I-Dvp Au BRPM
I-Dvp Au BRPM
I-Dvp Au BRPM
PROFESSIONNELLE
PREMIERE PARTIE
AU BRPM
Othmane KHETTOUCH
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OUVERTURE
Jai toujours caress le rve dcrire, et jai longtemps hsit rassembler mes crits
remontant mes premiers dbuts dans la vie professionnelle, et poursuivre, dans le feu
de laction quotidienne, cette uvre durant plus de quarante cinq ans.
Lcriture moccupe, mais elle est aussi pour moi un trs bon compagnon, une
discipline de tous les jours, et un vritable exutoire pour tre en paix avec moi-mme et
avec les autres.
Cest aussi un moyen dexpression qui me permet de continuer vivre au jour le jour
sans regarder ou mattarder sur le pass.
Je continue toujours crire, parce que lorsque je dmarre dans lcriture, je ne vise
pas forcment un lecteur prcis, si ce nest moi-mme.
Lcrit fait son chemin pour librer le cours du droul dune vie professionnelle et
restituer celui-ci lampleur des actes accomplis, tout en enregistrant des rminiscences
sur lesquelles chacun essaie de saccrocher pour ne pas oublier.
Chacun a sa propre perception des faits et des vnements, et cest dans leur
narration que lon retrouve une fidlit de la mmoire, de sa mmoire.
Or, aujourdhui, on a tellement tendance oublier que chacun, avec ses spcificits,
doit faire un travail de mmoire dabord, puis ensuite un travail de synthse crit
susceptible dtre constructif et utile.
Cest tout simplement, ce que jai essay dentreprendre travers cet essai.
Ds lors, je me suis efforc dtre le plus possible prs des ralits vcues sur le
terrain, dans les bureaux, au cours des voyages et des nombreux et diffrents contacts
avec des personnes de tous bords.
Ce document relate tout dabord certaines vrits, des fois amres, que rencontre
tout jeune ingnieur sorti frais et moulu de lenvironnement des tudes, trs vite
confront des responsabilits auxquelles il ne sattendait pas de sitt.
Dpouill de toute recherche littraire, ne craignant pas de sortir des sentiers battus
et de prendre sur les vnements des positions qui ne recevraient pas toujours
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lassentiment du lecteur potentiel et gnrique, le document analyse, non seulement le
destin dun ingnieur en action, mais aussi son vcu de plusieurs dcennies qui ne sarrte
pas aux impressions superficielles et aux bonnes paroles distilles par des pseudos
courtisans.
Ce document, peut-tre austre pour certains, rbarbatif pour dautres, avec souvent
des rptitions ou des redites, na pas la prtention dtre une analyse exhaustive et
approfondie dun parcours dans ses moindres dtails, et nest pas non plus une complte
autobiographie.
De temps autre, il met un accent trs appuy pour des missions ou des voyages
professionnels, ou rarement des vnements personnels ou familiaux, toujours en
essayant de joindre lutile lagrable et en sortant du cadre technique stricto sensu pour
embrasser des domaines gographiques, historiques, etc.
Il est pour moi, le survol dune priode de responsabilits graduelles, certes rvolue
aujourdhui, mais demeurant celle dun vigoureux enthousiasme pour certaines valeurs
moins honores prsentement quil y a quelques dcennies.
Pour ma part, je crois fermement faire partie de ceux qui ne refusent pas les
responsabilits, ne reculent pas devant elles, ne baissent jamais les bras, ne dsesprent
pas, et qui, force de volont, de persvrance, arrivent franchir les obstacles et les
cueils, viter les embches de toutes natures.
Je pars du principe que ce que jai appris de mon mtier dingnieur, cest
normment dhumilit, parce que rellement, on ne connat rien ou pas grand-chose
dans un vaste monde en perptuelle volution.
La Mine que certains considrent sous langle dun trsor mystrieux et cach
dans les entrailles de la terre, dautres sous laspect dun travail pnible, dangereux et
reintant, est rellement envotante et accapareuse pour ceux qui apprcient le got de
leffort ininterrompu et de la fraternit dans ce milieu de travail.
Comme une pieuvre, elle vous enserre trs rapidement de ses tentacules et ne vous
lche plus, sans toutefois vous touffer ou vous avilir.
La Mine hante puissamment ceux qui y ont travaill, mme durement, car elle
demeure un milieu de dpassement de soi, dexpression de sentiments profonds de
disponibilit dans laction et de dtachement du nant de la vie facile.
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On peut y tudier le travail de la mmoire, mais aussi rechercher comment sopre la
reconstitution du vcu et linfinie varit des sensibilits individuelles, loin du
subjectivisme et des visions partiales.
Allant la dcouverte des grottes, des karsts et des minraux de toutes sortes,
souvent, avec des amis de mon ge, nous avons effectu de longues randonnes travers
la montagne et les hauts plateaux de la rgion.
Jtais merveill par ce quils relataient et nous dcrivaient, par les fabuleuses
richesses minires souterraines et les quipements mis en oeuvre pour les rechercher,
exploiter, transporter, extraire et transformer dans des usines sophistiques installes
sur les lieux Aouli et Mibladen.
Mais le diplme dingnieur ne fait pas lindividu, car le jeune laurat, sens tre
correctement form et prpar durant de longues annes dtudes et de stages
multiformes successifs, na quune ide floue et vague de la communaut humaine dans
laquelle il est appel voluer.
Jai toujours considr que travailler et vivre dans un environnement minier, cest
dabord accepter de faire le sacrifice de sa personne.
Cest aussi et surtout, ne pas compter son temps, tout en dcidant et en acceptant de
bonne foi, de sidentifier rapidement ceux qui vous ctoient quotidiennement dans un
milieu solidaire, fraternel et disponible en permanence.
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Au BRPM, dans le secteur priv, lextrieur du pays, il se cre trs rapidement entre
les personnes du monde minier des liens daffection particuliers et spcifiques, et une
complicit dans laction de tous les jours, souvent hors du commun et indfinissable.
Au gr des visites rapides et des sjours de longue dure dans les chantiers de
recherches et dans les exploitations minires, des contacts loccasion des journes
dtudes, des sminaires, des congrs sectoriels, des comits de directions, des conseils
dadministration, des missions et des voyages lintrieur et lextrieur du Maroc, jai
dcouvert un monde affable, ayant le sens du travail bien fait, de lorganisation, adepte
de la conciliation, ne reculant jamais devant les difficults et les problmes, sans amnit
pour ceux qui transgressent les principes de base, et jaloux de ses droits et de ses
devoirs.
Cet esprit, particulier et singulier, est depuis toujours la base de la mise en valeur
des ressources minrales et lun des aspects les plus exaltants de laction pour le
dveloppement conomique et social de notre pays.
Mon dbut de carrire fut vcu intensment, au BRPM sur les chantiers de recherches
et dans les exploitations de ses filiales, me donnant loccasion de connatre de la vie des
mineurs, de leurs peines, de leurs dboires, mais aussi de leurs succs indniables et de
leurs joies profondes.
Javoue, que par moments ce fut difficile, mais cela fait partie de chacun de nous de
persvrer dans leffort, sachant que, sans oublier les contraintes subies, toute
responsabilit ne doit pas tre marque du sceau de la facilit, mais aussi, doit tre
imprgne de la philosophie du dicton clbre aujourdhui pourrait tre mieux quhier
et bien moins que demain .
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La dernire anne dtudiant
A LEcole Mohammedia dIngnieurs (EMI), dans un environnement estudiantin et
professoral serein et chaleureux, la vie communautaire linternat favorisait le travail
dquipe au sein dune grande famille issue des classes prparatoires des annes 1958,
1959 et 1960, et structure ds le mois de juillet 1961 en options : mines, gnie civil,
lectrotechnique et mcanique.
Nous tions seulement 33 lves ingnieurs, une vritable fratrie, qui avaient volu
ensemble depuis six ans dans un cadre de convivialit et de profonde amiti.
Pour moi, aprs trois annes de formation intense dans tous les domaines des
sciences et des techniques, suivies de multiples visites dans les mines nationales et de
longs stages aux Charbonnages de France (Lorraine, Nord et Pas-de-Calais), dans la
sidrurgie Creil Montataire, dans le Centre dEtudes sur lenrichissement des minerais
Fontainebleau et dans les mines de fer de lOuest de la France, la quatrime et dernire
anne fut une priode charnire et dcisive, avant de mettre le cap sur le monde du
travail professionnel, mystrieux et semi voil pour nous.
Ds lors, pour notre petit groupe, pour raffermir notre formation, leffort fut encore
plus soutenu et plus incisif, travers des sjours frquents dans les principales
exploitations minires du pays (Khouribga, Youssoufia, Mines de fer du Rif, Charbonnages
de Jrada, Kettara, Boubeker, etc.) que nous rejoignons souvent dans un seul vhicule
lger ou par train, en compagnie du professeur Krasilnikoff.
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Le 18 juin 1964, fut une journe euphorique et mmorable pour nous, car ce jour l,
le Roi Hassan II reut lensemble de notre promotion au Cabinet Royal, en prsence
dAhmed Bahnini, inamovible Secrtaire Gnral du Gouvernement, du Ministre de
lEducation Nationale, Youssef Bel Abbs, considr comme le dfenseur inconditionnel de
lEMI, et du Ministre des Travaux Publics, Dr Mohammed Benhima, trait, peut-tre
abusivement, dadversaire irrductible de notre Ecole, et dit-on manipul par la
camarilla des ingnieurs de son Ministre, oppose farouchement lmergence dune
Grande Ecole nationale .
Le Souverain, dcontract, alerte et dtermin, tait arriv sans relle grande pompe
dans limmense salle du Cabinet Royal.
Aprs une prsentation rapide de Bel Abbs, le Souverain, trs attentif, autour de la
grande table du Conseil des Ministres, avait tenu personnellement senqurir de la
qualit de la formation dispense lEcole Mohammedia, du niveau de classement des
futurs laurats au sein de lAdministratifs et des Offices publics, et du devenir trs proche
de chacun de nous.
La runion fut trs anime et le Souverain, sciemment, avait laiss les futurs
ingnieurs spancher sur leur devenir et leurs aspirations.
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Nous tions sortis de laudience royale encore plus ragaillardis et convaincus du
soutien de la plus haute autorit de lEtat pour notre jeune institution cre en 1960 pour
asseoir et conforter un systme de formation dingnieurs, unique lpoque dans notre
pays, et lui assurer laura et la considration normalement dues.
Toutefois, nous tions conscients que le chemin sera sem dembches, car lEcole
Mohammedia avait faire face des contempteurs qui considraient que les seules
formations dingnieurs dans les Ecoles trangres taient les plus crdibles.
Les prparatifs de la remise des diplmes par le Roi en personne, battaient leur plein,
transformant durant une semaine le secteur en chantier festif.
Je fus rellement combl par cette sollicitude du Roi qui avait tenu par la suite
adresser quelques mots dencouragement chacun des laurats.
Le Souverain, pour marquer son grand attachement la nouvelle Grande Ecole, avait
insist ce quun rapport exhaustif, faisant le bilan de leur insertion dans la vie active, au
sein de lAdministration, des services publics et du secteur priv, lui ft adress avant la
fin de lanne 1964.
La Haute Autorit de lEtat avait donn sa bndiction, et lEMI tait tenue de mriter
cette confiance et de faire honneur la formation dispense au Pays.
Le mme jour, pour leur marquer notre attachement, notre reconnaissance et notre
considration, nous avons organis un mmorable dner au restaurant de lHtel Balima
(lieu trs pris lpoque Rabat), en lhonneur du Directeur Amor et de lensemble du
corps professoral.
Nous nous tions spars avec amertume, mais avec le ferme engagement de rester
lis par le truchement de notre Association des Anciens de lEMI, cre le 24 juin et dont
je fus lu premier prsident pour un mandat renouvelable de deux ans.
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Ds le 26 juin, les oripeaux avaient disparu, le quartier du Haut Agdal avait repris son
visage habituel, et lEcole Mohammedia stait vide avec une rapidit dconcertante.
Les nouveaux diplms staient vapors, certains, pour aller se reposer chez eux,
dautres pour prparer dj leur entre dans le monde du travail.
A la grande agitation effrne de la fin de lanne, tait venu succder le calme plat
et profond, comme aprs une tempte.
Pour moi, les quatre jours, seul Rabat, furent bien tristes, avant de rejoindre mon
employeur attitr : le Bureau de Recherches et de Participations Minires (BRPM) auquel
me liait un contrat de 4 ans.
Javais mis profit cet intermde pour chercher un logement, mettre au point et
dposer les statuts de notre jeune Association auprs des autorits comptentes de la
ville de Rabat.
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AU BRPM
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RESUME
Cette phase de ma vie professionnelle au BRPM avec lequel jtais li par un contrat
de quatre ans, fut marque, ds le 1er juillet 1964, du sceau de lintensit et de la
continuit de leffort aprs la sortie de lEcole Mohammadia.
Interrompu par lintermde dun fabuleux voyage au pays de lOncle Sam, dont le Roi
Hassan II avait gratifi et honor lensemble de notre promotion, leffort se poursuivra
sans relche jusqu mon affectation en fin septembre 1981 la Direction des Mines au
Ministre de lEnergie et des Mines.
Ainsi, aprs une trs courte priode dattentisme et dobservation de six mois, je fus
happ jusqu fin dcembre 1974 par les activits sur les principaux chantiers de
recherche minire, affrontant les premires difficults, mais prouvant beaucoup de
bonheur et de satisfaction personnelle, et justifiant mon souhait sincre dintgrer
rapidement la grande famille du BRPM.
Aprs une anne au BRPM, je fus appel exercer des responsabilits au centre
minier dIrherm en dveloppement, pour mettre fin une situation dltre et chaotique
en rorganisant une modeste exploitation de minerai de cuivre au fin fond de lAnti Atlas
du Sous.
A Irherm, dans des conditions de vie spartiates, expos aux nombreux alas de la
nature, javais pass des moments inoubliables, tissant des relations de travail fcondes
avec le personnel, assumant toutes les responsabilits, sans jamais baisser les bras et me
dpartir de mon engagement rsolu.
Jai appris Irherm, et sur le tas, que dans la profession que javais exerce, je
savais beaucoup de choses et en mme que je ne savais rien, et que le chemin tait bien
long pour arriver dominer des situations ardues et complexes.
Jai retenu aussi que quand linformation circule mal, la responsabilisation est
difficile faire admettre et la cohsion instaurer parmi les intervenants aux diffrents
niveaux dexcution.
Limpulsion doit venir du haut de la pyramide et les rapports doivent fonctionner sur
le mme schma aux diffrents chelons de la hirarchie.
Javais essay de faire lapprentissage de tout cela, convaincu dy avoir consacr une
bonne partie de moi-mme, sans jamais reculer devant les problmes quotidiens et
ladversit pesante.
Nos travaux, raliss par des quipes de plus en plus aguerries, disposant de moyens
matriels de plus en plus modernes, menes par dminents surveillants mineurs
lexprience confirme, puis encadres par de jeunes ingnieurs nationaux, avaient mis
en vidence des gisements mtalliques, polymtalliques et de substances utiles ayant
donn naissance la quasi totalit des exploitations minires des trente dernires annes
dans notre pays, faisant rellement du BRPM, le promoteur principal affirm de lactivit
minire dans notre pays.
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Par ailleurs, la notorit de nos quipes minires grce lexcellence de leur travail,
avait permis au BRPM de sintroduire dans le secteur des travaux de recherche et
dadduction deau, dassainissement des grandes villes et de reconnaissance des sites de
barrages, domaines jusque l rservs au secteur priv.
Cet pisode de ma vie professionnelle fut enrichissant plus dun titre car,
bnficiant de la confiance totale des Directeurs Gnraux successifs du BRPM, nous
avons pu relever le dfi de la gestion technique et financire des socits filiales et du
dveloppement prodigieux de leurs ressources humaines.
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PREMIERE PERIODE : AUX TRAVAUX MINIERS
DE JUILLET 1964 A JUIN 1974
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Les premiers contacts
Seul Rabat au lendemain de la remise des diplmes, habitant provisoirement dans
lappartement prt gracieusement par les camarades de la deuxime promotion, Addou
et Larguet, partis en stage dt en France, je fus bien content et soulag de dmarrer
dans la vie active au BRPM ds le 1er juillet 1964.
Quelques jours plus tard, je fus rejoint par mes camarades de promotion, Berkia et
Lahlou affects respectivement, aux Ateliers et au Service Matriel de la Base des Zar,
sur la route de Casablanca.
La future mine dor de Boumadine dans lOugnat, proche de Goulmima ton village
natal, conviendra parfaitement bien tes dbuts dingnieur, me disait Albert Hamou,
ancien Directeur des Participations au BRPM, et notre professeur dconomie minire.
Attir trs tt par le monde des chantiers miniers, je navais marqu aucune
rticence quant cette affectation prcoce, tant originaire de la rgion et dsireux
dassouvir mes anciennes volonts de jeune lve Goulmima et de collgien fougueux
Ksar-es-Souk.
La premire prise de contact avec le chef du Service Travaux Miniers (STRM), Hubert
Prono, et le chef du Dpartement des Travaux de Recherches Minires (DTRM), Andr
Lasfargues, deux ingnieurs des mines franais, fut trs correcte, annonciatrice pour moi
dun bon dmarrage dans la vie professionnelle au BRPM.
Par la suite, au fil des jours et en travaillant ensemble, javais dcouvert en Prono un
homme discret, courtois et apprci du personnel marocain sous ses ordres, auquel il
avait su imprimer et inculquer un esprit travailleur, doubl dune discipline toute spartiate
et accepte par tous.
Mais, javais compris pour ma part que pour prendre convenablement le relais sans
douleur, je devais mintgrer et midentifier le plus rapidement possible lactivit de
recherche minire, sans agressivit, flagornerie et prtention.
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Anim dune foi immense et dun enthousiasme dbordant, javais dmarr, sans me
soucier outre mesure de ltat des lieux, au Sige du BRPM au 4, rue Moulay Hassan (ex
Urbain Blanc), dans un petit bureau au rez-de-chausse, poussireux, voire malsain,
encombr de documents, de plans et de cartes gologiques et minires de tous genres.
Entre la vie dtudiant et la ralit sur le terrain, cest tout un monde ; avant de
prtendre au commandement, il faut mettre la main la pte, peiner dabord sur les
pistes et les chantiers, partager la vie des gens, connatre et assumer leurs problmes et
leurs soucis quotidiens, avais-je souvent entendu autour de moi, mais aussi avais-je
appris de Prono.
En cela, jtais support et accompagn par Prono, devenu mon mentor pour
quelques mois, avant son dpart programm avant la fin de lanne 1964.
Aprs quelques jours consacrs intensment compulser des dossiers, des cartes et
des centaines de documents mis ma disposition, visiter les services centraux au Sige,
me familiariser avec les structures de la Base des Zar et du Laboratoire de Valorisation
des Minerais sur la route de Casablanca, javais commenc dj faire partie de la maison
et renforcer mes relations avec le personnel qui mentourait.
Pour marquer mon entre au BRPM, javais pass une visite mdicale en mme
temps que Omar Kabbaj, cadre la Direction des Participations, devenu plus tard
reprsentant du Maroc au Fonds Montaire International, Ministre des Affaires
Economiques et Directeur Gnral de la Banque Africaine de Dveloppement (BAD).
Ainsi, aprs mon insertion administrative sans encombre, une srie de missions de
courte dure sur les chantiers avait dmarr pour mimprgner rapidement de lesprit et
de la situation relle du microcosme minier du BRPM.
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Tout dabord ce fut la mine de fluorine dEl Hammam.
Je fus enchant daller faire un peu de bled et de me frotter aux ralits des
centres de travaux miniers.
Javais dj une ide des activits extrieures du BRPM au cours de notre stage
dorientation en 1961 la fin de la premire anne de lEcole Mohammedia.
Cette occasion fut, en son temps, lorigine de mon dclic pour lOption Mines lEcole
Mohammedia et pour tout ce qui gravitait autour de lactivit minire.
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El Hammam, environ 200 km de Rabat, tait une ancienne mine de fluorine
exploite dans ses affleurements par la socit SAMINE, ancienne filiale du BRPM.
Ds notre arrive sur les lieux, nous avons crapahut dans les valles et les collines
boises dEl Hammam pour visiter des travaux de galeries de reconnaissances flanc de
coteau et des sondages implants sur les crtes, et aussi pour rencontrer le personnel et
les chefs des chantiers.
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Aprs le bureau, chaque soir, je retrouvais mes amis dEcole, Berkia, Lahlou et
Lahrichi pour changer nos points de vue sur les premiers balbutiements de notre vie
professionnelle, discuter ensemble du dossier de lAssociation des Anciens de lEMI, et
laborer les lments du rapport/mmorandum prsenter au Cabinet Royal avant fin
1964, conformment aux directives royales des 18 et 25 juin.
Une deuxime sortie tait intervenue la mine de cuivre dIrherm (Imi NIrfi).
Nous continuerons notre tourne des chantiers aprs demain, et nous irons cette
fois-ci Irherm dans la rgion dAgadir ; ce sera pour vous une autre occasion pour
apprcier davantage la vie dun chantier dun autre type , me dit Prono, alors que nous
venions dexaminer un rapport mensuel dactivit des chantiers miniers dans ses menus
et moindres dtails.
Le priple annonc tait relativement long pour lpoque, car il fallait tout dabord
rejoindre laroport de Casa Anfa, prendre un avion DC3 assurant la liaison sur Agadir,
puis emprunter un vhicule lger pour rejoindre la mine dIrherm, 200 km au Sud est de
la capitale du Sous.
Ctait mon premier voyage par avion lintrieur du Maroc, et de surcrot Agadir,
ville balnaire en grande partie dtruite en fvrier 1960 par un terrible tremblement de
terre, avec le souvenir du Roi Mohammed V sur les lieux du sinistre, trs affect par le
drame, arpentant les rues dvastes parmi les dcombres des immeubles effondres
comme des chteaux de cartes.
Je fus charm par les grands domaines agricoles, les fermes dorangers et de
citronniers et la grande fort darganiers, unique au monde.
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Aprs avoir travers la localit dIrherm, ancien centre militaire de la pntration
coloniale franaise de lAnti-Atlas, et le douar dOuarendaz perch sur les contreforts
montagneux, nous avons emprunt la piste peine carrossable en direction du village de
Douzrou, nich dans la valle encaisse de loued du mme nom, parmi les amandiers
parses et les haies de cactus.
Nous sommes arrivs vers midi, sous un soleil de plomb, au centre dImi NIrfi,
village minier constitu de baraques en prfabriqu pour le personnel dencadrement, de
petites maisons en briques ciment pour les ouvriers.
A Imi NIrfi, petit gisement de cuivre stratiforme, aux couches minralises pentues,
affleurant le long de la valle et sennoyant sous de hautes falaises, lactivit tait axe
sur les travaux de recherches minires par galeries, les prparatoires de lexploitation
souterraine, les terrassements et le gnie civil de la centrale diesel lectrique et de lusine
de traitement du minerai de cuivre.
La vie des chantiers est toujours rude, vous le constaterez dailleurs partout ;
toutefois, en organisant son temps de travail et ses contacts, tout devient supportable
aprs ; jespre que ce sera votre cas , me dit cordialement Prono, en prsence des
responsables des sections, tous trs attentifs ses dclarations, lui tmoignant un
respect rel et non de circonstance.
Tard, nous avons rejoint Casablanca par le mme avion DC3 du matin, accueillis
laroport de Casa Anfa par lpouse de Prono.
Vous devez tre bien fatigu, mon mari a d vous malmener durant le voyage ,
me dit, sans insinuation, lpouse de Prono.
Je lui avais rpondu, quau contraire, je remercie vivement son mari de mavoir si
bien guid lors de cette journe mmorable et enrichissante au plan professionnel et
humain, me faisant dcouvrir par la mme occasion, et pour la premire fois, Agadir et sa
rgion immdiate du Sous et lAnti Atlas occidental.
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Javais rtorqu que cette activit menchantait et, qutant clibataire, je my tais
prpar de longue date, avec grande rsolution.
Ce premier dplacement Irherm fut de bon augure pour mes dbuts, et je mtais
senti enthousiaste pour continuer, sans me soucier des conditions de transport et de
sjour sur le chantier, impressionn par la discipline qui rgnait aux chantiers et laccueil
chaleureux qui me fut rserv partout.
Javais mme senti leur disposition maider pour aller de lavant, attendant de ma
part un apport de sang neuf, de nouvelles mthodes de travail susceptibles de modifier
les habitudes et damliorer les structures en place aux Travaux Miniers.
Toutefois, je mtais gard dmettre la moindre remarque sur la gestion en cours des
hommes et des moyens, ayant pleine conscience de ntre quun dbutant, sur mes gardes
pour nimportuner, ni froisser personne.
Les diffrents dplacements la Base des Zar dirige par Belin assist de Chaillot
aux Ateliers, me donnaient loccasion de rester en contact permanent avec mes
camarades de promotion Berkia et Lahlou, et de nouer des relations solides et prennes
avec le Service des Transports, dirig dune main de matre par Balafrej et Lyazidi,
devenus des passages obligs et des soutiens apprcis de tous les instants.
A la fin de ma quatrime semaine au BRPM, Prono, ayant remarqu mon rel intrt
pour la recherche minire, ma prdisposition et ma propension aller au bled, me
proposa de sjourner plus longuement la mine dIrherm pour suivre la construction de
lusine de traitement, la mise en place de la centrale lectrique et des sections auxiliaires,
la ralisation des travaux dossature minire, et pour assister aux premiers essais des
mthodes dexploitation souterraine.
Quelques jours de plus dans le bled ne vous feront que du bien ; de plus, vous
apprcierez davantage les efforts dploys par le personnel, sa pleine disponibilit et sa
mobilisation durant les moments difficiles , me dit Prono avec dlicatesse.
Encore une fois, jtais partant avec un plaisir redoubl pour le Sous et le secteur de
lAnti Atlas qui mavaient sduit et enchant ds la premire visite.
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A Irherm, o, comme auparavant, je fus accueilli chaleureusement, les conditions de
vie, tout en tant austres, taient supportables malgr les chaleurs torrides de lt 1964
au cours duquel les tempratures avaient dpass 45.
Dans cette partie de lAnti Atlas, aprs des vagues dun froid cruel en hiver, suivies de
rafales de vent glac, surviennent immdiatement des chaleurs suffocantes dbutant en
gnral en avril et se prolongeant jusquen octobre.
Malgr la chaleur touffante du mois de juillet 1964, javais aim la vie en plein air et
en communaut, car elle ragaillardit et dcomplexe vis vis du personnel des chantiers,
toujours observateur attentif des ractions et des comportements des responsables de
Rabat, considrs comme des gens ide passage, indisposs par la chaleur et ne
supportant par les conditions de vie au bled et lenvironnement semi-dsertique.
En fait, pour moi, vivre les problmes quotidiens dun centre minier, en perptuelle
transformation, participer la mise au point des mthodes de travail et ldification des
installations, partager lordinaire des gens autour dun verre de th, dun tajine ou dun
couscous, buvant des fois leau bouillie puise dans les medfiats, mimprgner des
vritables conditions du milieu de travail dans le bled, furent pour moi des opportunits
inoubliables et envotantes plus dun titre.
Les rapports et les contacts avec lensemble du personnel furent trs courtois et
affables, dautant plus que je navais aucune responsabilit exercer et assumer ;
jtais l pour observer, comprendre et apprcier le milieu du travail o je serai appel
voluer certainement plus tard. Je vivais les journes Irherm avec une relle passion,
dans une ambiance gnrale empreinte de sympathie.
Jtais, plusieurs reprises, invit chez lui pour goter lexcellente cuisine espagnole
de son pouse toujours accueillante, affable, donnant une impression de dcontraction et
de dtachement, dans un milieu loin de ses proccupations.
Dans cette ambiance spartiate, mais sereine et amicale, le temps semblait sgrener
trs vite, les journes taient bien remplies, charges de poussires, de graisse, de sueur,
mais aussi de ralisations concrtes et daffection collective.
Le gnie civil de laverie et de ses annexes tait conduit avec maestria par Maghraoui,
chef dquipe expriment, dtach sur place par la Base des Zar pour organiser et
superviser les oprations de construction des socles en bton des quipements, en troite
et amicale collaboration avec Boujema, ancien responsable de lusine de traitement de
Plomb Moulouya (Zada prs de Midelt).
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Boujema, connu pour son professionnalisme et son dynamisme permanent, donnait
limpression dacter part, sans faire montre dun esprit de collaboration avec Wielcosz et
les responsables des travaux miniers prparatoires.
Pour moi, encore profane, tout semblait baigner dans lhuile, dans un environnement
que la sympathie et la bienveillance des gens mavaient fait apprcier, sans contrepartie
et de faon toute dsintresse.
Ds lors, javais considr les premiers contacts avec lactivit minire du BRPM
comme un bon prsage pour la suite de ma carrire professionnelle.
Prono, puis plus tard Lasfargues, avaient bien raison de morienter sur cette voie,
celle de leffort continu, de la ngation de soi et du contact fcond avec ceux qui peinaient
sur les chantiers.
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Premier voyage aux Etats-Unis
Au dbut du mois daot 1964, la mine dIrherm, alors que jaccompagnais
Maghraoui et Boujema pour une mise au point sur ltat davancement des travaux du
gnie civil de lusine de traitement, on me demanda par radio de Rabat de rentrer de
toute urgence pour partir aux Etats-Unis dans le cadre dun voyage dont le Roi Hassan II
avait gratifi la Promotion Mohammed V de lEcole Mohammedia.
Dans leuphorie de la grande sollicitude royale, javais quitt Irherm avec regret, mais
avec lespoir de revenir brve chance pour continuer participer luvre de
montage des installations industrielles et de prparation des ossatures de lexploitation
minire souterraine.
A Rabat, Lasfargues et Prono mavaient marqu tous les deux leur bonne apprciation
quant mon long sjour Irherm, mexhortant suivre la mme voie lavenir, celle du
contact frquent avec les chantiers et du suivi direct de leurs activits multiformes.
Je suis convaincu que vous ferez du bon travail au Travaux Miniers , me dit Prono,
avec beaucoup de considration, avant de nous quitter pour la dernire fois.
Les retrouvailles avec les amis et camarades dEcole, aprs moins de deux mois de
sparation, furent mouvantes, chacun se plaisant raconter ses problmes, ses
dboires, mais aussi ses succs de dmarrage de carrire professionnelle.
Nous fmes accueillis par des officiels amricains et par Ignateff, conomiste et
historien russo-amricain, qui nous guidera, en bon pre de famille durant tout notre
priple travers les Etats-Unis.
Nous tions tous lessivs et abattus par un aussi long voyage, et installs dans un
htel en bordure de lHudson, en plein quartier de Brocklyn habit par des juifs Lbovich
en grandes nattes et chapeau noir, plongs dans leurs profondes mditations
talmudiques, sans se soucier des intrus dans leur propre domaine.
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New York, cest fabuleux, fascinant et fantastique , avaient cri, sans retenue,
certains camarades blouis par les nombreux et immenses gratte-ciel de lle de
Manhattan se profilant majestueusement lhorizon.
Fonde par les Hollandais en 1626, sous le nom de Nouvelle Amsterdam, la ville
devient New York aprs sa conqute par les Anglais en 1664, aprs dpres luttes, de
connivence avec les tribus indiennes de la rgion.
Premier centre financier du monde, grand port, nud ferroviaire et arien, New York,
vritable patchwork, nous avait enthousiasms par ses grandes avenues, ses immenses
buildings, ses shopping centers, lEmpire State Building, Rockefeller Center, Madison
Square Garden, lHudson enjamb par plusieurs ponts, la statue de la libert, etc.
A lhtel, de nombreux camarades taient comme de gosses devant les gadgets, les
machines sous, les billards, en sy adonnant cur joie.
Aprs limposante New York, nous avons rejoint Washington par la route pour
dcouvrir la campagne amricaine et lampleur des voies de communication (routes,
autoroutes, voies fluviales.), en passant prs de Philadelphie et Baltimore.
Notre sjour fut merveilleusement organis et agrment par les visites du Capitole,
haut lieu de la dmocratie amricaine, du Mmorial de Jefferson, du Monument Lincoln,
de Mont Vernon, village natal de Georges Washington.
Le long du Potomac, dautres btiments rappellent les hauts faits de la cration des
Etats-Unis et de la Guerre de Scession, avec le souvenir des pres fondateurs de la jeune
nation affranchie de la tutelle britannique, avec le concours dun corps expditionnaire
franais command par le Gnral La Fayette.
Par ailleurs, nous fmes reus dans une ferme, dans le Maryland, la priphrie de la
ville, o aprs une visite dtaille et des explications sur les hauts rendements agricoles,
nous avons got un mas dlicieux gros grains.
Par la suite, nous fmes convis un grand djeuner donn en notre honneur par le
smillant Ambassadeur du Maroc, Ali Benjelloun, en sa belle rsidence dans un quartier
hupp de la jolie et verdoyante agglomration de Georgetown.
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Pour clturer notre passage dans la capitale fdrale amricaine, chacun une rose la
main, nous nous tions recueillis au cimetire dArlington, en bordure de la rivire
Potomac, sur la tombe du Prsident Kennedy, assassin Dallas au Texas en 1963, et
dont le souvenir continuait dalimenter la conscience amricaine.
Ignateff, notre mentor et notre guide, tait toujours l avec nous, attentif et
attentionn, apprciant notre curiosit et notre admiration pour lAmrique.
Au cours du vol de Boston vers Pittsburgh, pour la premire fois, en tant que
Prsident de notre jeune Association des Anciens de lEMI, jeus exercer mon arbitrage
entre le Directeur Amor et notre camarade Achour, suite une altercation entre eux, pour
des raisons rellement futiles et sibyllines.
Amor, ulcr par le comportement jug dplac de son ancien lve lors dune
discussion anodine, avait dcid, notre insu, en arrivant lhtel Pittsburgh, de quitter
le groupe et de regagner le Maroc.
Alerts par Rhiati, avec les camarades Lhatoute et Jaoui, en catastrophe nous avons
pris un taxi pour rejoindre, trs vive allure, laroport de Pittsburgh.
Enfin, nous lavons reconduit lhtel Pittsburgh pour linstaller dans sa chambre
comme un jeune adolescent.
Notre sjour Pittsburgh en Pennsylvanie, sur lOhio, lun des plus grands centres
sidrurgiques et mtallurgiques du monde, fut focalis sur la visite des immenses usines
de fabrication de matriel lectrique (moteurs et gnratrices de grandes puissances,
turbines, cbles dnergie, etc.) de la socit Westinghouse.
Puis, ce fut le tour de Buffalo sur le lac Eri, port fluvial et centre industriel, connu
pour son Universit et son Muse dart, proche des chutes du Niagara hautes de 47m,
phnomne naturel unique au monde, haut lieu touristique et site dun gigantesque
complexe hydrolectrique.
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Notre groupe pour sa part, eut loccasion de visiter avec nos htes des usines de pte
papier et dapprcier le niveau lev de la productivit et de lefficacit du management
au sein dune PME performante dans la rgion.
A Ames, capitale de lIowa, ville universitaire proche de Des Moines, nous avons
visit lUniversit de lEtat et de gigantesques exploitations agricoles de mas, fiert du
profond Middle West.
Javais gard un souvenir ineffable de limmense pizza que lon nous avait servie,
Lhatoute et moi, dans un restaurant de la ville, et dont on nous avait fait emporter les
restes en doggy bag.
De mme, javais apprci la clrit avec laquelle on mavait fait parvenir San
Francisco mon passeport, oubli la hte, dans ma chambre dhtel Ames.
Aprs le Middle Ouest, en avion, nous avons rejoint San Francisco en Californie.
La ville, dbouch dans le Pacifique, fonde en 1776 par les Espagnols, devenue
amricaine en 1846, dtruite par un tremblement de terre en 1906, centre des industries
chimiques et mcaniques, lieu des signatures de la Charte des Nations Unies en 1945 et
du trait de paix entre le Japon et les Allis, nous avait enchants par la beaut des sites
et la chaleur de laccueil des autorits locales et des divers responsables universitaires.
A la fin de notre sjour, nous avons dambul Chinatown, cre par les immigrants
chinois, image dun secteur dune ville comme Shangha ou Nankin, avant dassister un
spectacle de patinage artistique sur glace, Ice Folies.
Un hispanique sollicit aprs, nous avait heureusement mis sur la bonne direction,
avec beaucoup dentregent et de gentillesse.
Partout, le monde californien nous avait envots et subjugus par son organisation
mthodique et ses normes ralisations, sans commune mesure avec nos standards
triqus et en dphasage de plusieurs dcennies.
Aprs Los Angeles, nous avons rejoint par autobus la ville dEl Centro, dans le sud de
la Californie, non loin de la fameuse Valle de la Mort, sous une chaleur torride faisant
fondre lasphalte de lautoroute, nous contraignant courir en descendant du car pour ne
pas nous exposer aux rayons terribles du soleil.
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(dorigine marocaine nous avait-on dit), emball dans des sacs plastique pour en assurer
la conservation et la bonne cueillette.
En Californie, le gnie amricain a transform un ancien dsert, battu par les vents,
infest de serpents sonnettes, en un paradis agricole, irrigu avec leau amene sur
plusieurs milliers de kilomtres par grands canaux des Montagnes Rocheuses et du fleuve
Colorado.
Nous avons assist des danses indiennes sans me, organises lintention des
touristes en qute dexotisme et de rencontre avec les anciens Peaux Rouges.
La visite dun village indien, nous dvoila ltat de sous dveloppement relatif des
rserves indiennes places sous administration directe du Ministre Fdral de lIntrieur,
pour mieux les contrler trs probablement.
Sur la place centrale de lune de ces rserves, nous avons salu un grand chef indien,
juch sur un norme tas de sable, en chemise blanche et pantalon gris, coiff dun
immense chapeau, en signe dinsertion dans le way of life amricain, en paix avec ses
adversaires historiques.
Notre tourne aux Etats-Unis, sacheva New York avec la rception offerte par
lAssociation Amricaine des Ingnieurs, installe dans un grand immeuble Manhattan,
proximit de lnorme palais de verre des Nations Unies Manhattan.
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Nous avons convenu, avec nos htes de maintenir le contact dans le cadre de notre
Association des Laurats de lEMI, en phase de gestation.
Prenez soin de vous, lavenir sera brillant , me dit paternellement, notre guide
Ignateff, tonn lors de nos frquentes discussions durant notre priple, de mes
connaissances sur son pays dorigine, la Russie, et sur sa transformation par le rgime des
Soviets aprs la Rvolution bolchevik doctobre 1917.
Que dire de ce priple au pays de lOncle Sam, si ce nest quil fut rellement,
passionnant, intressant et instructif.
Durant plus de cinq semaines, nous avons dcouvert un pays continent, dune trs
large diversit gographique et ethnique, model par de nombreuses vagues
dimmigration, elles-mmes fondues pour former une nation nouvelle et originale, et
dployer une civilisation daudience plantaire.
Nous avons rencontr des gens de tous les horizons, de toutes les races, dans une
Amrique profonde, attachante, sympathique et accueillante.
Les Noirs qui reprsentaient plus de 10% de la population, amens comme esclaves
aux 17 et 18 sicles, commenaient conqurir lentement et srement leurs droits
civils et politiques, annonant un grand chambardement dans la socit amricaine
domine jusqualors par les Blancs europens et dirige de facto par les WASP (White
Anglo-Saxons Protestants).
Nous avons conclu, juste titre, que lAmricain des films western, du chewing-gum
et du whisky, nest pas reprsentatif de lAmricain moyen.
Le meilleur moyen pour connatre les Etats-Unis est de ne pas capter seulement des
bribes, des images et des signes, mais de se rendre sur place et de se confronter
directement avec les ralits de limmense pays.
Tout en tant enrichissant plusieurs gards, le voyage aux Etats Unis fut pour moi
personnellement prouvant, et je regrette vivement de nen avoir pas profit pleinement
comme je lavais souhait.
En effet, en tant que Prsident de lAssociation des Anciens, je fus mis rude preuve
quotidiennement pour rgler mille et un problmes matriels, mnager certaines
susceptibilits, jouer les arbitres, viter les frictions et maintenir au sein du groupe
lesprit de concorde, daffection et damiti qui avait toujours caractris nos relations
depuis 1958.
La patience et le sang froid aidant, heureusement tout avait fini par rentrer dans
lordre, oubliant les dsagrments et ne retenant que le ct positif du voyage.
A New York, tous contents davoir accompli un magnifique priple, notre intermde
dtudiants avait pris fin.
Chacun avait ds lors pris son chemin, celui dun autre monde de nouvelles relations
professionnelles.
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Des dbuts laborieux
Au retour des Etats-Unis, et prs un bref voyage dagrment, Paris, Amsterdam et
Copenhague, en compagnie de mon camarade et ami Abdelmalek Jaoui, javais rejoint
Rabat au dbut de septembre, convaincu que la priode dtudiant tait dfinitivement
rvolue, que ma vie professionnelle allait rellement dmarrer, et quil fallait sy atteler,
sans attendre et sans coup frir.
Durant mon absence, et comme ctait prvu, Prono avait quitt dfinitivement le
BRPM pour rentrer en France, le poste de Chef Service Travaux Miniers tait donc
pourvoir trs rapidement.
En octobre 1964, javais pris la prcaution de louer un appartement dans lex rue
Henri Pop prs de la Tour Hassan, quelques encablures du sige du BRPM lavenue
Moulay Hassan que je regagnais pied en toutes saisons, ne disposant pas encore dun
vhicule de service ou personnel.
La mission devait porter sur lexcution dun programme de dnoyage des travaux
dartisans mineurs dans la zone dactivit de Boufedouze, situ 50 km de piste au sud
ouest de la localit de Rissani, et 70 km dErfoud.
Bien avant, alors que jtais aux Etats-Unis, la prparation de la mission tait confie
Jerdouj, un vieux mineur chevronn originaire de la rgion dEl Kela des Mgouna,
rompu aux chantiers difficiles, comptent, spartiate, aid du mcanicien Renaud, parmi
les rares Europens encore en activit au Service Travaux Miniers.
Pris au dpourvu, ne connaissant pas Jerdouj, rellement je ne savais pas quoi lui
rpondre, tant encore ignorant des personnes et pas au fait des programmes des travaux
miniers, de leur tendue et de leur rpartition rgionale.
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Effectivement, tt le lendemain, nous avons quitt Rabat en convoi comprenant trois
Land Rover et un camion atelier pilot par Renaud.
Aprs une courte halte la Base logistique du BRPM de Midelt gre par lagent
administratif Kherfi, puis un arrt Erfoud pour prendre contact avec le Directeur de la
CADET, Hajoui, ancien laurat de lEcole des Mines de Rabat, nous tions rendus au bout
de deux jours au chantier de Boufedouze, 650 km de Rabat.
Nous avons dcouvert sur les lieux un chantier sans me, abandonn depuis
plusieurs mois par les artisans mineurs aprs lenvahissement de leurs travaux par les
eaux la suite dune avarie du systme de pompage.
Notre quipe, sous limpulsion de Jerdouj et Renaud, stait vite attele la tche
pour installer le camp, dresser les tentes et entamer les oprations de mise en place du
matriel de dnoyage (treuil de levage, motopompe Recta axe vertical et train de tiges)
en tte du puits principal dextraction du minerai, dune profondeur de 80m.
Aprs trois jours defforts inlassables sous une chaleur torride, dengueulades et de
vocifrations entre Jerdouj et Renaud, interrompus la tombe de la nuit et repris au
lever du jour, la motopompe RECTA commena, enfin avec soulagement, et comme par
enchantement dbiter abondamment, avec un rel bonheur, une eau saumtre et
boueuse, et dnoyer progressivement les travaux dartisans noys.
Le succs de lopration fut ft par un bon tagine et un th, servis mme le sol,
sous nos tentes sommaires, vritables fournaises, faites de toile troue, battues par le
vent de sable brlant.
Rapidement, comme par enchantement, les artisans loigns depuis des mois par
linondation de leurs chantiers, certains avec leur famille, commencrent affluer et se
rinstaller pour reprendre les travaux souterrains de dpilage des petits filons de galne.
27
Jy avais dailleurs consacr, plusieurs annes durant, une partie de mes nergies et
de mes possibilits de dcision aux Travaux Miniers, puis bien plus tard au sein de
lAdministration des Mines.
Je reviendrai souvent dans ce secteur du Tafilalet pour dcider des moyens mettre
en uvre pour amliorer les accs aux diffrents centres de production artisanale par la
construction de nouvelles pistes, et pour me familiariser avec les mthodes de travail de
fonage de puits, de creusement de galeries de reconnaissance, de dnoyage des travaux,
apprciant par la mme occasion la pnibilit du travail et leffort des artisans pour
gagner leur vie, tout en conservant leur dignit en toute circonstance.
****
Ds mon retour du secteur de CADET, je fus charg par le Directeur Technique
Fauvelet, dune mission spcifique, en compagnie du responsable de la Base de Midelt,
Sad, lancienne exploitation minire de plomb de Bou Arhous, non loin de la localit de
Gourrama.
A la fin de la campagne de recherches, les quipes BRPM staient retires sans avoir
au pralable dmantel le chantier, laissant au fond du matriel de mine (rails,
wagonnets, tuyauteries, etc.) quun exploitant priv de Gourrama (Assou Zedgui)
souhaitait acqurir dans le cadre de lamodiation du domaine minier.
****
Paralllement aux travaux dans le secteur de la CADET, javais suivi lactivit de
limportant chantier de recherches de minerais polymtalliques (plomb, zinc, or, argent)
de Boumadine dans lOugnat, proche de mon village natal, Goulmima, 25 km par piste
lest de la localit de Tinejdad, et 600 km de Rabat.
Il est signaler que Boumadine tait annonc en 1963 par Albert Hammou, Directeur
des Participations du Bureau comme la future grande mine dor du pays, pour laquelle
jtais destin comme directeur alors que jtais encore tudiant.
Les travaux miniers en cours visaient la reconnaissance des avals des anciennes
carrires de dpilage artisanal remontant la priode euphorique de Sijilmassa et des
caravanes en direction du Mali.
Le chantier tait plac sous la frule dun vieux chef chantier, Mlinac, d'origine
tchque, ancien lgionnaire de larme franaise, adepte de la dive bouteille, dpass par
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les vnements pour piloter et organiser les travaux de recherche du plus grand chantier
minier du BRPM de lpoque.
Dans les vapeurs thyliques de bon matin, Mlinac connu pour sa dsinvolture
manifeste et permanente, stait senti en droit de nous narguer tous Rabat, en
profrant publiquement chaque jour, des injures la radio de chantier.
Chaque mois, il envoyait Errachidia un vhicule Dodge pour dposer les bouteilles
vides et ramener les pleines de vin rouge et autres alcools.
Ds lors, je mtais pos la question de savoir sil fallait ncessairement maintenir sur
place un parasite tranger pour faire fonctionner un chantier que des nationaux
pouvaient valablement piloter avec plus defficacit et moins de charges.
Ne faudrait-il pas prendre le taureau par les cornes une fois pour toutes et carter,
sans le moindre regret, ce saoulard impnitent, insensible toutes les remontrances, et
convaincu quil tait indispensable ?
Que pourront-ils faire contre moi, ce sont des jeuneaux sans exprience, et loin des
ralits du terrain , disait Mlinac ses confidents et compagnons parasites loccasion
des beuveries quotidiennes.
Vous gagnerez trs certainement vous laisser voir tels que vous tes, que de
paratre ce que vous ntes pas , disait un sage connaisseur de la gestion des activits
des chantiers miniers du BRPM.
Et cest ainsi, que jai appris traiter les rcalcitrants et les parasites, advienne que
pourra avec les suprieurs hirarchiques europens.
La dcision dloigner Mlinac avait tard venir, malgr son mauvais comportement
et mon insistance le voir dguerpir rapidement de Boumadine en laissant la place des
nationaux plus mritants et moins dsinvoltes.
Alors, et face cette situation anachronique, javais attendu patiemment son dpart,
sans mexposer des reproches et des critiques acerbes, malveillantes et infondes de
ses supporters occultes et avrs.
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Javais retrouv Mlinac sous la tente lentre de Rissani loccasion dune de mes
tournes dans le secteur, tout penaud, sans ressort, rsign et sans la morgue et
lagressivit quil manifestait avec insolence, quelques mois auparavant.
Lre Mlinac sur les grands chantiers tait dfinitivement close et rvolue, et le vieux
lgionnaire ne tardera pas quitter le BRPM pour de bon.
Salah Imrich fut choisi pour assurer la relve parce quil reprsentait et incarnait
cette catgorie de surveillants mineurs srieux, dvous, disciplins et expriments au
sein de la grande famille des Travaux Miniers.
***
Grce louverture des chantiers travers le Maroc, et en les visitant rgulirement
avec enthousiasme, dtermination, bravant le mauvais temps, le froid, la neige, la
chaleur, les pistes, voyageant de nuit, par route, par train, par avion, jeus loccasion de
connatre le pays et les personnels, de mieux comprendre les comportements, les
ractions et les agissements des responsables locaux.
Vous laccusez de rgionaliste, mais tous ces ouvriers recruts, sont des Marocains
ayant droit au travail. Par ailleurs les programmes de travaux sont dtermins et fixs par
la Direction Technique, les Travaux Miniers ntant que le bras dintervention dans leur
excution , avait rpondu le Directeur Gnral du BRPM, Chefchaouni, quelquun venu
un jour se plaindre de moi pour lavoir peut-tre conduit loccasion dune demande de
service ou dembauche.
Par cette rpartie, Chefchaouni avait rendu justice tous ces travailleurs, srieux et
courageux, qui se rvleront par la suite, et de lavis gnral, comme tant les meilleurs
ouvriers, agents techniques et administratifs des chantiers du BRPM, et plus tard de ses
nombreuses filiales minires.
Amliorer les conditions de vie de nos agents, promouvoir leur bien tre et leur
scurit, furent pour moi les facteurs essentiels tudier et amliorer, connaissant par
avance la difficult quil y aurait bousculer certaines habitudes administratives et
bureaucratiques des personnes responsables, souvent mal ou insuffisamment informes,
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et gnralement peu soucieuses de linfortune de ceux qui se dmenaient pour le Bureau,
et quelques fois crevaient la tche.
Pour moi, lefficience conomique de notre action pouvait aller de pair avec un
certain degr de sentimentalisme pour ceux qui peinaient en permanence sur les
chantiers, perdus dans le bled, loin de leurs familles, bravant les intempries et les
risques du milieu du travail.
Javais compris aussi que, pour mener bien et terme toute activit, il me fallait
asseoir mes arrires, continuer cohabiter et sympathiser avec les responsables
administratifs et financiers, en leur expliquant souvent limportance toute particulire de
certaines oprations spcifiques aux chantiers miniers, loin de lapprciation superficielle
ou incomplte des centres de dcision de Rabat.
En moins dune anne au BRPM, un long chemin fut parcouru, des rsultats positifs
engrangs, lintgration conforte, et des amitis noues et prennises.
Ainsi, avec mes camarades Berkia et Lahlou, dans la mme situation, nous avons
vcu durant huit longs mois, sous le rgime des avances sur salaires pour subsister en
vigueur au BRPM pour les dbutants lavenir incertain.
Notre situation peu reluisante, avec en filigrane une vellit de dmission collective,
avait abouti, sur intervention du Secrtaire Gnral, Jadi, lapurement de nos dossiers
et au versement de nos salaires, suivi de notre classement lchelle 2 et le gel abusif et
injustifi de notre avancement durant plusieurs annes.
Sans me soucier outre mesure des obstacles franchir, fidle mes engagements et
mes convictions profondes, javais dcid de continuer uvrer dans la mouvance de la
recherche minire du BRPM, relguant plus tard lapurement dfinitif des conditions
bassement matrielles.
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Une premire responsabilit
La mine dIrherm
En juin 1965, je me trouvais Boumadine pour superviser le dmarrage du
programme de recherche au puits B, implant dans la zone dun panneau riche en
minerais polymtalliques (plomb, zinc, argent, or) mis en vidence par des campagnes
intenses de sondages carotts profonds.
Ma prsence sur place tait ncessaire pour guider et encourager le nouveau chef de
chantier, Salah, et loigner de certains esprits les prdispositions des ingnieurs des
Travaux Miniers lire domicile Rabat, se contentant, partir de leurs bureaux, de
donner des instructions par radio, loin des ralits sur le terrain.
De plus, il fallait, une fois pour toute, me convaincre sur le tas de la capacit de nos
surveillants mineurs diriger de grands chantiers, tout particulirement aprs
lloignement dfinitif de Mlinac de Boumadine.
Alors que je remontais du fond o lon venait, aprs de longues heures, de rsoudre
un problme pineux du systme dexhaure, on mordonna de Rabat par radio, sur
instruction expresse du Directeur Technique, Fauvelet, de rentrer de toute urgence, sans
explication, vritable oukase ne pas discuter, et encore moins commenter dans les
conditions du moment.
Javais compris sur-le-champ, que lon voulait, trs probablement, me faire payer
mon attitude rsolue lgard du vieux Mlinac, et marquer un frein ma propension
vouloir cote que cote responsabiliser les chefs de chantiers nationaux jugs encore
immatures.
Mon dpart prcipit de Boumadine inquita et dut tous ceux qui avaient soutenu
mes initiatives et approuv mes engagements avec force et sans complaisance, y dcelant
ma disgrce dans les hautes sphres ou mon loignement dfinitif du Service Travaux
Miniers vers une destination de second rang.
Il y a lurgence dun redressement sur les lieux. Vous tes lhomme quil faut pour
surmonter la crise, et je suis certain, tel que je vous connais, de votre russite. Tout
dabord, allez voir le Directeur Technique, il a certainement dautres choses plus
importantes vous dire en personne, me lana gentiment et amicalement Lasfargues,
sans se dpartir de son flegme habituel.
Si vous avez des conditions poser, nhsitez pas le faire, cest votre droit le plus
absolu , me fit-il remarquer.
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Aprs mon entrevue avec Lasfargues, serein et dcid, je mtais prsent au
Directeur Technique, Fauvelet, qui me reut froidement et schement, dans son air des
trs mauvais jours.
Jadi me reut trs gentiment dans son bureau o je pntrais pour la deuxime fois,
la premire fois, un an auparavant, pour me faire part de sa bonne apprciation quant la
ralisation des travaux miniers dans le secteur CADET, et la bonne coordination avec le
Directeur Hajoui et Driss Belbachir, Chef du Dpartement de la commercialisation des
minerais du BRPM.
Nous avons pens toi pour redresser la situation Irherm o rgne depuis
quelque temps, daprs mes rcentes informations, une situation de dsordre et
dindiscipline caractrise. Ce qui va lencontre de nos prvisions et contrecarrer notre
politique de mise en valeur du secteur dAgadir. Ta formation, ton srieux et tes
antcdents aux Travaux Miniers et la CADET te permettront de redresser rapidement et
efficacement la barre. Nous comptons sur toi pour quIrherm merge vite du chaos
install , me dit Jadi, toujours trs affable et attentionn.
Je neus pas dobjection pour aller Irherm, mais en acquiesant, javais tout
simplement demand de bnficier des moyens ncessaires pour travailler dans la
srnit et prendre les dcisions urgentes, avec lobligation de rsultat, sans taire la
vrit, ft-elle dplaisante pour la hirarchie.
Lentrevue avec Jadi, tout en tant dun grand soulagement pour moi, loigna de
mon esprit la hantise des entourloupettes des dtracteurs occultes, toujours lafft des
faux pas pour dnigrer et casser les bonnes volonts.
Ainsi, un an peine, aprs mon entre en fonction, mon acceptation daller au bled
pour une probable longue priode, sans rechigner et sans exiger davantages particuliers,
fut non seulement une manire de marquer ma rsistance mes contempteurs, de
persvrer dans leffort, de relever un premier grand dfi, mais aussi de prouver mon
appartenance dfinitive la grande famille du BRPM.
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Mes nombreux amis Rabat mavaient vu partir avec regret, laissant pour quelque
temps un vide parmi notre groupe issu de lEcole Mohammdia, mais aussi aux Travaux
Miniers que Lasfargues devait grer directement.
Javais invit mes amis me rendre visite la mine, et ne pas me laisser isol et
reclus au fin fond de lAnti Atlas du Sous.
Avant de rejoindre votre nouvelle affectation, allez faire un petit sjour la mine
de Sidi Bou Othmane dont la capacit de production est voisine de celle dIrherm, cela
vous aidera mieux apprcier les problmes sur place, et vous familiariser avec la
gestion quotidienne dune modeste exploitation , me conseilla trs gentiment
Lasfargues.
Aprs Sidi Bou Othmane et avant de rejoindre Irherm, anim du dsir de russir dans
ma nouvelle fonction, jtais pass Kettara demander les conseils aviss de mon ami
Lhatoute et du directeur de lexploitation m, ingnieur des mines dorigine norvgienne,
ptri de grandes qualits humaines et professionnelles.
Tous les deux taient contents pour moi de quitter la bureaucratie de Rabat et daller
vivre intensment les problmes dune mine, quels que soient sa capacit de production
et son environnement.
Vous retournerez Rabat avec une exprience fabuleuse que vous envieront
certainement bien des ingnieurs , mavait dit m.
Il faudrait rappeler quau dbut des annes soixante, le BRPM avait dvelopp les
centres miniers de Kettara et Irherm, dans le cadre de sa nouvelle politique dimplication
et dintervention de proximit dans lexploitation des gisements mis en vidence
laborieusement par ses propres travaux de recherches minires dans les Djebilet et lAnti
Atlas du Sous.
Ainsi, Kettara, une socit, la SEPYK, filiale du BRPM et de lOCP, fut cre pour
assurer la mise en valeur de la partie sulfure profonde du gisement constitue de
pyrrhotine, concde par la Compagnie Minire et Mtallurgique (CMM).
Une quipe de techniciens tchques tait sur place la mine pour assurer et
superviser le montage, les essais de performances des installations de traitement de
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minerai et de la centrale lectrique, et enfin initier le personnel marocain la conduite et
la maintenance des matriels et des quipements livrs.
****
Avant de quitter Kettara, javais acquis Marrakech, exceptionnellement aprs
autorisation de La Direction Technique du BRPM, des appareils lectromnagers pour
quiper la maison dhtes de la mine dIrherm qui en tait rellement dmunie.
Conduit par le fidle chauffeur Bouzegane, aprs un bref passage Agadir, javais
retrouv le centre minier avec plaisir le 15 juin 1965, sous une chaleur torride, mais
toutefois sans cette inquitude que donne lignorance des lieux.
Je suis bien content pour vous, car je constate quon vous a gt en vous
permettant dacheter un rfrigrateur et une cuisinire, alors que moi je suis dmuni dans
ce bled perdu comme pour me punir, me lana Wielcosz sans autre commentaire, en me
voyant minstaller dans la maison dhtes de la mine.
Cest la fin dun cauchemar pour moi. Je vous souhaite bon courage et bonne
chance pour la suite , me lana-t-il, sans autre commentaire.
Ds lors, jtais seul aux commandes pour assumer la responsabilit, sans faiblesse,
arm de mon seul courage faire vivre et entretenir avant quil ne svanouisse pour de
bon, tout en vitant viter les faux pas.
Par prcaution, pour ne pas tre affid des lments incertains, javais faire venir
avec moi certains agents des Travaux Miniers, dont le fidle et dvou Akka, magasinier
la base logistique de Midelt, qui fut pour moi dun grand secours dans ladministration des
services gnraux du centre minier, et qui restera fidle durant plus de trente ans, mme
aprs mon dpart du secteur minier.
Dailleurs, plusieurs agents des chantiers miniers staient ports volontaires pour
maccompagner dans mes nouvelles fonctions, mais en ces dbuts, javais tenu faire
confiance au personnel en place la mine.
Ds le lendemain, javais convoqu tous les chefs de sections pour une longue
runion de travail afin de les sensibiliser sur lampleur de notre tche et sur la ncessit
de relever le dfi de la conduite dune exploitation minire.
Une nouvelle re a commenc Irherm et un dfi nous est lanc tous pour
redresser la situation. Je suis venu pour vous accompagner et vous apporter mon soutien
permanent dans notre nouvelle marche vers le dveloppement harmonieux de
lexploitation , avais-je dit pour commencer.
Un tour de table avait permis de connatre lavis de chaque responsable sur les voies
et les moyens mettre en uvre pour recenser les problmes, aplanir les difficults afin
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damliorer ltat de lexploitation, dans le cadre dun organigramme fixant et dfinissant
clairement les attributions de chacun, ayant lassentiment de tous, sans exception.
La runion, apprcie par lensemble des prsents, peu habitus la concertation, fut
un vritable dtonateur, car ds le lendemain, chacun tait son poste, anim dune
volont inbranlable de russir le challenge, dans une nouvelle ambiance, avec le
sentiment de revivre en sortant dune priode cauchemardesque que nous devions
transcender trs rapidement.
Je mtais mis au travail avec dtermination, pour approfondir les raisons du malaise
existant, en rexaminant de prs lorganisation de chaque section, le systme des
rmunrations en vigueur, le calcul des primes de rendement et la justification de loctroi
des heures supplmentaires.
Aprs louverture, grand risque, de deux tailles de cinquante mtres, la mthode fut
abandonne, relaye par la mthode par chambres et piliers, avec dblocage du minerai
dans des montages pousant le pendage de la minralisation, et le chargement des
wagonnets basculants par des estacades quipes de treuils lgers de scrapage air
comprim SAMIA.
A mon arrive, cette mthode ses premiers balbutiements, fut poursuivie avec plus
de conviction et de dtermination, en mettant laccent sur loprabilit des treuils de
scrapage et leur alimentation en air comprim pression suffisante.
Aprs deux mois dessais, nous avons enregistr une amlioration sensible des
rsultats, conforte par ladaptation de plus en plus efficiente des quipes de recherches
aux oprations de production.
Mais le point faible dIrherm fut le volume limit des rserves exploitables et le
retard dans les travaux prparatoires et les recherches en extension vers lOuest.
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Lapprobation de ce programme fut donne aprs le passage impromptu de Perrot,
conseiller du BRPM en matire dexploitation minire et ancien Directeur Gnral Adjoint,
venu senqurir de ltat gnral du deuxime centre dexploitation minire du Bureau,
dont il avait lui-mme engag les tudes de mise en valeur.
Sans attendre, des antennes de recherche dans diffrents niveaux furent lances pour
reconnatre les extensions des couches, aprs concertation avec Smeykal, gologue
mrite et chevronn, dorigine yougoslave, considr comme le meilleur connaisseur des
minralisations de cuivre du Maroc, et de lAnti Altas occidental en particulier.
Rgulirement, chaque quinzaine, Smeykal tait pied duvre sur les lieux pour
faire une mise au point minutieuse, amicale et chaleureuse avec moi.
Ainsi, Irherm aprs Kettara, non sans difficults, taient nes et formates de
jeunes quipes dexploitation, car transformer du personnel habitu et rompu depuis des
dcennies aux travaux de galeries, de puits, chemines, pistes et tranches, en personnel
dexploitation, soumis aux contraintes de production slective, semblait une grande
gageure et un risque ne pas minimiser.
Nous y avons tous consacr beaucoup deffort, mlant le courage la volont, pour
adapter les mthodes de travail aux conditions relles du gisement.
Les surveillants mineurs, Oussaga et Mekki, furent sensibiliss sur le respect des
dimensions des chambres et des piliers, sur leffet nfaste de la dilution inhrente la
chute du toit de la minralisation, sur limpact de la teneur du tout-venant sur les
rsultats de lusine de traitement, et sur la ncessit imprieuse dassurer la maintenance
des quipements de foration, paralllement la lutte sans merci contre lutilisation
abusive des consommables (explosifs, cbles, flexibles ...).
Ainsi, toute baisse de teneur lors du dpilage des zones avec inclusions de schistes
ou de carbonates striles, tait signale par la laverie aux mineurs qui ragissaient en
contrlant la tenue du toit et en slectionnant les secteurs dabattage ; le changement de
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facis gologique tait port la connaissance de la laverie qui ragissait son tour en
modifiant les quantits de ractifs de flottation.
Linstauration dun climat de collaboration franche et loyale, fut lun des points
positifs et forts de mon action Irherm, et son effet stait rpercut immdiatement sur
lensemble des activits du centre dexploitation, en crant une quipe soude et
fraternelle que jeus le devoir dencourager et de stimuler avec vigueur, sans parti pris et
sans complaisance.
Javais pris garde de sensibiliser ces derniers, pleins dentrain et anims du dsir de
bien faire, sur le rle quils auront jouer sous peu, aprs le dpart annonc des
Tchques, et sur leur devoir de coller eux pour se former et sinformer pour hter la
relve dans lamiti et la correction.
Aux Ateliers de mcanique, conduits de main de matre par Moha ou Addi, nous
disposions dune quipe comptente, dynamique, disponible et souvent mise
contribution et rude preuve pour rpondre aux sollicitations et aux demandes des
activits de production minire.
Nous avons fini par les remplacer par des compresseurs vis, Holman, dune nouvelle
gnration, plus fiables et dexploitation plus conomique.
Ces oprations nous avaient donn beaucoup de fil retordre, car auparavant,
chacun se servait sans se soucier de ses besoins rels, de la dpense et de
limmobilisation de fonds importants.
Une bonne gestion du magasin central simposait donc pour bannir cet tat desprit,
mais aussi pour viter des ruptures dapprovisionnement nfastes pour la conduite
normale des oprations la mine et lusine de traitement.
Les demandes, justifies par les sections, devaient tre satisfaites dans la stricte
orthodoxie conomique, se traduisant quelques fois par des arbitrages houleux entre le
Magasin et les utilisateurs.
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Souvent il fallait trancher car, sur ce point, le laxisme devait tre vit pour ne pas
paratre faible.
Les camions TATRA avaient fini la ferraille, linstar dune bonne partie du matriel
tchque, de pitre qualit et dexploitation trs onreuse.
Mais ils taient pingres, remettant continuellement en cause le prix des repas la
cantine, lpoque fix la modique somme de cinq dirhams, correspondant en ralit au
seul prix dachat des denres alimentaires approvisionnes partir du souk du village
dIrherm et des marchs du Taroudant et Agadir.
Pour mettre fin aux discussions striles, nous avons suggr aux Tchques de faire
leur propre cuisine, de sapprovisionner directement lpicerie de la mine, avec
fourniture gratuite du gaz butane ; ce quils avaient fini par accepter, nous vitant des
conciliabules byzantins avec eux.
Nous tions invits aux ftes et aux moussems locaux, car la mine reprsentait un
centre de dveloppement conomique, gnrateur demplois et de distribution de revenus
non ngligeables dans une contre montagneuse dshrite.
39
****
Aprs trois mois, jtais rentr Rabat pour rendre compte de mon action au Chef de
Dpartement, Lasfargues, et au Directeur Technique, Fauvelet, auxquels fut remis un
rapport trs dtaill, rsumant lensemble des oprations et retraant fidlement
lvolution de la situation depuis mon affectation Irherm.
Aprs des contacts avec le Service Laboratoire et les Ateliers de la Base des Zar pour
examiner les problmes latents de lexploitation, javais rejoint aussitt Irherm,
accompagn par un ingnieur laveur, Amor, venu apprcier leffort fourni au niveau de
lenrichissement des minerais oxyds de cuivre, et enregistrer sans complaisance les
performance de la laverie.
Amor tait rest plusieurs jours Irherm pour nous aider affiner avec les quipes
de Boujema les mthodes de contrle du circuit de flottation.
Avant la fin de lanne 1965, Irherm tait restructur, les essais dexploitation par
chambres et piliers avaient abouti des rsultats satisfaisants au plan de la
sensibilisation et de la productivit des mineurs, et de la slectivit des minerais.
A la laverie, aprs des dbuts hsitants et agits, la rcupration mtal avait atteint
son rgime de croisire, et des lots de concentrs 32% de cuivre furent achemins
Agadir pour lexportation vers la Tchcoslovaquie.
Cette situation avait acclr la relve des techniciens par de jeunes marocains
rompus aux oprations de la Centrale lectrique, lentretien des camions de transport de
minerai et la conduite de lusine de traitement de minerai.
Javais quitt dIrherm, le cur gros, en laissant sur place une merveilleuse quipe
avec laquelle javais fait corps durant plusieurs mois, anxieux lide de me retrouver de
nouveau Rabat dans la mouvance bureaucratique.
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Je garde toujours en ma remmore nos premiers ennuis la centrale lectrique le
lendemain du dpart des techniciens tchques, heureusement surmonts et transcends
grce au courage, la comptence rvle et la dtermination, face au dfi, de nos
jeunes lectromcaniciens, Hilali, Nafaoui, Jaffari et Omari.
Je nai pas oubli la petite fille du douar de Douzrou mordue par un serpent, sauve
heureusement aprs lintervention rapide et efficace de notre infirmier.
A ct de cela, je garde aussi en souvenirs les agrables moments dun ahwach aux
villages dImi NIrfi et Douzrou, les rjouissances loccasion des naissances dans les
foyers des agents de lexploitation, et la satisfaction dissimule aprs les bons rsultats
obtenus la mine, la laverie et la centrale lectrique.
Je garde de merveilleux souvenirs dun travail srieux, accompli dans le respect des
uns et des autres, dans une ambiance de grande famille soude par de vritables liens
affectifs.
Javais quitt dIrherm, avec la crainte de voir scrouler tout ce que nous avons bti,
tous ensemble, grce notre courage dtermin, notre persvrance dans leffort, la
ngation de soi aux moments opportuns, pour faire face ladversit, relever le dfi et
dmontrer que de jeunes quipes, bien encadres et stimules, peuvent accomplir des
prouesses insouponnes.
La mine dIrherm sera ferme au dbut des annes soixante dix lpuisement des
rserves, reconnues exploitables et aprs la cration de la socit maroco-roumaine,
SOMIMA, charge de mettre en valeur les gisements de cuivre dOuansimi et Talat
NOuamane.
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Des activits tous azimuts
En allant Irherm, javais eu tout de mme une certaine apprhension quant la
manire dassumer des responsabilits exigeant un esprit de dcision, dinitiative,
danalyse, danimation, de prvision et des facilits de communication avec les proches
collaborateurs et lextrieur.
Javais appris Irherm sur le tas que dans la profession que javais exerce, je savais
beaucoup de choses et en mme temps que je ne savais rien face aux multiples problmes
et aux alas de tous les jours.
Javais retenu aussi que quand linformation circule mal, la responsabilisation est
difficile faire admettre et la cohsion instaurer parmi les intervenants aux diffrents
niveaux de suivi et dexcution des tches.
Limpulsion doit venir du haut de la pyramide, et les rapports doivent fonctionner sur
le mme schma aux diffrents chelons de la hirarchie.
Jtais revenu dIrherm en ayant essay, avec toute la volont ncessaire, de faire
lapprentissage de tout cela, convaincu dy avoir consacr une bonne partie de moi-mme,
de mon temps et de mon nergie.
Dans ce bouillonnement dides, javais retrouv Rabat et les amis, non sans plaisir,
avec un arrire got de bled et de sueur, mais avec la satisfaction dun travail bien
accompli, aprs avoir vcu intensment dans un milieu attachant et en constante
mobilisation au service du BRPM.
Je navais pas tard effectivement constater que mon sjour Irherm fut une
exprience extraordinaire et passionnante, la fois source de formation professionnelle
et de mobilisation pour affronter sur le tas les problmes pratiques les plus divers sur les
chantiers miniers.
Irherm mavait donn le sens du rel et de lhumain, mais aussi m'avait quelque peu
forg pour assumer sans complexe mes nouvelles responsabilits aux Travaux Miniers.
42
effectifs suprieurs 400 personnes sur plusieurs chantiers de plus ou moins grande
ampleur.
Les cassandres de tous bords pouvaient tre l pour nourrir le doute viscral sur
lincapacit des nouveaux ingnieurs grer et mener correctement les affaires des
chantiers miniers du Bureau.
Faisant fi de tout cela, javais dcid de foncer et daller de lavant, sans me soucier
des dtracteurs tapis dans les recoins et opposs toute innovation.
***
En 1966, la rgionalisation de lactivit du BRPM, visant promouvoir lemploi, stait
traduite par louverture de chantiers sur lensemble du territoire national.
Les contacts frquents avec la Base des Zar, centre nerveux des interventions de
maintenance sur les chantiers du Bureau, avaient exig beaucoup de patience et
dentregent, notamment avec les responsables des Services du Matriel, des Ateliers, des
Magasins et des Transports (Lahlou, Berkia, Alaoui, Oudghiri, Balafrej et Lyazidi).
Ainsi, nous emes loccasion et le plaisir de recevoir sur les chantiers miniers,
notamment mes amis de promotion, Berkia et Lahlou, ainsi que Balafrej.
RECHERCHES MINIERES
En ce qui concerne nos diffrentes activits de recherches minires, nous avons
travaill simultanment sur plusieurs chantiers, durant des priodes plus ou moins
longues, en fonction de lorientation des gologues et de limportance des indices et des
gisements mis en vidence.
Ainsi, durant plus dune dcennie, nos interventions tous azimuts, travers
lensemble du territoire national, furent les fondements de laction du BRPM en tant
quacteur principal et central de la promotion et du dveloppement de la mine mtallique
et des substances utiles dans notre pays.
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Cette priode euphorique avait enregistr, entre autres, la venue de jeunes
ingnieurs des mines, la formation dune pliade de techniciens multidisciplinaires,
lintroduction de nouvelles mthodes dintervention sur les chantiers et de nouveaux
quipements de levage et dextraction, de foration, dexhaure, de transport, de marinage
et de production dnergie lectrique.
Le Secteur du Tafilalet
A Boumadine, la reconnaissance du gisement stait poursuivie sans relche au-del
du niveau -50 avec lapprofondissement des puits A et B et C et la multiplication des
secteurs de recherche dcide et coordonne avec nous par le gologue Saint Gal De
Pons, gologue snior au Service de la Gologie minire.
Ces oprations avaient donn un surcrot de travail nos quipes en place, et exig
de ma part un suivi constant et rapproch.
Quelques infimes erreurs dans lorientation des galeries donnrent loccasion aux
sournois, aux mauvais esprits et aux nostalgiques de lpoque Mlinac de se rveiller pour
clamer lincomptence et lincurie de nos chefs de chantier, nous obligeant faire front et
feu de tous bois pour endiguer la mare de malveillance qui stait abattue sur nous.
Javais guid ses premiers pas en le soutenant dans ses initiatives judicieuses, et en
loignant dautorit la vindicte des surveillants mineurs peu habitus supporter et voir
un ingnieur en permanence sur le chantier qui leur faisait de lombre et amoindrissait
leurs prrogatives, oubliant quelque peu lomnipotence du vieux Mlinac et de ses sbires.
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En dfinitive, dans lincertitude technique et conomique du moment, le chantier fut
mis en veilleuse en 1970, et le repli des quipes opr sur dautres centres, dans
lamertume, mais avec lespoir de voir surgir, un jour, un centre minier dans la rgion de
Tinejdad et Goulmima.
Dans la zone CADET, aprs Boufedouze, nos travaux avaient concern les centres
dactivit artisanale Bou Maz Douira, Bou Maz Coucha, Bou Maz Labied, Mfis Coucha,
Timgharine et Tizi Mokhazni.
Grce la poursuite effrne de nos interventions dans le dnoyage des puits et aux
travaux de reconnaissance en profondeur des gisements, la production de plomb
augmenta dans de larges proportions,
Sur les chantiers, les problmes dexhaure, lis la salinit de leau, constituaient la
pierre dachoppement de toutes nos activits.
Rien de substantiel ne pouvait tre accompli sur les diffrents centres, sans la mise
en uvre dun systme de pompage fiable permettant la poursuite de la reconnaissance
et du dpilage des filons profonds que les possibilits intrinsques des artisans mineurs
du secteur ne pouvaient assurer.
Ce fut pour les quipes du BRPM une lutte acharne et continue contre les venues
deau dans ces contres pourtant rputes dsertiques, voire inhospitalires.
Les Travaux Miniers y avaient mis les moyens, mais aussi le cur et lardeur la
tche excute par des quipes aguerries.
Ds lors, chaque fois que le dnoyage des travaux tait ralis, ctait leuphorie
parmi le monde artisanal qui, aprs sa mobilisation rapide, battait tous les records de
production de plomb de la zone dErfoud/Rissani.
45
leur travail et leur dvouement exemplaires, dans un environnement partout et toujours
rude, en toutes saisons.
Sourouri oubliait ou mconnaissait que le BRPM ne rentrait pas dans ses frais, car les
facturations des prestations la CADET couvraient peine les charges de salaires et de
carburants, bien loin des bnfices annoncs de mauvaise foi.
Mme les ouvriers provisoires, pine dorsale de nos activits, refusrent de travailler
directement avec la Centrale et demandrent rejoindre les autres chantiers BRPM.
Le temps faste du secteur artisanal dErfoud aura vcu, les responsables de CADET
qui succderont Sourouri, aprs son grave accident de circulation, navaient jamais pu,
eux aussi, redresser la situation.
46
non loin du petit douar dOumjrane blotti dans un bosquet de palmiers, avec quelques
maigres lopins de luzerne.
Dans les deux cas, les pistes rocailleuses de plus de 170 km, taient souvent coupes
par des passages doueds ensabls, trs difficiles traverser, o les chauffeurs devaient
montrer tout leur savoir faire et leur aptitude se dgager des situations prilleuses.
Les normes crues soudaines des oueds, dvalant des massifs de lOugnat et du
Saghro, nous avaient immobiliss plusieurs reprises, notamment lOued El Fecht, dans
un environnement minral trs peu frquent.
Les messages radio, annonant lheure de dpart vers Iraoune, furent souvent les
seuls indicateurs permettant de localiser notre position en cas de panne ou dennui
imprvisible, et dengager ainsi rapidement les oprations de secours.
Iraoune, cest tout juste ct, derrire la colline devant vous, cest tout proche ,
nous avait rpondu un jour un jeune berger qui nous demandions la direction du
chantier, aprs avoir perdu notre direction et emprunt lune des dizaines de pistes qui
avaient labour la hamada.
En fait, Iraoune tait bien plus de 40km ; lapprciation de la distance tait toute
relative pour les gens du dsert et de la hamada du Mader.
Que de fois, de nuit, nous avons t obligs de marquer une halte pour discerner,
parmi tant de pistes, celle qui devait nous mener bon port Iraoune.
A Iraoune, malgr le savoir faire et lacharnement des quipes menes par le vtran
Jerdouj, doubls des moyens techniques importants mis en place, le fonage navait pas
dpass 15 mtres.
Des venues deau de 120 m3/heure et la mauvaise tenue des terrains traverss,
suivie dboulements caverneux derrire les parements du puits, avaient perturb la
marche du chantier et la poursuite du programme de reconnaissance.
Nous fmes contraints et forcs dabandonner Iraoune et de nous replier sur dautres
chantiers du secteur, en attendant un rexamen du dossier par les gologues pour une
implantation plus favorable et plus approprie des travaux.
****
Une deuxime tentative fut engage quelques annes plus tard, avec des moyens
humains et matriels plus puissants, et un ingnieur des mines, Moussanif, fut charg de
piloter le chantier, avec le support de Chaba partir de Boumadine.
A plusieurs reprises, je mtais rendu sur les lieux pour apprcier la situation difficile
que traversait ce chantier en pleine hamada du Mader.
Notre intervention stait traduite galement par un cuisant chec, les terrains tant
difficiles traverser avec les techniques du moment et les venues deau toujours trs
leves (plus de 120 m3/h).
A Aguensou Aouragh, dans le secteur dAlnif, 130 km louest de Rissani, sur les
contreforts du massif montagneux du Bougaffer, un petit chantier pilot par Salah venant
de Boumadine, avait reconnu par galeries un petit indice de cuivre.
Les rsultats des travaux furent dcevants, entranant labandon rapide du chantier,
et la clture de la recherche dans cette partie du Bougaffer.
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A Oumjrane, le secteur avait fait dj lobjet dune campagne de recherches dans
les annes cinquante, arrte prmaturment par suite des fortes venues deau au cours
du fonage du puits et par manque de matriel dexhaure appropri.
Avant le dmarrage, une mission exploratoire fut organise pour valuer les moyens
humains et matriels mettre en uvre, trs loin de Rabat.
Lacheminement du matriel sur les lieux fut long et pnible malgr dimportants
moyens de transport utiliss pour transcender le mauvais tat des pistes de Rissani (170
km) et Tinerhir (150km) et les multiples passages doueds difficiles et sablonneux, aprs
Alnif et At Sadane.
Notre meilleure quipe fut affecte cette importante entreprise et place dans un
premier temps sous lautorit du plus aguerri de nos chefs de chantier, Meskine,
originaire de Tinejdad, connaissant parfaitement les hommes et les lieux pour avoir fait
partie de toutes les prcdentes expditions.
Nos meilleurs surveillants mineurs, Ryani Ahmed et Rahdou Sad, les lectriciens les
plus confirms Jaffari, Ighaz, Oulhaj et Nafaoui, et les mcaniciens les plus
entreprenants, Moha ou Addi et Ouddich, sy succdrent durant plus de cinq ans, avec
beaucoup de dtermination.
Sur place, nous avons assur au personnel une vie dcente pour lui pargner les
tracas du bled, et ainsi furent construits des logements en dur en lieu et place des
sordides gourbis traditionnels et des tentes des chantiers rarement remplaces.
Une maison dhtes fut amnage pour recevoir convenablement les nombreux
visiteurs de tous les horizons professionnels du BRPM, et beaucoup de cadres se
plaisaient rsider Oumjrane pour plusieurs jours.
Ainsi, aprs la reprise du fonage de lancien puits de recherche sur quelques mtres,
et contre toute attente, les venues deau furent largement suprieures toutes nos
prvisions (plus de 150m3/Heure), immobilisant le chantier pour plusieurs jours, en
attendant la mise en place de moyens dexhaure supplmentaires (batterie de pompes
lectriques FLYGT, groupes lectrognes plus puissants).
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La tnacit et la pugnacit de nos quipes furent les grands stimulants pour ne pas
baisser les bras, et ne pas cder au dcouragement et la lassitude.
La lutte de nos quipes contre les venues deau stait traduite par des efforts durs et
parfois dangereux et une abngation rigoureuse.
Nous tions conscients que toute dfaillance ou toute ngligence de notre part se
rpercuterait sur lensemble des travaux et immobiliserait le chantier, et que tout arrt du
systme de pompage en place, se traduirait par une monte vertigineuse du niveau deau
et exigerait plusieurs journes de dur labeur pour retrouver la situation initiale.
Seul un tmoin oculaire peut comprendre une situation pareille et comprendre quen
aidant notre personnel et en mettant en uvre des quipements plus adapts, on permet
la recherche minire dtre plus efficiente.
Alert Rabat, je mtais rendu, illico presto sur les lieux pour valuer lampleur des
dgts et dcider des mesures prendre pour viter la perturbation de nos travaux de
recherche minire en plein dveloppement.
Arrivant au chantier pour constater et apprcier les effets du sinistre, javais trouv
le chef de chantier, Ahmed, les chefs de poste et les lectromcaniciens abattus et
prostrs, en sanglots.
Me montrant des pompes lectriques hors dusage et des cbles calcins, exposs sur
des bches de fortune, le chef de chantier Ryani et les chefs de poste se mirent pleurer.
Pour eux, la destruction de ce matriel, force de frappe pour mener une lutte
permanente contre leur ennemi (lenvahissement des travaux par les eaux) signifiait
larrt irrmdiable des travaux, et lanantissement de leurs efforts et de leurs sacrifices
consentis depuis plusieurs mois.
Je dus, fortement, les consoler en leur annonant le remplacement sous peu des
quipements hors service.
Ils ne furent rellement rassurs que le jour o les pompes et leurs accessoires
furent effectivement livrs au chantier.
Par ailleurs, au cours de nos nombreux briefings Rabat, nous avons convaincu la
Direction Technique de nous autoriser renforcer nos effectifs et quiper le chantier en
matriel suffisant et fiable.
Pour sen convaincre davantage, et aprs une longue tourne des chantiers du
secteur du Tafilalet (Boumadine, CADET) et une visite spcifique sur place Oumjrane,
le Directeur Technique, Fauvelet et son adjoint, Guessous, avaient constat lampleur des
problmes dexhaure, et furent convaincus de la ncessit dengager des moyens
consquents pour relever le dfi.
Ainsi, des crdits importants furent allous et dbloqus rapidement pour acqurir
des pompes, des groupes lectrognes et des compresseurs plus puissants et plus
performants, renforcer notre parc matriel, approvisionner nos stocks en pices de
rechange et en consommables divers.
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De plus, ce fut loccasion de renforcer les quipes de travail, de les motiver en leur
garantissant en permanence des indemnits et des primes de rendement, et assurer une
logistique la mesure dun centre de recherche minire loin de Rabat.
Tout cela avait permis de fixer le personnel en lui pargnant les tracasseries du
quotidien, loin des familles et des proches.
Le lendemain, avec le chef de chantier, nous descendions au fond pour visiter les
travaux, tudier les problmes sur le tas et passer des journes entires essayer de les
rsoudre, en mettant contribution tout le monde.
Par la suite en tandem avec Chaba, nous avons rgulirement tous les mois visit
les travaux pour apporter notre rconfort nos agents, et marquer notre dtermination
poursuivre les travaux, en y mettant notre cur et en ne lsinant sur aucun moyen.
Durant mes frquentes visites, mettant la main la pte, partageant la vie des gens
sous tous ses aspects, nous parvenions galvaniser lnergie des quipes toujours
disponibles et courageuses.
A Oumjrane, furent dfinis les ratios considrs comme les plus quitables pour
motiver et stimuler lardeur au travail et la productivit, et furent mises en oeuvre les
nouvelles procdures dapprovisionnement, de gestion des stocks et de prix de revient de
chantier par sections homognes.
Tout le monde y trouva son compte et personne ne vint se plaindre des responsables
ou de liniquit dans leur comportement.
Durant plusieurs annes, Oumjrane fut notre principal ple dactivit et le vritable
centre de formation des agents du Service Travaux Miniers (mineurs, lectriciens,
chaudronniers magasiniers, chauffeurs etc.).
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L, les problmes de tous ordres avaient forg notre personnel en lui reconnaissant
une rputation dendurance, de srieux et de comptence, notamment dans les domaines
des travaux miniers difficiles, de llectromcanique et des mthodes de dnoyage.
Trs vite, sous la frule dun des chefs de chantier, Rahdou, de vritables potagers
surgirent du nant, apportant une note de verdure et de gaiet dans ces contres arides
et dessches o le printemps tait enivrant et dlicieux grce aux champs de luzerne et
de henn qui rpandaient une odeur suave incomparable.
Les travaux staient poursuivis durant plusieurs annes, apportant leur lot de
souffrances, dexaltation, de relvement de dfis, et des fois dextravagance.
Par ailleurs, chose piquante et incongrue, lors du fonage des chemines de liaison
des sous-niveaux, une chvre gare dun troupeau qui paissait proximit des travaux
tait tombe au fond, faisant croire, aprs la dcouverte du cadavre du caprin, une
maldiction des lieux.
Le bruit avait couru comme une trane de poudre que les travaux souterrains
Oumjrane taient hants parce quils avaient agress et chatouill les dmons cachs
dans les entrailles du secteur du Mader !
Dans lattente dune dcision des associs dans la convention de mise en valeur du
gisement, le chantier fut mis en veilleuse et le repli des quipes opr sur Boukerzia 15
km plus lEst.
De nouveau, un calme profond avait rgn sur les grands espaces du Mader et le
primtre irrigu par lexhaure de la mine ne tarda pas dprir.
Le petit douar dOumjrane et tout le secteur environnant, connus pour leurs trs
maigres ressources, et qui avaient bnfici durant plusieurs annes des retombes de
lactivit de recherche minire du BRPM, travers la distribution des salaires aux
ouvriers, allaient retomber dans le dnuement et la prcarit.
Larrt dOumjrane nous avait laiss un got amer aprs tant de labeur acharn
ayant forg et form les quipes des Travaux Miniers aux dures oprations de recherches
dans des conditions de milieu de travail peu amnes.
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Le triste constat de linterruption des travaux avait loign srieusement lespoir de
mise en valeur dun gisement de cuivre dans le Mader.
Le Secteur de Marrakech
A Draa Sfar Nord, non loin de lOued Tensift, 15 km lOuest de Marrakech, au
dbut de lanne 1967, un programme de recherche pour cuivre avait associ, dans le
cadre dune convention, le BRPM et la Compagnie Minire Mtallurgique (CMM) qui
exploitait la partie oxyde du gisement de Kettara.
A Draa Sfar Nord, fut install un chantier employant plus de cent agents, avec des
logements pour le personnel, des matriels dextraction, dexhaure et dair comprim ;
lnergie lectrique tait fournie par une ligne haute tension en 22 KV, de 12 km de long.
Aprs des mois deffort, malgr linadaptation des pompes Recta lectriques axe
vertical, lexhaure fut provisoirement matrise, facilitant la poursuite du fonage du puits
sur une trentaine de mtres.
Malgr lappui sans rserve et les interventions de la mine de Kettara dans lentretien
des pompes et des compresseurs, le fonage du puits avanait trs lentement, en raison
des fortes venues deau et de la nature bouleuse des terrains traverss, ncessitant un
btonnage systmatique trs onreux, dpassant les capacits financires du
Groupement de recherche.
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Le gisement de cuivre de Draa Sfar Nord fut enterr sans laisser demprunte
particulire parmi nos gologues de lpoque, Figuet et Perez.
Mais Draa Sfar Nord fut pour les Travaux Miniers le champ dexprimentation et de
mise au point des techniques de fonage en terrains boulants, de btonnage systmatique
des parements du puits, des systmes dexhaure gros dbit, de lutilisation des explosifs
rsistant leau.
Du chantier que je visitais trois fois par mois, je me rendais souvent Kettara chez
mon ami Lhatoute qui dployait lexploitation un travail remarquable avec lorganisation
des quipes fond et la mise au point de mthodes modernes dabattage, de foration, de
roulage et dextraction.
A Draa Sfar Sud, sur la rive gauche de lOued Tensift, 15 km de Marrakech, face
lancien centre de Draa Sfar Nord, le chantier de recherche pour plomb et zinc, par puits
et galeries de grandes sections, dirig par le vtran Jerdouj ambitionnait de reconnatre
les anomalies dcouvertes par les forages raliss par le Service Forages miniers quelques
mois auparavant.
Un treuil dextraction dune autre gnration, plus adapt et plus sr, fut install et
avait subi des essais de performance avec laide du mcanicien Peugeot dpch sur les
lieux par la socit Galinet de Limoges, fournisseur de lquipement.
A Draa Sfar Sud, les essais de mcanisation du chargement par pelle air comprim
Eimco, et les plans de tir avec bouchon Coromant, en collaboration avec Atlas Copco,
furent raliss pour la premire fois avec succs aux Travaux Miniers.
Durant les essais de mcanisation du chargement, Jerdouj avait fait remarquer aux
responsables dAtlas Copco Maroc que la chargeuse Eimco tait du matriel de remploi
utilis prcdemment la Mine de Bouskour, et non, comme ils prtendaient, de
lquipement de premire main.
Jerdouj avait tout fait raison pour lavoir utilise lui-mme auparavant en tant que
mineur Bouskour.
Draa Sfar Sud sera repris la fin des annes 90 dans le cadre de la socit de
Guemassa, filiale de MANAGEM/ONA.
Pour la postrit, il faut signaler que le chef de chantier, le vtran Jerdouj dsign
par le BRPM pour aller en plerinage La Mekke, avait prfr sabstenir pour achever le
programme de travaux.
A Kettara, nous avons suivi pour le compte de la SEPYK, le fonage du puits principal
dextraction de 450m, excut par la socit allemande Verushaft.
53
Lintervention des Travaux Miniers avait port sur le contrle des avancements et le
relvement des incidents au cours du creusement.
Le relais avec la socit allemande fut assur par un ingnieur allemand, Rudolph,
relevant du Service Travaux Miniers, recrut au dbut des annes soixante par lancien
Directeur Gnral du BRPM, Kadiri, pour superviser les essais dexploitation aux carrires
de Zada dans la rgion de Midelt.
Aprs Kettara, Rudolph rejoindra les Travaux Miniers en devenant pour quelque
temps et jusqu son dpart en 1970 le chef de la Base logistique dAgadir.
Nous avons gard des rapports damiti aprs son dpart du BRPM pour rejoindre
son pays pour occuper des postes de responsabilit lOffice Fdral de la Gologie et des
Mines Hanovre.
Lactivit mene par le chef de chantier, Sidi Moh, avait rencontr souvent des
problmes inhrents loccupation des terrains, mais toujours rsolus aprs des
conciliabules avec les riverains.
Dans le secteur dEl Kelat des Sraghna, 80 km lEst de Marrakech, les travaux
dmarrs par le chef de chantier, Hcini, pour reconnatre lextension et lenracinement
dune minralisation cuprifre, furent stopps aprs le creusement dun puits suivi de
quelques dizaines de mtres de galerie.
Le gisement stait rvl discontinu et les teneurs en cuivre juges trop basses pour
justifier un effort soutenu de reconnaissance.
Prs de Sidi Bou Othmane, au milieu dune fort deucalyptus, dans les Jbilet,
proximit de grandes excavations ciel ouvert, des travaux par puits et galeries avaient
reconnu des zones de grandes concentrations de galne argentifre, exploites plus tard
dans le cadre de la SODIM (filiale du BRPM et de ZELLIDJA).
Le Secteur dOuarzazate
54
En 1962, les recherches furent reprises par le BRPM, orientes vers lexploration des
avals des anciennes excavations par sondages inclins et qui ont dmontr lexistence de
minerai vierge en profondeur.
Par la suite, en 1966, une campagne de cubage et dchantillonnage par puits avec
soutnement par buses en bton fut entreprise par les quipes de Jerdouj pour valuer
les teneurs en argent des haldes, rsidus des travaux remontant la priode stalant du
8 au 14 sicle.
Le tonnage des haldes tait estim plus de 650.000 tonnes, une teneur de 300g
Ag/tonne.
Malheureusement, les travaux, mens grande allure par nos quipes, navaient
rencontr que quelques concentrations sans grand intrt conomique, au grand dam des
artisans du secteur qui espraient puis croyaient vivement une reprise de leur activit
en veilleuse depuis des annes.
Dautres chantiers, de courte dure, furent ouverts pour reconnatre les petits
gisements superficiels ou faible recouvrement Foum El Kouss (plomb) prs de
Tinerhir, Sidi Flah (cuivre) prs de Skoura, Taourirt Tamlalet (wolfram) en bordure de
la piste menant Ikniouen dans le Bougaffer, mais sans rsultats notables pour lpoque.
55
Au cours de la priode 1963-1967, la zone avait fait lobjet de travaux par
gophysique suivie dune campagne de 6.000m de forages et dchantillonnages des
parties minralises, dans le cadre de la Socit At Ahmane Mining Company associant le
BRPM des promoteurs canadiens.
Arrts de 1968 1970, les travaux avaient repris en 1970 dans le cadre dun
syndicat de recherches pour le cuivre, associant le BRPM, lONA et le groupe japonais
MITSUI.
Le fonage dun puits, implant dans la zone sud pour confirmer les rsultats des
forages, ralis dans les rgles de lart et dans des conditions davancement
remarquables, fut loeuvre de nos quipes exprimentes orchestres par les matres
mineurs Meskine et Messaoud.
Aprs les succs enregistrs dans la zone sud et ltude gologique minutieuse sur la
zone nord supervise par un gologue japonais de grande comptence, Matsutoya
(rencontr pour la premire fois Allous en 1968), un programme complmentaire fut
mis au point et un additif annex la convention initiale BRPM/ONA/MITSUI.
Que de fois, en gnral aprs la visite des chantiers du secteur du Sous, je partais
dAgadir, de nuit, seul bord de ma voiture personnelle, pour retrouver la Land Rover du
chantier Tazenakht
Comme sur tous les chantiers, la joie de la vie professionnelle tait pour moi dans
laction et de trouver Bleda un chantier organis, des quipes enthousiastes et animes
par lengouement de raliser les travaux dans les temps et les cots impartis par les
partenaires dans le cadre de la convention.
Le Secteur dAgadir
A Agadir, par suite de la multiplication et de la multiplicit des chantiers de
recherches dans la zone de lAnti Atlas du Sous, il fut dcid dinstaller une vritable Base
logistique, dabord au quartier de Bensergao puis par la suite, pour plus de commodit,
au Quartier Industriel.
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Cette structure fut place sous la responsabilit dun ingnieur, chef de secteur
(Reggadi au dmarrage, venant dIrherm, puis Rudolph par la suite avant son dpart
dfinitif du BRPM).
Pour des raisons dconomie et de rationalisation des frais gnraux, lquipe sera
rduite cinq agents placs sous lautorit dun agent administratif, Sad, en provenance
de lancienne base de Midelt, aprs sa fermeture.
Lamene du matriel fut une vritable expdition, la piste daccs partir dIfrane
de lAnti Atlas, malgr dimportants terrassements et un entretien priodique, sera un
long calvaire pour les transporteurs jusqu larrt de lexploitation dOuansimi en 1988.
Les travaux, suivis avec rgularit par le gologue Smeykal, avaient confirm
lexistence de plusieurs zones minralises en extensions latrales et en profondeur aprs
la ralisation de puits intrieurs (ou bures).
Malgr lampleur des moyens mis en uvre et des programmes de recherches sur
plusieurs fronts, les rsultats furent relativement dcevants.
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Les rserves modestes et disparates (250.000 tonnes), et les teneurs en cuivre de
lordre de 2%, avaient conclu la non rentabilit de lexploitation du gisement.
Leur dveloppement de ces chantiers, comme pour tant dautres, sera diffr, en
attendant une conjoncture plus favorable des cours du cuivre.
A Tadenst, la dcouverte, la suite dun forage minier, dune source deau artsienne
avait t exploite par les habitants du village.
Ces derniers sopposrent plus tard la restitution dune partie de leau ncessaire
la mise en valeur ventuelle du gisement de Tizert tout proche.
Ce refus fut ritr et manifest avec force loccasion dune runion pique avec le
Gouverneur dAgadir, Mote que nous sommes alls rencontrer avec Lhatoute en 1977
pour lui expliquer la ncessit de disposer dune partie de leau pour assurer
lapprovisionnement de lusine de traitement projete Tizert
Lintrt technico conomique nayant pas t concluant, les travaux furent arrts
et le personnel dploy sur dautres centres de travaux du secteur dAgadir.
Les rsultats obtenus furent considrs comme peu satisfaisants pour justifier la
poursuite de la reconnaissance de ces indices.
A Zgounder, avec la remonte des cours de largent mtal, il fut dcid de dmarrer
un chantier de travaux miniers de reconnaissance approfondie par galeries dans le cadre
dune convention SACEM/BRPM.
Il faut rappeler que Zgounder, cher Saadi Moussa (minent gologue devenu plus
tard Directeur de la Gologie, puis Ministre de lEnergie et des Mines), situ 60 km au
nord de Taliouine est une ancienne mine dargent ayant fait lobjet dans les annes 50 de
travaux BRPM visant reconnatre les enracinements des vieux travaux dexploitation
remontant aux 11 et 13 sicles.
Dans lexcution des travaux de creusement des galeries, nous avons dplor
malheureusement la mort dun de nos ouvriers mineurs par suite dune explosion dune
cartouche dexplosif rate lors du chargement des dblais.
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Pauvre Jerdouj, lui qui tait toujours trs proche et en parfaite communion avec
lensemble de son personnel !
Cette situation nous avait interpels tous aux Travaux Miniers pour mieux surveiller
et scuriser nos oprations de tir.
Le gisement sera exploit plus tard en 1981, dans le cadre de la socit SOMIL, filiale
du Bureau et de lArab Mining Company (ARMICO).
La fort recouvrait les collines et les pentes abruptes et fournissait le bois pour les
oprations de fusion du minerai.
Le minerai extrait des zones doxydation, tait riche ; au vu du volume des haldes et
des scories, le tonnage de cuivre mtal est estim 150.000 tonnes.
Les travaux BRPM, avaient port par la suite sur la reconnaissance de la zone par
forages, travers-bancs, suivis de lchantillonnage et du cubage des haldes des anciens
travaux, pilots par Jerdouj dans des conditions difficiles, par suite des boulements dans
les puits dchantillonnage.
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Les rserves furent values 130.000 tonnes de haldes 3,2% de cuivre et 32 g
dargent par tonne.
Lopration avait failli sachever en drame aprs la chute dun camion TATRA au fond
dune valle encaisse de cette zone montagneuse, le mcanicien dIrherm, Omari, ayant
chapp de peu la mort.
Aprs deux annes doubli, le cubage des haldes fut suivi dune campagne dessais de
traitement au laboratoire de Rabat.
Durant la priode des essais, javais habit Irherm, plus de trente kilomtres,
retrouvant avec grand plaisir mes anciens collaborateurs des annes 1964 et 1965,
dirigs par un chef dexploitation yougoslave, sympathique et avenant, Mirkovich.
60
Jeus le grand plaisir de participer un jour de Ramadan, en compagnie du gologue El
Ja, lescalade pied du massif pour implanter 2.500m daltitude, les zones de
prlvement dchantillons.
Pour la premire fois au BRPM, furent utiliss des marteaux perforateurs Cobra dans
des caissons, quips dun moteur thermique, transportables dos dhomme.
Les travaux de recherche par travers-bancs flanc de coteau, mens par le chef de
chantier Messaoud, auxquels on accde par une piste de montagne trs difficile, avaient
mis en vidence un gisement de faible extension et de nature oxyde.
****
Le 5 juin 1967, jour du dclenchement de la guerre isralo-arabe ou Guerre
des Six jours, fut clbr mon mariage avec Fatima Rachidi, juriste et
responsable du secrtariat de notre dpartement o elle assurait, avec
comptence et professionnalisme, le suivi administratif de toutes les actions de
recherches par travaux miniers et forages miniers.
Le 28 aot 1968, natra mon fils Karim, seulement quelques jours aprs notre
retour dune tourne mouvemente sur les chantiers de lAnti Atlas.
Le Secteur de lOriental
A Zelmou, prs de Bouarfa, faisant suite aux travaux des annes 1956 (sondages,
chantillonnages et analyses chimiques) et 1960 (sondages et wagon drill), lactivit avait
repris en 1966 sous la conduite du surveillant mineur Ourbaa, avec louverture de petites
carrires pour des essais de production de barytine blanche de densit 4,4.
Les importants programmes de recherche raliss plus tard, avaient permis la mise
en vidence de rserves values 1.500.000 tonnes de barytine exploites dans le cadre
de la Compagnie Marocaine des Barytes (COMABAR), qui deviendra lune des plus
importantes exploitations de barytine du Maroc avec une production annuelle de plus de
100.000 tonnes de produits marchands de qualit ptrolire.
61
Lors de la visite de ce chantier, jeus le plaisir de rencontrer pour la premire fois,
Rabah Bouchta, Chef du Service de la Gologie minire au BRPM, certainement lun des
plus minents gologues nationaux que le Maroc ait connu.
A lpoque, Bouchta travaillait dans le secteur des Hauts Plateaux sur les gisements
de cuivre avec des traces dor.
Depuis ce jour l, nous sommes rests de bons amis en menant ensemble tous les
programmes de recherches minires du BRPM, et en assurant, partir de 1975, le
prodigieux dveloppement de la mine dargent dImiter.
A Jbel Klakh, 35 km au Nord Est de Bou Arfa, le secteur avait fait lobjet danciens
travaux attests par des haldes et des scories, dune reconnaissance en 1922 par la
Socit des Mines de Bouarfa et de travaux dexploitation par la SMEM jusquen 1972.
Dans son domaine minier, le BRPM, en 1967 et 1971, nous avons ralis des
dcapages superficiels, puits, galeries, chemines et forages et estim les rserves
350.000 tonnes 3% de cuivre.
Des indices dor seront dcouverts plus tard proximit dans le cadre de la recherche
du mtal jaune dans la rgion.
A Jbel Belaane 30 km au nord ouest de Berkane, les indices de plomb dans une
zone boise, ayant fait lobjet danciens travaux, repris par une quipe lgre dirige par
le chef de chantier, Salah, staient rvls peu encourageants, en raison de la faiblesse
des teneurs en plomb du minerai.
Le suivi gologique des travaux tait assur trs pisodiquement par Fellahi, chef de
la Division de la Gologie minire, originaire de la rgion de lOriental.
La priode dactivit fut marque par des inondations catastrophiques dans les Bni
Snassen, entranant linterruption de longue dure de la route Taforalt-Berkane, et
consquemment larrt de notre petit chantier de recherche.
La campagne mene par le chef mineur Rahdou, prit fin trs vite aprs le dnoyage
difficile, coteux et long des niveaux suprieurs et lchantillonnage de certains fronts
davancement.
Le gisement sera rtudi et mis en valeur, plus tard, par la socit SOMIL filiale du
BRPM et de lArab Mining Company, sur la base de rserves estimes 960.000 tonnes
6% de plomb, 1% de zinc et 120 g dargent par tonne.
A Jbel Tazekka prs de Taza, sur la route de Bab Bouider, une quipe lgre, dirige
par Taourirti, avait travaill, sans grand succs, sur les nombreux affleurements de plomb
situs proximit de la Maison forestire.
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Le Secteur du Maroc Central
La gestion chaotique de la Base et les dissensions parmi son personnel, nous avaient
rsolus lvacuer aprs une demande doccupation des autorits militaires dsireuses de
la transformer en dpt de matriel.
Linstallation dans des locaux provisoires, lous un priv de Midelt, mit fin la
plthore des effectifs et lorganisation mise en place dans les annes soixante.
La nouvelle Base sera ferme aprs la pose de la premire pierre par le Roi Hassan II
de lusine de traitement de la mine de Zada, et la fin des travaux dans les zones de
CADET, de Boumadine et dOumjrane.
A El Hammam, dans le Maroc central, premier chantier visit mes tout dbuts au
BRPM en 1964, aprs la rfection de la piste daccs partir dAgoura et lacheminement
grand risque du matriel travers une zone boise et bouleuse, la reprise des travaux
miniers visait la reconnaissance des enracinements des corps minraliss, prcdemment
exploits par la SAMINE, filiale du BRPM,
Les travaux, dmarrs par Salah, portaient sur lavancement rapide en galeries, avec
lutilisation dune estacade de chargement front quipe dun treuil air comprim
SAMIA, et la mise en uvre dun plan de tir spcifique en terrains karstiques, avec
prdominance de calcite.
Avec Chaba, nous avons pilot sur les lieux les essais de foration, de tir et de
chargement avec une estacade.
Les conclusions taient que le plan de tir devait tre modifi toute variation de
terrain dans les avancements, exigeant une ractivit rapide aprs chaque vole.
Par suite des temps de dplacement longs de lestacade de chargement, nous avons
introduit une pelle air comprim, pour aboutir de bien meilleurs rsultats.
Le suivi gologique des travaux et leur orientation taient assurs par Figuet et plus
tard par le jeune gologue, Maghraoui.
Pour la petite histoire, il faut mentionner que par peur des serpents, Salah avait
prfr passer ses nuits dans un hamac que dans une chambre en dur.
63
Le programme de travaux en galeries avait confirm lenracinement du gisement
filonien et mis en vidence dimportantes rserves de fluorine qui feront lobjet plus tard
dune exploitation et dun enrichissement par flottation.
Une visite de ce chantier haut perch, eut lieu un week end aprs une marche
harassante, sur une dizaine de kilomtres, travers une magnifique cdraie, en
compagnie de Chaba et du gologue dorigine bulgare, Kolev.
A Takarart, 70 km au Sud Est de Midelt, les travaux miniers par puits suivis de
galeries de reconnaissance des minralisations de plomb et zinc, dirigs par Messaoud,
furent dcevants, les lentilles minralises stant rvles de faible extension et de
valeur conomique drisoire.
A Zguit, dans le massif granitique dOulms, dans une belle zone couverte de forts,
o dimportants travaux furent raliss en 1946 pour faire apparatre quelques belles
zones minralises sans enracinement vident, la nouvelle reconnaissance par puits et
galeries, pilote par Salah, avait mis en vidence de faibles indices de wolfram dans des
cassures remplissage filonien.
Dans les Granites des Zar (secteurs de la Ferme Paquis et Sokhrat Allal), 20 km
louest de Rommani, une campagne de recherches alluvionnaires des minraux lourds et
une valuation des teneurs en tain-wolfram, suivie par le gologue Clavel, rvla
quelques placers sans grande envergure conomique.
A Tabaroucht et Abadine, dans le Haut Altas de Bni Mellal, non loin du barrage du
Bin El Ouidane, deux quipes lgres, pilotes par Omar, avaient travaill sur la recherche
du cuivre, sans rsultats tangibles, malgr loptimisme du Directeur Technique, Fauvelet,
obnubil par la prsence de plantes cuivre.
Ces oprations isoles avaient concid avec la dcouverte dans la mme zone du
gisement de Tansrift, au bord du lac du barrage de Bni El Ouidane, ayant dfray la
chronique lpoque pour lampleur de son cot dacquisition par la socit de Jbel
Aouam, un oprateur priv, Kaskoreff.
64
Tansrift, constitu de lentilles minralises rcurrentes en cuivre, avec des rserves
de 1.000.000 tonnes 1,32% cuivre fut exploit en carrire, la cadence de 500t/jour,
par la Socit Marocaine dExploitation Minire et Commerciale, (SOMEMIC), filiale de la
Socit des Mines du Jbel Aouam.
A Oued Mellah, prs de Benslimane, une quipe tait intervenue dans lvaluation
du gisement dattapulgite, avant dexcuter une campagne aux marbres Midar prs de
Nador, dans le cadre de conventions avec des promoteurs privs.
Le chantier reut la visite dune importante dlgation prside par le Ministre charg
des mines, Ghissassi, accompagn de Moussa Saadi, Secrtaire dEtat au mme
Dpartement et promoteur de lopration schistes bitumeux.
Avec le staff de la Gologie minire du BRPM, Bouchta, Smeykal, Saint Gal de Pons,
Prez, Clavel, Skacel, Maghraoui, Salem, Afous, Amelhay entre autres, nous avons
entretenu des relations fcondes, car ils comprenaient et encadraient parfaitement les
mineurs et apprciaient leurs efforts sans relche.
Nous avons vcu, en leur enrichissante compagnie, des moments inoubliables qui
avaient permis de cimenter notre amiti et notre franche collaboration avec eux.
Sur les diffrents fronts dactivit de recherches minires, notre souci principal tait
de veiller lutter contre les dpenses superflues et obtenir des prix de revient
raisonnables et comptitifs pour un BRPM qui ambitionnait de se lancer dans la
prparation et lexploitation des gisements, puis dans les travaux lentreprise pour
professionnaliser et aguerrir davantage ses quipes.
Mais pour notre part, nous navons pas oubli que la recherche tait dabord un
risque support par le BRPM seul, et que les promoteurs privs nationaux ou trangers ne
viendraient quaprs la mise en vidence et le dveloppement dun gisement exploitable
dans les conditions du moment.
****
Pour dmystifier le caractre austre de nos chantiers et faire toucher du doigt, des
profanes de la mine, limpact de la recherche minire dans le dveloppement rgional,
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javais entrepris deux longues missions, la premire avec un reprsentant de la presse
crite, Aboulkhatib, la seconde avec un cadre de la Direction des Participations du BRPM,
Mouline.
Larrive des jeunes imprima une dynamique nouvelle notre activit, avec
linstauration dune comptition inter chantiers, suivie de la course aux avancements dans
les creusements de galeries et les fonages de puits.
A plusieurs reprises, je dus freiner les ardeurs des quipes vouloir raliser des
prouesses dans les avancements au dtriment de la qualit des travaux, de lutilisation et
de la maintenance rationnelle des quipements.
Par la suite il fut de toutes les joies, de toutes les russites, mais aussi de tous les
tourments sur les chantiers miniers.
66
Cela ne se fit pas sans douleur, car certains chefs de chantiers y virent une remise en
cause de leur autorit et une irruption dans leur domaine rserv.
Doigt et patience finirent par venir bout de leur rticence et par les convaincre du
ct positif de la prsence dun ingnieur dans lorganisation et la conduite des travaux
de plus en plus complexes, pour sortir du cadre classique des mthodes de travail
remontant des dcennies.
Javais toujours encourag, soutenu et dfendu Chaba, malgr les rserves, voire
lopposition manifeste de certains esprits mal informs, mal intentionns et jaloux de la
russite professionnelle de ceux qui travaillent, non seulement avec leur esprit, mais
aussi avec leur coeur.
Le courage et la tmrit tant notre credo, avec Chaba, nous avons sillonn le
Maroc, sans mnager ni notre temps, ni notre vie familiale.
Que de fois les nerfs craquaient, les voix se levaient et vocifraient, leffort baissait
notablement, faisant place au dcouragement, la lassitude et lapathie.
Mais il suffisait dune franche explication, dune analyse objective des problmes
pour quun dclic se dclencht, que tout repartt de plus belle, oubliant les
ressentiments, les sautes dhumeur et les invectives sournoises, car au final, lensemble
du personnel tait demeur attach son travail et fidle son chantier.
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Aussi, avions-nous le devoir de veiller la satisfaction de leurs besoins essentiels, de
rendre justice leur travail, leur abngation, leurs efforts soutenus et trs rarement
marchands.
Mon action, ds lors, tait toute trace, et depuis, je navais jamais cess de
dfendre le personnel des chantiers, de le soutenir moralement et de susciter
lamlioration de sa situation matrielle et de ses conditions de vie, y prouvant beaucoup
de bonheur intrieur et de satisfaction personnelle.
Les nombreuses visites aux chantiers finiront par devenir pour moi personnellement,
de vritables expditions de sympathie et de retrouvailles affectives avec le personnel.
****
Au cours de cette priode dactivits intenses sur les chantiers, les systmes de
gestion en vigueur au BRPM depuis plusieurs dcennies, furent rexamins en vue de leur
modernisation et de leur adaptation la situation nouvelle des recherches minires et
ptrolires.
Ainsi, dans le cadre dune tude dorganisation labore par la socit SEMA, en
troite collaboration avec le Contrle budgtaire dirig par Benazzou et la Division
Financire reprsente par Mme Zarari, nous avons affin et simplifi les procdures pour
les inculquer rapidement au personnel, en exigeant des ingnieurs, des chefs de chantier
et des agents administratifs, plus de rigueur et de suivi dans les affectations du
personnel, les mouvements du matriel, les achats, les sorties et les stocks de
consommables.
Lactivit tant soutenue dans tous les secteurs, et les esprits ntant ni duqus ni
prpars pour assimiler efficacement les nouvelles mthodes de gestion, nous fmes
contraints de doubler les chefs de chantier dagents rompus aux oprations comptables,
et de les sensibiliser sur limportance du prix de revient par sections homognes.
Sur les chantiers, des vrifications physiques furent opres par les ingnieurs pour
viter des drapages et faire comprendre aux chefs de chantiers que la gestion laxiste
tait bien rvolue et que la collecte de linformation devrait tre prcise, fiable et sans
zones dombre.
Toute notre nergie fut alors consacre confirmer, maintenir et consolider nos
acquis tous les stades de notre activit, visant tablir rgulirement tous les mois des
prix de revient de chantier les plus ralistes et les plus crdibles possibles.
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Esseddiqui, disait-on, venait remettre de lordre dans lactivit minire du
Bureau , affichant, avec ses collaborateurs, morgue et mpris ostentatoire pour tous
ceux qui officiaient aux Travaux Miniers, accuss dincomptence et dincurie.
Voyager et peiner avec moi sur les longues pistes rocailleuses de Bou Madine,
Oumjrane ou Ouansimi, descendre dans les puits, tout cela avait permis Esseddiqui de
dcouvrir par lui-mme la ralit et non la fiction, enterrant dfinitivement la hache de
guerre que certains avaient commenc brandir pour lui.
Ltablissement des listes des licenciables fut une preuve pnible pour nous, et pour
moi personnellement, car nous fmes somms de nous sparer dagents ayant consacr
une partie de leur vie au BRPM, dans des conditions peu enviables de salaires et de
protection sociale.
Avec regret, nous avons vu partir plusieurs de nos collaborateurs du sige et des
chantiers miniers proches de lge de la retraite.
Au dbut des annes soixante dix, la responsabilit dimpliquer le BRPM dans une
activit extrieure, sortant du cadre traditionnel de la recherche minire, tait suppose
et considre, par certains caciques, risque et sans intrt technique et conomique,
voire une entreprise dangereuse et voue lchec.
Mais comme dans la recherche minire, nous avons assum nos responsabilits,
convaincus des retombes positives en ouvrant de larges perspectives doccupation de
nos quipes, surtout en priode de rcession dans la recherche minire, et comme il tait
dusage, en phase de sous activit.
Notre premire sortie enregistra un large succs avec lquipe coache par le
vtran Meskine qui deviendra plus tard, outre ses qualifications minires, un expert
reconnu de la recherche deau travers le pays, et particulirement Rabat.
69
Par la suite, aprs ce premier essai et de longues ngociations avec ses dirigeants,
lONEP proposa au BRPM qui accepta, ltablissement dune convention cadre accordant
au Bureau la priorit de lexcution des travaux de recherche hydrogologique sur
lensemble du territoire national.
Toutes les interventions, menes avec ingniosit par Meskine et Rahdou avaient
ncessit des quipements appropris et ingnieux, comme les trousses coupantes
mtalliques pour le btonnage des terrains boulants, et la mise en uvre de pompes
puissantes pour la traverse des zones aquifres importantes.
Ainsi, tous les travaux de captage deau dans les centres de lONEP furent raliss
la satisfaction de lOffice, nos quipes ayant acquis une rputation de srieux, de rapidit
et defficacit, des prix trs concurrentiels.
A Rabat, le BRPM, devenu et reconnu comme puisatier mrite, fut sollicit maintes
reprises pour le fonage de puits dans les secteurs rsidentiels du Souissi et
dAmbassador, pour le compte de personnalits publiques et prives.
En aot 1972, lors de la deuxime tentative de coup dEtat, alors que je rendais
visite notre quipe de fonage dun puits de recherche deau dans le fort de la Mamora,
la ferme de Benghabrit, conseiller la Primature, des avions de chasse Northrop F5 des
Forces Royales Air, volant basse altitude et passant en rase motte au dessus de notre
chantier, allaient mitrailler la piste de laroport de Sal et le Palais Royal Rabat.
Comme auparavant avec les ingnieurs Oumjrane, il avait fallu son tour pauler
et soutenir Louafa pour viter les ractions pidermiques rcurrentes des vieux chefs de
chantier, Messaoud et Omar.
Les rsultats obtenus par notre intervention muscle, dans des terrains caverneux et
karstiques, furent trs satisfaisants aux plans technique et financier.
Cette nouvelle intervention ayant permis au BRPM de faire une entre remarque
dans le domaine les travaux lentreprise, avait suscit de vives ractions et des
sarcasmes du secteur priv dnonant limprialisme du BRPM dans le monde des
travaux souterrains, non miniers .
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La Premire Mission lextrieur
En t 1969, au cours de la priode des congs, en pleine fte nationale marquant le
quarantime anniversaire du Roi Hassan II, Lhatoute, responsable du Service Fond la
mine de Kettara, et moi en tant que Chef du Service des Travaux Miniers, nous avons
effectu, une mission dtudes et dinformation en France, aprs des hsitations et des
tergiversations incomprhensibles de la Direction Technique du BRPM.
Ainsi, aprs prs cinq annes de labeur acharn et productif la mine de Kettara et
sur les chantiers miniers, la Direction Technique en donnant son accord, considrait alors
nous avoir fait tous les deux un bon cadeau estival.
Pour notre part, nous nignorions pas que certains responsables, loin dtre mritants,
soctroyaient des missions, frquentaient rptition les avions et les htels, souvent
sans vritables retombes pour le BRPM.
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A Madrid, en pleine canicule, installs lHtel Conde Duque durant deux jours, nous
avons dcouvert avec rgal la grande mtropole ibrique, sur le fleuve Manzanares, avec
ses monuments baroques, ses glises, ses places ombrages, ses galeries commerciales,
ses soires animes par les jacasseries des mujers espagnoles, et ses nombreux
muses, dont le plus clbre est le Prado.
Ensuite, aprs un passage par Saragosse sur lEbre et Lrida avec sa majestueuse
cathdrale, nous avons sjourn dans la belle et verdoyante valle encaisse dAndorre
(Andorra la Vella), petit Etat dans les Pyrnes, plac depuis 1607 sous la souverainet
conjointe du chef de lEtat de France et de lvque dUrgel en Espagne.
Logs luxueusement lHtel du Cheval Blanc, nous avons apprci le beau panorama
de ce minuscule Etat o Franais, Espagnols et autres touristes viennent faire profusion
dachats de produits et articles dtaxs (cigarettes, alcools appareils photo, chanes Hi fi,
notamment).
A loccasion dun dner lhtel, on nous servit une omelette au jambon qui attira lire
indigne de Lhatoute, bon musulman ses heures.
Nous avons fini par calmer les esprits en faisant comprendre au garon que les
Musulmans que nous sommes ne mangent pas de viande de porc.
Traversant les Pyrnes et poursuivant notre priple par le sud de la France, nous
sommes passs Perpignan, important march de fruits et lgumes et de jouets, puis
Narbonne, march vinicole et Montpellier, ville universitaire.
Nous avons marqu des haltes successivement Nmes, lune des plus belles villes de
lEmpire romain, avec ses beaux monuments et ses arnes, puis Avignon dans le
Vaucluse, la ville des Papes de 1309 1374, Cavaillon grand march des fruits, connu
pour ses melons et ses primeurs, avant de longer la valle du Rhne et darriver le 15
juillet au soir dans la grande mtropole de Lyon.
Lyon, troisime ville de France, chef lieu de la rgion Rhne-Alpes, ancien centre
gallo-romain, est aussi un centre universitaire et industriel rput pour ses industries
mcaniques, lectriques et textiles, o lindustrie de la soie a t introduite au 16 sicle.
Lyon, premire tape de notre mission officielle, o nous avions sjourn en 1961
lors de notre premier voyage de promotion, de lEcole Mohammedia, en pleine guerre
dAlgrie, nous avait sembl compltement transform, en devenant un carrefour des
grands axes vers la Mditerrane, un grand centre universitaire et commercial, et une
grande mtropole europenne.
Nous fmes reus avec des gards particuliers par le Directeur du dpartement
matriel, Manionneau, et les principaux responsables de la socit Montabert.
Notre sjour fut centr sur les visites dusines de production de matriel lectrique
et du centre de fabrication et dessais de performances des quipements de foration et de
forage Montabert, bien connu et apprci au Maroc.
Par gard et grande considration pour nous, un petit avion CESNA, spcialement
affrt pour loccasion, nous avait mens ensuite Nantes pour visiter la mine de fer de
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Segr, en Maine-et-Loire, o tait mis en uvre divers matriels de foration Montabert
dans les chantiers dexploitation souterraine.
A Segr, nous fmes lobjet dun accueil chaleureux de la part du Directeur de la mine
et de son staff dingnieurs des services jour et fond.
Avec regret, nous avons appris, deux annes plus tard, la mort tragique dans un
crash davion du pilote qui avait si gentiment fait dcouvrir la ville de Nantes et tenu
compagnie mon pouse durant notre visite la mine de Segr.
Nantes nous avait rappel lEdit de Nantes rendu en 1598 par le roi Henri IV pour
rgler la situation lgale de lEglise protestante, et sa rvocation en 1685 par Louis XIV
qui provoqua lmigration de centaines de milliers de Franais vers la Suisse et
lAllemagne, plus permables aux ides calvinistes.
De retour dans la grande cit rhodanienne, Lyon, nous avons plusieurs reprises
traboul dans les vieux quartiers et got la cuisine de la rgion, connue pour la qualit
et la finesse de ses mets.
Avant darriver Paris, notre priple stait poursuivi en Bourgogne Dijon, grand
centre industriel et ferroviaire, rput aussi pour ses productions de moutardes et de
pains dpice.
Au grand bonheur de Fatima, nous avons profit dun weekend pour visiter plusieurs
centres dintrt Paris (Tour Eiffel, Louvre, Tuileries, Etoile, Quartier Latin) et surtout
Versailles au sud ouest de Paris, en compagnie dun ancien camarade au collge de Ksar-
es-Souk, Zouagui, tudiant en agronomie Grignon.
Versailles, cit royale en 1642, ville de Louis XIV, est rput par ses palais (Palais
royal avec la fameuse Galerie des Glaces, le Grand et le Petit Trianon), ses jardins et ses
plans deau, foyer de lart classique franais.
Versailles est aussi clbre pour nous par les grands vnements historiques qui sy
taient tenus, entre autres, le trait ayant mis fin la guerre dAmrique, la proclamation
de lEmpire allemand aprs la dfaite de Napolon III face la Prusse de Bismarck en
1871, et la signature en juin 1919 du trait mettant fin la Premire Guerre Mondiale.
Aprs Paris, nous fmes reus Douai et Arras par le Prsident de la socit SAMIA,
Turmine, homme distingu et dallure trs bourgeoise et collet mont.
Nous avons djeun dans un restaurant hupp Arras, ville fortifie au 17 sicle par
Vauban, ancienne capitale europenne de la tapisserie, dvaste par les bombardements
lors de la Premire Guerre Mondiale, fief de Guy Mollet, ancien premier ministre et
Secrtaire Gnral de la SFIO.
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Nous avions travers les villages miniers abritant de nombreuses colonies douvriers
marocains et portugais en service dans les exploitations des Charbonnages de France.
Notre mission officielle stait termine le 31 juillet Maubeuge, ville sur la Sambre,
prs de la frontire belge, ancienne ville fortifie du temps de Vauban, o nous avons
visit les installations de fabrication des tuyauteries en galvanis de la socit
VALLOUREC, utiliss pour le transport dair comprim et deau.
Toutefois, nous nemes pas le plaisir dobserver un clair de lune qui fait aussi la
renomme de cette ville du Nord de la France.
Informs la radio France Inter, par Bison fut, nous avons pris la prcaution
dviter les grands axes encombrs par les dparts en cong des aotiens.
Quittant Lhatoute Paris, prs des quais de la Seine, non loin de la Tour Eiffel, nous
avons poursuivi aisment notre voyage travers la France profonde.
Nous avons emprunt, avec bonheur, des chemins dtourns, des routes
dpartementales, des chemins vicinaux et des petits villages avec leurs mairies et leurs
clochs, alors que France Inter annonait de longs bouchons aux entres des villes
dOrlans, Blois, Chtellerault et Poitiers.
Lisbonne avait t occupe par les Arabes de 711 1147, avant de connatre une
prodigieuse prosprit lie lactivit maritime et coloniale en direction du Nouveau
Monde, de lAfrique et des Ocans Indien et Pacifique.
Elle fut ravage par un violent tremblement de terre en 1755, le mme sisme ayant
dtruit une partie de la ville de Rabat et de la mosque de la Tour Hassan.
Par la suite, aprs la traverse dimmenses forts de chnes lige et de pins, nous
avons dcouvert et pass la nuit Faro, au sud de lAlgarve, o les paysages nous avaient
rappel trangement le sud marocain avec ses palmiers dattiers et ses vergers clturs de
hauts murs en pis.
Nous avons rejoint lEspagne en traversant le Rio Guadiana bord dun bac, avant
darriver Sville, et de nous installer lHtel Europa, sous une chaleur torride et
insupportable.
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Sville, sur le Guadalquivir, capitale de lAndalousie, fut lune des villes les plus
florissantes de lEspagne arabo-mauresque, durant les poques omeyyade (712- 1031),
abbasside et almohade au 12 sicle.
Partout des monuments rappellent les arts mudjar et baroques (jardins, mosques,
glises, muses, difices civils).
Le soir, nous avons fln travers lancienne ville pour dcouvrir les grands
magasins, la Giralda (minaret dune ancienne mosque surlev au 16 sicle, soeur de la
Koutoubia de Marrakech), et lAlcazar, vieux palais des sultans musulmans ramnag
aprs la Reconquista de la ville par les Rois catholiques.
En plein air, tout en dgustant un gaspacho andalou bien frais, nous avons assist
une agrable soire de flamenco.
Mon pouse, quant elle, fut enchante par sa premire sortie ltranger.
Habitue, travaillant et ctoyant les gens de la mine au Maroc, elle stait adapte
tous les programmes et toutes les pripties de la mission.
La longue dure du voyage, loin de notre fils Karim, et les embouteillages sur les
routes, ne lavaient aucunement perturbe.
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Au gisement de fer
De Gara Djebilet
En novembre 1971, dans leuphorie des retrouvailles maroco-algriennes, aprs la
brouille ne de la guerre des sables de 1963, et aprs diffrentes runions en haut lieu,
il fut dcid dapprofondir ltude de la mise en valeur du gisement de fer de Gara Djebilet
dans le cadre dune socit mixte, la Socit Maroco-Algrienne.
Lide qui prvalait lpoque tait que toute la production de minerai Gara
Djebilet destine lexportation devait tre dbloque travers le territoire marocain,
par une voie ferre aboutissant un port sur lAtlantique, proximit de la ville de
Tantan, dans la province de Tarfaya.
Ce nouvel intrt pour Gara Djebilet venait conforter les premires investigations
engages par le Bureau de Recherches Minires Africain (BRMA) du temps de la
colonisation franaise.
Dans ce contexte, une mission nous avait conduits en Algrie pour relancer, avec les
responsables de la Socit Nationale de Recherches Minires (SONAREM), lexamen du
dossier et reconnatre le trac du futur chemin de fer.
Originaire du Tafilalet proche des wilayas du sud algrien, je fus charg par la
Direction Gnrale du BRPM de piloter la mission, malgr la rticence dissimule
d'Achaoui de lONCF.
Aprs un bref sjour Alger, accueillis avec des gards particuliers, nous fmes logs
dans la rsidence du Club des Pins pour montrer lexcellence retrouve des rapports entre
les deux ples du Maghreb.
Lavion, aprs avoir survol les Hauts Plateaux, lAtlas saharien et Bechar (ancien
Colomb-Bchar) avait atterri Tindouf, aux confins du Maroc mridional, sur une piste en
tle daviation perfore datant de loccupation franaise.
Tindouf est relie Bechar par une belle route goudronne de 800 km, travers les
hamadas o viennent se dverser les oueds marocains Ziz, Ghris et Guir et loued
algrien Zousfana, en formant les oueds Daoura et Saoura.
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Avant Tindouf, la route tait largie et transforme en piste daroport pour accueillir
les avions gros porteurs.
On nous avait signal que la Caravelle du Prsident Boumediene, en tourne dans les
wilayas du sud, y avait atterri quelques mois auparavant.
Autour de ce point deau providentiel, dun dbit de quelques litres par seconde,
devenu plus tard Hassi Rabouni, seront rigs en 1975 le quartier gnral du Polisario et
les camps de rfugis, en provenance oblige de Layoune, Smara et Boujdour et des
pays voisins (Mauritanie, Mali, Niger) attirs par les aides du Haut Commissariat des
Nations Unies aux Rfugis.
Tindouf avait rappel mon bon souvenir laffectation, en 1954, de mon cousin
germain, Bassou, en tant que goumier dans la compagnie des confins sahariens
stationne dans cette localit administre partir dAgadir.
Il faut rappeler quen 1963, sur ordre du Roi Hassan II, aprs lintercession des de
lOrganisation de lUnit Africaine (OUA) pour mettre fin la guerre des sables, les
troupes marocaines, commandes par le Gnral Benomar, avaient renonc loccupation
de la ville, historiquement marocaine, o la population tait sortie en masse, avec moult
drapeaux, pour accueillir les troupes victorieuses des Forces Armes Royales.
Mon frre an, Haj Ali, jeune sous-lieutenant, aide de camp du Gnral Benomar,
avait particip aux oprations au cours desquelles il fut bless.
***
Nos collgues algriens tant toujours en Mauritanie, nous avons profit de cette
situation dincertitude pour circuler travers Tindouf, petite ville en pleine expansion
immobilire, dans un univers rude et triste, battu par les vents du dsert.
En fait, personne ne connaissait leur position exacte, car ctait le flou total.
Pour les retrouver, et sans grande conviction, nous fmes contraints deffectuer, en
une seule journe, le trajet Bechar-Tindouf-Bechar-Tindouf (soit plus de 2.000km)
grande allure, en Citron DS 21, heureusement confortable, mise notre disposition par
le maire de Bechar.
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Sur le trajet Bechar-Tindouf, nous avons travers la localit dAbadla o un petit
primtre irrigu par le barrage construit sur loued Guir prenant sa source Maroc, tait
en cours damnagement.
Cette opration, dcide unilatralement par lAlgrie, avait bnfici, pour viter un
casus belli, de la bienveillance du Maroc qui avait renonc ldification dun barrage de
retenue dans la rgion de Boudenib-Atchana.
Le lendemain, dans le flou le plus total, nous avons rejoint, par une piste de 170 km,
le gisement de Gara Djebilet au sud-ouest de Tindouf, proximit de la frontire
mauritanienne.
L, le trac avait t tir au cordeau par les Franais pour inclure le gisement de fer
dans lensemble colonial relevant des Dpartements des Oasis, puis plus tard de la
fantomatique Organisation Economique des Rgions Sahariennes (OERS) que le Gnral
De Gaulle voulait soustraire au territoire revendiqu par le FLN, aprs la dcouvertes des
riches gisements dhydrocarbures de Hassi Messaoud.
Des baraquements en tle ondule, avaient servi de camp et de base appui aux
lgionnaires des forces doccupation franaises assurant la protection des quipes de
techniciens et douvriers charges sur les lieux de ltude du gisement, du prlvement
des chantillons et des essais pilotes dexploitation et de valorisation du minerai de fer
phosphoreux.
Nous avons profit de notre sjour pour aller visiter la petite source dAn El Agreb,
cinquante kilomtres lEst de Gara Djebilet, et boire le th saharien de lamiti et de la
bienvenue avec les nomades Rguibat au teint mconnaissable, et aux visages membres
burins comme les cailles des crocodiliens.
Sur le chemin de retour vers Gara Djebilet, nous fmes pris sous une terrible tempte
de sable, et sur le conseil de notre chauffeur guide, nous sommes demeurs sur place en
attendant le retour du calme profond, aprs le dchanement impitoyables des lments
de la nature.
Aux baraquements, nous avons pass notre temps jouer aux cartes et nous
adonner la lecture des nombreux livres abandonns par les lgionnaires franais.
Aprs trois jours dune interminable attente, nos collgues algriens tant signals
Tindouf, nous avons quitt Gara Djebilet bord de deux Land Rover pour les retrouver au
camp de la SONAREM et prparer ensemble la mission de reconnaissance du trac de la
voie de chemin de fer vers la cte atlantique.
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Le soir, aprs un dner trs ordinaire, nous avons discut longuement du programme,
puis esquiss le circuit de la traverse du territoire marocain jusqu Tantan ; nous avons
alors estim atteindre la cte atlantique aprs deux jours de reconnaissance du trac sans
encombre.
Tt, nous avons quitt Tindouf, bord de quatre Land Rover Santana, avec tout
lquipement de campement, de survie et de reconnaissance.
Les chauffeurs Rguibat, visages dissimuls derrire leurs turbans bleus, taient
confiants de leur parfaite connaissance du terrain et des lieux de passage.
La traverse fut relativement aise, les Lands Rover roulant trs vive allure,
comme la parade, soulevant dpais nuages de poussire ocre.
A plusieurs reprises, nous avons marqu une halte pour examiner les cartes, la
nature des terrains et localiser les changements de dclivit de la future voie ferre.
Les Algriens observaient sans broncher, alors que Kacimi et moi, tions l pour
donner notre avis sur les zones de passage oblig.
Aprs une longue journe, toute de sable et de sueur, nous avons dcid dune pause
mrite, les chauffeurs saffairant pour piquer les tentes et installer le bivouac, non loin
dun campement de nomades intrigus par notre prsence.
Vous devez venir avec nous Zag pour vous expliquer avec le capitaine
responsable de la garnison, car nous ne sommes pas informs de votre passage dans
cette zone, nous dit le chef du peloton, quelque peu agressif et agit.
Que faire ?
Sans attendre, et bien obligs malgr nous daccompagner les militaires pour prendre
contact avec le capitaine, chef de la garnison de Zag, javais propos mon collgue
algrien, Tmina, de partir en laissant le camp sinstaller tranquillement.
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En pleine nuit toile, bord de deux Land Rover, nous avons quitt le bivouac,
guids par nos claireurs Rguibat, experts dans lorientation par tous les temps, habitus
des pistes chamelires, des ravins ensabls et encaisss, des buissons et des dpressions
de terrain.
Aprs plusieurs heures de cahotement, nous avons atteint, tard la nuit, lentre de
Zag dont on distinguait, peine au loin, quelques lumires blafardes.
En plein milieu dun oued, une de nos Land Rover tomba dans une crevasse,
entranant la rupture du systme de freinage hydraulique, nous contraignant continuer,
bord du deuxime vhicule, jusqu la caserne, seul btiment imposant de la bourgade
de Zag.
Nous fmes accueillis avec beaucoup dgards et de chaleur par lofficier en second,
tout confondu en excuses pour cette dconvenue sur notre circuit.
Le capitaine chef de la garnison est Tantan, il sera de retour demain, vous tes
les bienvenus parmi nous , nous dit lofficier avec dlicatesse.
Le lendemain matin, toutes les autorits locales de Zag, civiles et militaires, taient
averties de notre prsence, et attendaient un message radio de la province de Tantan
pour nous autoriser poursuivre notre mission.
La batterie de la radio tant plat, il avait fallu recourir celle de notre Land Rover
pour communiquer avec Tantan et obtenir le feu vert de qui de droit.
Ne nous voyant pas revenir au bivouac, inquiets, nos amis du camp taient venus
la rescousse avec loutillage de secours.
La raction des hommes du dsert et des habitus des pistes avait bien fonctionn
avec beaucoup de clrit, mais aussi de discernement.
Aprs la remise en tat du vhicule et le feu vert des autorits locales, toutes
confondues en excuses, nous avons rejoint notre camp, en esprant calmer les esprits
torturs de nos collgues rests sur place.
Rellement, malgr les coups de gueule des responsables provinciaux de Tantan, les
autorits locales de Zag, reprsentes par un frle khalifa, et les militaires ntaient pas
informs de notre passage.
Au soir de cette journe, alors que nous installions notre camp, une escouade de
soldats marocains tait venue nous assaillir au pas de course, prte tirer sur nous, sans
sommation ni mnagement.
Nous avons encore une fois expliqu le but de notre mission, parlement, palabr
sans fin, et rappel les pripties de lavant veille Zag.
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Coriaces, les soldats voulaient nous obliger les accompagner au poste de Hassi
Bouirate, une trentaine de kilomtres pour rencontrer le chef du fort.
Mais aprs de longues palabres, nous les avons convaincus de nous laisser passer la
nuit, sous leur garde, et de partir Hassi Bouirate le lendemain la premire heure.
Au lever du jour, le dmnagement du camp fut rapide pour rattraper le retard dans
la reconnaissance du trac de la voie, dans cette zone doueds ensabls.
Nous sommes arrivs, avant midi, au casernement de Hassi Bouirate, vieille btisse
datant de loccupation espagnole de la zone de Tarfaya, perche sur une colline dominant
la valle encaisse et ensable de Labouirate.
Le vieux fort surplombait un puits implant dans le lit doued qui alimentait en eau
potable les militaires et les campements de nomades.
Le contact avec le capitaine chef de garnison fut trs affable, et comme la veille avec
ses soldats, il nous fit part de lignorance du passage de notre mission dans laire de son
commandement.
Nous avons tous compris, juste titre, que la coordination et linformation ntaient
pas le fort des Administrations civile et militaire marocaines.
Notre prsence tant signale Tantan par message cod, nous avons attendu
plusieurs heures pour la transmission, la rception et le dcodage du message retour, la
radio du fort militaire tant alimente par dynamo actionne en pdalo par un soldat,
rappelant trangement le film du Pont sur la Rivire Kwa.
Je suis navr de vous avoir retenus ici, mais je ne pouvais faire autrement, je vous
souhaite bonne continuation , nous dit, avant notre dpart, lofficier rellement dpit
du contretemps subi.
Nous fmes librs en dbut daprs midi, aprs avoir consacr en dfinitive plus
de temps aux discussions avec les militaires qu lexamen des cartes et la vritable
reconnaissance du trac de la future voie ferre.
Les Amricains taient soulags, alors que les Algriens avaient gard un mutisme
complet, ne se dridant que bien plus tard.
Aprs nous tre dbarbouills, une grande rception organise par la province de
Tantan, nous fit oublier, quelque peu, nos multiples msaventures.
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Avec un grand soulagement, les experts amricains de TEMPO, perplexes et peu
diserts jusqualors, et Achaoui de lONCF avaient entam llaboration dune premire
esquisse de la future voie, puis fix le programme de leurs contacts futurs pour
approfondir davantage la nature du trac.
Cinq jours aprs notre dpart de Tindouf, en compagnie de Tmina et des autres
membres de la dlgation marocaine, nous avons rejoint Rabat, aprs un passage rapide
Agadir, accueillis chaleureusement par le personnel du BRPM.
Les autres membres de la mission avaient repris le chemin de Tindouf, avec pour
tche demprunter le mme circuit qu laller, en saccordant cette fois le temps
dexaminer en dtail la configuration des terrains, les passages doueds et la remonte de
la hamada.
Nous avons appris par la suite que le retour vers Tindouf stait effectu sans
encombre, la satisfaction des experts de TEMPO.
Le rapport de TEMPO, sens tre mis au point depuis un an, ne nous avait pas t
communiqu pour en apprcier la pertinence et les conclusions.
Les Algriens faisaient semblant de ne lui accorder aucun crdit et considraient que
tout tait reprendre dans le cadre dune nouvelle approche.
Avant de rejoindre Gara Djebilet, et sur notre demande, nous avons effectu un long
priple le long de la cte mditerranenne, Bejaia sur le Golfe du mme nom, Skikda,
dbouch maritime du Constantinois, futur grand centre de liqufaction et dexportation
du gaz naturel du gisement de Hassi Rmel.
Nous avons dcouvert Annaba, site de lancienne Hippone, puis plus lintrieur,
Constantine au dessus des gorges du Rummel, Stif ville martyre de lpoque coloniale,
Djamila /Timgad, connue pour ses imposantes ruines romaines de la ville antique de
Cuicul fonde en lan 100.
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Avant darriver Alger, tard dans la soire, nous sommes passs par les dfils des
Monts Hodna (1890m) qui ont connu des accrochages sanglants entre larme franaise
et les groupes arms du FLN.
Au cours de ce long dplacement, nous avons dcouvert une Algrie avec ses
fantasmes rvolutionnaires, mais aussi les magnifiques paysages en Petite Kabylie le long
de la cte mditerranenne, zone vritable potentiel de dveloppement touristique de
premier ordre, ignore des autorits places sous le joug du ptrole et du gaz des
gisements fabuleux Hassi Messaoud et Hassi Rmel.
Ainsi, notre arrive tardive lhtel le plus hupp de la ville de Constantine, nous
navons pas pu dner par suite de la fermeture du restaurant.
Nous avons assouvi notre faim par une omelette de mauvais got servie dans nos
chambres poussireuses.
De retour Alger, et aprs une dernire mise au point avec les responsables du
secteur des mines, nous sommes repartis par un avion Beachcraft Gara Djebilet, via
Bechar, accompagns de Hmadia, Directeur Gnral de la SONAREM et Budin ingnieur
civil des mines franco-algrien que je rencontrerai plus tard par hasard lors dune escale
Orly Sud.
Notre sjour sur le site de Gara Djebilet fut une vritable rptition de celui de 1971,
agrable mais sans intrt particulier.
Les livres laisss par les lgionnaires franais taient toujours au mme rayonnage,
envahis par la poussire et loubli.
Les quipements du BRMA continuaient tre rods par les lments de la nature,
et le gisement navait fait lobjet daucune activit relle de recherche et dveloppement ;
ctait limmobilisme absolu.
Aprs deux jours, ponctus de succulents mchouis, nous sommes rentrs Oran par
la piste et la route (environ 2.000 km).
Au passage, nous avons visit la cit de Tindouf, toujours aussi morne et triste, la
splendide palmeraie de Taghit domine par les dunes du Grand Erg Occidental, Ain Sefra,
et en fin la ville deau minrale de Sada au pied des Monts de Sada.
DOran, deuxime ville dAlgrie sur la Mditerrane, ancienne ville coloniale, centre
commercial et industriel, nous avons rejoint Alger par avion de nuit.
Le lendemain, nous avons visit les localits de Sidi Frej (Sidi Ferruch), petite baie
louest dAlger o avait dbarqu le corps expditionnaire franais le 14 juillet 1830 pour
prendre revers les troupes turques, puis Tipaza avec ses vestiges romains, et enfin le
quartier de Bouzra, sur les hauteurs dominant la capitale.
Nous avons quitt nos amis algriens avec lespoir de voir le projet dmarrer
rellement, un jour proche.
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Mais la nature controverse des relations maroco-algriennes avait fait tomber le
dossier dans les oubliettes.
Il aurait mme t envisag le transport du minerai par avions gros porteurs !!!
84
Des exploitations minires en perspective
Aprs bien des conciliabules, nous avons convaincu la Direction Technique doprer
une vritable mutation dans nos moyens de travail en remplaant, dans une premire
phase, le matriel de foration classique et les pelles chargeuses air comprim par des
quipements plus modernes et mieux adapts nos nouvelles mthodes de travail et la
conceptualisation des axes de la recherche minire.
Avant dexplorer les possibilits en Europe, nous avons examin les disponibilits au
Maroc aprs la fermeture des exploitations de la Compagnie Royale Asturienne des Mines
de Touissit et de la Compagnie Minire de manganse de Bouarfa qui mettaient sur le
march national une multitude de treuils, du matriel de voie et dextraction et des
quipements lectriques divers.
A cette occasion, nos htes allemands eurent lamabilit de nous faire visiter le
fameux muse des mines de charbon de Bochum, ville de la Ruhr, centre houiller,
sidrurgique et dindustries chimiques.
Nous fmes invits dguster le poulet la broche dans une des tavernes de la ville,
o lambiance, survolte sous leffet de la bire, rappelait, quelque peu, la priode du
dferlement du national socialisme sur lAllemagne.
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En Autriche, sur invitation de la Chambre de Commerce, nous tions logs
confortablement lHtel Intercontinental de Vienne, proche du Danube et des Jardins du
Prater, o se tenait la runion des Pays Exportateurs de Ptrole.
Nous avons, le lendemain, visit, non loin de la ville, des usines de fabrication de
matriel de mines, des carrires de matriaux de construction, et des travaux souterrains
utilisant des engins de foration hydraulique et le mineur continu Alpine dans le
creusement des tunnels de mtro.
Que faites-vous ici , nous avait dit le Ministre la rception organise dans les
salons de lHtel Intercontinental, comme si notre prsence limportunait.
Ce sont nos amis ingnieurs du BRPM, ils sont les bienvenus parmi nous , avait
dlicatement fait remarquer et rectifi le Prsident Lasky pour faire oublier le
comportement indlicat du Ministre.
Aprs la rception, nous avons particip un night seing pour dcouvrir la vie
nocturne de la capitale autrichienne, situe lendroit o le Danube quitte les Pr Alpes
pour entrer dans la plaine de Pannonie.
Vienne, ville du beau Danube bleu , carrefour des anciennes routes reliant la Mer
Baltique la zone mditerranenne, grande mtropole denvergure mondiale, avec des
difices prestigieux et des muses, est surtout un centre de grand dploiement dactivits
musicales, thtrales et touristiques.
Aprs Vienne, nous avons pass un week end Rome, tout orient vers la dcouverte
de la ville situe sur les bords du Tibre, connue pour ses fabuleuses ruines romaines, le
Capitole, le Forum de Trajan, le Monument Victor Emmanuel, Colise, le Panthon le
Forum Romain travers par la Voie Sacre, le Quirinal, la Via Veneto, la Fontaine de Trevi
avec le ruissellement de ses eaux, la Cit du Vatican, rsidence des Papes depuis le 14
sicle et la Basilique Saint Pierre avec sa coupole conue par Michel-Ange.
Avant Grenoble, dans une splendide auberge, nous avons marqu une halte pour
dner aux grives, dans lambiance dune chemine alors que la neige tombait sans arrt,
enveloppant tout le secteur dun manteau blanc.
Nous avons pass la nuit Albertville sur lIsre, vers Chamonix, en plein massif des
Hautes Alpes enneiges.
Par la suite, Als, dans le Gard, ancien bassin houiller, abritant lEcole des Mines,
prs des montagnes Cvennes, nous avons visit les ateliers centraux de SOMATRAP o
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taient reconditionns des concasseurs, des pompes, des engins de chargement, des
groupes lectrognes et des compresseurs vis.
Nous avons l aussi marqu notre intrt pour des engins de marinage et des
concasseurs de prparation dchantillons sur les chantiers.
L, nous avons visit le carreau de la mine ferme depuis quelques mois, et examin
de prs une machine dextraction, en bon tat, susceptible aprs un lger
reconditionnement dquiper un des puits dextraction de la future exploitation de cuivre
de Bleda.
A notre retour, aprs plus de deux semaines de tribulations, sans trop attendre ou
tergiverser, le BRPM lana les commandes de matriel de mine (rails, wagonnets
basculants, engins de chargement, petits concasseurs giratoires et mchoires pour
chantillonnage aux chantiers) et de la machine de Terra Monte destine au premier puits
dextraction de Bleda Sud.
Ceux qui colportaient, avant et durant notre mission, que nous tions alls nous
promener et passer du bon temps en Europe, staient bien fourvoys.
Dautres sites (Oumjrane, Zgounder, Draa Sfar Sud, Allous et Tizert) furent mis en
veilleuse, en attendant une conjoncture plus favorable des cours des mtaux.
A Bleda, aprs lexcution par les quipes BRPM des programmes de recherche
ayant mis en vidence dimportantes rserves (environ 2.500.000 tonnes de minerai
4,5% de cuivre) et aprs les tudes technico-conomiques ralises en collaboration
troite avec les quipes de lONA, il fut dcid de construire le projet dans le cadre de la
Socit des Mines du Bougaffer (SOMIFER).
87
La ralisation du projet, prsente brillamment lors du colloque maroco-amricain sur
les mines et salue avec vigueur par tous les participants, fera date dans lhistoire de la
mine moderne au Maroc.
Bleda se rvlera plus tard le plus important gisement de cuivre dcouvert au Maroc
et dans le monde arabe, et un exemple de collaboration fructueuse entre le BRPM et le
Groupe ONA.
Aprs la ralisation des infrastructures minires de base, des travaux dossature des
panneaux dexploitation, une tude de prfaisabilit technico-conomique, labore par
le Dpartement des Oprations Minires (DEOM), avait dmontr lintrt conomique du
gisement.
En dfinitive, on opta pour la solution prconise par les Travaux Miniers, consistant
oprer sur plusieurs fronts, partir de diffrents niveaux de recherche raliss
prcdemment, tout en assurant un suivi topographique et gomtrique permanent du
fonage en grande section, pour aboutir des percements des tronons de puits, sans
dviation.
Pour un premier essai, ce fut un coup de matre, car le fonage du puits fut ralis
dans les rgles de lart sans dviation par nos quipes diriges par Rahdou, la
satisfaction de SOMIMA.
Nos quipes, menes par Ryani Ahmed, avaient excut les travaux de puits,
galeries, chemines et montages, dans de dlais trs courts, des prix de revient dfiant
toute concurrence.
88
Des rserves values 1.075.000 tonnes 1,9% de cuivre et 30g dargent par
tonne, furent mises en vidence, justifiant lextension de lactivit de SOMIMA cette
zone, aprs lpuisement du gisement dIrherm.
Au cours des travaux, nous avons dplor la mort de Bouras, mcanicien de la Base
dAgadir, suite un accident de la Land Rover long chssis sur lune des pistes menant
la plateforme dun forage de reconnaissance.
Bourras fut un technicien de tous les instants, toujours disponible et prt pour aller
dpanner les chantiers du secteur dAgadir, nous vitant comme par le pass de faire
appels aux mcaniciens de la Base des Zar Rabat. Bouras laissa derrire lui un grand
vide qui ne sera pas combl par la suite.
A Ouansimi et Talat NOuamane, les Travaux Miniers taient intervenus plus tard en
fournissant des prestations de services dans la construction des infrastructures de surface
(pistes, plateformes, terrassements), laissant le soin SOMIMA de lancer le projet dans
toutes ses composantes (mine, laverie, services auxiliaires).
La construction de lusine de traitement fut alors lance avec les propres moyens du
BRPM, les investisseurs intresss (ZELLIDJA et ONA) ayant dclin leur participation,
arguant de la non viabilit du projet par suite du faible volume de ses rserves
exploitables et de sa position en altitude, daccs difficile.
Sur place, Boujema, ancien matre laveur dIrherm, avait su, avec fermet et
efficacit, diriger lensemble des oprations de terrassement, de montage des
quipements (unit de traitement, centrale lectrique, ateliers), douverture de carrire
de haldes, dadduction deau et de construction de logements.
Paralllement, un effort fut engag pour organiser le chantier, constituer les stocks
de matriel et de consommables, structurer les quipes et lancer les travaux de reprise
des haldes, en vitant les cueils et les erreurs enregistrs lors des prcdents
dmarrages des petites exploitations.
****
Au printemps 1974, alors que je me trouvais en mission Tazalaght, ma tante Fadma
qui mavait lev aprs le dcs de ma mre en 1942, stait teinte au retour du
plerinage La Mekke, aprs avoir accompli le rve de sa vie.
A Assif Imider, lexistence de vieux travaux miniers tmoigne de la prsence dune
ancienne activit minire dans la rgion.
A la suite de forages inclins raliss par le BRPM en 1959, suivis dune campagne de
gophysique en 1972 et de recherches par puits, galeries et chantillonnage systmatique
des voles durant la priode 1973-1975, un petit gisement de cuivre ( base de bornite,
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chalcosine et azurite) riche en argent, fut mis en vidence, avec des rserves estimes
240.000 tonnes 3,94% de cuivre et 60g dargent par tonne.
A la fin des travaux de recherche, suivis dessais de traitement concluants, une tude
technico-conomique prliminaire, confirme par une deuxime tude confie des
laurats de lEcole Nationale de lIndustrie Minrale (ENIM), avait dmontr la faisabilit
conomique dun projet sur ce petit gisement.
Ds lors, le chemin tant balis, la construction du projet fut dcide et lun des
laurats de lENIM, Lalaoui, appel en assurer le pilotage sur les lieux.
Paralllement, des contacts furent nous avec les fabricants de laveries mobiles
sudois, autrichiens et roumains.
Nous avons opt pour ces quipements mobiles car ils sont faciles manutentionner,
monter et dmonter, et sont considrs comme les plus appropris et les plus adapts
pour les gisements aux rserves limites.
Ltude de faisabilit, labore par les deux partenaires (BRPM et ONA), avait abouti
des rsultats satisfaisants, justifiant la ralisation du projet et le dmarrage rapide des
infrastructures de base (route et ligne lectrique partir dOuljat Soltane et Khemisset).
Le vtran Jerdouj y avait dploy durant plusieurs mois toute son exprience pour
faire face aux difficults inhrentes au soutnement des galeries en zone bouleuse et
lutilisation des explosifs en milieu noy.
90
Des panneaux minraliss avaient t mis en vidence un total de rserves de lordre
de 300.000 tonnes 2,5% de cuivre.
La baisse vertigineuse des cours du cuivre porta un coup fatal au projet et entrana la
suspension des travaux de construction de lusine de traitement, et plus tard, la
liquidation prmature de la socit.
Le domaine reviendra au BRPM qui essayera plus tard de le ractiver sans succs, les
cours du cuivre tant au creux de la vague.
Les travaux excuts aux filons Henri et Engil par une quipe spcialement
renforce, suivie de prs par Chaba, avaient concern le fonage dun puits et le
creusement dune longue descenderie dans des terrains de mauvaise tenue, ncessitant
un soutnement mtallique onreux.
Malgr les efforts financiers de lEtat et lactivit acharne et dbordante des quipes
minires du BRPM, les travaux de fonage de puits et de creusement de galeries de
recherche navaient pas enregistr de dcouvertes majeures, en mesure dassurer la
prennit de lune des plus anciennes, des plus importantes et des plus riches
exploitations minires de plomb du Maroc.
Une reprise eut lieu la laverie de Mibladen en 1977, puis la mine dAouli en 1979,
avec comme objectif principal lachat des productions de plomb de la sous entreprise et
des permis extrieurs des secteurs de Midelt et dErrachidia.
Cette activit ne tardera pas pricliter, le secteur minier de Midelt, aprs avoir t
lun des plus florissants aprs la Deuxime Guerre Mondiale, sombra dans une profonde
lthargie avec des retombes sociales difficiles pour toute la rgion.
91
DEUXIEME PERIODE
AUX EXPLOITATIONS
ET A LA DIRECTION TECHNIQUE
Cette deuxime priode au BRPM tait une suite logique dans le droul de ma vie
professionnelle, en passant de la recherche minire au suivi de la construction des
projets, avant dassurer leur gestion de proximit dans le cadre de filiales gres
directement par le Bureau ou par ses partenaires.
Par la suite, avec la venue dun nouveau Directeur Gnral, Chahid, lensemble des
exploitations, gres directement par le BRPMP, fut regroup au sein de la Division des
Etudes et des Exploitations (DEE), avec comme objectif primordial un travail en synergie
pour optimiser et rationaliser les moyens et les ressources.
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Un brillant technicien, Directeur Gnral au BRPM
En novembre 1974, Guessous, Directeur Technique du BRPM, fut nomm Directeur
Gnral en remplacement d'Abdelaziz Benjelloun appel dautres importantes fonctions.
Au Bureau, Guessous avait occup, successivement depuis 1965, les postes de Chef
du Dpartement Technique, Attach de Direction, puis Directeur Technique aprs le
dpart de Fauvelet en 1970.
Durant toute une dcennie, aucune occasion, nous navions enregistr la moindre
visite dun premier responsable du Bureau sur un chantier minier, et encore moins
constat son souci pour les conditions de vie de nos agents caractrises par la pnibilit
de leur travail dans le bled.
En six ans, en tant que Chef de Service des Travaux Miniers, responsable de plusieurs
centaines dagents, je neus jamais lhonneur et le plaisir de rencontrer les Directeurs
Gnraux, Bellarbi et Chefchaouni, ni particip une visite, une runion ou un
sminaire prsids par eux.
Des rencontres annuelles phmres avec les cadres du BRPM, tente en 1964 et
1965, avaient tourn court sans explications.
En haut lieu, on stait rsolu, sans gne dailleurs, dcider de lavenir, sans prendre
en considration, une seule fois, les avis, les ides et les propositions de ceux chargs de
lexcution de la politique du Bureau et dassurer la prennit de son action aux chelons
rgional et national.
Distantes, rares ou inexistantes avec ses prdcesseurs, avec lui, ces relations
taient devenues amicales, dcomplexes et parfois mme conviviales.
Son soutien, sa confiance et ses encouragements navaient jamais fait dfaut aux
moments les plus cruciaux de la vie de la recherche et de lexploitation minires au BRPM
et dans ses filiales.
93
recherche, faisant passer nos chantiers de recherche lgers de vritables entreprises
dotes de moyens logistiques appropris et volus.
Ainsi, dans le secteur des travaux miniers, notre champ daction, tout en englobant le
domaine dintervention classique, sorienta rsolument vers la prparation et le
lancement des nouvelles exploitations (Tazalaght, Assif, Imider, Ouansimi, Talat, Naour,
Sel Mohammedia, Boumadine, Oumjrane) et les travaux extrieurs lentreprise pour le
compte de lONEP et de la Direction de lHydraulique (Barrages).
Eu gard la complexit des minerais, au niveau bas des cours des mtaux et
linsuffisance des infrastructures de base (route, lectricit, eau), la poursuite des tudes
de mise en valeur des gisements prcits fut diffre plus tard.
En plus de mes activits au BRPM, je fus appel assurer les cours dexploitation des
mines et dconomie minire lEcole Nationale de lIndustrie Minrale, me donnant
loccasion de maintenir le contact avec le monde tudiant et dapporter ma contribution
la formation des futurs cadres du secteur minier national.
Inscrit dans cette mouvance, je fus appel, aprs dix ans dactivit, quitter les
Travaux Miniers aprs avoir engag une vritable mutation dans les mthodes de travail
et pass le relais Chaba, ingnieur comptent, srieux, mritant, et comme moi,
imprgn des mmes soucis de production, de productivit, mais aussi rceptif aux
aspirations et aux revendications lgitimes du personnel des chantiers.
Mais en partant, convaincu davoir tiss des relations confiantes et amicales avec
toutes les catgories du personnel (ingnieurs, techniciens, agents de matrise, employs
et ouvriers), je navais pas oubli tous ceux qui avaient perdu la vie sur les pistes et les
routes, sur les carreaux des chantiers, dans les travaux de fonage des puits, de
chemines et de bures, dans les creusements de galeries, au service du BRPM, de la
recherche et du dveloppement miniers.
94
Ainsi, aprs des annes dans la recherche, les tudes minires et le lancement des
projets, linsertion dans le domaine des exploitations, des participations et de la
commercialisation fut une suite logique du droul de ma carrire professionnelle.
Avec Lhatoute, nous avons dmarr en trombe pour relever les dfis, conscients
quune action de longue haleine nous attendait, et que les dtracteurs, toujours lafft
et tapis dans les nombreux recoins, taient prts nous dnigrer au moindre faux pas
dans la conduite et le suivi des affaires minires du Bureau.
Loin des discussions striles et des conciliabules dans les bureaux feutrs, je mtais
attel la tche comme au 1er juillet 1964 mon entre au BRPM.
Plusieurs missions Comabar et la Chrifienne des Sels avaient montr les lacunes
dans les activits de ces filiales o, seule la mise en place dune structure adapte, tait
de nature rpondre au besoin defficacit dans la gestion.
A Sel Mohammedia, javais suivi, avec quelques svres anicroches avec les
gestionnaires de la Socit, Sekkat, lactivit de fonage du puits dextraction, centre
nvralgique de la future exploitation de sel.
Le puits fut ralis avec plusieurs mois de retard sur les prvisions.
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A la Cadetaf, la situation ntait pas reluisante car le secteur artisanal dans les
secteurs dErfoud et Bni Tadjit traversait une priode difficile.
Dans la zone de Bni Tadjit connue pour ses riches gisements de plomb et de zinc, la
Socit dEtudes Minires du Haut Guir et Penarroya avaient opr jusquen 1953, puis
pass le relais aux artisans.
Dans cette nouvelle situation, les deux socits prcites staient orientes vers
lachat de leur production aux artisans, et en leur apportant une assistance technique
sous forme de creusement de puits et de chemines, de fourniture de petits matriels et
dapprovisionnement en explosifs.
Ce systme qui procurait aux deux socits dapprciables bnfices moindre frais,
avait amen lAdministration des Mines soustraire la zone minire de Bni Tadjit de
lexploitation honte des artisans et tendre en 1970 lactivit la province de Figuig
(lancienne Cadet devenant Cadetaf).
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Une entreprise de Dveloppement Minier :
La SODECAT
Tazalaght
Dans un lieu daccs difficile, perch plus de 2.000 m daltitude, battu par les vents
glacs et sporadiquement soumis de fortes chutes de neige en hiver, lentre en
production de la laverie en septembre 1974 avait ncessit lorganisation des quipes, le
dmarrage de la centrale lectrique, des ateliers, des magasins, du laboratoire, la gestion
du village, lexploitation ciel ouvert des anciennes haldes datant de plusieurs sicles,
Javais mis un point dhonneur relever le dfi en assurant une gestion rigoureuse de
lexploitation en matire de politique salariale, dapprovisionnement, de suivi et de
contrle prcis et quotidien de toutes les installations industrielles.
Mais surtout, SODECAT, nous avons constamment veill, avec Boujema, former
une gnration de jeunes professionnels du traitement, et tout entreprendre pour viter
lexploitation de souffrir des ruptures dapprovisionnements en consommables et de
mauvais services de maintenance des quipements en place, notamment la laverie et
la centrale lectrique
En peu de temps, bnficiant dun climat social serein et stabilis, nos quipes
orchestres par Boujema, avaient atteint le but assign en parvenant matriser les
oprations de traitement, malgr les sarcasmes de lquipe du Laboratoire de Rabat qui
avait initi le projet et qui ne concevait pas que dautres en assurent la gestion, puis plus
tard le dveloppement.
Lexprience acquise dans le traitement des haldes cuprifres, nous poussa oprer
des modifications dans le circuit de flottation des minerais oxyds et remplacer certains
matriels jugs obsoltes et peu fiables.
Un lot de 3.000 tonnes de concentr 34% cuivre fut expdi Agadir pour
lexportation, venant mettre fin aux discussions striles, la science infuse de Moftah et
aux insinuations dmesures quant notre incapacit grer avec professionnalisme une
unit denrichissement.
Avec Boujema, aux commandes sur place, nous formions une quipe soude, fonde
dabord sur une longue amiti rciproque, remontant 1964 mes dbuts Irherm, mais
aussi sur le souci partag de conduire un projet de valorisation de nos ressources
97
minires nationales, crateur demplois et de richesses dans le secteur dmuni de lAnti
Atlas du Sous.
Par ailleurs, je navais jamais mnag mes efforts pour assurer la promotion des
autres agents de lexploitation et pour tre au diapason des revendications de nos agents,
et mme de les devancer plusieurs reprises.
Que de fois, comme du temps des Travaux Miniers, je partais de Rabat, tard le soir,
pour prendre lavion de Casablanca sur Agadir o un vhicule mattendait pour me
conduire immdiatement aprs Tazalaght o jarrivais trs tt le matin.
Aprs la visite de tous les secteurs dactivit et des contacts directs et informels avec
le personnel, je repartais sur Agadir, souvent confiant et serein pour lavenir de la jeune
exploitation de Tazalaght.
****
Au cours du premier trimestre 1975, eut lieu linauguration officielle du centre
dexploitation, sous la prsidence effective du Ministre charg des Mines, Ghissassi, en
prsence du Directeur Gnral Guessous et des autorits locales et provinciales.
Ainsi, le bruit des engins de carrire, des concasseurs, des broyeurs et de la centrale
lectrique, tait venu perturber le profond silence rgnant depuis des sicles sur cette
contre drape de calme et de srnit.
Les effets induits de cette nouvelle activit industrielle navaient pas tard se faire
sentir dans toutes les valles environnantes avec lapparition des petits commerces et la
monte en puissance des moyens de transports.
Les hivers rigoureux et les fortes chutes de neige ntaient plus des priodes
cauchemardesques dans cette zone o le printemps est la saison idale, colore par les
amandiers et les pchers en fleurs, lt tant relativement doux et la temprature
dpassant rarement 30.
98
Lacquisition de nouveaux matriels de concassage, suivie de lextension du circuit
de flottation par adjonction de cellules conues, fabriques et montes aux ateliers de
lexploitation, avait amlior les ratios techniques de lusine.
Avec lpuisement des haldes des diffrents secteurs, lavenir et la dure de vie du
centre dpendaient de lexploitation des rserves en place par louverture dune carrire
ciel ouvert et lamorce de travaux en subsurface.
Ainsi, fut entame une campagne de recherche souterraine pour reconnatre laval
des anciens travaux de la structure anticlinale de la srie de base adoudounienne
stratiforme, oriente Nord-est.
Ces travaux seront suivis plus tard par des sondages verticaux pour localiser trois
niveaux de minralisation, dnomms gtes (gte O exploit par les anciens, gte I
stratiforme dans les siltstones, considr comme le plus important et gte II dans les
grs suprieurs).
***
A Tazalaght, fin 1979, un grand malheur tait venu frapper de plein fouet
lexploitation, suite au dcs subit de Boujema, terrass en pleine activit par une crise
cardiaque, laissant un norme vide difficile combler.
La nomination dun gologue de bon aloi, Mouniri, second par des quipes de
traitement et dentretien de valeur, avait continu maintenir la stabilit et la quitude
99
ncessaires en phase dpuisement des haldes et de production de minerai frais, et
perptuer le souvenir de Boujema au sein du personnel.
En Iran,
Comme convenu avec le reprsentant de SALA, Ronkvist, lors de son sjour Rabat
en mars 1975, javais entrepris une mission en Iran en mai 1975, accompagn par Rabit,
responsable du Dpartement Matriel minier dAtlas Copco Maroc et ami de longue date.
Aprs le transit par laroport Roissy et une escale Nice, nous sommes arrivs de
nuit Thran laroport Mharabad, aprs un atterrissage terrifiant, suite un violent
orage sur le mont Elbrouz ( 4.150m daltitude) dominant la ville.
Accueillis par le reprsentant dAtlas Copco en Iran, Irani Jad, nous fmes installs
dans un htel bruyant au centre ville, sans pouvoir dormir de toute la nuit.
Le lendemain, au sige dAtlas Copco, Irani Jad nous reut avec une amabilit
exquise et organisa, pour notre grand plaisir, un tour de ville et de ses environs, guids
par un Iranien originaire du Baloutchistan.
100
Ce fut tout dabord une premire visite dans limmense Bazar bond de prcieux tapis
en soie et laine renomms mondialement.
Le Bazar, anim, affair et bouillonnant, domin par les magnats enturbanns des
grandes places de vente et dexposition de tapis, est le vritable centre de gravit et le
pouls de la vie conomique iranienne,
Pour Thran, le Grand Bazar est autre chose quun simple centre commercial, car
tout au long de ses 10 km de ddales, de passages couverts, lopinion publique se modle
et se construit en permanence.
Un gouvernement ne pouvait durer et une loi navait de chance dtre adopte que
sils avaient lassentiment du Bazar.
Celui qui domine le Bazar domine de fait lIran , nous dit notre accompagnateur,
connaisseur du monde de la finance et des transactions sur les tapis de qualit qui font la
rputation de son pays, en plus du ptrole, du gaz et du caviar de la Mer Caspienne.
Nous fmes subjugus par la varit des tapis de soie et de laine et par les
immenses talages de ces prcieux produits.
La visite dun atelier souterrain de fabrication de tapis nous avait fait dcouvrir
lexploitation inhumaine des fillettes aux mains expertes dans le travail de la laine et de la
soie, derrire des mtiers rudimentaires.
Ensuite, nous sommes alls, en traversant la grande mtropole iranienne, aux jardins
du Palais de Golestn, demeure du Shah in Shah, Reza Mohamed Pahlavi, fils de Reza
Chah, ancien gnral cosaque fondateur en 1925 de la dynastie des Pahlavi, aprs avoir
limin celle des Qdjrs.
Le Palais, immense domaine install sur les contreforts du mont Elbrouz, dans un
environnement de rve, dsert en priode dt par la famille impriale en villgiature
sur les bords de la mer Caspienne, talait les fabuleuses richesses, les fastes et les
magnificences de lEmpire perse.
Le dtour lUniversit de Thran nous avait fait dcouvrir un vaste campus quip
de centres de recherches ultra modernes embrassant toutes les disciplines.
Accroupis sur des nattes, prs du bruissement des eaux en provenance de lElbrouz,
lombre des platanes, parmi les familles iraniennes, nous avons dgust le th
accompagn de gteaux au miel et aux pistaches.
101
Notre hte Irani Jad, eut la dlicatesse de nous en faire goter au foyer de sa socit,
au dernier soir de notre sjour.
Aprs Thran, par un vol des lignes intrieures iraniennes, en compagnie de notre
guide, nous avons rejoint Ispahan la deuxime grande ville dIran, centre culturel de
notorit internationale, au charme envotant, connue pour ses mosques, ses medersas,
ses palais et son Grand Bazar, cerne de toutes parts par un dsert profond, parsem de
chotts sals.
Grande base arienne de larme de lair iranienne, abritant des escadrilles davions
de chasse amricains F14 Phantom, Ispahan rpute pour ses monuments du 11 au 18
sicle, dont la Grande Mosque Bleue darchitecture sfvide, est une ville ayant domin
lhistoire de lempire perse musulman.
Nous avons visit le Bazar, le palais de Shah Abbas et les belles mosques bleues,
devant lesquelles on ne peut sempcher de penser la priode faste de la civilisation
musulmane ayant domin toute lAsie Centrale et les confins chinois.
Notre priple nous mena ensuite, bord dune voiture cabosse, Nan, bourgade
constitue de masures en pis, ne refltant aucunement la richesse enfouie dans ses
ateliers de tapis de soie rputs.
De Nan, par une piste carrossable travers une contre dsertique nous avons t
la mine de cuivre de Talmassi, 200 km lEst dIspahan.
Le site, noy dans les immenses espaces monotones, du type hamada, o des
troupeaux de chameaux paissaient paisiblement prs des carrires dexploitation de
minerai et des installations de traitement, rappelle trangement Oumjrane.
La laverie mobile SALA, tait l, implante ciel ouvert dans un dcor lunaire,
proximit des haldes danciens travaux remontant 1950.
Aprs la visite approfondie des lieux, sous un lger nuage de poussire ocre, et une
longue sance de discussions et dchanges de points de vue, les responsables du centre
nous avaient fourni diligemment toutes les informations sur lunit mobile (capacit de
traitement, rendements, maintenance, pices de rechange) et fait part des problmes lors
de lacheminement, de la mise en place et du dmarrage.
Les techniciens iraniens ayant eu le temps ncessaire pour la tester sur un tonnage
important de minerai reprsentatif du gisement de Talmassi, taient satisfaits des ratios
de traitement obtenus et de la qualit des concentrs produits.
Nous avons repris le chemin de Nan aprs le djeuner, et rejoint Thran par avion
de nuit partir dIspahan, aprs une dernire escapade pour visiter dautres chefs
duvre de larchitecture sfvide.
102
Dans ce contexte et dans leuphorie des prix du ptrole, lIran avait lanc un vaste
programme de diversification et de valorisation de ses ressources minires (notamment
plomb, cuivre, zinc et barytine).
Ainsi, au plan des petits gisements, lacquisition de cinq units mobiles avait t
dcide par lAutorit responsable des Mines.
Dans son ensemble, le climat en Iran est de type continental, sec et chaud en t,
rigoureux en hiver, et surtout dans la partie au Nord.
LHistoire a prouv que lIran, malgr la ceinture des massifs montagneux qui
lenferme, a jou un rle de carrefour des civilisations et demeure un creuset o se sont
mlangs, Mongols, Turcs, Grecs, Arabes, Kurdes, Afghans, Bloutches, Tadjiks,
Turkmnes. Une vritable mosaque des peuples !
Les paysans constituaient la classe la plus nombreuse dont la vie tait centre sur
leau ; lautre extrmit de lchelle sociale, les mille familles dominaient la vie
conomique et notamment la proprit foncire.
Entre les deux, une classe moyenne (commerants du Bazar, mollahs, petits
fonctionnaires, employs de banques) faisait lopinion publique.
LIran tait une monarchie hrditaire, avec comme souverain, Mohamed Reza
Pahlavi, mont sur le trne en 1941, aprs labdication de son pre Reza Chah, et
couronn Empereur en 1967 loccasion dune grandiose crmonie Perspolis, comme
pour rappeler et magnifique lancien Empire perse.
Nous avons constat la mutation profonde en cours dans une socit gagne par le
ngoce, baignant dans les normes recettes ptrolires et ouverte aux ides modernistes
du monde occidental, et surtout anglo-saxon.
103
En Sude
Ce fut pour moi mon deuxime voyage en Sude, le premier remontant 1963 avec
un passage Malm, alors que jtais encore tudiant lEcole Mohammedia.
Stockholm, ville fonde en 1250, port actif et centre industriel, stendant sur
dinnombrables les et presqules du lac Mlaren et de la Mer Baltique, est connu aussi
pour ses muses et ses Universits.
Aprs notre installation lhtel Sheraton et un petit tour de ville, nous avons
rintgr lhtel, transis de froid et bien tristes lide du lendemain dimanche.
La ville de Stockholm sera bien vide demain, je propose daller faire un tour au bord
de la Mer Baltique , me dit Rabit bien dsol de la situation et gn du peu dgards des
responsables de SALA pour un visiteur, client potentiel de surcrot.
Ne pouvant en week end oprer le change officiel de monnaie, Rabit fouilla ses
bagages et ses poches pour retrouver quelques couronnes sudoises, nous permettant
ainsi demprunter le petit train de banlieue entre Stockholm et la Mer Baltique toute
proche, et dguster rellement pour loccasion des hots dog que les mouettes venaient
nous disputer sur les bancs.
Aprs un accueil anodin, mais courtois, notre visite fut centre sur les ateliers de
fabrication des quipements denrichissement par flottation, la mise au point des
mthodes de maintenance, pour se terminer la station de traitement pilote.
Pour le management de SALA, jtais un visiteur ordinaire venu sinformer sur les
quipements, sans plus.
Aprs des discussions approfondies sur les performances de lunit mobile SALA, le
rseau des ventes travers le monde et une sance de projection de films, javais fait part
mes interlocuteurs, en fin de journe, de ma dcision de signer une lettre dintention
dachat ferme.
Sur la base de nos informations, SALA tait confiante quant aux rsultats attendus
dans la valorisation du minerai dAssif Imider.
Nous avons convenu dune offre ferme de SALA avant fin mai 1975, programm la
signature du contrat fin juin Rabat et la livraison des quipements en t 1976,
priode de lanne correspondant la fin de lensemble des travaux souterrains et
lamnagement des services jour Assif Imider.
****
104
Aprs la Sude, javais rejoint Dsseldorf, Sekkat, Directeur de la socit de Sel
Mohammedia et Gros Lafaige, responsable des services jour de Kettara, pour laborer et
fixer avec la socit GHH les conditions de livraison dune machine dextraction et
dengins de chargement diesel pour lexploitation souterraine de sel.
***
Comme prvu, nous avons reu loffre de SALA fin mai 1975, Ronkvist tait venu
fin juin signer avec nous le contrat dachat de la laverie mobile, en prsence de Diouri,
Secrtaire Gnral du BRPM.
Les Sudois de Sala staient montrs dans nos relations des partenaires srieux,
fiables, disponibles pour intervenir efficacement dans la rsolution des problmes qui ne
leur taient pas toujours imputables.
Aussi, avais-je veill durant plus de six ans de contacts fructueux, maintenir avec
eux les meilleures relations possibles, notamment avec le premier responsable du
Dpartement Equipement, Malmgren, devenu un vritable ami et qui, avec sa femme
dorigine japonaise, nous avaient reus en famille, un soir dhiver enneig, son domicile
dans la ville de Sala.
****
Au cours de la premire quinzaine de juin 1975, rpondant une invitation dAtlas
Copco, avec Lhatoute et Chaba, nous avons entrepris une tourne dans les grandes
mines sudoises d'Orobro, Falun et Kiruna.
A Kiruna en Laponie, nous sommes arrivs minuit sous un soleil radieux, dans un
merveilleux environnement de forts et de lacs, et installs dans des chambres dhtel
aux rideaux noirs pour crer une ambiance dobscurit.
Sans pouvoir dormir, deux heures du matin, sous un soleil demi voil, nous nous
tions retrouvs tous les trois, arpentant les rues dsertes de la petite ville du Grand Nord
sudois, au-del du cercle polaire.
Notre sjour studieux en Sude, nous avait permis dapprcier les progrs accomplis
dans les domaines de la foration, du chargement, des mthodes dexploitation et de la
productivit.
Dans toutes les mines visites, les moyens utiliss avaient confirm le haut niveau
dvolution des technologies minires sudoises.
De passage la socit SALA, javais rencontr les responsables pour examiner ltat
davancement de la fabrication de la laverie mobile destine Assif Imider, les moyens de
renforcer notre coopration dans le domaine du traitement des minerais et la fourniture
dautres quipements pour les futurs projets de mise en valeur par SODECAT des petits
gisements de cuivre dans le secteur du Bougaffer.
Au cours de nos discussions, javais retenu que SALA avait fourni une laverie mobile
en Yougoslavie sur un gisement dantimoine pour mettre au point les mthodes
denrichissement sur la base dune capacit journalire de 200 tonnes.
Sur la base de ces informations, javais envisag de me rendre dans ce pays pour
conforter davantage notre choix pour Assif Imider.
En Yougoslavie
Cest ainsi quaprs lIran et la Sude, et joignant lutile lagrable au cours de mon
cong annuel, javais effectu un sjour en Yougoslavie, organis avec le concours
bienveillant de Yovanovich, expert financier, responsable de nos activits comptables,
originaire du pays du Marchal Tito.
105
Mon priple avait dmarr Belgrade, o mon arrive, je fus accueilli par Madame
Yovanovich, pouse du responsable comptable et financier de nos socits.
Par la suite, seul bord dune voiture de location Renault 12, javais entrepris, un
priple de 2.500 km qui mavait conduit la mine dantimoine de Raytchevagora, situe
proximit de la ville de Brusse, en Yougoslavie centrale.
Quittant Brusse, longeant le littoral de la mer Adriatique domin par les chanes
Dinariques et prcd de nombreuses les, jtais pass Pristina puis Titograd,
principale ville, centre universitaire et dindustrie de laluminium du Montngro.
Plus au nord, javais fait un dtour par Split (Spalato), centre de constructions
navales, avant de pntrer en Bosnie Herzgovine, o les villages avec leurs mosques
rappelaient que lon se trouvait dans une rpublique musulmane.
Javais pass une nuit lHtel Europe Sarajevo, ville connue pour tre le thtre
du meurtre de lArchiduc dAutriche en 1914, prlude au dclenchement de la Premire
Guerre Mondiale.
Je fus tonn par la pit de la population et garde toujours en souvenir mon entre
la mosque prs de lhtel, et linsistance du mufti me voir faire mes ablutions avant
de pntrer dans la salle de prires.
Aprs un bref passage Belgrade, javais gagn Istanbul sur le Bosphore et la mer de
Marmara pour un voyage dagrment de quelques jours.
-que la laverie mobile SALA, sans tre la panace universelle et la clef magique de la
mise en valeur des petits gisements parpills au Maroc, tait un choix judicieux pour
traiter les minerais dAssif Imider et des gisements du Bougaffer, condition dassurer un
106
suivi permanent des oprations de traitement et de mener une lutte sans merci contre le
gaspillage et les dpenses ostentatoires.
Conformment au contrat, la laverie mobile SALA tait arrive en juillet 1976 au port
dAgadir et achemine avec clrit sur place, en moins de trois jours.
Malgr notre responsabilit avre dans ce fcheux incident, SALA, pour marquer sa
bonne disposition, avait fourni gratuitement un nouveau moteur, en express par avion, la
laverie nayant t immobilise que durant trois jours.
A fin 1976 et dbut 1977, la scheresse persistante ayant tari les sources, nous fmes
contraints, durant deux mois, de transporter par gros camions citernes du BRPM, leau
dappoint pour la laverie partir des sguias de Taroudant 50 km.
Les priodes de pluies en hiver et les dbits relativement importants partir des
forages profonds staient traduits par des performances et des rsultats apprciables de
lunit mobile.
Au plan minier, par suite de la mauvaise tenue des terrains entranant des
boulements dans les chambres, la mthode dexploitation souterraine en chambres
magasin fut abandonne au profit de lexploitation ciel ouvert dans les zones sud du
gisement qui se rvleront riches en minerai de cuivre argentifre facile traiter.
107
A la fin de lanne 1977, Lalaoui, sa demande, fut remplac par Hasnaoui, laurat
de lEcole Mohammedia, ancien ingnieur des mines dAouli, second par un jeune
conomiste Oulali, volontaire et disponible en permanence.
Plus tard, avec le dpart prcipit de Benabbou, chef du centre dImiter, Hasnaoui fut
appel assurer sa relve, laissant la responsabilit dAssif Imider Oulali, cadre
connaissant le mieux lexploitation, vivant les problmes quotidiens, prsent
constamment pour les affronter, second par un jeune ingnieur laveur et par des quipes
de plus en plus aguerries.
****
Tazalaght et Assif Imider resteront dans les annales du BRPM comme des petites
exploitations ayant permis lclosion dune nouvelle gnration de laveurs et de
gestionnaires de chantier, pour lesquels le travail srieux, continu et dtermin fut la
seule raison dtre.
Je tiens ici leur rendre hommage et saluer encore une fois la mmoire de
Boujema qui fut le vritable prcurseur des techniciens laveurs et le plus grand
contributeur la russite des premiers pas de SODECAT Tazalaght.
108
Une mine exceptionnelle : Imiter
La reprise de lexploitation
Le gisement argentifre dImiter, situ dans le cercle de Boumalne (province
dOuarzazate), localis sur le flanc nord du Jbel Saghro, une altitude de 1.400 1.500m,
avait fait lobjet dexploitations remontant aux 8 et 9 sicles, comme en tmoignaient
des centaines de milliers de tonnes de haldes.
Exploit de 1951 1956 pour le plomb par la Socit de lAtlas Marocain, filiale de
Penarroya, il fut vite abandonn par suite des rsultats dcevants.
Les recherches furent reprises en 1962 par le BRPM pour explorer par sondages
inclins les avals des anciennes excavations, puis cuber et chantillonner les haldes.
Dans une premire phase, il passa commande des quipements de traitement par
cyanuration la socit hongroise NIKEX, et dans une deuxime phase, il entreprit par
ses propres quipes les travaux de gnie civil de lusine et des sections auxiliaires
(centrale, magasins, logements, bureaux).
Alors que nos quipes de travaux miniers, diriges par le surveillant mineur Meskine,
ralisaient le gnie civil de surface et les divers terrassements, on nous intima lordre, en
haut lieu au BRPM, de quitter le chantier aprs les congs de rcupration et de nous
replier sur les autres centres de recherche minire de Boumadine, Oumjrane et du
secteur CADET.
Au cours du premiers semestre 1970, une convention fut conclue avec le Groupe
ONA, le chargeant de poursuivre et dachever le montage du projet puis de le grer durant
cinq ans, dans le cadre dune socit anonyme, la Socit Mtallurgique dImiter (SMI),
au capital dtenu hauteur de 69% par le BRPM et 31% par le Groupe ONA.
Il le fit faire savoir officiellement lONA qui cria, sans raison, la violation des
accords et latteinte lthique en matire de relations minires.
109
Vous voulez reprendre et assurer la gestion de SMI, eh bien allez-y, je vous
souhaite du courage , leur lanant un vritable dfi quils taient obligs de relever,
advienne que pourra.
Au cours dune runion avec Arnodeau, directeur du centre depuis plusieurs annes,
et lensemble du personnel, et aprs une intervention introductive de Bouteloup, javais
pour ma part, insist sur la ncessit de maintenir la cohsion des quipes dans le strict
respect des engagements pris par le Groupe ONA.
Assurer la marche continue des installations durant cinq ans, sans interruption et
perturbation, est une preuve de bonne gestion et dune grande expertise
professionnelle , avais-je dit pour marquer notre bonne apprciation de la gestion des
quipes de lONA Imiter.
Une autre phase de la vie dImiter avait commenc sous de bons auspices.
Ds lors, en tant que nouveaux gestionnaires, nous avons mis un point dhonneur
relever le dfi en assumant nos responsabilits avec fermet, rigueur, quit, mais aussi
sans complaisance.
Dans un esprit de conciliation, et pour viter toutes les susceptibilits et assurer une
transition apaise, la responsabilit du centre dImiter fut confie De Saint Ours,
ingnieur la Division des Exploitation, des Participations et de la Commercialisation
(DEPC) au BRPM, dorigine franaise.
110
De Saint Ours sacquittera de sa tche avec beaucoup de comptence, de discrtion
et un sens du devoir remarquable, tout en sachant quil tait l pour assurer seulement
une transition apaise de courte dure.
Ds le dpart, pour assurer une bonne gouvernance du centre, les contacts et les
relations avec lensemble du personnel furent frquents, francs, loyaux et transparents
pour btir solidement la confiance entre lensemble des intervenants.
Pour galvaniser les nergies, les engagements pris furent tenus sans rserve,
montrant les capacits du BRPM grer, organiser les affaires et rivaliser pacifiquement
avec le secteur priv dans tous les domaines.
Malgr les apprhensions, lanne 1975 sacheva dans le respect des prvisions
budgtaires de production de prcipit dargent arrtes par lONA, et surtout sans drive
des charges dexploitation.
Les rsultats obtenus, reconnus avec fair play par nos partenaires, furent le fruit de
la comprhension et du dvouement des quipes sur place, mais aussi de la participation
efficace des services centraux de Rabat, double de la confiance totale de la Direction
Gnrale du BRPM pour piloter lentreprise.
Dbut 1976, aprs une relve en douceur comme prvu, De Saint Ours fut rappel
comme convenu la Division des Exploitations des Participations et de la
Commercialisation Rabat, et remplac par Benabbou, ingnieur mcanicien, laurat de
lEcole Mohammedia, homme dordre et comptent, issu du secteur priv Casablanca,
qui se dmena corps et me pour justifier la relve dun expatri franais mritant et
coopratif souhait sous tous les angles.
Le relais entre les deux responsables de lexploitation stait opr dans la dignit et
lamicale considration.
De Saint Ours fut flicit publiquement par le Directeur Gnral du BRPM, Guessous
pour avoir assur une transition de gestion sans le moindre incident avec nos partenaires
du Groupe ONA.
Prenant en considration les rsultats positifs des sondages BRPM des annes 1960,
et de la distribution erratique de la minralisation argentifre, ignorant la fameuse
111
thorie de Grappes affirmant le non enracinement de la minralisation au-del de la
Grande Carrire des Anciens, ce programme ambitieux visait la reconnaissance de laval
des vieux travaux dartisans dans la Grande Carrire, par un vaste programme de puits et
galeries, avec plusieurs niveaux dintervention.
Tous les produits des travaux (voles davancements en galeries, longs trous,
saignes) taient chantillonns systmatiquement et analyss avec diligence au
Laboratoire pour orienter les recherches en extension vers lOuest jug favorable pour la
continuit de la minralisation.
Ainsi, instruits des rsultats positifs des travaux de recherche ds la premire anne,
nous avons dvelopp le programme de recherche malgr le scepticisme de Meune,
Directeur Gnral de lONA.
Meune avait fustig avec force, lors dun conseil dadministration, notre enttement
vouloir rechercher de largent laval des vieux travaux, alors que des indices
prometteurs dargent natif furent dcouverts 75m laval de la Grande Carrire, aprs
le fonage du puits suivi de la reconnaissance par galeries.
Nous avions fait fi des remarques dsobligeantes de Meune en poursuivant avec plus
de dtermination, la reconnaissance du gisement en extensions Est et Ouest, 200m de
profondeur sous la Grande Carrire.
Avec lvolution favorable des travaux de recherche, nous avons dpass la phase de
transition avec les haldes pour pntrer dans le monde de la future mine.
Les travaux miniers furent minutieusement mens tous azimuts, lEst, lOuest, en
extension et en profondeur, et les produits de recherche systmatiquement analyss pour
orienter la recherche et fixer les objectifs.
Dans cet environnement attractif pour certaines personnes sans scrupules, pour
lutter contre les disparitions et les subtilisations des plaques dargent natif, nous fmes
obligs dinstaurer une surveillance rapproche et un contrle svre de tous les agents
la sortie des travaux souterrains.
Des quipements appropris, analogues ceux mis en service dans les aroports,
furent utiliss pour exercer ce contrle.
112
Cette dernire ayant continu fonctionner sans arrt et sans perturbation, des
amliorations furent apportes aux circuits des eaux mres (charges dargent) et des
eaux uses en liminant dfinitivement le phnomne dentartrage des tuyauteries.
Les campagnes dessais industriels sur du minerai frais, en collaboration troite avec
Kriaa, chef du le Dpartement Valorisation minire du BRPM Rabat, et aprs de
multiples mises au point, avaient abouti des rsultats satisfaisants quant aux diffrents
ratios de traitement, la rcupration de largent et du mercure.
Ainsi, fut introduit dans le process de production des prcipits dargent, un systme
ingnieux et simple combinant le chauffage des prcipits, la circulation des gaz et le
refroidissement travers un serpentin.
Dans lambiance de ces amliorations Imiter, et pour donner plus de plus value
nos produits, au niveau commercial, notre principal client suisse, INCONTRA, nous
proposa la fourniture gratuite dun four de fusion pour obtenir directement des lingots
plus de 98% dargent.
Par ailleurs, la demande de la Direction des Mines, nous avons procd la vente
de deux tonnes dargent en grenaille aux artisans de Marrakech, Casablanca et Fs pour
tester la qualit du mtal produit localement.
Mais par la suite pour des raisons fiscales lies aux exonrations des exportations de
la SMI, les ventes locales furent stoppes.
Au cours du premier semestre 1977, des essais dexploitation dans les zones de
puissances minralises leves furent lancs pour tester la tenue des terrains, valuer la
dilution et trouver un guide fiable pour le mineur, lui vitant la ralisation de travaux
davancement onreux.
113
Le grand souci, maintes fois exprimes, de voir lpuisement des haldes suivi de
larrt dfinitif de lusine de cyanuration, tait jamais rvolu.
Le dmarrage dune vritable mine tait pour bientt, et la dure de vie dImiter en
tant quexploitation minire assure pour des dcennies.
Avec Benabbou, nous avons travaill et coopr ensemble, dans lamiti et lestime
rciproques, durant ses trois annes de responsabilit assures pleinement et avec
efficacit Imiter.
Avec larrive de Hasnaoui, ingnieur des mines, lactivit jusqu'alors concentre sur
la reprise des haldes en voie dpuisement, et lusine de cyanuration, stait dplace vers
les travaux souterrains, nouveau ple crateur demplois et gage davenir et de la
prennit du centre dexploitation dImiter.
De son ct, le Groupe ONA avait reconnu avec fair play la qualit de notre gestion et
la pertinence de nos programmes de recherches souterraines.
Lampleur des travaux de recherche, le niveau lev des rsultats financiers dgags
et des dividendes distribus par lexploitation aux actionnaires, donna Imiter une aura
et une audience toutes particulires au sein du groupe BRPM et auprs de notre
partenaire, lONA.
Au plan social
Un effort sans prcdent fut consenti pour amliorer le niveau des salaires, la qualit
des logements et des installations scolaires et sanitaires, et faire participer tous les
responsables des sections la gestion du centre.
Ds lors, les mouvements sociaux inconsidrs eurent peu de prise, les problmes
tant rapidement examins et solutionns, dans le cadre dune concertation permanente
114
et transparente, devanant souvent les revendications et les proccupations des
reprsentants lus du personnel.
Tous taient venus constater de visu et sur le tas quune mine exceptionnelle tait en
train de natre grce la tnacit, au dvouement, labngation et au savoir faire de nos
quipes multiformes.
Missions lextrieur
Pour mieux coordonner les travaux miniers et les essais dexploitation la mine
dImiter et leur assurer davantage defficience, et pour renforcer la centrale lectrique
sollicite de plus en plus par le dveloppement minier souterrain, des missions furent
organises lextrieur.
La livraison dans les temps du groupe lectrogne de 900 KVa viendra point
nomm pour rpondre aux besoins croissants du centre dexploitation (jour et fond), en
attendant plus tard le raccordement au rseau national de llectricit.
En France, la mine de plomb de Saint Salvy, dans le Sud Ouest, nous avons
examin et analys une mthode dexploitation originale, mise en uvre pour les
dpilages de filons de grande puissance.
A Saint Salvy la mcanisation totale des oprations de foration, de minage et de
dblocage de la production, assurait une rcupration maximum de minerai produit.
Lexprience acquise Saint Salvy nous avait guids dans la mise au point de la
mthode dexploitation de nos chantiers souterrains Imiter.
115
En compagnie de Rabit dAtlas Copco, et aprs un transit par Tanger, Madrid et
Montral, nous sommes arrivs de nuit Mexico et installs dans un htel au centre de
limmense cit.
Ainsi, nous avons visit successivement les mines de San Martin, Sobre del Mar, Las
Torres et Perigrina et le secteur agricole dAnganguo.
Partout, nous fmes accueillis avec chaleur par les diffrents responsables des
exploitations qui nous avaient fourni toutes les informations relatives la recherche,
lexploitation et lenrichissement des minerais.
Le Mexique est connu pour tre le premier producteur mondial dargent, devant les
Etats-Unis, le Canada et lAustralie,
En joignant lutile lagrable, nous avons dcouvert un beau pays attachant, qui,
dans sa partie septentrionale, rappelle trangement les rgions dOuarzazate et
Errachidia, sans les palmiers, avec le mme climat semi-aride, les montagnes dnudes et
les buttes tmoins reconnaissables dans les films western.
Le Mexique, outre les grandes ressources de son sous-sol (argent, or, cuivre, plomb,
zinc, fer, ptrole et gaz) produit du caf, coton, mas, tabac.
Dans cette ville immense, dtruite par le conquistador Corts en 1521, puis
reconstruite en damier, on passe trs rapidement des quartiers rsidentiels pour
milliardaires aux bidonvilles les plus sordides.
Le centre ville ar, avec ses larges avenues et ses vastes jardins, abrite le fameux
muse dAnthropologie aztque de renomme mondiale, la Cathdrale de la Vierge noire,
les monuments de lpoque coloniale espagnole de la priode allant du 16 au 18 sicle.
116
Nous avons fln loisir sur la grande place de lIndpendance avant daller le soir
couter les mariachis et dambuler la lagunia, grand bazar dbordant dantiquits,
o le marchandage tait vivement conseill pour nouer des relations avec les habitants.
Nous avons visit, non loin de Mexico, les pyramides de Titihuacan et replong un
instant dans lempire aztque connu pour son criture idographique et ses sacrifices
humains empreints de syncrtisme religieux.
Ici, on sacrifiait les plus beaux jeunes hommes , nous avait dit le guide au
sommet dune des pyramides, en nous montrant, sans la moindre gne, les rigoles ou
coulait le sang des victimes dun destin aussi cruel.
Le centre sud du Mexique est une zone de forts, peuples dIndiens pauvres,
domins par les minorits mtisse et espagnole, reprsentant 20% de la population.
Au terme de notre voyage mexicain et aprs une ultime attention dAtlas Copco, nous
avons rejoint Paris par avion Concorde, en vol subsonique jusqu Washington en raison
de la position amricaine de ne pas perturber lenvironnement, et en supersonique
jusquau dessus de lIrlande.
Dans les mines visites, nous avons surtout apprci le degr de mcanisation des
oprations de production et le faible taux de dilution dans les chambres dabatage des
minerais.
Les mines de lOntario produisaient de grandes quantits dargent et dor dans les
concentrs de plomb, zinc et cuivre, rcupres dans les fonderies et raffineries de ces
mtaux de base.
Par ailleurs, nous avons rencontr, leur demande, les responsables de la firme SNC,
intresss par lexploitation damiante au Maroc, notamment au gisement de Bou
Ouffrokh, dans le secteur de Bouazzer.
117
En Asie
Au Japon (Nippon)
Depuis plusieurs annes, le BRPM, dans le cadre de la cartographie gologique, de la
recherche minire et du dveloppement minier, avait entretenu dexcellentes relations
avec la Japan International Cooperation Agency (JICA)
Prcdes par la venue au Maroc dun gologue mrite, Matsutoya (que javais
rencontr pour la premire fois sur le gisement de cuivre dAllous, prs dAssif Imider,
dans lAnti Atlas du Sous, en juillet 1968), plusieurs missions dexperts japonais taient
venues au Maroc pour concourir llaboration et ltablissement de cartes gologiques
et minires de grande qualit, relatives aux rgions dOuarzazate et Errachidia.
Lintrt accord plus tard par le Japon au secteur minier marocain stait traduit par
la participation effective de la Socit MITSUI au dveloppement de la mine de cuivre de
Bleda, et par linvitation rcurrente de responsables du BRPM pour un sjour au pays du
Soleil Levant.
118
Aprs un transit par Paris, une escale Moscou et le survol de la Sibrie, nous
sommes arrivs de nuit au nouvel aroport de Narita, accueillis par une dlgation de
JICA et conduits, aprs des formalits trs rapides, lHtel Minzu, immense btisse au
centre de Tokyo, envahi par les hommes daffaires, en chemise et cravate, ingurgitant en
groupe des pintes de whisky et profitent des occasions pour se divertir en gardant la
mme tenue.
Tokyo (ancienne Edo ou Yedo) capitale du Japon depuis 1868, port au fond dune
baie dans le Pacifique, grand centre industriel, administratif et commercial, nous avait
impressionns par la beaut de ses jardins paysagers, son Muse national, ses gratte-ciel
anti sismiques, ses nombreuses chemines daspiration des fumes dgages par
limportant trafic de vhicules.
Notre sjour dans la capitale nipponne nous avait montr la discipline des Japonais
tous les stades de leur vie quotidienne, lorganisation des multitudes descendant du
mtro sans la moindre ordure aprs larrt des rames, le respect du temps et des
programmes constamment observ par nos accompagnateurs habitant de longues
distances de notre lieu de rsidence.
Partout rgnent lordre et la discipline qui finissent par simposer mme au visiteur le
plus rcalcitrant.
Dans les faubourgs de Tokyo, nous avons visit des centres fabuleux de recherche et
dveloppement dans les domaines de la minralurgie, de la mtallurgie et de la protection
de lenvironnement, nouveau credo des Japonais.
Pour lhistoire, il faut rappeler que Tokyo fut rase partiellement par les
bombardements amricains de 1942 1945.
Le gnral Mac Arthur, devenu par la suite le vritable proconsul au Japon, imposa
ses dictats en rvisant la loi fondamentale qui rgissait la vie politique du pays, et en
instaurant une dmocratie loccidentale, lEmpereur Hiro Hito, demi-dieu, tant relgu
dans un statut honorifique et de respect.
Aprs Tokyo et les nombreux contacts officiels avec les organismes miniers japonais,
nous avons entrepris une tourne de plusieurs centres dintrt qui nous avait conduits
trs agrablement:
- dans des exploitations minires de plomb, zinc et cuivre dans la zone de Kameoka, trs
mcanises, visites en blouses blanches, sans la moindre souillure,
119
- en train grande vitesse (300 km/heure) Osaka, grand port, centre des industries
chimiques et lectroniques et des chantiers navals.
La ville dtruite par des tremblements de terre et des incendies, avait failli tre rase
par une bombe atomique amricaine en 1945, mais fut pargne par crainte dempcher
tout jamais toute rconciliation avec le Japon.
Nous avons admir les anciens palais impriaux, les magnifiques jardins tracs au
cordeau, le clbre quartier de Gion rput pour tre celui des geishas, avant dassister
plusieurs soires artistiques et culturelles, organises en notre honneur.
Kyoto, capitale des kimonos japonais, est considre comme le joyau culturel du
Japon et un centre de cuisine raffine (tempura, fruits de mer, hutres frites, sushi,
saumon grill et sal).
Les rgles draconiennes de lutte antipollution, dans les usines, les villages et les
villes, avaient constitu lobjet de toutes nos discussions techniques.
Le travail est une seconde nature du Japonais, trs srieux, poli et courtois, attach
son mode de vie, qui ne part en cong annuel que pour un maximum de deux semaines,
et jamais seul, car la socit japonaise ne connat pas lindividualisme loccidentale.
Le Japon est comme une immense usine flottante important les matires premires
du monde entier et exportant des produits manufacturs de qualit indniable pour tout
le monde.
Lactivit conomique est tourne aussi bien vers lexportation que vers la
satisfaction des besoins dun march intrieur de plus de 120 millions dhabitants.
Ladmiration quon peut ressentir pour le Japon provient du fait que cet archipel de
378.000 km, disposant de peu de ressources naturelles, se classe en deuxime position
120
dans lconomie mondiale aprs les Etats-Unis, et que son PIB correspondait celui de
lAllemagne, de la Grande Bretagne et de la France runies.
Dune faon gnrale, le Japon continuera dans les prochaines dcennies tre lune
des plus grandes puissances conomiques du monde, et tout en intgrant la modernit, il
saura garder son authenticit.
Aux Philippines,
Quittant les Amraoui Tokyo, nous avons fait une rapide vire aux Philippines, pour
apprcier lampleur des problmes de dveloppement que connaissait ce pays.
Archipel de lAsie du sud-est, form de plus de 7.000 les (les principales les sont
Luon et Mandanao) et lots dorigine gnralement volcanique, les Philippines possdent
des ressources minrales varies (or, argent, cuivre, chrome, fer) et agricoles abondantes
(riz, mas, coprah, tabac).
Manille dans lle de Luon, au fond de la baie, est le principal centre industriel,
commercial et intellectuel des Philippines.
Nous sommes arrivs Manille en pleine canicule, emptrs dans nos nombreux
bagages pour lesquels il fallait payer des frais de transport et de consigne importants,
avant de rejoindre le superbe Htel Intercontinental, au centre ville, entour de
merveilleux bosquets de palmiers et de cocotiers.
Un dplacement dans les environs de Manille, nous avait fait dcouvrir la beaut des
paysages dans une ancienne rgion volcanique et lintensit de la mousson dans cette
partie de lExtrme Orient.
De retour, sur demande apitoye dun prpos de lhtel, nous avons achet pour lui
des cartouches de cigarettes dans un duty free shop tout proche.
Pour nous marquer sa reconnaissance, il nous invita assister une fte familiale en
pleine campagne, une trentaine de kilomtres de Manille.
Par crainte dennuis hors de la capitale, nous avons injustement dclin cette
invitation, et nous le regretterons vivement le lendemain.
A Hong Kong
121
De Manille, nous avons rejoint Hong Kong, bord dun avion de la Cathay Pacific ; le
vol fut trs agit, car pour viter le survol interdit du continent chinois, lappareil fut
oblig de piquer du nez pour atterrir laroport de Hong Kong implant en bordure de
mer
Mon pouse se souviendra toujours de ce vol mmorable, et ds lors, elle aura une
aversion permanente pour les voyages par avion.
En Thalande
De Hong Kong, nous avons rejoint Bangkok, capitale de la Thalande, et installs dans
un superbe htel (Le Lusitani).
Bangkok, port actif prs de lembouchure du fleuve Mnam, est une grande ville avec
des monuments datant du 18 sicle, connue pour tre un centre de la prostitution des
mineures et la base arrire de repos des soldats amricains aprs les oprations militaires
en Indochine (Laos, Vietnam et Cambodge).
Nous avons visit le march flottant, le sanctuaire aux quarante bouddha, les
quartiers populaires et les nombreux magasins de pierres prcieuses et dorfvrerie.
Une soire artistique et folklorique remarquable organise par lhtel, cltura notre
court sjour Bangkok.
En Inde
De Bangkok, nous avons rejoint lInde par le vol dAir France, en partance sur Paris,
encombrs chaque jour davantage par nos nombreux sacs et valises de voyages bonds
de souvenirs glans au Japon, Hong Kong et Bangkok.
Delhi est compose de deux villes : New Delhi aux larges avenues et belles
constructions en grs rose o apparat la fameuse porte de lInde, et Old Delhi o lon
sent battre le pouls populaire avec ses nombreuses salles de cinma, ses rues encombres
de tricycles, de vieilles voitures et de gambardes dun autre ge.
122
Aprs notre installation au superbe htel du Taj Mahal, nous avons visit,
successivement, le Raj Ght, situ au bord du fleuve Yamuma, lieu dincinration du
Mahatma Ghandi, le Red Fort datant du 17 sicle, les monuments de type indo-
musulman des 13 et 16 sicles, la Grande Mosque et les marchs souterrains
foisonnant de victuailles, de cotonnades et de soieries des prix trs abordables.
A Delhi, on trouve de tout et tous les prix dans les nombreux bazars o loffre est
plthorique pour des produits de qualit (cashmere, soie, bijoux).
Nous avons constat lemprise des classes dans cet immense pays continent o la
religion hindouiste est reconnue responsable de la conservation partielle des clivages
sociaux hrits de la division en castes, rendant inutilisable lun des plus grands
troupeaux bovins du monde.
Avec effroi, nous avons vu New Delhi des femmes veiller leurs maris malades, et
squelettiques, tendus sur les gazons o se dbattaient tranquillement des vaches dites
sacres.
Un dplacement en car nous avait mens Agra pour admirer le Taj Mahal, lun des
lieux les plus visits au monde (17.000 entres quotidiennes).
A toutes les haltes dans les villages et en pleine nature au bord des routes, nous
fmes assaillis par les charmeurs de serpents exhibant des cobras, des vipres, des
singes, donnant froid au dos par leurs normes dimensions.
Sur notre route pour Delhi, en traversant la campagne indienne et aprs de multiples
arrts, nous avons constat lampleur des problmes de transport et dinfrastructures de
base (routes dfonces, utilisation forcene du btail pour les dbardages, moyens
mcaniques trs sommaires).
Le lendemain Delhi, aprs un tour au march des saris, nous avons quitt la
capitale indienne pour Djeddah, aprs un enregistrement sous le charme des nombreux
cafards laroport, alors quun cordon de police nous enjoignait de passer au contrle
sanitaire.
A La Mekke
Aprs la multitude indienne, notre voyage stait poursuivi avec une longue escale
laroport de Kowet City, sur la cte nord du Golfe Persique, capitale de lancien
protectorat britannique, devenu indpendant en 1961.
Sous une chaleur torride, il ny avait aucune possibilit de nous restaurer avant de
rejoindre Djeddah par le vol rgulier de la Kuwait Airways.
123
A Djeddah, aroport de La Mekke, sur la Mer Rouge, lpoque sige des missions
diplomatiques trangres avant leur transfert Ryad, nos passeports furent retenus par
les services de limmigration malgr lintervention du reprsentant de la Kuwait Airways
venu notre rescousse.
Cela ne vous regarde pas, nous sommes en Arabie Saoudite, et de quoi vous vous
mlez. Quant vous, Marocains, vous pouvez rcuprer vos passeports au service
spcialis Madinat Al Hajjaj, avait dit avec arrogance lagresseur du jour.
Aprs avoir dpos nos nombreux bagages la consigne de laroport, nous avons
emprunt un taxi pour nous mener lhtel rserv partir de Tokyo par les soins de
lAmbassade du Maroc.
Mais malheureusement, sans passeports, et malgr la rservation, on nous refusa
brutalement laccs lhtel.
Effectivement, vous avez une rservation, mais sans passeports pas de chambre. Je
vous conseille daller Madinat Al Hajjaj, cest aussi confortable quun bon htel , nous
recommanda, non sans ironie, le responsable gyptien de la rception de lhtel.
Navement, nous lavions cru en esprant que notre calvaire prt fin, dautant plus
que Fatima sans nourriture depuis la veille Delhi, souffrait de brlures par ultra violets
depuis Agra, lors de la visite du Taj Mahal.
Pour mettre un terme la faim qui rongeait Fatima depuis le Kowet, un couple
dAlgriens, logs la mme enseigne que nous, eut la gentillesse et la dlicatesse de lui
offrir des pommes et de leau.
Le lendemain, tt, sous une chaleur torride et humide, je fus oblig de faire la
navette pied entre le centre dtenant nos passeports et Madinat Al Hajjaj pour
menqurir chaque fois de ltat de mon pouse ravage par les ultra violets et les
affres de la faim et de la soif.
En fin daprs midi, aprs avoir sign une dcharge, nous avons pu rcuprer nos
passeports et aller illico presto La Mekke, bord dun taxi press de terminer sa
course, au grand dam de mon pouse effarouche par une conduite aussi tmraire,
rapide et effronte.
Installs, sans autre choix, dans un htel minable, mais heureusement tout proche de
la Grande Mosque, nous avons essay, avec beaucoup de peine pour Fatima, daccomplir
la Omra aprs la dernire prire dAl Icha.
124
La retrouvant aprs un moment de relle panique, je dus la ramener sur mon dos
lhtel pour rcuprer ses forces, sans avoir achev le rituel de la Omra.
Tard la nuit, aprs une priode de repos rparateur, nous avons pu circuler aisment,
accomplir normalement la Omra et satisfaire quelque peu notre ferveur religieuse
mousse par tant de pripties peu agrables.
Le lendemain, nous avons rejoint Djeddah par bus, en longeant dimmenses parcs de
voitures et dengins de travaux publics de toutes sortes couverts de sable, dnotant
lpret du climat de ces contres.
Aprs des difficults et des lenteurs lenregistrement, nous faisant craindre le pire,
nous avons, avec soulagement, embarqu dans lavion dAir France sur Paris.
Aprs la courte escale Paris, et pour rpondre une invitation dAtlas Copco et de
SALA, notre priple stait poursuivi en Sude, dj sous le froid de lautomne.
Avec Malmgren de SALA, et aprs un voyage dans une mine de cuivre, exploite en
carrire non loin de la frontire norvgienne, nous avons effectu un tour dhorizon de
notre coopration en matire dengineering des laveries mobiles pour les adapter
davantage aux conditions de nos petits gisements.
Nous sommes rentrs Rabat, aprs une absence denviron un mois, satisfait davoir
accompli un priple long et passionnant, et heureux de retrouver notre fils Karim sa
onzime anne.
Nous avons dplor, malgr les prcautions et les cots prohibitifs du fret et de la
mise en consigne dans les diffrents aroports, que la majeure partie de nos articles
souvenirs achets au Japon, Philippines, Hong Kong, Thalande et Inde, avaient subi
beaucoup de dgts.
En Guine Conakry
Immdiatement aprs notre retour dAsie, javais particip, en octobre 1979, une
mission en Guine Conakry, visant raffermir et consolider la coopration avec le pays de
Skou Tour.
125
La dlgation prside par le Ministre de lEnergie et des Mines, Saadi, tait
compose de Karbid, Directeur des Mines, Bouchta, Chef de la Division de la Gologie
minire du BRPM, Lhatoute et moi-mme de la DEPC.
Notre sjour, outre les diffrents contacts officiels dans la capitale guinenne, nous
donna loccasion de visiter les mines de bauxite ciel ouvert de Fria, Sangaredi, les
installations dvacuation du minerai de Kamsar, et dapprcier lorganisation des centres
miniers de production de bauxite transforme sur place en alumine dans de grandes
usines denrichissement bien organises et bien gres.
Aprs la visite des immenses carrires dexploitation ciel ouvert, le Ministre Saadi
navait pas manqu de faire le parallle entre les gisements de bauxite en Guine et ceux
des phosphates au Maroc.
A Conakry, revenant par hlicoptre prsidentiel de la visite de Fria, sans nous tre
dbarbouills, nous fmes invits djeuner au Palais prsidentiel.
Skou Tour, tout de blanc vtu, nous reut avec beaucoup de chaleur.
Vous tes chez vous dans ce pays qui admire le vtre , nous dit-il.
Plusieurs ministres guinens, dont Ismal Toure, frre de Skou Tour et Ministre de
lEnergie et des Mines, et une femme distingue, assistaient ce djeuner impromptu.
Autour dune table toute simple, avec des couverts en arcopale, presque rouills, le
Ministre Saadi tait la droite du Prsident et moi sa gauche, dans ma tenue blanche
tache de graisse de la visite de la mine de Sangaredi.
Jespre que votre venue nous aidera surmonter les difficults passagres de
notre secteur minier. Nous comptons sur votre grande exprience dans les phosphates et
sur votre expertise sculaire en matire de mines mtalliques. Revenez en Guine nous
aider, vous tes chez vous, dans votre deuxime patrie avait clam le Prsident Skou
Tour.
Durant le repas, Skou Tour avait tenu marquer son admiration pour le Maroc et
son roi et dfendre la marocanit du Sahara occidental.
Le Maroc est chez lui, mais il doit se dfendre pour y rester, et nous sommes avec
vous avait martel le Prsident, dfenseur acharn de notre cause nationale.
126
En le quittant la fin du repas, et sortant le dernier, il mavait retenu pour moffrir
quelques unes de ses uvres ddicaces.
Jeune homme, ne les jetez pas et ne les oubliez pas dans un coin perdu, profitez-
en , me conseilla le Prsident.
Homme sobre, toujours habill de blanc, tribun sans pareil, Skou Tour habitait,
sans ostentation, dans lancienne rsidence aux tuiles rouges du Haut Commissaire de
France en Afrique Occidentale, tout prs des embarquements de bauxite au port de
Conakry, dans un vritable environnement spartiate, couvert dune fine pellicule de
poussire blanche dalumine.
Au dernier jour de notre visite officielle, aprs la signature du procs verbal des
runions avec nos partenaires guinens, une grande rception fut donne en notre
honneur, suivie dune soire folklorique au Thtre National construit par les Chinois, non
loin de la Grande Mosque finance par lArabie Saoudite.
Toujours installs dans une villa en bordure de la lagune, tous les matins, nous tions
tenus de prendre la nivaquine pour nous prmunir du paludisme endmique dans toute la
zone de lAfrique de lOuest.
Au cours des discussions, nous avons retenu quaprs le non de Skou Tour au
Gnral De Gaulle en 1958 pour faire partie de la Communaut franco-africaine, les
Franais, pour punir la Guine, lenfant terrible de lAfrique franaise , staient retirs
prcipitamment.
Mme les billets de banque CFA et les rserves en devises furent rapatris en
catimini, Dakar, sur ordre du hautcommissaire, Messmer tout en laissant samorcer des
tentatives de dstabilisation du pays, orchestres par des groupuscules pro franais.
Le recours aux Israliens pour dvelopper lagriculture stait sold par un grand
fiasco, aprs labandon de plusieurs projets de bananeraies et de fermes modles de
production dananas.
La venue des Sovitiques, aubaine pour ces derniers pour sinstaller dans un des
bastions de lAfrique francophone, navait pas non plus amlior la situation.
127
Bien au contraire, les Sovitiques, semble-t-il, auraient pill les richesses minires du
pays (or, diamants) et livr du matriel industriel obsolte et non adapt pour les grandes
exploitations de bauxite.
Au plan militaire, des lots de matriel quipant les divisions sovitiques oprant en
Sibrie (chasse neige, chars amphibies) avaient t livrs ce pays tropical o la
temprature ne descend jamais en dessous de 20.
Aprs une semaine de contacts et de visites de travail, nous avons quitt Conakry par
le vol de Sabena sur Dakar, aprs une autorisation spciale de la Prsidence de la
Rpublique, la compagnie belge nayant pas le degr de libert appropri pour embarquer
des passagers lescale de la capitale guinenne.
Nous sommes partis de Conakry, avec un immense regret de constater que la Guine
aux potentialits agricoles, hydrolectriques et minires immenses, restait la trane
cause dune gestion chaotique de lconomie du pays soumis au rgime implacable du
parti unique.
Pour ma part, javais sjourn dans la mtropole de lAfrique de lOuest durant deux
jours, dcouvrant une grande ville, capitale du Sngal, port sur lAtlantique et escale
arienne pour les autres pays africains et lAmrique du Sud.
La France, trs prsente dans tous les rouages de la vie conomique, y avait conserv
une base militaire.
A Dakar, le centre commercial est une vritable mdina, anime par de nombreux
commerants marocains la rue Mohammed V.
128
Guessous, en dsaccord avec le Ministre Saadi sur la politique de valorisation des
schistes bitumeux, fut brutalement remplac la Direction du BRPM par Chahid,
Administrateur Dlgu des Charbonnages,
Guessous est un grand technicien, dou et dot dune trs vive intelligence, qui avait
fait ses preuves sur les chantiers, dans les mines, et qui avait su redorer le blason du
BRPM auprs des partenaires extrieurs.
Chahid est homme imprgn dart, de musique, mlomane ses heures, excellent
communicateur, dot dune fibre sociale ayant toujours fait dfaut aux prcdents
managers du Bureau, mais peu vers sur la chose technique et la gestion rigoureuse et
tatillonne des affaires,
Jeus le plaisir de collaborer avec lui dans lamiti et la considration dun vritable
artiste de la gologie, caractristique rare dans notre pays
Au plan minier, avec Chahid aux commandes, la construction des projets de Zgounder
(argent), Sidi Lahcen (plomb), Tiouit (or) et Asfalou, Akka NOulili et Tizi Moudou (cuivre)
stait poursuivie dans le cadre des accords et conventions avec lArab Company, et de la
cession des domaines miniers SODECAT.
129
Dans ce contexte, javais bnfici, sans quivoque, de lappui et de la confiance
totale de Chahid, lui-mme acquis une plus large responsabilisation des cadres, au
travail de groupe et une approche de proximit des problmes sociaux dans les
diffrentes exploitations ; ce qui avait t toujours ma conviction profonde.
Au sein de la DEE furent crs le Dpartement des Etudes charg du suivi des projets,
confi Maghraoui venant de SOMIMA, le Dpartement de la Valorisation Minire charg
des projets de fonderies de plomb et cuivre, confi Haddadi, et le Dpartement des
Exploitations plac sous ma responsabilit directe.
Les runions priodiques Rabat avec les cadres, les dplacements frquents dans
les mines et le suivi sans relche de la construction des projets, avaient ciment les liens
au sein de la DEE Rabat, et entre les directeurs des centres, les ingnieurs et les
personnels des exploitations.
Lquipe de gestion fut appele effectuer des visites frquentes sur les chantiers
et dans les exploitations pour apprcier la situation sur le tas, vitant des
incomprhensions redoutables avec le personnel de production.
On ne pouvait plus accepter une ignorance des tches dvolues aux gestionnaires du
sige Rabat et aux quipes des exploitations et des chantiers.
Par ailleurs, dans le cadre de la grande famille de la DEE, une action de trs grande
porte fut initie et engage rsolument pour intgrer llment fminin dans notre staff
de gestion de Rabat.
En misant dabord sur leur comptence et leur professionnalisme, les femmes cadres
ne perdent pas leur temps dans les discours et les interrogations, car elles veulent tre
dans le concret face la complexit des problmes.
Ainsi, sagissant dune simple volont de ma part, javais fait appel Tamou Idrissi,
Rkia Ghanimi et Mme Achour qui, en suivant de prs la gestion des ressources humaines,
des stocks et des inventaires comptables, staient rvles efficaces et performantes en
accomplissant leur travail avec panache.
130
Vous avez couru des risques, cest une premire aux Exploitations , mavait dit
quelquun oppos mon initiative.
Personnellement jtais dcid lutter contre cet ancrage sculaire et atavique qui
considrait que la femme est infrieure lhomme.
Ainsi Ouansimi, notre action fut assombrie par un conflit social inconsquent,
avec occupation illgale des travaux souterrains et des revendications incongrues, alors
que la socit traversait une priode difficile.
En adoptant une position ferme et rsolue, nous avons mis fin ce mouvement
irrdentiste en licenciant les meneurs aprs lvacuation muscle des lieux par les forces
auxiliaires envoyes sur les lieux par le Gouverneur de Tiznit.
A Tiouit (or) et Asfalou (cuivre), les quipes de SODECAT avaient amorc les
ossatures minires, fond et carrires, amnag et construit les plateformes des laveries
mobiles, des ateliers, des magasins et des laboratoires de contrle.
Il faut rappeler quaprs la signature Paris des contrats portant sur la livraison de
deux laveries mobiles, les Sudois de SALA, comme leur habitude, fourniront dans les
temps impartis les quipements commands pour les gisements de Tiouit, dAsfalou et
Tizi Moudou, et maintiendront encore longtemps leurs excellentes relations avec le
Groupe BRPM.
131
Suspendue en 1956, la production reprendra en 1959 dans le cadre de la socit
canadienne WESTFIELD qui avait extrait 38.000 tonnes de minerai 18 g dor et 134 g
dargent/ tonne durant la priode 1960-1963.
A Tizi Moudou qui devra entrer en production lpuisement des rserves dAsfalou,
la minralisation compose de chalcosine, bornite, malachite, azurite et argent
natif concernait des rserves exploitables estimes 90.000 tonnes 3% de cuivre et
210g dargent par tonne.
Les activits de SODECAT sur ces trois centres miniers viendront ractiver la zone du
Bougaffer connue pour ses potentialits en cuivre aurifre et argentifre.
Devant les rsultats peu encourageants et le faible niveau du cours de largent, les
diffrents intervenants furent amens abandonner le gisement, le domaine minier
revenant au BRPM.
132
A notre demande, des reprsentants de Nikex, conduits par le Dr Dregelyi, financier
et homme de grande culture, assists du Conseiller commercial de lAmbassade de
Hongrie Rabat, Sasz, taient venus nous briefer sur la nouvelle gnration des
quipements mis au point par leur socit et considrs comme plus performants que
ceux livrs Imiter en 1970.
Par la suite, une dlgation de techniciens de Nikex tait venue au Maroc pour
approfondir les conditions de coopration avant de nous inviter en Hongrie pour visiter
les usines de fabrication de matriels et finaliser, Budapest, les termes dun contrat de
fourniture, de montage et dessais de performance des quipements.
Ainsi, en dcembre 1980, pour concrtiser nos diffrents contacts et fixer les
chances, un dplacement, en compagnie de Kriaa, Chef du Service de la Valorisation
Minire du BRPM, fut effectu en Hongrie o, durant plus dune semaine, nous avons vcu
une priode de froid intense (-22), de gel du Danube et de chutes de neige
exceptionnelles en Europe centrale.
Aprs dpres discussions avec nos partenaires hongrois, nous avons mis au point le
contrat de fourniture des quipements de la future usine de cyanuration, avant daller
visiter une mine polymtallique (plomb et zinc) et une grande exploitation ciel ouvert
de lignite, une centaine de kilomtres de Budapest, non loin de la frontire
tchcoslovaque (la Tchquie et la Slovaquie tant encore unies).
****
Je reviendrai, plus tard, au pays des Magyars, loccasion dun voyage familial qui
nous avait conduits dabord aux Etats-Unis, Canada, Sude, Tchcoslovaquie.
Linsurrection hongroise fut noye dans le sang par les troupes sovitiques en
novembre 1956, suivie aprs par une politique librale lintrieur et douverture vers
lextrieur, anime par Janos Kadar, premier secrtaire du parti communiste, de plus en
plus dtach du centralisme de Moscou.
133
Au retour et sans attendre, les travaux de gnie civil furent dmarrs paralllement
aux prparatoires souterrains, ladduction deau, aux installations sociales et
industrielles, et la construction des logements.
Un chef de projet Zgounder, Aoulay, ancien responsable des services jour la mine
de Kettara, fut recrut et install sur les lieux.
A Aouli et Mibladen, lexploitation des chantiers riches avait continu. Mais le plus
urgent tait la restructuration de la socit, lvaluation des rserves exploitables et des
stocks magasin parpills travers le vaste domaine minier.
Les usines de traitement dans les deux centres ne dgageaient que de maigres
rsultats en priode de rcession des cours du plomb, suivis dune situation sociale
instable en raison des agissements du personnel, connu de longue date pour tre peu
disciplin et souvent frondeur.
***
Dans cette situation aux diffrentes exploitations, malgr de nombreuses petites
tches grises, ce fut une vritable priode de grce et de satisfaction profonde, tant la
machine tait bien huile et les mcanismes rpondaient de faon harmonieuse, au grand
dam de nos dtracteurs.
****
A la fin du premier trimestre 1981, un voyage, avec Lhatoute, nous avait conduits
Amman pour participer aux conseils dadministration des filiales communes avec ARMICO
(Zgounder et Sidi Lahcen) et au Congrs Minier Arabe.
Au terme des travaux du Congrs, nous avons visit les centres de production de
phosphate de Hassa et le chantier des travaux de construction du projet de Potasse de la
Mer Morte pilot par ARMICO, actionnaire majoritaire.
Aprs Amman, en transitant par Athnes et aprs des vols perturbs par le mauvais
temps, javais rejoint lquipe de la Division des Etudes et des Exploitations (DEE)
Budapest pour une actualisation du contrat avec la socit NIKEX.
Voulant faire de ce grand vnement la relle conscration des efforts du BRPM dans
le monde rural, et particulirement dans la province dOuarzazate, nous avons consacr
134
plus de deux mois aux prparatifs, en relation avec le Ministre de lEnergie et des Mines,
les autorits provinciales et locales, et les services du Protocole Royal et de la
Chancellerie.
Un remue-mnage effrn avait envahi Imiter, les quipes saffairant pour amnager
la piste daccs, tracer le circuit de visite de la Grande Carrire et des installations de
traitement, dresser les tentes sur les promontoires dominant la valle, mettre en place
les schmas explicatifs des activits du centre dexploitation et ses projets de recherche
et de dveloppement.
Tout de go, pris de cours, javais dclin cette proposition en notifiant ma prfrence
pour la poursuite de la ralisation des diffrents projets miniers du BRPM lancs par la
Division des Etudes et des Exploitations (DEE).
Par ailleurs, lampleur et lintrt du travail Imiter me subjuguaient, car nous tions
lore dune dcouverte majeure et de la mise en production de la mise en production
dune mine dargent hors du commun.
135
Aprs une longue attente dans lincertitude des vnements, on nous annona que
seul le nouveau Directeur Gnral de lONAREP, Douieb, allait tre reu par le Roi, la
nomination des autres hauts fonctionnaires tant diffre plus tard.
Ce fut une vritable douche froide pour nous, et pourquoi cet ostracisme ?
Dans cette situation frisant le cocasse, en groupe avec le Ministre, aprs un djeuner
rapide, nous avons rejoint Rabat, dcontenancs, penauds et dus, ne sachant comment
expliquer nos collaborateurs respectifs ce revirement inattendu de dernire minute, ou
ce diffr dans les nominations.
A Rabat, il fallait grer la situation comme on pouvait, sans trop sattarder sur les
raisons de la dcision royale, alors que les supputations battaient leur plein sur
lopportunit de la restructuration du Ministre de lEnergie et des Mines.
Ce nest que partie remise , avait clam le Ministre Saadi, toujours calme,
flegmatique et rflchi pour la circonstance.
Quelques jours aprs, la visite royale tait confirme par le Ministre Saadi,
mobligeant repartir illico presto Imiter pour activer les prparatifs de lvnement
exceptionnel.
Par la suite, des agents de la scurit et du Protocole Royal avaient inspect les
lieux, et donn leur bndiction pour le circuit de la visite des lieux par Sa Majest.
Les habitants de la rgion, les braves At Atta du Saghro, taient l avec leurs tentes
et leurs familles, leurs hallebardes.
Le jour J, Imiter avait revtu son manteau des grandes occasions, le Ministre, le staff
du BRPM, Chrif de lONA et les autres responsables du secteur minier taient l, alors
que les hlicoptres survolaient la rgion pour annoncer et devancer larrive du Roi.
Nous tions tous inquiets pour la possible insuffisance dans la qualit de laccueil,
ntant pas rompu ce type dvnement.
Tout est parfait, vous tes la hauteur de lvnement , me dit Zakaria, un des
adjoints du chef de la Scurit royale, Mdiouri, comme pour mettre un terme la terrible
tension qui planait sur lensemble de notre quipe.
136
Le temps sgrenait mais le Roi ne venait pas, jetant la consternation parmi nous, et
ne sachant quoi faire et quelle attitude adopter.
Ce fut pour nous une vritable douche froide et une profonde consternation, aprs
tant de dbauche dnergie et de sueur pour accueillir lillustre Hte.
Seules les quipes ayant abattu un travail gigantesque pour prparer la visite royale
taient demeures sur place, gardant leur dignit et sans raction dplace.
Au loin Tinerhir, on entendait les clameurs et les ovations de lentre royale, alors
que pour nous la nuit fut bien triste sous les immenses tentes dresses comme par
drision sur les hauteurs qui dominent le village minier.
Les At Atta, venus de loin, qui taient l depuis quelques jours, avec femmes et
enfants pour admirer le Souverain, avaient rong leur frein sans broncher, attendant avec
un rel espoir une prochaine visite du Souverain dans leur rduit du Bougaffer et de
lOugnat qui avait connu tant dpopes et de rsistance acharne, dirige par Assou
Baslam, loccupation franaise de la rgion.
Le lendemain matin, aprs avoir reu une dlgation du personnel dsireuse daller
Tinerhir se joindre aux festivits, nous sommes partis en groupe, visiter les chantiers des
projets de Tiouit, Asfalou et le site de Tizi Moudou
Nous avons enregistr avec plaisir le respect des programmes et des plannings pour
recevoir les units mobiles de traitement des minerais par flottation.
Javais quitt Imiter tt, le cur meurtri, avec le pressentiment de ne plus revenir
dans une exploitation que javais intgre ma vie durant sept ans, mais heureux davoir
vcu des moments inoubliables avec tous les responsables de la Division des Exploitations
et des Etudes (DEE) dans les longs et fastidieux prparatifs de la visite royale.
Ces prparatifs, encore une fois sans perturber nos activits de production dargent
mtal et de recherches souterraines, furent loccasion dapprcier, sa juste valeur,
lesprit de communion et de symbiose rgnant au sein de nos quipes.
Il ne servait rien de le dire si, sur le terrain, rien de palpable ntait peru.
A Imiter, tous nos cadres avaient particip par leur savoir et leur cur la
prparation dun vnement indit.
137
Mme si la visite royale neut pas lieu, elle aura au moins permis la jeune mine
dImiter de se faire connatre et de briller non seulement par la richesse de ses
minerais, mais aussi par la valeur, insouponne pour certains, des jeunes quipes
minires du BRPM et de ses filiales.
En Roumanie
Aprs leuphorie des annes soixante dix, la mise en vidence des gisements de
cuivre dans lAnti Atlas du Sous, le dveloppement des centres miniers dOuansimi et de
Talat NOuamane par les quipes du BRPM, les activits de production de la socit
SOMIMA navaient jamais enregistr de rels rsultats positifs.
A Ouansimi, malgr tous les efforts engags pour rduire les charges de toutes
natures, la situation avait continu se dgrader, lexploitation ne pouvant maintenir son
activit sans lapport de fonds propres par les deux partenaires (BRPM et GEOMIN) pour
endiguer la crise devenue endmique.
Lobjectif assign notre mission tait dexaminer avec nos partenaires la situation
et lavenir de SOMIMA, la lumire des rsultats de plus en plus dcevants enregistrs
Ouansimi, et de la mise en veilleuse de lexploitation de Talat NOuamane, avec
rellement peu despoir de reprise.
A lHtel Athne, lieu de notre rsidence, en plein centre ville de Bucarest (Bucaresti
pour les Roumains), nous avons rencontr, Azzeddine Guessous, Ministre du Commerce et
de lIndustrie, et Amraoui, ancien chef de la division DEPC du BRPM, nomm rcemment
Directeur de lIndustrie.
138
A Bucarest, capitale du pays, sur la rivire Dimbovita, sous-affluent du Danube,
carrefour de lOrient et de lOccident, cohabitent des styles divers et des difices de
diffrentes poques, tmoins dun pass glorieux.
La ville rpute pour ses glises byzantines des 16 et 18 sicles, fut dvaste par
un tremblement de terre en 1977, et les difices anciens remplacs par des grands blocs
de bton du temps du matre absolu, Ceausescu.
Aprs Bucarest, nous avons entrepris dans le district de Baa Mare, non loin de la
frontire hongroise, des visites de mines, dusines denrichissement et de fabrication de
matriels, suivies de randonnes travers la campagne roumaine.
Nous avons, au cours de notre priple, dcouvert un pays dirig dune main de fer par
Ceausescu, o lagriculture collectivise tait base sur la production des crales (mas
et bl), des vins et llevage de bovins.
Lactivit industrielle tait fonde sur lextraction du ptrole, gaz naturel, charbon,
lignite, fer, plomb et zinc, permettant de dvelopper la sidrurgie, les constructions
mcaniques et la chimie.
Malgr toutes nos explications sur la situation difficile de celle-ci, les contacts avec
les Roumains se rvlrent en dfinitive sans issue, le seul but de nos partenaires tant
de se dgager de SOMIMA et de rcuprer leurs crances.
Nous les avons quitts, convaincus que lavenir de SOMIMA tait sombre et quil
urgeait de trouver une issue de sortie, sans quoi les problmes allaient se perptuer,
salourdir et se compliquer.
Quelques mois aprs, lactivit de SOMIMA sera suspendue, et pour mettre fin
latermoiement de nos partenaires roumains et une situation dplorable qui navait que
trop dur, la liquidation de la socit fut engage et exigera, malheureusement, plusieurs
annes dchanges et de discussions striles.
Une grande pope dune importante mine de cuivre dans lAnti Atlas occidental avait
pris fin, dans lamertume et le souvenir des agents du BRPM qui avaient si durement, et
pendant de longues annes, travaill ou perdu leur vie dans les creusements de galeries,
les fonages des bures et des chemines dexploitation, et la construction des pistes
daccs difficile au gisement dOuansimi.
A la Direction Technique
Comme lavait affirm le Ministre Saadi, Marrakech, mon affectation au Ministre
de lEnergie et des Mines ntait pas remise en cause, mais subissait seulement un report
dont la dure demeurait incertaine.
139
lAdministration soprt un niveau de responsabilit au BRPM plus lev, et pour ce
faire, je fus nomm Directeur Technique, avec pour missions principales :
****
La priode de cong annuel ordinaire mloigna pour quelque temps de cette activit
trpidante, sans rellement penser ce qui mattendait au Ministre de lEnergie et des
Mines, dans trs peu de temps.
Lors de notre merveilleux sjour de vacances chez nos amis Preuilh, Msos, dans
les Landes en France, ponctu de visites de la rgion du Sud Ouest et des contreforts des
Pyrnes atlantiques, des ennuis cardiaques ressentis par mon pouse loccasion dune
escapade de plage, avaient perturb notre sjour.
Sur le conseil des mdecins, aprs un examen cardiologique approfondi, nous avons,
illico presto, court notre sjour landais pour rentrer rapidement au Maroc.
De passage Madrid, nous avons subi un weekend agit, durant lequel mon pouse
fut admise dans le dpartement des soins durgence pour un contrle rapide.
Le post opratoire fut long et difficile, et Fatima, femme battante en tout temps,
mettra plus dun an se remettre en forme.
Des contrles en France puis aux Etats-Unis lui avaient permis de traverser la priode
de grande dprime et dangoisse.
140
Le dpart du BRPM
Au dbut du mois de septembre 1981, ma nomination au poste de Directeur des
Mines tant confirme, javais mis profit mes derniers jours au BRPM pour rgler les
problmes en suspens, clarifier la situation, revoir la situation du personnel pour laisser
au relayeur la Division des Etudes et des Exploitations un domaine transparent, assaini,
loin des suspicions, des ragots et des cancans malveillants.
Ainsi, au niveau des Exploitations, fut cre la Division des Exploitations (DEX)
conduite par une quipe constitue de deux vtrans de la mine, Chaba et Nassir, avec
mission de poursuivre luvre de promotion et de dveloppement du patrimoine minier
du BRPM.
Quelques jours aprs, venant clturer dix huit annes au service du Bureau, javais
fait mes adieux loccasion dune rception pleine dmotion, prside par Chahid et
Lhatoute promu Secrtaire Gnral la place de Bouchta
Jtais parti du BRPM, le cur serein, satisfait, heureux et honor de laisser derrire
moi plusieurs ralisations minires florissantes, et davoir prennis beaucoup damitis
tous les niveaux et dans tous les domaines dactivit.
Ne faudrait-il pas, par exemple dans lAnti Atlas du Sous, engager une rflexion
gologique plus complte du secteur ?
141
DEUXIEME PARTIE
****
AU MINISTERE DE LENERGIE ET DES MINES
1981 1994
***
142
PREMIERE PERIODE : A LA DIRECTION DES MINES
RESUME
Une nouvelle phase de ma vie professionnelle avait dmarr dans un autre milieu et
une nouvelle ambiance de travail, loin des chantiers, des exploitations, de la sueur et de
la poussire.
Il fallait aller au devant des ralits sur le terrain, en poussant lAdministration des
Mines sortir de sa tour divoire pour se frotter aux problmes et viter quelle ne ft
traite dun manque de volont et dincomptence.
Ce faisant, pour ne pas tre rejets par le courant du progrs, nous avons dcid,
tous ensemble la Direction des Mines, de tout mettre en uvre pour imprimer une
dynamique nouvelle, en rapprochant davantage lAdministration des oprateurs miniers,
loignant les tendances vouloir se comporter en prince de la dcision.
Ainsi, des missions dans les centres de lOCP avaient permis de rompre la barrire
psychologique entre lAdministration des Mines et lOffice qui se tournaient le dos depuis
longtemps, sans raison valable.
A loccasion des visites chez les permissionnaires, publics et privs, nous avons
montr notre souci de lapplication de la lgislation et de la rglementation dans ses
grands principes rgaliens, sans vouloir perturber lactivit de production ou de retarder
linvestissement par des procdures dpasses ou inadaptes.
Pour mieux faire apprcier laction du Dpartement, nous avons renforc nos
relations avec le Bureau International du Travail en matire de scurit, dhygine et du
milieu du travail.
Par ailleurs, nous avons organis les journes gologiques et minires dans le cadre
de synergie entre les oprateurs et intervenants nationaux, en associant de plus prs
lUniversit et ses nombreux chercheurs.
Dans son rle de conciliateur, la Direction des Mines avait arbitr dans deux
diffrends opposant les Mineurs et la Fonderie et deux vtrans de la mine.
143
Les fermetures des exploitations minires, notamment de Kettara et Bouazzer,
furent des moments difficiles traverser, non seulement pour la profession minire, mais
aussi pour lAdministration des Mines qui avait apport sa contribution pour rgler les
problmes de manire apaise.
Avec larrive en 1985 dun ministre issu de lOCP, nous avons poursuivi puis achev
llaboration du panorama de lindustrie minire nationale, grce la collaboration de
lensemble du secteur minier.
Durant une longue priode, pour continuer nous inscrire dans la mouvance du
dveloppement minier mondial, et pour lever les obstacles la venue de nouveaux
investisseurs dans le secteur minier national, nous avons poursuivi la refonte des textes
rgissant lactivit minire, et labor des projets de textes nouveaux.
A la fin de 1993, avec un nouveau ministre, ancien de lOCP, mon action et mon
dynamisme furent mis rude preuve, et marqus trs rapidement du sceau de la
msentente, justifiant mon dpart prcipit dun secteur o javais act durant plus de
trente ans.
Par ailleurs, il faut souligner quau cours de cette deuxime phase de ma vie
professionnelle, plusieurs missions furent entreprises dans diffrents pays et diffrents
continents pour tisser des relations fcondes et prenniser les liens existants, faciliter la
comprhension des problmes poss par les dveloppements miniers travers le monde,
renforcer et faire connatre la position du Maroc dans le contexte minier mondial, et
inciter les investisseurs potentiels venir simplanter dans notre pays.
144
Dans lAdministration
Le 26 septembre 1981, au cours dune crmonie lEcole Nationale de lIndustrie
Minrale (ENIM), prside par le Premier Ministre, Karim Lamrani, je fus install
officiellement dans ma nouvelle fonction de Directeur des Mines, en mme temps que
Karbid, Secrtaire Gnral du Ministre, Bouhaouli et Bensad, Directeurs de lEnergie et
de la Gologie, Lhatoute, Secrtaire Gnral du BRPM, Esseddiqui, Directeur Gnral de la
Socit Nationale des Produits Ptroliers (SNPP) et Fakihani, Directeur du Centre de
Dveloppement des Energies Renouvelables (CDER).
Ces nominations taient venues mettre fin la longue attente, aprs le diffr
Marrakech en avril 1981, et concrtiser la dcision du Ministre Moussa Saadi de
redynamiser lactivit au sein de lAdministration de son Dpartement et des organismes
publics dont il assurait la tutelle.
Le 1er octobre 1981 aprs midi, aprs mes adieux au BRPM, javais rejoint le
Ministre de lEnergie et des Mines pour participer une runion prside par le Ministre
dans la grande salle attenante son bureau, groupant tous les hauts responsables du
Dpartement et consacre lexamen des problmes en instance.
Une nouvelle phase de ma vie professionnelle avait dmarr dans un autre milieu et
une nouvelle ambiance de travail, bnficiant au dpart de la sollicitude bienveillante de
mes amis du BRPM pour me permettre dquiper mon bureau et mettre ma disposition
des moyens de transport.
Mes premiers contacts directs furent consacrs aux responsables de la Direction des
Mines, suivis du passage dans tous les services et les bureaux, pour connatre de visu tous
mes collaborateurs et pour mimprgner de latmosphre rgnant au Ministre.
Par la suite, ce furent les runions spcifiques avec les divisions, les services centraux
et les services rgionaux, ayant toujours en mmoire la formule lapidaire et toute pleine
de bon sens, dun vieil ami il faut dabord observer avant de commencer .
Ny allez pas trop vite en besogne, ne brlez pas les tapes, les fonctionnaires sont
durs manier, car leur ter des habitudes ancres est une opration bien difficile
mavait dit et conseill quelquun daverti et connaissant les arcanes et les rouages de la
Fonction publique.
Alors, javais dabord observ attentivement, tout en me fixant un court dlai pour
pntrer vraiment la Maison des Mines.
Au cours du mois doctobre 1981, peine install la Direction des Mines, je fus
remis un moment dans lambiance de la Direction Technique du BRPM pour participer
une mission en Belgique avec le Directeur Gnral Chahid et ses collaborateurs des
Divisions des Participations et de lExploration minire.
Reus Bruxelles avec beaucoup dgards par les responsables de lUnion Minire
Belge (actionnaire de rfrence de la Royale Asturienne des Mines, elle-mme actionnaire
de la Socit de Jbel Aouam), nous avons examin avec eux les possibilits relles de
coopration dans la ralisation du projet de fonderie de cuivre et au plan de
commercialisation des minerais produits par les socits filiales du Bureau.
145
Aux Etats-Unis pour les schistes bitumeux
Mon installation au Ministre tant peine acheve aprs les multiples runions et
briefing dinformation, et en pleine euphorie des projets de valorisation des schistes
bitumeux, une mission, prside par le Ministre Saadi, nous avait conduits du 31 octobre
au 14 novembre 1981 aux Etats-Unis pour relancer la coopration bilatrale, notamment
au plan de lnergie, des mines et de la gologie.
Partout, nous avons trouv une oreille attentive et de trs bonnes dispositions pour
accompagner notre pays dans ses efforts de diversification et de dveloppement de ses
ressources minires et nergtiques.
De Washington nous avons rejoint Los Angeles et installs dans un grand htel,
proximit du lieu o fut dcouvert lor noir en Californie.
Notre sjour en Californie stait achev par une visite au site du racteur de
recherche TRIGA, dune puissance de 1,5 Mgawatt, install en pleine Universit de San
Digo, analogue celui que notre pays avait command la socit General Atomics et
qui sera mis en place dans le secteur de Rabat.
Il nous avait sembl que leffroi et la peur, crs autour de linstallation dun racteur
TRIGA proximit du centre urbain de Rabat Agdal, taient donc carter.
146
Sur les sites de schistes bitumineux, de grandes ossatures minires, tels les grands
puits dextraction, les galeries dvacuation des produits abattus, et lacquisition de
puissants matriels miniers, avaient t dj ou en cours de ralisation.
Sur les lieux, la frnsie tait telle quen atterrissant le matin sur une piste sommaire
Grand Junction, nous avions dcoll en fin daprs midi de la mme piste entirement
asphalte et quipe pour recevoir des avions moyen courrier.
A Anvi Point, la socit PARAHO avait entrepris les essais dexploitation en souterrain
des schistes bitumeux par la mthode des chambres et piliers, et procdait lextraction
de lhuile contenue dans la roche (krogne) par pyrolyse selon la mthode in situ,
laissant les rsidus sur place pour ne pas perturber lenvironnement.
Les schistes bitumineux, ce nest pas pour maintenant, nous en reparlerons bien
plus tard, le ptrole a encore de lavenir et de beaux jours devant lui, nous avait
toutefois lanc un technicien averti.
Nous avons appris, peu de temps aprs notre passage au Colorado, que les
gigantesques investissements engags par les Amricains dans tous les domaines taient
abandonns et lextraction grande chelle de lhuile partir des schistes bitumeux
renvoye aux calendres grecques pour longtemps encore.
Pour clturer notre mission aux Etats-Unis, nous nous sommes rendus, dans les
environs de Denver, au Centres dtude sur les nergies renouvelables (photovoltaque,
olien) pour apprcier lvolution des techniques et des quipements en vue de leur
introduction ventuelle au Maroc.
****
En conclusion, la mission aux USA reste pour moi un merveilleux souvenir, tant par
lintrt divers et vari des visites, que par la bonne ambiance et lesprit de camaraderie
et dentente cordiale, notamment avec mes collgues les Directeurs de lEnergie et de la
Gologie, Bouhaouli et Bensad, que je dcouvrais pour la premire fois avec beaucoup de
sympathie et damicale considration.
Pour sa part, le Ministre Saadi, durant toute la mission, fit preuve de grandes qualits
de cur et de bonne compagnie.
A Abou Dhabi
Au Ministre, les missions se succdaient sans se ressembler, mais toujours dans
une ambiance bon enfant.
Ainsi, en dbut dcembre 1981, aprs de multiples runions et briefings sur les
problmes urgents relatifs la prparation du budget 1982 du Ministre, et la fermeture
147
de la mine de Kettara, javais fait partie de la dlgation ayant accompagn le Ministre,
Saadi, la runion annuelle des Ministres arabes des Ressources Minires, Abou Dhabi.
Aprs un transit par Paris, Dahran et Duba, nous sommes arrivs Abou Dhabi,
capitale fdrale des Emirats Arabes Unis, et installs luxueusement et confortablement
dans un immense htel de grande classe au centre ville.
Il faut rappeler que la Fdration des Emirats Arabes Unis, constitue en 1971,
correspond lancienne Cte des Pirates, qui regroupe les mirats de Abou Dhabi, Duba,
Adjman, Fujairah, Chariqa, Ras El Khayma et Oul Qaywayn.
La Fdration est gouverne par un conseil compos des cheikhs de chaque mirat
et un gouvernement fdral install Abou Dhabi, prsid par le Cheikh Zad ben Soltane
Al Nahyane.
Pays relativement libral, les Emirats Arabes Unis dont la population tait estime
lpoque 1,5 millions dhabitants dont 80% dtrangers, avaient accueilli des cadres et
travailleurs trangers (Indiens, Iraniens, Pakistanais), rels artisans de la rapide et
fulgurante prosprit de ce pays o les autochtones, sponsors et animateurs lointains,
bnficiaient de fabuleuses rentes de situation.
Les discussions dabord huis clos entre pays membres de lOrganisation des Pays
Arabes Exportateurs de Ptrole (OPAEP), furent suivies secondairement par le survol
furtif, voire dsinvolte, durant moins de deux heures, des problmes inhrents aux
ressources minires dans le monde arabe.
Il nous tait apparu de prime abord que la Mine tait rellement le parent pauvre du
monde arabe, et tout particulirement des pays du Golfe riches en hydrocarbures.
Dans cette situation, aprs en avoir inform le Ministre Saadi, nous avons mis profit
notre sjour pour dcouvrir la cit dAbou Dhabi.
Dans les jardins des belles et grandioses villas, toutes de marbre blanc de Carrare, en
bordure de mer, les tentes en poil de chameau rappelaient aux nouveaux riches Bdouins
leurs habitudes ancestrales de nomades.
Aprs notre tour de ville, nous fmes reus djeuner par lAmbassadeur du Maroc,
en prsence du commandant Hamid Lanigri, chef de la mission de gendarmes marocains
chargs de former les escouades de gardes autochtones de la scurit du Cheikh Zad.
148
Notre retour, via Paris avec la Gulf Air, fut perturb par le mauvais temps en Europe,
entranant la fermeture des aroports de Paris et le dtournement de notre vol sur
Londres o nous avons pass la nuit avant de rentrer Rabat.
Sans baisser les bras, il fallait secouer le cocotier et aller de lavant pour
amliorer la situation existante, en poussant les cadres sortir de leur tour divoire, et les
convaincre daller au devant des ralits sur le terrain, se frotter aux vrais problmes du
secteur minier, pour viter quils ne fussent traits dun manque de volont et de
disponibilit, ou dincomptence.
Mais je restais convaincu que cette nouvelle approche de notre travail ne pouvait
donner ses fruits que si les membres composant le staff de la Direction des Mines
sengageaient, sans dtours, sur une voie o lintrt gnral primait avant lintrt
personnel dont taient affubls certains responsables.
Ce fut le crdo de nos runions, auquel les chefs des divisions, des services et des
bureaux avaient adhr, me semblait-il.
Mayant fait une ide plus prcise de ltat des lieux, nous avons, tous ensemble,
labor un plan dactions pour 1982, ax sur les diffrents volets dintervention
149
extrieure de la Direction des Mines, en collaboration avec les diffrentes composantes du
secteur minier national.
A titre dexemples, le suivi et la mise jour des dossiers des permis miniers
sopraient aprs de longues priodes insupportables pour les oprateurs miniers, et
certaines machines vapeur et pression de gaz navaient pas t contrles depuis plus
de 27 ans.
Ce faisant, pour ne pas tre rejets par le courant du progrs, nous avons dcid de
tout mettre en uvre pour oublier le pass allant rebours de lvolution.
Pour ma part, travers ma disponibilit et mon entrain de tous les jours, je devais
donner lexemple et reprsenter une force de proposition accepte par tous, au lieu de me
contenter de donner seulement des ordres.
Javais consacr une partie de mon temps essayer de dominer cette situation pour
crer un climat de confiance indispensable toute action de progrs, en multipliant les
dplacements travers le pays pour apporter un plat dinformations considrables,
ncessitant une analyse profonde et objective, et pour instaurer des relations de franche
collaboration avec tous les oprateurs miniers.
150
Aussi, avais-je dcid de multiplier et gnraliser les sorties sur le tas, sans
privilgier aucun secteur, tout en incitant les responsables et les cadres de la Direction
des Mines faire de mme pour mieux connatre le secteur minier en assurant un contrle
daccompagnement et non un contrle tatillon, source de blocage, de dcouragement et
de perturbation des initiatives des nombreux promoteurs.
Ainsi, non loin de Harrisburg, dans les Appalaches, important bassin houiller ayant
donn leur nom un relief classique, couverts dun immense manteau de neige nous
avons visit une mine danthracite pour apprcier les mthodes dabattage et la
productivit de mineurs amricains sans commune mesure avec nos standards et nos
performances la mine de Jrada.
Aprs plusieurs heures dune attente infinie, seize personnes dans un seul taxi,
nous avons, heureux et soulags, pu rejoindre pniblement, sous la neige, lHtel Johnson
and Johnson, non loin de la Maison Blanche et du Centre Kennedy.
151
Le lendemain, les conditions atmosphriques dplorables sur le Nord et le Centre des
Etats-Unis, ayant persist, notre programme au Colorado, en Utah et au port de Baltimore
fut annul sine die.
Dans son usine, la socit Gardinier rcuprait luranium contenu dans les
phosphates, sous forme de yellow cake qui, aprs plusieurs cascades de transformation
et de centrifugation, tait enrichi pour devenir un combustible utilis dans les centrales
nuclaires aux Etats-Unis.
Le mme procd tait envisag pour les phosphates marocains qui contiennent plus
de 100 g duranium par tonne dacide phosphorique.
Nous avons not lintrt accord par les grandes socits minires aux problmes
de pollution, de recyclage des eaux, de prservation de la nature et de restauration des
sols, en application de la loi de 1978 adopte par lEtat de Floride.
Cette loi imposait une taxe de 10% sur la valeur du phosphate rocheux extrait,
consacre au ramnagement des sols endommags par lexploitation minire, les sols
rcuprs tant affects des zones dhabitat, de loisirs, darboriculture et dlevage.
Nous avons admir de belles fermes dorangers et dimmenses ranchs btail sur le
site des anciennes dcouvertes compltement transformes, assainies et ramnages
avec beaucoup de russite et de got.
****
De cette mission aux USA, nous avons retenu que :
- ds lors que le ptrole a perdu lavantage dtre une nergie bon march, la question du
retour au charbon se posait, et le Maroc devra faire partie des pays consommateurs de
charbon pour produire une lectricit meilleure march,
- qualit gale, le charbon vapeur amricain rendu en Europe, tait moins cher que les
charbons europens, en raison du volume immense des rserves en place aux Etats-Unis,
de la qualit des gisements, de la mcanisation, mais aussi de la grande productivit des
mineurs amricains,
- des mesures devraient tre adoptes par lEtat marocain pour aligner la taxation du
charbon sur celle du ptrole, amnager et amliorer les infrastructures portuaires,
notamment Mohammedia, puis plus tard Jorf Lasfar, pour satisfaire les besoins des
centrales thermiques de lONE,
Ces dispositions taient juges ncessaires pour que la conversion au charbon des
centrales lectriques, des cimenteries et des sucreries places dans le contexte des
conomies dnergie, ft possible et profitable.
152
Ce qui nous interpelle fournir un effort considrable au niveau de lEtat et de lOCP
pour rsoudre les problmes lis la restauration des sols des zones de Khouribga,
Youssoufia, Bengurir et Boucra.
LOCP tait dispos sauter le pas pour amliorer laspect du paysage des sites
dexploitation pour les transformer en zones dintrt conomique en lanant des
oprations de reboisement.
Mais est-ce que lEtat acceptera de renoncer une partie des dividendes engrangs
pour laffecter la restauration des zones concernes ? L, rside le vritable problme.
De Floride, aprs avoir transform mes billets davion, javais regagn New York, puis
Paris en avion Concorde.
En Tunisie
Aprs le dplacement aux Etats-Unis et la mise en place de la nouvelle organisation
la Direction des Mines, il fallait, en fvrier 1982, accompagner de nouveau le Ministre
Saadi, pour une mission en Tunisie laquelle avaient particip aussi les Directeurs,
Bensad et Bouhaouli, et Bouchta, Secrtaire Gnral de lONAREP.
La mission visait le renforcement des relations bilatrales dans les domaines des
mines, de la gologie et de lnergie.
A Tunis, en marge des runions plnires des dlgations prsides par les Ministres
de lEnergie et des Mines des deux pays, nous avons rencontr nos homologues tunisiens
pour approfondir davantage avec eux nos relations et dresser les plans dactions futurs.
Nous avons circul pour visiter la Mosque Zitouna, datant du 9 sicle, le Palais de
Bardo, la Mdina, avant daller au port de la Goulette, Carthage, Gammarth, et Sidi
Bousad, village perch au-dessus du golfe de Tunis.
Ce village mditerranen, unique en son genre, avec ses maisons de charme dun
blanc clatant, sent bon le jasmin et accueille des milliers de touristes en guise
dexotisme et de doux farniente.
Le lendemain, nous avons rejoint par avion le champ ptrolier dEl Borma en plein
Sud, dans le Grand Erg oriental, produisant 3 millions de tonnes de brut/an.
Le champ ptrolier avait fait lobjet dune exploitation controverse entre la Tunisie
et lAlgrie qui avaient fini par trouver un accord amiable aprs la dlimitation laborieuse
des frontires entre les deux pays.
Au retour dEl Borma, spcifiquement pour Bensad et moi-mme, un dplacement
nous avait conduits, non loin de la frontire avec la Libye, la grande Sebkha de Zarzis,
153
objet dune petite exploitation de chlorure de sodium et dtudes dextraction de
saumures diverses.
De retour vers Tunis par la route, nous avons admir la cte mditerranenne et lle
de Djerba, lentre du Golfe de Gabs.
En passant par Gabs clbre par sa palmeraie, Sfax (port phosphatier, industries
chimiques), Kairouan (Mosque), Sousse sur le golfe de Hammamet (mosaques
romaines) et Nabeul (poteries), nous avons not leffort consacr au dveloppement de la
campagne tunisienne ainsi que les remarquables infrastructures daccueil le long de la
Mditerrane pour accueillir plus de trois millions de touristes, dans un cadre enchanteur
et surtout bon march.
Trs tt, les Tunisiens avaient mis sur le tourisme de masse des prix abordables
au plan des sjours et du transport arien.
Au dernier jour de notre mission, avant un grand dner en notre honneur, la signature
dun protocole avait marqu le dsir des deux pays de mettre tout en uvre pour
renforcer et dvelopper la coopration dans les domaines de lnergie, de la gologie, des
mines et de la formation des cadres.
Nous avons not avec regret, quaussi bien larrive, comme au dpart,
lAmbassadeur du Maroc, Taz, invisible durant tout notre sjour, sans le moindre geste
lgard de la dlgation de son pays, navait pas daign tre laroport pour nous
accueillir et nous saluer.
Par contre, il tait laroport pour accueillir le Gnral Kabbaj, Inspecteur Gnral
des Forces Royales Air, de passage dans la capitale tunisienne.
Avec le Ministre Saadi et Bouchta, nous avons transit par Paris avant de regagner
Rabat, le reste de la dlgation optant pour le vol direct Royal Air Maroc du lendemain
pour Casablanca.
Pour son inauguration, les personnalits furent transportes par avion Hercules C130
affrt pour loccasion, partir dOuarzazate, avec atterrissage sur une piste existante,
agrandie et amnage pour lvnement.
154
La ractivation de la mine dor de Tiouit, rsultat des travaux assidus de SODECAT,
filiale 100% du BRPM, fut plus modeste, car pour accder au gisement il faut
emprunter, partir de Boumalne du Dads, une piste toute en lacets vers Iknioune, chef
lieu du Bougaffer et centre de la tribu des Illemchane, importante fraction de la grande
Confdration des At Atta.
Ces relations taient lances en 1978 par des missions amricaines venues au Maroc
sinformer sur les potentialits minires, et participer des journes dtudes sur
lexploitation minire et les possibilits dinvestissements.
Elles furent srieusement actives en novembre 1981 par la visite du Ministre Saadi
et dune importante dlgation dans le cadre du dveloppement des schistes bitumineux,
et poursuivies en janvier 1982 par une mission consacre aux conditions
dapprovisionnement du Maroc en charbon vapeur.
A Minneapolis, dans le Minnesota, sur le fleuve Mississipi, connue pour son Universit
et son muse, le Bureau of Mines dveloppait un vaste programme de recherche sur la
foration et le traitement des minerais de fer et la mise au point de machines de mine
assurant les meilleures conditions de scurit et dhygine.
A Salt Lake City, capitale de la secte des Mormons, fonde en 1847, prs du Grand
Lac sal sur lequel se droulaient les essais de voiture fuse, le centre de recherche du
Bureau of Mines, mondialement connu, ralisait dimportantes investigations sur les
substances minrales stratgiques (cobalt, nickel, molybdne, vanadium) et les mtaux
prcieux (or et argent).
A Los Angeles et Las Vegas dans le dsert du Nevada, centre touristique et de jeux de
hasard, un sjour dagrment avait satisfait la curiosit de Karim, fru de cinma
hollywoodien, de Disneyland et des machines sous.
A Las Vegas, dans la prcipitation, oubliant nos billets davion lhtel, nous avons
failli rater lavion sur Washington, si ce ntait la gentillesse dun chauffeur de taxi noir
qui tait all les rcuprer avant le dpart du vol de Delta Airlines.
155
****
Plus tard, en mai 1984, au cours dune autre mission, jtais revenu aux Etats-Unis
puis au Portugal, en rponse linvitation du Bureau of Mines et du Directeur Gnral de
la Gologie et des Mines du Portugal, Pereira.
A Washington, nous avons fait le point des relations existantes, dj troites avec le
Bureau of Mines, en matire dchanges dinformations et dexpertise.
Avec la Banque Mondiale, nous avons analys les conclusions peu reluisantes du
rapport labor par ses experts sur le secteur minier marocain de CADETAF.
Dans ce centre, taient tudis et dvelopps des explosifs sans nitroglycrine, aux
performances suprieures celles de la dynamite classique.
Au Portugal, la mine avait rellement besoin, plus que jamais, dun ramnagement
de ses vieilles structures.
Le grand projet de cuivre de Neves Corvo tait le prlude une vritable rvolution
des esprits dans les exploitations souterraines du pays.
Dans les diffrents centres miniers, je fus accueilli par les premiers responsables
portugais avec des gards exceptionnels, et souvent en famille.
Peu de temps aprs cette journe qui connut un grand succs, javais conduit une
mission Genve laquelle avaient particip le Chef du Service de lInspection du Travail,
Belahcen, et Naji, reprsentant du BRPM et de ses filiales.
Lobjectif assign notre mission tait dexaminer avec le BIT lorganisation dun
grand sminaire international sur lHygine et la scurit dans les mines, associant des
pays africains et europens.
Un programme fut arrt cet effet, visant la lutte contre les risques professionnels
et la sensibilisation des responsables des entreprises, des travailleurs et des dlgus
chargs des problmes de scurit et dhygine dans les mines.
A Genve, nous avons enregistr la bonne disposition du BIT nous apporter son
concours dans les domaines de linformation et de la documentation, relatives aux
expriences vcues dans dautres pays.
Sur le chemin du retour, javais transit par Marseille, et en compagnie d'Abdelhaq
Bennani, Chef de la Division de la Valorisation Minire, nous avons visit lusine de
fabrication des explosifs de Saint Martin de Craux.
156
Dans ce centre, nous avons pu apprcier les conditions de production, de
manutention et de stockage des explosifs, trois oprations qui devront tre la
proccupation majeure dans les usines des Groupes CADEX et SCAM implantes dans la
rgion de Casablanca, Tit Mellil et Bouskoura.
Alors que nous visitions les installations de Phosboucra, prs du port de Laayoune,
guids par le Directeur Nacer, un ancien camarade de la Promotion Mohammed V de
lEcole Mohammedia, nous avons appris la mort, aprs une longue maladie, du prince
Moulay Abdellah, frre du Roi Hassan II.
Aprs les missions lOCP, jeus le sentiment davoir rompu une barrire
psychologique entre lAdministration des Mines et lOffice qui se tournaient le dos depuis
longtemps, sans raison valable.
Javais rencontr partout des amis, des camarades dEcole, et constamment, je fus
accueilli chaleureusement avec les honneurs et la considration dus ma charge de
Directeur des Mines, reprsentant de lAdministration de tutelle.
Karim Lamrani tait lui-mme satisfait de la tournure prise par les relations avec le
Ministre et mavait exhort continuer sur la mme voie.
Vous faites du bon travail, continuez dans la mme direction, vous tes bien
apprci dans le secteur minier , me dit-il, loccasion dune de mes visites au centre de
Youssoufia et de linauguration du renforcement de la nouvelle ligne de chemin de fer
vers Safi, en prsence du Ministre des Transports, Mansouri.
Mon initiative fut unanimement apprcie, et nos relations avec le premier groupe
minier national taient revenues leur normalit, la satisfaction de tous, et
particulirement du Ministre Saadi et de Guerraoui, chef du Secrtariat du Directeur
Gnral de lOCP, devenu dsormais mon interlocuteur.
Pour ma part, je fus rellement enchant et fier de dcouvrir les grandes ralisations
de notre pays dans le domaine des phosphates et de leurs drivs, et dapprcier les
programmes de dveloppement du Groupe OCP pour les cinq prochaines annes aux plans
de lexploitation et de la valorisation minires.
157
de retarder linvestissement par des procdures dpasses ou inadaptes, des fois non
matrises par nos cadres eux-mmes.
Ainsi, des missions avaient concern les domaines des petits permissionnaires, entre
autres :
-Sel dAhl Draa 11 km de Demnate, domaine couvert par un trs ancien droit coutumier
accapar durant des dcennies par le Pacha de Marrakech, El Glaoui qui avait dpossd,
son profit, par la ruse et la force, les propritaires lgitimes.
Au fond de la mine, javais vu loeuvre des vieillards en train de dbiter des plaques
de sel que des adultes et mme des enfants transportaient pniblement sur leur dos dj
vot, sur plusieurs dizaines de mtres de plan inclin.
Au jour soprait la vente de plaques de sel gemme des acheteurs peu scrupuleux
de Marrakech et Bni Mellal.
La production tait de lordre de 2.500 tonnes par an, sous forme de blocs de sel
gemme dissous par jets deau, recueilli ensuite dans des bassins de dcantation, puis mis
en sacs dans une petite unit de conditionnement.
Lors de notre visite, avec Hakkaoui, Chef du Service du Patrimoine Minier, lui-mme
originaire de la rgion, nous avons pu rgler les problmes de dlimitation entre les
exploitants, en litige depuis des lustres.
- Lac Zima, en bordure de la route Marrakech-Safi, lexploitation du sel porte sur 600
hectares deau de hauteur variable en fonction de la pluviomtrie.
158
La production, estime 20.000 tonnes en 1986, est utilise essentiellement par les
sardiniers de Safi et les conserveurs dolives de Marrakech.
Ces derniers, aprs avoir achet les productions de calamine (carbonate de zinc) aux
artisans mineurs, les coulaient ensuite sur la base de fausses teneurs leves,
occasionnant pour la Centrale des manques gagner et des dficits importants que les
subventions de lEtat ne pouvaient couvrir indfiniment.
Une action nergique fut entreprise pour mettre fin ces agissements contraires
lthique dans la profession minire, en loignant lintermdiation, et en faisant ainsi
bnficier les vritables artisans des retombes de leur dur labeur.
En Sude
En mars 1983, la demande du Ministre Saadi, une mission fut entreprise en Sude
avec le concours de son Ambassadeur Rabat, Linqvist, et dAtlas Copco Maroc, pour
tudier les problmes de musologie, de patrimoine minier et denvironnement dans les
mines sudoises connues pour leur fermet dans la protection de la nature et du
traitement appropri de laprs mine.
Atlas Copco stait engag nous fournir gratuitement du matriel dexposition, des
plans damnagement, des maquettes, etc.
Par ailleurs, des sances de travail furent tenues Stockholm et Uppsala avec des
experts en matire de protection de lenvironnement, de lgislation minire, dinspection
du travail, dexploitation et de commercialisation des minerais.
Le sjour Stockholm stait achev par une visite lpave dun ancien navire
immobilis dans un des chenaux et transforme en muse de la mer.
Avec nos diffrents htes sudois, nous nous sommes accords pour changer les
informations, les statistiques et les expriences dans ces domaines importants.
****
Je reviendrai en Sude en mars 1984, sur invitation des autorits de ce pays,
accompagn par le Directeur Gnral dAtlas Copco Maroc, Brogli, pour visiter, sous la
neige, des centres de recherches et des usines de fabrication de matriels miniers dans la
priphrie de Stockholm, Uppsala, Sala, Sandvik, Boliden.
159
Picardie et de Herry prs dAuxerre, pour minformer sur les mesures adoptes par les
producteurs dans le cadre de la refonte du rglement minier franais intervenue en 1980.
****
En t 1984, aprs un dplacement rapide lunit de fabrication dexplosifs
Brigues en Suisse, et sur invitation du Directeur Gnral dAtlas Copco Maroc, Brogli et de
son pouse, nous avons, mon pouse et moi, t accueillis trs chaleureusement en
Norvge et en Sude par les socits Volvo BM, Alvnius et Atlas Copco, firmes fabricants
de matriel de mines et de gnie civil.
Fermetures de mines
Les moments les plus tristes de la vie dun ingnieur des mines sont les fermetures
ou les mises en veilleuse des exploitations minires.
Kettara, la premire mine concerne mes dbuts la Direction des Mines, avait fait
lobjet de travaux de recherches de cuivre en 1930, dexploitation en 1938 et 1940 des
minerais de fer (hmatite, pyrite et ocre) dont les prix taient alors rmunrateurs pour la
socit dexploitation, la Compagnie Minire Marocaine.
Kettara, longtemps adul par les quipes du BRPM, centre de formation dune pliade
dingnieurs et de techniciens des mines, ne sen remettra plus jamais.
La dcision en juin 1982 de la fermeture de la mine fut marque par une priode de
grande tension entretenue et attise par le comportement des syndicats et des
reprsentants du personnel.
Aprs de nombreuses runions la Direction des Mines avec le BRPM et lOCP, les
deux principaux actionnaires de la SEPYK, puis par la suite avec les syndicats (UMT
notamment), il fut dcid, au final et aprs consensus, darrter lactivit de production
de pyrrhotine, dindemniser le personnel et de recaser une centaine dagents aux
Charbonnages de Jrada et aux Phosphates de Youssoufia, les ingnieurs et les cadres
rintgrant le Groupe BRPM sans grande difficult.
Une activit sporadique avait t maintenue aux Ateliers pour rpondre des
demandes spcifiques, les logements furent cds symboliquement au personnel et les
btiments administratifs octroys la Commune de Kettara.
160
Bouazzer pour sa part, lune des plus anciennes mines du Maroc moderne, tait
lorigine de lrythrine (arsniate de cobalt) utilise comme raticide et insecticide par les
habitants de la rgion.
Larsniate de cobalt vendu sur les souks et Jema El Fna Marrakech fut
lorigine de la dcouverte du minerai de cobalt dans les annes 1928-1930 dans le secteur
de Bouazzer, dans la boutonnire du Grara.
Les cadres et plusieurs dizaines douvriers furent recass aux mines de Bleda, El
Hammam et Imiter.
Le Maroc minier doit beaucoup lexpertise acquise dans ces deux mines par
plusieurs dizaines dingnieurs, de techniciens et ouvriers spcialiss qui viendront
enrichir et renforcer les quipes en charge des nouveaux projets dvelopps en communs
par le BRPM et lONA.
La mine de Bouazzer sera ractive la fin des annes quatre vingt pour rpondre
la demande du client chinois, et aprs la conclusion avec lui dun contrat bas sur un
cours du cobalt intressant et rmunrateur, justifiant la reprise de lexploitation dans
certains quartiers abandonns cause du niveau non rmunrateur de leurs teneurs.
Ramnagement de la PRG
Sensibiliss par les problmes regrettables des fermetures des mines, mais aussi
dsireux de promouvoir la recherche minire pour reconstituer les rserves exploites et
amliorer les procds de valorisation, nous avons, de concert avec la profession minire,
ramnag le texte de la Provision pour Reconstitution de Gisement (PRG) datant de
septembre 1958, pour le rendre plus attractif et plus incitatif, notamment au plan de la
transformation des minerais et de la participation dans dautres socits de
dveloppement minier et paraminier.
Par ailleurs, lexcentricit gographique des mines ne devait pas se traduire par un
isolement effectif sur le plan conomique, mais plutt devait tre accompagn et assur
dun environnement adquat pour inciter et encourager les oprateurs miniers
entreprendre avec plus dardeur, les actions de dveloppement minier, moteur dun grand
nombre dactivits cratrices demplois et de richesses.
161
Avec lappui dtermin du Ministre Saadi et de lAssociation des Industries Minires
dirige avec grande comptence par Tab Skalli, lui-mme ancien Directeur des Mines, le
nouveau texte fut rapidement approuv par le Gouvernement, la grande satisfaction de
tous les oprateurs dans le secteur de lindustrie minrale.
Cest ainsi que le taux de provision avait t port 25% du chiffre daffaires au lieu
de 15% en vigueur, et que la dure de validit et dutilisation avait t porte 5 ans,
avec utilisation de 50% du montant accord pour le dveloppement des rserves globales
des gisements miniers.
Au Moyen Orient
En avril 1983, javais particip en Arabie Saoudite au sminaire sur la technologie
minire dans le monde arabe et son volution historique, organis par lOrganisation
Arabe des Ressources Minires (OARM) dirige par Alaoui Mhammedi.
Comme laccoutum dans les runions interarabes, une bonne partie du Sminaire
fut consacre aux discours creux, des recommandations de peu dintrt et des
rceptions interminables.
A Mahd Addahab, nous avons not la drobade dguise des ingnieurs des mines et
des gologues saoudiens pour nous accompagner dans la visite des travaux souterrains.
Sur les lieux, les travaux de recherches minires taient dirigs par Fauvelet, ancien
Directeur Technique du BRPM, dtach sur place par le BRGM France pour assurer le suivi
et la conduite des travaux.
Fauvelet tait venu Djeddah nous saluer et remmorer avec nous la priode o il
officiait au BRPM.
En vrit, malgr les dclarations des Saoudiens dsireux avant tout de montrer la
diversit des ressources naturelles de leur pays, les potentialits minires de lArabie
Saoudite sont bien modestes et ne reprsentent en valeur que quelques minutes de
pompage des immenses rserves en hydrocarbures.
162
A Djeddah, avec Lhatoute, grce lintermdiation d'Alaoui Mhammedi, Secrtaire
Gnral de lOrganisation Arabe des Ressources Minires (OARM), nous avons t reus
par Ghazi Soltane, Vice Ministre des mines pour examiner les possibilits de coopration
au plan des travaux miniers en Arabie Saoudite.
Mais nous constaterons par la suite, malgr les promesses et les bonnes paroles, quau
Moyen Orient, on prfrait traiter avec les Occidentaux plus souples et moins retors.
En Jordanie, qui avait abrit Amman le Sminaire sur le cuivre et le plomb dans le
monde arabe, organis par lArab Mining Company (ARMICO).
Au terme du Sminaire, une visite du grand projet de potasse de la Mer Morte nous
avait montr les efforts consentis par ARMICO dans la valorisation des eaux satures en
sel, proximit de la frontire avec Isral, non loin du site biblique de Sodome et
Gomorrhe.
Par la suite, dans cet ancien protectorat britannique, devenu indpendant en 1971,
riche en ptrole, nous avons visit des installations sidrurgiques et mtallurgiques
approvisionnes en fer dAustralie et en alumine de Guine, et ralises sous la
supervision dun expert algrien, Omar Grine.
Il faut rappeler que Bahren est archipel du Golfe Persique, proche de lArabie
Saoudite, laquelle il est reli par un pont de 28 km, intensment frquent dans les
deux sens durant les week end,
En Arabie Saoudite, venant de Bahren, aprs une escale dans limmense aroport
de Ryad, nous avons gagn Djeddah pour rencontrer le Vice Ministre saoudien des
ressources minires, Ghazi Soltane et les reprsentants de la Banque Islamique dispose-
nous disait-on- financer des projets miniers.
163
Le BRPM, chaud une deuxime fois, fera son deuil de ses espoirs au Moyen Orient
et ne tentera plus ce type dintervention auprs des pays du Golfe, probablement
rfractaires, comme en 1983, toute intervention minire marocaine.
Une randonne touristique fut organise pour nous sur les bords de la Mer Morte, lac
biblique de Palestine, salure trs forte, o se dverse aux environs de Karamah, le
Jourdain, fleuve mythique prenant sa source au Golan syrien occup par Isral depuis la
guerre des Six Jours en 1967.
Karamah, clbre pour son agriculture riche, ses domaines de bananiers, dorangers
et de marachages, fut le thtre, aprs la guerre des Six Jours, daffrontements sanglants
entre larme isralienne et les Palestiniens appuys par les forces jordaniennes.
Nous avons admir, du bord de la Mer Morte, plus de 390 en dessous du niveau de
la Mditerrane, le merveilleux coucher du soleil sur Jrusalem, qui de loin nous
paraissait haut perche, alors que des enfants jordaniens se baignaient en toute
innocence dans les eaux satures, faisant penser un bain dhuile.
Les Israliens veillaient au grain, avec le survol en permanence de la zone par des
avions de reconnaissance Hercule C130.
Nous sommes passs proximit du pont Allenby, du nom du marchal anglais ayant
contraint les Turcs vacuer la Palestine.
Le pont Allenby venait rappeler aux visiteurs que cette terre baigne dhistoire,
berceau des trois religions monothistes, est secoue en permanence par les soubresauts
et les affres de la guerre ouverte ou larve que se livrent, sans rpit depuis des dcennies,
les Arabes et les Juifs.
En mditant sur cette situation regrettable, on peut affirmer que seuls les rayons de
la paix sont en mesure denrayer ces rancunes qui aveuglent les peuples arabes et le
peuple isralien, et qui continuent dtruire leurs enfants.
En route vers Amman, nous avons travers une zone de valles boises, de cultures
en terrasses rappelant trangement la rgion du Rif.
Le lendemain, nous avons quitt Amman pour Paris, avec une courte escale
laroport de la capitale syrienne, Damas.
164
Au cours du premier trimestre de 1983, dans le cadre de notre plan dactions, javais
effectu plusieurs visites dans les mines du BRPM, du Groupe ONA et de lOCP,
accompagn des cadres de la Direction des Mines chargs du suivi des investissements,
de lInspection du Travail et du Patrimoine Minier.
Par ailleurs, la tenue des runions priodiques de la Direction des Mines avait engag
et inaugur lactualisation des textes lgislatifs et rglementaires rgissant les activits
extractives et de valorisation.
Le sminaire stait termin sur une rflexion globale sur certains problmes des
matires premires pour permettre den prendre une conscience objective.
- les deux chocs ptroliers de 1973 et 1979 furent absorbs par les pays
industrialiss, grce des ajustements conomiques lis aux taux dintrts et la
recirculation des ptrodollars,
- la crise de lnergie stait traduite par une augmentation vertigineuse des charges
dexploitation, entranant la fermeture des centres de production minire, obligeant
certains Etats redistribuer leurs moyens et opter pour dautres orientations et dautres
priorits,
- les pays en voie de dveloppement furent les plus durement touchs, et certains
dentre eux contraints de vendre leur production perte pour faire face aux problmes
lis leur balance des paiements,
- tout le monde stait accord pour affirmer que la russite de la coopration Nord-
Sud devait dabord passer par une coopration Sud-Sud pour favoriser et renforcer une
discipline des acteurs producteurs des matires premires minrales,
165
- au niveau de la coopration Nord-Sud, les pays industrialiss considraient quelle
devrait viser la scurit dapprovisionnement dans le cadre des intrts des uns et des
autres.
Mais tout le monde saccordait pour affirmer que sa russite devait dabord passer
par une coopration Sud-Sud pour favoriser et renforcer une discipline des acteurs
producteurs de matires premires minrales.
Aprs, avec le Directeur de lEnergie, Bouhaouli, nous nous sommes rendus dans la
zone du Beaujolais prs de Villefranche pour visiter des installations industrielles et
scolaires, ralises dans loptique des conomies dnergie dveloppes en France.
Aprs un court passage Paris, javais rejoint mon fils Karim Bordeaux pour
assister son dpart aux Etats-Unis o, dans le cadre de lAgence Nacelle, il devait
sjourner au sein dune famille du Minnesota.
Karim tait tout heureux de prendre le large tout seul, sans la prsence
ombrageuse de ses parents.
****
Je reviendrai en novembre 1984 au deuxime Forum dans le cadre dune dlgation
prside par le Ministre Saadi qui avait insist auprs des oprateurs europens et arabes
pour accorder leur intrt la recherche ptrolire et au dveloppement minier au Maroc.
Mais l encore, le succs ntait pas de la partie pour notre pays boud par les
investisseurs arabes.
Javais transit par Paris pour tre le surlendemain Goulmima o mon pre tait
malheureusement dj enterr.
166
Journes gologiques et minires
Au cours des annes prcdentes, seules taient organises les Journes
gologiques, suivies aussi bien par les gologues que par les mineurs.
Ainsi, ds fin 1983, en rassemblant durant plusieurs jours Rabat, des gologues et
des mineurs issus des mines, des offices publics, de lAdministration et de lUniversit, ces
journes furent loccasion de confronter les ides, les expriences, dexposer les rsultats
des travaux, dresser le bilan des recherches et des tudes et valuer les performances
obtenues dans les diffrentes mines et aux facults des sciences.
Au cours de ces forums, qui se tiendront tous les deux ans, les gologues traitaient de
linfrastructure gologique nationale et des derniers dveloppements en matire de
cartographie, les mineurs de leur ct analysaient les volutions en matire
dquipements miniers et de traitement, de mthodes dexploitation et de valorisation des
minerais complexes.
Ces journes, avaient toujours enregistr un grand et franc succs, tant par la qualit
des participants que par le niveau des exposs relatifs aux activits de reconnaissance,
dlaboration des cartes gologiques, de recherches en laboratoire, damlioration des
techniques de production et de valorisation des minerais.
Entre les Mineurs mens par la Compagnie Minire de Touissit (CMT), premier
producteur de plomb, et la Fonderie dirige par le vtran Beladi, homme retors et imbu
de sa science infuse en mtallurgie, ce fut lpreuve de force, suivie du blocage des
livraisons de concentrs de plomb lusine dOued El Heimer prs de Touissit.
La Fonderie, de son ct, invoquait les clauses des contrats lui garantissant
lapprovisionnement rgulier de son usine, occultant les bouleversements des cours au
niveau international et la vrit des cots locaux de production.
Aprs une analyse approfondie de la situation prside par la Direction des Mines, et
aprs accord des deux parties, il fut dcid dorganiser une mission dinformation en
Europe pour apprcier le niveau des frais de fusion et les cots opratoires des principales
fonderies de plomb.
167
Larbitrage fut brutalement rejet par Beladi, obligeant les Mineurs maintenir
mordicus leur refus de livraison sans accord pralable sur un niveau raisonnable des frais
de fusion, et opter pour lexportation de leurs productions pour bnficier de frais de
fusion plus clments sous dautres cieux.
La Direction des Mines enregistrera, avec un profond regret, cette position peu
cavalire de la Fonderie, sans autre forme de procs.
Lakhssassi, assainira ses relations avec les Mineurs avec beaucoup dentregent.
Les gisements concerns, situs dans le Haut Atlas occidental 3.000m daltitude,
entre le massif du Tichka et la valle dArgana, avec des rserves estimes 780.000
tonnes de barytine de densit 4,15, avaient fait lobjet en 1974 dimportants travaux de
terrassements suivis de la construction dune piste de montagne de 70 km partir d u
village de Timerdoudine, sur la route nationale Marrakech-Agadir.
168
Il faut souligner avec un zeste de satisfaction, quau plan technique, le Congrs fut
une russite, compte tenu du niveau des communications et de lintrt manifeste des
discussions approfondies entre participants.
Paralllement aux travaux du Congrs, notre dlgation stait entretenue avec ses
homologues de Mauritanie, de Tunisie et dIrak pour faire le bilan de notre coopration
bilatrale, en vue de la promouvoir et de la dvelopper.
Les chefs de dlgations furent reus la fin du Congrs au Palais prsidentiel par le
Marchal Nemeyri, en grand uniforme, chamarr de mdailles, au verbe et la rhtorique
faciles, serein, sr de lui et dominateur.
Il sera renvers et chass du pouvoir par un coup dEtat militaire, deux semaines
aprs notre passage au Palais prsidentiel.
Dans cette triste situation le pays, le plus vaste dAfrique, peinait pour saccrocher au
train du dveloppement.
En Jamahiriya
Dbut avril 1985, aprs la tenue des journes gologiques et minires ayant connu
un grand succs mdiatique, scientifique et technique, la demande de la partie libyenne,
nous nous sommes rendus, Chahid, Directeur Gnral du BRPM, et moi, en Jamahiriya,
En ralit, les Libyens, malgr leur norme apport financier tir des ventes de
ptrole, surfaient sur le projet dont le suivi et la ralisation taient assurs par des
socits japonaises et des expatris anglo-saxons.
Notre mission, en dfinitive, fut sans intrt rel, car au fil des discussions nous
avons retenu et compris que, malgr les promesses gnreuses, lapprovisionnement en
169
minerai de fer du Complexe de Misurata allait provenir du lointain Brsil, et que de ce fait,
loption SEFERIF tait dfinitivement carte.
Pour clturer notre sjour, une randonne touristique nous avait mens Leptis
Magna (aujourdhui Lebda), ancienne colonie phnicienne puis romaine, ville natale de
Septime Svre, empereur romain de 193 211, et connue pour ses nombreuses ruines
en bordure de la Mditerrane, lest de Tripoli,
Quelques semaines plus tard, une dlgation libyenne tait arrive au Maroc, sans
pour cela que la donne change.
Les Libyens taient venus pour dautres proccupations et non pour conclure des
contrats de livraisons du fer de Nador.
Ds lors, le BRPM fera son deuil des espoirs ns dune possibilit de reprise, plus
large chelle, de la production des minerais sulfurs de SEFERIF.
Dcidment, nous fmes convaincus, une fois pour toutes, quil est illusoire de
vouloir sentter essayer de susciter ou de promouvoir des relations minires avec des
partenaires dont les intrts sont souvent ailleurs.
170
Un Ministre issu de lOCP
Dans lavion de Tripoli Casablanca, de retour de mission en Jamahiriya, nous avons
appris le changement la tte du Ministre de lEnergie et des Mines.
Laurat de lEcole des Mines de Saint Etienne ayant intgr lOCP en 1963, Fettah,
minence grise du grand boom des industries chimiques du Groupe, promoteur du secteur
phosphatier de Bengurir, tait arriv avec un prjug favorable pour remplacer un
gologue ayant marqu de son empreinte le Dpartement depuis sa cration en 1979.
Connaissant Fettah depuis 1963, alors quil tait tudiant Saint Etienne, ayant
entretenu avec lui des relations amicales et cordiales de longue date, je ne pouvais
personnellement que me rjouir de continuer, sous son autorit et bnficiant de son
amiti, consolider et raffermir les nombreux acquis la Direction des Mines, et
oeuvrer sur la voie du progrs dans les mines nationales.
A Tizi Nfirest, tait calcine la production artisanale de calamine dans une batterie de
5 fours de 180 tonnes de capacit globale produisant 700 800 tonnes/mois de minerai
plus de 50% de zinc, coul traditionnellement sur les marchs allemand et yougoslave.
Sur le chemin de Rabat, avec Lhatoute, nous avons visit le gisement de Ghassoul
(de la famille des argiles smectiques) de Tamdafelt dans la province de Boulemane,
exploit, suite une adjudication, par la famille Sfrioui.
Il faut signaler que ce gisement singulier fut concd aux chorfas Ouled Moulay Ali
de Ksabi par le sultan Mohamed ben Abdellah par dahir de mars 1878, puis soumis
adjudication priodique de 10 ans.
Nous avons, pour loccasion, relev leffort fourni en matire dextraction par
traages et dpilages, de valorisation du Ghassoul sous forme de produits plus labors
(shampoings, savons) et de prestations sociales au profit du personnel.
Par la suite, pour approfondir ses connaissances du secteur minier, hors phosphates,
le Ministre stait dplac une seconde fois Ouarzazate pour inaugurer successivement
des programmes dlectrification rurale El Kela des Mgouna, lextension des
171
installations minires et de traitement Imiter visant quadrupler la production dargent
mtal, et la cit minire Tinerhir appele devenir un exemple de ralisation sociale
dans le secteur minier.
Poursuivant ses contacts avec le secteur minier, le Ministre se rendra aux mines de
Jbel Aouam et dEl Hammam pour senqurir des efforts dinvestissement engags par les
socits SMA et SAMINE dans les nouveaux quipements denrichissement des minerais
de fluorine et de plomb, et dans les programmes de travaux de recherche et de
dveloppement des gisements.
Fettah prsidera les Journes Fer et Charbon organises par la Direction des Mines
pour examiner lavenir de ces deux substances, la lumire des problmes SEFERIF, et
du lancement du plan de dveloppement des Charbonnages du Maroc.
Cette manifestation, comme les prcdentes consacres au cuivre, plomb, zinc, fut
un succs et nous avait interpells sur les difficults des mines de Nador et de Jrada, par
suite de la crise mondiale dans la sidrurgie et lindustrie charbonnire.
Le cas de Jrada ne devrait pas faire exception, lEtat devant tout ou tard mettre
davantage encore la main la poche pour maintenir sous perfusion la plus grande
communaut minire nationale aprs lOCP.
Je reviendrai en mai 1987 pour participer pour la troisime fois au Sminaire ax sur
la position des pays miniers du Tiers Monde face la crise des matires premires
minrales, au cours duquel javais expos sur le secteur minier national, en faisant les
remarques suivantes :
- les rserves sont les ressources gologiquement prouves et exploitables dans ltat de
la technologie du moment,
- au Maroc, les zones profondes et caches nont pas encore t suffisamment explores
par des mthodes scientifiques modernes (gophysique, magntisme, forages profonds)
et pour cela elles mritent quon leur accorde lattention et la volont ncessaires pour
dcouvrir dautres gisements dimportance,
172
- grce la nature de ses gisements et sa position gographique lui donnant un atout
considrable, le Maroc sest engag dans un important programme de dveloppement
minier irrversible.
Pour ce faire, lEtat en collaboration avec les oprateurs miniers, a labor un plan
ax principalement sur le dveloppement de la production et de la valorisation des
phosphates, la recherche, la production et la valorisation des mtaux prcieux, mtaux de
base, substances utiles, roches industrielles et ornementales, la refonte de tous les
textes lgislatifs et rglementaires pour les adapter aux conditions du dveloppement.
Cet expos, appuy fortement par les reprsentants du secteur minier marocain au
sminaire, avait montr le climat de collaboration et de synergie rgissant au Maroc les
relations de lEtat avec la profession minire.
Au cours de ce Sminaire, aprs des discussions en apart durant les pauses caf,
javais suscit et encourag le recrutement par le BRPM de Benyakhlef et de Mlle
Benkhedra, doctorants lEcole des Mines, devenus plus tard, tous les deux, de grands
responsables dans les secteurs minier et nergtique nationaux.
- dautres prfraient se diversifier ou axer leurs activits vers des crneaux pointus (cas
du molybdne) pour dominer le march et fixer les prix,
- mais de faon gnrale, il stait affirm une prise de conscience de la ncessit dun
travail concert et de ltude commune des problmes dapprovisionnement en matires
premires minrales et produits semi-finis (secteur de lautomobile notamment), position
diffrente de celle connue prcdemment, proche de la croyance dans le concept du
juste prix,
- le temps ntait plus ceux qui voulaient capitaliser le profit et socialiser la perte, et
que certains rient et dautres pleurent,
- les dsaccords ne mneront rien et ils ne feront quamplifier les effets de la crise et en
retarder le dnouement,
173
****
Poursuivant notre action de refonte et dactualisation des textes rgissant le secteur
minier, nous avons, paralllement, inaugur une nouvelle politique douverture prne
par le Gouvernement vers les organisations syndicales de toutes les obdiences, et ce,
pour instaurer le dialogue et la concertation.
Ainsi, ds mon retour, javais convoqu une runion avec les producteurs dexplosifs
et daccessoires de tir pour les sensibiliser sur les problmes de production, de stockage
et de manutention de ces produits sensibles.
Avant la tenue du sminaire, une tourne mavait men Hammam Zriba (fluorine,
barytine) Sra Ouartne (centre dessais sur le traitement des phosphates) Bougrine
(gisement de zinc en cours de reconnaissance), Boujaber (barytine) Jrissa (fer) et
Moulars prs de Gafsa (phosphate).
Au cours de cette tourne, jeus loccasion de constater le retard patent des mines
tunisiennes aux plans de lorganisation, de lencadrement, de la gestion et des mthodes
dexploitation et de recherches.
174
****
Par la suite, conformment aux dcisions de la Grande Commission maroco-
tunisienne, une dlgation tait venue valuer leffort de notre secteur au plan de
lorganisation, des mthodes de recherche, de lexploitation et de la valorisation.
Aprs les nombreux bouleversements dans les mines au Maroc, il nous avait sembl
ncessaire den comprendre et apprcier les effets, de dresser un bilan exhaustif des
rsultats obtenus et dexaminer les perspectives de dveloppement dans un monde en
perptuelle mutation.
En publiant cet ouvrage, recueil de 1912 1986 de toutes les exploitations minires
et para minires du pays, la Direction des Mines esprait mettre la disposition des
investisseurs nationaux et trangers, des enseignants, des chercheurs et des tudiants,
un outil de travail leur apportant des informations sur les potentialits minires du pays
pour les aider circonscrire une part de nos orientations et de nos perspectives nouvelles.
Des enqutes furent menes dans les diffrentes mines, pour recueillir le maximum
dinformations exactes, fiables et objectives, avec lambition de rpondre un besoin
pressant de faire revivre lactivit minire sous ses multiples aspects, avec son prodigieux
foisonnement et ses lignes de force.
Le document, tir 2.000 exemplaires pour un cot de 400.000 dirhams, est le fruit
dun travail associant les ingnieurs et cadres de la Direction des Mines et tous les
intervenants du secteur minier national.
Diversit et prcision, dune part, cohrence et largeur de vue dautre part, telles
furent les proccupations commandant larticulation de cet ouvrage indit dans lhistoire
de la mine marocaine, dont les principaux lments de base sont :
- le Maroc, empire des phosphates, est depuis des sicles, producteur de mtaux
prcieux (argent et or), de mtaux de base (plomb, zinc, cuivre), de charbon (anthracite),
de roches industrielles et ornementales,
175
- la politique suivie depuis lindpendance en matire de prospection systmatique,
de promotion des projets miniers, de valorisation et de formation professionnelle, a
enregistr des rsultats satisfaisants, permettant notre pays doccuper une place de
premier rang parmi les nations vocation minire,
Notre sjour fut organis par Tixeront et Bouteloup, deux anciens du Maroc, ayant
exerc la Direction de la Gologie et lONA, devenus de grands dcideurs au sein du
groupe BRGM.
Les sances de travail Orlans furent suivies dune visite au projet minier de cuivre
en plein dveloppement de Chessy prs de Lyon.
Le gisement, situ dans une zone agricole, faisait lobjet dun vaste programme de
recherches dans un secteur o le vignoble du Beaujolais tait plus pris que la mine de
cuivre souterraine.
Les rsultats Chessy aux plans des recherches, des rserves et des essais de
valorisation, semblaient peu prometteurs pour le BRGM.
****
Je reviendrai quelques mois plus tard, seul, Orlans pour discuter avec Tixeront du
plan minral marocain et relancer la coopration minire maroco-franaise dans le cadre
dun programme de recherche pluriannuel financ par la Banque Africaine de
Dveloppement.
****
En avril 1986, javais fait partie de la mission conduite par le Ministre Fettah au
Portugal, linvitation des autorits de ce pays pour redynamiser la coopration bilatrale
en matire de mines et dnergie.
176
Aprs les discussions officielles Lisbonne et une randonne Cascais et Capo de
Roca, point le plus lOuest de lEurope, nous nous sommes rendus au complexe
portuaire de Sines au Sud de Setubal, rceptacle des mthaniers approvisionnant le
Portugal en gaz.
Nous avons poursuivi notre tourne et visitant les centres miniers de Neves Corvo et
dAljustrel pour apprcier les efforts engags dans la mise en valeur des mines
portugaises de la ceinture ibrique riche en minerais sulfurs de cuivre.
****
En mai 1986, en plein Ramadan en grande dlgation reprsentant le secteur minier,
nous avons particip Douai au Congrs de la SIM pour lanne 1986 qui fut un grand
forum maill de quelques notes gaies et folkloriques.
A cette occasion, nous avons examin avec nos partenaires du comit dorganisation
franais les prparatifs du Congrs Marrakech, dcid pour lanne 1987, aprs laccord
du Premier Ministre Lamrani, ami de Bailly, Prsident de la SIM.
Nous sommes partis de Douai, convaincus que le futur Congrs Marrakech, dcid
exceptionnellement en dehors de France, sera plus impressionnant.
Avant daller Douai, javais visit prs de Limoges, en compagnie de mes amis Rabit
et Galinet, le village, tristement clbre, dOradour-sur-Glane, o des centaines
dhabitants furent massacrs durant loccupation nazie, en rponse aux actions de
harclement de la Rsistance franaise.
****
En dbut juin 1986, linvitation de lEcole dEtat Major Kenitra, commands par le
Gnral Loubaris, vtran des interventions des Forces Armes Royales au Shaba, et fin
connaisseur de la situation conomique de notre pays, javais donn une confrence sur le
secteur minier national, devant un parterre dofficiers suprieurs marocains et trangers.
Jinterviendrai plus tard, dans le mme cadre lEcole Royale Navale Casablanca, en
traitant du secteur minier national et de ses perspectives pour la prochaine dcennie.
Chaque fois, un long dbat avait suivi, montrant lintrt manifeste des futurs
officiers dEtat Major des FAR et de la Marine Royale pour lavenir conomique et social de
notre pays.
****
Reprenant une vieille tradition remontant aux annes soixante dix, la Socit Atlas
Copco Maroc avait organis fin juin 1986 dans la salle de confrences du Ministre, et
titre tout fait exceptionnel, un symposium pour montrer son dynamisme, la permanence
et la qualit de ses relations avec les exploitations minires marocaines et lensemble du
secteur minier.
A Disney World, rplique plus moderne de Disney Land de Los Angeles, nous avons
dcouvert avec plaisir le pavillon du Maroc magnifiquement amnag en mdina et
agrment de produits de lartisanat.
177
Au grand centre dattractions de Magic Kingdom, dans des installations futuristes, le
spectacle fut ferique et captivant.
A Cap Kennedy, nous avons t bahis par les gigantesques installations de la NASA
et les diffrents sites de lancement des fuses de toutes natures, au milieu des marcages
alligators et des parcs naturels vigoureusement protgs.
Aprs la Floride, nous nous tions installs durant une semaine sur la cte du Golfe
du Mexique, Sarasota, pour goter les plaisirs de la plage, de la mer, des footings
matinaux et des randonnes pdestres, avant de retourner Washington.
Aprs trois jours dans la capitale fdrale, nous avons rejoint New York par la
navette arienne Trumph, puis Paris par Concorde que Karim empruntait en guise de
rcompense pour son excellent parcours scolaire au Lyce Descartes de Rabat.
Vous devez, en arrivant Paris, rserver immdiatement pour Rabat nous dit
lhtesse malgr le laisser pass dlivr par lAmbassade du Maroc Washington.
A larrive de nuit Paris, aprs trois heures et demie dun vol morne et triste, nous
fmes tonns de ne subir aucun contrle didentit la police des frontires.
Karim qui sattendait reprendre lavion sur Rabat le lendemain, fut soulag pour
rester dans la capitale franaise avec sa mre arrive la veille.
La Finlande est reste pour moi un pays couvert de forts de conifres, exploites
pour le bois et la pte papier, principales ressources du pays.
Tt le matin, sous un soleil limpide, des dizaines de passagers sudois avaient envahi
les nombreux bars et les boutiques de ventes dalcool. Avant midi, ils taient dj dans les
vapeurs thyliques, et sans descendre du bateau, beaucoup regagneront Stockholm, le
lendemain.
Au retour de Finlande, jtais pass SALA pour saluer mes amis sudois et rappeler
les bons souvenirs de notre coopration fructueuse et amicale des annes soixante dix
pour le compte de SODECAT.
A Rabat aprs les congs, les dossiers CADETAF, les prparatifs du Congrs minier de
Marrakech avec la SIM et la refonte de la fiscalit minire furent le menu quotidien et
lobjet de nos runions hebdomadaires.
178
Au pays des Incas : la Bolivie
En octobre 1986, javais conduit une mission en Bolivie, comprenant Omari, Directeur
des Exploitations de lOCP et Louali, Directeur Technique du BRPM.
Les orientations pour accomplir notre mission nous furent donnes lors dune runion
coprside par le Ministre Charg des Affaires Sahariennes, Khalli Henna Ould Rachid,
connu pour ses accointances avec le monde hispanophone et lAmrique du Sud, et par le
Ministre de lEnergie et des Mines, Fettah, fin connaisseur des problmes lis
lapprovisionnement en soufre des industries chimiques de lOCP de Safi et Jorf Lasfar.
Cette mission exploratoire avait fait suite la visite au Maroc du Vice Prsident de la
Rpublique bolivienne, et tait axe essentiellement sur :
Partis de Casablanca, nous avons transit par Madrid pour emprunter le vol rgulier
d'Arolinas Argentinas, en partance pour Rio de Janeiro.
La Paz capitale de lEtat, est construite sur les contreforts dun plateau aride occup
par dimmenses bidonvilles et des quartiers en pis.
Dans cette grande mtropole vivaient 20% de la population du pays estime six
millions dhabitants grande majorit indienne, et domine par une oligarchie de souche
espagnole dtentrice des rnes du vritable pouvoir politique et conomique.
Vaste pays de plus dun million de kilomtres carrs, dot de ressources minires
considrables, la Bolivie tait en pleine crise conomique aprs la chute brutale des cours
de ltain, principale production minire, entranant dans le sillage le licenciement de
50% des effectifs du secteur minier.
En plus des mines, dune agriculture encore rudimentaire, des forts quatoriales et
tropicales dans les basses terres, la Bolivie tait connue pour tre le pays de la drogue
(cocane) et de linstabilit politique notoire et persistante.
179
On rapporte que de vritables batailles ranges entre le rseau de la drogue et
larme rgulire avaient fait des centaines de victimes.
Au plan politique, la Bolivie avait connu plus de cent coups dEtat depuis son
indpendance, telle enseigne que certaines avenues portant le nom des anciens
Prsidents, avaient chang dappellation plusieurs reprises, et quune grande avenue de
la Paz portait le nom du Prsident actuel.
Linflation avait atteint des taux inconnus ailleurs, culminant en lespace de quelques
annes 82.000%, transformant le peso, en monnaie de singe.
Au cours dune entrevue, le Ministre de lAgriculture nous avait fait part des besoins
importants de lagriculture bolivienne en engrais complexes, court, moyen et long
termes, et de lintrt dune coopration avec le Maroc.
Par la suite, nous avons tenu des sances de travail lOffice National des Ptroles,
au Service Gologique, lOffice dExploration Minire, la Corporation Minire, et en fin
de journe la Corporation des Assurances Sociales de lArme, dtentrice de grandes
concessions minires.
Par ailleurs, suite la publicit autour de notre mission, orchestre par les mdia,
plusieurs producteurs et permissionnaires privs avaient exprim le dsir de nous
rencontrer dans le cadre de runions coordonnes par le Ministre des Mines.
Au troisime jour, un avion spcial fut affrt pour nous permettre de survoler la
Cordillre des Andes occidentales, proche de la frontire chilienne, zone de soufrires
lies au volcanisme andin, puis la Cordillre orientale connue pour ses riches gisements
de minerais polymtalliques (tain, argent, plomb, cuivre).
Par la suite, une longue tourne nous avait mens lancienne mine dtain de
Quelhuani, la station de ski de Chacaltaya plus de 5.000 m daltitude, o nous avons
souffert du manque doxygne, ne pouvant marcher sur plus de cent mtres pour admirer
les merveilleux paysages andin.
180
Au cours de notre sjour, nous fmes reus par le Vice-prsident de la Rpublique,
Prsident du Congrs, en prsence de plusieurs snateurs membres de la dlgation
layant accompagn au Maroc.
La veille de notre dpart de La Paz, en grand faste, sous les lambris des immenses
salons du Ministre des Affaires Etrangres, nous avons sign un document faisant la
synthse de nos diffrentes discussions et des perspectives davenir entre nos deux pays.
Comme laller, transitant par Rio pour un sjour de dcompression aprs une
semaine dans latmosphre de La Paz, nous fmes soumis une fouille complte car nous
venions du royaume de la drogue.
Le retour Paris bord dun avion des lignes brsiliennes Varig fut calme, mais
long, avec plus de dix heures de vols sans escale.
****
Notre mission, assurment, fut considre comme une tape importante dans le
dveloppement des relations de notre pays avec lAmrique latine et particulirement
avec le Groupe Andin, dont la Bolivie tait un membre influent.
Lattention particulire accorde par les autorits boliviennes notre mission, les
diffrentes runions et les contacts avec les secteurs public et priv, nous avaient
convaincus de lexistence de rels sujets dintrt pour les deux pays,
Pour les phosphates et les engrais drivs, les marchs bolivien et andin, pourraient
tre moyen terme, des dbouchs pour les produits marocains, les possibilits agricoles
de la Bolivie tant immenses et encore faiblement exploites.
Notre mission ayant dblay le terrain, des sjours en Bolivie de plus longue dure,
associant des gologues de terrain et des ingnieurs, devraient suivre pour valuer le vrai
potentiel en soufre de la Bolivie, slectionner les cibles exploitables et mesurer lampleur
de leffort humain, technique et financier apporter par notre pays dans le cadre dune
coopration plus approfondie et plus quilibre.
Nous sommes rentrs au pays pour essayer, chacun de son ct, de donner une suite
concrte notre dplacement politico-technique.
181
Vers une refonte des textes
Et lintroduction de lInformatique
Pour une meilleure comprhension de notre action la Direction des Mines, et
apprcier lvolution de lactivit minire dans notre pays depuis les temps reculs,
durant la priode du Protectorat franais et aprs lIndpendance, il y a lieu de rappeler
ici un certain nombre dlments de base :
Le centre du pays offre une large tendue de formations plus rcentes (msozoques)
qui constituent lessentiel des terrains du Moyen et du Haut Atlas; au Nord, le Rif est
constitu de matriaux plus jeunes.
- Les phosphates dans le crtac et le dbut de locne dans les secteurs des Ouled
Abdoun, des Gantours, de Chichaoua, dImi NTanout, de Meskala et de Boucra,
- Les zones de charbon : dans le Pays des Horsts au nord-est du pays (Jrada),
- Les zones plomb et zinc parfois associs au cuivre et largent dans le lias du Haut
Atlas, la partie orientale du Pays des Horsts et dans le Jbel Bani au sud,
- Les minerais de fer rpandus dans les terrains primaires du Tafilalet, de Anti-Atlas
occidental et dans les zones de Khnifra, de Nador et dAmgala dans le Sahara,
- Les zones polymtalliques dans le Haut Atlas, les Jbilets, les Rhamna, le Maroc Central et
le Rif interne,
- Les zones substances utiles (sel gemme, gypse, potasse) dans les secteurs de Safi,
Mohammedia, Berrechid, Khemisset et Guercif.
Au plan historique,
Lactivit minire au Maroc remonte plusieurs sicles et la technicit minire
marocaine est mondialement reconnue.
Florissante jusquau 15 sicle, lactivit minire a t par la suite ralentie car les
Anciens mineurs taient stopps, non seulement par la profondeur, mais aussi par la
duret de la roche et les problmes inhrents lexhaure et larage.
182
Parmi les vestiges attribus lpoque romaine, les rcits anciens signalent les restes
des travaux au Jbel Hadid 22 km dEssaouira pour lextraction du minerai de fer, Sidi
Rahou, Jbel Mahsseur et Sidi Boubeker dans la rgion dOujda pour lexploitation du
plomb.
Les procds employs pour traiter les minerais taient bass sur loxydation
partielle en les brlant sur le charbon de bois vent modr ou semi oxydant.
Dans la rgion de Tedders, non loin de Khemisset, des lampes en terre ont t
trouves proximit des exploitations de filons dtain.
Dans le domaine des carrires, les Romains avaient exploit la pierre btir dans le
calcaire bleut de lOued Akreuch prs de Rabat, le grs de la cte atlantique ou pierre
de Sal utilise pour les sculptures, le calcaire de Zerhoun Volubilis dbit flanc de
colline pour atteindre les bancs compacts et de bonne qualit.
A lavnement de lIslam, lactivit minire fut lun des piliers de lconomie du pays
et le point de dpart des relations tisses avec le monde extrieur et particulirement
avec les pays du bassin mditerranen et au sud du Sahara.
Sur le plan de lexploitation les anciens mineurs avaient acquis une technicit
prcoce permettant la mise en valeur des mines les plus riches du monde musulman et
dassurer lessor conomique remarquable du Maroc au dbut du Moyen Age.
Les auteurs arabes et europens du 9 au 19 sicle ont relat dans leurs crits des
descriptions des mines exploites pour largent, le cuivre, le fer, le plomb et lor.
Dans sa description des routes musulmanes de lAsie centrale aux Pyrnes, Ibn
Kordodbah donne en 840 des indications sur Dra, grande cit peuple proximit
dune mine dargent.
La ville de Sijilmassa dans le Tafilalet, prs de Rissani, cre en 757 par Midrar, un
ancien forgeron, tait une grande capitale qui contrlait les productions minires dor,
dargent et de cuivre de la rgion du Dra.
Lhistoire nous apprend qu'Idris Ier dirigea sa premire expdition contre Taza
rpute pour sa mine dor.
El Bekri, puis plus tard en 1134, El Idrissi, voquent la prsence des mines dargent
Tazraret prs du col du Tizi NTest et aux environ dIgli, zones dinfluence, puisqu la
mort dIdris II en 828, ses successeurs se partagrent les principauts correspondant
des centres dextraction minire.
Ainsi Yahia stablit Da prs de Kasbah Tadla, tape sur la route de Fs et Aghmat
prs de Marrakech o lon extrayait le cuivre ; Abdellah rgna sur Tamdoult et Igli o lon
produisait du cuivre, de largent et de lor.
Hassan El Ouazzane (Lon lAfricain), au 16 sicle, dcrit lorigine des querelles dans
le Sous entre les habitants des montagnes de lAnchisa pour la possession des mines
dargent, et mentionne lexploitation et le travail sur place du plomb et de lantimoine
dans la localit d'An Char lest du Haut Atlas, o de vieux travaux sont visibles sur plus
de 3 km.
183
En ce qui concerne le zinc (appel toutia) extrait des mines du Tafilalet, il servait la
fabrication du laiton (alliage cuivre-zinc) travaill par des artisans de Fs (Souk
Esseffarine) pour produire des outils et ustensiles usage local.
Ltain tait exploit El Karit dans la rgion dOulms et chang par les Sadiens
avec lEurope au 16 sicle.
Le sel produit dans les rgions de Taza, Tissa, de Guercif, Souk Larba et au Lac Zima,
constituait une activit florissante et organise, et des caravanes entires partaient au
Soudan et revenaient dans la valle du Dra avec de lor, de livoire et dautres produits
africains.
La premire expdition des Mrinides contre les Almohades fut dirige en 1229
contre la mine de plomb argentifre de Jbel Aouam.
Ainsi, par le jeu des alliances avec des notables, les Portugais installs Ceuta, Ksar
Esseghir, Anfa, Massa, Tarjicht, Ifrane de lAnti Atlas et Mazagan, procdrent au pillage
systmatique des richesses minires marocaines pour approvisionner lEurope (Espagne,
France, Hollande et Angleterre).
Aprs les Sadiens et jusquau 19 sicle, lactivit minire, bien que ralentie et
perturbe par les vnements politiques, avait subsist pour approvisionner le march
local en plomb, cuivre et sel.
A la fin du 19 sicle, le sultan Moulay El Hassan 1er fit appel des ingnieurs anglais
pour prospecter les rgions de Tanger et Marrakech et envoya en Europe des tudiants
marocains sinitier aux nouvelles technologies minires.
En 1901, le gologue franais Brives fut le premier se rendre au Maroc pour estimer
les potentialits minires du pays.
184
Le rythme de production, quelque peu perturb par les hostilits de la Deuxime
Guerre Mondiale, avait repris avec vigueur en 1946.
Au plan lgislatif
Si le cadre gographique, gologique et historique stait montr dans lensemble
favorable la cration dune industrie minire puissante, il en tait de mme du cadre
lgislatif dans lequel elle stait dveloppe, et du rgime minier qui lui avait servi de
support durant des dcennies.
Ce rgime libral lgu par le Protectorat, laissait linitiative prive une grande
part dans la recherche et la mise en valeur des mines.
Au fil du temps, le Rglement minier, le Statut du Mineur et les autres textes relatifs
lactivit minire, taient jugs inadapts, car il y avait un manque de flexibilit doubl
de contraintes administratives dmotivantes pour les investisseurs potentiels,
notamment trangers.
- le nombre limit des oprateurs miniers nationaux ou trangers, se traduisant par le peu
de dynamisme de la recherche minire,
- la dlimitation du rgime des mines et des carrires entranant des effets pervers pour
une exploitation rationnelle des gisements, car sur un mme permis les intervenants
peuvent tre en concurrence avec des carriers ou avec des exploitants miniers dune autre
catgorie minire,
- les contraintes lies au statut foncier des terrains, trs dissuasives pour des
investisseurs potentiels.
185
Lanalyse de la situation, entame dj en 1982, fut de nouveau lobjet de plusieurs
dbats au dernier trimestre de 1986 pour marquer notre dtermination accompagner le
secteur minier national dans sa qute de renouveau.
Au plan fiscal
Lapprciation tait diffrente selon quil sagit de lexploration ou de lexploitation
minire.
Le rgime fiscal tait jug positif par suite de la suppression de la taxe ad valorem, la
rduction de limpt sur les socits (lIS) 35% et son exonration partielle pour le
chiffre daffaires ralis lexportation, et lexonration de la TVA pour lacquisition de
biens dquipement, matriels et outillages,
Pour largir lassiette dutilisation de la PRG, et dans une premire phase, nous avons
ramnag le texte existant pour le rendre plus incitatif aux promoteurs miniers au plan
de la recherche, de la valorisation et des prises de participations dans les socits
minires aussi bien au Maroc qu lextrieur.
Introduction de lInformatique
Malgr des avances certaines au niveau de la refonte et du dpoussirage des textes
lgislatifs et rglementaires, de lorganisation, des structures et des actions de formation,
beaucoup restait encore faire dans le domaine de linformatisation de nos actes de
gestion traditionnels.
186
Au niveau des hommes, nous avons continu renforcer lencadrement des services
centraux et rgionaux, o de jeunes talents, volontaires, avaient marqu et manifest
leur dsir de se perfectionner et de se recycler pour tre au diapason et en adquation
avec le nouvel environnement mondial.
Peu de chose, au regard de leurs prtentions lgitimes, car les conditions matrielles
demeuraient prcaires, face aux problmes pineux, notamment aux plans du transport
et du logement.
Certes, des sminaires, des stages multiples et varis, et laccs aux Grandes Ecoles,
avaient donn loccasion un grand nombre de nos jeunes ingnieurs de sinformer et de
se perfectionner.
Ce retard dramatique, dnonc maintes reprises par la Direction des Mines, avait
largi le gap avec le monde extrieur, sans mouvoir et proccuper les responsables de
lallocation des ressources budgtaires au ministre des Finances, cramponns leur
opposition saugrenue doctroi de crdits consquents.
Ainsi, par suite de la dcision du Ministre des Finances de faire approuver tout
investissement spcifique par la Centrale dachats des Administrations publiques, notre
plan de dveloppement informatique tait renvoy aux calendes grecques.
Cette situation, si nous ny avions pas pris garde, allait nous exposer la
marginalisation et aux effets nfastes et pernicieux du gap technologique.
Pour relever le dfi et faire face aux nouvelles donnes dune gestion efficace et
diligente de notre patrimoine minier, nous avons recherch des moyens extrieurs pour
sortir du sous-dveloppement informatique .
Cette amorce de dveloppement fut anime par une quipe jeune, dynamique, et
enthousiaste, pilote par Sadiqui, Chef de la Division de la Gestion Minire, et suivie et
anime quotidiennement par le Chef de Service de Patrimoine Minier, Hakkaoui, lui-mme
fru dlectronique et dinformatique.
Pour renforcer les capacits de nos ingnieurs, de multiples stages furent organiss
ltranger, aids en cela par le Programme des Nations Unies pour le Dveloppement
(PNUD).
187
Ce dernier dlgua, pour de longues priodes, un remarquable expert, Handelsmann,
toujours disponible et coopratif, encourag lui-mme par lengouement de nos cadres
quil ctoyait tous les jours au sige du Dpartement.
Dans cette situation, notre objectif primordial tait dlaborer et mettre en place une
politique de formation et de perfectionnement de nos cadres, permettant ces derniers
dentrer dans lre de linformatique de gestion et de lInternet.
Dans cet esprit, et pour tablir le bilan de notre action et lancer les plans futurs, nous
avons tenu le Sminaire Informatique bas sur des exposs techniques entrecoups de
visites des centres de formation et de recherches, des laboratoires, et des exploitations
minires de lOCP, du BRPM et de lONA.
Les rsultats engrangs par notre action nous avaient incits persvrer, tout en
faisant profiter de notre exprience les autres pays africains francophones avec
lassistance et le soutien matriel et logistique du PNUD.
Hakkaoui deviendra plus tard un vritable expert auxiliaire du PNUD pour aller
dispenser sa science et sa grande exprience dans plusieurs pays africains au sud du
Sahara (Guine, Cameroun, Burkina Faso, Mauritanie), assist de lomniprsent
Handelsmann devenu un grand ami du Maroc
***
En fvrier 1987, la suite dun terrible accident de circulation, nous avons enregistr
le dcs de Kortbi, chef du service des mines de Marrakech.
Kortbi tait estim parmi ses pairs et dans le secteur minier, en raison de son
srieux, sa comptence et ses relations exemplaires.
Un lan de solidarit extraordinaire, initi par la Direction des Mines, avait soulag la
douleur de sa famille, et assur ses enfants des conditions de vie dcentes par
lacquisition dun logement Marrakech.
Sa disparition brutale avait montr que les gens des mines, dans leur ensemble,
ont du cur en rpondant prsent lappel dans les moments cruciaux.
188
En Chine
En 1983, la conjoncture dfavorable des cours de cobalt, conjugue lpuisement
des rserves au secteur de Bouazzer, avait contraint le groupe ONA mettre en veilleuse
une exploitation unique au monde.
Ce fut alors un coup dur pour toute la rgion de Tazenakht o la mine avait cr de
longue date une intense activit multiforme.
Le 23 mars, aprs un tour de ville le long des canaux, nous avons pris le vol rgulier
de Swissair en partance pour Pkin.
Dans cette grande mtropole, durant lescale dune heure, nous avons apprci le
nettoyage complet et rapide de lappareil par la multitude douvriers indiens.
Au cours du vol Bombay-Pkin dune dure de sept heures, galement parfait, nous
avons admir lEmpire du Milieu haute altitude, alors que le jour se levait sur le nord de
limmense Chine
189
A lapproche de Pkin (Beijing ou cit du nord pour les Chinois, ancienne Cambaluc
du temps de Marco Polo), dans un paysage uniformment plat et triste, lhiver tait
encore prsent, avec les champs sous un manteau de neige.
Notre arrive eut lieu en fin de matine, dans un aroport maussade, sentant le moisi
et sous quip, mais o les formalits de police et de douane furent, notre grand
tonnement, extrmement diligentes.
Aprs un accueil des plus chaleureux par le Directeur de lusine de cobalt, ZU, et son
staff dingnieurs accompagns de linterprte TSU, parlant franais, nous nous sommes
rapidement engouffrs dans deux voitures japonaises aux siges recouverts de broderie
blanche, signe dgards pour les visiteurs que nous tions.
Avant darriver lHtel Jie Yin, notre lieu de rsidence, nous avons travers Pkin,
ville triste, laide, faite de grandes artres domines par des grappes dnormes btisses
en briques rouges.
Lhtel, situ sur lune des principales avenues de Pkin, tait dun niveau ordinaire,
avec toutefois des chambres propres et bien tenues.
Nous tions logs l, non par manque dgards pour nous, mais parce que tous les
htels de renom taient complets, en raison de la grande affluence Pkin loccasion de
la runion annuelle de la Grande Assemble Nationale Populaire, le Parlement chinois.
Par courtoisie, nos htes, avaient tenu nous demander notre prfrence culinaire ;
et naturellement nous avons opt pour la cuisine chinoise rpute comme lune des
meilleures et des plus raffines au monde.
Aprs le rituel crmonial de bienvenue, nous nous sommes mis autour dune table
ronde merveilleusement dcore pour la circonstance, dj garnie dune multitude de
petits plats, donnant limpression dune vritable estampe.
Le service tait assur avec raffinement par une myriade de jeunes et jolies filles en
tenues traditionnelles carlates.
Avec plaisir, nous fmes soumis au rituel des toasts au mote (alcool de riz).
Laprs midi, sous un froid piquant, nous sommes alls la grande place Tien An
Men, au Mausole Mao, lAssemble Nationale Populaire, prs de la Cit Interdite, et
enfin au Magasin de lAmiti frquent par les trangers venus admirer, comme nous, ou
acheter des soieries, broderies, objets en jade, ivoire, porcelaine.
Dans ce magasin, les articles taient pays en yuans convertibles (un yuan quivalait
deux dirhams environ), alors que dans la profusion des petits commerces, seul le yuan dit
populaire tait utilis.
Le soir, lancien Attach commercial de lAmbassade de Chine Rabat (qui tait venu
me rendre visite la Direction des Mines quelques mois auparavant) nous fit lhonneur
dun grand dner au fameux Restaurant Le Canard Laqu.
190
Avec une amabilit exquise, nos htes se faisaient un rel plaisir nous servir et
nous faire goter tous les mets, entrecoups, de temps autre, comme il est de rgle en
Chine, par des toasts au mote, suivis de la formule habituelle kampe (cul sec comme on
dit dans le jargon de la boisson).
Dans son interprtariat et ses traductions, TSU maniait la langue franaise avec
beaucoup dlgance et de dextrit, layant apprise luniversit de Nanchang et
pratique durant trois ans au Maroc, en accompagnant des experts chinois venus au
Maroc, Sidi Allal Tazi dans le Gharb, pour encadrer les essais de culture du th.
Nous avons chang nos bons souvenirs avec lancien Attach commercial, fumeur
invtr, alors que nos htes taient ravis de passer une soire agrable avec des
trangers apprciant leur cuisine et leur art de vivre.
Tard la nuit, sous un froid glacial, nous avons rejoint notre htel, satisfaits davoir
inaugur notre sjour en Chine par des contacts amicaux et chaleureux.
Le lendemain, aprs un rveil matinal et un petit djeuner copieux, nous avons pris le
chemin de la Grande Muraille situe 60 km de Pkin.
Au petit matin, sur les grandes artres tristes, nous avons observ des cohortes
dhommes et de femmes de tous ges faisant, sous le froid intense, leurs mouvements de
gymnastique devant leurs maisons, sur les trottoirs, lentre des usines, dans les parcs.
A la sortie de Pkin, la campagne chinoise, avec ses hameaux, ses routes encombres
de charrettes charges de charbon et de vieux camions toussotant sous le poids de lge,
tait dlabre.
Les Chinois taient partout, sur la route, sur les chemins vicinaux, dans les
champs tracs au cordeau !
Sa longueur, de 3.000 km, allant de la frontire corenne jusquau dsert de Gobi, est
entrecoupe de forts solidement implants et gards lpoque par des troupes
nombreuses luttant contre linvasion de la rgion de Pkin par les hordes dvastatrices
venues des steppes de lAsie centrale.
La Grande Muraille, une des sept merveilles du monde (visible de la Lune dit-on),
pouse majestueusement le relief, suit le chemin des crtes, traverse les valles et
arpente les plaines comme un immense serpent, doublant la ceinture de dserts et de
montagnes qui enserrent limmense Chine.
Sa construction avait dur des dcennies et exig une main duvre de plusieurs
millions de personnes.
Quelques trangers- comme nous- taient l, noys dans la grande masse chinoise
partie avec fougue lassaut des forts de garde haut perchs, en empruntant un chemin
de ronde.
191
Nous tions gels, mais enchants de dcouvrir cette ralisation fantastique, alors
que nos accompagnateurs, transis de froid, avaient prfr nous attendre sur la
passerelle, ravis de nous voir intresss par une gigantesque uvre de lpope de
lhistoire millnaire de leur pays.
Les empereurs mings, avant leur mort, choisissaient le lieu de leur inhumation dans
les environs de Pkin, la campagne, dans le calme et la srnit de la nature, dans un
cadre enchanteur de collines boises.
Chaque empereur consacrait une partie de son rgne (plus de sept ans) la
construction de son tombeau par 30.000 personnes.
Dans cette plaine secrte, close de collines harmonieuses, et embaumes par les
lauriers roses, des groupes dtrangers, dont des Franais, taient venus, comme nous,
chercher les souvenirs de la grande dynastie Han qui rgna sur la Chine durant quatre
sicles (de 206 avant J.C 220 aprs J.C), et qui fut lorigine de lun des sommets de la
civilisation chinoise,
Nous sommes partis ensuite visiter au pas de course le Palais dEt, demeure estivale
des empereurs chinois, implant dans un immense domaine cr sur les dblais du
creusement dun lac artificiel de plusieurs milliers dhectares.
Nous avons emprunt limmense galerie des sculptures sur bois, retraant les
pisodes de la vie millnaire chinoise, et admir le bateau en marbre blanc immacul de la
vieille et dernire impratrice Tseu Hi laquelle de judicieux jeux de miroirs donnaient
limpression de naviguer sur les flots.
Amarr sur le lac, ce majestueux difice, domine les minuscules habitations occupes
au sicle dernier par des milliers de soldats, de gardes, de courtisans et de palefreniers
la solde de leur souveraine.
Nous avons quitt avec regret ce haut lieu de la civilisation chinoise pour rejoindre
notre htel, travers le vieux Pkin tout fait de masures, de ruelles dlabres,
poussireuses, dfonces, sales et grouillantes de monde.
Aprs un grand dner, selon le mme et traditionnel rituel chinois, tout fait de
dlicatesse et dattentions, un contact eut lieu avec lAmbassadeur du Maroc Pkin lui
demandant dinformer Filali de notre prsence Pkin.
La princesse Lalla Meryem et son mari taient arrivs de Hong Kong, le mme jour et
installs la Cit Interdite, signe de grande considration des autorits chinoises pour la
fille et le gendre du Roi Hassan II.
A Shangha
Le 26 mars, tt le matin, nous avons rejoint laroport des lignes intrieures
chinoises pour prendre lavion sur Shangha, deuxime tape de notre voyage.
Des Allemands subirent le mme sort sans mnagement, avec limpression amuse
davoir contribu aux recettes du budget chinois.
Nous sommes arrivs dans la grande mtropole, aprs deux heures de vol, accueillis
cordialement par les reprsentants locaux de la Socit de Cobalt.
192
En voiture, nous avons travers des quartiers pauvres et dlabrs o de partout,
affluaient des milliers de gens, jeunes et vieux croulant sous le poids de lge et de
lenvironnement.
Des matelas taient tendus par terre, sur les devantures des maisons, sur les
trottoirs ; le linge suspendu au bord des rues volait au vent.
Nous avons t tout dabord au centre des expositions, grande btisse de type
stalinien, construite du temps des bonnes relations sino-sovitiques des annes
cinquante, abritant au dernier tage un superbe restaurant financ et gr dans le cadre
dune socit dconomie mixte cre avec des Chinois de Hong Kong.
De la terrasse du btiment, parmi les canards laqus enfils par dizaines, nous avons
admir Shangha, capitale de la Chine centrale.
Larrire pays de Shanghai abritait en 1986, plus de 200 millions dhabitants, soit
20% de la population totale de la Chine.
Aprs la visite du centre ville, dans une grande salle dapparat, un dlicieux djeuner,
compos dune multitude de plats succulents, nous fut servi, toujours avec raffinement et
une extrme dlicatesse.
En quittant les lieux, nous avons t surpris par des cohortes de jeunes venues la
Foire du Vtement, en longues files stirant sur des kilomtres, travers les rues
avoisinantes, pour acheter T Shirts, jeans et blousons, signe dune amorce douverture
timide, mais peut-tre irrversible, vers lOccident.
Nous avons visit le quartier commerant de la fameuse rue de Nankin, sige des
quartiers gnraux des anciennes socits trangres de ngoce et des grands magasins
de luxe, encombr de bicyclettes, de charrettes, de petites voitures japonaises et de vieux
camions poussifs et surchargs de bric et de broc.
La rue de Nankin dbouche sur le port de Shangha, porte ouverte sur le monde
extrieur, dot de lautonomie administrative dune province, ouvert tous les pavillons
193
internationaux, et vrai poumon de la Chine communiste relativement ferme aux
changes internationaux.
Vers Nanchang
Nous avons pris le train 15 h 35 pour Nanchang, ville situe 1.000 km lintrieur
des terres, lOuest de Shangha.
Nous tions installs dans un wagon couchettes dit de luxe, dans une cabine pour
quatre personnes (Chrif, le Directeur ZU, linterprte TSU et moi-mme).
Aprs les immenses faubourgs de Shangha, le train stait engag dans une
immense rgion de cultures intensives de colza, riz et mrier.
Les champs taient minutieusement travaills, et certainement avec amour, par des
nues de femmes, denfants, de personnes ges, et intensment exploits jusqu
proximit de la voie ferre, des pistes et des chemins vicinaux pour ne pas perdre un seul
arpent de terre cultivable.
Les plans deau et les tangs prs des hameaux fournissaient de la gadoue, excellent
engrais dpandage.
Les lacs, les mares, les tangs et les rivires taient mis contribution pour lever
canards, oies, poissons.
Le paysan chinois, connu pour son travail assidu de la terre source de sa subsistance,
obtient des rendements agricoles levs, susceptibles de ltre encore davantage par
lintroduction dengrais complexes grande chelle.
Partout le travail est une seconde nature, leffort est toujours intensif, entrecoup de
courtes pauses sur le lieu mme dactivit.
On se nourrit nimporte quand, on dort sur place, prs de sa machine, de son btail
ou de ses volatiles.
A mon avis, il est peu de terres au monde qui donnent limpression que leur travail
est exerc comme un art pour lequel la russite masque lintensit de leffort consenti par
tous, rapide, constant, toujours pnible et harassant.
194
La Chine du 20 sicle donnait limpression davoir t habite par des centaines de
millions de personnes depuis des sicles.
Lnergie mise en uvre tait essentiellement base de charbon pour lequel la Chine
est le premier producteur mondial (1 milliard de tonnes), double de la force musculaire
de dizaines de millions de Chinois habitus, depuis des millnaires, se dpenser sans
relche.
Le voyage en train nous donna une vision inoubliable de la Chine rurale, celle des
champs tirs au cordeau, des cultures vivrires allant lassaut des coteaux et des
collines, envahissant les valles, ctoyant de prs les habitations, les routes, les voies
ferres, les usines et semblant ne pas laisser la terre le moindre rpit.
Dautres images, aprs la traverse dun des greniers de la Chine, sont graves dans
nos mmoires pour toujours : celles dune route troite, dun chemin vicinal encombr de
charrettes surcharges de sable, de charbon, de lgumes, de briques et objets de toutes
sortes, tires parfois par des hommes ou des femmes.
Ce qui avait dfil sans cesse sous nos yeux, suscite toujours notre profonde
admiration pour ce grand peuple et pour cet immense pays.
Avec TSU, nous avons discut de lhistoire de la Chine, des invasions venues des de
lAsie centrale, de la Grande Marche, de Confucius, de Sun Yat Sen, du Kuomingtang, du
Grand Bond en Avant, des Communes Populaires, de la Rvolution Culturelle, de Mao, de
Chou en La, de Lin Piao, de Liu Chao Chi et des nationalistes de Tchang Ka Chek rfugis
Tawan (Formose) aprs leur dbcle en 1949 face aux troupes communistes.
La tombe de la nuit sur la campagne tait saisissante, car trs rapidement, on avait
vu les paysans et leurs familles saffairer pour rentrer leurs btes (buffles, porcs, oies)
aprs une journe complte de dur labeur.
Les pistes, les routes staient charges tout dun coup dun flot interminable de
bicyclettes, de cyclopousses et de marcheurs volontaires et dtermins.
De temps autre, on voyait des ombres furtives se dplacer paisiblement sur les lacs
bordant la voie ferre : ctaient des pcheurs du crpuscule venus jeter leurs filets avec
lespoir dune prcieuse prise le lendemain.
De toutes les petites maisons, au toit en tuiles rouges, se dgageaient des volutes de
fume, signes de la prparation du dner, repas principal pour les Chinois.
Le train stait arrt Hang Zhu, ville enserre de collines boises et de champs de
mriers pour les levages de vers soie.
Lieu tant dclam par les potes chinois et les grands explorateurs occidentaux, ville
de la soie et des soieries rputes de par le monde, Hang Zhu est considr par les Chinois
comme le paradis sur terre.
Nous sommes descendus sur le quai de la gare sombre et triste, aux lumires
blafardes, pour sortir de notre antre et prendre lair aprs plusieurs heures
denfermement, avant que le train ne reparte dans un sifflement strident.
En traversant des wagons bonds de passagers, pour rejoindre notre cabine, nous
avons suscit sur notre passage ltonnement amus et amical de centaines de Chinois
entasss avec leurs balluchons, leurs victuailles et leurs poulets.
195
On se croirait dans un souk de mdina, avec des visages diffrents et brids.
Collant nous, nos htes taient ravis de nous faire dcouvrir les diffrentes facettes
de la vie simple chinoise.
Personnellement, javais vcu ces instants avec une exaltation profonde, partageant
des moments damiti chaleureuse au milieu dun peuple attachant.
Vous pouvez me poser toutes les questions que vous dsirez, je suis votre
disposition , me lana TSU, quelque peu dbonnaire.
A travers nos longues discussions, javais compris que les autorits chinoises au
pouvoir reconnaissaient certaines erreurs de la politique de Mao, notamment au plan de
Communes Populaires, du Grand Bond en Avant et de la Rvolution Culturelle qui avaient
retard le dveloppement de la Chine de plusieurs annes.
Concernant la politique douverture de Deng Xiao Peng, successeur de Mao, TSU nous
confirma le souhait sincre de la Chine de souvrir au monde extrieur, la technologie
occidentale, dans le but dassurer le mieux tre de son peuple arrir.
Absolument daccord avec vous, cest notre vu le plus cher, et nous sommes
visss sur cette voie salutaire. Notre peuple ayant souffert depuis des sicles, il est temps
de mettre fin son calvaire en empruntant un autre chemin, une autre voie, et ce serait
un drame de ne pas tenir compte des affres du pass et de leurs consquences nfastes
sur la vie conomique de notre pays, fut la rpartie de TSU.
On avait senti chez TSU le dsir de voir son pays dcoller, loin des guerres
idologiques, de lembrigadement des masses de jeunes et des politiques politiciennes
nfastes pour une socit en qute de stabilit et dharmonie.
Il avoua, avoir t lui mme Garde Rouge pendant la Rvolution Culturelle, avoir
commis des erreurs et particip des abus de tous genres responsables de lnorme
retard de dveloppement aprs la priode dune grande folie gnralise.
TSU dbita sans interruption son savoir, content de me voir si intress par lhistoire
et la grande aventure moderne de son pays.
Aprs le dner sympathique servi au wagon restaurant, nous avons continu deviser
avec TSU sur les problmes de lheure, nos autres htes suivant la discussion avec une
curiosit manifeste et amuse.
De temps autre, TSU leur lanait quelques mots en chinois pour expliquer
probablement son tonnement de rencontrer des trangers aussi intresss par les
menus dtails de la vie de leur grand pays.
196
Nous avons discut objectivement de la Bande des Quatre, de son origine, ses
motivations, son ascension fulgurante, ses agissements et sa chute brutale, du devenir de
Madame Mao, des relations entre la Chine continentale et Taiwan, du diffrend avec le
Vietnam, immdiatement aprs sa runification, de lavenir des relations avec les Etats
Unis, fer de lance du capitalisme, et du Tiers Monde.
TSU, travers nos entretiens, mavait sembl peu dogmatique et plus ouvert que le
Chinois strotyp prsent en Occident.
A la fin du dner, nous avons assist une vritable scne de collaboration entre les
couches socioprofessionnelles, au cours de laquelle des soldats, des paysans et des
ouvriers, tous passagers ordinaires, staient dvous pour aider le personnel du train
prparer le repas du lendemain.
Le train sarrta toutes les gares, toujours lugubres, sombres et sans cachet.
Personnellement, je navais pas beaucoup dormi, mais plutt rest veill pour
apprcier la beaut et luniformit du paysage qui se droulait sous mes yeux.
Ici le mot subsistance avait toute sa signification, car comme tenait nous le
rappeler TSU, au dbut du 20 sicle les famines et les inondations emportaient chaque
anne des millions de personnes.
Ds lors, avec les guerres civiles frquentes, les reprsailles et les exactions des
grands seigneurs terriens, on peut imaginer lenfer meurtrier que reprsentait la Chine il y
a quelques dcennies.
A Nanchang
A larrive la gare de Nanchang o nous attendaient les reprsentants de lOffice
Rgional des Ressources Minrales de la province, le dferlement sur les quais dune
vritable mare humaine, bruyante, anime, fut impressionnant.
On dirait que le train a transport toute une ville , avais-je fait remarquer TSU
habitu aux multitudes.
Aprs les salutations dusage, trs courtoises, on nous avait conduits au plus grand
lhtel en plein centre ville, certes peu confortable et dsuet, mais avec des chambres
spacieuses et th vert servi profusion dans de grands brocs.
Aprs quelques moments de repos, avant daller effectuer un tour de ville sous le
froid et la pluie, le Vice Prsident de lOffice, personne ge, membre du parti communiste
en vareuse col Mao, tait venu nous rendre une visite de courtoisie et damiti et
senqurir du droulement de notre long voyage par train.
Bienvenue chez nous Nanchang, et avez-vous bien dormi dans le train , fut sa
premire exclamation.
197
Nanchang, avec ses larges avenues bordes de grands arbres, chef lieu de la province
de Jiang Xi, occupe une place importante dans lhistoire de la Rvolution Chinoise, car
cest l quest n en 1927 le mouvement des soldats et officiers anim par Chou en La,
relat par plusieurs fresques et statues au centre ville, prlude au dclenchement du
mouvement paysan dirig par Mao dans la province du Hunan.
TSU profita de loccasion pour rendre visite son beau pre, minent cadre en
retraite du Parti communiste, install dans un modeste appartement situ dans un
quartier obscur et sans me, qui comme dautres Nanchang, donnait limpression de se
retrouver cent annes en arrire.
En ouvrant les travaux, nos htes, auxquels staient joints des responsables de
lOffice Rgional des Ressources Minrales, vritable dtenteur du pouvoir de dcision,,
avaient rappel leur excellent voyage au Maroc en 1986, leur dsir sincre de renouer
avec le Groupe ONA et dtablir avec lui des relations amicales quilibres, tout en
marquant leur disposition acheter toute la production de concentr de cobalt de
Bouazzer.
Chrif les remercia de laccueil chaleureux et amical qui nous avait t rserv depuis
notre arrive Pkin, souligna le dsir partag du Groupe ONA de renouer avec le Chine,
et mit le souhait de voir les discussions aboutir des rsultats concrets, tangibles et
acceptables pour les deux parties.
Nous avions remarqu la bonne apprciation des Chinois pour la matrise du dossier
par Chrif pour lavoir dj trait plusieurs annes auparavant avec lancien Directeur
Gnral de lONA, Meune.
Nous avions ainsi rpondu au vu dissimul des Chinois de faire traner et durer les
pourparlers, en esprant contraindre linterlocuteur cder.
Le soir, nous fmes convis un grand dner prsid par le Vice Prsident de lOffice
Rgional des Ressources Minrales, dans un salon de lhtel spcialement amnag pour
la circonstance, en prsence dun reprsentant local du Ministre des Affaires Etrangres
chinois.
Le dfil des plats fut interminable, le service impeccablement assur par de jeunes
et jolies filles, pares de leurs plus beaux atours, interrompu par des changes de toasts
au mote, dans une ambiance dtendue et chaleureuse.
198
Nous avons chang nos points de vue sur lvolution de la socit chinoise, la
politique douverture et les relations internationales, et not que les rformes ralises
dans les entreprises visaient restaurer leurs initiatives, stimuler lactivit des secteurs
assurant la satisfaction des besoins de la population, et utiliser dans le cadre de la
politique douverture les avantages comparatifs du pays.
La Chine tait entre dans la phase de consommation des mnages avec le boom de
llectromnager (machines laver, rfrigrateurs etc.).
Les succs rencontrs par les rformes, surtout dans le monde rural encore arrir,
pourraient tre le moteur de lacclration de la rforme au niveau des grandes
agglomrations urbaines.
Ravis davoir renforc nos relations damiti, nous avons pris cong du Vice Prsident
et de nos autres htes, en le remerciant bien vivement pour leur agrable compagnie et
pour leur hospitalit gnreuse.
Nous avons compris aprs les premiers pourparlers, que le passage Nanchang
ntait donc quune tape de la premire phase dun long processus de discussions avant
lacte final.es.
Cest leur habitude et leur approche dans les ngociations avec leurs partenaires
trangers ; avec les Chinois, il faut tre patient et surtout ne pas marquer son agacement
ou sa prcipitation , me dit Chrif, en fin connaisseur.
A Ganzhou
Le lendemain, nous avons quitt Nanchang 6h30, sous un temps maussade et une
brise glaciale, bord de deux voitures Lada russes, en direction de Ganzhou, lieu
dimplantation de lusine de transformation des concentrs de cobalt.
199
A larrt pour le petit djeuner, en pleine campagne, en bordure des rizires, TSU
continua nous entretenir de son pays.
La Chine est un pays est en pleine mutation et les autorits sont dcides ne pas
sarrter en chemin , dit-il, comme pour nous convaincre.
Ainsi, la campagne de contrle des naissances avait fait baisser le taux de croissance
dmographique de 2,3% pour la priode 1960-1970, 1,5% pour la priode 1970-1981 ;
ce taux devait baisser encore davantage.
Aprs avoir visit et travers des villages, nous avons gard une impression
ineffaable et palpable que la solidarit, appele la solidarit du bol de riz en commun
de la grande famille chinoise, est vivace comme au Maroc sous forme dentraide entre les
groupes familiaux.
Lors dune halte en pleine nature, notre conversation avec TSU fut interrompue la
vue dune scne pathtique : un paysan pieds nus, pantalon retrouss, torse nu malgr le
froid et la pluie, transportait en balance sur plusieurs centaines de mtres deux seaux
pleins de gadoue pour aller les dverser dans son champ, puis revenait louvrage
plusieurs reprises, avec le mme courage et la mme rage de braver les lments de la
nature, sans aucun moment se dpartir de son calme, ni sintresser ce qui se passait
alentour.
Notre prsence tonna une famille chinoise qui accepta avec gentillesse de poser en
photo avec nous au bord du fleuve ; le marmot chinois fut tout heureux de faire lobjet
dune telle attention.
Comme dhabitude, chaque repas, nous avons dgust dautres spcialits base
de poisson, soja, champignons, cresson, choux et diffrentes herbes, expliquant et
justifiant ladage chinois :
Tout se prpare et se mange en Chine ; tout ce qui vole se mange, excepts les
avions ; tout ce qui nage se mange, excepts les sous marins .
Nous sommes arrivs Ganzhou en fin daprs midi, aprs avoir travers des zones
de rizires forte densit de population, donnant deux rcoltes par an.
200
Notre installation lhtel fut suivie dune visite de la ville et de ses environs
couverts de merveilleux bosquets de bambou.
Le dner, servi avec crmonial dans le salon dapparat de lhtel, fut une occasion de
poursuivre les discussions avec TSU, de les approfondir dans une chaude ambiance, sous
lil attentif de nos htes.
Ainsi de 1980 1982 le rgime des Communes Populaires mis en place avec fracas
la fin des annes cinquante, avait t pratiquement dmantel et le monopole de lEtat
aboli sur certains produits agricoles comme les crales.
Un vent nouveau, charg despoir, souffle sur la Chine, et nous esprons que son
intensit ira crescendo , dit TSU avec lassentiment non dissimul de nos htes qui
navaient pas hsit remettre en cause la politique du Grand Timonier, Mao.
La dtente sera longue et difficile, mais une vritable lame de fond tait en train de
natre, en mesure de transformer profondment le visage de ce grand pays.
***
Aprs une nuit bien calme, nous avons repris nos activits par la visite de lusine de
cobalt, complexe intgr de construction sommaire, produisant de lacide sulfurique, des
produits chimiques divers, des produits drivs du tungstne et des concentrs de cobalt
dsarsnifis.
La tourne de lusine avait dbut par le stock de rsidus, reliquat du traitement des
concentrs de cobalt de Bouazzer davant les annes soixante dix, puis par les sections
agitation, attaque chimique, concentration et fusion.
Sans complexes, les Chinois taient fiers de leur usine construite avec des moyens de
fortune, parce quelle tait eux, elle fonctionnait et produisait selon une technologie
simple de transformation des concentrs de cobalt.
Pour moi, cette visite de lusine levait le voile de mystre absurde entretenu en
Occident sur la valorisation du cobalt.
La consommation chinoise, estime 1.000 tonnes de cobalt mtal par an, tait
essentiellement utilise dans la fabrication des aciers spciaux.
201
Nous avons pris toutes les photos dsires et circul travers les diffrentes sections
de lusine sans la moindre entrave ou dissimulation.
Notre tourne prit fin aprs la visite des installations de valorisation de tungstne
dont la Chine est lun des plus grands producteurs mondiaux.
Comme pour les concentrs de cobalt, lusine tait de technologie trs simple,
rustique, et surtout, sans sophistication.
Depuis quelques annes, lentreprise en Chine est devenue une entit conomique
jouissant dune autonomie relative, responsable de ses propres profits et pertes, capable
de se transformer, de se dvelopper et dagir en tant que personne morale, avec droits et
obligations. Le directeur assume la responsabilit pleine et entire de lexploitation, le
rle des instances du Parti tant limit la supervision globale des politiques de lEtat,
nous dclara TSU.
Pour mettre en pratique le principe de la rpartition des revenus selon le travail, les
carts entre les salaires avaient t augments afin de reflter les diffrences entre le
travail manuel et intellectuel, qualifi et non qualifi, la rmunration du travail
intellectuel tant basse, compare celle du travail manuel.
Les salaires lusine de cobalt taient de lordre de 120-150 yuans (soit lquivalent
de 250 320 Dirhams par mois), le salaire de louvrier pouvant dpasser de 10% celui du
technicien, et mme de lingnieur.
A lusine de cobalt, comme dune faon gnrale en Chine, la mobilit des personnes
tait faible, la productivit et la qualit du travail taient insuffisantes.
Les rformes lances, bases sur les incitations conomiques, les primes et lardeur
au travail, se heurtaient de fortes rsistances, le stakhanovisme dbrid ntant plus
la mode comme auparavant.
Sur cette toile de fond et dans la grande salle de runions du complexe industriel,
nous avons repris nos entretiens et nos ngociations relatives llaboration dun contrat
de livraison de concentr de cobalt de Bouazzer.
202
Chrif me rappela quavec lancien Directeur Gnral de lONA, Meune, ils avaient t
obligs de rester Pkin pour discuter les contrats de livraison de concentr de cuivre de
Bou Skour avec les services centraux du Ministre de lIndustrie, car lpoque aucune
initiative ntait laisse aux provinces.
Depuis, la situation avait sensiblement volu avec lentre en lice des usines
consommatrices, habilites discuter les contrats dans le cadre de la nouvelle politique
douverture et de dcentralisation.
Avec nos partenaires, les changes, comme deux jours auparavant, furent longs et
redondants, sans toutefois nous dcourager.
Chrif, avec une infinie patience, dfendit sa position, donnant et ritrant ses
explications claires et approfondies sur les propositions de son groupe, au plan du prix de
vente et des conditions accessoires.
Moi, jtais l en tant que support officiel pour apporter, quand il le fallait, la caution
morale de lAdministration des Mines marocaine.
De leur ct, les Chinois taient revenus la charge pour expliquer et justifier le
niveau lev de leurs frais de traitement, et demander en consquence une baisse de prix
des concentrs de cobalt de Bouazzer.
Ce fut une perce, car les Chinois connus pour tre de fins, tenaces et coriaces
ngociateurs, font languir et souffrir leurs partenaires avant de conclure et parfois de
rompre les ngociations.
Ainsi des Occidentaux, confiants en leur force de persuasion, venus ngocier pour
quelques jours, taient repartis chez eux aprs plusieurs semaines dattente,
dantichambre et de discussions striles.
En considrant cela, nous tions dans une situation bien particulire et privilgie,
rvle par la chaleur exceptionnelle et redouble de laccueil qui nous tait
constamment rserv.
Ds lors, laccord tait lhorizon, il restait seulement en dfinir les contours prcis,
laisser dcanter les choses durant le restant du sjour, puis finaliser par des
ngociations de dernire heure avant notre dpart.
Les pauses th staient succd pour nous consulter et situer le niveau des
concessions rciproques.
Chrif rtorqua que la Maroc subit encore plus durement ces effets, ntant
producteur ni des uns ni des autres.
A la tombe de la nuit, harasss mais confiants dans lissue de nos discussions, nous
avons convenu de suspendre les pourparlers et de les reprendre par la suite.
Nos htes, tout en apprciant leffort de la partie marocaine, avaient dcid de nous
faire des propositions concrtes le surlendemain Guangzhou (Canton).
203
Le soir, pour marquer solennellement lesprit damiti ayant toujours prsid nos
discussions, nous fmes convis un grand dner officiel, en prsence du reprsentant
provincial du Ministre des Affaires Etrangres.
Plusieurs toasts furent changs pour marquer notre dsir commun de cooprer
amicalement dans lintrt mutuel bien compris, convaincus de notre ct de lintensit et
de limportance exceptionnelle des derniers moments en Chine.
A Guangzhou (Canton)
Le rveil, encore une fois, fut matinal, car une longue journe nous attendait avant
darriver Guangzhou.
Les trois responsables de lusine de cobalt de Ganzhou, (la partie la plus concerne),
taient l, signe de la conclusion trs probable du contrat, autrement ils ne se seraient
pas tous drangs pour nous accompagner durant quelques jours.
Nos htes avaient pris place bord dune voiture de la scurit publique, alors que
TSU nous accompagnait dans un vhicule de la Socit de cobalt.
La route troite, mal entretenue, crevasse, principal accs vers les provinces
intrieures du Yunnan et du Tibet, tait surcharge de camions haletants, de charrettes et
de cyclopousses, image reprsentative de la nouvelle Chine.
Nous avons travers des villages dun autre ge, souvent dlabrs, avec leurs
gargotes poussireuses, leurs troupeaux de porcs et doies, leurs marchs de lgumes, de
fruits et de tabac.
Sur les routes et les chemins vicinaux, nous avions crois ou doubl des multitudes
de gens pieds, transportant pniblement des calebasses.
Sur notre parcours, dans un cadre merveilleux, Shaoguan, prs dun plan deau
bord de bambous, nous avons djeun au fameux Restaurant des Bambous, dgustant
les fins plats de la province de Guang Zhu, proximit dune stle et dune statue la
mmoire du docteur Sun Yat Sen, premier fondateur de la Rpublique chinoise qui sallia
aux communistes pour crer un Etat socialiste.
Dadorables petites filles acceptrent de bonne grce, sous lair amus de leurs
parents, de poser en photo souvenir avec nous.
204
Javais compris alors, pourquoi TSU se portait constamment volontaire pour rgler
nos achats en Yuans ordinaires et rcuprait nos Yuans convertibles (devise forte) pour
se permettre plus tard lachat dune bicyclette.
Aprs le repas copieux et bien achaland comme de coutume, nous avons visit un
temple bouddhiste lextrieur de la ville, implant dans un immense parc fleuri.
Du temple montaient les chants des moines bouddhistes, alors quune nonne, crne
ras, photographie en train de balayer les alles du sanctuaire de Bouddha, marqua son
dsappointement et disparut en profrant probablement des injures.
Nous avons travers encore des zones de rizires, toujours intensment travailles
dans les valles, les plaines et les montagnes par une population dense.
Par endroits, des ncropoles dissimules dans les buissons ou creuses dans le roc,
signalaient un cimetire de village, loin des cultures pour ne pas perdre un seul pouce de
la terre nourricire.
La voiture de la scurit publique fut arrte avant Canton pour excs de vitesse, le
chauffeur verbalis par retrait de son permis de conduire et convoqu le lendemain un
stage dducation civique pour avoir enfreint le code de la route.
Comme par miracle, aprs tre plongs, durant plusieurs jours dans une obscurit
relative depuis Nanchang, nous avons retrouv la dbauche de lumires et la frnsie des
grandes mtropoles.
En raison de notre arrive tardive, mais aussi de la fatigue aprs une journe bien
pleine, nous avons prfr dner la caftria de lhtel, dans une ambiance artificielle,
parmi des clbrits du thtre et du cinma chinois, assaillies par des supporters en
qute dautographes.
Nos htes, paysans de la Chine profonde et millnaire, taient perdus dans ce milieu
qui ntait pas le leur, celui de tous les jours des citoyens de Canton.
Aprs le dner, nous avons fln pour admirer les parcs de lhtel, les galeries dart
chinois, avant daller nous mettre entre les mains de Morphe.
205
Par cette ultime et touchante attention, nos htes avaient voulu ritrer leur
considration et marquer leur relle satisfaction davoir abouti un contrat satisfaisant
pour les deux parties, labor aprs damicales ngociations avec deux responsables
marocains sduits par la Chine, apprciant lart de vivre et la profonde hospitalit de son
grand peuple.
Laprs midi, en minibus spcialement affrt pour la circonstance, nous avons visit
Canton, ville de plusieurs millions dhabitants, le poumon de la Chine du sud, proche de la
zone de Hong Kong encore sous domination britannique.
Du haut dun promontoire, nous avons admir la ville avec ses gratte-ciel remplaant
progressivement les anciennes maisons basses en tuiles rouges.
En fin daprs midi, aprs des adieux mouvants avec les responsables de lusine de
cobalt de Guanzhou, nous avons rejoint laroport.
Notre programme Pkin fut perturb, semant le doute sur la rencontre avec le
Prsident Filali et la signature officielle du contrat devant concrtiser une longue semaine
de discussions et de ngociations entre les deux parties.
En bus, nous avons rejoint trs tard lHtel dOrient, nos htes chinois abattus, dus
de voir tous les efforts dploys durant une semaine, contraris par des problmes futiles
de retard davion.
Pour dtendre lambiance, nous avons repris nos discussions avec TSU pour voquer
le dveloppement rapide de la zone de Canton, son impact et ses retombes sur la vie
conomique gnrale.
Ces Chinois, dune autre trempe, sont les animateurs puissants de la croissance
conomique des pays daccueil o, tout en gardant leur art de vivre et leur attachement
leur Chine ancestrale, ils sont dous dune facult dadaptation remarquable, et dun sens
confirm du bisness.
Le lendemain matin, aprs une longue nuit envisager avec Chrif tous les
itinraires possibles pour rejoindre Paris, le petit djeuner nous avait runis de nouveau
avec nos amis chinois arborant toujours une mine triste et dsappointe.
206
Nous avons tenu les soulager en leur soulignant que le but de notre mission tait
atteint aprs notre accord de la veille, ltablissement avec eux des liens de coopration
amicale et de confiance, et la dcouverte de leur grand pays.
Lavion tait parti avec deux heures de retard sur lhoraire prvu, ajoutant une
nouvelle touche triste au dsarroi de nos partenaires chinois.
Nos htes chinois, jusque l contrits, taient ravis de la tournure des vnements, et
leurs visages staient clairs dun sourire rellement sympathique.
TSU jubilait, voyant son travail assidu se terminer en apothose avec la signature
officielle du contrat dans lenceinte de lendroit le plus ferm de Chine, temple mystrieux
et solennel du rgime communiste, svrement gard, o se dressent de majestueux et
anciens palais impriaux btis sur plus de 70 hectares.
Par la suite, le Prsident Filali nous avait rejoints, dcontract, pull over et chemise
sur pantalon de flanelle grise, un grand cigare la main.
Avec son amabilit coutumire, rappelant ses deux annes Pkin, tout enfant, alors
que son pre tait Ambassadeur du Maroc en Chine dans les annes soixante, Filali devisa
quelques minutes en chinois avec nos htes ravis de rencontrer un personnage aussi
jeune, avenant, affable, et parlant leur langue.
Dans une immense salle, autour dune grande table, le contrat crit de ma main sur
des feuilles de la compagnie China Air Lines et traduit par TSU, fut officiellement sign par
Filali et par un reprsentant de la Socit de Cobalt, qui, notre tonnement, tait celui
qui nous semblait le moins responsable de nos htes.
Aprs les congratulations dusage, aprs avoir pris cong de Filali, et dlis de tout
engagement, 18h, nous avons quitt la Cit Interdite pour rejoindre en trombe
laroport de Pkin.
Il avait fallu, pour vaincre sa rticence, lui remettre une enveloppe cachete en
exigeant de lui de ne louvrir quaprs notre dpart.
Avec nos htes, nous avons convenu de nous revoir au Maroc la fin de lanne 1987
pour concrtiser le contrat par la livraison dun premier lot de concentr de cobalt de
Bouazzer.
207
Mal rass, fatigus, mais heureux davoir entrepris un aussi long et beau voyage,
nous avons quitt Pkin dans un avion pratiquement vide, bord duquel le service fut
agrable et parfaitement germanique.
Avant latterrissage Bahren, nous avons survol les torches des innombrables puits
de ptrole exploits offshore.
Javais quitt Chrif laroport de Roissy pour rejoindre Rabat, aprs avoir vcu
intensment avec lui les pripties dune inoubliable randonne.
****
Quelles furent les enseignements de cette mission axe essentiellement sur la
signature dun contrat de livraison de cobalt marocain aux Chinois aprs une clipse de
plusieurs dcennies?
Aussi ai-je tenu lui consacrer un important dveloppement, sans prtendre avoir
effectu le grand priple dIbn Batouta.
Par ailleurs, le grand voyageur marocain, Ibn Batouta, est rellement celui qui avait
fait connatre la Chine au monde arabe en gnral, grce son priple effectu travers
lEmpire du Milieu au 14 sicle.
Il faut avoir vu pour croire, dissiper et loigner les prjugs pour reculer autant que
faire ce peut, les frontires de lignorance de la Chine.
Mais nous avons surtout travers la campagne chinoise et sjourn dans des zones
o peut tre peu dtrangers taient passs avant nous.
Nous avons rencontr des techniciens, des agronomes, des chercheurs, des
syndicalistes, des dirigeants de comits politiques, des enseignants, des militaires, et vu
luvre les ouvriers et les paysans chinois.
Plusieurs fois par jour, avec notre interprte, au cours des sances de travail, des
visites dusines, des repas, en voiture, dans lavion, en train, nous avons convers
longuement, amicalement, sans arrires penses, ni dmagogie, tout en essayant de
transformer nos discussions en changes bnfiques pour nous.
208
Rellement quand on a partag avec les Chinois le bol de riz et la tasse de th, un
lieu amical et affectif particulier nat, vit et ne meurt pas, car le Chinois qui vous reoit et
vous accompagne, fait partie de la famille, ou encore mieux, vous faites partie de sa
famille, et il se fait un devoir dtre avec vous et de le prouver travers son
comportement et ses manires affables de vous accompagner.
Ce fut notre cas, et pour le marquer si fort, nos htes chinois furent constamment
aux petits soins avec nous, depuis larrive et jusquau dpart.
Nous avons intensment vcu, sans ressentir la fatigue physique ou morale qui
caractrise des voyages dnus dintrt, monotones et sans chaleur humaine.
Une Chine possdant des missiles, matrisant lnergie nuclaire, ayant brav les
Etats-Unis et lOccident en Core et en Indochine, et soutenant le blocus de Formose
(Taiwan), semblait un pays en plein boom conomique et social.
Mais y voir de plus prs, et travers les multiples discussions avec nos htes, la
Chine, aprs les grands bouleversements du 19 sicle, les Guerres de lOpium en 1840 et
des Boxers en 1900, fomentes par limprialisme occidental soutenu lui-mme par le
fodalisme local, tait rellement un pays en voie de dveloppement.
Les guerres civiles aprs la rvolution de 1911, dirige par le Dr Sun Yat Sen, avaient
dlabr un pays surpeupl, affam et anmi par les calamits naturelles (scheresses,
inondations et tremblements de terre).
La mise en place dun rgime marxiste en 1949, aprs lpope de la Longue Marche,
ne stait pas traduite pas une stabilit, mais par des vnements douloureux foments
par lOccident fondamentalement oppos au communisme.
Dans le domaine du travail, on peut dire quen Chine nous avons vu luvre un
peuple travaillant dur, avec des moyens rudimentaires, accentuant davantage leffort
physique fourni par le paysan chinois et le monde rural en gnral.
Partout lhomme porte, tire et travaille avec ses mains et avec son corps.
La densit de la population dans les campagnes est voisine de celle des villes, la main
duvre dans les champs est nombreuse et constamment astreinte au travail rude quelle
supporte parce quelle a chapp aux conditions serviles dautrefois.
209
La vie est sans cesse rgle, et dune Chine que lhistoire dpeint comme un pays
ingouvernable et divis, on est pass progressivement un vritable continent gouvern
et en paix.
Partout une seule autorit (le Parti communiste) imposait sa loi, sans contestation
apparente, les populations tant encadres et disciplines, leurs besoins essentiels
satisfaits, vivant modestement dans luniformit dune pauvret supportable et accepte
par tous, avec des salaires anormalement bas.
Il nous tait apparu en 1987, que le Chinois ne recherchait pas largent ; il semblait
en avoir peur, le fuir, ou refusait de le saisir comme sil tait malfaisant.
Nous avons not la remise en cause de la politique de Mao, ce dernier ntant plus un
personnage sacr.
Ses erreurs taient tales au grand jour, sans pour autant que les Chinois renient
certains acquis positifs de la Grande Rvolution, exprience unique dans lhistoire de
lhumanit, et la plus captivante analyser travers les bouleversements introduits dans
le grand monde chinois.
Les Chinois, malgr ladversit, reconnaissaient leurs points faibles, sans se dpartir
de lhonneur dun peuple dont la civilisation millnaire avait atteint des degrs
insouponns de raffinement.
Cest un spectacle rare et mouvant que celui dun peuple au travail, qui a pu vaincre
la faim, domestiquer les grands fleuves dvastateurs, et qui a su avec une rare matrise,
cultiver la confiance en soi, dans une Chine encore archaque, mais toutefois sans
complexe.
Ceux qui ont connu la Chine, disaient quils ne la reconnaissent plus, car elle est
devenue un autre monde, nayant pas subi une volution mais une mutation profonde
dans tous les domaines.
Lavenir nous le dira, car dans une Chine ouverte au libre change, le Parti naura
plus de communiste que le nom.
En conclusion finale, je pourrais dire que nous avons fait un long et beau voyage,
reus partout avec une magnificence et une hospitalit sans pareille.
210
Nous avons parcouru environ sept mille kilomtres en avion, train et voiture, et visit
les trois plus grandes villes du pays (Shangha, Pkin, Canton).
Ce voyage qui avait nourri mon imagination ds le dpart, avait ouvert de vastes
fentres sur ma comprhension, encore insuffisante, du devenir de la Chine.
Cest sans nul doute, lenseignement le plus prodigieux, parmi tant dautres, que je
retiens de cet exaltant sjour au cur de la Chine ternelle.
***
En mars 1988, deux responsables de lusine de cobalt, accompagns dun ingnieur
mtallurgiste, furent reus avec les honneurs par lONA Rabat, Casablanca, Bleda et
Bouazzer, et la Direction des Mines Rabat.
Les runions avec la dlgation chinoise avaient permis de concrtiser les dcisions
prises dans le cadre du contrat sign dans la Cit Interdite Pkin et de perptuer avec le
Groupe ONA les relations commerciales mutuellement bnfiques dans le domaine du
cobalt, remontant 1958 aprs la reconnaissance par le Maroc de la Rpublique populaire
de Chine.
211
Des activits multiformes
Ds le retour de Chine, il a fallu satteler la prparation et lorganisation
Marrakech du Congrs de lIndustrie Minrale, importante manifestation franco-
marocaine, qui se tiendra exceptionnellement en dehors de lHexagone, avec la
collaboration des secteurs des mines et des carrires au Maroc et en France.
Ainsi, des runions avec nos collgues franais, dj amorces au Congrs de Douai,
avaient arrt les programmes, dfini la logistique, choisi les circuits de visites des mines
et des centres industriels, et fix la date de la tenue du Congrs en octobre 1987
Marrakech.
Au Canada
En juin 1987, dans le cadre de nos relations de coopration, javais fait partie de la
dlgation accompagnant le Ministre Fettah au Canada et comprenant des reprsentants
du Ministre, du BRPM et de lONAREP.
Tout dabord, nous avons visit la centrale nuclaire de Gentilly II, non loin de
Montral, la premire dune srie de 600 mgawatts, base sur la technique CANDU, en
exploitation depuis 1983, ayant cot 1,3 milliard de dollars canadiens.
Aprs, nous avons rejoint Ottawa par la route pour rencontrer lAmbassadeur du
Maroc, Jorio, et assister le lendemain une runion lEnergie Atomique du Canada, pour
nous informer sur les programmes labors et engags en matire dnergie nuclaire.
Nous avons rejoint par avion la ville de Qubec, fonde par le Franais Champlain en
1608, situe sur un escarpement dominant le grand fleuve Saint-Laurent, au confluent de
ce dernier avec la rivire Saint-Charles, et abritant la clbre Universit Laval.
Le soir, dans un merveilleux cadre, au bord du grand fleuve Saint Laurent, nous
avons t convis un dner prsid par le Ministre provincial de lEnergie et des
Ressources du Qubec, en prsence de plusieurs personnalits de la politique et des
hommes daffaires francophones.
De la terrasse du restaurant, nous avions une superbe vue sur les chantiers de
construction et de montage des gigantesques plates formes de forages ptroliers.
Tard dans la soire, dans la vieille ville de Qubec, nous avons longuement march
pied au milieu dune foule bruyante et colore, laccent vieille France , rappelant aux
212
visiteurs le caractre spcial de la province, au sein dun monde canadien domin par les
anglo-saxons.
Tt le lendemain, nous avons rejoint par avion le Grand Nord pour visiter le
gigantesque complexe hydrolectrique de la Baie James, dmarr en 1973, dans un
environnement impressionnant, rude, avec des tempratures de -40 en hiver.
Aprs une escale Montral, nous avons rejoint Toronto o un petit djeuner de
travail en prsence du Vice Ministre de lEnergie, du Dveloppement du Nord et des Mines
de lOntario, nous avait runis avec des hommes daffaires des secteurs des mines et de
lindustrie.
A cette occasion, furent examines les possibilits de coopration dans les domaines
de lnergie et des mines (construction de barrages, soutien canadien au programme de
prospection ptrolire au Maroc, exploitation des ressources nergtiques et minires,
formation des cadres).
Une randonne nous mena enfin aux fameuses chutes du Niagara pour djeuner en
groupe au restaurant tournant, avant de rentrer au Maroc, via Paris, en compagnie de
Bouchta et Lhatoute.
La sance douverture, prside par le Premier Ministre, Karim Lamrani, grand ami du
Prsident de la SIM, Bailly, laquelle avaient assist plus de 900 personnes, stait
droule dans le cadre de lHtel Safir, dans une ambiance extraordinaire de grande fte
de lindustrie minrale.
Le secteur minier, les cimentiers et les carriers marocains staient investis, sans
relche, avant et pendant le Congrs, dans lorganisation, la prparation, laccueil, la
prsentation de plusieurs communications, lanimation des tables rondes et sances
213
posters, la conduite des visites des mines et des centres industriels, toutes unanimement
apprcies par les congressistes.
Les rceptions par le conseil municipal de la ville et les grands dners organiss
Chez Ali Marrakech et au Firdaous la Plage des Nations prs de Rabat, furent
dignes de lhospitalit marocaine.
Enfin, de lavis des observations avertis, le sjour, les travaux du Congrs, les
sances techniques et lexposition de matriels Marrakech, suivis des visites des centres
miniers et industriels, furent remarquablement organiss.
Aprs le Congrs, et pour rpondre aux souhaits de nos amis franais de la SIM, nous
avons lanc avec la profession minire la rflexion sur lopportunit de constituer une
Association Marocaine de lIndustrie Minrale.
Mais aprs mre rflexion, oubliant leuphorie de Marrakech, il fut jug utile de
diffrer cette constitution, notre secteur ntant pas encore dispos engager une
opration denvergure, gardant lesprit quen France la cration de la SIM remonte la
fin du 19 sicle.
En Europe
Le Maroc, reprsent par une forte dlgation, fut lu pour la deuxime fois au poste
de Vice Prsident, manifestant ainsi lestime du Groupe pour notre pays, considr
comme producteur important du plomb et du zinc, aussi bien en Afrique que dans le
monde.
Par la suite, javais fait partie dune mission en Belgique prside par le Ministre
Fettah consacre des contacts Bruxelles avec des ministres belges, des reprsentants
des communauts europennes, des hommes daffaires, suivie au final par la visite des
Houillres de Campine et de la centrale lit de schistes fluidiss implante Beringen.
214
Par la suite, en compagnie du Directeur Gnral du BRPM, Chahid, nous avons
effectu une mission en Hollande linvitation de la socit BILLITON, intresse par
une participation dans la mise en valeur du gisement polymtallique de Hajar.
Outre les discussions avec les responsables de la socit nerlandaise, nous avons
t la fonderie de zinc de Budel et au laboratoire de recherches dArnhem, avant de
clturer notre sjour par une soire thtrale mmorable Amsterdam, au grand bonheur
du mlomane, Chahid.
Cette rgion fut aprs la Seconde Guerre Mondiale le centre dune activit
charbonnire intense, employant des dizaines de milliers douvriers mineurs, rappelant
mon bon souvenir les stages que jy avais effectus en tant qutudiant en deuxime et
troisime annes de lEcole Mohammedia dIngnieurs.
Pour moi, ce fut mouvant de descendre dans La Fosse de lEscarpelle, lun des
gisements de charbon encore en activit dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais o la
crise du charbon avait entran la fermeture de centres de production et transform
compltement le visage du Nord de la France.
Prs de Livin, dans un vieux centre daccueil, lancien sergent recruteur au Maroc,
Maura, avait install une station agricole exprimentale destine la formation des
ouvriers marocains en vue de leur reconversion aprs la fermeture dfinitive des
dernires fosses.
Dans cette station taient recres les conditions dirrigation par capillarit en milieu
semi dsertique comme Ouarzazate et dans lAnti Atlas, lieux de provenance de la
majorit des mineurs marocains.
Cette opration ne fut pas trs concluante, et beaucoup douvriers avaient prfr
rester en France en trouvant du travail dans le secteur du BTP.
A Oignies, jai visit la reprise dun ancien terril riche en rsidus de charbon, de 8
millions de tonnes, sous-traite par les Charbonnages de France.
215
Cette opration juge rentable avait incit les Charbonnages poursuivre la
valorisation de certains terrils dans les anciens Bassin du Nord et du Pas-de-Calais, visant
par la mme transformer lenvironnement en lui donnant un aspect moins lugubre et
moins sinistre aprs la disparition des terrils suivie de reboisement.
- A Auby la fonderie de zinc aprs une sance de travail avec les premiers responsables du
Groupe Vieille Montagne dsireux de concentrer les efforts sur les dbouchs en aval.
Le CERCHAR tait dispos nous apporter sons concours et son support technique
pour amliorer les conditions dhygine, de scurit et dutilisation des explosifs, et
valuer les risques professionnels dans les mines marocaines, tout en nous faisant
profiter de son exprience aux Charbonnages et de laide de la coopration franaise.
***
A la fin de la mission, javais rejoint Montpellier pour fter avec mon fils Karim son
succs lexamen de fin danne la Facult dconomie, apprciant par l mme ses
efforts pour se maintenir au peloton de tte, dans un cadre qui ntait pas le sien au
dmarrage en octobre 1987.
Ce fut loccasion pour les natifs de la rgion de se retrouver et de faire le point sur les
perspectives de dveloppement.
216
La construction de la piste daccs au gisement de 70km partir du village de
Timezgadiouine, sur la route Marrakech-Agadir, a permis de dsenclaver la rgion, de
permettre lclosion dactivits conomiques diverses, et de booster lemploi dans un
secteur excentr et presque oubli.
Lazrak, avait tenu ce que je me rende au mausole dun saint descendant du grand
sultan almoravide, Youssef Ben Tachfine, honor par les habitants des Seksaoua connus
pour tre dopinitres guerriers opposs la pntration coloniale franaise de cette
zone.
A fin juillet 1988, je mtais rendu dans lOriental pour valuer, avec Chaba,
Directeur Gnral des Charbonnages, ltat davancement du Projet de Dveloppement
des Charbonnages de Jrada financ en grande partie par un prt de la Banque Mondiale.
Les villes de Ghazaouet et de Maghnia nous avaient paru dlabres et sans me, mais
partout nous avons ressenti, en faisant abstraction de la politique politicienne, le vrai
bonheur des Algriens de renouer avec leurs frres marocains.
En janvier 1988, aprs les runions des commissions spcialises sur les substances
minrales, lexamen et la mise au point de la convention BRPM-ONA sur le dveloppement
et lexploitation du gisement polymtallique de Hajar, javais effectu des visites la
mine de fluorine dEl Hammam pour apprcier les efforts du Groupe ONA/Samine visant
augmenter la production et assurer une meilleure rentabilit au centre minier, confront
lapprofondissement des chantiers.
Javais, en son temps, tenu marquer mon soutien Soussi pour le soustraire aux
accusations injustes et le blanchir dans la gestion de la CADETAF.
217
La trsorerie de la Centrale tant renfloue, dope et conforte par une gestion plus
rigoureuse, un souffle nouveau fut imprim aux relations avec les artisans mineurs,
notamment du secteur de Bni Tadjit devenu le centre de gravit.
- Imiter, pour assister linauguration du centre culturel, cher Chahid, destin aux
activits rcratives des enfants du personnel, et de la nouvelle unit de traitement par
cyanuration produisant plus de 230 tonnes dargent mtal.
- Bleda pour constater la poursuite de leffort fourni par le groupe ONA, en bon pre de
famille, dans lexploitation et la valorisation rationnelles des gisements de cuivre du
secteur de la boutonnire du Grara,
Bleda, de par lampleur des rserves exploites se rvlera comme la plus grande
mine de cuivre de notre pays.
Le secteur de Bouazzer navait pas fini de rserver des surprises avec la mise en
exploitation de tous les quartiers considrs comme de teneur relativement basse.
- Hajar, o le Groupe ONA, avait pris le relais du BRPM dans le cadre de la Compagnie
Minire de Guemassa (CMG), et lanc le dveloppement de la production aprs les essais
industriels sur les minerais polymtalliques (zinc, plomb, cuivre, argent) dans la laverie
mobile SALA acquise auprs de CADETAF et reconditionne sur les lieux par les ateliers de
la mine,
Le projet, grande capacit, tait assur de voir le jour, en considrant les rsultats
encourageants obtenus pendant la premire phase dessais de production et
denrichissement des minerais extraits dans la laverie prcite.
Dans le projet Hajar, la mobilisation rapide des quipes et des bonnes volonts et la
collaboration exemplaire BRPM/ONA, furent les atouts majeurs dans la russite du projet,
parce que la mine, la fois un grand chantier et une grande famille, est aussi une grande
ide pour ceux qui y croient de tout leur cur.
Lesprit qui animait un grand Office de lEtat (le BRPM) et un grand groupe priv
national (lONA) fut un bon augure pour lavenir du dveloppement de la mine et de la
valorisation des minerais dans notre pays.
Dans cette mouvance, Filali avait une attitude prmonitoire, et lHistoire lui donnera
raison avec le dveloppement prodigieux des centres miniers dImiter, Hajar et Draa Sfar.
218
- Jbel Aouam, o une longue grve perturba la fin du premier semestre de 1989, le
personnel exigeant des augmentations de salaires, complexant la situation dj mine
par les maigres rsultats de 1988, combinaison dune diminution de la production et du
niveau bas des cours des mtaux.
LOCP avait donn lexemple dans le domaine de la qualit du travail, et sera suivi par
le Groupe ONA Bleda, Hajar et El Hammam.
Notre mission, de courte dure, stait traduite par la signature dun protocole
daccord fixant les volets de coopration dans les domaines de la recherche gologique et
minire, de lvaluation et la mise en valeur des gisements, et la cration dune socit
mixte maroco-guinenne de recherche et dexploitation dor et de diamant en Guine.
Nous avons admir les belles villas du quartier de lOUA finances et ralises par le
Maroc, et regrett limpatience et lempressement de lAmbassadeur du Maroc, Belarbi,
quitter ce pays trs attach au ntre par des liens spciaux, et o beaucoup restait faire
dans tous les domaines.
A Conakry, aprs la disparition de Skou Tour, le pays tait rest encore exsangue
et dlabr, malgr les potentialits considrables convoites par les socits trangres
reprsentes par des opportunistes et des requins installs dans le grand Htel de
lIndpendance, prs de la Cit de lOUA.
Notre dpart de Conakry fut quelque peu perturb, et nous avions craint de rater le
vol dUTA en partance sur Paris via Bamako, le reprsentant de la Royal Air Maroc ayant
trop tard dans lacheminement de nos bagages.
****
Peu de temps aprs, le Ministre Guinen des Ressources Naturelles et de
lEnvironnement tait venu Rabat la tte dune importante dlgation pour relancer
notre coopration.
219
Aux Etats-Unis et au Mexique pour la barytine
En dbut septembre 1988, au cours de mon cong annuel, et joignant lutile
lagrable, linvitation de mes amis Stutz et Benam, je suis all aux Etats-Unis, tout
dabord la Nouvelle Orlans et Bton Rouge, pour une visite des installations de
dchargement et de transformation de la barytine blanche en provenance des centres de
production du Maroc.
Par la suite, nous avons rejoint, trs tt, par avion Saint Louis dans le Missouri, pour
visiter les carrires dexploitation et lusine de broyage de barytine Potosi o ltat de
dlabrement insouponn des installations expliquait la propension et la ferme volont de
la socit Barod (trs connue par les producteurs marocains) importer de la barytine en
vrac pour la conditionner sur place.
Notre sjour fut agrment par la visite dune ancienne plantation Nottaway,
vestige dune poque rvolue dexploitation des Noirs venus dAfrique et des Carabes,
dans un environnement de lucre et de luxe.
Avant notre dpart, nous avons suivi lvolution du typhon Gibert qui avait ravag les
Etats de la Louisiane et du Mississipi, la Jamaque et le nord du Mexique.
De retour Washington chez nos amis Larry et Amina dans la splendide rgion de
Fern Lane, jeus loccasion de visiter les immenses et spectaculaires Grottes souterraines
de Virginie et le Temple maonnique Alexandria au bord du Potomac.
De Washington, javais rejoint mon pouse et mon fils Paris pour quelques jours,
avant daller par TGV Zurich djeuner avec les amis dIncontra, en compagnie de
Benam et Hans Bertshmann, un grand amoureux du Maroc possdant une superbe villa
Tanger.
***
Je reviendrai en dcembre 1988 pour un voyage de courte dure aux Etats Unis et au
Mexique, dans le cadre dun arbitrage entre les producteurs et les fournisseurs du secteur
CADETAF et lentreprise mexicaine PEMEX.
220
A Mexico, javais redcouvert le Mexique en plein boom conomique, boost par
lentre en vigueur de la zone de libre change (ALE) qui le lie avec les Etats-Unis et le
Canada,
Pour la petite histoire, Bargach, en voulant se rendre au domicile de nos htes, stait
tromp dadresse et avait pntr dans la maison voisine, en labsence de ses
propritaires amricains.
Angers, sur Le Maine, capitale des comtes dAnjou, rpute pour ses monuments
gothiques, ses tapisseries et son Ecole dArts et Mtiers, est aussi un centre commercial et
industriel (constructions mcaniques et lectriques.
Tout en tant une russite scientifique, technique, le Congrs dAngers fut loin
dgaler celui de Marrakech rappel notre bon souvenir par plusieurs participants.
Parmi les sorties sur le terrain, javais particip celle consacre aux ardoisires de
Trlaz o je fus surpris et impressionn par lampleur des oprations souterraines de
dbitage et dextraction des ardoises utilises dans les toitures.
Aprs Angers et un court sjour chez des amis dans la rgion, javais rejoint
Bordeaux pour un djeuner laroport de Mrignac avec Rabit, vieil ami et ancien
retrait dAtlas Copco Maroc, pour nous remmorer nos souvenirs du Maroc et nos
nombreux voyages professionnels travers le monde.
La dlgation marocaine, parmi les plus importantes, fut trs active dans les
coulisses, limage de Ghissassi, ancien ministre des Mines et de Lakhssassi, Directeur
Gnral de la Fonderie FPZ.
Exceptionnellement dans les annales du Groupe, le Maroc, pour la 3 fois, je fus rlu
premier vice-prsident.
221
Dans ce cadre, nous avons analys la situation critique des Charbonnages du Maroc
o, malgr la ralisation trs rapide du Puits 3 de 800m par une quipe chinoise, et la
fourniture des quipements de production fond, les dettes de la socit navaient fait que
salourdir, sans espoir dclaircie.
Lloignement des deux premiers responsables des CDM ne se fit pas dans la
srnit, exacerb et accompagn daccusations et des rglements de compte longtemps
dissimuls.
Nos interventions avaient calm leffervescence des bouchers prts sacrifier les
anciens responsables sur lautel de la lutte contre la mauvaise gestion.
Dans cette phase de convulsions, le BRPM, plus impliqu dans la conduite des
affaires, mit en place une nouvelle quipe dirige par Nassir, charge dappliquer les
recommandations de la commission interministrielle au plan de la rduction du
personnel et des autres charges dexploitation.
222
entretenu un climat malsain attis par une campagne de presse inqualifiable, venant
envenimer les relations entre le BRPM et les prvenus au dpart la mine.
Lors de la tenue des Conseils dAdministration successifs, dans lpret des dbats, la
sincrit et la profondeur des interventions, les runions avaient fait un triste constat de
ltat des lieux, sans proposer de solutions viables pour le devenir de lexploitation
charbonnire.
Notre programme, articul autour des visites des gisements de pyrite et de cuivre
dAljustrel et de Neves Corvo, des carrires de marbres, fut cltur par des discussions
Lisbonne avec des reprsentants de lindustrie extractive.
Dans le secteur des marbres, nous avons dcouvert une activit insouponne,
mettant en uvre des moyens puissants, utilisant une main duvre nombreuse et
qualifie, agissant dans le cadre dune rglementation encore mal adapte.
A Aljustrel, la valorisation de la pyrite et des sous produits tait reste au point mort
depuis plus de deux ans, et on nentrevoyait aucune perspective lhorizon.
A Neves Corvo, mine bien structure et organise, les ratios technologiques prvus
taient atteints tous les niveaux des productions minires et de traitement.
223
Aprs les rceptions et le dner lAmbassade du Maroc, nous avons dcouvert avec
plaisir Lisbonne et admir le majestueux estuaire du Tage, lieu de dpart des grands
navigateurs Vasco de Gama et Magellan, conqurants du Brsil et promoteurs des
comptoirs le long des ctes africaines, en Inde et en Chine.
Dans ce quartier, naquit le Fado, chant nostalgique, parfois tendre et joyeux, o les
Portugais se reconnaissent et communient au son alerte des guitares et de luths.
A peine une heure de vol avait suffi pour effectuer le trajet Lisbonne Rabat avec le
jet du Groupe ONA, appel en urgence par Chrif, par suite dun long retard du vol sur
Casablanca.
Dans le souci de moderniser notre arsenal juridique, nous avons tenu plusieurs
runions avec les administrations concernes pour mettre au point une circulaire
avaliser par les autorits comptentes, et faire publier, en attendant ladoption du projet
de texte de loi labor en 1982 et soumis lexamen, depuis plusieurs mois, du
Secrtariat Gnral du Gouvernement.
Par ailleurs, loccasion dune journe de rflexion, clture par un large dbat
centr sur les nouvelles technologies mises en uvre dans la dmolition par implosion de
vieux btiments en site urbain et sur la fabrication de nouveaux accessoires de tir plus
performants, les producteurs, les utilisateurs dexplosifs et les services rgionaux des
mines furent sensibiliss sur les conditions de fabrication, de stockage, de transport et de
manutention.
****
Lanne 1989 dmarre avec la disparition de mon beau-pre qui fut un homme sage,
affectueux et ultime recours pour moi et pour ses nombreux amis.
Le Ministre Fettah qui le connaissait de longue date, avait tenu assister son
enterrement au cimetire du Chellah.
Durant plusieurs jours, dans le btiment des Nations Unies, nous avons examin
lavenir des mtaux de base (fer, cuivre, plomb, zinc, nickel, aluminium), des mtaux
224
prcieux, des phosphates et des roches industrielles, suivi les nombreuses confrences, et
dbattu des problmes inhrents la crise des matires premires en gnral.
Plusieurs rceptions furent donnes en note honneur par les banques et les
dpartements spcialiss des Nations Unies.
Par ailleurs, jeus le plaisir de djeuner avec le Chef de Dpartement des Ressources
Naturelles, en prsence de Tabet Taher, Directeur Gnral dARMICO, et de rencontrer le
Directeur du Fonds Auto Renouvelable pour examiner avec lui les possibilits de
coopration dans la recherche minire en zone CADETAF.
Une matine fut consacre la visite du COMEX Wall Street, haut lieu des
transactions sur les matires premires (mtaux de base, bl, caf sucre) dun montant
suprieur 1.000 milliards de dollars par an.
- les minerais et mtaux sont une source de revenus importante, ncessaires pour
couvrir les importations et rembourser la dette,
- les perspectives de prix des mtaux en 2000, avaient fait lunanimit autour de
prix rels faibles, les producteurs apprenant vivre avec cette condition,
- la reprise des cours des mtaux ntait pas considre comme un dbut de
redressement rel et durable, il tait peu probable que ces cours retrouvent les taux
levs de 1973-74 et 1979-80,
- cet gard, le rle positif jou par le Fonds Auto Renouvelable avait t reconnu
dans certains pays o llaboration dune politique minire long terme, accompagne
dun rgime fiscal juste vitant lapplication de charges ad valorem et dune lgislation
de lenvironnement, tait juge ncessaire.
***
Aprs le Sminaire de New York, javais continu suivre de prs lvolution de la
situation aux CDM pour essayer damoindrir autant que faire se peut les incidences de la
fermeture inexorable de lexploitation.
A fin janvier 1989, pour remdier cette situation, javais conduit une dlgation du
secteur une runion Casablanca avec Hassad, Directeur Gnral de lODEP, pour
examiner les difficults du secteur en matire de transport et de prestations de services
diverses dans les ports (arrimage, aconage, plateformes).
225
LODEP avait marqu sa bonne disposition aider le secteur pour traverser la priode
critique en ramnageant les tarifs de location des parcelles de stockage et les oprations
de stevedoring, dans les ports principaux du pays, notamment de Casablanca, Safi,
Nador et Agadir.
En Yougoslavie
Dbut fvrier 1989, aprs la runion du Comit technique de CADETAF Errachidia
ayant enregistr des difficults dcoulement de calamine du secteur de Gourrama, et sur
invitation dINCONTRA (Suisse), en compagnie de Dalil, Directeur Gnral de CADETAF,
nous avons effectu une mission en Yougoslavie visant placer la totalit de la
production artisanale dans ce pays importateur traditionnel.
La rgion est connue pour ses anciennes mines de zinc et de plomb (Zletovo, Kratovo
et Osogovska) et sa fonderie utilisant le procd Imperial Smelting pour produire
diffrentes qualits de zinc et de plomb et des sous produits (cadmium, argent, alliage
antimoine plomb ou zamak).
Au cours de nos discussions loccasion dun djeuner, nous avons convaincu nos
interlocuteurs yougoslaves de continuer utiliser 10.000 tonnes/an de calamine
marocaine comme additif de fusion ; ce tonnage correspondait aux prvisions de
production du secteur CADETAF pour les annes 1989 et 1990.
De son ct, INCONTRA stait engag placer ces productions dans les meilleures
conditions de prix et de frais de fusion.
Mais malgr cela, aucun indice ne laissait supposer une dliquescence foudroyante
de la Fdration yougoslave aprs la disparition du Marchal Tito, et lirruption soudaine
de sentiments sparatistes et de guerres dextermination ethnique entre Serbes
orthodoxes et Bosniaques majoritairement musulmans.
226
Au pays du grand scandale gologique :
Le Zare
Aprs avoir essay encore une fois de dtendre la crise qui secouait les CDM, en
compagnie de Lhatoute Directeur Gnral du BRPM, et des responsables dAtlas Copco
Maroc, Rigaumont et Verdoux, nous avons effectu une mission au Zare pour visiter les
installations minires et mtallurgiques de la GECAMINES, socit zaroise rsultant de la
nationalisation de lex Union Minire du Haut Katanga.
Lembarquement pour Kinshasa annonc pour 22h 30, eut lieu 1 heure du matin
dans une cohue indescriptible.
A bord de lavion, un vieux DC 10, unique long courrier dAir Zare, exploit au
maximum de sa capacit, le service fut correct et laccueil dbonnaire.
Nous sommes arrivs Kinshasa le dimanche, 19 fvrier, 8h 30, sous la pluie et une
atmosphre chaude et moite, dans un aroport envahi par des badauds venus assaillir les
containers bagages pour extraire sans mnagement les valises, faisant craindre le pire
pour nos affaires.
A lescale, aprs nous avoir retir nos passeports et nos billets, on nous avait
conduits au salon VIP pour un moment dattente, avant de repartir sur Lubumbashi avec
deux heures de retard.
Pour accder lOcan Atlantique, le Roi Lopold ngocia avec les Portugais,
occupants de lAngola, la cession de la zone de Matadi en contrepartie de lenclave de
Cabinda, connue aujourdhui pour ses importants gisements dhydrocarbures.
Aujourdhui, qui dit Zare, pense Lumumba, Kasabuvu, Mobutu et la longue guerre
civile ayant suivi la tentative de scession de Tshomb au Katanga (Shaba) aprs la
proclamation de lindpendance du pays en 1960.
227
Ainsi, des invasions venues dAngola avaient tent de dstabiliser le pays et le rgime
de Mobutu en investissant des villes du Shaba, massacrant des centaines de personnes,
dont plusieurs expatris europens.
La langue la plus rpandue est le Lingala, le franais tant celle des affaires et de
lAdministration.
Vous ntes pas seulement des citoyens part entire, vous tes des citoyens tout
court , leur avait dclar le prsident Mobutu loccasion dune tourne.
Le Zare dispose dun rseau hydrographique trs dense, le fleuve Zare tant
considr avec lAmazone comme lun des plus puissants du monde, avec un potentiel
hydrolectrique de 100.000 Mgawatts (50 fois la puissance lectrique installe au Maroc
en 1988).
- la premire transite par la Zambie, le Zimbabwe et lAfrique du Sud, pour dboucher sur
lOcan Indien Durban, permettant dcouler 15% de la production,
228
de commercialisation de sa production minire stratgique (cuivre, cobalt, or,
germanium).
Des crdits, valus plus de 200 Millions de dollars, taient mis la disposition du
Zare pour la rhabilitation de la voie ferre, aprs le rglement dfinitif de la crise
angolaise.
A Lubumbashi
Nous sommes arrivs 14 heures, aprs deux heures davion de Kinshasa, sous un
climat doux une altitude de 1.200 m.
Aprs, nous avons rejoint lHtel Sheraton Karavia, lunique htel de standing pour
une ville de plus de 700.000 habitants.
Le soir, nous fmes convis dner au domicile des Herbigneaux, couple belge trs
affable, au Zare depuis plus de quinze ans.
Le dner servi par une domesticit zaroise dvoue et discrte, fut gay par les
blagues de Verdoux, matre dans lart, alors que Rigaumont dnigrait les autochtones
incapables, daprs lui, de grer leurs propres affaires.
Le dpart des Belges est une catastrophe pour lconomie du Zare, tout ce qui a
t minutieusement, inlassablement et patiemment construit, a t dmoli, ou sabot
sans mnagement, suite la guerre civile et aux luttes tribales ou ethniques, affirma t-
il, tout nostalgique de lpoque coloniale durant laquelle les Zarois taient des valets et
de vritables btes de somme corvables merci.
La grande affaire du Shaba fut le rle jou en 1967 par la GECAMINES aprs sa
cration, suivie de lindemnisation des partenaires belges, prlude rapide la
nationalisation des mines du cuivre.
Ainsi, les salaires taient de lordre de 20.000 zares (quivalent 400 DH) pour un
ouvrier spcialis, et 70.000 zares (1.400 DH) pour un cadre responsable.
229
Lnergie lectrique (0,05 DH/KWh) est fournie par le barrage dInga, reli au Shaba
par une ligne en courant continu haute tension, de 2.000 Km, et par des centrales
auxiliaires construites sur les rivires pour faire face des coups durs.
La ligne lectrique, tout en fournissant une nergie bon march, joue un rle
stratgique majeur en maintenant le Shaba dans lensemble zarois, loignant ainsi les
vellits scessionnistes de lpoque Tshomb.
Le lendemain aprs une visite aux bureaux dAtlas Copco Zare installs dans le
quartier rsidentiel de Lubumbashi, dans un ensemble de btiments appartenant un
rsident sudois, nous fmes reus au sige gnral de la GECAMINES par le Directeur
Technique (Kabwe), en labsence du Prsident parti accompagner Mobutu aux funrailles
de lEmpereur du Japon, Hiro Hito.
Nous avons retenu quaprs une priode difficile lie au dpart massif des expatris
belges, la chute des cours du cuivre et du cobalt, la GECAMINES avait redress la barre
en investissant des centaines de millions de dollars dans la modernisation et le
reconditionnement de ses installations, le raffinage sur place du cuivre blister jusque l
expdi en Belgique.
Avec un effectif de 40.000 agents, (dont des milliers de cadres et techniciens zarois
ayant assur la transition et la relve de la totalit des expatris belges et franais), une
production annuelle de 470.000 tonnes de cuivre mtal (5rang mondial aprs le Chili, le
Canada, les Etats-Unis et la Zambie) et 16.000 tonnes de cobalt (les 3/4 de la production
mondiale), la GECAMINES tait rellement un vritable Etat dans lEtat, un lot de
prosprit, dorganisation et defficacit, dans un grand ocan de dsordre.
En priode faste des cours, la GECAMINES seule, reprsentait plus de 70% des
recettes du pays en devises.
La Gcamines tait rellement un Etat dans lEtat, et quand elle se portait mal,
lensemble du Zare tremblait.
Aprs un amical change de vues sur les possibilits de coopration entre le Maroc et
le Zare, nous avons effectu un tour de ville o toutes les activits commerciales et
industrielles taient invitablement clipses par celles de la transformation du cuivre
battu et de la fabrication dobjets en malachite.
A Kolwezi
Aprs djeuner, bord de deux voitures, nous avons quitt Lubumbashi pour
Kolwezi, 300 km au nord ouest, non loin de lAngola et du poste frontalier de Dilolo,
tristement clbre pour avoir t, en 1978 et 1979, le point de dpart des invasions
repousses grce au concours des Forces Armes Royales Marocaines.
La route troite qui longe la ligne lectrique venant dInga et les clairires gagnes
sur la fort, tait mal entretenue depuis 20 ans, obligeant Herbigneaux rouler vive
allure pour mieux survoler les trous .
230
Nous avons travers le Shaba, verdoyant, fait de coteaux boiss, de valles fleuries,
dtendues de hautes herbes parsemes de termitires gantes, dfriches par endroits
par des paysans indolents pour produire leurs moyens de subsistance base de patates
douces et de haricots blancs.
A la sortie des nombreux sentiers, des sacs de charbon de bois dnotaient une
activit de dforestation sauvage.
Sur les points hauts se dressaient dnormes croix, vestiges des missionnaires anglo-
saxons venus vangliser ces contres animistes.
Likasi, notre premire escale, ville de garnison, clbre par sa grande prison, abritait
la division dlite des forces zaroises, entrane par des officiers israliens.
Ville du Far East zarois, avec ses avenues dfonces, ses nombreux bars et
restaurants, vestige de loccupation belge, elle fut le centre de gravit dun grand centre
minier et mtallurgique.
Au muse minralogique, guids par un cadre zarois affable, nous avons admir les
spcimens rares de minerais de cuivre, cobalt, or, argent et uranium.
Sur notre route, nous avons marqu une halte sur le site minier de Foungouroum,
immense gisement de cuivre ayant dfray la chronique et fait lobjet de reconnaissance
par galeries, tranches et dcapages de surface.
La chute brutale des cours du cuivre, la fin des annes soixante dix, avait contraint
le consortium Anglo American - BRGM, oprateur sur place, abandonner les lieux aprs
un investissement de plus de 300 millions de dollars, le domaine minier rintgrant le
patrimoine de GECAMINES.
Autour des btisses en ruines et des carcasses dusine, quelques paysans avaient
dfrich des arpents de fort pour produire du manioc et du mas.
Sous une pluie battante de lt austral au Shaba, nous fmes installs lImpala
Htel (antilope), puis convis dner au centre ville, dans un restaurant tenu par un Grec
et frquent uniquement par les expatris.
Le lendemain, sous un ciel dgag et un soleil brlant, nous sommes alls visiter la
mine de Kamato, en traversant lancienne ville coloniale construite autour des glises,
dispensaires, coles, aux artres dfonces et maisons aux tuiles rouges dans une
situation de dlabrement avanc.
Kabango, Directeur du centre, ingnieur des mines, de grande taille, volubile, nous
reut avec beaucoup dgards, nous gratifiant dun briefing remarquable sur Kamato, et
nous faisant part des perspectives de dveloppement et des problmes inhrents aux
231
normes stocks de pices de rechange (18 mois de consommation, quivalent de 3
milliards de dirhams) obrant la trsorerie de la socit.
Aprs djeuner, nous sommes alls au sige du district de Kolwezi pour rencontrer le
directeur, Schaijes, responsable de plusieurs centres de production, dernier cadre belge
encore en activit, une anne de la retraite aprs 25 annes de service la GECAMINES.
Le contact avec lui, correct et distant, fut suivi dun expos prcis sur le secteur
minier de Kolwezi, considr comme le centre moteur de la GECAMINES, avec des
rserves estimes 40 ans de production.
Par la suite, un ingnieur des mines zarois, nous avait conduits et guids aux
immenses carrires ciel ouvert stendant sur plusieurs kilomtres.
Notre guide zarois, nous fit part des problmes rencontrs dans la stabilit des
terrains, lexhaure et la disponibilit des engins de carrire.
Sur le retour, nous avons crois un cortge funbre prcd par des danseuses
chantant et riant, car dans cette rgion, le dcs nest pas clbr en tristesse et
mlancolie, mais en musique dans une atmosphre de complte dcontraction.
232
Schaijes, connaissant notre pays pour y avoir fait lescalade du Toubkal, nous avait
promis de nous rendre visite au Maroc.
Au retour lhtel, et comme les jours prcdents, lorage clata dans un bruit
terrifiant, amplifi par la toiture en tles ondules de nos chambres, et suivi de vritables
trombes deau sur la rgion.
Nous avons longuement chang des ides et des points de vue avec les Zarois sur
limportance accorde lentretien du matriel et la disponibilit des engins.
Nous avons retenu que les exploitations souffraient des retards dans la livraison des
pices de rechange et de la rtention entretenue par les grands fournisseurs
dquipements, alors que la GECAMINES tait connue pour sa crdibilit et sa clrit
dans les rglements des achats lextrieur.
Nous avons quitt les lieux, convaincus davoir vu de grands centres miniers et
industriels, et surpris par le haut niveau technologique des installations, la qualit du
travail et la matrise professionnelle du personnel zarois.
Je suis venu faire fortune dans ce coin de lAfrique australe, la qualit de mes
ouvrages et de mon travail sont lorigine des nombreuses commandes des pays du
Golfe , nous dit-il, avec beaucoup de prestance.
Une halte proximit dun hameau, donna loccasion Herbigneaux dacheter des
chanterelles (champignons apprcis) un prix drisoire des gosses tous heureux
dengranger quelques centaines de zares et de poser firement en photo avec nous, aprs
avoir reu de Lhatoute quelques billets supplmentaires.
233
Nous sommes rentrs Lubumbashi la tombe de la nuit et installs de nouveau
lhtel Sheraton Karavia, affich complet, en raison de larrive de dlgations
zambiennes et dhommes daffaires.
Pour la seconde fois, nous fmes convis dner chez les Herbigneaux avec au menu
du saumon frachement arriv de Stockholm.
La soire, bon enfant, fut anime par Verdoux, alors que Rigaumont temptait et
dnigrait tout ce qui est zarois.
Le lendemain, dernier jour au Shaba, Mme Herbigneaux nous avait fait dcouvrir la
ville en passant dans une salle dexpositions tenue par une multre, et aux magasins de
souvenirs appartenant des expatris belges, libanais et grecs.
Nous avons peru une certaine tension dans lair en croisant des patrouilles militaires
appeles contrer la grve des tudiants locaux, solidaires de leurs camarades de
Kinshasa mobiliss contre la chert et linsuffisance des transports.
Nous avons appris par la suite, que des heurts violents avaient oppos les forces de
scurit aux tudiants, se soldant par des morts parmi ces derniers.
Aprs le djeuner, pour viter toute dconvenue, nous avons rejoint laroport pour
enregistrer lavance, car au Zare on nest jamais sr de partir lheure.
Effectivement on nous annona un retard dune heure, alors que prs de nous un
rabbin, sa femme et un officier isralien attendaient calmement.
Nous ne sommes pas daccord avec Shamir, nous dsirons la paix pour assurer
lavenir de nos enfants ; dites le au Maroc , souligna t-il fermement, alors que le rabbin,
mdus, se demandait si nous nous connaissions rellement.
Nous sommes tous des Marocains, on ne peut pas loublier , insista lofficier, en
sadressant au rabbin rellement surpris par tant deffusion sentimentale de la part de
son compatriote.
234
Avec finalement deux heures de retard, nous avons embarqu pour Kinshasa, aprs
avoir remerci Herbigneaux et son pouse de leur amabilit et de leur bienveillante
hospitalit.
Rigaumont et Verdoux taient rests deux jours de plus, avant de nous retrouver
Kinshasa dans le vol sur Paris.
A Kinshasa
En dbarquant de nuit Kinshasa, un autre officier isralien, n Marrakech, ayant
vcu Casablanca avant daller en Isral, stait joint nous, heureux galement de
retrouver des Marocains.
Je souhaite vivre en paix avec nos voisins palestiniens, pouvoir circuler sans
entraves, et venir au Maroc retrouver ma patrie dorigine, mes amis et les membres de ma
famille ; venez en Isral, vous tes nos invits , nous lana-t-il, avec fiert.
Par talkie walky (en raison de lincurie des services de tlcommunications zarois,
plusieurs reprsentations diplomatiques staient quipes en moyens autonomes plus
srs), lAmbassadeur Alem, aprs stre assur de notre arrive, nous convia djeuner le
lendemain.
Le lendemain, nos compatriotes taient venus nous chercher pour une visite aux
diffrents centres dintrt de la ville, dcouvrant ainsi des quartiers sordides au centre
ville et de beaux quartiers rsidentiels le long du fleuve Zare.
Des touristes amricains taient l sur le terre plein, ahuris, mais sans raction, par
ce qui se droulait sous leurs yeux.
Aprs une pause caf la ptisserie Aladin dtenue par des Libanais, dans le
quartier des affaires, nous avons t au march central, cur du Kinshasa, grouillant
dactivit multiples (vente de fruits et lgumes, talages de poissons schs et fums,
mchoui de singe, larves vivantes suscitant le dgot de Lhatoute).
235
Aprs une visite de courtoisie la Chancellerie de lAmbassade du Maroc installe
dans le mme immeuble que celles de Sude et du Sngal, nous avons rejoint la
rsidence de lAmbassadeur Alem, situe sur les hauteurs, bnficiant dun panorama
blouissant, avec lhorizon, la ville de Brazzaville.
LAmbassadeur Alem nous reut avec une amabilit exquise, renforce par nos liens
professionnels et amicaux avec son oncle Hamid, vtran de la recherche ptrolire au
BRPM et lONAREP.
Autour dun dlicieux repas marocain, nous avons discut de lavenir du Zare, de son
diffrend avec la Belgique et du rle du Maroc comme mdiateur.
Cela va se calmer et les choses vont rentrer dans lordre ; depuis lindpendance en
1960, les relations entre les deux pays sont conflictuelles, mais cela se passe toujours
comme entre deux conjoints ; nous sommes actuellement dans la phase du tumulte , dit
lAmbassadeur, trs au fait des problmes du Zare.
Le Ministre, entour de ses collaborations, nous reut quelques instants puis nous
laissa avec les diffrents responsables pour explorer les voies de coopration.
Pour notre part, nous leur avons signifi nos bonnes impressions sur la mine au
Shaba et sur lexcellente tenue des exploitations de la GECAMINES.
Tard la nuit, nous avons dambul travers les quartiers anims de Kinshasa o la
bire coulait flot, dans un monde de rues dfonces, de baraques dlabres, la lisire
des quartiers rsidentiels frisant lindcence par leur opulence.
Tt le matin, pour viter les surprises, nous avons rejoint laroport Kinshasa Nadjili
par lautoroute emprunte par un flot continu de pitons, femmes, enfants, vieillards,
transportant des balluchons, tirant des charrettes, pataugeant dans la boue laisse par
les dernires averses.
236
Guessous disparut dans la tourmente pour revenir aprs, accompagn du directeur
du salon confondu en excuses.
Nous avons quitt nos compatriotes en les remerciant de leur concours, car sans eux,
notre sjour Kinshasa eut t sans attrait, voire prilleux.
Le sjour, quoique de courte dure, nous avait permis de dcouvrir un pays aux
potentialits humaines, agricoles, hydro-lectriques et minires considrables,
Ds lors, on comprend les raisons qui avaient pouss les missionnaires europens
sintresser au Congo la fin du 19 sicle, ainsi que les tentatives de scession du
Katanga et les invasions perptres en 1960,1978 et 1979.
Les fournitures de pices de rechange, lorganisation des services aprs vente et des
immenses parcs matriels lourds, demeuraient galement un des points clefs pour
lobtention de bonnes performances, grce au niveau bas des salaires et au prix modique
de lnergie hydrolectrique.
Lindustrie minire au Zare occupait une place prpondrante, tant par la taille et le
nombre de gisements et dusines de transformation, que par la valeur de la production, le
montant des investissements induits et les nombreux emplois crs.
Mme si elle tait intensive, lexploitation du sous-sol zarois laisse encore une large
place la prospection et la chance de dcouvrir dautres gisements.
237
Un pays comme le Zare, avec ses potentialits varies, sa nombreuse population et
sa situation stratgique, tait en mesure de devenir plus ou moins long terme un des
gants de lAfrique Australe.
****
Malheureusement, quelques mois aprs notre mission, de terribles vnements
avaient de nouveau perturb lactivit minire au Shaba, entranant linondation de la
mine de Kamioto, la destruction des usines de cobalt et des raffineries de cuivre.
238
A la dcouverte
De lancienne Msopotamie
Par ailleurs, aprs les interventions ritres de la Direction des Mines auprs des
responsables de la Socit du Jbel Aouam et du Gouverneur de la province de Khnifra
(Ali Kabiri), la longue grve la mine de lAouam tait arrive sa fin.
Dautre part, la ralisation du projet Hajar tait conforme aux prvisions et augurait
dun bon avenir pour la Socit de Guemassa.
Dun autre ct, les Commissions ad hoc sur la barytine et les explosifs ont t
runies pour faire le point de la situation la lumire de la crise ptrolire et de ltat
davancement des textes rglementant la production, le transport, le stockage et
lutilisation des explosifs et articles de tir.
Pour la troisime fois, javais effectu une tourne dans les exploitations de lOCP
Bengurir, Youssoufia et Khouribga pour marquer lintrt de lAdministration pour le
plan de dveloppement du secteur des phosphates.
Aux Charbonnages de Jrada, le Ministre Fettah avait pris la dcision dloigner non
sans difficult, les deux responsables de la socit (Kanouni et Chaba) dont la chute fut
terrible, accuss de tous les maux.
Pour ma part, javais tenu faire remarquer que la crise de Jrada ntait pas lie
seulement aux dirigeants, mais surtout quelle tait inhrente aux difficults
dexploitation dans un gisement aux rserves limites et de mauvaise qualit.
****
Ce fut dans ce triste cadre, quavec Lhatoute, nous avons entrepris un voyage en Irak
et en Jordanie, rpondant une invitation des Directeurs Gnraux de lOffice irakien
GEOSURV, Aldouri, et dARMICO, Tabet Taher.
Il faut rappeler quen mai 1989, le BRPM et GEOSURV avaient sign un contrat de
service, chargeant le Bureau dexcuter un programme de recherche minire dans le
Chott El Arab, dans le cadre dun projet dnomm mystrieusement, P 232.
239
Aprs des prparatifs laborieux, une quipe de choc du Bureau stait rendue en Irak
pour raliser des travaux de fonage de puits en terrain marcageux et des creusements
de galeries, suivis de prlvements dchantillons, danalyses et dessais dexploitation.
Toutes les conditions taient runies pour assurer cette premire sortie un
retentissant succs, les membres de lquipe tant tris sur le volet et la conduite du
chantier confie Rahdou, vtran des chantiers miniers et des travaux ardus.
***
Un an aprs la signature du contrat BRPM/GEOSURV, nous sommes partis Bagdad
le 7 mai 1989, jour de lAd El Fitr, en transitant par Paris, heureux daller retrouver nos
compatriotes en Irak et de dcouvrir un pays d'histoire millnaire.
Dans lavion Casablanca Paris, nous avons rencontr Karim Lamrani, Directeur
Gnral de lOCP, arborant son ternel cigare, en route vers Budapest.
Jaurai le plaisir de rencontrer votre ami, lAmbassadeur Chahid, et daller avec lui
dans les tavernes couter la musique tzigane , nous dit-il.
Le lendemain, de nuit, sous une temprature clmente (20), nous sommes arrivs
Bagdad par le vol dAir France, aprs une escale Amman.
Le contrle des passeports fut ais, mais lattente des bagages, longue et ennuyeuse,
alors que Ouchne, responsable au BRPM et nos htes irakiens taient l, ravis de nous
accueillir en terre dIrak.
En face, se dresse lHtel Mridien Palestine, frquent par la clientle dAir France,
non loin dune belle mosque avec sa coupole aux mosaques bleu vert.
Sur une butte en terre, trnait le portrait gant de Saddam Hussein en tenue de
combat, clair par des projecteurs dissimuls dans les buissons.
LIrak fut conquis par les Arabes sur les Sassanides en 637 et domin par la dynastie
des Omeyyades (issue de Mouawiya fils dAbou Soufiane) jusquen 750.
La dynastie hachmite qui rgna sur le pays fut secoue par des coups dEtat et des
putschs militaires, dont celui du 14 juillet 1958, dirig par le gnral Kassem, au cours
240
duquel le roi Fayal, son oncle Abdallah et le premier ministre Noury Sad furent
assassins, et la rpublique proclame.
En 1963, Kassem, aprs avoir ralis lindpendance effective du pays, fut, son
tour, assassin par les baasistes et les nassriens, plongeant alors le pays dans
linstabilit rampante avec la succession des frres Aref la tte du rgime.
A Bagdad
Le lendemain de notre arrive, en dbut de matine, une sance de travail nous
avait runis GEOSURV avec Aldouri et les responsables irakiens intresss par le Projet
P 232, pour mettre au point notre programme de sjour joignant lutile lagrable, la
technique lhistoire et la spiritualit.
Nos discussions furent ponctues de pauses pour dguster le th et le caf turc servis
profusion par une femme ge, tout de noir vtue, coqueluche de lOffice.
Nous avons not leur bonne apprciation des travaux excuts par les quipes du
BRPM, de la conduite du personnel et de la coordination amicale entre techniciens,
ingnieurs et ouvriers des deux parties.
Ce monument, rig dans lun des plus beaux secteurs de Bagdad, entour de jardins
fleuris et de pelouses minutieusement entretenues par une myriade douvriers, avait
ncessit pour sa construction plusieurs annes, occup plusieurs milliers douvriers et
occasionn une dpense de plus de 80 millions de dollars.
Nous avons visit ldifice, guids par un milicien, dcouvrant les anciennes armes
feu marocaines fabriques Fs aux 14, 15 et 16 sicles, la panoplie des armes
irakiennes prsentes sur dimmenses tableaux, les tenues de combat et de parade des
diffrents corps darme, les trophes iraniens saisis sur le front de Fao, les reliques dun
Mirage isralien abattu en 1967 la frontire jordanienne lors de la Guerre des Six Jours.
Sous un soleil de plomb, nous avons poursuivi notre tour de ville en empruntant les
grands boulevards Saadoun et Abou Nouwas, pour aller au mausole d'Abdelkader Al
Guilany (Saint homme vnr aussi au Maroc), situ dans un quartier en restauration o
241
les vieilles btisses, datant de plusieurs sicles, ont t systmatiquement dmolies et
remplaces par des maisons en bton.
Outre la mosque attenante, avec ses mdersas et son esplanade en marbre blanc,
le mausole est centr sur le tombeau plac sous une coupole en verre, clair et noy
dans une forte odeur dencens et de parfums exotiques.
Nous avons quitt furtivement ce lieu sacr pour aller rendre une visite de courtoisie
au Vice Ministre, Adnan, charg des questions minires.
En tenue vert olive dofficier suprieur du parti Baas, Adnan nous reut avec chaleur
et amabilit en prsence des responsables de GEOSURV, et nous fit part du rel dsir de
lIrak de dvelopper ses relations avec le Maroc dans les domaines des phosphates, des
engrais, du soufre et de la recherche des minerais mtalliques.
Nous avons une coopration fructueuse sur les phosphates et le soufre avec la
Tunisie, et pourquoi pas avec le Maroc considr, juste titre, comme le leader mondial
du phosphate ; nous avons besoin de votre exprience, venez, vous tes chez vous ,
nous confia le Vice Ministre.
Nous lavons assur de notre disponibilit collaborer, convaincus de notre part que
nous avons ensemble des expertises changer au plan des mines et de lnergie.
A la lumire des discussions avec Adnan, nous avons retenu que lIrak a travers une
priode difficile, consquence de la longue et terrible confrontation avec lIran,
dclenche au septembre 1980.
Le peuple irakien a souffert dans sa chair et dans sa vie de tous les jours ; plusieurs
centaines de milliers de morts nous ont permis dendiguer le fanatisme et
lexpansionnisme iraniens dont le seul but est lanantissement de notre pays et
laffaiblissement de la nation arabe. LIrak a relev le dfi, a support les coups de boutoir
de ladversaire, sans plier ni faiblir, puis a repris linitiative pour lui assner des coups
foudroyants. Grce au sacrifice de tout notre peuple, nous sommes sortis vainqueurs de la
confrontation impose par lIran ; certes, nous sommes en priode de ni guerre, ni paix,
mais nous sommes dsormais en mesure dempcher ladversaire de ritrer son
aventure, car il sait davance que de terribles destructions lattendent , nous avait dit
Adnan, avec fiert.
Les zones des combats dans le Chott Al Arab, Bassorah, Fao, Oum Quas,
faisaient lobjet dune attention particulire des autorits, concrtise par un effort de
reconstruction pour tout remettre en tat avant septembre 1989 (anniversaire du
dclenchement des hostilits) et faire disparatre les squelles de la guerre.
Ainsi tous les moyens de larme taient sur place pour construire des routes, des
ponts, des habitations, des hpitaux, des coles, etc.
242
Non loin du palais prsidentiel sur la rive droite du Tigre, protg par des escouades
de soldats portant kalachnikov et missiles sol-air, des quartiers administratifs flambant
neufs jouxtent les quartiers rsidentiels et les nombreuses casernes de larme dotes
descadrons de chars et de batteries antiariennes sur les murs denceintes fortifis.
Partout, les effigies et des portraits gants de Saddam Hussein occupaient les
devantures des ministres, des banques, des htels et des grands magasins ; on voyait
Saddam sous tous les angles, en habit civil, en tenue de combat, en uniforme de
gnralissime, en bdouin avec keffieh, le sourire franc et carnassier.
Les bedonnants ne rpondant pas aux critres de base instaurs, taient dgrads,
aprs avoir bnfici dun dlai pour perdre les kilos superflus, alors que les maigres
disposaient dun crdit de poids.
Cette procdure, unique dans les annales de la fonction publique et des organismes
tatiques, tait porte sur la place publique sans grande raillerie, et certains y voyaient la
panace contre certains maux de la socit, et un remde pour lobsit, le diabte, les
maladies cardiovasculaires et gastro-intestinales.
Un ami, Raad, ancien cadre de lOrganisation Arabe des Ressources Minires Rabat,
directeur technique de GEOSURV, avait subi les preuves avec succs ; nous lavons
retrouv en pleine forme, aprs avoir perdu 33 kilos en six mois.
La ville, contrairement la propagande iranienne, navait pas souffert des tirs des
missiles sol-sol ; certaines, ogives tombes proximit des grands htels et des difices
publics, avaient endommag et dtruit quelques habitations et des coles ; les
dcombres et les ruines taient gardes intactes pour rappeler en permanence lIrakien
la perfidie meurtrire du rgime des ayatollahs.
Le Tigre, une des mamelles de lIrak, charrie ses eaux claires travers ses mandres,
donnant un charme particulier Bagdad.
243
Les deux rives du grand fleuve taient en cours de consolidation pour lutter contre
les effets des crues, rarement dvastatrices, mais souvent abondantes aprs les chutes de
pluie et de neige dans les zones montagneuses du Nord, aux confins de la Turquie
orientale, chteau deau de la Msopotamie.
Un vent de rformes soufflait sur lensemble des activits conomiques dun pays qui
se voulait une puissance politique, militaire et conomique, une vritable Prusse du
Proche Orient.
Les rentres procures lIrak par les ventes de ptrole estimes 20 milliards de
dollars, assises sur des rserves dhydrocarbures considrables, lui donnaient la
possibilit de poursuivre son effort dindustrialisation aprs larrt des hostilits.
Pour les Irakiens lre des usines clefs en mains, tait rvolue, et dans la majorit
des contrats, ils exigeaient de leurs partenaires le transfert de technologie en matire de
barrages, daciries, de centrales lectriques, dusines darmement
Malgr les caciques du parti Baas, soucieux de maintenir leur mainmise tentaculaire
sur lensemble des rouages de la nation, une volution tait perceptible travers un
mouvement de privatisation pour attirer les investissements saoudiens, koweitiens,
japonais, franais, brsiliens et mme amricains.
Laprs- midi, nous avons t aux quartiers neufs des ministres dans lancien
Bagdad o les souks odorants, aux ruelles troites et mystrieuses, avaient disparu pour
faire place des difices hideux en bton.
Nous sommes passs dans la rue o avait t perptr lattentat contre le gnral
Kassem en 1960 ayant entran la mort El Ghariri et la blessure au pied de Saddam ; un
sanctuaire rig sur les lieux commmorait cet vnement.
Sur les devantures des magasins, des banderoles exprimaient au Prsident Saddam
leurs condolances loccasion de la mort de son gendre, le gnral Kharallah, Ministre
de la Dfense, commandant en chef adjoint des forces armes, disparu mystrieusement
dans le crash dun hlicoptre.
L, les fidles, aprs leurs circonvolutions, glissent travers les moucharabiehs des
billets de banque rcuprs chaque anne pour les uvres de bienfaisance.
244
Le sanctuaire frquent par les Turcs sur le chemin de La Mekke, est connu pour
abriter des reliques datant de lpoque du Prophte et ressorties chaque anne durant le
Ramadan, loccasion de la Nuit du Destin.
Nous sommes alls ensuite visiter le mausole de Moussa Al Kadim (Saint chiite)
parmi les femmes en tchador et leurs enfants heureux de pique-niquer sur les esplanades,
sous la surveillance discrte des miliciens du Baas.
Le soir, GEOSURV nous avait convis dner dans le Palace Melia, en prsence de
Fayal Ghali, ancien Vice-ministre des Ressources Minires et Prsident en exercice de
lArab Mining Company.
Des jeunes serveurs marocains et gyptiens nous avaient fait part de la considration
des Irakiens pour la qualit de leurs services et de leur conduite.
En discutant avec Fayal Ghali du conflit Irak Iran, nous avons retenu que les fronts
du Chott Al Arab et du Kurdistan, avaient permis lIrak, paralllement au dveloppement
de ses infrastructures de base, daguerrir ses forces armes, les loigner du sectarisme
religieux et doccuper un million de soldats issus de toutes les couches de la population.
Pour des raisons de secret militaire, les publications taient rares, loignant, disait-
on, les prtentions et les vises iraniennes sur les rgions conomiquement nanties (les
Majnoune notamment, riches en ptrole, occupes par lIran puis vacues, au prix de
dizaines de milliers de morts).
Nous avons discut du phnomne tarchiq et regrett pour nos amis irakiens,
dtre lorigine dun dner bien calorique.
En quittant le Palace Melia, nous avons assist larrive dun cortge de mariage,
avec klaxons et youyous des femmes.
Au chantier BRPM
Tt, le lendemain, nous avons quitt Bagdad pour nous rendre au chantier BRPM,
200 km plus au sud, en empruntant lautoroute vers le Chott El Arab, uvre de socits
de gnie civil allemandes et polonaises, assurant la desserte rapide entre Bagdad et la
zone des combats prs de Bassorah, pour acheminer vivres, quipements et munitions.
Sur notre chemin vers le Sud, nous avons travers de vastes rizires et des
plantations de coton, lombre des palmeraies sculaires faisant de lIrak le premier
producteur de dattes au monde avec un patrimoine valu 30 millions de palmiers.
Notre premire halte eut lieu au site historique de Babylone au bord de lEuphrate,
160 km au sud est de Bagdad, antique cit remontant 5.000 ans, dont lapoge remonte
aux Akkadiens (plus de 2.000 ans avant Jsus Christ), sous la dynastie amorrite, avec le
grand roi Hammourabi.
Dtruite par les Hittites, soumise aux Kassites, Babylone devint le centre de la
civilisation assyrienne venue du Nord, sous les rois Assourbanipal et Nabuchodonosor II,
conqurant de Jrusalem et captif dune partie du peuple juif.
Occupe par les Perses, puis par Alexandre le Grand, elle entra en dcadence quand
les Sleucides labandonnrent, lIrak du sud devenant Babylonis.
245
Nous avons visit les ruines, emprunt les anciennes avenues recouvertes dasphalte
et admir le lion de Babylone, pour terminer par un rafrachissement sous une tente en
feuilles de palmiers, alors que des touristes japonais, comme partout, photographiaient
les monuments sous tous les angles.
Nous avons poursuivi notre voyage travers les palmeraies de Musayad et Hilla, puis
Najef, lieu de spulture de Ali, cousin du Prophte et quatrime calife, dont la demeure
vnre est remarquable de loin par son dme dor.
Najef, lieu de spulture des morts sur le front iranien, dans un cimetire tristement
clbre pour tre lun des plus grands du monde, avait abrit pendant des annes
lAyatollah Khomeiny avant son expulsion en France en 1979 par les autorits irakiennes
pour taire leurs dissensions avec le Chah dIran.
Nous avons visit le mausole de Ali, troisime lieu de plerinage des chiites, aprs
La Mekke et Mdine, guids par un mollah, parmi des plerins en lamentations aux grilles
du tombeau, alors que sur lesplanade, des fidles enjambaient mystrieusement des
pavs en argile sche.
Aprs Najef, nous avons, travers un paysage dsertique, gagn le village BRPM,
proximit de la petite ville de Manathera, surplombant une dpression couverte de
palmiers et de rizires, 12 m en dessous du niveau de la mer.
Nous avons retrouv le vtran Rahdou et son quipe de cinquante agents, aguerris
et expriments, originaires des provinces de Marrakech, Agadir, Ouarzazate, Errachidia
et Khnifra, heureux de voir des compatriotes responsables, venus leur rendre visite et
senqurir de leur situation et de leurs problmes.
Les quipes BRPM, aprs une minutieuse prparation, furent pied doeuvre ds fin
1988 pour amnager le carreau du puits, mettre en place les quipements de fonage,
installer les magasins et les dpts limage des chantiers BRPM au Maroc.
En premire phase, les travaux avaient port sur le fonage dun puits de 75 m de
profondeur et 3,20 m de diamtre, entirement btonn et tanch, dans des terrains
sablonneux boulants et de marnes altres, caractriss par de fortes venues deau sur
les vingt premiers mtres.
Lexprience des quipes BRPM eut raison de ces difficults, aprs plusieurs mois
defforts inlassables, la grande satisfaction des Irakiens.
246
A notre passage, le puits tait achev et les galeries amorces au niveau -75 m.
A lallure des avancements, malgr le souhait des Irakiens de ne pas recourir aux
explosifs, le programme de la premire phase devait tre termin en septembre 1989,
suivi dun programme complmentaire de reconnaissance, de prlvement dchantillons
et dun essai dabattage du minerai en chambre magasin.
Lhatoute avait tenu fliciter et rassurer tout le monde tout en exprimant le souci
du BRPM de tout mettre en uvre pour que lintervention en Irak ft un succs sur tous
les plans.
Sous une pluie exceptionnelle, avec motion, nous avons quitt nos valeureux
compatriotes, aprs avoir pos en photos souvenirs en cette lointaine terre dIrak.
Sur le chemin de retour vers Bagdad, nous avons visit la ville religieuse de Karbala,
avec les mausoles d'Hussein et Abbas, fils et petit fils d'Ali, o nous avons retrouv
comme Najef, la mme ferveur religieuse et populaire.
Dans cette cit, vnre par les chiites, Hussein, petit fils favori du Prophte, fils de
Fatima et de Ali, tomba, avec sa famille et quelques domestiques, dans un guet-apens
tendu par des sentinelles du rgent Yazid, fils de Moawiya.
Etant le seul de la ligne du Prophte, encore en vie, ne sattendant pas ce quon lui
ft du mal, Hussein refusa donc de se rendre bien quil ft encercl.
Au bout de dix jours, le petit groupe tait mis en pices et la tte d'Hussein envoye
Yazid Damas, au grand scandale et la consternation des musulmans.
Les chiites, lorigine faction politique arabe, en vinrent adopter des doctrines de
plus en plus loignes de celles des sunnites considrs non comme des apostats, mais
plutt comme des musulmans rebelles.
Nous sommes rentrs Bagdad la tombe de la nuit, fatigus mais contents davoir
pass une journe bien remplie dhistoire, de technique et de spiritualit.
Aprs dner, nous avons effectu une marche le long de la corniche en bordure du
Tigre o lon proposait aux clients des grillades de poissons, prlevs des viviers
entretenus par les restaurateurs, alors quau Sheraton et au Mridien en face, de
nombreux mariages taient clbrs bruyamment.
Au Nord de lIrak
Le lendemain nous avons quitt Bagdad, pour une tourne au Nord de lIrak.
247
La priphrie de Bagdad faisait lobjet de grands travaux dinfrastructure (routes,
ponts de drivation, voies express, travaux dassainissement, construction dusines de
traitement des ordures, drainage et asschement des marcages).
Samarra, longtemps capitale des Abbasides, tait une ville de plus de 500.000
habitants, ayant rayonn lpoque du Khalif Al Moatassim (10m sicle) et abrit des
noms illustres tels lImam Ali Al Haddi, Hassan Al Askari et Abbas Esseffah.
Nous avons marqu une pause au Projet P 999, proximit de la ville de Dor, o une
quipe dhydrogologues travaillait sur lvaluation des potentialits aquifres du secteur
en liaison avec la gotechnique rgionale.
Une noria de camions citernes transportait des produits bruts ou raffins vers les
centres de consommation en Turquie, encombrant lautoroute vers Mossoul.
Sans dissimulation, les responsables prsents (le directeur gnral tant convoqu
Bagdad pour subir lopration du tarchiq) nous avaient fourni les cots de production
carreau mine et le prix de revient rendu FOB Aqaba (variant entre 45 et 70 dollars/tonne)
et taient disposs fournir du soufre lOCP que notre guide connaissant bien pour
avoir visit le complexe chimique de Safi.
Aprs des changes de points de vue avec les gologues, nous avons retenu que
lIrak dispose l, dun des plus grands gisements de soufre sdimentaire au monde,
248
estim 1 milliard de tonnes, avec des indices en cours de reconnaissance sur plus de 200
km pour valuer le potentiel des horizons quaternaires.
Les chiffres sont provisoires, le potentiel rel est plus important signala le
responsable en second du centre, alors que nous examinions des carottes de sondages
montrant des couches minralises de 60 m 100 m de puissance.
Nous avons gard une bonne impression du centre de Mishreq, bien structur,
conduit par des ingnieurs comptents, o des ouvriers polonais taient venus remplacer
les Irakiens appels au front iranien.
Mossoul, ville tire le long des rives du Tigre, bnficiant dun climat clment, dune
eau abondante et dune vgtation luxuriante.
Dans le secteur de Mossoul, des fouilles avaient mis en vidence des vestiges
assyriens et un grand trsor constitu de pices dor, dcouvert dans la rgion de Nimrod,
ville dAssyrie sur le Tigre, fonde au 13 sicle avant Jsus Christ.
Au Palace Ninive, magnifique ensemble htelier aux formes assyriennes, ralis avec
le concours de socits indiennes et gr par un personnel mixte gypto- indien, deux
mariages, lun de rite musulman sunnite, lautre de rite chrtien, taient clbrs
bruyamment dans les immenses salons du Palace.
Aprs une courte pause, nous avons circul travers la Rue des Fruits Secs,
clbre par ses choppes de pistaches, de raisins secs et de loukoum, puis long la
249
corniche en bordure du Tigre, trs frquente, avec ses cafs, ses restaurants et ses
stands dattractions pour les nombreuses familles.
A la mosque du Prophte Jonas (Younous), nous avons effectu la prire dAl Icha,
parmi trs peu de fidles.
Aprs une visite rapide des Mosques Bossues de la vieille ville, nous avons repris
le chemin de Bagdad par lautoroute emprunte toujours par un flot continu de camions
citernes turcs, venant sapprovisionner en ptrole raffin.
Vers 13 heures, nous sommes arrivs Bagdad sous une chaleur torride.
En fin daprs-midi, nous avons tenu une sance de travail GEOSURV avec Aldouri
et ses collaborateurs pour tirer les conclusions de notre mission.
Lhatoute, aprs avoir donn son accord de principe, suggra la visite des lieux en
juin 1989 par la mission susvise, comprenant des gologues et des foreurs, pour
approfondir les discussions, examiner lensemble des documents disponibles GEOSURV
et faire des propositions concrtes.
De retour lhtel vers minuit, nous fmes accueillis comme tous les soirs par des
processions de mariages.
Tt le matin, nous avons rejoint laroport pour prendre le vol de la Royal Jordanian
en partance sur Amman.
A haute altitude on avait le loisir dadmirer les grands lacs Tharthar, Abbaniya et
Razzah, utiliss pour rgulariser les cours du Tigre et de lEuphrate et loigner les affres
de la scheresse.
Mais trs rapidement, aprs le survol des secteurs des phosphates de Rutba et Qam,
nous avons quitt le monde de lagriculture millnaire pour le grand dsert de sable, nu et
vide jusquaux approches dAmman.
****
Aprs lIrak, et rpondant une invitation de lArab Mining Company, nous avons
rejoint Amman en Jordanie.
250
Accueillis chaleureusement laroport dAmman par Tabet Taher et Saad, et aprs
une courte pause, nous avons rejoint lhtel Palace Plaza travers Amman, compltement
transform depuis la visite en 1985 avec Chahid.
Au sige dARMICO, nous avons retrouv Tayssir et Alami, loigns des activits de
SOMIL, par suite dune dcision du Conseil dAdministration de ne pas perptuer des
domaines rservs en diversifiant les interventions des responsables.
Tabet Taher souligna lentire disposition dARMICO participer aux efforts de mise
en valeur de gisements marocains nouveaux, marquant sa satisfaction pour lentre de la
Socit Mtallurgique dImiter dans le capital de SOMIL par incorporation des crances,
et son accord pour le programme de recherches complmentaire pour dvelopper les
rserves du gisement dargent de Zgounder.
Aprs une visite des nouveaux quartiers rsidentiels, nous avons rejoint lauberge
des Sept Collines, parmi les prairies fleuries et embaumes et des bosquets de pins,
pour participer un djeuner trs amical, au cours duquel nos changes portrent, entre
autres, sur les perspectives peu reluisantes et dgrades des relations inter arabes.
Laprs midi fut consacr la visite de la ville en compagnie de Saad et le soir, nous
fmes convis dner au restaurant panoramique du Hyatt Regency, anim par un jeune
groupe libanais ; une dlgation de lArme amricaine invite de lEtat Major jordanien
tait parmi lassistance.
De retour au Plaza Hotel, tard la nuit, nous avons retrouv comme Bagdad, des
processions de mariages.
Le lendemain matin, dimanche, la radio jordanienne diffusa, durant plus dune heure,
une messe orthodoxe en arabe, avec des extraits de la Bible rcits comme les
incantations et les dclamations des versets du Coran.
Il faut signaler quen Jordanie, les Chrtiens, quoique minoritaires, mais plus cultivs
que les Bdouins, occupaient des postes importants dans le ngoce, la bijouterie, et
mme au sein de larme.
A laroport, tous les collaborateurs de Tabet Taher parti pour Londres la veille,
taient venus nous saluer.
Nous avons travers plusieurs barrages et fait lobjet de fouilles, car ce jour l, les
membres du Bureau Politique de lOLP partaient pour Tunis assister une runion de la
Centrale palestinienne.
251
A lescale de Tunis lavion stait vid avec le dbarquement des Palestiniens,
larrive Casablanca eut lieu dans les temps prvus.
Ds notre arrive laroport Saddam, on avait senti lordre impos par un rgime
spartiate, domin par le parti Baas omniprsent et omnipotent.
Bagdad, labbasside, dtruite par les Mongoles dferlant de lAsie Centrale, tait une
immense mtropole nayant pas souffert des tirs de missiles ou des bombardements
iraniens, bnficiant de la sollicitude du rgime et tirant profit de la mobilisation gnrale
pour stendre, sembellir, sarer, se moderniser et squiper.
Les vieux quartiers rass ont laiss la place des constructions en bton comme pour
occulter le pass et le Bagdad des Mille et une Nuits.
Pour remdier aux insuffisances en main duvre, les Irakiens avaient fait appel
entre autres aux ouvriers gyptiens et marocains pour travailler la terre et assurer les
services dans le tourisme.
Dans une socit tolrante, la majorit chiite (60%) navait pas t influence par la
propagande iranienne, lappartenance la nation irakienne tant plus forte que les
incitations des ayatollahs renverser le rgime impie de Saddam ; le chiisme irakien
ntait pas aussi fanatique et obscurantiste quen Iran.
Lanimosit demeurait vive pour le rgime syrien accus de tous les maux et de
trahison avec lIran ; les frontires avec la Syrie taient fermes, la guerre des ondes
battant son plein, dans un Moyen Orient connu pour ses frquents coups de thtre et o
la hache de guerre peut tre enterre aussi vite quelle a t sortie.
252
LIrak, quoique meurtri et saign par le long conflit avec lIran, soutenu en
soubassement par lOccident, tait sur la voie de la reconstruction et du dveloppement
sans prcdent.
La premire intervention du BRPM dans un pays arabe fut un grand succs sous tous
les aspects ; le professionnalisme et le comportement digne du personnel marocain
avaient montr aux Irakiens les immenses possibilits de notre pays en matire de
travaux miniers et de matrise des oprations dans des terrains marcageux et difficiles
traverser.
Avec ARMICO, nous avons enregistr une nouvelle prise de conscience des
responsables quant une participation plus importante et cible dans les affaires
minires au Maroc, notre pays tant considr dans le monde arabe, comme le plus
crdible aux plans technique et de la gestion des affaires.
En Jordanie, les soubresauts ayant secou le Sud Maan, taient peut tre le prlude
de grands bouleversements, malgr la position de wait and see des Palestiniens
traumatiss par le souvenir de Septembre noir de 1970.
253
Troisime voyage
En Guine Conakry
Au retour du Moyen Orient, ce furent les problmes des Charbonnages qui avaient
proccup lAdministration des Mines et le BRPM, la socit tant au bord de la faillite et
en cessation de paiement depuis des mois dj.
De plus, au niveau rgional, le gap tait encore difficile combler; toutefois, nous
avions confiance en une amlioration substantielle dans peu de temps avec une
sensibilisation de nos cadres.
Auparavant, les principaux groupes miniers marocains (BRPM, ONA, CMT), avaient
constitu un syndic de recherche en Guine et son pilotage confi Touissit, et une
socit, lAfricaine de Recherche et de Dveloppement (ARD), fut cre pour en assurer le
support logistique et technique.
Au pralable, avant notre voyage, Skalli avait pris contact avec lUnion Minire Belge
exploitant un gisement dor prs de Siguiri, lest de la Guine, proche de la frontire
malienne.
Notre souci tait dapprcier, travers une visite dune exploitation en cours, les
conditions acceptes par les Guinens pour oprer dans leur pays.
Devant assister Goulmima aux obsques de mon proche et ami, Kouch, disparu
tragiquement dans un accident de circulation prs de Mekns, je dus faire laller et retour
Rabat-Goulmima dans la journe du dimanche 19 juin, (1.200 Km) pour prendre le vol
Casablanca Conakry du lundi.
Lavion envahi par des enfants guinens bruyants, regagnant leur pays en fin danne
scolaire, avait fait escale Dakar.
254
A larrive Conakry, nous fmes accueillis par lAmbassadeur du Maroc, El Fassi,
venu avec son pouse saluer leur fils qui rentrait au Maroc, entour de ses collaborateurs
et par des reprsentants du Ministre guinen des Ressources Naturelles et de
lEnvironnement.
Latmosphre tait lourde et lhumidit intense suite aux dernires pluies diluviennes
de la veille.
Partout, foisonnaient les petits commerces et les marchands ambulants que les
autorits narrivaient pas endiguer.
Dans une ambiance dcontracte et chaleureuse, lAmbassadeur nous avait fait part
des difficults de la vie diplomatique et des problmes rencontrs constamment pour la
scolarit de ses enfants, par suite de ses nombreuses tribulations travers le monde.
Depuis un temps, quelque chose grince avec le Maroc, nous souhaitons avoir avec
vous une explication franche. On nous a signal vos difficults financires,
administratives et de transport. La Socit Financire Internationale nous a informs de
votre approche pour bnficier dun financement, et nous en dduisons que vous avez
aussi des soucis pour dmarrer des travaux en Guine. Ce qui nous mne douter du
devenir de notre coopration ; dailleurs, dans ma dernire lettre jai fait part de mes
apprhensions mon frre, le Ministre Fettah ; pour nous, le projet de convention est fin
prt, mis au point avec dautres dpartements ministriels intresss, et aprs son
examen de votre part, nous pourrions lofficialiser loccasion de la prochaine visite de
Monsieur Fettah en Guine , avait soulign le Ministre Sylla, laissant supposer que le
Maroc bnficiait Mandiana dun rgime de faveur exceptionnel.
Rpondant au Ministre, nous lui avons tout dabord remis le message du Ministre
Fettah, affirm notre souci de rester fidles aux engagements pris ensemble en fvrier et
octobre 1988.
255
Puis, avec vigueur et dtermination, nous avons dmenti lexistence de problme de
financement du ct marocain, tout en signalant que malgr labsence de tout accord sur
les conditions dassociation, ni de support juridique et administratif, la partie marocaine
travers lAfricaine de Recherche et de Dveloppement (ARD), avait dj engag depuis
janvier 1989 plus de 200.000 dollars.
Devant se rendre Monrovia pour examiner avec les autorits libriennes le dossier
du gisement de fer du Mont Nimba, il chargea Diallo, Secrtaire Gnral du Ministre, de
poursuivre les discussions en vue daboutir un accord satisfaisant pour les deux
partenaires.
En Guine orientale
Un avion de la compagnie AREDOR charge du dveloppement des gisements dor et
de diamants en Guine, nous transporta en deux heures la mine de Siguiri, aprs avoir
survol basse altitude la Guine, avec ses plaines inondes, ses collines boises, ses
vastes tendues de hautes herbes et ses fleuves charriant des dbits deau considrables,
linstar du fleuve Niger tranant majestueusement ses eaux charges de latrite.
Le pays nous avait sembl vide, la population tant concentre dans quelques
agglomrations et hameaux.
Nous sommes rendus Siguiri lheure prvue, aprs un atterrissage sur une piste
de brousse, reus par les reprsentants belges de la Socit Aurifre de Guine (SAG),
alors que des techniciens amricains et australiens repartaient sur Conakry par vol retour,
accompagnant une cargaison dor, discrtement charge bord de lavion et escorte par
des militaires guinens.
Nous avons rejoint le centre minier Koran 20 km, aprs avoir travers la
bourgade dlabre de Siguiri, chef lieu de la Guine orientale.
Les responsables, Chics et Warsen, nous avaient fait la visite des lieux.
Certains expatris vivaient avec leurs familles et leurs loisirs sorganisaient autour de
la pche, de la chasse ou des caisses de bire belge Jupiter.
256
Le climat est supportable, les grosses chaleurs rares ; les autochtones, tous
musulmans, sont agrables vivre et pas du tout agressifs pour nous , nous dit Warsen,
dgoulinant de sueur.
Aprs un repas sommaire la cantine du centre minier, nous avons fait le tour des
diffrents points dintrt minier et gologique parpills dans la fort, le long de la
rivire Koran.
La mise en valeur du gisement avait fait lobjet dune convention entre lEtat guinen
et la socit belgo-australienne Chevaning, le capital de la socit (SAG), tant dtenu
hauteur de 51% par Chevaning et 49% par lEtat guinen.
Lactivit portait sur lexploitation ciel ouvert de placers dont les rserves taient
estimes 10 ans, la capacit journalire de production de 2.500 3.000 tonnes de
minerai titrant 2g dor par tonne.
Leau dexhaure tait envoye vers les anciennes excavations ou recycle pour les
besoins du lavage du minerai.
Aprs lextraction facile par carrire, le minerai tait achemin par camions vers une
trmie en tte de concassage, suivi dun trommel de dbourbage ; les produits grossiers
taient envoys la digue striles implante proximit.
Les produits fins plus riches taient passs au jiggage pour obtenir par gravimtrie
un concentr rcupr dans un bac de sret, plomb et surveill la base des jigs, puis
trait sur des tables secousses suivies dun circuit damalgamation au mercure.
Le produit final tait dirig vers la section fusion et affinage pour obtenir des lingots
97,5%-98% dor, stocks dans une chambre forte avant leur expdition par avion
Conakry ; la production annuelle tait de lordre de 1.500 Kg, la production journalire
pouvant varier de 2,5 5 Kg.
A la fin de la visite, on nous avait annonc lannulation du vol retour sur Conakry par
suite de laffectation de lavion dautres missions urgentes et imprvues, nous donnant
le temps de discuter longuement avec nos htes.
Ainsi, au cours du dner chez le Directeur du centre, nous avons abord franchement
la situation de la SAG, lapplication de la convention et les relations avec lEtat guinen.
Les Belges nous avaient fait part de leur dsarroi et de leur profonde dception quant
la mise en uvre de la convention et du respect de ses clauses par leur partenaire
guinen.
Vous, les Marocains, vous tes en mesure de fixer, peut-tre dimposer, vos
conditions pour Mandiana do nous avons t carts, malgr notre proposition dun
programme de dveloppement de 2 millions de dollars , nous dit Warsen trs volubile
aprs plusieurs verres de whisky.
257
Nous avons not le rsultat marginal de lexploitation et les amliorations espres,
en diminuant les charges dexploitation et en portant la production 2.000 Kg par an,
prvisions probables, eu gard aux rserves potentielles et au cours de lor du moment
(de lordre de 350 $/once).
Les carburants taient achets off shore et transports par camions par une
socit de gnie civil dirige par un Allemand rencontr la cantine de la cit.
Aprs ces oprations, les maigres rsultats dgags taient rpartis entre les
partenaires au prorata de leur participation au capital de la SAG.
Dans toute cette rgion orientale de la Guine, le commerce de lor tait tolr par
les autorits, et les tentatives de la Banque Centrale pour collecter la production des
orpailleurs, moyennant le versement dune partie de la vente en devises et le reliquat en
francs guinens, staient traduites par un chec, les orpailleurs ayant trouv et opt pour
des circuits dtourns plus rmunrateurs, en coulant vers le Mali tout proche 75% de la
production dor.
Dans un autre village, sous une tente, trnait le marchand dor, malicieux, barbiche
prominente, indiffrent, fier de sa balance de prcision, exhibant des sacs de billets de
banque guinens, refusant avec morgue de se faire photographier.
258
Des vieilles femmes, toutes dcharnes, taient venues lui proposer le produit de
leurs cueillettes, sorti soigneusement de petits tubes et dvers sur le plateau de la
fameuse balance de prcision.
De partout, affluaient des femmes, calebasses sur la tte, venues aider leurs maris ou
parents dans le lessivage des graviers aurifres sortis des trous dhommes de quelques
mtres de profondeur.
Le niveau aurifre est huit hauteurs dhomme, soit environ 15 mtres , nous dit
un orpailleur en train de creuser son trou la main, sa femme et ses enfants en tte de
puits vacuant les dblais, les visages tendus et scrutateurs.
Les productions variaient de 100 200 grammes dor par an, vritable pactole pour
les familles.
Les accidents mortels dans les travaux seraient nombreux, par manque de
soutnement dans les creusements des puits.
Nous avons rencontr des artisans roulant en mobylettes Honda, preuve de leur
activit dorpaillage florissante.
Notre venue dans le secteur, suscita des mouvements de masse et trs vite notre
voiture portant le sigle SAG, fut entoure dune foule menaante, portant pelles, pioches,
massues, prte agresser les intrus trangers.
Quest ce que vous venez faire ici, nous spolier davantage, comme vous lavez
russi ct ; allez-vous-en et vite , disaient les meneurs dchans.
Nous tions pris dans une vritable nasse, tresse par des agitateurs anti-SAG, les
artisans nous prenant pour des agents de cette socit, venus enquter sur leur domaine
en vue de les expulser ou de les loigner.
Des visages dmonts, les yeux rougis de haine, nous faisaient face, sen prenant
notre accompagnateur guinen, accus dagent malfique de la SAG.
Calmement, nous avons laiss le soin ladjudant dexpliquer qui nous sommes,
savoir des invits de leur Gouvernement, venus sinformer des conditions locales Koran
pour mieux apprcier la mise en valeur du gisement dor de Mandiana.
Je vous avais dit ce matin de vous rfrer moi en cas de besoin ; avant de venir
ici, il aurait fallu mavertir pour vous accompagner et vous guider , nous lana
ladjudant, en grand mdium des orpailleurs trucids, semble-t-il, par le budget
prfectoral, raison de 45.000 francs guinens par puits.
259
Latmosphre stait trs rapidement dtendue lannonce de notre nationalit, et
les visages staient dcrisps pour devenir mme affables, avec une pointe de regret
pour avoir t agressifs.
Nous avons compris ltat de tension latente dans les rapports des artisans avec la
SAG, venue les spolier de leur gagne pain, disaient-ils.
Cette manifestation sur le tas, nous avait dmontr que toute action de
dveloppement en Guine, proximit des centres artisanaux, devrait tre mrement
rflchie pour viter de porter atteintes aux droits coutumiers des gens et de blesser les
susceptibilits locales et rgionales, souvent fleur de peau.
Nous aimons les Marocains, ce sont des gens honntes qui ne nous ont jamais
spolis sur leurs chantiers ; par contre ici, la SAG, cest le rgime de larbitraire .
Par suite dennuis mcaniques, la journe na pas t bonne, peine 2,5 Kg.
Warsen et ses compatriotes avaient disparu, dus dengranger une aussi faible
production de mtal jaune.
Vers midi, Wadjinny et Coulibaly taient de retour de Bamako alors que lon nous
annonait larrive de lavion dAREDOR, puis dmentie la fin du repas, par suite dun
retard imprvu.
Ce sera peut-tre pour demain , dit le beau frre du Ministre, Sylla, alors que
Coulibaly abattu, craignait lannulation de tous les rendez-vous Conakry.
La rive gauche du fleuve Niger ou zone du Bouri est connue depuis des sicles pour
ses orpailleurs, les habitants stant spcialiss dans cette activit du temps du grand
Empereur Toure, pour acheter des armes avec le produit de leur travail. La rive droite,
vers Mandiana est peuple surtout dagriculteurs, dleveurs de btail, chargs de fournir
la nourriture aux autres populations. A Siguiri, les femmes travaillent durement parce
quelles ont t achetes par leurs maris qui, avant leur mariage, versent une dot
compose de 100 grammes dor, dix bufs et le travail de la terre de leurs beaux parents
durant deux ans me rpondit Coulibaly, avec sa bonhomie habituelle.
260
Les hippopotames que vous voyez sur les bords du Niger et du Tinguessou, sont
des gens tranquilles, il ne faut pas leur tirer dessus , dit-il fermement.
Les habitants de ces contres sont musulmans, trs pratiquants, mais il subsiste
parmi eux un relent de ftichisme.
Avec rsignation, nous avons dcid de rejoindre Conakry par la route, sur un trajet
de plus de 800 km, bord dune Land Cruiser de lARD, toute neuve, conduite par un
chauffeur guinen fier de nous mener travers la Guine, muni de sa rserve de kola
pour tenir le coup en restant veill.
A travers la Guine
Nous avons emprunt la piste en latrite battue, longeant le fleuve Tinguessou,
principal affluent du Niger que nous avons travers bord dun bac, pour dcouvrir des
terres noires en friche, avec quelques rares levages de bovins.
Aprs un djeuner expdi la hte, et aprs avoir navigu travers une zone de
belles forts aux essences rares, nous sommes arrivs Dabola au coucher du soleil, au
moment o le muezzin appelait la prire.
De nuit, nous avons circul travers le Fouta Djalon, peupl de Peulhs, ethnie
reprsentant 40% de la population de la Guine.
Dommage que vous ne puissiez pas admirer de jour le Fouta Djalon, la plus belle
rgion de la Guine , nous dit Coulibaly.
Coulibaly, nostalgique de la priode Skou Toure, nous rappela que la Guine, faute
de langue nationale unique, avait opt pour le franais comme langue officielle de travail.
Ismal, frre de Skou Toure, satrape sanguinaire, est responsable des maux de la
Guine ; Skou Toure, dans la conscience populaire, est un leader charismatique, grand
tribun, dsintress matriellement, vivant simplement au milieu de ses livres. On peut
reprocher beaucoup de choses lancien rgime, le nouveau, chaperonn par le Gnral
Cont, nest pas pour autant efficace et populaire. , nous confia Coulibaly, reniant les
apports de la nouvelle classe dirigeante et de la diaspora guinenne.
La nuit sur la campagne guinenne tait terriblement obscure et les villages plongs
dans le noir absolu.
Les paysans sclairaient encore au ptrole lampant car le gaz ntait pas encore la
porte du commun des mortels.
261
Nous sommes arrivs minuit Mamu, grosse bourgade de 60.000 habitants, et
Kindia 2H du matin pour emprunter un tronon de route asphalte, bien entretenue,
correctement signale, uvre de socits allemandes.
Aprs 17 H dun priple fatigant mais trs enrichissant, nous sommes rendus, enfin,
lhtel Conakry 4H du matin.
***
A 9 H, fins prts, nous avons rencontr lAmbassadeur du Maroc, content de nous
revoir aprs stre inquit de la perturbation de notre programme et de nos
msaventures de voyage.
A 11H, nous avons tenu une sance de travail au Ministre avec Diallo, en prsence
des principaux responsables du Dpartement, alors que Kourouma, le Directeur des Mines
en poste, tait trangement absent, confirmant son viction et lincertitude rgnant au
sein de lAdministration des mines guinenne.
Dans cette situation confuse et non matrisable, nous avons essay de dfinir une
stratgie vis--vis de nos interlocuteurs guinens agits par un profond mouvement
brownien et convaincus que les anciennes lites avaient brad les intrts du pays, les
plaant entre les mains dtrangers, profiteurs, spoliateurs et dnominateurs.
Nous avons repris les discussions, conforts par tout ce que nous avons vu, constat
et remarqu durant notre dplacement sur le terrain et au cours des changes avec les
responsables de la SAG et Coulibaly.
La runion, trs anime, dura plus de deux heures pour clarifier la situation et lever
le voile des incomprhensions, et convaincre nos partenaires de notre bonne foi et de
notre dtermination aller de lavant dans la coopration avec eux.
- sous quinzaine suivante, la partie guinenne fera part de son avis quant aux
modifications apporter ; en cas daccord, un nouvel arrt sera dlivr lARD,
- les travaux Mandiana, financs par la partie guinenne, seront valus sur la base
des normes acceptables, la partie guinenne annonant dores et dj un montant de
500.000 dollars,
262
- le projet de convention relatif la socit mixte sera examin ultrieurement aprs
son tude approfondie par la partie marocaine.
Les dcisions ainsi prises auguraient dune coopration fructueuse avec les Guinens
soulags et acculs trouver une sortie honorable.
En dbut daprs midi, lAmbassadeur Fassi, ravi des rsultats de notre mission,
nous convia djeuner en sa rsidence dans la Cit de lOUA.
En fin daprs midi, nous avons visit les quartiers rsidentiels pour trouver un
local destin abriter le sige de la future socit de droit guinen.
****
Peu de temps aprs, une mission guinenne conduite par le nouveau Ministre des
Ressources Naturelles et de lEnvironnement, Mohamed Traor, tait venue au Maroc
poursuivre les discussions relatives au gisement dor de Mandiana.
Les Guinens narrivaient pas adopter une position claire et dfinitive car
curieusement ils ne voulaient jamais prendre de dcision dfinitive; de plus avec eux, les
contacts, tout en tant affables, restaient striles
Pour lhistoire, un nouveau protocole daccord fut sign, marquant le dsir des deux
pays de cooprer troitement dans les domaines des mines et de lnergie, laissant la
latitude lAfricaine de Recherche et de Dveloppement pour trouver avec les autorits
guinennes un terrain dentente garantissant la relance rapide des interventions sur le
site de Mandiana.
Mais, malheureusement, nos multiples efforts ne produiront pas deffet, les Guinens
continuant tergiverser pendant longtemps, voulant peut-tre bnficier davantages
particuliers et occultes ; ce que nous naccepterons jamais.
263
Aprs vingt cinq annes,
Il faut continuer
Le 1er juillet 1989, en bouclant mes 25 annes de travail, principalement dans le
secteur minier, une premire squence de ma vie professionnelle tait arrive son
terme, empreinte de relative satisfaction et dincitation persvrer.
Je ne pense pas un seul instant, avoir brl les tapes ou bnfici de complaisance
grce mes accointances, mes appuis ou mes introductions, ne bnficiant ni de soutiens
particuliers, ni de supports occultes pour me parachuter des postes de responsabilit.
Faisant le bilan dun quart de sicle dactivit, anim de la mme flamme pour
continuer uvrer dans la mouvance des mines et de lnergie, en essayant dimprimer
mes actions une dynamique de progrs, je pouvais affirmer que la plus grande
satisfaction pour moi fut davoir tiss, avec mes collgues et mes collaborateurs de tous
grades, un rseau relationnel empreint, damiti, de respect, destime et daffection
rciproques, suscitant constamment en moi un immense et vritable bonheur intrieur.
Jeus un immense plaisir travailler avec une pliade de jeunes talents qui, grce
leur savoir, leur esprit dinnovation et leur obstination vouloir modifier les mthodes de
travail, ambitionnaient de ne pas rester ancrs dans un milieu ossifi.
En ayant visit le plus grand nombre de centres miniers et paraminiers, je pense tre
le plus proche du monde des mines et des mineurs par mes actions quotidiennes et par
mon cur.
Il fut important pour moi dans lexercice et la plnitude de mes fonctions, sans
adopter un profil bas, de canaliser les nergies, de les encadrer, de leur accorder toute la
latitude ncessaire pour sexprimer, puis de les responsabiliser tout en exigeant de rendre
des comptes (ou accountability comme disent les Anglo saxons).
Tout en persvrant dans leffort, avec un chemin bien balis, malgr quelques
niches dimperfections, nous avons continu la Direction des Mines notre chevauche
fantastique lance rsolument et avec conviction au BRPM, pour raliser dautres
avances dans le progrs.
Pour ma part, jestime quadopter une position contraire tait une hrsie, voire un
crime inqualifiable pour le devenir du BRPM et de lAdministration des Mines que nous
voulions tous plus dynamiques, plus justes, plus percutants et moins bureaucratiques
dans lexcution des tches au service de lEtat et des citoyens.
Ainsi, dans le cadre de notre plan dactions la Direction des Mines, nous avons lanc
et achev les prparatifs du sminaire Mine et dveloppement rgional, activit visant
sensibiliser les oprateurs miniers et le public sur le rle des activits minires dans le
dveloppement socio-conomique des rgions et leur impact sur les collectivits
territoriales.
264
Le sminaire avait analys le rle de la mine dans le dveloppement conomique
rgional et son apport macro-conomique de par sa spcificit qui sinsre parfaitement
dans le cadre de la dcentralisation et du dsenclavement de plusieurs rgions du pays.
Le sminaire, aprs des dbats anims eut un large cho et avait montr que les
activits minires sont de relles actions de promotion, de dsenclavement, de crations
demplois et productions de richesses dans plusieurs provinces du pays.
Par ailleurs, faisant suite aux dcisions prises par le Gouvernement pour acclrer et
simplifier les procdures relatives lapurement des dossiers dinvestissements, des
runions furent tenues avec les oprateurs miniers pour les informer de la disponibilit de
lAdministration les accompagner dans ce sens.
Par ailleurs, sur instructions du Ministre Fettah, je mtais rendu Layoune pour
examiner les raisons du mauvais climat de travail prvalant la dlgation du Ministre
de lEnergie et des Mines.
Javais saisi loccasion de mon passage Laayoune pour visiter les installations de
Phosboucra, en compagnie de mon fils Karim.
Il faut rappeler que le premier centre minier de Touissit, dcouvert en 1907, avait t
mis en exploitation ( ciel ouvert et en souterrain) au dbut des annes trente, puis
dvelopp par la Compagnie Royale Asturienne des Mines (CRAM) en 1950 la suite de
dcouvertes intressantes dune minralisation de plomb zinc avec des traces de cuivre.
265
Le gisement avait t considr comme puis en 1975 aprs avoir produit plus de
10 millions de tonnes de minerai (350.000 tonnes de plomb mtal et 175.000 tonnes de
zinc mtal).
Lors de notre visite, une grve du syndicat UMT secouait le centre minier depuis des
semaines, perturbant lactivit dexploitation et denrichissement.
Malgr la venue dans lOriental du Ministre Fettah pour inaugurer des projets de
dveloppement rgional, la grve, caractrise par des luttes intersyndicales et des
surenchres la veille dune anne lectorale, stait poursuivie durant tout le mois de
juillet 1989, et ne prendra fin quaprs un accord entre les parties pour mettre en place
une structure permanente de concertation et de dialogue.
Aux CDM, la Direction des Mines fut sollicite pour suivre lvolution de la situation
critique, assombrie par la remise en cause de toutes les actions engages par le BRPM
pour sortir lentreprise du marasme, relaye par les mdias et les agissements malsains
du personnel de Jrada qui, comme par le pass, stait oppos toute instauration des
rgles de discipline pour endiguer la crise.
Aux bureaux des CDM Rabat, des agents irresponsables, soucieux de se maintenir
leurs postes Malgr2 tout, avaient donn du fil retordre aux nouveaux responsables
dlgus par le BRP0M, suivis par des tentatives de grves sauvages obligeant les
pouvoirs publics acclrer la mise en place du plan de sauvetage pour faire face aux
problmes urgents.
Toutefois, comme pour les CDM, tous les dpartements ministriels concerns
staient accords pour hter, dans lordre, la fermeture des plus importantes et des plus
anciennes mines de fer qui ont marqu lhistoire de la zone du Rif et du Maroc.
266
Concernant les projets de textes lgislatifs et rglementaires (Statut du Mineur,
Rglement minier, Rglement de lExploitation des Mines, Rglement des explosifs et
accessoires de tir, Rglement sur lutilisation des machines vapeur et pression de
gaz), et malgr nos efforts de leur ramnagement et de leur actualisation, ils taient
rests en souffrance dans les tiroirs du Secrtariat Gnral du Gouvernement, et
deviendront obsoltes lorsquune dcision sera prise pour les examiner en Conseil de
Gouvernement.
Il faut noter la tenue dune runion, dans une ambiance tendue, chez le Premier
Ministre Azzedine Laraki, consacre lexamen de la demande de lOffice National des
Chemins de Fer (ONCF) daugmenter trs sensiblement les tarifs de transport des
phosphates et rejete par lOCP la jugeant abusive et sans fondement.
Par ailleurs, le Ministre Fettah mavait charg darbitrer dans le diffrend entre le
BRPM et Sococharbo reprsents respectivement par Lhatoute et Aouad.
Tous les deux, de caractre difficile, staient opposs depuis des annes dans le
systme de gestion de Sococharbo, filiale des Charbonnages du Maroc, et par ricochet du
BRPM
Ce fut pour moi trs pnible darbitrer entre deux de mes camarades de promotion de
lEcole Mohammadia.
Aprs une enqute mene par une commission que javais prside, comprenant
Bencheqroun, Adjoint au Directeur de lEnergie, et Bayali du Ministre des Finances,
Aouad, accus dindlicatesse notoire, fut remerci et Mustapha Alaoui confirm son
poste.
267
De lalpinisme aussi
Ladage un esprit sain dans un corps sain, sous-entend la ncessit de sadonner de
temps en temps au sport pour permettre au corps de se dsintoxiquer, dvaluer son
endurance, de mieux travailler, rflchir et percevoir.
Ce fut dans ce cadre que nous avons convenu entre amis descalader pour la
deuxime fois la chane dAl Ayachi, dans le Haut Atlas dominant majestueusement la
rgion de Midelt.
Nous nous tions retrouvs tous, le vendredi 11 juillet 1989, vers 19h30 Midelt,
lhtel Al Ayachi pour faire une dernire mise au point de nos prparatifs.
Apparemment tout baignait dans lhuile, nos amis de Midelt ayant tout apprt
depuis plusieurs jours, relativement la reconnaissance des lieux, au transport vers le
cirque de Jaffar, lapprovisionnement en nourriture et eau, et la disponibilit des
mulets monts par des guides de montagne expriments.
Aprs un grand dner chez les parents Lhatoute, nous sommes alls, relativement
tt, nous coucher pour tre frais et dispos le lendemain de bon matin.
A lappel matinal, tout le monde tait l : Peron et son pouse, Lhatoute et son
pouse Khadija, Fredericks, Ali Bennani, At Seddiq, Cherrat, Yahia Assou, Yahia Ahmed,
Lahcen, Abdelkader et moi mme.
Partis vers 5h du matin, nous avons embarqu Ali et son fils Omar au douar de
Berrem, alors que le jour commenait se lever et quune longue journe nous attendait.
A lentre du cirque de Jaffar, nous avons rencontr des touristes franais venus
camper parmi les rochers et les rares thuyas pargns par les bcherons.
De bon matin, jonchs sur les rochers, des enfants, de loin, nous interpellaient
gentiment et joyeusement.
Aprs une dernire mise au point avec les chauffeurs sur la ncessit de demeurer
sur place jusqu 16h pour rcuprer dventuelles dfections, nous nous sommes lancs
lassaut des hautes montagnes dans la bonne humeur, sous un soleil dardant dj de
ses rayons les sommets de la chane de lAyachi.
Rapidement, travers les rochers et les pistes traces par les troupeaux, certains
participants avaient imprim un train rapide la randonne, sans mnager leurs forces,
alors que nous navions pas lintention de battre des records.
268
De loin, les nomades nous faisaient de grands signes de bienvenue et nous
souhaitaient bien du courage pour parvenir aux cimes de lAyachi.
Au bout du premier quart dheure, lpouse Peron avait commenc montrer des
signes de fatigue et doppression physique en altitude, et dj avec le reste du peloton
lcart commenait se creuser.
Pour ma part, tranquillement, sans trop me dpenser, instruit des erreurs de 1984,
javais suivi les chemins muletiers parmi les crevasses et les rochers.
Suivez les chemins muletiers pour accder aux hauteurs, me disait la veille un
grand connaisseur des pistes de montagne.
A 8H15, nous sommes parvenus au point de ralliement pour une pause petit
djeuner, devancs par les muletiers chargs de lamnagement du campement.
Seule lpouse Peron, avait prfr renoncer, laissant le soin son mari de relever le
dfi pour deux.
Arme de sa canne, elle tait retourne seule notre point de dpart du cirque de
Jaffar o lattendaient les chauffeurs.
Avec Cherrat et Yahia, poursuivant notre ascension fulgurante, 10H15, nous tions
parvenus au deuxime point de ralliement, aprs une escalade de 2.400m de dnivele, le
reste du groupe emmen par Peron, tant bien distanc.
Nous avons retrouv lemplacement du camp de 1984, dans le mme tat, comme si
les lments de la nature navaient pas agi durant cinq annes.
En altitude, le panorama vers Zaouiat Sidi Hamza qui soffrait nous, tait saisissant,
les hautes valles et les escarpements du cirque de Jaffar taient encore plus
impressionnants.
Le bataillon fut au complet 11H, mais les muletiers ntant pas au rendez-vous,
nous obligeant patienter jusqu 12H pour un djeuner rapide.
269
Lescalade reprit 13H par la face nord du massif montagneux, rondement mene
pour atteindre le point godsique en moins dune demi-heure, moi, distanant Cherrat et
Lahcen de peu et le reste du peloton de 15 minutes.
A laltitude de 3.698m (surnomme Ich NAli Ouhadi) le paysage tait sublime malgr
un lger voile de brume.
Pas la moindre trace de vie vgtale ou animale, mais de la pierraille battue par les
vents et la neige pendant plusieurs mois de lanne !!
Des traces davalanche taient visibles le long des cnes dboulis, et dans un col
haut perch en direction de Tounfite, subsistait un maigre nv suspendu.
Alors que les visages staient dcrisps en prenant de lassurance aprs les dures
preuves de lescalade, nous avons pos pour la photo souvenir au pied du point de
triangulation mtallique install l depuis des dcennies.
Mais ce ntait pas lescalade lHimalaya, mais tout de mme un relatif exploit sportif
par des profanes comme la plupart dentre nous.
Aprs la reconstitution du groupe 14h, Peron, alerte et dans son lment, nous
signala quil restait deux sommets encore plus hauts atteindre.
Un frisson nous avait traverss, mais heureusement lorage ne tarda pas sloigner
en direction de lEst vers Rich et NZala.
En tte avec Peron, nous avons longuement devis sur les bienfaits des randonnes
en montagne, loin de la vie trpidante des villes surpeuples et dune nature
environnante pollue.
Fouler le massif de lAyachi fait rver les randonneurs pdestres et les frus de haute
altitude, car, aprs lescalad pied, sajoute la joie de contempler perte de vue le vaste
panorama qui soffrait nous avant damorcer la descente.
Mais trs rapidement, nous fmes contraints de marquer une halte, car plusieurs de
nos compagnons taient largement distancs.
Devanant le reste du groupe et sans se fier aux tranards, nous avons men avec
Omar lassaut du dernier sommet 3.747m, la rage au cur, pour latteindre en 25
minutes, le reste du groupe, parpill sur une longue distance arrivera une demi heure
plus tard.
Au top, nous avons retrouv les traces btonnes dun ancien point godsique,
jetant le doute sur la relle altitude du pic, alors que quelques flocons de neige,
accompagns de grle, commenaient tomber, rapidement emports par les rafales de
vent frais.
Curieusement, un petit oiseau tait venu se blottir dans un ressac avant de reprendre
lair vers lOuest, nous faisant penser au Petit Prince de Saint Exupry.
270
Du troisime sommet, on avait une vue merveilleuse sur la valle verdoyante
dImtchimn parseme de hameaux.
Tout en restant sur nos gardes pour ne pas provoquer dinsidieuses avalanches de
blocs et loigner des chutes dangereuses, la descente fut rellement pnible pour certains
de nos compagnons dans le dvalement des pentes abruptes.
Malgr notre souhait de rester groups, un peloton de tte stait form avec Peron,
Khadija et moi mme, imprimant la descente une trs vive allure, travers la valle
encaisse, vaillamment et sans faiblir, faisant preuve de grande concentration et de
rgularit dans leffort.
Au fond des valles, nous avons rencontr les premiers nomades vivant en parfaite
adquation avec leur milieu, surpris et amuss de voir Peron, grand blond, yeux bleus,
leur parler un berbre parfait, avec laccent du terroir.
Invits prendre le th haute altitude, nous avons prfr poursuivre notre chemin
en empruntant une vritable piste muletire.
Sur les contreforts, au bas des falaises gantes dominant la valle encaisse, nous
avons admir dautres tentes colores, gardes par des chiens aboyant sans mchancet
notre passage.
Des femmes, tonnes de voir Khadija parmi nous, ricanaient, amuses et intrigues
par notre intrusion dans ces parages, hauts perchs, alors que de jeunes bergers, sur les
falaises, nous saluaient bruyamment de loin.
A laltitude de 1.800m, nous avons rencontr les premiers cdres gants, fiert de ces
rgions, dcims par la scheresse des annes prcdentes, les troupeaux de chvres
dvastateurs, les coupes illicites de bois et les frquents brlis.
Dans une dpression abrite par de hautes falaises, nous avons admir une
magnifique futaie de cdres majestueux, vestiges des belles forts dantan.
Nous avons rencontr des filles de nomades, de retour des longues corves deau,
intrigues et fires sous le port altier de leurs tuniques bigarres.
En voulant louer des mulets pour le transport de nos camarades puiss, les nomades
staient drobs, craignant davoir faire des gardes forestiers.
A la tombe de la nuit, nous avons craint de gros ennuis pour nos amis laisss loin
derrire, car cheminer dans ces parages dans lobscurit est toujours risqu.
271
En connaisseur des lieux, Peron stait propos pour demeurer prs des premiers
hameaux pour attendre nos compagnons et les guider bon port.
Avec Lahcen, toujours vive allure, nous avons continu sur le village dAt Ouchne
pour retrouver les Land Rover et les orienter au devant des retardataires.
En le remerciant de son hospitalit, nous avons rejoint Midelt vers 23H, abattus,
lessivs, mais heureux et contents davoir particip allgrement une aussi belle et
envotante randonne en haute montagne.
LAyachi nest plus dsormais inaccessible pour nous, et le chemin nest pas si
escarp pour les habitus du sport pdestre.
272
Au pays des Maures
Durant mon cong annuel dt aux Etats-Unis, et rpondant une invitation
personnelle, javais apprci les efforts consentis par la famille de Jo Benam et la socit
AMBACO Morgan City en Louisiane pour rceptionner et conditionner les cargaisons de
barytine en provenance du Maroc, dans une zone dactivits industrielles et commerciales
intenses le long du fleuve Mississipi.
Javais redcouvert le Texas, avec ses grands espaces, ses fermes, ses ranchs btail
et ses champs ptroliers en bordure dautoroute.
Les images des films amricains dfilaient devant nous, lhtel, au bar, au
restaurant, aux super marchs et aux stations dessence.
San Antonio, avec ses canaux, patrie de David Crocket, ville o lon vous accueille
bras ouverts, rappelle la guerre que staient livrs le Mexique et les Etats-Unis dcids
de se rattacher le Texas.
Sur lautoroute de Houston nous avions chapp un terrible accident par suite du
comportement dun chauffard mch.
Aprs un crochet Washington et New York, javais transit par Paris pour
participer au Colloque International sur les Perspectives minires en Afrique organis
la Sorbonne par lInstitut Panafricain de Gopolitique.
A cette occasion, javais fait un expos sur le secteur minier marocain, fort apprci
par les organisateurs.
A Nouadhibou
Heyine et Lhatoute administrateur assidu de la SNIM depuis dix ans, taient
larrive, tous ensemble, heureux de nous retrouver en terre mauritanienne.
Je fus install avec beaucoup dgards dans la maison dhtes attenante lhtel
Ocania donn en grance par la SNIM un Franais mari une Algrienne.
273
Par la suite, je fus convi un dner sous la tente, auquel avaient particip, outre
Heyine et Lhatoute, le Gouverneur de la rgion, le maire de Nouadhibou et des
administrateurs kowetiens et irakiens, (reprsentant les capitaux arabes ayant pris la
relve des intrts occidentaux aprs la nationalisation de la MIFERMA), et les cadres
mauritaniens de la SNIM.
Aprs dner, sous une brise lgre, nous avons effectu une longue marche travers
la cit minire endormie.
Le lendemain, nous avons visit les installations industrielles au port minralier, puis
les immenses ateliers dentretien et de rparation du matriel ferroviaire (locos, wagons,
rails) trs bien tenus et fiert de la SNIM.
Au port, dun tirant deau de 19m, diffrents stocks de minerai (calibrs, concentrs)
permettent de rpondre la demande, la cadence de chargement de 3.000
tonnes/heure pour des minraliers de 150.000 tonnes.
Lnergie lectrique tait fournie aux installations par une centrale de 20 MW, dont le
reliquat de puissance tait inject dans le rseau de la Socit Nationale Mauritanienne
de lElectricit (SONELEC).
Au port de pche et dans les rues de Nouadhibou, nous avons crois des marins
russes, japonais, corens, venus de trs loin pcher dans les eaux mauritaniennes
connues comme tant les plus poissonneuses du monde.
274
Les administrateurs moyen-orientaux, ravis de partir, entrevoyaient dj les dlices
de leur passage Casablanca et Paris.
Nous avons survol le mur de dfense marocain, bien visible haute altitude, avec
ses points dappui feu et ses postes de garde, et la ligne de chemin de fer longeant la
frontire des provinces sahariennes.
Avant datterrir, nous sommes pass au-dessus de lancienne cit minire de Fderick,
premier centre dextraction de lancienne MIFERMA, alors que la radio de bord signalait
une temprature de 42 Zouerate.
A Zouerate
Laroport de Zouerate tait constitu dune piste en terre battue gagne sur la
hamada, rceptacle, la fin des annes soixante dix, des gros Hercules C130 de transport
des troupes marocaines venues la rescousse de larme mauritanienne en difficult face
aux harclements du Polisario.
Notre tourne du centre dbuta par le service gologique o une triplette de cadres
mauritaniens nous fit un remarquable expos sur la gologie structurale, les potentialits
minires, loptimisation des projets dexploitation, le suivi de linfrastructure gologique
de base et les perspectives de dveloppement du secteur de Zouerate et des Guelbs.
La plupart des cadres avaient fait leurs tudes suprieures au Maroc, et certains, par
contre, avaient gard de trs mauvais souvenirs de leur sjour en Algrie et dans les pays
de lEurope de lEst.
275
Malgr lintensit des travaux et la frnsie des engins et des hommes, il rgne sur
cette contre un climat de quitude et de solitude tonnant, les bruits des engins et des
usines semblant se noyer en permanence dans cet univers surnaturel o se profile
lhorizon le Grand Erg de sable avec quelques pitons rocheux dnomms Guelbs (curs).
Sur le chemin de retour, la tombe de la nuit, nous avons travers la cit minire en
terre battue, uvre dune entreprise corenne, curieusement moins disante dans les
appels doffres internationaux lancs par la SNIM.
Zouerate la fin des annes soixante dix, avait fait lobjet dagressions du
Polisario ayant entran la mort de plusieurs agents SNIM (dont deux Europens).
Lintervention des avions Jaguars franais, bass Dakar, avait dcim plusieurs
katibas du Polisario.
Par ailleurs, des murs de dfense marocains, encore visibles, avaient stopp le
dferlement des commandos et loign la menace pesant sur la cit minire.
Le soir, nous fmes invits un dner organis aux foyers des cadres, auquel avaient
particip les responsables locaux de la SNIM draps dans leurs boubous.
Le dner offici et servi par des Noirs en livre, stait poursuivi dans la bonne
ambiance, et le th mauritanien servi profusion dans de petits verres.
Nous avons longuement chang nos points de vue sur la mine, la gestion des
affaires, la coopration maroco-mauritanienne et sur le conflit du Sahara occidental.
Le souvenir des Forces Armes Royales Marocaines (FAR) tait prsent dans les
esprits, mme si nos concitoyens ne staient pas mls la population en restant
cantonns dans leurs casernements de toile proximit de larodrome.
276
Assurment la Mauritanie voulait se dtacher du dossier sahraoui, mais il reste
rgler lavenir de la zone de Lagouira proximit de Nouadhibou pour ne pas mettre en
pril la principale activit conomique du pays.
A partir des Guelbs, en direction de Mhaoudat, nous avons quitt la route pour nous
engager dans la hamada parseme de touffes dherbes pour chameaux.
Des forages, implants au fond dune valle, alimentaient en eau les nomades et
leurs troupeaux dcims par la terrible scheresse dans le Sahel.
Le champ minralis dconsidr par la MIFERMA la fin des annes soixante, car ne
recelant que du minerai magntique sans grande valeur conomique, stend sur plus de
14 km et affleure en plusieurs endroits notamment au Col des Rendez-vous, lieu clbre
o un gologue, lors dune halte en attendant ses compagnons de prospection, avait
dcouvert un important gisement de fer oxyd.
Ensuite, nous sommes revenus aux Guelbs, norme butte tmoin, coeur du gisement,
o lexploitation se dveloppait en vastes carrires mcanises, produisant du minerai
oxyd envoy la verse et des minerais magntiques.
Les mixtes taient dirigs vers lusine denrichissement pour subir une premire
opration de concassage dans un concasseur giratoire de 80 tonnes (considr comme le
plus gros du monde), dune capacit de 5.000t/heure, avant dtre envoys, aprs
dstockage par une immense roue pelle, lunit de broyage et de sparation
magntique basse intensit.
- Au dstockage, une des deux roues-pelles fournies par Delattre Levivier (France) tait
larrt, suite une rupture des montants, entranant la chute de la cage de commande et
une perte de plusieurs millions de dollars,
- Au broyage autogne, une avarie sur la couronne dentranement stait traduite par une
baisse importante de production,
277
Nos amis mauritaniens, conscients de la gravit de la situation, espraient surmonter
les difficults en faisant appel une expertise extrieure de qualit.
Notre tourne aux Guelbs stait acheve par un passage la centrale lectrique
construite par les Italiens, quipe de groupes lectrognes totalisant 56 Mgawatts,
alimentant aussi Zouerate 30 km.
Le Sahraoui, fier, ne connat pas de frontires, il campe avec les pturages, attir
par lappt du gain, le reste tant futile pour lui ; les Espagnols lont bien compris ds le
dpart, les Algriens aprs 1974 ; la SNIM, nous avons enregistr en un jour le dpart
de quarante agents conducteurs dengins et de locos auxquels on a fait miroiter des
choses inconcevables ; un sondeur on a promis le poste de ministre de lhydraulique ,
signala Abdelfettah.
Les derniers temps avaient enregistr le retour dans le secteur de Zouerate, avec
armes et bagages, de plusieurs sahraouis dorigine mauritanienne.
Les fuites des camps de Tindouf sont nombreuses et sacclrent ; lAlgrie, tout en
donnant limpression de se laver les mains, ne veut pas perdre la face , continua
Abdelfettah avec beaucoup de conviction.
Aprs un copieux djeuner, nous avons marqu une pause jusqu 18h30, avant
deffectuer une vire dans les dunes appeles Zouerate .
Allongs sur des tapis mme le sable, sirotant le th, nous avons assist un
coucher de soleil sublime sur les dunes, observant au loin le train minralier en
provenance des Guelbs, lhorizon vers le sud, la chane de la Kdia avec ses centres
illumins, et lest les projecteurs de la gare des Guelbs, visibles plus de cent
kilomtres en temps clair, semble-t-il.
Nous avons rappel le rle nfaste d'Ould Hadallah, ayant propuls la Mauritanie
dans les bras du Polisario et de lAlgrie.
Hadallah stait retir de la scne politique, il vit avec ses troupeaux de chameaux
dans le centre du pays, se faisant oublier , ajouta Abdelfettah.
Tout autour de nous, ctait un ocan de dunes, caches des commandos du Polisario
lors de lattaque de 1979.
278
En de multiples endroits, nous avons reconnu les traces des campements des Forces
Armes Royales ceinturant Zouerate.
Larme marocaine stait retire en bon ordre vers le Nord, protge sur ses flancs
par les troupes mauritaniennes pour viter les embuscades des Sahraouis bons
connaisseurs de terrain continua Abdelfettah.
Vers 20H nous avons rebrouss chemin, heureux davoir bnfici dun moment de
dtente affectionn par les Mauritaniens pour se dconnecter de la routine et se
replonger dans leurs habitudes bdouines ancestrales.
Pour lhistoire, nous avons sign le livre dor, inaugur par le Gnral de Gaulle en
1957 en ces termes : Enfin de grandes esprances ; dautres hommes illustres de
passage, tels Ould Daddah, Senghor, Benijara et le colonel Ould Taya, chef de lEtat
mauritanien, avaient galement marqu de leur plume, leur passage la mine.
Tard la nuit, nous nous tions quitts, heureux davoir rencontr et li connaissance
avec de jeunes talents mauritaniens ayant relev, avec intelligence, les grand dfis de la
nature, dans un environnement austre et difficile.
Nous avons survol la voie de chemin de fer, puis basse altitude et plusieurs
reprises, le centre minier dAkjoujt, connu pour avoir abrit une garnison marocaine de
soutien aux forces mauritaniennes contre les incursions des katibas du Polisario la fin
des annes soixante dix.
Evnement rarissime, dans cette contre battue par les vents du dsert et soumise
lavance inexorable des dunes de sable, il avait plu abondamment, et des flaques deau
taient observables un peu partout, annonant une bonne anne pour le btail avec la
ractivation des pturages.
Aprs tre passs au-dessus dun grand cordon dunaire, quasiment infranchissable,
Heyine nous rappela lattaque de Nouakchott en 1976 par un commando sahraoui dirig
par El Ouali, venant du Nord.
A notre arrive Nouakchott aprs un vol de deux heures, nous fmes accueillis par
Baham venu nous guider dans la visite dune cooprative de tapis reprsentatifs des
diffrentes rgions de Mauritanie, employant 100 ouvrires.
Nouakchott est une agglomration menace par lavance du dsert malgr leffort
consenti pour stopper le dferlement du sable.
Aprs une visite de courtoisie lAmbassadeur du Maroc, Benomar, trs optimiste sur
le devenir des relations maroco-mauritaniennes aprs la fin des hostilits au Sahara
occidental, nous fmes reus par le Ministre des Mines Ould Jidou, install dans lancien
sige de la SNIM, en prsence de Heyine et de Abdelaziz, Secrtaire gnral du Ministre,
de lethnie noire.
279
Nous avons examin notre coopration bilatrale en matire de mines et de gologie
et les mesures pour la dvelopper davantage, notamment dans le domaine des ressources
minires autres que le fer (soufre, cuivre, phosphate).
Nous avons quitt le Ministre, aprs une courte discussion avec Abdelaziz, pour aller
djeuner avec Heyine et Baham dans un restaurant tout proche.
Vers 16H, nous avons visit le port de pche artisanale, vritable march ambulant
install sur le sable, anim par des mamas en boubous chatoyants, rappelant les
scnes dune plage sngalaise.
Notre tourne stait poursuivie par la visite du nouveau port de commerce venant
remplacer lancien warf de capacit insuffisante.
Dune capacit dun million de tonnes, en partie sous forme de conteneurs, le port,
construit grce une aide chinoise de 130 millions de dollars, pourrait ultrieurement,
desservir le Mali enclav et tributaire du port de Dakar et du chemin de fer Dakar-
Bamako.
Le soir, avant notre dpart, la SNIM avait organis en notre honneur un dner anim
par une troupe folklorique renomme, une famille originaire dAtar.
La visite tant attendue, avait permis de dcouvrir un pays o les mines de fer du
district de Zouerate demeurent le pilier fondamental de lconomie.
Dans les centres de la SNIM, nous avons peru une relle dtermination des cadres,
ouvriers et employs relever les grands dfis de la nature, en mettant en uvre des
technologies de pointe et en assurant la conduite et la gestion des exploitations avec
efficacit, dans un environnement austre et difficile.
Des difficults majeures restaient surmonter aux Guelbs pour atteindre la vitesse
de croisire, par lamlioration des techniques denrichissement et ladaptation du
matriel la nature des minerais.
280
Les potentialits Mhaoudat et des autres centres, la cadence de 12 millions de
tonnes par an, assurent une dure de vie de plus de cent ans.
Au plan personnel, nous avons nou avec le Directeur Gnral de la SNIM et ses
collaborateurs, des relations bases sur lestime et la considration rciproques.
Dans le domaine de la formation, nous avons not leffort fourni par notre pays en
accueillant des centaines dtudiants mauritaniens reconnaissants.
281
Dautres activits prenantes
De retour de Mauritanie en fin septembre 1989, nous avons particip, en grande
dlgation, Als, au Congrs de la Socit de lIndustrie Minrale domin par les
nouvelles techniques denrichissement et de valorisation des minerais et dinformatisation
des activits minires et paraminires.
Profitant de mon sjour, javais effectu une visite de lEcole des Mines dAls pour
minformer et apprcier lvolution des programmes et des moyens techniques et
pdagogiques mis en uvre.
Durant toute la tourne, pour des raisons de scurit, avec beaucoup de discrtion,
un vigile dorigine maghrbine fut nos trousses.
600 ingnieurs (la plus forte concentration en Europe) et 2.500 personnes relevant de
20 socits (dont Bouygues, Spies Batignolles, CGE et Chaufau Dumez) travaillaient sur
lensemble du site.
Les travaux avaient dmarr avec le fonage dun puits de service de 60m de
diamtre et 60m de profondeur, ralis selon une mthode de creusement combinant le
forage de lanneau priphrique et son cuvelage en terrain meuble (craie blanche), le
cur tant dbit en banquettes avec chargement par engins.
A la base du puits (niveau -60m), dans la craie bleue consolide, avaient t raliss
les tunnels ferroviaires et de service et les units de concassage et de classification des
produits des avancements.
Les produits des creusements taient vacus du front davancement par des rames
de wagons de 450 tonnes vers la station de concassage, puis envoys par pompage vers
une digue de dcantation de 28m de haut et un million de mtres cubes de capacit, leau
de la digue tant recycle dans le process.
Le revtement des parois tait ralis par voussoirs en bton arm de 4 tonnes,
plaqus automatiquement.
Les travaux dans le tunnel de service avaient atteint leur vitesse de croisire (soit
30m/j et 800m/mois), la liaison avec les Anglais tant prvue en juin 1990, aprs un
avancement de 16 km de chaque ct.
282
Plusieurs travaux annexes (galeries de liaison entre les tunnels ferroviaires, rameaux
de communication, signalisation, pompage, installations lectriques entre les diffrents
tunnels) taient excuts par des quipes de mineurs marocains dtachs par les
Charbonnages du Nord et du Pas de Calais.
Le volet scurit tait suivi par des quipes spcialises dans les domaines des gaz,
des inondations et des transports.
Le TGV Paris-Londres programm la vitesse de 150 km/h dans les tunnels sous la
Manche, effectuera le trajet en 3 heures.
- dattnuer les effets du chmage dans le Nord aprs la fermeture des mines de charbon,
par la cration de milliers demplois stables, et de dynamiser Calais, premier port franais
de passagers (9 millions par an),
- lexpertise dans la conduite et lorientation arienne des tunnels de grande longueur (16
satellites passaient au dessus de la zone des travaux), le contrle par triangulation
permettant aux divers ouvrages de se dvelopper sans dcalage,
Cette uvre fait penser la liaison entre lEspagne et le Maroc dont le cot, si elle se
ralisait un jour, serait plus lev et plus difficile financer.
283
****
De retour de France, dans le cadre de la Grande Commission, nous avons reu la
Direction des Mines une dlgation de responsables algriens venue sinformer sur les
structures du secteur minier marocain considr au Maghreb comme un exemple de
bonne organisation.
Nos htes eurent loccasion de visiter les centres phosphatiers de Bengurir et Jorf
Lasfar et le projet en dveloppement de Hajar, avant dtre reus par les reprsentants de
la profession minire Casablanca.
Quelques jours aprs, nous avons reu une dlgation guinenne conduite par le
Ministre Mohammed Traor, venue signer un protocole daccord sur la coopration
bilatrale en matire de mines et dnergie, tout en laissant lAfricaine de Recherche et
de Dveloppement (ARD) la latitude de trouver avec les autorits guinennes un terrain
dentente pour lancer les travaux dune vritable recherche sur le gisement dor de
Mandiana.
Mais nous savions lavance que les Guinens, indcis, taient mus par dautres
considrations et posaient des conditions que nous ne pouvions accepter.
Dans ce domaine notre coopration avait fini par capoter, laissant un got amer
aprs tant defforts et de bonne volont du secteur minier marocain.
Par la suite, javais accompagn le Ministre Fettah pour une tourne Khouribga et
Jorf Lasfar, en compagnie des membres de la Commission des Affaires Economiques de la
Chambre des Reprsentants, dsireux de constater de visu les importantes ralisations de
lOCP en matire dexploitation, de valorisation et de commercialisation des phosphates.
Sur les lieux, les producteurs avaient engag des oprations de rnovation des
installations et renforc, comme nous leur avions demand auparavant, lencadrement
technique des Usines
284
Au pays du Vieux Sage de lAfrique
Pour terminer le cycle annuel des missions lextrieur, javais particip
Yamoussoukro en Cte dIvoire un sminaire sur lexploration minire et les
perspectives dinvestissements miniers en Afrique de lOuest.
Ce Sminaire des Nations Unies faisait suite celui tenu New York en janvier 1989,
et visait faire part de lexprience marocaine en matire de mine, et montrer les
rsultats insouponns obtenus dans un projet spcifique par lintroduction de
linformatique dans la gestion du patrimoine minier.
La Cte dIvoire, dune superficie de 332.000 km, est caractrise par la variation du
climat, avec souvent dtranges douceurs.
Daprs les officiels ivoiriens, la population originaire des pays voisins, estime 3
millions de personnes et constituant la masse laborieuse, pourrait tre en temps de crise,
source de problmes graves, dinstabilit et de conflit.
Le boom conomique de la fin des annes soixante dix et du dbut des annes quatre
vingt, conscutif la bonne tenue des prix du caf et du cacao, doubl despoir en matire
dhydrocarbures, avait attir et focalis sur ce pays lattention des observateurs, des
spculateurs et de nombreux hommes daffaires.
Le miracle ivoirien avait fait longtemps la Une des mdias africains et europens et
la Cte dIvoire donne comme un exemple de russite conomique et de stabilit
politique au sein dune Afrique de lOuest trouble par les coups dEtat, les rvolutions
incessantes et la propension des dirigeants imposer et mettre en place des systmes
conomiques trangers la ralit africaine.
Houphout Boigny, 84 ans, homme pondr, sage, respect par ses voisins et adul
par ses concitoyens, doyen de lAfrique francophone, avait domin la scne et conserv
les commandes malgr un dbut de remise en cause de son systme de gouvernance et
de lomnipotence de son parti, le PDC.
285
A Abidjan
Parti de Rabat le samedi 9 dcembre 1989, je suis arriv Abidjan le dimanche 10
dcembre, aprs un transit rapide Paris et des escales Bordeaux et Niamey au Niger,
accueilli par le Directeur des Mines ivoirien, Likane, et ses collaborateurs chargs de
guider les participants au sminaire.
A laroport Port Boue Abidjan, le dsordre fut indescriptible malgr les efforts de
la police pour contenir des hordes de jeunes dsuvrs offrant leurs services pour
quelques pices de monnaie.
Aprs les formalits, nous avons rejoint lhtel Ibis lavenue Giscard DEstaing,
point de ralliement des sminaristes o javais retrouv Guerrak, Directeur de lOffice
Algrien de la Gologie.
Notre hte ivoirien se dvoua pour nous faire un tour de ville, passant tout dabord
par le quartier de Treichville, centre populaire et commercial, confirmant le dicton tant
quon nest pas all Treichville on ne connat pas Abidjan.
Une artre dnomme rue des Marocains est connue pour ses magasins de
bonneterie, chaussures, textiles et cuirs tenus par des commerants originaires de Fs ;
dans un de ces magasins, Guerrak avait acquis des pantalons et des chemises des prix
modiques, le commerant marocain acceptant de minimiser sa marge.
Notre tourne stait poursuivie dans le quartier chic de Cocody, sige des
ambassades et des demeures des nantis du rgime.
286
Aprs lachvement des travaux de la basilique de Yamoussoukro, ce conseiller
ombrageux et impopulaire fut remerci par le Prsident.
Sur lune des buttes dominant la lagune, se dresse limposante demeure du conseiller
du Prsident pour les affaires arabes, Algrien, peut tre la future victime de la vindicte
populaire ou de lentourage prsidentiel.
Les Libanais et les Israliens se sont infiltrs partout, dtenant les vritables rnes
du pouvoir, lconomie est totalement entre leurs mains et rien dimportant ne peut se
dcider sans eux , nous dit Likane.
Les Libanais ont ralis et bti des fortunes colossales dans ce pays, mme en
priode de crise conomique, tout en plaant leur argent dans les banques occidentales ;
ce que nous voyons ici, nest quune infime partie de liceberg , nous dclara plus tard un
ami maghrbin, connaisseur de la Cte dIvoire.
Cest simple, enlevez la virgule et multipliez par deux et vous aurez des centimes
franais , nous lana un talagiste derrire ses viandes et ses fromages, alors quune
pluie fine et tide avait commenc tomber, nous plongeant dans une vritable
atmosphre de hammam.
A Yamoussoukro
Vers 15 heures, en car, nous avons pris le chemin de Yamoussoukro 260 km
lintrieur des terres.
287
En ralit, lobjectif avr tait de crer, coup de dizaines de milliards de francs
CFA, une nouvelle mtropole politique, proche du village natal de Houphout-Boigny,
gagne sur la savane et la fort clairseme.
Nous avons suivi ses conseils et dcid daller nous installer au Bonheur, suivis par
les autres dlgus africains, laissant au Prsident les Occidentaux habitus ne pas se
fondre avec les indignes.
LHtel Bonheur, tenu par une Franaise dans sa trentime anne en Afrique de
lOuest, omniprsente, aux petits soins et aux menus dtails, employait 28 personnes
originaires du Burkina, Mali, Togo, Sngal, affables et disponibles.
Non loin, la grande place de Yamoussoukro tait le thtre, chaque nuit, des bats
dune foule bigarre, en hommage leur vieux Prsident.
Cest un haut lieu de rflexion dans un pays enracin dans un esprit de paix et de
fraternit , disaient alors les Ivoiriens.
Nous nous sommes arrts en fin de soire dans une pizzeria tenue par un vieux
couple italien originaire de Florence, servant des ptes dlicieuses.
Ainsi, un soir, nous avons dn dans un restaurant tenu par un ingnieur des Ponts et
Chausses la retraite, ancien responsable des Travaux Publics Ksar-es-Souk
(Errachidia) dans les annes cinquante, et rencontr un ancien agent de la Compagnie
Paquet assurant la liaison Casablanca-Marseille.
A deux reprises, nous avons got la cuisine chinoise dans un restaurant tenu par
des Chinois de Taiwan, bien intgrs dans le milieu ivoirien.
Le sige du Parti, tout de marbre blanc import dItalie, situ dans un immense parc
dominant la ville, comprend plusieurs pavillons, des salles de runions restreintes, une
288
caftria et un imposant auditorium pour les runions plnires du Parti ; les murs taient
tapisss de banderoles la gloire du Sage de lAfrique.
Le sminaire, programm pour trente dlgus, stait transform en forum pour les
secteurs de la vie conomique ivoirienne, avec une svre note de dsordre et de
confusion, les experts du PNUD tant submergs par la mare ivoirienne, sape avec une
relle ostentation.
Jeus le plaisir de retrouver Saint Gal de Pons, ancien gologue au BRPM, chef de
projet PNUD au Burkina-Faso, des reprsentants du BRGM, de la Banque Mondiale, de la
Banque Africaine de Dveloppement, des fabricants de matriel de forages et de
valorisation des minerais, et de nouer des contacts avec les responsables du secteur
minier au Sngal, Gambie, Guine, Ghana, Togo, Mali, Burkina-Faso, Bnin, Libria, Cte
dIvoire et Gabon.
Louverture officielle fut prside par les Ministres des Mines et des Travaux Publics,
en prsence des autorits locales de Yamoussoukro et des reprsentants du PNUD dirigs
par Batrice Labone, maigre et osseuse.
Aprs des discours douverture insipides, la premire matine fut clture par un
cocktail de bienvenue financ par le PNUD, les Ministres et autres officiels stant rfugis
dans un recoin, ignorant les organisateurs et les sminaristes.
Ainsi, un sminariste nous avait signal que des diplomates, avant dtre reus par le
Prsident Houphout Boigny, avaient pay les rafrachissements servis, et un
Ambassadeur avait emprunt lun de ses collgues pour faire face la dpense.
Aprs la pause, les travaux du sminaire staient drouls dans une ambiance
dcontracte, souvent nonchalante, la sape quotidienne des Ivoiriens tant de rigueur,
face des sminaristes en tenue estivale.
La qualit des interventions fut trs ingale, les experts du PNUD souvent absents,
en dehors de Louka, expert gologue chypriote, parlant larabe.
Des empoignades enflammes entre gologues avaient maill les premiers travaux
du Sminaire, clturs par une table ronde anime par un expert gologue du PNUD de
grande exprience, Louka.
Malgr la divergence des points de vue et des mthodes de travail, tous les orateurs
avaient conclu la ncessit de coordonner les actions de recherches gologiques et
minires en faisant appel la gochimie multidfinitions, aux sondages peu profonds,
des chantillonnages srieux suivis danalyses fiables, le souci manifest dans la sous
rgion tant de retrouver la situation dantan au plan de la production dor et de diamant.
Certains intervenants avaient estim 10 millions de dollars le cot minimum des
oprations de recherche pour mettre en vidence un gisement dintrt conomique, en
se fondant sur linsuffisance du tissu gologique et lexistence de forts denses et de
larges savanes.
En 1988, 200 millions de dollars furent investis dans lindustrie minire en Afrique de
lOuest, soit 1 % du total mondial engag.
289
- des questions juridiques et dinvestissements animes par des reprsentants des
socits internationales comme Otokumpo, RTZ, UTH, BHP et le BRGM.
- les drapages des cots dcouragent les investissements, les projets miniers en Afrique
de lOuest sont souvent mal identifis, insuffisamment reconnus, entranant une
incertitude sur les rserves exploitables,
Ce nest pas largent qui manque, ce sont les bons projets qui font dfaut , avait
dclar Hadjadj de la BAD.
- le secteur minier est capable de crer des emplois dans les rgions dshrites,
exposes lexode rural, vitant ainsi les disparits lchelle nationale, et induisant un
vritable effet dentranement des industries extractives sur les autres secteurs
conomiques,
Rendant hommage notre action et nos interventions durant les dbats, je fus
charg de prsider la dernire matine consacre aux exposs de la SFI, de la BAD et du
BRGM, axs sur le financement des projets de dveloppement minier.
290
A la veille de la clture, laprs-midi fut consacr la visite des centres dintrt, nos
htes ivoiriens insistant pour faire participer tous les sminaristes cette excursion
culturelle et rcrative.
Ce chef duvre en pleine brousse, tourne en drision la mosque construite par les
artisans marocains et finance par lArabie Saoudite, situe non loin de ce mastodonte de
bton, de marbre et de pierre de taille.
Le bruit courait que, en guise dquilibre, le Vieux souhaitait construire une grande
mosque la mesure de la population musulmane majoritaire en Cte dIvoire, estime
40 % du total des habitants.
Les parterres resplendissent de lumire, les colonnades de marbre rivalisent avec les
stucs des prie Dieu et des coins de confession.
Le Prsident et sa sur, issus dune famille animiste, ont voulu faire uvre
charitable et acte de foi chrtienne en difiant cette Basilique avec leurs propres
deniers , se dpcha de dire un accompagnateur ivoirien, nous rappelant loffre de la
Basilique au Vatican et sa prochaine inauguration par le Pape Jean Paul II.
Nous avons poursuivi notre tourne au Palais des Htes, proximit du Palais
Prsidentiel, enfoui sous la verdure, entour de magnifiques plans deau bords de
palmiers, et comprenant entre autres, deux beaux pavillons, uvres des artisans
marocains et don du Roi Hassan II.
Cest la preuve de lamiti profonde unissant nos deux pays , me souligna le chef
de cabinet du Ministre ivoirien des mines.
A la sortie du Palais, nous avons admir des troupeaux de camans se dorant au soleil
sur les berges des plans deau, et pour fixer le souvenir, un gardien du parc se prta un
exercice de domptage prilleux des crocodiliens.
Nous nous sommes rendus ensuite lEcole Nationale Suprieure des Travaux
Publics, vritable complexe htelier ou de vacances pour milliardaires, dmesur pour la
cinquantaine cadres forme chaque anne, cre en 1963 Abidjan et dont le transfert
Yamoussoukro fut une tape symbolique.
291
Dpits et tristes par autant de dpenses superflues, nous avons rejoint lHtel
Bonheur, en pensant cette multitude de va-nu-pieds dambulant chaque nuit non loin
de la Basilique et de notre htel.
Aprs le Vieux, son uvre aura du mal lui survivre et tre entretenue, dit
malicieusement un sminariste.
Laprs midi du dernier jour, alors que la clture du Sminaire tardait, nous sommes
rentrs Abidjan en compagnie de Hadjadj, de la Banque Africaine de Dveloppement
(BAD) et de son fils, Mahrez, lintelligence vive et ptillante.
A Abidjan, nous fmes installs lhtel Ibis Plateau, prs du centre ville.
Rejoints par les Premiers Secrtaires des Ambassades dAlgrie et du Maroc, Draia et
Zaoui, nous sommes alls lHtel Ivoire visiter lexposition artisanale marocaine
organise par un promoteur casablancais et anime par lorchestre Pinhas au grand
complet.
Le soir, nous fmes convis dner chez la famille Hadjadj, installe confortablement
au quartier rsidentiel hupp de Cocody, parmi les flamboyants et les palmiers et les
parterres de fleurs. Hadjadj, connaisseur des problmes du Maghreb, avait fustig le
comportement de lAlgrie dans laffaire du Sahara.
Le Sahara est marocain, pourquoi crer au Maroc un abcs de fixation dans ses
provinces du sud, lAlgrie na rien gagner dans cette affaire ; au contraire elle risque de
compromettre lavenir du Grand Maghreb , dit Hadjadj, sous les yeux berlus de
Guerrak sans raction aux paroles de son compatriote.
Le lendemain, sous un temps lourd, nous avons fln travers les marchs o lon
vend bruyamment les produits artisanaux de la sous rgion (bois, ivoire, bronze, cuivre),
spectacle dont on ne se lasse pas et merveilleuse prise de contact avec la gaiet et la
gentillesse naturelle des habitants.
A midi, Draia nous invita djeuner chez lui, dans un immeuble rserv aux
diplomates, dans un magnifique cadre de verdure et de quitude. Son pouse algrienne,
ne Marrakech, regrettait vivement le Maroc; la perspective de larrive prochaine de sa
mre lenchantait et la rconfortait.
La vie Abidjan est agrable, car passs les trois premiers mois, on sintgre et on
se fait de nombreux amis, les manifestations culturelles ne manquent pas ;
malheureusement les vols et les attaques main arme sont frquents et ma femme a t
agresse rcemment en plein centre ville , nous signala Draia.
292
La capitale ivoirienne, depuis la crise du cacao, avait connu une recrudescence des
agressions contre les expatris, sans pour autant crer un vent de panique.
Le Vieux est toujours l, mme sil ne participe au Conseil des Ministres que pour
une demi-heure, ses avis sont toujours couts et suivis, et rares sont ceux qui lui
tiennent la drage haute , me dit Likane.
A lenregistrement du vol UTA sur Paris, Guerrak stait vu refuser, pour excs de
poids, le carton de fruits exotiques minutieusement prpar le matin ; le cot du fret
tant dix fois suprieur au prix dacquisition des bananes, des ananas, des mangues et
des papayes, Guerrak se rsigna loffrir son compatriote Draia, sous lil amus et
sans compassion des htesses d UTA.
Lavion, un Boeing 747 Combi, dcolla avec une heure de retard, aprs une fouille
systmatique des bagages et des passagers, rappelant au souvenir le triste pisode du
DC10 dUTA dtruit au dessus du Niger en octobre 1989.
Nous, Franais, sommes battus partout par les Libanais, fins manuvriers, cassant
les prix, et au final, seuls bnficiaires des retombes conomiques ; la Cte dIvoire
stait lance dans la ralisation dinfrastructures coteuses, dpassant ses possibilits
financires; un vent de sagesse commence poindre lhorizon, mais il faut du temps
pour convaincre les Ivoiriens dtre eux mmes et non le reflet de lextrieur ; le Maroc
est tout autre, eu gard son dveloppement organis et lintelligence vive de ses
lites , me confia cet homme daffaires, dpit, anxieux, allant assister Genve une
runion du conseil dadministration de sa socit.
Aprs une escale Niamey et un vol agrable, lavion avait atterri Roissy 7h du
matin, dans lobscurit, la fracheur et le froid de lhiver ; javais quitt Guerrak press de
gagner Orly pour rattraper le vol sur Alger, et moi javais rejoint lhtel, abattu et
pantelant aprs un sjour prouvant. Quels furent les enseignements de cette mission ?
LAfrique de lOuest est une sous rgion couvrant 6,4 millions de km2, avec une
population de 184 millions dhabitants, respectivement 20 % et 32 % du continent.
293
Linsuffisance chronique dinfrastructures de base indispensables toute activit
dexploration ou de dveloppement minier, linadaptation et labsence de lois minires,
ont retard ou perturb la promotion de linvestissement.
Le cas du Ghana du major Rawlings, fut cit comme un exemple de russite dans la
promotion et le dveloppement miniers ; ainsi, lancienne Gold Coast connue pour ses
fabuleux gisements dor depuis les temps immmoriaux, a su, aprs une priode de
lthargie, remettre en production ses anciennes mines et en dcouvrir de nouvelles,
effectuant un virage 180degrs pour revenir lconomie de march, linitiative
prive, en faisant appel lextrieur sans jeter la pierre aux anciennes puissances
coloniales .
294
En Algrie
Deux missions furent effectues en Algrie, tout dabord dans le cadre de la Grande
Commission bilatrale, et ensuite de la Commission spcifique Mines et Gologie de
lUnion du Maghreb Arabe (UMA).
Premire mission
Cette mission, laquelle notre Dpartement fut reprsent par les Directeurs de
lEnergie et des Mines, stait tenue dans le cadre de la Grande Commission bilatrale
prside par les Ministres des Affaires Etrangres des deux pays.
Avant de rejoindre Alger, une runion prliminaire avait t tenue au Ministre des
Affaires Etrangres, en prsence de plusieurs Directeurs dAdministration centrale pour
coordonner et harmoniser la position des diffrents Dpartements concerns par la
coopration avec lez pays voisin de lEst.
Le 21 janvier 1990, larrive de nuit Alger, sous une pluie fine, nous fmes
accueillis chaleureusement laroport Houari Boumediene par de nombreux officiels des
ministres algriens, dont notre ami Guerrak, Directeur de la Gologie.
Nous tions logs lhtel El Aurassi, immense btisse de 450 chambres, abritant
toutes les grandes manifestations politiques et conomiques du pays.
Nous avons dn au snack bar enfum, envahi par une clientle bruyante, sous le
regard dun personnel de service apathique, frondeur et peu professionnel, au grand dam
de quelques clients europens dsempars et angoisss par de tels comportements
incompatibles avec lactivit touristique.
Le lendemain, la ville stait rveille dans les bruits du port et dun trafic
indescriptible o tout senchevtrait et se mlait dans le dsordre.
Le lever du soleil sur la baie est rellement sublime, et du haut dEl Aurassi dans le
quartier des Tagarins, entre la Casbah et le Fort de lEmpereur, le panorama devant nous
tait merveilleux.
Alger la blanche, accroche au flanc des collines, est certainement lun des plus
beaux sites de la Mditerrane.
A 10h, en convoi, nous avons rejoint le Ministre des Affaires Etrangres, btisse
rcente, toute de marbre et de verre, dominant les quartiers des facults, du muse et de
lHtel Al Jazar (ex St Georges).
Trs rapidement, ct Energie et Mines, nous avons quitt les lieux pour aller au
Ministre des Mines travailler en sous-commission restreinte et laborer un document sur
lnergie (ptrole, gaz, gazoduc) et la lgislation minire.
Notre runion ne dura pas longtemps, car trs rapidement nous nous tions mis
daccord sur les volets de notre coopration spcifique, les ayant dj examins
loccasion de runions prcdentes entre les experts des deux pays.
295
Avant de quitter le Ministre, Khlil, Secrtaire Gnral, natif dOujda, nous reut,
longuement et amicalement, pour discuter des perspectives de coopration en matire de
mines, gologie et nergie.
lhtel, nous avons retrouv beaucoup de nos collgues, affals sur les sofas,
dpits et apathiques.
Vous tes vraiment part, vous les mineurs, les gologues et les nergticiens ,
nous lana malicieusement un de nos concitoyens.
Effectivement, ds notre arrive, nous avons t pris en charge, sans rpit, par nos
amis algriens du Ministre des Mines et de la SONATRACH.
Le deuxime soir, dans un restaurant pris dAin Beniane, port de pche prs dAlger,
Guerrak nous convia un dner auquel avaient particip nos collgues du Ministre des
Mines, Hasbellaoui et Ras Elkef, le Directeur Gnral de lEntreprise de Recherche Minire,
Slougui, et le Secrtaire Gnral de lOffice de la Gologie.
Tard, Guerrak nous avait reconduits, Bouhaouli et moi, lhtel, par le front de mer
et la partie basse de Bab El Oued.
A la priphrie de la ville, les anciennes belles terres gagnes par les colons
europens sur des zones marcageuses taient laisses en jachre.
Dans les laboratoires, les quipements dsuets et obsoltes taient suivis par des
techniciens dEurope de lEst que lon avait vit de nous prsenter.
296
Ensuite, nous avons rejoint le Ministre des Affaires Etrangres en traversant une
zone de cultures sous serres, lueur despoir pour lagriculture algrienne renaissante et
longtemps dlaisse.
Le contact tlphonique avec Rabat se rvla vain, preuve irrfutable du retard dans
les liaisons inter maghrbines.
Au quatrime jour, tt le matin, une lgre brume avait envelopp Alger, et en rade
du port, le nombre de bateaux en attente avait augment sensiblement.
La matine fut consacre une visite de ville, en passant par Bal El Oued, thtre des
massacres perptrs par lOAS en 1961, constitu de vieilles btisses abritant les
commerces de dtail aux enseignes arabises pour liminer les vestiges de la
colonisation, puis par la Casbah, en dcrpitude malgr un effort de rnovation des
autorits de la ville.
Prs du front de mer, lancien palace Aletti, fleuron de lhtellerie coloniale, tait
redevenu un htel ordinaire dont la faade et lentre principale taient mconnaissables
et dfrachies.
En affrontant un trafic intense, nous avons atteint le Monument des Martyrs, uvre
dune socit canadienne, nich sur une butte dominant la rade dAlger.
Nous avons ensuite fln dans un grand centre commercial attenant au monument,
aux talages quasiment vides, rappelant le Goum de Moscou, avant de rejoindre EL
Aurassi pour djeuner tranquillement au restaurant La Pcherie.
297
Laprs-midi, nous nous sommes retrouvs tous en sance plnire prside par les
deux Ministres des Affaires Etrangres, Ghozali et Filali, arrivs ensemble de Tunis, aprs
la clture du sommet de lUMA.
Aprs les discours de llgant Ghozali et de lnigmatique Filali, les chefs des
commissions dexperts avaient expos et comment les rsultats des travaux.
Cest un scandale que le volume des changes entre nos deux pays reprsente
peine une fraction de journe des changes globaux algriens ; il est urgent de porter
cette proportion deux semaines , scria le Ministre algrien, alors que Filali tait rest
muet.
Sur la base de ce triste constat, le problme est de faire voluer les esprits et les
convaincre de la ncessit dun mouvement daffaires et dchanges conomiques
beaucoup plus large important et irrversible.
Considr par certains comme un thoricien pur et dur du FLN, Bouhafs nous avait
donn une impression douverture desprit et de dialogue rflchi.
Rejoints par Khlil, nous avons visit ensemble lemplacement du nouveau sige de
SONATRACH o le gardien des lieux nous tana mchamment.
Alors, comme a, vous entrez, vous vous promenez, puis vous sortez, vous vous
croyez dans une curie .
Cest ton Directeur Gnral , sempressa de faire remarquer Khlil au gardien qui,
sans complexe, sloigna en grommelant.
Les ministres algriens, les plus en vue du Gouvernement, taient l parmi des
dizaines dinvits se pressant autour des buffets bien garnis, dans une ambiance
dcontracte et mme euphorique.
La clture des travaux de la Grand Commission eut lieu en fin de journe aux
Ministre des Affaires Etrangres, sans grand panache ni tapage mdiatique.
Le soir, Guerrak et son pouse nous invitrent, Bouhaouli et moi, dans un restaurant
vietnamien, non loin du quartier des facults sur lequel planait le souvenir des pieds noirs
et des massacres perptrs par les commandos de lOAS.
298
Les membres de la dlgation marocaine avaient commenc quitter Alger, certains
vers Paris et Francfort, dautres attendant calmement laprs midi le vol rgulier dAir
Algrie pour Casablanca.
Avant mon dpart sur Paris, je fus invit par la famille Guerrak djeuner Tipaza,
petite ville en bordure de mer, connue pour ses ruines romaines et ses restaurants de
fruits de mer.
Au retour, nous avons travers la petite ville de Nador, rcemment touche par un
tremblement de terre ayant fait plusieurs victimes et des centaines de sans abris.
Cest une zone de failles lies la tectonique du nord de lAlgrie, encore appele
bouger , me signala Guerrak, sous sa casquette de gologue.
Cest inadmissible quaprs des mois, les gens en soient rduits encore braver le
mauvais temps sous des abris sommaires , scria Madame Guerrak.
Avant laroport, nous sommes passs par lex-Palestro, avec ses anciens domaines
coloniaux dagrumes et de vignobles, abandonns ou arrachs.
A bord du vol Air Algrie sur Paris, mme en premire classe, laustrit fut de la
partie et le service peu professionnel.
Deuxime mission
Comme convenu, un mois aprs, une longue mission avait examin durant une
semaine les diffrents volets de la coopration en matire de mines et de gologie.
Nous sommes arrivs Alger sous un climat printanier, le samedi 17 fvrier 1990,
aprs un vol rapide, mais en retard de plus dune heure sur lhoraire prvu, en raison de la
grve du zle des contrleurs ariens marocains.
Aprs un djeuner rapide en prsence de Guerrak, nous avons rejoint le Ministre des
Mines pour tre reus par le Ministre Boussenna.
Nous devons russir notre coopration ; les ministres sont l pour donner la
bndiction ce que vous aurez dcid ; ne vous attardez pas trop sur les dtails,
examinez plutt des points concrets, proposez des solutions ralistes, et allez de
lavant , nous dit le Ministre, mathmaticien laise dans son environnement.
Dans une ambiance amicale, bon augure pour la suite de la mission, nous avons mis
au point le programme de notre sjour et analys les volets de notre coopration abords
dj trois semaines auparavant Alger,
299
Le soir, nous fmes convis un dner prsid par Khlil, Secrtaire Gnral du
Ministre des Mines, donn en notre honneur par lEntreprise des Non Ferreux (ENOF), en
prsence des responsables du Dpartement et des directeurs des Entreprises Nationales.
Des changes de points de vue nous avaient permis de circonscrire les domaines
dintrt mutuel pour coller aux directives du Ministre Boussenna.
En Algrie orientale
Aprs un djeuner au Gourbis Ain Taya, nous avons rejoint par avion Tbessa,
sige de lentreprise FERPHOS, en compagnie de son PDG Benslimane.
Un grand dner nous avait runis en fin de soire pour poursuivre nos changes mais
aussi pour approfondir davantage nos relations personnelles.
Le programme annuel dextraction portait sur 3 Millions de tonnes pour produire 1,3
1,4 Millions de tonnes de produits marchands, dont 0,4 0,5 Million de tonnes
transformes lunit ASMIDA Annaba et consommes sous forme dengrais simples, le
reliquat, essentiellement du produit calcin, tait export.
Nos htes avaient souhait une aide de lOCP pour trouver les solutions adquates au
plan de la caractrisation des panneaux dexploitation et de lamlioration des mthodes
de valorisation du phosphate.
300
Un projet dacide phosphorique dans la rgion de Tbessa tait ltude.
Aprs un grand djeuner au foyer de la socit, en prsence de tous les cadres, nous
avons regagn Tbessa pour y tre reus par le Wali, jeune cadre, dynamique et avenant,
ravi du rchauffement des relations algro-marocaines, bon connaisseur des problmes
conomiques rgionaux.
Les rserves tant imprcises, lexploitation ne concernait que les zones daccs
facile ; lennoyage du gisement, sous un fort recouvrement, ncessiterait la mise au point
dune mthode dabatage adapte aux conditions du gisement.
On nous avait signal que des mineurs marocains, ayant travaill dans les anciennes
activits de production, staient fondus avec la population autochtone.
La soire fut clture par un dner dapparat auquel avaient assist tous les cadres
dOuenza et le chef de la Dara, affable, volubile et satirique.
Une dernire sance de travail et de mise au point avec Benslimane et son staff, avait
dfini nos domaines de coopration en matire dexploitation des gisements et fix les
chances de nos futures rencontres.
301
des produits plats alors que lAlgrie avait surtout besoin de fer bton pour la
construction de milliers de logements.
Un autre projet, bas sur la filire de rduction directe au gaz naturel, tait en cours
Jijel en Basse Kabylie, o de grands travaux dinfrastructure taient dj raliss ou
lancs (plates formes dusine, routes, port) pour cent millions de dollars.
- Lenvoi dune mission du BRPM et de SEFERIF pour une visite dtaille des
installations du complexe et de la mine dOuenza,
Nous avons not que sur un chiffre daffaires de 10 milliards de dinars, la socit
dexploitation, SIDER, avait enregistr un dficit de 2 milliards de dinars.
Aux dires de nos htes, les autorits algriennes taient conscientes de la gravit de
la situation et staient engages rsolument rduire ce dficit en procdant des
rductions drastiques des charges de personnel et de gestion.
Concernant Gara Djebilet, aprs la visite dune unit pilote dessais de valorisation du
minerai de fer, SIDER nous avait informs du programme de recherche depuis 1989 et des
tudes techniques et conomiques en cours.
Plusieurs procds tests avaient montr la rductibilit par le gaz local ; le seuil de
rentabilit serait atteint avec une production de 10 20 Millions de tonnes dbloques
par voie ferre vers lAtlantique travers le sud marocain.
La mise en valeur du gisement semblait tre pour les Algriens, la seule voie pour
rentabiliser le projet de Jijel.
Nous avons convenu de maintenir le contact en crant un comit mixte pour suivre
lvolution du dossier Gara Djebilet.
Aprs El Hajar, prs dun village de vacances, partir des hauteurs de Siradi, nous
avons admir la Mditerrane et Annaba, ancien petit port turc avant loccupation
franaise, dbouch naturel de lhinterland agricole du secteur.
302
Au Hoggar
Le lendemain, au dpart dAlger, aprs un vol de 1h30 et une escale In Salah, nous
sommes arrivs 11h Tamanrasset, petite ville clairseme, perdue parmi les buttes
rocheuses et les pics daspect lunaire, rappelant par ses constructions en pis et ses
tamaris, Erfoud dans le Tafilalet.
Les installations de lEREM nous avaient paru disproportionnes par rapport aux
actions menes dans le secteur.
Le Hoggar est le territoire du silence et des Touareg convertis lIslam entre le VII
et le IX sicle, reprsentant en Algrie environ 50.000 personnes, la plupart sdentaires
dans de petits villages, au pied du plateau de lAssekrem.
Les Touareg Tamanrasset et Djanet plus lest vers la frontire libyenne, sont
reprsents lAssemble Nationale Populaire Algrienne par un dput, fils de
lAmenokal, ancien chef targui dfait par larme coloniale lors de la grande bataille de
TIT, bourgade plus au nord.
Sur notre chemin, nous avons rencontr une longue caravane de chameaux monts
par des touristes franais, conduite par des guides touaregs.
Au crpuscule, les montagnes avaient pris des formes tranges rappelant un film de
science fiction, dans une plante inconnue de lespace sidral.
La lumire transforme au fil des heures les pitons volcaniques o lesprit du curieux
chemine le long de chemins invisibles.
Sur les contreforts, un immense bivouac abritait des groupes de cyclistes venus
dEurope donner lassaut lAssekrem, sur les deux roues.
Arrivs sur les lieux avant le coucher du soleil, nous avons escalad lAssekrem vive
allure, travers une piste en lacets, menant lErmitage, petit btiment en pierres sches
surplombant un paysage grandiose fait de valles encaisses, de pics lancs, de plateaux
dnudes, avec lhorizon, le HAT, le plus haut sommet du Hoggar, culminant 3.200m.
Devant nous se droule un paysage de dmence et de dsordre, mais aussi une relle
extase de pierres, de terre calcine et lunaire dune beaut mystrieuse
Sous une brise glace, nous avons devis quelques instants avec le Pre Edouard en
charge de lErmitage et qui vivait l, dans un dnuement profond et austre, depuis plus
de quinze ans.
303
Ensuite, nous avons visit la petite chapelle et la bibliothque laisse par le prtre
missionnaire Charles de Foucauld venu tudier au dbut du 20 sicle la langue des
Touareg, le tifinagh.
Nous tions redescendus vive allure dans la semi obscurit, heureux davoir t si
haut, 2.800m.
Au retour vers Tamanrasset, nous avons crois des fennecs, renards du Hoggar, peu
effarouchs par les feux des vhicules Toyota.
Le soir, lHtel Ahagar, un dner fut organis en notre honneur, auquel avait assist
exceptionnellement un Haj Targui, conseiller de lEREM, emmitoufl dans ses larges
habits, avec qui javais longtemps discut sur lhistoire des Touaregs, leurs relations avec
les autres tribus ; je fus tonn de leur grande admiration pour notre pays et son Roi.
Je pntre dans cet htel pour la premire fois, mais comme vous tes parmi nous,
javais accept, exceptionnellement pour vous honorer, de droger la rgle et de venir
vous saluer et dner avec vous , me dit le Haj Targui.
Il ntait pas tonnant ds lors, que le Polisario ft des recrues parmi ces desperados,
en qute de travail et fuyant la famine.
Tamanrasset, porte de lAlgrie vers lAfrique noire, abrite rgulirement une foire
avec afflux de commerants en provenance dArlit (Niger) et Gao (Mali), attirs par le
ngoce sur les denres alimentaires (dattes, th, caf, sucre, farine) et les quipements
de forage et de pompage deau.
Le lendemain, tt, nous sommes partis bord de quatre vhicules Toyota, visiter les
indices dor du Hoggar, conduits par des chauffeurs guides rompus aux longs
dplacements en rgions dsertiques.
Notre premire halte eut lieu au gisement de marbre blanc de Djebel Labiod, difficile
valoriser car se situant des milliers de kilomtres des centres de consommation, plus
au nord.
Devant nous, se droulait la hamada borde au sud et au nord par les cordons
montagneux sombres du Hoggar, dans un environnement o sans cesse lhorizon reculait,
avec la plnitude du vide.
304
La piste longue et chaotique traversait des regs sans fin.
On ne fait que traverser le dsert, moins que se ne soit lui qui vous traverse , disait
quelquun.
Les Toyota avaient men des raids motoriss travers cet environnement austre et
monotone, des vitesses frlant 140 km/heure, nous donnant limpression dassister
une chevauche fantastique et de participer un ballet o les chauffeurs samusaient, en
se doublant ou en voluant en tandem.
Des pneus et des bidons balisaient les pistes principales, et sur lune delles menant
au Mali, tait en cours une opration de mise en place de balises solaires.
Conues pour emmagasiner lnergie solaire de jour, ces balises la restituent la nuit
en clairage observable 10 km la ronde, permettant dorienter les dplacements et de
sauver la vie aux aventuriers mauvais connaisseurs des longues et interminables routes
sahariennes.
Nous sommes sur les traces du rallye Paris Dakar , fit remarquer quelquun ; en
fait, le rallye tait pass au sud, en direction du Niger.
Vers 11h30, un vent de sable se leva, nous obligeant marquer une pause et subir
les lments de la nature, alors que deux Toyota du convoi avaient disparu dans la
tourmente.
La tempte sarrta, suivie dun calme trange ; sous un ciel clairci, les Toyota
reprirent leur raid travers limmense hamada, les chauffeurs, fins connaisseurs, stant
vite reprs travers les tendues de pierraille et de sable fin.
Nous sommes sur du quaternaire ancien constitu de marnes sur lesquelles repose
du sable dorigine olienne , dit Bensad, fin gologue.
Apprcier et comprendre la vie dans le dsert est difficile pour ceux qui se vautrent
dans les dlices de la vie citadine , scria Mahzi, mon compagnon de vhicule, tout
exalt de participer une expdition unique en son genre.
A 12h30, nous avons atteint le point de ralliement, un vieux fort en ruines construit
en 1936 par les mharistes de larme franaise, o une quipe de lEREM nous avait
devancs pour apprter le djeuner.
Neuf heures aprs notre sortie matinale, nous sommes arrivs au camp du premier
chantier de recherche, Tassekret, constitu de tentes battues par les vents, o une quipe
de jeunes cadres algriens, appuye par du personnel subalterne, travaillait sur des
affleurements minraliss, par tranches et sondages carotts.
Au Hoggar, les gisements dor, dans les filons de quartz de 0 5m de puissance, 300
1.000m dextension, aux rserves estimes 300 tonnes, sont localiss dans un couloir
305
faill orient Nord-Sud de 100 km, se poursuivant au Mali connu pour ses grandes mines
dor datant du Moyen Age.
Aprs une visite des tranches, nous avons pris la direction dAmesmessa, travers
un relief lgrement mouvement et ravin, obligeant les chauffeurs cascadeurs ralentir
avant darriver destination au coucher du soleil.
Sans attendre, nous avons entrepris une tourne du chantier des travaux miniers,
guids par un jeune cadre dynamique et dcid.
Les travaux consistaient en des puits et galeries excuts aprs une campagne de
sondages carotts ayant dlimit et reconnu les extensions et les enracinements, selon la
mthode sovitique du rouleau compresseur.
Vingt cinq filons furent reconnus jusqu une profondeur de 80m, et le filon principal
trac sur 1.200m ; les rserves taient estimes plus de 30 tonnes dor, sur la base dun
minerai titrant en moyenne 19 g dor par tonne.
Tt le matin, le jeune cadre algrien tait l pour nous saluer en prsence dun vieux
gologue russe de la lointaine Vladivostok, heureux de se retrouver dans ce monde du
silence, diffrent du sien, plus de 20.000 km.
A Tirek, ancien chantier de recherche arrt en 1986, avec des rserves certaines
values plus de 20 tonnes dor, le sable avait dj envahi le secteur, les ferrailles
avaient noirci sous les coups de boutoirs du vent et du soleil.
Seuls les fennecs venaient rder dans les parages, comme attirs par le mtal jaune
enfoui sous terre.
Il ny a pas s inquiter, ils sont quips pour survivre au moins quarante huit
heures ; rares sont les cas de grande dtresse ; souvent il nous arrive mme de dpanner
larme , nous lana calmement Gacem, gologue, connaisseur des grands espaces
sahariens pour y avoir longtemps exerc.
Nous sommes repartis par la piste emprunte par le vhicule en perdition, et par
moments, les chauffeurs sarrtaient pour scruter les traces sur la hamada.
Nous tions deux avec mon compagnon sur sa moto Honda ; en Mauritanie, il a t
victime dun grave accident et il a fallu lvacuer durgence en Angleterre ; alors jai fait
demi tour, aprs avoir rcupr la moto en pices dtaches , nous dit lAnglais qui se
306
dirigeait vers Tamanrasset par la piste balise, aid seulement des cartes et de la
boussole.
Au dtour dun ravin, sous un acacia, proximit dun Hassi ensabl, nous avons
marqu une pause, tout prs lit dun oued, vritable cimetire de gazelles ananties par la
terrible scheresse de ces dernires annes.
Aprs une onde et les orages, le dsert fleurit comme par enchantement, les
fleurs spanouissent si vite quelles donnent limpression de vivre intensment la priode
phmre alloue par la nature intraitable , scria un habitu des grands espaces,
comme pour faire oublier les affres de la scheresse meurtrire.
Vers 11h, sous les effets du soleil, le Hoggar stait transform en royaume des
mirages, nous faisant admirer de belles forts, des lacs, des rivages marins, des bateaux
amarrs aux quais, qui ne ntaient en fait que les montagnes et les dunes du Hoggar
flottant dans latmosphre thre et dessche.
Les vieux pneus et les bidons de balisage des pistes prenaient des allures
gigantesques, observables de loin, sestompant petit petit pour reprendre leurs
dimensions relles.
Les Toyota avaient repris leur ballet fantastique travers les grands espaces
interminables, et vers 13 h, nous sommes parvenus au 2me point de ralliement.
Les chauffeurs saffrrent pour couper les branchages secs, allumer le feu, griller les
steaks et prparer le th, alors que nous autres, changions nos impressions, lombre
dun acacia gant.
Repus, nous avons poursuivi notre chevauche comme la parade, les Toyota se
relayant et les chauffeurs rivalisant de vitesse, au risque de se tlescoper, pour traverser
les grandes dpressions de pierraille et de sable.
Nous avons travers des dfils insolites, des oueds ensabls, long les massifs
granitiques tabulaires, nentrevoyant pas la fin de la piste, mais ravis de naviguer dans un
monde trange, sans me qui vive sur 500 kilomtres, avant de retrouver en fin daprs
midi, la route asphalte en direction du nord, vers In Salah.
Les essais ont t raliss dans des puits profonds creuss partir dune galerie
flanc de coteau. La montagne que vous observez l-bas, est intrieurement vitrifie sous
les effets des explosions. Aprs les essais, les Franais avaient achemin sur place
plusieurs types danimaux pour tester leurs ractions une ventuelle prsence de
radioactivit, mais rien danormal ne fut dcel , nous signala un technicien algrien
prsent sur les lieux avec les militaires franais, tout fier et excit de nous raconter les
pripties des essais, stopps en 1965 semble-t-il, aprs la prise du pouvoir par
Boumediene.
307
En fait, daprs certaines informations, les essais staient poursuivis jusquau
dplacement des quipes franaises dans le secteur du Pacifique Mururoa en 1966, et
que le tir souterrain du 1er mai 1962, baptis Bryl, stait droul en prsence de Pierre
Messmer, Ministre franais des Armes, et avait vir au loup.
Aprs un tour des lieux et une sympathique rception au foyer de la base, nous avons
quitt In Ecker au coucher du soleil pour rentrer Tamanrasset 170 km.
A Hassi Rmel
Le lendemain, aprs un dcollage tardif de lavion spcialement affrt par la
SONATRACH, nous avons survol le Hoggar, paysage lunaire, avant datterrir Hassi Rmel
en fin de journe, avec cinq heures de retard sur le programme prvu.
Lquipage alla Ghardaa pour faire le plein de krosne pendant que nous visitions
les installations au pas de course, sous la conduite de techniciens algriens.
Le champ gazier de Hassi Rmel a t dcouvert en novembre 1956, cinq mois aprs
celle du grand champ ptrolier de Hassi Messaoud lEst de Ghardaa.
Les rserves prouves sont suprieures 3.000 milliards de mtres cubes, avec
dautres possibilits vers le sud o les structures favorables continuent.
Nous avons discut avec nos htes du projet de gazoduc Maghreb-Europe via
lEspagne et des perspectives de coopration bilatrale en matire de gaz ; dans la salle
des maquettes de Hassi Rmel, le gazoduc Maghreb-Espagne, figurait en bonne place
parmi les futurs dbouchs du gaz algrien, le projet tant considr de nature
raffermir le rapprochement entre nos deux pays.
308
Revenez vite pour aller Hassi Messaoud o les ralisations et les installations
ptrolires sont plus impressionnantes , nous dit le responsable des relations publiques
de Hassi Rmel, avant notre envol la tombe de la nuit.
Le survol de la zone de Hassi Rmel est impressionnant, les torches visibles sur les
hauteurs, indiquent au profane qu plusieurs milliers de mtres de profondeur, gt lun
des plus grands champs gaziers du monde.
De retour Alger
Rendus Alger aprs une heure de vol, nous fmes accueillis par nos amis du
Ministre et des entreprises nationales, heureux comme nous de constater que notre
priple au Hoggar stait droul dans de merveilleuses conditions.
Malgr lheure tardive, un grand dner Dar Diaf sur les hauteurs dAlger, donn en
notre honneur par lEntreprise de Dveloppement Minier, prsid par Khlil, nous avait
regroups avec tous les responsables du secteur des mines algrien.
A cette occasion, pour viter de rester dans le domaine des intentions et des vux
pieux, nous avons fix les chances prcises de nos futures rencontres.
Au dernier jour, Guerrak tait venu nous guider dans la visite dAlger, en passant
dabord la forteresse turque datant du 16e sicle en rhabilitation et qui fut le refuge du
bey durant les bombardements dAlger par les puissances europennes, en reprsailles
aux actions des corsaires en Mditerrane.
Ensuite, nous avons travers Bal El Oued, avant daboutir la Cathdrale de Notre
Dame dAfrique o un vque nous avait expliqu lhistorique de sa fondation.
Au dessus de lautel des prires est inscrite la phrase suivante Notre Dame, priez
pour nous et pour les Musulmans .
A lentre, un pome, grav sur plaque de marbre, relate les vises du christianisme
en Algrie sous les rgnes de Louis Philippe et Napolon III.
309
Phnomne rarissime en Algrie, nous avons rencontr lintrieur de la mosque un
mendiant confondu en louanges aprs avoir reu quelques pices.
La poursuite de la visite de la ville fut courte pour rejoindre le Ministre des Mines
pour un dernier examen du procs verbal de nos entretiens.
Nous lavons rapidement adopt, attestant ainsi que nos contacts ont t francs
amicaux et sincres, et montrant notre volont commune de cooprer dans les domaines
des recherches gologiques et minires, du dveloppement minier et de lexploitation des
mines, travers les oprations suivantes:
- organiser des runions dexperts pour recenser les thmes dintrt commun, en
matire de cartographie gologique, de gochimie et de gophysique,
- multiplier et diversifier les contacts bilatraux entre les oprateurs miniers pour
changer et enrichir leurs expriences, relativement la recherche et la mise en valeur
des gisements de soufre, de pyrite, de plomb zinc et de mtaux prcieux,
- mettre en commun les expriences et les moyens pour lexcution des travaux et
marchs dans les pays tiers tels que : forages, travaux miniers, expertise en matire
dtudes de faisabilit et de dmarrage de projets miniers,
Dans ce cadre le BRPM avait remis lEREM un projet de protocole daccord, les
responsables de lEREM stant engags lexaminer avec diligence.
- dvelopper et renforcer les contacts dj existants entre les mines dEl Abed et de
Touissit notamment par une visite trs prochaine de techniciens dEl Abed Touissit pour
assister la rcupration des piliers Oued Mekta,
310
- crer un groupe de rflexion sur le dossier Gara Djebilet, la lumire des
conclusions des essais de valorisation raliss par SIDER au complexe d'El Hajar.
- dorganiser une runion dexperts en juin 1990, pour identifier les thmes
intressant les deux parties dans le domaine de lenrichissement des minerais,
- denvoyer des tudiants et des stagiaires dans les coles et centres de formation
professionnelle des deux pays,
Aprs une dernire entrevue avec le Secrtaire Gnral Khlil, nous avons t reus
chaleureusement par lAmbassadeur du Maroc, Benslimane.
Je vous flicite, vous avez t partout pour mieux apprcier les possibilits de ce
pays avec lequel nous devons cooprer , nous dit-il, avec ses manires volubiles.
Pour clturer notre mission, lEREM organisa un djeuner dans un restaurant de lex
Port de lEau, auquel Chiali et Belhabri, nos amis de lEcole Mohammedia, furent convis,
marque de considration pour Lhatoute et moi mme.
A laroport, avec Hasbellaoui, nous avons sign le procs verbal sanctionnant nos
entretiens, alors que le frre du Prsident Chadli embarquait pour ltranger.
Nous nous sommes engags rester fidles lesprit de ce procs verbal, et tout
faire pour dynamiser la coopration minire entre nos deux pays.
***
Que peut-on dire des deux missions rapproches en Algrie et travers elles, quel
sera lavenir de notre coopration en matire de mines et de gologie ?
Linterrogation tait certes lgitime, tant il est vrai que le processus ddification du
Maghreb semblait pitiner dans les dclarations dintention, face des ralits
conomiques rvlant un visage dcourageant.
Au cours de nos discussions et de nos aparts, nous avons senti chez nos amis
algriens du secteur minier, une relle volont daller de lavant, de faire table rase du
pass brumeux, sachant pertinemment que le Maroc peut leur apporter une aide, une
expertise et un concours prcieux.
311
Ce fut dans cette mouvance que le groupe de travail ''Mines et Gologie'' avait
labor son procs verbal, avec un souci de clart et de ralisme.
Lavenir devrait nous dire si les bonnes intentions des deux cts seront suivies
deffet, le Maghreb nayant pas besoin de louvoiements rptitifs et assassins.
En dehors de notre domaine spcifique que peut-on signaler dautre qui vaille la
peine dtre retenu ?
Chez notre voisin de lEst, un mouvement brownien tait entr en action, donnant
limpression au visiteur peu averti que la dmocratie enfantait ncessairement lanarchie
et la contestation sociale tous azimuts.
LEtat avait compris quil fallait lever les obstacles par lintroduction de la libert du
commerce et de lindustrie, en cessant dtre le propritaire unique des entreprises
publiques en crant des fonds des participations, prlude une privatisation vritable.
Dans les villes algriennes, la jeunesse est comme partout ailleurs, la recherche
dun monde meilleur, dun enseignement plus moderne, dun environnement de libert,
avec son besoin despoir et de rves.
****
Deux semaines aprs notre retour, une dlgation conduite par le Ministre
Boussenna accompagn des responsables des secteurs Mines et Energie, tait venue
Rabat pour des entretiens officiels au Ministre, avant de se rendre au centre phosphatier
de Jorf Lasfar, au sige de lOCP Casablanca, au CERPHOS, au dispatching de lONE aux
Roches Noires, au Centre des uvres sociales du secteur ptrolier et la SNPP pour la
signature du procs verbal sanctionnant la visite.
312
Quelques jours aprs, des dlgus du FERPHOS et de lENOF avaient assist au
sminaire Mine, Ple de Dveloppement Rgional.
Par ailleurs, conformment nos accords du mois de fvrier Alger, les journes
maroco-algriennes furent tenues Touissit, El Abed et Tlemcen.
La mine dEl Abed, connue du temps de lAlgrienne du Zinc (Alzi) contrastait avec
lexploitation moderne de Touissit, car lAlgrie, en pleine bullition sociale, accordait peu
dintrt au dveloppement minier.
Les entretiens furent clturs par la signature dun document mettant laccent sur le
dveloppement des changes dans les domaines de la gologie, de lexploitation, de la
valorisation minire et de la formation professionnelle, en esprant que les dcisions
prises ne fussent encore de simples intentions.
313
Le deuxime voyage en Chine
Avant le voyage
Fin mars 1990, Lisbonne, en compagnie des Directeurs de lEnergie et de la SNPP,
Bouhaouli et Esseddiqui, nous avons examin avec lAmbassadeur du Maroc, Benbouchta,
et les autorits portugaises nos relations bilatrales au plan du gaz et des pyrites de la
ceinture ibrique.
Fin mai 1990, Nice, javais particip avec Skalli, Prsident de CM Touissit et
Lakhssassi, Directeur Gnral de la Fonderie Plomb Zellidja (FPZ), un forum unique pour
les changes internationaux sur les aspects de production et les applications du plomb et
de ses composs.
Nous avons constat une grande participation anglophone et lmergence dune prise
de conscience dun avenir radieux pour le plomb en raison du dveloppement important
du secteur de lautomobile travers le monde.
Certains orateurs staient mme tonns du faible niveau des cours du plomb, bon
espoir et indice positif pour les exploitations au Maroc.
Le sjour Nice fut agrment par une croisire en Mditerrane et une soire au
Majestic Cannes, suivie dune journe de dtente chez des amis Grasse, petite ville
connue pour ses cultures de fleurs et ses parfumeries, et la dcouverte dune belle rgion
ensoleille de la France.
Transitant par Paris, javais retrouv mon fils Karim pour un week end, avant de
gagner Strasbourg pour participer la tte dune grande dlgation au Congrs annuel de
la Socit de lIndustrie Minrale (SIM).
314
Pour lhistoire, lors dun dner dans un restaurant hupp de la vieille ville, en
compagnie de Lhatoute et Menni, Directeur de la Socit des Granulats du Maroc, nous
fmes surpris par la petitesse des plats principaux servis dans dimmenses assiettes
poussant Menni sexclamer:
Nous sommes lentre ou au dessert, cest trop maigre ce que vous nous servez
l, jaurai faim la sortie du ce restaurant chic
En Chine
Ds le retour de Strasbourg, javais assist aux conseils dadministration des socits
minires du Groupe BRPM, (SMI, SOMIFER, CTT et Guemassa/Hajar, SACEM), suivis de
lexamen de lactivit de SODECAT dans lAnti Atlas, et tout particulirement dans le
massif du Bougaffer Tiouit en plein dveloppement.
Par ailleurs, une activit prliminaire aux oprations de privatisation dans le secteur
minier avait dmarr au Ministre des Affaires Economiques avec peu de conviction dans
les brumes des textes dapplication.
La vritable bataille pour les privatisations dans le secteur minier tait ses premiers
balbutiements, et encore niveau des supputations et des conjectures.
Avec la Banque Mondiale, les contacts avaient repris relativement au PERL II dans le
secteur minier, dans une atmosphre rude, mais franche pour le devenir de la mine au
Maroc, perturb par la situation des CDM et des mines de Fer de SEFERIF.
Immdiatement aprs, le 24 juin 1990, je suis parti, pour la deuxime fois, en voyage
en Chine, sur insistance de Chrif auprs du Ministre Fettah.
Nous sommes partis de laroport dAnfa pour Francfort, le dimanche 24 juin 1990,
bord du jet Falcon 100 du groupe ONA, sous un merveilleux soleil de dbut dt, aprs
des formalits de police et de douane extrmement simplifies.
Lquipage trs affable, nous avait annonc un agrable vol sur le parcours.
Le vol jusqu Paris fut parfait, lavion plus de 12.000m daltitude, tait dune
stabilit tonnante ; le service bord, anim par le steward Lachaal, neut rien envier
aux grandes lignes.
315
A lescale de laroport du Bourget, aprs un vol de 2H30, lquipage,
prcautionneux, avait fait le plein de krosne pour viter les embouteillages ariens et
les attentes au-dessus de Francfort.
A larrive Francfort, deux taxis nous attendaient pour nous conduire laroport
international do nous avons embarqu, avec un lger retard, sur le vol sans escale,
Lufthansa LH720, en partance pour Pkin.
Lattente la livraison des bagages fut longue et ennuyeuse, mais les formalits de
passage tonnamment brves, car aprs les vnements de la Place Tienanmen de 1989,
on sattendait des contrles serrs et tatillons.
Comme en 1987, nous fmes accueillis par ZU et ses collaborateurs et par Li, du
dpartement Cuivre et Cobalt la Chinese Non Ferrous Metals (CNFM), socit nationale
dimport export charge des transactions avec ltranger.
En taxi, nous avons pris la direction de lHtel Shangrila au centre ville, aprs avoir
travers dagrables zones de verdure contrastant avec limage bien triste que nous avons
garde de lhiver 1987.
Pkin, sous un climat humide et chaud, nous avait sembl plus propre, les immeubles
et les infrastructures mieux agencs, les feux rouges fonctionnaient et les rares policiers
canalisaient, non sans difficult, les flots habituels et interminables, comme auparavant,
de bicyclettes, de cyclopousses et de vieilles gambardes charges de matriaux de
construction ou de charbon en vrac.
Aprs notre installation lHtel Shangrila, palace rcent, tout de marbre blanc,
ralis dans le cadre dune joint venture avec des Chinois dOutre Mer, nous avons
convenu avec nos htes de nous retrouver 18 H.
Un grand banquet ayant pour cadre un salon intime de lhtel, richement dcor,
nous avait regroups autour dune table circulaire pour neuf personnes.
Visiblement, nos htes dont plusieurs rencontrs en 1987, taient ravis de nous
revoir et de nous recevoir amicalement, comme de coutume.
Lhospitalit chinoise lgendaire, stait exprime tous les instants du dner, les
plats dlicieux se succdant au rgal des yeux et de lestomac, dans une ambiance
euphorique ponctue dchanges de toasts au mote, suivis de lexclamation habituelle :
kampe.
La biensance raffine tant de rigueur, nos htes avaient vit de nous ennuyer par
leurs problmes en nous faisant constamment des compliments pour nous mettre laise,
316
avec les mmes gestes et le mme rituel que trois ans auparavant, tout de finesse et de
simplicit touchante.
Au fil de nos discussions, nous avons retenu que la Chine nouvelle avait travers une
poque o les savants, les chercheurs, les intellectuels furent affubls de bonnets dnes,
bousculs sans mnagement par des gamins gardes rouges, contraints de balayer les rues
et dentretenir les gazons et les jardins.
Le Printemps de Pkin avait marqu une rupture et un net recul, remettant en cause
toute ouverture et plaant la Chine dans un cadre odieux et ractionnaire.
Lpope de Tien An Men nest quune tragdie dans nos tragdies sculaires , me
dit discrtement un de nos htes.
Aprs nos changes de points de vue, il ne nous tait pas venu lesprit de comparer
une situation existante avec celle remontant quelques dcennies seulement, le peuple
chinois tant pass dun tat de malnutrition loqueteuse la dcence du minimum vital
pour tous.
En quittant nos htes, nous avons march le long de la grande avenue prs de lhtel,
pour prendre la temprature, parmi les talages de pastques (friandises des Chinois de
tous ges) et les Chinois torse nu, bravant la canicule de juin, curieusement amuss par
notre passage nocturne.
Nous sommes revenus au Shangrila couter de la musique classique joue par une
pianiste chinoise, dans son habit noir imprim, dans une ambiance feutre dun autre
monde, proximit des avenues aux effluves insupportables et du spectacle dune Chine
en volution vers une autre forme de civilisation, cependant noccultant pas son histoire
millnaire.
Avec un lger retard, Li tait venu nous accompagner au sige de sa socit pour une
premire sance de travail, accueillis par le jeune Vice Prsident, Ma Lin, entour de ses
collaborateurs, dont plusieurs femmes.
Nous avons chang nos impressions sur les relations en matire dexpdition des
lots de concentr de cobalt, de conditions densachage, de transport maritime,
dchantillonnage et danalyses de confirmation des teneurs.
317
Chrif rappela clairement les clauses du contrat de 1987, strictement respectes par
le Groupe ONA, tout en soulignant leffort de recherche engag Bouazzer pour
augmenter les rserves en minerai de cobalt, le prjudice financier subi pour non
enlvement de la troisime cargaison et le retard dans lenlvement des premier et
deuxime lots de concentr.
Nos interventions, orchestres par Chrif, avaient convaincu les Chinois de notre rel
dsir de poursuivre et de prenniser notre coopration, de la diversifier en ltendant au
cuivre et aux autres substances minrales.
Aprs cette premire prise de contact, nous fmes invits djeuner au restaurant
musulman de lHtel Minzu, et comme laccoutume ce fut un dfil de plats dlicieux et
raffins, dans une ambiance chaleureuse qui, en se focalisant sur la qualit de laccueil
pour de vritables amis, semblait oublier, voire marginaliser, les problmes inhrents au
contrat de livraison des concentrs de cobalt.
Un tranger, pour peu que son dsir et sa curiosit restent en veil, peut apprendre
beaucoup dun dirigeant, dun intellectuel, dun ouvrier ou dun paysan,
Il ntait nul besoin pour nous dessayer de griser nos htes pour percevoir les
vidences, car il existait une ralit de lapparence offerte nous durant le voyage,
Les Chinois dans la rue, sur les pelouses et dans les parcs, voulaient se rassurer par
le sentiment de leur propre nombre, de leur multitude.
Nous sommes retourns la CNFMC pour poursuivre nos discussions sur les
analyses, le fret et la facturation pour aboutir un embryon daccord.
318
Pour la premire fois, les Chinois avaient abord la diminution du tonnage de
concentr de cobalt en raison des difficults, depuis un an, disposer dun quota suffisant
de devises pour payer leurs achats lextrieur ; le dbut du libralisme de 1987 avait
marqu le pas et lautarcie pointait de nouveau lhorizon.
Nos discussions prirent fin vers 17 heures aprs linsistance de Chrif sur le respect
du contrat de 1987, avec la possibilit de le rexaminer, daccord parties.
Au 4 jour, aprs le rveil matinal pour suivre les matchs du Mondial de football en
Italie, nous sommes alls en minibus visiter la Grande Muraille, aprs avoir travers la
campagne avoisinante, trs sensiblement transforme par rapport notre visite de 1987.
Nous avons tous, courageusement, essay descalader un tronon parmi des grappes
de Chinois et quelques rares longs nez en qute dexotisme, linstar dune quipe de la
tlvision yougoslave venue photographier les parages et les essaims de papillons parmi
les arbustes et les bosquets.
Comme en 1987, nous avons djeun dans la mme auberge, proximit des
tombeaux des empereurs mings, sous la chaleur torride brave par des familles chinoises
en admiration devant les chefs duvre de la dynastie ayant rgn sur leur immense pays
durant des sicles.
Lindividu tait encore trop faible et isol pour sopposer la majorit, le moi
individuel ne rsistant pas cette pression de tout un peuple dont le silence et le rire
taient impermables.
De retour Pkin, nous sommes alls au friendship stores faire des emplettes, sous
lil amus de nos accompagnateurs tonns par une dpense superflue, puis la Place
Tien An Men o aucune trace des vnements tragiques ntait visible, tous les btiments
ayant t reconditionns et embellis pour dissiper et loigner toute interprtation, comme
si le Printemps de Pkin tait un non vnement.
319
Lambition personnelle, longtemps refoule et fondue dans les larges masses,
commenait rapparatre, malgr lentreprise de rducation systmatique sur plusieurs
millions dhommes prne par la Rvolution Culturelle.
Les dirigeants remettent en cause laudience des intellectuels et ils veulent que les
citoyens continuent se forger une me de pauvre pour masquer les insuffisances et
lchec de leur gestion ; le Parti communiste a perdu le cur du peuple cause de sa
corruption et de son incapacit grer le quotidien, et Li Peng, Premier Ministre, ne
dispose daucune audience, il est trait de chien enrag .
A propos de la Rvolution Culturelle, nos htes avaient tous gard un amer souvenir
du gigantesque pogrom de quatre ans, vritable cauchemar encore perceptible dans les
regards et les visages ferms de milliers de Chinois.
La Chine ntait pas le pays du passage de la prison close la prison ouverte, mais
elle demeurera celui de la libert surveille o personne ne peut chapper au systme
tentaculaire, tenant lieu de glaive constamment sur la tte des individus, malgr la
dmaosation qui avait suivi la mort du Grand Timonier.
Aprs tant dannes de repli sur elle mme, la Chine souvre au reste du monde, les
Chinois commenant acqurir louverture desprit de ceux qui obtiennent des rsultats
positifs, sans que la monture semballe aprs le lchage des rnes , souligna Li.
Au dner, dans un restaurant connu pour ses plats pics, proximit de la Cit
Interdite, dans une ambiance chaleureuse, nous avons intercept et recueilli quelques
confidences sur la cuirasse qui pesait officiellement sur le peuple chinois.
Les anciens riches nosaient pas encore faire talage de leur aisance ; le luxe
ostentatoire tait encore mal vu ; toute fortune tait suspecte et repre et le climat
gnral toujours spartiate dans un gigantesque nivellement.
Les Chinois des classes privilgies, ouverts aux socits trangres, continuaient
ronger leur frein sans mot dire, car disait-on, la Rpublique Populaire est trop galitaire
pour admettre les distinctions entre ses citoyens.
Mais travers Li, la jeunesse quil incarnait tait devenue plus matrialiste,
louverture ayant dtruit la crdibilit des dogmes du communisme pur et dur, faisant
apparatre un individualisme de plus en plus perceptible pour faire face aux difficults de
la vie encore tenaces.
Nous avons demand visiter la clbre rue Nwuji o les nombreux criteaux en
arabe sur les devantures des gargotes, dnotaient la prsence de lIslam parmi ce monde
athe, aux relents de bouddhisme.
320
Il ny a pas de diffrence entre musulmans et nous , dit Wu sans grande
conviction, en faisant la distinction entre les citoyens chinois musulmans et les sans
religion largement dominants et majoritaires.
Nous avons admir larchitecture dune mdersa avant de pntrer dans la mosque,
la plus grande institution musulmane de Pkin.
Accueillis par un Fquih en calotte blanche, nous avons sous sa conduite, visit les
salles de prires (hommes et femmes) richement dcores, recouvertes de splendides
tapis chinois, et le Mihrab surlev dune coupole en bois sculpt apport au 10sicle par
les navigateurs et missionnaires arabes.
Ensuite, ce fut le tour de la bibliothque avec ses vieux Coran, ses manuscrits de
plusieurs sicles et ses objets dart chinois, dons des empereurs mings aux communauts
musulmanes, et enfin les tombeaux de deux saints originaires dIran et dAzerbadjan,
inhums ici au 12e sicle.
Les prparatifs de la fte de lAd El Kbir (Korban) battaient leur plein, et dans les
jardins des Chinois se rasaient la barbe et le crne selon la tradition islamique.
A la mosque, visite par des milliers de fidles, la conservation des chefs duvre
dart arabo-musulman tait tolre, car ces derniers sont considrs trsors populaires.
Les Chinois ne sont pas dnus desprit religieux ; lide quon peut la fois tre
rvolutionnaire et religieux, avait fait son chemin.
Avant de quitter les lieux, nous avons modestement contribu la qute lance pour
la rnovation de la mosque, sous le regard amus de notre guide Wu et de son amie
Pam, intrigus par notre lan spontan de ferveur religieuse.
Aprs cette escapade, nous sommes revenus au centre ville pour visiter le clbre
Htel de Pkin, immense btisse abritant le congrs des femmes chinoises et amricaines,
o nous avons dambul dans les immenses halls, parmi les boutiques de souvenirs, les
salles de confrences admirablement dcores et sculptes et les salons, thtre de
certaines scnes du clbre film la comtesse de Pkin avec Ava Gardner.
Pour faire plaisir Wu, nous avons djeun au fast food, Kentucky Fried Chicken o
des centaines de jeunes Chinois taient venus goter le poulet rti, les frites et les
condiments amricains.
Je suis privilgi dtre Pkin ; cest mon universit qui a dcid pour moi , dit
Wu, confirmant le dicton rvolutionnaire, accept avec rsignation : chacun doit rester
la place o la Rvolution la mis.
Avec Mhamdi et Li, nous avons rejoint ZU et ses collaborateurs pour prendre
ensemble lavion sur Nanchang,
321
A Nanchang
Durant le vol, bord dun quadriracteur de fabrication chinoise, copie dun avion
britannique ou russe, Li nous avait donn limpression de quelquun qui voulait fuir son
pays pour migrer en Occident, ne cessant de demander une aide pour aller tudier ou
travailler au Maroc, avec sa girl friend, notre accompagnatrice la Grande Muraille et aux
tombeaux mings.
Vue daltitude, la campagne chinoise est un vritable et fabuleux puzzle que les
paysans montent et dmontent, avec leur art consomm, au gr des saisons.
A force de labeur infini, entrepris sans relche par des millions de bras, la terre
chinoise a t domestique, de nouveaux paysages ont t crs, enserrs dans un rseau
gomtrique de canaux dirrigation trs denses dont la ralisation avait masqu
lintensit de leffort durant des sicles.
Avec un lger retard, nous sommes arrivs Nanchang sous une forte chaleur moite,
dcouvrant depuis laroport et sur une trentaine de kilomtres, une autre Chine, loin de
la vie agite et trpidante des grands centres urbains comme Pkin, Shangha et Canton.
Le soir, nous avons t convis un dner dans un salon priv, en prsence de nos
htes, des reprsentants locaux de la CNFMC et des responsables de lOffice Provincial
des Ressources Minrales.
Nous avons achet, sans marchander, des faences, au grand bonheur des jeunes
commerants peu habitus recevoir des yuans convertibles.
Au petit matin du 6e jour, sur le chemin de laroport, les lits de camp de la veille
avaient disparu comme par enchantement, remplacs par des cohortes dhommes et de
femmes de tous ges excutant leurs mouvements de gymnastique sur les devantures de
leurs maisons exigus.
322
La Chine, partout, nous tourdit par le sentiment de la multitude, de ces nues
denfants rieurs, de ces cyclistes enjous, de ces curieux qui vous regardent passer, en
silence, avec une pointe dissimule dtonnement pour la vue des longs nez.
Les rares vieilles voitures se frayaient malaisment le chemin parmi les pitons, les
bicyclettes et les charrettes.
A laroport, aprs un petit djeuner copieux et des contrles serrs de scurit, nous
avons longuement attendu, bravant la chaleur et lhumidit.
Par suite dorages violents sur toute la rgion, lavion, un quadrimoteur hlices,
avait dcoll avec beaucoup de retard.
Avant latterrissage, alors que le tonnerre grondait au loin et que de gros nuages
opacifiaient lhorizon, lavion reut lordre de rebrousser chemin et de retourner son
point de dpart Nanchang.
Pour nous faire patienter, laroport de Nanchang on nous servit un dlicieux repas,
dans une ambiance dtendue parmi les autres passagers chinois intrigus par notre
prsence parmi eux.
Lavion dcolla de Nanchang pour atterrir Ganzhou vers 14H, avec plus de cinq
heures de retard, sous un soleil radieux aprs des averses diluviennes.
Le grand Wang tait l pour nous accueillir larrive de lavion, rellement trs
heureux de nous revoir chez lui.
A Ganzhou
Nous tions logs dans le principal htel, au milieu dun grand parc
Trs rapidement aprs notre installation, nous avons effectu un tour des lieux, en
commenant par les monuments historiques du secteur.
Du haut de lune des btisses, visite dj en 1987, nous avons une merveilleuse vue
sur le paysage environnant, fait de coteaux boiss et de paisibles rivires, proximit du
confluent des rivires Zhang Jiang et Shong Jiang (donnant naissance au grand fleuve
Guan Jiang) et dun petit port fluvial manutentionnant des rondins de bois, de la barytine,
du charbon et du matriel agricole.
Nous avons ensuite travers la vieille ville constitue de masures dun autre ge,
avant daller au Parc aux Huit Merveilles organis autour de plans deau bord de
bambous, de nnuphars et d oreilles dlphant.
323
Prs de nous, des Chinois avaient engag bruyamment un concours de bire
orchestr par des femmes charges denregistrer le nombre de pintes ingurgites.
Ce sont des hommes daffaires, des nouveaux riches qui ont normment dargent
dpenser sans beaucoup se fatiguer , nous dit ironiquement Wang.
Au cours du dner, nous avons discut des problmes lis lvolution de la Chine
aprs les vnements de Tienanmen, sans mettre de jugement critique, face
lamabilit et lhospitalit sans rserve de nos htes, peu connaisseurs des statistiques et
des faits, loin de la centra lit de Pkin.
Souvent, nos htes furent drouts et intrigus par nos questions lchelle de
limmense Chine profondment marque par les luttes fratricides et sanglantes et les
premires convulsions post rvolutionnaires.
La Chine est tellement vaste, la population tellement nombreuse, quil nous est
difficile de vous fournir des donnes globales sur notre pays , dit Wang, comme pour
justifier la difficult satisfaire notre curiosit.
Aprs le petit djeuner, nous avons rejoint lusine de la Ganzhou Smelter pour
tenir une sance de travail, autour de la grande table charge de tasses de th et de plats
de fruits (lychees, bananes, oranges, melons),
Nous avons examin, avec une infinie patience, les problmes lis la production,
aux transports terrestres et maritimes, aux mthodes dchantillonnage, danalyses, au
conditionnement, et la transformation du concentr de cobalt de Bouazzer.
Aprs nos interventions tayes par des justifications, il nous avait sembl avoir
convaincu nos interlocuteurs de notre bonne disposition poursuivre et conforter notre
coopration initie en 1987.
Wang et ses collaborateurs avaient apprci lattitude du Groupe ONA quant aux
retards enregistrs dans les enlvements des lots de concentr de cobalt.
Lachat de concentr de cobalt marocain tait devenu un problme politique que les
chancelleries et les ambassades chinoises devraient traiter.
324
Le personnel, considr plthorique, tait affect des tches secondaires, sans
commune mesure avec ses capacits et ses qualifications intrinsques ; la notion de
productivit navait pas de sens pour des salaires de 250 DH/mois.
Lusine, fiert de nos htes, o des femmes sactivaient dans le nettoyage des bacs
dagitation et des fours lectriques de fusion, tait rustique et simple.
Nous avons repris nos discussions 17H pour les arrter 19 Heures
Nos interlocuteurs avaient tenu raffirmer avec force leur dsir sincre de
maintenir et de renforcer les relations avec le Groupe ONA, unique fournisseur de cobalt
pour Ganzhou Smelter.
De notre ct, nous avons soulign notre engagement respecter la qualit des
produits, leur conditionnement et leurs dlais de livraison.
Au 8e jour, tt le matin, nous avons quitt Ganzhou, et comme en 1987, une voiture
de la scurit publique, son bord Wang et ses collaborateurs, nous avait prcds pour
dgager furtivement le chemin.
De vritables estampes se droulaient sous nos yeux sur des centaines de kilomtres
o lagriculture, prennise par des sicles dinfinie persvrance, deuxime nature des
Chinois, est exerce comme un art pour permettre et garantir plus dun milliard
dhabitants de manger leur faim.
La Chine, cest dabord lagriculture pour nourrir les gens, lindustrie ne sera
toujours quun pis-aller , souligna un de nos htes, venant expliquer que la plupart des
dynasties mings et mandchoues staient effondres parce quelles navaient pas su
accorder lattention suffisante au monde rural.
La route en trs mauvais tat, par suite des dernires pluies, tait envahie sur des
dizaines de kilomtres par des files continues de marcheurs, de cyclistes, de charrettes,
nos voitures tant curieusement les seuls engins mcaniques en circulation sur une
grande partie de notre parcours.
Dans les campagnes on ne connaissait que les forces animale et humaine ; lhomme,
la femme et lenfant portent, tirent ce quils peuvent, sans rencler.
A plusieurs reprises, nous avons vu des hommes et des femmes satteler la charrue
ou la charrette, un harnais pass autour de la poitrine, du ventre ou du front, pour
labourer la terre ou transporter des produits de toutes sortes.
Nous navons jamais vu autant de monde, en si peu de temps, et sur daussi courtes
distances, car pour les Chinois le plus grand bonheur est dtre ensemble.
325
En traversant les hameaux et les bourgs rouills par lhumidit ambiante, nous
navons pas vu de mouches, de chiens, de chats, de rats et de cafards.
Ils ont t limins sur ordre, ils ont disparu de la Chine , lana Li, malicieux.
Nous sommes arrivs Dayu, petite ville proche de lusine de grillage de concentr
de cobalt.
A lentre du village industriel, nous tions accueillis par une crmonie du th servi
par de jeunes et jolies filles, en prsence dun agent de la scurit publique intrigu par
notre visite, unique- semble-t-il- dans les annales de ce village isol.
Des groupes de gosses rieurs nous firent le sige, tonns de voir des longs nez
dans ces parages, loin des grandes villes.
Vous tes ce jour les seuls trangers visiter nos installations , dit Wang, pour
marquer lexcellence de nos relations et sa grande considration pour nous.
Ce qui nous avait surtout frapps en parcourant lusine, ctait lanarchique mlange
dateliers, de dpts, de magasins, de chanes de fabrication ou de traitement de
concentr de cobalt, de maisons ouvrires, de dortoirs, de champs de riz, de jardins
potagers, de bureaux administratifs.
Des cochons noirs fouillaient dans les rsidus, des canards, des oies et des enfants
erraient entre les hangars, proximit dnormes stocks darsenic.
Larsenic dgag au four lectrique tait envoy dans une unit de filtration tages
pour rcuprer 90% du produit, le reliquat tant achemin trs loin dans latmosphre
travers une conduite btonne termine par une chemine en butte apparente sur une
colline.
326
Aprs lusine, dans une auberge de Dayu, dans un environnement sordide, on nous
servit un merveilleux djeuner.
Entre Dayu Shaoguan, le mme paysage se droulait sous nos yeux bahis :
rizires, buffles, oies, canards, des milliers de personnes dans les champs, la Chine
millnaire toujours prsente, presque immobile.
Cela fait dire beaucoup dobservateurs que la Chine est le plus grand laboratoire de
changement social, conomique et politique de lHistoire.
Avant Shaoguan, nous avons visit le clbre site panoramique de Jinshui aux valles
boises, sommets aux formes bizarres, ponts de bois suspendus et centres destivage et
de dtente pour les nantis du rgime communiste.
Nous sommes arrivs Shaoguan en fin daprs midi, installs dans un htel au
centre ville, et accueillis par Long et Ren, reprsentants de la Shaoguan Yuebei Trust and
Trade Company, alors qu proximit, la salle des ftes, on clbrait un mariage grand
fracas de ptards et de danses folkloriques.
Le soir, nous fmes regroups autour dun dner pantagrulique dans un restaurant
rput, au milieu dune belle fort de pins.
Quittant nos htes, nous sommes alls avec Li en promenade Shaoguan, dans une
semi obscurit, travers les rues encombres o les petits commerces et les marchands
ambulants nous avaient submergs et noys dans la cacophonie des bruits et des cris, en
nous proposant des fruits, du th, ou en nous invitant dans les gargotes, dans une
atmosphre de moisi et dhumidit.
A Canton
Entre Shaoguan et Canton, nous nous sommes arrts au temple bouddhiste de
Nanhua visit dj en 1987 avec Chrif, objet dun effort de restauration, respectant ainsi
la foi de nombreux Chinois croyant de nouveau au dieu Rulaifu et la desse Pus Ha.
A la sortie du temple, nous avons quitt nos htes tenus de rebrousser chemin vers
Ganzhou, et comme dernire attention, Wang nous avait offert un carton de bananes et
de lychees pour apaiser notre faim en chemin.
A loccasion, nous avons insist sur la ncessit duvrer pour surmonter les
problmes lis aux livraisons des lots de concentr de cobalt, et propos quune mission
chinoise se rende sous quinzaine au Maroc pour finaliser et ractualiser le contrat labor
et conclu en 1987.
327
En route vers Canton, nous avons travers des zones de belles forts, des rizires,
des champs de colza, avec limpression que les paysages du nord et du centre de la Chine
se retrouvent lidentique au Sud, plus de deux mille kilomtres de distance.
Avec Li, nous avons discut de la dmographie en Chine pour mieux comprendre la
politique adopte par les autorits.
La population croissait encore plus vite que les prvisions affiches, mais moins
rapidement quhier, car dix ans de politique de lenfant unique avaient commenc
donner des rsultats, malgr les dissimulations nombreuses.
Au coin des rues des panneaux gants 4-2-1, signifiaient pour chaque Chinois
quatre grands parents, paternels et maternels, deux parents, pre et mre, et un enfant
unique.
A la campagne, un deuxime enfant se traduit par une lourde amende aux parents :
3.000 Yuans (environ 6.000DH), de quoi satisfaire les besoins alimentaires dune famille
pendant plusieurs annes , me signala Li.
Devant cette terrible et terrifiante situation, les autorits avaient quelque peu
attnu la rigueur de la loi sur lenfant unique en autorisant deux enfants, mais pas plus
quand le premier a le malheur dtre une fille.
Le mariage en Chine nest pas une libration pour la femme, lhomme npouse pas
une femme, il donne une belle fille son pre, mais surtout une servante sa mre .
Les mariages taient retards et les filles comme les garons ne pouvaient se marier
avant 23 et 25 ans respectivement.
Jai 28 ans, ma girl friend en a 20, je ne pourrais me marier que dans 3 ans au
minimum , dit Li, comme offusqu par une rglementation aussi inhumaine.
Je gagne 125 Yuans par mois (250 DH) ; je suis log par ma socit dans une pice
de 10m2 avec lavabo, pour un loyer symbolique de 3 Yuans (6 DH) ; la nourriture me
revient 60 Yuans (120 DH/mois) ; je dispose dun poste radio et la tlvision est
collective ; je possde une bicyclette pour me rendre mon travail, et je passe mes
moments de loisirs couter de la musique et discuter avec des amis ou flner dans
les parcs, car cela me cote rien .
328
Le chmage tait rapparu en Chine avec le dbut de lconomie de march, prne
encore timidement par le nouveau Timonier, Deng Xiao Ping, entranant la fermeture de
milliers de moyennes et petites entreprises.
Les paysans sans terre, fuyant les campagnes, venaient de loin chercher fortune dans
les grandes villes, jetant sur les chemins des millions de personnes incontrlables,
grossissant le lumpen proltariat des agglomrations urbaines.
Auparavant, recevoir un cadeau dun tranger, aussi maigre soit-il, tait reconnu
comme une personnalisation des relations rprouve par lancien systme ; aujourdhui,
on laccepte de bonne grce, des fois avec une gne simule.
Canton, grande mtropole du sud, avec ses grands palaces, ses banques et ses
centres commerciaux, proximit de Hong Kong et de Macao, aux antipodes de la Chine
aux champs inonds et paysans laborieux, est dj limage dun autre Empire du Milieu,
celui de demain.
Voil limage de la nouvelle Chine enregistre dans une bote disco, la plus huppe de
Canton, o les jeunes chinois imitaient Elvis Presley.
Au 10me jour, sous une chaleur torride, en compagnie de Li et dune jeune fille,
agent de la socit commerciale reprsentant Ganzhou Smelter, nous avons effectu un
tour de ville, dabord au friendship stores, puis au muse relatant les pisodes de la
dernire dynastie Han ayant rgn sur la rgion de Canton.
Sous une pluie diluvienne ayant paralys un moment la circulation urbaine, nous
avons t au port commercial pour voir de prs les moyens mis en uvre dans le
dbarquement des concentrs de cobalt en provenance du Maroc.
Le port, tout rcent, svrement gard par la police maritime, tait bien quip, sans
rupture de charge entre le bateau et le train acheminant les sacs de concentr par
palettes jusqu Shaoguan.
Des petits enfants nous avaient offert des cigarettes, pousss gentiment par leurs
parents enchants de lier connaissance avec des trangers.
329
consenti quelques largesses la caissire, sur incitation de Li, nous sommes partis en
trombe la Gare Centrale de Canton, avec nos bagages bien encombrants, pour prendre
le train de Hong Kong.
Nous avons eu tout juste le temps de pntrer dans un compartiment que le train
sbranlait, avec peu de monde bord.
Jusqu la priphrie de Hong Kong, le train traverse la Chine profonde, avec ses
routes encombres de charrettes tires par des hommes ou des femmes, surcharges de
sable, de charbon, de traverses de ciment, de briques soigneusement ranges, de foin, de
riz, de pastques et daubergines.
Dans les champs, on avait retrouv les mmes scnes et la mme intensit dans le
travail que trs loin au nord ouest.
Lentre dans les Nouveaux Territoires, lous par la Chine par bail emphytotique,
tait signale par des barrages de fil de fer barbels et des miradors sur les points hauts.
A Hong Kong
En gare de Kowloon, le train en provenance de Canton paraissait dsuet ct des
navettes ferroviaires ultramodernes assurant la liaison entre la colonie britannique et la
frontire chinoise.
Au poste de contrle des passeports larrive, nous fmes bloqus pendant plus
dune heure cause de mon passeport marocain nouveau format.
La police intrigue, mavait fait subir un interrogatoire serr, mais courtois, alors que
Mhamdi, muni de son ancien passeport, ne fut nullement inquit.
A bord dun minibus, aprs un dernier contrle de bagages, nous avons pris la
direction du Shangrila, htel de la mme chane qu Pkin, mais bien plus cher.
Dans les rues de Hong Kong crases de soleil, au milieu dune foule qui sentait
lOccident, nous navons pu dissiper une impression dtranget aprs dix jours dans la
Chine profonde des paysans, arrire mais rellement sympathique et attachante.
Ce sont des vampires qui gouvernent Pkin, ils sucent le sang de nos frres et
exploitent leur misre et leur dnuement ; Hong Kong va trembler en 1997 si les Rouges
ne samendent pas et ne modifient pas leur position , nous lana le chauffeur de taxi en
rponse ma question sur le devenir de lenclave sous domination britannique.
Cela ne lavait pas empch de nous soutirer 100 dollars de Hong Kong, pour une
course de moins de cinq minutes, exploitant notre mconnaissance des lieux.
330
Nous sommes alls djeuner dans une caftria toute proche pour nous replonger
dans latmosphre capitaliste.
Fini le rituel de laccueil des Chinois, ici time is money and money is over all.
Une activit daffaires fbrile incroyable se droulait Hong Kong, troisime place
financire du monde, assurant elle seule 40 % du commerce extrieur de la Chine
populaire qui ne lui achetait rien, mais par contre lui vendait des denres alimentaires,
source importante de devises fortes.
En dbut de soire, nous avons particip un tour en bus et en bateau dans les
nouveaux quartiers de la pninsule de Kowloon, sur les hauteurs de lle de Hong Kong,
avant de dner au quartier dAberdeen, bord dun ancien paquebot transform en
restaurant flottant ferique.
Nous avons admir de loin les villages flottants et visit des points dintrt, en
compagnie dune famille des Emirats Arabes Unis, dAmricains du Texas et de Corens de
Soul.
Au 12me jour, sous un soleil de plomb, nous avons fait du shopping prs de la
mosque finance par les Saoudiens, circul travers les rues commerantes, les
entrepts de gadgets, dlectronique, de magasins dart et de textiles o les Chinois de
souche taient concurrencs par des Indiens accuss de dumping et mal aims.
Dans cette importante plaque tournante de lconomie du sud est asiatique, les
habitants sefforaient de ne pas montrer dinquitude pour lhorizon 1997 et ils navaient
dautre choix que de verser dans loptimisme.
Pkin est prt traiter avec le diable, ds lors que celui-ci se montre patriote ,
fait-on dire Deng Xiao Ping, le numro un chinois.
- les nantis (quelques milliers) qui mettront leur fortune labri dans les banques
extrieures, mais maintiendront des intrts pour continuer bnficier des bonnes
affaires sur place, sans se soucier du rgime en place,
- le petit peuple (plus de cinq millions) dont une large partie avait fui la Chine
communiste et qui esprait que le rgime de Pkin se transformera en se libralisant au
fur et mesure de louverture de la Chine sur le monde.
De son ct, la Chine populaire veillait malgr les prmices dune ouverture, et
maintenait un contrle rigoureux des passages frontaliers terrestres ; plusieurs reprises
des tentatives dvasion se soldaient par de vritables hcatombes.
En dpit des dangers, le nombre des rfugis navait fait quaugmenter, le retour de
Hong Kong la mre patrie nayant pas dcourag les candidats lexode et le rgime de
Pkin tant toujours vilipend.
Macao, colonie portugaise, occupe depuis le 16e sicle, aprs sa rtrocession Pkin
dans peu de temps, suivra lexemple de Hong Kong avec maintien du rgime capitaliste
jusquen 2048.
331
En ce qui concerne Tawan la coriace, on considre que la runification ninterviendra
que lorsque la doctrine Un Etat, deux systmes aura fait ses preuves Hong Kong et
Macao ; en attendant, le Kuomingtang, parti nationaliste, prfre adopter la position du
Wait and see.
Mais les Chinois, en gnral, sont connus pour leur extraordinaire souplesse
trouver des solutions acceptables pour tous, et ils continuent penser que la Grande
Chine, Nouvel Empire du Milieu, doit se reformer aprs la rintgration de Hong Kong,
Macao et Tawan peupls de Chinois.
Aprs une journe caniculaire, nous avons quitt lhtel pour laroport, nos
nombreux bagages entasss dans un taxi.
Ce dernier, larrive laroport, avait trs vite embarqu un passager pour repartir
en trombe, sans dcharger une partie de mes bagages.
Dans le dsarroi, Mhamdi stait port volontaire pour repartir lhtel informer la
direction de cette dconvenue.
Vers 22 H 15, Mhamdi tait de retour, suivi dun responsable de lhtel layant
accompagn au service de police dclarer la perte de bagage, reprer le taxi et venir
minformer des mesures prises pour retrouver mes bagages et les envoyer au Maroc par
DHL, aussi vite que possible.
Effectivement, un mois aprs, javais reu mes affaires, mais avec des mdicaments
chinois retenus Hong Kong et plusieurs objets souvenirs casss.
A la hte, nous avons embarqu aprs un ultime blocage la police des frontires, de
nouveau intrigue par mon passeport.
Lavion avait fait escale Bahren laurore, puis Rome aprs le lever du soleil,
avant darriver Paris aprs un vol de plus de vingt heures.
A Roissy, Mhamdi fut son tour bloqu quelques instants, son visa pour la France
ayant expir.
Les Chinois qui se souviennent de la famine, sont de plus en plus rares et la plupart
ont limpression que la vie au dbut du 20 sicle, avait t profondment bouleverse
avec lvnement du socialisme,
La Chine entendait construire son destin son propre rythme, dans lautarcie pour
endiguer la pnurie de devises, ne souvrant au march extrieur que sous lemprise de la
ncessit, offrant limage dun pays en transition dans le domaine de la gestion
macroconomique, les forces du march jouant de plus en plus un rle significatif,
particulirement Pkin et les autres grandes villes.
332
Limpression qui prvalait, tait que la Chine cherchait dabord siniser tout
apport tranger comme elle lavait fait auparavant pour le bouddhisme en provenance de
lInde et pour le socialisme de cration occidentale.
Limpression qui demeure ineffaable pour nous, aprs un long priple de dix jours
travers une mince partie de la Chine profonde est dabord celle :
- dune Chine qui souvrait davantage aux trangers, malgr les craintes dun retour aux
annes 60, aprs la terrible rpression du printemps 1989, sveillant rapidement dans les
grandes cits comme Pkin et Canton, lentement mais srement dans les villes de
province et les campagnes,
- dune Chine rurale o les retombes de louverture extrieure ne se feront sentir que
bien plus tardivement, les conditions de vie et de travail demeurant prcaires et dures, les
moyens mis en uvre encore archaques,
- lagriculture pratique comme une deuxime nature, est et sera la raison de vivre et le
support sculaire de plusieurs centaines de millions de Chinois,
- le peuple chinois est celui qui a le plus grand sens et lesprit de la mutualit,
- dans les campagnes, la multitude chinoise continue tre organise en paix, dans
luniformit dune pauvret vcue et accepte par tous,
- la modicit du niveau de vie des masses rurales les met labri des fluctuations
erratiques de la partie volue du systme de production des villes, de la monte dune
gnration de jeunes cadres assoiffs de libert, entreprenante, vivant au rythme de son
poque mais peut tre moins probe que son ane,
- les rformes introduites dans le monde rural avaient certes permis une amlioration du
niveau de vie, mais leur mise en uvre se heurtait au ressentiment du paysan frustr de
toujours payer et peiner pour lEtat par les mcanismes du march et la dtermination
injuste des prix des produits agricoles,
- qui na pas lappui des forces armes et des millions de paysans, ne saurait prendre le
pouvoir ceux qui le dtiennent depuis 1949, aprs la Longue Marche ;
- les Chinois recherchent largent plus quauparavant, mais pour eux ce ntait toujours
pas lme de leur vie, les salaires tant tellement bas quil nous avait paru indcent de les
aborder ou den discuter avec nos htes,
333
- la Chine nous avait donn limpression dun pays sous dvelopp, dtenant des bombes
hydrogne, fabriquant des fuses intercontinentales et lanant des satellites artificiels,
- la Chine est devenue un monde qui souvre de plus en plus et dpasse la rvulsion
longtemps entretenue de tout ce qui est tranger,
- sans refuser totalement de se mettre au diapason et aux rythmes des autres, elle
prfre tout dabord siniser ce qui lui est propos pour mieux lintgrer, le digrer et
ladapter la socit,
- des masses importantes de Chinois ayant vcu longtemps sous la terreur, vivent encore
sous la pesanteur du souvenir,
334
Dans les provinces sahariennes
A Layoune
Aprs le retour de Chine en juin 1990, le Ministre Fettah mavait charg daller
Layoune donner une confrence sur le secteur minier axe sur les potentialits minires
dans les provinces sahariennes, et ce dans le cadre des activits de lAssociation
Culturelle El Wahda.
Il faut rappeler, quen raison de la situation politique qui prvalait, les provinces du
Sud navaient pas encore fait lobjet de programmes de recherches approfondies ou
dexploitation en dehors des phosphates de Boucra et de quelques tudes succinctes de
loccupant espagnol.
Loctroi de permis miniers ntant pas encore entr en vigueur, certains travaux de
prospection, de dcapages ou de recherche superficiels taient toujours placs sous la
surveillance des autorits militaires.
Au plan des ressources nergtiques, des indices de gaz ont t signals dans
certains des 140 forages raliss par les Espagnols.
Lenvoi par la suite dune mission Madrid pour rcuprer les documents stait
sold dabord par une fin de non recevoir, puis par la suite par la livraison de quelques
documents dimportance secondaire.
A Guelta Zemmour
Le dimanche, sans vol de retour sur Casablanca, en compagnie du dlgu du
Ministre Layoune, Labid, nous sommes alls rendre visite au Colonel Kejji,
responsable militaire du secteur de Guelta Zemmour, proche de la frontire
mauritanienne.
335
Nous nous sommes rendus ensuite ltang bleu (Guelta) ayant donn son nom la
localit, o leau douce est toujours disponible pour abreuver les rares troupeaux de
chameaux et de caprins.
Sur le chemin du mur de dfense, nous nous sommes arrts aux forages deau
destins approvisionner les troupes, raliss par les quipes du BRPM durant la priode
difficile de rcupration des provinces du Sud.
Nous avons pntr dans les casemates o vivaient les valeureux soldats,
dtermins, attendant de pied ferme les harclements et les attaques du Polisario.
Le Colonel Kejji, brillant officier suprieur des FAR, homme dordre et de discipline,
lment plein de fougue et de dtermination, fin technicien de la guerre du dsert et
grand connaisseur des provinces sahariennes pour y avoir exerc depuis la Marche Verte,
avait su avec efficacit, stopper les incursions du Polisario, en matrisant le terrain, en
employant les armes appropries pour infliger de trs lourdes pertes ladversaire.
Le terrain nous appartient, le Polisario a subi de terribles revers, aprs avoir cru un
temps quil pouvait mettre genoux notre arme ; nous savons quici nous combattons
une coalition, mene par lAlgrie ; le Polisario est une fiction et sans lappui algrien, il
irait se fondre dans les sables du dsert, et on nen parlerait plus jamais , nous dit le
Colonel Kejji.
Le Polisario navait effectivement pas donn signe de vie depuis plus dun an, se
contentant de parader dans les environs de Tindouf et dentretenir la fiction dun Etat
croupion, la solde de ses supports algriens.
336
Un Ministre fru de communication
A la fin du mois de juillet 1990, Fettah nomm Directeur Gnral de lOCP en
remplacement de linamovible Karim Lamrani, tait remplac au Ministre de lEnergie et
des Mines par Alaoui Mdaghri, Secrtaire dEtat charg des Affaires du Maghreb au
Ministre des Affaires Etrangres et de la Coopration.
Ds les premiers jours, nous avons vcu le conflit du Golfe, dans nos bureaux,
emmitoufls dans nos sacs de couchage, pour suivre les pripties des prparatifs de la
guerre contre Saddam Hussein, et leurs implications sur lapprovisionnement en
hydrocarbures du monde en gnral et du Maroc en particulier.
Ds lors, le nouveau contact avec Alaoui fut amical, et la prennit de notre action
la Direction des Mines, assure.
Sans occulter, outre mesure, les nombreuses ralisations des ministres qui lavaient
prcd, le nouveau responsable annonait la constitution au sein des Directions
dquipes cohrentes, travaillant dans un cadre de srnit, de confiance, de synergie et
de synchronisation des efforts.
Ainsi, peu de temps aprs son installation, Alaoui, grand adepte de la communication
interne et du travail en quipe, avait tenu organiser des week end de rflexion au profit
des cadres du Ministre.
Une premire manifestation, unique dans les annales du Dpartement, au Centre des
uvres Sociales de lONE Marrakech, avait donn loccasion aux participants, dans un
environnement convivial, dcontract et amical, de mieux se connatre, communiquer
et dbattre pour apprhender et solutionner les problmes.
Cette approche permettait denregistrer, in fine, quun cadre performant dans son
domaine, peut ne pas ltre dans un milieu o la culture de la communication et du
relationnel est absente ou inexistante.
Le Ministre aprs avoir lanc le mouvement, nous laissa organiser les dbats en
conclave amical et dcontract. au cours dune deuxime rencontre organise lHtel
Samir Mohammedia. Coachs par deux minents professeurs de lISCAE, Drissi et
Gharnaout, la deuxime runion avait port sur le travail en groupe, pour inciter les
cadres apprcier, valuer et rsoudre les problmes dans la srnit et lamiti. La
troisime runion eut pour cadre le club Naphta de la Socit Nationale des Produits
Ptroliers et eut galement beaucoup de retentissement.
337
Au pays de lApartheid
Lide dun voyage en Afrique du Sud avait pris naissance aprs le Congrs
Gologique International Washington en 1989, auquel avait particip Bensad, Directeur
de la Gologie, et au cours duquel une invitation fut adresse aux Directeurs de la
Gologie et des Mines du Maroc par le Docteur Frick, Directeur Gnral du Geological
Survey of South Africa.
Amplifis sans relche par les tlvisions, les vnements laissaient supposer un
pays compltement feu et sang, avec son cortge quotidien dassassinats et de
massacres interethniques, sous le regard condescendant de la minorit blanche.
Par suite de linexistence de relations officielles entre lAfrique du Sud et le Maroc, les
autorits sud africaines, travers leur Ambassade en France, nous avaient dlivr les
visas et les titres de transport de Paris Johannesburg.
Les grandes villes sont par ordre dcroissant : Johannesburg, Le Cap, Durban, Port
Elizabeth, East London et Richards Bay.
Du point de vue historique, les populations autochtones furent refoules par les
Bochimans au 11e sicle, puis par les Bantous au 15e sicle.
338
Britanniques en 1877, commenaient les rvolutions contre les Anglais avec la cration de
rpubliques autonomes ou indpendantes, domines par les Boers.
Il faut rappeler que les Boers, ayant fui lEurope au dbut du 17e sicle pour coloniser
de lAfrique australe, habitaient le Transvaal et lOrange.
En 1884, la dcouverte des premires mines dor fut lorigine des heurts dintrts
entre Anglais et Boers qui se poursuivirent jusquen 1902, anne de la dfaite de ces
derniers, aprs des luttes opinitres, menes par Kruger, fondateur du Transvaal en 1852
et chantre et organisateur de la rsistance aux Anglais.
En 1910 fut cre lUnion Sud Africaine, regroupant les Etats du Cap, du Natal, du
Transvaal et dOrange, membres du Commonwealth britannique.
En 1913 furent adoptes les premires lois dApartheid, renforces en 1948 par des
mesures sgrgationnistes, aprs larrive au pouvoir du Parti National.
LAfrique du Sud, connue pour ses fabuleuses richesses minrales et ses normes
potentialits en or, diamant, chrome, fer, fait partie des grands pays ayant mis en uvre
des technologies de pointe en matire de recherche, dexploitation et de valorisation
minires.
A Pretoria
Imprgns de ces lments dhistoire, de gographie et dconomie, nous sommes
partis le 11 Aot 1990 de Rabat, pour embarquer le mme jour de laroport de Roissy
dans lavion dUTA (Vol UT 335), en partance pour Johannesburg, via Nice et Kinshasa.
Les conditions de vol furent excellentes, et notre arrive Johannesburg, eut lieu
comme prvu le lendemain matin 11H20, aprs le survol du Nord Est de lAfrique du Sud
avec ses grands espaces dnuds et secs en priode dhiver austral.
339
Aprs un accueil trs sympathique et notre installation au Burgers Park Hotel, en
plein centre de Pretoria, nous avons quitt Dr Frick en fixant avec lui de nous retrouver
15 H pour effectuer un premier tour de ville.
Quelle est linflation au Maroc, nous demanda curieusement le valet noir de lhtel,
aprs nous avoir accompagns dans nos chambres confortables.
Le btiment construit en 1950 sur une des hauteurs dominant Pretoria (du nom de
Pretorius, fondateur de la Rpublique dOrange), tait envahi par une foule
essentiellement doriginaire europenne, les autres habitants noirs, indiens ou mtis
fuyant ce haut lieu de la sgrgation raciale et de la suprmatie des Blancs.
Aprs, ce fut le tour dun petit muse amnag dans une vieille et superbe demeure
du dbut du 19e sicle ayant appartenu une notabilit, avec son mobilier et son
quipement dpoque encore intacts.
L, fut signe la paix entre les Boers vaincus et le colonisateur anglais, reprsent
par le Gnral Kitchener.
Dans les ddales des annexes du Palais, nous avons rencontr des familles de
musulmans sud africains dorigine indienne, venues durant le week end contempler les
hauts lieux du pouvoir blanc, raciste.
Pretoria, occupant le fond des valles et des contreforts boiss, tait une
agglomration are et verdoyante de plus dun millions dhabitants, capitale du
Transvaal, sige du Gouvernement dAfrique du Sud, grand centre universitaire, nud
ferroviaire et centre dindustries mtallurgiques proches des grandes mines dor, de
diamant et de charbon.
Par la suite, nous avons circul travers les quartiers rsidentiels, aux superbes
villas et cottages entours de vastes jardins fleuris, habits par les Blancs, avant de
dambuler dans le campus universitaire rappelant Oxford et Cambridge.
A travers nos discussions avec Dr Frick, dun calme olympien, nous avons retenu que
lex Union Sud Africaine, membre du Commonwealth jusquen 1961, stait rige en
rpublique indpendante pour chapper la tutelle britannique pesante et pour mieux
mettre en application la politique dApartheid.
Ds le premier jour, nous avons remarqu, non sans tonnement, que les Noirs
rencontrs ne transpiraient pas la misre, malgr un cart important et manifeste entre
les deux communauts qui semblaient signorer totalement.
340
La situation des Noirs samliore avec une meilleure ducation, une formation plus
adapte et un niveau de vie plus dcent , avait poursuivi Dr Frick.
Aprs dner, nous avons effectu une longue promenade travers les rues dsertes
de Pretoria, sous un temps clment de lhiver austral (15C), et circul librement sans
prouver la moindre suffocation ou gne.
Pretoria avec ses larges avenues, ses centres commerciaux, ses banques, rappelle
une ville amricaine, avec toutefois une circulation fluide, peu de cafs, de restaurants et
une seule bote disco attirant la jeunesse dore de la capitale, venue ingurgiter
calmement des pintes de bire.
Au deuxime jour, un chauffeur lallure cow boy tait venu nous conduire au
Geological Survey lextrieur de Pretoria.
Au passage, nous avons crois de longues files de Noirs pied, rejoignant leur lieu de
travail alors que tous les Blancs, sans exception, sy rendaient en voiture.
A lentre, nous tions accueillis par des htesses blanches avec beaucoup de
considration, sous lil satisfait et attendri du Dr Frick.
Aprs une courte entrevue de bienvenue, une longue runion, en prsence de tous
les directeurs du Geological Survey, nous avait permis dchanger nos ides et nos
opinions respectives sur la recherche minire, la cartographie gologique et les axes de
coopration possibles entre le Nord et le Sud de lAfrique.
En dbut daprs midi, nous avons visit le centre dlaboration des cartes par
traitement informatique, o des techniciens noirs taient intgrs aux quipes.
341
Laissant Bensad ses prgrinations gologiques, javais rendu visite, en compagnie
du Dr Frick, aux responsables du Bureau of Mines install dans un immeuble proximit
de Burgers Park Hotel.
Je fus accueilli par le Directeur Gnral Rath (bras dans le pltre suite un accident
de circulation) dsol de navoir pas t inform de notre sjour en Afrique du Sud pour
organiser des runions et rencontres dintrt avec ses services.
Ensemble, avec ses collaborateurs, nous avons fait un tour dhorizon de lactivit
minire en Afrique du Sud et chang des informations sur nos deux pays, retenant, pour
ma part, que lEtat intervenait peu dans le secteur minier, laissant le soin et la latitude
aux oprateurs dagir dans le cadre du Mining Act.
Le secteur minier employait 745.000 personnes dont 520.000 dans les mines dor,
105.000 dans les mines de charbon et 120.000 dans les autres secteurs miniers, et versait
plus de 3,5 Milliards de dollars de salaires.
Javais quitt le Bureau of Mines, impressionn par les fabuleuses richesses minires
de lAfrique du Sud, rellement vritable scandale gologique et minier.
Aprs une journe trs enrichissante, et comme la veille, aprs un dner lhtel,
nous avons longuement march dans les rues de Pretoria, toujours dsertes et sans la
moindre crainte, alors qu la tlvision, un dbat anim avait regroup autour de
Mandela des journalistes blancs.
Les bus, les trains et les plages accueillaient les diffrentes classes (Blancs, Mtis,
Indiens, Noirs) et dans les Grey districts, les Noirs et Blancs cohabitaient.
Les inquisiteurs semblaient occulter une situation explosive, attise par et les
extrmistes et les jusquau boutistes, adeptes de la terre brle et confronts au
puissant mouvement nationaliste de lANC, rappelant sous certains aspects les tristes
moments de lOAS des annes soixante deux en Algrie.
342
A ct des extrmistes, existait une masse de Blancs, qui sans tre forcment
hostiles aux ncessaires et inluctables changements, craignaient la rorganisation de
lconomie et de la socit dans un sens dirigiste.
L Afrique du Sud a reu ces dernires annes des milliers de Blancs parmi les plus
ractionnaires du sud du continent (Portugais de lAngola et du Mozambique,
Britanniques du Zimbabwe), susceptibles dtre rejoints par des Europens de lEst qui ne
brilleront pas non plus par leur tolrance et leur progressisme , nous dit Dr Frick, trs
laise dans ces affirmations.
Malgr lexistence dun foss norme entre les systmes ducatifs respectifs, la
prsence dune importante communaut blanche pouvait tre un lment positif pour le
pays condition quelle volue vers un systme de symbiose et de vie en bonne
intelligence avec la grande majorit noire.
Dans les coles noires le niveau tait trs bas, et lorsque les lves parvenaient
luniversit, ils taient victimes dun handicap et dune insuffisance linguistique.
Le problme ntant pas de droit, mais de fait, il fallait, pour viter les drapages,
lever le niveau des coles noires et assurer la mixit des tablissements blancs, tout en
favorisant une redistribution du capital de manire quitable entre Blancs, Indiens, Mtis
et Noirs, pour rduire le gap entre les communauts.
Le Gouvernement sud africain stait engag sur la voie des rformes parce que
certains secteurs de lconomie souffraient du boycott des pays occidentaux, et Mandela,
pour sa part, avait renonc la lutte arme en sengageant dans la voie dune remise en
cause progressive des slogans de lANC.
Aprs une pause caf et une prsentation des maquettes du gisement par le
gologue en chef, nous avons effectu une descente 3.700m de profondeur o rgnait
une atmosphre normale (22) grce de puissants moyens de ventilation.
Les rserves vue assuraient une vie de 20 ans, pouvant tre prolonge si laval des
travaux en cours de reconnaissance -4.000m, se rvlait positif.
343
Le minerai tait abattu par dpilages en chambres magasins pentes avec
boulonnage et boisage systmatiques, le dblocage la base des chambres tant assur
par scrapage.
Lencadrement suprieur et moyen tait assur par des Blancs, les cadres
subalternes de grande valeur professionnelle, tant des Noirs.
En Afrique du Sud, dans les mines dor, la puissance lectrique pour larage tait de
950 MW soit 50% de la puissance totale installe au Maroc en 1988.
A notre demande, nous avons visit un camp de travailleurs noirs pour mieux
apprcier les effets pernicieux des lois racistes.
Nous avons circul longuement travers les rfectoires, les foyers, les blocs
dhabitations pour clibataires et pour maris, sous la conduite dun Blanc responsable du
service des ressources humaines, enchant de nous voir intresss par le ct social de
lentreprise.
Nous avons remarqu non seulement la diversit des ethnies, mais aussi la
sparation entretenue en soubassement par les Blancs, dsireux de ne pas affronter les
problmes de masse.
Seuls les Noirs sud africains avaient le droit de faire partie des unions, syndicats de
mtiers, vivant en entits tribales spares.
Les salaires verss, variaient de 1.000 2.000 rands (3.000 6.000DH/mois) avec en
plus les avantages en nature (nourriture et logement gratuits).
Nous fmes impressionns par le niveau social des mines dor sud africaines
imagines abusivement comme des tueuses et centres de traite douvriers noirs.
Nous avons djeun au Club pour Blancs, install parmi les rsidences des cadres
blancs, dans un environnement de gazons et de parterres de fleurs, enfoui lombre des
platanes et des eucalyptus.
Aprs des discussions franches et amicales, nous avons senti et peru une volution
des esprits des Blancs vis vis des Noirs.
344
Seules comptent la sensibilisation et la motivation des gens, quelle que soit la
couleur de leur peau , me dit le responsable des ressources humaines.
Nous tions de retour lhtel Pretoria vers 17 H, aprs avoir long sur notre
chemin, la mythique Soweto (South ouest townships), centre la lisire de
Johannesburg, immense agglomration denviron 2,5 millions dhabitants, compose de
bidonvilles sordides et de quartiers rsidentiels habits par la grande bourgeoisie noire.
Mandela, un nanti de la race noire roulant en voiture de luxe, sans fins de mois
difficiles, habite dans une maison luxueuse visible au loin,, nous lana notre
accompagnateur, ingnieur du Geological Survey.
Au 4e jour, notre programme de visite nous mena dans une mine de charbon
Middelburg 140 km lEst de Pretoria, en compagnie de Snowdon, gologue barbu
fumant la pipe, responsable dun bureau dingnieurs conseils, install pour son compte
Johannesburg et grand connaisseur des problmes des mines de charbon pour y avoir trs
longtemps exerc.
Nous avons assist un impressionnant tir de grande vole pour un tonnage de plus
de 100.000 tonnes de charbon.
La mine employait 2.000 personnes, toutes de nationalit sud africaine, dont une
grande partie issue des rgions 150 km la ronde, contrairement aux mines dor
345
employant surtout des expatris des pays limitrophes (notamment du Swaziland,
Botswana et Lesotho).
Les salaires verss aux mineurs variaient entre 1.500 et 1.800 rands (soit
lquivalent de 4.500 5.400 dirhams).
A notre demande, comme la mine dor de Driefontein, nous avons visit les
installations sociales du village de Naledi o le personnel noir disposait de logements
confortables et dinstallations rcratives remarquables ; les Blancs, pour leur part,
taient logs part en ville, Middelburg.
A la mine, les relations entre Blancs et Noirs nous avaient sembl sur la voie de la
normalisation progressive.
Nous avons chang nos points de vue sur les techniques minires mises en uvre
dans nos deux pays et sur lavenir du charbon.
La conclusion tait que le charbon continuera occuper une place de choix dans le
panier nergtique mondial.
Nous avons enregistr avec fiert lexcellente apprciation de notre pays dans cette
partie de lAfrique dveloppe.
Le Maroc est un Etat de vieille histoire, srieux, travailleur, que nous respectons et
avec lequel nous souhaiterions cooprer , me lana un de nos htes fort attentif tout
ce que nous disions.
Nous avons quitt nos htes en les remerciant de leur accueil, impressionns par le
dveloppement formidable des mines de charbon en Afrique du Sud, en avance
technologique certaine sur celles de lEurope et du Nouveau Monde.
En fin daprs midi, sur le chemin du retour, nous avons travers une zone de
gigantesques centrales lectriques charbon, de puissances variant de 3.000 4.000
MW, presque le double du potentiel nergtique du Maroc en 1989.
Snowdon qui nous conduisait dans sa rutilante Mercedes, rpondait nos questions
avec toute sa bonhomie et sa dcontraction de gologue.
346
Snowdon, dorigine cossaise, vilipendait Mandela et le considrait comme le Grand
Satan de lAfrique du Sud.
LANC peut aujourdhui prendre le pouvoir car les Blancs ont peur de tout perdre
dans lincertitude de lavenir .
Tel fut le sentiment travers les tables rondes organises la tlvision chaque soir,
que nous avons suivies avec dlectation, comme tous les clients de lHtel Burger Park,
noirs et blancs, venus apprcier la qualit des mets et du service prvenant, assur
conjointement par de jeunes Noirs et Blancs.
Cette mine tire son nom du prospecteur Cullinan dcouvreur en 1902 du gisement
diamantifre de Premier Mine, constitu du plus important pipe de kimberlite dAfrique
(900m de long, 450m de large, 400m denracinement et 32 hectares de superficie).
A Premier Mine, en 1905, fut trouv le plus gros diamant du monde (3.106 carats),
dont une partie orne le diadme de la Reine dAngleterre.
Premier Mine est aussi connue par ses diamants bleus semi conducteurs, avec
traces daluminium.
Aprs avoir extrait en dcouverte 280 millions de tonnes de minerai, la mine est
passe en souterrain en 1946, pour produire 7 millions de tonnes de minerai et 2,5
millions de carats par an.
Sur un effectif de 1.900 personnes, 1.400 taient affectes au fond, encadres par 18
ingnieurs blancs, les ouvriers et les techniciens subalternes tant noirs.
347
La production mondiale (100 millions de carats/an) provenait essentiellement
dAustralie, du Zare, du Botswana, dURSS, et dAfrique du Sud.
40% des diamants taient des placements bancaires, 40% usages industriels et
20% allaient la joaillerie.
Les Noirs peuvent venir travailler en ville comme boys, jardiniers ou femmes de
mnage, le soir ils doivent regagner leurs townships , nous dit, avec une pointe
darrogance, Wurst, afrikaner typique, raciste jusquau bout des ongles.
Sur notre chemin, nous avons observ plusieurs feux de forts et des brlis.
Ce sont les Noirs qui sont responsables de ces feux , avait poursuivi Wurst pour
accabler encore davantage les gens de couleur.
Nous sommes passs dans une zone de hauteurs tabulaires intriguant la curiosit de
Bensad, puis proximit des mines de fer de Mapoch (du nom de lethnie zoulou de la
rgion) o taient exploites, ciel ouvert, des couches de magntite, source
dapprovisionnement de la grande acirie de Wittbank.
348
Nous avons dn tranquillement au foyer de la rsidence, servis par un personnel noir
en livre et trs prvenant.
Au 6e jour, nous avons visit une usine de ferrochrome, accueillis avec beaucoup de
chaleur et de prvenance par lhtesse confondue en excuses pour navoir pas install un
drapeau marocain en signe de bienvenue.
Le ferrochrome, aprs la fusion et la coule dans des fours arc de 30 MVA, est
refroidi, concass et tamis pour rpondre aux spcifications des clients.
Le produit marchand tait achemin par train jusqu Durban et Richards Bay sur la
cte de lOcan Indien pour tre export en Europe et au Japon et utilis dans la
fabrication des aciers inoxydables.
LAfrique du Sud, dont les rserves sont estimes plus de mille ans, la cadence de
300.000T/an, produisait les 3/4 de la consommation mondiale.
En quittant lusine sous lil surpris et intrigu dun groupe de Blancs, nous avons
marqu une pause pour examiner les cartes gologiques du secteur.
Quittant Steelport, nous sommes entrs en territoire Lebova, home land noir, avec
ses cases en tles ondules, ses villages dlabrs proximit des champs de coton et de
bl arross par pivots gants.
Aprs nous tre ravitaills au magasin de Burgerport tenu par une femme blanche
agressive, nous avons poursuivi notre tourne en nous arrtant prs des mines de chrome
de Tweefontein, de platine et de vanadium de Kennedy Vaal.
Nous avons djeun au bord dune rivire, proximit dun site gologique protg,
caractris par le contact de la minralisation chrome avec lanorthose.
A quelques coudes le ronde, nous avions sous nos yeux lincommensurable effort
de recherche et dexploitation dploy dans cette zone pour mettre en valeur des
gisements mtalliques et des gisements de substances utiles (calcite, magnsite)
dcouverts par des colons blancs au cours de leur longue rue (Trek) en direction de lEst
vers la frontire mozambicaine.
Cest une rgion minire unique au monde ; ses potentialits sont immenses et
nous ne faisons que les effleurer , sexclama Wurst avec fiert.
Nous avons visit ensuite un gisement de magntite avec une grande concentration
de vanadium, prospect par lAnglo-American, prs du home land noir de Sekukine, sans
eau, sans lectricit, fait de maisons basses en tles galvanises.
Ils nont pas dlectricit parce quils ne paient pas ; il est difficile de cohabiter
dans lanarchie avec des Noirs qui se reproduisent comme des lapins, qui veulent nous
prendre nos hpitaux, nos coles, nos plages, nos villes, nos magasins et qui clament
349
quils destinent une balle chaque colon blanc , expliqua Wurst sa manire, sous lil
imperturbable de Dr Hammersbeck, rserv et prudent dans ses jugements sur les
rapports entre Blancs et Noirs.
Lavenir de lAfrique du Sud appartient tous ses habitants, mais il nest pas
prudent de brler les tapes ; lducation et la formation des Noirs sont prioritaires, avec
le respect de leurs coutumes et de leur way of life , rpliqua Dr Hammersbeck, avec
beaucoup de calme et dassurance.
De retour Pretoria
En fin daprs midi, nous sommes arrivs Pretoria au Burger Park Hotel o
affluaient des couples noirs lgamment vtus, sans complexe, voluant parmi les
nombreux Blancs venus en groupes dner tranquillement, sans ostracisme apparent.
Comme laccoutume, nous avons effectu une longue marche travers Pretoria
by night, sans remarquer la moindre animosit raciale.
Au 7e et dernier jour, Dr Frick tait venu nous chercher pour nous conduire dans sa
superbe villa en briques rouges, entoure dun magnifique et grand jardin, jouxtant la
demeure de larchevque noir Desmond Tutu, Prix Nobel de la Paix.
Disposant dun moment de rpit, nous avons t aux centres commerciaux o des
groupes de jeunes musiciens se produisaient en plein air au bord dun norme plan deau
amnag pour la voile, dans une ambiance de fte nord amricaine.
Par ci, par l, on avait not danciens terrils et des tours dextraction, vestiges des
anciennes exploitations dor de la fin du 19e sicle, base de lessor conomique
remarquable du Witwatersrand.
En voulant aller Soweto, nous fmes dissuads par un Blanc arm dun fusil de
chasse et post sur les hauteurs dominant les townships.
Soweto est feu et sang, ne vous y aventurez pas, cest trop risqu , dit-il.
350
Des familles noires taient venues se rfugier au down town de Johannesburg,
occupant les trottoirs et fuyant Soweto o les Zoulous, sortant de leurs hostels,
attaquaient les membres de lANC.
Le massacre ne cessera pas tant quil ny a pas de pourparlers directs entre les
leaders des fractions noires rivales, Zoulous et Xhosa, car la violence appelle la violence ,
dit Dr Frick, quelque peu dpit par les vnements.
Avant de rejoindre laroport, nous avons travers les quartiers portugais construits
par danciens colons du Mozambique, venus trouver asile et fortune dans cet eldorado de
lAfrique, apportant une note latine et mditerranenne lenvironnement anglo-saxon.
A laroport Jan Smuts, nous avons tenu inviter Dr Frick venir au Maroc, avec
lespoir que nos relations se normaliseront rapidement et que la disparition inexorable de
lApartheid permettra la participation des Noirs et des Blancs au dveloppement de
lAfrique du Sud.
Nous avons embarqu sans problme, bnficiant mme dun traitement de faveur
bord de lavion de la South African Airways.
Le voyage nous avait rellement combls, car il fait partie de ces missions
recherches et envies, particulirement par les gologues et les mineurs.
-lAfrique du Sud est rellement un scandale gologique et minier, non seulement par
la diversit de ses ressources minires, mais aussi par limportance des rserves en place,
assurant plusieurs dcennies de consommation en minerais stratgiques et prcieux,
- parmi les Blancs, mergeait chaque jour davantage, une classe consciente des vrais
problmes et de la ncessit dune volution de la situation, continue, progressive, mais
ordonne,
- Mandela, De Klerk et Buthelezi, semblaient tre les otages de leurs ouailles agites
constamment par de profondes et sanglantes convulsions,
351
Des mouvements sociaux
Dans les mines
A Paris, aprs le priple en Afrique du Sud, javais retrouv ma femme et mon fils de
retour de Londres, pour aller ensemble passer une semaine de vacances Pine, dans la
rgion de Hanovre en Basse Saxe, linvitation de notre ami, Rudolph, ingnieur et un de
mes anciens collaborateurs au Service des Travaux de Recherches Minires au BRPM,
mari une Marocaine de Khemisset.
Nous avons apprci lhospitalit de nos htes et dcouvert une Allemagne runifie,
en plein dveloppement, organise et sre delle-mme aprs la dbandade du systme
communiste en Europe de lEst.
Durant notre sjour, nous avons t Berlin, sur la Spree, occupe conjointement
par les Allis aprs la Seconde Guerre Mondiale.
Nous avons profit de notre passage pour aller visiter les travaux denfouissement de
dchets radioactifs dans une ancienne mine de sel prs de Helmstedt, raliss par lOffice
Fdral de recherches gologiques, et nous avons apprci les mesures prises pour ne pas
polluer les nappes aquifres de la rgion.
Nous avons rejoint Paris par train de Hanovre, en traversant les grands centres
industriels de la Ruhr o stait construit un des plus grands complexes industriels du
monde (sidrurgie, chimie, cimenteries) prs des grandes villes de Essen, Dsseldorf,
Dortmund et Duisburg.
A loccasion de cette mission, nous avons visit le mythique sige du LME dans la City
capitale de la finance et du commerce internationaux.
Londres mavait paru triste en automne et surtout trs chre en considrant les prix
pratiqus par les htels et les restaurants de niveau moyen.
352
La fin de lanne 199O fut marque par de nombreux mouvements sociaux dans les
principaux centres miniers, accompagns dune campagne de dnigrement engage
contre le secteur minier par certains mdias et les centrales syndicales.
Le Ministre Alaoui avait ragi par des interventions au Parlement, des runions de
communication de clarification au Ministre, et en dfendant, au cours dune confrence-
dbat au sige de la province de Taroudant, la politique de son dpartement, soumise au
feu roulant des dputs de lopposition de gauche.
Adepte du contact direct pour apprcier la situation, loin des joutes oratoires la
Chambre des Reprsentants et des interventions enflammes des dputs reprsentant
les travailleurs, le Ministre stait rendu ensuite la cit minire de Tinerhir, aux mines
dImiter et de Bleda, la dlgation dOuarzazate, la mine de Hajar, au centre
phosphatier de Bengurir, au complexe chimique de Jorf Lasfar et lexploitation de Sel
Mohammedia.
Ainsi, Imiter, une longue grve dclenche solidairement par les personnels affilis
la Confdration Dmocratique du Travail et lUnion Gnrale des Travailleurs
Marocains, avait paralys la production durant une longue priode.
Concernant lOCP, des runions avec les syndicats CDT et UGTM avaient examin les
relations avec lOffice, suivies dun dplacement Casablanca pour rencontrer les
responsables en vue de mettre fin la grve dans les exploitations.
Mais lOCP carta tout dialogue direct avec les syndicats, sen remettant aux
commissions du statut du mineur, seules habilites lgalement examiner les diffrends
entre le personnel et lemployeur.
353
Dans lensemble du secteur minier, la grve gnrale que beaucoup apprhendaient
avec un souci majeur, avait t suivie par 15% des effectifs, avec toutefois des taux
relativement levs, respectivement de 49% et 72% Khouribga (phosphate) et Jrada
(charbon).
Les prmices dune mauvaise rcolte agricole par suite de linsuffisance des
prcipitations et le chmage endmique important, surtout parmi les jeunes, taient
annonciateurs dune priode peu reluisante de la vie de notre pays.
Lanne 1990 stait acheve par les classiques empoignades et les envoles
enflammes et dmagogiques des parlementaires, relativement au projet de budget du
Dpartement pour lexercice 1991.
Lanne 1991 avait dmarr avec la crise au Moyen Orient et les prparatifs des
coaliss pour abattre le rgime de Saddam Hussein aprs linvasion du Kowet par larme
irakienne en aot 1990.
Continuellement, tous les jours, le monde tait assailli par des informations de toutes
parts et de tous acabits qui concouraient toutes vers une terrible issue du conflit avec
lIrak, avec sa cohorte de malheurs, de milliers de morts et de destructions massives sur
le sol irakien.
354
Au Pays des Hommes Intgres :
Le Burkina Faso
Rpondant linvitation du Secrtaire Excutif de la Commission Economique pour
lAfrique des Nations Unies (CEA), et sur incitation rcurrente du Ministre des Affaires
Etrangres, javais effectu en priode de Ramadan, une mission au Burkina Faso pour
participer la runion consacre lexamen des politiques de mise en valeur des
ressources minrales et de lenvironnement en Afrique.
***
Le Burkina Faso, ancienne Haute Volta, stendant sur 274.000 km2, est un vaste
plateau cristallin (300m daltitude moyenne avec de rares point hauts ne dpassant
700m), domaine de la savane et de la steppe aux hautes herbes, encore peuples de lions,
girafes et lphants.
Le sud est arros par les fleuves Volta Noire, Volta Rouge et Volta Blanche qui se
dversent dans le Golfe de Guine.
Les grandes villes sont : Ouagadougou, capitale (plus de 600.000 habitants), Bobo
Dioulasso et Koudougou.
Historiquement, le Burkina Faso avait fait partie du grand empire Mossi fond au 13e
sicle autour d'Ouagadougou et Yatenga.
En 1898, les Franais dj installs sur les ctes du Golfe de Guine, dans leur
avance vers lintrieur du continent, ont occup Bobo Dioulasso aprs avoir vaincu le
grand empereur malink, Samory Tour.
De nombreux coups dEtat foments par les militaires (Lamizana, Zerbo, Sankara,
Compaor) avaient perturb la vie de ce pays charnire et enclav de lAfrique de lOuest.
Lhomme fort du pays, Compaor, discret, dont les portraits taient peu visibles
Ouagadougou, contrastait avec ses pairs en Afrique de lOuest.
La mission avait dbut le samedi 23 Mars 1991 avec le transit par Paris o Saint Gal
de Pons, chef du projet minier PNUD au Burkina Faso, ancien gologue au BRPM, tait
venu avec ses enfants me rendre visite lHtel Mridien Montparnasse pour minformer
355
du programme quil a organis spcialement pour nous, en marge da la confrence
ministrielle Ouagadougou.
Le tonitruant Matre Vergs, reconnu par une htesse dAir Afrique, eut droit un
traitement de faveur alors quun haut fonctionnaire du Fonds Montaire International
(FMI), dorigine malienne faisait du coude pour accder au guichet.
Je ne double pas en file, je viens des USA o on ne double jamais , sexclama t-il
en ignorant la file, sous les regards berlus des autres passagers.
Avec deux heures de retard, le DC10 dAir Afrique avait dcoll pour Abidjan et
Ouagadougou o nous sommes arrivs juste avant la tombe de la nuit, sous un temps
chaud, en priode de saison sche au Sahel.
Berrada, charg de la coopration la Direction des Mines, qui mavait prcd pour
participer aux sessions techniques, et le comit daccueil burkinab taient au bas de la
passerelle pour maccompagner au salon dhonneur puis lHtel Silimandi lextrieur
de la ville, envahi par des confrenciers europens.
A Ouagadougou
Avec Berrada, au centre ville, nous avons dn au restaurant, considr comme un
des plus hupps, Le Vert Galant tenu par une vieille franaise, servis par un personnel
burkinab aimable et prvenant.
La grande mosque, envahie par les fidles en priode de Ramadan, dnotait une
forte prsence de lIslam dans la capitale burkinab o se ctoyaient, sans saffronter, les
diffrentes religions (islam, christianisme et animisme).
Nous avons rejoint 10 heures le Centre des Chargeurs du Burkina, lieu des travaux
de la confrence, pour assister la crmonie douverture parmi les boubous chatoyants
et les complets vestons de la meilleure coupe.
Durant les interruptions des discours et des exposs, des troupes folkloriques
endiables meublaient le temps.
356
A la pause caf, nous avons retrouv plusieurs de nos connaissances, et saisi
loccasion pour nouer des contacts avec les dlgations des pays africains anglophones
comme lOuganda, la Tanzanie, la Zambie.
A la reprise, aprs llection du Maroc comme Premier Vice Prsident, je fus appel
au podium aux cts du Secrtaire dEtat aux Mines burkinab (Prsident) et des
reprsentants de la CEA venus dAddis Abba.
Avant de clturer les travaux du matin, axs sur des interventions caractre
gnral, sur notre proposition, il fut retenu dexaminer les diffrents points inscrits
lordre du jour de faon trs pragmatique, pour ne pas retomber dans les palabres, les
discussions striles, les vux pieux et la propension lutopie.
Dans la torpeur, la confrence avait repris laprs-midi par les dclarations nationales
et des envoles de certains dlgus verss dans la rhtorique.
A travers notre dclaration, nous avons expos les grandes lignes de notre politique
minire et les rsultats obtenus, et propos de mesures prcises pour dynamiser et
prenniser la coopration interafricaine, sans tomber dans ladoption de
recommandations ne satisfaisant que ceux qui les avaient rdiges.
Votre pays, que jai eu le grand honneur et le plaisir de visiter, est lavant garde
de lAfrique dans ces domaines, aujourdhui vous nous avez montr que vous ltes aussi
dans les mines, et je tiens vous en fliciter , dit-il.
Nous lavions aid avoir sa place et bnficier des gards dus son rang de
reprsentant de la Grande Jamahiriya.
Les Algriens taient arrivs leur que la rception arrivait son terme.
357
Le soir, avec Berrada, sous une atmosphre lourde, nous avons march longuement
travers les grandes artres proches de lHtel Eden Park, occupes par les mamas
proposant avec insistance aux nombreux passants des fruits et du poisson sch.
En raison des fortes chaleurs, de nombreuses familles avaient dsert leurs maisons
surchauffes pour envahir les chausses plus clmentes.
Compare aux autres mtropoles de lOuest africain, Ouagadougou tait une ville
relativement plus propre; la mendicit (plaie profonde du Maroc) tait invisible dans ce
pays aux ressources trs modestes ; les habitants, malgr leur relative indigence, taient
dignes et sereins.
Javais dn seul au restaurant de lhtel, servi par un garon dune finesse exquise,
form Abidjan et tout fier de revenir au pays, auprs des siens.
Ce fut la sale guerre des pauvres ayant entran des destructions et des malheurs
pour des pays qui taient loin de pouvoir les supporter.
Au 3 jour, sous la chaleur intense, sans le moindre souffle dair, Ouagadougou stait
enveloppe dun voile de poussire rougetre, et les rues envahies par les bicyclettes, les
motos et les charrettes.
A la reprise de la Confrence, les rangs taient clairsems et les dbats orients dans
le sens souhait, vitant ainsi laccessoire pour se focaliser sur les points clefs.
A la pause caf, il y avait de nouveau une grande foule dans les couloirs et beaucoup
de discussions en apart.
Vers midi, nous avons convenu, aprs notre ultime intervention, de charger le comit
de rdaction de ramnager le texte des recommandations, avant de nous retrouver le
lendemain pour une dernire lecture suivie de ladoption du document final de la
Confrence.
Tout le monde avait donn sa bndiction ; ds lors, nous pouvions disposer de temps
pour aller en dehors dOuagadougou.
Au secteur dorpaillage
Aprs un djeuner rapide, avec Berrada, nous sommes partis Boda 115 km au Sud
Est dOuagadougou, en empruntant la route asphalte payante et contrle par des
factions de militaires.
Andr, le chauffeur du PNUD, toujours souriant et affable, nous avait conduits vive
allure travers la savane de hautes herbes et dpineux, en compagnie dun gologue du
Ministre des mines du Burkina, guide bien prcieux.
358
Le lendemain, la pause caf, il tait l encore pour rappeler mon souvenir ses
dclarations et ses souhaits de la veille daller au Maroc.
Nous sommes arrivs Boda, aprs une heure de route, pour trouver, sous nos yeux
bahis, dans le cadre dune fort clairseme, un immense et impressionnant village
artisanal fait de milliers de cases en chaume,.
Daprs les dires, le campement abriterait plus de vingt mille personnes (artisans
mineurs avec leurs familles, marchands de pacotille, acheteurs dor, fonctionnaires de
ladministration des mines, spculateurs de tous genres).
Une case, bien amnage, servait dabri au service rgional des mines plac sous la
responsabilit dun colosse barbu qui nous avait accueillis avec beaucoup deffusion,
entour de ses collaborateurs ingnieurs poussireux et hirsutes.
Sous les arbres, des groupes de femmes et de jeunes filles saffairaient au pilage et
au lavage du minerai, alors que des grappes dartisans sactivaient autour des puits de
production pouvant atteindre des profondeurs de soixante mtres.
Nous avons assist un travail dextraction, perptu durant des sicles, voire des
millnaires, dans une grande excavation ressemblant trangement la Grande Carrire
dImiter, avec ses puits distants de quelques centimtres de rocher strile, ses chemins
pdestres daccs au fond des travaux.
Seule la prsence dun petit compresseur et dune grue de levage tait la seule
touche de modernit.
Daprs le service des mines, qui semblait sen accommoder, les accidents mortels
taient nombreux par suite dboulements dans les puits creuss dans les tufs
volcaniques altrs, sans soutnement appropri.
Le contact direct avec les artisans mineurs, curieux de notre prsence, amuss et
sympathiques, contrastait avec notre msaventure, avec Skalli, Siguiri en Guine en
1989, o nous fmes presque au bord de lagression.
Nous avons t ensuite Yako, petite prfecture une dizaine de kilomtres plus au
sud, o une grande mosque jouxte une glise, alors que sous les remparts des troupeaux
de porcins fouillaient les immondices.
Au Comptoir Burkinab des Mtaux Prcieux Yako, la rcolte dor livre par des
acheteurs agrs par le Gouvernement, tait fondue au charbon de bois et transforme en
lingots de quelques kilos expdis rgulirement tous les mois sous bonne escorte arme
Ouagadougou.
359
Les oprations de fusion taient sous ltroite surveillance dun prpos au contrle,
exhibant son kalachnikov pour se prmunir dventuelles attaques.
Prs de nous, un pasteur nerlandais, avec son gros cigare, animait une table de
jeunes ecclsiastiques burkinab.
Alors que lon servait le dessert, lAve Maria avait retenti, chant en cur par une
assistance bien recueillie.
Ensuite, nous avons fln en ville travers les magasins bien achalands, dtenus
par des Libanais, qui, comme dans les autres pays de lAfrique de lOuest, contrlaient les
rouages conomiques, sans toutefois, comme en Cte dIvoire, susciter de rejet apparent
ou exacerb de la population.
- la cration dun cadre juridique et fiscal, encourageant les artisans mineurs en pierres
prcieuses pour crer des tailleries et des industries de polissage,
360
- la protection de lenvironnement et ladoption de lgislations appropries,
Nous avons rejoint Abidjan vers 18 H, dans un avion Fokker 28 des lignes ivoiriennes,
sous une chaleur accablante et moite, contrastant avec lair sec et respirable
dOuagadougou.
A Abidjan, aprs avoir difficilement rcupr nos bagages disputs par une multitude
de porteurs occasionnels en qute de pourboire, nous avons embarqu sur le vol dAir
Afrique en partance pour Paris.
Aprs un transit par Cotonou au Bnin, nous tions rendus Roissy 6h du matin,
au lever dun merveilleux soleil printanier, avant de continuer sur Rabat pour replonger
dans lambiance des nuits de Ramadan auprs des proches et des amis.
Quoique de court dure, le sjour au Burkina Faso nous avait permis de dcouvrir un
pays du Sahel, pauvre, habit par des gens dignes, industrieux, cultivs, avenants et
hospitaliers, justifiant rellement pour leur pays le titre du pays des hommes intgres.
Contrairement certains pays au sud du Sahara qui avaient subi les excs
conscutifs aux coups dEtat, la chape de plomb ntait pas tombe sur la population qui
vaquait paisiblement ses occupations.
La France tait partout prsente travers son Ambassade, sa mission culturelle, ses
hommes daffaires et ses nombreux cooprants.
361
Au Prou
Et Rio de Janeiro
Avant la mission
Aprs lAd El Fitr au mois davril 1991, une visite du secteur des explosifs de la
rgion de Casablanca fut entreprise dans le cadre de la Commission Nationale, pour
confirmer la mise en place par les producteurs des recommandations et des dcisions
prises pour amliorer la situation des sites de production de la SCAM Bouskoura et du
Groupe CADEX Tit Mellil.
Nous fmes agrablement surpris par la qualit de cette ralisation conforme aux
strictes exigences rglementaires en matire de scurit.
A cette occasion, la Direction et tous ses cadres avaient fait montre du sens de
lorganisation, de disponibilit et denthousiasme dans leur contribution au
dveloppement des relations maghrbines au plan minier et gologique.
Aprs nos travaux, nous avions le sentiment partag davoir fait un pas de gant
dans la coopration intermaghrbine.
A Lima
A fin mai 1991, aprs plusieurs reports, je fus charg de prsider une mission au
Prou, comprenant Lhatoute, Directeur Gnral du BRPM et Omari, Directeur de la
Production lOCP.
Au 13 sicle, lEmpire Inca qui stait dvelopp partir de Cuzco, avait essaim
travers la Cordillre des Andes pour connatre son apoge au 15 sicle, laissant les
vestiges dune civilisation et dune architecture remarquables.
362
Le vice-roi dEspagne, Francisco de Toledo, aid dune solide organisation
administrative, ralisa de force lintgration de la population indienne autochtone, rduite
fortement suite aux terribles massacres perptrs par larme doccupation.
Le 18me sicle fut caractris par la monte des oppositions, vite transformes en
soulvements populaires dont le plus illustre est celui de Tupac Amaru (devenu plus tard,
communment, le mouvement des Tupamaros).
En 1821, le Prou est devenu indpendant, la victoire du patriote Sucre sur les
Espagnols en 1824 Ayacucho ayant scell lmancipation dfinitive du pays.
A la fin des annes quatre vingt, un dbut de dmocratie avait dmarr aprs
llection du prsident dorigine japonaise, Fujimori.
Cependant la situation demeurait confuse et perturbe par les coups de boutoir des
organisations rvolutionnaires (Sentier Lumineux, Tupamaros) ayant infiltr toutes les
organisations socioprofessionnelles, la campagne et dans les villes, et par la mise en
quarantaine du pays, suite lpidmie de cholra.
****
Malgr cette situation, juge inconfortable par certains, et pour marquer notre
intrt pour le dveloppement des relations bilatrales, nous avons rpondu, sur
insistance de notre Ministre des Affaires Etrangres, linvitation rcurrente des
autorits pruviennes.
Certains invits taient tonns par notre tmrit vouloir nous rendre dans un pays
min par le cholra et linscurit.
Le Boeing 747 avait dcoll de Roissy 23H30, sous les yeux effarouchs des bandes
de lapins de garenne fuyant travers la piste denvol pour disparatre dans les hautes
herbes de laroport.
363
Du ct pruvien, nous tions salus par Jaime Caceres, diplomate anciennement en
poste Alger, minent orientaliste et ami du monde arabe.
Sallam allakoum , fut son premier de bienvenue dans son pays. Comme pour
marquer son attachement au monde arabe.
Lima, fonde en 1535 sur le Rimac au bord de lOcan Pacifique par le conquistador
Pizarro, tait une ville de plus de 8 millions dhabitants, soit 1/3 de la population totale
pruvienne.
Les quartiers rsidentiels, aux maisons cossues, contrastaient avec les quartiers
populaires misrables et crasseux.
A Lima, il ne pleut presque jamais, et ladmirable verdure que vous voyez est la
consquence dune atmosphre charge dhumidit en provenance du Pacifique , nous
signala Aouad, Premier Secrtaire de lAmbassade du Maroc.
Notre scurit tait confie deux gorilles colls nos trousses en permanence,
nous rappelant quau Prou il fallait tre constamment sur ses gardes, les rapts et les
agressions tant frquents, les attaques main arme quotidiennes.
Le sang qui coule dans mes veines est arabe , nous dit lAmiral Absi, un ami de
lAmbassadeur du Maroc.
364
LAmiral, dorigine syrienne, coordonnait les activits commerciales dune grande
socit de chantiers navals au port de Callao, prs de Lima, et suivait, grce ses
relations avec lAmbassadeur du Maroc, le projet triangulaire Prou-Italie-Maroc visant la
fourniture au Maroc de chalutiers et de gardes ctes de fabrication pruvienne, financs
par des crdits italiens.
Nous fmes entours par les reprsentants arabes Lima, venus senqurir de la
situation conomique et politique dans notre pays.
Nous avons not le souhait des Pruviens de voir notre pays investir dans les
phosphates et servir de relais avec les pays arabes du Golfe.
Les Arabes doivent faire des efforts pour mieux connatre lAmrique Latine, votre
pays est certainement le seul mme de dfendre les intrts du monde arabe , me
lana un grand homme daffaires palestinien, lunique bigame au Prou.
Le Maroc et lEgypte taient les seuls pays arabes entretenir une ambassade
Lima, atout majeur en Amrique Latine, autrefois bastion du clan pro-Polisario.
Le Vice Ministre, remplaant son boss interpell au Parlement sur les problmes
miniers, nous avait fait part du souhait du Gouvernement pruvien de voir le Maroc
intervenir dans le dveloppement du gisement phosphatier de Bayovar.
Nous avons aussi et surtout retenu que le secteur minier pruvien assurait lemploi
300.000 personnes et faisait vivre directement et indirectement 1.500.000 habitants.
Le gisement de Bayovar, qui fera lobjet dune visite plus tard, nous avait t
prsent par les gologues et les ingnieurs chargs de llaboration des tudes de
technico-conomiques et de faisabilit.
Nous sommes retourns lhtel vers 20 H, avec les gardes de corps en permanence
nos trousses, et sans discrtion.
365
Les attaques des Ambassades sont frquentes et sans distinction. Loligarchie lie
au trafic de la drogue et au blanchiment de largent, la tte dune fortune colossale,
rgne sur le pays, assige par des groupuscules mcontents, prts faire parler la
poudre , nous dit Aouad, comme pour insister davantage sur ltat danarchie,
dinscurit et de peur qui svissait alors au Prou.
Nous avons fln en ville, avant daller dner dans un pub frquent par les nantis du
systme, des Blancs de souche espagnole, alors que les populations indiennes et
mtisses taient cantonnes dans les bidonvilles insalubres.
Relaye par une campagne tous azimuts, la refonte de la loi ptrolire tait engage
pour intresser les investisseurs extrieurs venir sinstaller et prospecter.
Malgr ses richesses, le Prou tait devenu un mendiant qui tapait sans fin toutes
les portes, celles Japon notamment, pays dorigine du Prsident Fujimori.
En province
Dans laprs midi, conformment au programme, nous avons rejoint par avion Piura,
chef lieu de la rgion de Grau, accompagns de Aouad et Caceres dsign expressment
pour apprcier nos intentions relles de coopration avec son pays.
LAmbassadeur Belmoufti tait laroport de Lima pour nous saluer, oubliant quil
devait participer un djeuner entre diplomates.
Au Prou, le retard fait partie des habitudes, partir lheure est presque anormal,
nous dit Caceres avec srnit.
366
La passivit pruvienne est lgendaire, et malgr une tension interne trs forte,
personne ne snerve ni ne soffusque, lextriorisation de cette tension se traduisant par
des coups sporadiques de gurilla.
Avant Piura, nous avons fait escale Trujillo, ville de garnison en zone semi
dsertique, avec ses acacias et ses dunes de sables prs de la piste de laroport.
Nous avons par la suite survol une zone de hautes montagnes do des barrages
alimentent en eau des primtres irrigus gagns sur la rocaille.
A notre arrive Piura vers 17H30, nous fmes accueillis avec chaleur par les
autorits locales et les notabilits, et emmens en pick-up Toyota vers notre lieu de
rsidence au centre ville.
Piura, avec 300.000 habitants, est le chef lieu de la rgion de Grau connue pour ses
rizires, ses champs de coton et de canne sucre gagns sur le dsert grce lirrigation
par canaux amenant leau de la Cordillre des Andes toute proche.
Aprs notre installation rapide dans une hacienda, nous avons rejoint le sige de
lAssemble Rgionale pour une sance de travail consacre essentiellement la mise en
valeur du gisement de phosphate de Bayovar.
Le dveloppement agricole de la Rgion o plus de 70% des sols cultivs ont des
teneurs faibles en phosphore, tait pnalis par des rendements culturaux bas, justifiant
la mise en valeur du gisement de Bayovar.
Aprs la sance de travail et de contact trs sympathique, nous avons rejoint notre
htel travers la ville o se droulait avec ferveur une messe catholique suivie par une
nombreuse assistance dorigine indienne.
Au retour, dans le patio de lhtel, autour dune tasse de caf, nous avons
longuement discut avec Caceres des problmes de lAmrique Latine, du monde arabe,
du Sahara occidental, de la coopration bilatrale et de la situation au Prou.
Nous avons avec satisfaction enregistr une grande similitude de nos points de vue
avec Caceres.
Le lendemain, laube, sous garde arme, nous avons quitt Piura pour Bayovar, en
traversant des zones arides entrecoupes de secteurs irrigus, avec de vastes plantations
de coton, canne sucre et cocotiers.
367
A lapproche de Bayovar, dans une zone de pnplaine sableuse, battue par les vents
du Pacifique, quelques petites usines de conditionnement des produits de la mer taient
les seules activits conomiques distributrices de maigres revenus.
Nous fmes accueillis par les responsables du centre minier dans un rustique
cantonnement en prfabriqu.
Les rserves exploitables taient estimes 250 millions de tonnes 66%-68% BPL
ou 32,5% PO5, le potentiel tant valu 1 milliard de tonnes.
Les infrastructures sociales devraient assurer une vie dcente une population
compose de 600 familles.
La socit Fosbayovar avait dmarr une exploitation ciel ouvert de 300t/Jour sur
les zones de faible recouvrement.
Le phosphate transport par camions jusqu une unit pilote dune capacit de
250t/jour, tait concass, broy, lav leau de mer et rinc leau douce provenant de
laquifre de Ilescas proche, pour obtenir un engrais simple dnomm Fosbayovar,
daspect marron clair, coul localement.
La vulgarisation des engrais dans le secteur est de nature garantir un march local
non ngligeable, les responsables locaux estimant quavec la dcentralisation, loin de
Lima, ils aboutiraient de bons rsultats.
Les paysans sont peu permables lutilisation des engrais industriels, il faut
beaucoup de patience et de persvrance pour les convaincre ; cest lAssemble
Rgionale de les sensibiliser, sans les contraindre , dit Caceres.
Aprs un djeuner au camp du chantier, nous avons rebrouss chemin sur Piura sous
une chaleur torride.
A notre demande, avant de regagner Lima, nous avons visit, sous lil vigilant de
nos gardes, le village de Catacoes connu pour le travail de ses artisans.
****
A Lima, aprs lannulation de la rception prvue, en raison de notre arrive tardive,
nous avons dn tranquillement au restaurant panoramique de lhtel, alors que Lhatoute,
368
indispos, avait des apprhensions pour le cholra ; le lendemain, plus de peur que de
mal, et tout tait rentr dans lordre, heureusement.
Vers 10H, nous fmes reus aux siges de Mineroperu et de Minpeco, organismes
tatiques chargs respectivement du dveloppement et de la promotion du secteur minier
et de la recherche des meilleurs dbouchs pour les productions minires des socits
publiques ou prives.
Mineroperu cr en 1970, exploitait des mines dor, les raffineries de cuivre et zinc
dIlo et Cajamar Quilla productrices de 175.000 tonnes de cuivre cathode et 120 .000
tonnes de zinc, et dveloppait le gisement de phosphate de Bayovar.
Nous avons not que le Prou, tout en restant ouvert la coopration en matire de
valorisation des substances mtalliques et utiles, ne disposait pas de ressources
financires suffisantes pour dvelopper son norme potentiel minier, dont 3% seulement
taient exploits.
La bonne apprciation dont bnficiait le Maroc au plan international, avait incit les
autorits pruviennes solliciter son aide et son appui technique pour valoriser les
phosphates de Bayovar.
- une approche pessimiste des cours du zinc et du plomb par suite des phnomnes de
recyclage et des problmes lis lenvironnement,
- une faible remonte des cours de largent et de lor par suite de lexcdent de loffre sur
la demande, avec lapparition de nouveaux producteurs aux Etats-Unis, mettant en uvre
dautres procds de rcupration.
Les chantiers navals relevant de la socit Sima, taient dirigs par un Amiral
second par des officiers suprieurs de marine.
Lancien rgime, pour loigner les vellits putschistes, avait octroy aux chefs des
diffrentes armes le contrle des principales activits conomiques du pays.
369
A lentre, aprs un contrle strict, nous fmes accueillis par lAmiral en chef, en
prsence de ses collaborateurs, tous officiers de marine.
Aprs les exposs techniques, nous avons fait le tour des centres de travaux dots
dune infrastructure puissante, dnotant lintrt accord par les pouvoirs publics aux
problmes de la mer, et leur volont de continuer faire du Prou, dot dune large
faade sur le Pacifique, une relle puissance maritime.
Dans lenceinte de la base navale, nous avons visit une manufacture darmes
lgres et individuelles, fiert de nos htes, destines rpondre aux besoins de self
defence contre les attaques rptes du Sentier Lumineux et des Tupamaros.
Un djeuner dapparat, dans une ambiance euphorique, suivi de discours pour exalter
lamiti et la coopration marocain pruviennes, cltura notre visite.
Laprs midi, une dernire runion au sige de lAssociation Nationale des Mines et
du Ptrole (ANMP) avait marqu la fin du programme de nos contacts.
A linstar de lAIMM au Maroc, lANMP regroupait les oprateurs des secteurs minier
et ptrolier et assurait le relais avec lAdministration.
La rception avait drain toute la jet society de Lima, dont plusieurs ministres, des
dignitaires du rgime, tous les ambassadeurs accrdits au Prou ( lexception de celui
des Etats-Unis en dplacement dans son pays), les prsidents des socits dEtat, la
presse crite et parle, la tlvision, et dautres personnalits du monde de la culture et
des arts.
Plus de deux cents personnes staient rues sur les buffets o la cuisine marocaine
fut lhonneur de nouveau.
En marge de la rception, nous avons particip une ultime sance de travail avec le
Ministre des Mines et de lEnergie, pour dresser le bilan de notre mission, clarifier notre
position et examiner avec lui les diffrents axes de coopration possibles, court et
moyen termes.
Nous avons not aprs notre entretien, son souhait dimpliquer notre pays dans le
dveloppement du gisement de Bayovar.
Nous avons quitt tard les lieux, heureux et contents davoir mieux fait connatre
notre pays, alors que lAmbassadeur jubilait davoir suscit lvnement de la semaine
diplomatique, ravi de nos interventions et de la matrise de nos discussions avec les
diffrents responsables pruviens.
Vous avez honor notre pays et rendu un immense service notre cause
nationale , dit-il plusieurs reprises.
370
En quittant lhtel, tt le matin, pour laroport, lAmbassadeur tait l avec tous ses
collaborateurs pour nous saluer, nous marquer de vive voix sa satisfaction pour les
rsultats de la mission, et nous faire part de son amicale reconnaissance.
Curieusement, lavion des lignes pruviennes en partance sur Rio de Janeiro, avait
dcoll lheure prvue, contrastant avec les retards devenus monnaie courante sur les
lignes intrieures.
A Rio de Janeiro
Nous avons survol le nord de la Bolivie, le Lac Titicaca, les grands espaces
brsiliens dnuds, la fort amazonienne avec des zones de dfrichement apparentes,
avant darriver Rio en dbut daprs midi.
A laroport de Rio, Omari nous avait quitts pour rentrer directement Casablanca
par le vol rgulier de la Royal Air Maroc.
Nous tions accueillis, Lhatoute et moi, par Nahas, brsilien de pre libanais, venu au
Maroc, quelques mois auparavant, lancer la coopration de sa socit avec le secteur
minier marocain, notamment avec le BRPM,
Le lendemain, dimanche, le chauffeur de Nahas tait venu nous piloter dans un tour
de ville, le long de la baie de Cuanabara, Copacabana, Ipanma et Bama, puis sur les
hauteurs ceinturant Rio o une immense statue du Christ domine majestueusement la
ville.
Du haut du Pain de Sucre, o lon accde par tlfrique, nous avons admir la baie
entoure de collines boises, paysage manifestement le plus beau du monde, domin par
des pitons rocheux et abrupts.
Nous avons longuement march le long de Copacabana envahie par les touristes et
les vacanciers brsiliens, puis djeun chez Marius, restaurant rput pour ses viandes
rouges, me rappelant le souvenir de 1987 lors dune escale Rio en partance sur La Paz.
Par la suite, Nahas et son fils nous avaient accompagns pour assister au match de
football opposant le club local de Fulimense au club de Bragance, au Maracana, le plus
grand stade du monde, dune capacit de plus de 150.000 spectateurs.
Pour accder au stade par cartes magntiques, il fallait faire du coude coude parmi
une foule innombrable, bruyante, colore, sans violence ni agressivit.
Le match fut suivi par environ 100.000 personnes dansant au rythme de la samba,
clipsant ainsi le spectacle footballistique insipide sur le terrain.
371
Malgr la dfaite de Fulimense, ses supporters avaient quitt le stade dans un climat
bon enfant, en chantant.
Au Brsil, malgr les apparences, le racisme existe, mais dguis et sournois. Les
Blancs sont gostes, hypocrites et sgrgationnistes , nous dit Jorge, lui mme lointain
descendant dIndiens.
Le lendemain, nous avons rencontr les responsables de la CPRM, socit place sous
la tutelle du Ministre de lInfrastructure du Brsil, charge des travaux de levs
gologiques de base, des recherches minires, hydrogologiques et hydriques, et du
dveloppement des projets miniers et mtallurgiques.
La CPRM opre aussi dans les secteurs des mtaux prcieux (or, argent, platine), des
mtaux non ferreux (plomb, zinc, cuivre, tain), des mtaux ferreux (manganse,
molybdne, chrome, nickel, vanadium, niobium), des substances utiles (argiles, kaolin,
fluorine, feldspath, quartz, gypse, calcaires), des fertilisants (potasse, phosphate) et des
combustibles solides (charbon, tourbe).
Aprs la tourne des installations du sige, nous avons djeun avec le Vice
Prsident au restaurant de laroport des lignes intrieures, dans un cadre enchanteur
donnant sur la baie de Rio.
Les grves dans ce pays Continent, sont endmiques et latentes, les salaires bas, la
misre svit parmi les populations urbaines gonfles constamment par un afflux des
ruraux en qute de travail. Malgr tout, je crois au Brsil, car ses potentialits sont
normes , dit Nahas, avec beaucoup dassurance.
Pour clturer notre sjour, nous avons effectu une visite au Centre de Recherches et
de Technologie Minrale, pour connatre le niveau atteint par le Brsil dans les domaines
de la recherche et du dveloppement dans la valorisation des minerais aurifres par
lixiviation bactrienne et amalgamation, et des substances utiles et des terres rares par
flottation par colonnes.
372
Lhatoute stait envol pour Nouakchott en transitant par Paris.
Pour ma part, javais gagn Miami et Houston par un vol agrable dAmerican Air
Lines, accueilli par Antoine Loue, reprsentant de la socit Litwin spcialise dans
lengineering des raffineries de ptrole, partenaire de la SAMIR et de lONE.
Aprs mon installation au Sheraton, suivie dun djeuner avec le Prsident Halvy et
son adjoint, nous avons rendu visite aux ACP producteurs des plastiques et produits
chimiques franais, couls sur le march amricain.
Le soir, Loue et son pouse mavaient invit dner au restaurant hupp de Houston,
Chez Georges, gr par un couple franais de lArdche.
Le lendemain, sous la canicule, nous avons rejoint La Nouvelle Orlans puis Morgan
City pour visiter les installations de valorisation de barytine marocaine, ide la socit
AMBACO, implantes au bord dun bras du Mississipi, et que javais vu natre et se
dvelopper grce aux efforts inlassables de la famille Benam et de son associ Stutz.
Aprs un week end Washington chez nos amis Larry et Amina, javais transit par
Paris avant de regagner Rabat.
Au Prou, le Maroc bnficiait dune aura particulire dans le domaine minier, avec
une mention spciale pour le phosphate pour lesquels les Pruviens voulaient impliquer
notre pays dans la mise en valeur du gisement de Bayovar dans un cadre bilatral ou
multilatral.
Pour les autres substances minrales, le Prou, grand pays minier depuis des sicles,
tait dispos dvelopper les changes techniques et commerciaux.
Les discussions et les contacts avec les responsables pruviens, les dplacements en
province et les rceptions en notre honneur, nous avaient convaincus de la ncessit pour
notre pays dtre prsent dans cette zone hispanophone, accessible aux adversaires de
notre intgrit territoriale.
Dans le domaine des substances mtalliques, notre pays devrait tirer un avantage
pour le plomb, le zinc, le cuivre et largent, pour lesquels le Prou est parmi les plus
grands producteurs mondiaux.
Le transit par Rio, nous avait montr les capacits brsiliennes dans le domaine de la
valorisation des minerais complexes. Le BRPM et les autres socits minires devraient
373
mieux approfondir leurs relations de coopration dans un cadre soutenu avec les pays
dAmrique du Sud.
Aux Etats-Unis, les efforts fournis par de petits oprateurs marocains entreprenants
et dynamiques dans la valorisation de la barytine marocaine, devraient se traduire brve
chance par des rsultats positifs dans toute laire du Golfe du Mexique et du Mississipi.
Dbut juin 1991, les Prsidents de Mineroperu et Minpeco, aprs leur mission au
Portugal, taient venus au Maroc, furent reus au Ministre et au BRPM avant de se
rendre dans les exploitations de phosphate de Bengurir et au chantier du projet
polymtallique de Hajar.
Par ailleurs, en juillet 1991, pour concrtiser le dsir commun exprim Rio, une
dlgation de CPRM et CETEM avait sjourn au Maroc pour explorer les possibilits de
collaboration avec le BRPM et ses filiales.
374
En Jamahiriya
Et en Italie
Au mois de juin, aprs une vigoureuse action de communication orchestre par le
Ministre Alaoui, en rponse aux dnigrements dune certaine presse, les conseils
dadministration des socits minires du BRPM et de lONA avaient enregistr des
rsultats satisfaisants dans lensemble des exploitations
Quelques jours aprs lAd El Kbir, une mission avait t effectue en Libye, pour
prparer la runion de la Commission Ministrielle de lEnergie et des Mines de lUMA,
retarde suite aux vnements sanglants en Algrie.
Pour des raisons pratiques, cette mission fut combine avec un dplacement en Italie
dans le cadre de la Commission Nationale des Explosifs, et en France pour examiner les
problmes lis lenvironnement dans les lexploitation de sable de la rgion parisienne.
En Jamahiriya
Nous sommes partis nombreux de Casablanca le 26 juin 1991 par le vol de la Royal
Air Maroc, en compagnie de la dlgation mauritanienne qui avait souffert le martyre
avec la Libyan Airlines, suite une panne mcanique de lavion assurant la liaison
Nouakchott- Casablanca -Tripoli.
Notre arrive Tripoli fut perturbe par une avarie du systme hydraulique
douverture des portes, suite un atterrissage brutal, nous obligeant rester longtemps
bord en attendant le dpannage par les services libyens.
Aprs la dclaration de perte, mes collgues marocains et nos htes libyens staient
ports mon secours en me prtant de quoi me changer, en attendant .
Aprs un accueil chaleureux et une longue attente au salon dhonneur, on nous avait
conduits lHtel Mhari, inaugur en 1989 par le Colonel Kadhafi et gr par la chane
htelire marocaine SALAM.
A laroport, et tout le long des axes routiers, dimmenses panneaux annonaient les
slogans habituels de la Grande Jamahiriya.
A rappeler que la Libye qui a arrach son indpendance en 1951, fut dabord une
possession ottomane.
En 1911, elle devint colonie de lItalie dont elle na conserv que les majestueux
btiments du centre de Tripoli, les cafs express mousseux, les spaghettis et les costumes
bien coups.
Le contact tlphonique avec Rabat avait ncessit deux heures dattente, dnotant
que le Maghreb Arabe navait pas encore rellement dmarr.
375
Le lendemain 27 juin, louverture des travaux des commissions eut lieu avec
beaucoup de retard, justifiant la constitution rapide des groupes de travail pour
permettre aux experts dentamer et de poursuivre leurs discussions jusqu 14h, en
labsence de la dlgation algrienne.
Au plan des Mines et de la Gologie, la situation tait claire, car la runion de mai
1990 Rabat avait lanc les bases de lorganisation des structures et du plan dactions,
contrairement au secteur de lEnergie qui ncessitait davantage de runions et de
coordination.
Aprs le djeuner, servi par un personnel marocain de grande classe, et des aparts
entre les membres des commissions, les dbats avaient repris 19H30 pour se terminer
aux alentours de 22H.
Aprs le dner, nous avons effectu une longue promenade travers la ville trs
illumine, plus propre, plus gaie, plus humaine quauparavant, o les habitants, fuyant les
maisons surchauffes, avaient envahi les squares et les jardins.
Llectrification dpasse 100% dans cette ville, car on claire et illumine tout et
partout , avait plaisant un ami marocain.
Des files de voitures, filtres nonchalamment par des soldats et des miliciens,
annonaient, avec fracas et cacophonie musicale, des ftes de mariages sur la Corniche
en bordure de la Mditerrane, transforme en voie expresse, proche de la base navale
qui abritait toujours depuis des lustres des bateaux de guerre et des sous marins de
fabrication sovitique.
Nous avons fln longuement le long des quais du port encombrs de matriaux de
construction htroclites, jouxtant des quipements lourds sans lombre dun douanier.
A vue dil, le climat gnral en Libye stait transform, contrastant avec la tension,
le dsordre et les harangues interminables et enflammes de Kadhafi partir de la
fameuse Place Verte, cur de la capitale.
Les lieux de distraction taient inexistants (pas de cinmas, pas de bars ni de botes
de nuits), laustrit tait encore prsente.
Le lendemain, 28 juin, les travaux avaient repris 9H30 pour affiner les documents
prsenter lapprciation des Ministres.
Les prsidents des commissions furent reus par le ministre libyen de la Recherche
Scientifique, lallure nonchalante, qui avait discouru sans conviction durant plus dune
demi-heure.
Le Ministre Alaoui tait arriv en fin de matine, et nous avons djeun ensemble
dans sa suite lHtel Mhari, aprs lavoir inform de ltat davancement des travaux des
commissions et des projets de recommandations.
376
Connaisseur des affaires et des arcanes de lUMA, le Ministre dsabus et du des
rsultats engrangs jusqualors, dcida de repartir au Maroc le lendemain pour assister
linauguration du barrage de Mjara, par le Roi Hassan II.
Les travaux dexperts avaient repris 17H pour sachever 17H30, laissant la
latitude aux organisateurs libyens dassurer la reproduction des documents, tches
accomplies dailleurs, avec dextrit et panache.
Le Ministre Alaoui dcida de diffrer son dpart 21H30, pour assister la sance
de clture, en prsence dun reprsentant algrien, signe vident de son intrt retrouv
pour les travaux de la Commission.
Avant son dpart, le Ministre reut son homologue libyen, et 20H30, le Ministre
Alaoui et la majorit de la dlgation marocaine avaient dj quitt Tripoli.
Aprs une visite lexposition dart libyen au centre Dat El Imad (gratte ciel),
ensemble de cinq tours construites en bordure de mer la fin des annes 1980 pour
accueillir les siges des entreprises libyennes et trangres, avec Benali, gologue
lOARM, nous avons particip au dner officiel en lhonneur des dlgations, en prsence
de professeurs duniversit.
Nous tions de retour lhtel 23H, conduits en trombe par un jeune chauffeur
libyen, faisant dire Hamdi, dlgu tunisien :
Lhtel, o lapathie libyenne avait repris ses quartiers, tait bien triste aprs le
dpart des dlgus marocains, bruyants, remuants et exigeants.
377
Ce fut dans un hangar poussireux, parmi des centaines dobjets trouvs que javais
pu rcuprer mon bagage aprs de multiples palabres auxquelles avait mis fin,
heureusement lagent de la Scurit.
Ds lors, javais enregistr aisment pour Rome et Milan grce laide prcieuse de
lagent de scurit qui avait tenu maccompagner jusquen salle dattente, puis
lembarquement.
En Italie
Le vol Alitalia sur Rome, malheureusement, dcolla avec plus de deux heures de
retard, perturbant consquemment ma correspondance pour Milan o je devais retrouver
les membres de la Commission Nationale des Explosifs et mon pouse en provenance de
Casablanca.
Nous tions logs dans un superbe htel darchitecture Renaissance en plein centre
de la ville de Brescia.
Un bus de luxe tait mis notre disposition pour nos dplacements durant deux
jours, attestant des gards envers notre dlgation.
Notre dplacement en Italie avait pour but essentiel lexamen des problmes lis la
production, au stockage, au transport et la rglementation des explosifs dans un grand
pays consommateur europen, comme lItalie.
A signaler que la visite des installations stait droule dans une ambiance
dtendue, chaleureuse et amicale.
EPC intervenait en Italie travers deux filiales o elle dtenait 71%, des actions,
implantes Ghedi et Domusnovas en Sardaigne (dj visites avec Dunker, il y a 6
ans) en fabriquant des explosifs, des cordeaux dtonants et des accessoires de tir pour
les mines et les travaux publics.
Les productions des deux usines taient respectivement de 3.500 tonnes et 1.700
tonnes, reprsentant le quart du march italien des explosifs.
Deux importants exposs sur les activits dEPC en Italie, nous avaient t prsents
et furent suivis de longues discussions sur le projet de rglementation des explosifs en
France.
Aprs la tourne des installations civiles trs modernes, nous avons suivi lexpos du
Directeur de la Scurit du Groupe Explosifs et Produits Chimiques (EPC France), relatif
la rglementation franaise labore en 1970, complte et modifie en 1980 et 1990.
378
- le projet de refonte de la lgislation marocaine doit sadapter lvolution des
secteurs consommateurs, dans le cadre de la simplification des procdures
administratives, de lagrment des produits plus logiques, des fabriques mobiles mieux
caractrises, de lisolement et du transport plus appropris,
Nous avons convenu, dans le cadre de notre coopration avec le groupe EPC,
lorganisation dune mission au Maroc de son Directeur de la Scurit, pour poursuivre
lexamen concert des rglementations franaise et marocaine.
Tous les membres de la Commission, sans exception, furent ravis de leur sjour en
Italie et avaient souhait participer dautres missions pour mieux apprcier
lenvironnement international en matire dexplosifs civils.
****
Aprs Brescia et Milan, quittant les autres membres de la dlgation, en compagnie
de Abdelhaq Bennani, nous avons rejoint Paris, Menni, Directeur de la socit de
carrires SAGRAM (Maroc) pour visiter les centres de production de granulats Souppes,
Grande Paroisse et Cergy Pontoise dans la rgion parisienne.
Partout de grands moyens ont t mis en uvre pour produire grand rendement les
sables et graviers, restaurer les zones de carrires et protger lenvironnement travers
la ralisation de zones de loisirs sur les sites exploits.
Nous avons espr que cette mthodologie soit suivie dans lexploitation des
carrires au Maroc, jusque l anarchique, et pour ce faire, une coordination est imprative
entre les diffrents intervenants (Administration et oprateurs).
Aprs ces nombreux dplacements, javais retrouv mon pouse Paris pour un weekend
de canicule, avant de regagner Rabat le 7 juillet 1991.
379
Au Cameroun
Avant la mission
Le 16 juillet 1991, javais repris mon bton de plerin pour aller Errachidia assister
au Comit de Direction de la CADETAF prsid par le Gouverneur de la province, Arafa,
dsireux comme la Direction des Mines dassainir les relations tendues entre la Centrale
et les reprsentants des artisans mineurs.
A fin juillet, un dplacement mavait conduit dans la rgion de Malaga pour visiter
des installations de valorisation de la bentonite en provenance du domaine minier
dAntonio Ryes dans le secteur de Nador.
Aprs un court sjour Washington chez nos amis Amina et Larry, nous avons
effectu un long priple qui nous avait mens successivement San Francisco, Santa
Barbara, Los Angeles, Las Vegas, La Nouvelle Orlans et Orlando.
Nous fmes blouis par les diffrentes facettes de la vie amricaine et par la cte du
Pacifique que nous avions longe bord dune voiture de location au dpart de San
Francisco.
Nous avons marqu une halte dans la petite ville dont lacteur Clinteastwood tait le
maire avant de passer une nuit la mythique Santa Barbara.
Avant darriver Los Angeles, nous tions passs par Malibu, connue pour sa superbe
plage de sable fin.
Notre sjour Los Angeles nous avait fait dcouvrir le gigantisme de la mgapole de
lOuest des Etats-Unis, Beverly Hill, San Diego, Disneyland, avant de rejoindre Las Vegas,
ville touristique et capitale des jeux de hasard.
Ds son premier essai au jeu, mon pouse eut la chance de gagner 200 dollars,
lincitant continuer et finir par perdre son pactole.
Mexico mavait paru encore plus pollue, plus grouillante et plus inhumaine que lors
de ma dernire visite.
Aprs un court sjour Washington, nous sommes rentrs Rabat laissant Karim
Paris sur le chemin de Montpellier.
En octobre 1991, aprs les Comits de Direction du BRPM et de lONAREP, les conseils
dadministration des socits minires, les dplacements dans les services rgionaux des
mines et les exploitations minires, je mtais rendu Poitiers et Vienne dans le cadre du
Congrs de lIndustrie Minrale et de la runion ordinaire du Groupe dEtude du plomb et
du zinc.
380
A Poitiers, chef lieu de la Rgion Poitou-Charentes, les travaux du Congrs avaient
trait des problmes lis lenvironnement, au traitement et au recyclage des eaux,
proccupation majeure des pays dvelopps, relguant au second rang les problmes
classiques de la mine.
Le Maroc ne devrait pas rester la trane, sil veut rester dans le peloton des pays o
la mine est exploite avec sagesse et rationalit, sans perturber gravement lcologie et
crmer les gisements.
Nous avons dcouvert la ville o Charles Martel stoppa le dferlement des Arabes
vers le Nord.
Lavenir des deux mtaux tait incertain, et pour traverser la crise, le gnie des
mineurs devrait sexprimer par des efforts de structuration, dorganisation et de matrise
des cots de production.
Au Cameroun
La mission au Cameroun avait fait suite la runion de la Commission Economique
pour lAfrique tenue Ouagadougou en mars 1991, et llection du Maroc comme Vice
Prsident de la Commission des Ressources Minrales.
Les participants taient invits dans une lettre dintroduction, agir pour susciter
des courants commerciaux, rciproquement bnfiques, par la cration dentreprises en
joint ventures, afin de redonner espoir aux nombreux jeunes sans emploi, inquiets dans
une Afrique marginalise et dsarticule.
381
ambitionnait de jeter les bases dune coopration rgionale et sous rgionale, fondements
de lexpansion conomique africaine.
Les principales villes sont Douala (1 million dhabitants), Yaound (800.000), Maroua
(200.000), Kongsamba (200.000) et Garoua (200.000).
Les langues officielles sont le franais et langlais, mais deux cents dialectes sont
parls par les multiples ethnies.
Le nord est peupl de musulmans (30%), les chrtiens (30%) et les animistes (40%)
occupent le centre et le sud.
Dans les troues forestires du sud on cultive le caf, larachide, la banane, le coton
et le caoutchouc naturel.
Les ressources minrales sont : le ptrole (7millions de tonnes par an) exploit par
des socits franaises sur la base dune rente minimum de 26%, le gaz en cours de mise
en valeur (rserves estimes 350 milliards de m3), la bauxite (1,5 milliard de tonnes)
exploite la cadence de 300.000 tonnes dalumine par an.
Des gisements de fer, plomb, zinc, or, diamant et de rutile taient au stade de la
prospection et de lvaluation technico- conomique.
Le Cameroun est travers par plusieurs fleuves peu navigables en toutes saisons : le
Sanaga, le Bnou et le Wouri, et seul lestuaire du Wouri avec le port de Douala, est
accessible aux bateaux de gros tonnages.
382
En 1916, les Allis expulsent les Allemands et en 1919, la fin de la premire Guerre
Mondiale, la France et la Grande Bretagne obtiennent le mandat sur les territoires qui leur
sont impartis, transform en tutelle en 1945.
Le 1er janvier 1960, lex Cameroun franais est proclam indpendant et Ahmadou
Ahidjo nomm Prsident de la jeune rpublique, laquelle en 1961, est rattach le sud de
lex Cameroun britannique, le nord tant runi au Nigeria.
Aprs le retrait de Ahidjo, Biya, Premier Ministre, a assur la relve dans une priode
o lEtat a affront une vive contestation cause du chmage, de la faillite des
entreprises publiques, du rgionalisme exacerb par les barons de la politique et de la
conjoncture dfavorable des cours des matires premires.
A Yaound
Sur le trajet vers le Cameroun, javais transit par Paris pour rencontrer les
organisateurs du Sminaire, avant dembarquer Orly Sud dans la cohue et le dsordre
sur le vol de la Cameroun Air Lines, en compagnie du Sngalais Massar Diop, un des
responsables du Mouvement pour la Coopration et le Dialogue, et Youssoufa Daouda,
PDG de Cameroun Air Lines.
Larrive Yaound, capitale du Cameroun, eut lieu de nuit, aprs plus de sept
heures de vol et une escale Douala, sur lestuaire du Wouri, grand port et capitale
conomique du pays.
Nachit me fut dun grand secours durant tout mon sjour pour me guider et
mentretenir en connaisseur avis de la situation au Cameroun.
Nous avons rejoint lHtel Hilton, au centre ville, lieu de rsidence des sminaristes,
ensemble immobilier construit par une socit isralienne et objet de lire de la
communaut musulmane de Yaound.
Avec cent vingt participants (dont des Noirs), lAfrique du Sud entendait faire une
entre remarque au sein de la grande famille africaine.
Nous fmes conduits, travers la ville, au Palais des Congrs, somptueuse ralisation
de la Chine, centre de toutes les manifestations dintrt, implant sur une des collines
surplombant Yaound, avec ses larges avenues, ses difices publics et privs, ses
quartiers cossus encercls de bidonvilles sordides et surpeupls.
383
En labsence du Prsident Biya, en France, et des grands tnors de la politique et de
lconomie, pourtant annoncs dans les documents distribus aux dlgus, le Secrtaire
dEtat au Dveloppement Industriel du Cameroun avait ouvert le Sminaire, aprs une
priode de flottement incomprhensible.
Le sminaire avait regroup plus de deux cents personnes, dont des oprateurs
conomiques africains, amricains, europens et asiatiques.
Dans un expos magistral, il avait mis laccent sur les mutations stupfiantes en
cours, la mondialisation de lconomie, la globalisation des marchs et le clivage entre les
pays matres de la technologie et ceux peine sur les rails de la croissance.
Limmense salle avait raisonn de ses incantations que les traducteurs reprenaient
instantanment pour les Sud Africains, manifestement heureux davoir fait une perce par
leur seule prsence dans ce grand forum continental.
La matine stait acheve sur cet appel lAfrique pour compter dabord sur ses
propres ressources pour mieux assurer son dveloppement.
Aprs le djeuner dans les immenses et mornes salons du Palais des Congrs, les
travaux avaient repris nonchalamment au sein des commissions spcialises.
384
Vous tes un pays africain dun autre type , me lana malicieusement un dlgu
sud africain blanc, comme pour marquer la diffrence entre lAfrique du Nord et lAfrique
du Sud avec les pays au sud du Sahara.
Les Africains du Sud, au fil de nos discussions, staient fait une ide plus raliste de
notre pays, contre dhistoire et de civilisation anciennes, dot de ressources naturelles
diversifies.
Un sminariste australien stait fait subtiliser ses lunettes solaires sous le regard
impassible de notre guide.
Le soir, nous avons t convis un dner lHtel Sofitel, sur les hauteurs,
proximit des quartiers rsidentiels et du majestueux Palais prsidentiel.
Au 3 jour, les travaux du SIDCO'91 furent clipss par la tenue au Palais des
Congrs de la runion tripartite (gouvernement, opposition, socit civile) pour dbattre
du code lectoral et de laccs aux mdias, aprs avoir enterr la hache de guerre, vitant
au pays de sombrer dans le chaos et la dsolation.
Le grand chef musulman du Nord, enturbann, drap dans son boubou immacul,
accompagn de sa troupe de griots, pieds nus et ttes rases, dominait majestueusement
lassistance, alors que le cardinal de Yaound, en soutane lie de vin, saluait tour de bras.
Avant larrive du Premier Ministre, Sadou Hayatou, un agent de scurit, trop zl,
nous avait sermonns sans mnagement pour nous tre placs sur son chemin.
Aprs nos protestations indignes, il stait rsign nous prsenter des excuses en
prsence de jeunes htesses venues me demander dintervenir auprs de lAmbassade du
Maroc pour bnficier de bourses lEcole Htelire de Rabat.
Le Maroc est un exemple de srieux pour nous en Afrique, les tudes y sont
rputes , me lana une htesse.
385
Aprs larrive solennelle du Premier Ministre, nous avons regagn nos collgues du
Sminaire pour assister la confrence de Mc Rae, Directeur Gnral dune grande firme
dquipements lectriques Johannesburg.
Moins de 10% des Africains ont accs llectricit (le Malawi : 3%), alors que des
pays comme Tawan et la Core du Sud avoisinent 100% ; lavenir de lAfrique rside non
seulement dans la coopration entre les Etats et la mise en uvre de technologies
appropries, mais aussi dans lmergence de leaders ayant une vision raliste de la
situation, sachant extraire, l o elles existent, les intelligences vives africaines , avait
conclu magistralement Mc Rae.
LAfrique pauvre est une menace pour lEurope et lAmrique ; il est temps quelle
reoive la part qui lui revient en investissements privs ; la crise risque de saggraver et
les intellectuels ont une grande responsabilit assumer dans ce domaine. , dit-il, avec
assurance.
Nous nous appauvrissons parce que nous travaillons pour les autres, lAfrique tant
en dehors de la mouvance mondiale. En vendant nos produits nous perdons, en achetant
des produits nous perdons aussi car nous ne faisons pas le poids. Il faut rompre avec la
stratgie extravertie de lconomie africaine. Les Africains du Sud ne doivent pas croire
que les autres Africains sont seulement des consommateurs, ils doivent uvrer pour la
cration de coentreprises entre lAfrique du Sud et le reste du continent , dit-il.
Ces exposs furent une occasion magistrale de dmontrer aux Sud Africains quils
font partie intgrante de lAfrique, et quils ne devraient pas se comporter comme les
oprateurs occidentaux.
Dans laprs midi, nous avons poursuivi nos travaux en commissions, et pour notre
part, nous avons examin les cas marocain et camerounais au plan des ressources
nergtiques et hydrauliques.
Lassistance fut subjugue par les efforts consentis depuis longtemps par notre pays
dans deux domaines nvralgiques et stratgiques pour lconomie nationale, savoir les
mines et lhydraulique.
Cela navait pas tard, car ds mon retour Rabat, des promoteurs sud africains,
mavaient appel pour organiser leur mission.
Le soir, un grand dner avait regroup lensemble des sminaristes dans les salons de
lHtel Hilton, cltur par des discours adresss essentiellement aux Sud Africains pour
les inciter investir dans les autres pays africains.
Au 4 jour, alors que se poursuivaient les empoignades entre politiciens au Palais des
Congrs, le Sminaire stait termin par la lecture des recommandations labores la
hte par les prsidents des commissions.
Les Sud Africains taient repartis aprs le djeuner, certainement heureux davoir
cass le carcan de leurs relations tendues avec les autres pays africains, laune de la
rconciliation camerounaise.
386
Les organisateurs du SIDCOM91, quant eux, staient volatiliss, laissant les
derniers participants livrs eux-mmes.
Venez chez nous au Nord, vous tes mon invit, nous vous ferons visiter nos
gisements miniers. Le Maroc est un grand pays, cest un exemple pour nous , dit-il.
En fin de matine, quittant le Hilton sans me, aprs la frnsie des jours du
Sminaire, en compagnie dun cadre franais de la Cameroun Air Lines, guids par Nachit,
nous avons fait le tour de tous les centres dintrt de Yaound.
Aprs un djeuner familial chez Nachit, dans le quartier diplomatique, une visite
dadieu lAmbassadeur du Maroc, trs heureux de me montrer les ralisations la
chancellerie, et un passage rapide au quartier musulman, javais rejoint laroport dans le
vacarme et le trafic intense dune soire de week end.
387
De nouveau en Mauritanie
Avant la mission
Ds le retour du Cameroun, il fallait assurer le suivi et la coordination de la
Commission de reconversion des Charbonnages du Maroc (CDM) qui butte sur le
dploiement et lindemnisation du personnel.
Mais dans ce contexte, lEtat tait dispos faire leffort ncessaire pour que la
fermeture de la mine intervienne avec le minimum de retombes ngatives.
Plusieurs scnarios furent examins pour essayer de fixer le maximum dagents dans
lOriental travers la cration dactivits lies larboriculture, la mcanique, lartisanat
et le btiment.
Par la suite, en compagnie de Lhatoute, nous avons tenu des runions avec le Groupe
ADARO associ avec le BRPM dans ltude de mise en valeur du gisement de perlite de
Tidiennit (rgion de Nador), et avec le Directeur Gnral des Mines dEspagne pour
examiner les possibilits de coopration dans le domaines des activits minires et
paraminires.
Nous avons retrouv lEspagne en pleine mutation, ambitieuse aprs avoir organis
lExposition Universelle Sville, les Jeux Olympiques de Barcelone et le Congrs Minier
Madrid en labsence des grands pays miniers comme les Etats-Unis, le Canada et
lAustralie.
Aprs Madrid, javais rejoins Paris, invit pour faire un expos sur les projets
dinfrastructure minire et gologique dans les pays de lUMA, dans le cadre dun colloque
organis lHtel Luttia par le Cabinet Nord Sud Exports.
Le Maghreb est entr dans une nouvelle dynamique sur des assises que nous
souhaitons durables et prennes,
Au plan minier, une action concerte des pays de cette zone, est de nature
promouvoir la recherche, lexploitation et la valorisation des produits,
Au niveau des cots des matires premires minrales, nous constatons de nos jours
que la baisse succde la baisse, et que certains pays dans une confusion gnrale,
coulent leurs productions pour engranger des devises,
388
La confrence, daprs les chos qui mtaient parvenus, avait beaucoup
impressionn et enchant les participants.
****
Le dernier trimestre de lanne 1991 stait achev avec notamment, avec la visite du
Projet de Hajar par les cadres de la Direction des Mines, et la tenue :
-du dernier Comit de Direction de la CADETAF perturb par le mauvais temps ayant svi
dans les provinces de Figuig et Errachidia, et empchant les reprsentants des artisans
mineurs dassister aux runions,
***
Lanne 1992 avait dmarr avec la mise en place en janvier des cellules de suivi de
lactivit de la Direction des Mines, visant renforcer, coordonner et mieux structurer nos
interventions, responsabiliser davantage les cadres dans la mise en uvre de notre plan
dactions.
Des grves dans le secteur minier furent dclenches par les centrales syndicales de
lopposition (CDT et UGTM) pour revendiquer des augmentations de salaires juges
insenses par le patronat.
389
Au mois davril 1992, nous avons, dans le cadre de nos excellentes relations avec le
PNUD et la CNUCED, particip lorganisation et lanimation du sminaire Ouarzazate
consacr lexamen des ressources minires en Afrique et auquel plusieurs pays africains
avaient dlgu dminents reprsentants.
A Addana, nous nous sommes longuement arrts pour dcouvrir lancienne mine de
plomb argentifre sur la route des caravanes vers le nord.
Addana, chre lancien ministre Moussa Saadi, dcrite par les historiens El Yacoubi
(9 sicle) et El Bekri (11 sicle), renferme les vestiges de lancienne ville de Tamdoult,
et fut un centre de ravitaillement en argent et en cuivre pour les Carthaginois et les
Berbres Kounta de Kairouan (Tunisie).
Fin mai 1992, javais particip au Congrs minier de Madrid, boycott par les grands
barons de la mine, les Etats-Unis, le Canada, lAustralie, lAfrique du Sud, le Chili et le
Prou.
En Mauritanie
Immdiatement aprs mon retour Rabat, je fus appel aller en mission en
Mauritanie pour participer aux travaux des experts des Commissions Energie, Mines et
Gologie charges de la prparation de la runion des Ministres de lUMA, et
accessoirement pour visiter de la mine dor dAkjoujt.
Le 1er juin 1992, aprs un vol de Casablanca par Fokker 28 dAir Mauritanie, nous
sommes arrivs Nouakchott, aprs une escale Nouadhibou au cours de laquelle jeus le
grand plaisir de rencontrer Heyine, Directeur Gnral de la SNIM.
390
La partie marocaine qui venait dachever une anne de prsidence de la Commission
Mines et Gologie, proposa dexaminer le rapport bilan qui fut adopt aprs quelques
modifications mineures, le consensus stant fait autour dune plateforme commune.
Aprs un djeuner lHtel Al Amane, rput pour ses crustacs, les travaux avaient
repris 15H30, dans le dsordre total, les Mauritaniens dbords prfrant laisser
lorganisation des runions aux bons soins des membres des commissions.
Le soir, je fus convi par la SNIM un dner sous la tente, offert par lEcole de
Formation Professionnelle de la Socit Nationale dElectricit, auquel avaient particip
des membres du Fonds Arabe de Dveloppement Economique et Social.
Au 2 jour, tt, avec Guerrak, nous sommes alls la mine dor dAkjoujt 250 km au
nord ouest de Nouakchott, guids par Ould Rajel, Directeur Gnral de lOffice de la
Gologie, ancien Ministre des Mines.
Cest exceptionnel cette anne, nous avons eu de la pluie et les pturages ont t
revivifis , nous dit Ould Rajel, drap dans son boubou bleu.
Aprs une deuxime halte dans un baraquement en tle ondule, transform en caf
maure pour servir le th et les denres de premire ncessit, nous sommes arrivs
10H30 Akjoujt, localit connue pour son gisement de cuivre aurifre.
Aprs une visite de courtoisie au sous-prfet dans ses bureaux miteux et ensabls,
nous avons rejoint la zone de travaux, accueillis par le Directeur australien du centre et
un personnage mauritanien, trs discret.
Cest lancien Ministre des Finances du Prsident Louly, devenu agent conseiller de
la mine , dit Ould Rajel, insinuant que la Mauritanie est le seul pays o danciens hauts
responsables peuvent tre rtrograds des postes subalternes.
Larrivisme et le superficiel ne font pas bon mnage avec le monde maure, simple et
peu enclin lostentation.
Aprs des explications fournies par lAustralien, nous avons retenu quaprs la
priode dexploitation du minerai oxyd et la mise en service dcevante du Procd Torco
(calcination du minerai au charbon pour le rendre flottable), lactivit avait repris en
association avec lArab Mining Company, mais stait solde par un chec cuisant, et les
apports dactionnaires (40 millions de dollars) engloutis sans explications et justifications
par les gestionnaires.
Les travaux taient orients vers la mise en valeur par flottation des rserves en
place, estimes 20 millions de tonnes 1,5% de cuivre et 2/3 g dor.
391
La rhabilitation de lancienne usine TORCO devrait intervenir aprs quelques
transformations, le matriel en place (usine TORCO, pelles, sondeuses, camions, pelles)
tant encore en relatif bon tat, en nayant pas subi les effets de la corrosion en zone
dsertique.
Nous avons visit les installations de traitement des haldes (criblage, broyage,
paississement, cyanuration avec ajout dammoniaque et activation au charbon).
La partie fusion des concentrs tant secrte, nous navons pas insist pour ne pas
importuner nos htes discrets et distants, mais affables.
Je suis pay pour produire de lor au moindre cot dans le respect des accords
conclus avec le gouvernement mauritanien ; je ne puis droger la rgle sans porter
atteinte aux droits de notre socit qui a consenti dimportants investissements pour
ractiver le centre minier , nous fit remarquer juste titre le directeur australien du
centre.
Aprs une visite aux anciennes carrires, lusine TORCO et la digue striles,
amnage pour viter toute pollution de la nappe phratique par les produits cyanurs,
nous avons t convis chaleureusement un djeuner servi par un chef kenyan dans
lancien foyer sommairement amnag.
Nous avons quitt Akjoujt vers 14H, aprs avoir embarqu avec nous une jeune
femme et son bb, de la famille du sous-prfet.
Le soir, Ould Rajel nous invita dner chez lui, dans un quartier commerant de
Nouakchott o il habitait avec ses parents et ses proches.
Au 4 jour, les travaux du Conseil des Ministres de lUMA furent ouverts au salon de
lHtel Novotel par les discours des chefs de dlgation, suivis de lexamen et de
lapprobation, sans discussion, des documents prpars par les experts, laissant le soin au
Comit de rdaction de mettre au point les textes dfinitifs.
Les chefs de dlgation furent conduits 12H30 au Palais prsidentiel, simple difice
entour dun grand jardin ensabl, en plein centre de Nouakchott, pour tre reus par le
Prsident Ould Taya.
392
Les chefs dEtat conoivent les choses politiquement ; vous, les techniciens, vous devez
les transformer en ralits palpables, et cest le plus important .
Le Ministre libyen, le plus ancien et le plus prolixe, avait enchan par des banalits
philosophiques, que le Prsident semblait ne pas couter.
Aprs un quart dheure, nous avons pris cong aussi simplement que nous avons t
reus.
A 18H30, les travaux furent clturs par la lecture du procs verbal et des
recommandations, sans relle grande porte.
Aprs une visite au port artisanal avec Guerrak et Ould Rajel, nous avons particip
un dner offert par le Ministre mauritanien de lEnergie en lhonneur des dlgations,
anim par une troupe folklorique de grande notorit en Mauritanie.
Au dernier jour, Heyine tait venu nous rendre visite au Novotel abritant les
reprsentants du Conseil Maghrbin des Chemins de Fer, invits de la SNIM.
- davoir permis les retrouvailles avec les collgues maghrbins pour les sensibiliser sur
les travaux des prochaines runions de la Commission Mines et Gologie et des groupes
spcialiss,
393
Dnouement de grve Imiter
Au retour de Mauritanie, avec Lamrani, du Cabinet du Ministre, nous avons assist
une runion aux Ministre du Commerce et de lIndustrie, consacre la prparation de
lAssemble des Ministres arabes de lIndustrie et des Mines qui devra entriner la
dcision de transfert du sige de lOrganisation Arabe de lIndustrie et des Mines (OADIM)
de Bagdad Rabat.
Une sortie suivra la mine de Sel Mohammedia pour faire connatre la Commission
des Explosifs les problmes de stockage dans une mine plus de 400m de profondeur,
proche de Rabat.
***
Le 11 juin 1992, sur dcision toute personnelle, alors que le Ministre tait en mission
lextrieur et le Directeur Gnral du BRPM en plerinage La Mekke, javais dcid
dengager, sur les lieux la mine dImitez, une dernire tentative de conciliation pour
mettre un terme la plus longue grve dans le secteur minier qui perdurait depuis
janvier.
La SMI, de son ct, avait refus de cder leur chantage, estimant avoir dj fait
assez de concessions en ramnageant les salaires et en crant sur les lieux la mine et
Tinerhir, des conditions de vie sans gal ailleurs dans le secteur minier.
Des attaques directes et des insultes furent profres publiquement envers les
responsables du BRPM, accuss de tous les maux et de toutes les turpitudes.
Dans cette ambiance, quelque peu malsaine, le Secrtaire Gnral du BRPM, Ali
Benani, et le Directeur Technique, Louali, mavaient accompagn sur les lieux du conflit
social, avec le ferme espoir den finir une fois pour toutes avant lAd el Adha, dans trois
jours.
Notre mission ne lui semblait pas de nature calmer les esprits excits.
Ds lors, nous avons compris que la solution de la crise tait entre nos mains et nos
mains seules, celles de la Direction des Mines et du Groupe BRPM, et que nous devrions
agir sans en rfrer constamment aux autorits provinciales.
394
Dans les bureaux de lexploitation, en prsence des autorits de Tinerhir, la runion
avec les dlgus syndicaux et les responsables locaux de la SMI, stait ouverte dans une
ambiance responsable, dcontracte et sans animosit apparente.
Dans mon intervention prliminaire, javais signal que notre venue avait t dcide
aprs mre rflexion et concertation avec les responsables du Groupe BRPM, et que notre
souhait tait de voir lactivit reprendre Imiter au plus vite, loignant les ressentiments
dans un sursaut de responsabilit partage.
Javais demand aux deux parties de faire table rase du pass, doeuvrer pour
assurer lavenir dImiter dans un esprit de dialogue et dapporter des solutions rapides
aux problmes quotidiens.
Nous apprcions votre initiative, nous vous faisons confiance et saluons tout
particulirement lintrt accord par lancien dirigeant dImiter et le dfenseur connu
des causes justes , dit un des dlgus syndicaux en sadressant moi.
Aprs quelques joutes oratoires de dernire minute des syndicalistes, laccord entre
les parties stait fait autour dune plateforme consensuelle, concrtise par un protocole
mis au point avec diligence et clrit, avant la fin de la journe.
Mais pour Imiter, ce fut rconfortant de savoir que sous peu, le bruit des engins allait
envahir de nouveau cette contre endormie durant une longue priode, et que les
moments de tension et daffrontements verbaux taient jamais rvolus.
Vers 19H30, au foyer, ce furent les retrouvailles mouvantes de tous les acteurs au
conflit social, en prsence dune grande foule, pour consacrer la fin dun vritable calvaire
pour les familles et dun triste record de grve dans le secteur minier.
395
Aprs le paraphe et la signature des documents, javais tenu souligner la grande
porte de lvnement et limmense bonheur que nous prouvions tous voir lactivit
reprendre et la concorde se rinstaurer lexploitation dImiter.
Nous avons rcit ensemble la Fatiha, pour enterrer la hache de guerre et entamer
une nouvelle phase de travail, srieux, responsable et productif.
Nous avons, avant notre dpart sur Rabat, insist auprs des cadres et des agents de
matrise, sur la ncessit de reprendre lactivit sans esprit revanchard ou de reprsailles,
et sur leur devoir dencadrement et de sensibilisation du personnel pour assurer la
prennit de la mine et de la communaut dImiter.
Nous avons quitt Tinerhir, tard, avec un pincement au cur de ne pas pouvoir
assister la fte qui battait son plein, amplifie par les festivits de lAd el Adha.
***
Les dcisions prises furent effectivement appliques et lactivit Imiter avait repris
normalement deux jours aprs notre passage historique.
Revenant de La Mekke, le Directeur Gnral du BRPM fut soulag dun lourd fardeau
qui avait obr la trsorerie de la SMI pour quelque temps.
Quelques jours aprs, jtais appel reprsenter le secteur minier au sein dune
dlgation conomique se rendant en Afrique du Sud.
396
Deuxime voyage en Afrique du Sud
Dans le cadre de la promotion des changes bilatraux, je fus appel la fin de juin
1992, en tant que reprsentant du secteur minier, participer une mission
multidisciplinaire en Afrique du Sud, pilote par le Centre Marocain de Promotion des
Exportations (CMPE),
Mostert, reprsentant de la Rpublique Sud Africaine, tait venu rendre une visite de
courtoisie au Ministre, Fettah, et linviter visiter son pays.
Sad Benriyane, connu Genve loccasion des missions auprs du BIT et des
runions du Groupe du Plomb et du Zinc, tait install Pretoria depuis trois mois comme
charg des intrts marocains.
La mission tant lance au mois de juin 1992 dans la prcipitation, les participants
avaient rejoint Johannesburg en ordre dispers, par Zurich (vol Swissair non stop) ou par
Paris (vol UTA avec stop Brazzaville).
Le vol UTA 438, en Boeing 747 Combi, tait parti de Paris 23H25, pour atterrir le
lendemain Johannesburg 11H20, lheure prvue, aprs un arrt Brazzaville et le
survol des villes de Luanda et Momo en Angola.
A laroport Jan Smuts, agrandi pour accueillir les avions de tous les continents,
aprs la leve de lembargo et le dmantlement de lApartheid, les formalits de police et
de douane furent rapidement accomplies.
397
A lentre du parc, un gigantesque complexe htelier, avec ses casinos et ses
immenses corridors de machines sous, rappelait trangement Las Vegas.
Non loin, un projet damnagement du crater dun ancien volcan tait en cours de
ralisation, les autorits voulant transformer cette zone en un lieu de villgiature, capable
de rivaliser avec les centres de Disney aux Etats-Unis.
Un prpos lhtel nous avait conduits en jeep pour rattraper nos camarades
lentre du circuit du safari.
En vhicule tout terrain, nous avons effectu notre randonne dans une ambiance
dtendue pour voir de prs des troupeaux dantilopes, zbres, phacochres, girafes, lans
et rhinocros.
Les lions ont t retirs dici parce que lon a craint pour la vie des populations du
secteur et du personnel affect aux travaux damnagement du complexe touristique ,
nous signala notre guide quelque peu apeur.
Nous avons rencontr des groupes de visiteurs, venus comme nous, se dpayser dans
ce coin de nature enchanteur, avant de regagner lhtel pour nous engouffrer dans le
ddale des machines sous et des spectacles de tous genres.
Alors qutaient projets des films sur lactivit conomique marocaine, nous nous
tions successivement prsents et relays pour permettre nos interlocuteurs de noter
et fixer leurs centres dintrts.
Pour ma part, je fus mis contribution pour exposer sur le secteur minier et
rpondre des questions et des demandes dclaircissements de plusieurs hommes
daffaires intresss par des changes en matire de charbon, phosphates, quipements
miniers et nergtiques.
Mes collgues, quant eux, eurent le loisir daborder les problmes lis au tourisme,
aux transports maritimes, la collaboration en matire de conserves de poissons et
lgumes, de conditionnement et dencouragement aux investissements.
Cette premire prise de contact, amicale, fut suivie dune confrence de presse et
dinterviews particulires, puis clture par la signature dun protocole daccord entre le
CMPE et la South African Trade Organisation (SAFTO).
398
Benriyane tait aux anges, satisfait de cette premire sance de travail visant
mieux faire connatre notre pays.
Le soir, aprs une visite au Palais du Gouvernement Pretoria, nous avons particip
une grande rception organise par Benriyane dans les salons du Burgers Hotel, o nous
avons log en 1990 avec le Directeur de la Gologie, Mohamed Bensad.
Il y avait laffluence des grandes occasions, avec tout le gratin des hommes daffaires
venus dguster les couscous, les tajines et les mchouis prpars par le personnel de la
lgation marocaine en Afrique du Sud.
Les membres de la Dlgation marocaine furent rpartis entre les diffrentes tables
pour mieux faire connatre le Maroc travers ses multiples potentialits et sa politique
douverture et de dialogue.
Javais retrouv mes amis sud africains, Dr Frick et Hernan, heureux de renouer le
contact et de constater que les souhaits exprims ensemble en 1990, taient sur la voie
de la concrtisation, au bnfice de tous.
Nous avons discut de la situation en Afrique du Sud et convenu que les meilleurs
esprits sont ceux qui se refusent aux dlices du pessimisme et de loptimisme primaires,
nos htes sachant que le temps viendra o leur pays sera une contre de cohabitation
fraternelle avec les exclus dhier, les Noirs.
Une fois tourne la page de ce double dsastre que furent le racisme et lApartheid,
une rvolution culturelle des esprits sera le prlude lavnement des lumires sud
africaines , me dit un voisin de table.
La rception, russie sous tous les aspects, se termina tard la nuit dans leuphorie
des retrouvailles.
Au 3 jour, avec Benriyane, alors que les autres collgues taient partis la
dcouverte de la ville, nous avons longuement fln travers limmense centre
commercial attenant lHtel Sandton pour constater le degr dvolution de ce pays o
la mixit des races tait de plus en plus voyante.
En dbut daprs midi, javais rejoint le Geological Survey Pretoria pour une sance
de travail avec Dr Frick et ses collaborateurs.
Avec Dr Frick, nous avons convenu de travailler, autant que possible, ensemble dans
les pays francophones (Mali, Guine, Burkina, Cte dIvoire), notamment dans la
prospection et la recherche minires des mtaux prcieux et rares.
399
par la South African Airways, et par un mouvement daffaires en Cte dIvoire, au Gabon
et au Cameroun, chasse garde de la France.
La violence dcoule de lanimosit et des rivalits entre les ethnies noires zoulou
et xhosa ; elle nest pas dirige contre lEtat , avait poursuivi notre interlocuteur, trs
enchant de recevoir notre dlgation.
Le facteur croissance, tous azimuts, pour rduire les disparits entre les
composantes de la population, conditionne la vie de lAfrique du Sud .
Aprs cette runion, nous avons rejoint laroport Jan Smuts pour prendre le vol de
18 H en partance sur Durban et durant tout le vol jeus le plaisir de discuter avec un
homme daffaires sud africain blanc, franchement anti Apartheid.
Lre des Afrikaners ttus et obtus a fait son temps, notre pays a besoin de tous ses
fils blancs, noirs, mtis, indiens ; sans cela, ce grand et beau pays sera livr la
destruction et au chaos , me confia t-il.
A Durban
Nous sommes arrivs aprs une heure de vol Durban au Natal, belle et ancienne
ville sur la cte orientale en bordure de lOcan indien, lun des plus grands ports du
continent, avec ses docks et ses immenses quais pour recevoir des navires transbordeurs
et des porte -containers ctiers et de haute mer.
Aprs notre installation dans le plus grand palace de la ville Le Royal Hotel, nous
avons t invits un grand dner offert par la Groupement dhommes daffaires
musulmans de Durban, en prsence dun conseiller du Prsident De Klerk.
Nous avons longtemps souffert de la mainmise des Blancs sur tous les rouages de
lconomie. Aujourdhui, la Rpublique sud africaine doit entamer une mutation profonde
des esprits et des curs. Les comptences et le savoir ne sont pas lapanage dune race ,
dit-il avec beaucoup demphase.
400
Nous avons retenu, aprs les nombreuses discussions avec nos htes, parmi lesquels
un avocat noir rencontr lan dernier Yaound au Cameroun, que lvolution vers une
Afrique du Sud plus dmocratique tait rellement en marche.
Avec certains Blancs clairs, la discussion tait plus saine, car ils admettaient que
les progrs de la majorit noire, devraient ncessairement passer par lradication par
tape de larchasme et de la notion, encore ancre, dethnies.
Nous nous sommes promens, avec Benriyane et Bensad, pour dcouvrir une ville
grouillante dactivit, rappelant les grandes mtropoles dExtrme Orient, o se ctoient
les Noirs, les Blancs, les Indo-pakistanais.
En dbut daprs midi, nous avons visit une usine de textiles appartenant des
hommes daffaires dorigine indienne, rencontrs la veille la rception, au Royal Hotel,
descendants dimmigrants arrivs en 1860, qui nous avaient retenus un djeuner dans
la cantine de leur tablissement et fait visiter avec fiert leurs installations et leurs
ateliers de fabrication.
En fin daprs midi, avant de rejoindre laroport, une runion plnire nous avait
regroups avec la Chambre de Commerce de Durban pour examiner les possibilits de
coopration, accueillis par une jeune femme dorigine libanaise, laccent arabe gyptien,
toute enchante de nous servir.
A Cap Town
Nous sommes arrivs de nuit, aprs un vol de deux heures, accueillis avec des fleurs
et logs au Cap Sun, grand palace talant ses lambris, ses lustres, ses tapis et ses marbres
de toutes couleurs et de toute beaut.
Aprs notre installation, Benriyane nous avait convis un dner dans un grand
restaurant italien au port, le Green Delphin, dans une ambiance amicale, dcontracte et
toute mditerranenne.
A Cap Town, ville de plus dun million dhabitants, tous les quartiers sont quelques
minutes de route de la campagne, incitant les Captiens en week end aller la fort de
New lands et sur la plage de Milnerton et Scarborough.
401
Il n y a pas de climat au Cap, il y a seulement la temprature ; le vent qui souffle de
tous les cts est le seul lment qui varie , disent les Captiens.
Au petit djeuner frugal, javais retrouv les amis, tous merveills par la ville,
certains dj presss pour aller flner et faire du ''lche vitrines''.
La veille, javais reu un message dun isralite dorigine marocaine, insistant pour
me rencontrer en tant que reprsentant du secteur de lnergie et des mines.
Tt le matin, aprs son rappel, je lui avais suggr de nous rejoindre lhtel.
Effectivement, il tait venu bord dune luxueuse voiture, tout heureux et excit de
retrouver des compatriotes.
Jai appris que vous tes l, je suis donc venu vous saluer et retrouver un peu de
mon pays et de ma ville natale Essaouira que jai quitte il y a trente ans , dit-il.
Il nous avait invits (Benriyane, Lahbabi et moi) aller visiter son usine de capteurs
solaires, Belleville, une quinzaine de kilomtres de Cap Town.
Sur place, il nous reut avec effusion avec le th la menthe, fier de nous prsenter
ses associs et collaborateurs, tout en parlant arabe avec nous.
Benriyane lui avait promis de satisfaire son vu, lui conseillant de faire partie de
lAssociation des originaires du Maroc en Afrique du Sud.
En le quittant, tout mu, il avait tenu inviter toute la dlgation, le soir, dans une
discothque branche de Cap Town.
Enfin de matine, en groupe nous avons visit le Parlement, dun luxe raffin, tout de
marbre et de granit, guids par le Conseiller de DeKlerk rencontr deux jours auparavant
la runion Durban.
Il faut rappeler pour mmoire quen Afrique du Sud, le sige du Parlement est
officiellement Cap Town (Province du Cap), la Prsidence de la Rpublique Pretoria
(Etat du Transvaal) et la Cour Suprme Bloemfontein (Etat dOrange).
Le Parlement, lu tous les 5 ans, se runissait au moins une fois par an, et tait
compose de trois chambres :
- LAssemble avec 178 dputs, dont 166 lus au suffrage direct par llectorat
blanc des quatre Etats et Province (Transvaal : 76 dputs, Province du Cap : 56 dputs,
Natal : 20 dputs et Orange : 14 dputs), 4 (un par province et Etat) nomms par le
Prsident de la Rpublique et 8, lus la proportionnelle des formations politiques,
- La Chambre des Reprsentants avec 85 dputs (80 lus au suffrage direct par
llectorat mtis ; Province du Cap : 60, Transvaal : 10, Natal : 5 et Orange : 5), 2
nomms par le Prsident de la Rpublique et 3 lus la proportionnelle,
402
- La Chambre des Dlgus avec 45 dputs dont 40 lus au suffrage direct par
llectorat indien (29 au Natal, 8 au Transvaal et 3 dans la Province du Cap) ; 2 nomms
par le Prsident de la Rpublique et 3 lus la proportionnelle.
Toutes les affaires concernant les Noirs relevaient exclusivement du Chef de lEtat,
les autres communauts exerant pleinement un pouvoir lgislatif et excutif sur leurs
affaires propres, sans ingrence possible, alors que les affaires dintrt gnral taient
discutes et approuves par les 3 Chambres.
Ce mme langage tait autrefois entretenu aux Etats-Unis par des groupes racistes
des Etats du Sud ; quelle volution depuis !
Mais avec larrive de DeKlerk, une volution grandiose stait opre ; une nouvelle
constitution prvoyant le partage du pouvoir entre les diffrentes communauts, sur la
base de la non domination dun groupe par un autre, tait en cours de ngociation.
Nous avons circul dans les immenses couloirs aux murs tapisss de portraits des
grands chantres de lApartheid, puis visit rapidement les salles de runion des
diffrentes Chambres (Blancs, Mtis, Indiens), chacune caractrise par une couleur
distincte, la salle des runions plnires tant aussi un autre signe dApartheid, chaque
race sigeant part.
Nous avons quitt le Parlement avec amertume, convaincus que ces installations
seront dsutes sous peu, car ralises par un systme politique surann, dans ses
derniers soubresauts.
403
A travers les discussions avec nos htes durant le djeuner servi par des Indiens et
des Mtis, nous avons appris que dans limpasse depuis un mois, les ngociations
intercommunautaires navaient permis de dgager quun seul point daccord, celui de
llection au suffrage universel dune Assemble Constituante.
Mais pour viter la domination dune communaut sur dautres, les Blancs avaient
cherch amnager des garde- fous pour protger leurs intrts, car pour eux la
dislocation de lApartheid, ne signifiait pas pour autant lavnement de la prosprit pour
tous, mais plutt un rquilibrage de la socit leurs dpens.
En Afrique, cette dernire avait enregistr des perces spectaculaires, illustres par
llvation du statut des reprsentations diplomatiques, consulaires ou commerciales
Pretoria ou Johannesburg.
Dans cette dmarche intelligente, lAfrique du Sud ciblait les pays leader dans leur
rgion respective, et visait par leur entremise se faire admettre par lensemble du
continent africain.
Avec le monde arabe, les relations, encore au stade prospectif, taient limites des
activits commerciales et daffaires, avec lArabie Saoudite et les autres pays du Conseil
de Coopration du Golfe et avec lEgypte avec laquelle existait dj une liaison arienne.
Pour nous, lEgypte est une voie oblige et prfrentielle vers lensemble du Moyen
Orient , nous confirma le Conseiller de DeKlerk, pour marquer limportance et la
prminence de ce pays.
Avec lAsie, les relations staient renforces, notamment avec lIndonsie, le Japon
qui avait lev ses sanctions et nomm un ambassadeur Pretoria, la Chine reprsente
seulement travers un institut dtudes (du fait de lexistence des relations troites
entretenues par Pretoria avec Tawan), lIran avec lequel les relations consulaires
remontaient lpoque du Shah.
Avec les pays dAmrique latine, reprsents par des ambassadeurs, les relations
concernaient les domaines conomique, commercial et touristique, avec une mention
spciale pour les industries darmement et le transfert de technologie, notamment avec le
Brsil, grce la prsence dune importante colonie lusophone ayant fui le Mozambique
et lAngola.
Depuis lembargo dcrt par les Nations Unies en 1977, lAfrique du Sud stait
replie sur elle-mme et avait russi mettre au point des systmes darmement
remarquables, apprcis sur le march international .
LAfrique du Sud, (dans certains cas, en coopration avec Isral), avait conu et mis
au point des canons longue porte, des chars dassaut, des lanceurs de missiles multiples,
des missiles air-air, des avions sans pilote (drones), des navires de guerre hyper mobiles,
des avions de chasse et des hlicoptres de combat, et possderait la bombe atomique
depuis plusieurs annes.
404
Cette fantastique panoplie guerrire montrait non seulement le degr davancement
de lindustrie sud africaine, mais aussi lesprit dagressivit et de domination du rduit
blanc en Afrique australe pour qui la force ostentatoire tait la seule manire de
dissuader les hordes noires de dferler sur ses terres.
La structure PIB tait ventile comme suit : services 51%, industries 33%, mines
11%, agriculture 5%,
Tous les ouvriers, quelle que soit leur race, pouvaient tre syndiqus, alors
quauparavant seuls les syndicats reprsentant les Blancs, les Indiens et les Mtis taient
enregistrs et reconnus officiellement, les syndicats mixtes devant recevoir laval
(rarement octroy) du ministre du travail.
Les grves se sont multiplies depuis que les Noirs participent au processus de
ngociation, et la loi depuis 1983 protge louvrier contre un renvoi abusif pour avoir
particip une grve lgale , ajouta un de nos htes.
Aprs le djeuner, nous avons rejoint lhtel, proche, sous une pluie battante.
Du sommet de la Table Mountain, parmi les rats musqus, nous avons admir la Lion
Mountain et les plages de sable fonc, bordes de superbes villas.
Nous sommes alls Cap Point, lieu gologique singulier marqu dune plaque
commmorative, o se chevauchent les roches sdimentaires et les roches ignes.
De la Corniche, nous avons observ lle de Robben Island o Mandela fut trs
longtemps intern.
Nous sommes passs au quartier malais avec ses rues en pente, ses petites maisons
cubiques, ses mosques, abritant une population danciens immigrants de Malaisie ou des
Iles de la Sonde, venus travailler dans les plantations de canne sucre et de coton.
A la tombe de la nuit, aprs un bref passage au jardin public, nous avons rejoint
lhtel, pour constater que Benriyane tait parti Maputo au Mozambique, remettre au
nom du Maroc, des vivres aux autorits de ce pays ravag par la famine et la guerre civile.
405
dorigine indienne, dans lambiance des dclamations du Coran pour insinuer que en ce
jour saint, le dplacement tait dplac et incongru.
Un vritable paysage de rve se droulait sous nos yeux, dans une autre Afrique loin
des images rcurrentes et insupportables des massacres, de la misre et de la famine
svissant dans plusieurs pays de notre continent.
A proximit des grands domaines, des haciendas et de magnifiques villages pour les
Blancs, subsistaient outrageusement les townships pour les Noirs, dlabrs, sales et sans
infrastructures de base.
Nous sommes arrivs, aprs deux heures de route escarpe, au grand domaine
vinicole de Chardonnay, accueillis par une lgante dame blanche, ravie de voir une
dlgation marocaine en ces lieux, alors que notre chauffeur stait tenu distance
comme pour marquer son dsappointement.
Dans une grande salle dexposition des produits du domaine, des visiteurs sud
africains blancs gotaient les diffrents crus.
Certains parmi nous avaient got au champagne et aux vins blancs, dautres ont
prfr dambuler parmi les alles fleuries de la proprit appartenant lAnglo
American, socit connue pour tre le plus grand trust en Afrique du Sud, galement actif
dans les secteurs de lagro-alimentaire, de limmobilier et des mines.
En renonant volontairement au djeuner dans une auberge des environs, nous nous
sommes arrts au jardin botanique, mondialement connu pour ses espces rares de
plantes et de fleurs.
De retour Johannesburg
Le lendemain matin, samedi, alors que la plupart de nos amis saffairaient pour
partir, deux hommes daffaires, dorigine marocaine, Elkrif et Assouline, taient venus
nous inviter au repas du sabbat, chez eux, dans leur superbe villa de plain pied, avec
piscine et jardin, proximit de notre htel.
Pour nous recevoir, la matresse de maison, dorigine gyptienne, avait fait talage
de tout son savoir culinaire.
En fin daprs midi, avant le dpart de certains amis pour Zurich, nous avons visit le
Centre Islamique de Johannesburg, install dans un vaste domaine, proprit dun
milliardaire sud africain musulman.
En Afrique du Sud, lIslam est encore peu rpandu parmi la population noire, mais il
est appel se dvelopper trs rapidement , nous dit le grand Imam trs heureux de
nous rencontrer.
406
Il avait poursuivi, en rponse ma question sur la sgrgation raciale et
religieuse en Afrique du Sud:
La sgrgation raciale a exist, elle se poursuit encore avec moins dacuit, mais
jamais dans ce pays la religion na t au centre du dbat politique. Le Gouvernement a
adopt une politique de non ingrence dans les affaires religieuses et la Constitution
prvoit une totale libert du culte .
Mais nous avons remarqu que les musulmans sud africains (principalement
originaires du sous-continent indien) ne staient pas opposs lApartheid, dune part
parce quils taient moins durement touchs que les Noirs, dautre part parce quils
taient rticents aux ides marxisantes de lANC.
LApartheid tait moins dsastreux pour les Indiens et les Malais que pour les Noirs
obligs de vivre regroups dans des primtres loin de leurs lieux de travail.
Aprs avoir visit la bibliothque, admir de trs anciens Corans, puis dgust le
th et les ptisseries de la fraternit, nous avons pris cong de nos htes.
Le soir, les Hernan mavaient invit dner chez eux, en compagnie de lAttach
conomique du Chili et de son pouse et dun couple de Belges, anciens de GECAMINES
ayant fui le Shaba aprs les derniers vnements.
Nous avons voqu les situations au Maroc, au Chili et au Zare et essay danalyser
la situation en Afrique du Sud.
Je dteste les Noirs aprs tout ce que javais endur au Zare, alors que javais
toujours servi leur cause. Ils mont agresse, viole, ils ont pill ma maison. Le divorce
des communauts risque dtre consomm ici, car lanarchie sinstalle dans les townships
aprs les massacres de Boipatong. Les partisans de Mandela rclament des fusils , dit
lpouse belge rvulse, approuve par son mari.
Pour les Chiliens, la police avait rvl son incapacit ou sa rpugnance rtablir
lordre dans les ghettos noirs.
La police est peut tre complice dans le dclenchement des violences inter
ethniques , dit le conseiller conomique.
407
Les drapages risquaient de mener une situation incontrlable car ni lANC forte
composante Xhosa, ni lINKHATA majorit zoulou, ntaient pas en mesure de tenir et de
discipliner leurs troupes.
Le maintien de lordre et larrt des violences taient les conditions sine qua none
pour une reprise du dialogue politique instaur par la CODESA.
En ralit pour lAfrique du Sud, il tait urgent que les grands principes, consacrent la
mort de lApartheid.
Aprs une aussi sympathique et enrichissante soire, nous nous sommes spars en
esprant des jours meilleurs pour lAfrique du Sud.
Javais retrouv au petit djeuner, Ouaknine, comme moi, retenu une journe de plus
Johannesburg par suite des frquences des vols UTA.
A 13H, les Hernan taient venus me chercher pour aller djeuner au restaurant slect
du parc zoologique frquent par la gentry.
En nous sparant, nous avons convenu de nous retrouver au Maroc avant la fin de
lanne en cours.
En fin daprs midi, El Krief et Assouline, nos htes de la veille, accompagns dune
petite fille, taient venus nous conduire, Ouaknine et moi, laroport. En les quittant, la
petite fille stait mise pleurer grosses larmes, marquant son chagrin de nous voir
partir.
Ce fut mouvant de percevoir chez ces juifs marocains le mal du pays, les regrets
mlancoliques et nostalgiques, leurs mes meurtries, leur culture occulte et les difficiles
conditions dune seconde diaspora venue sinstaller en Afrique du Sud, aprs le dpart du
Maroc et le passage par Isral.
Le vol dUTA 439, parti avec un petit retard, aprs des escales Brazzaville et Nice,
tait arriv Roissy aprs un vol de 15 heures.
Les principes admis par les CODESA taient axs sur le dsir de toutes les ethnies et
de toutes les races duvrer ensemble, dans un climat apais, pour ltablissement dune
nouvelle socit libre et dmocratique.
408
Cette action stait faite par le biais dlections rgulires, au suffrage universel, et
par ladoption dune charte nationale garantissant la protection des liberts civiles et les
droits individuels de tous.
Si les ngociations entames en mai 1992, avaient achopp sur les questions lies
llaboration dun projet de constitution intrimaire, il nen demeurait pas moins que,
dans lattente dune nouvelle assemble constituante, le processus de dmocratisation
tait irrversiblement engag.
Des pas significatifs avaient t franchis sur la voie de la rintgration part entire
de lAfrique du Sud au sein de la communaut internationale.
La nouvelle Afrique du Sud devra satteler rsoudre ses problmes et axer ses
efforts vers une redistribution des revenus et la croissance pour gnrer suffisamment de
ressources pour rpondre aux besoins de la population la moins nantie, savoir la
majorit noire.
409
Aprs quelques semaines, la venue dhommes daffaires sud africains (parmi eux
Hernan et Rizzo) tait venue concrtiser les dcisions prises lors du sjour en Afrique du
Sud en juin, et de nombreux contacts furent tablis avec les oprateurs miniers et
nergtiques, la grande satisfaction de Mostert, Charg daffaires sud africain Rabat.
Mais malheureusement, la suite ne sera pas trs reluisante, malgr les normes
possibilits dchanges existantes entre nos deux pays.
410
Dpart de la Direction des Mines
Aprs la tenue du Conseil de perfectionnement et la remise des diplmes aux
laurats lEcole de Touissit, suivi des conseils dadministration de SODECAT, SEFERIF et
CDM, en crises svres et vraisemblablement irrversibles, la demande du Ministre
Alaoui, une mission fut organise en juillet 1992 dans les provinces sahariennes pour
prendre contact avec les autorits provinciales de Dakhla et Layoune et examiner avec
elles les possibilits de dveloppement minier.
Nous avons tout dabord rencontr avec le Secrtaire Gnral de la Province, jeune
cadre dynamique, au fait des problmes de la rgion et dsireux de connatre lavenir des
recherches ptrolires et minires dans les provinces du Sud.
Nous avons relev et apprci leffort de notre pays pour garantir, non seulement son
intgrit territoriale, mais aussi pour faire la preuve de son gnie crateur dans des
provinces laisses exsangues par loccupation espagnole.
Pour lhistoire, El Argoub est un vieux poste de larme espagnole, dfendu par une
unit des FAR et attaqu par le Polisario avant le cessez-le-feu de 1981.
Non loin, un petit primtre agricole produits des melons et des tomates de grande
qualit destins exclusivement lexportation vers lEurope.
Leau douce dirrigation provient dun forage ralis dans la nappe semi fossile
Le lendemain, tt, sous un brouillard pais, nous avons quitt Dakhla bord dun
vhicule mis notre disposition par Derhem (notabilit et homme daffaires de la rgion)
en direction de Layoune, par la nouvelle route asphalte de 550 km.
Sur notre chemin, nous avons travers la localit de Boujdour, implante proximit
dun ancien phare espagnol abandonn, en pleine mutation autour du poste militaire et
dun immense camp de toile abritant les Sahraouis venus du Nord pour participer aux
oprations du rfrendum dautodtermination.
411
anarchique du sel de la sebkha dOum Dbaa, par suite de lintervention intempestive des
responsables locaux des Travaux Publics, dsireux de soustraire cette activit au contrle
rgulier de lAdministration des mines.
Javais retrouv avec plaisir tous ceux qui avaient trim avec moi durant la priode
hroque des annes soixante et soixante dix sur les diffrents chantiers.
Nous avons remmor ensemble les pripties des travaux de recherche, avec ce que
cela avait ncessit comme efforts et dvouement au service du BRPM, demeur une
vritable cole qui avait forg tant de comptences.
***
Au cours de mon cong dt en septembre 1992, javais rejoint mon fils Karim Paris
pour aller dcouvrir lIrlande, un pays europen encore inconnu pour moi, ancien pays
dmigration pour les Etats-Unis (les Prsidents Kennedy et Reagan taient dessence
irlandaise).
Nous avons longuement circul dans Dublin, la capitale, ville sympathique, calme,
connue pour ses pubs o les Irlandais viennent ingurgiter des litres de bire Guinness,
dans une ambiance bon enfant.
Au cours dun sight seing, nous avons dcouvert la campagne irlandaise attachante,
parseme de lacs, aux coteaux boiss, faite de hautes collines, de plaines tourbeuses et
de prairies verdoyantes.
Partout dominait llevage (bovins, ovins, porcins), cot des productions de bl,
avoine, orge pour la bire, pomme de terre.
412
De retour lhtel Burlington Dublin, la fte battait son plein, et la bire Guinness
coulait flot au bar, aprs le tournoi de football irlandais (le Murling) gagn par une
quipe de Cork.
A Vienne et Londres
Aprs avoir procd au mouvement traditionnel des chefs de services rgionaux des
mines, et pour terminer le cycle des missions ltranger en 1992, javais conduit en
octobre une importante dlgation Vienne la runion annuelle du Groupe dEtude du
Plomb et du Zinc.
Au cours de nos runions dans le btiment des Nations Unies, nous avons constat
ltat de morosit et de dprime dans lequel vivait le secteur des deux mtaux de base,
entranant dans le sillage un vent de pessimisme gnralis sur tous les continents,
chacun se demandant ce que pouvait rserver lavenir.
Notre pays, producteur de plomb et de zinc devait affronter une situation difficile et
prendre les mesures qui simposaient pour viter des arrts dactivits dans les mines de
Touissit et Jbel Aouam, notamment.
Aprs Vienne, javais rejoint Londres, en compagnie de mon fils Karim pour assister
au classique dner du London Metal Exchange (LME).
Karim eut loccasion de connatre le milieu des transactions sur les mtaux et de
visiter la City, centre de la finance internationale.
413
demandant des comptes rgulirement avec le plus complet dsintressement, et dans
loptique dun dialogue responsable.
Dans la situation que je vivais, jestimais que lindustrie minire dans son ensemble
avait atteint un palier, et il tait normal et judicieux de se demander quel est son avenir
et son devenir ?
La constatation tait que, reposant sur des gisements importants, bien quips et
exploits, une contraction brutale tait loigner des esprits.
Malgr les bruits de crise quavait engendrs la dtente du march des matires
premires, la recherche minire ne stait pas effondre, et les socits minires avaient
poursuivi leur effort dinvestissement et de restructuration.
Des zones minralises mises en vidence par des mthodes modernes de recherche
et de dveloppement dans les secteurs de Marrakech pour les minerais polymtalliques
et de lAnti-Atlas pour les mtaux prcieux, montraient que le sous-sol marocain na pas
dit son dernier mot et quil recle encore des potentialits minires caches, ncessitant
un effort dinvestigation et de recherche plus consquent et plus scientifique.
Le secteur des substances utiles et des roches industrielles, jug trs prometteur
pour la prochaine dcennie, devra faire lobjet de recherches et dinvestigations
industrielles approfondies.
Leffort consenti auparavant doit tre poursuivi et support pour renouveler les
potentialits, travers des travaux ncessitent la fois une infrastructure gologique de
base et des moyens financiers importants pour dvelopper lexploration et le
dveloppement.
Lindustrie minire prsente la particularit que la dure de vie des exploitations est
fonction des rserves dites exploitables.
Cela ne peut se faire que dans le cadre dune stratgie de dveloppement minier
axe, entre autres, sur :
- La souplesse dans loctroi des permis miniers pour maximiser leffort et lencouragement
des oprateurs privs nationaux ou trangers pour relayer ou poursuivre les efforts de
414
lEtat dans lexploration minire par la ralisation dimportants programmes de recherche,
dexploitation, de valorisation et de commercialisation des substances minires,
- Lassociation et limplication des collectivits locales dans la mise en uvre des plans de
dveloppement minier par linstitution de procdures dcentralises et dconcentres,
privilgiant lchelon rgional,
- La rvision profonde du rgime dexploitation minire artisanale qui a fait son temps
tout en veillant la formation, lorganisation, lencadrement et lencouragement des
artisans mineurs,
- La mise en place dune politique novatrice de formation dans le secteur minier, mieux
adapte aux besoins nationaux et qui peut tre un atout important pour la promotion du
Maroc auprs des socits minires internationales,
Une priode de ma vie professionnelle tait tourne, et dautres horizons plus larges
souvraient devant moi, grce la tnacit et lamicale considration renouvele du
Ministre Alaoui.
415
Mon dpart de la Direction des Mines fut loccasion pour mes anciens collaborateurs
de manifester mon gard leur sympathie, leur considration et leur apprciation
positive pour tout ce que nous avons ralis, concoct et mis en place ensemble depuis
plus dune dcennie.
Lampleur de votre tche est immense, nul ne peut le contester et encore moins
la dnigrer ou la msestimer ; pourvu que le relais soit assur dans une approche lucide,
responsable et objective , me dit un collaborateur.
En allant officier ailleurs, javais espr que le travail entam sera poursuivi, que des
amliorations seraient apportes notre organisation dynamique, mi-chemin entre la
traditionnelle Administration et le bouillonnant du Priv.
416
DEUXIEME PERIODE
AU SECRETARIAT GENERAL
****
Rsum
Aprs le dpart de Karbid du Secrtariat Gnral pour lOrganisation Arabe du
Dveloppement Industriel et Minier (OADIM), je fus appel lui succder, tant au
Ministre le plus ancien dans la profession.
Pour moi, ce fut le dbut dune nouvelle pope professionnelle, axe sur la
coordination de laction des Directions et des Divisions en prenant des initiatives pour ne
pas dcevoir tous ceux qui avaient cru mon toile.
Ainsi, le Ministre Alaoui soulag des problmes dintendance, fut laise pour mener
de front sa politique nergtique et minire.
Jai vcu cette priode sans jamais rester inactif ou me cantonner dans une position
confortable dobservateur.
Dans le secteur de lEnergie, les retards dans les investissements lONE avaient
entran des dlestages multiples responsables du malaise profond parmi les oprateurs
conomiques.
Devant cette situation, les instructions royales taient venues amorcer louverture de
notre pays aux investisseurs dans le domaine de la production indpendante de
llectricit, paralllement la tendance vers une politique de dmonopolisation de la
production.
Dans ce cadre, lOffice acclra les tudes du projet dinterconnexion avec le rseau
espagnol travers le Dtroit de Gibraltar par la pose dun cble dnergie.
A la mine de Jbel Aouam, lactivit avait t assombrie par des mouvements de grve
aux retombes sociales graves dans le secteur du Moyen Atlas.
Fin dcembre 1992, jeus lhonneur dtre prsent au Roi Hassan II, et dbut fvrier
1993, de participer une runion prside par le Roi au Palais royal de Fs.
417
Durant le mois de Ramadan en mars, 1993, je mtais rendu en Arabie Saoudite pour
participer, en tant que suffragant, la soutenance du mmoire de magister dun officier
suprieur saoudien de la Dfense Civile, sur le thme la scurit dans les mines
mtalliques marocaines.
Le suivi de proximit de la formation des cadres lENIM, aux Ecoles des Mines de
Marrakech et Touissit, et lactivit du Fonds de Formation Inter Entreprises Minires,
avaient t renforcs
Nos activits avaient port sur la mise en place du plan dactions par objectifs visant
apprhender davantage les problmes du secteur nergtique et assainir ceux du
secteur minier en butte des grves inconsidres.
La situation nergtique tait plus proccupante que par le pass, suite aux
dlestages sans fin en priode de pointe.
Dans cette ambiance dltre, les relations avec le Ministre avaient commenc se
dtriorer, entranant mon dpart du Dpartement et dun secteur o javais exerc
durant plus de trente ans.
418
Il faut de nouveau repartir
Dans la situation qui prvalait au Ministre de lEnergie et des Mines, le choix stait
port sur moi, non par complaisance, affinit personnelle avec le Ministre Alaoui, mais
plutt parce que la Direction des Mines avait la prminence sur les autres Directions
depuis la dcision du Ministre Moussa Saadi en septembre 1981.
Je la dois aussi au secteur minier qui avait suivi, sans rserve, la vitesse imprime
notre action tous azimuts depuis 1981, dans un cadre de synergie et damicale et franche
collaboration de tous les instants.
Pour moi, ce fut le dbut dune nouvelle pope professionnelle, apprhende avec
srnit et dtermination pour coordonner laction des Directions et des Divisions,
appliquer les directives du Ministre, redynamiser lactivit de notre Dpartement en
prenant des initiatives judicieuses pour ne pas dcevoir tous ceux qui avaient cru mon
toile et dont la sympathie me donna la force ncessaire pour aller rapidement de lavant.
Ainsi, le Ministre soulag des problmes dintendance, fut laise pour mener de
front sa politique nergtique et minire, sans rater la moindre occasion de mettre en
exergue la qualit du travail de ses collaborateurs, attitude rare dans la Fonction publique
nationale o lgocentrisme est manifeste chez les responsables.
Ne toccupe pas des problmes sociaux du Dpartement, car tu vas tenliser dans le
ddale des relations avec les syndicats et les reprsentants du personnel. Focalise ton
action sur les problmes techniques , me conseilla un ami, quelques jours aprs ma
nomination, oubliant que cela na jamais t ma tasse de th, car je ne suis pas de ceux
qui occultent les problmes du personnel et leur corollaire.
Jtais l, pour coordonner laction des directions et non pour assurer le travail de
ceux qui ont t dsigns pour laccomplir.
Ma position fut dailleurs approuve par les Directeurs qui avaient apprci mon fair
play, ayant t moi-mme Directeur des Mines, et ombrageux en ce qui concerne le
domaine rserv spcifiquement pour le poste.
Peu de temps aprs, sous le feu de laction, le Ministre dcida de modifier sa mthode
de travail, en prsidant chaque matin des runions pour expdier les affaires courantes et
419
urgentes, suivies de briefings nous permettant tous, de travailler en quipe, dans la
transparence et la confiance renouvele.
Je vivais cette priode avec lide quil valait mieux ajouter mon exprience une
petite dose dinitiative tous les niveaux de notre Dpartement expos aux critiques
pernicieuses de ses nombreux dtracteurs.
Au niveau du Ministre des Finances, aprs une longue priode de lthargie malgr
les mises en garde rcurrentes du Directeur de lONE, Ahmed Tazi, la prise de conscience
de la situation avait justifi le dblocage rapide des crdits ncessaires pour affronter la
crise endmique.
Ainsi, avec une clrit inconnue jusqualors, les commandes des turbines gaz de
Ttouan et Tit Mellil furent passes, mais ne furent quun pis aller.
Compte tenu des priorits budgtaires, les instructions royales taient venues ouvrir
les perspectives de la production indpendante de llectricit de plus en plus dveloppe
travers le monde.
Malgr les rticences de lONE, notre pays tait dans lobligation de souvrir aux
investisseurs dans ce domaine.
Un incident fortuit, sur une ligne HT aux alentours de Rabat, entre la valle de lOued
Akrech et la carrire de lOued Ikkem, considr comme un sabotage, dclencha
malheureusement les foudres sur le Directeur Gnral de lONE, Ahmed Tazi, en mission
en Espagne pour une courte priode.
Il fut remplac par le plus illustre et le plus en vue des directeurs centraux,
Abderrahmane Naji, homme, intgre, travailleur, de grande valeur humaine et
professionnelle, ancien patron dAfourer, ayant fait preuve de ses comptences sur les
chantiers, les usines et la gestion de la principale direction de lOffice.
420
nombreux dtracteurs et accus de saboter lconomie nationale par son apathie et son
manque de ractivit face aux problmes .
Il tait difficile dadmettre des coupures dlectricit pour un pays comme le ntre,
car il y allait de sa crdibilit vis--vis des investisseurs trangers, pour lesquels
beaucoup defforts avaient t dploys afin de les motiver diriger leurs capitaux vers le
Maroc, tout autant que des investisseurs nationaux.
Les dlestages lectriques rcurrents, mal supports par les industriels et lensemble
de la population pour qui llectricit rpond un besoin fondamental, avaient continu
maintenir constamment en veil le Ministre.
Pour faire face cette situation, lOffice acclra les tudes du projet
dinterconnexion avec le rseau espagnol travers le Dtroit de Gibraltar par la pose dun
cble dnergie sous-marin.
Cette possibilit dchanges entre les deux pays visait une meilleure gestion de la
demande nationale en matire dnergie lectrique et pourrait lavenir tre double par
la pose dautres cbles dnergie.
***
A SOCOCHARBO, une nouvelle quipe dirige par El Mostafa Alaoui, avait pris les
rnes pour effacer les squelles lgues par lancienne gestion.
Au pralable, les partenaires avaient conclu des accords multilatraux prcisant les
conditions dachat et de transit du gaz, le financement du projet, la construction et
lexportation, lesdits accords tant ouverts ladhsion des tiers intresss.
421
ralis lacheminement du gaz dans les meilleures conditions de scurit, cot, dlai,
stabilit, flexibilit et efficacit.
Lensemble des investissements, ncessaires pour relier les champs gaziers algriens
de Hassi Rmel la frontire hispano-franaise, tait estim 2,5 milliards de dollars, dont
plus de 1,3 milliard de dollars investis par des tiers pour le tronon traversant le territoire
marocain, depuis An Bni Mtaher Tanger.
Dans un premier temps, la socit OMEGAZ avait pour mission de raliser des tudes
techniques et conomiques ayant trait au tronon du Gazoduc de 545km en grand
diamtre, depuis la frontire algrienne prs de An Bni Mtaher jusquau Dtroit de
Gibraltar, en passant prs de Taza et Ouezzane, lEtat marocain accordant des avantages
fiscaux et administratifs.
Dans ce cadre, une dlgation portugaise, venue sinformer sur ltat davancement
du Gazoduc, semblait dcide rompre avec les Franais dans la ralisation du terminal
gazier de Sins.
Les Portugais taient convaincus que les intrts de leur pays seraient mieux
sauvegards en prenant part au GME, considr comme un pont entre les Mondes
europen et africain.
422
Dans le secteur minier
Concernant le secteur des mines, au cours du mois de dcembre 1992, le Prince
Hritier Sidi Mohammed prsida le lancement officiel de la production du projet
polymtallique de Hajar.
Louverture dune nouvelle grande mine tait venue concrtiser la coopration des
Groupes BRPM et ONA et redorer le blason de la mine marocaine terni par la faiblesse
persistante des cours des matires premires minrales et impact par le poids du cot
des transports terrestres et maritimes.
Au niveau des autres mines, Jbel Aouam notamment, prvalait une situation
difficile la suite du retrait de la Compagnie Minire de Touissit (CMT) en tant
quactionnaire de la Socit des Mines de lAouam (SMA), et de la demande des
actionnaires belges dune restructuration drastique des effectifs et la baisse des autres
charges dexploitation.
De plus, lAouam, en butte aux incidences nfastes de la chute des cours du plomb
et de largent, le souci de lAdministration des Mines tait de maintenir lactivit pour ne
pas mettre en pril la vie de 700 familles, avec des retombes sociales graves dans un
secteur du Moyen Atlas, rput frondeur depuis toujours.
Une reprise par CMT tait envisage, dans un cadre rnov de lexploitation des
secteurs les plus riches en minerai de plomb argentifre Tighza (Irherm Aoussar), mis
en vidence quelques annes auparavant.
Dans un autre cadre, les runions des Comits de Direction du BRPM et de lONAREP
avaient attir lattention des pouvoirs publics sur lurgence daccorder des crdits
ncessaires et suffisants la poursuite des actions de promotion et de dveloppement
des secteurs minier et ptrolier.
Lhistoire nous avait enseign que sans les recherches minires du BRPM, la mine
mtallique au Maroc tombera dans une nouvelle lthargie dvastatrice.
423
En consquence, aucune dcouverte majeure ne fut enregistre durant cette triste
priode, et probablement, il fallait sattendre une descente aux enfers de la mine
mtallique dans notre pays.
Nous avons tous continu esprer un lan salvateur pour la remettre sur les rails
dun dveloppement renouvel et prenne.
Ce fut pour moi un moment inoubliable car, aprs lintervention rapide de mes
collgues, le Souverain avait suivi, attentivement pendant plus dune demi-heure, mon
expos sur les problmes de llectrification rurale, la ralisation du Gazoduc Maghreb-
Europe, le dveloppement de la recherche gologique et minire dans le Rif, et la
valorisation des substances minrales aux plans national et rgional.
A plusieurs reprises, le Roi mincitait poursuivre mon expos, alors que javais
dpass les cinq minutes qui taient imparties mes prdcesseurs.
A la fin de la runion vers 13H, les ministres Meziane, Alaoui et Ahizoune taient
ravis de ma prestation.
Et retenant les ministres prsents djeuner au Palais royal, le Roi, pour marquer sa
satisfaction, avait charg spcialement le Protocole Royal de lorganisation de notre
propre repas au Palais Jama.
Avertissez le Palais Jama pour quon leur serve un bon djeuner quils mritent ;
ce qui fut fait, car nous emes droit un dlicieux repas.
En Arabie Saoudite
Durant le mois de Ramadan mars, 1993, je mtais rendu en Arabie Saoudite pour
participer, en compagnie du Professeur Hamdani de la Facult de Droit Marrakech, en
tant que suffragants, la soutenance du mmoire de magister prpar par Adnane
Hashimi, officier suprieur saoudien de la Dfense Civile, sur le thme la scurit dans
les mines mtalliques marocaines.
Auparavant, Adnane, pilot par les cadres de la Direction des Mines, avait sjourn
au Maroc et visit des exploitations minires pour apprcier les programmes daction et
les actions entreprises pour promouvoir la scurit.
424
Nous fmes chaleureusement accueillis Ryad et logs au Centre de
Perfectionnement et dEtudes de Scurit, immense complexe relevant de la Ligue Arabe,
financ par lArabie Saoudite, avec campus, mosque et htel particulier.
La gestion htelire tait assure par une quipe marocaine comptente, mais trs
nostalgique de son pays.
Nous avons dcouvert une cit qui vit la nuit, dans les souks livrs aux femmes, les
cafs, les rues bonds et les magasins surveills par les quipes du temple de la vertu
trs pointilleuses sur le port du voile.
Nous avons assist une scne cocasse o des trangres dorigine europenne,
furent rappeles lordre par des moutawaas en les obligeant porter correctement
leur manteau noir et leur coiffe pour dissimuler leur chevelure, avant de pntrer dans
une bijouterie du centre ville.
Nous aussi, nous fmes refouls sans mnagement dun souk ddi uniquement aux
femmes, avant dassister lentre dun magasin une intervention de la police des
murs pour obliger des femmes europennes respecter le port du voile.
Deux jours aprs notre arrive Ryad, notre hte Adnane, nous avait confis son
fils Zaki pour nous accompagner et nous guider durant la Omra La Mekke, accomplie
parmi des dizaines de milliers de fidles et dans une ambiance de pit et de
recueillement extraordinaires.
Nous avons rejoint Ryad Le lendemain, pour assister, dans lamphithtre du Centre
de Perfectionnement, la prsentation en grande crmonie de la thse d'Adnane, pour
laquelle nous faisions partie du jury.
Le pre Adnan, vnrable Arabe de la tribu des Bnou Hisham de La Mekke, tait venu
spcialement assister la soutenance du mmoire de son fils.
Pour notre part, avec le Professeur Hamdani, en prambule, nous avons fait part de
la bonne apprciation laisse par Adnan lors de son passage dans les exploitations
minires au Maroc, et de son profond intrt pour la chose de la scurit dans les
mines marocaines.
Aprs lexpos rapide du contenu de la thse, Adnan fut soumis au feu roulant des
nombreuses questions sur les mesures prendre en Arabie Saoudite pour garantir la
scurit dans les activits conomiques du pays, et notamment dans les exploitations
ptrolires et minires en gestation.
Adnane, tout fait laise, avait rpondu aux questions, sans jamais se dpartir de
son calme olympien.
425
Dailleurs, pour cela, sa prestation fut salue, juste titre, par des acclamations
nourries de ses nombreux concitoyens venus nombreux, au grand bonheur de son
honorable pre, drap dans sa tenue de cheikh hachmite vnrable.
Une rception avait suivi la prsentation au cours de laquelle nous fmes lobjet de
beaucoup de considration de la part des dignitaires saoudiens, et notamment du pre
dAdnane qui avait tenu marquer son admiration pour laccompagnement de son fils
dans ses multiples investigations dans le secteur minier marocain.
Au dernier jour, une entrevue eut lieu avec le Gnral Hashimi, responsable de la
Dfense Civile, oncle d'Adnane et homme de grande culture qui nous avait entretenus de
la situation sociale, conomique et politique dans son pays.
Il y a peut tre un gchis monstre, mais il y a aussi des ralisations qui ont
profondment transform le pays des Bdouins et des commerant de Djeddah et de La
Mekke , nous avait dit un connaisseur de la rgion.
Les Saoudiens avaient engag des investissements colossaux, estims des dizaines
de milliards de dollars pour rendre la premire ville sacre de lIslam plus accueillante et
plus accessible aux plerins de tous les pays.
Ryad, durant le Ramadan, dormait le jour et vivait ardemment la nuit dans une
dbauche de lumires, avec les grandes artres croulant sous les flots de belles voitures,
et une circulation infernale que la police arrivait difficilement canaliser.
Les Saoudiens sont devenus des hommes daffaires avertis, des sponsors et des
intermdiaires, alors que le travail rude, dur, ingrat est le domaine de prdilection des
426
asiatiques (Indiens, Philippins, Indonsiens, Corens), des Egyptiens et des Marocains
prsents et apprcis dans lhtellerie et les autres services.
Ne toccupe pas des problmes sociaux, car tu vas tenliser dedans, focalise ton action
sur les problmes techniques et laisse les relations humaines aux autres , me conseilla
quelquun.
Ce conseiller semblait ignorer que les problmes techniques, sans les occulter ou les
sous estimer, taient dabord lapanage des Directeurs, et quil ne mincombait pas de me
mettre leur place.
La revendication doit tre traite en amont, en aval ne demeurent que les rsidus
incurables des inaptes ladaptation, tout en gardant lesprit quon nest pas social sous
la pression du personnel.
Rationaliser les dpenses, lutter contre les abus et le gaspillage, sont les meilleures
faons daugmenter les crdits , disait un averti en matire budgtaire.
Ainsi, aprs avoir dml lcheveau de la Cooprative des logements Hay Ryad
avec le CIH, de nouveaux espoirs taient ns pour aller de lavant et rpondre aux
attentes des fonctionnaires en matire de transport, dassurances, de colonies de
vacances, de sjours au COS/ONE, etc.
Un foyer restaurant et une infirmerie furent installs dans les locaux abandonns au
rez-de-chausse du deuxime btiment, et leur gestion confie un professionnel de
lextrieur et un mdecin conventionn.
427
socits participantes, dans un esprit douverture et dquit dans lallocation des
subventions.
Linformatisation de nos travaux, leitmotiv quotidien, avait vis rendre plus efficace
et plus efficiente notre action pour diminuer les temps de rponse aux sollicitations et
interrogations des citoyens et des fonctionnaires.
Durant la dernire semaine de juin 1993, je mtais rendu Paris pour faire un
expos sur le Gazoduc Maghreb-Europe, loccasion du sminaire organis lHtel
Baltimore par la Chambre de Commerce franco-arabe.
Khalid Mdiouri, cadre de grande valeur, fils de son pre, tait appel
redynamiser le CNESTEN en vue permettre notre pays de matriser les techniques
nuclaires et de se prparer lintroduction de llectronuclaire aprs lpuisement
inluctable des gisements ptroliers dans le monde.
428
A lIle Maurice
Et en Afrique du Sud
En t 1993, aprs une anne bien laborieuse, en compagnie de mon fils Karim et de
mon ami Mhamed Bennani, un long voyage, alliant lagrable lutile, nous avait mens
Djibouti, La Runion, lIle Maurice et en Afrique du Sud.
Partis de Paris, aprs une courte escale Bordeaux, nous avons atterri Djibouti,
dans un environnement de pierrailles.
A proximit immdiate, des hlicoptres Puma, des avions Transal sur les pistes et
dimmenses hangars abritant des avions Mirage 2000, taient les indices de la prsence
muscle de lArme franaise dans la Corne de lAfrique.
Cette prsence rappelait que Djibouti faisait partie du Territoire franais des Afars et
des Issas et quelle avait un intrt stratgique par sa situation lentre de la Mer
Rouge, proche du verrou de Bab El Mandab sur le Golfe dAden.
A lIle Maurice
Sous une pluie battante, dans un taxi conduit par un crole, nous avons regagn
lHtel Shandrani, accueillant, anim et envahi par les touristes.
Les 3 et 4 jours, nous avons lou une voiture avec chauffeur pour aller dcouvrir
lIle o nous avons admir des paysages merveilleux et dautres installations touristiques
de haut de gamme.
429
La grande Maurice (ancienne le de France de 1.865 km de superficie), environ 800
km lest de Madagascar et 2OO km au Nord-est de lle de La Runion, tait dabord
une colonie franaise, puis britannique, et enfin en 1968, Etat indpendant, membre du
Commonwealth.
Lensemble mauricien avec ses dpendances, occupe une superficie de 2.040 km,
pour 2.150 les.
Les Mauriciens extrmement gentils, accueillants, affables, gais, aimant la fte, ont
appris tirer partie de la beaut de lIle; ils sont le produit de tous les continents, leur
pays ayant bnfici de lamalgame des multiples civilisations qui sy sont entremles.
On peut affirmer sans exagrer, que Maurice est un vritable univers lui tout
seul o chaque communaut prserve sa culture et ses traditions, et il suffit dy aller pour
ne plus vouloir en repartir.
Dans lIle, sorganise dans une harmonie parfaite, inconnue ailleurs, une vie dun
peuple composite qui a choisi de faire de sa pluralit une source de bonheur ; les
communauts et les religions cultivent la symbiose plutt que laffrontement.
Dans lle dorigine volcanique, les coules basaltiques stendent vers le Nord et
constituent des terroirs fertiles ; une barrire corallienne assure lle des ports bien
protgs et des eaux calmes et sres qui font le bonheur des touristes.
Le climat est tropical, domin par linfluence des alizs du sud-est, avec des pluies
dt austral (novembre avril) ; de fvrier avril, lle subit des dpressions de la
mousson, des fois dvastatrices.
La canne sucre, qui occupe 50% des plantations de lle, et le th sont la base de
lconomie mauricienne ; partout les terrains pauvres dorigine volcanique ont t
dpierrs, et des pyramides de blocs basaltiques attestent de leffort pour rendre les
terres aptes ces cultures.
Les exportations de textiles, dans le cadre dune zone franche manufacturire, ont
pris le relais pour assurer ladolescence de cette conomie.
Le chmage qui svissait auparavant, a t jugul tel point que les entreprises
importent de la main duvre, faisant de Maurice linterface entre lAfrique et lAsie du
sud est.
430
Mais pour lconomie mauricienne, le dveloppement du secteur industriel et des
services ne veut pas dire la relgation de lagriculture au second plan.
Aprs un retour Port Louis pour rparation, du racteur, nous sommes arrivs
destination, aprs un retard de six heures.
Nous avons dn ensemble dans un restaurant italien suivi dune visite de courtoisie
la famille de Jzouani.
Le lendemain, 6 septembre 1993, aprs des sances de travail avec des socits
productrices de charbon, un reprsentant de la socit TransNatal nous avait conduits
laroport pour prendre le vol sur Cape Town o javais fait dcouvrir Bennani et Karim
la Table Mountain et la Corniche en bordure de lAtlantique.
Le lendemain, en taxi conduit par un Xhosa, nous avons effectu une randonne en
passant proximit de lancienne base de lOTAN, Simonstown.
Puis, nous avons travers de belles rgions verdoyantes, bastion des Afrikaners et
des boers qui ont su admirablement mettre en valeur des terres restes en friches avant
leur colonisation au 17 sicle.
Nous avons escalad le rocher de Cape Point, en compagnie dun groupe de jeunes
visiteurs trs heureux de se trouver lextrmit du continent africain.
Au retour vers Le Cap, nous avons travers une zone de haras et dagriculture
mcanise, rappelant la Hollande ou les pays scandinaves, alors que, malgr la fin de
lApartheid, la misre dans les home lands tait encore poignante.
Nous avons repris lavion sur Johannesburg en dbut daprs midi, accueillis
larrive par le reprsentant de TransNatal venu nous conduire lHtel Balalaka.
431
Le lendemain, nous sommes alls en hlicoptre, 250 km lest de Johannesburg,
dans une mine de charbon de TransNatal, o nous fmes chaleureusement accueillis par
les responsables de lexploitation.
Lorganisation, orchestre par trois jeunes filles, fut remarquable tous points de
vue ; cependant les exposs furent plus ou moins brillants et dignes dintrt.
Le soir, nous sommes alls laroport saluer, avant son dpart, Haddaoui que Karim
et Benriyane avaient accompagn le matin pour effectuer un circuit de safari dans le
domaine de Sun City.
Le soir, nous avons invit les Benriyane dans un restaurant pris de Pretoria pour
leur marquer notre reconnaissance pour leur amabilit et leur soutien.
Nous avons quitt Karim Paris et regagn Rabat le mme jour, tous contents
davoir effectu un long priple, intressant et enrichissant plus dun titre.
432
Le secteur de lEnergie en mutation
Au retour de cong, des dplacements furent effectus dans les dlgations du
Ministre Tanger, Mekns, Fs, Oujda, Marrakech, Casablanca, Agadir, Ouarzazate, Bni
Mellal pour valuer la situation, et surtout pour montrer aux responsables de nos services
extrieurs quune oreille rellement attentive tait l pour les aider solutionner, autant
que faire ce peut, les problmes auxquels ils faisaient face.
Ce fut une nouvelle exprience pour moi, car dans ce domaine, il tait primordial
dassurer la coordination des actions de la dlgation, inexistante jusqualors, et adopter
une position commune face aux reprsentants du Dpartement de la Coopration de
lAgence, connus pour tre coriaces dans loctroi des crdits et peu souples pour
accrditer les programmes prsents par les pays membres comme le Maroc.
Trs vite, aprs une runion de mise au point notre arrive, les membres de la
dlgation avaient compris que dans lintrt suprieur de notre pays, il fallait parler le
mme langage, ne pas agir en ordre dispers, et ce, pour mieux exploiter les opportunits
en matire de crdits daide.
Notre participation aux travaux du groupe africain avait permis de connatre ltat
desprit des dlgus et de noter que la langue de bois et la rhtorique striles taient
toujours en vigueur dans les forums internationaux.
LAmbassadeur du Maroc, Mohammed El Fassi, qui nous avait dj honors lors des
prcdentes runions du Groupe dEtude du Plomb et du Zinc, invita lensemble de la
dlgation dner en sa rsidence dans le quartier hupp de Vienne.
Aprs la capitale autrichienne, lors dun bref dplacement Zurich et Baden, javais
visit les installations de la socit Brown Boveri spcialise dans la mise au point et la
fabrication des turbines gaz pour cycle combin, dsireuse de collaborer avec lONE
dans le cadre de sa nouvelle politique dquipement acclr pour endiguer la crise
nergtique et loigner les dlestages en priode de pointe.
****
Avant de rentrer Rabat, avec mon pouse, nous avons assist la mairie du 10
Arrondissement et au Consulat Gnral du Maroc Paris, un vnement familial
majeur : le mariage de notre fils Karim avec Zineb Benjelloun.
Le lendemain, nous tions convis avec les deux jeunes poux par la famille Benam
un djeuner Saint Cloud, et le soir, notre tour, nous avons t les htes dun dner au
restaurant Le Rostang dans le quartier des Ternes.
433
Les difficults rcurrentes lONE taient venues confirmer la ncessit autant que
lurgence dune action volontariste et rapide pour que le Maroc dispose dans les plus brefs
dlais dun systme lectrique parfaitement performant sur le plan conomique,
totalement fiable sur le plan technique et couvrant lensemble des besoins du pays en
lectricit, facteur dterminant dans le dveloppement conomique et social aux plans
national et rgional.
Par ailleurs, les mutations profondes et rapides qui sopraient sur la scne
internationale exigeaient du secteur nergtique national, et en particulier celui de
llectricit, un effort considrable dadaptation continu dans un contexte conomico-
financier de plus en plus difficile.
- dacclrer la ralisation du PNER II, ralis par lONE, pris en charge par les
Collectivits Locales pour environ 2,5 milliards de dirhams, et prvoyant llectrification
de 600 villages en 6 tranches successives, soit 190.000 foyers et prs de 1.100.000
habitants,
- dengager la prparation de la Troisime Phase (PNER III) qui pourrait voir un dbut de
ralisation en 2000.
Par ailleurs, lONE devait engager des actions visant optimiser les cots de
llectrification et la rduction des dlais par :
434
Au niveau des nergies renouvelables, le Maroc tant encore un pays aux ressources
nergtiques fossiles limites, se doit dexploiter au maximum le potentiel en nergies
renouvelables.
- le solaire peut produire 4,7 5,6 kWh/m/jour, soit 1.700 2.050 kWh/m/an grce
un ensoleillement de 2.950 h/an,
- lolien : le potentiel de la ressource olienne dans les zones ventes (4,6 8 m/s)
tait estim 6.000 MW ; 1.000 MW devraient tre installs lhorizon 2012, avec des
mesures incitatives et fiscales,
435
Ainsi, des contacts furent nous avec des producteurs indpendants trangers,
attirs par les possibilits de raliser des investissements dans un crneau porteur qui
croissait chaque anne de 7 8%.
Les discussions et les ngociations avec plusieurs groupes intresss furent longues
et ardues, notamment avec le groupe amricano-belge AES dsireux de raliser
Mohammedia une centrale compose de matriel de seconde main destin initialement au
Liban, et entrepos en Irlande.
Plus tard, le concessionnaire amricain fera appel Alstom pour fournir les
quipements des groupes 3 et 4.
Jorf Lasfar deviendra et restera probablement, plus tard, le plus grand complexe
national de production dlectricit thermique (charbon), avec une puissance installe
avoisinant 1.300 MW, soit environ 50% de la demande globale du Maroc au cours des
annes quatre vingt dix.
Dans cet environnement, il fallait savoir si nous allons rester encore pour longtemps
la merci dun march international des hydrocarbures erratique et subir les fluctuations
du baril de ptrole sans raction.
Lide qui prvalait tait de trouver des solutions de substitution pour tre labri de
ces fluctuations en diversifiant nos ressources nergtiques, notamment par la promotion
soutenue des nergies renouvelables, la matrise vritable de lnergie et lefficacit
nergtique, linstar de plusieurs pays qui les appliquent avec efficacit et
dtermination.
Mais la dure que ncessitera la mise en place dun programme lectronuclaire sera
certainement longue, et probablement plus de 15 ans.
436
Cela exige la connaissance des conditions pralables la prise de dcision par les
pouvoirs publics, suivie du lancement des appels doffres et llaboration des dispositions
rglementaires, techniques et organisationnelles pour la ralisation dune centrale pour la
production dlectricit.
La mise en service et lexploitation de cette centrale exigeront avant toute chose une
formation pointue du personnel de conduite pour satisfaire les conditions de la scurit
nuclaire et de ses corollaires.
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Des lendemains incertains
En novembre 1993, loccasion dun remaniement ministriel qui avait maintenu les
technocrates au pouvoir, le Ministre Alaoui avait quitt le Dpartement de lEnergie et des
Mines pour celui de la Jeunesse et des Sports, remplac par Abdellatif Guerraoui, ancien
Chef du Secrtariat du Directeur Gnral de lOCP.
Durant son passage au Dpartement de lEnergie et des Mines, Alaoui fut pour moi
celui qui avait lgu le tmoignage vivant de son approche lucide des problmes et de son
engagement pour la promotion sociale des fonctionnaires.
De longue date, javais entretenu des relations amicales avec Guerraoui, renforces
mon arrive la Direction des Mines lors des diffrentes missions que javais effectues
lOCP pour essayer de renouer le contact distendu entre le Ministre et lOffice.
Cependant, mon rle fut malais ds le dpart, car tant pressenti moi aussi la tte
du Dpartement de lEnergie et des Mines, certains proches du nouveau ministre
considraient que je pouvais lui porter ombrage, et mettaient en doute ma loyaut.
Guerraoui, plusieurs reprises, avait tenu souligner avec force lexcellence de nos
relations personnelles.
Arrivant seul, Guerraoui estimait navoir pas besoin dun cabinet, et considrait que
le Secrtaire Gnral du Ministre pouvait, en attendant, assurer aussi cette fonction de
proximit quotidienne avec lui.
Ce que javais dailleurs accept sans rechigner, convaincu, pour ma part, de lui
apporter un soutien multiforme, dans la loyaut et lamiti.
Aprs linstallation du nouveau ministre, je fus appel faire partie dune mission
Madrid, dans le cadre de la Grande Commission maroco-espagnole prside par les deux
Premiers Ministres, Karim Lamrani et Felipe Gonzales, et laquelle avaient particip les
Secrtaires Gnraux des dpartements conomiques.
Logs lHtel Ritz, en plein centre de la capitale espagnole, notre sjour fut
agrable mais dun intrt professionnel limit, stant born effleurer les problmes de
lnergie et des mines.
Pour le secteur de lEnergie et des Mines, les discussions avaient port sur les projets
nergtiques, tels le Gazoduc Maghreb-Europe et la ralisation de linterconnexion
lectrique travers le Dtroit de Gibraltar, des rseaux de lONE et de son homologue
espagnol, le secteur minier fut compltement ignor.
Un procs verbal avait cltur notre mission, en mettant laccent sur laide financire
espagnole, relativement importante, pour les cinq prochaines annes.
****
Au Ministre, durant deux mois, nos actions avaient port sur la poursuite de la
restructuration et la mise en place du plan dactions par objectifs visant apprhender
davantage les problmes du secteur nergtique et assainir ceux du secteur minier en
butte des grves inconsidres dans plusieurs exploitations.
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Par ailleurs, le dmarrage dune nouvelle lgislature tait venu dmultiplier notre
activit traditionnelle, car le suivi des questions orales et crites poses par les
parlementaires exigeaient beaucoup de temps, de persvrance, de sang froid et surtout
dabngation.
Aprs lpreuve du Parlement, lesprit dquipe entretenu avec Alaoui, mis rude
preuve ds les premiers jours, ne rompit pas heureusement, mobligeant contenir les
apprhensions des Directeurs et des Chefs de Divisions.
Lessentiel pour moi, sans tre un thurifraire, fut de savoir raison garder et de ne
point glisser vers laffrontement et lirrparable.
Fin janvier 1994, Guerraoui, trs logiquement dailleurs, demanda constituer une
quipe au Cabinet pour permettre au Secrtariat Gnral de se consacrer plus
efficacement la gestion du Dpartement , et me demanda de lui proposer des
candidats de pleine confiance et connaissant lenvironnement du Ministre.
Ainsi, Bouhaouli fut install comme Chef de Cabinet avec comme directives de ne
pas interfrer dans les activits des Directions et de ne pas constituer un rempart entre le
Ministre et lAdministration .
Pour renforcer son Cabinet, Guerraoui fit appel des comptences extrieures
pluridisciplinaires pour appuyer et supporter lAdministration dans ses interventions,
et danciens cadres subalternes retraits de lOCP.
Dbut fvrier 1994, javais fait partie de la dlgation officielle ayant install les
nouveaux wali et gouverneurs des provinces de Laayoune, Dakhla et Essemara.
Les problmes nergtiques, comme du temps d'Alaoui, furent notre credo de tous
les jours, car, confronts la crise, les pouvoirs publics devaient adopter une position
claire quant au programme dquipement de lONE, en conformit avec les moyens
financiers limits de lEtat.
Avec les retards dans les dblocages des crdits lONE dans le cadre de ses
programmes, il se rvlait de plus en plus que lOffice, malgr la mise en place rapide et
acclre des centrales gasoil de Tit Mellil et Ttouan (2x100 MW), ne pouvait seul
rpondre la forte demande de lnergie lectrique, et loigner le spectre des dlestage
de triste mmoire au sein du secteur industriel de Casablanca.
Naji fut rabrou plusieurs reprises pour le retard dans lextension des capacits de
production lectrique du grand complexe de Jorf Lasfar.
439
Ce fut une longue priode de trouble profond, plus proccupante que par le pass.
En dfinitive, Naji fut remerci et remplac en mars 1994 par Benhima, ancien
responsable du centre de lOCP Khouribga et Directeur Gnral dAir Liquide.
Un grand responsable dOffice, ptri de qualits, quitta la scne moins de deux ans
aprs avoir t nomm pour remplacer le vtran Tazi.
Lloignement brutal de Naji tait venu confirmer qu tout moment cela pourrait me
concerner moi-mme.
Dans le sillage, le Directeur de lEnergie, Mustapha Alaoui voyait une grande partie de
ses attributions dvie vers le Cabinet.
Dbut avril 1994, sur instructions du Ministre, javais effectu une mission rapide
Tripoli pour le reprsenter la runion des Ministres de lEnergie et des Mines de lUnion
du Maghreb Arabe.
Suite lembargo impos la Libye par les Nations Unies, il avait fallu transiter par
Paris, Tunis et Djerba pour rejoindre de nuit Tripoli par la route.
Les dlgations taient loges lHtel Mhari toujours gr par des quipes
marocaines bien rodes et apprcies.
Javais retrouv les amis algriens, dpits par la situation dans leur pays livr
linscurit, aux affres de la guerre civile et aux massacres perptrs par des
groupuscules incontrls.
440
Latterrissage de lavion, un ATR72, laroport de Tunis Carthage fut
particulirement agit et le Ministre mauritanien de lEnergie et des Mines sen
souviendra certainement longtemps.
Fin avril 1994, aprs plusieurs runions dun comit ad hoc regroupant des membres
du Cabinet Royal et les Secrtaires Gnraux de plusieurs dpartements ministriels pour
suivre les prparatifs, la Confrence du GATT stait tenue dans limposant Palais des
Congrs de Marrakech, dans une atmosphre et une ambiance extraordinaires,
agrmentes par de nombreuses festivits hautes en couleur.
Pour la premire fois, des tlphones mobiles furent mis la disposition des
Ministres par lOffice des Tlcommunications.
Le dner fastueux sous la tente royale, pour plus de 1.400 personnes, fut ponctu par
des feux dartifices et des manifestations folkloriques de grande tenue.
Tout le monde se souvient du discours royal, interrompu par le Roi Hassan II lui-
mme, dans un silence profond et significatif, en respect lappel du muezzin pour la
prire de El Asr.
Le Maroc, dans toutes ses composantes, fut fier dorganiser et abriter un grand
vnement mondial, sans fausses notes, en toute scurit, dans le cadre enchanteur de la
Ville ocre, Marrakech.
En mai 1994, durant un week end, comme suggr lors de la discussion de la Loi des
Finances, la Commission conomique de la Chambre des Reprsentants avait effectu une
visite au centre de Jorf Lasfar, aprs lentre en production de deux groupes de 330 MW
fournis et installs par Alstom (France) ; les nouveaux quipements taient les plus
puissants jamais mis en service au Maroc.
Les Conseils dAdministration des socits filiales des Groupes BRPM et ONA, avaient
enregistr des rsultats variables, positifs Imiter El Hammam, et insuffisants dans les
exploitations de Bouazzer et Hajar exposes plus durement la mauvaise conjoncture
des cours des matires premires minrales.
441
situation financire et organisationnelle, suite leffort de recouvrement des crances,
la rduction des charges de toutes natures et la distribution plus quilibre des
subventions aux ayants droit parmi les entreprises minires.
Le volet Assurance des fonctionnaires avait fait lobjet dun examen approfondi,
concrtis par llaboration dune convention cadre avec le Cabinet Lyazidi bien dispos
collaborer avec notre Dpartement.
Par ailleurs, avec le soutien manifest par les secteurs minier et nergtique, nous
avons lanc une rflexion sur la cration dune Fondation des uvres Sociales.
Cette ide fut applaudie et encourage par nombre de responsables des socits
minires et ptrolires.
Au sige de lAgdal, le Foyer des Oeuvres Sociales tait devenu le centre des actions
de formation continue, le rceptacle de toutes les manifestations rcratives du
Dpartement et des rceptions organises lissue des conseils dadministration des
socits minires du Groupe BRPM.
A loccasion des lections du Bureau des uvres Sociales, notre action fut loue par
la majorit du personnel parce que pour la premire fois, loin des considrations
politiques ou syndicales, nous avons ralis de multiples oprations caractre socio-
ducatif au bnfice des fonctionnaires et de leurs familles, et mis en place un
programme ambitieux pour rpondre leurs souhaits lgitimes de promotion sociale.
De plus, nous avons not la monte en puissance des agents du Cabinet, dont les
interventions intempestives, pressantes et gnantes se faisaient en contradictions avec
les directives exprimes loccasion de linstallation de Bouhaouli.
Aprs lannulation dune mission prvue de longue date Washington et Oslo, pour
participer un sminaire du PNUD et au Conseil de COMABAR, je fus charg de suivre le
dossier spcifique et urgent de lONAREP en crise aigu aprs le dpart en cong de
longue dure de son Directeur Gnral, Mohammed Douieb.
442
Pour nous, lONAREP, pour survivre, devrait accepter une profonde restructuration et
une vritable cure damaigrissement, en ramenant les effectifs utiles et permanents un
maximum de 200 personnes.
En ce qui concerne les projets de budget 1994 et 1995, aprs dpres discussions et
arbitrages ayant abouti un consensus avec les Directions au sein des comits de
coordination, nos suggestions furent accueillies avec des rserves, mais sans proposition
de rechange.
Les recrutements dagents ordinaires, conformment la loi cadre, malgr toutes nos
prcautions dans le choix des agents, furent rejets.
Jtais rellement perplexe et dsempar face une situation que je navais pas su,
tort, apprhender en son temps, malgr les fausses marques damiti et de considration.
Japprendrai plus tard, que le jour mme de notre entretien, des propositions de
nominations de nouveaux responsables furent envoyes en haut lieu.
Durant le mois de juillet 1994, eurent lieu les conseils dadministration de lONE et de
SOCOCHARBO, le Comit OCP/ONAREP relatif lexploitation de gaz de Meskala, la
remise des diplmes aux laurats de lEcole Nationale de lIndustrie Minrale (ENIM), la
runion de lAssociation de lIndustrie Minrale sur lavenir du secteur minier, la Fte de la
Jeunesse El Jadida.
Le soir, avec Mustapha Alaoui, Directeur de lEnergie, nous avons prsid le dner de
clture, transform en vritable dner dadieu pour les cadres de la Direction de lEnergie
et pour certains dlgus rgionaux.
Officialiss le lundi matin, 2 aot 1994, aprs le Conseil des Ministres prsid par le
Roi Hassan II, les changements ne nous furent signifis quen fin de journe.
443
Le 3 aot 1994, les consignes entre Esseddiqui et moi se passrent dans le calme et
la srnit, suivies de mes adieux mouvants au personnel des Directions, des Divisions,
des Services et des Bureaux du Ministre.
Le jeudi, 5 aot 1994, une crmonie fut organise pour linstallation des nouveaux
responsables en prsence des reprsentants des secteurs minier et nergtique.
Au cours de cette crmonie, sans occulter les problmes pendants, javais tenu dire
et marquer avec force, devant une assistance attentive, les avances enregistres la
Direction des Mines et au Secrtariat Gnral du Ministre.
Ainsi, aprs plus de dix sept ans au BRPM, onze ans la Direction des Mines et deux
ans au Secrtariat Gnral du Ministre, je fus contraint de mloigner de ma famille
professionnelle sans avoir, je pense, frustr personne, ni trahi sciemment la confiance
place en moi.
Au BRPM, mon long passage mavait confort dans mon exprience du travail rude
sur les chantiers, dans les exploitations, les services centraux et au sein des nombreuses
filiales minires dun office de lEtat.
Partout, dans lexercice de mes fonctions, jtais toujours au four et au moulin pour
rpondre toutes les demandes et sollicitations, sans me dpartir de ma srnit et de
mon esprit de collaboration franche et loyale.
Je ne regrette rien de ce que javais entrepris, mais je regrette de navoir pas fait
davantage pour les personnels du BRPM et du Ministre de lEnergie et des Mines qui
mavaient, toujours, manifest leur reconnaissance et leur attachement.
Aprs mon dpart du Ministre de lEnergie et des Mines, alors que certains
responsables du secteur avaient exprim leur dsapprobation, Guerraoui me reut
longuement pour me marquer son soutien pour chercher une nouvelle occupation la
mesure de mes comptences.
Je lavais remerci de son appui et de ses conseils, lui signifiant que dans cette phase
dlicate pour moi, je prfrais dabord, me retirer et prendre du champ pour me reposer,
me ressourcer et mapaiser.
Durant les trois premires semaines du mois daot 1994, ce fut mon domicile, un
dfil damis des secteurs des Mines et de lEnergie, venus me tmoigner leur sympathie
et leur soutien moral.
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Mes anciens collaborateurs la Direction des Mines mavaient manifest leur amiti
spontane en organisant plusieurs dners.
Il se peut que vous abhorriez ce qui, en lui-mme, est un bien pour vous, comme il
se peut que vous aimiez ce qui, en lui-mme, est un mal pour vous , dit le Saint Coran
dans la sourate II, verset 216.
Ce que javais accept, tout heureux de travailler de nouveau avec lui, dans lamiti et
la considration rciproques.
Toutefois, javais tenu lui souligner que je ne saurais venir prendre le poste de
quelquun, comme ce fut le cas qui mavait t inflig auparavant au Ministre de
lEnergie et des Mines.
En attendant, alors que mon pouse tait partie Paris pour deux semaines voir
notre fils Karim, javais occup mes journes en madonnant aux longues marches, la
lecture et recevoir de nombreux amis venus me tmoigner leur amiti et leur sympathie
dans les moments difficiles.
***
Le 25 aot 1994, seul, javais quitt Rabat pour les Etats-Unis, aprs un transit de
trois jours Paris pour rencontrer des amis personnels.
Mon sjour fut remarquablement et agrablement organis par mes htes, focalis
sur des footings matinaux, des randonnes pdestres, des ballades ariennes au dessus
du Texas avec comme pilote le fils an Aswad, violoniste mrite.
Au cours dune ballade au-dessus du lac Oklahoma, nous fmes pris dans un dbut de
tempte et obligs datterrir dans un des nombreux petits aroports de fortune une
trentaine de kilomtres de Dallas.
Le fils cadet Aswad tait venu nous rcuprer sans encombre en voiture ; le petit
avion ne rejoindra laro-club de Dallas que le lendemain aprs le passage de louragan
dvastateur.
Le Texas, le deuxime plus vaste Etat, aprs lAlaska, connu pour ses grands
gisements de ptrole, de gaz naturel, est simple, chaleureux et envotant, avec ses
ranchs btail et ses immenses centres commerciaux.
Aprs Dallas, javais rejoint Washington linvitation de mes amis Larry et Amina
pour poursuivre la dcouverte de la Virginie, en allant Harpyes Ferry, petite localit do
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tait partie la rvolte, prlude la Guerre de Scession entre Sudistes esclavagistes et
Nordistes libraux et modernistes.
Cependant, javais retenu que celui qui, dans sa vie, na pas subi des passages
vide, mme courts, ne peut se prvaloir connatre les moments difficiles de ladversit et
les relations damiti relle et dsintresse.
Devant la situation inattendue que javais vcue, je ne mtais pas engouffr dans le
dsespoir et le pessimisme, ni baiss les bras.
Ce fut une dure preuve pour moi, mais javais la vertu de ne pas dsesprer et
davoir la patience, tout en souffrant en silence.
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