusements taient vacus du front davancement par des rames
de wagons de 450 tonnes vers la station de concassage, puis envoys par pompage vers
une digue de dcantation de 28m de haut et un million de mtres cubes de capacit, leau
de la digue tant recycle dans le process.

Le revtement des parois tait ralis par voussoirs en bton arm de 4 tonnes,
plaqus automatiquement.

Les travaux dans le tunnel de service avaient atteint leur vitesse de croisire (soit
30m/j et 800m/mois), la liaison avec les Anglais tant prvue en juin 1990, aprs un
avancement de 16 km de chaque ct.

Paralllement au tunnel de service, le creusement des deux tunnels ferroviaires avait


dmarr vive allure.

282
Plusieurs travaux annexes (galeries de liaison entre les tunnels ferroviaires, rameaux
de communication, signalisation, pompage, installations lectriques entre les diffrents
tunnels) taient excuts par des quipes de mineurs marocains dtachs par les
Charbonnages du Nord et du Pas de Calais.

Jeus lagrable surprise de retrouver des agents rencontrs en t 1988 la fosse de


lEcarpire prs de Douai.

Le volet scurit tait suivi par des quipes spcialises dans les domaines des gaz,
des inondations et des transports.

Au jour de notre visite, un seul accident mortel avait t enregistr.

Le planning avait fix lentre en fonctionnement de lensemble des installations le


18 juin 1993, la cadence de 2.000 voitures/heure transportes par trains navettes, en
plus des trains de voyageurs sur le circuit France -Angleterre.

Le TGV Paris-Londres programm la vitesse de 150 km/h dans les tunnels sous la
Manche, effectuera le trajet en 3 heures.

Le cot de ralisation des ouvrages, actualis octobre 1989, tait estim 11


milliards deuros, financ raison de 2 milliards deuros en fonds propres et 9 milliards
deuros en emprunts auprs dune trentaine de banques daffaires, lamortissement de
linvestissement intervenant lhorizon 2040.

A ldification du Tunnel, la France et la Grande Bretagne ntaient pas intervenues


au niveau des Etats, laissant linitiative au secteur priv seul.

Du ct franais, la ralisation de louvrage devait permettra entre autres :

- dattnuer les effets du chmage dans le Nord aprs la fermeture des mines de charbon,
par la cration de milliers demplois stables, et de dynamiser Calais, premier port franais
de passagers (9 millions par an),

- de dvelopper la rgion par limplantation de migrants britanniques attirs par le


Continent plus accessible au plan du prix du foncier,

- de dcongestionner le trafic TransManche, le plus dense du monde, et dassurer toutes


les liaisons rapides entre le Continent et la Grande Bretagne, les analystes considrant
ncessaire le maintien dun trafic de croisire sur la Manche.

Au plan technologique, des retombes importantes taient attendues savoir :

- lexpertise dans lutilisation des tunneliers de grand diamtre, domaine jusque l


rserv aux Japonais,

- une meilleure connaissance des phnomnes de dcantation et floculation des eaux du


process,

- la gestion informatique des activits pluridisciplinaires (gnie civil de surface et


souterrain, maintenance des engins, scurit, environnement etc.),

- lexpertise dans la conduite et lorientation arienne des tunnels de grande longueur (16
satellites passaient au dessus de la zone des travaux), le contrle par triangulation
permettant aux divers ouvrages de se dvelopper sans dcalage,

- le Tunnel, devrait inciter la perfide Albion, jalouse de son identit, saccrocher


dfinitivement au char europen et ne plus jouer linsulaire.

Cette uvre fait penser la liaison entre lEspagne et le Maroc dont le cot, si elle se
ralisait un jour, serait plus lev et plus difficile financer.

283
****
De retour de France, dans le cadre de la Grande Commission, nous avons reu la
Direction des Mines une dlgation de responsables algriens venue sinformer sur les
structures du secteur minier marocain considr au Maghreb comme un exemple de
bonne organisation.

Nos htes eurent loccasion de visiter les centres phosphatiers de Bengurir et Jorf
Lasfar et le projet en dveloppement de Hajar, avant dtre reus par les reprsentants de
la profession minire Casablanca.

Quelques jours aprs, nous avons reu une dlgation guinenne conduite par le
Ministre Mohammed Traor, venue signer un protocole daccord sur la coopration
bilatrale en matire de mines et dnergie, tout en laissant lAfricaine de Recherche et
de Dveloppement (ARD) la latitude de trouver avec les autorits guinennes un terrain
dentente pour lancer les travaux dune vritable recherche sur le gisement dor de
Mandiana.

Mais nous savions lavance que les Guinens, indcis, taient mus par dautres
considrations et posaient des conditions que nous ne pouvions accepter.

Dans ce domaine notre coopration avait fini par capoter, laissant un got amer
aprs tant defforts et de bonne volont du secteur minier marocain.

A fin novembre 1989, nous avons examin la restructuration du groupe BRPM, la


politique minire de lEtat, et prpar un mmorandum pour les experts de la Banque
Mondiale pour les convaincre de notre dtermination prendre des mesures salutaires
pour assurer la prennit du secteur minier.

Par la suite, javais accompagn le Ministre Fettah pour une tourne Khouribga et
Jorf Lasfar, en compagnie des membres de la Commission des Affaires Economiques de la
Chambre des Reprsentants, dsireux de constater de visu les importantes ralisations de
lOCP en matire dexploitation, de valorisation et de commercialisation des phosphates.

Les parlementaires rellement impressionns par lampleur des acquis dans la


technologie minire et lindustrie chimique des phosphates, furent reus avec les
honneurs au sige de lOffice Casablanca par le Directeur Gnral, Karim Lamrani.

Au cours de la premire semaine de dcembre 1989, et rpondant aux diffrentes


sollicitations, avec les responsables de la Division de la Valorisation Minire, nous avons
effectu un dplacement dans le secteur de production des explosifs pour apprcier leur
juste valeur les efforts consentis pour amliorer les conditions de scurit prnes par la
Direction des Mines.

Ainsi, nous avons successivement visit les usines de production Bouskoura,


relevant de la socit SCAM, et Tit Mellil appartenant au Groupe CADEX.

Sur les lieux, les producteurs avaient engag des oprations de rnovation des
installations et renforc, comme nous leur avions demand auparavant, lencadrement
technique des Usines

284
Au pays du Vieux Sage de lAfrique
Pour terminer le cycle annuel des missions lextrieur, javais particip
Yamoussoukro en Cte dIvoire un sminaire sur lexploration minire et les
perspectives dinvestissements miniers en Afrique de lOuest.

Ce Sminaire des Nations Unies faisait suite celui tenu New York en janvier 1989,
et visait faire part de lexprience marocaine en matire de mine, et montrer les
rsultats insouponns obtenus dans un projet spcifique par lintroduction de
linformatique dans la gestion du patrimoine minier.

Sagissant dun dplacement utile et enrichissant plusieurs gards, et comme


plusieurs reprises, aprs mes missions ltranger, il mavait sembl opportun de lui
consacrer un dveloppement particulier.
****
En allant en Cte dIvoire, javais tenu associer Hakkaoui, Chef du Service du
Patrimoine Minier, en le chargeant de faire un expos sur linformatisation de nos
activits, sujet quil avait pilot avec brio depuis son dmarrage en 1986 en collaboration
avec le PNUD et lexpert Handelsmann.

La Cte dIvoire, dune superficie de 332.000 km, est caractrise par la variation du
climat, avec souvent dtranges douceurs.

La population de 8 millions dhabitants en 1989, comprend plus de soixante


ethnies ayant subi un brassage dans les grandes villes alors que les coutumes et les
traditions sont restes vivaces sur un fonds culturel dune immense richesse.

Daprs les officiels ivoiriens, la population originaire des pays voisins, estime 3
millions de personnes et constituant la masse laborieuse, pourrait tre en temps de crise,
source de problmes graves, dinstabilit et de conflit.

Le boom conomique de la fin des annes soixante dix et du dbut des annes quatre
vingt, conscutif la bonne tenue des prix du caf et du cacao, doubl despoir en matire
dhydrocarbures, avait attir et focalis sur ce pays lattention des observateurs, des
spculateurs et de nombreux hommes daffaires.

Le miracle ivoirien avait fait longtemps la Une des mdias africains et europens et
la Cte dIvoire donne comme un exemple de russite conomique et de stabilit
politique au sein dune Afrique de lOuest trouble par les coups dEtat, les rvolutions
incessantes et la propension des dirigeants imposer et mettre en place des systmes
conomiques trangers la ralit africaine.

Houphout Boigny, 84 ans, homme pondr, sage, respect par ses voisins et adul
par ses concitoyens, doyen de lAfrique francophone, avait domin la scne et conserv
les commandes malgr un dbut de remise en cause de son systme de gouvernance et
de lomnipotence de son parti, le PDC.

Au cours de la dcennie quatre vingt, la crise du cacao et la dtrioration des termes


de lchange avaient assombri la situation en Cte dIvoire sur laquelle planait
lincertitude de laprs Houphout Boigny.

La construction coteuse de la Basilique de Yamoussoukro, dans un pays o lIslam


est la religion dominante, avant le christianisme et lanimisme, fut un outrage pour
beaucoup dIvoiriens.

Linstauration de relations avec lAfrique du Sud avait valu au Vieux les


anathmes de ses pairs africains, farouchement hostiles au rgime de lApartheid.

285
A Abidjan
Parti de Rabat le samedi 9 dcembre 1989, je suis arriv Abidjan le dimanche 10
dcembre, aprs un transit rapide Paris et des escales Bordeaux et Niamey au Niger,
accueilli par le Directeur des Mines ivoirien, Likane, et ses collaborateurs chargs de
guider les participants au sminaire.

Les reprsentants de lAmbassade du Maroc Abidjan, quoique avertis par le


Ministre des Affaires Etrangres, taient trangement absents.

A laroport Port Boue Abidjan, le dsordre fut indescriptible malgr les efforts de
la police pour contenir des hordes de jeunes dsuvrs offrant leurs services pour
quelques pices de monnaie.

Aprs les formalits, nous avons rejoint lhtel Ibis lavenue Giscard DEstaing,
point de ralliement des sminaristes o javais retrouv Guerrak, Directeur de lOffice
Algrien de la Gologie.

Notre hte ivoirien se dvoua pour nous faire un tour de ville, passant tout dabord
par le quartier de Treichville, centre populaire et commercial, confirmant le dicton tant
quon nest pas all Treichville on ne connat pas Abidjan.

Treichville, ancien quartier loin de la zone cossue du Plateau et de Cocody, centre


dune animation intense et colore, incarne plus que tout autre, le cur, lesprit et lme
de la capitale ; tout y est propos sous toutes les formes, dans la bousculade, les rires, les
marchandages passionns et les jacasseries des mamas.

Une artre dnomme rue des Marocains est connue pour ses magasins de
bonneterie, chaussures, textiles et cuirs tenus par des commerants originaires de Fs ;
dans un de ces magasins, Guerrak avait acquis des pantalons et des chemises des prix
modiques, le commerant marocain acceptant de minimiser sa marge.

Nous avons poursuivi notre dcouverte de la ville en traversant la lagune Ebri et le


pont De Gaulle pour rejoindre les quartiers administratifs et daffaires du Plateau, dans un
cadre agrable de verdure, de parterres de fleurs et de terrains gazonns, o se succdent
les buildings et les tours de verre difis coups de milliards de francs CFA pendant la
priode euphorique du cacao,

L aussi, sont situs les services de la Prsidence de la Rpublique et les grands


ministres conomiques et techniques, dont le Ministre des mines install dans une
imposante btisse de bton, de verre et de marbre import dItalie.

Non loin, sur un promontoire surplombant la lagune, une cathdrale larchitecture


futuriste, montrait le souci du Vieux et de son entourage de marquer la prsence de
lglise catholique en terre dAfrique.

Notre tourne stait poursuivie dans le quartier chic de Cocody, sige des
ambassades et des demeures des nantis du rgime.

LAmbassade de France occupe un immense domaine plant de majestueux arbres


tropicaux (bambous, palmiers, flamboyants, cocotiers),

A proximit, se dresse la demeure personnelle du Prsident et les btiments de


lInspection Gnrale des Grands Travaux de Cte dIvoire, sorte de super ministre, tenu
par un expatri corse, minence grise du Vieux, bte noire des ministres ivoiriens,
charg de superviser de faon tatillonne tous les projets importants.

Le grand patron, Houphout, est comptent et seul mme de juger de lintrt et


de lconomie dun projet , nous lana Likane, sans complexe.

286
Aprs lachvement des travaux de la basilique de Yamoussoukro, ce conseiller
ombrageux et impopulaire fut remerci par le Prsident.

En bordure de la lagune, se dresse le Complexe Htelier Ivoire construit par une


socit isralienne, avec entre autres, sa patinoire gante et ses salles climatises o les
belles Ivoiriennes viennent se pavaner en zibeline.

Sur lune des buttes dominant la lagune, se dresse limposante demeure du conseiller
du Prsident pour les affaires arabes, Algrien, peut tre la future victime de la vindicte
populaire ou de lentourage prsidentiel.

Nous sommes revenus lhtel Ibis en longeant la Corniche et les buildings,


proprits de la mafia libanaise et du lobby isralien en Cte dIvoire.

Les Libanais et les Israliens se sont infiltrs partout, dtenant les vritables rnes
du pouvoir, lconomie est totalement entre leurs mains et rien dimportant ne peut se
dcider sans eux , nous dit Likane.

La colonie libanaise, installe en Cte dIvoire de longue date, avait su sintgrer la


mentalit ivoirienne et africaine pour mieux dominer les affaires, tre le recours oblig et
finalement le centre de dcision, assumant cette position et cette responsabilit avec une
efficacit diabolique.

Les Libanais ont ralis et bti des fortunes colossales dans ce pays, mme en
priode de crise conomique, tout en plaant leur argent dans les banques occidentales ;
ce que nous voyons ici, nest quune infime partie de liceberg , nous dclara plus tard un
ami maghrbin, connaisseur de la Cte dIvoire.

Le lobby isralien, constitu doriginaires dAfrique du Nord ou dhommes daffaires


spcialistes dans le diamant et livoire, avait pntr lconomie et larme ivoiriennes,
la faveur des relations tisses par le Vieux avec Isral.

Nous avons retravers la lagune Ebri en empruntant le pont Houphout-Boigny,


pour parcourir rapidement les talages des nombreux petits supermarchs bien
achalands et bien approvisionns en produits franais tiquets Paris.

Cest simple, enlevez la virgule et multipliez par deux et vous aurez des centimes
franais , nous lana un talagiste derrire ses viandes et ses fromages, alors quune
pluie fine et tide avait commenc tomber, nous plongeant dans une vritable
atmosphre de hammam.

A Yamoussoukro
Vers 15 heures, en car, nous avons pris le chemin de Yamoussoukro 260 km
lintrieur des terres.

A la priphrie dAbidjan, empruntant un tronon dautoroute, nous avons dcouvert


la campagne ivoirienne plante dhvas produisant du caoutchouc naturel (le latex), de
bananiers, de manguiers, dans une nature vierge, les habitants des hameaux se
contentant de grattages et des produits de cueillette.

Il y a un engouement rcent pour les plantations dhvas, malgr la concurrence


vive des pays de lAsie du Sud-est, comme la Malaisie et lIndonsie ; le caoutchouc
naturel est de nouveau trs demand , nous signala un cadre ivoirien.

Nous sommes arrivs au crpuscule Yamoussoukro, nouvelle capitale, ne de lide


de dcentraliser lactivit conomique et politique, pour ne pas dpendre dun seul ple
de dveloppement, Abidjan.

287
En ralit, lobjectif avr tait de crer, coup de dizaines de milliards de francs
CFA, une nouvelle mtropole politique, proche du village natal de Houphout-Boigny,
gagne sur la savane et la fort clairseme.

Je vous conseille daller lHtel Bonheur proximit du centre ville, lhtel


Prsident est cher, mais surtout isol , nous conseilla amicalement Likane en arrivant
Yamoussoukro.

Le somptueux Prsident, du haut de ses quatorze tages, domine le paysage de la


ville encore marqu par la fort vierge et les plantations dananas et dhvas.

Nous avons suivi ses conseils et dcid daller nous installer au Bonheur, suivis par
les autres dlgus africains, laissant au Prsident les Occidentaux habitus ne pas se
fondre avec les indignes.

LHtel Bonheur, tenu par une Franaise dans sa trentime anne en Afrique de
lOuest, omniprsente, aux petits soins et aux menus dtails, employait 28 personnes
originaires du Burkina, Mali, Togo, Sngal, affables et disponibles.

Le petit-djeuner la terrasse, base de fruits exotiques (mangues, ananas, papayes),


ct des champs de salades et dignames, tait toujours servi avec dlicatesse, alors
quau Prsident nos collgues occidentaux se plaignaient de la mauvaise qualit du
service et de lapathie du personnel.

Non loin, la grande place de Yamoussoukro tait le thtre, chaque nuit, des bats
dune foule bigarre, en hommage leur vieux Prsident.

Cest un haut lieu de rflexion dans un pays enracin dans un esprit de paix et de
fraternit , disaient alors les Ivoiriens.

Les femmes et les enfants, transforms en marchands ambulants, proposaient des


fruits exotiques, des bananes, du plantain, du poisson frit ou sch.

Aprs notre installation, avec Guerrak, nous sommes partis la dcouverte de la


ville, sous la chaleur touffante et une odeur de moisi, caractristique des pays tropicaux
et quatoriaux africains.

Nous avons rencontr des attroupements de jeunes Ivoiriens ivres de musique,


gentils, tonns de nous voir circuler allgrement dans un milieu fui par les Blancs.

Nous nous sommes arrts en fin de soire dans une pizzeria tenue par un vieux
couple italien originaire de Florence, servant des ptes dlicieuses.

A Yamoussoukro, la restauration tait lapanage des expatris.

Ainsi, un soir, nous avons dn dans un restaurant tenu par un ingnieur des Ponts et
Chausses la retraite, ancien responsable des Travaux Publics Ksar-es-Souk
(Errachidia) dans les annes cinquante, et rencontr un ancien agent de la Compagnie
Paquet assurant la liaison Casablanca-Marseille.

A deux reprises, nous avons got la cuisine chinoise dans un restaurant tenu par
des Chinois de Taiwan, bien intgrs dans le milieu ivoirien.

Louverture du sminaire eut lieu le lundi 11 dcembre dans limmense sige du


Parti du Rassemblement Dmocratique Africain, parti unique en Cte dIvoire, cr au
cours des annes cinquante par de jeunes intellectuels et syndicalistes, dont le jeune
mdecin Houphout-Boigny issu dune riche famille de planteurs adversaires acharns des
colons en ex-Afrique Occidentale Franaise.

Le sige du Parti, tout de marbre blanc import dItalie, situ dans un immense parc
dominant la ville, comprend plusieurs pavillons, des salles de runions restreintes, une

288
caftria et un imposant auditorium pour les runions plnires du Parti ; les murs taient
tapisss de banderoles la gloire du Sage de lAfrique.

Le sminaire, programm pour trente dlgus, stait transform en forum pour les
secteurs de la vie conomique ivoirienne, avec une svre note de dsordre et de
confusion, les experts du PNUD tant submergs par la mare ivoirienne, sape avec une
relle ostentation.

Jeus le plaisir de retrouver Saint Gal de Pons, ancien gologue au BRPM, chef de
projet PNUD au Burkina-Faso, des reprsentants du BRGM, de la Banque Mondiale, de la
Banque Africaine de Dveloppement, des fabricants de matriel de forages et de
valorisation des minerais, et de nouer des contacts avec les responsables du secteur
minier au Sngal, Gambie, Guine, Ghana, Togo, Mali, Burkina-Faso, Bnin, Libria, Cte
dIvoire et Gabon.

Louverture officielle fut prside par les Ministres des Mines et des Travaux Publics,
en prsence des autorits locales de Yamoussoukro et des reprsentants du PNUD dirigs
par Batrice Labone, maigre et osseuse.

Aprs des discours douverture insipides, la premire matine fut clture par un
cocktail de bienvenue financ par le PNUD, les Ministres et autres officiels stant rfugis
dans un recoin, ignorant les organisateurs et les sminaristes.

Lhospitalit ivoirienne ne fut pas gnreuse et tout tait payant.

Ainsi, un sminariste nous avait signal que des diplomates, avant dtre reus par le
Prsident Houphout Boigny, avaient pay les rafrachissements servis, et un
Ambassadeur avait emprunt lun de ses collgues pour faire face la dpense.

Aprs la pause, les travaux du sminaire staient drouls dans une ambiance
dcontracte, souvent nonchalante, la sape quotidienne des Ivoiriens tant de rigueur,
face des sminaristes en tenue estivale.

La qualit des interventions fut trs ingale, les experts du PNUD souvent absents,
en dehors de Louka, expert gologue chypriote, parlant larabe.

Des empoignades enflammes entre gologues avaient maill les premiers travaux
du Sminaire, clturs par une table ronde anime par un expert gologue du PNUD de
grande exprience, Louka.

Malgr la divergence des points de vue et des mthodes de travail, tous les orateurs
avaient conclu la ncessit de coordonner les actions de recherches gologiques et
minires en faisant appel la gochimie multidfinitions, aux sondages peu profonds,
des chantillonnages srieux suivis danalyses fiables, le souci manifest dans la sous
rgion tant de retrouver la situation dantan au plan de la production dor et de diamant.
Certains intervenants avaient estim 10 millions de dollars le cot minimum des
oprations de recherche pour mettre en vidence un gisement dintrt conomique, en
se fondant sur linsuffisance du tissu gologique et lexistence de forts denses et de
larges savanes.

En 1988, 200 millions de dollars furent investis dans lindustrie minire en Afrique de
lOuest, soit 1 % du total mondial engag.

Dautres interventions furent consacres :

- lactivit artisanale, cratrice de 200.000 emplois dans les activits dorpaillage


clandestines difficilement combattues par les Gouvernements,

- lexamen des mthodes nouvelles dexploitation et la manire dapprocher les tudes


dexploitabilit et de faisabilit conomique des projets miniers,

289
- des questions juridiques et dinvestissements animes par des reprsentants des
socits internationales comme Otokumpo, RTZ, UTH, BHP et le BRGM.

- il ny a jamais eu de spoliation en Afrique aprs les nationalisations, tous les anciens


actionnaires trangers furent correctement indemniss,

- il ny a pas plus de risque politique en Afrique quailleurs, contrairement ce qui a t


colport depuis des dcennies,

- les lenteurs administratives sont les plaies du dveloppement minier en Afrique, la


simplification des procdures et des circuits devenant vitale et urgente,

- les drapages des cots dcouragent les investissements, les projets miniers en Afrique
de lOuest sont souvent mal identifis, insuffisamment reconnus, entranant une
incertitude sur les rserves exploitables,

Ce nest pas largent qui manque, ce sont les bons projets qui font dfaut , avait
dclar Hadjadj de la BAD.

- le secteur minier est capable de crer des emplois dans les rgions dshrites,
exposes lexode rural, vitant ainsi les disparits lchelle nationale, et induisant un
vritable effet dentranement des industries extractives sur les autres secteurs
conomiques,

- les responsables politiques devront tre conscients de la complmentarit de la


production minire, car non fongible et phmre,

- lAfrique de lOuest a une vocation agricole indniable et ses potentialits dans ce


domaine sont considrables ; satisfaire les besoins normaux et naturels des populations
est un devoir des Etats, et ce serait une erreur de considrer que la mine est une activit
alternative de lagriculture.

La prestation marocaine portant sur les deux thmes du Dveloppement minier et de


lInformatique, nous donna droit des flicitations logieuses de tous les participants au
Sminaire.

Rendant hommage notre action et nos interventions durant les dbats, je fus
charg de prsider la dernire matine consacre aux exposs de la SFI, de la BAD et du
BRGM, axs sur le financement des projets de dveloppement minier.

Lopinion gnralement exprime par les reprsentants du PNUD et les sminaristes


africains, tait que lapport du Maroc, tout en tant bnfique, avait permis au sminaire
de ne pas sombrer dans la morosit et la platitude.

Batrice Labone me le confirmera plus tard, laroport dAbidjan, avant de


rejoindre Paris.
En marge du Sminaire, et en apart avec Louka, nous avons labor une bauche de
stratgie de recherche en pays latritique, puis abord le rle du Fonds Auto
Renouvelable des Nations Unies dans le secteur CADETAF, suite notre demande
exprime New York en janvier 1989.

Le rapport et le programme dintervention tablis par lexpert sur la zone CADETAF,


vagues et insuffisants, mritent un rexamen srieux, me dit Louka.

Par ailleurs, la fin de la deuxime journe du Sminaire, linitiative de Guerrak et


moi-mme, une runion regroupa tous les chefs de dlgations africaines pour examiner
les perspectives de coopration continentale.

290
A la veille de la clture, laprs-midi fut consacr la visite des centres dintrt, nos
htes ivoiriens insistant pour faire participer tous les sminaristes cette excursion
culturelle et rcrative.

Ainsi, nous nous sommes rendus en convoi, dabord la Fondation Houphout-


Boigny construite coups de milliards de CFA, toute de marbre blanc, bronze et boiseries
italiennes, avec un amphithtre de 2.500 places, rarement utilis, guids dans la visite
par un militaire en grande tenue dapparat, fier de servir un lieu ddi son vieux
Prsident.

Ce fut aprs, le tour de la fameuse Basilique de Yamoussoukro, conue par un


architecte ivoirien dorigine libanaise Fakhoury, avec son dme de 90m 160m du sol,
8.000m de vitraux, le plus grand difice de chrtient implant dans une zone de savane
et de maigres bosquets, proche des cases sordides.

De notre groupe de visiteurs, on nentendait que cest fantastique, grandiose,


inimaginable, cest plus imposant que la Basilique Saint Pierre Rome .

Ce chef duvre en pleine brousse, tourne en drision la mosque construite par les
artisans marocains et finance par lArabie Saoudite, situe non loin de ce mastodonte de
bton, de marbre et de pierre de taille.

Le bruit courait que, en guise dquilibre, le Vieux souhaitait construire une grande
mosque la mesure de la population musulmane majoritaire en Cte dIvoire, estime
40 % du total des habitants.

Ds notre entre dans la Basilique, les orgues commencrent vibrer, diffusant un


fond musical de messe des grands vnements.

Les parterres resplendissent de lumire, les colonnades de marbre rivalisent avec les
stucs des prie Dieu et des coins de confession.

Dans la fournaise extrieure aux alentours de la cathdrale, lair conditionn, dune


technique avance, maintient les fidles dans une atmosphre de relaxation et de
complet recueillement.

Le Prsident et sa sur, issus dune famille animiste, ont voulu faire uvre
charitable et acte de foi chrtienne en difiant cette Basilique avec leurs propres
deniers , se dpcha de dire un accompagnateur ivoirien, nous rappelant loffre de la
Basilique au Vatican et sa prochaine inauguration par le Pape Jean Paul II.

Nous avons poursuivi notre tourne au Palais des Htes, proximit du Palais
Prsidentiel, enfoui sous la verdure, entour de magnifiques plans deau bords de
palmiers, et comprenant entre autres, deux beaux pavillons, uvres des artisans
marocains et don du Roi Hassan II.

Cest la preuve de lamiti profonde unissant nos deux pays , me souligna le chef
de cabinet du Ministre ivoirien des mines.

A la sortie du Palais, nous avons admir des troupeaux de camans se dorant au soleil
sur les berges des plans deau, et pour fixer le souvenir, un gardien du parc se prta un
exercice de domptage prilleux des crocodiliens.

Nous nous sommes rendus ensuite lEcole Nationale Suprieure des Travaux
Publics, vritable complexe htelier ou de vacances pour milliardaires, dmesur pour la
cinquantaine cadres forme chaque anne, cre en 1963 Abidjan et dont le transfert
Yamoussoukro fut une tape symbolique.

A quelques coudes, lInstitut Suprieur des Techniques, nous avons retrouv le


mme gchis, la mme ostentation et la mme dmesure.

291
Dpits et tristes par autant de dpenses superflues, nous avons rejoint lHtel
Bonheur, en pensant cette multitude de va-nu-pieds dambulant chaque nuit non loin
de la Basilique et de notre htel.

Yamoussoukro, la cit du Vieux, o lme ivoirienne a perdu de sa superbe pour


laisser le champ libre un urbanisme agressif dominant, sans compassion pour lhabitat
traditionnel fait de cases ou de cahutes dlabres, nous a laiss un arrire got
danachronisme, alors que malgr les normes investissements engags, la relle activit
politique et conomique est demeure Abidjan.

Aprs le Vieux, son uvre aura du mal lui survivre et tre entretenue, dit
malicieusement un sminariste.

En effet, la crise conomique persistante, la dpression des cours du cacao, avaient


obr les moyens financiers de la Cte dIvoire incapable par ailleurs de maintenir en tat
les infrastructures dispendieuses de Yamoussoukro.

Laprs midi du dernier jour, alors que la clture du Sminaire tardait, nous sommes
rentrs Abidjan en compagnie de Hadjadj, de la Banque Africaine de Dveloppement
(BAD) et de son fils, Mahrez, lintelligence vive et ptillante.

Nous avons redcouvert la campagne ivoirienne quasiment vierge, regrettant que de


vastes tendues de terres fertiles, abondamment arroses, ne fussent pas mises en valeur
lexemple de la Chine.

Dans un gros bourg, mi-chemin entre Yamoussoukro et Abidjan, des soldats


franais des Groupes dIntervention Rapide, taient assaillis par des nues de gosses en
qute de pices, de bonbons ou de chocolats.

A Abidjan, nous fmes installs lhtel Ibis Plateau, prs du centre ville.

Rejoints par les Premiers Secrtaires des Ambassades dAlgrie et du Maroc, Draia et
Zaoui, nous sommes alls lHtel Ivoire visiter lexposition artisanale marocaine
organise par un promoteur casablancais et anime par lorchestre Pinhas au grand
complet.

Le soir, nous fmes convis dner chez la famille Hadjadj, installe confortablement
au quartier rsidentiel hupp de Cocody, parmi les flamboyants et les palmiers et les
parterres de fleurs. Hadjadj, connaisseur des problmes du Maghreb, avait fustig le
comportement de lAlgrie dans laffaire du Sahara.

Le Sahara est marocain, pourquoi crer au Maroc un abcs de fixation dans ses
provinces du sud, lAlgrie na rien gagner dans cette affaire ; au contraire elle risque de
compromettre lavenir du Grand Maghreb , dit Hadjadj, sous les yeux berlus de
Guerrak sans raction aux paroles de son compatriote.

Le lendemain, sous un temps lourd, nous avons fln travers les marchs o lon
vend bruyamment les produits artisanaux de la sous rgion (bois, ivoire, bronze, cuivre),
spectacle dont on ne se lasse pas et merveilleuse prise de contact avec la gaiet et la
gentillesse naturelle des habitants.

A midi, Draia nous invita djeuner chez lui, dans un immeuble rserv aux
diplomates, dans un magnifique cadre de verdure et de quitude. Son pouse algrienne,
ne Marrakech, regrettait vivement le Maroc; la perspective de larrive prochaine de sa
mre lenchantait et la rconfortait.

La vie Abidjan est agrable, car passs les trois premiers mois, on sintgre et on
se fait de nombreux amis, les manifestations culturelles ne manquent pas ;
malheureusement les vols et les attaques main arme sont frquents et ma femme a t
agresse rcemment en plein centre ville , nous signala Draia.

292
La capitale ivoirienne, depuis la crise du cacao, avait connu une recrudescence des
agressions contre les expatris, sans pour autant crer un vent de panique.

Cependant, beaucoup dEuropens, ayant vcu leuphorie et labondance, craignaient


le chaos aprs la disparition du Vieux, obstin ne pas dsigner un dauphin car ceci
est le vu du peuple ivoirien disait-il.

Le Vieux est toujours l, mme sil ne participe au Conseil des Ministres que pour
une demi-heure, ses avis sont toujours couts et suivis, et rares sont ceux qui lui
tiennent la drage haute , me dit Likane.

Avant de rejoindre laroport, au march central frquent en majorit par les


expatris venus sapprovisionner pour les ftes de fin danne, nous avons achet du caf,
du cacao et des fruits des prix drisoires.

A lenregistrement du vol UTA sur Paris, Guerrak stait vu refuser, pour excs de
poids, le carton de fruits exotiques minutieusement prpar le matin ; le cot du fret
tant dix fois suprieur au prix dacquisition des bananes, des ananas, des mangues et
des papayes, Guerrak se rsigna loffrir son compatriote Draia, sous lil amus et
sans compassion des htesses d UTA.

Lavion, un Boeing 747 Combi, dcolla avec une heure de retard, aprs une fouille
systmatique des bagages et des passagers, rappelant au souvenir le triste pisode du
DC10 dUTA dtruit au dessus du Niger en octobre 1989.

A bord de lavion, javais fait la connaissance du Directeur Gnral des Moulins de


Cte dIvoire, fin connaisseur du pays.

Nous, Franais, sommes battus partout par les Libanais, fins manuvriers, cassant
les prix, et au final, seuls bnficiaires des retombes conomiques ; la Cte dIvoire
stait lance dans la ralisation dinfrastructures coteuses, dpassant ses possibilits
financires; un vent de sagesse commence poindre lhorizon, mais il faut du temps
pour convaincre les Ivoiriens dtre eux mmes et non le reflet de lextrieur ; le Maroc
est tout autre, eu gard son dveloppement organis et lintelligence vive de ses
lites , me confia cet homme daffaires, dpit, anxieux, allant assister Genve une
runion du conseil dadministration de sa socit.

Aprs une escale Niamey et un vol agrable, lavion avait atterri Roissy 7h du
matin, dans lobscurit, la fracheur et le froid de lhiver ; javais quitt Guerrak press de
gagner Orly pour rattraper le vol sur Alger, et moi javais rejoint lhtel, abattu et
pantelant aprs un sjour prouvant. Quels furent les enseignements de cette mission ?

LAfrique de lOuest est une sous rgion couvrant 6,4 millions de km2, avec une
population de 184 millions dhabitants, respectivement 20 % et 32 % du continent.

En dehors de la Gambie, de la Guine-Bissau, du Ghana, partiellement du Togo et du


Nigeria, cette partie de lAfrique demeure la chasse garde de la France, les Anglais ayant
dcid depuis longtemps de boucler les valises et de partir .

Du point de vue gologique, ce secteur, caractris par la prsence prdominante du


bouclier africain, dge prcambrien, dispose de ressources minrales importantes
(ptrole, fer, bauxite, phosphate, diamant, chromite, uranium, or et roches industrielles et
ornementales).

Le birrimien, horizon gologique prsent en Afrique de lOuest, est porteur dun


potentiel aurifre estim 1.000 tonnes, dont une grande partie au Ghana et en Guine,
lieux de dpart des anciennes pistes caravanires transitant par Sijilmassa et Tiznit, avant
daboutir en Europe du Sud.

293
Linsuffisance chronique dinfrastructures de base indispensables toute activit
dexploration ou de dveloppement minier, linadaptation et labsence de lois minires,
ont retard ou perturb la promotion de linvestissement.

Souvent, en dehors de quelques tudes gologiques superficielles, lintervention des


Etats ou des Gouvernements dans lindustrie extractive est modeste voire inexistante.

Seuls quelques gisements riches, convoits ds le dpart par plusieurs firmes


trangres, ont t exploits et crms sans que les Etats aient intervenir pour mettre
fin au massacre de leurs ressources minires qui ne se rgnrent plus.

Partout, un vent de panique soufflait sur lactivit minire, et on enregistrait un


dclin des oprations dextraction et lorientation des efforts vers dautres secteurs plus
attrayants (industrie et agro-industrie). Le manque de devises et les difficults pour
acqurir les pices de rechange, avaient assombri la situation, crant un environnement
peu propice linvestissement tranger.

Certains pays, en partant de ce constat dincertitude, ont adopt des politiques


courageuses pour stimuler la recherche minire et crer les conditions favorables aux
apports de capitaux trangers stimuls, travers un Fonds Spcial pour lexploration, par
une imposition modre et louverture de comptes en devises.

Le cas du Ghana du major Rawlings, fut cit comme un exemple de russite dans la
promotion et le dveloppement miniers ; ainsi, lancienne Gold Coast connue pour ses
fabuleux gisements dor depuis les temps immmoriaux, a su, aprs une priode de
lthargie, remettre en production ses anciennes mines et en dcouvrir de nouvelles,
effectuant un virage 180degrs pour revenir lconomie de march, linitiative
prive, en faisant appel lextrieur sans jeter la pierre aux anciennes puissances
coloniales .

294
En Algrie
Deux missions furent effectues en Algrie, tout dabord dans le cadre de la Grande
Commission bilatrale, et ensuite de la Commission spcifique Mines et Gologie de
lUnion du Maghreb Arabe (UMA).

Premire mission
Cette mission, laquelle notre Dpartement fut reprsent par les Directeurs de
lEnergie et des Mines, stait tenue dans le cadre de la Grande Commission bilatrale
prside par les Ministres des Affaires Etrangres des deux pays.

Avant de rejoindre Alger, une runion prliminaire avait t tenue au Ministre des
Affaires Etrangres, en prsence de plusieurs Directeurs dAdministration centrale pour
coordonner et harmoniser la position des diffrents Dpartements concerns par la
coopration avec lez pays voisin de lEst.

Le 21 janvier 1990, larrive de nuit Alger, sous une pluie fine, nous fmes
accueillis chaleureusement laroport Houari Boumediene par de nombreux officiels des
ministres algriens, dont notre ami Guerrak, Directeur de la Gologie.

Nous tions logs lhtel El Aurassi, immense btisse de 450 chambres, abritant
toutes les grandes manifestations politiques et conomiques du pays.

Nous avons dn au snack bar enfum, envahi par une clientle bruyante, sous le
regard dun personnel de service apathique, frondeur et peu professionnel, au grand dam
de quelques clients europens dsempars et angoisss par de tels comportements
incompatibles avec lactivit touristique.

Le lendemain, la ville stait rveille dans les bruits du port et dun trafic
indescriptible o tout senchevtrait et se mlait dans le dsordre.

Mais par dessus tout, Alger demeure une belle ville.

Le lever du soleil sur la baie est rellement sublime, et du haut dEl Aurassi dans le
quartier des Tagarins, entre la Casbah et le Fort de lEmpereur, le panorama devant nous
tait merveilleux.

Alger la blanche, accroche au flanc des collines, est certainement lun des plus
beaux sites de la Mditerrane.

A 10h, en convoi, nous avons rejoint le Ministre des Affaires Etrangres, btisse
rcente, toute de marbre et de verre, dominant les quartiers des facults, du muse et de
lHtel Al Jazar (ex St Georges).

De ples discours avaient marqu la sance douverture, suivie de la premire


runion plnire des experts dans un magnifique amphithtre, couleur vert olive, et de
la mise en place de commissions spcifiques sur les problmes conomiques, consulaires
et juridiques.

Trs rapidement, ct Energie et Mines, nous avons quitt les lieux pour aller au
Ministre des Mines travailler en sous-commission restreinte et laborer un document sur
lnergie (ptrole, gaz, gazoduc) et la lgislation minire.

Notre runion ne dura pas longtemps, car trs rapidement nous nous tions mis
daccord sur les volets de notre coopration spcifique, les ayant dj examins
loccasion de runions prcdentes entre les experts des deux pays.

295
Avant de quitter le Ministre, Khlil, Secrtaire Gnral, natif dOujda, nous reut,
longuement et amicalement, pour discuter des perspectives de coopration en matire de
mines, gologie et nergie.

lhtel, nous avons retrouv beaucoup de nos collgues, affals sur les sofas,
dpits et apathiques.

Vous tes vraiment part, vous les mineurs, les gologues et les nergticiens ,
nous lana malicieusement un de nos concitoyens.

Effectivement, ds notre arrive, nous avons t pris en charge, sans rpit, par nos
amis algriens du Ministre des Mines et de la SONATRACH.

Le deuxime soir, dans un restaurant pris dAin Beniane, port de pche prs dAlger,
Guerrak nous convia un dner auquel avaient particip nos collgues du Ministre des
Mines, Hasbellaoui et Ras Elkef, le Directeur Gnral de lEntreprise de Recherche Minire,
Slougui, et le Secrtaire Gnral de lOffice de la Gologie.

Tard, Guerrak nous avait reconduits, Bouhaouli et moi, lhtel, par le front de mer
et la partie basse de Bab El Oued.

Le lendemain, quittant le reste de la dlgation assujettie faire la navette avec le


Ministre des Affaires Etrangres, nous avons visit le centre de recherches de
Boumerds 40 km dAlger,

A la priphrie de la ville, les anciennes belles terres gagnes par les colons
europens sur des zones marcageuses taient laisses en jachre.

LAlgrie socialiste et de la guerre de libration, avec son systme dautogestion


instaur aprs la fuite des colons europens en 1962, avait enregistr un fiasco total dans
le maintien et la prennit dune agriculture installe au top en Afrique du Nord du temps
de loccupation coloniale franaise.

En se vidant de sa substance terrienne, lAlgrie, autrefois grande productrice de bl,


dagrumes, de vin, stait dtourne de sa vocation naturelle, privilgiant les
hydrocarbures dont les normes profits et la rente avaient servi monter et financer un
programme industriel, gouffre de devises et repre de mauvaise gestion.

Tout le long de la route menant Boumerds, un effort louable de construction et de


ramnagement des infrastructures dnotait le dsir du rgime du Prsident Benjedid de
tourner la page crite par Boumediene.

Le centre de Boumerds, sige de lEntreprise Nationale de Recherche Minire


(EREM) est un vaste complexe construit sur le modle sovitique, avec des btiments
juxtaposs et dimmenses couloirs revtus de marbre mal pos, servant de salles
dexposition aux vitrines trangement vides.

Dans les laboratoires, les quipements dsuets et obsoltes taient suivis par des
techniciens dEurope de lEst que lon avait vit de nous prsenter.

Lusine de traitement pilote polyvalente (cot avanc : 60 millions de dollars), ayant


peu fonctionn, permettait dtudier la valorisation des mtaux de base, des mtaux
prcieux, du fer, des phosphates et des substances utiles.

Nous avons longuement discut de la ncessit de mettre en commun nos moyens et


nos expertises de recherche et dveloppement pour viter de recourir ltranger plus
onreux et peu dsireux daccepter un transfert de know how.

La matine stait acheve par un djeuner au restaurant Le Gourbis auquel fut


convi Belhabri, ancien laurat de lEcole Mohammedia dIngnieurs.

296
Ensuite, nous avons rejoint le Ministre des Affaires Etrangres en traversant une
zone de cultures sous serres, lueur despoir pour lagriculture algrienne renaissante et
longtemps dlaisse.

La reprise des travaux de la Grande Commission sopra dans le dsordre et pour


nous en soustraire, nous avons prfr remettre le procs verbal de nos runions du
groupe Energie et Mines au Chef de la Commission Economique qui lavait jug
parfaitement au point pour tre insr dans le document final.

Le soir, la SONATRACH nous invita, Bouhaouli, Directeur de lEnergie et moi, au


restaurant du Jardin des Plantes, enfoui dans la verdure, lombre des dragonniers
centenaires, et frquent par la jet set et les fils des nantis du rgime.

Khlil, Bouhafs, Directeur gnral de SONATRACH et Guerrak nous accueillirent avec


une chaleur et une amiti exceptionnelles.

Aprs le dner trs dcontract et convivial, nous sommes retourns lHtel El


Aurassi par les hauteurs illumines de Bouzera.

Le contact tlphonique avec Rabat se rvla vain, preuve irrfutable du retard dans
les liaisons inter maghrbines.

Sans communications ariennes, terrestres, maritimes, on ne peut rapprocher les


peuples , fit remarquer le lendemain un membre de la dlgation marocaine.

Au quatrime jour, tt le matin, une lgre brume avait envelopp Alger, et en rade
du port, le nombre de bateaux en attente avait augment sensiblement.

130.000 tonnes de marchandises sont en souffrance au port, attendant le


ddouanement ; certaines cargaisons remontent 1985, le trafic au port dAlger tant
terrible et compliqu , nous signala sans gne un technicien algrien.

La matine fut consacre une visite de ville, en passant par Bal El Oued, thtre des
massacres perptrs par lOAS en 1961, constitu de vieilles btisses abritant les
commerces de dtail aux enseignes arabises pour liminer les vestiges de la
colonisation, puis par la Casbah, en dcrpitude malgr un effort de rnovation des
autorits de la ville.

Prs du front de mer, lancien palace Aletti, fleuron de lhtellerie coloniale, tait
redevenu un htel ordinaire dont la faade et lentre principale taient mconnaissables
et dfrachies.

En affrontant un trafic intense, nous avons atteint le Monument des Martyrs, uvre
dune socit canadienne, nich sur une butte dominant la rade dAlger.

Les souterrains abritaient une exposition relatant les diffrentes pripties de la


guerre de libration et la rsistance loccupation franaise depuis le dbarquement de
Sidi Frej en 1830 jusqu lindpendance en 1962, en passant par lpope de la valle de
la Soummam, la ligne Morrice, le ratissage des mechtas, les barricades dAlger et le
putsch des gnraux, Salan, Jouhaud, Challe et Zeller contre De Gaulle dcid
abandonner lAlgrie franaise.

En visitant ce lieu, on ne peut sempcher de remarquer loccultation manifeste des


sacrifices consentis par la Tunisie et le Maroc pour la Rvolution algrienne.

Nous avons ensuite fln dans un grand centre commercial attenant au monument,
aux talages quasiment vides, rappelant le Goum de Moscou, avant de rejoindre EL
Aurassi pour djeuner tranquillement au restaurant La Pcherie.

297
Laprs-midi, nous nous sommes retrouvs tous en sance plnire prside par les
deux Ministres des Affaires Etrangres, Ghozali et Filali, arrivs ensemble de Tunis, aprs
la clture du sommet de lUMA.

Aprs les discours de llgant Ghozali et de lnigmatique Filali, les chefs des
commissions dexperts avaient expos et comment les rsultats des travaux.

Cest un scandale que le volume des changes entre nos deux pays reprsente
peine une fraction de journe des changes globaux algriens ; il est urgent de porter
cette proportion deux semaines , scria le Ministre algrien, alors que Filali tait rest
muet.

Sur la base de ce triste constat, le problme est de faire voluer les esprits et les
convaincre de la ncessit dun mouvement daffaires et dchanges conomiques
beaucoup plus large important et irrversible.

Dans leuphorie des relations maroco-algriennes, et pour clturer la journe, une


grande rception fut organise au centre Al Mitaq, domaine rserv aux grandes
occasions, sur les hauteurs dAlger, en prsence de plusieurs ministres algriens et des
membres des dlgations.

Durant toute la soire, le gnral Belkheir, Directeur de Cabinet du Prsident


Benjedid et Filali, calme et imperturbable, avaient longuement devis en apart.

Le lendemain, avec le Directeur Gnral de SONATRACH, Bouhafs, dans ses bureaux


Hydra dominant la baie dAlger, nous avons discut des potentialits en hydrocarbures
de lAlgrie, de la politique de leur mise en valeur, du projet du gazoduc Maghreb-Europe.

Considr par certains comme un thoricien pur et dur du FLN, Bouhafs nous avait
donn une impression douverture desprit et de dialogue rflchi.

Rejoints par Khlil, nous avons visit ensemble lemplacement du nouveau sige de
SONATRACH o le gardien des lieux nous tana mchamment.

Alors, comme a, vous entrez, vous vous promenez, puis vous sortez, vous vous
croyez dans une curie .

Cest ton Directeur Gnral , sempressa de faire remarquer Khlil au gardien qui,
sans complexe, sloigna en grommelant.

Il a bien fait son travail , dit calmement Bouhafs.

En dbut daprs-midi, un grand djeuner fut organis par lAmbassadeur du Maroc,


Benslimane, en sa rsidence larchitecture turque, prte par les autorits algriennes
en attendant lachvement et linauguration de la rsidence officielle loccasion de la
prochaine Fte du Trne.

Les ministres algriens, les plus en vue du Gouvernement, taient l parmi des
dizaines dinvits se pressant autour des buffets bien garnis, dans une ambiance
dcontracte et mme euphorique.

La clture des travaux de la Grand Commission eut lieu en fin de journe aux
Ministre des Affaires Etrangres, sans grand panache ni tapage mdiatique.
Le soir, Guerrak et son pouse nous invitrent, Bouhaouli et moi, dans un restaurant
vietnamien, non loin du quartier des facults sur lequel planait le souvenir des pieds noirs
et des massacres perptrs par les commandos de lOAS.

Vendredi, 6 et dernier jour de notre mission, Alger tait baign de soleil et de


lumire et la mer Mditerrane ressemblait un vritable tang dhuile.

298
Les membres de la dlgation marocaine avaient commenc quitter Alger, certains
vers Paris et Francfort, dautres attendant calmement laprs midi le vol rgulier dAir
Algrie pour Casablanca.

Avant mon dpart sur Paris, je fus invit par la famille Guerrak djeuner Tipaza,
petite ville en bordure de mer, connue pour ses ruines romaines et ses restaurants de
fruits de mer.

Au retour, nous avons travers la petite ville de Nador, rcemment touche par un
tremblement de terre ayant fait plusieurs victimes et des centaines de sans abris.

Cest une zone de failles lies la tectonique du nord de lAlgrie, encore appele
bouger , me signala Guerrak, sous sa casquette de gologue.

Cest inadmissible quaprs des mois, les gens en soient rduits encore braver le
mauvais temps sous des abris sommaires , scria Madame Guerrak.

Avant laroport, nous sommes passs par lex-Palestro, avec ses anciens domaines
coloniaux dagrumes et de vignobles, abandonns ou arrachs.

Avant lembarquement, Hasbellaoui du Ministre des Mines tait venu me saluer, en


esprant nous retrouver en Algrie dans moins dun mois.

A bord du vol Air Algrie sur Paris, mme en premire classe, laustrit fut de la
partie et le service peu professionnel.

Deuxime mission
Comme convenu, un mois aprs, une longue mission avait examin durant une
semaine les diffrents volets de la coopration en matire de mines et de gologie.

Cette mission comprenait le Directeur de la Gologie, Bensad, le Directeur gnral


du BRPM, Lhatoute, le Prsident de lAssociation des Industries Minires Marocaines,
Skalli, le Directeur de la Planification de lOCP, Omari, le Directeur de la Planification des
mines de lONA, Mahzi, et moi-mme comme prsident,

Nous sommes arrivs Alger sous un climat printanier, le samedi 17 fvrier 1990,
aprs un vol rapide, mais en retard de plus dune heure sur lhoraire prvu, en raison de la
grve du zle des contrleurs ariens marocains.

Nous fmes accueillis trs chaleureusement laroport Houari Boumediene par


lensemble des reprsentants du secteur minier algrien, avant dtre installs lHtel El
Aurassi.

Aprs un djeuner rapide en prsence de Guerrak, nous avons rejoint le Ministre des
Mines pour tre reus par le Ministre Boussenna.

Nous devons russir notre coopration ; les ministres sont l pour donner la
bndiction ce que vous aurez dcid ; ne vous attardez pas trop sur les dtails,
examinez plutt des points concrets, proposez des solutions ralistes, et allez de
lavant , nous dit le Ministre, mathmaticien laise dans son environnement.

Dans une ambiance amicale, bon augure pour la suite de la mission, nous avons mis
au point le programme de notre sjour et analys les volets de notre coopration abords
dj trois semaines auparavant Alger,

A notre demande, le programme tabli nous permettait de visiter des centres


industriels et des sites dintrt culturel et touristique.

299
Le soir, nous fmes convis un dner prsid par Khlil, Secrtaire Gnral du
Ministre des Mines, donn en notre honneur par lEntreprise des Non Ferreux (ENOF), en
prsence des responsables du Dpartement et des directeurs des Entreprises Nationales.

Au deuxime jour, nous avons visit le centre de lEREM de Boumerds, o le


Directeur Gnral, Slougui, nous avait expliqu les missions dvolues son entreprise
dans le cadre de la politique minire algrienne axe principalement sur linfrastructure
gologique et gophysique, la prospection minire et lvaluation conomique
prliminaire des gisements.

Des changes de points de vue nous avaient permis de circonscrire les domaines
dintrt mutuel pour coller aux directives du Ministre Boussenna.

Un dbat, en cours pour rentabiliser et commercialiser les interventions et les


dcouvertes de lEREM, fixera la limite de ses attributions, face lOffice de la Gologie
investi du dpt lgal de linformation gologique nationale.

En Algrie orientale

Aprs un djeuner au Gourbis Ain Taya, nous avons rejoint par avion Tbessa,
sige de lentreprise FERPHOS, en compagnie de son PDG Benslimane.

Tbessa, longtemps grande base de larme franaise, tait charge de verrouiller et


de contrler lest algrien, face la frontire tunisienne traverse par les commandos de
lArme de Libration Nationale.

Aprs la crmonie daccueil laroport, nous avons rejoint le sige de lentreprise


pour un change de points de vue sur les activits dexploitation et de valorisation du
phosphate et du fer.

Dans une ambiance parfaitement sereine, Benslimane et ses collaborateurs avaient


rpondu, sans esquive, nos nombreuses questions.

Un grand dner nous avait runis en fin de soire pour poursuivre nos changes mais
aussi pour approfondir davantage nos relations personnelles.

Le lendemain, aprs un petit djeuner somptueux, nous avons t aux phosphates


du Djebel Onk 80km de Tbessa, dans une rgion de plateaux calcaires o les derniers
orages avaient profondment ravin les rues et endommag la route daccs.

Lexploitation ciel ouvert concernait une seule couche de phosphate de 30 35m,


abattue sur toute la puissance par voles de 100.000 tonnes, les striles tant achemins
vers une dcharge situe 1 km par des camions Euclide de 50 tonnes.

Lusine de traitement, installe proximit de la carrire, produisait du phosphate


calcin 74 % BPL et du phosphate dpoussir 63-65 % BPL.

Le programme annuel dextraction portait sur 3 Millions de tonnes pour produire 1,3
1,4 Millions de tonnes de produits marchands, dont 0,4 0,5 Million de tonnes
transformes lunit ASMIDA Annaba et consommes sous forme dengrais simples, le
reliquat, essentiellement du produit calcin, tait export.

Nos htes avaient souhait une aide de lOCP pour trouver les solutions adquates au
plan de la caractrisation des panneaux dexploitation et de lamlioration des mthodes
de valorisation du phosphate.

Le premier train charg de phosphate dans le sens Annaba-Djebel Onk est


marocain , nous dit Benslimane pour rappeler notre bon souvenir les contacts troits
avec lOCP, malgr les contingences politiques.

300
Un projet dacide phosphorique dans la rgion de Tbessa tait ltude.

Aprs un grand djeuner au foyer de la socit, en prsence de tous les cadres, nous
avons regagn Tbessa pour y tre reus par le Wali, jeune cadre, dynamique et avenant,
ravi du rchauffement des relations algro-marocaines, bon connaisseur des problmes
conomiques rgionaux.

Ensuite, nous sommes partis Ouenza en passant proximit de la mine de


Boukhedra, prs de la frontire tunisienne.

Situe 90 km de Tbessa, Ouenza est une ancienne exploitation de fer remontant


la fin du 19 sicle, situe dans une zone de forts de chnes verts.

Le gisement, exploit ciel ouvert par gradins ascendants de 12 15m, produisait


annuellement 3 millions de tonnes de minerai marchand 50 % de fer, coul vers le
complexe dEl Hajar par voie une ferre sur 350 km, datant de la colonisation franaise
visant le dveloppement industriel de lEst algrien.

Les rserves tant imprcises, lexploitation ne concernait que les zones daccs
facile ; lennoyage du gisement, sous un fort recouvrement, ncessiterait la mise au point
dune mthode dabatage adapte aux conditions du gisement.

Nous fmes installs la maison dhtes de la mine o lon mavait affect la


chambre occupe auparavant par De Gaulle et Boumediene, quipe dun immense lit la
mesure du lex Prsident franais.

La ville minire implante en contrebas de la montagne ferrugineuse, est constitue


danciens quartiers europens avec maisons en tuiles rouges, glise, foyers, loin des
quartiers arabes avec leurs masures et leurs gourbis.

Aprs la visite de la carrire, nous avons t aux ateliers et la fonderie rigs en


activits autonomes pour les soustraire de la gestion ordinaire bureaucratique, leur
permettant ainsi de retrouver leur dynamisme et de motiver le personnel.

On nous avait signal que des mineurs marocains, ayant travaill dans les anciennes
activits de production, staient fondus avec la population autochtone.

Le stakhanovisme de faade avait t envoy aux orties ; on ne parlait plus de


records et la langue de bois avait disparu pour faire place au ralisme.

Nous voulons transformer progressivement la mentalit paysanne pour entrer dans


la vie industrielle , lana un des cadres algriens, oubliant que son pays a cruellement
besoin de ses paysans et de son agriculture.

La soire fut clture par un dner dapparat auquel avaient assist tous les cadres
dOuenza et le chef de la Dara, affable, volubile et satirique.
Une dernire sance de travail et de mise au point avec Benslimane et son staff, avait
dfini nos domaines de coopration en matire dexploitation des gisements et fix les
chances de nos futures rencontres.

Au quatrime jour, nous sommes partis en direction dAnnaba en traversant Souk-


Ahras, haut lieu de la lutte de libration, et lOued Sibouze, avant darriver au complexe
industriel dEl Hajar, conu du temps du plan de Constantine et du complexe de Bne
chers au Gnral De Gaulle.

Le complexe sidrurgique dEl Hajar occupait une superficie de 800 hectares et


employait un effectif plthorique de 18.000 personnes.

La thorie de lindustrie industrialisante des annes soixante et soixante dix,


prne par Boumediene et relay par Belad Abdeslam, tait oriente vers llaboration

301
des produits plats alors que lAlgrie avait surtout besoin de fer bton pour la
construction de milliers de logements.

La capacit du complexe (plus 2 millions de tonnes) tait utilise moins de 50 %,


en raison des problmes de pices de recharge, de pnurie deau en priode de
scheresse et de problmes sociaux rcurrents.

Aprs un investissement lourd de plusieurs centaines de millions de dollars, les


besoins de lAlgrie taient encore loin dtre satisfaits, do le recours forcen
limportation et des sorties de devises importantes.

Un autre projet, bas sur la filire de rduction directe au gaz naturel, tait en cours
Jijel en Basse Kabylie, o de grands travaux dinfrastructure taient dj raliss ou
lancs (plates formes dusine, routes, port) pour cent millions de dollars.

Aprs la tourne des gigantesques installations et un djeuner la cantine du


complexe, nous avons examin les perspectives dintgration maghrbine en matire de
sidrurgie et not les actions suivantes:

- La possibilit pour SONASID au Maroc de fournir lAlgrie en ronds bton, en


contrepartie de lapprovisionnement du Maroc en fers plats, voire en billettes, par le
complexe dEl Hajar,

- Lenvoi dune mission du BRPM et de SEFERIF pour une visite dtaille des
installations du complexe et de la mine dOuenza,

- La relance du dossier Gara Djebilet.

Nous avons not que sur un chiffre daffaires de 10 milliards de dinars, la socit
dexploitation, SIDER, avait enregistr un dficit de 2 milliards de dinars.

Aux dires de nos htes, les autorits algriennes taient conscientes de la gravit de
la situation et staient engages rsolument rduire ce dficit en procdant des
rductions drastiques des charges de personnel et de gestion.

Concernant Gara Djebilet, aprs la visite dune unit pilote dessais de valorisation du
minerai de fer, SIDER nous avait informs du programme de recherche depuis 1989 et des
tudes techniques et conomiques en cours.

Plusieurs procds tests avaient montr la rductibilit par le gaz local ; le seuil de
rentabilit serait atteint avec une production de 10 20 Millions de tonnes dbloques
par voie ferre vers lAtlantique travers le sud marocain.

La mise en valeur du gisement semblait tre pour les Algriens, la seule voie pour
rentabiliser le projet de Jijel.

Nous avons convenu de maintenir le contact en crant un comit mixte pour suivre
lvolution du dossier Gara Djebilet.

Aprs El Hajar, prs dun village de vacances, partir des hauteurs de Siradi, nous
avons admir la Mditerrane et Annaba, ancien petit port turc avant loccupation
franaise, dbouch naturel de lhinterland agricole du secteur.

A laroport dAnnaba, avant de repartir sur Alger, jeus le plaisir de retrouver


Hammadia, ancien Directeur Gnral de la SONAREM et participant aux missions Gara
Djebilet de 1971 et 1972.

302
Au Hoggar
Le lendemain, au dpart dAlger, aprs un vol de 1h30 et une escale In Salah, nous
sommes arrivs 11h Tamanrasset, petite ville clairseme, perdue parmi les buttes
rocheuses et les pics daspect lunaire, rappelant par ses constructions en pis et ses
tamaris, Erfoud dans le Tafilalet.

La province mtallognique du Hoggar, massif volcanique du Sahara algrien, moins


aride en raison de son altitude (2.918m), dune superficie de 75.0000 km2, est lune des
plus riches du pays, avec ses gisements de quartz aurifre, terres rares (tantalium,
niobium), marbre, wolfram et des indices de minerais radioactifs.

Aprs notre installation lHtel Ahagar, larchitecture saharienne, couleur pis,


envahi par les touristes europens en qute dexotisme, nous avons t aux installations
de lEREM, guids par le chef de la Division Sud, Boukhalfa.

Les installations de lEREM nous avaient paru disproportionnes par rapport aux
actions menes dans le secteur.

Aprs un djeuner la popote de la base, nous avons t lAssekrem, massif


montagneux abritant lErmitage du Pre De Foucauld, daccs difficile travers les
escarpements, dans un paysage lunaire aux falaises impressionnantes.

Le Hoggar est le territoire du silence et des Touareg convertis lIslam entre le VII
et le IX sicle, reprsentant en Algrie environ 50.000 personnes, la plupart sdentaires
dans de petits villages, au pied du plateau de lAssekrem.

Les Touareg Tamanrasset et Djanet plus lest vers la frontire libyenne, sont
reprsents lAssemble Nationale Populaire Algrienne par un dput, fils de
lAmenokal, ancien chef targui dfait par larme coloniale lors de la grande bataille de
TIT, bourgade plus au nord.

Estims 3 millions, installs en Libye, au Niger, Tchad, Burkina Faso, Bnin et au


Mali, les Touaregs refusent ce terme arabe utilis par les Franais, prfrant les noms de
Kel Tamacheq (groupe parlant le berbre Tamacheq), Kel Taguelmoust (groupe portant le
chche indigo) ou les noms des confdrations quils constituent (Houggar, Jiggage, Ayer,
Igar, Limden, Ikress et Tamezguida)

Sur notre chemin, nous avons rencontr une longue caravane de chameaux monts
par des touristes franais, conduite par des guides touaregs.

Au crpuscule, les montagnes avaient pris des formes tranges rappelant un film de
science fiction, dans une plante inconnue de lespace sidral.
La lumire transforme au fil des heures les pitons volcaniques o lesprit du curieux
chemine le long de chemins invisibles.

Sur les contreforts, un immense bivouac abritait des groupes de cyclistes venus
dEurope donner lassaut lAssekrem, sur les deux roues.

Arrivs sur les lieux avant le coucher du soleil, nous avons escalad lAssekrem vive
allure, travers une piste en lacets, menant lErmitage, petit btiment en pierres sches
surplombant un paysage grandiose fait de valles encaisses, de pics lancs, de plateaux
dnudes, avec lhorizon, le HAT, le plus haut sommet du Hoggar, culminant 3.200m.

Devant nous se droule un paysage de dmence et de dsordre, mais aussi une relle
extase de pierres, de terre calcine et lunaire dune beaut mystrieuse

Sous une brise glace, nous avons devis quelques instants avec le Pre Edouard en
charge de lErmitage et qui vivait l, dans un dnuement profond et austre, depuis plus
de quinze ans.

303
Ensuite, nous avons visit la petite chapelle et la bibliothque laisse par le prtre
missionnaire Charles de Foucauld venu tudier au dbut du 20 sicle la langue des
Touareg, le tifinagh.

Quelques manuscrits dans cette langue taient la disposition des visiteurs.

Nous tions redescendus vive allure dans la semi obscurit, heureux davoir t si
haut, 2.800m.

Au retour vers Tamanrasset, nous avons crois des fennecs, renards du Hoggar, peu
effarouchs par les feux des vhicules Toyota.

Le soir, lHtel Ahagar, un dner fut organis en notre honneur, auquel avait assist
exceptionnellement un Haj Targui, conseiller de lEREM, emmitoufl dans ses larges
habits, avec qui javais longtemps discut sur lhistoire des Touaregs, leurs relations avec
les autres tribus ; je fus tonn de leur grande admiration pour notre pays et son Roi.

Je pntre dans cet htel pour la premire fois, mais comme vous tes parmi nous,
javais accept, exceptionnellement pour vous honorer, de droger la rgle et de venir
vous saluer et dner avec vous , me dit le Haj Targui.

Le reprsentant du personnel de lEREM, me signala que les populations dIn Salah,


parmi lesquelles des familles de chorfas Idrissides et Alaouites dorigine marocaine,
avaient des liens dallgeance avec les Sultans du Maroc.

A Tamanrasset, suite la longue scheresse au Sahel, des courants migratoires vers


le Nord avaient entran une augmentation de la population dans des proportions
insupportables pour les autorits algriennes contraintes de refouler des Nigriens et des
Maliens vers leurs pays dorigine, occasionnant des escarmouches sanglantes entre forces
armes des pays voisins.

Il ntait pas tonnant ds lors, que le Polisario ft des recrues parmi ces desperados,
en qute de travail et fuyant la famine.

Tamanrasset, porte de lAlgrie vers lAfrique noire, abrite rgulirement une foire
avec afflux de commerants en provenance dArlit (Niger) et Gao (Mali), attirs par le
ngoce sur les denres alimentaires (dattes, th, caf, sucre, farine) et les quipements
de forage et de pompage deau.

Le lendemain, tt, nous sommes partis bord de quatre vhicules Toyota, visiter les
indices dor du Hoggar, conduits par des chauffeurs guides rompus aux longs
dplacements en rgions dsertiques.

Ce fut une randonne fantastique et le clou de notre mission en Algrie.

Au village de Silet (lieu de spulture dAntinea daprs la lgende), petite oasis


semblable celles du sud marocain, avec ses palmiers, ses grenadiers et ses parterres de
luzerne, et terminus de la ligne en 22 kilovolts, nous avons quitt la route goudronne
vers In Salah, pour nous engager dans les vritables pistes sahariennes interminables,
aux tracs mouvants, balays par les vents.

Notre premire halte eut lieu au gisement de marbre blanc de Djebel Labiod, difficile
valoriser car se situant des milliers de kilomtres des centres de consommation, plus
au nord.

Ensuite, avait commenc la vritable pope du dsert, et pour nous protger du


sable, nous avions tous revtu le chche noir enroul en turban.

Devant nous, se droulait la hamada borde au sud et au nord par les cordons
montagneux sombres du Hoggar, dans un environnement o sans cesse lhorizon reculait,
avec la plnitude du vide.

304
La piste longue et chaotique traversait des regs sans fin.

On ne fait que traverser le dsert, moins que se ne soit lui qui vous traverse , disait
quelquun.

Les Toyota avaient men des raids motoriss travers cet environnement austre et
monotone, des vitesses frlant 140 km/heure, nous donnant limpression dassister
une chevauche fantastique et de participer un ballet o les chauffeurs samusaient, en
se doublant ou en voluant en tandem.

Des pneus et des bidons balisaient les pistes principales, et sur lune delles menant
au Mali, tait en cours une opration de mise en place de balises solaires.

Conues pour emmagasiner lnergie solaire de jour, ces balises la restituent la nuit
en clairage observable 10 km la ronde, permettant dorienter les dplacements et de
sauver la vie aux aventuriers mauvais connaisseurs des longues et interminables routes
sahariennes.

Nous sommes sur les traces du rallye Paris Dakar , fit remarquer quelquun ; en
fait, le rallye tait pass au sud, en direction du Niger.

Vers 11h30, un vent de sable se leva, nous obligeant marquer une pause et subir
les lments de la nature, alors que deux Toyota du convoi avaient disparu dans la
tourmente.

Il ny a pas de quoi saffoler, dans quelques minutes, a va passer ; quant aux


Toyota, il ne faut pas se soucier pour elles non plus, nous les retrouverons au point de
ralliement , nous signala notre chauffeur, calme et imperturbable sous son chche vert
qui lui barrait compltement le visage.

La tempte sarrta, suivie dun calme trange ; sous un ciel clairci, les Toyota
reprirent leur raid travers limmense hamada, les chauffeurs, fins connaisseurs, stant
vite reprs travers les tendues de pierraille et de sable fin.

Nous sommes sur du quaternaire ancien constitu de marnes sur lesquelles repose
du sable dorigine olienne , dit Bensad, fin gologue.

Apprcier et comprendre la vie dans le dsert est difficile pour ceux qui se vautrent
dans les dlices de la vie citadine , scria Mahzi, mon compagnon de vhicule, tout
exalt de participer une expdition unique en son genre.

A 12h30, nous avons atteint le point de ralliement, un vieux fort en ruines construit
en 1936 par les mharistes de larme franaise, o une quipe de lEREM nous avait
devancs pour apprter le djeuner.

Cette btisse insolite dans limmensit dsertique, proximit de quelques acacias


rabougris, nous avait servi de campement pour le djeuner base de sandwichs
desschs, accompagns de grains de sable et arross de th bien cors.

Neuf heures aprs notre sortie matinale, nous sommes arrivs au camp du premier
chantier de recherche, Tassekret, constitu de tentes battues par les vents, o une quipe
de jeunes cadres algriens, appuye par du personnel subalterne, travaillait sur des
affleurements minraliss, par tranches et sondages carotts.

Sous la tente, le chef de mission nous avait entretenus du programme de travaux et


des rsultats prliminaires obtenus.

Au Hoggar, les gisements dor, dans les filons de quartz de 0 5m de puissance, 300
1.000m dextension, aux rserves estimes 300 tonnes, sont localiss dans un couloir

305
faill orient Nord-Sud de 100 km, se poursuivant au Mali connu pour ses grandes mines
dor datant du Moyen Age.

En 1972, plusieurs filons o lor se prsente sous forme de ppites millimtriques,


associ la galne et la pyrite, furent identifis en surface par une mission sovitique
de recherche duranium dans le grand dsert du Tanezrouft connu pour ses nombreux
troupeaux dnes sauvages.

Aprs une visite des tranches, nous avons pris la direction dAmesmessa, travers
un relief lgrement mouvement et ravin, obligeant les chauffeurs cascadeurs ralentir
avant darriver destination au coucher du soleil.

On se croirait Oumjrane (ancien chantier BRPM dans le Tafilalet), avec ses


maisons en pis disposes autour dune petite place centrale domine par le mt de la
radio et bruissant des chappements des groupes lectrognes.

Sans attendre, nous avons entrepris une tourne du chantier des travaux miniers,
guids par un jeune cadre dynamique et dcid.

Les travaux consistaient en des puits et galeries excuts aprs une campagne de
sondages carotts ayant dlimit et reconnu les extensions et les enracinements, selon la
mthode sovitique du rouleau compresseur.

Vingt cinq filons furent reconnus jusqu une profondeur de 80m, et le filon principal
trac sur 1.200m ; les rserves taient estimes plus de 30 tonnes dor, sur la base dun
minerai titrant en moyenne 19 g dor par tonne.

Aprs le dner la popote du chantier, cltur par la crmonie du dlicieux th


targui, nous avons poursuivi nos discussions, avant de prendre possession de nos
chambres, et comme larme, aprs avoir dball le paquetage individuel.

Tt le matin, le jeune cadre algrien tait l pour nous saluer en prsence dun vieux
gologue russe de la lointaine Vladivostok, heureux de se retrouver dans ce monde du
silence, diffrent du sien, plus de 20.000 km.

A Tirek, ancien chantier de recherche arrt en 1986, avec des rserves certaines
values plus de 20 tonnes dor, le sable avait dj envahi le secteur, les ferrailles
avaient noirci sous les coups de boutoirs du vent et du soleil.

Seuls les fennecs venaient rder dans les parages, comme attirs par le mtal jaune
enfoui sous terre.

En repassant au camp de Tassekret, on nous avait signal la disparition dans le


dsert de lquipe ayant apprt la veille le djeuner au point de ralliement.

Il ny a pas s inquiter, ils sont quips pour survivre au moins quarante huit
heures ; rares sont les cas de grande dtresse ; souvent il nous arrive mme de dpanner
larme , nous lana calmement Gacem, gologue, connaisseur des grands espaces
sahariens pour y avoir longtemps exerc.

Nous sommes repartis par la piste emprunte par le vhicule en perdition, et par
moments, les chauffeurs sarrtaient pour scruter les traces sur la hamada.

Au sommet dune butte, nous avons rencontr un camion de liaison de lEREM, et un


Anglais revenant dun priple au Mali et en Mauritanie bord de sa Toyota.

Nous tions deux avec mon compagnon sur sa moto Honda ; en Mauritanie, il a t
victime dun grave accident et il a fallu lvacuer durgence en Angleterre ; alors jai fait
demi tour, aprs avoir rcupr la moto en pices dtaches , nous dit lAnglais qui se

306
dirigeait vers Tamanrasset par la piste balise, aid seulement des cartes et de la
boussole.

Nous lavons observ poursuivre sa route sous un panache de poussire.

Au dtour dun ravin, sous un acacia, proximit dun Hassi ensabl, nous avons
marqu une pause, tout prs lit dun oued, vritable cimetire de gazelles ananties par la
terrible scheresse de ces dernires annes.

Aprs une onde et les orages, le dsert fleurit comme par enchantement, les
fleurs spanouissent si vite quelles donnent limpression de vivre intensment la priode
phmre alloue par la nature intraitable , scria un habitu des grands espaces,
comme pour faire oublier les affres de la scheresse meurtrire.

Vers 11h, sous les effets du soleil, le Hoggar stait transform en royaume des
mirages, nous faisant admirer de belles forts, des lacs, des rivages marins, des bateaux
amarrs aux quais, qui ne ntaient en fait que les montagnes et les dunes du Hoggar
flottant dans latmosphre thre et dessche.

Les vieux pneus et les bidons de balisage des pistes prenaient des allures
gigantesques, observables de loin, sestompant petit petit pour reprendre leurs
dimensions relles.

Les Toyota avaient repris leur ballet fantastique travers les grands espaces
interminables, et vers 13 h, nous sommes parvenus au 2me point de ralliement.

Les chauffeurs saffrrent pour couper les branchages secs, allumer le feu, griller les
steaks et prparer le th, alors que nous autres, changions nos impressions, lombre
dun acacia gant.

Repus, nous avons poursuivi notre chevauche comme la parade, les Toyota se
relayant et les chauffeurs rivalisant de vitesse, au risque de se tlescoper, pour traverser
les grandes dpressions de pierraille et de sable.

Nous avons travers des dfils insolites, des oueds ensabls, long les massifs
granitiques tabulaires, nentrevoyant pas la fin de la piste, mais ravis de naviguer dans un
monde trange, sans me qui vive sur 500 kilomtres, avant de retrouver en fin daprs
midi, la route asphalte en direction du nord, vers In Salah.

A An Amguel, petite oasis verdoyante, nous fmes arrts par un barrage de


gendarmerie, et courtoisement invits poursuivre notre route vers In Ecker, aprs
lannonce de lobjet de notre mission.

In Ecker fut le thtre, au dbut des annes soixante, de quatre explosions


atomiques souterraines franaises dans le massif cristallin, visible lhorizon.

Lancienne base militaire franaise (devenue base logistique de lEREM au Hoggar)


comprenait plusieurs baraquements usage dateliers, des magasins et dimmenses parcs
vhicules tout terrain rouillant au soleil.

Les essais ont t raliss dans des puits profonds creuss partir dune galerie
flanc de coteau. La montagne que vous observez l-bas, est intrieurement vitrifie sous
les effets des explosions. Aprs les essais, les Franais avaient achemin sur place
plusieurs types danimaux pour tester leurs ractions une ventuelle prsence de
radioactivit, mais rien danormal ne fut dcel , nous signala un technicien algrien
prsent sur les lieux avec les militaires franais, tout fier et excit de nous raconter les
pripties des essais, stopps en 1965 semble-t-il, aprs la prise du pouvoir par
Boumediene.

307
En fait, daprs certaines informations, les essais staient poursuivis jusquau
dplacement des quipes franaises dans le secteur du Pacifique Mururoa en 1966, et
que le tir souterrain du 1er mai 1962, baptis Bryl, stait droul en prsence de Pierre
Messmer, Ministre franais des Armes, et avait vir au loup.

Le massif montagneux, sens contenir la radioactivit stait ventr, entranant une


dbandade des officiers car des travailleurs autochtones taient oublis prs du site de
lessai et exposs aux radiations.

Aprs un tour des lieux et une sympathique rception au foyer de la base, nous avons
quitt In Ecker au coucher du soleil pour rentrer Tamanrasset 170 km.

A lHtel Ahagar, il y avait affluence de touristes franais et allemands, de retour de


leurs tournes dans le massif du Hoggar.

Le soir, le chef targui, pour marquer sa considration particulire pour la dlgation


marocaine, nous convia un grand dner durant lequel il avait ritr son attachement et
son respect pour le Maroc et son Roi.

A Hassi Rmel
Le lendemain, aprs un dcollage tardif de lavion spcialement affrt par la
SONATRACH, nous avons survol le Hoggar, paysage lunaire, avant datterrir Hassi Rmel
en fin de journe, avec cinq heures de retard sur le programme prvu.

Lquipage alla Ghardaa pour faire le plein de krosne pendant que nous visitions
les installations au pas de course, sous la conduite de techniciens algriens.

Le champ gazier de Hassi Rmel a t dcouvert en novembre 1956, cinq mois aprs
celle du grand champ ptrolier de Hassi Messaoud lEst de Ghardaa.

Les rserves prouves sont suprieures 3.000 milliards de mtres cubes, avec
dautres possibilits vers le sud o les structures favorables continuent.

Le cot de linvestissement estim globalement 5 Milliards de dollars, a t financ


sur fonds propres algriens, et les installations, rparties en plusieurs complexes, fournies
par les Amricains et les Japonais.

Les puits de production atteignent des profondeurs de 2.200m.

La production de gaz accompagn de condenst et de GPL, a t de 85 milliards de


m3 en 1989, dont 45% rinjects pour maintenir la pression dans les puits.

Le complexe gazier employait plus de 3.000 personnes dont 200 ingnieurs et


techniciens, tous algriens.

La SONATRACH, ds sa cration, a assur la relve des socits ptrolires


trangres, mis en valeur et dvelopp les gisements dhydrocarbures, en partant de ceux
existants, en activant la recherche, la production, le transport, le traitement, la
liqufaction du gaz et la commercialisation des produits.

La SONATRACH a fait de lAlgrie le premier exportateur de gaz au sein de lOPEP et


le cinquime exportateur mondial avec 10% du march.

Nous avons discut avec nos htes du projet de gazoduc Maghreb-Europe via
lEspagne et des perspectives de coopration bilatrale en matire de gaz ; dans la salle
des maquettes de Hassi Rmel, le gazoduc Maghreb-Espagne, figurait en bonne place
parmi les futurs dbouchs du gaz algrien, le projet tant considr de nature
raffermir le rapprochement entre nos deux pays.

308
Revenez vite pour aller Hassi Messaoud o les ralisations et les installations
ptrolires sont plus impressionnantes , nous dit le responsable des relations publiques
de Hassi Rmel, avant notre envol la tombe de la nuit.

Notre passage Hassi Rmel avait concid avec lanniversaire de la nationalisation


des hydrocarbures en Algrie le 24 fvrier 1971, et une grande manifestation, prside
par le Premier Ministre, se droulait Hassi Messaoud pour commmorer ce grand
vnement national.

Le survol de la zone de Hassi Rmel est impressionnant, les torches visibles sur les
hauteurs, indiquent au profane qu plusieurs milliers de mtres de profondeur, gt lun
des plus grands champs gaziers du monde.

Le village, survol basse altitude, a t cr de toutes pices avec ses quartiers


industriels, ses zones dhabitation gagnes sur un environnement maussade jusqu la
clbre cit de Ghardaa, capitale du Mzab.

De retour Alger
Rendus Alger aprs une heure de vol, nous fmes accueillis par nos amis du
Ministre et des entreprises nationales, heureux comme nous de constater que notre
priple au Hoggar stait droul dans de merveilleuses conditions.

Vous tes maintenant baptiss aprs la randonne au Hoggar , nous lana


malicieusement Guerrak.

Malgr lheure tardive, un grand dner Dar Diaf sur les hauteurs dAlger, donn en
notre honneur par lEntreprise de Dveloppement Minier, prsid par Khlil, nous avait
regroups avec tous les responsables du secteur des mines algrien.

A cette occasion, pour viter de rester dans le domaine des intentions et des vux
pieux, nous avons fix les chances prcises de nos futures rencontres.

Au dernier jour, Guerrak tait venu nous guider dans la visite dAlger, en passant
dabord la forteresse turque datant du 16e sicle en rhabilitation et qui fut le refuge du
bey durant les bombardements dAlger par les puissances europennes, en reprsailles
aux actions des corsaires en Mditerrane.

Ensuite, nous avons travers Bal El Oued, avant daboutir la Cathdrale de Notre
Dame dAfrique o un vque nous avait expliqu lhistorique de sa fondation.

Au dessus de lautel des prires est inscrite la phrase suivante Notre Dame, priez
pour nous et pour les Musulmans .

A travers la pntration du christianisme en Afrique du Nord, on visait


lvanglisation subtile en Grande Kabylie, la dnaturation et la ngation de lme
algrienne musulmane influence par la pense du saint Benbadis.

En contrebas de la cathdrale, est situ le cimetire de Bologhine, lieu de spulture


unique au monde, o sont enterrs en un mme lieu des Juifs, des Chrtiens et des
Musulmans.

Quelques tombes juives ont t dfonces et les cendres emportes de lautre ct


de la Mditerrane aprs lexode brutal de 1962 provoqu par lOAS.

Enfin, ce fut le tour de la grande mosque dAlger transforme en cathdrale aprs le


dbarquement franais en 1830, puis redevenue mosque en 1962.

A lentre, un pome, grav sur plaque de marbre, relate les vises du christianisme
en Algrie sous les rgnes de Louis Philippe et Napolon III.

309
Phnomne rarissime en Algrie, nous avons rencontr lintrieur de la mosque un
mendiant confondu en louanges aprs avoir reu quelques pices.

La poursuite de la visite de la ville fut courte pour rejoindre le Ministre des Mines
pour un dernier examen du procs verbal de nos entretiens.

Nous lavons rapidement adopt, attestant ainsi que nos contacts ont t francs
amicaux et sincres, et montrant notre volont commune de cooprer dans les domaines
des recherches gologiques et minires, du dveloppement minier et de lexploitation des
mines, travers les oprations suivantes:

- finaliser et mettre en application le protocole daccord entre lOffice National de la


Gologie (ONIG) et la Direction d la Gologie,

- organiser des runions dexperts pour recenser les thmes dintrt commun, en
matire de cartographie gologique, de gochimie et de gophysique,

- multiplier et diversifier les contacts bilatraux entre les oprateurs miniers pour
changer et enrichir leurs expriences, relativement la recherche et la mise en valeur
des gisements de soufre, de pyrite, de plomb zinc et de mtaux prcieux,

- mettre en commun les expriences et les moyens pour lexcution des travaux et
marchs dans les pays tiers tels que : forages, travaux miniers, expertise en matire
dtudes de faisabilit et de dmarrage de projets miniers,

- tout particulirement, lEREM et le BRPM avaient convenu de signer un protocole


daccord en matire dexploitation minire, de travaux de laboratoire et de
dveloppement des gisements de substances minrales.

Dans ce cadre le BRPM avait remis lEREM un projet de protocole daccord, les
responsables de lEREM stant engags lexaminer avec diligence.

- changer les expriences relatives aux mthodes dexploitation mises en uvre


dans les mines de mtaux de base et de mtaux prcieux (cas spcifiques de Touissit et
dImiter au Maroc et dEl Abed en Algrie),

- dvelopper et renforcer les contacts dj existants entre les mines dEl Abed et de
Touissit notamment par une visite trs prochaine de techniciens dEl Abed Touissit pour
assister la rcupration des piliers Oued Mekta,

- visite prochaine de techniciens de Touissit El Abed pour assister la rcupration


des piliers et apporter leurs conseils et leurs avis,

- assistance mutuelle entre les mines de Touissit et El Abed en matire


denrichissement des minerais schlammeux, dentretien et de maintenance du matriel et
de scurit dans les travaux dexploitation,

- procder des changes dinformations en matire de recherche et de mise en


valeur des gisements dor,

- faire appel au besoin lexpertise et aux services des entreprises minires


marocaines pour la ralisation en Algrie douvrages miniers dinfrastructures (puits,
galeries) et ce, dans le cadre dun groupe dintervention mixte,

- cooprer dans le domaine de la recherche applique aux phosphates, en matire de


caractrisation des gisements, de traitement et denrichissement,

- cooprer dans le domaine de linformatique de gestion et de linformatique minire,


par change notamment dinformations en matire de logiciels appliqus lexploitation
minire, particulirement pour le minerai de fer,

310
- crer un groupe de rflexion sur le dossier Gara Djebilet, la lumire des
conclusions des essais de valorisation raliss par SIDER au complexe d'El Hajar.

Dans le cadre plus gnral, et en vue de dvelopper et de diversifier davantage les


contacts et les changes entre les deux parties, il a t retenu :

- duvrer la cration dune Fdration Maghrbine des Industries Minires,

- dorganiser en mai 1990 des journes de rflexion Touissit et El Abed pour


approfondir la connaissance de la gologie du pays des Horsts,

- dorganiser une runion dexperts en juin 1990, pour identifier les thmes
intressant les deux parties dans le domaine de lenrichissement des minerais,

- dorganiser en commun des journes minires et gologiques au Maroc en 1991 et


en Algrie en 1992, et faire participer des experts algriens au sminaire Mine Ple de
Dveloppement Rgional ,

- denvoyer des tudiants et des stagiaires dans les coles et centres de formation
professionnelle des deux pays,

- de procder des changes en matire de colonies de vacances entre les secteurs


miniers des deux pays, ds lt 1990.

Aprs une dernire entrevue avec le Secrtaire Gnral Khlil, nous avons t reus
chaleureusement par lAmbassadeur du Maroc, Benslimane.

Je vous flicite, vous avez t partout pour mieux apprcier les possibilits de ce
pays avec lequel nous devons cooprer , nous dit-il, avec ses manires volubiles.

Pour clturer notre mission, lEREM organisa un djeuner dans un restaurant de lex
Port de lEau, auquel Chiali et Belhabri, nos amis de lEcole Mohammedia, furent convis,
marque de considration pour Lhatoute et moi mme.

A laroport, avec Hasbellaoui, nous avons sign le procs verbal sanctionnant nos
entretiens, alors que le frre du Prsident Chadli embarquait pour ltranger.

Nous nous sommes engags rester fidles lesprit de ce procs verbal, et tout
faire pour dynamiser la coopration minire entre nos deux pays.
***
Que peut-on dire des deux missions rapproches en Algrie et travers elles, quel
sera lavenir de notre coopration en matire de mines et de gologie ?

Linterrogation tait certes lgitime, tant il est vrai que le processus ddification du
Maghreb semblait pitiner dans les dclarations dintention, face des ralits
conomiques rvlant un visage dcourageant.

La volont dintgration conomique exprime dans le discours politique, tardait se


concrtiser et les changes inter maghrbins stagnaient un faible niveau, peine 6% du
total changes extrieurs.

Dans le domaine minier, la confiance en la coopration bilatrale, mutuellement


avantageuse, ne nous avait jamais quitts, ayant toujours lesprit que chaque effort
bilatral est une pierre de plus dans ldifice maghrbin.

Au cours de nos discussions et de nos aparts, nous avons senti chez nos amis
algriens du secteur minier, une relle volont daller de lavant, de faire table rase du
pass brumeux, sachant pertinemment que le Maroc peut leur apporter une aide, une
expertise et un concours prcieux.

311
Ce fut dans cette mouvance que le groupe de travail ''Mines et Gologie'' avait
labor son procs verbal, avec un souci de clart et de ralisme.

Lavenir devrait nous dire si les bonnes intentions des deux cts seront suivies
deffet, le Maghreb nayant pas besoin de louvoiements rptitifs et assassins.

En dehors de notre domaine spcifique que peut-on signaler dautre qui vaille la
peine dtre retenu ?

Chez notre voisin de lEst, un mouvement brownien tait entr en action, donnant
limpression au visiteur peu averti que la dmocratie enfantait ncessairement lanarchie
et la contestation sociale tous azimuts.

Il y avait un fond commun la plupart des mouvements agitant la socit algrienne,


qui reposait sur une dgradation du pouvoir dachat non plus seulement des bas revenus,
mais aussi des revenus au dessus de la moyenne, par le fait de la spculation effrne sur
tous les produits de base essentiels.

Les fondements du redressement du pays sont la stabilit sociale et le travail srieux


et non la dbandade et lirresponsabilit.

Au rayon des liberts conomiques et sociales, un processus, quoique timide, tait


engag pour sortir des arcanes du systme socialiste pur et dur.

LEtat avait compris quil fallait lever les obstacles par lintroduction de la libert du
commerce et de lindustrie, en cessant dtre le propritaire unique des entreprises
publiques en crant des fonds des participations, prlude une privatisation vritable.

Dans le domaine politique, la cration des associations caractre politique, avait


constitu la mise mort du monopartisme, le FLN, tout en tant encore relativement
puissant, ntait plus omniprsent et ombrageux.

Dans les villes algriennes, la jeunesse est comme partout ailleurs, la recherche
dun monde meilleur, dun enseignement plus moderne, dun environnement de libert,
avec son besoin despoir et de rves.

Plusieurs mosques avaient t construites, certaines glises reconditionnes pour


rpondre lgitimement aux besoins de spiritualit des Algriens que la France avait
longtemps voulu dtacher et couper du monde arabo-musulman.

Lenseignement de la langue arabe lcole tait interdit du temps de la


colonisation, et toute vellit tait svrement rprime , nous a-t-on souvent rpt au
cours de notre sjour.

LAlgrie est un grand pays disposant de potentialits en hydrocarbures (gaz et


ptrole) et de possibilits agricoles indniables, possdant des infrastructures routires
portuaires, aroportuaires et nergtiques dveloppes.

Sa population jeune et relativement nombreuse, est ouverte et accessible aux


courants modernistes.

Les bases indispensables un dcollage conomique existaient, il suffisait de les


exploiter et les canaliser pour les rendre plus efficientes.

****
Deux semaines aprs notre retour, une dlgation conduite par le Ministre
Boussenna accompagn des responsables des secteurs Mines et Energie, tait venue
Rabat pour des entretiens officiels au Ministre, avant de se rendre au centre phosphatier
de Jorf Lasfar, au sige de lOCP Casablanca, au CERPHOS, au dispatching de lONE aux
Roches Noires, au Centre des uvres sociales du secteur ptrolier et la SNPP pour la
signature du procs verbal sanctionnant la visite.

312
Quelques jours aprs, des dlgus du FERPHOS et de lENOF avaient assist au
sminaire Mine, Ple de Dveloppement Rgional.

Le Sminaire, comme annonc auparavant, avait analys le rle de la mine dans le


dveloppement rgional par la cration dinfrastructures de base indispensables tout
dcollage conomique (voies dvacuation, nergie, eau, cites), la distribution dune
masse salariale non ngligeable et lentranement induit des autres secteurs.

Des recommandations trs pertinentes furent adoptes pour promouvoir lactivit


minire, rapprocher cette dernire du secteur de la recherche fondamentale au niveau des
Universits, des Grandes Ecoles et des Instituts, et mobiliser des moyens en science
informatique.

Par ailleurs, conformment nos accords du mois de fvrier Alger, les journes
maroco-algriennes furent tenues Touissit, El Abed et Tlemcen.

Lorganisation et le programme des journes marocaines furent remarquables, et nos


partenaires algriens blouis par la qualit de laccueil du Gouverneur Boufous et des
autorits Oujda et par les ralisations techniques et la matrise de la gestion au centre
de Touissit.

Nous avons exceptionnellement travers la frontire au poste de Boubeker pour


rejoindre la mine de zinc dEl Abed dans une situation de dlabrement avanc, presque
labandon, aussi bien lusine de traitement livre aux pigeons, quau fond transform en
vritable dpotoir.

La mine dEl Abed, connue du temps de lAlgrienne du Zinc (Alzi) contrastait avec
lexploitation moderne de Touissit, car lAlgrie, en pleine bullition sociale, accordait peu
dintrt au dveloppement minier.

De lautre ct de la frontire, le fiasco technique fut total, nuanc par la chaleur de


laccueil du Wali et des autorits locales de Tlemcen.
***
Plus tard, nous avons reu une dlgation de responsables algriens du secteur
minier, dans le cadre de la coopration bilatrale dfinie par la Grande Commission entre
nos deux pays.

Aprs un sjour de travail Rabat, la dlgation stait rendue aux exploitations


minires et aux industries chimiques de lOCP Bengurir et Jorf Lasfar, au gisement
polymtallique, en dveloppement de Hajar, et avait rencontr les responsables de la
profession minire Casablanca.

Les entretiens furent clturs par la signature dun document mettant laccent sur le
dveloppement des changes dans les domaines de la gologie, de lexploitation, de la
valorisation minire et de la formation professionnelle, en esprant que les dcisions
prises ne fussent encore de simples intentions.

313
Le deuxime voyage en Chine

Avant le voyage
Fin mars 1990, Lisbonne, en compagnie des Directeurs de lEnergie et de la SNPP,
Bouhaouli et Esseddiqui, nous avons examin avec lAmbassadeur du Maroc, Benbouchta,
et les autorits portugaises nos relations bilatrales au plan du gaz et des pyrites de la
ceinture ibrique.

Le Maroc souhaitait intresser le Portugal au Gazoduc Maghreb-Europe, approfondir


ltude de ses retombes sur la politique nergtique des deux pays, et connatre la
position des autorits lusitaniennes quant la construction dune unit valorisant les
phosphates marocains en faisant appel lacide sulfurique produit partir des gisements
de pyrites portugais.

De bonnes dispositions existaient des deux cts, mais la concrtisation de projets


tardait venir, malgr la mobilisation constante de lAmbassadeur Benbouchta, press
daboutir quelque chose de concret en matire de coopration avec le Portugal.

Fin mai 1990, Nice, javais particip avec Skalli, Prsident de CM Touissit et
Lakhssassi, Directeur Gnral de la Fonderie Plomb Zellidja (FPZ), un forum unique pour
les changes internationaux sur les aspects de production et les applications du plomb et
de ses composs.

Nous avons constat une grande participation anglophone et lmergence dune prise
de conscience dun avenir radieux pour le plomb en raison du dveloppement important
du secteur de lautomobile travers le monde.

Certains orateurs staient mme tonns du faible niveau des cours du plomb, bon
espoir et indice positif pour les exploitations au Maroc.

Le sjour Nice fut agrment par une croisire en Mditerrane et une soire au
Majestic Cannes, suivie dune journe de dtente chez des amis Grasse, petite ville
connue pour ses cultures de fleurs et ses parfumeries, et la dcouverte dune belle rgion
ensoleille de la France.

Transitant par Paris, javais retrouv mon fils Karim pour un week end, avant de
gagner Strasbourg pour participer la tte dune grande dlgation au Congrs annuel de
la Socit de lIndustrie Minrale (SIM).

Lors du Congrs d Strasbourg, orient essentiellement vers lEurope, la recherche et


le dveloppement dans les mines et les carrires, nous avons convenu avec nos
partenaires franais dorganiser au Maroc, au printemps 1991, des journes spcifiques
sur l'Argent mtal.

Javais redcouvert la ville de Strasbourg, trente ans aprs ma premire visite


remontant 1961, loccasion dun voyage de promotion mmorable en premire anne
de lEcole Mohammadia, en Alsace, Kehl et Badenbaden en Allemagne Fdrale, en
compagnie de Madad.

Strasbourg avait terriblement souffert durant la Seconde Guerre Mondiale, aprs


avoir t occupe par les troupes nazies durant quatre ans, puis libre par la Division
Leclerc comprenant des units marocaines.

La ville, sige du Conseil de lEurope et de lAssemble des Communauts


europennes, clbre par sa cathdrale, ses muses (Beaux Arts et Archologique) est
devenu aussi un grand centre industriel (mtallurgie, agroalimentaire).

314
Pour lhistoire, lors dun dner dans un restaurant hupp de la vieille ville, en
compagnie de Lhatoute et Menni, Directeur de la Socit des Granulats du Maroc, nous
fmes surpris par la petitesse des plats principaux servis dans dimmenses assiettes
poussant Menni sexclamer:

Nous sommes lentre ou au dessert, cest trop maigre ce que vous nous servez
l, jaurai faim la sortie du ce restaurant chic

Aprs la capitale alsacienne, en compagnie de Michel Galinet, ancien ami de Limoges,


javais rejoint Colmar, dans le dpartement du Haut-Rhin, ville rpute pour ses
industries mcaniques et textiles.

Nous fmes accueillis avec beaucoup de chaleur et dgards lusine de Lieber


fabricant de gros engins de chargement, analogues ceux en service lOCP, avant de
rejoindre Paris partir de laroport de Mulhouse/ Colmar.

En Chine
Ds le retour de Strasbourg, javais assist aux conseils dadministration des socits
minires du Groupe BRPM, (SMI, SOMIFER, CTT et Guemassa/Hajar, SACEM), suivis de
lexamen de lactivit de SODECAT dans lAnti Atlas, et tout particulirement dans le
massif du Bougaffer Tiouit en plein dveloppement.

Par ailleurs, une activit prliminaire aux oprations de privatisation dans le secteur
minier avait dmarr au Ministre des Affaires Economiques avec peu de conviction dans
les brumes des textes dapplication.

La vritable bataille pour les privatisations dans le secteur minier tait ses premiers
balbutiements, et encore niveau des supputations et des conjectures.

Avec la Banque Mondiale, les contacts avaient repris relativement au PERL II dans le
secteur minier, dans une atmosphre rude, mais franche pour le devenir de la mine au
Maroc, perturb par la situation des CDM et des mines de Fer de SEFERIF.

Immdiatement aprs, le 24 juin 1990, je suis parti, pour la deuxime fois, en voyage
en Chine, sur insistance de Chrif auprs du Ministre Fettah.

Ce deuxime dplacement, aussi passionnant et enrichissant que le premier, avait,


davantage que par le pass, stimul et maintenu ma curiosit, les observations recueillies
et amasses venant au retour fertiliser une connaissance plus approfondie du continent et
du peuple chinois.

Jy tais personnellement associ pour lui donner un caractre semi officiel, et de


surcrot la caution de lAdministration des Mines.

Chrif et moi, tions heureux de guider dans le priple, Mhamdi et Bennis,


respectivement Directeur Gnral Adjoint de la socit de Bouazzer et Directeur de la
Division Commerciale et des Relations Extrieures du Ple Mines de lONA.

Nous sommes partis de laroport dAnfa pour Francfort, le dimanche 24 juin 1990,
bord du jet Falcon 100 du groupe ONA, sous un merveilleux soleil de dbut dt, aprs
des formalits de police et de douane extrmement simplifies.

Lquipage trs affable, nous avait annonc un agrable vol sur le parcours.
Le vol jusqu Paris fut parfait, lavion plus de 12.000m daltitude, tait dune
stabilit tonnante ; le service bord, anim par le steward Lachaal, neut rien envier
aux grandes lignes.

315
A lescale de laroport du Bourget, aprs un vol de 2H30, lquipage,
prcautionneux, avait fait le plein de krosne pour viter les embouteillages ariens et
les attentes au-dessus de Francfort.

A larrive Francfort, deux taxis nous attendaient pour nous conduire laroport
international do nous avons embarqu, avec un lger retard, sur le vol sans escale,
Lufthansa LH720, en partance pour Pkin.

Le Boeing 747, avait survol lAllemagne, la Scandinavie, la Sibrie, la Mongolie,


avant datterrir Pkin le lendemain matin, aprs un vol direct de 9H30, dans un aroport
daspect encore austre comme en1987, loin dimaginer que nous foulions le sol dun pays
continent de plus dun milliard dhabitants.

Nous avons t accueillis la descente de lavion par le deuxime Secrtaire de


lAmbassade du Maroc venu nous informer du souhait de lAmbassadeur de nous recevoir
et de suivre lvolution de nos contacts avec nos partenaires chinois.

Tout en apprciant ce geste, nous fmes dsols de ne pouvoir y rpondre en raison


du programme charg prpar par nos htes chinois, Chrif voulant viter de mler les
Affaires Etrangres aux pourparlers avec les Chinois.

Lattente la livraison des bagages fut longue et ennuyeuse, mais les formalits de
passage tonnamment brves, car aprs les vnements de la Place Tienanmen de 1989,
on sattendait des contrles serrs et tatillons.

Comme en 1987, nous fmes accueillis par ZU et ses collaborateurs et par Li, du
dpartement Cuivre et Cobalt la Chinese Non Ferrous Metals (CNFM), socit nationale
dimport export charge des transactions avec ltranger.

En taxi, nous avons pris la direction de lHtel Shangrila au centre ville, aprs avoir
travers dagrables zones de verdure contrastant avec limage bien triste que nous avons
garde de lhiver 1987.

Pkin, sous un climat humide et chaud, nous avait sembl plus propre, les immeubles
et les infrastructures mieux agencs, les feux rouges fonctionnaient et les rares policiers
canalisaient, non sans difficult, les flots habituels et interminables, comme auparavant,
de bicyclettes, de cyclopousses et de vieilles gambardes charges de matriaux de
construction ou de charbon en vrac.

Aprs notre installation lHtel Shangrila, palace rcent, tout de marbre blanc,
ralis dans le cadre dune joint venture avec des Chinois dOutre Mer, nous avons
convenu avec nos htes de nous retrouver 18 H.

Un grand banquet ayant pour cadre un salon intime de lhtel, richement dcor,
nous avait regroups autour dune table circulaire pour neuf personnes.

Bennis fivreux la veille au dpart de Casablanca, avait retrouv toute sa verve et


son punch, sous lil amical et dcontract de son patron, Chrif.

Visiblement, nos htes dont plusieurs rencontrs en 1987, taient ravis de nous
revoir et de nous recevoir amicalement, comme de coutume.

Lhospitalit chinoise lgendaire, stait exprime tous les instants du dner, les
plats dlicieux se succdant au rgal des yeux et de lestomac, dans une ambiance
euphorique ponctue dchanges de toasts au mote, suivis de lexclamation habituelle :
kampe.

La biensance raffine tant de rigueur, nos htes avaient vit de nous ennuyer par
leurs problmes en nous faisant constamment des compliments pour nous mettre laise,

316
avec les mmes gestes et le mme rituel que trois ans auparavant, tout de finesse et de
simplicit touchante.

ZU, toujours imperturbable, visage maci, recelant de vraies ressources de


modestie, de bont et de sympathie, contrastait avec Li, jeune, volubile et survolt.

Homme de culture chinoise quasi puritaine, ZU incarnait limage du Chinois simple,


avenant, tout imprgn par une sorte de religion particulire, celle de Confucius, vivant
en harmonie avec les autres, courtois, matre de soi, fidle aux engagements et loyal.

Au fil de nos discussions, nous avons retenu que la Chine nouvelle avait travers une
poque o les savants, les chercheurs, les intellectuels furent affubls de bonnets dnes,
bousculs sans mnagement par des gamins gardes rouges, contraints de balayer les rues
et dentretenir les gazons et les jardins.

Le Printemps de Pkin avait marqu une rupture et un net recul, remettant en cause
toute ouverture et plaant la Chine dans un cadre odieux et ractionnaire.

Pour un connaisseur de la Chine, le scnario des crises se rpte, comme si lhistoire


repasse les mmes vnements, paralysant son volution normale.

Lpope de Tien An Men nest quune tragdie dans nos tragdies sculaires , me
dit discrtement un de nos htes.

Aprs nos changes de points de vue, il ne nous tait pas venu lesprit de comparer
une situation existante avec celle remontant quelques dcennies seulement, le peuple
chinois tant pass dun tat de malnutrition loqueteuse la dcence du minimum vital
pour tous.

En quittant nos htes, nous avons march le long de la grande avenue prs de lhtel,
pour prendre la temprature, parmi les talages de pastques (friandises des Chinois de
tous ges) et les Chinois torse nu, bravant la canicule de juin, curieusement amuss par
notre passage nocturne.

Mhamdi stait mme vertu poser en photo avec un vendeur de pastques.

Nous sommes revenus au Shangrila couter de la musique classique joue par une
pianiste chinoise, dans son habit noir imprim, dans une ambiance feutre dun autre
monde, proximit des avenues aux effluves insupportables et du spectacle dune Chine
en volution vers une autre forme de civilisation, cependant noccultant pas son histoire
millnaire.

Le lendemain matin, du dernier tage de lhtel, on pouvait admirer les nombreux


immenses btiments barrant lhorizon brumeux et les larges avenues o la bicyclette
continuait rgner, universelle et multiforme, demeurant pour longtemps encore le mode
de transport ouvert et accessible la multitude chinoise.

Avec un lger retard, Li tait venu nous accompagner au sige de sa socit pour une
premire sance de travail, accueillis par le jeune Vice Prsident, Ma Lin, entour de ses
collaborateurs, dont plusieurs femmes.

La prsence du Vice Prsident, parlant la langue de Shakespeare, entour de jeunes


cadres, dnotait le nouveau tournant pris par la Chine dans la gestion de ses affaires avec
lextrieur, prmices de la relve inexorable de la grontocratie de la Longue Marche par
de nouvelles lites plus ouvertes sur le monde.

Nous avons chang nos impressions sur les relations en matire dexpdition des
lots de concentr de cobalt, de conditions densachage, de transport maritime,
dchantillonnage et danalyses de confirmation des teneurs.

317
Chrif rappela clairement les clauses du contrat de 1987, strictement respectes par
le Groupe ONA, tout en soulignant leffort de recherche engag Bouazzer pour
augmenter les rserves en minerai de cobalt, le prjudice financier subi pour non
enlvement de la troisime cargaison et le retard dans lenlvement des premier et
deuxime lots de concentr.

Les responsables de la CNFM, par diversion, invoqurent les problmes lis la


qualit de lemballage, aux carts importants dans les teneurs en cobalt et en or.

Ces remarques nous semblaient incomprhensibles, car toutes les dispositions


avaient t prises pour rester fidles aux exigences du contrat.

ZU et ses collaborateurs taient intervenus leur tour pour signaler la situation de


pnurie de devises perturbatrice des relations commerciales avec les partenaires
trangers de la Chine.

Nos interventions, orchestres par Chrif, avaient convaincu les Chinois de notre rel
dsir de poursuivre et de prenniser notre coopration, de la diversifier en ltendant au
cuivre et aux autres substances minrales.

Aboutirons-nous des rsultats concrets, aprs cette premire sance de


discussions, et comment dmler la part de la continuit et la part du changement dans
les attitudes et le comportement des Chinois, sinon par un retour et une rfrence
constante lhistoire de nos relations ?

Les grands connaisseurs de la Chine prouvent toujours le mme vertige et le mme


tonnement devant ce peuple qui semble plus hermtique mesure quon avance dans
son exploration et dans sa connaissance.

Aprs cette premire prise de contact, nous fmes invits djeuner au restaurant
musulman de lHtel Minzu, et comme laccoutume ce fut un dfil de plats dlicieux et
raffins, dans une ambiance chaleureuse qui, en se focalisant sur la qualit de laccueil
pour de vritables amis, semblait oublier, voire marginaliser, les problmes inhrents au
contrat de livraison des concentrs de cobalt.

Au fil de nos discussions, et poursuivant notre analyse de la situation aprs les


vnements de juin 1989, nous avons pu tirer les enseignements suivants :

Un tranger, pour peu que son dsir et sa curiosit restent en veil, peut apprendre
beaucoup dun dirigeant, dun intellectuel, dun ouvrier ou dun paysan,

Il ntait nul besoin pour nous dessayer de griser nos htes pour percevoir les
vidences, car il existait une ralit de lapparence offerte nous durant le voyage,

Comment comprendre la Chine ou le peuple chinois sans mesurer et apprcier la


somme des privations, de souffrances et de deuils endurs durant des sicles,

A la sortie du restaurant, devant nous, se droulait un spectacle hors du commun :


enchevtrement de bicyclettes, cyclopousses, vieilles carrioles, vieillards barbus croulant
sous leffet de lge et transportant pniblement de lourds baluchons sur leurs paules.

Les Chinois dans la rue, sur les pelouses et dans les parcs, voulaient se rassurer par
le sentiment de leur propre nombre, de leur multitude.

Dinterminables convois de vieux camions se succdaient ct de lignes


ininterrompues de bicyclettes et de charrettes bras.

Nous sommes retourns la CNFMC pour poursuivre nos discussions sur les
analyses, le fret et la facturation pour aboutir un embryon daccord.

318
Pour la premire fois, les Chinois avaient abord la diminution du tonnage de
concentr de cobalt en raison des difficults, depuis un an, disposer dun quota suffisant
de devises pour payer leurs achats lextrieur ; le dbut du libralisme de 1987 avait
marqu le pas et lautarcie pointait de nouveau lhorizon.

Nos discussions prirent fin vers 17 heures aprs linsistance de Chrif sur le respect
du contrat de 1987, avec la possibilit de le rexaminer, daccord parties.

A 19H, ZU redoublant de dlicatesse notre gard, nous convia un dner au clbre


Restaurant du Canard Laqu.

Au cours du dner, nous avons discut des problmes de lconomie et de la vie


chinoises, avec beaucoup de libert dexpression.

Les Chinois longtemps immobiliss, sont entrs sournoisement en volution ; tout


regard sur notre pays doit tre charg de questions, car notre peuple commence dans de
profondes convulsions sassumer , me dira Li.

Au 4 jour, aprs le rveil matinal pour suivre les matchs du Mondial de football en
Italie, nous sommes alls en minibus visiter la Grande Muraille, aprs avoir travers la
campagne avoisinante, trs sensiblement transforme par rapport notre visite de 1987.

La Grande Muraille, uvre gigantesque, continue jouer un rle symbolique et


persistant dans linconscient collectif chinois pour avoir arrt et empch les invasions
vers lEmpire du Milieu.

Nous avons tous, courageusement, essay descalader un tronon parmi des grappes
de Chinois et quelques rares longs nez en qute dexotisme, linstar dune quipe de la
tlvision yougoslave venue photographier les parages et les essaims de papillons parmi
les arbustes et les bosquets.

Comme en 1987, nous avons djeun dans la mme auberge, proximit des
tombeaux des empereurs mings, sous la chaleur torride brave par des familles chinoises
en admiration devant les chefs duvre de la dynastie ayant rgn sur leur immense pays
durant des sicles.

En visitant les tombeaux mings et la Grande Muraille, on est toujours effray et


attrist par lampleur des sacrifices demands aux Chinois rsigns et dissimulant
collectivement leurs angoisses et leurs malheurs.

Lindividu tait encore trop faible et isol pour sopposer la majorit, le moi
individuel ne rsistant pas cette pression de tout un peuple dont le silence et le rire
taient impermables.

De retour Pkin, nous sommes alls au friendship stores faire des emplettes, sous
lil amus de nos accompagnateurs tonns par une dpense superflue, puis la Place
Tien An Men o aucune trace des vnements tragiques ntait visible, tous les btiments
ayant t reconditionns et embellis pour dissiper et loigner toute interprtation, comme
si le Printemps de Pkin tait un non vnement.

A intervalles rguliers, au pas cadenc, des escouades de jeunes soldats passaient,


imperturbables, devant les groupes de badauds et de visiteurs pour marquer la prsence
muscle de larme.

La rigueur du rgime ne stant pas assouplie, la socit chinoise, malgr son


apparente rsignation, connatra sous peu une mutation sans prcdent dans les annales
de lhumanit, brisant la barrire entre le monde du travail intellectuel et celui du travail
physique, entre les dirigeants et les dirigs, entre les possdants de la Nomenklatura du
Parti et les frustrs du petit peuple.

319
Lambition personnelle, longtemps refoule et fondue dans les larges masses,
commenait rapparatre, malgr lentreprise de rducation systmatique sur plusieurs
millions dhommes prne par la Rvolution Culturelle.

La psychothrapie collective et les rations quotidiennes dautocritique avaient


pratiquement disparu, faisant dire Li, cadre bien plac, ambitieux et sournois:

Les dirigeants remettent en cause laudience des intellectuels et ils veulent que les
citoyens continuent se forger une me de pauvre pour masquer les insuffisances et
lchec de leur gestion ; le Parti communiste a perdu le cur du peuple cause de sa
corruption et de son incapacit grer le quotidien, et Li Peng, Premier Ministre, ne
dispose daucune audience, il est trait de chien enrag .

A propos de la Rvolution Culturelle, nos htes avaient tous gard un amer souvenir
du gigantesque pogrom de quatre ans, vritable cauchemar encore perceptible dans les
regards et les visages ferms de milliers de Chinois.

La Chine ntait pas le pays du passage de la prison close la prison ouverte, mais
elle demeurera celui de la libert surveille o personne ne peut chapper au systme
tentaculaire, tenant lieu de glaive constamment sur la tte des individus, malgr la
dmaosation qui avait suivi la mort du Grand Timonier.

Mao disparaissait progressivement de la scne, ses portraits taient invisibles, et


seule une immense effigie dominait encore un grand difice de la place Tien An Men ; son
mausole, ferm ce jour l, en attendant la visite du Prsident tchadien Hissen Habr,
nattire plus les grandes foules des provinces loignes.

Aprs tant dannes de repli sur elle mme, la Chine souvre au reste du monde, les
Chinois commenant acqurir louverture desprit de ceux qui obtiennent des rsultats
positifs, sans que la monture semballe aprs le lchage des rnes , souligna Li.

Au dner, dans un restaurant connu pour ses plats pics, proximit de la Cit
Interdite, dans une ambiance chaleureuse, nous avons intercept et recueilli quelques
confidences sur la cuirasse qui pesait officiellement sur le peuple chinois.

Les ressources chinoises se dveloppant plus rapidement que le peuplement, le seuil


de misre avait t franchi ; le Chinois avait cess davoir faim et le rituel as-tu mang
dantan avait disparu.

Les anciens riches nosaient pas encore faire talage de leur aisance ; le luxe
ostentatoire tait encore mal vu ; toute fortune tait suspecte et repre et le climat
gnral toujours spartiate dans un gigantesque nivellement.

Les Chinois des classes privilgies, ouverts aux socits trangres, continuaient
ronger leur frein sans mot dire, car disait-on, la Rpublique Populaire est trop galitaire
pour admettre les distinctions entre ses citoyens.

Mais travers Li, la jeunesse quil incarnait tait devenue plus matrialiste,
louverture ayant dtruit la crdibilit des dogmes du communisme pur et dur, faisant
apparatre un individualisme de plus en plus perceptible pour faire face aux difficults de
la vie encore tenaces.

Au cinquime jour, nous sommes alls la dcouverte du vieux Pkin en compagnie


de Wu, adjoint de Li, jeune cadre dynamique, fils de professeurs, tri sur le volet dans son
universit provinciale de Nanchang et envoy Pkin travailler dans limportante socit
nationale dimport export, la CNFMC.

Nous avons demand visiter la clbre rue Nwuji o les nombreux criteaux en
arabe sur les devantures des gargotes, dnotaient la prsence de lIslam parmi ce monde
athe, aux relents de bouddhisme.

320
Il ny a pas de diffrence entre musulmans et nous , dit Wu sans grande
conviction, en faisant la distinction entre les citoyens chinois musulmans et les sans
religion largement dominants et majoritaires.

Nous avons admir larchitecture dune mdersa avant de pntrer dans la mosque,
la plus grande institution musulmane de Pkin.

Accueillis par un Fquih en calotte blanche, nous avons sous sa conduite, visit les
salles de prires (hommes et femmes) richement dcores, recouvertes de splendides
tapis chinois, et le Mihrab surlev dune coupole en bois sculpt apport au 10sicle par
les navigateurs et missionnaires arabes.

Ensuite, ce fut le tour de la bibliothque avec ses vieux Coran, ses manuscrits de
plusieurs sicles et ses objets dart chinois, dons des empereurs mings aux communauts
musulmanes, et enfin les tombeaux de deux saints originaires dIran et dAzerbadjan,
inhums ici au 12e sicle.

Daprs le Fquih, la communaut musulmane de Pkin tait estime plus de deux


cents mille fidles, les musulmans en Chine seraient soixante millions, implants
essentiellement dans les provinces occidentales et au Sin-Kiang.

Les prparatifs de la fte de lAd El Kbir (Korban) battaient leur plein, et dans les
jardins des Chinois se rasaient la barbe et le crne selon la tradition islamique.

A la mosque, visite par des milliers de fidles, la conservation des chefs duvre
dart arabo-musulman tait tolre, car ces derniers sont considrs trsors populaires.

Les Chinois ne sont pas dnus desprit religieux ; lide quon peut la fois tre
rvolutionnaire et religieux, avait fait son chemin.

Les religions, autrefois traites dopium du peuple, reprenaient vigueur, le rgime ne


combattant plus lIslam et la rvolution ne semparant plus de ltre entier ; le
Christianisme tait par contre considr comme un viol de souverainet avec lallgeance
de fait de tout Chinois converti au Saint Sige de Rome.

Avant de quitter les lieux, nous avons modestement contribu la qute lance pour
la rnovation de la mosque, sous le regard amus de notre guide Wu et de son amie
Pam, intrigus par notre lan spontan de ferveur religieuse.

Aprs cette escapade, nous sommes revenus au centre ville pour visiter le clbre
Htel de Pkin, immense btisse abritant le congrs des femmes chinoises et amricaines,
o nous avons dambul dans les immenses halls, parmi les boutiques de souvenirs, les
salles de confrences admirablement dcores et sculptes et les salons, thtre de
certaines scnes du clbre film la comtesse de Pkin avec Ava Gardner.

Pour faire plaisir Wu, nous avons djeun au fast food, Kentucky Fried Chicken o
des centaines de jeunes Chinois taient venus goter le poulet rti, les frites et les
condiments amricains.

Je suis privilgi dtre Pkin ; cest mon universit qui a dcid pour moi , dit
Wu, confirmant le dicton rvolutionnaire, accept avec rsignation : chacun doit rester
la place o la Rvolution la mis.

De retour lHtel Shangrila, Chrif et Bennis, tenus de rentrer sur Francfort le


lendemain, nous avaient quitts, me chargeant de piloter la suite de la mission.

Avec Mhamdi et Li, nous avons rejoint ZU et ses collaborateurs pour prendre
ensemble lavion sur Nanchang,

321
A Nanchang
Durant le vol, bord dun quadriracteur de fabrication chinoise, copie dun avion
britannique ou russe, Li nous avait donn limpression de quelquun qui voulait fuir son
pays pour migrer en Occident, ne cessant de demander une aide pour aller tudier ou
travailler au Maroc, avec sa girl friend, notre accompagnatrice la Grande Muraille et aux
tombeaux mings.

Le peuple des villes a de la peine admettre sa pauvret pendant que dbarquent


chez nous des millions dtrangers riches et bien vtus ; certes, notre systme a
enregistr des succs, telles la matrise du nombre, la victoire sur la misre et la faim,
mais de relles inquitudes pour lavenir subsistent encore , lana Li, un peu dpit.

Vue daltitude, la campagne chinoise est un vritable et fabuleux puzzle que les
paysans montent et dmontent, avec leur art consomm, au gr des saisons.

A force de labeur infini, entrepris sans relche par des millions de bras, la terre
chinoise a t domestique, de nouveaux paysages ont t crs, enserrs dans un rseau
gomtrique de canaux dirrigation trs denses dont la ralisation avait masqu
lintensit de leffort durant des sicles.

Avec un lger retard, nous sommes arrivs Nanchang sous une forte chaleur moite,
dcouvrant depuis laroport et sur une trentaine de kilomtres, une autre Chine, loin de
la vie agite et trpidante des grands centres urbains comme Pkin, Shangha et Canton.

Un calme trange rgnait sur la campagne faite de rizires, de lacs, dtangs, de


villages sordides aux maisons aux tuiles rouges, avec leurs cochons, oies, buffles.

La Chine profonde, provinciale, paysanne, archaque, sans complexes, concentre ses


nergies pour une meilleure exploitation des terres cultivables.

En labsence dautoroutes, de routes et de voies ferres, cest encore la Chine pure,


immobile, immmoriale.

Comme en 1987, nous avons t hbergs au mme htel, ramnag et modernis,


mais sentant toujours le moisi.

Le soir, nous avons t convis un dner dans un salon priv, en prsence de nos
htes, des reprsentants locaux de la CNFMC et des responsables de lOffice Provincial
des Ressources Minrales.

Comme laccoutume, plusieurs toasts furent changs avec le Vice Prsident de


lOffice, Quan, pour marquer la permanence, lexcellence et la prennit des relations
maroco-chinoises.

Aprs dner, en compagnie de Li et bord de la voiture personnelle de la mre ZU,


nous avons circul au centre de Nanchang o, dans les nuits chaudes, une foule bruyante,
lallure physique uniforme, stait empare de la rue, stendant sur des milliers de lits
de camp, sur les gazons, dsertant les minuscules maisons surchauffes, humides et
insalubres.

Nous avons achet, sans marchander, des faences, au grand bonheur des jeunes
commerants peu habitus recevoir des yuans convertibles.

Au petit matin du 6e jour, sur le chemin de laroport, les lits de camp de la veille
avaient disparu comme par enchantement, remplacs par des cohortes dhommes et de
femmes de tous ges excutant leurs mouvements de gymnastique sur les devantures de
leurs maisons exigus.

322
La Chine, partout, nous tourdit par le sentiment de la multitude, de ces nues
denfants rieurs, de ces cyclistes enjous, de ces curieux qui vous regardent passer, en
silence, avec une pointe dissimule dtonnement pour la vue des longs nez.

Les rares vieilles voitures se frayaient malaisment le chemin parmi les pitons, les
bicyclettes et les charrettes.

Partout la population tait dense et gigantesque , comme disait quelquun.

A laroport, aprs un petit djeuner copieux et des contrles serrs de scurit, nous
avons longuement attendu, bravant la chaleur et lhumidit.

A ct de nous, prs dune exposition destampes chinoises, des militaires frustes,


dans leur uniforme vert olive, avaient crach, la manire du pays, dru sans gne entre
leurs jambes.

Par suite dorages violents sur toute la rgion, lavion, un quadrimoteur hlices,
avait dcoll avec beaucoup de retard.

A haute altitude, entre Nanchang et Ganzhou, on pouvait observer et admirer le


labeur des Chinois soutenu par la mobilisation constante de millions de bras, toujours
prts, comme si le travail repose, engager avec une dtermination soutenue, une lutte
contre la nature, les montagnes, les torrents, les fleuves, les marcages, lrosion et la
scheresse,

Avant latterrissage, alors que le tonnerre grondait au loin et que de gros nuages
opacifiaient lhorizon, lavion reut lordre de rebrousser chemin et de retourner son
point de dpart Nanchang.

Pour nous faire patienter, laroport de Nanchang on nous servit un dlicieux repas,
dans une ambiance dtendue parmi les autres passagers chinois intrigus par notre
prsence parmi eux.

Lavion dcolla de Nanchang pour atterrir Ganzhou vers 14H, avec plus de cinq
heures de retard, sous un soleil radieux aprs des averses diluviennes.

Le grand Wang tait l pour nous accueillir larrive de lavion, rellement trs
heureux de nous revoir chez lui.

A Ganzhou
Nous tions logs dans le principal htel, au milieu dun grand parc

Trs rapidement aprs notre installation, nous avons effectu un tour des lieux, en
commenant par les monuments historiques du secteur.

Du haut de lune des btisses, visite dj en 1987, nous avons une merveilleuse vue
sur le paysage environnant, fait de coteaux boiss et de paisibles rivires, proximit du
confluent des rivires Zhang Jiang et Shong Jiang (donnant naissance au grand fleuve
Guan Jiang) et dun petit port fluvial manutentionnant des rondins de bois, de la barytine,
du charbon et du matriel agricole.

Nous avons ensuite travers la vieille ville constitue de masures dun autre ge,
avant daller au Parc aux Huit Merveilles organis autour de plans deau bord de
bambous, de nnuphars et d oreilles dlphant.

A 19H, Wang nous convia un banquet, en prsence de ses collaborateurs, avec un


service personnalis, des plats dlicieux et les ternels toasts au mote.

323
Prs de nous, des Chinois avaient engag bruyamment un concours de bire
orchestr par des femmes charges denregistrer le nombre de pintes ingurgites.

Ce sont des hommes daffaires, des nouveaux riches qui ont normment dargent
dpenser sans beaucoup se fatiguer , nous dit ironiquement Wang.

Au cours du dner, nous avons discut des problmes lis lvolution de la Chine
aprs les vnements de Tienanmen, sans mettre de jugement critique, face
lamabilit et lhospitalit sans rserve de nos htes, peu connaisseurs des statistiques et
des faits, loin de la centra lit de Pkin.

Souvent, nos htes furent drouts et intrigus par nos questions lchelle de
limmense Chine profondment marque par les luttes fratricides et sanglantes et les
premires convulsions post rvolutionnaires.

La Chine est tellement vaste, la population tellement nombreuse, quil nous est
difficile de vous fournir des donnes globales sur notre pays , dit Wang, comme pour
justifier la difficult satisfaire notre curiosit.

Au 7e jour, la rception de lhtel, on avait not la prsence dun agent de scurit


veillant discrtement sur le bon droulement de notre sjour.

Aprs le petit djeuner, nous avons rejoint lusine de la Ganzhou Smelter pour
tenir une sance de travail, autour de la grande table charge de tasses de th et de plats
de fruits (lychees, bananes, oranges, melons),

Du ct chinois, Wang avait men les discussions, ZU tant relgu au rang de


conseiller, comme si son toile stait teinte ou tiole.

Nous avons examin, avec une infinie patience, les problmes lis la production,
aux transports terrestres et maritimes, aux mthodes dchantillonnage, danalyses, au
conditionnement, et la transformation du concentr de cobalt de Bouazzer.

Ce fut une redite de nos runions Pkin, quelques jours auparavant.

Aprs nos interventions tayes par des justifications, il nous avait sembl avoir
convaincu nos interlocuteurs de notre bonne disposition poursuivre et conforter notre
coopration initie en 1987.

Wang et ses collaborateurs avaient apprci lattitude du Groupe ONA quant aux
retards enregistrs dans les enlvements des lots de concentr de cobalt.

Nous avons compris que, tout en tant dsireux de continuer sapprovisionner en


concentr de cobalt au Maroc, les Chinois prouvaient dnormes difficults obtenir des
quotas de devises suffisants pour honorer leurs importations.

Le recours aux dcideurs Pkin avait pratiquement effac lamorce dautonomie de


1987, faisant de nouveau du pouvoir central le matre du jeu, le seul mme dapprcier
les priorits du pays.

Lachat de concentr de cobalt marocain tait devenu un problme politique que les
chancelleries et les ambassades chinoises devraient traiter.

A 13H30, nous sommes arrivs au terme de la premire phase de nos discussions,


confiants, de notre ct, en lissue optimiste de notre mission.

Aprs un djeuner en comit restreint, nous avons visit lusine en activit de


production un rgime ralenti.

324
Le personnel, considr plthorique, tait affect des tches secondaires, sans
commune mesure avec ses capacits et ses qualifications intrinsques ; la notion de
productivit navait pas de sens pour des salaires de 250 DH/mois.

Lusine, fiert de nos htes, o des femmes sactivaient dans le nettoyage des bacs
dagitation et des fours lectriques de fusion, tait rustique et simple.

Mhamdi posa de nombreuses et pertinentes questions sur les diffrentes phases du


processus de traitement (attaque chimique, filtration, concentration, lectrolyse et
raffinage) auxquelles nos htes avaient rpondu sans atermoiements.

Nous avons repris nos discussions 17H pour les arrter 19 Heures

Nos interlocuteurs avaient tenu raffirmer avec force leur dsir sincre de
maintenir et de renforcer les relations avec le Groupe ONA, unique fournisseur de cobalt
pour Ganzhou Smelter.

De notre ct, nous avons soulign notre engagement respecter la qualit des
produits, leur conditionnement et leurs dlais de livraison.

Lors du dner majestueux clturant notre sjour Ganzhou, aurol de bougies,


ptards, dcoration des plats de fruits, et pour fter sa manire lissue heureuse de nos
discussions, Wang avait fait montre dattentions particulires notre gard, louant
lesprit damiti ayant caractris nos discussions.

Au 8e jour, tt le matin, nous avons quitt Ganzhou, et comme en 1987, une voiture
de la scurit publique, son bord Wang et ses collaborateurs, nous avait prcds pour
dgager furtivement le chemin.

De vritables estampes se droulaient sous nos yeux sur des centaines de kilomtres
o lagriculture, prennise par des sicles dinfinie persvrance, deuxime nature des
Chinois, est exerce comme un art pour permettre et garantir plus dun milliard
dhabitants de manger leur faim.

La Chine, cest dabord lagriculture pour nourrir les gens, lindustrie ne sera
toujours quun pis-aller , souligna un de nos htes, venant expliquer que la plupart des
dynasties mings et mandchoues staient effondres parce quelles navaient pas su
accorder lattention suffisante au monde rural.

De Ganzhou Shaoguan, des soins mticuleux et un travail rapide et constant taient


consacrs la terre nourricire o aprs la moisson du riz prcoce, les paysans se
htaient de labourer les champs inonds pour une deuxime rcolte.

La route en trs mauvais tat, par suite des dernires pluies, tait envahie sur des
dizaines de kilomtres par des files continues de marcheurs, de cyclistes, de charrettes,
nos voitures tant curieusement les seuls engins mcaniques en circulation sur une
grande partie de notre parcours.

Dans les campagnes on ne connaissait que les forces animale et humaine ; lhomme,
la femme et lenfant portent, tirent ce quils peuvent, sans rencler.

A plusieurs reprises, nous avons vu des hommes et des femmes satteler la charrue
ou la charrette, un harnais pass autour de la poitrine, du ventre ou du front, pour
labourer la terre ou transporter des produits de toutes sortes.

Ce sont de millions de paysans, de paysannes et denfants qui vivaient de cette


manire sur cette terre millnaire immuable, presque endormie.

Nous navons jamais vu autant de monde, en si peu de temps, et sur daussi courtes
distances, car pour les Chinois le plus grand bonheur est dtre ensemble.

325
En traversant les hameaux et les bourgs rouills par lhumidit ambiante, nous
navons pas vu de mouches, de chiens, de chats, de rats et de cafards.

Ils ont t limins sur ordre, ils ont disparu de la Chine , lana Li, malicieux.

Nous sommes arrivs Dayu, petite ville proche de lusine de grillage de concentr
de cobalt.

A lentre du village industriel, nous tions accueillis par une crmonie du th servi
par de jeunes et jolies filles, en prsence dun agent de la scurit publique intrigu par
notre visite, unique- semble-t-il- dans les annales de ce village isol.

Des groupes de gosses rieurs nous firent le sige, tonns de voir des longs nez
dans ces parages, loin des grandes villes.

Lusine, premire tape du traitement par dsarsnification du produit, tait


implante sur les hauteurs boises dominant une dpression couverte de rizires.

Vous tes ce jour les seuls trangers visiter nos installations , dit Wang, pour
marquer lexcellence de nos relations et sa grande considration pour nous.

Ce qui nous avait surtout frapps en parcourant lusine, ctait lanarchique mlange
dateliers, de dpts, de magasins, de chanes de fabrication ou de traitement de
concentr de cobalt, de maisons ouvrires, de dortoirs, de champs de riz, de jardins
potagers, de bureaux administratifs.

La vie et le travail du centre industriel taient entremls en permanence.

Des cochons noirs fouillaient dans les rsidus, des canards, des oies et des enfants
erraient entre les hangars, proximit dnormes stocks darsenic.

Lusine comprenait une unit de prparation de la charge (concentr de cobalt +


charbon maigre), un four lectrique de grillage 1.500C pour abaisser la teneur
darsenic de 60% 5-6%.

Le concentr grill, poudre noire enrichie en cobalt, tait expdi Ganzhou


Smelter pour subir les oprations de traitement chimique, de fusion et daffinage.

Larsenic dgag au four lectrique tait envoy dans une unit de filtration tages
pour rcuprer 90% du produit, le reliquat tant achemin trs loin dans latmosphre
travers une conduite btonne termine par une chemine en butte apparente sur une
colline.

Larsenic, recueilli la filtration sous forme de poudre blanche ou lgrement


rostre, tait mis en fts et stock dans un hangar amnag cet effet.

Lunit achevait le grillage des dernires tonnes du lot n1 de concentr de cobalt de


Bouazzer, le deuxime lot dans sa totalit tant stock dans un hangar.

En visitant un hangar de stockage de 1.500 tonnes darsenic, sans prcaution,


Mhamdi suggra dtudier la possibilit dcouler cet arsenic, aprs examen des
conditions de fret et de scurit dans le transport jusque sur les marchs consommateurs
dEurope occidentale ; cette opration pourrait viter lusine dtre montre du doigt par
les cologistes chinois de tous bords.

Nous nous attendions trouver Dayu un dsastre et un drame cologiques, il nen


fut rien.

De plus, un investissement important avait t engag dans la rcupration et la


filtration de larsenic.

326
Aprs lusine, dans une auberge de Dayu, dans un environnement sordide, on nous
servit un merveilleux djeuner.

Entre Dayu Shaoguan, le mme paysage se droulait sous nos yeux bahis :
rizires, buffles, oies, canards, des milliers de personnes dans les champs, la Chine
millnaire toujours prsente, presque immobile.

Dans les zones de collines exposes lrosion, la population avait entrepris de


gigantesques oprations de reboisement, linstar des autres provinces chinoises, o
pour reconstituer le capital forestier dtruit depuis des sicles, on continuait planter des
milliards darbres de toutes natures.

En considration de ce que nous avons vu et entendu, on peut dire que la Chine et


son peuple ne sont pas seulement les lgataires dune brillante civilisation, mais ils sont
clbres aussi par leur endurance dans le malheur pass et par leur acharnement forcen
au dur labeur partout et de tous les instants, dans le relatif bonheur prsent.

Cela fait dire beaucoup dobservateurs que la Chine est le plus grand laboratoire de
changement social, conomique et politique de lHistoire.

Avant Shaoguan, nous avons visit le clbre site panoramique de Jinshui aux valles
boises, sommets aux formes bizarres, ponts de bois suspendus et centres destivage et
de dtente pour les nantis du rgime communiste.

Nous sommes arrivs Shaoguan en fin daprs midi, installs dans un htel au
centre ville, et accueillis par Long et Ren, reprsentants de la Shaoguan Yuebei Trust and
Trade Company, alors qu proximit, la salle des ftes, on clbrait un mariage grand
fracas de ptards et de danses folkloriques.

Le soir, nous fmes regroups autour dun dner pantagrulique dans un restaurant
rput, au milieu dune belle fort de pins.

Quittant nos htes, nous sommes alls avec Li en promenade Shaoguan, dans une
semi obscurit, travers les rues encombres o les petits commerces et les marchands
ambulants nous avaient submergs et noys dans la cacophonie des bruits et des cris, en
nous proposant des fruits, du th, ou en nous invitant dans les gargotes, dans une
atmosphre de moisi et dhumidit.

Au 9me jour, le petit djeuner fut dune densit sans gal.

Cest notre dernier repas ensemble , souligna mlancoliquement Wang, avant la


dernire sance de travail pour tirer les conclusions de nos discussions.

A Canton
Entre Shaoguan et Canton, nous nous sommes arrts au temple bouddhiste de
Nanhua visit dj en 1987 avec Chrif, objet dun effort de restauration, respectant ainsi
la foi de nombreux Chinois croyant de nouveau au dieu Rulaifu et la desse Pus Ha.

A la sortie du temple, nous avons quitt nos htes tenus de rebrousser chemin vers
Ganzhou, et comme dernire attention, Wang nous avait offert un carton de bananes et
de lychees pour apaiser notre faim en chemin.

A loccasion, nous avons insist sur la ncessit duvrer pour surmonter les
problmes lis aux livraisons des lots de concentr de cobalt, et propos quune mission
chinoise se rende sous quinzaine au Maroc pour finaliser et ractualiser le contrat labor
et conclu en 1987.

327
En route vers Canton, nous avons travers des zones de belles forts, des rizires,
des champs de colza, avec limpression que les paysages du nord et du centre de la Chine
se retrouvent lidentique au Sud, plus de deux mille kilomtres de distance.

La circulation sur la route vers le Tibet et le Sud Ouest tait extrmement


dangereuse et les accidents frquents, les camionneurs semblant participer un rallye
sur une voie occupe par les longues files de marcheurs et les charretiers.

En pleine campagne, des WC spcialement amnags proximit des champs de riz


et de colza, vous incitaient faire vos besoins, le fumier humain tant un engrais
recherch, souvent pandu la main.

Avec Li, nous avons discut de la dmographie en Chine pour mieux comprendre la
politique adopte par les autorits.

La baisse de la dmographie (croissance 1%) avait t obtenue par des moyens


coercitifs, la Chine tant le seul pays dans lhistoire de lhumanit lavoir os.

La population croissait encore plus vite que les prvisions affiches, mais moins
rapidement quhier, car dix ans de politique de lenfant unique avaient commenc
donner des rsultats, malgr les dissimulations nombreuses.

Au coin des rues des panneaux gants 4-2-1, signifiaient pour chaque Chinois
quatre grands parents, paternels et maternels, deux parents, pre et mre, et un enfant
unique.

A la campagne, un deuxime enfant se traduit par une lourde amende aux parents :
3.000 Yuans (environ 6.000DH), de quoi satisfaire les besoins alimentaires dune famille
pendant plusieurs annes , me signala Li.

La diffrence entre un garon et une fille demeure, et on continuait penser que la


naissance dun enfant mle est un bonheur, celle dune fille une calamit.

La presse chinoise, ne cesse de dplorer lhabitude retrouve de noyer les petites


filles comme des chats ; linfanticide est interdit, mais on na pas prcis les peines
encourues par les accuss , continua Li.

Devant cette terrible et terrifiante situation, les autorits avaient quelque peu
attnu la rigueur de la loi sur lenfant unique en autorisant deux enfants, mais pas plus
quand le premier a le malheur dtre une fille.

Le mariage en Chine nest pas une libration pour la femme, lhomme npouse pas
une femme, il donne une belle fille son pre, mais surtout une servante sa mre .

Les mariages taient retards et les filles comme les garons ne pouvaient se marier
avant 23 et 25 ans respectivement.

Jai 28 ans, ma girl friend en a 20, je ne pourrais me marier que dans 3 ans au
minimum , dit Li, comme offusqu par une rglementation aussi inhumaine.

Interrog sur sa situation matrielle Li, sans gne sexclama :

Je gagne 125 Yuans par mois (250 DH) ; je suis log par ma socit dans une pice
de 10m2 avec lavabo, pour un loyer symbolique de 3 Yuans (6 DH) ; la nourriture me
revient 60 Yuans (120 DH/mois) ; je dispose dun poste radio et la tlvision est
collective ; je possde une bicyclette pour me rendre mon travail, et je passe mes
moments de loisirs couter de la musique et discuter avec des amis ou flner dans
les parcs, car cela me cote rien .

328
Le chmage tait rapparu en Chine avec le dbut de lconomie de march, prne
encore timidement par le nouveau Timonier, Deng Xiao Ping, entranant la fermeture de
milliers de moyennes et petites entreprises.

Les paysans sans terre, fuyant les campagnes, venaient de loin chercher fortune dans
les grandes villes, jetant sur les chemins des millions de personnes incontrlables,
grossissant le lumpen proltariat des agglomrations urbaines.

Aprs le gigantesque nivellement du temps de Mao, un dveloppement ingalitaire


commenait poindre, accompagn de prvarication, de proxntisme et de clientlisme,
jusque l inconnus du contexte chinois.

Auparavant, recevoir un cadeau dun tranger, aussi maigre soit-il, tait reconnu
comme une personnalisation des relations rprouve par lancien systme ; aujourdhui,
on laccepte de bonne grce, des fois avec une gne simule.

Nous sommes arrivs Canton (Guangzhou) vers 18H30 et installs lHtel


International, quelques coudes du centre ville.

Canton, grande mtropole du sud, avec ses grands palaces, ses banques et ses
centres commerciaux, proximit de Hong Kong et de Macao, aux antipodes de la Chine
aux champs inonds et paysans laborieux, est dj limage dun autre Empire du Milieu,
celui de demain.

L, une nouvelle vision de la socit tait ne autour de la politique des quatre


modernisations tourne en drision par la nouvelle gnration pour devenir camra,
magntophone, moto, logement plus spacieux mais aussi avoir plus, gagner plus,
consommer plus, fournir moins defforts.

Voil limage de la nouvelle Chine enregistre dans une bote disco, la plus huppe de
Canton, o les jeunes chinois imitaient Elvis Presley.

La Chine a tout dabord besoin de moderniser son organe dirigeant, le Parti


Communiste, encore le seul ciment de limmense socit, me dit, loccasion du dner,
un couple chinois occidentalis, parlant parfaitement langlais.

Certains Chinois avaient compris la ncessit dune rcriture de la doctrine


communiste, en raison de lmergence de millions de citadins, avant-garde dune nouvelle
classe, loin des paysans victimes dune modernisation dbride.

Au 10me jour, sous une chaleur torride, en compagnie de Li et dune jeune fille,
agent de la socit commerciale reprsentant Ganzhou Smelter, nous avons effectu un
tour de ville, dabord au friendship stores, puis au muse relatant les pisodes de la
dernire dynastie Han ayant rgn sur la rgion de Canton.

Sous une pluie diluvienne ayant paralys un moment la circulation urbaine, nous
avons t au port commercial pour voir de prs les moyens mis en uvre dans le
dbarquement des concentrs de cobalt en provenance du Maroc.

Le port, tout rcent, svrement gard par la police maritime, tait bien quip, sans
rupture de charge entre le bateau et le train acheminant les sacs de concentr par
palettes jusqu Shaoguan.

Le soir, nous avons dn dans un restaurant populaire proximit de notre htel,


parmi des familles chinoises prenant lair dans un grand patio.

Des petits enfants nous avaient offert des cigarettes, pousss gentiment par leurs
parents enchants de lier connaissance avec des trangers.

Au 11me et dernier jour en Chine continentale, aprs de longues palabres la


rception de lhtel au sujet des facturations injustifies de tlphone et aprs avoir

329
consenti quelques largesses la caissire, sur incitation de Li, nous sommes partis en
trombe la Gare Centrale de Canton, avec nos bagages bien encombrants, pour prendre
le train de Hong Kong.

A lentre du quai, des policiers arrogants renvoyrent Li, sans mnagement.

Nous avons travers pniblement de longs corridors troitement surveills, rappelant


les films despionnage et la traverse du rideau de fer, avant le dernier contrle par des
douaniers peu amnes.

Nous avons eu tout juste le temps de pntrer dans un compartiment que le train
sbranlait, avec peu de monde bord.

Jusqu la priphrie de Hong Kong, le train traverse la Chine profonde, avec ses
routes encombres de charrettes tires par des hommes ou des femmes, surcharges de
sable, de charbon, de traverses de ciment, de briques soigneusement ranges, de foin, de
riz, de pastques et daubergines.

Dans les champs, on avait retrouv les mmes scnes et la mme intensit dans le
travail que trs loin au nord ouest.

Lentre dans les Nouveaux Territoires, lous par la Chine par bail emphytotique,
tait signale par des barrages de fil de fer barbels et des miradors sur les points hauts.

La campagne, jusqualors tire au cordeau et bien travaille, change daspect pour


faire place des zones de jachre, chose impensable en Chine continentale.

La presqule de Kowloon, reprable ses gratte-ciel et ses infrastructures modernes,


est le reflet dun autre monde.

Dj entre la zone de Hong Kong et la Chine continentale, malgr lidentit des


populations, il ny a pas de diffrence de degr, mais surtout de nature.

A Hong Kong
En gare de Kowloon, le train en provenance de Canton paraissait dsuet ct des
navettes ferroviaires ultramodernes assurant la liaison entre la colonie britannique et la
frontire chinoise.

Au poste de contrle des passeports larrive, nous fmes bloqus pendant plus
dune heure cause de mon passeport marocain nouveau format.

La police intrigue, mavait fait subir un interrogatoire serr, mais courtois, alors que
Mhamdi, muni de son ancien passeport, ne fut nullement inquit.

A bord dun minibus, aprs un dernier contrle de bagages, nous avons pris la
direction du Shangrila, htel de la mme chane qu Pkin, mais bien plus cher.

Dans les rues de Hong Kong crases de soleil, au milieu dune foule qui sentait
lOccident, nous navons pu dissiper une impression dtranget aprs dix jours dans la
Chine profonde des paysans, arrire mais rellement sympathique et attachante.

Ce sont des vampires qui gouvernent Pkin, ils sucent le sang de nos frres et
exploitent leur misre et leur dnuement ; Hong Kong va trembler en 1997 si les Rouges
ne samendent pas et ne modifient pas leur position , nous lana le chauffeur de taxi en
rponse ma question sur le devenir de lenclave sous domination britannique.

Cela ne lavait pas empch de nous soutirer 100 dollars de Hong Kong, pour une
course de moins de cinq minutes, exploitant notre mconnaissance des lieux.

330
Nous sommes alls djeuner dans une caftria toute proche pour nous replonger
dans latmosphre capitaliste.

Fini le rituel de laccueil des Chinois, ici time is money and money is over all.

Une activit daffaires fbrile incroyable se droulait Hong Kong, troisime place
financire du monde, assurant elle seule 40 % du commerce extrieur de la Chine
populaire qui ne lui achetait rien, mais par contre lui vendait des denres alimentaires,
source importante de devises fortes.

En dbut de soire, nous avons particip un tour en bus et en bateau dans les
nouveaux quartiers de la pninsule de Kowloon, sur les hauteurs de lle de Hong Kong,
avant de dner au quartier dAberdeen, bord dun ancien paquebot transform en
restaurant flottant ferique.

Nous avons admir de loin les villages flottants et visit des points dintrt, en
compagnie dune famille des Emirats Arabes Unis, dAmricains du Texas et de Corens de
Soul.

Au 12me jour, sous un soleil de plomb, nous avons fait du shopping prs de la
mosque finance par les Saoudiens, circul travers les rues commerantes, les
entrepts de gadgets, dlectronique, de magasins dart et de textiles o les Chinois de
souche taient concurrencs par des Indiens accuss de dumping et mal aims.

Dans cette importante plaque tournante de lconomie du sud est asiatique, les
habitants sefforaient de ne pas montrer dinquitude pour lhorizon 1997 et ils navaient
dautre choix que de verser dans loptimisme.

Les dirigeants communistes ne voulaient pas que la rintgration de Hong Kong


chout, et ils faisaient tout pour viter les faux pas malgr les craintes ravives par le
Printemps de Pkin de 1989.

Pkin est prt traiter avec le diable, ds lors que celui-ci se montre patriote ,
fait-on dire Deng Xiao Ping, le numro un chinois.

A Hong Kong la population comprenait trois catgories :

- les nantis (quelques milliers) qui mettront leur fortune labri dans les banques
extrieures, mais maintiendront des intrts pour continuer bnficier des bonnes
affaires sur place, sans se soucier du rgime en place,

- les cadres et techniciens (des centaines de milliers), piliers de lconomie, responsables


de la prosprit de la colonie, qui pourraient migrer aux Etats-Unis, Canada et Australie,

- le petit peuple (plus de cinq millions) dont une large partie avait fui la Chine
communiste et qui esprait que le rgime de Pkin se transformera en se libralisant au
fur et mesure de louverture de la Chine sur le monde.

De son ct, la Chine populaire veillait malgr les prmices dune ouverture, et
maintenait un contrle rigoureux des passages frontaliers terrestres ; plusieurs reprises
des tentatives dvasion se soldaient par de vritables hcatombes.

En dpit des dangers, le nombre des rfugis navait fait quaugmenter, le retour de
Hong Kong la mre patrie nayant pas dcourag les candidats lexode et le rgime de
Pkin tant toujours vilipend.

Macao, colonie portugaise, occupe depuis le 16e sicle, aprs sa rtrocession Pkin
dans peu de temps, suivra lexemple de Hong Kong avec maintien du rgime capitaliste
jusquen 2048.

331
En ce qui concerne Tawan la coriace, on considre que la runification ninterviendra
que lorsque la doctrine Un Etat, deux systmes aura fait ses preuves Hong Kong et
Macao ; en attendant, le Kuomingtang, parti nationaliste, prfre adopter la position du
Wait and see.

Mais les Chinois, en gnral, sont connus pour leur extraordinaire souplesse
trouver des solutions acceptables pour tous, et ils continuent penser que la Grande
Chine, Nouvel Empire du Milieu, doit se reformer aprs la rintgration de Hong Kong,
Macao et Tawan peupls de Chinois.

Aprs une journe caniculaire, nous avons quitt lhtel pour laroport, nos
nombreux bagages entasss dans un taxi.
Ce dernier, larrive laroport, avait trs vite embarqu un passager pour repartir
en trombe, sans dcharger une partie de mes bagages.

Dans le dsarroi, Mhamdi stait port volontaire pour repartir lhtel informer la
direction de cette dconvenue.

Lembarquement tant 22 Heures, javais craint de rater lavion.

Vers 22 H 15, Mhamdi tait de retour, suivi dun responsable de lhtel layant
accompagn au service de police dclarer la perte de bagage, reprer le taxi et venir
minformer des mesures prises pour retrouver mes bagages et les envoyer au Maroc par
DHL, aussi vite que possible.

Effectivement, un mois aprs, javais reu mes affaires, mais avec des mdicaments
chinois retenus Hong Kong et plusieurs objets souvenirs casss.

A la hte, nous avons embarqu aprs un ultime blocage la police des frontires, de
nouveau intrigue par mon passeport.

Le service bord du 747 de la Cathay Pacific fut parfait, prvenant, nous


permettant de nous dtendre et de nous reposer des fatigues et du stress accumuls
depuis plusieurs jours.

Lavion avait fait escale Bahren laurore, puis Rome aprs le lever du soleil,
avant darriver Paris aprs un vol de plus de vingt heures.

A Roissy, Mhamdi fut son tour bloqu quelques instants, son visa pour la France
ayant expir.

En conclusion, quels sont les enseignements de ce voyage ?

La prsence de notre accompagnateur, Li, avait renforc notre exprience de la Chine


et facilit notre libert de mouvement en dehors des moments officiels, tout en
multipliant les prvenances pour nous viter certains faux pas.

Les Chinois qui se souviennent de la famine, sont de plus en plus rares et la plupart
ont limpression que la vie au dbut du 20 sicle, avait t profondment bouleverse
avec lvnement du socialisme,

Malgr les profondes transformations, les autorits vitaient de rompre la continuit


chinoise ayant survcu aux vicissitudes de lhistoire et du temps,

La Chine entendait construire son destin son propre rythme, dans lautarcie pour
endiguer la pnurie de devises, ne souvrant au march extrieur que sous lemprise de la
ncessit, offrant limage dun pays en transition dans le domaine de la gestion
macroconomique, les forces du march jouant de plus en plus un rle significatif,
particulirement Pkin et les autres grandes villes.

332
Limpression qui prvalait, tait que la Chine cherchait dabord siniser tout
apport tranger comme elle lavait fait auparavant pour le bouddhisme en provenance de
lInde et pour le socialisme de cration occidentale.

La dette extrieure estime 44 milliards de dollars et lconomie, avaient souffert


de la dsaffection du FMI, de la Banque Mondiale et des bailleurs de fonds occidentaux et
japonais, effrays par les vnements du Printemps de Pkin.

La Chine continue tre un laboratoire humain offrant un champ vaste et inpuisable


linvestigation et lobservation captivante, pour peu que lon sy attarde un moment et
que lon oublie les prjugs et les jugements la sauvette.

Limpression qui demeure ineffaable pour nous, aprs un long priple de dix jours
travers une mince partie de la Chine profonde est dabord celle :

- dune Chine qui souvrait davantage aux trangers, malgr les craintes dun retour aux
annes 60, aprs la terrible rpression du printemps 1989, sveillant rapidement dans les
grandes cits comme Pkin et Canton, lentement mais srement dans les villes de
province et les campagnes,

- dune Chine rurale o les retombes de louverture extrieure ne se feront sentir que
bien plus tardivement, les conditions de vie et de travail demeurant prcaires et dures, les
moyens mis en uvre encore archaques,

- lagriculture pratique comme une deuxime nature, est et sera la raison de vivre et le
support sculaire de plusieurs centaines de millions de Chinois,

- lintensit de leffort et la mobilisation permanente du paysan chinois et de sa famille,


dmontrent quen dehors de toute considration politique et conomique, sa foi profonde
est incarne dans lamour de la terre nourricire qui la vu natre, vivre et enfin mourir,

- leffort est partout le propre de lhomme, de la femme et mme de lenfant,

- le peuple chinois est celui qui a le plus grand sens et lesprit de la mutualit,

- dans les campagnes, la multitude chinoise continue tre organise en paix, dans
luniformit dune pauvret vcue et accepte par tous,

- la modicit du niveau de vie des masses rurales les met labri des fluctuations
erratiques de la partie volue du systme de production des villes, de la monte dune
gnration de jeunes cadres assoiffs de libert, entreprenante, vivant au rythme de son
poque mais peut tre moins probe que son ane,

- les rformes introduites dans le monde rural avaient certes permis une amlioration du
niveau de vie, mais leur mise en uvre se heurtait au ressentiment du paysan frustr de
toujours payer et peiner pour lEtat par les mcanismes du march et la dtermination
injuste des prix des produits agricoles,

- qui na pas lappui des forces armes et des millions de paysans, ne saurait prendre le
pouvoir ceux qui le dtiennent depuis 1949, aprs la Longue Marche ;

- trs rapidement, la population dans sa majorit aime se ranger du ct du vainqueur,


lalternance des coups dacclrateur suivis de temps autre de coups de frein, nayant
pas perturb le processus des rformes engages depuis plusieurs annes et bien
perceptibles dans les grands centres urbains,

- les Chinois recherchent largent plus quauparavant, mais pour eux ce ntait toujours
pas lme de leur vie, les salaires tant tellement bas quil nous avait paru indcent de les
aborder ou den discuter avec nos htes,

333
- la Chine nous avait donn limpression dun pays sous dvelopp, dtenant des bombes
hydrogne, fabriquant des fuses intercontinentales et lanant des satellites artificiels,

- la Chine est devenue un monde qui souvre de plus en plus et dpasse la rvulsion
longtemps entretenue de tout ce qui est tranger,

- sans refuser totalement de se mettre au diapason et aux rythmes des autres, elle
prfre tout dabord siniser ce qui lui est propos pour mieux lintgrer, le digrer et
ladapter la socit,

- le souvenir de Mao sestompe chaque jour davantage, et malgr les massacres de la


place Tienanmen, le despotisme rpressif volue vers un despotisme clair,

- des masses importantes de Chinois ayant vcu longtemps sous la terreur, vivent encore
sous la pesanteur du souvenir,

- la rcupration de Hong Kong en 1997, de Macao en 1998, et la dtente amorce avec


Tawan, permettront dacclrer le processus douverture et dinsrer la Chine
pacifiquement dans lvolution librale inluctable de notre monde.

La Chine a-t-elle rellement ouvertes ses portes, et a-t-elle chang ?

Lavenir trs proche nous le dira.

334
Dans les provinces sahariennes
A Layoune
Aprs le retour de Chine en juin 1990, le Ministre Fettah mavait charg daller
Layoune donner une confrence sur le secteur minier axe sur les potentialits minires
dans les provinces sahariennes, et ce dans le cadre des activits de lAssociation
Culturelle El Wahda.

Il faut rappeler, quen raison de la situation politique qui prvalait, les provinces du
Sud navaient pas encore fait lobjet de programmes de recherches approfondies ou
dexploitation en dehors des phosphates de Boucra et de quelques tudes succinctes de
loccupant espagnol.

Loctroi de permis miniers ntant pas encore entr en vigueur, certains travaux de
prospection, de dcapages ou de recherche superficiels taient toujours placs sous la
surveillance des autorits militaires.

La nature gologique ancienne des terrains, lis la boutonnire prcambrienne des


Rguibat, laisse entrevoir des possibilits en matire de fer (comme Zouerate en
Mauritanie), cuivre, vanadium, substances utiles et ornementales ; des possibilits de
trouver des diamants et de lor, existent.

Au plan des ressources nergtiques, des indices de gaz ont t signals dans
certains des 140 forages raliss par les Espagnols.

Aprs la rcupration des provinces sahariennes, ces derniers avaient dlibrment


refus de livrer les dossiers techniques pour apprcier limportance des dcouvertes et du
potentiel en hydrocarbures.

Lenvoi par la suite dune mission Madrid pour rcuprer les documents stait
sold dabord par une fin de non recevoir, puis par la suite par la livraison de quelques
documents dimportance secondaire.

Loff shore au large de Dakhla et Boujdour, continuit suppose du Golfe de Guine


et de loff shore mauritanien prometteur, face au Golfe du Mexique grand producteur de
ptrole, pourrait faire lobjet de prospections par des socits en convention avec
lONAREP.

A Guelta Zemmour
Le dimanche, sans vol de retour sur Casablanca, en compagnie du dlgu du
Ministre Layoune, Labid, nous sommes alls rendre visite au Colonel Kejji,
responsable militaire du secteur de Guelta Zemmour, proche de la frontire
mauritanienne.

Laccs Guelta Zemmour est dsormais relativement ais aprs lamnagement au


cours des dernires annes du second tronon de route stratgique asphalte de 120 km
partir de la mine de phosphate de Boucra.

Le colonel Kejji, originaire de Goulmima, ancien camarade du Collge de Ksar-es-


Souk, brillant laurat de lAcadmie militaire de Dar el Beda de Mekns, nous reut avec
beaucoup de chaleur, ravi de voir des ingnieurs lui rendre visite sur le front prs de la
frontire mauritanienne, thtre de plusieurs combats sanglants avec les units du
Polisario.

Il nous fit visiter les installations de commandement et logistiques Guelta


Zemmour, implantes sur une butte dominant tout le secteur.

335
Nous nous sommes rendus ensuite ltang bleu (Guelta) ayant donn son nom la
localit, o leau douce est toujours disponible pour abreuver les rares troupeaux de
chameaux et de caprins.

Sur le chemin du mur de dfense, nous nous sommes arrts aux forages deau
destins approvisionner les troupes, raliss par les quipes du BRPM durant la priode
difficile de rcupration des provinces du Sud.

Lorganisation mise en place pour le ravitaillement rgulier des troupes en vivres et


en eau, tait remarquable defficacit.

Le mur de dfense, vingt de kilomtres lEst, en direction de la frontire


mauritanienne, non loin de Bir Moghrein, tait impressionnant et comportait des champs
de mines et des points dappui feu pour enrayer avec rapidit et efficacit, grce aux
tirs croiss combin de lartillerie et des blinds, toute incursion impromptue des
commandos mcaniss du Polisario.

A Guelta Zemmour, larme marocaine veillait courageusement sur ces contres


dsoles, pleines de symboles et objet de grands sacrifices consentis par le peuple
marocain tout entier.

Nous avons pntr dans les casemates o vivaient les valeureux soldats,
dtermins, attendant de pied ferme les harclements et les attaques du Polisario.

Le Colonel Kejji, brillant officier suprieur des FAR, homme dordre et de discipline,
lment plein de fougue et de dtermination, fin technicien de la guerre du dsert et
grand connaisseur des provinces sahariennes pour y avoir exerc depuis la Marche Verte,
avait su avec efficacit, stopper les incursions du Polisario, en matrisant le terrain, en
employant les armes appropries pour infliger de trs lourdes pertes ladversaire.

Le terrain nous appartient, le Polisario a subi de terribles revers, aprs avoir cru un
temps quil pouvait mettre genoux notre arme ; nous savons quici nous combattons
une coalition, mene par lAlgrie ; le Polisario est une fiction et sans lappui algrien, il
irait se fondre dans les sables du dsert, et on nen parlerait plus jamais , nous dit le
Colonel Kejji.

Le Polisario navait effectivement pas donn signe de vie depuis plus dun an, se
contentant de parader dans les environs de Tindouf et dentretenir la fiction dun Etat
croupion, la solde de ses supports algriens.

Un calme profond enveloppait ces tendues dnudes et rocailleuses, o la vigilance


de notre arme tait de rigueur, en esprant que le volet politique sera clarifi pour
permettre cette zone de bnficier du dveloppement intgr dans le cadre de la
souverainet nationale et de lintgrit territoriale du Royaume.

Aprs un djeuner au domicile spartiate du Colonel, nous avons rejoint Layoune


aprs un passage rapide la mine de Boucra, contents et heureux davoir accompli un
vritable plerinage auprs de nos concitoyens, dfenseurs des valeurs et de lintgrit
territoriale de notre pays.

336
Un Ministre fru de communication
A la fin du mois de juillet 1990, Fettah nomm Directeur Gnral de lOCP en
remplacement de linamovible Karim Lamrani, tait remplac au Ministre de lEnergie et
des Mines par Alaoui Mdaghri, Secrtaire dEtat charg des Affaires du Maghreb au
Ministre des Affaires Etrangres et de la Coopration.

Le retour de Fettah son ancien employeur et linstallation de Alaoui Mdaghri, en


prsence de Moulay Ahmed Alaoui, staient oprs discrtement, en pleine invasion du
Kowet par lIrak.

Le nouveau Ministre, homme de grande culture et de droiture, fin communicateur,


polyglotte, ancien directeur de lISCAE, pertinent sur lvolution du pays et les sujets du
moment, tait appel faire bnficier les secteurs minier et nergtique de son
exprience du monde conomique et des affaires.

Ds les premiers jours, nous avons vcu le conflit du Golfe, dans nos bureaux,
emmitoufls dans nos sacs de couchage, pour suivre les pripties des prparatifs de la
guerre contre Saddam Hussein, et leurs implications sur lapprovisionnement en
hydrocarbures du monde en gnral et du Maroc en particulier.

Jai connu Alaoui en 1983 loccasion des runions de la Commission


interministrielle charge de la slection des candidats aux postes de conseillers
conomiques auprs des Ambassades du Maroc ltrange, au sein de laquelle je
reprsentais les secteurs minier et nergtique.

Ds lors, le nouveau contact avec Alaoui fut amical, et la prennit de notre action
la Direction des Mines, assure.

Ds son arrive, il avait su crer une atmosphre cordiale avec lensemble du


personnel du Dpartement, et tablir des liens fconds avec tous les acteurs des secteurs
de lEnergie et des Mines.

Sans occulter, outre mesure, les nombreuses ralisations des ministres qui lavaient
prcd, le nouveau responsable annonait la constitution au sein des Directions
dquipes cohrentes, travaillant dans un cadre de srnit, de confiance, de synergie et
de synchronisation des efforts.

Ainsi, peu de temps aprs son installation, Alaoui, grand adepte de la communication
interne et du travail en quipe, avait tenu organiser des week end de rflexion au profit
des cadres du Ministre.

Une premire manifestation, unique dans les annales du Dpartement, au Centre des
uvres Sociales de lONE Marrakech, avait donn loccasion aux participants, dans un
environnement convivial, dcontract et amical, de mieux se connatre, communiquer
et dbattre pour apprhender et solutionner les problmes.

Cette approche permettait denregistrer, in fine, quun cadre performant dans son
domaine, peut ne pas ltre dans un milieu o la culture de la communication et du
relationnel est absente ou inexistante.

Le Ministre aprs avoir lanc le mouvement, nous laissa organiser les dbats en
conclave amical et dcontract. au cours dune deuxime rencontre organise lHtel
Samir Mohammedia. Coachs par deux minents professeurs de lISCAE, Drissi et
Gharnaout, la deuxime runion avait port sur le travail en groupe, pour inciter les
cadres apprcier, valuer et rsoudre les problmes dans la srnit et lamiti. La
troisime runion eut pour cadre le club Naphta de la Socit Nationale des Produits
Ptroliers et eut galement beaucoup de retentissement.

337
Au pays de lApartheid
Lide dun voyage en Afrique du Sud avait pris naissance aprs le Congrs
Gologique International Washington en 1989, auquel avait particip Bensad, Directeur
de la Gologie, et au cours duquel une invitation fut adresse aux Directeurs de la
Gologie et des Mines du Maroc par le Docteur Frick, Directeur Gnral du Geological
Survey of South Africa.

Pour Bensad et moi-mme, voyager en Afrique du Sud tait considr comme un


risque majeur, eu gard la politique sgrgationniste et aux ratonnades de la population
noire par le pouvoir blanc, et rapportes quotidiennement par les mdias travers le
monde.

Amplifis sans relche par les tlvisions, les vnements laissaient supposer un
pays compltement feu et sang, avec son cortge quotidien dassassinats et de
massacres interethniques, sous le regard condescendant de la minorit blanche.

Malgr cela, javais personnellement insist auprs de Bensad, indcis, pour


rpondre favorablement, dans la plus grande discrtion, linvitation du Dr Frick.

Par suite de linexistence de relations officielles entre lAfrique du Sud et le Maroc, les
autorits sud africaines, travers leur Ambassade en France, nous avaient dlivr les
visas et les titres de transport de Paris Johannesburg.

Pour viter toute interprtation malveillante, nous avons convenu dorganiser la


mission au cours notre priode des congs annuels, pour aller dcouvrir sur place les
ralits, assouvir notre curiosit intellectuelle, mais surtout enrichir davantage notre
savoir au pays du grand scandale gologique et minier.
****
LAfrique du Sud, ancienne Union Sud Africaine, Etat fdral occupant lextrmit
mridionale de lAfrique, de superficie 1.200.000 km, est constitue par les anciennes
colonies britanniques du Cap, du Natal, de lOrange et du Transvaal.

Sa population caractrise par une nette tendance au cosmopolitisme, un exode rural


trs intense et la pousse rapide des villages, tait estime en 1989 plus de 32 millions
dhabitants, dont 6 millions de Blancs (Afrikaners dorigines germanique, hollandaise et
franaise, des Britanniques, des Portugais, des Italiens, des juifs), 1 million dIndiens,
Pakistanais et Malais et 25 millions de Noirs (Zoulous, Xhosas et diverses autres ethnies).

Les grandes villes sont par ordre dcroissant : Johannesburg, Le Cap, Durban, Port
Elizabeth, East London et Richards Bay.

Le climat est chaud et steppique lintrieur, dsertique lOuest, mditerranen


dans la rgion du Cap au sud, et forestier lEst vers locan Indien.

Les cultures vivrires (bl, mas) et commerciales (vignes, tabacs, agrumes) et


surtout les mines et les industries de transformations diversifies et performantes, font
de lAfrique du Sud la principale puissance conomique du continent africain.

Du point de vue historique, les populations autochtones furent refoules par les
Bochimans au 11e sicle, puis par les Bantous au 15e sicle.

De 1602 1680, on enregistra la venue des Hollandais boers, paysans colons de


lAfrique australe, et la fondation du Cap, sur la route des Indes orientales, puis aprs
1685, lafflux des Huguenots chasss par les guerres de religions en France.

Ds 1814, le pays passa sous ladministration anglaise, et aprs 1834, avec le


mouvement de migration vers le Nord (Natal, Transvaal, Orange) occup par les

338
Britanniques en 1877, commenaient les rvolutions contre les Anglais avec la cration de
rpubliques autonomes ou indpendantes, domines par les Boers.

Il faut rappeler que les Boers, ayant fui lEurope au dbut du 17e sicle pour coloniser
de lAfrique australe, habitaient le Transvaal et lOrange.

En 1884, la dcouverte des premires mines dor fut lorigine des heurts dintrts
entre Anglais et Boers qui se poursuivirent jusquen 1902, anne de la dfaite de ces
derniers, aprs des luttes opinitres, menes par Kruger, fondateur du Transvaal en 1852
et chantre et organisateur de la rsistance aux Anglais.

En 1910 fut cre lUnion Sud Africaine, regroupant les Etats du Cap, du Natal, du
Transvaal et dOrange, membres du Commonwealth britannique.

En 1913 furent adoptes les premires lois dApartheid, renforces en 1948 par des
mesures sgrgationnistes, aprs larrive au pouvoir du Parti National.

En 1961, lUnion Sud Africaine avait disparu avec la cration de la Rpublique


dAfrique du Sud indpendante de la tutelle de Londres, qui poursuivit la politique
dApartheid dans le cadre dun Etat multinational, associant un Etat blanc, des Etats
bantous comme le Ciskei, le Transkei, le Venda et le Bophuthatswana.

LAfrique du Sud, connue pour ses fabuleuses richesses minrales et ses normes
potentialits en or, diamant, chrome, fer, fait partie des grands pays ayant mis en uvre
des technologies de pointe en matire de recherche, dexploitation et de valorisation
minires.

A Pretoria
Imprgns de ces lments dhistoire, de gographie et dconomie, nous sommes
partis le 11 Aot 1990 de Rabat, pour embarquer le mme jour de laroport de Roissy
dans lavion dUTA (Vol UT 335), en partance pour Johannesburg, via Nice et Kinshasa.

Les conditions de vol furent excellentes, et notre arrive Johannesburg, eut lieu
comme prvu le lendemain matin 11H20, aprs le survol du Nord Est de lAfrique du Sud
avec ses grands espaces dnuds et secs en priode dhiver austral.

Laroport de Johannesburg dnotait dj limpression dun pays organis et


occidentalis sous les premiers aspects.

Le passage des postes de police des frontires et de douanes sopra en quelques


minutes avec beaucoup dgards et sans le moindre problme.

Le Docteur Frick nous attendait la passerelle, manifestement trs enchant de nous


voir en terre sud africaine, chez lui, sous un climat frais et sec de lhiver austral, une
altitude de 1.400m.

Immdiatement, bord de la voiture personnelle du Dr Frick, nous avons rejoint


Pretoria 60 km, en empruntant des infrastructures routires et autoroutires
impressionnantes, marque dun niveau de dveloppement lev.

La campagne est faite de grands espaces entrecoups de bosquets deucalyptus,


dimmenses ranchs btail rappelant trangement le Texas, toutefois sans puits de
ptrole.
Bensad et Dr Frick en gologues avertis, avaient entam leur discussion sur la
structure gologique de cette partie de lAfrique du Sud connue pour ses importants
gisements dor et de diamant.

339
Aprs un accueil trs sympathique et notre installation au Burgers Park Hotel, en
plein centre de Pretoria, nous avons quitt Dr Frick en fixant avec lui de nous retrouver
15 H pour effectuer un premier tour de ville.

Quelle est linflation au Maroc, nous demanda curieusement le valet noir de lhtel,
aprs nous avoir accompagns dans nos chambres confortables.

A 15 H, nous avons entam la visite de Pretoria en nous rendant au monument du


Soldat Inconnu, btiment tout de marbre, retraant lhistoire de loccupation du Transvaal
par les Europens, poussant devant eux et massacrant sans scrupules les tribus
autochtones zoulous, faisant penser loccupation du Far West amricain et aux terribles
massacres des tribus indiennes.

Le btiment construit en 1950 sur une des hauteurs dominant Pretoria (du nom de
Pretorius, fondateur de la Rpublique dOrange), tait envahi par une foule
essentiellement doriginaire europenne, les autres habitants noirs, indiens ou mtis
fuyant ce haut lieu de la sgrgation raciale et de la suprmatie des Blancs.

Aprs, ce fut le tour dun petit muse amnag dans une vieille et superbe demeure
du dbut du 19e sicle ayant appartenu une notabilit, avec son mobilier et son
quipement dpoque encore intacts.

L, fut signe la paix entre les Boers vaincus et le colonisateur anglais, reprsent
par le Gnral Kitchener.

Nous sommes passs ensuite au Palais du Gouvernement, btiment daspect


victorien, regroupant plusieurs dpartements ministriels et les bureaux de la Prsidence
de la Rpublique, construit en 1910 par Jan Smuts, unificateur des colonies anglaises et
Premier Ministre de lUnion Sud Africaine en 1919.

Dans les ddales des annexes du Palais, nous avons rencontr des familles de
musulmans sud africains dorigine indienne, venues durant le week end contempler les
hauts lieux du pouvoir blanc, raciste.

Pretoria, occupant le fond des valles et des contreforts boiss, tait une
agglomration are et verdoyante de plus dun millions dhabitants, capitale du
Transvaal, sige du Gouvernement dAfrique du Sud, grand centre universitaire, nud
ferroviaire et centre dindustries mtallurgiques proches des grandes mines dor, de
diamant et de charbon.

Par la suite, nous avons circul travers les quartiers rsidentiels, aux superbes
villas et cottages entours de vastes jardins fleuris, habits par les Blancs, avant de
dambuler dans le campus universitaire rappelant Oxford et Cambridge.

A travers nos discussions avec Dr Frick, dun calme olympien, nous avons retenu que
lex Union Sud Africaine, membre du Commonwealth jusquen 1961, stait rige en
rpublique indpendante pour chapper la tutelle britannique pesante et pour mieux
mettre en application la politique dApartheid.

La situation actuelle ne pouvant sterniser, les Blancs et les Noirs doivent se


rapprocher pour arrter le communisme propagandiste et utopiste, et viter que les
Blancs sexpatrient en Australie et en Nouvelle Zlande, souligna Dr Frick, conscient que
la situation doit changer et que justice soit rendue la majorit noire, mais certaines
conditions que nous dcouvrirons plus tard lors de nos discussions approfondies sur la
nature et lessence du rgime dApartheid.

Ds le premier jour, nous avons remarqu, non sans tonnement, que les Noirs
rencontrs ne transpiraient pas la misre, malgr un cart important et manifeste entre
les deux communauts qui semblaient signorer totalement.

340
La situation des Noirs samliore avec une meilleure ducation, une formation plus
adapte et un niveau de vie plus dcent , avait poursuivi Dr Frick.

Nous sommes de retour vers 18 H lhtel grouillant dhommes daffaires blancs,


pour dner au belvdre donnant sur les jardins et la piscine, dans une ambiance
dcontracte, accueillis avec grande amabilit.

Aprs dner, nous avons effectu une longue promenade travers les rues dsertes
de Pretoria, sous un temps clment de lhiver austral (15C), et circul librement sans
prouver la moindre suffocation ou gne.

Pretoria avec ses larges avenues, ses centres commerciaux, ses banques, rappelle
une ville amricaine, avec toutefois une circulation fluide, peu de cafs, de restaurants et
une seule bote disco attirant la jeunesse dore de la capitale, venue ingurgiter
calmement des pintes de bire.

La discrtion de la police dnotait une situation calme dans la capitale du rgime de


lApartheid o les gens taient installs confortablement chez eux, alors que les
bijouteries et les banques taient gardes par des malabars blancs arms.

Au deuxime jour, un chauffeur lallure cow boy tait venu nous conduire au
Geological Survey lextrieur de Pretoria.

Au passage, nous avons crois de longues files de Noirs pied, rejoignant leur lieu de
travail alors que tous les Blancs, sans exception, sy rendaient en voiture.

A lentre du Geological Survey, notre grande surprise, le drapeau marocain, bien


distinctif, flottait allgrement au vent, signe de bienvenue de la part de notre hte que
nous avons tenu remercier vivement pour cette marque damicale considration pour
notre pays.

A lentre, nous tions accueillis par des htesses blanches avec beaucoup de
considration, sous lil satisfait et attendri du Dr Frick.

Aprs une courte entrevue de bienvenue, une longue runion, en prsence de tous
les directeurs du Geological Survey, nous avait permis dchanger nos ides et nos
opinions respectives sur la recherche minire, la cartographie gologique et les axes de
coopration possibles entre le Nord et le Sud de lAfrique.

Manifestement, lAfrique du Sud visait soustraire la partie centrale de notre


continent lemprise tentaculaire des organismes europens.

Nous fmes agrablement surpris du souci de nos interlocuteurs daffirmer tout


moment leur africanit, sans toutefois renier leurs origines europennes.
Nos discussions, auxquelles navait particip aucun Noir, staient droules dans
une atmosphre amicale et dtendue, ponctue par de nombreuses pauses caf, loin de
toute considration politique du moment.

Aprs une visite de courtoisie au Dr Hammersbeck, chef du dpartement des


substances minrales, organisateur de notre programme, nous avons particip un
djeuner restreint dans la grande salle de rception du Geological Survey et dgust pour
la circonstance un ragot de gazelle, met pris en Afrique du Sud.

En dbut daprs midi, nous avons visit le centre dlaboration des cartes par
traitement informatique, o des techniciens noirs taient intgrs aux quipes.

Le Geological Survey disposait dun budget de 9 millions de dollars et employait plus


de 400 personnes, essentiellement des cadres et des techniciens de grande valeur
professionnelle.

341
Laissant Bensad ses prgrinations gologiques, javais rendu visite, en compagnie
du Dr Frick, aux responsables du Bureau of Mines install dans un immeuble proximit
de Burgers Park Hotel.

Je fus accueilli par le Directeur Gnral Rath (bras dans le pltre suite un accident
de circulation) dsol de navoir pas t inform de notre sjour en Afrique du Sud pour
organiser des runions et rencontres dintrt avec ses services.

Ensemble, avec ses collaborateurs, nous avons fait un tour dhorizon de lactivit
minire en Afrique du Sud et chang des informations sur nos deux pays, retenant, pour
ma part, que lEtat intervenait peu dans le secteur minier, laissant le soin et la latitude
aux oprateurs dagir dans le cadre du Mining Act.

Le Bureau of Mines disposait de 10 districts rgionaux et dun service de gestion du


patrimoine minier Johannesburg.

La valeur de la production minire avait atteint en 1989, 13,5 Milliards de dollars,


dont 11 Milliards lexportation de charbon, or, platinodes, fer, chrome, manganse,
argent, cuivre, nickel, zirconium, vanadium, titane, fluorine, amiante, sel, barytine, gypse,
mica, kieselguhr, magnsite, soufre, talc, kaolin, perlite, bentonite, attapulgite etc.

Avec cette liste impressionnante des substances exploites, lAfrique du Sud,


occupait la premire place dans le monde pour la production dor (plus de 600 tonnes par
an), le chrome (3,7Millions de tonnes de minerai), le platine, le manganse, le vanadium,
et la 5e place pour le diamant avec 9 Millions de carats.

Le secteur minier employait 745.000 personnes dont 520.000 dans les mines dor,
105.000 dans les mines de charbon et 120.000 dans les autres secteurs miniers, et versait
plus de 3,5 Milliards de dollars de salaires.

Javais quitt le Bureau of Mines, impressionn par les fabuleuses richesses minires
de lAfrique du Sud, rellement vritable scandale gologique et minier.

Aprs une journe trs enrichissante, et comme la veille, aprs un dner lhtel,
nous avons longuement march dans les rues de Pretoria, toujours dsertes et sans la
moindre crainte, alors qu la tlvision, un dbat anim avait regroup autour de
Mandela des journalistes blancs.

Lconomie dirige, planifie ou centralise ayant fait faillite partout en Afrique, il


ne faut pas, que ce qui a chou ailleurs soit introduit en Afrique du Sud , estiment les
inquisiteurs blancs qui questionnaient Mandela avec beaucoup dimpertinence sur lavenir
de lAfrique du Sud et le rle que son mouvement lAfrican National Congress (ANC) tait
appel jouer dans lvolution et la transformation du pays.

Certains journalistes soulignaient que le pays tait engag rsolument dans


llimination progressive de lApartheid, larsenal juridique en vigueur ne refltant pas la
situation relle du pays et les Noirs tant sur la voie de laffranchissement total de la
tutelle des Blancs.

La politique des petits pas et de linflux control avait t abolie.

Les bus, les trains et les plages accueillaient les diffrentes classes (Blancs, Mtis,
Indiens, Noirs) et dans les Grey districts, les Noirs et Blancs cohabitaient.

Les inquisiteurs semblaient occulter une situation explosive, attise par et les
extrmistes et les jusquau boutistes, adeptes de la terre brle et confronts au
puissant mouvement nationaliste de lANC, rappelant sous certains aspects les tristes
moments de lOAS des annes soixante deux en Algrie.

342
A ct des extrmistes, existait une masse de Blancs, qui sans tre forcment
hostiles aux ncessaires et inluctables changements, craignaient la rorganisation de
lconomie et de la socit dans un sens dirigiste.

L Afrique du Sud a reu ces dernires annes des milliers de Blancs parmi les plus
ractionnaires du sud du continent (Portugais de lAngola et du Mozambique,
Britanniques du Zimbabwe), susceptibles dtre rejoints par des Europens de lEst qui ne
brilleront pas non plus par leur tolrance et leur progressisme , nous dit Dr Frick, trs
laise dans ces affirmations.

Malgr lexistence dun foss norme entre les systmes ducatifs respectifs, la
prsence dune importante communaut blanche pouvait tre un lment positif pour le
pays condition quelle volue vers un systme de symbiose et de vie en bonne
intelligence avec la grande majorit noire.

Dans les coles noires le niveau tait trs bas, et lorsque les lves parvenaient
luniversit, ils taient victimes dun handicap et dune insuffisance linguistique.

Le problme ntant pas de droit, mais de fait, il fallait, pour viter les drapages,
lever le niveau des coles noires et assurer la mixit des tablissements blancs, tout en
favorisant une redistribution du capital de manire quitable entre Blancs, Indiens, Mtis
et Noirs, pour rduire le gap entre les communauts.

Le Gouvernement sud africain stait engag sur la voie des rformes parce que
certains secteurs de lconomie souffraient du boycott des pays occidentaux, et Mandela,
pour sa part, avait renonc la lutte arme en sengageant dans la voie dune remise en
cause progressive des slogans de lANC.

Lespoir dune coexistence harmonieuse entre Blancs et Noirs se profilait lhorizon,


pour le bien de lAfrique du Sud et de toute lAfrique noire en proie des guerres civiles et
des crises sans fin, mettant en pril la prennit mme des Etats.

Dans les mines sud africaines


Au 3e jour, tt, en compagnie du Dr Hammersbeck et dun ingnieur du Geological
Survey, nous sommes alls dans les mines dor de Driefontein 150 km au Sud Est de
Pretoria, en traversant une rgion de ranchs bovins, de vastes emblavures et de terres
mas minutieusement travailles avec des moyens mcaniques puissants et modernes.
Les digues striles, chelonnes sur plusieurs kilomtres, signalaient les mines dor
prospectes ds 1930, dans un environnement de machines dextraction, dinstallations
de traitement, dimmenses parcs matriels ordonns et agencs, et de btiments
administratifs avec leurs parterres de fleurs et de gazon entretenus par une multitude
douvriers noirs.
Accueillis par des femmes blanches dun certain ge, lgantes et affables, aprs un
passage par la barrire lectronique de contrle, nous fmes introduits dans les bureaux
de lEast Driefontein Gold Mining Company.

Aprs une pause caf et une prsentation des maquettes du gisement par le
gologue en chef, nous avons effectu une descente 3.700m de profondeur o rgnait
une atmosphre normale (22) grce de puissants moyens de ventilation.

La mine extrayait 10.000 tonnes/jour de minerai essentiellement constitu de pyrite


et de quartz, titrant en moyenne 10 grammes dor par tonne sous forme dinclusions
millimtriques, en distribution erratique.

Les rserves vue assuraient une vie de 20 ans, pouvant tre prolonge si laval des
travaux en cours de reconnaissance -4.000m, se rvlait positif.

343
Le minerai tait abattu par dpilages en chambres magasins pentes avec
boulonnage et boisage systmatiques, le dblocage la base des chambres tant assur
par scrapage.

Le personnel travaillait dans de bonnes conditions de scurit, larage tant fourni


par de puissants ventilateurs et le dpoussirage ralis par des injections deau dans le
massif suivies de brumisations du front dabatage.

Lencadrement suprieur et moyen tait assur par des Blancs, les cadres
subalternes de grande valeur professionnelle, tant des Noirs.

En Afrique du Sud, dans les mines dor, la puissance lectrique pour larage tait de
950 MW soit 50% de la puissance totale installe au Maroc en 1988.

A la sortie du fond, nous avons visit lunit de fusion attenante lusine


denrichissement par cyanuration, et assist une coule dans un four arc dun lingot de
30 kg dor, troitement surveill.

La production du centre tait de 25 tonnes dor par an.

A notre demande, nous avons visit un camp de travailleurs noirs pour mieux
apprcier les effets pernicieux des lois racistes.

Nous avons circul longuement travers les rfectoires, les foyers, les blocs
dhabitations pour clibataires et pour maris, sous la conduite dun Blanc responsable du
service des ressources humaines, enchant de nous voir intresss par le ct social de
lentreprise.

Leffectif de 11.000 personnes comprenait 30% dorigine sud africaine et des


migrs originaires du Malawi voisin, soumis des contrats annuels.

Le turn over faible (1%), dnotait une stabilit remarquable du personnel.

Nous avons remarqu non seulement la diversit des ethnies, mais aussi la
sparation entretenue en soubassement par les Blancs, dsireux de ne pas affronter les
problmes de masse.

Seuls les Noirs sud africains avaient le droit de faire partie des unions, syndicats de
mtiers, vivant en entits tribales spares.

Les logements disposaient deau chaude, chauffage et tlvision par chambre de 12


personnes ; les maisons des agents maris taient bien construites et agences, avec
jardin et garage.
Des cases en dur, bien quipes, taient mises la disposition des ouvriers recevant
leurs familles qui taient prises en charge par la socit pour une dure de trois semaines.

Les cits et les foyers noirs disposaient de vastes installations sportives et


rcratives, de cinmas, cafs et bars o la bire coulait flot.

Les salaires verss, variaient de 1.000 2.000 rands (3.000 6.000DH/mois) avec en
plus les avantages en nature (nourriture et logement gratuits).

Nous fmes impressionns par le niveau social des mines dor sud africaines
imagines abusivement comme des tueuses et centres de traite douvriers noirs.

Nous avons djeun au Club pour Blancs, install parmi les rsidences des cadres
blancs, dans un environnement de gazons et de parterres de fleurs, enfoui lombre des
platanes et des eucalyptus.

Aprs des discussions franches et amicales, nous avons senti et peru une volution
des esprits des Blancs vis vis des Noirs.

344
Seules comptent la sensibilisation et la motivation des gens, quelle que soit la
couleur de leur peau , me dit le responsable des ressources humaines.

Nous tions de retour lhtel Pretoria vers 17 H, aprs avoir long sur notre
chemin, la mythique Soweto (South ouest townships), centre la lisire de
Johannesburg, immense agglomration denviron 2,5 millions dhabitants, compose de
bidonvilles sordides et de quartiers rsidentiels habits par la grande bourgeoisie noire.

Mandela, un nanti de la race noire roulant en voiture de luxe, sans fins de mois
difficiles, habite dans une maison luxueuse visible au loin,, nous lana notre
accompagnateur, ingnieur du Geological Survey.

Tard le soir, malgr lannonce par la radio et la tlvision dchauffoures entre


jeunes Noirs de diffrentes ethnies (zoulou et xhosa), nous avons effectu notre
promenade nocturne habituelle, travers Pretoria dserte et endormie, livre aux
quelques passants et curieux attards aux devantures des magasins et prs des jets deau
sur les grandes places.

Nous avons assist, malencontreusement, un accident provoqu par un Blanc


mch, circulant grande vitesse, sans marquer le stop lun des rares feux rouges de
la ville, percutant une voiture venant du sens prioritaire.

La police, discrtement, sans perturber le calme profond de la ville, tait rapidement


intervenue pour tablir le constat, faire vacuer les paves parmi les dbris de verre et de
tles tordues, et nettoyer les lieux.

Au 4e jour, notre programme de visite nous mena dans une mine de charbon
Middelburg 140 km lEst de Pretoria, en compagnie de Snowdon, gologue barbu
fumant la pipe, responsable dun bureau dingnieurs conseils, install pour son compte
Johannesburg et grand connaisseur des problmes des mines de charbon pour y avoir trs
longtemps exerc.

La mine de Middelburg situe dans la partie Est du Transvaal, appartenait 50% au


groupe British Petrolium (BP) qui avait, en 1975, ngoci et acquis, dans le cadre de la
diversification de ses activits, une proprit de 6.000 hectares dans le Middelburg
Magisterial District, 27 km lEst de la ville industrielle de Wittbank.

Le bassin charbonnier de Wittbank produisait plus de 60% du charbon sud africain


(170 millions de tonnes dont 125 millions de tonnes consommes localement et 45
millions de tonnes exportes par le port de Richards Bay sur la cte de lOcan Indien).

Aprs un expos trs dtaill du Directeur de la planification, citoyen britannique,


dans une salle ultramoderne, nous avons visit lexploitation ciel ouvert centre sur les
couches de charbon totalisant 14 mtres de puissance.

La production tait de 4,5 millions de tonnes par an de charbon de bonne qualit, en


utilisant de puissants moyens de foration, de chargement et de transport (jumbos
hydrauliques, draglines, camions de 50 tonnes).

Nous avons assist un impressionnant tir de grande vole pour un tonnage de plus
de 100.000 tonnes de charbon.

Au lavoir utilisant la mthode heavy medium separation, le charbon aprs lavage,


donnait des produits titrant 0,4% de soufre, 14-15% de cendres, 23% de matires
volatiles et un pouvoir calorifique suprieur 6.000 kcal/kg.

La mine employait 2.000 personnes, toutes de nationalit sud africaine, dont une
grande partie issue des rgions 150 km la ronde, contrairement aux mines dor

345
employant surtout des expatris des pays limitrophes (notamment du Swaziland,
Botswana et Lesotho).

Les salaires verss aux mineurs variaient entre 1.500 et 1.800 rands (soit
lquivalent de 4.500 5.400 dirhams).

A notre demande, comme la mine dor de Driefontein, nous avons visit les
installations sociales du village de Naledi o le personnel noir disposait de logements
confortables et dinstallations rcratives remarquables ; les Blancs, pour leur part,
taient logs part en ville, Middelburg.

A la mine, les relations entre Blancs et Noirs nous avaient sembl sur la voie de la
normalisation progressive.

Au plan de lenvironnement, les responsables taient fiers de nous montrer les


ralisations ayant transform et amlior le milieu austre avant la mise en production de
la mine, grce un effort louable pour rhabiliter des zones dfruites et transformes en
terrains de parcours pour bovins et en vastes tangs bords de collines boises et peupls
dchassiers.

Nous avons djeun au Club pour Blancs, en compagnie du directeur de la mine,


jovial et dcontract, peu perturb par une grve relative la gestion des installations
socioculturelles du village noir.

Nous sommes contraints de discuter et de collaborer pour assurer une meilleure


productivit et asseoir les bases de notre compagnie, sinon nous allons couler tous
ensemble , nous dclara le directeur de la mine, avec beaucoup dassurance et de
dtachement.

Nous avons chang nos points de vue sur les techniques minires mises en uvre
dans nos deux pays et sur lavenir du charbon.

La conclusion tait que le charbon continuera occuper une place de choix dans le
panier nergtique mondial.

Nous avons enregistr avec fiert lexcellente apprciation de notre pays dans cette
partie de lAfrique dveloppe.

Le Maroc est un Etat de vieille histoire, srieux, travailleur, que nous respectons et
avec lequel nous souhaiterions cooprer , me lana un de nos htes fort attentif tout
ce que nous disions.

Nous avons soulign quaprs la normalisation de la situation en Afrique du Sud les


relations bilatrales vont connatre un dveloppement rapide.

Nous avons quitt nos htes en les remerciant de leur accueil, impressionns par le
dveloppement formidable des mines de charbon en Afrique du Sud, en avance
technologique certaine sur celles de lEurope et du Nouveau Monde.

En fin daprs midi, sur le chemin du retour, nous avons travers une zone de
gigantesques centrales lectriques charbon, de puissances variant de 3.000 4.000
MW, presque le double du potentiel nergtique du Maroc en 1989.

Snowdon qui nous conduisait dans sa rutilante Mercedes, rpondait nos questions
avec toute sa bonhomie et sa dcontraction de gologue.

L bas, vous observez danciens camps de concentration o au dbut du sicle, les


Britanniques avaient cantonn et affam les Boers, hommes, femmes et enfants , dit
Snowdon, comme pour justifier et glorifier laction de dveloppement agro-pastoral de
cette rgion charbonnire par les colons blancs boers, rvolts contre loccupation
britannique la fin du 19e sicle.

346
Snowdon, dorigine cossaise, vilipendait Mandela et le considrait comme le Grand
Satan de lAfrique du Sud.

Ce type trs fortun, possde un palace Soweto ; il a t emprisonn en 1962


pour acte de violence et incitation la rvolte ; personne, contrairement ce qui est
rpandu, na jamais t emprisonn en Afrique du Sud pour ses ides scria Snowdon
qui, aprs un moment de rflexion continua :

LANC peut aujourdhui prendre le pouvoir car les Blancs ont peur de tout perdre
dans lincertitude de lavenir .

Mais dans sa majorit, lANC prfrait dabord la promotion de la middle class en


adoptant la position de forgive and forget (pardonner et oublier), et certains Noirs
pensaient que dans un avenir trs proche, la Rpublique Sud Africaine aura Mandela
comme Prsident et De Klerk comme Vice-prsident.

Tel fut le sentiment travers les tables rondes organises la tlvision chaque soir,
que nous avons suivies avec dlectation, comme tous les clients de lHtel Burger Park,
noirs et blancs, venus apprcier la qualit des mets et du service prvenant, assur
conjointement par de jeunes Noirs et Blancs.

Au 5e jour, un ingnieur du Geological Survey nous avait accompagns la mine de


diamant de Cullinan 40 km au Nord de Pretoria.

Cette mine tire son nom du prospecteur Cullinan dcouvreur en 1902 du gisement
diamantifre de Premier Mine, constitu du plus important pipe de kimberlite dAfrique
(900m de long, 450m de large, 400m denracinement et 32 hectares de superficie).

A Premier Mine, en 1905, fut trouv le plus gros diamant du monde (3.106 carats),
dont une partie orne le diadme de la Reine dAngleterre.
Premier Mine est aussi connue par ses diamants bleus semi conducteurs, avec
traces daluminium.

Aprs avoir extrait en dcouverte 280 millions de tonnes de minerai, la mine est
passe en souterrain en 1946, pour produire 7 millions de tonnes de minerai et 2,5
millions de carats par an.

Aprs le contrle dusage au service de scurit et des explications approfondies sur


lorigine de la kimberlite et des diamants, le permanent geologist, homme de petite
taille, nous guida dans la visite complte de la mine.

LAfrique du Sud, o la ville de Kimberley a donn son nom la roche porteuse de


diamant, dispose de plusieurs centaines de zones kimberlite rparties dans plusieurs
districts plus au moins renomms. Depuis la dcouverte de la kimberlite, source primaire
de diamants, cette roche a fait lobjet dintenses recherches aux plans gochimique,
mtrologique, minralogique et gologique, attestant que la kimberlite issue du manteau
de la Terre, tait soumise de fortes pressions suivies de cristallisation fractionne ,
nous signala le gologue.

Lexploitation souterraine mettait en uvre le sublevel caving rendement lev,


avec mcanisation de lensemble des oprations de foration, tir, boulonnage et marinage
des produits.

Sur un effectif de 1.900 personnes, 1.400 taient affectes au fond, encadres par 18
ingnieurs blancs, les ouvriers et les techniciens subalternes tant noirs.

Premier Mine appartient la Socit De Beers qui contrle les productions de


lAfrique du Sud et du Botswana, estimes 5 millions et 7 millions de carats/an.

347
La production mondiale (100 millions de carats/an) provenait essentiellement
dAustralie, du Zare, du Botswana, dURSS, et dAfrique du Sud.

40% des diamants taient des placements bancaires, 40% usages industriels et
20% allaient la joaillerie.

Aprs cette tourne, sans avoir vu de diamant, ni prlev le moindre chantillon de


kimberlite, nous sommes passs la fouille, puis invits un lunch rapide au foyer de la
mine, avant de rejoindre Pretoria vers 15 heures.

Dr Hammersbeck et Wurs, gologue chevronn du Geological Survey, nous


attendaient pour nous accompagner dans le secteur du Bushweld, en tourne gologique
tant attendue et dsire par Bensad.

Jtais le seul mineur parmi trois gologues, et jentrevoyais dj des explications


trs intressantes.

Dans le scandale gologique du Bushweld


Aprs Pretoria, nous avons travers une zone de riches emblavures, de vastes
champs de mas, dlevage extensif, de fermes isoles aux haciendas ombrages,
exploites par danciens colons afrikaners venus il y a des dcennies mettre en valeur des
terres en jachre.

Au loin, nous avons admir la ville de Middelburg, agglomration de cent mille


Blancs, vritable paradis, dans un environnement tout prs des Noirs confins dans leurs
misrables townships.

Les Noirs peuvent venir travailler en ville comme boys, jardiniers ou femmes de
mnage, le soir ils doivent regagner leurs townships , nous dit, avec une pointe
darrogance, Wurst, afrikaner typique, raciste jusquau bout des ongles.

Sur notre chemin, nous avons observ plusieurs feux de forts et des brlis.

Ce sont les Noirs qui sont responsables de ces feux , avait poursuivi Wurst pour
accabler encore davantage les gens de couleur.

A lhorizon, lnorme centrale de Dendal prs de Wittbank, dans le Transvaal Est,


perce technologique des Sud Africains au plan de lnergie lectrique et de la fabrication
des quipements, fournissait une puissance de 4.166 MW, nous rappelant que lAfrique du
Sud seule, produisait 60% de llectricit du continent et que Kimberley la ville
diamantifre tait lectrifie en 1882, avant Londres.

LAfrique du Sud avec sa grande production de charbon, ses nombreux barrages et sa


centrale nuclaire, disposait dun kilowattheure bon march (0,18DH) et tait en mesure
de fournir les pays voisins dmunis comme le Botswana et le Mozambique qui souffraient
de larrt du projet de grand barrage Cabora Bassa.

Lentre dans le Bushweld se traduit par un changement topographique et


lapparition de collines boises et de valles couvertes dpineux rappelant le Rif.

Nous sommes passs dans une zone de hauteurs tabulaires intriguant la curiosit de
Bensad, puis proximit des mines de fer de Mapoch (du nom de lethnie zoulou de la
rgion) o taient exploites, ciel ouvert, des couches de magntite, source
dapprovisionnement de la grande acirie de Wittbank.

Nous sommes arrivs, la tombe de la nuit, Steelport et installs Tubatse


Residence, club amnag dans un merveilleux cadre de verdure par les socits oprant
dans le secteur, o vivent tous les cadres blancs et leurs familles.

348
Nous avons dn tranquillement au foyer de la rsidence, servis par un personnel noir
en livre et trs prvenant.

Au 6e jour, nous avons visit une usine de ferrochrome, accueillis avec beaucoup de
chaleur et de prvenance par lhtesse confondue en excuses pour navoir pas install un
drapeau marocain en signe de bienvenue.

Un jeune ingnieur mtallurgiste de grand gabarit, responsable de production, nous


avait guids dans la visite du centre.

Tubatse Ferrochrome Plant est implant proximit des centres de production de


minerai doxydes de fer et de chrome (Montrose, Groothoek et Tweefontein).

Le ferrochrome, aprs la fusion et la coule dans des fours arc de 30 MVA, est
refroidi, concass et tamis pour rpondre aux spcifications des clients.

Le produit marchand tait achemin par train jusqu Durban et Richards Bay sur la
cte de lOcan Indien pour tre export en Europe et au Japon et utilis dans la
fabrication des aciers inoxydables.

LAfrique du Sud, dont les rserves sont estimes plus de mille ans, la cadence de
300.000T/an, produisait les 3/4 de la consommation mondiale.

En quittant lusine sous lil surpris et intrigu dun groupe de Blancs, nous avons
marqu une pause pour examiner les cartes gologiques du secteur.

Wurst, sr de lui, avait tal toute sa science et sa connaissance du Bushweld,


expliquant avec force dtails la gense des gisements et la gologie de ce vritable
scandale gologique et minralogique, aux concentrations exceptionnelles en chrome,
vanadium, platine, fer et autres substances rares.

Moi jtais le mineur noy dans la terminologie de trois gologues chevronns,


mais heureux de participer avec eux cette randonne captivante.

Quittant Steelport, nous sommes entrs en territoire Lebova, home land noir, avec
ses cases en tles ondules, ses villages dlabrs proximit des champs de coton et de
bl arross par pivots gants.

Aprs nous tre ravitaills au magasin de Burgerport tenu par une femme blanche
agressive, nous avons poursuivi notre tourne en nous arrtant prs des mines de chrome
de Tweefontein, de platine et de vanadium de Kennedy Vaal.

Nous avons djeun au bord dune rivire, proximit dun site gologique protg,
caractris par le contact de la minralisation chrome avec lanorthose.

A quelques coudes le ronde, nous avions sous nos yeux lincommensurable effort
de recherche et dexploitation dploy dans cette zone pour mettre en valeur des
gisements mtalliques et des gisements de substances utiles (calcite, magnsite)
dcouverts par des colons blancs au cours de leur longue rue (Trek) en direction de lEst
vers la frontire mozambicaine.

Cest une rgion minire unique au monde ; ses potentialits sont immenses et
nous ne faisons que les effleurer , sexclama Wurst avec fiert.

Nous avons visit ensuite un gisement de magntite avec une grande concentration
de vanadium, prospect par lAnglo-American, prs du home land noir de Sekukine, sans
eau, sans lectricit, fait de maisons basses en tles galvanises.

Ils nont pas dlectricit parce quils ne paient pas ; il est difficile de cohabiter
dans lanarchie avec des Noirs qui se reproduisent comme des lapins, qui veulent nous
prendre nos hpitaux, nos coles, nos plages, nos villes, nos magasins et qui clament

349
quils destinent une balle chaque colon blanc , expliqua Wurst sa manire, sous lil
imperturbable de Dr Hammersbeck, rserv et prudent dans ses jugements sur les
rapports entre Blancs et Noirs.

Lavenir de lAfrique du Sud appartient tous ses habitants, mais il nest pas
prudent de brler les tapes ; lducation et la formation des Noirs sont prioritaires, avec
le respect de leurs coutumes et de leur way of life , rpliqua Dr Hammersbeck, avec
beaucoup de calme et dassurance.

Wurst afrikaner irrductible, rejetant la majorit noire accuse de menacer ses


privilges, grommela et prfra se taire pour ne pas contrarier son concitoyen.

A travers ces rflexions dsabuses, on entrevoyait la mort du racisme, seule voie


vers la paix, la concorde et la stabilit du pays.

Dr Hammersbeck sortit de sa rserve en affirmant que Le dveloppement spar a


t tent et entretenu dans le pass, mais les ralits nous ont montr que a ne marche
pas. On ne peut ternellement diviser le pays, et dtruire tout ce qui a t difi, la
minorit ne doit pas tre opprime par la majorit ; la qualit et le niveau de vie ne seront
pas rabaisss, mais doivent tre tendus progressivement tous les Sud Africains .

De retour Pretoria
En fin daprs midi, nous sommes arrivs Pretoria au Burger Park Hotel o
affluaient des couples noirs lgamment vtus, sans complexe, voluant parmi les
nombreux Blancs venus en groupes dner tranquillement, sans ostracisme apparent.

Comme laccoutume, nous avons effectu une longue marche travers Pretoria
by night, sans remarquer la moindre animosit raciale.

Au 7e et dernier jour, Dr Frick tait venu nous chercher pour nous conduire dans sa
superbe villa en briques rouges, entoure dun magnifique et grand jardin, jouxtant la
demeure de larchevque noir Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix.

Sa femme, professeur de mathmatiques, tant en mission Fairbanks en Alaska,


nous fmes accueillis trs chaleureusement par ses quatre enfants (deux filles et deux
garons) chargs de prparer un barbecue.

Disposant dun moment de rpit, nous avons t aux centres commerciaux o des
groupes de jeunes musiciens se produisaient en plein air au bord dun norme plan deau
amnag pour la voile, dans une ambiance de fte nord amricaine.

Aprs quelques emplettes, nous sommes revenus chez Dr Frick participer


amicalement au barbecue.

A 15H30, nous sommes alls Johannesburg, ville de 2 millions dhabitants, grand


centre industriel, commercial et intellectuel, o le quartier des banques rappelle Wall
Street New York, avec ses immenses buildings de granite, de verre et de marbre,
royaume de la De Beers, de lAnglo-American et de Genco, firmes spcialises dans les
affaires de diamants, dor et dautres minerais stratgiques.

Par ci, par l, on avait not danciens terrils et des tours dextraction, vestiges des
anciennes exploitations dor de la fin du 19e sicle, base de lessor conomique
remarquable du Witwatersrand.

En voulant aller Soweto, nous fmes dissuads par un Blanc arm dun fusil de
chasse et post sur les hauteurs dominant les townships.

Soweto est feu et sang, ne vous y aventurez pas, cest trop risqu , dit-il.

350
Des familles noires taient venues se rfugier au down town de Johannesburg,
occupant les trottoirs et fuyant Soweto o les Zoulous, sortant de leurs hostels,
attaquaient les membres de lANC.

Buthelezi, chef de lInkhata (parti zoulou), cherchait gagner sa place dans la


ngociation mene par Mandela, en utilisant la violence.

Le massacre ne cessera pas tant quil ny a pas de pourparlers directs entre les
leaders des fractions noires rivales, Zoulous et Xhosa, car la violence appelle la violence ,
dit Dr Frick, quelque peu dpit par les vnements.

Avant de rejoindre laroport, nous avons travers les quartiers portugais construits
par danciens colons du Mozambique, venus trouver asile et fortune dans cet eldorado de
lAfrique, apportant une note latine et mditerranenne lenvironnement anglo-saxon.

A laroport Jan Smuts, nous avons tenu inviter Dr Frick venir au Maroc, avec
lespoir que nos relations se normaliseront rapidement et que la disparition inexorable de
lApartheid permettra la participation des Noirs et des Blancs au dveloppement de
lAfrique du Sud.

Nous avons embarqu sans problme, bnficiant mme dun traitement de faveur
bord de lavion de la South African Airways.

Lavion survola Gaborone, capitale du Botswana, pays riche en diamants, puis


Windok capitale de la Namibie nouvellement indpendante, ancienne colonie allemande,
vestige de loccupation avant la premire Guerre Mondiale, ensuite lAtlantique, avant de
faire escale laurore Lisbonne, o de nombreux passagers dorigine portugaise avaient
dbarqu.

Nous fmes rendus Paris vers 10H30 aprs un vol de 15 heures.

Quels furent les enseignements et les conclusions de ce merveilleux priple au pays


de lApartheid ?

Le voyage nous avait rellement combls, car il fait partie de ces missions
recherches et envies, particulirement par les gologues et les mineurs.

Nous sommes revenus tous les deux, avec la conviction que :

-lAfrique du Sud est rellement un scandale gologique et minier, non seulement par
la diversit de ses ressources minires, mais aussi par limportance des rserves en place,
assurant plusieurs dcennies de consommation en minerais stratgiques et prcieux,

- lAfrique du Sud sans Apartheid, jouera un rle de leader conomique de premier


plan dans le continent,

- les Noirs taient impatients pour le changement inluctable,

- parmi les Blancs, mergeait chaque jour davantage, une classe consciente des vrais
problmes et de la ncessit dune volution de la situation, continue, progressive, mais
ordonne,

- Mandela, De Klerk et Buthelezi, semblaient tre les otages de leurs ouailles agites
constamment par de profondes et sanglantes convulsions,

- lavenir de lAfrique du Sud, grand ple de dveloppement conomique, premire


puissance du continent africain, ne peut tre que multiracial.

351
Des mouvements sociaux
Dans les mines
A Paris, aprs le priple en Afrique du Sud, javais retrouv ma femme et mon fils de
retour de Londres, pour aller ensemble passer une semaine de vacances Pine, dans la
rgion de Hanovre en Basse Saxe, linvitation de notre ami, Rudolph, ingnieur et un de
mes anciens collaborateurs au Service des Travaux de Recherches Minires au BRPM,
mari une Marocaine de Khemisset.

Nous avons apprci lhospitalit de nos htes et dcouvert une Allemagne runifie,
en plein dveloppement, organise et sre delle-mme aprs la dbandade du systme
communiste en Europe de lEst.

Durant notre sjour, nous avons t Berlin, sur la Spree, occupe conjointement
par les Allis aprs la Seconde Guerre Mondiale.

Prs de la porte de Brandebourg, dans la rue, des vendeurs ambulants asiatiques


(vietnamiens, pakistanais) proposaient aux visiteurs des uniformes et des mdailles
sovitiques, des drapeaux de lex-Rpublique Dmocratique Allemande (RDA), alors qu
proximit de nombreux jeunes dbitaient dlicatement de petits morceaux souvenirs du
Mur de sparation difi en 1961 par le rgime communiste du secteur Est (Pankow).

Leuphorie sinstallait limage de Rudolph lui mme survolt et fier de nouveau


dtre citoyen dune grande Allemagne runifie.

Nous avons profit de notre passage pour aller visiter les travaux denfouissement de
dchets radioactifs dans une ancienne mine de sel prs de Helmstedt, raliss par lOffice
Fdral de recherches gologiques, et nous avons apprci les mesures prises pour ne pas
polluer les nappes aquifres de la rgion.

Nous avons rejoint Paris par train de Hanovre, en traversant les grands centres
industriels de la Ruhr o stait construit un des plus grands complexes industriels du
monde (sidrurgie, chimie, cimenteries) prs des grandes villes de Essen, Dsseldorf,
Dortmund et Duisburg.

En septembre 1990, accompagn de mon fils, Karim, et en prsence de Ghissassi et


Lakhssassi, les deux premiers responsables de la Fonderie de plomb dOued El Heimer,
javais assist au dner annuel du LME (London Metal Exchange) Londres et aux
empoignes des tractations commerciales dans les coulisses entre traders et producteurs
des mtaux.

A loccasion de cette mission, nous avons visit le mythique sige du LME dans la City
capitale de la finance et du commerce internationaux.

Londres mavait paru triste en automne et surtout trs chre en considrant les prix
pratiqus par les htels et les restaurants de niveau moyen.

Ce fut ensuite le tour de la runion annuelle du Groupe dEtude du Plomb et du Zinc


Genve pour faire le bilan dune anne domine par une baisse sensible des cours des
matires premires minrales dans leur ensemble, entranant un climat de morosit et de
dsenchantement suite la crise persistante du Golfe.

Quittant Genve, en compagnie de Bennani, nous avons effectu un bref


dplacement Brigues dans le Valais, lentre du Tunnel du Simplon, pour nous rendre
compte des progrs accomplis en Suisse en matire de stockage des explosifs civils aprs
le dernier incident mortel enregistr dans une fabrique.

352
La fin de lanne 199O fut marque par de nombreux mouvements sociaux dans les
principaux centres miniers, accompagns dune campagne de dnigrement engage
contre le secteur minier par certains mdias et les centrales syndicales.

Le Ministre Alaoui avait ragi par des interventions au Parlement, des runions de
communication de clarification au Ministre, et en dfendant, au cours dune confrence-
dbat au sige de la province de Taroudant, la politique de son dpartement, soumise au
feu roulant des dputs de lopposition de gauche.

Adepte du contact direct pour apprcier la situation, loin des joutes oratoires la
Chambre des Reprsentants et des interventions enflammes des dputs reprsentant
les travailleurs, le Ministre stait rendu ensuite la cit minire de Tinerhir, aux mines
dImiter et de Bleda, la dlgation dOuarzazate, la mine de Hajar, au centre
phosphatier de Bengurir, au complexe chimique de Jorf Lasfar et lexploitation de Sel
Mohammedia.

Aprs cet engagement rsolu et limplication du Ministre, aprs plusieurs


interventions de la Direction des Mines et de la province de Khnifra, la veille de la
grve gnrale dclenche par les centrales syndicales CDT et UGTM, le travail avait
repris Jbel Aouam, mettant fin une des plus longues grves la mine.

Malgr toutes les bonnes dispositions du Ministre et de son Administration pour


desserrer ltau, les mouvements sociaux de grande ampleur se poursuivront,
malheureusement encore durant plusieurs mois, notamment loccasion de la grve
gnrale, entache par des dbordements trs graves Fs.

Ainsi, Imiter, une longue grve dclenche solidairement par les personnels affilis
la Confdration Dmocratique du Travail et lUnion Gnrale des Travailleurs
Marocains, avait paralys la production durant une longue priode.

Le mouvement social, soutenu par des agitateurs extrieurs, revendiquait des


augmentations de salaires et dautres avantages, occultant tous les efforts dploys par
la SMI lexploitation et la cit minire Tinerhir pour amliorer les salaires et les
conditions de vie dune communaut de plusieurs centaines de personnes.

A Imiter on exploite les ouvriers comme du temps de Germinal, la socit na


jamais rien fait pour son personnel, malgr ses bnfices exorbitants , fut la rponse la
proposition du BRPM aux centrales syndicales daller sur les lieux pour constater de visu
les ralisations et les efforts consentis pour le personnel depuis des annes, aux plans des
rmunrations et des avantages sociaux.

Concernant lOCP, des runions avec les syndicats CDT et UGTM avaient examin les
relations avec lOffice, suivies dun dplacement Casablanca pour rencontrer les
responsables en vue de mettre fin la grve dans les exploitations.

Mais lOCP carta tout dialogue direct avec les syndicats, sen remettant aux
commissions du statut du mineur, seules habilites lgalement examiner les diffrends
entre le personnel et lemployeur.

A la mine de Jrada, dj dans une situation conomique et financire dsastreuse,


des mouvements pernicieux, caractre politique, visaient lvaluation de limplantation
des syndicats au sein du monde charbonnier.

Ces mouvements devaient donner rflchir sur la manire dexaminer et


solutionner les problmes des mines dans un esprit de dialogue, de concertation, et de
responsabilit partage, sans oublier quun effort de contrle et de sensibilisation
incombe lAdministration des mines dont beaucoup de partenaires sociaux attendaient
une implication plus dtermine et plus volontaire vis--vis des grands groupes miniers
(OCP, BRPM, CDM, ONA, CMT).

353
Dans lensemble du secteur minier, la grve gnrale que beaucoup apprhendaient
avec un souci majeur, avait t suivie par 15% des effectifs, avec toutefois des taux
relativement levs, respectivement de 49% et 72% Khouribga (phosphate) et Jrada
(charbon).

Les prmices dune mauvaise rcolte agricole par suite de linsuffisance des
prcipitations et le chmage endmique important, surtout parmi les jeunes, taient
annonciateurs dune priode peu reluisante de la vie de notre pays.

Lanne 1990 stait acheve par les classiques empoignades et les envoles
enflammes et dmagogiques des parlementaires, relativement au projet de budget du
Dpartement pour lexercice 1991.

Lanne 1991 avait dmarr avec la crise au Moyen Orient et les prparatifs des
coaliss pour abattre le rgime de Saddam Hussein aprs linvasion du Kowet par larme
irakienne en aot 1990.

Continuellement, tous les jours, le monde tait assailli par des informations de toutes
parts et de tous acabits qui concouraient toutes vers une terrible issue du conflit avec
lIrak, avec sa cohorte de malheurs, de milliers de morts et de destructions massives sur
le sol irakien.

354
Au Pays des Hommes Intgres :

Le Burkina Faso
Rpondant linvitation du Secrtaire Excutif de la Commission Economique pour
lAfrique des Nations Unies (CEA), et sur incitation rcurrente du Ministre des Affaires
Etrangres, javais effectu en priode de Ramadan, une mission au Burkina Faso pour
participer la runion consacre lexamen des politiques de mise en valeur des
ressources minrales et de lenvironnement en Afrique.

Compte tenu de limportance des thmes dbattre, de la priode critique que


traversait le secteur minier africain et de la ncessit pour lAfrique dadopter les
stratgies appropries, nous avons tenu apporter notre contribution en participant aux
deux sessions technique et ministrielle, entrecoupes dexcursions dans des zones
dactivits minires.

***
Le Burkina Faso, ancienne Haute Volta, stendant sur 274.000 km2, est un vaste
plateau cristallin (300m daltitude moyenne avec de rares point hauts ne dpassant
700m), domaine de la savane et de la steppe aux hautes herbes, encore peuples de lions,
girafes et lphants.

Le sud est arros par les fleuves Volta Noire, Volta Rouge et Volta Blanche qui se
dversent dans le Golfe de Guine.

Dans ce pays, essentiellement rural, on cultive le mil, le sorgho, le coton, larachide


et on pratique les levages bovin et caprin.

La population, de 8 millions dhabitants, est dorigines Mossie, Malink et Peul, les


religions pratiques sont lIslam (50%) le christianisme (30%) et lanimisme (20%), la
langue officielle est le franais.

Les grandes villes sont : Ouagadougou, capitale (plus de 600.000 habitants), Bobo
Dioulasso et Koudougou.

Historiquement, le Burkina Faso avait fait partie du grand empire Mossi fond au 13e
sicle autour d'Ouagadougou et Yatenga.

Entre 1866 et 1891, tait intervenue lexploration par Binger et Montreil.

En 1898, les Franais dj installs sur les ctes du Golfe de Guine, dans leur
avance vers lintrieur du continent, ont occup Bobo Dioulasso aprs avoir vaincu le
grand empereur malink, Samory Tour.

En 1919, le territoire englob dans le Haut Sngal-Niger fut rig en colonie


franaise, et en 1960, lindpendance a t proclame et Yamogo lu prsident.

De nombreux coups dEtat foments par les militaires (Lamizana, Zerbo, Sankara,
Compaor) avaient perturb la vie de ce pays charnire et enclav de lAfrique de lOuest.

Malgr la baisse de la ferveur rvolutionnaire et lassouplissement du rgime, le


souvenir de Sankara limin brutalement, animait toujours la conscience populaire.

Lhomme fort du pays, Compaor, discret, dont les portraits taient peu visibles
Ouagadougou, contrastait avec ses pairs en Afrique de lOuest.

La mission avait dbut le samedi 23 Mars 1991 avec le transit par Paris o Saint Gal
de Pons, chef du projet minier PNUD au Burkina Faso, ancien gologue au BRPM, tait
venu avec ses enfants me rendre visite lHtel Mridien Montparnasse pour minformer

355
du programme quil a organis spcialement pour nous, en marge da la confrence
ministrielle Ouagadougou.

Le dimanche 24 mars 1991, au dpart de laroport de Roissy, une anarchie


indescriptible rgnait lenregistrement du vol Air Afrique pour Ouagadougou via
Abidjan, par suite des grves perles du personnel au sol dAir France.

Le tonitruant Matre Vergs, reconnu par une htesse dAir Afrique, eut droit un
traitement de faveur alors quun haut fonctionnaire du Fonds Montaire International
(FMI), dorigine malienne faisait du coude pour accder au guichet.

Je ne double pas en file, je viens des USA o on ne double jamais , sexclama t-il
en ignorant la file, sous les regards berlus des autres passagers.

Avec deux heures de retard, le DC10 dAir Afrique avait dcoll pour Abidjan et
Ouagadougou o nous sommes arrivs juste avant la tombe de la nuit, sous un temps
chaud, en priode de saison sche au Sahel.

Berrada, charg de la coopration la Direction des Mines, qui mavait prcd pour
participer aux sessions techniques, et le comit daccueil burkinab taient au bas de la
passerelle pour maccompagner au salon dhonneur puis lHtel Silimandi lextrieur
de la ville, envahi par des confrenciers europens.

A Ouagadougou
Avec Berrada, au centre ville, nous avons dn au restaurant, considr comme un
des plus hupps, Le Vert Galant tenu par une vieille franaise, servis par un personnel
burkinab aimable et prvenant.

Au rveil le 25 mars, la radio avait annonc le programme de notre confrence, aprs


avoir gren la liste des retards de paiement des factures deau et dlectricit de certains
habitants.

Avant louverture de la confrence et aprs un tour de ville, et pour me rapprocher du


Centre des Confrences, javais dmnag lHtel Eden Park, htel ralis par un
migr, o laccueil, les chambres et le service furent dun niveau suprieur, suivis des
autres dlgus africains dsireux de bnficier dun confort, dune attention et de prix
particuliers.

Ouagadougou tait une ville poussireuse o la circulation tait dense et les


motocyclettes, signe de richesse, trs nombreuses.

La grande mosque, envahie par les fidles en priode de Ramadan, dnotait une
forte prsence de lIslam dans la capitale burkinab o se ctoyaient, sans saffronter, les
diffrentes religions (islam, christianisme et animisme).

Nous avons rejoint 10 heures le Centre des Chargeurs du Burkina, lieu des travaux
de la confrence, pour assister la crmonie douverture parmi les boubous chatoyants
et les complets vestons de la meilleure coupe.

En prsence de plusieurs ministres et ambassadeurs des pays membres de la


Communaut Economique Africaine (CEA), louverture officielle eut lieu avec plus dune
heure de retard, suivie de discours fleuves, entache de coupures de courant et de pannes
de micro.

Les orateurs burkinabs ponctuaient leurs discours du sempiternel refrain la patrie


ou la mort, nous vaincrons''.

Durant les interruptions des discours et des exposs, des troupes folkloriques
endiables meublaient le temps.

356
A la pause caf, nous avons retrouv plusieurs de nos connaissances, et saisi
loccasion pour nouer des contacts avec les dlgations des pays africains anglophones
comme lOuganda, la Tanzanie, la Zambie.

A la reprise, aprs llection du Maroc comme Premier Vice Prsident, je fus appel
au podium aux cts du Secrtaire dEtat aux Mines burkinab (Prsident) et des
reprsentants de la CEA venus dAddis Abba.

Avant de clturer les travaux du matin, axs sur des interventions caractre
gnral, sur notre proposition, il fut retenu dexaminer les diffrents points inscrits
lordre du jour de faon trs pragmatique, pour ne pas retomber dans les palabres, les
discussions striles, les vux pieux et la propension lutopie.

Dans la torpeur, la confrence avait repris laprs-midi par les dclarations nationales
et des envoles de certains dlgus verss dans la rhtorique.

A travers notre dclaration, nous avons expos les grandes lignes de notre politique
minire et les rsultats obtenus, et propos de mesures prcises pour dynamiser et
prenniser la coopration interafricaine, sans tomber dans ladoption de
recommandations ne satisfaisant que ceux qui les avaient rdiges.

Notre intervention fut fortement apprcie par sa franchise et sa concision, et


nombreux furent les dlgus qui taient venus nous fliciter.

Les dclarations nationales furent suivies de lexamen du projet de document


sanctionnant les travaux de la Confrence, et par les interventions du Dr Mwanza,
reprsentant le Secrtaire Gnral de la CEA, en rponse aux demandes
dclaircissements des dlgus anglophones, grands adeptes de la smantique.

Au cocktail de bienvenue donn au mess des officiers en plein centre


dOuagadougou, alors que des troupes folkloriques reprsentatives des diffrentes
rgions du Burkina Faso, se relayaient dans une cacophonie de musiques et de danses
rythmiques, poustouflantes et tourdissantes, nous avons longuement discut avec le
Ministre ougandais des mines, grand admirateur de notre pays.

Le Maroc est un pays incarnant lafricanit dans ses composantes ethniques et


culturelles. Son dveloppement exemplaire nous donne des leons de gestion des affaires
et de coopration avec les autres pays africains , nous dit-il avec conviction, et
apparemment sans complaisance.

Dr Mwanza, au cours de la discussion, de son ct, avait formul le souhait de revenir


au Maroc pour approfondir ses connaissances en matire dagronomie et dinfrastructures
portuaires, ferroviaires et routires.

Votre pays, que jai eu le grand honneur et le plaisir de visiter, est lavant garde
de lAfrique dans ces domaines, aujourdhui vous nous avez montr que vous ltes aussi
dans les mines, et je tiens vous en fliciter , dit-il.

Au cours du cocktail de bienvenue, un dlgu libyen tait arriv, hirsute, dpareill


et perdu dans lassistance francophone.

Nous lavions aid avoir sa place et bnficier des gards dus son rang de
reprsentant de la Grande Jamahiriya.

Les Algriens taient arrivs leur que la rception arrivait son terme.

Nous avons t sollicits plusieurs reprises pour fournir de la documentation et


pour envisager lorganisation de visites, de stages et dchanges permanents
dinformations entre lez Maroc et dautres pays africains.

357
Le soir, avec Berrada, sous une atmosphre lourde, nous avons march longuement
travers les grandes artres proches de lHtel Eden Park, occupes par les mamas
proposant avec insistance aux nombreux passants des fruits et du poisson sch.

En raison des fortes chaleurs, de nombreuses familles avaient dsert leurs maisons
surchauffes pour envahir les chausses plus clmentes.

Compare aux autres mtropoles de lOuest africain, Ouagadougou tait une ville
relativement plus propre; la mendicit (plaie profonde du Maroc) tait invisible dans ce
pays aux ressources trs modestes ; les habitants, malgr leur relative indigence, taient
dignes et sereins.

Javais dn seul au restaurant de lhtel, servi par un garon dune finesse exquise,
form Abidjan et tout fier de revenir au pays, auprs des siens.

La rvolution Bamako au Mali, qui avait chass le Gnral Moussa Traor du


pouvoir, tait au centre des discussions et des commentaires la tlvision locale.

Cependant on y dcelait aucune agressivit, malgr le souvenir toujours prsent de la


guerre des pauvres du Sahel ayant oppos les deux pays sur la dlimitation des
frontires au Nord du Burkina.

Ce fut la sale guerre des pauvres ayant entran des destructions et des malheurs
pour des pays qui taient loin de pouvoir les supporter.

A Ouagadougou, les nuits sont calmes et le sommeil facile, contrairement aux


capitales agites et trpidantes des autres capitales des pays au sud du Sahara.

Au 3 jour, sous la chaleur intense, sans le moindre souffle dair, Ouagadougou stait
enveloppe dun voile de poussire rougetre, et les rues envahies par les bicyclettes, les
motos et les charrettes.

A la reprise de la Confrence, les rangs taient clairsems et les dbats orients dans
le sens souhait, vitant ainsi laccessoire pour se focaliser sur les points clefs.

A la pause caf, il y avait de nouveau une grande foule dans les couloirs et beaucoup
de discussions en apart.

Notre dlgation tait sollicite et entoure.

Vers midi, nous avons convenu, aprs notre ultime intervention, de charger le comit
de rdaction de ramnager le texte des recommandations, avant de nous retrouver le
lendemain pour une dernire lecture suivie de ladoption du document final de la
Confrence.

Tout le monde avait donn sa bndiction ; ds lors, nous pouvions disposer de temps
pour aller en dehors dOuagadougou.

Au secteur dorpaillage
Aprs un djeuner rapide, avec Berrada, nous sommes partis Boda 115 km au Sud
Est dOuagadougou, en empruntant la route asphalte payante et contrle par des
factions de militaires.

Andr, le chauffeur du PNUD, toujours souriant et affable, nous avait conduits vive
allure travers la savane de hautes herbes et dpineux, en compagnie dun gologue du
Ministre des mines du Burkina, guide bien prcieux.

Je souhaite aller au Maroc, comment faire, pourriez-vous me conseiller, nous dit


rptition le gologue.

358
Le lendemain, la pause caf, il tait l encore pour rappeler mon souvenir ses
dclarations et ses souhaits de la veille daller au Maroc.

Nous sommes arrivs Boda, aprs une heure de route, pour trouver, sous nos yeux
bahis, dans le cadre dune fort clairseme, un immense et impressionnant village
artisanal fait de milliers de cases en chaume,.

Daprs les dires, le campement abriterait plus de vingt mille personnes (artisans
mineurs avec leurs familles, marchands de pacotille, acheteurs dor, fonctionnaires de
ladministration des mines, spculateurs de tous genres).

Une case, bien amnage, servait dabri au service rgional des mines plac sous la
responsabilit dun colosse barbu qui nous avait accueillis avec beaucoup deffusion,
entour de ses collaborateurs ingnieurs poussireux et hirsutes.

Sous les arbres, des groupes de femmes et de jeunes filles saffairaient au pilage et
au lavage du minerai, alors que des grappes dartisans sactivaient autour des puits de
production pouvant atteindre des profondeurs de soixante mtres.

Nous avons assist un travail dextraction, perptu durant des sicles, voire des
millnaires, dans une grande excavation ressemblant trangement la Grande Carrire
dImiter, avec ses puits distants de quelques centimtres de rocher strile, ses chemins
pdestres daccs au fond des travaux.

Seule la prsence dun petit compresseur et dune grue de levage tait la seule
touche de modernit.

Daprs le service des mines, qui semblait sen accommoder, les accidents mortels
taient nombreux par suite dboulements dans les puits creuss dans les tufs
volcaniques altrs, sans soutnement appropri.

Le contact direct avec les artisans mineurs, curieux de notre prsence, amuss et
sympathiques, contrastait avec notre msaventure, avec Skalli, Siguiri en Guine en
1989, o nous fmes presque au bord de lagression.

A proximit des puits, les acheteurs ngociants, paradant en mobylettes rutilantes,


signe dopulence, assuraient lintermdiation entre le Gouvernement central et les
orpailleurs.

La production de mtal jaune tait de 60 kg dor/mois, quantit relativement


modeste pour un effectif dartisans mineurs de plusieurs milliers de personnes.

Un responsable du secteur nous signala que lactivit dorpaillage se droulait sans


vols ni rixes manifestes, dmontrant une sant dans les relations doccupation des
terrains par les exploitants.
Toutefois, il reconnaissait lexistence de dissimulations de production, qui en cas de
dcouvertes taient svrement rprimes par la gendarmerie locale, omniprsente et
omnipotente.

Nous avons t ensuite Yako, petite prfecture une dizaine de kilomtres plus au
sud, o une grande mosque jouxte une glise, alors que sous les remparts des troupeaux
de porcins fouillaient les immondices.

Au Burkina, les religions se ctoient et coexistent mme au sein des familles


composes des fois de chrtiens, musulmans et animistes.

Au Comptoir Burkinab des Mtaux Prcieux Yako, la rcolte dor livre par des
acheteurs agrs par le Gouvernement, tait fondue au charbon de bois et transforme en
lingots de quelques kilos expdis rgulirement tous les mois sous bonne escorte arme
Ouagadougou.

359
Les oprations de fusion taient sous ltroite surveillance dun prpos au contrle,
exhibant son kalachnikov pour se prmunir dventuelles attaques.

Aprs un rafrachissement la gargote du village, nous avons repris le chemin du


retour, travers la savane dj assoupie, alors que les troupeaux de vaches squelettiques
rejoignaient leur table aprs stre abreuvs dans les marigots o sbattaient des nues
denfants.

En dposant Berrada son htel, le Don Camillo, javais rencontr le propritaire,


vieux routier de lhtellerie et de la restauration en France, rellement dsireux dinvestir
au Maroc, en collaboration avec un partenaire srieux et motiv.

Je viendrai au Maroc, on men a beaucoup parl en bien, et cest, semble-t-il,


fascinant , dit-il, tout fier de me faire le tour de sa proprit.

Au dernier soir, nous avons dn au restaurant LEau Vive, au centre


dOuagadougou, tenu par des religieuses, rput pour ses spcialits burkinab, envahi
par les expatris fuyant la canicule, en qute de fracheur prs des bosquets fleuris et des
jets deau.

Prs de nous, un pasteur nerlandais, avec son gros cigare, animait une table de
jeunes ecclsiastiques burkinab.

Alors que lon servait le dessert, lAve Maria avait retenti, chant en cur par une
assistance bien recueillie.

Aprs une dernire promenade, montrant la permanence des activits nocturnes


dOuagadougou, nous sommes retourns lHtel Eden Park, pour retrouver la
rception le Ministre ougandais des mines, trs volubile et rellement dsireux deffectuer
une visite au Maroc.

Au 4 et dernier jour, au petit djeuner au bord de la piscine, en compagnie du Dr


Mwanza, nous avons discut du Malawi et du Dr Banda, leader de 90 ans, ayant maintenu
dexcellentes relations avec lAfrique du Sud, et qui avait su, avec intelligence, dvelopper
et prenniser les activits agro-pastorales, base de lconomie de son pays.

Ensuite, nous avons fln en ville travers les magasins bien achalands, dtenus
par des Libanais, qui, comme dans les autres pays de lAfrique de lOuest, contrlaient les
rouages conomiques, sans toutefois, comme en Cte dIvoire, susciter de rejet apparent
ou exacerb de la population.

La dernire sance de la Confrence fut trs courte, et le texte final adopt


rapidement, ax sur des recommandations pertinentes, portant notamment sur :

- la coordination des politiques de dveloppement minier en Afrique,

- le financement de la mise en valeur des ressources minires africaines avec le souhait


dune intensification des interventions de la BAD et des autres banques,

- le renforcement des activits industrielles de transformation pour dynamiser et impulser


le commerce inter africain des substances minrales,

- la cration dun cadre juridique et fiscal, encourageant les artisans mineurs en pierres
prcieuses pour crer des tailleries et des industries de polissage,

- lassistance technique multiforme lexploitation artisanale de lor et les mesures


prendre pour juguler la contrebande,

- la cration des activits de production de fer et des oprations sidrurgiques,

360
- la protection de lenvironnement et ladoption de lgislations appropries,

- la cration, au sein de chaque groupement conomique sous rgional africain, dun


service spcial charg du suivi des recommandations adoptes.

Avant de quitter Ouagadougou, lAmbassadeur dAlgrie nous avait convis


cordialement et chaleureusement djeuner en sa rsidence, en prsence de la
dlgation algrienne conduite par Hasbellaoui, Directeur des Mines.

Nous avons rejoint Abidjan vers 18 H, dans un avion Fokker 28 des lignes ivoiriennes,
sous une chaleur accablante et moite, contrastant avec lair sec et respirable
dOuagadougou.

A Abidjan, aprs avoir difficilement rcupr nos bagages disputs par une multitude
de porteurs occasionnels en qute de pourboire, nous avons embarqu sur le vol dAir
Afrique en partance pour Paris.

Aprs un transit par Cotonou au Bnin, nous tions rendus Roissy 6h du matin,
au lever dun merveilleux soleil printanier, avant de continuer sur Rabat pour replonger
dans lambiance des nuits de Ramadan auprs des proches et des amis.

Quoique de court dure, le sjour au Burkina Faso nous avait permis de dcouvrir un
pays du Sahel, pauvre, habit par des gens dignes, industrieux, cultivs, avenants et
hospitaliers, justifiant rellement pour leur pays le titre du pays des hommes intgres.

Malgr linstabilit politique qui avait longtemps min ce pays, le rgime de


Compaor tait plus soucieux dassurer le quotidien des citoyens dans un pays o la
pauvret tait structurelle.

Contrairement certains pays au sud du Sahara qui avaient subi les excs
conscutifs aux coups dEtat, la chape de plomb ntait pas tombe sur la population qui
vaquait paisiblement ses occupations.

La France tait partout prsente travers son Ambassade, sa mission culturelle, ses
hommes daffaires et ses nombreux cooprants.

Du Maghreb, seule lAlgrie, reprsente par un Ambassadeur, entretenait une


activit au plan de lducation ; une ligne arienne Alger-Ouagadougou assurait la
permanence de cette prsence.

361
Au Prou
Et Rio de Janeiro
Avant la mission
Aprs lAd El Fitr au mois davril 1991, une visite du secteur des explosifs de la
rgion de Casablanca fut entreprise dans le cadre de la Commission Nationale, pour
confirmer la mise en place par les producteurs des recommandations et des dcisions
prises pour amliorer la situation des sites de production de la SCAM Bouskoura et du
Groupe CADEX Tit Mellil.

Par la suite, en grande dlgation de la Commission Nationale des Explosifs, nous


nous sommes rendus Agadir pour visiter le nouveau site du grand dpt dexplosifs de
CADEX, implant en pleine fort darganiers, en bordure de la route Agadir-Marrakech.

Nous fmes agrablement surpris par la qualit de cette ralisation conforme aux
strictes exigences rglementaires en matire de scurit.

Sen suivirent une tourne de la carrire de SAGRAM, prs de Bouznika et de la tenue


de la Journe de lArgent en coordination avec la Socit Mtallurgique dImiter pour
mieux apprhender lavenir de ce mtal prcieux qui traversait une priode de tourmente.

Au cours de la premire quinzaine de mai, la Commission des Mines et de la Gologie


de lUMA stait runie pour laborer ses statuts et mettre au point son programme
daction.

LAlgrie et la Tunisie taient reprsentes par de fortes dlgations et la Mauritanie


par le charg daffaires de son Ambassade Rabat.

A cette occasion, la Direction et tous ses cadres avaient fait montre du sens de
lorganisation, de disponibilit et denthousiasme dans leur contribution au
dveloppement des relations maghrbines au plan minier et gologique.

Aprs nos travaux, nous avions le sentiment partag davoir fait un pas de gant
dans la coopration intermaghrbine.

Les futures runions viendront-t-elles confirmer cette situation despoir ?

A Lima
A fin mai 1991, aprs plusieurs reports, je fus charg de prsider une mission au
Prou, comprenant Lhatoute, Directeur Gnral du BRPM et Omari, Directeur de la
Production lOCP.

Tab Skalli, Prsident de lAssociation des Industries Minires Marocaines, (AIMM),


pressenti pour faire partie de la dlgation, stait dsist au dernier moment par suite
dun empchement majeur.
****
Le Prou est un pays dhistoire et de civilisations anciennes et riches, auquel
sattache la civilisation prcolombienne.

Au 13 sicle, lEmpire Inca qui stait dvelopp partir de Cuzco, avait essaim
travers la Cordillre des Andes pour connatre son apoge au 15 sicle, laissant les
vestiges dune civilisation et dune architecture remarquables.

Lintervention du conquistador espagnol Pizarro, aid de ses frres Gonzalo et


Hernando, avait dtruit cet Empire en 1532-1534.

362
Le vice-roi dEspagne, Francisco de Toledo, aid dune solide organisation
administrative, ralisa de force lintgration de la population indienne autochtone, rduite
fortement suite aux terribles massacres perptrs par larme doccupation.

Le 18me sicle fut caractris par la monte des oppositions, vite transformes en
soulvements populaires dont le plus illustre est celui de Tupac Amaru (devenu plus tard,
communment, le mouvement des Tupamaros).

En 1821, le Prou est devenu indpendant, la victoire du patriote Sucre sur les
Espagnols en 1824 Ayacucho ayant scell lmancipation dfinitive du pays.

Aprs une phmre fdration avec la Bolivie de 1836 1839, et la guerre


dsastreuse avec le Chili de 1879 1883, le Prou stait install dans linstabilit et
lanarchie, domin par une oligarchie au pouvoir, les expriences rformistes succdant
ou laissant la place des dictatures militaires.

A la fin des annes quatre vingt, un dbut de dmocratie avait dmarr aprs
llection du prsident dorigine japonaise, Fujimori.

Cependant la situation demeurait confuse et perturbe par les coups de boutoir des
organisations rvolutionnaires (Sentier Lumineux, Tupamaros) ayant infiltr toutes les
organisations socioprofessionnelles, la campagne et dans les villes, et par la mise en
quarantaine du pays, suite lpidmie de cholra.
****
Malgr cette situation, juge inconfortable par certains, et pour marquer notre
intrt pour le dveloppement des relations bilatrales, nous avons rpondu, sur
insistance de notre Ministre des Affaires Etrangres, linvitation rcurrente des
autorits pruviennes.

Pour marquer sa satisfaction, le Charg dAffaires du Prou Rabat organisa une


rception en sa rsidence au quartier Ambassador, laquelle avaient assist le Ministre
Fettah, des Ambassadeurs hispanophones, des reprsentants des Affaires Etrangres et
les membres de notre mission.

Certains invits taient tonns par notre tmrit vouloir nous rendre dans un pays
min par le cholra et linscurit.

Ne craignez donc pas lpidmie du cholra, vous tes dcidment des


aventuriers , avait dit quelquun sous cape.

Faisant fi de ces observations, nous sommes partis de Rabat le 18 mai 1990,


transitant par Paris pour prendre le vol rgulier dAir France du dimanche 19 mai,
assurant la liaison Paris-Caracas-Bogota-Lima.

Le Boeing 747 avait dcoll de Roissy 23H30, sous les yeux effarouchs des bandes
de lapins de garenne fuyant travers la piste denvol pour disparatre dans les hautes
herbes de laroport.

Aprs des escales Caracas au Venezuela, sous la chaleur humide, Bogota en


Colombie sous une pluie fine et glace, le survol de la fort vierge de lEquateur, les
immenses fleuves de lAmazone et ses affluents, les volcans enneigs de la Cordillre des
Andes et les immensits dsertiques du Prou, nous avons atterri Lima sur un aroport
rustique, avec des pistes denvol gagnes sur des zones de galets et de sable marin.

Au bas de la passerelle, lAmbassadeur du Maroc, Belmoufti, entour de tous ses


collaborateurs, nous avait accueillis avec beaucoup deffusion, nous flicitant par la mme
occasion davoir brav les nombreuses rticences au Maroc.

363
Du ct pruvien, nous tions salus par Jaime Caceres, diplomate anciennement en
poste Alger, minent orientaliste et ami du monde arabe.

Sallam allakoum , fut son premier de bienvenue dans son pays. Comme pour
marquer son attachement au monde arabe.

La tlvision et la radio pruviennes taient l pour nous interviewer et couvrir le


grand vnement du moment.

Vous tes la premire dlgation officielle marocaine fouler le sol de ce pays.


Lima, il y a quelques annes, fut la plaque tournante de la propagande des sparatistes du
Polisario vers les autres pays de lAmrique Latine. Aujourdhui le Polisario, ses acolytes
et ses nombreux supports, ont pratiquement disparu du Prou. , nous dit lAmbassadeur,
en traversant la ville bord de sa Mercedes.

Le Prou, o lon parle essentiellement lespagnol, dispose de ressources en coton,


canne sucre et crales, pratique llevage de bovins et ovins. Son sous-sol est riche en
argent, plomb, zinc, cuivre, fer, et ptrole, les produits miniers constituant lessentiel des
exportations du pays , continua lAmbassadeur.

N Ttouan, diplomate chevronn, hispanophone, lAmbassadeur, Belmoufti,


connaissait parfaitement la mentalit sud amricaine et ses paroles vigoureuses et
enflammes taient un vritable cours dconomie politique pruvienne.

Lima, fonde en 1535 sur le Rimac au bord de lOcan Pacifique par le conquistador
Pizarro, tait une ville de plus de 8 millions dhabitants, soit 1/3 de la population totale
pruvienne.

Les quartiers rsidentiels, aux maisons cossues, contrastaient avec les quartiers
populaires misrables et crasseux.

La circulation y tait dense et difficile cause de milliers de carrioles dglingues et


barioles.

A Lima, il ne pleut presque jamais, et ladmirable verdure que vous voyez est la
consquence dune atmosphre charge dhumidit en provenance du Pacifique , nous
signala Aouad, Premier Secrtaire de lAmbassade du Maroc.

Nous fmes installs lhtel Liberador, quelques coudes de la Chancellerie


marocaine, aux petits soins de lAmbassadeur qui avait tenu soccuper personnellement
des moindres dtails pour agrmenter notre sjour.

Notre scurit tait confie deux gorilles colls nos trousses en permanence,
nous rappelant quau Prou il fallait tre constamment sur ses gardes, les rapts et les
agressions tant frquents, les attaques main arme quotidiennes.

Rcemment, des terroristes ont bombard la roquette la rsidence de


lAmbassadeur des Etats-Unis, nous signala lAmbassadeur Belmoufti, flegmatique.

A la rsidence de lAmbassadeur du Maroc, demeure fleurie, spacieuse et situe dans


le quartier cossu de San Isidro, un grand djeuner avait regroup tout le gratin de Lima :
reprsentants des administrations civiles et militaires, ambassadeurs, membres influents
de la communaut arabe (Palestiniens, Libanais, Egyptiens), directeurs gnraux des
socits oprant dans les secteurs des mines et de lnergie, journalistes, etc.

La cuisine marocaine fut lhonneur, les mets rellement succulents agrmentaient


les buffets dresss au fond des jardins et assaillis en permanence.

Le sang qui coule dans mes veines est arabe , nous dit lAmiral Absi, un ami de
lAmbassadeur du Maroc.

364
LAmiral, dorigine syrienne, coordonnait les activits commerciales dune grande
socit de chantiers navals au port de Callao, prs de Lima, et suivait, grce ses
relations avec lAmbassadeur du Maroc, le projet triangulaire Prou-Italie-Maroc visant la
fourniture au Maroc de chalutiers et de gardes ctes de fabrication pruvienne, financs
par des crdits italiens.

Nous fmes entours par les reprsentants arabes Lima, venus senqurir de la
situation conomique et politique dans notre pays.

Nous leur avons expos les composantes de lconomie nationale, en mettant


laccent sur le volet mines et gologie, objet de notre lointain dplacement.

Nous avons not le souhait des Pruviens de voir notre pays investir dans les
phosphates et servir de relais avec les pays arabes du Golfe.

Les Arabes doivent faire des efforts pour mieux connatre lAmrique Latine, votre
pays est certainement le seul mme de dfendre les intrts du monde arabe , me
lana un grand homme daffaires palestinien, lunique bigame au Prou.

Le Maroc et lEgypte taient les seuls pays arabes entretenir une ambassade
Lima, atout majeur en Amrique Latine, autrefois bastion du clan pro-Polisario.

De jeunes musiciens pruviens avaient anim la crmonie en entonnant des


romances, au grand bonheur de lAmbassadeur dEspagne, volubile et laise dans ce
pays que ses anctres ont possd et domin durant des sicles.

Vous avez permis de rassembler beaucoup de personnalits du monde politique et


des affaires. Avant votre dpart, une autre rception ici mme, drainera encore plus de
monde , nous dit lAmbassadeur, ravi de lambiance et des retombes politiques et
mdiatiques du djeuner.

En dbut daprs-midi, en compagnie de lAmbassadeur et Aouad, nous fmes


accueillis au Ministre des Mines et de lEnergie par le Vice Ministre entour des hauts
responsables du dpartement pour passer en revue les possibilits de coopration en
matire de phosphates et de substances mtalliques et utiles.

Le Vice Ministre, remplaant son boss interpell au Parlement sur les problmes
miniers, nous avait fait part du souhait du Gouvernement pruvien de voir le Maroc
intervenir dans le dveloppement du gisement phosphatier de Bayovar.

Nous avons aussi et surtout retenu que le secteur minier pruvien assurait lemploi
300.000 personnes et faisait vivre directement et indirectement 1.500.000 habitants.

En 1990, les exportations minires taient values 2 milliards de dollars,


reprsentant 50% des changes, 8% du PNB et 15% des revenus des taxes.

Pour la priode 1980-1990, 800 millions de dollars avaient t investis dans


linfrastructure lectrique et ladduction deau, soit 19% des besoins nationaux.
Dans le domaine de la mtallurgie et des produits finis, le Prou bnficie
davantages comparatifs aux plans des standards internationaux.

Aprs le ministre, nous fmes reus au sige de la socit Probayovar, principal


oprateur dans le domaine des phosphates et de leurs drivs.

Le gisement de Bayovar, qui fera lobjet dune visite plus tard, nous avait t
prsent par les gologues et les ingnieurs chargs de llaboration des tudes de
technico-conomiques et de faisabilit.

Nous sommes retourns lhtel vers 20 H, avec les gardes de corps en permanence
nos trousses, et sans discrtion.

365
Les attaques des Ambassades sont frquentes et sans distinction. Loligarchie lie
au trafic de la drogue et au blanchiment de largent, la tte dune fortune colossale,
rgne sur le pays, assige par des groupuscules mcontents, prts faire parler la
poudre , nous dit Aouad, comme pour insister davantage sur ltat danarchie,
dinscurit et de peur qui svissait alors au Prou.

Nous avons fln en ville, avant daller dner dans un pub frquent par les nantis du
systme, des Blancs de souche espagnole, alors que les populations indiennes et
mtisses taient cantonnes dans les bidonvilles insalubres.

Au 2 jour, une sance de travail fut tenue Petroperu, poumon de lconomie


pruvienne, install dans un immeuble moderne, forteresse garde par des agents
lourdement arms, o les visiteurs taient systmatiquement fouills.

Le Prou disposait de 18 bassins sdimentaires, dont trois seulement avaient t


explors pour aboutir de rserves ptrolires prouves de 3 milliards de barils et une
production de 125.000 barils/jour, dont 110.000 consomms localement.

Dimportantes dcouvertes de gaz et de condenst avaient t enregistres (120


milliards de m3 de gaz), mais leur exploitation se heurtait aux handicaps de leur
localisation dans la zone de jungle, loin des centres de consommation sur la cte
pacifique, ncessitant la ralisation coteuse de pipes lines transandins.

Le secteur ptrolier employait 9.000 personnes, exploitait 2.000 puits et ralisait un


chiffre de 100 millions de dollars par mois, chiffre jug insuffisant pour faire face au
financement des besoins de Petroperu en quipements et assurer la rhabilitation de
certaines installations devenues obsoltes.

Relaye par une campagne tous azimuts, la refonte de la loi ptrolire tait engage
pour intresser les investisseurs extrieurs venir sinstaller et prospecter.

Malgr ses richesses, le Prou tait devenu un mendiant qui tapait sans fin toutes
les portes, celles Japon notamment, pays dorigine du Prsident Fujimori.

Le Prou avait longtemps coopr avec lAlgrie pour lexploitation et le


dveloppement de ses gisements de gaz, et des techniciens de la SONATRACH taient
venus examiner les possibilits dinjection deau en vue damliorer la rcupration finale
des forages de production.

Les relations staient distendues depuis, et lAmbassade dAlgrie, auparavant


dynamique et entreprenante, avait ferm ses portes et vendu ses meubles.

En province
Dans laprs midi, conformment au programme, nous avons rejoint par avion Piura,
chef lieu de la rgion de Grau, accompagns de Aouad et Caceres dsign expressment
pour apprcier nos intentions relles de coopration avec son pays.

LAmbassadeur Belmoufti tait laroport de Lima pour nous saluer, oubliant quil
devait participer un djeuner entre diplomates.

A lembarquement, un ancien Premier Ministre remettait son arme aux agents de la


scurit, aprs avoir, comme tout le monde, travers plusieurs barrages.

Lavion avait dcoll avec plus de deux heures de retard.

Au Prou, le retard fait partie des habitudes, partir lheure est presque anormal,
nous dit Caceres avec srnit.

366
La passivit pruvienne est lgendaire, et malgr une tension interne trs forte,
personne ne snerve ni ne soffusque, lextriorisation de cette tension se traduisant par
des coups sporadiques de gurilla.

Avant Piura, nous avons fait escale Trujillo, ville de garnison en zone semi
dsertique, avec ses acacias et ses dunes de sables prs de la piste de laroport.

Nous avons par la suite survol une zone de hautes montagnes do des barrages
alimentent en eau des primtres irrigus gagns sur la rocaille.

A notre arrive Piura vers 17H30, nous fmes accueillis avec chaleur par les
autorits locales et les notabilits, et emmens en pick-up Toyota vers notre lieu de
rsidence au centre ville.

Piura, avec 300.000 habitants, est le chef lieu de la rgion de Grau connue pour ses
rizires, ses champs de coton et de canne sucre gagns sur le dsert grce lirrigation
par canaux amenant leau de la Cordillre des Andes toute proche.

Aprs notre installation rapide dans une hacienda, nous avons rejoint le sige de
lAssemble Rgionale pour une sance de travail consacre essentiellement la mise en
valeur du gisement de phosphate de Bayovar.

Le Gouvernement Lima, dans le cadre de la dcentralisation, envisageait de cder


le domaine minier la Rgion de Grau o lAssemble regroupait lensemble des activits
conomiques reprsentes par des ingnieurs, des techniciens, des professeurs et des
paysans.

Le dveloppement agricole de la Rgion o plus de 70% des sols cultivs ont des
teneurs faibles en phosphore, tait pnalis par des rendements culturaux bas, justifiant
la mise en valeur du gisement de Bayovar.

La Rgion dispose dautres potentialits minrales (potasse, substances


polymtalliques) et de rserves halieutiques parmi les plus importantes du monde.

Pour les Pruviens, lexploitation des phosphates de Sechura/Bayovar, reprsentait


la voie prfrentielle pour dvelopper une industrie des engrais et promouvoir dautres
activits conomiques dans cette zone dshrite.

Aprs la sance de travail et de contact trs sympathique, nous avons rejoint notre
htel travers la ville o se droulait avec ferveur une messe catholique suivie par une
nombreuse assistance dorigine indienne.

Nous avons dn, en grand nombre, en labsence du Prsident de lAssemble


Rgionale gripp, dans un restaurant typique, avec change de toasts et de discours, sous
la garde rapproche dagents arms.

Au retour, dans le patio de lhtel, autour dune tasse de caf, nous avons
longuement discut avec Caceres des problmes de lAmrique Latine, du monde arabe,
du Sahara occidental, de la coopration bilatrale et de la situation au Prou.

Nous avons avec satisfaction enregistr une grande similitude de nos points de vue
avec Caceres.

Le lendemain, laube, sous garde arme, nous avons quitt Piura pour Bayovar, en
traversant des zones arides entrecoupes de secteurs irrigus, avec de vastes plantations
de coton, canne sucre et cocotiers.

Lamnagement de ces primtres est anachronique. Ici leau coule en abondance


pour arroser les cultures destines lexportation, alors que les paysans meurent de soif,
exploits par des latifundistes sans scrupules, nous signala un de nos accompagnateurs.

367
A lapproche de Bayovar, dans une zone de pnplaine sableuse, battue par les vents
du Pacifique, quelques petites usines de conditionnement des produits de la mer taient
les seules activits conomiques distributrices de maigres revenus.

Nous sommes arrivs 8H Bayovar, prs de la baie de Sechura et dun terminal


ptrolier aliment par pipes lines des zones intrieures.

Nous fmes accueillis par les responsables du centre minier dans un rustique
cantonnement en prfabriqu.

Aprs un expos technique et un petit djeuner copieux, nous avons visit le


gisement de phosphate, quelques kilomtres lintrieur des terres.

Dcouvert en 1955, couvrant une superficie de 48 Km, le gisement est compos de


couches de puissances de 1 2m, avec un enfouissement de 0 40m.

Les rserves exploitables taient estimes 250 millions de tonnes 66%-68% BPL
ou 32,5% PO5, le potentiel tant valu 1 milliard de tonnes.

Le projet dexploitation sur la base dune production annuelle de 1,5 million de


tonnes, comprend la construction dune centrale lectrique de 15 MW, le raccordement au
terminal ptrolier, un quipement portuaire pour des minraliers de 50.000 tonnes.

Les infrastructures sociales devraient assurer une vie dcente une population
compose de 600 familles.

Linvestissement (150 millions de dollars) et la rentabilit du projet taient lis la


commercialisation de la production dans la rgion andine, les Pruviens esprant assurer
la relve des les Nauru et Christmas dans le Pacifique dont les gisements puiss, furent
scandaleusement exploits grande cadence.

La socit Fosbayovar avait dmarr une exploitation ciel ouvert de 300t/Jour sur
les zones de faible recouvrement.
Le phosphate transport par camions jusqu une unit pilote dune capacit de
250t/jour, tait concass, broy, lav leau de mer et rinc leau douce provenant de
laquifre de Ilescas proche, pour obtenir un engrais simple dnomm Fosbayovar,
daspect marron clair, coul localement.

La proximit de la baie de Sechura et du terminal ptrolier, et laccs par route


asphalte de 100 km partir de Piura, taient des facteurs favorables dans llaboration
de ltude de faisabilit.

La vulgarisation des engrais dans le secteur est de nature garantir un march local
non ngligeable, les responsables locaux estimant quavec la dcentralisation, loin de
Lima, ils aboutiraient de bons rsultats.

Les paysans sont peu permables lutilisation des engrais industriels, il faut
beaucoup de patience et de persvrance pour les convaincre ; cest lAssemble
Rgionale de les sensibiliser, sans les contraindre , dit Caceres.

Aprs un djeuner au camp du chantier, nous avons rebrouss chemin sur Piura sous
une chaleur torride.

A notre demande, avant de regagner Lima, nous avons visit, sous lil vigilant de
nos gardes, le village de Catacoes connu pour le travail de ses artisans.

****
A Lima, aprs lannulation de la rception prvue, en raison de notre arrive tardive,
nous avons dn tranquillement au restaurant panoramique de lhtel, alors que Lhatoute,

368
indispos, avait des apprhensions pour le cholra ; le lendemain, plus de peur que de
mal, et tout tait rentr dans lordre, heureusement.

Au 4 jour, la tlvision avait pass en revue la situation sanitaire du pays et


lvolution de lpidmie du cholra et son triste bilan (250.000 cas, plus de 2.000 morts)
dans un pays dj saign blanc par la gurilla et la crise conomique.

Vers 10H, nous fmes reus aux siges de Mineroperu et de Minpeco, organismes
tatiques chargs respectivement du dveloppement et de la promotion du secteur minier
et de la recherche des meilleurs dbouchs pour les productions minires des socits
publiques ou prives.

Mineroperu et Minpeco taient en phase de restructuration pour adapter leurs


activits dans le cadre de synergie avec le secteur priv national ou tranger.

A lentre du btiment de Mineroperu, des gardes arms, vritables cerbres,


filtraient les entres et sorties.

Mineroperu cr en 1970, exploitait des mines dor, les raffineries de cuivre et zinc
dIlo et Cajamar Quilla productrices de 175.000 tonnes de cuivre cathode et 120 .000
tonnes de zinc, et dveloppait le gisement de phosphate de Bayovar.

Minpeco cr en 1974, exportait annuellement vers une soixantaine de pays,


travers ses agences New York, Londres, Tokyo, Pkin, Sao Paulo et La Paz, pour plus de
700 millions de dollars de substances minrales, reprsentant 70% de la valeur des
exportations minires et 30% des exportations globales pruviennes.

Nous avons not que le Prou, tout en restant ouvert la coopration en matire de
valorisation des substances mtalliques et utiles, ne disposait pas de ressources
financires suffisantes pour dvelopper son norme potentiel minier, dont 3% seulement
taient exploits.
La bonne apprciation dont bnficiait le Maroc au plan international, avait incit les
autorits pruviennes solliciter son aide et son appui technique pour valoriser les
phosphates de Bayovar.

Les responsables de Mineroperu et de Minpeco taient conscients que leur pays


devrait consentir un effort pour vulgariser lusage des engrais et dvelopper des cultures
haut rendement, la consommation des engrais tant peine de 20.000 tonnes pour un
pays de 1,3 millions de km et 22 millions dhabitants.

Au plan du commerce des minerais, nous avons enregistr la concordance de nos


analyses de conjoncture, savoir :

- une stagnation des cours du cuivre jusquen 1993, et reprise aprs,

- une approche pessimiste des cours du zinc et du plomb par suite des phnomnes de
recyclage et des problmes lis lenvironnement,

- une faible remonte des cours de largent et de lor par suite de lexcdent de loffre sur
la demande, avec lapparition de nouveaux producteurs aux Etats-Unis, mettant en uvre
dautres procds de rcupration.

Aprs la sance de travail, linitiative de lAmbassadeur du Maroc, nous sommes


alls visiter les chantiers navals de Callao, accompagns de lAmiral Absi.

Les chantiers navals relevant de la socit Sima, taient dirigs par un Amiral
second par des officiers suprieurs de marine.

Lancien rgime, pour loigner les vellits putschistes, avait octroy aux chefs des
diffrentes armes le contrle des principales activits conomiques du pays.

369
A lentre, aprs un contrle strict, nous fmes accueillis par lAmiral en chef, en
prsence de ses collaborateurs, tous officiers de marine.

Aprs les exposs techniques, nous avons fait le tour des centres de travaux dots
dune infrastructure puissante, dnotant lintrt accord par les pouvoirs publics aux
problmes de la mer, et leur volont de continuer faire du Prou, dot dune large
faade sur le Pacifique, une relle puissance maritime.

Dans lenceinte de la base navale, nous avons visit une manufacture darmes
lgres et individuelles, fiert de nos htes, destines rpondre aux besoins de self
defence contre les attaques rptes du Sentier Lumineux et des Tupamaros.

Un djeuner dapparat, dans une ambiance euphorique, suivi de discours pour exalter
lamiti et la coopration marocain pruviennes, cltura notre visite.

Laprs midi, une dernire runion au sige de lAssociation Nationale des Mines et
du Ptrole (ANMP) avait marqu la fin du programme de nos contacts.

A linstar de lAIMM au Maroc, lANMP regroupait les oprateurs des secteurs minier
et ptrolier et assurait le relais avec lAdministration.

Le soir, lAmbassadeur avait tenu comme il lavait annonc le premier jour,


organiser une deuxime grande rception regroupant beaucoup de monde de la politique
et des affaires.

La rception avait drain toute la jet society de Lima, dont plusieurs ministres, des
dignitaires du rgime, tous les ambassadeurs accrdits au Prou ( lexception de celui
des Etats-Unis en dplacement dans son pays), les prsidents des socits dEtat, la
presse crite et parle, la tlvision, et dautres personnalits du monde de la culture et
des arts.

Plus de deux cents personnes staient rues sur les buffets o la cuisine marocaine
fut lhonneur de nouveau.

En marge de la rception, nous avons particip une ultime sance de travail avec le
Ministre des Mines et de lEnergie, pour dresser le bilan de notre mission, clarifier notre
position et examiner avec lui les diffrents axes de coopration possibles, court et
moyen termes.

Le Ministre, ancien dfenseur du Polisario, ayant anim une campagne de presse


hostile au Maroc, avait adopt une position plus raliste aprs la fermeture de
lAmbassade dAlgrie, justifiant la relance de la coopration bilatrale et la venue de
notre dlgation dans son pays.

Nous avons not aprs notre entretien, son souhait dimpliquer notre pays dans le
dveloppement du gisement de Bayovar.

Sur proposition de lAmbassadeur, nous lavons invit venir au Maroc pour


apprcier sur place limportance du secteur minier dans lconomie nationale et le niveau
de son dveloppement technique et technologique.

Les Prsidents de Mineroperu et Minpeco, prsents lentrevue, furent requis par le


Ministre pour aller au Maroc, aprs leur prochaine mission au Portugal.

Nous avons quitt tard les lieux, heureux et contents davoir mieux fait connatre
notre pays, alors que lAmbassadeur jubilait davoir suscit lvnement de la semaine
diplomatique, ravi de nos interventions et de la matrise de nos discussions avec les
diffrents responsables pruviens.

Vous avez honor notre pays et rendu un immense service notre cause
nationale , dit-il plusieurs reprises.

370
En quittant lhtel, tt le matin, pour laroport, lAmbassadeur tait l avec tous ses
collaborateurs pour nous saluer, nous marquer de vive voix sa satisfaction pour les
rsultats de la mission, et nous faire part de son amicale reconnaissance.

Curieusement, lavion des lignes pruviennes en partance sur Rio de Janeiro, avait
dcoll lheure prvue, contrastant avec les retards devenus monnaie courante sur les
lignes intrieures.

A Rio de Janeiro
Nous avons survol le nord de la Bolivie, le Lac Titicaca, les grands espaces
brsiliens dnuds, la fort amazonienne avec des zones de dfrichement apparentes,
avant darriver Rio en dbut daprs midi.

A laroport de Rio, Omari nous avait quitts pour rentrer directement Casablanca
par le vol rgulier de la Royal Air Maroc.

Nous tions accueillis, Lhatoute et moi, par Nahas, brsilien de pre libanais, venu au
Maroc, quelques mois auparavant, lancer la coopration de sa socit avec le secteur
minier marocain, notamment avec le BRPM,

Nous avons rejoint lHtel Mridien, en bordure de la plage de Copacabana, o notre


enregistrement fut houleux, par suite dune altercation du rceptionniste de lhtel avec
Lhatoute.
Aprs notre installation rapide nous avons tranquillement dambul en bordure de
mer Copacabana, puis dn dans une pizzeria parmi le monde mtiss de Rio.

Le lendemain, dimanche, le chauffeur de Nahas tait venu nous piloter dans un tour
de ville, le long de la baie de Cuanabara, Copacabana, Ipanma et Bama, puis sur les
hauteurs ceinturant Rio o une immense statue du Christ domine majestueusement la
ville.

Nous avons travers la zone de favelas lore des centres rsidentiels et de


superbes villas pour milliardaires.

Du haut du Pain de Sucre, o lon accde par tlfrique, nous avons admir la baie
entoure de collines boises, paysage manifestement le plus beau du monde, domin par
des pitons rocheux et abrupts.

Le soir, Nahas nous convia dner dans un restaurant au bord de la lagune.

Le lendemain, au petit djeuner au Mridien, des membres de lquipage Royal Air


Maroc, en repos, nous avaient fait part de leurs dboires et msaventures Rio o ils
furent agresss de jour, en pleine avenue.

Nous avons longuement march le long de Copacabana envahie par les touristes et
les vacanciers brsiliens, puis djeun chez Marius, restaurant rput pour ses viandes
rouges, me rappelant le souvenir de 1987 lors dune escale Rio en partance sur La Paz.

Par la suite, Nahas et son fils nous avaient accompagns pour assister au match de
football opposant le club local de Fulimense au club de Bragance, au Maracana, le plus
grand stade du monde, dune capacit de plus de 150.000 spectateurs.

Pour accder au stade par cartes magntiques, il fallait faire du coude coude parmi
une foule innombrable, bruyante, colore, sans violence ni agressivit.

Le match fut suivi par environ 100.000 personnes dansant au rythme de la samba,
clipsant ainsi le spectacle footballistique insipide sur le terrain.

371
Malgr la dfaite de Fulimense, ses supporters avaient quitt le stade dans un climat
bon enfant, en chantant.

Le soir, en compagnie dun collgue de Nahas, Jorge, nous avons assist un


merveilleux spectacle de sambas au club Plateforme et dn au quartier tudiant
branch dIpanma, loin des favelas.

Au Brsil, malgr les apparences, le racisme existe, mais dguis et sournois. Les
Blancs sont gostes, hypocrites et sgrgationnistes , nous dit Jorge, lui mme lointain
descendant dIndiens.

Le lendemain, nous avons rencontr les responsables de la CPRM, socit place sous
la tutelle du Ministre de lInfrastructure du Brsil, charge des travaux de levs
gologiques de base, des recherches minires, hydrogologiques et hydriques, et du
dveloppement des projets miniers et mtallurgiques.

La CPRM employait 2.200 personnes dont 450 ingnieurs et techniciens spcialiss


dans les domaines de lexploitation minire, de la gologie, de la gochimie et de
lhydrogologie, et dispose de moyens de forages des profondeurs de 3.000m pour
raliser des programmes de recherches deau pour les centres urbains et les primtres
irrigus.

La CPRM opre aussi dans les secteurs des mtaux prcieux (or, argent, platine), des
mtaux non ferreux (plomb, zinc, cuivre, tain), des mtaux ferreux (manganse,
molybdne, chrome, nickel, vanadium, niobium), des substances utiles (argiles, kaolin,
fluorine, feldspath, quartz, gypse, calcaires), des fertilisants (potasse, phosphate) et des
combustibles solides (charbon, tourbe).

Dans le domaine de la cartographie, la CPRM dispose dun centre dappui aux


activits techniques au plan de llaboration des cartes images de tldtection et de
montage de mosaques photographiques.

A lextrieur, la CPRM tait intervenue dans des programmes de forages miniers en


Uruguay et au Paraguay, de recherche dor au Prou et au Nicaragua, de recherche de
charbon au Mozambique et de gophysique en Libye et en Somalie.

Tout en poursuivant ses efforts de diversification de ses activits, la CPRM


souhaiterait cooprer avec le BRPM au plan de la valorisation des gisements
polymtalliques, de rcupration de lor dans les gisements faibles teneurs, en mettant
en uvre des mthodes de traitement dune autre gnration.

Aprs la tourne des installations du sige, nous avons djeun avec le Vice
Prsident au restaurant de laroport des lignes intrieures, dans un cadre enchanteur
donnant sur la baie de Rio.

Nous avons abord et discut de la situation conomique du Brsil en butte une


crise conomique aigu, malgr ses potentialits immenses et multiformes.

Les grves dans ce pays Continent, sont endmiques et latentes, les salaires bas, la
misre svit parmi les populations urbaines gonfles constamment par un afflux des
ruraux en qute de travail. Malgr tout, je crois au Brsil, car ses potentialits sont
normes , dit Nahas, avec beaucoup dassurance.

Pour clturer notre sjour, nous avons effectu une visite au Centre de Recherches et
de Technologie Minrale, pour connatre le niveau atteint par le Brsil dans les domaines
de la recherche et du dveloppement dans la valorisation des minerais aurifres par
lixiviation bactrienne et amalgamation, et des substances utiles et des terres rares par
flottation par colonnes.

Nous avons rejoint immdiatement aprs laroport.

372
Lhatoute stait envol pour Nouakchott en transitant par Paris.

Pour ma part, javais gagn Miami et Houston par un vol agrable dAmerican Air
Lines, accueilli par Antoine Loue, reprsentant de la socit Litwin spcialise dans
lengineering des raffineries de ptrole, partenaire de la SAMIR et de lONE.

Aprs mon installation au Sheraton, suivie dun djeuner avec le Prsident Halvy et
son adjoint, nous avons rendu visite aux ACP producteurs des plastiques et produits
chimiques franais, couls sur le march amricain.

Le soir, Loue et son pouse mavaient invit dner au restaurant hupp de Houston,
Chez Georges, gr par un couple franais de lArdche.

Le lendemain, sous la canicule, nous avons rejoint La Nouvelle Orlans puis Morgan
City pour visiter les installations de valorisation de barytine marocaine, ide la socit
AMBACO, implantes au bord dun bras du Mississipi, et que javais vu natre et se
dvelopper grce aux efforts inlassables de la famille Benam et de son associ Stutz.

Aprs un week end Washington chez nos amis Larry et Amina, javais transit par
Paris avant de regagner Rabat.

Quelles Conclusions tirer de la mission en Amrique du Sud ?

LAmbassadeur Belmoufti et ses collaborateurs navaient mnag aucun effort pour


assurer un rel succs notre mission.

Leur attention permanente et leur disponibilit nous avaient impressionns et


profondment touchs.

Dune mission caractre technique exploratoire, ils avaient su llever au niveau


politico-conomique, pour mieux faire connatre notre pays et contrecarrer les
agissements du Polisario et de ses supporters en Amrique Latine.

Au Prou, le Maroc bnficiait dune aura particulire dans le domaine minier, avec
une mention spciale pour le phosphate pour lesquels les Pruviens voulaient impliquer
notre pays dans la mise en valeur du gisement de Bayovar dans un cadre bilatral ou
multilatral.

Pour les autres substances minrales, le Prou, grand pays minier depuis des sicles,
tait dispos dvelopper les changes techniques et commerciaux.

Les discussions et les contacts avec les responsables pruviens, les dplacements en
province et les rceptions en notre honneur, nous avaient convaincus de la ncessit pour
notre pays dtre prsent dans cette zone hispanophone, accessible aux adversaires de
notre intgrit territoriale.

Lintervention de lOCP au plan de la caractrisation du gisement de Bayovar et de la


dfinition de son schma appropri de valorisation, tait souhaite vivement par les
Pruviens, sans concurrencer le Maroc en Amrique du Sud

Dans le domaine des substances mtalliques, notre pays devrait tirer un avantage
pour le plomb, le zinc, le cuivre et largent, pour lesquels le Prou est parmi les plus
grands producteurs mondiaux.

Les livraisons de concentrs de plomb la Fonderie Zellidja inities en 1990,


pourraient se dvelopper en 1992 pour faire face au dficit de notre production locale de
concentrs.

Le transit par Rio, nous avait montr les capacits brsiliennes dans le domaine de la
valorisation des minerais complexes. Le BRPM et les autres socits minires devraient

373
mieux approfondir leurs relations de coopration dans un cadre soutenu avec les pays
dAmrique du Sud.

Aux Etats-Unis, les efforts fournis par de petits oprateurs marocains entreprenants
et dynamiques dans la valorisation de la barytine marocaine, devraient se traduire brve
chance par des rsultats positifs dans toute laire du Golfe du Mexique et du Mississipi.

Dbut juin 1991, les Prsidents de Mineroperu et Minpeco, aprs leur mission au
Portugal, taient venus au Maroc, furent reus au Ministre et au BRPM avant de se
rendre dans les exploitations de phosphate de Bengurir et au chantier du projet
polymtallique de Hajar.

Par ailleurs, en juillet 1991, pour concrtiser le dsir commun exprim Rio, une
dlgation de CPRM et CETEM avait sjourn au Maroc pour explorer les possibilits de
collaboration avec le BRPM et ses filiales.

374
En Jamahiriya
Et en Italie
Au mois de juin, aprs une vigoureuse action de communication orchestre par le
Ministre Alaoui, en rponse aux dnigrements dune certaine presse, les conseils
dadministration des socits minires du BRPM et de lONA avaient enregistr des
rsultats satisfaisants dans lensemble des exploitations

A SOCOCHARBO, je fus copt comme administrateur, venant ainsi rendre hommage


mon arbitrage modrateur dans le diffrend entre le BRPM et la socit.

Quelques jours aprs lAd El Kbir, une mission avait t effectue en Libye, pour
prparer la runion de la Commission Ministrielle de lEnergie et des Mines de lUMA,
retarde suite aux vnements sanglants en Algrie.

Pour des raisons pratiques, cette mission fut combine avec un dplacement en Italie
dans le cadre de la Commission Nationale des Explosifs, et en France pour examiner les
problmes lis lenvironnement dans les lexploitation de sable de la rgion parisienne.

En Jamahiriya
Nous sommes partis nombreux de Casablanca le 26 juin 1991 par le vol de la Royal
Air Maroc, en compagnie de la dlgation mauritanienne qui avait souffert le martyre
avec la Libyan Airlines, suite une panne mcanique de lavion assurant la liaison
Nouakchott- Casablanca -Tripoli.

Notre arrive Tripoli fut perturbe par une avarie du systme hydraulique
douverture des portes, suite un atterrissage brutal, nous obligeant rester longtemps
bord en attendant le dpannage par les services libyens.

Laroport de Tripoli o stationnaient des avions gros porteurs sovitiques, Antonov,


tait lugubre et bien triste.

Au retrait des bagages, je fus tonn de ne pas retrouver ma valise, probablement


non embarque Casablanca.

Aprs la dclaration de perte, mes collgues marocains et nos htes libyens staient
ports mon secours en me prtant de quoi me changer, en attendant .

Aprs un accueil chaleureux et une longue attente au salon dhonneur, on nous avait
conduits lHtel Mhari, inaugur en 1989 par le Colonel Kadhafi et gr par la chane
htelire marocaine SALAM.

A laroport, et tout le long des axes routiers, dimmenses panneaux annonaient les
slogans habituels de la Grande Jamahiriya.

A rappeler que la Libye qui a arrach son indpendance en 1951, fut dabord une
possession ottomane.

En 1911, elle devint colonie de lItalie dont elle na conserv que les majestueux
btiments du centre de Tripoli, les cafs express mousseux, les spaghettis et les costumes
bien coups.

Du salon panoramique au dernier tage de lHtel Mhari, luxueusement amnag par


une socit franaise, on bnficiait dune superbe vue sur le port de Tripoli, avec en toile
de fond, la mer Mditerrane.

Le contact tlphonique avec Rabat avait ncessit deux heures dattente, dnotant
que le Maghreb Arabe navait pas encore rellement dmarr.

375
Le lendemain 27 juin, louverture des travaux des commissions eut lieu avec
beaucoup de retard, justifiant la constitution rapide des groupes de travail pour
permettre aux experts dentamer et de poursuivre leurs discussions jusqu 14h, en
labsence de la dlgation algrienne.

Au plan des Mines et de la Gologie, la situation tait claire, car la runion de mai
1990 Rabat avait lanc les bases de lorganisation des structures et du plan dactions,
contrairement au secteur de lEnergie qui ncessitait davantage de runions et de
coordination.

Aprs le djeuner, servi par un personnel marocain de grande classe, et des aparts
entre les membres des commissions, les dbats avaient repris 19H30 pour se terminer
aux alentours de 22H.

Lorganisation des travaux fut exemplaire et la logistique bien orchestre par le


Secrtaire Gnral du Ministre de la Recherche Scientifique, El Yacoubi.

Je vous ai copis tout simplement , me dit-il en me rappelant lexcellent


droulement des travaux de la Commission Mines et Gologie Rabat.

Aprs le dner, nous avons effectu une longue promenade travers la ville trs
illumine, plus propre, plus gaie, plus humaine quauparavant, o les habitants, fuyant les
maisons surchauffes, avaient envahi les squares et les jardins.

Llectrification dpasse 100% dans cette ville, car on claire et illumine tout et
partout , avait plaisant un ami marocain.

Des files de voitures, filtres nonchalamment par des soldats et des miliciens,
annonaient, avec fracas et cacophonie musicale, des ftes de mariages sur la Corniche
en bordure de la Mditerrane, transforme en voie expresse, proche de la base navale
qui abritait toujours depuis des lustres des bateaux de guerre et des sous marins de
fabrication sovitique.

Nous avons fln longuement le long des quais du port encombrs de matriaux de
construction htroclites, jouxtant des quipements lourds sans lombre dun douanier.

A vue dil, le climat gnral en Libye stait transform, contrastant avec la tension,
le dsordre et les harangues interminables et enflammes de Kadhafi partir de la
fameuse Place Verte, cur de la capitale.

Le Guide de la Rvolution de septembre 1969, assagi aprs les multiples dboires au


Tchad, le bombardement de sa rsidence Tripoli par les Amricains et le fiasco de toutes
ses interventions travers le monde, se consacrait davantage, disait-il, au dveloppement
de son pays et lorganisation de ses structures.

La Libye tentait dsesprment son retour sur la scne internationale en amorant


une timide ouverture conomique, tiraille entre tradition et modernit.

Les lieux de distraction taient inexistants (pas de cinmas, pas de bars ni de botes
de nuits), laustrit tait encore prsente.

Le lendemain, 28 juin, les travaux avaient repris 9H30 pour affiner les documents
prsenter lapprciation des Ministres.

Les prsidents des commissions furent reus par le ministre libyen de la Recherche
Scientifique, lallure nonchalante, qui avait discouru sans conviction durant plus dune
demi-heure.

Le Ministre Alaoui tait arriv en fin de matine, et nous avons djeun ensemble
dans sa suite lHtel Mhari, aprs lavoir inform de ltat davancement des travaux des
commissions et des projets de recommandations.

376
Connaisseur des affaires et des arcanes de lUMA, le Ministre dsabus et du des
rsultats engrangs jusqualors, dcida de repartir au Maroc le lendemain pour assister
linauguration du barrage de Mjara, par le Roi Hassan II.

Les travaux dexperts avaient repris 17H pour sachever 17H30, laissant la
latitude aux organisateurs libyens dassurer la reproduction des documents, tches
accomplies dailleurs, avec dextrit et panache.

Au dner, nous nous tions retrouvs avec le Ministre au restaurant panoramique,


servis par un personnel marocain remarquable.

Louverture officielle de la session ministrielle stait droule le lendemain 10H


dans limmense salle lambrisse, fiert de nos htes, avec de gigantesques lustres en
cristal et des portraits gants du Guide de la Rvolution qui y avait reu la veille le
Prsident Djibouti, Gouled Aptidon.

Aprs un discours monocorde du Ministre libyen et les remerciements dusage des


chefs des dlgations, la Confrence tait passe lexamen des projets de
recommandations prpares par les experts.

Les ministres marocain et tunisien taient intervenus plusieurs reprises pour


apporter quelques amendements aux diffrents textes alors que la dlgation
mauritanienne tait reste muette et la chaise algrienne tait demeure vide.

Le ministre libyen, prsident en exercice, avait repris longuement les propositions de


ses collgues, avant de dcider 13H dune pause pour aller djeuner au coffee shop,
toujours servis par des Marocains en livre.

Le Ministre Alaoui dcida de diffrer son dpart 21H30, pour assister la sance
de clture, en prsence dun reprsentant algrien, signe vident de son intrt retrouv
pour les travaux de la Commission.

Avant son dpart, le Ministre reut son homologue libyen, et 20H30, le Ministre
Alaoui et la majorit de la dlgation marocaine avaient dj quitt Tripoli.

Aprs une visite lexposition dart libyen au centre Dat El Imad (gratte ciel),
ensemble de cinq tours construites en bordure de mer la fin des annes 1980 pour
accueillir les siges des entreprises libyennes et trangres, avec Benali, gologue
lOARM, nous avons particip au dner officiel en lhonneur des dlgations, en prsence
de professeurs duniversit.

Nous dnons enfin au ros , sexclama malicieusement un dlgu tunisien


loccasion du repas succulent arros au sirop rose bonbon.

Nous tions de retour lhtel 23H, conduits en trombe par un jeune chauffeur
libyen, faisant dire Hamdi, dlgu tunisien :

Le Tunisien a peur du Libyen une seule occasion, au volant dune voiture .

Lhtel, o lapathie libyenne avait repris ses quartiers, tait bien triste aprs le
dpart des dlgus marocains, bruyants, remuants et exigeants.

Le 30 juin, aprs un petit djeuner avec Agouzoul de la CADEX, arriv la veille


Tripoli pour discuter de lopportunit dune livraison de droguerie et de robinetterie en
Libye, en compagnie de BENALI de lOARLM et dun agent de la Scurit libyenne, nous
avions fil en trombe vers laroport pour rcuprer ma valise envoye en retard de
Casablanca.

377
Ce fut dans un hangar poussireux, parmi des centaines dobjets trouvs que javais
pu rcuprer mon bagage aprs de multiples palabres auxquelles avait mis fin,
heureusement lagent de la Scurit.

Ds lors, javais enregistr aisment pour Rome et Milan grce laide prcieuse de
lagent de scurit qui avait tenu maccompagner jusquen salle dattente, puis
lembarquement.

En Italie
Le vol Alitalia sur Rome, malheureusement, dcolla avec plus de deux heures de
retard, perturbant consquemment ma correspondance pour Milan o je devais retrouver
les membres de la Commission Nationale des Explosifs et mon pouse en provenance de
Casablanca.

A larrive Milan laroport des lignes intrieures, le chauffeur ntait pas au


rendez-vous, mobligeant prendre un taxi pour aller saluer ma femme son htel au
centre de Milan, en attendant lenvoi dun autre vhicule pour me conduire Brescia o
jtais rendu le 1er juillet 1H du matin.

Nous tions logs dans un superbe htel darchitecture Renaissance en plein centre
de la ville de Brescia.

Au petit djeuner, javais retrouv les membres de la Commission Nationale des


Explosifs, Chtel et Dunker du groupe EPC, organisateurs de la mission.

Un bus de luxe tait mis notre disposition pour nos dplacements durant deux
jours, attestant des gards envers notre dlgation.

Notre dplacement en Italie avait pour but essentiel lexamen des problmes lis la
production, au stockage, au transport et la rglementation des explosifs dans un grand
pays consommateur europen, comme lItalie.

A signaler que la visite des installations stait droule dans une ambiance
dtendue, chaleureuse et amicale.

EPC intervenait en Italie travers deux filiales o elle dtenait 71%, des actions,
implantes Ghedi et Domusnovas en Sardaigne (dj visites avec Dunker, il y a 6
ans) en fabriquant des explosifs, des cordeaux dtonants et des accessoires de tir pour
les mines et les travaux publics.

Les productions des deux usines taient respectivement de 3.500 tonnes et 1.700
tonnes, reprsentant le quart du march italien des explosifs.

Lusine de Ghedi, comprend deux secteurs distincts, civil et militaire.

Le secteur militaire, plac sous la responsabilit du fils du fondateur de lusine,


assist dofficiers suprieurs de larme italienne, produisait des ttes de missiles, des
torpilles, des mines marines et terrestres, des obus dartillerie, des bombes davions, des
fuses de signalisation selon les standards de lOTAN.

Deux importants exposs sur les activits dEPC en Italie, nous avaient t prsents
et furent suivis de longues discussions sur le projet de rglementation des explosifs en
France.

Aprs la tourne des installations civiles trs modernes, nous avons suivi lexpos du
Directeur de la Scurit du Groupe Explosifs et Produits Chimiques (EPC France), relatif
la rglementation franaise labore en 1970, complte et modifie en 1980 et 1990.

Aprs un dbat anim, les conclusions tires furent les suivantes :

378
- le projet de refonte de la lgislation marocaine doit sadapter lvolution des
secteurs consommateurs, dans le cadre de la simplification des procdures
administratives, de lagrment des produits plus logiques, des fabriques mobiles mieux
caractrises, de lisolement et du transport plus appropris,

- il est indispensable de maintenir et dvelopper des changes permanents


dinformations en matire de contrle et de scurit entre les Administrations et les
fabricants dexplosifs et daccessoires de tir.

Nous avons convenu, dans le cadre de notre coopration avec le groupe EPC,
lorganisation dune mission au Maroc de son Directeur de la Scurit, pour poursuivre
lexamen concert des rglementations franaise et marocaine.

Tous les membres de la Commission, sans exception, furent ravis de leur sjour en
Italie et avaient souhait participer dautres missions pour mieux apprcier
lenvironnement international en matire dexplosifs civils.

****
Aprs Brescia et Milan, quittant les autres membres de la dlgation, en compagnie
de Abdelhaq Bennani, nous avons rejoint Paris, Menni, Directeur de la socit de
carrires SAGRAM (Maroc) pour visiter les centres de production de granulats Souppes,
Grande Paroisse et Cergy Pontoise dans la rgion parisienne.

Partout de grands moyens ont t mis en uvre pour produire grand rendement les
sables et graviers, restaurer les zones de carrires et protger lenvironnement travers
la ralisation de zones de loisirs sur les sites exploits.

Nous avons espr que cette mthodologie soit suivie dans lexploitation des
carrires au Maroc, jusque l anarchique, et pour ce faire, une coordination est imprative
entre les diffrents intervenants (Administration et oprateurs).

Aprs ces nombreux dplacements, javais retrouv mon pouse Paris pour un weekend
de canicule, avant de regagner Rabat le 7 juillet 1991.

379
Au Cameroun

Avant la mission
Le 16 juillet 1991, javais repris mon bton de plerin pour aller Errachidia assister
au Comit de Direction de la CADETAF prsid par le Gouverneur de la province, Arafa,
dsireux comme la Direction des Mines dassainir les relations tendues entre la Centrale
et les reprsentants des artisans mineurs.

Ce fut avec beaucoup dentregent quensemble nous avions pu transcender les


problmes et les vnements.

A fin juillet, un dplacement mavait conduit dans la rgion de Malaga pour visiter
des installations de valorisation de la bentonite en provenance du domaine minier
dAntonio Ryes dans le secteur de Nador.

Le 17 aot, jtais parti en cong aux Etats-Unis, en compagnie de mon pouse et de


mon fils Karim qui bouclait sa dernire de facult dconomie Montpellier.

Aprs un court sjour Washington chez nos amis Amina et Larry, nous avons
effectu un long priple qui nous avait mens successivement San Francisco, Santa
Barbara, Los Angeles, Las Vegas, La Nouvelle Orlans et Orlando.

Nous fmes blouis par les diffrentes facettes de la vie amricaine et par la cte du
Pacifique que nous avions longe bord dune voiture de location au dpart de San
Francisco.

Nous avons marqu une halte dans la petite ville dont lacteur Clinteastwood tait le
maire avant de passer une nuit la mythique Santa Barbara.

Avant darriver Los Angeles, nous tions passs par Malibu, connue pour sa superbe
plage de sable fin.

Notre sjour Los Angeles nous avait fait dcouvrir le gigantisme de la mgapole de
lOuest des Etats-Unis, Beverly Hill, San Diego, Disneyland, avant de rejoindre Las Vegas,
ville touristique et capitale des jeux de hasard.

Ds son premier essai au jeu, mon pouse eut la chance de gagner 200 dollars,
lincitant continuer et finir par perdre son pactole.

Profitant de mon passage la Nouvelle Orlans, javais effectu un dplacement


rapide Mexico pour essayer de dmler les multiples cheveaux des relations entre la
Socit marocaine de production de barytine SOMASUB et son client mexicain PETROMIN.

Mexico mavait paru encore plus pollue, plus grouillante et plus inhumaine que lors
de ma dernire visite.

Aprs un court sjour Washington, nous sommes rentrs Rabat laissant Karim
Paris sur le chemin de Montpellier.

Javais repris le travail le 10 septembre.

En octobre 1991, aprs les Comits de Direction du BRPM et de lONAREP, les conseils
dadministration des socits minires, les dplacements dans les services rgionaux des
mines et les exploitations minires, je mtais rendu Poitiers et Vienne dans le cadre du
Congrs de lIndustrie Minrale et de la runion ordinaire du Groupe dEtude du plomb et
du zinc.

380
A Poitiers, chef lieu de la Rgion Poitou-Charentes, les travaux du Congrs avaient
trait des problmes lis lenvironnement, au traitement et au recyclage des eaux,
proccupation majeure des pays dvelopps, relguant au second rang les problmes
classiques de la mine.

Le Maroc ne devrait pas rester la trane, sil veut rester dans le peloton des pays o
la mine est exploite avec sagesse et rationalit, sans perturber gravement lcologie et
crmer les gisements.

Nous avons dcouvert la ville o Charles Martel stoppa le dferlement des Arabes
vers le Nord.

Poitiers centre industriel (constructions mcaniques et lectriques), est aussi connu


pour ses glises romanes et sa cathdrale gothique.

Aprs le Congrs, javais visit lexploitation de kaolin du Morbihan (Bretagne) o un


accueil trs chaleureux me fut rserv.
****
A Vienne (Autriche), aprs Poitiers, en grande dlgation reprsentant le secteur
marocain du plomb et du zinc, nous avons constat linstallation progressive de la
morosit et un dbut de sinistrose, les cours du plomb et du zinc nayant jamais t aussi
peu incitatifs pour les investissements miniers.

Lavenir des deux mtaux tait incertain, et pour traverser la crise, le gnie des
mineurs devrait sexprimer par des efforts de structuration, dorganisation et de matrise
des cots de production.

Au retour de Vienne, comme soulign prcdemment, javais rejoint Marrakech pour


participer aux journes de rflexion des cadres du Ministre destines leur faire toucher
du doigt les vrais problmes de nos secteurs et mieux les prparer pour leur apporter
les solutions les plus appropries.

Au Cameroun
La mission au Cameroun avait fait suite la runion de la Commission Economique
pour lAfrique tenue Ouagadougou en mars 1991, et llection du Maroc comme Vice
Prsident de la Commission des Ressources Minrales.

Ainsi, le 27 octobre 1991, linvitation du Mouvement pour la Coopration et le


Dialogue, je me suis rendu Yaound, pour participer au Sminaire sur le dialogue et la
recherche des opportunits dinvestissements en Afrique, et prsider la Commission des
ressources minires, nergtiques et hydrauliques.

Les objectifs prliminaires assigns au Sminaire de Yaound furent :

- favoriser et dvelopper la coopration inter africaine et participer llaboration et au


dveloppement de stratgies en Afrique,

- mieux faire connatre lAfrique et crer un nouveau type de rapports avec la


communaut internationale.

Les participants taient invits dans une lettre dintroduction, agir pour susciter
des courants commerciaux, rciproquement bnfiques, par la cration dentreprises en
joint ventures, afin de redonner espoir aux nombreux jeunes sans emploi, inquiets dans
une Afrique marginalise et dsarticule.

Au moment o le dmantlement de lApartheid se renforait, o lconomie


mondiale drivait autour des ples Europe et Pacifique, o lclatement du bloc
communiste avait fait place lafro pessimisme, lorganisation dun tel sminaire

381
ambitionnait de jeter les bases dune coopration rgionale et sous rgionale, fondements
de lexpansion conomique africaine.

Le Sminaire (dnomm SIDCO91), concoct et organis par des intellectuels du


Cameroun, du Sngal et de Centre Afrique, visait surtout ouvrir pour lAfrique en
gnral et pour le Cameroun en particulier, de bonnes perspectives conomiques.

Le Cameroun, Etat unifi, n de la fusion des anciennes colonies franaise et


anglaise, descendantes de loccupation allemande, couvre une superficie de 475.000 km,
avec une population de plus de 11 millions dhabitants.

Les principales villes sont Douala (1 million dhabitants), Yaound (800.000), Maroua
(200.000), Kongsamba (200.000) et Garoua (200.000).

Les langues officielles sont le franais et langlais, mais deux cents dialectes sont
parls par les multiples ethnies.

Le nord est peupl de musulmans (30%), les chrtiens (30%) et les animistes (40%)
occupent le centre et le sud.

Le Cameroun est constitu de plaines alluviales sur le littoral atlantique, de hauteurs


volcaniques isoles (Mont Cameroun), de chanes massives du centre (Adamaoua) et de
plateaux aux extrmits mridionale et septentrionale.

Le climat varie sensiblement du Sud au Nord, expliquant le passage de la fort dense,


fournissant des bois prcieux, la savane sahlienne domaine de llevage bovin et de
cultures vivrires (mil, manioc, sorgho).

Dans les troues forestires du sud on cultive le caf, larachide, la banane, le coton
et le caoutchouc naturel.

Les ressources minrales sont : le ptrole (7millions de tonnes par an) exploit par
des socits franaises sur la base dune rente minimum de 26%, le gaz en cours de mise
en valeur (rserves estimes 350 milliards de m3), la bauxite (1,5 milliard de tonnes)
exploite la cadence de 300.000 tonnes dalumine par an.

Des gisements de fer, plomb, zinc, or, diamant et de rutile taient au stade de la
prospection et de lvaluation technico- conomique.

Le Cameroun est travers par plusieurs fleuves peu navigables en toutes saisons : le
Sanaga, le Bnou et le Wouri, et seul lestuaire du Wouri avec le port de Douala, est
accessible aux bateaux de gros tonnages.

Le potentiel hydrolectrique (19.000 MW) est exploit encore modestement (1.000


MW) pour satisfaire 95% des besoins en nergie lectrique du pays; le taux
dlectrification tait de lordre de 20% pour lensemble du Cameroun.

A elle seule, la Socit daluminium (Alucam) consommait 50% de llectricit totale


produite dans le pays.

Historiquement, les Portugais ont atteint les ctes du Cameroun (dformation de


camerons ou crevettes) au 15 sicle.
En 1860, lintervention des Britanniques et des Allemands a vu lapparition des
premiers missionnaires et linstallation des premires factories.

En 1894, Nachtigal, explorateur allemand, obtient le premier trait de protectorat et


le Cameroun devient une colonie allemande.

En 1911, un accord franco-allemand largit les possessions allemandes.

382
En 1916, les Allis expulsent les Allemands et en 1919, la fin de la premire Guerre
Mondiale, la France et la Grande Bretagne obtiennent le mandat sur les territoires qui leur
sont impartis, transform en tutelle en 1945.

Le 1er janvier 1960, lex Cameroun franais est proclam indpendant et Ahmadou
Ahidjo nomm Prsident de la jeune rpublique, laquelle en 1961, est rattach le sud de
lex Cameroun britannique, le nord tant runi au Nigeria.

En 1972, aprs rfrendum, le pays adopte une structure unitaire et devient la


Rpublique Unie du Cameroun.

Aprs le retrait de Ahidjo, Biya, Premier Ministre, a assur la relve dans une priode
o lEtat a affront une vive contestation cause du chmage, de la faillite des
entreprises publiques, du rgionalisme exacerb par les barons de la politique et de la
conjoncture dfavorable des cours des matires premires.

Le recours aux institutions internationales et la mise en place de programmes


dajustement structurel, ont tent de redresser la barre pour faire face une dette
estime plus de 8 milliards de dollars.

Le dialogue et la concertation instaurs entre le Gouvernement et les composantes


de la socit en 1990, furent un bon prsage pour le devenir du pays.

A Yaound
Sur le trajet vers le Cameroun, javais transit par Paris pour rencontrer les
organisateurs du Sminaire, avant dembarquer Orly Sud dans la cohue et le dsordre
sur le vol de la Cameroun Air Lines, en compagnie du Sngalais Massar Diop, un des
responsables du Mouvement pour la Coopration et le Dialogue, et Youssoufa Daouda,
PDG de Cameroun Air Lines.

Larrive Yaound, capitale du Cameroun, eut lieu de nuit, aprs plus de sept
heures de vol et une escale Douala, sur lestuaire du Wouri, grand port et capitale
conomique du pays.

Au bas de la passerelle, Nachit, Premier Secrtaire de lAmbassade du Maroc,


ingnieur des mines, ancien laurat de lEcole Mohammedia, ayant intgr le circuit
diplomatique, mattendait pour me faciliter les formalits.

Nachit me fut dun grand secours durant tout mon sjour pour me guider et
mentretenir en connaisseur avis de la situation au Cameroun.

Laroport de Yaound, de construction rcente, ntant pas encore quip de


chariots transporteurs, ce fut bout de bras que les bagages furent achemins au hall
darrive, envahi par des centaines de porteurs.

Nous avons rejoint lHtel Hilton, au centre ville, lieu de rsidence des sminaristes,
ensemble immobilier construit par une socit isralienne et objet de lire de la
communaut musulmane de Yaound.

Le lendemain, au petit djeuner, il y avait affluence de Sud Africains venus nombreux


par avion charter ayant atterri sur le nouvel aroport de Yaound.

Avec cent vingt participants (dont des Noirs), lAfrique du Sud entendait faire une
entre remarque au sein de la grande famille africaine.

Nous fmes conduits, travers la ville, au Palais des Congrs, somptueuse ralisation
de la Chine, centre de toutes les manifestations dintrt, implant sur une des collines
surplombant Yaound, avec ses larges avenues, ses difices publics et privs, ses
quartiers cossus encercls de bidonvilles sordides et surpeupls.

383
En labsence du Prsident Biya, en France, et des grands tnors de la politique et de
lconomie, pourtant annoncs dans les documents distribus aux dlgus, le Secrtaire
dEtat au Dveloppement Industriel du Cameroun avait ouvert le Sminaire, aprs une
priode de flottement incomprhensible.

Les hommes daffaires camerounais avaient boud le SIDCO91, prfrant participer


une runion de lAmbassade de France, consacre aux problmes conomiques des pays
francophones, pour contrer lirruption des Sud Africains en Afrique Equatoriale, nagure
chasse garde franaise.

Lesprit tribal avait prsid aussi la prparation du SIDCO91.

Onambel, Prsident du Mouvement pour la Coopration et le Dialogue, de la mme


ethnie que le Prsident Biya, tout en le regrettant, ne lavait pas cach.

La France a sournoisement sabot le Sminaire, en organisant dans la mme


priode sa runion, et les gens bien placs nont pas voulu se mouiller , me dit-il.

Le sminaire avait regroup plus de deux cents personnes, dont des oprateurs
conomiques africains, amricains, europens et asiatiques.

Les dlgus tunisiens et gyptiens inscrits ne staient pas prsents.

Aprs les discours enflamms du Secrtaire dEtat et dOnambel, vint le tour de


Bonvin, Directeur de lOCDE, citoyen suisse francophone dont la famille a gagn ses titres
de noblesse et de notorit dans la production des vins de qualit.

Dans un expos magistral, il avait mis laccent sur les mutations stupfiantes en
cours, la mondialisation de lconomie, la globalisation des marchs et le clivage entre les
pays matres de la technologie et ceux peine sur les rails de la croissance.

Limmense salle avait raisonn de ses incantations que les traducteurs reprenaient
instantanment pour les Sud Africains, manifestement heureux davoir fait une perce par
leur seule prsence dans ce grand forum continental.

Malgr leur isolement et leur vulnrabilit, les pays africains disposent de


nombreux atouts ne pas brader au travers de la mauvaise gestion responsable de la
dtresse conomique et des drapages inadmissibles ; il faut viter dinvestir dans des
entreprises publiques, responsables de lhypertrophie conomique, mais encourager les
investissements et les initiatives des oprateurs privs pour restaurer la crdibilit
extrieure ; lAfrique doit rechercher en elle-mme les ressorts de son dveloppement ;
sans lannulation de la dette extrieure, la situation de certains pays africains nest pas
tenable., affirma Bonvin.

La matine stait acheve sur cet appel lAfrique pour compter dabord sur ses
propres ressources pour mieux assurer son dveloppement.

Aprs le djeuner dans les immenses et mornes salons du Palais des Congrs, les
travaux avaient repris nonchalamment au sein des commissions spcialises.

Dans les locaux ultra modernes du Crdit Foncier Camerounais, proximit du


Hilton, javais prsid les travaux de la Commission des ressources nergtiques, minires
et hydrauliques, auxquels avaient assist une vingtaine de personnes, en majorit des
Sud Africains.

Les dbats avaient port essentiellement sur lorganisation, la lgislation et la place


de la mine dans lconomie marocaine.

384
Vous tes un pays africain dun autre type , me lana malicieusement un dlgu
sud africain blanc, comme pour marquer la diffrence entre lAfrique du Nord et lAfrique
du Sud avec les pays au sud du Sahara.

Les Africains du Sud, au fil de nos discussions, staient fait une ide plus raliste de
notre pays, contre dhistoire et de civilisation anciennes, dot de ressources naturelles
diversifies.

Le dgel des relations maroco-sud africaines, suite la visite au Maroc du Prsident


De Klerk, avait ouvert de larges perspectives la coopration entre deux pays trs
proches par le climat, la diversit des richesses naturelles et lambition dun
dveloppement quilibr.

Au cours de la sance, javais fait la connaissance de deux Sud Africains, (Rizzo,


dorigine franaise, natif dEl Jadida et Hernan dorigine chilienne) dsireux dentrer en
contact avec des socits marocaines pour inaugurer et dvelopper des courants
daffaires pluridisciplinaires.

En fin de journe, en petit groupe, accompagns dune htesse camerounaise, nous


avons fln travers les rues commerantes adjacentes au Hilton, envahies par les
rfugis des pays de la Corne de lAfrique.

Un sminariste australien stait fait subtiliser ses lunettes solaires sous le regard
impassible de notre guide.

Laissez-le, il est trs pauvre , nous lana un badaud.

Notre collgue australien, blme, ahuri et tremblant, prfra regagner lhtel.

Le soir, nous avons t convis un dner lHtel Sofitel, sur les hauteurs,
proximit des quartiers rsidentiels et du majestueux Palais prsidentiel.

La soire fut agrmente de danses folkloriques des diffrentes provinces du


Cameroun, au grand bonheur des Europens et des Sud Africains berlus par tant de
dbauche dnergie musculaire.

Au 3 jour, les travaux du SIDCO'91 furent clipss par la tenue au Palais des
Congrs de la runion tripartite (gouvernement, opposition, socit civile) pour dbattre
du code lectoral et de laccs aux mdias, aprs avoir enterr la hache de guerre, vitant
au pays de sombrer dans le chaos et la dsolation.

Nous avons assist larrive des tnors de la politique et de la socit civile


camerounaises : ministres, chefs de lopposition, intellectuels, dignitaires religieux
musulmans et chrtiens, hommes daffaires, etc.

Le grand chef musulman du Nord, enturbann, drap dans son boubou immacul,
accompagn de sa troupe de griots, pieds nus et ttes rases, dominait majestueusement
lassistance, alors que le cardinal de Yaound, en soutane lie de vin, saluait tour de bras.

Avant larrive du Premier Ministre, Sadou Hayatou, un agent de scurit, trop zl,
nous avait sermonns sans mnagement pour nous tre placs sur son chemin.

Aprs nos protestations indignes, il stait rsign nous prsenter des excuses en
prsence de jeunes htesses venues me demander dintervenir auprs de lAmbassade du
Maroc pour bnficier de bourses lEcole Htelire de Rabat.

Le Maroc est un exemple de srieux pour nous en Afrique, les tudes y sont
rputes , me lana une htesse.

385
Aprs larrive solennelle du Premier Ministre, nous avons regagn nos collgues du
Sminaire pour assister la confrence de Mc Rae, Directeur Gnral dune grande firme
dquipements lectriques Johannesburg.

Moins de 10% des Africains ont accs llectricit (le Malawi : 3%), alors que des
pays comme Tawan et la Core du Sud avoisinent 100% ; lavenir de lAfrique rside non
seulement dans la coopration entre les Etats et la mise en uvre de technologies
appropries, mais aussi dans lmergence de leaders ayant une vision raliste de la
situation, sachant extraire, l o elles existent, les intelligences vives africaines , avait
conclu magistralement Mc Rae.

Lui succdant, un professeur dconomie lUniversit de San Francisco, dorigine


ghanenne, insista sur les besoins de lAfrique en investissements.

LAfrique pauvre est une menace pour lEurope et lAmrique ; il est temps quelle
reoive la part qui lui revient en investissements privs ; la crise risque de saggraver et
les intellectuels ont une grande responsabilit assumer dans ce domaine. , dit-il, avec
assurance.

Lorateur Diop, reprsentant de la Commission Economique pour lAfrique a analys


les causes structurelles de la crise qui svit dans notre continent.

Nous nous appauvrissons parce que nous travaillons pour les autres, lAfrique tant
en dehors de la mouvance mondiale. En vendant nos produits nous perdons, en achetant
des produits nous perdons aussi car nous ne faisons pas le poids. Il faut rompre avec la
stratgie extravertie de lconomie africaine. Les Africains du Sud ne doivent pas croire
que les autres Africains sont seulement des consommateurs, ils doivent uvrer pour la
cration de coentreprises entre lAfrique du Sud et le reste du continent , dit-il.

Ces exposs furent une occasion magistrale de dmontrer aux Sud Africains quils
font partie intgrante de lAfrique, et quils ne devraient pas se comporter comme les
oprateurs occidentaux.

Dans laprs midi, nous avons poursuivi nos travaux en commissions, et pour notre
part, nous avons examin les cas marocain et camerounais au plan des ressources
nergtiques et hydrauliques.

Lassistance fut subjugue par les efforts consentis depuis longtemps par notre pays
dans deux domaines nvralgiques et stratgiques pour lconomie nationale, savoir les
mines et lhydraulique.

Plusieurs Africains du Sud, marquant leur intrt particulier pour le programme


marocain dirrigation des terres, dcidrent de venir au Maroc prendre contact avec les
responsables concerns.

Cela navait pas tard, car ds mon retour Rabat, des promoteurs sud africains,
mavaient appel pour organiser leur mission.

Le soir, un grand dner avait regroup lensemble des sminaristes dans les salons de
lHtel Hilton, cltur par des discours adresss essentiellement aux Sud Africains pour
les inciter investir dans les autres pays africains.

Au 4 jour, alors que se poursuivaient les empoignades entre politiciens au Palais des
Congrs, le Sminaire stait termin par la lecture des recommandations labores la
hte par les prsidents des commissions.

Les Sud Africains taient repartis aprs le djeuner, certainement heureux davoir
cass le carcan de leurs relations tendues avec les autres pays africains, laune de la
rconciliation camerounaise.

386
Les organisateurs du SIDCOM91, quant eux, staient volatiliss, laissant les
derniers participants livrs eux-mmes.

Le soir, je fus convi un dner chez lAmbassadeur du Maroc, Mehdi Mimoun, en


prsence du Secrtaire Gnral du Ministre du Plan, des Directeurs Gnraux des Mines
et de lHydraulique et de Nachit.

Tard, sur insistance de Nachit, nous avons t dans un chantier, restaurant


typiquement camerounais o lon nous avait servi du poulet brais.

Au 5 et dernier jour, le matin, javais rencontr dans lascenseur le grand chef


musulman du nord Cameroun, les griots ses pieds, se rendant au Palais des Congrs
pour participer aux derniers travaux de la Confrence Nationale.

Venez chez nous au Nord, vous tes mon invit, nous vous ferons visiter nos
gisements miniers. Le Maroc est un grand pays, cest un exemple pour nous , dit-il.

En fin de matine, quittant le Hilton sans me, aprs la frnsie des jours du
Sminaire, en compagnie dun cadre franais de la Cameroun Air Lines, guids par Nachit,
nous avons fait le tour de tous les centres dintrt de Yaound.

Aprs un djeuner familial chez Nachit, dans le quartier diplomatique, une visite
dadieu lAmbassadeur du Maroc, trs heureux de me montrer les ralisations la
chancellerie, et un passage rapide au quartier musulman, javais rejoint laroport dans le
vacarme et le trafic intense dune soire de week end.

Nachit avait tenu maccompagner jusqu la passerelle de lavion en partance sur


Douala, o lescale, avant le vol sur Paris, le PDG de Cameroun Air Lines (que javais
connu lors du vol Paris-Douala) et son pouse taient venus me saluer et moffrir des
fruits exotiques.

Le voyage au Cameroun, malgr sa priode courte, fut enrichissant, mais avait


permis de donner aux autres Africains une relle ide de notre pays.

387
De nouveau en Mauritanie
Avant la mission
Ds le retour du Cameroun, il fallait assurer le suivi et la coordination de la
Commission de reconversion des Charbonnages du Maroc (CDM) qui butte sur le
dploiement et lindemnisation du personnel.

Mais dans ce contexte, lEtat tait dispos faire leffort ncessaire pour que la
fermeture de la mine intervienne avec le minimum de retombes ngatives.

Plusieurs scnarios furent examins pour essayer de fixer le maximum dagents dans
lOriental travers la cration dactivits lies larboriculture, la mcanique, lartisanat
et le btiment.

En novembre 1991, Madrid, javais particip au conseil dadministration


exceptionnel de la SACEM en dehors du Maroc.

Par la suite, en compagnie de Lhatoute, nous avons tenu des runions avec le Groupe
ADARO associ avec le BRPM dans ltude de mise en valeur du gisement de perlite de
Tidiennit (rgion de Nador), et avec le Directeur Gnral des Mines dEspagne pour
examiner les possibilits de coopration dans le domaines des activits minires et
paraminires.

Nous avons retrouv lEspagne en pleine mutation, ambitieuse aprs avoir organis
lExposition Universelle Sville, les Jeux Olympiques de Barcelone et le Congrs Minier
Madrid en labsence des grands pays miniers comme les Etats-Unis, le Canada et
lAustralie.

Mais en Espagne, linstar des autres pays de la communaut europenne, la vie


tait chre, avec comme corollaire linscurit.

Aprs Madrid, javais rejoins Paris, invit pour faire un expos sur les projets
dinfrastructure minire et gologique dans les pays de lUMA, dans le cadre dun colloque
organis lHtel Luttia par le Cabinet Nord Sud Exports.

Lors de cette rencontre, javais dclar notamment :

Le Maghreb est entr dans une nouvelle dynamique sur des assises que nous
souhaitons durables et prennes,

Au plan minier, une action concerte des pays de cette zone, est de nature
promouvoir la recherche, lexploitation et la valorisation des produits,

Si les performances du systme productif sont fonction du choix de leur mise en


uvre, elles sont dabord avant tout dpendantes des entreprises elles-mmes, de la
formation et du perfectionnement des hommes et des femmes qui y travaillent,

Au niveau des cots des matires premires minrales, nous constatons de nos jours
que la baisse succde la baisse, et que certains pays dans une confusion gnrale,
coulent leurs productions pour engranger des devises,

Au Maghreb, malgr la sinistrose qui svit dans certains milieux internationaux et


sans tre ivres de mots, nous pouvons continuer croire en la mine et en ses vertus et
prendre des mesures pour combler le gap qui nous spare de ceux qui ont dj le pied
dans le futur , et ce, dans le cadre de la diversification, suivie dune solide organisation
et des prix de revient raisonnables.

388
La confrence, daprs les chos qui mtaient parvenus, avait beaucoup
impressionn et enchant les participants.
****
Le dernier trimestre de lanne 1991 stait achev avec notamment, avec la visite du
Projet de Hajar par les cadres de la Direction des Mines, et la tenue :

-des conseils dadministration des diffrentes socits minires du BRPM et de lONA,


enregistrant encore une fois des rsultats satisfaisants, mais surtout linstallation dun
vritable de esprit de coopration franche et amicale entre les deux Groupes miniers,

-du dernier Comit de Direction de la CADETAF perturb par le mauvais temps ayant svi
dans les provinces de Figuig et Errachidia, et empchant les reprsentants des artisans
mineurs dassister aux runions,

-du sminaire avec le Bureau International du Travail (BIT) consacr la sensibilisation


du personnel et des entreprises minires aux problmes de lutte contre les risques
professionnels,

-de la runion ordinaire de la Commission Nationale des Explosifs pour examiner


loprabilit de la circulaire organisant la production, le transport, le stockage et
lutilisation des explosifs et accessoires de tir,

-des travaux de la commission parlementaire pour lexamen et lapprobation du projet de


Budget du Dpartement pour lexercice 1992, dans une ambiance de morosit par suite de
labsence des grands tnors des partis.

***
Lanne 1992 avait dmarr avec la mise en place en janvier des cellules de suivi de
lactivit de la Direction des Mines, visant renforcer, coordonner et mieux structurer nos
interventions, responsabiliser davantage les cadres dans la mise en uvre de notre plan
dactions.

Des grves dans le secteur minier furent dclenches par les centrales syndicales de
lopposition (CDT et UGTM) pour revendiquer des augmentations de salaires juges
insenses par le patronat.

Mais lobjectif en anne lectorale tait de tester lampleur de limplantation de


chaque syndicat au sein de la famille minire.

La disparition du leader de lUnion Socialiste des Forces Populaires (USFP),


Abderrahim Bouabid, tait venue assombrir le climat gnral dans le pays, aggrave par
les prmices dune mauvaise rcolte agricole par suite de linsuffisance et de la faiblesse
des prcipitations de pluie.

A fin janvier 1992, javais assist Goulmima deux runions consacres au


dveloppement de mon village natal, retrouvant de vieux amis, tous anims du dsir de
faire quelque chose pour Goulmima, loin des arcanes politiciennes, des mdisances et
des vises lectoralistes.

Dbut fvrier 1992, javais effectu un dplacement Casablanca, pour essayer


damliorer les relations entre lOCP et les syndicats phosphatiers, sans succs notable,
car lOCP maintenait toujours sa position de ne ngocier que dans le cadre des
commissions du statut et du personnel dfinies par le texte du statut du mineur.

A SEFERIF, la situation stait dgrade malgr la nomination dun nouveau


responsable Chouhou, originaire du Rif
La fermeture de lune des plus anciennes mines du Maroc tait dactualit, et comme
pour les Charbonnages du Maroc, il fallait se rsoudre une triste dcision.

389
Au mois davril 1992, nous avons, dans le cadre de nos excellentes relations avec le
PNUD et la CNUCED, particip lorganisation et lanimation du sminaire Ouarzazate
consacr lexamen des ressources minires en Afrique et auquel plusieurs pays africains
avaient dlgu dminents reprsentants.

Aprs le sminaire, en compagnie de Bensad, Directeur de la Gologie et Ali Bennani,


Secrtaire Gnral du BRPM, nous avons entrepris une tourne dans le secteur du Bani,
en passant successivement Foum Zguid, Tissint, Tata, Anguerf prs dAkka (chantier de
recherche dor du BRPM), Addana, avant de rentrer Agadir en passant par Foum el
Hassan, Taghjicht et Tiznit.

A Addana, nous nous sommes longuement arrts pour dcouvrir lancienne mine de
plomb argentifre sur la route des caravanes vers le nord.

Addana, chre lancien ministre Moussa Saadi, dcrite par les historiens El Yacoubi
(9 sicle) et El Bekri (11 sicle), renferme les vestiges de lancienne ville de Tamdoult,
et fut un centre de ravitaillement en argent et en cuivre pour les Carthaginois et les
Berbres Kounta de Kairouan (Tunisie).

La minralisation de galne argentifre, encaisse dans les cassures, tait exploite


depuis des sicles dans des centaines de puits par les habitants des localits de
Touzounine et Igdi dans le cadre du rgime du droit coutumier.

En 1949, malgr les nombreuses tentatives de saffranchir du droit coutumier, la


socit Penarroya avait fini par acheter la production aux artisans, relaye par la suite par
des permissionnaires nationaux intresss surtout par les tonnages dalquifoux (plomb
argentifre).

En 1979, la production atteignait 3.000 tonnes de minerai de plomb avec un effectif


de 350 personnes.

Fin mai 1992, javais particip au Congrs minier de Madrid, boycott par les grands
barons de la mine, les Etats-Unis, le Canada, lAustralie, lAfrique du Sud, le Chili et le
Prou.

En Mauritanie
Immdiatement aprs mon retour Rabat, je fus appel aller en mission en
Mauritanie pour participer aux travaux des experts des Commissions Energie, Mines et
Gologie charges de la prparation de la runion des Ministres de lUMA, et
accessoirement pour visiter de la mine dor dAkjoujt.

Le 1er juin 1992, aprs un vol de Casablanca par Fokker 28 dAir Mauritanie, nous
sommes arrivs Nouakchott, aprs une escale Nouadhibou au cours de laquelle jeus le
grand plaisir de rencontrer Heyine, Directeur Gnral de la SNIM.

Logs sommairement lHtel El Amane, gr par un couple franais, nous fmes


invits, avec la dlgation algrienne, un dner dans un restaurant libanais.

Le lendemain, suite une subtile attention de Heyine, Baham reprsentant de la


SNIM Nouakchott tait venu me dplacer lHtel Marhaba, plus slect, tout en mettant
ma disposition un vhicule.

Aprs le dmarrage des travaux des Commissions la Chambre de Commerce et


dIndustrie, sous la prsidence du Secrtaire Gnral du Ministre de lEnergie, les
Mineurs et les Gologues sont alls poursuivre leurs travaux lOffice Mauritanien de la
Recherche et de la Gologie.

390
La partie marocaine qui venait dachever une anne de prsidence de la Commission
Mines et Gologie, proposa dexaminer le rapport bilan qui fut adopt aprs quelques
modifications mineures, le consensus stant fait autour dune plateforme commune.

Aprs un djeuner lHtel Al Amane, rput pour ses crustacs, les travaux avaient
repris 15H30, dans le dsordre total, les Mauritaniens dbords prfrant laisser
lorganisation des runions aux bons soins des membres des commissions.

Le soir, je fus convi par la SNIM un dner sous la tente, offert par lEcole de
Formation Professionnelle de la Socit Nationale dElectricit, auquel avaient particip
des membres du Fonds Arabe de Dveloppement Economique et Social.

Au 2 jour, tt, avec Guerrak, nous sommes alls la mine dor dAkjoujt 250 km au
nord ouest de Nouakchott, guids par Ould Rajel, Directeur Gnral de lOffice de la
Gologie, ancien Ministre des Mines.

La route dAkjoujt, asphalte au dpart de Nouakchott, avait pratiquement disparu


sous les coups de boutoir des vents de sable et du manque dentretien, contraignant le
chauffeur suivre la piste parallle sur la hamada.

Dans le dsert plat, caillouteux et couvert dpineux, nous avons rencontr


dimmenses troupeaux de chameaux, de chvres et de moutons.

Cest exceptionnel cette anne, nous avons eu de la pluie et les pturages ont t
revivifis , nous dit Ould Rajel, drap dans son boubou bleu.

Au lever du jour, une centaine de kilomtres de la capitale mauritanienne, parmi les


dunes de sable, nous avons marqu une pause petit djeuner.

Aprs une deuxime halte dans un baraquement en tle ondule, transform en caf
maure pour servir le th et les denres de premire ncessit, nous sommes arrivs
10H30 Akjoujt, localit connue pour son gisement de cuivre aurifre.

Aprs une visite de courtoisie au sous-prfet dans ses bureaux miteux et ensabls,
nous avons rejoint la zone de travaux, accueillis par le Directeur australien du centre et
un personnage mauritanien, trs discret.

Cest lancien Ministre des Finances du Prsident Louly, devenu agent conseiller de
la mine , dit Ould Rajel, insinuant que la Mauritanie est le seul pays o danciens hauts
responsables peuvent tre rtrograds des postes subalternes.

Larrivisme et le superficiel ne font pas bon mnage avec le monde maure, simple et
peu enclin lostentation.

Aprs des explications fournies par lAustralien, nous avons retenu quaprs la
priode dexploitation du minerai oxyd et la mise en service dcevante du Procd Torco
(calcination du minerai au charbon pour le rendre flottable), lactivit avait repris en
association avec lArab Mining Company, mais stait solde par un chec cuisant, et les
apports dactionnaires (40 millions de dollars) engloutis sans explications et justifications
par les gestionnaires.

La socit MORAK, associant les Australiens, la SFI et la Mauritanie, avait repris


lensemble du dossier et la gestion confie un groupe australien.

Dans une premire phase, aprs un investissement complmentaire de 15 millions de


dollars, lexploitation des haldes, rsidus du procd TORCO (2,5 millions de tonnes 3/
5g dor) devrait permettre, durant 5 ans, de produire annuellement 1,5 tonne dor sous
forme de mtal dor transform lextrieur.

Les travaux taient orients vers la mise en valeur par flottation des rserves en
place, estimes 20 millions de tonnes 1,5% de cuivre et 2/3 g dor.

391
La rhabilitation de lancienne usine TORCO devrait intervenir aprs quelques
transformations, le matriel en place (usine TORCO, pelles, sondeuses, camions, pelles)
tant encore en relatif bon tat, en nayant pas subi les effets de la corrosion en zone
dsertique.

Nous avons visit les installations de traitement des haldes (criblage, broyage,
paississement, cyanuration avec ajout dammoniaque et activation au charbon).

La partie fusion des concentrs tant secrte, nous navons pas insist pour ne pas
importuner nos htes discrets et distants, mais affables.

Lexploitation employait 85 personnes dont 7 expatris anglophones ; pas de cadres


mauritaniens car les contacts avec les autorits locales taient tendus, par suite de
nombreuses interventions et pressions de ces dernires.

Je suis pay pour produire de lor au moindre cot dans le respect des accords
conclus avec le gouvernement mauritanien ; je ne puis droger la rgle sans porter
atteinte aux droits de notre socit qui a consenti dimportants investissements pour
ractiver le centre minier , nous fit remarquer juste titre le directeur australien du
centre.

Ould Rajel avait repris :

Akjoujt est un dbut et sera un exemple, il y va de la crdibilit de notre pays si


lon veut faire venir dautres investisseurs extrieurs .

Aprs une visite aux anciennes carrires, lusine TORCO et la digue striles,
amnage pour viter toute pollution de la nappe phratique par les produits cyanurs,
nous avons t convis chaleureusement un djeuner servi par un chef kenyan dans
lancien foyer sommairement amnag.

Nous avons quitt Akjoujt vers 14H, aprs avoir embarqu avec nous une jeune
femme et son bb, de la famille du sous-prfet.

Le trajet de retour stait effectu dans de bonnes conditions, avec un arrt au


monument commmorant la bataille pour Nouakchott, ayant oppos, au dbut du 20
sicle, larme franaise aux tribus maures de la rgion.

Le soir, Ould Rajel nous invita dner chez lui, dans un quartier commerant de
Nouakchott o il habitait avec ses parents et ses proches.

Le mme soir, aprs lannonce de la participation du Ministre Alaoui au Forum


Mondial sur lEnvironnement et le Dveloppement au Brsil, Rio de Janeiro, je fus
charg de prsider la dlgation marocaine, assist pour loccasion de Youssef Lamrani,
chef du Cabinet du Ministre.

Au 4 jour, les travaux du Conseil des Ministres de lUMA furent ouverts au salon de
lHtel Novotel par les discours des chefs de dlgation, suivis de lexamen et de
lapprobation, sans discussion, des documents prpars par les experts, laissant le soin au
Comit de rdaction de mettre au point les textes dfinitifs.

Les chefs de dlgation furent conduits 12H30 au Palais prsidentiel, simple difice
entour dun grand jardin ensabl, en plein centre de Nouakchott, pour tre reus par le
Prsident Ould Taya.

Le Prsident, aprs des souhaits de bienvenue et quelques gnralits sur lUMA,


sadressa nous calmement :

392
Les chefs dEtat conoivent les choses politiquement ; vous, les techniciens, vous devez
les transformer en ralits palpables, et cest le plus important .

Le Ministre libyen, le plus ancien et le plus prolixe, avait enchan par des banalits
philosophiques, que le Prsident semblait ne pas couter.

Aprs un quart dheure, nous avons pris cong aussi simplement que nous avons t
reus.

Mes salutations fraternelles Sa Majest le Roi , mavait dit le Prsident.

A 18H30, les travaux furent clturs par la lecture du procs verbal et des
recommandations, sans relle grande porte.

Aprs une visite au port artisanal avec Guerrak et Ould Rajel, nous avons particip
un dner offert par le Ministre mauritanien de lEnergie en lhonneur des dlgations,
anim par une troupe folklorique de grande notorit en Mauritanie.

Au dernier jour, Heyine tait venu nous rendre visite au Novotel abritant les
reprsentants du Conseil Maghrbin des Chemins de Fer, invits de la SNIM.

Laprs-midi, nous avons gagn laroport pour embarquer dans un cafouillis


gnralis pour Casablanca, bord du vol RAM en provenance de Bamako.

Lintrt de cette mission fut pour la partie marocaine, assurant la prsidence :

- davoir permis les retrouvailles avec les collgues maghrbins pour les sensibiliser sur
les travaux des prochaines runions de la Commission Mines et Gologie et des groupes
spcialiss,

- davoir eu lopportunit de visiter la mine dAkjoujt o se dveloppait un important


projet dexploitation dor dans le cadre dune socit mixte.

393
Dnouement de grve Imiter
Au retour de Mauritanie, avec Lamrani, du Cabinet du Ministre, nous avons assist
une runion aux Ministre du Commerce et de lIndustrie, consacre la prparation de
lAssemble des Ministres arabes de lIndustrie et des Mines qui devra entriner la
dcision de transfert du sige de lOrganisation Arabe de lIndustrie et des Mines (OADIM)
de Bagdad Rabat.

Cette opration devrait se traduire par la dsignation du Directeur Gnral de


lOADIM, poste probablement attribuer un Marocain.

Une sortie suivra la mine de Sel Mohammedia pour faire connatre la Commission
des Explosifs les problmes de stockage dans une mine plus de 400m de profondeur,
proche de Rabat.
***
Le 11 juin 1992, sur dcision toute personnelle, alors que le Ministre tait en mission
lextrieur et le Directeur Gnral du BRPM en plerinage La Mekke, javais dcid
dengager, sur les lieux la mine dImitez, une dernire tentative de conciliation pour
mettre un terme la plus longue grve dans le secteur minier qui perdurait depuis
janvier.

A Imiter, les syndicats avaient dcid de jouer leur crdibilit.

La SMI, de son ct, avait refus de cder leur chantage, estimant avoir dj fait
assez de concessions en ramnageant les salaires et en crant sur les lieux la mine et
Tinerhir, des conditions de vie sans gal ailleurs dans le secteur minier.

Plusieurs runions de conciliation, lchelon provincial Ouarzazate et au BRPM,


staient soldes par des checs, suivies par la dgradation de la situation la cit
minire de Tinerhir, avec des agressions caractrises contre des responsables locaux et
des mouvements de foule de plus en plus vhments, dans une ambiance malsaine et
propice des dbordements incontrlables.

Des attaques directes et des insultes furent profres publiquement envers les
responsables du BRPM, accuss de tous les maux et de toutes les turpitudes.

La situation est dgrade Imiter, il faut un sursaut salutaire pour dnouer la


crise ; faites quelque chose, vous tes le seul que le personnel respecte, pour lavoir
longtemps dirig et compris , ai-je entendu plusieurs reprises autour de moi, au BRPM,
au Ministre et de la part dmissaires discrets de la mine.

Dans cette ambiance, quelque peu malsaine, le Secrtaire Gnral du BRPM, Ali
Benani, et le Directeur Technique, Louali, mavaient accompagn sur les lieux du conflit
social, avec le ferme espoir den finir une fois pour toutes avant lAd el Adha, dans trois
jours.

Dans lavion vers Ouarzazate, nous avons rencontr le Gouverneur Sadaoui,


compltement dtach de la situation Imiter, malgr ses apparences de fermet et de
dtermination mettre fin une longue grve dans sa province.

Notre mission ne lui semblait pas de nature calmer les esprits excits.

Ds lors, nous avons compris que la solution de la crise tait entre nos mains et nos
mains seules, celles de la Direction des Mines et du Groupe BRPM, et que nous devrions
agir sans en rfrer constamment aux autorits provinciales.

A notre arrive Imiter, nous fmes chaleureusement accueillis, et sans acrimonie,


par tous les protagonistes, signe dun rel indice de dnouement de la crise qui
commenait exacerber la population de la cit minire Tinerhir.

394
Dans les bureaux de lexploitation, en prsence des autorits de Tinerhir, la runion
avec les dlgus syndicaux et les responsables locaux de la SMI, stait ouverte dans une
ambiance responsable, dcontracte et sans animosit apparente.

Dans mon intervention prliminaire, javais signal que notre venue avait t dcide
aprs mre rflexion et concertation avec les responsables du Groupe BRPM, et que notre
souhait tait de voir lactivit reprendre Imiter au plus vite, loignant les ressentiments
dans un sursaut de responsabilit partage.

Javais demand aux deux parties de faire table rase du pass, doeuvrer pour
assurer lavenir dImiter dans un esprit de dialogue et dapporter des solutions rapides
aux problmes quotidiens.

Cela vitera des jours de malheur, de dsolation et dincomprhension, susceptibles


de perturber la prennit dune exploitation, fleuron de la mine mtallique nationale et
sources de revenus pour les collectivits locale et rgionale.

Nous apprcions votre initiative, nous vous faisons confiance et saluons tout
particulirement lintrt accord par lancien dirigeant dImiter et le dfenseur connu
des causes justes , dit un des dlgus syndicaux en sadressant moi.

Ma venue la mine, dont je suis un des premiers promoteurs avec Bouchta et


Smeykal aprs le retrait de lONA en 1975, mon intervention et les discussions franches,
amicales et rigoureuses furent chaleureusement accueillies par tous.

En lespace de trois heures de discussions serres et dexplications claires et


transparentes de part et dautre, le climat de suspicion avait disparu, le mur de la haine et
de lincomprhension stait croul, les points de vue staient rapprochs, et la
concorde rinstalle dans les esprits et les curs.

Aprs quelques joutes oratoires de dernire minute des syndicalistes, laccord entre
les parties stait fait autour dune plateforme consensuelle, concrtise par un protocole
mis au point avec diligence et clrit, avant la fin de la journe.

Avant de regagner le foyer de la SMI Tinerhir, o se tiendra la crmonie de


signature de laccord mettant fin au mouvement social, nous avons visit les carrires
dexploitation et les installations du jour, larrt depuis des mois.

Cest toujours triste et dsolant un centre minier en sous activit.

Mais pour Imiter, ce fut rconfortant de savoir que sous peu, le bruit des engins allait
envahir de nouveau cette contre endormie durant une longue priode, et que les
moments de tension et daffrontements verbaux taient jamais rvolus.

En rejoignant la cit minire Tinerhir, lentre du foyer, des attroupements de


personnes de tous ges avaient commenc se former, les visages staient dcrisps et
illumins, comme pour oublier le cauchemar de larrt dactivit.

Pour ma part, je fus heureux et content de partager ces moments de srnit


retrouve aprs une longue priode de tension, de ressentiments, danathmes et de
dbordements jusque l inconnus Imiter.

Vers 19H30, au foyer, ce furent les retrouvailles mouvantes de tous les acteurs au
conflit social, en prsence dune grande foule, pour consacrer la fin dun vritable calvaire
pour les familles et dun triste record de grve dans le secteur minier.

Le protocole daccord, prpar et photocopi, tait fin prt pour la crmonie


organise par les syndicats et les reprsentants du personnel.

395
Aprs le paraphe et la signature des documents, javais tenu souligner la grande
porte de lvnement et limmense bonheur que nous prouvions tous voir lactivit
reprendre et la concorde se rinstaurer lexploitation dImiter.

Il ny a ni vainqueur ni vaincu, la victoire de la raison et de la responsabilit a


prvalu, ai-je dclar dans leuphorie gnralise et inoubliable.

A la cit minire, aprs ce dnouement heureux, la fte stait installe et au loin on


entendait les youyous des femmes et les cris de joie des enfants pour commmorer ce
grand jour, comme si Imiter renaissait.

Nous avons rcit ensemble la Fatiha, pour enterrer la hache de guerre et entamer
une nouvelle phase de travail, srieux, responsable et productif.

Nous avons, avant notre dpart sur Rabat, insist auprs des cadres et des agents de
matrise, sur la ncessit de reprendre lactivit sans esprit revanchard ou de reprsailles,
et sur leur devoir dencadrement et de sensibilisation du personnel pour assurer la
prennit de la mine et de la communaut dImiter.

Nous avons quitt Tinerhir, tard, avec un pincement au cur de ne pas pouvoir
assister la fte qui battait son plein, amplifie par les festivits de lAd el Adha.
***
Les dcisions prises furent effectivement appliques et lactivit Imiter avait repris
normalement deux jours aprs notre passage historique.

Revenant de La Mekke, le Directeur Gnral du BRPM fut soulag dun lourd fardeau
qui avait obr la trsorerie de la SMI pour quelque temps.

De ce pnible pisode Imiter on peut tirer la conclusion que le dialogue


permanent, honnte, transparent, loin des menes dmagogiques, est indispensable pour
assurer la prennit de toute activit humaine .
****
Aprs lAd El Adha, une runion la Direction des Mines avec les reprsentants de la
CDT et lUGTM dans le secteur des phosphates, avait essay de dtendre comme Imiter,
latmosphre Youssoufia et Khouribga, perturbe par des mouvements sociaux
rcurrents.

Contrairement sa position inflexible des mois prcdents, lOCP avait dcid


dassouplir sa position et de trouver une solution partielle aux problmes poss par les
centrales syndicales

Quelques jours aprs, jtais appel reprsenter le secteur minier au sein dune
dlgation conomique se rendant en Afrique du Sud.

396
Deuxime voyage en Afrique du Sud
Dans le cadre de la promotion des changes bilatraux, je fus appel la fin de juin
1992, en tant que reprsentant du secteur minier, participer une mission
multidisciplinaire en Afrique du Sud, pilote par le Centre Marocain de Promotion des
Exportations (CMPE),

Aprs notre mmorable priple de lt 1990, avec le Directeur de la Gologie,


Mohammed Bensad, je ne pensais pas de sitt retourner en Afrique du Sud.

Avec la fin de lApartheid et la nomination des Chargs des intrts, Rabat et


Pretoria, le courant daffaires entre nos deux pays stait sensiblement acclr.

Mostert, reprsentant de la Rpublique Sud Africaine, tait venu rendre une visite de
courtoisie au Ministre, Fettah, et linviter visiter son pays.

Sad Benriyane, connu Genve loccasion des missions auprs du BIT et des
runions du Groupe du Plomb et du Zinc, tait install Pretoria depuis trois mois comme
charg des intrts marocains.

Aprs la visite Pretoria du Ministre des Affaires Etrangres et de la Coopration,


Abdellatif Filali, Sad Benriyane avait su imprimer la coopration maroco-sud africaine
une dynamique particulire, se traduisant par linvitation dune dlgation dhommes
daffaires marocains pour explorer les possibilits de coopration entre les deux pays.

La dlgation prside par Mounir Bensad, Directeur Gnral du CMPE, comprenait


le Directeur Gnral de lOffice de Commercialisation et dExportations, Guessous, le
Prsident de lAssociation des Conserveurs de Poissons, Doghmi, le Prsident de
lAssociation des Agences de Voyage, Lahbabi, le Directeur Adjoint de la Compagnie
Nationale de Navigation, Bouassaba, un reprsentant des Producteurs de Textiles, Atfi et
un reprsentant du Ministre des Investissements Extrieurs, Bouhali, et moi-mme,
comme reprsentant du secteur minier.

La mission tant lance au mois de juin 1992 dans la prcipitation, les participants
avaient rejoint Johannesburg en ordre dispers, par Zurich (vol Swissair non stop) ou par
Paris (vol UTA avec stop Brazzaville).

Pour ma part, javais opt pour la voie parisienne.

Le vol UTA 438, en Boeing 747 Combi, tait parti de Paris 23H25, pour atterrir le
lendemain Johannesburg 11H20, lheure prvue, aprs un arrt Brazzaville et le
survol des villes de Luanda et Momo en Angola.

A laroport Jan Smuts, agrandi pour accueillir les avions de tous les continents,
aprs la leve de lembargo et le dmantlement de lApartheid, les formalits de police et
de douane furent rapidement accomplies.

Des reprsentants de la mission marocaine Pretoria taient chargs daccueillir les


participants et de les conduire lHtel Sandton Sun, dans le quartier rsidentiel sur les
hauteurs dominant limmense cit de Johannesburg.

Immdiatement aprs mon installation et un contact tlphonique avec Benriyane,


javais rejoint les autres collgues, arrivs de Zurich quatre heures plus tt, pour
participer un safari Sun City 150 km de Pretoria.

En compagnie dun agent de scurit de la mission du Maroc, nous avons travers


successivement de belles zones de villgiature pour Blancs, des homelands dlabrs pour
Noirs, avant darriver Sun City, au milieu dun immense parc plant dacacias, avec des
espaces verts et des lacs demi desschs.

397
A lentre du parc, un gigantesque complexe htelier, avec ses casinos et ses
immenses corridors de machines sous, rappelait trangement Las Vegas.

Non loin, un projet damnagement du crater dun ancien volcan tait en cours de
ralisation, les autorits voulant transformer cette zone en un lieu de villgiature, capable
de rivaliser avec les centres de Disney aux Etats-Unis.

Un prpos lhtel nous avait conduits en jeep pour rattraper nos camarades
lentre du circuit du safari.

En vhicule tout terrain, nous avons effectu notre randonne dans une ambiance
dtendue pour voir de prs des troupeaux dantilopes, zbres, phacochres, girafes, lans
et rhinocros.

Notre conducteur guide, un jeune noir, nous avait entretenus, de manire


approfondie, de lhistoire de la rgion et du parc.

Les lions ont t retirs dici parce que lon a craint pour la vie des populations du
secteur et du personnel affect aux travaux damnagement du complexe touristique ,
nous signala notre guide quelque peu apeur.

Nous avons rencontr des groupes de visiteurs, venus comme nous, se dpayser dans
ce coin de nature enchanteur, avant de regagner lhtel pour nous engouffrer dans le
ddale des machines sous et des spectacles de tous genres.

Nous avons termin notre soire la pizzeria du coin avant de rejoindre


Johannesburg, trs tard la nuit.

Au deuxime jour, tout le monde tait l pour rejoindre en taxi et en minibus, le


centre de confrences du Club Mgawatt relevant de la socit de llectricit, o sur les
greens, des personnes du troisime ge sexeraient la pelote et au golf.

La sance plnire, organise avec le concours de la Chambre de Commerce de


Johannesburg, avait regroup avec nous une cinquantaine dhommes daffaires sud
africains de toutes les races, signe douverture au bastion de la sgrgation.

Alors qutaient projets des films sur lactivit conomique marocaine, nous nous
tions successivement prsents et relays pour permettre nos interlocuteurs de noter
et fixer leurs centres dintrts.

Pour ma part, je fus mis contribution pour exposer sur le secteur minier et
rpondre des questions et des demandes dclaircissements de plusieurs hommes
daffaires intresss par des changes en matire de charbon, phosphates, quipements
miniers et nergtiques.

Javais tenu, pour loccasion, souligner et expliquer le but exploratoire de notre


mission, susceptible dtre suivie par dautres dplacements plus spcifiques.

Mes collgues, quant eux, eurent le loisir daborder les problmes lis au tourisme,
aux transports maritimes, la collaboration en matire de conserves de poissons et
lgumes, de conditionnement et dencouragement aux investissements.

Cette premire prise de contact, amicale, fut suivie dune confrence de presse et
dinterviews particulires, puis clture par la signature dun protocole daccord entre le
CMPE et la South African Trade Organisation (SAFTO).

Un cocktail dans les salons de Megawatt Club, en prsence de journalistes et


columnists de la presse crite et de la tlvision, venus sonder la temprature du premier
contact avec les Africains du Nord, cltura ce premier contact.

398
Benriyane tait aux anges, satisfait de cette premire sance de travail visant
mieux faire connatre notre pays.

En dbut daprs midi, nous avons t accueillis la South African Chamber of


Business, association dhommes daffaires blancs, par le Prsident et ses collaborateurs
enchants de nous recevoir et de constater avec candeur que leur pays ntait plus clou
au pilori de la communaut internationale.

Le soir, aprs une visite au Palais du Gouvernement Pretoria, nous avons particip
une grande rception organise par Benriyane dans les salons du Burgers Hotel, o nous
avons log en 1990 avec le Directeur de la Gologie, Mohamed Bensad.

Il y avait laffluence des grandes occasions, avec tout le gratin des hommes daffaires
venus dguster les couscous, les tajines et les mchouis prpars par le personnel de la
lgation marocaine en Afrique du Sud.

Les membres de la Dlgation marocaine furent rpartis entre les diffrentes tables
pour mieux faire connatre le Maroc travers ses multiples potentialits et sa politique
douverture et de dialogue.

Javais retrouv mes amis sud africains, Dr Frick et Hernan, heureux de renouer le
contact et de constater que les souhaits exprims ensemble en 1990, taient sur la voie
de la concrtisation, au bnfice de tous.

Nous avons discut de la situation en Afrique du Sud et convenu que les meilleurs
esprits sont ceux qui se refusent aux dlices du pessimisme et de loptimisme primaires,
nos htes sachant que le temps viendra o leur pays sera une contre de cohabitation
fraternelle avec les exclus dhier, les Noirs.

Une fois tourne la page de ce double dsastre que furent le racisme et lApartheid,
une rvolution culturelle des esprits sera le prlude lavnement des lumires sud
africaines , me dit un voisin de table.

La rception, russie sous tous les aspects, se termina tard la nuit dans leuphorie
des retrouvailles.

Hernan et son pouse, pour me renouveler leur amiti, mavaient raccompagn


lhtel Sandton Sun Johannesburg.

Au 3 jour, avec Benriyane, alors que les autres collgues taient partis la
dcouverte de la ville, nous avons longuement fln travers limmense centre
commercial attenant lHtel Sandton pour constater le degr dvolution de ce pays o
la mixit des races tait de plus en plus voyante.

En dbut daprs midi, javais rejoint le Geological Survey Pretoria pour une sance
de travail avec Dr Frick et ses collaborateurs.

Comme en 1990, le drapeau marocain flottait lentre du btiment pour marquer la


grande considration pour notre pays et le prix attach par nos htes notre coopration.

Avec Dr Frick, nous avons convenu de travailler, autant que possible, ensemble dans
les pays francophones (Mali, Guine, Burkina, Cte dIvoire), notamment dans la
prospection et la recherche minires des mtaux prcieux et rares.

Jtais rcemment au Mali pour examiner les potentialits aurifres de ce pays ; l


bas, il y a beaucoup faire en coordination avec le Maroc, pour aider ce pays mettre en
valeur ses ressources minires , me dit Dr Frick.

LAfrique du Sud avait commenc pntrer lAfrique au sud du Sahara, intresse


par les mines dor et de diamants du Mali, pays ayant autoris le survol de son territoire

399
par la South African Airways, et par un mouvement daffaires en Cte dIvoire, au Gabon
et au Cameroun, chasse garde de la France.

Aprs le Geological Survey, Dr Frick mavait accompagn au Ministre des Affaires


Etrangres pour rejoindre mes collgues pour une ultime runion avec le Directeur
Charg des Affaires du Maghreb, un homme de grande stature, dorigine mtis, qui, aprs
avoir rappel lexcellent cho laiss par la visite de Filali et la publicit logieuse
consquente pour le Maroc, avait poursuivi calmement :

Le problme pineux est celui n de la violence, la lgislation en vigueur est


oriente vers le maintien de la paix civile et la constitution dune police nombreuse, 19
partis noirs ont maintenant leur place dans la vie politique du pays .

Nous avons compris que la confrence pour la dmocratie, communment appele la


CODESA, dmarre il y a cinq mois, pitinait aprs le retrait de lANC, suite aux rcents
massacres de Boipatong, alors que le Prsident De Klerk, poursuivant sa croisade de
dmantlement de lApartheid, avait saisi les Nations Unies pour marquer lirrversibilit
du processus de dmocratisation de son rgime.

La violence dcoule de lanimosit et des rivalits entre les ethnies noires zoulou
et xhosa ; elle nest pas dirige contre lEtat , avait poursuivi notre interlocuteur, trs
enchant de recevoir notre dlgation.

Aprs une lintervention de Bensad pour expliquer lobjectif de notre mission, le


responsable sud africain avait ajout comme pour conclure :

Le facteur croissance, tous azimuts, pour rduire les disparits entre les
composantes de la population, conditionne la vie de lAfrique du Sud .

Aprs cette runion, nous avons rejoint laroport Jan Smuts pour prendre le vol de
18 H en partance sur Durban et durant tout le vol jeus le plaisir de discuter avec un
homme daffaires sud africain blanc, franchement anti Apartheid.

Lre des Afrikaners ttus et obtus a fait son temps, notre pays a besoin de tous ses
fils blancs, noirs, mtis, indiens ; sans cela, ce grand et beau pays sera livr la
destruction et au chaos , me confia t-il.

A Durban
Nous sommes arrivs aprs une heure de vol Durban au Natal, belle et ancienne
ville sur la cte orientale en bordure de lOcan indien, lun des plus grands ports du
continent, avec ses docks et ses immenses quais pour recevoir des navires transbordeurs
et des porte -containers ctiers et de haute mer.

Aprs notre installation dans le plus grand palace de la ville Le Royal Hotel, nous
avons t invits un grand dner offert par la Groupement dhommes daffaires
musulmans de Durban, en prsence dun conseiller du Prsident De Klerk.

Dans un discours enflamm et trs engag, le Prsident du Groupement avait fait le


procs de lApartheid et salu le processus de dmocratisation en cours.

Nous avons longtemps souffert de la mainmise des Blancs sur tous les rouages de
lconomie. Aujourdhui, la Rpublique sud africaine doit entamer une mutation profonde
des esprits et des curs. Les comptences et le savoir ne sont pas lapanage dune race ,
dit-il avec beaucoup demphase.

Benriyane avait rpondu avec beaucoup dlgance pour marquer la position


courageuse du Maroc, tout en dnonant vigoureusement la sgrgation.

400
Nous avons retenu, aprs les nombreuses discussions avec nos htes, parmi lesquels
un avocat noir rencontr lan dernier Yaound au Cameroun, que lvolution vers une
Afrique du Sud plus dmocratique tait rellement en marche.

Si le processus a t longtemps retard, cest le fait dune minorit blanche


agissante, prte tout, jusqu appliquer la politique de la terre brle, dcide en
dcoudre pour perptuer ses privilges souvent exorbitants compars au dnuement de
la majorit des populations noires , me dit mon voisin de table.

Entre ces agissements du parti raciste de Terreblanche, Afrikaner dorigine huguenot,


le Sud Africain noir tait coinc entre sa part de vitalit et sa part de passivit, entre la
modernit, la tradition et le tribalisme encourag par la politique des home lands,
supporte par la minorit blanche.

Avec certains Blancs clairs, la discussion tait plus saine, car ils admettaient que
les progrs de la majorit noire, devraient ncessairement passer par lradication par
tape de larchasme et de la notion, encore ancre, dethnies.

La part dimpatience et de fbrilit remarque et enregistre travers les mdias,


nous avait sembl un signe de sant, face une certaine morbidit.

Au 4 jour, au petit djeuner servi avec raffinement et dlicatesse, du restaurant


panoramique nous avons admir Durban, avec sa merveilleuse baie, ses centres daffaires
et ses installations industrielles et portuaires.

Nous nous sommes promens, avec Benriyane et Bensad, pour dcouvrir une ville
grouillante dactivit, rappelant les grandes mtropoles dExtrme Orient, o se ctoient
les Noirs, les Blancs, les Indo-pakistanais.

En dbut daprs midi, nous avons visit une usine de textiles appartenant des
hommes daffaires dorigine indienne, rencontrs la veille la rception, au Royal Hotel,
descendants dimmigrants arrivs en 1860, qui nous avaient retenus un djeuner dans
la cantine de leur tablissement et fait visiter avec fiert leurs installations et leurs
ateliers de fabrication.

En fin daprs midi, avant de rejoindre laroport, une runion plnire nous avait
regroups avec la Chambre de Commerce de Durban pour examiner les possibilits de
coopration, accueillis par une jeune femme dorigine libanaise, laccent arabe gyptien,
toute enchante de nous servir.

A Cap Town
Nous sommes arrivs de nuit, aprs un vol de deux heures, accueillis avec des fleurs
et logs au Cap Sun, grand palace talant ses lambris, ses lustres, ses tapis et ses marbres
de toutes couleurs et de toute beaut.

Aprs notre installation, Benriyane nous avait convis un dner dans un grand
restaurant italien au port, le Green Delphin, dans une ambiance amicale, dcontracte et
toute mditerranenne.

Au 5 jour, tt le matin, du 26 tage, on avait devant nous un paysage ferique : la


Table Mountain culminant 500m, donne un cachet irrsistible la ville, lune des plus
belles du monde, o de vieux et gracieux immeubles dallure victorienne cohabitent avec
dimmenses buildings en verre ou en granite rose.

A Cap Town, ville de plus dun million dhabitants, tous les quartiers sont quelques
minutes de route de la campagne, incitant les Captiens en week end aller la fort de
New lands et sur la plage de Milnerton et Scarborough.

Le climat est idal malgr quelques nuages.

401
Il n y a pas de climat au Cap, il y a seulement la temprature ; le vent qui souffle de
tous les cts est le seul lment qui varie , disent les Captiens.

Au petit djeuner frugal, javais retrouv les amis, tous merveills par la ville,
certains dj presss pour aller flner et faire du ''lche vitrines''.

La veille, javais reu un message dun isralite dorigine marocaine, insistant pour
me rencontrer en tant que reprsentant du secteur de lnergie et des mines.

Tt le matin, aprs son rappel, je lui avais suggr de nous rejoindre lhtel.

Effectivement, il tait venu bord dune luxueuse voiture, tout heureux et excit de
retrouver des compatriotes.

Jai appris que vous tes l, je suis donc venu vous saluer et retrouver un peu de
mon pays et de ma ville natale Essaouira que jai quitte il y a trente ans , dit-il.

Il nous avait invits (Benriyane, Lahbabi et moi) aller visiter son usine de capteurs
solaires, Belleville, une quinzaine de kilomtres de Cap Town.

Sur place, il nous reut avec effusion avec le th la menthe, fier de nous prsenter
ses associs et collaborateurs, tout en parlant arabe avec nous.

Je revis en parlant du Maroc, je souhaiterais avoir un drapeau marocain pour


montrer ma triple appartenance , dit-il, les larmes aux yeux, alors que sur son bureau,
le drapeau sud africain ctoyait ltoile de David.

Benriyane lui avait promis de satisfaire son vu, lui conseillant de faire partie de
lAssociation des originaires du Maroc en Afrique du Sud.

En le quittant, tout mu, il avait tenu inviter toute la dlgation, le soir, dans une
discothque branche de Cap Town.

Enfin de matine, en groupe nous avons visit le Parlement, dun luxe raffin, tout de
marbre et de granit, guids par le Conseiller de DeKlerk rencontr deux jours auparavant
la runion Durban.

Lentre du Parlement tait troitement surveille, les appareils photos retenus


lentre par des gardes noirs imposants, comble dironie pour des prposs ne bnficiant
encore daucun droit civique !

Il faut rappeler pour mmoire quen Afrique du Sud, le sige du Parlement est
officiellement Cap Town (Province du Cap), la Prsidence de la Rpublique Pretoria
(Etat du Transvaal) et la Cour Suprme Bloemfontein (Etat dOrange).

Cette rpartition judicieuse des siges des corps constitus et reprsentatifs,


permettait de dpartager les Etats et Province (Cap), chacun jaloux de son autonomie ; le
4 Etat, le Natal, en contrepartie, fut ddommag financirement lpoque de la
constitution de lUnion Sud Africaine au dbut du 20 sicle.

Le Parlement, lu tous les 5 ans, se runissait au moins une fois par an, et tait
compose de trois chambres :

- LAssemble avec 178 dputs, dont 166 lus au suffrage direct par llectorat
blanc des quatre Etats et Province (Transvaal : 76 dputs, Province du Cap : 56 dputs,
Natal : 20 dputs et Orange : 14 dputs), 4 (un par province et Etat) nomms par le
Prsident de la Rpublique et 8, lus la proportionnelle des formations politiques,

- La Chambre des Reprsentants avec 85 dputs (80 lus au suffrage direct par
llectorat mtis ; Province du Cap : 60, Transvaal : 10, Natal : 5 et Orange : 5), 2
nomms par le Prsident de la Rpublique et 3 lus la proportionnelle,

402
- La Chambre des Dlgus avec 45 dputs dont 40 lus au suffrage direct par
llectorat indien (29 au Natal, 8 au Transvaal et 3 dans la Province du Cap) ; 2 nomms
par le Prsident de la Rpublique et 3 lus la proportionnelle.

Toutes les affaires concernant les Noirs relevaient exclusivement du Chef de lEtat,
les autres communauts exerant pleinement un pouvoir lgislatif et excutif sur leurs
affaires propres, sans ingrence possible, alors que les affaires dintrt gnral taient
discutes et approuves par les 3 Chambres.

En visitant ce haut lieu de lApartheid et de lexclusion de la majorit des habitants,


on pouvait dj se poser la question sur la prennit du rgime en place et du devenir de
lAfrique du Sud, en tant que pays domin par la minorit blanche.

La politique de tous les gouvernements sud africains de 1960 1985, a toujours


implicitement tabli que le dveloppement constitutionnel et politique des Noirs devrait
tre distinct de celui des Blancs nous lana un Sud Africain blanc.

Ce mme langage tait autrefois entretenu aux Etats-Unis par des groupes racistes
des Etats du Sud ; quelle volution depuis !

Mais avec larrive de DeKlerk, une volution grandiose stait opre ; une nouvelle
constitution prvoyant le partage du pouvoir entre les diffrentes communauts, sur la
base de la non domination dun groupe par un autre, tait en cours de ngociation.

Le changement des mentalits des Blancs a entran plusieurs rformes, la libert de


mouvement a t restaure, les Noirs ont dsormais le droit dacheter la terre et la
citoyennet sud africaine leur a t restitue.

La communaut noire tait en train de retrouver sa place au sein des conseils


rgionaux et des comits excutifs provinciaux ; la participation au niveau
gouvernemental local tait une affaire de temps.
Une nouvelle Constitution tait ngocie avec les groupements politiques ANC,
INKHATA, Parti National, PAC, Conservateurs dans le cadre de la CODESA.

Nous avons circul dans les immenses couloirs aux murs tapisss de portraits des
grands chantres de lApartheid, puis visit rapidement les salles de runion des
diffrentes Chambres (Blancs, Mtis, Indiens), chacune caractrise par une couleur
distincte, la salle des runions plnires tant aussi un autre signe dApartheid, chaque
race sigeant part.

Nous avons quitt le Parlement avec amertume, convaincus que ces installations
seront dsutes sous peu, car ralises par un systme politique surann, dans ses
derniers soubresauts.

Lvolution est rapide, votre prochaine visite, vous trouverez certainement


dautres structures , nous confia notre guide, apparemment sans regret.

Nous avons t convis djeuner dans un grand restaurant de la ville, par le


Secrtariat du Parlement et le Conseiller de DeKlerk.

Malgr le rgime dApartheid, la Province du Cap stait toujours singularise par


son libralisme et le brassage plus accentu de sa population , nous dit le Secrtaire du
Parlement, personne dun ge avanc qui a vcu les priodes des grands prsidents
sgrgationnistes Vorster, Werword et Botha.

Certains analystes de la situation se plaisaient affirmer avec morgue quen trois


annes de prsidence De Klerk, il y a plus de morts parmi les Noirs quen quarante ans
dApartheid ; pourtant, lextrieur, le Prsident De Klerk tait prsent comme lhomme
ayant courageusement entam le dmantlement de la sgrgation raciale.

403
A travers les discussions avec nos htes durant le djeuner servi par des Indiens et
des Mtis, nous avons appris que dans limpasse depuis un mois, les ngociations
intercommunautaires navaient permis de dgager quun seul point daccord, celui de
llection au suffrage universel dune Assemble Constituante.

Mais pour viter la domination dune communaut sur dautres, les Blancs avaient
cherch amnager des garde- fous pour protger leurs intrts, car pour eux la
dislocation de lApartheid, ne signifiait pas pour autant lavnement de la prosprit pour
tous, mais plutt un rquilibrage de la socit leurs dpens.

Malgr les appels de lANC pour le maintien de la pression internationale, nombre de


pays, unilatralement ou collectivement, avaient renou et dvelopp leurs relations
conomiques, culturelles et sportives avec lAfrique du Sud.

En Afrique, cette dernire avait enregistr des perces spectaculaires, illustres par
llvation du statut des reprsentations diplomatiques, consulaires ou commerciales
Pretoria ou Johannesburg.

Dans cette dmarche intelligente, lAfrique du Sud ciblait les pays leader dans leur
rgion respective, et visait par leur entremise se faire admettre par lensemble du
continent africain.

En dehors de la Sude, lensemble des pays occidentaux et plusieurs Etats du bloc


socialiste taient reprsents au niveau dambassade.

Les entreprises europennes taient autorises exporter leur technologie.

Avec le monde arabe, les relations, encore au stade prospectif, taient limites des
activits commerciales et daffaires, avec lArabie Saoudite et les autres pays du Conseil
de Coopration du Golfe et avec lEgypte avec laquelle existait dj une liaison arienne.

Pour nous, lEgypte est une voie oblige et prfrentielle vers lensemble du Moyen
Orient , nous confirma le Conseiller de DeKlerk, pour marquer limportance et la
prminence de ce pays.

Avec lAsie, les relations staient renforces, notamment avec lIndonsie, le Japon
qui avait lev ses sanctions et nomm un ambassadeur Pretoria, la Chine reprsente
seulement travers un institut dtudes (du fait de lexistence des relations troites
entretenues par Pretoria avec Tawan), lIran avec lequel les relations consulaires
remontaient lpoque du Shah.

Avec les pays dAmrique latine, reprsents par des ambassadeurs, les relations
concernaient les domaines conomique, commercial et touristique, avec une mention
spciale pour les industries darmement et le transfert de technologie, notamment avec le
Brsil, grce la prsence dune importante colonie lusophone ayant fui le Mozambique
et lAngola.

Concernant larmement, un de nos htes avait soulign que :

Depuis lembargo dcrt par les Nations Unies en 1977, lAfrique du Sud stait
replie sur elle-mme et avait russi mettre au point des systmes darmement
remarquables, apprcis sur le march international .

LAfrique du Sud, (dans certains cas, en coopration avec Isral), avait conu et mis
au point des canons longue porte, des chars dassaut, des lanceurs de missiles multiples,
des missiles air-air, des avions sans pilote (drones), des navires de guerre hyper mobiles,
des avions de chasse et des hlicoptres de combat, et possderait la bombe atomique
depuis plusieurs annes.

404
Cette fantastique panoplie guerrire montrait non seulement le degr davancement
de lindustrie sud africaine, mais aussi lesprit dagressivit et de domination du rduit
blanc en Afrique australe pour qui la force ostentatoire tait la seule manire de
dissuader les hordes noires de dferler sur ses terres.

En revenant lconomie en gnral et au fil des discussions durant le djeuner,


nous avons retenu que lactivit conomique base sur linitiative prive et lconomie de
march, tait caractrise en 1991, par les indicateurs suivants :

LAfrique du Sud est et demeurera la premire puissance conomique du continent,


avec un PNB par habitant de 1.830 $,

La structure PIB tait ventile comme suit : services 51%, industries 33%, mines
11%, agriculture 5%,

La dette extrieure tait de 22 milliards $ et le taux dinflation de 15%

Les exportations taient de 26 milliards $ et les importations de 18 milliards $.

Ladoption dune politique montaire et fiscale rigoureuse sur divers programmes et


le contrle des salaires faisaient de lAfrique du Sud un des pays les moins chers au
monde ; nous lavons effectivement constat lors de notre sjour au niveau de lhtellerie,
de la restauration et dautres services de qualit.

Dans le monde du travail, la lgislation avait t totalement rvise avec


llimination de toute discrimination dans lemploi.

Tous les ouvriers, quelle que soit leur race, pouvaient tre syndiqus, alors
quauparavant seuls les syndicats reprsentant les Blancs, les Indiens et les Mtis taient
enregistrs et reconnus officiellement, les syndicats mixtes devant recevoir laval
(rarement octroy) du ministre du travail.

Les grves se sont multiplies depuis que les Noirs participent au processus de
ngociation, et la loi depuis 1983 protge louvrier contre un renvoi abusif pour avoir
particip une grve lgale , ajouta un de nos htes.

Aprs le djeuner, nous avons rejoint lhtel, proche, sous une pluie battante.

En compagnie de quelques amis, bord dun minibus de location conduit par un


jeune tudiant en lettres, nous avons visit la ville du Cap et ses environs.

Du sommet de la Table Mountain, parmi les rats musqus, nous avons admir la Lion
Mountain et les plages de sable fonc, bordes de superbes villas.

Nous sommes alls Cap Point, lieu gologique singulier marqu dune plaque
commmorative, o se chevauchent les roches sdimentaires et les roches ignes.

De la Corniche, nous avons observ lle de Robben Island o Mandela fut trs
longtemps intern.

Nous sommes passs au quartier malais avec ses rues en pente, ses petites maisons
cubiques, ses mosques, abritant une population danciens immigrants de Malaisie ou des
Iles de la Sonde, venus travailler dans les plantations de canne sucre et de coton.

A la tombe de la nuit, aprs un bref passage au jardin public, nous avons rejoint
lhtel, pour constater que Benriyane tait parti Maputo au Mozambique, remettre au
nom du Maroc, des vivres aux autorits de ce pays ravag par la famine et la guerre civile.

Au dernier jour au Cap, un vendredi, bord de minibus, nous avons t dcouvrir,


travers la campagne verdoyante, la route des vins, conduits par un chauffeur musulman

405
dorigine indienne, dans lambiance des dclamations du Coran pour insinuer que en ce
jour saint, le dplacement tait dplac et incongru.

Nous avons dcouvert un autre aspect de lAfrique du Sud, rappelant la Suisse


verdoyante, celle des montagnes enneiges, des ruisseaux, des coteaux boiss, des
champs tirs au cordeau, des grands domaines vinicoles et darbres fruitiers.

Un vritable paysage de rve se droulait sous nos yeux, dans une autre Afrique loin
des images rcurrentes et insupportables des massacres, de la misre et de la famine
svissant dans plusieurs pays de notre continent.

A proximit des grands domaines, des haciendas et de magnifiques villages pour les
Blancs, subsistaient outrageusement les townships pour les Noirs, dlabrs, sales et sans
infrastructures de base.

Nous sommes arrivs, aprs deux heures de route escarpe, au grand domaine
vinicole de Chardonnay, accueillis par une lgante dame blanche, ravie de voir une
dlgation marocaine en ces lieux, alors que notre chauffeur stait tenu distance
comme pour marquer son dsappointement.

Dans une grande salle dexposition des produits du domaine, des visiteurs sud
africains blancs gotaient les diffrents crus.

Certains parmi nous avaient got au champagne et aux vins blancs, dautres ont
prfr dambuler parmi les alles fleuries de la proprit appartenant lAnglo
American, socit connue pour tre le plus grand trust en Afrique du Sud, galement actif
dans les secteurs de lagro-alimentaire, de limmobilier et des mines.

Le manager du domaine et son assistante, des Blancs, nous avaient expliqu


limportance des affaires vinicoles et fruitires dans lactivit du groupe.

En renonant volontairement au djeuner dans une auberge des environs, nous nous
sommes arrts au jardin botanique, mondialement connu pour ses espces rares de
plantes et de fleurs.

A 16H, de laroport Malan, nous avons rejoint Johannesburg.

De retour Johannesburg
Le lendemain matin, samedi, alors que la plupart de nos amis saffairaient pour
partir, deux hommes daffaires, dorigine marocaine, Elkrif et Assouline, taient venus
nous inviter au repas du sabbat, chez eux, dans leur superbe villa de plain pied, avec
piscine et jardin, proximit de notre htel.

Pour nous recevoir, la matresse de maison, dorigine gyptienne, avait fait talage
de tout son savoir culinaire.

En fin daprs midi, avant le dpart de certains amis pour Zurich, nous avons visit le
Centre Islamique de Johannesburg, install dans un vaste domaine, proprit dun
milliardaire sud africain musulman.

LImam, en grande tenue, et ses collaborateurs, nous avaient chaleureusement


accueillis et expliqu lhistoire de la pntration de lIslam en Afrique du Sud.

En Afrique du Sud, les Musulmans sont un million, essentiellement de souche


asiatique (indiens, pakistanais, malais) ou des mtis.

En Afrique du Sud, lIslam est encore peu rpandu parmi la population noire, mais il
est appel se dvelopper trs rapidement , nous dit le grand Imam trs heureux de
nous rencontrer.

406
Il avait poursuivi, en rponse ma question sur la sgrgation raciale et
religieuse en Afrique du Sud:

La sgrgation raciale a exist, elle se poursuit encore avec moins dacuit, mais
jamais dans ce pays la religion na t au centre du dbat politique. Le Gouvernement a
adopt une politique de non ingrence dans les affaires religieuses et la Constitution
prvoit une totale libert du culte .

Le proslytisme navait jamais t combattu ; la libert religieuse dcoulait de


laversion pour le fanatisme des anciens huguenots protestants et autres rformateurs
nerlandais, victimes des guerres de religions au 17 sicle.

Mais nous avons remarqu que les musulmans sud africains (principalement
originaires du sous-continent indien) ne staient pas opposs lApartheid, dune part
parce quils taient moins durement touchs que les Noirs, dautre part parce quils
taient rticents aux ides marxisantes de lANC.

LApartheid tait moins dsastreux pour les Indiens et les Malais que pour les Noirs
obligs de vivre regroups dans des primtres loin de leurs lieux de travail.

Aprs avoir visit la bibliothque, admir de trs anciens Corans, puis dgust le
th et les ptisseries de la fraternit, nous avons pris cong de nos htes.

En voulant immortaliser en photo notre passage en ce haut lieu de lIslam au pays de


lApartheid, lImam mavait dit avec flegme, pour me dissuader peut tre :

Le souvenir est et sera dans nos curs .

Le soir, les Hernan mavaient invit dner chez eux, en compagnie de lAttach
conomique du Chili et de son pouse et dun couple de Belges, anciens de GECAMINES
ayant fui le Shaba aprs les derniers vnements.

Nous avons voqu les situations au Maroc, au Chili et au Zare et essay danalyser
la situation en Afrique du Sud.

La thse de DeKlerk, est que la minorit blanche na pas passer la main la


majorit noire, mais plutt lui proposer de partager le pouvoir avec elle. De Klerk flirte
avec le chef charismatique des Zoulous, Buthelezi pour transformer lANC de Mandela en
ennemi hrditaire me dit Hernan, originaire du Chili, conscient de lvolution
inexorable en Afrique du Sud.

Le couple belge pour sa part, considrait que si la violence se poursuivait, lAfrique


du Sud serait mal partie.

Je dteste les Noirs aprs tout ce que javais endur au Zare, alors que javais
toujours servi leur cause. Ils mont agresse, viole, ils ont pill ma maison. Le divorce
des communauts risque dtre consomm ici, car lanarchie sinstalle dans les townships
aprs les massacres de Boipatong. Les partisans de Mandela rclament des fusils , dit
lpouse belge rvulse, approuve par son mari.

Pour les Chiliens, la police avait rvl son incapacit ou sa rpugnance rtablir
lordre dans les ghettos noirs.

La police est peut tre complice dans le dclenchement des violences inter
ethniques , dit le conseiller conomique.

LApartheid cherchait des acolytes et des hommes de paille, en encourageant les


groupes noirs rivaux sentredchirer, dnigrant et dshonorant ainsi le profond
mouvement dmancipation de la majorit noire.

407
Les drapages risquaient de mener une situation incontrlable car ni lANC forte
composante Xhosa, ni lINKHATA majorit zoulou, ntaient pas en mesure de tenir et de
discipliner leurs troupes.

Le maintien de lordre et larrt des violences taient les conditions sine qua none
pour une reprise du dialogue politique instaur par la CODESA.

En ralit pour lAfrique du Sud, il tait urgent que les grands principes, consacrent la
mort de lApartheid.

Aprs une aussi sympathique et enrichissante soire, nous nous sommes spars en
esprant des jours meilleurs pour lAfrique du Sud.

Le lendemain matin, lhtel paraissait bien triste, la dlgation marocaine ayant


laiss un grand vide aprs son dpart.

Javais retrouv au petit djeuner, Ouaknine, comme moi, retenu une journe de plus
Johannesburg par suite des frquences des vols UTA.

A 13H, les Hernan taient venus me chercher pour aller djeuner au restaurant slect
du parc zoologique frquent par la gentry.

En nous sparant, nous avons convenu de nous retrouver au Maroc avant la fin de
lanne en cours.

En fin daprs midi, El Krief et Assouline, nos htes de la veille, accompagns dune
petite fille, taient venus nous conduire, Ouaknine et moi, laroport. En les quittant, la
petite fille stait mise pleurer grosses larmes, marquant son chagrin de nous voir
partir.

Elle na jamais eu une attitude pareille , me dit son pre tonn.

Ce fut mouvant de percevoir chez ces juifs marocains le mal du pays, les regrets
mlancoliques et nostalgiques, leurs mes meurtries, leur culture occulte et les difficiles
conditions dune seconde diaspora venue sinstaller en Afrique du Sud, aprs le dpart du
Maroc et le passage par Isral.

Le vol dUTA 439, parti avec un petit retard, aprs des escales Brazzaville et Nice,
tait arriv Roissy aprs un vol de 15 heures.

Karim, mon fils, tait l laroport.

Quels sont les enseignements de la mission ?

Aprs deux annes environ, une volution exceptionnelle avait t enregistre en


Afrique du Sud, pays en transition dmocratique.

Le dmantlement du rgime dApartheid suivait son cours inexorable depuis


larrive de DeKlerk au pouvoir en 1989, concrtise par une avance spectaculaire au
plan des Droits de lHomme, des choix institutionnels pour linstauration dune relle
dmocratie multiraciale.

Depuis la libration de Mandela en 1990 et la leve de linterdiction frappant lANC et


les autres partis politiques, lAfrique du Sud stait engage rsolument, non sans
problmes, dans une phase de dveloppement constitutionnel au sein des confrences
pour une Afrique du Sud dmocratique (CODESA) auxquelles avaient particip une
vingtaine de formations politiques non extrmistes.

Les principes admis par les CODESA taient axs sur le dsir de toutes les ethnies et
de toutes les races duvrer ensemble, dans un climat apais, pour ltablissement dune
nouvelle socit libre et dmocratique.

408
Cette action stait faite par le biais dlections rgulires, au suffrage universel, et
par ladoption dune charte nationale garantissant la protection des liberts civiles et les
droits individuels de tous.

Si les ngociations entames en mai 1992, avaient achopp sur les questions lies
llaboration dun projet de constitution intrimaire, il nen demeurait pas moins que,
dans lattente dune nouvelle assemble constituante, le processus de dmocratisation
tait irrversiblement engag.

Les nostalgiques de lApartheid et les extrmistes de tous bords et de toutes les


races, taient disposs entretenir des actes de violence dans les townships de Soweto et
perptrer des massacres dans les hostels, sous la barbe de la police.

Lavenir de lAfrique du Sud dpendra du niveau de sensibilisation des diffrentes


composantes de la socit civile pour tablir ensemble une paix des esprits et des curs,
menant la mise en place de structures garantissant les droits et les devoirs de chacun.

La minorit blanche avait engag sa mea culpa avec quelques soubresauts de


lextrme droite, et la majorit noire, ayant longtemps souffert du rgime de lexclusion,
avait retrouv ses droits spolis, sa dignit et sa citoyennet restitue.

Des pas significatifs avaient t franchis sur la voie de la rintgration part entire
de lAfrique du Sud au sein de la communaut internationale.

Le dmantlement de lApartheid avait montr et mis nu la grande disparit des


conditions dexistence entre les races, et fut le dpart dune action contre la pauvret,
liniquit de la rpartition des revenus.

La fin de lApartheid apportera-t-elle une transition douce, la fin du chmage des


Noirs, diminuera-t-elle lcart de richesse entre Blancs et Noirs, en luttant contre la
pauvret gnralise de ces derniers et en vitant la frustration travers la rcupration
des terres de leurs anctres ?

La nouvelle Afrique du Sud devra satteler rsoudre ses problmes et axer ses
efforts vers une redistribution des revenus et la croissance pour gnrer suffisamment de
ressources pour rpondre aux besoins de la population la moins nantie, savoir la
majorit noire.

Au plan conomique, lAfrique du Sud poursuivra son leadership continental moderne


et dynamique, malgr un environnement du tiers monde, bnficiant dun sous sol
incomparable, dun esprit dentreprise et dune main duvre abondante qualifie, locale
ou issue des pays limitrophes.

Les activits minires et les industries de transformation dynamiques, sont


supportes par des ressources minrales considrables. Lexistence dun rseau de
communications modernes (routes, autoroutes, voies ferres, ports, aroports,
tlcommunications) permet au pays de souvrir sur le monde extrieur et de demeurer la
plaque tournante de toute lAfrique australe.

Au plan de la coopration interafricaine, lAfrique du Sud avait ralis des perces


fantastiques, ses techniciens et cooprants avaient inond le Lesotho, le Botswana, le
Swaziland, le Malawi, le Mozambique, la Zambie et le Zare.

Plus au nord, elle interviendra au Cameroun, en Cte dIvoire et au Mali pour la


recherche et lexploitation des minerais mtalliques et prcieux ; dans trs peu de temps
elle sera prsente dans tout le continent. Pour Maroc, si le volet politique ne vient pas
perturber les relations, les opportunits existent pour les mines, textiles, shipping, pche
et tourisme.

409
Aprs quelques semaines, la venue dhommes daffaires sud africains (parmi eux
Hernan et Rizzo) tait venue concrtiser les dcisions prises lors du sjour en Afrique du
Sud en juin, et de nombreux contacts furent tablis avec les oprateurs miniers et
nergtiques, la grande satisfaction de Mostert, Charg daffaires sud africain Rabat.

Mais malheureusement, la suite ne sera pas trs reluisante, malgr les normes
possibilits dchanges existantes entre nos deux pays.

410
Dpart de la Direction des Mines
Aprs la tenue du Conseil de perfectionnement et la remise des diplmes aux
laurats lEcole de Touissit, suivi des conseils dadministration de SODECAT, SEFERIF et
CDM, en crises svres et vraisemblablement irrversibles, la demande du Ministre
Alaoui, une mission fut organise en juillet 1992 dans les provinces sahariennes pour
prendre contact avec les autorits provinciales de Dakhla et Layoune et examiner avec
elles les possibilits de dveloppement minier.

En compagnie de Hilali, Directeur Gnral de Sel Mohammedia, nous avons


dcouvert avec un rel enchantement, Dakhla, ville bnficiant dune position
gographique favorable, situe sur une bande de terre appele queue du chien.

Dakhla (Villa Cisneros du temps de loccupation espagnole), chef lieu de la Rgion


dOued Eddahab-Lagouira, a t rattach au Maroc aprs le dpart des Mauritaniens
dcid par le Prsident Hadallah.

Petit village de pcheurs, Dakhla a connu un essor fulgurant aprs sa rintgration


la mre patrie.

Nous avons tout dabord rencontr avec le Secrtaire Gnral de la Province, jeune
cadre dynamique, au fait des problmes de la rgion et dsireux de connatre lavenir des
recherches ptrolires et minires dans les provinces du Sud.

Par la suite, nous avons t reus par le Gouverneur, originaire de la rgion, de la


tribu des Ouled Dlim, pour passer en revue avec lui les possibilits dintervention de notre
Ministre et convenir de la cration rapide dun service rgional de lEnergie ou des Mines
Dakhla.

Nous avons relev et apprci leffort de notre pays pour garantir, non seulement son
intgrit territoriale, mais aussi pour faire la preuve de son gnie crateur dans des
provinces laisses exsangues par loccupation espagnole.

Ensuite, nous avons visit, El Argoub lextrmit de la baie de Dakhla, les


affleurements de bentonite en bordure de mer.

Pour lhistoire, El Argoub est un vieux poste de larme espagnole, dfendu par une
unit des FAR et attaqu par le Polisario avant le cessez-le-feu de 1981.

Non loin, un petit primtre agricole produits des melons et des tomates de grande
qualit destins exclusivement lexportation vers lEurope.

Leau douce dirrigation provient dun forage ralis dans la nappe semi fossile

Le lendemain, tt, sous un brouillard pais, nous avons quitt Dakhla bord dun
vhicule mis notre disposition par Derhem (notabilit et homme daffaires de la rgion)
en direction de Layoune, par la nouvelle route asphalte de 550 km.

Sur notre chemin, nous avons travers la localit de Boujdour, implante proximit
dun ancien phare espagnol abandonn, en pleine mutation autour du poste militaire et
dun immense camp de toile abritant les Sahraouis venus du Nord pour participer aux
oprations du rfrendum dautodtermination.

Aprs une brve halte la sebkha de Tislatine o un exploitant, originaire du Rif,


extrayait rgulirement du sel, nous nous sommes arrts un instant aux installations de
Phosboucra, guids amicalement par Belmokaddem, Directeur Gnral de la socit qui
avait su, en trois ans, amliorer ltat des lieux et grer la socit de manire rigoureuse.

Aprs un djeuner au foyer de Phosboucra Layoune, nous avons t reus par le


Gouverneur, Zemrag, pour lentretenir des problmes inhrents lexploitation

411
anarchique du sel de la sebkha dOum Dbaa, par suite de lintervention intempestive des
responsables locaux des Travaux Publics, dsireux de soustraire cette activit au contrle
rgulier de lAdministration des mines.

Ensemble, nous avons clarifi la situation de lexploitation de la sebkha Oum Dbaa


par des promoteurs privs maroco-espagnols, et concoct une solution dattente portant
sur la cration dune socit rgionale regroupant les oprateurs intresss par le sel de
ladite sebkha.

Aprs un tour de la ville en pleine mutation urbanistique et en paix, nous avons


quitt Layoune 24H, par le vol en provenance de Las Palmas, pour arriver
Casablanca puis Rabat 3H du matin.
****
Avant le dpart en vacances, javais particip un djeuner mouvant et mmorable,
ayant runi la Direction Gnrale du BRPM et les chefs de chantiers.

Javais retrouv avec plaisir tous ceux qui avaient trim avec moi durant la priode
hroque des annes soixante et soixante dix sur les diffrents chantiers.

Nous avons remmor ensemble les pripties des travaux de recherche, avec ce que
cela avait ncessit comme efforts et dvouement au service du BRPM, demeur une
vritable cole qui avait forg tant de comptences.

***
Au cours de mon cong dt en septembre 1992, javais rejoint mon fils Karim Paris
pour aller dcouvrir lIrlande, un pays europen encore inconnu pour moi, ancien pays
dmigration pour les Etats-Unis (les Prsidents Kennedy et Reagan taient dessence
irlandaise).

LIrlande est la plus occidentale des les britanniques.

Sa partie nord-est ou Ulster majorit protestante fait partie du Royaume Uni et


lautre partie, majoritairement catholique, constitue la Rpublique dIrlande ou Eire,
devenue indpendante en 1921 aprs de sanglants soulvements dirigs par le
mouvement sparatiste paramilitaire Sinn Fein.

Nouveau membre de la Communaut Europenne, linstar de lEspagne, du Portugal


et de la Grce, lIrlande avait engag un effort de modernisation pour tre au diapason
des autres membres mieux nantis.

Nous avons longuement circul dans Dublin, la capitale, ville sympathique, calme,
connue pour ses pubs o les Irlandais viennent ingurgiter des litres de bire Guinness,
dans une ambiance bon enfant.

Au cours dun sight seing, nous avons dcouvert la campagne irlandaise attachante,
parseme de lacs, aux coteaux boiss, faite de hautes collines, de plaines tourbeuses et
de prairies verdoyantes.

Partout dominait llevage (bovins, ovins, porcins), cot des productions de bl,
avoine, orge pour la bire, pomme de terre.

Lindustrie encore peu dveloppe, concernait les constructions mcaniques,


lagroalimentaire et les textiles.
Nous avons visit les chteaux Cashel, Tuperary et Cahir proximit de Cork.

Un dplacement en chemin de fer Dundalk, sous la pluie, nous avait mens la


frontire avec lUlster o svissaient encore linscurit et le terrorisme de lIRA, limage
des mesures rigoureuses larrive du train de Belfast, dmontrant une situation non
encore matrise par larme britannique.

412
De retour lhtel Burlington Dublin, la fte battait son plein, et la bire Guinness
coulait flot au bar, aprs le tournoi de football irlandais (le Murling) gagn par une
quipe de Cork.

A Vienne et Londres
Aprs avoir procd au mouvement traditionnel des chefs de services rgionaux des
mines, et pour terminer le cycle des missions ltranger en 1992, javais conduit en
octobre une importante dlgation Vienne la runion annuelle du Groupe dEtude du
Plomb et du Zinc.

Au cours de nos runions dans le btiment des Nations Unies, nous avons constat
ltat de morosit et de dprime dans lequel vivait le secteur des deux mtaux de base,
entranant dans le sillage un vent de pessimisme gnralis sur tous les continents,
chacun se demandant ce que pouvait rserver lavenir.

Notre pays, producteur de plomb et de zinc devait affronter une situation difficile et
prendre les mesures qui simposaient pour viter des arrts dactivits dans les mines de
Touissit et Jbel Aouam, notamment.

A Vienne, notre programme, en marge des runions du Groupe dEtude, fut


agrment par la gentillesse et la disponibilit de Mrabet, brillant cadre marocain au
sige de lAgence Internationale lEnergie Atomique, devenu notre prcieux guide dans
la dcouverte de lancienne capitale du Grand Empire austro-hongrois.

La ville, grand centre de la diplomatie europenne au dbut du 19 sicle (Congrs


de Vienne qui rorganisa lEurope aprs la chute de Napolon), avec ses nombreux
difices baroques et muses, stire le long du Danube lextrmit orientale des Alpes

Un grand dner donn en notre honneur par lAmbassadeur El Fassi en sa rsidence,


cltura notre sjour dans la capitale autrichienne.

Aprs Vienne, javais rejoint Londres, en compagnie de mon fils Karim pour assister
au classique dner du London Metal Exchange (LME).

Karim eut loccasion de connatre le milieu des transactions sur les mtaux et de
visiter la City, centre de la finance internationale.

De retour Rabat, javais particip aux runions au Ministre des Affaires


administratives, consacres lexamen des possibilits de restructuration de
lAdministration nationale, visant la rendre plus efficiente dans ses actions ; ctait le
vu de tout le monde.

Vers dautres horizons


A la Direction des Mines, o, au 21 septembre 1992, javais pass le cap de onze ans,
longvit ingale, il tait temps de passer le relais.

La propension regarder les choses diffremment me tiraillait constamment, et


lenvie daller vers dautres horizons ne me manquait pas, mes convictions demeurant
intactes pour tre utile et servir de multiples manires.

Quand je lance aujourdhui, un regard sur ltendue de mes activits multiformes et


sur mes vritables ralisations entre septembre 1981 et novembre 1992, je peux affirmer
sans vergogne, quavec mes collaborateurs, nous navons ni chm, ni dmrit.

A la veille de mon dpart de la Direction des Mines, et en procdant une


rtrospective de ce que javais vcu durant plus de 28 ans de vie professionnelle, je pense
avoir essay dhumaniser les rapports entre les personnes travaillant pour un mme but,
apprciant la contribution et lapport de chacun, responsabilisant, encadrant et

413
demandant des comptes rgulirement avec le plus complet dsintressement, et dans
loptique dun dialogue responsable.

Dans la situation que je vivais, jestimais que lindustrie minire dans son ensemble
avait atteint un palier, et il tait normal et judicieux de se demander quel est son avenir
et son devenir ?

La constatation tait que, reposant sur des gisements importants, bien quips et
exploits, une contraction brutale tait loigner des esprits.

Malgr les bruits de crise quavait engendrs la dtente du march des matires
premires, la recherche minire ne stait pas effondre, et les socits minires avaient
poursuivi leur effort dinvestissement et de restructuration.

Le nombre de permis miniers de recherche continuait tre lev et de nouvelles


demandes taient enregistres chaque jour par notre Service du Patrimoine minier.

Malgr la conjoncture dfavorable des cours des matires premires minrales, il


appartenait toujours lEtat dencourager par des mesures appropries cette activit
importante pour lconomie nationale et faciliter la ralisation des infrastructures
auxquelles elle pourra conduire.

Des zones minralises mises en vidence par des mthodes modernes de recherche
et de dveloppement dans les secteurs de Marrakech pour les minerais polymtalliques
et de lAnti-Atlas pour les mtaux prcieux, montraient que le sous-sol marocain na pas
dit son dernier mot et quil recle encore des potentialits minires caches, ncessitant
un effort dinvestigation et de recherche plus consquent et plus scientifique.

Le secteur des substances utiles et des roches industrielles, jug trs prometteur
pour la prochaine dcennie, devra faire lobjet de recherches et dinvestigations
industrielles approfondies.

Leffort consenti auparavant doit tre poursuivi et support pour renouveler les
potentialits, travers des travaux ncessitent la fois une infrastructure gologique de
base et des moyens financiers importants pour dvelopper lexploration et le
dveloppement.

Lindustrie minire prsente la particularit que la dure de vie des exploitations est
fonction des rserves dites exploitables.

Un effort dinvestissement en exploration est constamment exig pour assurer la


prennit des exploitations existantes et revitaliser le secteur minier linstar de ce qui
est engag dans plusieurs rgions du monde.

Cela ne peut se faire que dans le cadre dune stratgie de dveloppement minier
axe, entre autres, sur :

- La poursuite de l'effort goscientifique et l'augmentation des crdits budgtaires visant


acclrer la couverture gologique du pays juge encore trs insuffisante pour orienter
davantage les travaux vers des objectifs potentiel conomique,

- Le dveloppement de l'expertise gologique et l'adoption de mesures rglementaires


pour la protection du patrimoine gologique national et la mobilisation permanente et
rgulire de moyens nationaux ou extrieurs suffisants pour excuter des programmes
dexploration dans les zones les plus favorables et disposant dune infrastructure
gologique et cartographique approprie,

- La souplesse dans loctroi des permis miniers pour maximiser leffort et lencouragement
des oprateurs privs nationaux ou trangers pour relayer ou poursuivre les efforts de

414
lEtat dans lexploration minire par la ralisation dimportants programmes de recherche,
dexploitation, de valorisation et de commercialisation des substances minires,

- La refonte du code minier et du rgime dexploitation des carrires pour susciter


lintrt des investisseurs potentiels, en fixant et explicitant les conditions doctroi,
damodiation et de cession des permis et en les scurisant par la limitation du pouvoir
discrtionnaire de lAdministration,

- Lassociation et limplication des collectivits locales dans la mise en uvre des plans de
dveloppement minier par linstitution de procdures dcentralises et dconcentres,
privilgiant lchelon rgional,

- La rvision profonde du rgime dexploitation minire artisanale qui a fait son temps
tout en veillant la formation, lorganisation, lencadrement et lencouragement des
artisans mineurs,

- La protection relle de lenvironnement des mines en mettant laccent sur des


productions minires moins polluantes,

- Le rexamen du problme de la sous-traitance dans les mines en organisant ses moyens


humains et techniques pour viter des drives contraires lexploitation des mines dans
les rgles de lart,

- La rvision de la fiscalit minire au plan de lnergie et lencouragement de la


recherche travers la stabilit fiscale ds le dbut des oprations dexploration,

- La refonte du statut du mineur et lallgement de ses contraintes tout en maintenant un


salaire minimum lgal, en de duquel nul ne saurait tre rmunr,

- La mise en place dune politique novatrice de formation dans le secteur minier, mieux
adapte aux besoins nationaux et qui peut tre un atout important pour la promotion du
Maroc auprs des socits minires internationales,

- L'encouragement du secteur minier pour la mise au point et le dveloppement de


nouveaux produits forte valeur ajoute travers les procds mtallurgiques et
hydromtallurgiques.
***
Avec le dpart annonc du Secrtaire Gnral, Karbid, pour lOrganisation Arabe pour
le Dveloppement Industriel et Minier (OADIM), les supputations battaient leur train pour
savoir qui devait assurer la relve.

Officieusement, le Ministre annona la proposition de ma candidature au Cabinet


Royal, la nomination officielle pouvant intervenir avant la fin 1992.

Le 2 novembre, Karbid, en poste au Dpartement depuis septembre 19891, ayant


rejoint lOADIM, je fus appel le remplacer.

Tout en assurant encore, pour quelque temps, la responsabilit de la Direction des


Mines, javais assum trs rapidement celle de Secrtaire Gnral, aprs linstallation
dans mes fonctions loccasion de la remise des dcorations royales plusieurs agents du
Ministre, dont je faisais partie.

Avant la fin de lanne 1992, Mustapha Alaoui, Benchekroun et Sadiqui, taient


nomms respectivement la Direction de lEnergie, la Direction des Mines et la
Division des Affaires Administratives et Gnrales.

Une priode de ma vie professionnelle tait tourne, et dautres horizons plus larges
souvraient devant moi, grce la tnacit et lamicale considration renouvele du
Ministre Alaoui.

415
Mon dpart de la Direction des Mines fut loccasion pour mes anciens collaborateurs
de manifester mon gard leur sympathie, leur considration et leur apprciation
positive pour tout ce que nous avons ralis, concoct et mis en place ensemble depuis
plus dune dcennie.

Lampleur de votre tche est immense, nul ne peut le contester et encore moins
la dnigrer ou la msestimer ; pourvu que le relais soit assur dans une approche lucide,
responsable et objective , me dit un collaborateur.

En allant officier ailleurs, javais espr que le travail entam sera poursuivi, que des
amliorations seraient apportes notre organisation dynamique, mi-chemin entre la
traditionnelle Administration et le bouillonnant du Priv.

416
DEUXIEME PERIODE

AU SECRETARIAT GENERAL

NOVEMBRE 1992 - AOUT 1994

****
Rsum
Aprs le dpart de Karbid du Secrtariat Gnral pour lOrganisation Arabe du
Dveloppement Industriel et Minier (OADIM), je fus appel lui succder, tant au
Ministre le plus ancien dans la profession.

Pour moi, ce fut le dbut dune nouvelle pope professionnelle, axe sur la
coordination de laction des Directions et des Divisions en prenant des initiatives pour ne
pas dcevoir tous ceux qui avaient cru mon toile.

Ainsi, le Ministre Alaoui soulag des problmes dintendance, fut laise pour mener
de front sa politique nergtique et minire.

Jai vcu cette priode sans jamais rester inactif ou me cantonner dans une position
confortable dobservateur.

Jestimais tre redevable du soutien et des encouragements qui mavaient t


donns par les secteurs de lEnergie et des Mines.

Dans le secteur de lEnergie, les retards dans les investissements lONE avaient
entran des dlestages multiples responsables du malaise profond parmi les oprateurs
conomiques.

Devant cette situation, les instructions royales taient venues amorcer louverture de
notre pays aux investisseurs dans le domaine de la production indpendante de
llectricit, paralllement la tendance vers une politique de dmonopolisation de la
production.

Dans ce cadre, lOffice acclra les tudes du projet dinterconnexion avec le rseau
espagnol travers le Dtroit de Gibraltar par la pose dun cble dnergie.

Par ailleurs, le projet de ralisation du Gazoduc Maghreb Europe (GME) dcid en


1989, stait poursuivi, avec en perspective des retombes conomiques multiples et une
opportunit du recours au gaz naturel dans la composante du bilan nergtique national.

Dans le secteur minier, en dcembre 1992, eut lieu le lancement officiel de la


production la mine polymtallique de Hajar, venu concrtiser la coopration des
Groupes BRPM et ONA

A la mine de Jbel Aouam, lactivit avait t assombrie par des mouvements de grve
aux retombes sociales graves dans le secteur du Moyen Atlas.

Par ailleurs, les fermetures des exploitations de Boumadine et de Tazalaght, avaient


confirm le malaise rampant dans le secteur minier national, attis par linsuffisance des
crdits de recherches ncessaires la poursuite des actions de promotion et de
dveloppement.

Fin dcembre 1992, jeus lhonneur dtre prsent au Roi Hassan II, et dbut fvrier
1993, de participer une runion prside par le Roi au Palais royal de Fs.

417
Durant le mois de Ramadan en mars, 1993, je mtais rendu en Arabie Saoudite pour
participer, en tant que suffragant, la soutenance du mmoire de magister dun officier
suprieur saoudien de la Dfense Civile, sur le thme la scurit dans les mines
mtalliques marocaines.

Au niveau interne du Dpartement, une attention, particulire et dtermine, fut


accorde aux uvres Sociales, et avec le soutien manifest par les secteurs minier et
nergtique, nous avons lanc une rflexion sur la cration dune Fondation des uvres
Sociales.

Au CNESTEN, Khalid Mdiouri tait venu redynamiser les activits du Centre,


renforcer son encadrement et lancer les jalons dune vritable politique de matrise des
techniques nuclaires.

Le suivi de proximit de la formation des cadres lENIM, aux Ecoles des Mines de
Marrakech et Touissit, et lactivit du Fonds de Formation Inter Entreprises Minires,
avaient t renforcs

En novembre 1993, l loccasion dun remaniement ministriel, le Ministre Alaoui


avait quitt le Dpartement et remplac par Abdellatif Guerraoui.

Nos activits avaient port sur la mise en place du plan dactions par objectifs visant
apprhender davantage les problmes du secteur nergtique et assainir ceux du
secteur minier en butte des grves inconsidres.

Par ailleurs, en plus de voyages caractre personnel, plusieurs missions furent


effectues dans le cadre du renforcement de la coopration bilatrale ou pour participer
des confrences relatives aux Mines et lEnergie.

La situation nergtique tait plus proccupante que par le pass, suite aux
dlestages sans fin en priode de pointe.

Dans cette ambiance dltre, les relations avec le Ministre avaient commenc se
dtriorer, entranant mon dpart du Dpartement et dun secteur o javais exerc
durant plus de trente ans.

Une grande page de ma vie professionnelle dingnieur tait tourne, dans


lincertitude complte du lendemain.

418
Il faut de nouveau repartir
Dans la situation qui prvalait au Ministre de lEnergie et des Mines, le choix stait
port sur moi, non par complaisance, affinit personnelle avec le Ministre Alaoui, mais
plutt parce que la Direction des Mines avait la prminence sur les autres Directions
depuis la dcision du Ministre Moussa Saadi en septembre 1981.

Ce fut dans ce contexte quaprs le dpart de Karbid du Secrtariat Gnral pour


lOrganisation Arabe du Dveloppement Industriel et Minier (OADIM) que je fus appel
lui lui succder, tant le plus ancien dans la profession.

Je considre toujours que je dois ma promotion au poste de Secrtaire Gnral tous


ceux, nombreux dans les services de lEtat qui, avec moi, avaient travaill, uvr sans
relche ou collabor dans le respect et lamiti partags.

Je la dois aussi au secteur minier qui avait suivi, sans rserve, la vitesse imprime
notre action tous azimuts depuis 1981, dans un cadre de synergie et damicale et franche
collaboration de tous les instants.

Autour de moi, je navais constat quapprobation pour la promotion, avec le rel


sentiment de navoir frustr personne, et dtre accueilli dans cette nouvelle
responsabilit avec sympathie et considration.

Aussi, estimais-je tre redevable du soutien et des encouragements qui mavaient


t donns par les secteurs de lEnergie et des Mines.

Pour moi, ce fut le dbut dune nouvelle pope professionnelle, apprhende avec
srnit et dtermination pour coordonner laction des Directions et des Divisions,
appliquer les directives du Ministre, redynamiser lactivit de notre Dpartement en
prenant des initiatives judicieuses pour ne pas dcevoir tous ceux qui avaient cru mon
toile et dont la sympathie me donna la force ncessaire pour aller rapidement de lavant.

Ds lors, lactivit au Secrtariat Gnral, en secondant le Ministre, fut


essentiellement centre sur les contacts avec le personnel, les runions dinformation, la
coordination et le contrle de laction des Directions, ltablissement des budgets,
llaboration des projets de textes lgislatifs et rglementaires, la dynamisation des
actions sociales, etc.

Ainsi, le Ministre soulag des problmes dintendance, fut laise pour mener de
front sa politique nergtique et minire, sans rater la moindre occasion de mettre en
exergue la qualit du travail de ses collaborateurs, attitude rare dans la Fonction publique
nationale o lgocentrisme est manifeste chez les responsables.

Ne toccupe pas des problmes sociaux du Dpartement, car tu vas tenliser dans le
ddale des relations avec les syndicats et les reprsentants du personnel. Focalise ton
action sur les problmes techniques , me conseilla un ami, quelques jours aprs ma
nomination, oubliant que cela na jamais t ma tasse de th, car je ne suis pas de ceux
qui occultent les problmes du personnel et leur corollaire.

Jtais l, pour coordonner laction des directions et non pour assurer le travail de
ceux qui ont t dsigns pour laccomplir.

Ma position fut dailleurs approuve par les Directeurs qui avaient apprci mon fair
play, ayant t moi-mme Directeur des Mines, et ombrageux en ce qui concerne le
domaine rserv spcifiquement pour le poste.

Peu de temps aprs, sous le feu de laction, le Ministre dcida de modifier sa mthode
de travail, en prsidant chaque matin des runions pour expdier les affaires courantes et

419
urgentes, suivies de briefings nous permettant tous, de travailler en quipe, dans la
transparence et la confiance renouvele.

Je vivais cette priode avec lide quil valait mieux ajouter mon exprience une
petite dose dinitiative tous les niveaux de notre Dpartement expos aux critiques
pernicieuses de ses nombreux dtracteurs.

Dans ce contexte, javais, en participant de quelque manire que ce soit, pu rectifier


le tir quand il le fallait, sans jamais rester inactif ou me cantonner dans une position
confortable dobservateur.

Dans le secteur de lEnergie


Plusieurs runions spcifiques, consacres lEnergie, nous avaient fait toucher du
doigt la gravit de la situation lONE confront aux dures ralits de la scheresse ayant
entran une baisse du niveau des barrages, la chute de la production de
lhydrolectricit, des dlestages multiples responsables du malaise profond parmi les
oprateurs conomiques, notamment Casablanca.

Par ailleurs, le programme dlectrification rurale lanc timidement au cours des


annes prcdentes, devait prendre une allure acclre pour rsorber les dficits et les
disparits existantes, de faon ce quun quilibre ft atteint globalement entre les
diffrentes rgions.

Le Ministre avait tenu suivre la situation au quotidien, agir personnellement pour


assurer lapprovisionnement rgulier en hydrocarbures et charbon, et dresser pour le
Gouvernement un bilan exhaustif et transparent de lquipement du pays.

Au niveau du Ministre des Finances, aprs une longue priode de lthargie malgr
les mises en garde rcurrentes du Directeur de lONE, Ahmed Tazi, la prise de conscience
de la situation avait justifi le dblocage rapide des crdits ncessaires pour affronter la
crise endmique.

Ainsi, avec une clrit inconnue jusqualors, les commandes des turbines gaz de
Ttouan et Tit Mellil furent passes, mais ne furent quun pis aller.

Compte tenu des priorits budgtaires, les instructions royales taient venues ouvrir
les perspectives de la production indpendante de llectricit de plus en plus dveloppe
travers le monde.

Malgr les rticences de lONE, notre pays tait dans lobligation de souvrir aux
investisseurs dans ce domaine.

Un incident fortuit, sur une ligne HT aux alentours de Rabat, entre la valle de lOued
Akrech et la carrire de lOued Ikkem, considr comme un sabotage, dclencha
malheureusement les foudres sur le Directeur Gnral de lONE, Ahmed Tazi, en mission
en Espagne pour une courte priode.

Tazi, larchtype de llectricit au Maroc depuis lindpendance, fut renvoy sans


amnit aprs des dcennies de loyaux services, et aprs avoir marqu lOffice de son
empreinte toute professionnelle.

Il fut remplac par le plus illustre et le plus en vue des directeurs centraux,
Abderrahmane Naji, homme, intgre, travailleur, de grande valeur humaine et
professionnelle, ancien patron dAfourer, ayant fait preuve de ses comptences sur les
chantiers, les usines et la gestion de la principale direction de lOffice.

Paralllement, la tendance vers une politique de dmonopolisation de la production


dlectricit sinstaurait lentement, avec pour objectif de mettre en uvre la production
indpendante pour suppler les insuffisances de lONE soumis au feu roulant des

420
nombreux dtracteurs et accus de saboter lconomie nationale par son apathie et son
manque de ractivit face aux problmes .

Il tait difficile dadmettre des coupures dlectricit pour un pays comme le ntre,
car il y allait de sa crdibilit vis--vis des investisseurs trangers, pour lesquels
beaucoup defforts avaient t dploys afin de les motiver diriger leurs capitaux vers le
Maroc, tout autant que des investisseurs nationaux.

Les dlestages lectriques rcurrents, mal supports par les industriels et lensemble
de la population pour qui llectricit rpond un besoin fondamental, avaient continu
maintenir constamment en veil le Ministre.

A plusieurs reprises, en coordination avec lONE, nous avons essay de faire


comprendre aux industriels que le manque et le retard de financement des nouveaux
quipements nergtiques, dcris en leur temps, taient lorigine de la crise
nergtique dans le pays, et que la responsabilit de cette crise nincombait pas lOffice
livr seul en pture.

Pour faire face cette situation, lOffice acclra les tudes du projet
dinterconnexion avec le rseau espagnol travers le Dtroit de Gibraltar par la pose dun
cble dnergie sous-marin.

Ce projet jug dintrt stratgique, reliant le poste en 400 KV de Mloussa, entre


Tanger et Ttouan, du ct marocain, au poste en 400 KV de Puerto de la Cruz du ct
espagnol, aura une capacit physique de transit de puissance de 700 MW.

Cette possibilit dchanges entre les deux pays visait une meilleure gestion de la
demande nationale en matire dnergie lectrique et pourrait lavenir tre double par
la pose dautres cbles dnergie.

Le Maroc serait alors un carrefour nergtique entre les deux rives de la


Mditerrane, favorisant son ancrage dans un vaste march rgional euromaghrbin de
llectricit, et ouvrant de nouveaux horizons pour les investisseurs.

Malheureusement, le dbut de lanne 1993 fut encore difficile au plan national, la


scheresse svre ayant perturb grandement lactivit conomique dans son ensemble
et rduit davantage le niveau deau dans les barrages.

***
A SOCOCHARBO, une nouvelle quipe dirige par El Mostafa Alaoui, avait pris les
rnes pour effacer les squelles lgues par lancienne gestion.

La tenue des Conseils dAdministration de lONE, de la SNPP, de la SAMIR prside


par Youssef Bel Abbs (ancien Ambassadeur en France), de PETROM et de SHELL, furent
pour moi des occasions prcieuses pour approcher les vrais problmes lis la production
dlectricit et aux programmes dquipement, et apprcier la situation du secteur du
raffinage ptrolier sous ses multiples facettes.

Le Ministre avait galement tenu suivre de prs le projet de ralisation du Gazoduc


Maghreb Europe (GME) dcid avec la cration en 1989 de la Socit OMEGAZ associant
la SNPP (Maroc), SONATRACH (Algrie), ENNAGAZ (Espagne), GDF (France), RUHRGAS
(Allemagne) et GDP(Portugal).

Au pralable, les partenaires avaient conclu des accords multilatraux prcisant les
conditions dachat et de transit du gaz, le financement du projet, la construction et
lexportation, lesdits accords tant ouverts ladhsion des tiers intresss.

Cette organisation du projet devait assurer les conditions optimales de construction


et dexploitation du Gazoduc et les garanties pour son dveloppement futur, afin que ft

421
ralis lacheminement du gaz dans les meilleures conditions de scurit, cot, dlai,
stabilit, flexibilit et efficacit.

Lensemble des investissements, ncessaires pour relier les champs gaziers algriens
de Hassi Rmel la frontire hispano-franaise, tait estim 2,5 milliards de dollars, dont
plus de 1,3 milliard de dollars investis par des tiers pour le tronon traversant le territoire
marocain, depuis An Bni Mtaher Tanger.

Dans un premier temps, la socit OMEGAZ avait pour mission de raliser des tudes
techniques et conomiques ayant trait au tronon du Gazoduc de 545km en grand
diamtre, depuis la frontire algrienne prs de An Bni Mtaher jusquau Dtroit de
Gibraltar, en passant prs de Taza et Ouezzane, lEtat marocain accordant des avantages
fiscaux et administratifs.

En deuxime phase, aprs des analyses ocanographiques, mtorologiques et le


choix du couloir de passage sous-marin, une seconde tude concernera les stations de
compression, non loin des grottes dHercules prs de Tanger, et le tronon en diamtre
rduit sous le Dtroit de Gibraltar.

Les tudes dOMEGAZ avaient t acheves en 1992 pour un cot de lordre de 7


millions de dollars, et le dmarrage des travaux avait eu lieu en fin 1993, la mise en
service tant prvue en octobre 1995.

Au dmarrage du Gazoduc, le dbit annuel devrait tre de 8 milliards de m3 destins


en majorit ENAGAS.

En deuxime phase le dbit pourrait atteindre 18 milliards de m3, essentiellement


consomms en Espagne, Portugal et France.

Ce projet structurant, modle de coopration intermaghrbine et de partenariat Nord-


Sud, bnficiant de lappui des institutions internationales (Communaut Europenne,
Banque Mondiale, Banque Europenne dInvestissement), sinscrit dans un espace
nergtique mditerranen et, terme, assurera le bouclage du rseau gazier autour de
la Mditerrane.

Pour le Maroc, les retombes seront multiples savoir : apport de devises,


diversification des sources nergtiques, introduction de nouvelles technologies de
production dlectricit (cycles combins permettant 40% dconomie sur les
investissements et 40% au niveau des rendements nergtiques dans les centrales),
meilleure sauvegarde de lenvironnement, rcupration de la pleine proprit de louvrage
au bout de 25 ans dexploitation, opportunit du recours au gaz naturel dans la
composante du bilan nergtique national.

Au total, 14% de la capacit du Gazoduc sont la disposition du Maroc (la redevance


de transit tant fonction du prix du gaz) qui pourrait les utiliser dans lapprovisionnement
de ses futures centrales lectriques centrales, comme Tahaddart, non loin dAsilah.

Aprs le lancement du projet, des runions tripartites rgulires Maroc-Algrie-


Espagne furent tenues pour constater ltat davancement des travaux et pour marquer
chaque fois lirrversibilit de laction mene et ses retombes positives sur les conomies
des pays partenaires.

Dans ce cadre, une dlgation portugaise, venue sinformer sur ltat davancement
du Gazoduc, semblait dcide rompre avec les Franais dans la ralisation du terminal
gazier de Sins.

Les Portugais taient convaincus que les intrts de leur pays seraient mieux
sauvegards en prenant part au GME, considr comme un pont entre les Mondes
europen et africain.

422
Dans le secteur minier
Concernant le secteur des mines, au cours du mois de dcembre 1992, le Prince
Hritier Sidi Mohammed prsida le lancement officiel de la production du projet
polymtallique de Hajar.

Une descente au fond avait suivi la crmonie.

Louverture dune nouvelle grande mine tait venue concrtiser la coopration des
Groupes BRPM et ONA et redorer le blason de la mine marocaine terni par la faiblesse
persistante des cours des matires premires minrales et impact par le poids du cot
des transports terrestres et maritimes.

Les deux Groupes, aprs lentre en production de Hajar, dcidrent de poursuivre et


de conjuguer leurs efforts pour amliorer le cadre de vie du personnel de leurs filiales
communes, de favoriser et dacclrer laccession la proprit la cit minire de la SMI
Tinerhir, geste unique dans les annales de la mine marocaine, et bonne augure pour le
renforcement des liens inter entreprise.

Au niveau des autres mines, Jbel Aouam notamment, prvalait une situation
difficile la suite du retrait de la Compagnie Minire de Touissit (CMT) en tant
quactionnaire de la Socit des Mines de lAouam (SMA), et de la demande des
actionnaires belges dune restructuration drastique des effectifs et la baisse des autres
charges dexploitation.

De plus, lAouam, en butte aux incidences nfastes de la chute des cours du plomb
et de largent, le souci de lAdministration des Mines tait de maintenir lactivit pour ne
pas mettre en pril la vie de 700 familles, avec des retombes sociales graves dans un
secteur du Moyen Atlas, rput frondeur depuis toujours.

Malheureusement, les autres dpartements concerns navaient pas la mme


sensibilit, avec en triste perspective la liquidation de la socit court terme.

Une reprise par CMT tait envisage, dans un cadre rnov de lexploitation des
secteurs les plus riches en minerai de plomb argentifre Tighza (Irherm Aoussar), mis
en vidence quelques annes auparavant.

Par ailleurs, les fermetures des exploitations de Boumadine et de Tazalaght,


dmarres au cours des annes soixante dix, avaient confirm le malaise rampant dans le
secteur minier national et travers le monde.

Une partie de nous-mmes stait vapore, sans grand espoir de rsurrection, ne


nous laissant que le souvenir amer et triste des popes hroques de la recherche
minire dans lOugnat, du montage des projets et de la disparition brutale de Achour
Boujema en service command Tazalaght en 1979.

Dans un autre cadre, les runions des Comits de Direction du BRPM et de lONAREP
avaient attir lattention des pouvoirs publics sur lurgence daccorder des crdits
ncessaires et suffisants la poursuite des actions de promotion et de dveloppement
des secteurs minier et ptrolier.

Malheureusement, lopposition du Ministre des Finances toute tendance haussire


des budgets et la poursuite de loctroi de subventions drisoires au BRPM, sonneront le
glas de la mine mtallique marocaine.

Lhistoire nous avait enseign que sans les recherches minires du BRPM, la mine
mtallique au Maroc tombera dans une nouvelle lthargie dvastatrice.

423
En consquence, aucune dcouverte majeure ne fut enregistre durant cette triste
priode, et probablement, il fallait sattendre une descente aux enfers de la mine
mtallique dans notre pays.

Nous avons tous continu esprer un lan salvateur pour la remettre sur les rails
dun dveloppement renouvel et prenne.

Sance de travail prside par le Roi Hassan II


Fin dcembre 1992, jtais prsent en tant que Secrtaire Gnral du Ministre au
Roi Hassan II par le Ministre de lEquipement, Kabbaj, loccasion de linauguration du
complexe hydrolectrique de Matmata, en prsence du prince Soltane dArabie Saoudite.

Dbut de fvrier 1993, javais accompagn le Ministre Fs pour participer une


runion prside par le Roi au Palais royal, laquelle avaient assist, outre les Ministres
et les Conseillers royaux, les Secrtaires gnraux des Ministres de lEquipement, de
lAgriculture et de lEnergie et des Mines, et le Directeur Gnral du DERRO, organisme
charg du dveloppement du Rif.

Ce fut pour moi un moment inoubliable car, aprs lintervention rapide de mes
collgues, le Souverain avait suivi, attentivement pendant plus dune demi-heure, mon
expos sur les problmes de llectrification rurale, la ralisation du Gazoduc Maghreb-
Europe, le dveloppement de la recherche gologique et minire dans le Rif, et la
valorisation des substances minrales aux plans national et rgional.

A plusieurs reprises, le Roi mincitait poursuivre mon expos, alors que javais
dpass les cinq minutes qui taient imparties mes prdcesseurs.

Le Roi, intress probablement par mon expos, posa 25 questions relatives


lnergie, aux mines et la gologie, auxquelles nous avons rpondu conjointement avec
le Ministre Alaoui, la grande apprciation du Souverain et des prsents autour de la
grande table de runion.

Moulay Ahmed Alaoui, fut prompt pour me rappeler, judicieusement et avec


insistance, lexistence dans le Rif de la mine de fer de Badis en bordure de la mer
Mditerrane, exploite au Moyen Age.

A la fin de la runion vers 13H, les ministres Meziane, Alaoui et Ahizoune taient
ravis de ma prestation.

Et retenant les ministres prsents djeuner au Palais royal, le Roi, pour marquer sa
satisfaction, avait charg spcialement le Protocole Royal de lorganisation de notre
propre repas au Palais Jama.

Avertissez le Palais Jama pour quon leur serve un bon djeuner quils mritent ;
ce qui fut fait, car nous emes droit un dlicieux repas.

En Arabie Saoudite
Durant le mois de Ramadan mars, 1993, je mtais rendu en Arabie Saoudite pour
participer, en compagnie du Professeur Hamdani de la Facult de Droit Marrakech, en
tant que suffragants, la soutenance du mmoire de magister prpar par Adnane
Hashimi, officier suprieur saoudien de la Dfense Civile, sur le thme la scurit dans
les mines mtalliques marocaines.

Auparavant, Adnane, pilot par les cadres de la Direction des Mines, avait sjourn
au Maroc et visit des exploitations minires pour apprcier les programmes daction et
les actions entreprises pour promouvoir la scurit.

424
Nous fmes chaleureusement accueillis Ryad et logs au Centre de
Perfectionnement et dEtudes de Scurit, immense complexe relevant de la Ligue Arabe,
financ par lArabie Saoudite, avec campus, mosque et htel particulier.

La gestion htelire tait assure par une quipe marocaine comptente, mais trs
nostalgique de son pays.

Nous avons la nostalgie du pays, surtout pendant la priode de Ramadan , me dit


le chef dquipe marocain, trs heureux de nous accueillir et de nous servir.

A la manire saoudienne, entre hommes, nous avons rompu fastueusement le jene


tous les jours au domicile de Adnane, avant daller flner travers limmense cit de
Ryad, accompagns et chaperonns par son fils Zaki, toujours disponible et aux petits
soins pour nous.

Nous avons dcouvert une cit qui vit la nuit, dans les souks livrs aux femmes, les
cafs, les rues bonds et les magasins surveills par les quipes du temple de la vertu
trs pointilleuses sur le port du voile.

Nous avons assist une scne cocasse o des trangres dorigine europenne,
furent rappeles lordre par des moutawaas en les obligeant porter correctement
leur manteau noir et leur coiffe pour dissimuler leur chevelure, avant de pntrer dans
une bijouterie du centre ville.

Nous aussi, nous fmes refouls sans mnagement dun souk ddi uniquement aux
femmes, avant dassister lentre dun magasin une intervention de la police des
murs pour obliger des femmes europennes respecter le port du voile.

Deux jours aprs notre arrive Ryad, notre hte Adnane, nous avait confis son
fils Zaki pour nous accompagner et nous guider durant la Omra La Mekke, accomplie
parmi des dizaines de milliers de fidles et dans une ambiance de pit et de
recueillement extraordinaires.

Aprs la Omra et un ftour Djeddah, nous avons dcouvert limmense Corniche


illumine, les grandes artres, les souks aux mille facettes, avant de dner au bord de la
Mer Rouge, o de nombreuses familles saoudiennes venaient prendre de lair, tendues
sur des sofas.

Nous avons rejoint Ryad Le lendemain, pour assister, dans lamphithtre du Centre
de Perfectionnement, la prsentation en grande crmonie de la thse d'Adnane, pour
laquelle nous faisions partie du jury.

Le pre Adnan, vnrable Arabe de la tribu des Bnou Hisham de La Mekke, tait venu
spcialement assister la soutenance du mmoire de son fils.

Pour notre part, avec le Professeur Hamdani, en prambule, nous avons fait part de
la bonne apprciation laisse par Adnan lors de son passage dans les exploitations
minires au Maroc, et de son profond intrt pour la chose de la scurit dans les
mines marocaines.

Aprs lexpos rapide du contenu de la thse, Adnan fut soumis au feu roulant des
nombreuses questions sur les mesures prendre en Arabie Saoudite pour garantir la
scurit dans les activits conomiques du pays, et notamment dans les exploitations
ptrolires et minires en gestation.

Adnane, tout fait laise, avait rpondu aux questions, sans jamais se dpartir de
son calme olympien.

425
Dailleurs, pour cela, sa prestation fut salue, juste titre, par des acclamations
nourries de ses nombreux concitoyens venus nombreux, au grand bonheur de son
honorable pre, drap dans sa tenue de cheikh hachmite vnrable.

Une rception avait suivi la prsentation au cours de laquelle nous fmes lobjet de
beaucoup de considration de la part des dignitaires saoudiens, et notamment du pre
dAdnane qui avait tenu marquer son admiration pour laccompagnement de son fils
dans ses multiples investigations dans le secteur minier marocain.

A dfaut de ne pouvoir nous rendre dans la rgion de Houfhouf, dans la partie


orientale de lArabie Saoudite, proche des immenses gisements ptroliers de la rgion de
Dahran, nous avions consacr les deux derniers jours Ryad la visite des nouveaux et
immenses quartiers, notamment la cit diplomatique regroupant les ambassades
transfres de Jeddah, les universits, les parcs dattractions et de repos et les centres
dintrt de la capitale saoudienne.

Au dernier jour, une entrevue eut lieu avec le Gnral Hashimi, responsable de la
Dfense Civile, oncle d'Adnane et homme de grande culture qui nous avait entretenus de
la situation sociale, conomique et politique dans son pays.

Aprs un dner grandiose chez un parent dAdnane, et quittant le Professeur Hamdani


et les htes saoudiens, javais regagn le Maroc aprs une longue et ennuyeuse escale
Djeddah et un stop Tunis.

Que dire de ce dplacement ?

Durant le sjour, javais redcouvert une Arabie Saoudite en pleine mutation


conomique, avec de gigantesques ralisations coup de milliards de dollars Ryad,
Djeddah et La Mekke.

Il y a peut tre un gchis monstre, mais il y a aussi des ralisations qui ont
profondment transform le pays des Bdouins et des commerant de Djeddah et de La
Mekke , nous avait dit un connaisseur de la rgion.

La Mekke avait t bouleverse et les environs de la Grande Mosque et de la Kaaba,


taient rellement mconnaissables.

Les Saoudiens avaient engag des investissements colossaux, estims des dizaines
de milliards de dollars pour rendre la premire ville sacre de lIslam plus accueillante et
plus accessible aux plerins de tous les pays.

Ryad, durant le Ramadan, dormait le jour et vivait ardemment la nuit dans une
dbauche de lumires, avec les grandes artres croulant sous les flots de belles voitures,
et une circulation infernale que la police arrivait difficilement canaliser.

Quand on se promne dans la capitale saoudienne, on se meut dans un splendide


muse darchitecture, sans le moindre souci de rentabilit, faonn par des mains des
expatris de tous les continents, souvent non musulmans.

Le musulman est toujours en train de gmir et de faire appel aux sentiments


religieux, les autres travaillent et produisent dabord, nous avait dit Adnane, sous
entendant que les Saoudiens prfrent les non musulmans pour accomplir les tches
ingrates queux-mmes avaient toujours rpugnes.

Partout, les moutawaas, vritables gardes chiourmes du temple de la vertu,


omniprsents tous les coins de rue, pouvaient intervenir en cas dentorse voulue ou
feinte la morale saoudienne.

Les Saoudiens sont devenus des hommes daffaires avertis, des sponsors et des
intermdiaires, alors que le travail rude, dur, ingrat est le domaine de prdilection des

426
asiatiques (Indiens, Philippins, Indonsiens, Corens), des Egyptiens et des Marocains
prsents et apprcis dans lhtellerie et les autres services.

Laction sociale en pleine mutation au Dpartement


Au niveau interne, la demande du Ministre, une attention particulire fut accorde
aux uvres Sociales du Dpartement, en engageant des actions tous azimuts avec
dtermination, car, sans dtour et par avance, la proccupation sociale tait pour nous,
naturelle et non de circonstance.

Ne toccupe pas des problmes sociaux, car tu vas tenliser dedans, focalise ton action
sur les problmes techniques et laisse les relations humaines aux autres , me conseilla
quelquun.

Ce conseiller semblait ignorer que les problmes techniques, sans les occulter ou les
sous estimer, taient dabord lapanage des Directeurs, et quil ne mincombait pas de me
mettre leur place.

La revendication doit tre traite en amont, en aval ne demeurent que les rsidus
incurables des inaptes ladaptation, tout en gardant lesprit quon nest pas social sous
la pression du personnel.

Ainsi, outre les problmes de coordination, danimation et de vitalisation des activits


administratives et techniques, le volet social avait aussi bnfici dune attention
particulire en humanisant les rapports interservices, divisions, directions, dans un souci
dquit et de transparence.

La gestion rationnelle de nos moyens humains et matriels et lallocation logique de


nos ressources limites, furent la clef de vote de nos interventions.

Rationaliser les dpenses, lutter contre les abus et le gaspillage, sont les meilleures
faons daugmenter les crdits , disait un averti en matire budgtaire.

Au Ministre, la politique sociale mise en chantier avait commenc rcolter ses


fruits travers le Bureau des Oeuvres Sociales.

Ce dernier fut redynamis avec lappui vigoureux du Ministre, le soutien de la


majorit du personnel et lanimation par des membres du Bureau enthousiastes,
notamment Mme Akesbi, Berrada et Idir, toujours disponibles.

Ainsi, aprs avoir dml lcheveau de la Cooprative des logements Hay Ryad
avec le CIH, de nouveaux espoirs taient ns pour aller de lavant et rpondre aux
attentes des fonctionnaires en matire de transport, dassurances, de colonies de
vacances, de sjours au COS/ONE, etc.

Un foyer restaurant et une infirmerie furent installs dans les locaux abandonns au
rez-de-chausse du deuxime btiment, et leur gestion confie un professionnel de
lextrieur et un mdecin conventionn.

Lamnagement et lquipement dune salle omnisport furent lancs.

Une nouvelle salle de runions au sous sol avait t admirablement acheve et


quipe, donnant la possibilit au Dpartement daccueillir dignement ses nombreux
htes et ses visiteurs de marque.

Paralllement, leffort de formation continue prn de longue date par le Ministre,


tait soutenu et diversifi.

Le Fonds de Formation Inter Entreprises Minire, prsid par le Secrtaire Gnral et


administr par Naciri, avait tenu rgulirement ses runions et examin les dolances des

427
socits participantes, dans un esprit douverture et dquit dans lallocation des
subventions.

A tous les niveaux du Dpartement, des commissions spcialises brassaient


linformation et la faisaient circuler, donnant chacun le sentiment de participer la vie
du groupe et de sidentifier lui.

Ainsi personne ne sennuyait, ni laissait son intelligence lentre pour la reprendre


immdiatement la sortie.

La Division administrative, place sous lautorit de Sadiqui, ancien Chef de la


Division de la Gestion Minire, avait accompagn avec constance et clrit cette grande
uvre voue au bien tre de tous les agents du Dpartement.

A force dexplications et de runions, nous avons loign et dtruit les tabous, en


faisant rgner un souffle nouveau au Dpartement, avec le dsir de tous de participer
luvre commune ddification.

Linformatisation de nos travaux, leitmotiv quotidien, avait vis rendre plus efficace
et plus efficiente notre action pour diminuer les temps de rponse aux sollicitations et
interrogations des citoyens et des fonctionnaires.

A fin mars 1993, nous avons achev le projet de restructuration du Ministre, en


esprant son adoption rapide au niveau du Gouvernement, pour bousculer les routines et
amener de nouvelles ides ncessaires tout dveloppement durable.
***
Plusieurs dplacements lintrieur du pays mavaient men Nador pour participer
linauguration de projets prside par le Premier Ministre, Karim Lamrani, et
Marrakech pour relancer le Conseil de Perfectionnement de lEcole des Mines et donner
une confrence sur les secteurs des mines et de lnergie, la demande du Conseil
rgional des anciens laurats de lEcole Mohammedia.

Durant la dernire semaine de juin 1993, je mtais rendu Paris pour faire un
expos sur le Gazoduc Maghreb-Europe, loccasion du sminaire organis lHtel
Baltimore par la Chambre de Commerce franco-arabe.

En aot, les relations du Ministre Alaoui et du Directeur Gnral de la Socit


Nationale des Produits Ptroliers (SNPP) staient brutalement dgrades, le Ministre
ayant dcid de relever Esseddiqui de ses fonctions, laccusant dindiscipline, dintrigant,
peu coopratif et cachottier pour tout ce qui avait trait au secteur ptrolier en phase de
privatisation.

Alaoui ne pouvait pas supporter quun de ses collaborateurs minents, occupant de


surcrot un poste stratgique la SNPP, pt le court-circuiter, dans la dlicate phase
traverse par le secteur de lnergie, en se rfrant discrtement aux services de la
Primature rfractaire souvent aux ides du Ministre.

Sur mon insistance personnelle et amicale, le Ministre diffra sa dcision, demandant


Esseddiqui de partir en cong, chargeant Bouhaouli, ex-Directeur de lEnergie, dassurer
lintrim avec tous les pouvoirs de gestion.

Bouhaouli, au retour de Esseddiqui, sera confirm comme Directeur Gnral Adjoint,


venant dissiper quelque peu son ressentiment aprs lavortement de sa candidature au
Centre National des Etudes, des Sciences et Techniques Nuclaires (CNESTEN) o Khalid
Mdiouri fut nomm sur dcision royale en remplacement du Professeur Houari.

Khalid Mdiouri, cadre de grande valeur, fils de son pre, tait appel
redynamiser le CNESTEN en vue permettre notre pays de matriser les techniques
nuclaires et de se prparer lintroduction de llectronuclaire aprs lpuisement
inluctable des gisements ptroliers dans le monde.

428
A lIle Maurice
Et en Afrique du Sud
En t 1993, aprs une anne bien laborieuse, en compagnie de mon fils Karim et de
mon ami Mhamed Bennani, un long voyage, alliant lagrable lutile, nous avait mens
Djibouti, La Runion, lIle Maurice et en Afrique du Sud.

Partis de Paris, aprs une courte escale Bordeaux, nous avons atterri Djibouti,
dans un environnement de pierrailles.

A proximit immdiate, des hlicoptres Puma, des avions Transal sur les pistes et
dimmenses hangars abritant des avions Mirage 2000, taient les indices de la prsence
muscle de lArme franaise dans la Corne de lAfrique.

Cette prsence rappelait que Djibouti faisait partie du Territoire franais des Afars et
des Issas et quelle avait un intrt stratgique par sa situation lentre de la Mer
Rouge, proche du verrou de Bab El Mandab sur le Golfe dAden.

Djibouti, indpendante depuis 1977, fut aussi le point de dpart de la ligne de


chemin de fer vers Addis Abba en Ethiopie dont lquipement proviendrait de lancienne
voie ferre coloniale entre Guercif et Midelt.

Aprs Djibouti, lescale de lle de La Runion, lavion dAir France stait


pratiquement vid, et seuls quelques passagers avaient continu sur lIle Maurice.

A lIle Maurice

A larrive Port Louis, capitale de Maurice, le Consul Gnral dAfrique du Sud,


contact de Rabat par le Charg des intrts sud africains au Maroc, Mostert, avait fait le
ncessaire auprs des autorits mauriciennes pour nous faciliter laccs et obtenir les
visas de sjour pour une semaine.

Un chauffeur du Consulat dAfrique du Sud nous attendait pour nous conduire


lhtel, non loin de laroport.

Nous tions heureux de fouler le sol de Maurice, la fatigue du long voyage se


transformant en joie et impatience de retrouver lHtel Shandrani annonc comme un
joyau faire rver, class parmi les meilleures rsidences de lIle.

Lhtel, un lgant cinq toiles, est un ensemble de bungalows, ensoleill et fleuri,


disposant de toutes les commodits : piscine, golf, salles de sports, sauna, restaurants,
shopping centers, tout pour retenir le touriste dans un cadre enchanteur de doux
farniente et lui permettre de passer un agrable sjour, en bordure de mer, le tout
proximit immdiate de plages de sable blanc bordes de cocotiers, avec un service
assur par un personnel dune gentillesse exquise.

Le deuxime jour, le Consul Gnral dAfrique du Sud nous convia un djeuner


Port Louis, centre daffaires et dindustries textiles, avant daller faire quelques emplettes
Curpipe, la deuxime ville, construite prs dun ancien cratre volcanique dnomm
Trou aux Cerfs.

Sous une pluie battante, dans un taxi conduit par un crole, nous avons regagn
lHtel Shandrani, accueillant, anim et envahi par les touristes.

Les 3 et 4 jours, nous avons lou une voiture avec chauffeur pour aller dcouvrir
lIle o nous avons admir des paysages merveilleux et dautres installations touristiques
de haut de gamme.

429
La grande Maurice (ancienne le de France de 1.865 km de superficie), environ 800
km lest de Madagascar et 2OO km au Nord-est de lle de La Runion, tait dabord
une colonie franaise, puis britannique, et enfin en 1968, Etat indpendant, membre du
Commonwealth.

Lensemble mauricien avec ses dpendances, occupe une superficie de 2.040 km,
pour 2.150 les.

Sa population tait estime en 1993 1,2 millions dhabitants, et Port-Louis, point de


ralliement des Mauriciens, concentre plus du 1/3 de cette population.

Lhistoire du peuplement se traduit par des clivages entre communauts ; la


population groupe les descendants des esclaves, les grands blancs tablis avant
labolition de lesclavage et toute une gamme de mtis.

Les originaires de la pninsule indienne forment la communaut indo-pakistanaise


(hindouiste dans la campagne et musulmane sunnite modre en zones urbaine) ; les
Chinois peu nombreux, sont trs actifs dans le commerce.

En plus de langlais, langue officielle, et du franais, les habitants parlent le


mauricien driv du franais, le hindi, lourdou, le tamoul et le chinois.

Les Mauriciens extrmement gentils, accueillants, affables, gais, aimant la fte, ont
appris tirer partie de la beaut de lIle; ils sont le produit de tous les continents, leur
pays ayant bnfici de lamalgame des multiples civilisations qui sy sont entremles.

On peut affirmer sans exagrer, que Maurice est un vritable univers lui tout
seul o chaque communaut prserve sa culture et ses traditions, et il suffit dy aller pour
ne plus vouloir en repartir.

La pauvret nempche pas la joie , disent les Mauriciens.

Dans lIle, sorganise dans une harmonie parfaite, inconnue ailleurs, une vie dun
peuple composite qui a choisi de faire de sa pluralit une source de bonheur ; les
communauts et les religions cultivent la symbiose plutt que laffrontement.

Dans lle dorigine volcanique, les coules basaltiques stendent vers le Nord et
constituent des terroirs fertiles ; une barrire corallienne assure lle des ports bien
protgs et des eaux calmes et sres qui font le bonheur des touristes.

Le climat est tropical, domin par linfluence des alizs du sud-est, avec des pluies
dt austral (novembre avril) ; de fvrier avril, lle subit des dpressions de la
mousson, des fois dvastatrices.

La canne sucre, qui occupe 50% des plantations de lle, et le th sont la base de
lconomie mauricienne ; partout les terrains pauvres dorigine volcanique ont t
dpierrs, et des pyramides de blocs basaltiques attestent de leffort pour rendre les
terres aptes ces cultures.

Les exportations de textiles, dans le cadre dune zone franche manufacturire, ont
pris le relais pour assurer ladolescence de cette conomie.

Le chmage qui svissait auparavant, a t jugul tel point que les entreprises
importent de la main duvre, faisant de Maurice linterface entre lAfrique et lAsie du
sud est.

Par ailleurs, l'Ile Maurice sest transforme en centre financier rgional,


ambitionnant de faire du secteur des services financiers le quatrime pilier de son
conomie, aprs le sucre, la zone franche et le tourisme.

430
Mais pour lconomie mauricienne, le dveloppement du secteur industriel et des
services ne veut pas dire la relgation de lagriculture au second plan.

Le sucre a irrigu lconomie mauricienne , nous a dit un diplomate.

Au plan du tourisme, Maurice accueillait plus de 300.000 touristes annuellement, ce


qui lui rapportait plus de 300 millions de dollars, soit plus de 3,3% de son PIB, la clientle
tant compose essentiellement dEuropens, de Sud Africains et de Japonais.

En Afrique du Sud pour la troisime fois


Apres Maurice, nous avons rejoint Johannesburg aprs un vol mouvement dAir
Mauritius, par suite dennuis de racteur au survol de Madagascar.

Aprs un retour Port Louis pour rparation, du racteur, nous sommes arrivs
destination, aprs un retard de six heures.

A laroport de Johannesburg, nous fmes accueillis par Jzouani, de la


reprsentation du Maroc Pretoria, et conduits lHtel Balalaka dans le quartier
rsidentiel de Sandton.

Nous avons dn ensemble dans un restaurant italien suivi dune visite de courtoisie
la famille de Jzouani.

Le lendemain, 6 septembre 1993, aprs des sances de travail avec des socits
productrices de charbon, un reprsentant de la socit TransNatal nous avait conduits
laroport pour prendre le vol sur Cape Town o javais fait dcouvrir Bennani et Karim
la Table Mountain et la Corniche en bordure de lAtlantique.

Le soir, nous avons dn au Green Delphin, dans le vieux port, en souvenir du


passage de la dlgation marocaine en 1991.

Le lendemain, en taxi conduit par un Xhosa, nous avons effectu une randonne en
passant proximit de lancienne base de lOTAN, Simonstown.

Puis, nous avons travers de belles rgions verdoyantes, bastion des Afrikaners et
des boers qui ont su admirablement mettre en valeur des terres restes en friches avant
leur colonisation au 17 sicle.

Ensuite, ce fut le tour du Mmorial de Vasco de Gama, en souvenir de ce navigateur


intrpide ayant contourn lAfrique pour la premire fois, en direction des Indes, puis
Cape Point et Cape of Good Hope (Cap de Bonne Esprance), les points les plus
septentrionaux de lAfrique.

La zone du Cap de Bonne Esprance, dnude et rocailleuse, abritait un levage


dautruches et une famille de babouins.

Nous avons escalad le rocher de Cape Point, en compagnie dun groupe de jeunes
visiteurs trs heureux de se trouver lextrmit du continent africain.
Au retour vers Le Cap, nous avons travers une zone de haras et dagriculture
mcanise, rappelant la Hollande ou les pays scandinaves, alors que, malgr la fin de
lApartheid, la misre dans les home lands tait encore poignante.

Nous sommes passs proximit de la clbre prison de Pollsmore o fut longtemps


intern Mandela, avant son transfert Robben Island au large du Cap.

Nous avons repris lavion sur Johannesburg en dbut daprs midi, accueillis
larrive par le reprsentant de TransNatal venu nous conduire lHtel Balalaka.

Le soir, nous avons dn tranquillement dans un restaurant italien frquent par la


jeunesse blanche aux allures franchement yankee.

431
Le lendemain, nous sommes alls en hlicoptre, 250 km lest de Johannesburg,
dans une mine de charbon de TransNatal, o nous fmes chaleureusement accueillis par
les responsables de lexploitation.

Le gisement de charbon, enfoui 160 m de profondeur, est constitu de deux


couches horizontales totalisant 7m de puissance, dpiles au mineur continu pour
produire plus de 8 millions de tonnes par an de charbon de qualit vapeur achemin vers
une centrale lectrique proximit de la mine.

Le centre minier employait un effectif de 2.000 personnes dont 150 au fond.

Aprs un copieux djeuner, nous sommes retourns Johannesburg, en survolant


les anciennes exploitations dor reconnaissables leurs terrils dont certains repris trs
grande allure pour rcuprer les quelques grammes dor contenus dans les rejets.

Le soir, nous avons dn Pretoria au domicile de lAmbassadeur du Maroc,


Benriyane, en compagnie de Haddaoui, Ministre charg de la communaut marocaine
ltranger, en transit pour aller reprsenter le Roi Hassan II lintronisation du nouveau
monarque du Swaziland.

Le lendemain 9 septembre, javais assist aux travaux du Sminaire sur les


opportunits dinvestissements en Afrique, avec la participation de plusieurs pays
africains et des hommes daffaires sud africains rencontrs lan dernier Yaound.

Lorganisation, orchestre par trois jeunes filles, fut remarquable tous points de
vue ; cependant les exposs furent plus ou moins brillants et dignes dintrt.

Le soir, nous sommes alls laroport saluer, avant son dpart, Haddaoui que Karim
et Benriyane avaient accompagn le matin pour effectuer un circuit de safari dans le
domaine de Sun City.

Le 10 septembre 1993, ce fut mon tour dexposer en anglais sur la politique


marocaine en matire dinvestissement dans le secteur minier.

Le soir, lAmbassadeur, Benriyane, avait tenu organiser une grande rception en sa


rsidence sur les hauteurs surplombant Pretoria, laquelle furent convis de nombreuses
personnalits du monde des affaires et tous nos amis sud africains Pretoria, dont Dr
Frick et Hernan.

Le 11 septembre, Kerr, responsable la socit SECO, fabricant de matriel minier,


accueilli au Maroc quelques mois auparavant, nous reut djeuner, en compagnie de
Sud Africains blancs et dEcossais.

Le soir, nous avons invit les Benriyane dans un restaurant pris de Pretoria pour
leur marquer notre reconnaissance pour leur amabilit et leur soutien.

Le 12 septembre, nous avons effectu le tour de Pretoria, en passant par


lAmbassade du Maroc au centre de la capitale sud africaine, avant de nous restaurer au
centre des loisirs, mi chemin entre Johannesburg et Pretoria.

En fin daprs midi, lAmbassadeur Benriyane nous accompagna en personne


laroport Jan Smuts do nous avons regagn Paris par lavion dAir France.

Nous avons quitt Karim Paris et regagn Rabat le mme jour, tous contents
davoir effectu un long priple, intressant et enrichissant plus dun titre.

432
Le secteur de lEnergie en mutation
Au retour de cong, des dplacements furent effectus dans les dlgations du
Ministre Tanger, Mekns, Fs, Oujda, Marrakech, Casablanca, Agadir, Ouarzazate, Bni
Mellal pour valuer la situation, et surtout pour montrer aux responsables de nos services
extrieurs quune oreille rellement attentive tait l pour les aider solutionner, autant
que faire ce peut, les problmes auxquels ils faisaient face.

Fin septembre 1993, javais prsid la dlgation marocaine la runion ordinaire de


la Confrence Annuelle de lAgence Internationale lEnergie Atomique dans la capitale
autrichienne, Vienne.

Ce fut une nouvelle exprience pour moi, car dans ce domaine, il tait primordial
dassurer la coordination des actions de la dlgation, inexistante jusqualors, et adopter
une position commune face aux reprsentants du Dpartement de la Coopration de
lAgence, connus pour tre coriaces dans loctroi des crdits et peu souples pour
accrditer les programmes prsents par les pays membres comme le Maroc.

Trs vite, aprs une runion de mise au point notre arrive, les membres de la
dlgation avaient compris que dans lintrt suprieur de notre pays, il fallait parler le
mme langage, ne pas agir en ordre dispers, et ce, pour mieux exploiter les opportunits
en matire de crdits daide.

Le reprsentant du Ministre de la Sant connu pour faire diversion, stait ralli


notre approche pour prsenter nos dossiers lexamen des experts de lAgence en
matire dutilisation des isotopes et des sources de rayonnements.

Les travaux de la Confrence plnire se droulrent dans une quasi-indiffrence, les


problmes inhrents la situation conflictuelle en Irak, la propension de la Core du Nord
dvelopper son programme nuclaire militaire, et la situation quivoque en Afrique du
Sud avaient domin les exposs et les dbats, clipsant les autres sujets dintrt.

Notre participation aux travaux du groupe africain avait permis de connatre ltat
desprit des dlgus et de noter que la langue de bois et la rhtorique striles taient
toujours en vigueur dans les forums internationaux.

LAmbassadeur du Maroc, Mohammed El Fassi, qui nous avait dj honors lors des
prcdentes runions du Groupe dEtude du Plomb et du Zinc, invita lensemble de la
dlgation dner en sa rsidence dans le quartier hupp de Vienne.

Aprs la capitale autrichienne, lors dun bref dplacement Zurich et Baden, javais
visit les installations de la socit Brown Boveri spcialise dans la mise au point et la
fabrication des turbines gaz pour cycle combin, dsireuse de collaborer avec lONE
dans le cadre de sa nouvelle politique dquipement acclr pour endiguer la crise
nergtique et loigner les dlestages en priode de pointe.
****
Avant de rentrer Rabat, avec mon pouse, nous avons assist la mairie du 10
Arrondissement et au Consulat Gnral du Maroc Paris, un vnement familial
majeur : le mariage de notre fils Karim avec Zineb Benjelloun.

En dbut daprs-midi, un djeuner restreint regroupa nos deux familles au


restaurant Cladon, non loin de lOpra.

Le lendemain, nous tions convis avec les deux jeunes poux par la famille Benam
un djeuner Saint Cloud, et le soir, notre tour, nous avons t les htes dun dner au
restaurant Le Rostang dans le quartier des Ternes.

Perspectives du secteur nergtique

433
Les difficults rcurrentes lONE taient venues confirmer la ncessit autant que
lurgence dune action volontariste et rapide pour que le Maroc dispose dans les plus brefs
dlais dun systme lectrique parfaitement performant sur le plan conomique,
totalement fiable sur le plan technique et couvrant lensemble des besoins du pays en
lectricit, facteur dterminant dans le dveloppement conomique et social aux plans
national et rgional.

Dans ce contexte, la politique nergtique nationale devrait sorienter principalement


vers la mobilisation des ressources locales, la diversification des nergies utilises et la
matrise de lnergie.

Il fallait veiller ce que les sommes considrables consacres ces oprations


fussent utilises efficacement et que les rsultats obtenus fussent la mesure de leffort
consenti, quil sagisse de la quantit dlectricit effectivement disponible dans le pays
ou du rendement conomique du capital investi par lEtat.

Par ailleurs, les mutations profondes et rapides qui sopraient sur la scne
internationale exigeaient du secteur nergtique national, et en particulier celui de
llectricit, un effort considrable dadaptation continu dans un contexte conomico-
financier de plus en plus difficile.

Ainsi, le champ de llectricit devrait souvrir lintroduction de systmes nouveaux


(cycle combin, repowring) et la promotion des productions autonomes et
indpendantes de llectricit, pour autant videmment que laspect stratgique du
service public nen ft pas affect.

Au plan de llectrification rurale, lobjectif assign tait de rattraper lnorme retard


enregistr et dassurer llectrification totale lhorizon 2010.

Il faut souligner et rappeler que le Programme National de lElectrification Rurale


(PNER) prvoyait le raccordement au rseau national de tous les centres ruraux
potentiellement lectrifiables, selon plusieurs phases.

Aprs la ralisation par lONE du PNER I au cours de la priode 1980-1986 et


llectrification de 287 villages (soit 68.000 foyers et 400.000 habitants) rpartis sur 21
provinces du Royaume, pour un montant de 519 millions de dirhams financ par lEtat
(50%) et les Collectivits Locales (50%), il avait t dcid de passer la Deuxime
Phase ou PNERII au cours de la priode 1990-1999.

Compte tenu de la priorit accorde par le Gouvernement cette importante action


nationale, il tait envisag :

- dacclrer la ralisation du PNER II, ralis par lONE, pris en charge par les
Collectivits Locales pour environ 2,5 milliards de dirhams, et prvoyant llectrification
de 600 villages en 6 tranches successives, soit 190.000 foyers et prs de 1.100.000
habitants,

- dengager la prparation de la Troisime Phase (PNER III) qui pourrait voir un dbut de
ralisation en 2000.

Par ailleurs, lONE devait engager des actions visant optimiser les cots de
llectrification et la rduction des dlais par :

- la constitution de comits ad hoc chargs dtudier la possibilit dintroduire la


technique de distribution monophase en vigueur grande chelle en Amrique du
Nord, et la rduction des cots dans la technique triphase utilise au Maroc,

- la suppression des plafonds auxquels taient assujetties les entreprises de ralisation


des travaux des infrastructures lectriques dans le monde rural.

434
Au niveau des nergies renouvelables, le Maroc tant encore un pays aux ressources
nergtiques fossiles limites, se doit dexploiter au maximum le potentiel en nergies
renouvelables.

La diversit de la gographie et du climat confre au pays un potentiel considrable qui


avait lobjet dtudes dfinies comme suit :

- le solaire peut produire 4,7 5,6 kWh/m/jour, soit 1.700 2.050 kWh/m/an grce
un ensoleillement de 2.950 h/an,

- lolien : le potentiel de la ressource olienne dans les zones ventes (4,6 8 m/s)
tait estim 6.000 MW ; 1.000 MW devraient tre installs lhorizon 2012, avec des
mesures incitatives et fiscales,

- les microcentrales hydrolectriques : dans les zones montagneuses (Haut Atlas), le


pays dispose de sites propices pour linstallation de ces quipements,

- la biomasse : 5,2 millions dhectares de forts et 2,5 millions dhectares dalfa et la


biomasse animale constituent un potentiel national important.

Prmices de la production indpendante de llectricit


Au cours du mois doctobre, le Ministre prsida plusieurs runions consacres la
production indpendante de llectricit, pour mieux cerner les problmes et relever les
dfis lis la situation de lONE et du secteur de lnergie en gnral.

Aprs les nombreuses et graves coupures de lt 1992, lide de la production


indpendante dlectricit avait commenc faire son chemin, conformment aux
orientations royales pour mettre fin la crise nergtique secouant le pays.

Cette nouvelle politique initie et pilote par notre Dpartement et combattue en


sourdine par beaucoup de dtracteurs, visait assurer la gnralisation de llectricit
dans notre pays, lapprovisionnement rgulier en produits nergtiques, et mettre en
oeuvre des technologies de production appropries.

Ceci supposait la restructuration de lONE dans le cadre de la dmonopolisation de la


production dlectricit et le recours au priv national ou extrieur.

Par ailleurs, afin de permettre la concrtisation de ces lments, il convenait de


finaliser rapidement:

- la mise en place dun support institutionnel permettant lONE de recourir la


production indpendante de llectricit par un dcret-loi, aprs la modification des textes
en vigueur sur llectricit,

- lamnagement dun environnement fiscal encourageant pour les investisseurs


(Conventions avec lEtat, Code des Investissements, Zone off shore),

- lassainissement de la situation financire de lONE garantissant la solvabilit et la


crdibilit de lOffice lgard des investisseurs,

- la dfinition par le Gouvernement de garanties possibles convenir avec les producteurs


indpendants.

Dcharg de ce fardeau de linvestissement en moyens de production, lONE pourrait


mieux satteler et se consacrer au transport dont il devra garder le monopole, la
distribution ainsi qu llectrification rurale qui accusait un grand retard depuis plusieurs
annes.

435
Ainsi, des contacts furent nous avec des producteurs indpendants trangers,
attirs par les possibilits de raliser des investissements dans un crneau porteur qui
croissait chaque anne de 7 8%.

Sagissant dun concept nouveau en matire de production dlectricit, dans un


contexte de frilosit de lONE soucieux de ne pas perdre son monopole de plus de trente
ans, il avait fallu faire appel des cabinets dingnieurs conseils et de juristes confirms,
comme Azimane (futur ministre de la justice) pour accompagner les ngociations
appropries avec des partenaires extrieurs dsireux de se placer.

Les discussions et les ngociations avec plusieurs groupes intresss furent longues
et ardues, notamment avec le groupe amricano-belge AES dsireux de raliser
Mohammedia une centrale compose de matriel de seconde main destin initialement au
Liban, et entrepos en Irlande.

Une analyse de loffre d'AES avait abouti une proposition de production et de


fourniture de llectricit sur la base dun Kwh un cot suprieur au prix obtenu par
lONE par prquation des prix de revient enregistrs dans ses centrales hydrolectriques
et thermiques.

Au final, aprs de fastidieuses runions, des lettres dintention furent signes,


successivement avec les groupes amricano-belge AES et franco-espagnol EDF-ENDESA,
portant sur un projet de centrales fuel Mohammedia et cycle combin gaz Kenitra,
dans lenceinte des installations existantes.

Par ailleurs, la ralisation des tranches 3 et 4 de Jorf Lasfar fut tudie en


collaboration avec le groupe franais Alstom, fournisseur des deux premires tranches et
dsireux de livrer des quipements des prix tudis, en raison de sa prsence dj sur
les lieux de production.

En dfinitive, des socits amricaines furent retenues dans le cadre de la socit


dexploitation des centrales de Jorf Lasfar (JLEC), et un protocole fut sign.

Plus tard, le concessionnaire amricain fera appel Alstom pour fournir les
quipements des groupes 3 et 4.

Jorf Lasfar deviendra et restera probablement, plus tard, le plus grand complexe
national de production dlectricit thermique (charbon), avec une puissance installe
avoisinant 1.300 MW, soit environ 50% de la demande globale du Maroc au cours des
annes quatre vingt dix.

Dans cet environnement, il fallait savoir si nous allons rester encore pour longtemps
la merci dun march international des hydrocarbures erratique et subir les fluctuations
du baril de ptrole sans raction.

Lide qui prvalait tait de trouver des solutions de substitution pour tre labri de
ces fluctuations en diversifiant nos ressources nergtiques, notamment par la promotion
soutenue des nergies renouvelables, la matrise vritable de lnergie et lefficacit
nergtique, linstar de plusieurs pays qui les appliquent avec efficacit et
dtermination.

Des personnes avises au CNESTEN et lAssociation des Ingnieurs du Gnie


Atomique prchaient dj lintroduction du nuclaire au Maroc et tenaient souligner que
cette option simposera tt ou tard et pourrait prsenter une alternative sre et un
approvisionnement prenne du pays.

Mais la dure que ncessitera la mise en place dun programme lectronuclaire sera
certainement longue, et probablement plus de 15 ans.

436
Cela exige la connaissance des conditions pralables la prise de dcision par les
pouvoirs publics, suivie du lancement des appels doffres et llaboration des dispositions
rglementaires, techniques et organisationnelles pour la ralisation dune centrale pour la
production dlectricit.

La mise en service et lexploitation de cette centrale exigeront avant toute chose une
formation pointue du personnel de conduite pour satisfaire les conditions de la scurit
nuclaire et de ses corollaires.

Laccs au nuclaire civil requiert de notre pays la matrise des technologies et


lacquisition de connaissances de haut niveau pour sinscrire rellement dans le cadre des
producteurs dlectricit base nuclaire.

Ce qui est toute une autre histoire.

Il faut sy atteler rapidement pour ne pas tre en retard au rendez-vous de lHistoire


du 21 sicle.

437
Des lendemains incertains
En novembre 1993, loccasion dun remaniement ministriel qui avait maintenu les
technocrates au pouvoir, le Ministre Alaoui avait quitt le Dpartement de lEnergie et des
Mines pour celui de la Jeunesse et des Sports, remplac par Abdellatif Guerraoui, ancien
Chef du Secrtariat du Directeur Gnral de lOCP.

Durant son passage au Dpartement de lEnergie et des Mines, Alaoui fut pour moi
celui qui avait lgu le tmoignage vivant de son approche lucide des problmes et de son
engagement pour la promotion sociale des fonctionnaires.

De longue date, javais entretenu des relations amicales avec Guerraoui, renforces
mon arrive la Direction des Mines lors des diffrentes missions que javais effectues
lOCP pour essayer de renouer le contact distendu entre le Ministre et lOffice.

Cependant, mon rle fut malais ds le dpart, car tant pressenti moi aussi la tte
du Dpartement de lEnergie et des Mines, certains proches du nouveau ministre
considraient que je pouvais lui porter ombrage, et mettaient en doute ma loyaut.

Malgr cela, javais rellement tout fait pour bnficier de lamiti, de la


considration et de la confiance de Guerraoui, pour poursuivre et prenniser les
nombreuses avances avec les Ministres Alaoui, Fettah et Saadi.

Guerraoui, plusieurs reprises, avait tenu souligner avec force lexcellence de nos
relations personnelles.

Arrivant seul, Guerraoui estimait navoir pas besoin dun cabinet, et considrait que
le Secrtaire Gnral du Ministre pouvait, en attendant, assurer aussi cette fonction de
proximit quotidienne avec lui.

Ce que javais dailleurs accept sans rechigner, convaincu, pour ma part, de lui
apporter un soutien multiforme, dans la loyaut et lamiti.

Aprs linstallation du nouveau ministre, je fus appel faire partie dune mission
Madrid, dans le cadre de la Grande Commission maroco-espagnole prside par les deux
Premiers Ministres, Karim Lamrani et Felipe Gonzales, et laquelle avaient particip les
Secrtaires Gnraux des dpartements conomiques.

Logs lHtel Ritz, en plein centre de la capitale espagnole, notre sjour fut
agrable mais dun intrt professionnel limit, stant born effleurer les problmes de
lnergie et des mines.

Les runions plnires eurent lieu au Palais de la Moncloa, sige de la Primature


espagnole, et les runions spcifiques avaient t orientes vers les siges des
dpartements espagnols concerns.

Pour le secteur de lEnergie et des Mines, les discussions avaient port sur les projets
nergtiques, tels le Gazoduc Maghreb-Europe et la ralisation de linterconnexion
lectrique travers le Dtroit de Gibraltar, des rseaux de lONE et de son homologue
espagnol, le secteur minier fut compltement ignor.

Un procs verbal avait cltur notre mission, en mettant laccent sur laide financire
espagnole, relativement importante, pour les cinq prochaines annes.
****
Au Ministre, durant deux mois, nos actions avaient port sur la poursuite de la
restructuration et la mise en place du plan dactions par objectifs visant apprhender
davantage les problmes du secteur nergtique et assainir ceux du secteur minier en
butte des grves inconsidres dans plusieurs exploitations.

438
Par ailleurs, le dmarrage dune nouvelle lgislature tait venu dmultiplier notre
activit traditionnelle, car le suivi des questions orales et crites poses par les
parlementaires exigeaient beaucoup de temps, de persvrance, de sang froid et surtout
dabngation.

La prparation du projet de budget de 1994 fut laborieuse, et aprs plusieurs


sances pnibles de questions orales et de dbats houleux au Parlement, le budget du
Dpartement fut adopt sans crdits supplmentaires, alors que nous nous attendions
des rallonges notables par rapport 1993.

Aprs lpreuve du Parlement, lesprit dquipe entretenu avec Alaoui, mis rude
preuve ds les premiers jours, ne rompit pas heureusement, mobligeant contenir les
apprhensions des Directeurs et des Chefs de Divisions.

Lessentiel pour moi, sans tre un thurifraire, fut de savoir raison garder et de ne
point glisser vers laffrontement et lirrparable.

A la mi-janvier 1994, un dplacement Jorf Lasfar avec le Ministre, avait permis de


constater ltat davancement de la premire tranche du projet de centrale thermique au
charbon, appel devenir le plus grand complexe de production dlectricit du pays,
avec une puissance totale installe de 1.300 mgawatts, reprsentant plus de 50% de la
demande nationale en 1994.

Fin janvier 1994, Guerraoui, trs logiquement dailleurs, demanda constituer une
quipe au Cabinet pour permettre au Secrtariat Gnral de se consacrer plus
efficacement la gestion du Dpartement , et me demanda de lui proposer des
candidats de pleine confiance et connaissant lenvironnement du Ministre.

Pour la direction du Cabinet, javais immdiatement suggr Bouhaouli, ex Directeur


de lEnergie, en situation inconfortable la SNPP en raison de ses rapports flous et
distants avec le Directeur Gnral de la SNPP, Esseddiqui.

Ainsi, Bouhaouli fut install comme Chef de Cabinet avec comme directives de ne
pas interfrer dans les activits des Directions et de ne pas constituer un rempart entre le
Ministre et lAdministration .

Pour renforcer son Cabinet, Guerraoui fit appel des comptences extrieures
pluridisciplinaires pour appuyer et supporter lAdministration dans ses interventions,
et danciens cadres subalternes retraits de lOCP.

Dbut fvrier 1994, javais fait partie de la dlgation officielle ayant install les
nouveaux wali et gouverneurs des provinces de Laayoune, Dakhla et Essemara.

Les problmes nergtiques, comme du temps d'Alaoui, furent notre credo de tous
les jours, car, confronts la crise, les pouvoirs publics devaient adopter une position
claire quant au programme dquipement de lONE, en conformit avec les moyens
financiers limits de lEtat.

Avec les retards dans les dblocages des crdits lONE dans le cadre de ses
programmes, il se rvlait de plus en plus que lOffice, malgr la mise en place rapide et
acclre des centrales gasoil de Tit Mellil et Ttouan (2x100 MW), ne pouvait seul
rpondre la forte demande de lnergie lectrique, et loigner le spectre des dlestage
de triste mmoire au sein du secteur industriel de Casablanca.

Face cette situation, Guerraoui me chargea personnellement dassurer le difficile et


pnible relais avec mon ami Naji, connu de tous comme tant un homme dexprience et
de grande probit morale et intellectuelle.

Naji fut rabrou plusieurs reprises pour le retard dans lextension des capacits de
production lectrique du grand complexe de Jorf Lasfar.

439
Ce fut une longue priode de trouble profond, plus proccupante que par le pass.

En dfinitive, Naji fut remerci et remplac en mars 1994 par Benhima, ancien
responsable du centre de lOCP Khouribga et Directeur Gnral dAir Liquide.

Un grand responsable dOffice, ptri de qualits, quitta la scne moins de deux ans
aprs avoir t nomm pour remplacer le vtran Tazi.

Benhima tait appel en urgence pour redynamiser lOffice et acclrer la mise en


place de la politique de production indpendante de llectricit et de promotion plus
active et plus volontariste des nergies renouvelables .

Lloignement brutal de Naji tait venu confirmer qu tout moment cela pourrait me
concerner moi-mme.

Dans le sillage, le Directeur de lEnergie, Mustapha Alaoui voyait une grande partie de
ses attributions dvie vers le Cabinet.

A plusieurs reprises javais d intervenir pour calmer les dissensions entre le


Directeur de lEnergie et le Chef de Cabinet, Bouhaouli, lui-mme ancien responsable de la
Direction de lEnergie.

Au plan administratif et ressources humaines, un travail remarquable avait t


accompli par Sadiqui pour mettre de niveau la situation des agents et cadres du Ministre,
coordonner et hirarchiser les recrutements, et lancer les concours internes.

Cette action, encourage et salue auparavant, ne fut pas rellement apprcie.

Dbut avril 1994, sur instructions du Ministre, javais effectu une mission rapide
Tripoli pour le reprsenter la runion des Ministres de lEnergie et des Mines de lUnion
du Maghreb Arabe.

Suite lembargo impos la Libye par les Nations Unies, il avait fallu transiter par
Paris, Tunis et Djerba pour rejoindre de nuit Tripoli par la route.

Les dlgations taient loges lHtel Mhari toujours gr par des quipes
marocaines bien rodes et apprcies.

Javais retrouv les amis algriens, dpits par la situation dans leur pays livr
linscurit, aux affres de la guerre civile et aux massacres perptrs par des
groupuscules incontrls.

Javais apprci la gentillesse et lentregent du Ministre algrien des Mines et de ses


collaborateurs envers notre dlgation.
Les travaux Tripoli staient drouls dans une atmosphre bon enfant, grce au
travail des experts ayant planch sur les dossiers deux jours auparavant.

Avant ladoption du procs verbal sanctionnant les travaux de la runion


ministrielle, les chefs de dlgations furent reus par le Premier Ministre libyen, la
rhtorique facile et au contact trs enjou.

En dlgation, nous avons rendu visite de courtoisie lAmbassadeur du Maroc,


Alaoui Moulay Driss, trs affable et volubile.

Au retour par la route, de passage Djerba, en prsence de la dlgation


mauritanienne, nous fmes chaleureusement accueillis par les autorits tunisiennes
laroport et invits un djeuner.

440
Latterrissage de lavion, un ATR72, laroport de Tunis Carthage fut
particulirement agit et le Ministre mauritanien de lEnergie et des Mines sen
souviendra certainement longtemps.

A Tunis, en plein boom urbanistique, linvitation de mes amis de lOffice tunisien


des Mines, javais consacr une journe entire la visite du Centre de Recherche et de
Valorisation des substances minrales, et convenu avec mes htes de relancer
effectivement les axes de coopration dfinis avec lancien Directeur des Mines tunisien,
Mouhsen Zerelli.

Fin avril 1994, aprs plusieurs runions dun comit ad hoc regroupant des membres
du Cabinet Royal et les Secrtaires Gnraux de plusieurs dpartements ministriels pour
suivre les prparatifs, la Confrence du GATT stait tenue dans limposant Palais des
Congrs de Marrakech, dans une atmosphre et une ambiance extraordinaires,
agrmentes par de nombreuses festivits hautes en couleur.

Pour la premire fois, des tlphones mobiles furent mis la disposition des
Ministres par lOffice des Tlcommunications.

Le dner fastueux sous la tente royale, pour plus de 1.400 personnes, fut ponctu par
des feux dartifices et des manifestations folkloriques de grande tenue.

La clture au Palais Royal, en prsence de milliers de dlgus, fut lapothose, de la


Confrence internationale du GATT.

Tout le monde se souvient du discours royal, interrompu par le Roi Hassan II lui-
mme, dans un silence profond et significatif, en respect lappel du muezzin pour la
prire de El Asr.

Le Maroc, dans toutes ses composantes, fut fier dorganiser et abriter un grand
vnement mondial, sans fausses notes, en toute scurit, dans le cadre enchanteur de la
Ville ocre, Marrakech.

En mai 1994, durant un week end, comme suggr lors de la discussion de la Loi des
Finances, la Commission conomique de la Chambre des Reprsentants avait effectu une
visite au centre de Jorf Lasfar, aprs lentre en production de deux groupes de 330 MW
fournis et installs par Alstom (France) ; les nouveaux quipements taient les plus
puissants jamais mis en service au Maroc.

Par leurs dimensions, la technologie de nouvelle gnration des transformateurs de


puissance et de lalimentation des chaudires au charbon, les groupes de 330 MW avaient
impressionn et convaincu les parlementaires de la justesse des choix faits par lONE pour
endiguer la crise nergtique.

Cette visite ambitionnait de montrer aux reprsentants de la Nation leffort


dquipement engag par lEtat pour faire face la crise endmique de llectricit et
loigner les dlestages dvastateurs pour lconomie nationale.

Dans le secteur minier, loccasion de sa runion ordinaire, le Conseil


dAdministration du BRPM, prsid par Guerraoui, avait recommand de poursuivre
vigoureusement leffort de restructuration et de promotion des nouveaux projets miniers
et denvisager de se passer de la dotation budgtaire alloue par lEtat.

Les Conseils dAdministration des socits filiales des Groupes BRPM et ONA, avaient
enregistr des rsultats variables, positifs Imiter El Hammam, et insuffisants dans les
exploitations de Bouazzer et Hajar exposes plus durement la mauvaise conjoncture
des cours des matires premires minrales.

La runion du Comit de coordination du Fonds de Formation Professionnelle inter


entreprises minires, sous ma prsidence, avait not une nette amlioration de sa

441
situation financire et organisationnelle, suite leffort de recouvrement des crances,
la rduction des charges de toutes natures et la distribution plus quilibre des
subventions aux ayants droit parmi les entreprises minires.

Le Conseil de Perfectionnement de lEcole des Mines de Marrakech stait enfin runi


sous ma prsidence, pour constater une nette amlioration de la situation de
ltablissement, et ce, grce aux efforts de la nouvelle direction anime par Fakihani, au
corps enseignant plus motiv et disponible et aux tudiants plus rceptifs et plus
disciplins que par le pass.

Le volet Assurance des fonctionnaires avait fait lobjet dun examen approfondi,
concrtis par llaboration dune convention cadre avec le Cabinet Lyazidi bien dispos
collaborer avec notre Dpartement.

Au niveau de laccs la proprit, nous avons abouti, grce lintervention de


Mme Zarari, Directrice du Crdit au CIH et ex cadre du BRPM, une solution consensuelle
qui avait permis aux propritaires- qui souffraient le martyr depuis plusieurs annes-
doccuper leurs logements.

Par ailleurs, avec le soutien manifest par les secteurs minier et nergtique, nous
avons lanc une rflexion sur la cration dune Fondation des uvres Sociales.

Cette ide fut applaudie et encourage par nombre de responsables des socits
minires et ptrolires.

Au sige de lAgdal, le Foyer des Oeuvres Sociales tait devenu le centre des actions
de formation continue, le rceptacle de toutes les manifestations rcratives du
Dpartement et des rceptions organises lissue des conseils dadministration des
socits minires du Groupe BRPM.

A loccasion des lections du Bureau des uvres Sociales, notre action fut loue par
la majorit du personnel parce que pour la premire fois, loin des considrations
politiques ou syndicales, nous avons ralis de multiples oprations caractre socio-
ducatif au bnfice des fonctionnaires et de leurs familles, et mis en place un
programme ambitieux pour rpondre leurs souhaits lgitimes de promotion sociale.

Au Ministre, les comits de coordination, anims par le Secrtariat Gnral,


staient poursuivis dans le cadre dun travail en quipe.

Malheureusement, cette action avait fini par donner limpression de contrarier ou de


faire de lombre aux activits ministrielles classiques.

De plus, nous avons not la monte en puissance des agents du Cabinet, dont les
interventions intempestives, pressantes et gnantes se faisaient en contradictions avec
les directives exprimes loccasion de linstallation de Bouhaouli.

La rigueur professionnelle et lhonntet intellectuelle auraient d interdire


dadopter des attitudes de justicier et de donneur de leons dans lesquelles versent
souvent tous ceux qui sloignent des principes de dontologie du mtier.

Aprs lannulation dune mission prvue de longue date Washington et Oslo, pour
participer un sminaire du PNUD et au Conseil de COMABAR, je fus charg de suivre le
dossier spcifique et urgent de lONAREP en crise aigu aprs le dpart en cong de
longue dure de son Directeur Gnral, Mohammed Douieb.

Ainsi, avec les responsables de lONAREP, Bouchta et Hajji, respectivement


Secrtaire Gnral et Directeur des Ressources Humaines, nous avons, avec lobjectivit
requise, analys la situation et propos des solutions faisant fi des sarcasmes des
dtracteurs peu soucieux de lavenir de la recherche ptrolire.

442
Pour nous, lONAREP, pour survivre, devrait accepter une profonde restructuration et
une vritable cure damaigrissement, en ramenant les effectifs utiles et permanents un
maximum de 200 personnes.

Nos propositions furent rejetes en bloc.

En ce qui concerne les projets de budget 1994 et 1995, aprs dpres discussions et
arbitrages ayant abouti un consensus avec les Directions au sein des comits de
coordination, nos suggestions furent accueillies avec des rserves, mais sans proposition
de rechange.

La restructuration du Dpartement entame en 1993, ayant fait natre beaucoup


despoir parmi les jeunes cadres, fut renvoye sine die, suivie du blocage des
avancements ordinaires et lgitimes du personnel, frustrant beaucoup de responsables en
attente de promotion depuis des lustres.

Les recrutements dagents ordinaires, conformment la loi cadre, malgr toutes nos
prcautions dans le choix des agents, furent rejets.

La moindre prise de dcision au niveau de la Division administrative tait remise en


cause, et Sadiqui, Chef de Division fut soumis au feu roulant de la critique et des
remontrances inquisitoires.

La dngation totale des ralisations du pass rcent avait commenc gangrener


les rouages du Dpartement et dmotiver les plus dtermins des responsables.

Jtais rellement perplexe et dsempar face une situation que je navais pas su,
tort, apprhender en son temps, malgr les fausses marques damiti et de considration.

De plus, en sourdine, on colportait que le Secrtaire Gnral ne soutenait pas la


politique de libralisation du secteur de llectricit.

On mavait prt aussi, lambition de briguer le poste dambassadeur en Afrique du


Sud, pays o je mtais effectivement rendu trois reprises dans le cadre de missions.

Ds lors, le compte rebours avait commenc pour moi, et jattendais le jour J de


mon dpart du Ministre sans beaucoup dapprhension, comme si jallais tre dlivr
dun lourd fardeau qui mettait un terme des relations quivoques.

Pour clarifier la situation et lever les quivoques, ma demande, javais rencontr


Guerraoui en tte tte le lundi 27 juin 1994.

Japprendrai plus tard, que le jour mme de notre entretien, des propositions de
nominations de nouveaux responsables furent envoyes en haut lieu.

Durant le mois de juillet 1994, eurent lieu les conseils dadministration de lONE et de
SOCOCHARBO, le Comit OCP/ONAREP relatif lexploitation de gaz de Meskala, la
remise des diplmes aux laurats de lEcole Nationale de lIndustrie Minrale (ENIM), la
runion de lAssociation de lIndustrie Minrale sur lavenir du secteur minier, la Fte de la
Jeunesse El Jadida.

Le vendredi 30 juillet 1994, avait t tenue la Journe de lEnergie lInstitut


Agronomique Hassan II, au cours de laquelle, nous avons appris les changements des
responsables, avec lloignement des proches de Alaoui Mdaghri.

Le soir, avec Mustapha Alaoui, Directeur de lEnergie, nous avons prsid le dner de
clture, transform en vritable dner dadieu pour les cadres de la Direction de lEnergie
et pour certains dlgus rgionaux.

Officialiss le lundi matin, 2 aot 1994, aprs le Conseil des Ministres prsid par le
Roi Hassan II, les changements ne nous furent signifis quen fin de journe.

443
Le 3 aot 1994, les consignes entre Esseddiqui et moi se passrent dans le calme et
la srnit, suivies de mes adieux mouvants au personnel des Directions, des Divisions,
des Services et des Bureaux du Ministre.

Le jeudi, 5 aot 1994, une crmonie fut organise pour linstallation des nouveaux
responsables en prsence des reprsentants des secteurs minier et nergtique.

Au cours de cette crmonie, sans occulter les problmes pendants, javais tenu dire
et marquer avec force, devant une assistance attentive, les avances enregistres la
Direction des Mines et au Secrtariat Gnral du Ministre.

Ainsi, javais quitt, non seulement le Secrtariat Gnral du Dpartement de


lEnergie et des Mines, mais aussi un secteur o javais exerc sans relche durant plus de
trente ans.

Ainsi, aprs plus de dix sept ans au BRPM, onze ans la Direction des Mines et deux
ans au Secrtariat Gnral du Ministre, je fus contraint de mloigner de ma famille
professionnelle sans avoir, je pense, frustr personne, ni trahi sciemment la confiance
place en moi.

Au BRPM, mon long passage mavait confort dans mon exprience du travail rude
sur les chantiers, dans les exploitations, les services centraux et au sein des nombreuses
filiales minires dun office de lEtat.

A la Direction des Mines, grce la collaboration des fonctionnaires de tous grades et


de lensemble des oprateurs, mes activits avaient amen un nouveau souffle et
rapproch davantage lAdministration du secteur minier.

Au Secrtariat Gnral, malgr ma courte priode de service, javais essay


dchafauder une nouvelle vision des objectifs, axe sur lorganisation, la circulation de
linformation et non sa rtention, le dialogue permanent, la gestion participative, lesprit
dquipe et damiti avec lensemble du personnel du Dpartement.

Partout, dans lexercice de mes fonctions, jtais toujours au four et au moulin pour
rpondre toutes les demandes et sollicitations, sans me dpartir de ma srnit et de
mon esprit de collaboration franche et loyale.

Les journes de travail se terminaient toujours tard, au grand dam de ma petite


famille qui nhsitait pas me reprocher de trop en faire et de la marginaliser.

Je ne regrette rien de ce que javais entrepris, mais je regrette de navoir pas fait
davantage pour les personnels du BRPM et du Ministre de lEnergie et des Mines qui
mavaient, toujours, manifest leur reconnaissance et leur attachement.

Une grande page de ma vie professionnelle dingnieur tait tourne, dans


lincertitude complte du lendemain.
****

Aprs mon dpart du Ministre de lEnergie et des Mines, alors que certains
responsables du secteur avaient exprim leur dsapprobation, Guerraoui me reut
longuement pour me marquer son soutien pour chercher une nouvelle occupation la
mesure de mes comptences.

Je lavais remerci de son appui et de ses conseils, lui signifiant que dans cette phase
dlicate pour moi, je prfrais dabord, me retirer et prendre du champ pour me reposer,
me ressourcer et mapaiser.

Durant les trois premires semaines du mois daot 1994, ce fut mon domicile, un
dfil damis des secteurs des Mines et de lEnergie, venus me tmoigner leur sympathie
et leur soutien moral.

444
Mes anciens collaborateurs la Direction des Mines mavaient manifest leur amiti
spontane en organisant plusieurs dners.

Il se peut que vous abhorriez ce qui, en lui-mme, est un bien pour vous, comme il
se peut que vous aimiez ce qui, en lui-mme, est un mal pour vous , dit le Saint Coran
dans la sourate II, verset 216.

Imprgn de ce verset, javais entam ma premire traverse du dsert, dans


lincertitude du lendemain.

Le 22 aot 1994, Alaoui, Ministre de la Jeunesse et des Sports, loccasion dune


longue et amicale entrevue son domicile au quartier Ambassador, mavait propos de
faire partie de son quipe et de nous revoir au mois de septembre 1994 aprs les retours
de congs dt.

Ce que javais accept, tout heureux de travailler de nouveau avec lui, dans lamiti et
la considration rciproques.

Toutefois, javais tenu lui souligner que je ne saurais venir prendre le poste de
quelquun, comme ce fut le cas qui mavait t inflig auparavant au Ministre de
lEnergie et des Mines.

Si tu viens au Ministre de la Jeunesse et des Sports, cest bien pour occuper le


poste de quelquun qui part en retraite , mavait rpondu Alaoui.

En attendant, alors que mon pouse tait partie Paris pour deux semaines voir
notre fils Karim, javais occup mes journes en madonnant aux longues marches, la
lecture et recevoir de nombreux amis venus me tmoigner leur amiti et leur sympathie
dans les moments difficiles.
***
Le 25 aot 1994, seul, javais quitt Rabat pour les Etats-Unis, aprs un transit de
trois jours Paris pour rencontrer des amis personnels.

A linvitation de Karim Aswad, ami doriginaire libanaise, javais rejoint Dallas o je


fus trs chaleureusement accueilli par sa famille.

Mon sjour fut remarquablement et agrablement organis par mes htes, focalis
sur des footings matinaux, des randonnes pdestres, des ballades ariennes au dessus
du Texas avec comme pilote le fils an Aswad, violoniste mrite.

Au cours dune ballade au-dessus du lac Oklahoma, nous fmes pris dans un dbut de
tempte et obligs datterrir dans un des nombreux petits aroports de fortune une
trentaine de kilomtres de Dallas.

Le fils cadet Aswad tait venu nous rcuprer sans encombre en voiture ; le petit
avion ne rejoindra laro-club de Dallas que le lendemain aprs le passage de louragan
dvastateur.

Javais dcouvert Dallas, haut lieu de lassassinat de Kennedy en 1963, et le Texas,


ancienne possession espagnole, devenue indpendante en 1836 et incorpore aux Etats-
Unis en 1845, aprs la dfaite mexicaine en 1848.

Le Texas, le deuxime plus vaste Etat, aprs lAlaska, connu pour ses grands
gisements de ptrole, de gaz naturel, est simple, chaleureux et envotant, avec ses
ranchs btail et ses immenses centres commerciaux.

Aprs Dallas, javais rejoint Washington linvitation de mes amis Larry et Amina
pour poursuivre la dcouverte de la Virginie, en allant Harpyes Ferry, petite localit do

445
tait partie la rvolte, prlude la Guerre de Scession entre Sudistes esclavagistes et
Nordistes libraux et modernistes.

Javais regagn Rabat pour replonger dans lambiance affective redouble de ma


famille et de mes proches.
****
Durant la priode de traverse du dsert, javais compris que la paix intrieure est
tributaire dun environnement harmonieux, agrable au possible, et javais appris que
dans les priodes o le vent est contraire, cela ne sert rien de ramer et spuiser, il faut
attendre que a passe.

Cependant, javais retenu que celui qui, dans sa vie, na pas subi des passages
vide, mme courts, ne peut se prvaloir connatre les moments difficiles de ladversit et
les relations damiti relle et dsintresse.

Devant la situation inattendue que javais vcue, je ne mtais pas engouffr dans le
dsespoir et le pessimisme, ni baiss les bras.

Ce fut une dure preuve pour moi, mais javais la vertu de ne pas dsesprer et
davoir la patience, tout en souffrant en silence.

Quelquun disait Dans ladversit les esprits libres et indpendants ne sombrent


pas, quelle que soit la forme de cette adversit .

Javais essay de trouver en moi-mme les ressorts ncessaires et la vitalit pour


transcender les difficults, mesurer la vanit et la fatuit de la vie facile, apprcier mes
propres forces de rsistance, sans haine pour ceux qui mavaient combattu ou qui avaient
cru ma dloyaut.

446

Vous aimerez peut-être aussi