La Concurrence Déloyale

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UNIVERSITE DE FRIBOURG D.

DREYER
Faculté des Sciences économiques et 2007
sociales (semestre automne)

LE DROIT DE LA CONCURRENCE

TABLE DES MATIERES

§1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Première Partie
L’accès au marché

Chapitre 1

LE MARCHE

§2 ZONES DE LIBRE ECHANGE ET MARCHE INTERIEUR

§3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Chapitre 2

LA CREATION D’UN MARCHE INTEGRE

§4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

§5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE


- 2 -

Deuxième Partie
L’exercice de la concurrence et la protection du marché

Chapitre 3

CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

§6 CHAMP D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ET GEOGRAPHIQUE

Chapitre 4

LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

§7 LES ENTENTES

§8 LES POSITIONS DOMINANTES

§9 LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS

Chapitre 5

APPLICATION DU DROIT

§ 10 DROIT ADMINISTRATIF

§ 11 DROIT CIVIL

* * * * *
UNIVERSITE DE FRIBOURG D. DREYER
Faculté des Sciences économiques et 2007
sociales (semestre automne)

LE DROIT DE LA CONCURRENCE

DOCUMENTS DE TRAVAIL

1. Constitution fédérale suisse : art. 27, 94-104


1.1. Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT 1947)
1.2. Mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des
différends (Annexe 2 Accord OMC 1994)
1.3. Accord OMC sur les marchés publics
2. Droit suisse
2.1. Loi fédérale sur le marché intérieur
2.2. Loi fédérale sur les obstacles techniques au commerce
2.3. Loi fédérale sur les cartels et autres restrictions à la concurrence
2.3.1. Ordonnance sur les sanctions en cas de restrictions illicites à la concurrence
(OS LCart ) du 12 mars 2004
2.3.2. Ordonnance sur le contrôle des concentrations d’entreprises du 17 juin 1996
2.3.3. Communication sur l’appréciation des accords verticaux
2.3.4. Communication sur les accords verticaux dans le domaine de la distribution
automobile
3. Droit européen
3.1. Extraits du Traité instituant la Communauté européenne (TCE)
3.2. Règlement CE n°1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre
des règles de concurrence prévues aux art. 81 et 82 du traité
3.3. Règlement CE n°139-2004 du Conseil du 20 janvier 2004 relatif au contrôle
3.4. Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du
droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03)
LE DROIT DE LA CONCURRENCE

1
L’évolution des économies suisse, européenne et mondiale au cours des quinze dernières
années a accentué le rôle de la concurrence dans le fonctionnement des marchés :

- La création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994 a accéléré et


fortement augmenté les échanges internationaux ;

- La mise en place d’un véritable marché intérieur européen (de 15 Etats en 1992, de 27
Etats en 2007 dans l’Union européenne et 3 Etats dans l’Espace Economique Européen
et des Accords bilatéraux avec la Suisse !) a permis aux entreprises européennes de
travailler et d’organiser leurs activités à une autre échelle ;

- Dans ce contexte, la Suisse a d’abord pris conscience de son décalage (refus de l’Espace
économique européen en 1992) et, depuis, essaie de se repositionner (adhésion à l’ONU,
accords bilatéraux avec l’Union européenne, réforme du droit économique interne).
2
Au cours de cette période, à tous les échelons (OMC, Union européenne, Suisse), on s’est
préoccupé du fonctionnement de la concurrence et de sa réglementation. La première
tâche du législateur est de favoriser les échanges et de permettre l’accès au marché (1ère
Partie). Le cadre dans lequel la concurrence peut s’exercer étant fixé, il s’agira ensuite
d’examiner comment elle risque d’être entravée ou éliminée ou encore accaparée (2e
Partie). Ces sujets seront traités en droit suisse et en droit européen car ils se présentent
d’une manière assez comparable même si c’est à une échelle très différente.
Préalablement, il convient de rappeler la place et le rôle du droit de la concurrence (§ 1).
2

§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Textes législatifs : art. 27, 94-97, 100-103, Cst. féd (RS 101); art. 3 let. g, 81 et 82,
92 TUE.

Vous trouverez les textes légaux suisses sur le site internet


http://www.admin.ch/ch/f/rs/rs.html en insérant le numéro du Recueil systématique
du droit fédéral (RS) indiqué entre parenthèse après chaque texte légal dans le
champ de recherche.

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,


Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; J. DEISS, Les aspects économiques du nouveau droit
de la concurrence, in CR Concurrence, Bâle 2002, 71 ss ; C.L. DE LEYSSAC / G.
PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique,
Paris 2004.

Vous pouvez connaître la disponibilité en bibliothèque des ouvrages cités ci-dessus


en consultant le site internet www.rero.ch.

3
Le droit de la concurrence est une branche de ce que certains appellent le droit
économique, (G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; J.-PH. COLSON,
Droit public économique, 3e éd., Paris 2001), et d’autres le droit du marché, (C.
LUCAS DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002). Cette manière
assez différente de « classer » cette branche du droit n’est pas surprenante ; elle met
en évidence les aspects administratifs (rapports entre l’Etat et les administrés, en
l’occurrence, les entreprises) ou les aspects de droit privé (rapports des entreprises
entre elles).

1.1 LES FONDEMENTS DU DROIT DE LA CONCURRENCE


4
En Suisse, le droit de la concurrence a ses racines dans la Constitution
fédérale qui, d’une part, donne à l’Etat la mission de protéger la concurrence
économique (art. 94 Cst) et, d’autre part, protégeait depuis 1874 la liberté
économique – aussi appelée liberté du commerce et de l’industrie :
5
Art. 94 Principes de l’ordre économique

1 La Confédération et les cantons respectent le principe de la liberté


économique.
3

2 Ils veillent à sauvegarder les intérêts de l’économie nationale et


contribuent, avec le secteur de l’économie privée, à la prospérité et à la
sécurité économique de la population.
3 Dans les limites de leurs compétences respectives, ils veillent à créer un
environnement favorable au secteur de l’économie privée.
4 Les dérogations au principe de la liberté économique, en particulier les
mesures menaçant la concurrence, ne sont admises que si elles sont prévues
par la Constitution fédérale ou fondées sur les droits régaliens des cantons.
6
Art. 96 : Politique en matière de concurrence

1 La Confédération légifère afin de lutter contre les conséquences sociales et


économiques dommageables des cartels et des autres formes de limitation de
la concurrence.
7
A noter que la garantie de la propriété, également prévue par la Constitution (art. 26 Cst.), et un
pouvoir judiciaire capable de fonctionner en toute indépendance sont également reconnus comme
des piliers nécessaires pour le bon fonctionnement d’une économie libérale.

8
La liberté contractuelle et les mécanismes prévus par le droit privé des
contrats permettent d’organiser l’activité économique. Cette liberté
contractuelle n’est toutefois pas sans limite :
9
- l’Etat intervient et impose des règles protectrices chaque fois que
l’expérience montre qu’une des parties au contrat n’est pas en position de
négocier avec une véritable marge de manœuvre : protection du locataire
dans le droit du bail ; protection du travailleur dans le contrat de travail ;
protection de l’emprunteur dans la loi sur le petit crédit.
10
- Si les entreprises utilisent les règles contractuelles pour empêcher le
fonctionnement du marché (accord sur les prix, sur les territoires,
interdiction de revendre à certains acteurs économiques), l’Etat intervient
pour faire constater la nullité de ces clauses contractuelles.
11
En droit européen, les fondements du droit de la concurrence se trouvent
déjà dans le Traité de Rome signé en 1957 (art. 3 ch. 1 let g TCE; art. 81 et
82 TCE ; cf. ci-dessous § 7 et 8).
12
D’une manière caractéristique, l’Union européenne s’est d’abord donnée pour but la mise en
place d’un marché intérieur « caractérisé par l’abolition, entre les Etats membres, des obstacles
à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux » (art. 3 ch. 1
let. c TCE). Ensuite, l’Union a voulu que soit instauré et maintenu « un régime assurant que la
concurrence n’est pas faussée dans le marché intérieur » (let. g).

Ainsi, en dehors du système juridique américain, l’Union européenne est la principale entité
économique qui a, à la fois adopté des règles juridiques relatives à l’accès au marché et à
l’exercice de la concurrence, et qui a aussi mis en place les instruments de mise en œuvre et
d’application effective de ces règles (cf. ci-dessous, § 10 et 11).
13
Ces dispositions ont été :
4

14
- complétées par de nombreux règlements adoptés par le Conseil et par la
Commission ; soit par exemple le règlement du Conseil sur l’application
de l’art. 81 TCE qui prohibe les ententes (R n° 19/65/CEE modifié par le
R n° 1215/1999/CE ou le R n° 1400/2002 de la Commission concernant
l’application de l’art. 81 par. 3 TCE à des catégories d’accords verticaux et
de pratiques concertées dans le secteur automobile.

En droit européen, un règlement est l’équivalent d’une loi en ce sens qu’il contient des règles
qui doivent être appliquées telles que définies alors qu’une directive indique un but à atteindre
en laissant aux Etats membres le choix des moyens pour atteindre ce but.

Les autorités européennes adoptent aussi des communications pour expliquer leur manière
d’appliquer certains textes. Par exemple, la Communication de la Commission sur la
définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence a pour objet
d’expliquer la manière dont la Commission applique le concept de marché de produit ou de
marché géographique en cause (cf. Communication 97/C 372/03).

15
- interprétées, c’est-à-dire appliquées, par la Cour de Justice des Commu-
nautés européennes (CJCE).

La Cour de justice a été amenée à répondre à de nombreuses questions d’application du traité


grâce au mécanisme du recours préjudiciel prévu par le traité. Si la Cour de justice avait été
une instance de recours n’intervenant qu’après épuisement des voies de recours nationales, il
est probable que les justiciables n’y auraient pas eu souvent recours. Par la voie du recours
préjudiciel, l’instance nationale saisie – même la première instance – peut soumettre un grief à
la Cour de justice dès que ce grief soulève une question d’interprétation du traité (p. ex.
mesure d’effet équivalent ou entente illicite). Il est en effet inutile que les différentes instances
nationales se prononcent sur l’interprétation du traité alors que de toute façon c’est la Cour de
justice qui aura le dernier mot sur ce point !

1.2 LE ROLE DE L’ETAT

1.2.1 Le rôle traditionnel


16
L’Etat, au XXe siècle, est toujours intervenu de multiples manières dans
l’activité économique nationale :
17
- l’Etat acteur économique : l’Etat se croyait obligé d’exercer lui-même
certaines activités jugées indispensables pour assurer l’indépendance du
pays (armement, télécommunications, p. ex) ;
18
- politique conjoncturelle : par le biais de la politique monétaire, les
gouvernements exerçaient une influence sur l’économie ;
19
- politique structurelle : en protégeant ou avantageant certaines industries,
les gouvernements modifiaient les règles du jeu.

1.2.2 L’évolution du rôle de l’Etat


5

20
Au cours des vingt dernières années, le rôle de l’Etat a été fortement modifié :
21
- marchés publics : lorsque l’Etat investit, construit, achète des biens ou
des services, il doit, dès que le marché atteint un certain seuil financier,
respecter la réglementation nationale, européenne ou de l’OMC ;
22
- politique monétaire : celle-ci n’est plus dans les mains des
gouvernements, mais de la banque nationale (pour la Suisse) ou de la
Banque Centrale Européenne (BCE) pour l’Union Européenne ;
23
- politique structurelle : elle n’est admissible que pour autant que ses effets
ne sont pas qualifiés affecter la concurrence (problématique des aides
d’Etat prohibées par les art. 87 ss TCE ; en Suisse, la Commission de la
concurrence (Comco) est invitée de par la loi à se déterminer sur les
projets législatifs qui pourraient affecter ou fausser la concurrence (art. 45
LCart.) :

Art. 45 Recommandations aux autorités


1
La commission observe de façon suivie la situation de la concurrence.
2
Elle peut adresser aux autorités des recommandations visant à
promouvoir une concurrence efficace, notamment en ce qui concerne
l’élaboration et l’application des prescriptions de droit économique.

24
De plus, la création du marché unique européen, à fin 1992, et les règles du
GATT sur le commerce international ont changé les dimensions du terrain sur
lequel s’exerce la concurrence. Pour cette raison, les règles du droit de la
concurrence ont été harmonisées dans la Communauté européenne et les
règles suisses adaptées à celle du droit européen.
25
Il est intéressant de constater que, dans toute une série de domaines économiques particuliers, le
régime juridique adopté spécialement vise aussi à garantir une certaine égalité entre les opérateurs
pour garantir l’exercice de la concurrence :

- législation sur les télécommunications ;


- législation dans le domaine de l’énergie électrique et du gaz ;
- législation sur les bourses.

26
L’évolution a également été marquée dans l’application des règles du droit de
la concurrence :

- les administrations chargées d’appliquer ces règles ont crû en personnel


et en compétences (ce domaine exige une coopération étroite de juristes et
d’économistes) ; à l’échelle européenne, un réseau de coopération a été
mis en place entre la Commission européenne et les autorités de la
concurrence des Etats membres ;
6

- les pouvoirs d’enquête sont devenus si incisifs que l’on en vient à


invoquer pour les entreprises les droits fondamentaux que seules les
personnes physiques avaient l’habitude d’invoquer ;

- les sanctions, en particulier financières, que peuvent subir les


contrevenants deviennent vraiment dissuasives.
27
Cette évolution se caractérise par le fait que l’Etat n’agit plus directement
comme acteur économique, mais indirectement comme définisseur des règles
du jeu et garant de leur respect :

- l’Etat fixe les règles d’accès au terrain de jeu (libre échange


économique), délimite le terrain (marché intérieur) ;

- l’Etat fixe les règles du jeu (l’existence et l’exercice de la concurrence


doivent être garantis – LCart. – et l’exercice de la concurrence ne doit pas
se faire à l’aide de méthodes déloyales (indications fallacieuses,
tromperies, publicité mensongère, p. ex. ; cf. LCD).

1.3 LE DROIT DE LA CONCURRENCE


28
Par l’adoption des règles du droit de la concurrence et leur application, l’Etat
veille à ce que les acteurs économiques n’empêchent, ni n’entravent d’une
façon excessive l’exercice de la concurrence. Cela signifie :

- favoriser l’établissement (l’existence) du marché et son accès (y compris


de l’extérieur du pays) ;

- garantir l’existence d’une concurrence efficace et loyale sur le marché ;

- empêcher la constitution de positions de puissance / domination sur le


marché.
29
De plus, l’Etat doit également veiller à ne pas lui-même entraver la
concurrence par sa propre activité :

- ne pas fausser le marché par des aides étatiques (subventions, aides aux
entreprises en détresse);

- respecter la concurrence lorsqu'il est acteur économique (sauf situations


exceptionnelles); autrement dit :

-- les exigences de la concurrence s'imposent également aux entreprises


étatiques qui exercent une activité économique;
7

-- les principes de la concurrence doivent être respectés dans l'attribution


des marchés publics.
30
Le droit de la concurrence n’existe que si le législateur (volonté politique)
adopte des règles juridiques. En Suisse, le droit de la concurrence a pris de
l’importance en plusieurs étapes :

- 1962 : adoption de la première loi sur les cartels et organisations


analogues ; les cartels restaient présumés licites aussi longtemps que des
conséquences nuisibles d’ordre économique et social n’étaient pas établies
par l’autorité.

- 1985 : la présomption de licéité subsiste.

- 1995 : la présomption est renversée pour les accords sur les prix, les
quantités ou sur les marchés géographiques.

- 2004 : la Comco obtient le droit d’infliger une sanction lorsqu’elle


constate un comportement illicite.
31
Cette évolution législative dénote une évolution de la politique de la
concurrence en Suisse :
32
Dans la première loi suisse sur les cartels, la Commission, lorsqu’elle
achevait une enquête sur un secteur économique, devait se contenter
d’adresser aux entreprises concernées une recommandation de mettre fin à la
pratique visée. Si les entreprises ne suivaient pas la recommandation, la
Commission ne pouvait que demander au Département fédéral de l’économie
de prendre une décision dans le sens de la recommandation.

En comparaison, en application des dispositions de la LCart de 2004, la


Commission a pris une décision à l’encontre de Swisscom au printemps 2007
accompagnée d’une sanction de plus de 300 MCHF !
33
La mise en place d’autorités indépendantes et le développement des règles de
procédures ont favorisé un développement autonome du droit de la
concurrence :
34
- autonomie par rapport aux autorités politiques ; à titre d’exemple :

-- prise de contrôle d’ENDESA en Espagne par la société italienne Enel


-- tentative avortée d’intervention de la Banque centrale hollandaise dans
l’offre publique d’achat sur ABN Amro.
35
- autonomie par rapport à la science économique ; la concurrence est
certes d’abord un concept économique qui vise la compétition entre les
acteurs économiques sur un marché donné ; dans les mains des pouvoirs
publics chargés d’appliquer le droit de la concurrence, la concurrence
8

devient un outil qu’ils ont adapté au but qu’ils poursuivent : rechercher un


équilibre concurrentiel ; non pas une concurrence théorique ou parfaite,
mais une concurrence praticable sur un marché donné et compte tenu des
éventuels autres facteurs que le législateur a également demandé de
prendre en considération.
36
Exemples :

-- Un accord affectant de manière notable la concurrence (art. 5 LCart.)


peut être justifié (motif d’efficacité économique) s’il a pour but
d’améliorer la compétitivité des petites et moyennes entreprises (art. 6
al. 1 let. e LCart).

-- Un accord contraire à l’art. 5 LCart. peut être autorisé par le Conseil


fédéral s’il est nécessaire à la sauvegarde d’intérêts publics
prépondérants (art. 8 LCart.).
37
L’Etat veut protéger la concurrence car l’effet supposé ce celle-ci est
l’efficacité des mécanismes économiques. La concurrence n’est donc pas
recherchée pour elle-même mais comme instrument permettant d’atteindre
l’efficacité. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire de protéger la
concurrence contre les atteintes qui peuvent être apportées à son
fonctionnement. C’est la notion de concurrence efficace (wirksamer
Wettbewerb).

1.4 LA CONCURRENCE ET LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

1.4.1 Nécessité d’une protection


38
Tout en recherchant les effets du fonctionnement efficace du marché, l'Etat
reconnaît généralement aussi la nécessité de protéger les efforts consentis par
le chercheur pour le développement d'un produit; d'où la protection accordée
par :

- la loi sur les brevets d'invention (LBI);


- la loi sur les modèles et dessins industriels (LMDI);
- la loi sur les marques et les indications de provenance (LPM).

1.4.2 Protection internationale de la propriété industrielle ou intellectuelle

A. En général
39
Dans les pays industriels, le besoin d'une protection internationale des droits
de propriété industrielle a été ressenti très tôt et concrétisé à la fin du XIXème
siècle déjà dans un traité intitulé «Convention de l'Union de Paris» (CUP),
9

signé en 1883 et modifié à plusieurs reprises depuis lors (1925, 1934, 1958,
1967).
40
Cette convention a été complétée par de nombreux traités ou accords inter-
nationaux dans le but de faciliter l'enregistrement dans des pays étrangers de
marques, de modèles ou dessins industriels, de brevets; de même, d'autres
accords protègent les appellations d'origine et les indications de provenance.
(L'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - OMPI - a été
instituée, avec siège à Genève, dans le but de coordonner ces efforts).
41
L'importance accordée aux droits de la propriété industrielle par les pays
industrialisés a été soulignée dans la révision des accords du GATT, puisque
l'accord du 15 avril 1994 instituant l’OMC comprend une annexe 1C
intitulée : « Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce ».
42
Depuis quelques années, en particulier depuis la réunion ministérielle de
Doha en 2001, la question de l’étendue de la protection des droits de la
propriété intellectuelle fait l’objet d’un débat nourri. C’est en particulier le
cas dans les relations avec les pays les plus démunis et dans le domaine de la
santé publique. Dans quelles circonstances et à quelles conditions une licence
obligatoire peut-elle être imposée au titulaire du brevet ?

B. Le conflit avec les règles du marché


43
Les principes de la propriété intellectuelle entrent en conflit avec les règles du
marché unique pour la raison suivante :

- le système du brevet ou de la marque donne la faculté au titulaire du droit


de propriété intellectuelle d’accorder une licence à un tiers, c’est-à-dire un
droit exclusif d’utiliser le brevet ou la marque ; ce droit est généralement
accordé pour une durée donnée et un territoire donné ;

- en accordant des licences dans différentes parties du marché européen, le


titulaire peut ainsi fixer des conditions (notamment de prix !) pour l’usage
du droit de propriété intellectuelle ; en faisant cela, le titulaire du brevet ou
de la marque peut ainsi cloisonner le territoire européen. En effet, les
règles contractuelles prévues dans le contrat de licence et l’appareil
judiciaire donnent au titulaire de la licence les moyens de faire respecter
l’engagement pris par le preneur de licence. Or, cet effet est précisément
celui que l’on a voulu éviter en créant le marché unique.
44
Cette problématique a provoqué le débat sur l’épuisement national ou
international des droits de la propriété intellectuelle :

- La question est d’abord de savoir si le titulaire du droit (brevet ou marque)


peut encore contrôler l’usage du produit au-delà de la première mise sur le
marché effectuée par le licencié.
10

- On parle « d’épuisement » pour signifier que lorsque le titulaire du droit a


accordé une licence (sur le brevet ou la marque) et que le licencié utilise
son droit conformément au contrat de licence, le titulaire n’a plus de
contrôle possible sur le produit : il a « épuisé » son droit par l’octroi de la
licence.

- Mais cet « épuisement » n’a-t-il d’effet que pour le pays objet de la licence
(épuisement national) ou a-t-il un effet au-delà de ce territoire (épuisement
international) ? Si le titulaire du droit constate que son produit, légalement
mis sur le marché dans la zone A (pour le territoire de laquelle la licence a
été octroyée), est mis en vente dans la zone B, peut-il obtenir des mesures
judiciaires pour mettre fin à ces ventes dans la zone B ?

* * * * *
11

1ère partie

L’ACCES AU MARCHE

45
La concurrence implique l’existence d’un marché sur lequel elle puisse s’exercer. La
notion de marché a évolué avec l’extension géographique des marchés (Chapitre 1). La
possibilité d’accéder au marché constitue un élément essentiel de son bon fonctionnement
(Chapitre 2).

Chapitre 1

LE MARCHE

46
Les échanges commerciaux ont été favorisés par l’abaissement des barrières tarifaires et
non tarifaires (§ 2). Depuis 1992, l’Union européenne poursuit la mise en place d’un
marché intérieur (§ 3), dont le modèle a inspiré le législateur suisse (§ 4).
12

§ 2 ZONES DE LIBRE ECHANGE ET MARCHE INTERIEUR

Textes législatifs : Accord OMC (RS 0.632.20) ; Convention du 04.01.1960


instituant l’association européenne de Libre-Echange (AELE) (RS 0.632.31);
l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972 (RS 0.632.401); l'Accord
de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au commerce (RO 1995,
p. 2252 ss) ; art. 25 ss TUE ; Loi fédérale du 06.10.1995 sur le marché intérieur
(LMI) (RS 943.02), FF 1995 IV 552 ss; Loi fédérale du 06.10.1995 sur les entraves
techniques au commerce (LETC) (RS 943.02), FF 1995 IV 539 ss; TUE, art. 30 ss.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I 1193; E.


SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,
Coire/Zurich 1992; B. MERKT, Harmonisation internationale et entraide
administrative internationale en droit de la concurrence, Berne 2000; C.L. DE
LEYSSAC/G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002, p. 51 ss; D. DREYER/B.
DUBEY, Effets de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités
soumises à autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich,
1998, p. 859 ss; D. DREYER/B. DUBEY, Réglementation professionnelle et marché
intérieur, Bâle 2003.

2.1 LES ZONES DE LIBRE ECHANGE


47
A la fin des années 50, la Suisse chercha sa place dans le concert des Etats
européens qui développaient et favorisaient les échanges économiques.
48
Etant donné que la CEE - malgré son appellation - n'avait pas que des buts
économiques, il n'était pas question pour la Suisse d'en faire partie. Elle se
contenta donc :

- de participer à l'AELE dès 1960;

- de signer un accord de libre échange avec la CEE en 1972;

- de participer activement aux divers «rounds» de négociations du GATT


(devenu OMC en 1995).

2.1.1 L'Association européenne de libre échange


49
En réponse à la création de la CEE (qui ne comprenait à l'origine que la
France, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique, la Hollande et le Luxembourg),
d'autres pays européens (la Suisse, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la Suède,
la Norvège, la Finlande, l'Islande et l'Irlande) constituèrent en 1960 la
Convention instituant l’association européenne de Libre-Echange (AELE).
13

Actuellement, seuls la Norvège, l’Islande, le Liechtenstein et la Suisse en font


encore partie (mais la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein ont signé avec
l’Union européenne le Traité de l’Espace économique européen). Les
objectifs décrits à l'art. 2 de la Convention AELE sont notamment :

- de favoriser, dans la zone de libre échange (l'ensemble des pays membres


de la Convention), l'expansion du commerce en éliminant progressivement
les obstacles qui l'entravent;

- d'assurer aux échanges entre Etats membres des conditions de concurrence


équitable.

Art. 2 Objectifs

Les objectifs de l’Association sont:

(a) de favoriser le renforcement continu et équilibré des relations


économiques et commerciales entre les Etats membres, dans des
conditions de concurrence loyales et dans le respect de règles
équivalentes sur le territoire des Etats membres de l’Association;
(b) le libre-échange des marchandises;
(c) la libéralisation progressive de la circulation des personnes;
(d) la libéralisation progressive du commerce des services et des
investissements;
(e) de garantir une concurrence loyale pour les échanges commerciaux
entre les Etats membres;
(f) d’ouvrir les marchés publics des Etats membres;
(g) d’assurer une protection appropriée des droits de propriété
intellectuelle conformément aux normes internationales les plus
élevées.
50
Le démantèlement des droits de douane (obstacles tarifaires) à l'intérieur de
l'AELE, a été réussi progressivement du 1er juillet 1960 au 31 décembre
1966.
51
Quant à la concurrence, la Convention de l'AELE comporte plusieurs articles
qui s'y rapportent :

- aides gouvernementales (art. 13);


- achats publics (art. 14);
- pratiques commerciales restrictives (art. 15);
- établissement (art. 16);
- dumping (art. 17).
52
L'objectif semble bien d'éviter que les avantages du libre échange
(élimination des droits de douane et des restrictions quantitatives) ne soient
réduits à néant par des mesures gouvernementales ou privées.
14

53
En réalité, après avoir aboli les barrières douanières, les membres de l'AELE
ne se sont que tardivement occupés des barrières non tarifaires (en fait,
ce n'est qu'à l'initiative du Président de la Commission européenne, J. Delors,
qu'en 1988 s'ouvrirent des discussions sur la création de l'Espace Economique
Européen).
54
De plus, l'AELE n'établit pas un système de concurrence mais se contente
d'assurer le jeu du libre-échange. La Convention ne prévoit aucune institution
qui serait chargée de veiller à son application; la violation des règles relatives
à la concurrence (art. 13 à 17) ne peut être sanctionnée que par une décision
du Conseil des ministres (prise à la majorité). De telles décisions n'ont été que
très rarement prises, ce qui démontre l'importance toute relative que les Etats
membres de l'AELE attribuent au droit de la concurrence.

2.1.2 L'Accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE (ALE)


55
En raison de l'accroissement des échanges internationaux et du dévelop-
pement de l'AELE et de la CEE, leurs pays membres ressentirent le besoin, à
la fin des années 60, de faciliter les échanges de marchandises entre les deux
zones. Ce fut la signature des accords de libre-échange entre la CEE et les
divers Etats membres de l'AELE (et qui ont le même contenu).
56
Ces accords - celui qui fut signé par la Suisse date de 1972 - comprennent
une clause relative à la concurrence, l'art. 23, dont le texte est très semblable
aux art. 81/82 du Traité CEE. Pourtant, cet article n'a pratiquement pas eu
d'impact sur les relations entre la Suisse et la CEE car la Suisse - comme les
autres pays de l'AELE - ne considère pas cette disposition comme étant
d'application directe. Cela signifie qu'en cas de différend, c'est un comité
mixte - institué par le Traité - qui doit être saisi. Composé de représentants
des parties au Traité, ce comité cherche, en cas de difficulté, des solutions
selon une méthode politique plutôt que juridictionnelle.
57
La portée (déjà faible) de cet Accord a été encore réduite par l'entrée en
vigueur des Accords bilatéraux (cf. 4 ci-dessous).

2.1.3 Autres organisations de libre-échange


58
A noter que des organisations de libre-échange ont été mises sur pied sur
d’autres continents :
59
- Amérique du Nord
15

The North American Free Trade Agreement (NAFTA) a été signé en 1992
entre les USA, le Canada et Mexico, qui vise le libre commerce des
marchandises et des services, ainsi que la protection des investissements.
60
- Amérique du Sud

En 1960, plusieurs pays signèrent un accord de libre échanges


(suppression des droits de douane), transformé en 1980 en un traité
d’intégration : Associación Latino-americana de Integración, ALADI.

En 1991, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay décidèrent la


création d’un marché commun sud-américain : MERCOSUR (en
espagnol), MERCOSUL (en portugais). En 2004, d’autres pays s’y
joignirent : Bolivie, Chili, Pérou, Colombie et Equateur.

61
- Amérique Centrale et Caraïbes :

Le Belize, Costa Rica, le Salvador, Guatemala, le Honduras, le Nicaragua


et Panama ont d’abord constitué le Marché Commun d’Amérique Centrale
(MCCA), devenu depuis le Système d’intégration de l’Amérique Centrale
(SICA).

Les pays des Caraïbes ont formé le Carabbean Common Market.


62
- Asie

Dès 1967, plusieurs pays du sud-est asiatique signèrent l’AFTA : Asian


Free Trade Area.
63
- Afrique

Plusieurs traités ont été signés :

-- Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (1975)


-- Marché Commun des Etats de l’Est et du Sud de l’Afrique (COMESA).

2.1.4 L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)


64
En avril 1994, les pays membres du GATT ont signé un accord instituant
l'Organisation Mondiale du Commerce qui complète l'accord du GATT de
1947 et donne un nouvel élan à cette organisation.

A. Les tarifs douaniers


65
Tout comme les deux organisations régionales que sont la CEE et l'AELE,
l'OMC a d'abord pour but d'abaisser les barrières douanières et tarifaires
16

afin de favoriser le libre échange (avec cette différence que cet accord a une
portée quasi planétaire).

B. Les barrières non tarifaires


66
L'accord ne se contente pas d'abaisser les droits de douane. Il comprend
divers chapitres qui ont pour but d'ouvrir l'accès aux marchés ou d'éviter que
la concurrence ne soit faussée :
67
- Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Annexe 1A
de l'Accord) : il définit ce qu'est une subvention des pouvoirs publics et
indique les cas dans lesquels ces subventions sont prohibées.
68
- Accord sur les obstacles techniques au commerce (cf. ci-dessous 2.3.1.)
69
- Accord sur les marchés publics (cf. ci-dessous 2.3.2.)
70
- Droits anti-dumping et droits compensateurs : l'Accord GATT de 1947
comprenait déjà des règles relatives à la possibilité reconnue à un pays
d'imposer des droits de douane pour s'opposer à des pratiques de dumping.
Ces dispositions sont maintenues dans l'Accord OMC et surtout leur
contrôle est mieux assuré par les règles sur les différends entre les pays
membres.

C. Règles et procédures régissant le règlement des différends


71
L'une des caractéristiques de l'Accord de 1994 est qu'il institue des
structures permanentes beaucoup plus développées.

a) Présentation du problème
72
Le GATT avait pour but, à l’origine, d’éliminer les obstacles tarifaires
(droits de douane) au commerce international. Cependant, les acteurs du
commerce international le savent, les échanges commerciaux subissent
aussi des entraves en raison de pratiques commerciales restrictives dues
aux organes étatiques ou aux entreprises elles-mêmes (ou association
d’entreprises). Ces pratiques commerciales restrictives peuvent avoir des
effets sur la concurrence internationale. Le GATT en avait conscience dès
ses origines puisqu’une charte fut négociée à La Havane, en 1947/48, sur
ces questions de concurrence ; cependant, cette charte n’a pas pu entrer en
vigueur suite à son rejet par le Sénat américain. Quant à l’art. XXIX du
GATT, il est resté dépourvu de force juridique à ce jour. Il n’existe donc
pas encore, dans l’OMC, de réglementation générale de la concurrence
relative aux pratiques commerciales restrictives d’origine privée.
73
Même si les Etats membres de l’OMC n’ont pu à ce jour se mettre
d’accord sur des règles spécifiques relatives à la concurrence, ils ont
17

néanmoins instauré un règlement des conflits portant sur la violation des


dispositions des accords.

b) Le règlement des conflits


74
Jusqu’à l’accord de Marrakech (1994), les différends entre Etats ne
pouvaient être réglés que par des négociations. L’institution de l’OMC,
décidée à Marrakech, a marqué l’évolution de la politique du compromis
vers un véritable système juridictionnel, soit l’annexe 2 de l’Accord
OMC, intitulé « Mémorandum d’accord sur les règles et procédures
régissant le règlement des différends ».
75
La procédure débute par une consultation (art. XXII) : un Etat, dont les
entreprises sont entravées dans l’exercice de la concurrence internationale,
va demander à l’OMC d’ouvrir une procédure de consultation avec l’Etat
qui a pris des mesures entravant la concurrence ou dont les entreprises sont
la cause de l’entrave.
76
Si cette procédure de consultation n’aboutit pas à un accord, l’Etat dont les
entreprises sont entravées peut demander que l’Organe de règlement des
différends soit saisi. Celui-ci va alors mettre sur pied un groupe spécial
devant lequel les Etats concernés vont faire valoir leur point de vue :
demande, réponse, réplique, duplique. A l’issue de la procédure, le groupe
spécial établit un rapport qui est transmis à l’ORD qui approuve
formellement sauf si :

- il y a consensus au sein de l’ORD contre le rapport


- un membre OMC déclare faire recours dans les 60 jours à l’Organe
d’appel (ODA).
77
Lorsque le groupe spécial ou, le cas échéant, l’ODA conclut qu’une
mesure est incompatible avec les accords OMC, il est recommandé au
membre concerné de rendre la mesure conforme à l’accord visé. L’ORD
surveille la mise en œuvre de la décision et autorise, le cas échéant,
l’adoption de mesures de compensation ou la suspension de concessions
(art. 22 Memorandum d’accord).

A titre d’exemples :
78
- En 1997, les Etats-Unis ont contesté devant les instances OMC la
compatibilité du régime communautaire d’importation des bananes
avec le droit GATT/OMC.
79
- En 1996, les Etats-Unis ont invoqué que le Japon avait violé les règles
OMC en adoptant ou maintenant des lois, règlements, prescriptions ou
mesures touchant la distribution et la vente sur le marché japonais de
pellicules et papiers photographiques destinés aux consommateurs.
18

2.2 DE LA ZONE DE LIBRE-ECHANGE AU MARCHE INTERIEUR


80
La création d'une zone de libre échange vise des buts beaucoup plus limités
que celle d'un marché intérieur (cf. § 4 et 5 ci-dessous).
81
Les pays qui établissent une zone de libre échange conservent leur
souveraineté ce qui permet - volontairement ou involontairement - de créer
ou de maintenir des barrières non tarifaires aux échanges.
82
La création d'un marché intérieur implique des mesures qui dépassent
l'abolition des droits de douane et qui permettent :

- la libre circulation des personnes (y.c. liberté d'établissement);

- la libre circulation des marchandises (qui n'est possible que si, le cas
échéant, les contrôles de qualité ou certificats du lieu de provenance sont
reconnus);

- la libre prestation des services (qui, pour les professions soumises à


autorisation, requiert la reconnaissance des diplômes);

- la libre circulation des capitaux.

2.3 OBSTACLES TECHNIQUES ET MARCHES PUBLICS


83
En plus de ces libertés, il est nécessaire pour la création d'un marché intérieur
d'éliminer les obstacles techniques et ouvrir l'accès aux marchés publics.
84
Il est intéressant de constater que, dans ces deux domaines, il y a convergence
des préoccupations aux trois niveaux : suisse, européen et mondial.

2.3.1 Les obstacles techniques

A. La législation suisse
85
La Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) a été
adoptée en 1995, après l'adoption des accords de l'OMC et alors que la Suisse
avait entamé la négociation des accords bilatéraux avec l'Union européenne et
préparait sa propre législation sur le marché intérieur.

a) But de la loi
19

86
Cette loi a pour but de faciliter les échanges sur le marché intérieur, ainsi
que les activités d'importation et d'exportation.
87
Les entraves techniques au commerce sont définies comme les entraves
aux échanges internationaux de produits qui résultent :

- de la divergence des prescriptions et des normes techniques;

- de l'application divergente de ces prescriptions ou normes;

- de la non-reconnaissance des essais, enregistrements ou homologations


effectuées à l'étranger.

b) Méthode du législateur
88
Afin de ne pas entraver le commerce, les prescriptions techniques devront
dorénavant :

- être compatibles avec celles des principaux partenaires commerciaux de


la Suisse;

- être si possible simples et transparentes.


89
Des dérogations à ces principes ne sont admissibles que si :

- les prescriptions sont nécessaires pour protéger des intérêts publics


prépondérants;

- les prescriptions ne constituent ni un moyen de discrimination


arbitraire, ni une restriction déguisée aux échanges (art. 4 LETC).

B. Les accords internationaux


90
La législation suisse a été adoptée non seulement dans le but de contribuer à
la réalisation du marché intérieur suisse mais aussi afin de respecter les
engagements pris par la Suisse dans des traités internationaux et faciliter ainsi
l'accès au marché helvétique.
91
Ces traités ou accords sont :

- la Convention de l'AELE de 1960 (RS 0.632.31);

- l'Accord de libre échange entre la Suisse et la CEE de 1972


(RS 0.632.401);

- l'Accord de l'OMC du 15.4.1994 relatif aux obstacles techniques au


commerce (RO 1995, p. 2252 ss).
20

(A noter qu'en 1988 déjà, les pays membres de l'AELE ont passé une
convention sur la reconnaissance mutuelle des résultats d'essais et des
preuves de conformité).

- l'Accord bilatéral de 2002 entre la Suisse et l'Union européenne sur les


obstacles techniques.

2.3.2 Les marchés publics

A. Principes
92
L'importance économique des "marchés publics" n'est plus à démontrer. Le
risque est grand que l'autorité adjudicatrice, en l'absence de règles à suivre,
n'accorde le "marché" à une entreprise qui n'offre pas la meilleure offre
possible pour l'adjudicateur. C'est afin d'éviter des distorsions dans le
processus d'adjudication que des règles de procédure ont été adoptées :

- publication de l'appel d'offres


- critères de choix
- annonce de la décision d'adjudication.
93
Ces règles élargissent considérablement le cercle des offreurs potentiels et
donc améliore le fonctionnement de la concurrence. D'un autre côté, la
procédure est parfois compliquée, ce qui engendre des coûts, et peut être
longue (recours !).
94
Il importe de définir le champ d'application de ces règles. Dans chaque
situation concrète, il faut examiner les points suivants:

- Qui est l’adjudicateur du contrat ? Quelles sont les entités considérées


comme des «pouvoirs publics» ?
- Quel est l’objet du contrat ? S’agit-il de la construction d’un immeuble ?
S’agit-il d’une prestation de service ?
- Quelle est la valeur du contrat ? Comment se calcule la valeur du contrat ?
95
Les réponses à ces questions diront si la procédure prévue par la législation
sur les marchés publics doit être suivie, et le cas échéant, laquelle.

B. OMC
96
Des valeurs plancher ont été définies dans l'Accord de l'OMC sur les marchés
publics (à noter que cet accord - Annexe 4 de l'Accord de Marrakech - n'a pas
été signé par tous les pays membres de l'OMC mais par 24 Etats membres).
97
L'accord ne s'applique qu'aux marchés dont la valeur est supérieure à :

- pour les constructions : 9,575 millions de francs (5 millions DTS);


- pour les biens et services :
21

-- administration fédérale : fr. 263'000.-


-- Poste ou CFF : fr. 806'000.-
-- Swisscom : fr. 1'209'000.-.

2.3.3 Relations Suisse - Union européenne


98
Les marchés publics font l'objet de l'un des sept accords bilatéraux signés
entre la Suisse et l'Union européenne (cf. 4.5.1). Les valeurs plancher sont les
mêmes que celles de l'accord OMC.

2.3.4 Relations intercantonales


99
Les pouvoirs publics cantonaux et communaux sont tenus par les
engagements des accords OMC et de l'accord bilatéral entre la Suisse et
l'Union européenne.
100
Les cantons ont fixé des seuils inférieurs dans l'Accord intercantonal sur les
marchés publics (AIMP).

* * * * *
22

§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Textes législatifs : art. 94-97, 100-103, Cst. féd. (RS 101); art 6 CC ; Loi fédérale du
06.10. 1995 sur les cartels (LCart) (RS 251) ; Loi fédérale du 19 décembre 1986
contre la concurrence déloyale (LCD) (RS 241).

Bibliographie : P. TERCIER, Introduction générale, in Commentaire Romand,


Concurrence, Bâle 2002, 1 ss; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché,
Paris 2002 ; G. FARJAT, Pour un droit économique, Paris 2004 ; M. HERDEGEN,
Internationales Wirtschaftsrecht, 6e éd., Munich 2007 ; R. RHINOW / G. SCHMID / G.
BIAGGINI, Oeffentliches Wirtschaftsrecht, Bâle 1998.

3.1 L’INTERVENTION ETATIQUE


101
De tout temps, l’Etat a règlementé l’activité économique. C’est la
problématique de l’étendue de la liberté économique – garantie par la
Constitution fédérale – et de l’intérêt public justifiant les limites apportées à
son exercice. A juste titre, les entrepreneurs ont lutté pour réduire l’inter-
vention de l'Etat et obtenir une plus grande marge de manœuvre. Tout en
réduisant l’appareil législatif et règlementaire visant l’activité économique de
l’entrepreneur, l’Etat s’est préoccupé du fonctionnement du marché lui-
même.

3.2 LES DIVERS TYPES D’INTERVENTION


102
L’Etat peut intervenir de diverses manières. Il peut :

- fixer des règles quant au contenu de certains contrats (cf. 3.2.1) ;

- fixer des règles générales de protection du consommateur (cf. 3.2.2) ;

- fixer des règles quant au fonctionnement du marché (cf. 3.2.3).

3.2.1 La réglementation des relations contractuelles


103
Notre système économique repose sur le postulat de la liberté individuelle et
de l’autonomie de la volonté.
104
Cependant, le Code des obligations contient déjà, à l’art. 21 CO, une règle
qui protège la partie qui, en raison de sa gêne, de sa légèreté ou de son
inexpérience aurait signé un contrat dont les prestations sont
disproportionnées.
23

105
Dans des domaines particuliers du droit, le législateur a adopté des règles
spéciales protégeant la partie qui n’est pas en position de négocier le contrat
dans des conditions usuelles :
106
a) Contrat de bail (art. 253 à 274 g CO, bail à loyer)

Depuis plus de trente ans, le législateur suisse a adopté des règles


particulières concernant la fixation du loyer ou la résiliation du contrat.
Par exemple :

- le Chapitre II (art. 269 ss CO) est intitulé : « Protection contre les


loyers abusifs ou d’autres prétentions abusives du bailleur en matière
de baux d’habitation et de loyers commerciaux » ;

- le Chapitre III (art. 271 ss CO) est intitulé : « Protection contre les
congés concernant les baux d’habitations et de locaux commerciaux ».
107
b) Contrat de travail (art. 319 à 362 CO)

Dans ce contrat, le législateur a imposé des règles auxquelles il ne peut


être dérogé au détriment du travailleur (la liste en est donnée à l’art. 362
CO), et d’autres auxquelles il ne peut être dérogé ni au détriment du
travailleur, ni au détriment de l’employeur (cf. la liste de l’art. 361 CO).
108
c) Les émissions d’actions ou d’obligations par souscription publiques

Les émissions d’actions par souscription publique sont réglées par la loi
fédérale sur les bourses et les valeurs mobilières (LBVM) et celles
d’obligations par souscription publique par les art. 1156 ss CO dont l’al.
2 renvoie par analogie à la LBVM (RS 952.03).
109
d) Le contrat d’assurance

Cette branche économique est régie, dans ses relations avec ses clients,
par la loi fédérale sur le contrat d’assurance (RS 221.229.1).

3.2.2 Le drroit de la consommation


110
Alors que les consommateurs représentent une partie essentielle du marché,
le législateur (du moins en Suisse), à l’exception des situations citées ci-
dessus, s’y est peu intéressé. Pourtant, il est nécessaire de traiter certains
aspects tels que :
111
- L’information du consommateur : c’est la question d’une part des
conditions générales et, d’autre part, de l’étiquetage des produits.
24

112
- La formation du contrat : en 1990, le législateur a adopté les art. 40a à 40f
CO sur le droit de révoquer certains contrats (RO 1991 846).
113
- Le crédit à la consommation : en 2001, le législateur a adopté la loi
fédérale sur le crédit à la consommation.
114
- La sécurité des produits : la réglementation suisse est disséminée dans les
différents domaines du droit.

3.2.3 Le fonctionnement du marché

A. La concurrence déloyale

a) Droit suisse
115
Paradoxalement, le législateur suisse s’est d’abord préoccupé de la
manière d’exercer la concurrence avant même de se préoccuper que le
marché existe et que la concurrence y fonctionne.
116
La première loi suisse sur la concurrence déloyale (LCD) a été adoptée
en 1943, soit vingt et un ans avant la première loi sur les cartels (LCart.).
On lit souvent que la LCD protège les concurrents alors que la loi sur les
cartels protège la concurrence. Une telle formule simplificatrice ne
correspond pas à la réalité. En effet, selon l’art. 1er LCD (révisée en
1986), cette loi « vise à garantir, dans l’intérêt de toutes les parties
concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée ». Cette
expression d’une concurrence qui n’est pas faussée figure à l’art. 3 ch. 1
let. g TCE, comme fondement du droit européen de la concurrence.
117
Il est cependant exact que le droit de la concurrence au sens étroit
concerne la garantie de la possibilité d’exercer la concurrence, alors que
la législation contre la concurrence déloyale se rapporte à la manière
d’exercer la concurrence. Ainsi, selon l’art. 2 LCD « est déloyal et illicite
tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui
contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe
sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. »
L’art. 3 LCD donne ensuite une liste exemplative de ce genre de
comportements : dénigrement d’autrui, indications inexactes ou
fallacieuses, mesures de nature à faire naître une confusion avec les
marchandises ou les prestations d’autrui, ventes en dessous du prix
coûtant, etc.
118
L’action en concurrence déloyale sera toujours introduite par un
concurrent à l’encontre d’un autre opérateur sur le marché. Elle n’est
jamais engagée par une autorité administrative (et les dispositions
pénales sont rarement invoquées). Pourtant, en protégeant les concurrents
contre des pratiques déloyales c’est aussi le fonctionnement du marché
qui est indirectement protégé.
25

119
La plupart des systèmes juridiques connaissent des dispositions légales
relatives à la concurrence déloyale. La Convention d’Union de Paris, de
1883, faisait déjà référence aux « usages honnêtes et loyaux du
commerce ».

b) Droit communautaire
120
Jusqu’en 2005, le droit communautaire ne s’est pas préoccupé de la
concurrence déloyale, laissant ce domaine aux pays membres. Le 11 mai
2005, la Commission a adopté la Directive 2005/29 sur les pratiques
commerciales déloyales. Par cette Directive, la Commission vise deux
buts :

- satisfaire les impératifs du marché intérieur et la libre circulation que


celui-ci implique ;

- protéger les consommateurs, en particulier dans les échanges


transfrontaliers (pratiques trompeuses et pratiques agressives).
121
La Commission insiste sur un renforcement de la coopération entre les
Etats membres et entre les « professionnels » pour lutter de façon
uniforme contre les pratiques commerciales déloyales.

B. La protection de la concurrence
122
Alors que les règles relatives à la concurrence déloyale protègent d’abord le
concurrent, le droit de la concurrence proprement dit vise l’existence même
de la concurrence sur le marché et son exercice (cf. 2e Partie, ci-dessous).

C. La loi suisse sur la surveillance des prix (LSP)

a) But
123
Après avoir instauré des mesures conjoncturelles de surveillance des
prix, au cours des années 1970, le législateur suisse, exécutant un mandat
résultant d’une initiative constitutionnelle, a adopté en 1985 une loi
fédérale sur la surveillance des prix. Le Surveillant des prix observe
l’évolution des prix (art. 4 al. 1 LSPr) et empêche les augmentations de
prix abusives et le maintien de prix abusifs.

b) Champ d’application
124
Quant aux personnes, la loi s’applique aux cartels et aux organisations
analogues (« autres restrictions à la concurrence ») au sens de la LCart.
26

125
Si une appréciation de la situation est nécessaire, le Surveillant des prix
doit consulter la Commission de la Concurrence avant de prendre sa
décision (art. 5 al. 4 LSPr).
126
Quant à la matière, la loi

- s’applique au prix des marchandises, des services et de l’argent


(intérêts) ;

- ne s’applique pas à la rémunération du travail (salaires).

c) Prix administrés
127
Si une autorité (fédérale, cantonale ou communale) est compétente pour
décider ou approuver une augmentation de prix proposée par un cartel ou
une organisation analogue, elle prend au préalable l’avis du Surveillant
des prix (art. 14 LSPr).

* * * * *
27

§ 4 LE MARCHE INTERIEUR EUROPEEN

Textes législatifs : art. 30, 43, 49, 56 TUE ; Accords bilatéraux, RS 0.142.112.681;
0.972.052.68; 0.420.513.1; 0.740.72; 0.748.127.192.68; 0.916.026.81; 0.946.526.81.

Bibliographie : N. LIGNEUL/J.-C. MASCLET, Libre circulation des marchandises,


Juris-Classeur Europe, Vol. 2, Fasc. 550; Accords bilatéraux Suisse – UE
(Commentaires), Bâle 2001; D. DREYER/B. DUBEY, La place des avocats dans les
accords sectoriels et leur rôle dans leur application, in « Accords bilatéraux », p. 209
ss.

4.1 UN MARCHE CREE PAR ETAPES

4.1.1 Les étapes du marché intérieur


128
Le Traité de Rome prônait déjà la libre circulation des personnes et la libre
circulation des marchandises. L'abolition (progressive) des droits de douane
facilitait certes l'exportation des marchandises d'un pays à l'autre de la
Communauté, mais la libre circulation des marchandises n'était de loin pas
encore garantie. En effet, de nombreux obstacles administratifs ou techniques
restreignaient le mouvement des marchandises au sein de la Communauté.
129
En 1985, vingt-huit ans après l'adoption du traité de Rome instituant la CEE,
les autorités communautaires se rendaient compte que la création d'un
véritable marché intérieur européen était encore très éloignée. L'une des
causes principales de la lenteur des progrès provenait des procédures
d'adoption des règles communautaires nécessaires, pour favoriser la libre
circulation des marchandises.
130
Les Etats communautaires modifièrent alors le Traité par l'Acte unique
européen (1986), un traité qui non seulement réunissaient les organes des
trois communautés qui existaient encore distinctement (la CEE, la
Communauté du charbon et de l'acier - CECA - et la Communauté de
l'énergie atomique - CEEA - ) mais surtout modifiait les règles sur la majorité
en rendant possible l'adoption d'un beaucoup plus grand nombre de décisions
à la majorité plutôt qu'à l'unanimité.
131
Par la même occasion, les Etats communautaires se fixèrent comme objectif
de réaliser ce marché intérieur pour la fin 1992.
132
Cette réalisation a aussi été grandement facilitée par une interprétation très
dynamique du Traité par la Cour de Justice des Communautés européennes
(CJCE).
28

4.1.2 Remarque sur les traités européens


133
A l’époque de l’adoption du Traité de Rome (1957) instituant la
Communauté économique européenne – le marché commun, deux autres
traités régissaient le charbon et l’acier, CECA) et la recherche atomique
(Euratom). Chacune de ces organisations avait ses propres organes ; c’est
pourquoi, on parlait alors des Communautés européennes.
134
Le traité de Rome a été modifié à plusieurs reprises :

- l’Acte Unique européen (1986), rassemblant les différents organes en une


seule Communauté européenne et modifiant les systèmes de majorités ;

- le Traité de Maastricht (1992) modifiant les organes pour tenir compte de


l’agrandissement de la Communauté.

- le Traité d’Amsterdam (1997) instituant l’Union européenne et complétant


la Communauté européenne (1er pilier) par deux autres piliers :

-- la politique étrangère et la sécurité commune (PESC, 2e pilier) ;


-- la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures
(JAI ; accord de Schengen, 3e pilier).

Les liens entre les différentes parties de ce Traité sont indiqués à la page
suivante et plus loin sous forme de schéma.

(Les abréviations « TUE » se réfèrent au Traité d’Amsterdam, alors que


celles de « TCE » se réfèrent au texte du Traité relatif à la « Communauté
européenne » proprement dite).
29

Table des matières des versions consolidées du traité sur l’Union européenne et du traité
instituant la Communauté européenne

Titre I TUE : Dispositions communes : art. 1 à 7 TUE

Titre II TUE : art. 8 TUE = art. 1 à 314 TCE (numérotation propre, traité de Rome)

Titre III TUE : art. 9 TUE = Traité de la CECA (liquidée)

Titre IV TUE : art. 10 TUE = Traité Euratom

Titre V TUE : art. 11 à 28 TUE = PESC

Titre VI : art. 29 ss TUE = Coopération policière et judiciaire en matière pénale

Titre VII : art. 43 ss TUE = Coopération renforcée

Titre VIII : art. 46 ss TUE =Dispositions finales

L’intégralité du texte est disponible sous le lien http://eur-


lex.europa.eu/LexUriServ/site/fr/oj/2006/ce321/ce32120061229
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30

Schéma des 3 piliers

Union européenne

I II III
CE PESC JAI

4.1.3 Une constitution européenne


135
Nombre de principes importants de l’Union européenne étant dispersés dans
l’un ou l’autre traité, les Etats membres ont manifesté le souhait de réunir
les éléments fondamentaux dans un « texte de base », une « constitution ».
136
Après l’échec de la ratification de la « Constitution européenne » par tous
les Etats membres, un nouveau texte devrait être soumis aux Etats membres
d’ici 2009.

4.2 L’ACCES AU MARCHE INTERIEUR

4.2.1 Le principe du marché intérieur


137
Selon l'art. 3 § 1 let. c du Traité de Maastricht, le marché intérieur européen
est caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre
circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux.
138
En effet, un véritable marché intérieur ne peut fonctionner que si :
31

- les marchandises peuvent circuler librement (art. 23 TCE);

- les capitaux peuvent circuler librement (art. 56 TCE);

- les professionnels peuvent librement prester leurs services sur tout le


territoire de l'Union (art. 49/50 TCE);

- les ressortissants de l'Union peuvent librement s'établir sur tout le territoire


de l'Union (art. 43 TCE);

- les travailleurs peuvent librement circuler (art. 39 TCE).


139
L'exercice de ces trois dernières libertés implique la reconnaissance des
diplômes et des certificats de capacité (cf. à ce sujet, ci-après, § 5.4 et 5.6).

4.2.2 La libre circulation des marchandises

A. La marchandise (au sens communautaire)

a) La définition
140
La CJCE (10.12.1968, Commission c/ Italie, aff. 7/68) a défini les
marchandises comme les « produits appréciables en argent et
susceptibles, comme tels de former l’objet de transactions
commerciales ».

b) Le caractère communautaire
141
L’art 23 al. 2 TCE dispose que la liberté de circulation s’applique « aux
produits qui sont originaires des Etats membres, ainsi qu’aux produits en
provenance de paya tiers qui se trouvent en libre pratique dans les Etats
membres ».
142
La détermination de l’origine de la marchandise pose deux problèmes :

- un problème géographique : la marchandise a son origine dans le


territoire douanier communautaire y.c. les territoires assimilés au
territoire douanier en raison de conventions internationales (soit la mer
territoriale et l’espace) ;

- un problème de détermination de l’origine pour les marchandises


complexes : quelle est l’origine du produit réalisé sur le territoire
communautaire avec des produits importés d’Etats tiers ?
32

143
L’art. 24 du Code des douanes communautaire dispose que l’origine d’un
tel produit est le lieu de sa dernière ouvraison à condition que celle-ci soit
substantielle et économiquement justifiée
144
De plus, la marchandise issue d’un Etat tiers mais introduite dans la
Communauté à la suite des formalités douanières et fiscales et donc
régulièrement importée est alors assimilée à une marchandise
communautaire.

B. Interdiction des droits de douanes

a) Le principe
145
Puisqu’elle est une zone de libre-échange, la Communauté interdit à ses
Etats membres de percevoir des droits de douane dans leurs relations
commerciales réciproques.
146
Par ailleurs, l’Union européenne a instauré, progressivement de 1957 à
1969, une union douanière : tarif douanier commun et réglementation
douanière unique (Code des douanes communautaires, envois
administration, contrôle et sanction par les Etats membres).
147
Une taxe imposée au commerce international et qualifiée de droit de
douane est donc illicite si elle ne correspond pas au Code des douanes. Les
problèmes ont surgi lorsque les Etats ont adopté des taxes « d’effets
équivalent aux droits de douane ».

b) La notion de taxe d’effet équivalent


148
Les art. 23/25 TCE posent le principe d’interdiction des taxes d’effet
équivalent mais ne les définissent pas.
149
A l’origine les taxes d’effet équivalent ont été définies dans l’affaire du
« pain d’épices » (CJCE 14.12.1962, Commission c/ Luxembourg et
Belgique, aff. 2/62 et 3/62) de la façon suivante :

« La taxe d’effet équivalent peut être considérée, quelles que soient son
appellation et son origine, comme un droit unilatéralement imposé, soit au
moment de l’importation, soit ultérieurement et qui, frappant
spécifiquement un produit importé d’un pays membre à l’exclusion du
produit national similaire, a pour résultat, en altérant son prix, d’avoir
ainsi sur la liberté de circulation des produits, la même incidence qu’un
droit de douane. »
150
Depuis la fin des années 1960, la taxe d’effet équivalent est définie (cf.
CJCE 01.07.1969, Sociaal fonds Diamanterbeiders c/ Brachfeld et
Chougol, aff. 2/69 et 3/69 et Commission c/ Italie, aff. 24/68) comme :
33

« une charge pécuniaire, fût-elle minime, unilatéralement imposée quelles


que soient son appellation ou sa technique, et frappant les marchandises
nationales ou étrangères à raison du fait qu’elles franchissent la frontière,
lorsqu’elle n’est pas un droit de douane […] alors même qu’elle ne serait
pas perçue au profit de l’Etat, qu’elle n’exercerait aucun effet
discriminatoire ou protecteur et que le produit imposé ne se trouverait pas
en concurrence avec une production nationale ».
151
Les critères de qualification de ces taxes sont donc :

- une charge pécuniaire ;


- une imposition unilatérale ;
- le franchissement d’une frontière.
152
Les Etats membres peuvent en revanche créer des mesures d’imposition
intérieures. Ils ont en effet conservé leur souveraineté fiscale (sauf dans les
domaines harmonisés).
153
L’art. 90 al. 1 TCE dispose toutefois « Aucun Etat membre ne frappera
directement ou indirectement les produits des autres Etats membres
d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à
celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux
similaires. ».
154
Il n’est donc possible de créer une taxe ou une imposition sur son propre
territoire que dans la mesure où elle frappe les produits nationaux et les
produits des autres Etats membres de la CE de façon analogue. L’art. 90
n’est dès lors rien d’autre qu’une expression du principe de non-
discrimination sur la nationalité.
155
En conséquence, les mesures d’imposition intérieures sont en principe
licites si deux conditions sont remplies. La mesure ne doit pas :

- créer une discrimination entre des produits nationaux et des produits


similaires en provenance d’autres Etats membres ;

- faire naître une discrimination déguisée au commerce. L’art. 90 al. 2


TCE interdit en effet les mesures d’imposition intérieure « de nature à
protéger indirectement d’autres productions ». Le juge communautaire
doit alors apprécier la « proximité » des marchandises en causes,
appréciation qui dépend de l’existence d’un rapport de concurrence
entre les produits.

c) Le régime de la taxe d’effet équivalent


156
Etant assimilée à des droits de douanes, la taxe d’effet équivalent est
interdite.
34

157
Deux actions sont ouvertes pour celui qui a payé indûment cette taxe :

- Une action en responsabilité contre l’Etat membre qui a violé cette


norme de droit communautaire si cette norme faisait naître des droits au
profit de particuliers, si la violation de la norme est suffisamment
caractérisée et si elle est la cause du préjudice dont on entend obtenir
réparation.

- Une action en répétition de l’indu. La restitution doit être intégrale et


englober l’indemnisation des éventuels préjudices découlant de la
violation du traité. Les Etats membres doivent organiser un recours
effectif devant leurs juridictions nationales, à savoir un recours dont les
conditions de recevabilité sont raisonnables. Ce recours doit en outre
être au moins aussi favorable que ceux organisés par les Etats membres
en matière de fiscalité interne.

C. L’interdiction des restrictions quantitatives et des mesures d’effet


équivalent
158
Le principe de la libre circulation des marchandises est contenu dans l'art. 28
TCE :

"Les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet


équivalent sont interdites entre les Etats membres".

a) Les restrictions quantitatives


159
La jurisprudence a précisé la notion de restriction quantitative en indiquant
qu’il s’agit de « toute mesure visant une prohibition totale ou partielle
d’importation, d’exportation ou de transit » (CJCE 12.07.73, aff. 2/73).
160
La restriction quantitative a donc deux éléments constitutifs : une mesure
étatique et une prohibition totale ou partielle d’importer.
161
Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une


collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.

b) les mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives


162
L'expression "mesures d'effet équivalent" a donné lieu à une abondante
jurisprudence de la CJCE. L'arrêt fondamental fut l'arrêt Dassonville selon
lequel une mesure d'effet équivalent englobe :
35

"Toute réglementation commerciale des Etats membres susceptibles


d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement
le commerce intracommunautaire" (CJCE 11 juillet 1974, aff. 8/74).
163
Il s’agit, comme pour les restrictions quantitatives, d’une mesure étatique.
164
Est une mesure étatique :

- toute mesure d'une autorité exécutive, législative ou judiciaire;

- une mesure d'une autorité du pouvoir central national ou d'une


collectivité territoriale;

- une mesure d'un organisme public.


165
Une mesure peut être qualifiée d'effet équivalent même si son influence est
potentielle ou d'une faible importance. En permettant d'éliminer toute
disposition discriminatoire ou non, constituant un obstacle ou pouvant
constituer un obstacle aux échanges, si limités que soient ses effets, la
jurisprudence "Dassonville" a étendu de manière considérable le champ
d'application de l'art. 28 TCE. Ainsi, ont été jugées contraires au droit
communautaire :

- des mesures avantageant la production nationale (p. ex. les aides à la


presse réservées aux publications du pays octroyant l'aide);

- des mesures imposant des licences ou des certificats d'importation ou


d'exportation;

- des mesures concernant la composition des produits : règles italiennes


de fabrication des pâtes alimentaires excluant les farines de blé tendre;

- des mesures concernant le conditionnement des produits et leur


étiquetage ou leur désignation (règle belge n'autorisant la vente de
margarine que sous un emballage de forme cubique).
166
La Cour a freiné l'extension de la jurisprudence Dassonville en jugeant que
des règles relatives aux modalités de vente ne violaient pas l'art. 28 TCE
"pourvu qu'elles s'appliquent à tous les opérateurs concernés exerçant
leur activité sur le territoire national, et pourvu qu'elles affectent de la
même manière, en droit comme en fait, la commercialisation des produits
nationaux et de ceux en provenance des autres Etats membres".

(Keck et Milhouard, CJCE, 24 nov. 1993, aff. C-267 et 268/91 : Rec I.


p. 6097).
36

167
Elle l'a également fait en renonçant à condamner des restrictions ayant un
effet trop hypothétique et aléatoire sur le commerce intracommunautaire.

4.3 LES EXCEPTIONS AU LIBRE ACCES


168
Les entraves au commerce intracommunautaire sont admises lorsqu'elles
entrent dans le champ d'application de l'art. 30 TCE. Le régime d'exception
ne s'applique qu'aux "entraves" alors qu'une "taxe d'effet équivalent" à un
droit de douane ne pourra jamais être justifiée.
169
L'art. 30 TCE doit être interprété de manière restrictive. La mesure restrictive
doit respecter le principe de proportionnalité et être adéquate (propre à
atteindre le but visé). C'est en application de cette disposition (à l'époque art.
36), que la CJCE a rendu son arrêt "Cassis-de-Dijon", précisant que la
restriction ne peut être admise qui si elle est reconnue "nécessaire pour
satisfaire à des exigences impératives, tenant notamment à l'efficacité des
contrôles fiscaux, à la protection de la santé publique, à la loyauté des
transactions commerciales et à la défense des consommateurs."

4.4 LES PROCEDURES GARANTISSANT L’ACCES AU MARCHE


170
Alors que, selon les règles de l’OMC, les entreprises ne peuvent écarter les
obstacles au libre-échange que par une intervention de l’Etat dans lequel elles
ont leur siège (cf. ci-dessus § 2.1.4), les entreprises dont l’accès au marché
intérieur européen est dénié ou indûment entravé ont d’autres moyens d’agir.

4.4.1 Le recours préjudiciel (art. 234 TCE)


171
Selon l’art. 234 TCE, la Cour de justice est compétente pour statuer à titre
préjudiciel sur l’interprétation du traité. Lorsqu’une question d’interprétation
est soulevée devant une juridiction (tribunal) d’un Etat membre, cette
juridiction peut demander à la Cour de justice de statuer sur cette question.
172
Ainsi, lorsqu’une entreprise considère qu’une mesure administrative, dont
elle est l’objet et qui entrave son accès au marché, est contraire aux règles
européennes, elle invoque cette violation et invite le juge à solliciter de la
Cour de justice l’interprétation de ces règles européennes. Cette manière de
faire a été abondamment utilisée dès les années 1960 et a permis le
développement des règles du marché intérieur, en particulier celles relatives à
la libre circulation des personnes et à la libre circulation des marchandises.
37

4.4.2 Dénonciation à la commission


173
Lorsqu’une entreprise – dont les siège peut être hors de l’Union européenne –
est entravée par une autre entreprise (ou une association privée), elle peut
dénoncer le cas à la Commission européenne (ou encore actuellement, à
l’autorité nationale chargée d’appliquer le droit européen de la concurrence)
et cette autorité pourra, si jugé nécessaire, prendre une décision à l’encontre
de la société incriminée.
174
A noter que, dans le cas d’une dénonciation à la Commission par une
entreprise dont le siège est dans l’Union européenne, le pays de l’entreprise
entravée pourrait, encas d’inaction de la Commission, introduire devant les
juridictions européennes une action judiciaire.

4.4.3 Action en dommages-intérêts


175
Par le biais d’une procédure civile entamée devant un tribunal d’un pays
membre de l’UE, l’entreprise entravée invoquera la violation du droit
européen dans le but d’obtenir l’annulation de l’entrave et, éventuellement,
des dommages-intérêts (la juridiction saisie pourra consulter la CJCE par le
biais du recours préjudiciel). Une telle action peut être introduite par une
entreprise établie hors de l’UE.

4.5 LES ACCORDS BILATERAUX ENTRE LA SUISSE ET L’UE

4.5.1 Adoption et contenu des accords


176
A la suite de l'échec en Suisse, à fin 1992, du vote sur le Traité instituant
l'Espace Economique Européen, le gouvernement suisse a conclu des accords
bilatéraux avec l'Union européenne. Ces négociations ont abouti au printemps
1999 à la signature des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union
européenne. Ces accords et la législation d’accompagnement sont entrés en
vigueur le 1er juillet 2002.
177
L'extension de ces accords aux dix nouveaux pays membres de l'Union
européenne a été approuvée. Ces accords prévoient des périodes transitoires.
Une première étape transitoire a été franchie en 2007.
178
Les sept accords portent sur les objets suivants :

- la recherche,
- les obstacles techniques aux échanges,
- l'accès aux marchés publics,
- les transports terrestres,
- les transports aériens,
- la libre circulation des personnes,
38

- l'accès aux marchés des produits agricoles.

Plus précisément, il s’agit de:

- L’Accord du 16 janvier 2004 de coopération scientifique et technologique entre la


Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et la Communauté
européenne de l’énergie atomique, d’autre part (RS 0.420.513.1) ;
- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif
à la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de conformité (RS 0.946.526.81) ;
- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur
certains aspects relatifs aux marchés publics (RS 0.177.052.68) ;
- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le
transport des marchandises et voyageurs par rail et par route (RS 0.740.72) ;
- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur le
transport aérien (RS 0.748.127.192.68) ;
- L’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats
membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (RS 0.142.112.681) ;
- L’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne relatif
aux échanges de produits agricoles (RS 0.916.026.81).

4.5.2 Le comité mixte


179
Les Accords bilatéraux n’instituent pas d’organes communs à la Suisse et à
l’Union européenne. Ils constatent l’accord des parties sur des règles en
vigueur au moment de l’adoption des Accords.
180
Or :

- des conflits peuvent surgir au sujet de l’interprétation ou de l’application


des accords ;

- les règles, en particulier les règles communautaires auxquelles se


rapportent les Accords évoluent rapidement ; il s’agit de décider comment
tenir compte de cette adaptation.
181
C’est pourquoi les parties signataires ont instauré pour chacun des Accords
un Comité mixte au sein duquel les représentants des parties contractantes :

- règlent d’un commun accord les questions d’interprétation ou


d’exécution ;

- modifient les annexes des accords lorsque cette compétence leur a été
accordée ;

- constatent leur désaccord et sollicitent une coopération au niveau


gouvernemental (Conseil fédéral, Commission ou Conseil des ministres).

4.5.3 Effets sur la concurrence


182
Du point de vue du droit de la concurrence, on peut faire les constatations
suivantes :
39

- alors que l'Accord de libre-échange de 1972 ne concerne que la circulation


des marchandises, les accords bilatéraux couvrent aussi la circulation des
personnes et des services;

- les accords bilatéraux instituent un comité mixte pour superviser leur


application; toutefois, les accords contiennent des règles d’application
directe qui pourraient être soumises, selon les circonstances, aux tribunaux
suisses ou aux tribunaux du pays européen concerné; cependant, seuls les
tribunaux d’un pays membre pourront, selon le Traité (art. 234 TCE),
solliciter une décision préjudicielle de la Cour de Justice de Luxembourg;

- en raison du décalage important entre la date de signature des accords


(printemps 1999) et celle de leur entrée en vigueur, respectivement de leur
application, se pose le problème du droit évolutif (c'est-à-dire de
l’intégration progressive aux accords des modifications du droit
communautaire postérieures à la signature des accords);

- il n'existe aucun accord international réglant les relations entre la Comco à


Berne et la Commission de Bruxelles (et la Direction de la concurrence).
C'est donc uniquement d'une manière informelle et pragmatique que se
règlent les rapports entre ces deux institutions (à titre de comparaison, les
autorités de la concurrence des Etats membres de l’Union européenne
travaillent en coordination avec la Division générale de la concurrence de
la Commission européenne (cf. § 10).

4.5.4 Mise en œuvre procédurale des accords au sein de l’Union européenne


183
L’hypothèse est la suivante : une entreprise suisse met en vente un produit ou
exerce une activité soumise à autorisation au sein de l’Union européenne.
Une autorité administrative d’un Etat membre de l’Union intervient pour le
motif que ce produit ou cette activité ne lui semble pas conforme aux
prescriptions en vigueur au lieu de vente ou d’exercice de l’activité.
184
Ce droit de regard devrait toujours être exercé dans le cadre d’une procédure
aussi courte, efficace et peu onéreuse que possible. En principe, il ne peut y
avoir de contrôle systématique dans l’Etat membre de destination avant la
mise sur le marché. Par conséquent, celui-ci ne pourra, en règle générale,
examiner la conformité d’un produit à ses propres règles techniques que lors
d’une inspection faite dans le cadre de ses activités de surveillance du
marché.
185
Si le produit en question devait ne pas être jugé conforme à ces règles, il y a
alors lieu d’examiner la proportionnalité de l’application de telles règles au
cas d’espèce. En effet, pour que l’application d’une règle technique soit
proportionnée, il faut qu’elle soit à la fois nécessaire et adéquate. Si tel n’est
pas le cas, l’autorité compétente doit prendre la décision – conformément au
40

droit communautaire qui prime le droit national - d'écarter de sa propre


initiative cette règle nationale lors de l’examen du produit.
186
Par ailleurs, une réglementation nationale ne peut pas exiger que des produits
de ce type satisfassent littéralement et exactement aux mêmes dispositions ou
caractéristiques techniques prescrites pour les produits fabriqués dans l’Etat
membre de destination, alors que les produits importés garantissent le même
niveau de protection.
187
En cas de décision négative, il importe que l’Etat membre qui invoque un
motif justifiant une restriction à la libre circulation des marchandises
démontre concrètement l’existence d’un motif d’intérêt général, la nécessité
de la restriction en cause et son caractère proportionné par rapport à
l’objectif poursuivi.
188
L’un des principes généraux du droit communautaire est que toute personne
doit pouvoir bénéficier, devant les juridictions nationales, d’un recours
juridictionnel effectif contre les décisions nationales pouvant porter atteinte
à un droit reconnu par les traités ou par le droit communautaire dérivé. Ce
principe implique que les intéressés peuvent obtenir de l’administration,
avant tout recours, connaissance des motifs de telles décisions.
189
En conséquence, l’Etat membre de destination qui estime qu’un tel produit
ne devrait pas être admis sur son marché ou qu’un tel service ne peut être
offert par ce prestataire devrait en tout état de cause :

- indiquer par écrit au fabricant ou au distributeur quels éléments de ses


règles techniques nationales empêchent, selon lui, la commercialisation
du produit concerné dans l’Etat membre de destination ;

- prouver, sur la base de tous les éléments scientifiques pertinents, pour


quelles raisons ces éléments de la règles technique doivent être imposés
et pour quelles raisons des mesures moins entravantes ne sauraient être
acceptées ;

- inviter l’opérateur économique concerné à formuler ses observations


dans un délai raisonnable ;

- tenir compte de ces observations avant de rendre une décision finale ;

- une fois la décision prise, notifier cette décision motivée à l’opérateur


économique concerné en lui indiquant les voies de recours à sa
disposition ;

- notifier cette décision à la Commission en vertu de l’art. 11 de la


directive 2001/95 CEE relative à la sécurité générale des produits ou en
vertu de l’art. 50 du règlement n° 178/2002 établissant les principes
généraux et les prescriptions générales dans la législation alimentaire ;
41

- ou, lorsque ces articles ne s’appliquent pas, notifier cette décision à la


Commission en vertu de la décision n° 3052/95 CE du Parlement du
13.12.05 établissant une procédure d’information mutuelle sur les
mesures nationales dérogeant au principe de libre circulation des produits
à l’intérieur de la Communauté.
190
Une décision négative de la part de l’Etat membre de destination concernant
l’admission à son marché d’un produit de l’EEE ou de la Turquie ou d’un
Etat membre de l’AELE est, en principe, susceptible de constituer une
mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation,
interdite par l’art. 28 du traité CE. Dès lors, l’opérateur économique
concerné peut toujours contester dans le pays devant les juridictions,
respectivement les administrations de l’Etat membre de destination, une
décision négative prise à son encontre.
191
Les juridictions et administrations nationales ont alors l’obligation de
garantir le plein effet du droit communautaire, lorsque l’on est en présence
de dispositions du droit national incompatible avec les articles 28 à 30 TCE.
En effet, le juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa
compétence, les art. 28 et 30 TCE, a l’obligation d’assurer le plein effet de
ces normes, en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute
disposition contraire de la législation nationale. Il doit en outre appliquer les
art. 20 et 30 TCE à la lumière de la jurisprudence de la Cour de Justice.
192
Les juridictions nationales peuvent cependant, le cas échéant, demander à la
Cour de Justice de statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation des art. 28 et
30 TCE, conformément à l’art. 234 TCE.

* * * * *
42

§ 5 LE MARCHE INTERIEUR SUISSE

Textes législatifs : Loi fédérale du 6.10.1995 sur le marché intérieur (LMI) (RS
943.02), FF 1995 IV 552 ss et 2005 461 ss ; Loi fédérale sur les entraves techniques
au commerce (LETC) (RS 946.51), FF 1995 IV 539 ss; LF sur la formation
professionnelle, RS 412.10 ; TCE, art. 28 ss.

Bibliographie : Message du Conseil fédéral du 23.11.1994, FF 1995 I


1193 ; Message relatif à la révision de la loi sur le marché intérieur, FF 2005 421; E.
SCHEIDEGGER, Schweiz-EG 92 : Mehr Wettbewerb durch den Binnenmarkt,
Coire/Zurich 1992; V. MARTENET/C. RAPIN, Le marché intérieur suisse, in Cahiers
Suisses de droit européen, n° 19, Berne/Zurich 1999; D. DREYER/B. DUBEY, Effets
de la libre circulation des personnes sur l’exercice des activités soumises à
autorisation, in L’adhésion de la Suisse à l’Union européenne, Zurich, 1998, p. 859
ss; Commentaire romand - Concurrence, LMI, p. 1239 ss; A. AUER/V. MARTENET,
La loi sur le marché intérieur face au mandat constitutionnel de créer un espace
économique unique - Avis de droit, DPC 2004/1, p. 277 ss.

5.1 LE LIBRE ACCES AU MARCHE

5.1.1 Généralités
193
La Loi fédérale sur le marché intérieur est fondée sur l’art. 95 Cst qui donne à
la Confédération la compétence de légiférer sur l’exercice des activités
économiques privées.
194
En vertu de l’al. 2 de cette disposition : la Confédération veille à créer un
espace économique suisse unique;

La Confédération a donc le devoir de prendre les mesures nécessaires à cette


fin.
195
Le but de la Loi sur le marché intérieur est clairement énoncé à l'art. 1er :
garantir à toute personne ayant son siège ou son établissement en Suisse
l'accès libre et non discriminatoire au marché, afin qu'elle puisse exercer une
activité lucrative.
196
Une activité lucrative ? Toute activité non régalienne (i.e. dont l’Etat ne s’est
pas réservé le monopole) ayant pour but un gain (art. 1er al. 3 LMI).

197
Comment garantir l'accès au marché ? Par les principes suivants :
43

198
- la suppression des dispositions et des mesures de nature protectionniste
édictées par les cantons et les communes; les cantons, les communes et les
autres organes assumant des tâches publiques avaient un délai de deux ans
dès l'entrée en vigueur de la loi en 1996 pour adapter leurs prescriptions
(art. 11 LMI); cette disposition n’a malheureusement eu que peu d’effets ;
199
- l'interdiction des mesures discriminatoires (art. 3 al. 1 let. a LMI) ;
200
- l'application du principe «Cassis-de-Dijon» (art. 2 al. 1 et 3 al. 2 LMI) ;
201
- la suppression des obstacles techniques (cf. LETC).

5.1.2 La suppression des obstacles techniques


202
Comme expliqué au § 2 point 2.3, tous les obstacles nationaux à la circulation
des marchandises à l’intérieur de la CE doivent être éliminés.
203
La Loi fédérale sur les entraves techniques au commerce a été édictée en vue
d’atteindre ce but. De nombreux obstacles ont été supprimés par la reprise en
Suisse des règles résultant de l’harmonisation communautaire, à savoir les
prescriptions adoptées par l’Union européenne au moyen de directives, qui
doivent ensuite être transposées dans le droit national.
204
Le Conseil fédéral a proposé au début 2007 d’ajouter à l’instrumentaire
visant à éliminer les entraves techniques au commerce un volet
supplémentaire, celui du principe dit « Cassis de Dijon ». Ce principe, énoncé
à l’art. 16b LETC, s’applique aux produits qui ne font pas l’objet de
l’harmonisation communautaire.
205
Par ailleurs, le principe « Cassis de Dijon » ne remplace pas, mais complète
les accords en vigueur conclus avec la CE dans le cadre des Bilatérales I en
vue d’éliminer les entraves techniques au commerce. Il s’agit notamment de
l’Accord sur la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de
conformité (ARM), dans le domaine des produits industriels, et de l’Accord
relatif aux échanges de produits agricoles (Accord agricole).

5.1.3 Le principe du Cassis-de-Dijon

a) Origine du principe
206
Ce principe a été établi par la Cour de Justice des Communautés
européennes en application de l'art. 28 (ex art. 30) TCE qui interdit les
restrictions quantitatives et les mesures d'effet équivalent (cf. ci-dessous §
4.3).
44

207
Selon ce principe, les produits fabriqués et commercialisés légalement
dans l'un des Etats membres doivent en principe être admis dans toute la
Communauté.
208
Certes, en l'absence de réglementation communautaire, les Etats membres
restent compétents pour édicter des prescriptions applicables sur leur
propre territoire. Mais les obstacles qui en résultent ne sont admissibles
que dans la mesure où ces prescriptions «peuvent être reconnues comme
étant nécessaires pour satisfaire à des exigences impératives tenant,
notamment à l'efficacité des contrôles fiscaux, à la protection de la santé
publique, à la loyauté des transactions commerciales et à la défense des
consommateurs» (Arrêt Cassis-de-Dijon).

b) Application du principe en Suisse


209
Dans la LMI, ce principe est énoncé à l'art. 2; il limite les restrictions
possibles (art. 3).
210
Toute personne a le droit d'offrir des marchandises ou des services dans
toute la Suisse pour autant que l'exercice de l'activité lucrative en question
soit licite au lieu où cette personne a son siège ou son établissement (art. 2
al. 1 LMI).
211
C'est le canton de l'offreur qui détermine les éventuelles prescriptions
relatives à l'offre de marchandises ou de services. La marchandise dont la
mise en circulation est autorisée dans le canton de l'offreur peut être mise
en circulation dans toute la Suisse.
212
Ce principe permet en outre aux producteurs suisses qui exportent dans le
marché européen de fabriquer et de mettre sur le marché suisse leurs
produits selon les règles en vigueur dans la CE, à condition que ces
produits soient aussi commercialisés dans l’Etat membre de la CE dont ils
remplissent les conditions.
213
Aux termes de l’art. 2 al. 4 LMI, la liberté d’accès au marché selon les
prescriptions du lieu de provenance est étendue à l’établissement
commercial. Dès lors, des catégories professionnelles entières qui ne
pouvaient auparavant bénéficier de cette liberté d’établissement puisque
tributaires d’équipements fixes sur le lieu d’exécution de la prestation ont
désormais plus de mobilité. Concrètement, cela signifie que les personnes
concernées ne sont pas tenues de demander une autorisation au lieu de
destination pour exercer leur activité puisqu’elles peuvent exercer celle-ci
sur la base de l’autorisation délivrée au lieu du premier établissement.
214
La révision de la LMI a également ajouté à l’art. 2 LMI un alinéa 5 qui
fixe explicitement dans la loi la présomption (réfragable) d’équivalence
des règlementations cantonales et communales, qui est à la base de la
45

liberté d’accès au marché. L’inscription de ce principe dans la loi ne le


modifie pas, elle lui confère simplement plus de poids.

5.2 LES RESTRICTIONS A L'ACCES AU MARCHE


215
Des restrictions à la liberté d'accès au lieu de destination (de la marchandise)
ou de prestation des services ne peuvent être imposées que si (art. 3 LMI) :
216
a) Ces restrictions s'appliquent de la même façon aux offreurs locaux
(principe de non-discrimination ou traitement national).
217
b) Ces restrictions sont indispensables à la préservation d'intérêts publics
prépondérants :

- protection de la vie et de la santé de l'être humain, protection des


animaux et des végétaux;

- protection de l'environnement;

- protection de la loyauté des échanges commerciaux et des consom-


mateurs;

- poursuite d'objectifs de politique sociale et énergétique;

- garantie d'un niveau de formation suffisant pour les activités


professionnelles soumises à autorisation.
218
L’alinéa 2 qui énumérait ces intérêts a été abrogé. Il a en effet été
considéré qu’il n’était pas nécessaire de les préciser, notamment en raison
du fait qu’il s’agit des mêmes intérêts que ceux admis par la jurisprudence
du Tribunal fédéral en matière de restrictions à la liberté économique.
Cette abrogation satisfait également au principe de l’allègement de la
législation.
219
Ces restrictions doivent respecter le principe de la proportionnalité; l'art. 3
al. 2 LMI précise que ce principe n'est pas respecté si :

- la protection recherchée est déjà obtenue au moyen des prescriptions


applicables au lieu de provenance;

- les attestations de sécurité ou les certificats déjà produits par l'offreur au


lieu de provenance ne sont pas pris en compte.
220
Afin de bien se faire comprendre, le législateur ajoute (art. 3 al. 2 let. c et 3
LMI) que :
46

- un siège ou un établissement au lieu de destination ne peuvent pas être


imposés à l’offreur comme condition pour pouvoir y exercer une
activité lucrative;

- les restrictions ne doivent en aucun cas constituer un obstacle déguisé


aux échanges ou destiné à favoriser les intérêts économiques locaux.

5.3 LES ACTIVITES SOUMISES A AUTORISATION

5.3.1 Règles générales


221
La compétence d'imposer un certificat de capacité pour l'exercice de certaines
activités est encore en principe en mains cantonales (art. 27 ss Cst) sauf si la
compétence en a été spécifiquement attribuée à la Confédération par la
Constitution fédérale.
222
Aussi longtemps qu’une loi fédérale n’a pas été adoptée au sujet d’une
formation professionnelle, les cantons sont tenus, selon l’art. 196 ch. 5 Cst, à
la reconnaissance réciproque des titres sanctionnant une formation (une règle
semblable existait déjà dans la Constitution fédérale de 1874 !).
223
Cependant, les cantons imposent souvent, en plus des connaissances
techniques ou professionnelles établies par le certificat, des conditions
personnelles. En conséquence, avant la LMI, les cantons exigeaient encore le
dépôt d'une requête afin de vérifier si ces conditions personnelles étaient
remplies. Est-ce encore possible avec la LMI ?
224
L'art. 4 al. 4 LMI prévoit encore une règle très particulière dans l'hypothèse
où la reconnaissance de certificats est prévue dans un accord intercantonal
(concordat) puisque les dispositions du concordat l'emportent sur la LMI !

5.3.2 La reconnaissance des certificats de capacité cantonaux


225
Le principe de la reconnaissance sur tout le territoire suisse des certificats de
capacité cantonaux étant déjà prévu par l'art. 196 ch. 5 Cst., il s'agit de
comprendre ce qu'apporte la loi sur le marché intérieur. Cet apport, à l'art. 4
LMI, consiste dans la limitation des restrictions possibles puisque celles-ci
doivent respecter les règles de l'art. 3 LMI.
226
L’alinéa 3bis de l’art. 4 LMI prévoit en outre que : « La reconnaissance de
certificats de capacité pour les activités lucratives couvertes par l’accord
du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la
Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre
circulation des personnes est régie par cet accord ».
227
A l’avenir, la reconnaissance des certificats de capacité cantonaux devra
donc s’effectuer selon la procédure de reconnaissance de l’UE, les accords
47

intercantonaux restant réservés. Pour ce qui est de la reconnaissance non


réglée sur le plan cantonal, les mêmes règles s’appliqueront sur le plan
interne (entre cantons) et externe (UE).
228
La portée de l’alinéa 3bis dépendra toutefois de l’usage que fera la
Confédération, dans le cadre de la nouvelle loi sur la formation
professionnelle, de ses prérogatives en matière de réglementation.
229
S’agissant de la procédure de reconnaissance mise en place au sein de l’UE,
on distingue entre les directives générales et spéciales que la Suisse a
reprises dans son propre droit en signant l’accord sur la libre circulation des
personnes.
230
Les directives générales (p. ex. la directive 95/21/CE qui régit la
reconnaissance des métiers nécessitant une formation de 1 à 3 ans) se fondent
sur le principe de la confiance réciproque dans le système de formation des
autres Etats membres, alors que les directives spéciales (par ex. la directive
77/452/CE reconnaissance de diplômes en matière de soins infirmiers) se
fondent sur le principe de l’harmonisation préalable des systèmes de
formation. En d’autres termes, une vérification de la durée et des contenus
des formations aura lieu dans le cas des formations concernées par les
directives générales tandis que les diplômes pris en compte par les
directives spéciales seront reconnus d’office.
231
Il faut encore noter que l’accord sur la libre circulation des personnes a été
étendu aux dix nouveaux membres de l’UE en mai 2004 et ce, également
dans le domaine de la reconnaissance des diplômes.
232

5.4 MISE EN ŒUVRE PROCEDURALE


233
L’hypothèse est la suivante : une entreprise met en vente un produit ou
exerce une activité et l’autorité suisse intervient pour le motif que ce produit
ou cette activité n’est pas conforme aux prescriptions en vigueur au lieu de
vente ou d’exercice de l’activité.
234
En principe, l’autorité doit d’abord réunir des informations :

- sur la conformité du produit aux règles de l’Etat de provenance

- sur les diplômes du prestataire de service lorsque l’activité est soumise à


autorisation.
235
L’autorité ne peut pas instituer des contrôles faisant double emploi avec les
contrôles déjà effectués dans un autre Etat membre. L’autorité est tenue de
vérifier l’équivalence des niveaux de protection ou des diplômes.
48

236
L’administration ne peut exiger que des produits satisfassent littéralement et
exactement aux mêmes dispositions ou caractéristiques techniques
prescrites en Suisse alors que les produits importés garantissent
objectivement le même niveau de protection. La règle est la même mutatis
mutandis pour la reconnaissance des diplômes.
237
Si l’autorité arrive à la conclusion que le produit n’est pas conforme ou que
la personne prestant le service n’a pas les qualifications requises, elle prend
une décision d’interdiction de la vente du produit ou d’exercice de l’activité
par la personne en cause.
238
Cette décision pourra faire l’objet d’un recours :
239
- devant un tribunal administratif cantonal lorsque c’est un organe de
l’administration cantonale qui a pris la décision ;
240
- devant le Tribunal fédéral administratif lorsque la décision a été prise par
une autorité administrative fédérale.

5.5 LE DROIT DE RECOURS DE LA COMCO


241
Le nouvel article 9 al. 2 bis LMI confère le droit à la Comco de faire
constater par un recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) qu’une
décision (cantonale ou communale) restreint indûment l’accès au marché.
242
L’art. 89 al. 2 lit. a LTF prévoit notamment que les départements fédéraux
ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont
subordonnées, ont la qualité pour recourir si l’acte attaqué est susceptible de
violer la législation fédérale dans leur domaine d’attributions.
243
En vertu de l’art. 104 al. 2 LTF, la Comco peut donc, dès qu’elle a la qualité
pour recourir, faire usage des voies de recours cantonales et être partie à une
procédure devant n’importe quelle instance cantonale. Dans la mesure où
d’éventuels recours auprès d’instances communales peuvent être qualifiées
généralement de « voies de droit cantonales » au sens de cette disposition, la
Comco est assurée de disposer aussi d’un droit de recours contre les décisions
de première instance.
244
De plus, en vertu de l’art. 105 al. 4 LTF, le Conseil fédéral déterminera par
voie d’ordonnance les décisions devant être communiquée à la Comco par les
instances cantonales et communales.
245
Cependant, le droit de recours de la Comco sera restreint dans le domaine des
marchés publics aux décisions soulevant des questions d’importance
fondamentale et concernant des marchés excédent les valeurs seuils
déterminantes.
49

246
Il faut encore préciser que la Comco peut exercer son droit de recours
indépendamment d’un éventuel recours privé visant le respect de la liberté
d’accès au marché. L’aval des particuliers concernés n’est par ailleurs pas
nécessaire et le recours de la Comco n’interrompt pas le délai pour le dépôt
d’un recours individuel.
247

5.6 AUTRES REGLEMENTATIONS


248
La Confédération a la compétence de légiférer en matière de libre circulation
professionnelle (cf. LF sur la formation professionnelle, RS 412.10); elle peut
ainsi :

-- créer des certificats fédéraux (professions médicales);


-- poser les conditions à l'inscription dans un registre cantonal qui confère le
droit à l'exercice de la profession dans toute la Suisse (avocats)
-- imposer la reconnaissance des certificats de capacité (cf. art. 4 LMI).

* * * * *
50

2ème partie

L'EXERCICE DE LA CONCURRENCE
ET LA PROTECTION DU MARCHE

Dans cette deuxième partie, après avoir précisé le champ d’application du droit de la
concurrence (Chapitre 3), il s’agira d’examiner à quelles conditions les entraves à la
concurrence sont illicites (Chapitre 4) et de quelle manière on procède pour appliquer ce
droit (Chapitre 5).

Chapitre 3

CHAMP D'APPLICATION DU DROIT DE LA CONCURRENCE

Le droit de la concurrence ne s’applique pas à tous les acteurs économiques et il vise un but
spécifique. C’est pourquoi, il faut délimiter le champ d’application matériel et le champ
d’application personnel et géographique, du droit de la concurrence.

§ 6 CHAMPS D'APPLICATION MATERIEL, PERSONNEL ET


GEOGRAPHIQUE

Textes législatifs : art. 2 à 4 LCart.; art. 1 et 2 LCD; art. 1 et 2 Loi fédérale


concernant la surveillance des prix (LSPr) (RS 942.20); art. 81 et 82 TCE.

Bibliographie : P.-A. KILLIAS, CR Concurrence, Art. 2 et Art. 3; E. CLERC, CR


Concurrence, Art. 4; B. GOLDMAN/A. LYON-CAEN/L. VOGEL, Droit commercial
européen, 5e éd., Paris 1994; Traité de droit européen, Juris-Classeur; B.-A.
GENESTE, Pratiques restrictives de concurrence, Ententes anticoncurrentielles,
Champ d'application, in Juris classeur, Europe, 4, Paris 1996.
51

249
Le champ d’application de la loi sur les cartels est précisé aux art. 2 à 4 LCart. ; la
loi s’applique :

- aux entreprises (cf. ad 6.3 ci-dessous) ;

- aux entreprises qui, par une entente (6.2.1), une position dominante (6.2.2) ou
une opération de concentration (6.2.3) exercent une influence sur le marché ;

- aux entreprises qui ont des effets en Suisse (6.4).


250
En droit européen, les mêmes critères sont utilisés ; s’y ajoute celui de l’affectation
du commerce entre les Etats membres (6.5).
251
La loi réserve quelques domaines auxquels la loi sur les cartels ne s’applique pas
(6.1).

6.1 ACTIVITES NON SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE

6.1.1 Les règles de la propriété intellectuelle


252
Selon l’art. 3 al. 2 LCart., la loi ne s’applique pas aux effets sur le
concurrence qui découlent exclusivement des lois sur la propriété intellec-
tuelle. En effet, le titulaire d’un brevet se voit reconnaître le droit exclusif
d’exploiter le procédé de fabrication décrit par le brevet ; ce titulaire du
brevet bénéficie ainsi, de par la loi, d’une position dominante. Cette situation
est justifiée par la volonté de protéger les investissements faits dans la
recherche et le développement industriel.
253
Cette exemption est cependant strictement limitée au droit de l’usage exclusif
du brevet, lequel comprend le droit d’accorder une licence. Cependant le droit
exclusif accordé par la loi sur les brevets n’a pas pour but de permettre au
titulaire du brevet de mettre en place un cloisonnement commercial du
marché par des accords qui dépassent le droit d’usage du brevet. C’est le sens
de l’art. 3 al. 2 LCart.

6.1.2 Marchés de caractère étatique


254
Il est des domaines d’activités économiques pour lesquels l’Etat établit
des règles particulières qui dérogent à la concurrence :

- télécommunications
- secteur laitier
- trafic aérien de ligne
- activité de notaire
52

255
(Certains secteurs qui échappent à la concurrence restent soumis à la
surveillance des prix, RS 942.20)
256
L’art. 3 al. 1 LCart. précise la notion de « prescriptions qui excluent de la
concurrence certains biens ou services » en indiquant que ce sont celles qui :

- établissent un régime de marché ou un régime de prix de caractère


étatique ;

- accordent des droits spéciaux à des entreprises chargées de l’exécution de


tâches publiques.
257
Malgré cela, l’application de ces règles soulève bien des difficultés en
pratique.

6.2 ACTIVITES SOUMISES AU DROIT DE LA CONCURRENCE


258
Le droit suisse, comme le droit européen, de la concurrence s’applique aux
entreprises capables d’exercer une influence sur le marché. La notion
« d’entreprise » sera traitée ci-dessous sous point 6.3.
259
L’influence sur le marché peut résulter d’une entente passée entre plusieurs
entreprises (6.2.1), d’une position dominante (6.2.2) ou d’une opération de
concentration (6.2.3).

6.2.1 Les ententes


260
Selon l’art. 4 LCart., les ententes (« accords en matière de concurrence »)
sont :

- les conventions, avec ou sans force obligatoire


- les pratiques concertées.

A. Les conventions
261
Une convention avec force obligatoire passée entre deux entreprises est un
contrat au sens de l’art. 1er CO. La convention peut aussi résulter d’une
décision prise par une association d’entreprises ou de sociétés auxquelles des
entreprises participent en qualité d’associés.
262
La loi distingue les conventions avec force obligatoire et celles sans force
obligatoire, mais sans prévoir des conséquences différentes à ces ententes.
Autrement dit, les deux types de conventions sont illicites. (Une convention
sans force contraignante n’est pas un contrat ; une partie à la convention ne
peut pas exiger une réparation à l’égard d’une autre partie qui ne respecterait
53

pas la convention). Les conventions sans force obligatoire sont parfois


appelées « gentlemen’s agreement » ou « Frühstückskartell ». Etant donné
que ces conventions sont souvent informelles, elles sont difficiles à prouver.

B. Les pratiques concertées


263
Les pratiques concertées ne résultent pas non plus d’un accord formel entre
les entreprises. Ces pratiques donnent lieu à une adaptation simultanée du
comportement des entreprises qui ont précédemment échangé des
informations : annonce d’une augmentation ou d’une baisse de prix, adoption
d’un nouveau standard, recommandations données aux distributeurs.
264
La pratique concertée doit être distinguée du comportement parallèle qui ne
tombe pas dans le champ d’application de la loi.
265
Qu’en est-il des recommandations adoptées par une association
professionnelle ? Peut-on considérer qu’elles n’entrent pas dans le champ
d’application de la loi alors que celle-ci ne les mentionne pas ? Selon le
principe de base, la loi s’applique à tout comportement qui a pour objet ou
pour effet de restreindre la concurrence. En conséquence, dans la mesure où
les membres de l’association suivent effectivement les recommandations et
que celles-ci peuvent avoir pour effet de restreindre la concurrence, ces
recommandations entrent dans le champ d’application de la loi.

6.2.2. Les positions dominantes


266
La puissance sur le marché n’est pas illicite aussi longtemps qu’elle résulte de
pratiques orientées sur la performance et que la concurrence est capable de
l’entamer. La loi ne s’applique que si une entreprise domine le marché.
267
Selon la loi suisse, une position dominante est acquise lorsque l’entreprise
concernée peut se comporter de manière essentiellement indépendante par
rapport aux autres participants au marché (art. 4 al. 2). L’existence d’une
position dominante dépendra :

- de la structure du marché ;
- du nombre et de la qualité des concurrents potentiels ;
- des barrières d’entrée sur le marché.
268
Selon l’art. 4 al. 2 LCart., la position dominante peut être détenue par une ou
plusieurs entreprises. On parle alors d’une position dominante collective
(duopole ou oligopole).

Un groupe de sociétés – société holding et filiales – ne constitue pas une position dominante
collective car les filiales ne jouissent pas d’une autonomie suffisante pour déterminer leurs modes
d’actions sur le marché.

A noter aussi que l’oligopole peut – selon les circonstances du marché – présenter une structure
de marché où la concurrence fonctionne de manière particulièrement efficace (chaque acteur
54

réagit rapidement aux actions de ses rivaux) ou présenter le risque de pratiques parallèles ou
concertées.

6.2.3. Les concentrations d’entreprises

A. Principe
269
Une position dominante peut résulter d’une opération de concentration. Celle-
ci résultant d’un accord entre deux ou plusieurs entreprises pourrait aussi
tomber dans le champ d’application de l’art. 5 LCart. Toutefois, la procédure
d’examen des ententes selon cette disposition n’est pas idéale pour les
entreprises qui souhaitent savoir le plus rapidement possible si l’opération de
concentration projetée peut être réalisée. C’est pourquoi, les autorités de la
concurrence (aussi bien européennes que suisses) ont mis en place des
procédures de contrôle des concentrations.
270
Selon ces règlements, les entreprises concernées ont l’obligation d’annoncer
l’opération de concentration (cf. § 9.2.1) ; elles ne peuvent se contenter
d’attendre que l’autorité administrative ouvre une enquête comme c’est le cas
pour la violation présumée de l’art. 5 LCart. Au vu de cette obligation, il
importe de

- définir ce qu’est une opération de concentration ;

- déterminer un « seuil d’intervention » (taille de l’opération).

B. Notion
271
Le contrôle s’applique à :

- la fusion de deux ou plusieurs entreprises ;

- toute opération de prise de contrôle direct ou indirect, pour autant que


les entreprises concernées soient d’une certaine importance sur le marché
suisse.

C. Seuils d’intervention

a) Droit suisse
272
Selon l’art. 9 LCart., les entreprises concernées sont d’une importance
suffisante pour justifier l’exigence de notification à la Comco de
l’opération de fusion lorsque :

- ces entreprises ont réalisé ensemble – en Suisse et à l’étranger – un


chiffre d’affaires minimum de 2 milliards de francs ou un chiffre
d’affaires en Suisse d’au moins 500 millions de francs (art. 9 al. 1 let. a
LCart.) ;

- au moins deux des entreprises concernées ont réalisé individuellement


en Suisse un chiffre d’affaires minimum de 100 millions de francs.
55

273
Pour les sociétés d’assurances, au lieu du chiffre d’affaires, c’est le
montant total des primes brutes annuelles qui est pris en compte.
274
Pour les banques soumises à la loi fédérale sur les banques et les caisses
d’épargne, c’est le 10 % de la somme du bilan qui est retenu comme
critère.
275
Nonobstant ces critères, la notification à la Comco est obligatoire lorsqu’il
a été établi d’une autre manière qu’une des entreprises occupe une position
dominante en Suisse et que la concentration concerne ce marché.

b) Droit européen
276
La concentration est réputée de dimension communautaire lorsque :
277
1. le chiffre d’affaires total réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des
entreprises concernées est supérieur à 5 milliards d’euros,
278
2. le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union
européenne par au moins deux des entreprises concernées est supérieur
à 250 millions d’euros,
279
à moins que chacune des entreprises concernées réalise plus de deux tiers
de son chiffre d’affaires dans l’Union européenne à l’intérieur d’un seul et
même Etat membre.
280
La concentration qui n’atteint pas les seuils sus-indiqués reste de
dimension communautaire lorsque :
281
1. le chiffre d’affaires réalisé sur le plan mondial par l’ensemble des
entreprises concernées est supérieur à 2,5 milliards d’euros ;
282
2. dans chacun d’au moins trois Etats membres, le chiffre d’affaires réalisé
par toutes les entreprises concernées est supérieur à 100 millions
d’euros ;
283
3. dans chacun d’au moins trois Etats membres - selon point 2 - le chiffre
d’affaires total réalisé individuellement par au moins deux des
entreprises concernées est supérieur à 25 millions d’euros, et
284
4. le chiffre d’affaires total réalisé individuellement dans l’Union
européenne par au moins deux des entreprises concernées représente un
montant supérieur à 100 millions d’euros.
56

6.3 ENTREPRISES CONCERNEES PAR LE DROIT DE LA


CONCURRENCE

6.3.1 La notion d’entreprise


285
Le droit suisse et le droit européen s'appliquent aux entreprises. Cependant,
ni la loi suisse, ni le Traité de l'UE ne définissent cette notion.
286
Selon le message du Conseil fédéral (lors du projet de modification de la
LCart en 1995), une "entreprise", c'est "tout acteur qui produit des biens et
des services et participe ainsi de manière indépendante au processus
économique, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande".
287
La loi ne s'applique donc pas aux consommateurs, ni aux rapports entre les
travailleurs et l'entreprise (qui sont souvent réglés par des conventions
collectives).
288
L'art. 81 TCE utilise également l'expression "entreprise", définie de manière
extensive par les autorités communautaires.
289
Certaines entreprises sont écartées en raison de l'objet de leurs activités :

- produits agricoles
- transports (certains types de transports maritimes internationaux; les
services de transports maritimes assurés exclusivement entre des ports
situés dans un même Etat membre; les transports aériens entre les
aéroports de la Communauté et des pays tiers).

6.3.2 Entreprises exerçant une influence sur le marché


290
Les entreprises sont soumises au droit de la concurrence pour autant qu'elles
exercent une certaine influence sur le marché :

A. Droit suisse
291
L'art. 5 LCart. vise les comportements des entreprises qui affectent la
concurrence de manière notable.
292
La Comco a publié une communication sur les accords entre PME
(communication relative aux accords ayant pour but d'améliorer la
compétitivité et dont l'impact sur le marché est restreint). Selon ce projet, les
accords en matière de concurrence ayant pour but l'amélioration de la
compétitivité sont en principe admissibles lorsque :

- les parts de marché cumulées des entreprises parties à un accord horizontal


ne dépassent pas 10 % de chacun des marchés de référence concernés par
l'accord;
57

- les parts de marché détenues par chacune des entreprises parties à un


accord vertical sur les marchés concernés par l'accord ne dépassent pas
15 %.
293
De même, la Comco considère comme n'affectant pas la concurrence de
manière notable les accords entre petites entreprises (moins de 10
collaborateurs et chiffre d'affaires annuel ne dépassant pas CHF 2 mio).
294
Toutefois, ces règles ne s'appliquent pas si des accords horizontaux
concernent :

- la fixation directe ou indirecte des prix


- des restrictions quantitatives
- une répartition des marchés
295
ou si des accords verticaux ont pour objet :

- un prix de vente minimum


- une protection territoriale absolue

B. Droit européen
296
En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées
"susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres".
297
La Commission européenne a publié une Communication définissant les
accords dont il peut être présumé qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter le
commerce entre les Etats membres" (art. 81 al. 1 TUE). C'est le cas lorsque
les produits ou services objets de l'accord ne représentent pas plus de 5 % de
l'ensemble des produits et services sur le territoire européen où l'accord
produit ses effets et le chiffre d'affaires total des entreprises à l'accord ne
dépasse pas 200 millions d'euros.

6.3.3 Entreprises de droit public ou de droit privé


298
En principe, toute restriction de la concurrence doit être évitée. Peu importe
que la restriction soit le fait d'une entreprise de droit privé ou organisée selon
le droit public :

- "Est soumise à la présente loi toute entreprise engagée dans le processus


économique qui offre ou qui acquiert des biens ou des services,
indépendamment de son organisation ou de sa forme juridique." (art. 2
al. 1 bis LCart.)

- "Une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et


immatériels, rattachés à un sujet juridiquement autonome et poursuivant
d'une façon durable un but économique déterminé." (CJCE 13.7.1962,
Mannesman AG, aff. 19/61 Rec. p. 677).
58

6.4. LE TERRITOIRE CONCERNE

6.4.1 Délimitation du territoire


299
Le droit de la concurrence s’applique aux entreprises dont le siège est situé
dans le territoire de l’ordre juridique concerné (suisse ou européen).
300
Selon l’art. 299 TCE, le droit européen s’applique sur tout le territoire des
Etats membres de l’Union, lors même que certaines parties de ce territoire se
trouveraient en dehors du continent européen, par exemple :

- les départements français d’Outre-Mer (la Guyane, la Guadeloupe, la


Martinique, la Réunion),

- les Açores, Madère, les Iles Canaries (Portugal).


301
Les règles du droit européen de la concurrence s’appliquent également dans
les Etats membres de l’Espace économique européen (Islande, Norvège,
Liechtenstein), en application du Traité signé entre ces pays et l’Union
européenne.
302
Le droit européen de la concurrence est-il applicable en Suisse ?
303
La Suisse a signé avec l’Union européenne un Accord de libre échange, en
1972, dont l’art. 23 a la teneur suivante :

Art. 23

1. Sont incompatibles avec le bon fonctionnement de l’accord, dans la


mesure où ils sont susceptibles d’affecter les échanges entre la
Communauté et la Suisse:

i) tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations


d’entreprises et toutes pratiques concertées entre entreprises qui ont
pour objet ou effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de
la concurrence en ce qui concerne la production et les échanges de
marchandises;

ii) l’exploitation abusive par une ou plusieurs entreprises d’une position


dominante sur l’ensemble des territoires des Parties contractantes ou
dans une partie substantielle de celui-ci;

iii) toute aide publique qui fausse ou menace de fausser la concurrence


en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.
59

2. Si une Partie contractante estime qu’une pratique donnée est


incompatible avec le présent article, elle peut prendre les mesures
appropriées dans les conditions et selon les procédures prévues à
l’article 27.

6.4.2 Application « extra-territoriale » ?


304
Le droit de la concurrence s’applique-t-il également à des entreprises dont le
siège est à l’extérieur des frontières de l’ordre juridique concerné mais dont
les effets sont ressentis à l’intérieur dudit ordre juridique ? La question se
pose de la même manière pour les ententes, pour les positions dominantes et
pour les opérations de concentrations d’entreprises.
305
Les autorités suisses et européennes ne s’en tiennent pas au critère du siège.
L’élément déterminant est celui du lieu où est ressenti l’effet anti-
concurrentiel voulu par les entreprises. Si un état de fait (entente, par
exemple) est réalisé à l’étranger mais produit des effets en Suisse, la loi suisse
sur les cartels s’applique (art. 2 al. 2 LCart.). Les autorités européennes
suivent le même principe.
306
On parle alors parfois d’application extra-territoriale du droit de la
concurrence. En fait, le droit s’applique aux effets ressentis à l’intérieur du
territoire concerné. Cependant, l’expression « d’application extraterritoriale »
souligne la problématique de l’exécution des décisions, voire des sanctions,
prises à l’encontre d’une entité juridique installée en dehors du territoire
concerné. La réponse viendra le plus souvent de la décision de l’entreprise
extérieure de reconnaître la compétence de l’autorité administrative
concernée dans le but de pouvoir poursuivre des activités commerciales dans
le territoire concerné.

6.5. DROIT EUROPEEN : AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE


LES ETATS MEMBRES
307
En droit européen, ne sont visés que les accords ou pratiques concertées
« susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres ».
308
Le commerce entre les Etats membres peut être affecté par des ententes entre
entreprises exerçant leurs activités dans différents Etats membres.
309
Il peut aussi l’être par des ententes entre une entreprise de l’Union
européenne et une entreprise exerçant son activité à l’extérieur de l’Union
européenne. Une entente entre entreprises d’un même Etat membre de
l’Union peut aussi affecter le commerce interétatique.
310
Le critère est appliqué d’une manière pragmatique : ce n’est pas l’intention
qui compte mais l’effet, actuel ou potentiel ; une affectation vraisemblable
suffit. Par contre, la conséquence de la pratique anti-concurrentielle – actuelle
60

ou potentielle – ne doit pas être insignifiante ou négligeable ; l’effet doit être


« sensible ».
311
Afin de faciliter l’application de ce critère, la Commission européenne a
publié une Communication définissant les accords dont il peut être présumé
qu'ils ne sont pas "susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats
membres" (art. 81 al. 1 TCE). Selon cette communication, le commerce
interétatique n’est pas affecté lorsque les produits ou services objets de
l'accord ne représentent pas plus de 5 % de l'ensemble des produits et services
sur le territoire européen où l'accord produit ses effets et le chiffre d'affaires
total des entreprises à l'accord ne dépasse pas 200 millions d'euros.

* * * * *
61

Chapitre 4

LES ENTRAVES A LA CONCURRENCE

Le champ d'application du droit de la concurrence ayant été fixé, il s'agit maintenant


de déterminer si une entente entre entreprises constitue une entrave illicite à la
concurrence ou si elle est admissible (§ 7). La même appréciation doit être faite au
sujet des positions dominantes (§ 8) et des opérations de concentrations (§ 9).

§ 7 LES ENTENTES

Textes législatifs : art. 5 à 9 LCart., communications Comco; art. 81 et 82 TCE,


Règlements et Communications Commission.

Bibliographie : Commentaire romand Concurrence, PH. GUGLER / PH. ZURKINDEN,


art. 5 LCart.; J.-M. REYMOND, art. 6 LCart.; E. CLERC, art. 7 LCart; O. PIAGET, La
justification des ententes cartellaires dans l'Union européenne et en Suisse, thèse
Lausanne, Bâle 2001; C.L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, Paris 2002.

7.1 DROIT SUISSE

7.1.1 Remarques introductives


312
Au cours des dix dernières années, la législation suisse est devenue beaucoup
plus restrictive au sujet des ententes cartellaires :

- lors de la révision de la loi intervenue en 1995, la notion de "concurrence


efficace" a été adoptée comme principe directeur de la politique de la
concurrence; de plus les cartels "rigides" (accords sur les prix, les quantités
ou les marchés) sont depuis lors présumés illicites;

- lors de la révision de 2004, la possibilité a été donnée à la Commission


d'infliger une sanction dès qu'elle constate la violation de la loi (alors que
précédemment une sanction ne pouvait intervenir que si les entreprises
participant à l'entente visée ne respectaient pas la décision de la Comco).
62

313
La Comco a également commencé à faire usage de la possibilité que lui
accorde l'art. 6 LCart de publier des communications précisant les conditions
d'application de la loi (cf. la Communication concernant l'appréciation des
accords verticaux, la Communication concernant les accords verticaux dans
le domaine de la distribution automobile).

Les restrictions illicites à la concurrence peuvent résulter soit d'ententes (7.1.2


ci-dessous), soit d'abus de position dominante (§ 8 ci-dessous).

7.1.2 Les restrictions dues à des ententes


314
Les différentes formes d'ententes visées ont été définies à l'art. 4 LCart. et
examinées au paragraphe 6.1.1 ci-dessus. C'est à l'art. 5 LCart. que le
législateur a fixé les critères de l'illicéité d'une entente. Ce texte s'est
considérablement inspiré des principes reconnus en droit européen de la
concurrence et en droit américain, selon lesquels certains types d'accord sont
en soi ("per se") illicites :
315
Art. 5 (Accords illicites) : Les accords qui affectent de manière notable la
concurrence sur le marché de certains biens ou services et qui ne sont pas
justifiés par des motifs d’efficacité économique, ainsi que tous ceux qui
conduisent à la suppression d’une concurrence efficace sont illicites.

Un accord est réputé justifié par des motifs d’efficacité économique :

a) lorsqu’il est nécessaire pour réduire les coûts de production ou de


distribution, pour améliorer des produits ou des procédés de fabrication,
pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissances techniques
ou professionnelles, ou pour exploiter plus rationnellement des
ressources ; et

b) lorsque cet accord ne permettra en aucune façon aux entreprises


concernées de supprimer une concurrence efficace.

Sont présumés entraîner la suppression d’une concurrence efficace dans la


mesure où ils réunissent des entreprises effectivement ou potentiellement
concurrentes, les accords :

a) qui fixent directement ou indirectement des prix ;

b) qui restreignent des quantités de biens ou de services à produire, à acheter


ou à fournir ;

c) qui opèrent une répartition géographique des marchés ou une répartition


en fonction des partenaires commerciaux.

Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence


efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons
63

du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe,


ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les
ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclues.

A. Principes
316
Le principe de l'art. 5 LCart. peut se résumer ainsi. Sont déclarés illicites :

- les accords qui conduisent à la suppression de la concurrence;

- les accords qui affectent de manière notable la concurrence sans pouvoir


être justifiés par des motifs d'efficacité économique.
317
Certains types d'accords sont présumés entraîner la suppression de la
concurrence. La présomption ne pourra être levée que si les entreprises
concernées peuvent établir que la concurrence reste efficace malgré
l'existence de l'accord. Dans cette hypothèse, le cartel n'est pas encore licite;
ce qui est réfuté, c'est uniquement la présomption de la suppression de la
concurrence (qui entraîne automatiquement l'illiciété). Il faudra encore, dans
ce cas, examiner si la concurrence est notablement entravée; si c'est le cas,
l'accord ne sera licite que s'il est justifié par des motifs d'efficacité
économique.

B. La suppression de la concurrence efficace


318
Sont présumés entraîner la suppression d'une concurrence efficace (et donc
illicites) :
319
-- les accords sur les prix : c'est l'effet qui est déterminant; peu importe que
l'accord s'applique à la fixation directe ou indirecte (par exemple rabais) du
prix;
320
-- les accords portant sur les quantités de biens ou de services à produire, à
acheter ou à fournir;
321
-- les accords de répartition géographique des marchés ou de répartition en
fonction des partenaires commerciaux; cette présomption ne s'applique
qu'aux accords horizontaux, c'est-à-dire entre concurrents, mais non pas
aux accords verticaux (accords de distribution).
322
-- certains accords verticaux, soit ceux par lesquels des entreprises occupant
différents échelons du marché imposent un prix de vente minimum ou
fixe, ou attribuent des territoires, lorsque les ventes par d'autres
fournisseurs agréés sont exclues (cf. ci-dessous § 7.3.2).
64

C. L'entrave notable à la concurrence

a) Le caractère notable de l'entrave


323
L'entrave notable à la concurrence est illicite à moins qu'elle ne soit
justifiée par des motifs d'efficacité économique.
324
L'application de l'art. 5 al. 2 LCart. pose deux questions : quand est-ce
qu'une entrave est notable ? Quels motifs peuvent la justifier ?
325
Le critère d'entrave notable à la concurrence a été précisé par les
autorités d'application, en utilisant deux critères :
326
- Critère qualitatif : l'accord visé porte-t-il sur un paramètre central de la
concurrence ? Ce sera toujours le cas, si l'accord porte sur les prix, les
quantités ou les marchés. Quant aux autres paramètres de la
concurrence (recherche et développement, publicité), leur importance
variera selon le marché concerné (différences entre le marché d’un
produit pharmaceutique ou celui d'un service).
327
- Critère quantitatif : afin d'appliquer ce critère, il faut déterminer quel est
le marché concerné, quelle est la concurrence potentielle et quelle
place occupent sur ce marché les entreprises concernées.

b) Faits justificatifs
328
Si, au vu de ces deux critères, l'entrave ne peut être qualifiée de notable,
l'art. 5 n'est pas violé. S'il est constaté que l'entrave est notable, il convient
alors d'examiner si elle peut être justifiée par un motif d'efficacité
économique; ce pourra être le cas, selon l'art. 5 al. 2 LCart. lorsque
l'accord est nécessaire :
329
- pour réduire les coûts de production ou de distribution;
330
- pour améliorer des produits ou des procédés de fabrication;
331
- pour promouvoir la recherche ou la diffusion de connaissances
techniques ou professionnelles;
332
- pour exploiter plus rationnellement des ressources.
333
La loi ajoute cependant une condition négative : la justification n'est pas
admissible si l'accord a pour effet de supprimer une concurrence efficace.

c) Règles d'application
334
Afin de faciliter la compréhension et l'application de l'art. 5 LCart, le
législateur a prévu à l'art. 6 que le Conseil fédéral pourra édicter des
65

ordonnances et la Commission de la concurrence des communications. A


ce jour, aucune ordonnance n'a été adoptée par le Conseil fédéral. Par
contre, la Comco a publié :
335
- une Communication du 21.10.02 concernant l'appréciation des accords
verticaux;
336
- une Communication du 21.10.02 concernant les accords verticaux dans
le domaine de la distribution automobile, complétée par une Note
explicative réunissant les réponses données par la Comco aux questions
les plus fréquentes, en tenant compte des développements observés au
niveau européen dans l'application du règlement n° 1400/2002.
337
De plus, la Comco a mis en consultation, en été 2005, une deuxième
version d'un projet de Communication relative aux accords ayant un
impact restreint sur le marché (cf. 6.1.2.A ci-dessus).

7.1.3 La clause échappatoire des intérêts publics prépondérants


338
Lorsque des accords en matière de concurrence ou des pratiques d'entreprises
ayant une position dominante ont été déclarés illicites, les entreprises
concernées peuvent demander au Conseil fédéral d'autoriser, à titre
exceptionnel, ces pratiques ou ces accords s'ils sont nécessaires à la
sauvegarde d'intérêts publics prépondérants (art. 8 LCart.).
339
Il ne s'agit pas à proprement parler de recours. Les procédures de recours
proprement dites sont prévues aussi bien en procédure civile, lorsque les
tribunaux déclarent une entrave à la concurrence illicite, qu'en procédure
administrative (cf. ci-dessous § 10 et 11). La requête au Conseil fédéral peut
être déposée à n'importe quel stade de la procédure, même après l'arrêt du
Tribunal fédéral.
340
Il faut voir dans cette disposition une autorisation exceptionnelle qui permet
de tempérer l'application des nouveaux principes d'illicéité si vraiment des
intérêts publics prépondérants sont donnés et que l'accord ou la pratique
« illicite » est nécessaire pour la sauvegarde de ces intérêts.
341
Jusqu’en juillet 2007, cette disposition n’a été examinée qu’une seule fois : le
Conseil fédéral a refusé de reconnaître un intérêt public prépondérant à la
fixation du prix des livres.

7.2 LE REGIME DES ENTENTES EN DROIT EUROPEEN

7.2.1 Remarque introductive


342
Alors que le droit suisse a péniblement évolué à travers plusieurs réformes
légales (1985, 1995, 2004), l'Union européenne a, dès l'adoption du Traité de
66

Rome en 1957, mis l'accent sur le rôle de la concurrence (et du marché


intérieur). De plus, la Cour de justice a rapidement pris le relais dans sa
jurisprudence.
343
Suite à l'ouverture de l'Europe à 27 membres, de nouvelles règles de
procédure ont été adoptées afin de permettre une application plus efficace du
droit de la concurrence (cf. § 10 ci-dessous).

7.2.2 Principes
344
Concernant les ententes entre entreprises, le principe fondamental est énoncé
à l'art. 81 TCE en deux paragraphes :

- les accords entre entreprises qui ont pour objet ou pour effet de restreindre
ou de fausser le jeu de la concurrence sont interdits.

- les accords qui tombent sous le coup de l'interdiction de l'art. 81 al. 1 sont
nuls de plein droit.
345
Les conditions à remplir pour échapper à l'interdiction sont données à l'art. 81
al. 3 TCE.

7.2.3 Les éléments constitutifs de l'interdiction


346
Selon l'art. 81 al. 1 TCE, "sont incompatibles avec le marché commun et
interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations
d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le
commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet
d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur
du marché commun".
347
L'entente est donc interdite lorsque les éléments suivants sont réunis :

A. Un concours de volonté ou une décision


348
Il existe un concours de volonté qui s'exprime :
349
- soit dans des accords (avec ou sans force obligatoire);
350
- soit par des décisions d'associations (décision prise par l'organe
compétent d'un groupe professionnel);
351
- soit par une pratique concertée; un parallélisme de comportement ne
suffit pas; il faut une concertation, c'est-à-dire au moins un échange
d'informations ou un contact qui affecte l'autonomie de décision des
entreprises.
67

B. Un but ou un résultat
352
La condition est satisfaite si les parties à l’entente ont eu pour but
d’empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence. Elle l’est aussi si
le résultat du comportement des parties en cause est une entrave, une
distorsion ou une restriction de la concurrence (même si ce résultat n’a pas
été expressément voulu) : « qui ont pour objet ou pour effet » :
353
L'art. 81 TCE donne à l'al. 1 une liste exemplative de pratiques qui portent
atteinte à la concurrence :

- la fixation des prix ou des conditions de transaction;


- la limitation du développement technique, commercial ou financier;
- la répartition des marchés ou sources d'approvisionnement;
- la discrimination entre les partenaires commerciaux;
- les ventes (ou prestations de services) "couplées".

C. Un lien de causalité
354
Le comportement visé ne pourra être illicite que si un lien existe entre la
pratique et l'atteinte à la concurrence. Si le lien est établi, l'entente est illicite
lorsque l'accord a pour but de porter atteinte à la concurrence (peu importe
que le résultat ait été effectivement atteint). Réciproquement, l'entente est
illicite si le résultat (atteinte) est obtenu sans même que les parties l'aient
recherché.

7.2.4 La sanction
355
La sanction de cette incompatibilité est donnée par l'al. 2 de l'art. 81 TCE :
"Les accords ou décisions interdits en vertu du présent article sont nuls de
plein droit."
356
Cela signifie que les accords ou la décision n'ont pu produire aucun effet
valable dès leur adoption. De plus, la décision de constatation de la nullité est
généralement accompagnée d'une sanction pécuniaire importante (cf. § 10).

7.2.5 Les dérogations possibles

A. Le principe
357
Selon l'art. 81 al. 3 TCE, le premier alinéa (principe d'interdiction) n'est pas
applicable si les conditions cumulatives suivantes sont réunies :
358
- l'entente contribue à améliorer la production ou la distribution des produits
ou à promouvoir le progrès technique ou économique;
359
- l'entente réserve aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en
résulte;
68

360
- l'entente n'impose pas aux entreprises intéressées des restrictions qui ne
sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs;
361
- l'entente n'élimine pas la concurrence, pour une partie substantielle des
produits en cause.

B. Le régime applicable
362
La réglementation du régime des exemptions a été profondément modifiée en
2004. Alors que, jusque là, les entreprises avaient l'obligation de notifier les
accords tombant sous le coup de l'art. 81 TCE, cette exigence a été supprimée
par le Règlement (CE) 1/2003.
363
Dorénavant, dans toutes les procédures d'application de l'art. 81 TCE, que ce
soit dans une procédure communautaire ou dans une procédure engagée dans
un Etat membre :
364
- la charge de la preuve d'une violation de l'art. 81 par. 1 TCE incombe à la
partie ou à l'autorité qui l'allègue;
365
- il appartient à l'entreprise ou l'association d'entreprises qui invoque le
bénéfice de l'art. 81 par. 3 TCE d'apporter la preuve que les conditions de
ce paragraphe sont réunies.

C. Règles d’application
366
Afin d'accroître la sécurité juridique et de favoriser la bonne marche des
affaires, la Commission a adopté ou publié :

- des règlements
- des communications
- des lettres d'orientation
367
Ainsi, le Règlement 2790/1999, relatif aux accords verticaux pour l'achat ou
la vente de biens ou de services présume la licéité des accords verticaux pour
autant que les parties à l'entente n'occupent pas ensemble une part de marché
supérieure à 30 % :
368
- si le seuil n'est pas atteint, l'autorité d'application peut néanmoins tenter de
démontrer que l'entente viole l'art. 81 par. 1 TCE;
369
- si le seuil est atteint, les parties visées peuvent tenter de démontrer que
l'entente ne viole pas l'art. 81 par. 1 ou satisfait les conditions de l'art. 81
par. 3 TCE.
370
De plus, la Commission a adopté des règlements pour certains types de
contrats particuliers :
69

371
- Règlement n° 4087/88 concernant les accords de franchise.
372
- Règlement n° 1475/95 concernant les accords de distribution et de services
de vente et d'après-vente de véhicules automobiles.
373
- Règlement n° 240/96 concernant les accords de transfert de technologie.

7.3 LES ACCORDS VERTICAUX

7.3.1. Remarques introductives


374
Si la notion d’entente horizontale (sur les prix ou sur les quantités) est la
première qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque une entrave à la concurrence, la
réalité de la vie économique a rapidement obligé les autorités d’application
du droit de la concurrence à prendre en compte les effets des accords
verticaux.
375
Ce fut d’abord le cas en droit américain, puis en droit européen. En droit
suisse, on ne se préoccupait d’abord des effets des accords verticaux que si
l’une des parties au contrat occupait une position dominante sur l’un des
échelons du marché. Depuis 2004, l’art. 5 al. 4 LCart. contient une
disposition spécifique sur les accords verticaux :

« Sont également présumés entraîner la suppression d’une concurrence


efficace les accords passés entre des entreprises occupant différents échelons
du marché, qui imposent un prix de vente minimum ou un prix de vente fixe
ainsi que les contrats de distribution attribuant des territoires, lorsque les
ventes par d’autres fournisseurs agréés sont exclus. »
376
Cette modification législative en Suisse a été influencée par la pratique
européenne ; c’est pourquoi, cette problématique des accords verticaux est
traitée ici en un même paragraphe pour les deux systèmes juridiques.

7.3.2. Textes légaux et textes explicatifs


377
Les autorités d’application du droit de la concurrence, aussi bien à Bruxelles
qu’à Berne, ont adopté des textes dont le but est de faciliter l’application des
principes juridiques dans le cas des accords verticaux :

A. Droit européen
378
- Règlement CE n° 2790-1999 du 22 décembre 1999 concernant
l’application de l’art. 81 par. 3 du traité à des catégories d’accords
verticaux et de pratiques concertées.
70

379
Pour rappel, un règlement a valeur législative et contient des règles
d’application directe, ce qui signifie que les autorités des Etats membres
doivent les appliquer même si elles n’ont pas été reprises formellement en
droit national.
380
- Communication de la Commission des CE n° 2000 - C 291 – 01 Lignes
directives sur les restrictions verticales : il s’agit là d’un document par
lequel la Commission explique de quelle manière elle applique le
règlement sur les accords verticaux.
381
La Commission européenne a également adopté des règles spécifiques sur un
secteur particulier, celui de la vente des véhicules automobiles :
382
- Règlement (CE) 1° 1400 – 2002 du 31 juillet 2002 concernant
l’application de l’art. 81, par. 3, du traité à des catégories d’accords
verticaux et des pratiques concertées dans le secteur automobile.
383
- La Direction générale de la concurrence à Bruxelles, a publié une
« Brochure explicative en matière de distribution et service après-vente
des véhicules automobiles dans l’Union européenne ».

B. Droit suisse
384
De son côté, la Comco a publié :

- une Communication concernant l’appréciation des accords verticaux,


dont la dernière version date du 2 juillet 2007 ;

- une Communication sur les accords verticaux dans le domaine de la


distribution automobile du 21 octobre 2002.

7.3.3 Principes applicables en droit suisse


385
Les accords verticaux peuvent améliorer l’efficience économique au sein
d’une chaîne de production ou de distribution, entraîner une diminution des
coûts de transaction et de distribution et favoriser un niveau optimal des
investissements et des ventes.
386
Selon le pouvoir des entreprises sur le marché des entreprises concernées, ces
accords peuvent aussi engendrer des restrictions ayant des effets
anticoncurrentiels graves.

A. Prix
387
La suppression de la concurrence efficace est présumée en cas d’imposition
de prix de revente minimaux ou fixes.
71

388
En cas de recommandation de prix, celle-ci est également présumée illicite si
elle indique un prix minimal ou fixe. Dans les autres cas, la Commission
examine si :

- la recommandation est effectivement suivie ;


- le niveau de prix est significativement plus élevé que dans les pays
voisins ;
- la recommandation est accompagnée de mesures contraignantes.

B. Affectation notable de la concurrence


389
Les accords verticaux affectent la concurrence de manière notable lorsque :
390
- ils empêchent le fournisseur de livrer des composants ou des pièces de
rechange à des tiers ;
391
- ils contiennent une obligation de non-concurrence d’une durée
indéterminée ou qui dépasse 5 ans ;
392
- ils contiennent une obligation de non-concurrence de plus d’une année
après l’expiration de l’accord vertical ;
393
- ils restreignent le multi-marquisme dans un système de distribution
sélective.
394
Toutefois, ces règles ne s’appliquent pas si les parties à l’accord n’occupent
pas une place significative sur le marché :
395
- pas de restriction si aucune des entreprises parties à l’accord ne détient une
part de marché supérieure à 15 % sur le marché concerné ; cette limite est
ramenée à 5 % en cas d’effet cumulatif de plusieurs réseaux d’accords
verticaux produisant des effets similaires, sauf si la part cumulée de ces
réseaux parallèles est inférieure à 30 %.

C. Distribution sélective
396
Dans un système de distribution sélective, le fournisseur s’engage à vendre
les biens ou les services contractuels uniquement à des revendeurs
sélectionnés sur la base de critères prédéfinis et ces revendeurs s’engagent à
ne pas vendre ces biens ou ces services à des revendeurs non agréés.
397
La sélection des revendeurs se fait exclusivement sur la base de critères
qualificatifs, objectifs et requis par la nature du produit (formation du
personnel, service fourni, assortiment des produits).
72

7.3.4 Principes applicables en droit européen


398
Les principes décrits au § 7.3.3, et relatifs au droit suisse, trouvent leur
origine dans les règles européennes. Ces principes sont donc en général aussi
applicables sur le marché européen.
399
L’illustration en est faite ici d’une autre manière, en présentant quelques
aspects du Règlement (N° 1400/2002) de la Commission sur les catégories
d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile.

A. Prix
400
L’exemption de l’application de l’art. 81 al. 3 TCE ne peut être reconnue aux
accords verticaux qui ont pour objet la restriction de la capacité du
distributeur ou du réparateur de déterminer son prix de vente. La possibilité
subsiste pour le fournisseur d’imposer un prix de vente maximal ou de
recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n’équivalent pas
à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet de pressions exercées par l’une
des parties ou de mesures d’incitation prises par elle.

B. Plafonds
401
L’exemption s’applique, les autres conditions étant satisfaites, à condition
que la part de marché détenue par le fournisseur ne dépasse pas 30 % du
marché en cause sur lequel il vend les véhicules automobiles neufs.
402
Les parts de marché sont calculées pour la distribution de véhicules
automobiles neufs sur la base du volume des biens contractuels et biens
correspondants vendus par le fournisseur, ainsi que tout autre type de biens
vendus par le fournisseur et que l’acheteur considère comme interchan-
geables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de
l’usage auquel ils sont destinés (art. 8 ch. 1 Règl.).

C. Distribution sélective
403
Au sujet de ce mode de distribution, le Règlement donne d’abord des défini-
tions :
404
- système de distribution sélective : un système de distribution dans lequel
le fournisseur s’engage à ne vendre les biens ou les services contractuels,
directement ou indirectement, qu’à des distributeurs ou des réparateurs
sélectionnés sur la base de critères définis, et dans lequel ces distributeurs
ou réparateurs s’engagent à ne pas vendre ces biens ou ces services à des
distributeurs non agréés ou à des réparateurs indépendants, sans préjudice
de la faculté de vendre des pièces de rechange à des réparateurs
indépendants ou de l’obligation de fournir aux opérateurs indépendants
l’ensemble des informations techniques, des systèmes de diagnostic, des
outils et de la formation nécessaires pour la réparation et l’entretien des
véhicules automobiles ou pour la mise en œuvre des mesures de protection
de l’environnement ;
73

405
- système de distribution sélective quantitative : un système de distribution
sélective dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les
distributeurs et les réparateurs, des critères qui limitent directement le
nombre de ceux-ci ;
406
- système de distribution qualitative : un système de distribution sélective
dans lequel le fournisseur applique, pour sélectionner les distributeurs ou
les réparateurs, des critères purement qualitatifs, requis par la nature des
biens ou des services contractuels, établis uniformément pour tous les
distributeurs ou réparateurs souhaitant adhérer au système de distribution,
et appliqués d’une manière non discriminatoire et ne limitant pas
directement le nombre de distributeurs ou de réparateurs.

* * * * *
74

§ 8 LES POSITIONS DOMINANTES

Textes législatifs : art. 7 LCart ; art. 82 TCE.

Bibliographie : Commentaire Romand Concurrence, Evelyne CLERC, art. 7 LCart ;


C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit du marché, p. 877 ss.

8.1 LA PROBLEMATIQUE
407
Avant d’aborder les notions de position dominante et d’abus de cette position,
trois remarques s’imposent aussi bien en droit suisse qu’en droit européen :
408
- Les deux systèmes juridiques reconnaissent que toute entreprise, de par
son existence, exerce une certaine influence sur le marché ; toutefois, la
constatation de ce fait ne signifie pas encore que les autorités de la
concurrence doivent s’y intéresser. Ce n’est que lorsqu’une entreprise
dispose d’une influence qualifiée sur le marché et que l’on peut dire que
cette entreprise occupe une position de puissance sur le marché que le
droit de la concurrence va s’y intéresser.
409
- A première vue, la position dominante est le fait d’une entreprise, puisque
si plusieurs entreprises se concertent pour influencer le marché, on sera en
présence d’une entente (§ 7). Pourtant, la théorie économique a expliqué
que la position dominante peut découler de l’existence d’un oligopole,
sans qu’il existe une concertation entre les entreprises occupant
collectivement une position dominante.
410
- Alors que les deux premières remarques se réfèrent à une puissance
horizontale, une situation de domination peut aussi exister dans des
relations verticales, du côté des acheteurs (puissance d’achat), et
engendrer des situations de dépendance de certaines entreprises
(fournisseurs, sous-traitants).

8.2 LES POSITIONS DOMINANTES


411
La position dominante ne peut être constatée sans que l’on ait déterminé
l’objet de la domination : le marché (marché en cause, « relevant market »).
Celui-ci doit être délimité :

412
- quant à l’objet : y a-t-il des produits de substitution ?
75

« Le marché de produits comprend tous les produits ou services que les


partenaires potentiels de l’échange considèrent comme substituables en
raison de leurs caractéristiques ou de l’usage auquel ils sont destinés. »

Art. 11 al. 1 Ordonnance sur le contrôle des concentrations. Définition


quasi identique au ch. 7 de la Communication de la Commission
européenne sur la définition du marché en cause (97/C 372/03).

Dans sa Communication (ch. 22), la Commission européenne donne un


exemple de l’analyse de la substituabilité du côté de l’offre dans le secteur
du papier :

«On trouve généralement sur le marché toute une gamme de qualités de


papier, depuis le papier d’impression standard jusqu’au papier de qualité
supérieure utilisé, entre autres, pour les livres d’art. Du point de vue de la
demande, on n’utilise pas indifféremment ces différentes qualités de
papier ; on n’imprime pas un livre d’art, par exemple, ou un ouvrage de
luxe en utilisant un papier de qualité médiocre. Les papeteries peuvent
pourtant fabriquer différentes qualités de papier et la production peut être
adaptée à court terme et moyennant de très faibles coûts d’adaptation. En
l’absence de difficultés particulières au stade de la distribution, les
entreprises papetières peuvent donc se faire concurrence pour les
commandes de diverses qualités de papier, notamment si ces commandes
sont passées suffisamment à l’avance pour permettre de modifier les plans
de production. Dans ces circonstances, la Commission ne définirait pas un
marché distinct pour chaque qualité de papier et chacun de ses usages.
Les diverses qualités sont regroupées dans un même marché en cause et
leurs ventes sont cumulées afin d’évaluer l’importance du marché total, en
valeur et en volume. »

La Commission adopte une approche souple en se fondant sur des


éléments empiriques et en exploitant toutes les informations dont elle
dispose (ch. 25 de la Communication).
413
- quant au lieu : dans quel espace d’autres produits semblables ou de
substitution sont-ils disponibles ?
414
- quant au temps : les produits semblables ou de substitution sont-ils
disponibles au moment souhaité par le consommateur ?
415
La Comco s’appuie sur les définitions données dans l’Ordonnance sur le
contrôle des concentrations (art. 11 al. 3 let. a et b).
416
Une position dominante peut être détenue par toute entreprise quelle qu’en
soit la forme juridique. Sont visées les positions dominantes détenues par une
ou plusieurs entreprises.
76

417
Le Traité ne donnant pas de définition de la notion de position dominante,
celle-ci a été élaborée par la Commission et la Cour de Justice.
418
Lorsque le marché a été délimité, l’existence de la position dominante est
établie par les autorités de la concurrence à l’aide des critères de :
419
- structure (répartition des parts de marché, conditions d’accès au marché) :
après avoir défini le marché en cause, quant au produit et au territoire, la
Commission détermine la taille totale du marché et les parts détenues sur
le territoire en cause. Elle le fait en consultant les sources disponibles
(estimations des entreprises, publication des associations professionnelles)
ou en demandant à chaque fournisseur sur le marché en cause de lui
communiquer son chiffre d’affaires ;
420
- comportement (quant à la fixation des prix, aux rapports avec les
fournisseurs) ; l’entreprise a le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une
concurrence effective ; autrement dit, l’entreprise (ou les entreprises)
concernée(s) dispose(nt) d’une autonomie de stratégie sur le marché.
421
- résultat (marge bénéficiaire) : l’entreprise obtient des marges supérieures à
la moyenne.
422
Du point de vue géographique, selon la formule de l’art. 82 TCE, la position
dominante peut exister sur le « marché commun ou dans une partie
substantielle de celui-ci ». A diverses reprises, les autorités communautaires
ont considéré que le territoire d’un Etat membre (Allemagne, Royaume-Uni,
mais aussi Belgique ou Hollande) pouvait constituer le marché géographique.

8.3 L’ABUS DE LA POSITION DOMINANTE

8.3.1 Généralités
423
La concurrence est une lutte pour des parts de marchés. Les efforts entrepris
pour acquérir, conserver ou augmenter ces parts de marchés sont donc
propres au système. Les entreprises peuvent donc accéder à une position
dominante grâce à leur succès économique et leur croissance interne (la
croissance externe – par acquisition d’autres entreprises – fait l’objet du
contrôle des concentrations cf § 10). La constatation de l’existence d’une
position dominante n’implique pas un reproche à l’égard de cette entreprise.
Cependant, lorsque cette position est acquise, l’entreprise en position
dominante doit assumer une responsabilité particulière, celle de ne pas – par
son comportement – porter atteinte à une concurrence effective.
424
Le même comportement d’une entreprise dominant le marché pourra, selon
les circonstances, être considéré comme un comportement concurrentiel
77

favorable ou comme une pratique abusive. Les circonstances particulières de


chaque cas d’espèce seront donc déterminantes.

8.3.2 Conditions de l’abus


425
L’art. 7 al. 1 LCart. constitue une clause générale (illustrée par les exemples
de l’al. 2) :

« Les pratiques d’entreprises ayant une position dominante sont réputées


illicites lorsque celles-ci abusent de leur position et entravent ainsi l’accès
d’autres entreprises à la concurrence ou son exercice, ou désavantagent les
partenaires commerciaux. »

Selon cette disposition, la première condition d’un abus de position


dominante consiste soit en une entrave à l’accès à la concurrence ou à son
exercice, soit dans l’exploitation de la position dominante au détriment des
partenaires commerciaux.
426
Une seconde condition doit être remplie même si elle n’est que sous-entendue
par l’art. 7 al. 1 LCart. : le comportement n’est pas justifié par des
considérations commerciales légitimes (legitimate business reasons). Cette
possibilité d’une justification objective existait déjà dans la législation
antérieure et a toujours été reconnue aussi bien par la Comco (DPC 1997, p.
490) et par les tribunaux. Cette condition négative de l’absence de
« legitimate business reasons » est également appliquée, en droit européen,
dans l’interprétation de l’art. 82 TCE.
427
L’entrave est donnée lorsque la position dominante a pour effet ou est utilisée
pour limiter l’accès de tiers à la concurrence et limiter l’exercice de la
concurrence.
428
L’exploitation est constatée lorsque l’entreprise tire partie de sa rente de
position dominante sur le marché pour maximiser ses profits. L’exploitation
de la position dominante est réalisée même si l’entreprise en position
dominante ne cherche pas à entraver des concurrents déterminés.
429
Il n’est pas possible de donner une définition des considérations
commerciales légitimes d’une part parce qu’elles doivent toujours être
appréciées en fonction des circonstances du cas d’espèce et, d’autre part,
parce que la plupart des pratiques des entreprises sont ambivalentes.
430
L’abus de position dominante est une notion juridique, mais une notion
juridique indéterminée qui nécessite une analyse économique de chaque cas
d’espèce.
431
L’abus de position dominante est une notion objective. Le comportement
d’une entreprise en position dominante peut être jugé illicite en raison de ses
effets, en l’absence de toute faute.
78

432
Une intention de l’entreprise en cause de vouloir dominer le marché en
exploitant sa situation ou en écartant ses concurrents permettra bien sûr de
conclure à un comportement abusif. La preuve de cette intention ne sera pas
facile à apporter car les autorités disposent rarement d’écrits permettant
d’établir cette intention. Mais celle-ci peut aussi résulter d’indices. Des
pratiques s’apparentant à des mesures « disciplinaires » (boycott, interruption
des relations contractuelles, conditions commerciales discriminatoires)
dénotent une intention de domination.
433
L’Association suisse pour l’insémination artificielle avait le monopole
d’approvisionnement aux vétérinaires. Le monopole fut aboli. L’association
a proposé aux vétérinaires des contrats d’approvisionnement exclusif avec
des clauses de réduction des prestations et de conditions financières
désavantageuses si le vétérinaire se fournit aussi ailleurs (DPC 1999, p. 75
ss.).
434
En l’absence d’une preuve de l’intention, la qualification d’abus résultera de
l’analyse des effets du comportement de l’entreprise en position dominante.
L’alinéa 2 de l’art. 7 LCart donne une liste exemplative de ces
comportements.

8.4 EXEMPLES DE COMPORTEMENTS ABUSIFS

8.4.1 Le refus d’entretenir des relations commerciales


435
Cette pratique est visée aussi bien par le droit suisse (art. 7 al. 2 let. a LCart)
que par le droit européen (selon la jurisprudence de la CJCE en application de
l’art. 82 TCE, cf. arrêt United Brands c/ Commission 22/76, Rec. 1978, p.
207, ch. 163-203).
436
Le principe vise aussi bien le refus d’établir des relations commerciales avec
des partenaires commerciaux potentiels, sans raison objective, que la rupture
des relations commerciales existantes sans respecter une période transitoire
appropriée.
437
Le refus d’entretenir des relations commerciales constitue un cas d’entrave à
l’encontre des concurrents. Les partenaires commerciaux peuvent être soit
des fournisseurs, soit des clients de l’entreprise dominante dans la mesure où
ils sont des concurrents de celle-ci (Refus de livrer les sons et images des
courses françaises de chevaux par une société française au bookmaker belge
Ladbroke ; la société française titulaire des droits sur les images était absente
du marché belge des paris et n’avait pas non plus octroyé une licence sur ce
marché ; le refus ne fut pas considéré comme illicite en raison de l’absence de
restriction de concurrence sur le marché belge).
79

438
Le fait d’empêcher une entreprise (dominante) de mettre un terme à ses
relations commerciales avec un partenaire commercial ou de l’obliger à
entamer des relations avec ce partenaire constitue une atteinte forte à la
liberté de contracter de l’entreprise concernée. Une telle décision ne peut
intervenir qu’aux conditions suivantes

a) Il n’existe pas de substitut réel ou potentiel


439
Il n’y a pas de source alternative.

(Swisscom décide de ne plus louer de lignes en cuivre dans la boucle


locale à des prestataires concurrents, mais de leur offrir un autre service :
la capacité de transmission. La Comco a considéré qu’il ne s’agissait pas
d’une entrave ; DPC 1999, p. 375, ch. 58-63).

b) Le produit/service/infrastructure est indispensable


440
Dans l’affaire Ladbroke, la transmission télévisée des courses a été
considérée comme un service complémentaire mais non indispensable.

c) Suppression de la concurrence
441
Le refus a pour effet d’éliminer toute concurrence de la part de l’entreprise
qui requiert la relation commerciale.

(SWIFT, coopérative détenue par 2000 banques, refuse d’offrir les


services de transmissions de données à la Poste – en France. Accord
amiable).

d) Absence de justification objective


442
Le refus (ou la rupture des relations) est arbitraire. Le refus peut être
justifié lorsque les prestations économiques du cocontractant deviennent
insuffisantes ou sa solvabilité douteuse.
443
Mais la préservation ou l’augmentation de parts de marchés, ou encore
l’expansion sur un marché voisin, peuvent être admis comme
justifications.

8.4.2 Discrimination de partenaires commerciaux


444
L’entreprise dominante pratique des prix ou autres conditions commerciales
qui, sans raisons objectives, défavorisent certains partenaires commerciaux
par rapport à d’autres.
80

445
La discrimination n’a pas besoin d’atteindre un degré tel que ces conditions
soient inéquitables (cf. art. 7 al. 2 let. c LCart) pour être considérée comme
une entrave illicite.
446
Des conditions commerciales exceptionnellement favorables résultant de
subventions croisées peuvent être discriminatoires (let. b), prédatoires (let. d)
ou inéquitables (let. c)

(Télécom PTT – nom de l’entité qui a repris l’activité téléphone à PTT et qui
a précédé Swisscom – a discriminé les exploitants privés d’accès ou de
services Internet en réservant exclusivement le numéro O-842 à son service
« Blue Window » ; de plus, Blue Window a bénéficié de subventions
croisées).
447
En droit européen, une différence de prix devient significative et injustifiable,
donc illicite, à un faible niveau lorsque la discrimination résulte d’une
politique claire de cloisonnement des marchés.
448
(Abus de position dominante par United Brands qui vendait ses bananes à des
prix différents selon le pays du distributeur dans l’UE – avec interdiction de
revente – alors que toutes les autres conditions étaient semblables).
449
Quid des rabais de fidélité accordés aux clients qui s’engagent à ne
s’approvisionner qu’auprès du vendeur pour un certain pourcentage de leurs
besoins ?

8.4.3 Conditions commerciales inéquitables


450
Ces conditions constituent une pratique d’exploitation de la part de
l’entreprise dominante qui extrait ainsi une rente de la position qu’elle détient
sur le marché. L’entreprise dominante ne cherche pas à écarter ou éliminer la
concurrence, mais plutôt à exploiter l’absence de concurrence.
451
Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. d LCart et par l’art. 82 TCE
expressément.
452
Le caractère inéquitable peut résulter du prix ou des autres conditions du
contrat. Le caractère inéquitable peut être établi :
453
- soit par la méthode relative par comparaison avec les conditions qui
résulteraient d’une concurrence efficace sur le marché (« als – ob
Wettbewerb ») ou les conditions pratiquées sur un autre marché
géographique ;
81

454
- soit par la méthode absolue : les conditions commerciales proposées sont
inéquitables parce que dans un rapport déraisonnable avec la valeur
économique de la prestation de l’entreprise dominante.

8.4.4 Pratiques prédatoires


455
La pratique classique est la sous-enchère en matière de prix ou de conditions
dirigée contre un concurrent déterminé. Cette pratique est visée par l’art. 7 al.
2 let. e LCart et par l’art. 82 TCE. Une telle pratique permet en effet à
l’entreprise dominante, moyennant un sacrifice temporaire, d’écarter un
concurrent ou de décourager l’arrivée d’un concurrent sur le marché pour
ensuite mieux profiter de la situation. La concurrence sur les prix est
l’essence même du marché. La distinction entre l’attitude souhaitée pour le
bon fonctionnement du marché et l’attitude répréhensible parce qu’abusive
n’est souvent pas facile.
456
La pratique prédatoire est ciblée : elle vise un ou des concurrents déterminés
que l’entreprise dominante cherche à faire « rentrer dans le rang » ou à
écarter du marché.
457
L’application des art. 7 LCart et 82 TCE à ces pratiques pose la délicate
question de l’analyse des coûts : à partir de quel niveau de prix la pratique
peut-elle être qualifiée de prédatoire ? Les autorités d’application de ces
dispositions qualifient de prédatoires des prix inférieurs à la moyenne des
coûts variables, puisque chaque vente entraîne alors une perte.

8.4.5 Limitation de la production, des débouchés ou du développement


technologique
458
Il s’agit de pratiques d’entraves visées par l’art. 7 al. 2 let. e LCart et l’art. 82
TCE, le premier étant la reprise du second. Le fait que la précision (« au
préjudice des consommateurs ») de l’art. 82 TCE ne soit pas reprise
expressément en droit suisse ne joue pas de rôle. Ces types d’entraves, qui
créent une pénurie artificielle, ont en effet toujours un effet indirect pour le
consommateur.

8.4.6 Affaires liées


459
Les affaires liées (« Koppelungsverträge », « tying ») visent la subordination
de la conclusion de contrats à l’acceptation ou à la fourniture de prestations
supplémentaires.
460
Cette pratique est visée par l’art. 7 al. 2 let. f LCart et l’art. 82 TCE. Elle peut
être qualifiée à la fois d’entrave et d’exploitation. L’entreprise concernée
82

utilise sa position dominante sur un marché comme levier pour étendre sa


puissance sur le marché du produit « lié ».
461
La question délicate est de savoir si le produit supplémentaire est un produit
distinct dont l’achat est imposé sans que cela soit nécessaire ou si c’est un
produit complémentaire du premier dont l’acquisition est objectivement et
nécessairement liée à l’acquisition du premier.
462
(Vente des clous Hilti : justification rejetée puisqu’il existait des fournisseurs
indépendants de clous).

* * * * *
92

§ 9 LE CONTROLE DES CONCENTRATIONS D’ENTREPRISES

Textes législatifs : art. 9 à 11 et 32 à 38 LCart. ; Ordonnance sur le contrôle des


concentrations d’entreprises du 17.6.1996. Règlement n° 139/2004 du Conseil relatif
au contrôle des concentrations entre entreprises.

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI,


art. 9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,
Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit
du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

9.1. NOTION
463
Alors que le Traité de Rome instituant le Marché Commun date de 1957, ce
n’est qu’en 1989 que le Conseil a adopté le premier Règlement (n°
4064/1989) sur le contrôle des opérations de concentrations entre entreprises.
Ce Règlement a été remplacé en 2004 par le Règlement du Conseil n°
139/2004.
464
En Suisse, ce n’est qu’en 1995 que des dispositions légales relatives aux
concentrations d’entreprises ont été introduites dans la loi (art. 9 à 11 et 32 à
38 LCart). Ces règles ont été complétées par l’Ordonnance du Conseil fédéral
du 17 juin 1996. Le régime légal suisse s’inspire très largement des règles du
droit européen.
465
Il y a opération de concentration en cas de fusion de deux ou plusieurs
entreprises. Mais le contrôle de la concentration ne s’exerce pas seulement en
présence d’une fusion formelle de deux entreprises. Il s’exerce à toute
opération d’acquisition du contrôle quelle qu’en soit la forme. Le contrôle est
réputé acquis lorsque, par la prise de participations au capital ou par tout autre
moyen, une entreprise est en mesure d’exercer une influence déterminante sur
l’activité de l’entreprise visée (art. 1 OCCE ; art. 3 Règl. n° 139/2004).
466
L’influence déterminante peut être obtenue par :
467
- des droits de propriété ou de jouissance sur des biens de l’entreprise ;
468
- des droits ou des contrats permettant d’influencer la composition, les
délibérations ou les décisions des organes de l’entreprise.
469
Le droit communautaire présente deux particularités :
93

470
1) Le Règlement européen ne s’applique qu’aux opérations de concentration
de dimension communautaire (art. 1er ch. 1 Règl.).
471
2) La Commission peut renvoyer l’examen de la concentration à un Etat
membre :
472
- si la concentration menace d’affecter de manière significative la
concurrence dans un marché intérieur de cet Etat membre qui présente
toutes les caractéristiques d’un marché distinct ;
473
- ou si la concentration affecte la concurrence dans un marché à
l’intérieur de cet Etat membre, qui présente toutes les caractéristiques
d’un marché distinct et qui ne constitue pas une partie substantielle du
marché commun.

9.2 NOTIFICATION

9.2.1 Devoir d’annonce


474
Aussi bien en droit suisse qu’en droit européen, les opérations de
concentration d’entreprises doivent être notifiées aux autorités de la
concurrence avant leur réalisation (lorsque les valeurs seuils sont atteintes).
475
En cas d’inobservation de la notification, les règles suivantes s’appliquent
selon le droit suisse :
476
- la procédure de contrôle des art. 32 ss LCart est appliquée d’office ;
477
- les entreprises participantes doivent s’abstenir de réaliser la concentration ;
478
- les entreprises concernées s’exposent à une sanction de CHF 1'000'000.-
ou plus (art. 51 al. 1 LCart) ; les sanctions en cas de non-respect d’une
charge sont réservées.

9.2.2 Contenu de la notification


479
L’objet du contrôle de concentration est de vérifier si l’opération envisagée
« crée ou renforce une position dominante capable de supprimer une
concurrence efficace » (art. 10 al. 2 LCart) ou si elle entrave de manière
significative une concurrence efficace (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).
480
Afin de procéder à ce contrôle, la Commission doit pouvoir disposer de
toutes les informations nécessaires sur l’opération visée. La liste des
informations à fournir est donnée par l’Ordonnance sur le contrôle des
concentrations d’entreprises (du 17.6.1996), à l’art. 11, soit en particulier :
94

481
- une description de l’opération de concentration et un exposé des faits et
circonstances pertinents ainsi que des objectifs poursuivis par l’opération
de concentration ;
482
- les données relatives aux marchés de produits et aux marchés
géographiques affectés par la concentration, sur lesquels la part de
marché totale en Suisse de deux ou plusieurs entreprises participantes est
de 20 % ou plus, ou sur lesquels la part de marché en Suisse de l’une des
entreprises participantes est de 30 % ; en outre une description de ces
marchés qui indiquera au moins la structure de la distribution et de la
demande ainsi que l’importance de la recherche et du développement ;
483
- pour les marchés affectés selon la lettre d, les parts de marché des
entreprises participantes pour les trois dernières années et, si elles sont
connues, celles de chacun des trois principaux concurrents, ainsi qu’un
exposé des bases de calcul utilisées pour déterminer les parts de marché ;
484
- pour les marchés affectés selon la lettre d, des informations sur les
entreprises entrées sur le marché au cours des cinq dernières années et sur
celles qui pourraient le faire dans les trois ans qui suivent ; les coûts
d’une entrée sur le marché seront, si possible, indiqués ;
485
- des copies des comptes et rapports annuels les plus récents des
entreprises participantes ;
486
- des copies des contrats qui mettent en œuvre la concentration et de ceux
qui lui sont liés.
487
Afin d’aider les entreprises dans la préparation de la notification, l’UE et la
Comco ont élaboré chacune une formule de notification donnant toutes les
rubriques auxquelles une réponse doit être apportée.

9.2.3 Procédure
488
A l’exception du calcul des délais, les grandes étapes de la procédure sont
semblables en droit suisse et en droit européen.
489
En pratique, les entreprises engagent des contacts informels avec les autorités
compétentes afin d’anticiper leurs réactions et de savoir si une procédure
simplifiée est possible (procédure de pré-examen seulement).
490
Au cours de la procédure d’examen préalable, l’autorité examine s’il existe
des indices que la concentration crée ou renforce une position dominante (art.
10 LCart.).
491
A l’issue de cette procédure de pré-examen (phase 1, qui dure un mois selon
l’art. 32 LCart., 25 jours ouvrables, voire 35 jours ouvrables selon l’art. 10
ch. 1 Règl. n° 139/2004), l’autorité communique aux entreprises concernées
95

si elle entend soumettre l'opération à un examen proprement dit (phase 2).


A défaut d’une telle décision, la concentration est admise. Le délai prévu
pour cette phase 1 ne commence toutefois à courir qu’à partir du moment où
la Commission a attesté avoir reçu un dossier de notification complet. Il peut
ainsi s’écouler plusieurs semaines entre le moment où la concentration est
annoncée et celui auquel l’autorité déclare que le dossier est complet.
492
Si, à la fin de la première phase, l’autorité constate qu’il existe des indices
suffisants pour justifier un examen proprement dit, elle ouvre cette seconde
phase de la procédure :

- Elle publie le contenu essentiel de la notification de concentration et offre


aux tiers la possibilité de donner leur avis dans un certain délai (art. 33
LCart.).

- En principe, l’exécution de la concentration reste suspendue au cours de


cette phase.

- L’autorité peut solliciter des informations complémentaires ; elle peut


même procéder à des inspections dans les locaux des entreprises et
examiner sa comptabilité (art. 13 Règl. n° 139/2004).

- L’autorité rend sa décision dans les quatre mois (art. 33 al. 3 LCart.) en
droit suisse, dans les 90 jours ouvrables, voire 105 jours ouvrables, à
compter de la date d’ouverture de la procédure.

- L’autorité décide alors :


-- soit d’interdire la concentration
-- soit d’autoriser la concentration ou de ne l’autoriser que sous
certaines conditions ou moyennant certaines charges.
A défaut de décision dans les délais prévus, la concentration peut être
réalisée.

- La décision d’interdiction ou d’autorisation sous condition ou moyennant


charge peut faire l’objet d’un recours (cf. § 12).

- En droit suisse, la procédure d’autorisation exceptionnelle est réservée (art.


11 LCart.).

9.3. APPRECIATION DE LA CONCENTRATION

9.3.1 Les principes


493
Afin d’apprécier l’effet de l’opération de concentration, il faut d’abord avoir
délimité le marché :
494
- l’Ordonnance fédérale le fait à l’art. 11 al. 3 ;
96

495
- en droit européen, on commence aussi par se référer à la Communication
sur la définition du marché du 9.12.1997.
496
Il s’agit ensuite de déterminer si la concentration permet de créer ou de
renforcer une position dominante. Mais alors que la position dominante de
l’art. 82 TCE (art. 7 LCart.) était examinée sous l’angle du comportement (de
l’abus), le contrôle des concentrations s’intéresse aux effets sur la structure
du marché, y compris à son évolution (rôle de la concurrence potentielle).
Pour le même motif, il est tenu compte de l’évolution probable du marché en
l’absence de la concentration : il n’y a pas de renforcement de la position
dominante si l’entreprise rachetée était en difficulté et aurait disparu à défaut
de la concentration (failing company defence).
497
L’appréciation des autorités européennes et suisses diffère quant aux effets
considérés :
498
- en droit suisse, la concentration peut être interdite si la position dominante
est capable de supprimer une concurrence efficace (art. 10 al. 2 let. a
LCart.) ;
499
- en droit européen, la concentration doit être refusée lorsqu’elle entrave de
manière significative une concurrence efficace dans le marché commun
ou une partie substantielle de celui-ci (art. 2 ch. 1 let. b Règl.).

9.3.2 Facteurs pris en compte en droit suisse


500
Le critère de la suppression de la concurrence efficace dénote la volonté du
législateur de n’interdire les fusions que dans les cas de concentration
extrêmement élevée.
501
De plus, étant donné qu’il faut tenir compte de la concurrence potentielle (art.
10. al. 4 LCart.), on comprend aisément que pour peu qu’une concurrence
étrangère existe ou puisse se concrétiser, la suppression de la concurrence ne
pourra être établie que si la concentration a lieu sur un marché suisse isolé du
marché international.

A. La part de marché
502
La part de marché à considérer est celle de l’entité qui résultera de l’opération
de concentration. Le calcul de cette part de marché résulte de l’addition des
parts de marché des entreprises participant à l’opération de concentration.
503
Une première indication est donnée par l’art. 11 al. 1 let. d de l’Ordonnance
de contrôle des concentrations d’entreprises : celles-ci doivent donner des
indications détaillées si :
97

- la part de marché totale en Suisse des entreprises participant à l’opération


est de 20 % ou plus ; ou

- si la part de marché en Suisse de l’une des entreprises concernées dépasse


30 %.
504
Ces chiffres ne donnent qu’une présomption de non-nocivité. En règle
générale, en dessous de ces seuils, il n’y aura pas de suppression de la
concurrence. Mais, il n’y a pas de présomption inverse. La concentration
n’est pas déjà présumée nuisible au dessus de ces seuils.
505
Les concentrations horizontales feront l’objet d’un examen attentif.

B. La concurrence actuelle et potentielle


506
C’est le critère décisif. Il s’agit d’abord de déterminer l’état de la concurrence
actuelle. Si cette concurrence est suffisante et n’est pas susceptible d’être
supprimée dans un avenir proche, la concentration doit être admise.
L’intensité de la concurrence actuelle dépend :

- du nombre d’acteurs actifs sur le marché


- des parts de marché détenues par ces différents acteurs.
507
La concurrence potentielle est le second facteur déterminant. Le législateur a
expressément exigé de la Comco que ce facteur soit pris en considération car
ce qui compte, ce n’est pas la situation actuelle du marché mais ses
perspectives de développement. Dans ce but, sont à considérer :

a) La vraisemblance de l’arrivée de nouveaux concurrents

Si le marché est caractérisé par des barrières à l’entrée élevées (investis-


sements coûteux et irrécupérables à court terme – sunk costs ; barrières
technologiques, règlementaires ou géographiques), plus les chances de
nouvelles entrées sur le marché sont faibles.

b) La concurrence potentielle doit être suffisante

Les nouveaux concurrents doivent avoir la taille suffisante et les


ressources nécessaires pour exercer une concurrence efficace de manière
durable.

c) La concurrence potentielle doit pouvoir s’exercer dans un avenir proche

L’Ordonnance donne à nouveau une indication à cet égard puisque, selon


l’art. 11 al. 1 let. f, les entreprises concernées doivent fournir des
informations sur les entreprises qui pourraient entrer dans le marché dans
les trois années à venir.
98

C. Les effets favorables sur un autre marché


508
Si les entreprises concernées par l’opération de concentration peuvent
montrer que cette opération conduit à une amélioration des conditions de
concurrence sur un autre marché, la Comco devra examiner si ces effets
positifs permettent de justifier la suppression de la concurrence entraînée par
la concentration.

9.3.3 Facteurs pris en compte en droit européen


509
Les facteurs pris en compte en droit européen sont énoncés à l’art. 2 ch. 1 let.
b du Règl. :
510
La Commission tient compte « de la position sur le marché des entreprises
concernées et de leur puissance économique et financière, des possibilités de
choix des fournisseurs et des utilisateurs, de leur accès aux sources
d’approvisionnement ou aux débouchés, de l’existence en droit ou en fait de
barrières à l’entrée, de l’évolution de l’offre et de la demande des produits et
services concernés, des intérêts des consommateurs intermédiaires et finals
ainsi que de l’évolution du progrès technique et économique pour autant que
celle-ci soit à l’avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle
à la concurrence. »

9.4 DECISIONS DES AUTORITES


511
Les autorités de la concurrence peuvent accepter l’opération de concentration
ou la rejeter. L’absence d’une décision dans les délais prévus pour l’examen
préalable ou l’examen approfondi aura pour effet que l’opération pourra être
réalisée.
512
Les autorités peuvent aussi assortir leur approbation de conditions ou de
charges :
513
- Les conditions (suspensives) devront être satisfaites avant que l’opération
ne puisse être réalisée.
514
- Les charges doivent être satisfaites dans le délai imparti par l’autorité
mais n’empêchent pas la réalisation de la concentration. Le non-respect
des charges expose l’entreprise à une sanction (art. 51 LCart.). Le droit
européen connaît à ce propos le régime des astreintes, c’est-à-dire d’une
amende journalière, par jour de retard, pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre
d’affaires total journalier moyen de l’entreprise (art. 15 Règl.).
99

515
Les décisions des autorités d’application du droit peuvent faire l’objet de
recours (cf. § 10).

* * * * *
100

Chapitre 5

APPLICATION DU DROIT

Après avoir déterminé le champ d’application du droit de la concurrence et examiné le


contenu des règles relatives aux entraves à la concurrence, il est nécessaire, dans ce domaine
particulier, de traiter des procédures d’application qui sont de deux sortes : de droit
administratif (§ 10) et de droit civil (§ 11).

§ 10 DROIT ADMINISTRATIF

Textes législatifs : art. 18 à 31 ; 39 à 53 LCart ; Règlement interne du 1er juillet 1996


de la Commission de la concurrence (RS 251.1).

Bibliographie : Commentaire romand sur le droit de la concurrence, S. VENTURI, art.


9 à 11; C. BOVET, art. 32 à 38 ; Th. GEISER / P. KRAUSKOPF / P. MÜNCH,
Wettbewerbsrecht, Bâle 2005, p. 369 - 413. C. L. DE LEYSSAC / G. PARLEANI, Droit
du marché, Paris 2002, p. 703 - 741.

L’application du droit de la concurrence incombe d’abord aux autorités


administratives, non seulement dans le cas du contrôle des concentrations, ce qui est
naturel, mais également dans le cas des ententes et des positions dominantes.

Dans ce domaine de l’application, il est nécessaire de traiter séparément le droit


suisse et le droit européen.

10.1 DROIT SUISSE


516
L’application de la législation sur les ententes est d’abord de la compétence
de la Commission de la concurrence (Comco). Ainsi qu’expliqué ci-dessous,
d’autres autorités (Tribunal administratif fédéral, Tribunal fédéral, Conseil
fédéral) ont également un rôle à jouer.
101

10.1.1 Les tâches de la Comco


517
Selon la loi sur les cartels, la Comco a les tâches suivantes :

A. Enquêtes
518
Selon l’art. 45 LCart, la Comco observe de façon suivie la situation de la
concurrence en Suisse et procède à une enquête administrative soit au sujet
d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises en particulier, soit au sujet
d’une branche économique s’il existe des indices d’une restriction illicite à la
concurrence (art. 27 LCart).
519
La procédure commence généralement par une enquête préalable (art. 26
LCart) ouverte par le Secrétariat de la Comco. Cette enquête préalable peut
aboutir à un accord amiable (qui doit être approuvé par la Comco ; art. 29
LCart). Suite à l’enquête préalable, le Secrétariat peut recommander à la
Comco d’ouvrir une enquête.
520
Le but de l’enquête est de déterminer l’éventuelle existence d’une restriction
illicite à la concurrence. Lorsqu’une telle restriction est constatée, la Comco
prend une décision, (cf. no 497) sur les éventuelles mesures à prendre (art. 30
LCart).

B. Examen des concentrations d’entreprises


521
La Comco se prononce sur les concentrations d’entreprises qui lui sont
notifiées (art. 32 LCart ; cf. § 9).

C. Autres tâches
522
La Comco a également pour tâche :

- d’adresser aux autorités des recommandations visant à promouvoir une


concurrence efficace (art. 45 LCart) ; cela vaut pour l’ensemble des
prescriptions de droit économiques. L’art. 8 LMI assigne à la Comco la
tâche de veiller à ce que les autorités fédérales, cantonales et communales
respectent les principes énoncés par la LMI.

- donner des préavis sur les projets de lois et ordonnances de la


Confédération en matière de droit économique (art. 46 LCart) ;

- donner des avis aux autorités sur des questions de principe touchant la
concurrence (art. 47 LCart).
102

10.1.2 Organisation
523
Pour accomplir les tâches prévues par la loi, ont été mis en place une
Commission de la concurrence (Comco) et un Secrétariat.

A. La commission
524
La Commission de la concurrence (Comco) est composée de onze à quinze
membres qui n’exercent pas cette activité à plein-temps et qui doivent être en
majorité des experts indépendants.
525
L’organisation et le mode de fonctionnement de la Comco sont fixés dans un
Règlement interne (RS 251.1) approuvé par le Conseil fédéral.
526
Selon le Règlement interne, les décisions prises au nom de la Commission
peuvent l’être par :

- la Commission elle-même, soit l’ensemble de ses membres ;

- l’une des trois Chambres instituée par le Règlement (cf. ci-dessous),


chaque Chambre étant composée d’un Président et de 4 membres ;

- la Présidence, composée du Président de la Comco (qui préside également


une Chambre) et des deux autres Présidents de Chambre ;

- chacun des membres de la Présidence.


527
La Comco est divisée en trois Chambres composées chacune de quatre
membres ; ces Chambres traitent des domaines économiques suivants :

- Chambre Industrie et Production pour les domaines suivants :


construction, biens de consommation et d’investissement, industrie des
machines et métallurgie, chimie

- Chambre des Services : santé, banques, assurances, professions libérales,


artisans, sport

- Chambre des Infrastructures : communication, média, énergie, transports,


tourisme, environnement, poste, agriculture.
528
Les membres de la Comco doivent indiquer dans un registre public les liens
qu’ils ont avec l’économie. Cette transparence est exigée afin que les parties à
la procédure puissent, le cas échéant, demander la récusation de l’un des
membres de la Chambre.
529
Les questions juridiques fondamentales, en particulier les changements de
jurisprudence, sont soumis à la Comco dans son ensemble.
103

530
Le Surveillant des prix prend part aux séances de la Comco ou des Chambres
avec voix consultative.

B. Le secrétariat
531
Le Secrétariat, dirigé par un Directeur, est composé d’une cinquantaine de
collaborateurs. Il instruit les affaires de la Comco, lui fait des propositions et
exécute ses décisions.
532
Il mène les enquêtes préalables (art. 26 ss LCart) et informe la Chambre
compétente de leur clôture. S’il existe des indices d’une restriction illicite à la
concurrence, le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidence de la
Comco, ouvre une enquête (art. 27 LCart).
533
A l’issue de la procédure d’enquête, la Comco, sur proposition du Secrétariat,
prend sa décision sur les mesures à prendre ou sur l’approbation de l’accord
amiable (art. 30 LCart).

10.1.3 Compétences et procédures

A. Décisions
534
A l’aboutissement de son enquête ou de l’examen de l’opération de
concentration, la Comco prend une décision. En droit administratif, une
décision (cf. art. 5 Loi fédérale sur la procédure administrative) est une
mesure prise par une autorité, dans un cas d’espèce, fondée sur le droit public
fédéral et ayant pour objet :

- de créer, de modifier ou d’annuler des droits ou des obligations ;

- de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits ou


d’obligations ;

- de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer,


modifier, annuler ou constater des droits ou obligations.
535
Sont aussi considérées comme décisions les mesures en matière d’exécution,
les décisions incidentes, les décisions sur opposition, les décisions sur
recours, les décisions prises en matière de révision et l’interprétation.

Le droit suisse de la concurrence n’a évolué que très progressivement à ce sujet. Jusqu’en 1996,
la Comco ne faisait qu’adopter des recommandations ; seul le Département de l’Economie était
habilité, le cas échéant, à prendre une décision au sens indiqué ci-dessus. Jusqu’en 2004, la
Comco pouvait certes prendre des décisions mais celle-ci se contentait de constater l’illicéité
d’une pratique. Une sanction ne pouvait intervenir que si la décision n’était pas respectée. Depuis
2005, la Comco est en droit, lorsqu’elle constate la violation de la loi d’infliger immédiatement
une sanction.

536
La Comco dispose de tous les moyens nécessaires pour instruire une affaire :
104

- audition des parties et des témoins ;

- entraide administrative d’autres services de l’administration ;

- perquisition et saisie des pièces à conviction ; la Comco a publié une


Notice sur le déroulement des perquisitions qui traite du droit à
l’assistance d’un avocat et de la protection de la correspondance échangée
entre l’avocat et l’entreprise au sujet de l’affaire donnant lieu à la
perquisition.
537
Les décisions de la Commission ou du Secrétariat peuvent faire l’objet d’un
recours au Tribunal administratif fédéral (art. 44 LCart). Un recours en
matière de droit public au Tribunal fédéral peut encore être interjeté contre les
décisions du Tribunal administratif fédéral.

B. Sanctions

a) Le montant de la sanction
538
La sanction de la Comco est déterminée selon les principes énoncés à l’art.
49a LCart et explicités dans l’Ordonnance sur les sanctions adoptée par le
Conseil fédéral.
539
La sanction est calculée en fonction de la durée et de la gravité des
pratiques illicites, ainsi que du profit présumé résultant de ces pratiques
(art. 2 Ordonnance sur les sanctions). La prise en compte de ces critères
permet d’établir un montant de base.
540
Ce montant de base pourra :

- être majoré dans une proportion pouvant atteindre jusqu’à 50 % si la


pratique anticoncurrentielle a duré de un à cinq ans ;

- être majoré de 10 % par année supplémentaire si la pratique


anticoncurrentielle a duré plus de cinq ans.
541
Toutefois, le montant de la sanction ne pourra en aucun cas être supérieur
à 10 % du chiffre d’affaires réalisé en Suisse par l’entreprise au cours des
trois derniers exercices (art. 49a LCart).

b) Circonstances aggravantes (art. 5 Ordonnance sur les sanctions) :


542
Le montant est majoré en cas de circonstances aggravantes telles que :

- la violation répétée de la LCart


- la réalisation d’un gain particulièrement élevé
105

- le refus de coopérer avec les autorités


- le rôle d’instigateur ou d’acteur principal de l’infraction
- l’usage de mesures de rétorsion dans le but de faire respecter l’accord
illicite.

c) Circonstances atténuantes (art. 6 Ordonnance sur les sanctions)


543
Le montant de la sanction est réduit si l’entreprise cesse le comportement
illicite dès la première intervention de la Comco.
544
Dans le cas de restriction à la concurrence selon l’art. 5 al. 3 et al. 4 LCart,
le montant est également réduit si l’entreprise a joué un rôle exclusivement
passif ou n’a pas mis en œuvre les mesures de rétorsion décidées pour
imposer l’accord.
545
En vertu du principe de la proportionnalité, les autorités prennent en
compte la situation financière de l’entreprise.
546
Une sanction pouvant aller jusqu’à 1 million de francs peut être imposée à
l’entreprise qui aura réalisé une concentration sans procéder à la
notification dont elle aurait dû faire l’objet ou n’aura pas observé
l’interdiction provisoire de réaliser la concentration (art. 51 LCart).

C. Programme de clémence
547
Dans la modification législative de 2004, le législateur suisse a introduit (art.
49 a LCart) ce que l’on appelle le « programme de clémence ». Etant donné
qu’il est souvent difficile d’apporter les preuves de l’accord cartellaire, les
autorités encouragent un membre du cartel à en dénoncer l’existence et offre,
à titre de récompense, la possibilité pour le dénonciateur d’échapper à toute
sanction.
548
Le procédé est certes controversé et discutable. Il est cependant déjà appliqué
depuis plusieurs années par les autorités de la concurrence de l’UE.
549
Cette immunité ne peut toutefois être accordée qu’à des conditions très
strictes ; une entreprise ne peut être libérée de toute sanction que si :

- elle est la première à dénoncer le cartel (une seule entreprise peut


bénéficier de l’immunité) ; c’est pourquoi, le Secrétariat accuse réception
de l’auto-dénonciation en précisant la date et l’heure de son enregistrement
(art. 9 Ordonnance sur les sanctions).

- elle fournit des informations justifiant l’ouverture d’une enquête au sens


de l’art. 27 LCart (et des informations que la Comco ne connaissait pas
déjà) ;
106

- ou fournit des preuves permettant d’établir une restriction de la


concurrence.
550
Le Secrétariat, d’entente avec un membre de la Présidence, communique à
l’entreprise :

- si les conditions pour une renonciation à la sanction sont remplies ;


- si des informations complémentaires doivent être transmises ;
- dans quel délai le dénonciateur anonyme doit révéler son identité.
551
L’immunité peut être complète ou partielle. Elle ne peut être complète que
si :

- la société dénonciatrice n’était pas elle-même l’instigatrice ou l’actrice


principale du cartel ou n’a pas forcé une autre entreprise à participer au
cartel ;

- la société dénonciatrice remet spontanément (de son propre chef) toutes les
informations et preuves dont elle dispose ;

- la société dénonciatrice coopère sans interruption, sans réserve et sans


atermoiement avec l’autorité ;

- l’entreprise doit cesser ses activités illicites dès la dénonciation.


552
Une réduction de la sanction pourra aller jusqu’à 50 % en fonction de la
contribution à la réussite de la procédure.
553
La sanction pourra même être réduite jusqu’à 80 % lorsque l’entreprise
fournit des informations ou soumet des preuves sur une autre infraction aux
al. 3 ou 4 de l’art. 5 LCart.

D. Procédure d’opposition
554
Une autre possibilité offerte par la révision législative de 2004 afin d’offrir
une certaine sécurité juridique est celle de l’annonce d’une restriction à la
concurrence avant que celle-ci ne produise ses effets. Si dans les 5 mois à
compter de l’annonce, la Comco n’a pas décidé l’ouverture d’une enquête au
sens de l’art. 26 LCart, l’entreprise peut mettre en œuvre le comportement
annoncé sans risque d’une sanction directe.
555
Il faut également rappeler qu’une entreprise peut demander une consultation
au Secrétariat sur la licéité d’un comportement annoncé (art. 23 al. 2 LCart).
107

E. Instances de recours
556
Les décisions de la Comco peuvent faire l’objet d’un recours dans les 30
jours au Tribunal administratif fédéral.
557
Les arrêts du Tribunal administratif fédéral peuvent être attaqués devant le
Tribunal fédéral par un recours en matière de droit public.
558
A tous les stades de la procédure, y compris dans les 30 jours suivant l’arrêt
du Tribunal fédéral, une demande d’autorisation exceptionnelle peut être
adressée au Conseil fédéral.

10.2 DROIT EUROPEEN

10.2.1 Autorités d’application du droit européen

A. Autorités européennes

a) La Commission européenne
559
La Commission européenne est la principale autorité chargée d’appliquer
le droit européen de la concurrence. A ce titre, la Commission européenne
ne fait pas qu’adopter des décisions dans des cas d’espèce. Elle adopte
aussi des Règlements et des Communications afin de faciliter l’application
du droit.
560
Au sein de la Commission, un Commissaire – actuellement Mme Neelie
KROES – a la charge de la politique de la concurrence, charge qu’elle
assume avec l’aide de la Direction générale de la concurrence (actuel
directeur-général Philip LOWE) et son staff.

b) Les instances de recours


561
Les décisions de la Commission européenne peuvent être l’objet d’un
recours au Tribunal de première instance (TPI) à Luxembourg, qui peut
revoir les faits et le droit.
562
Les jugements du TPI peuvent être attaqués devant la Cour de Justice des
Communautés européennes (CJCE), à Luxembourg, qui ne revoit alors
que l’application du droit.

B. Les autorités nationales


563
Jusqu’en 2003, les autorités européennes et les autorités nationales
d’application du droit de la concurrence travaillaient séparément dans leurs
domaines respectifs de compétence.
108

564
Le Règlement n° 1/2003 du 16.12.2002 relatif à la mise en œuvre des art. 81
et 82 du traité a complètement changé le système en instituant un régime de
compétences parallèles permettant à la Commission et aux autorités de
concurrence des Etats membres d’appliquer l’art. 81 et l’art. 82 du traité !
565
Ces autorités forment ensemble un réseau : réseau européen de la
concurrence (REC) (European Competition Network – ECN). Elles
collaborent désormais étroitement. Ce réseau devrait assurer une division
efficace du travail et une application homogène des règles communautaires
relatives à la concurrence.
566
La répartition des tâches s’effectue selon les principes suivants :
567
- toutes les autorités de concurrence (la Commission européenne ou une
autorité nationale) sont habilitées à appliquer les art. 81 et 82 du traité ;
568
- l’autorité qui reçoit une plainte ou entame une procédure d’office restera
en principe en charge de l’affaire ; si nécessaire, l’autorité peut solliciter le
concours d’une autre autorité ;
569
- la réattribution d’une affaire ne peut être envisagée qu’au commencement
de la procédure que si cette autorité estime qu’elle « n’est pas bien placée
pour agir » ou si d’autres autorités s’estiment « bien placées » elles aussi
pour agir (cette procédure implique que tous les membres du réseau soient
informés de l’ouverture d’une procédure) ;
570
- une autorité est considérée comme étant « bien placée » pour traiter une
affaire si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies :
571
1) l’accord ou la pratique a des effets directs, substantiels, actuels ou
prévisibles sur son territoire ;
572
2) l’autorité est à même de faire cesser efficacement l’intégralité de
l’infraction et de la sanctionner d’une manière appropriée ;
573
3) l’autorité est en mesure de réunir les preuves requises pour démontrer
l’infraction (le cas échéant avec le concours d’autres autorités).
574
- la Commission européenne est « particulièrement bien placée » si un
accord (ou des accords similaires) ont des effets sur la concurrence dans
plus de trois Etats membres ;
575
- la Commission européenne est aussi « particulièrement bien placée » pour
traiter une affaire si celle-ci est étroitement liée à d’autres dispositions
communautaires pouvant être plus efficacement appliquées par la
Commission ou si l’intérêt de la Communauté exige l’adoption d’une
décision de la Commission (cas d’un problème nouveau, par exemple).
109

576
- lorsque la Commission européenne est saisie la première d’une affaire, les
autorités nationales ne peuvent plus, de leur propre chef, traiter l’affaire.
577
- dans les deux mois qui suivent la date de l’information, envoyée au réseau
par une autorité nationale, de l’ouverture d’une affaire, la Commission
européenne peut, après avoir consulté l’autorité concernée, ouvrir une
procédure, ce qui aura pour effet de dessaisir l’autorité nationale.
578
- après la période initiale de deux mois, ce n’est que dans des situations
exceptionnelles que la Commission peut décider de reprendre une affaire
(retard excessif d’une procédure, nécessité d’une décision
communautaire).

10.2.2 Procédure

A. Saisine
579
La Commission ou l’autorité nationale intervient soit d’office, après avoir
constaté l’existence d’un problème potentiel, soit suite à une plainte.

B. Instruction
580
La Commission peut exiger des parties qu’elles lui fournissent les
renseignements utiles pour son enquête. Elle peut aussi solliciter la collabo-
ration des autres autorités administratives communautaires ou des Etats
membres.
581
Vu l’importance des conséquences possibles, les autorités administratives
doivent respecter les principes de la procédure administrative lors de leurs
enquêtes :
582
- droit d’être entendu : les entreprises visées doivent avoir la possibilité de
s’exprimer sur les reproches formulés à leur égard ;
583
- accès au dossier : un des aspects essentiels du droit d’être entendu est celui
de l’accès au dossier. Les entreprises concernées doivent être en mesure de
connaître, en temps voulu, les éléments sur lesquels l’autorité envisage de
fonder sa décision
584
- secret professionnel : (correspondance avec un avocat).

C. Décision
585
L’autorité peut être amenée à prendre des décisions en cours d’instruction du
dossier : exigence de production des pièces, audition des parties, de témoins
ou d’experts.
110

586
Lorsque la procédure est terminée, l’autorité rend une décision. En droit
communautaire, l’enquête relative à une pratique restrictive de la concurrence
doit être ouverte au plus tard cinq ans après la survenance de la pratique,
faute de quoi l’affaire serait prescrite. La décision finale peut faire l’objet
d’un recours :
587
- auprès du Tribunal de 1ère instance, si la décision a été prise par la
Commission européenne ;
588
- selon les règles du droit national si la décision a été rendue par une autorité
administrative d’un Etat membre.

D. Contenu de la décision (sanction)


589
En droit communautaire, un premier effet d’une sanction est la nullité de la
clause restrictive de la concurrence, ce qui peut entraîner des conséquences
pour les entreprises concernées (par exemple, la restitution d’une subvention).
590
La Commission peut infliger une sanction pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10
% du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise concernée. Cette sanction est
fixée en tenant compte de la nature de l’infraction et de son impact concret
sur le marché, si cet impact est mesurable. La Commission distingue les
infractions peu graves, les infractions graves et celles qui sont très graves.
591
Enfin, en dehors des sanctions pécuniaires, la Commission peut :

- exiger des entreprises concernées qu’elles adoptent dorénavant un


comportement différent (mesures comportementales : ne plus avoir telle
attitude restrictive de la concurrence ou accepter d’avoir des relations
contractuelles avec une autre entreprise) ;

- exiger d’une entreprise qu’elle modifie sa structure (mesures


structurelles) ; ces dernières mesures, beaucoup plus intrusives pour
l’entreprise, ne seront prononcées qu’à titre exceptionnel et que si des
mesures comportementales apparaissent insuffisantes.

* * * * *
111

§ 11 DROIT CIVIL

Textes législatifs : art. 12 à 17 LCart.

Bibliographie : Droit de la concurrence, J.-M. REYMOND, art. 12 ss ; TH. GEISER / P.


KRAUSKOPF / P. MÜNCH, Schweizerisches und europäisches Wettbewerbsrecht, p.
523 ss.

11.1 DROIT SUISSE

11.1.1 Actions judiciaires et autorités compétentes


592
Selon un principe juridique fondamental, celui qui subit un préjudice
(dommage ou tort moral) en raison de l’attitude illicite d’un tiers doit pouvoir
obtenir la cessation du préjudice et la réparation du préjudice.
593
C’est ce principe qui, en droit de la concurrence, est concrétisé et développé à
l’art. 12 LCart dans lequel le législateur a prévu plusieurs types d’actions.

A. Suppression ou cessation de l’entrave


594
Celui qui est entravé dans l’accès ou l’exercice de la concurrence par une
restriction illicite à la concurrence peut demander la suppression ou la
cessation de l’entrave.
595
Le demandeur devra donc établir qu’il y a eu entrave illicite au sens des art. 5
ou 7 LCart.

a) Suppression de l’entrave
596
L’action en suppression vise une entrave actuelle et qui dure encore.
597
Deux situations peuvent être envisagées. Dans le premier cas, le
demandeur subit les effets d’un accord auquel des entreprises tierces sont
parties ou subit les effets d’une position dominante. Dans le second cas, le
demandeur est partie à un accord dont il souhaite être libéré sans devoir
subir les peines contractuelles prévues dans cette situation. Dans les deux
cas, il est demandé au juge de constater que l’accord est illicite, et donc nul
(art. 13 LCart et art. 20 CO). (Le même résultat pourrait être obtenu par
une dénonciation de l’accord à la Comco mais selon une procédure
différente).
112

b) Cessation de l’entrave
598
L’action en cessation vise une entrave qui risque sérieusement de se
réaliser ou de se répéter.
599
Afin de supprimer ou d’écarter l’entrave, l’art. 13 LCart donne au juge la
possibilité de décider que celui qui est à l’origine de l’entrave doit
conclure avec celui qui la subit des contrats conformes au marché et aux
conditions usuelles de la branche.

B. Action en dommages-intérêts
600
L’action en dommages-intérêts suppose quatre conditions :
601
- un acte illicite : en l’espèce, ce serait la violation de l’art. 5 LCart (entente
illicite) ou de l’art. 7 LCart (abus d’une position dominante)
602
- une faute ou une négligence qui est appréciée objectivement
603
- un dommage qui correspond à la différence entre l’état du patrimoine de
la partie entravée s’il n’y avait pas eu d’entrave et l’état actuel du
patrimoine
604
- un lien de causalité entre l’acte illicite et fautif et le dommage subi ; selon
la jurisprudence, ce doit être un lien de causalité « adéquate », c’est-à-dire
que, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, il était en
soi propre à produire un effet du genre de celui qui s’est réalisé, de sorte
que la survenance de ce résultat paraît, d’une manière générale, provoquée
ou favorisée par cet événement.

C. Autorités compétentes

a) Niveau cantonal
605
En Suisse, l’organisation judiciaire et la procédure civile sont de la
compétence des cantons. Cette règle générale trouve parfois des
exceptions dans le droit fédéral (matériel) qui détermine alors le tribunal
(for) compétent ou la règle de procédure. C’est le cas à l’art. 14 LCart
selon lequel les cantons doivent désigner pour leur territoire un tribunal
chargé de connaître en instance cantonale unique des actions civiles
intentées pour violation du droit de la concurrence. Dans le Canton de
Fribourg, c’est une cour d’appel du Tribunal cantonal qui est compétente
pour traiter ce type de litige.
606
La loi fédérale sur les fors désigne (quant au lieu) le tribunal devant lequel
l’action peut être introduite :
113

- le tribunal du siège de la partie ayant subi le dommage

- ou celui du siège du défendeur

- ou celui du lieu où l’acte illicite a été commis

- ou celui du lieu où le résultat s’est produit.


607
Lorsqu’une entreprise étrangère est impliquée, il faut tenir compte des
règles de droit international privé (art. 137 LDIP).

b) Niveau fédéral
608
L’arrêt rendu par un tribunal cantonal peut faire l’objet d’un recours en
matière civile au Tribunal fédéral.

c) Tribunal arbitral
609
Les parties peuvent avoir convenu par contrat – ou décider après la
survenance du conflit, par un « compromis arbitral » - de soumettre leur
litige à un tribunal arbitral. La sentence du Tribunal arbitral sera exécutoire
comme un jugement d’un tribunal ordinaire (pour autant que certaines
conditions soient respectées, en particulier l’indépendance des arbitres).

11.1.2 Procédure

A. Règles générales
610
Devant l’instance cantonale, les règles de procédure sont celles prévues par le
droit cantonal.
611
Devant le Tribunal fédéral, ce sont celles prévues par la loi fédérale sur
l’organisation judiciaire fédérale.

B. Rôle de la Comco
612
Le procès est introduit devant l’instance cantonale unique – et non pas devant
le tribunal ordinaire de première instance – parce que le demandeur invoque
la violation de la loi sur les cartels. Cela implique que le demandeur fonde
son action sur l’existence d’une entente ou d’une position dominante et la
violation de l’art. 5 ou de l’art. 7 LCart.
613
Afin d’éviter des interprétations divergentes de la notion d’entrave ou de
suppression de la concurrence, l’art. 15 LCart prescrit que lorsque la licéité
d’une restriction à la concurrence est contestée, la Cour doit soumettre cette
question à la Comco qui rend un avis (et non pas une décision) :
114

614
- si la Comco arrive à la conclusion qu’il n’y a pas d’entrave à la
concurrence, la procédure n’a plus d’objet (sauf si la Cour cantonale refuse
de suivre l’avis de la Comco !) ;
615
- si la Comco constate une violation, l’affaire est reprise par l’autorité
judiciaire cantonale sur les autres aspects du procès (étendue du dommage,
réparation).

C. Importances des mesures provisionnelles


616
Les mesures provisionnelles sont celles qui sont prises par le juge, à la
requête d’une partie, et qui s’appliquent pendant la durée de la procédure.
Souvent, la procédure débute par une requête de mesures provisionnelles sur
laquelle le juge se prononce après avoir entendu la partie défenderesse.
Toutefois, en cas d’urgence, le juge peut se prononcer avant même d’avoir pu
convoquer l’autre partie. Dans ce cas, l’ordonnance « super provisoire » sera
réexaminée par le juge lorsque la partie adverse aura pu s’exprimer.
617
Ces mesures sont souvent primordiales car seule une intervention rapide, ou
même immédiate, du juge permet de sauvegarder les droits du requérant.
618
Des conditions strictes doivent être remplies :

- l’entrave doit être imminente ou actuelle

- la vraisemblance de l’atteinte illicite doit être donnée

- le préjudice causé serait difficilement réparable

- des sûretés peuvent être imposées, sur requête, si les mesures sont de
nature à causer un préjudice à la partie adverse.

11.2 DROIT EUROPEEN

11.2.1 Règles actuelles


619
La Commission européenne, le Tribunal de Première Instance et la Cour de
Justice des Communautés Européennes (CJCE) sont des instances
administratives. Elles ne se prononcent pas sur des demandes en dommages-
intérêts. Les sanctions pécuniaires qu’elles imposent ne servent pas à
compenser un dommage puisqu’elles sont attribuées à la Communauté
européenne.
620
Une action civile en cessation du trouble ou en dommages-intérêts doit être
introduite devant les tribunaux civils des Etats membres de l’Union.
115

11.2.2 Les réformes en vue


621
En décembre 2005, la Commission a mis en consultation un « livre vert »
relatif aux actions en dommages-intérêts. Elle constate tout d’abord que ce
domaine du droit (actions civiles) est caractérisé dans les Etats membres par
un « total sous-développement » et que son objectif est d’identifier les
principaux obstacles à un fonctionnement efficace des actions en dommages-
intérêts :
622
- détermination des dommages-intérêts : selon un modèle économique
(complexe) ou en chargeant le juge de le faire en équité ?
623
- permettre au juge de doubler le montant des dommages-intérêts dans le
cas d’infractions caractérisées (ententes horizontales) (aux Etats-Unis,
dans ce cas-là, le juge peut attribuer le triple du montant)
624
- faciliter l’introduction d’actions collectives (class actions) ?
625
- réduire le risque financier du demandeur en ne le condamnant à payer
les frais, en cas de perte du procès, que s’il a agi de façon manifestement
déraisonnable en introduisant l’action ?
626
- consentir une réduction du risque financier à l’entreprise qui a collaboré
avec les autorités administratives selon le programme de clémence ?
(remise conditionnelle, suppression de la responsabilité conjointe).
627
La procédure de consultation s’est achevée en 2006. La Commission ne s’est
pas encore prononcée sur les initiatives à prendre pour faciliter les actions en
dommages-intérêts et leur permettre de contribuer substantiellement au
maintien d’une concurrence effective dans la Communauté.

* * * * *
UNIVERSITE DE FRIBOURG D. DREYER
FACULTE DES SCIENCES 2007
ECONOMIQUES ET SOCIALES semestre automne

LE DROIT DE LA CONCURRENCE

EXERCICES

§ 1 LA PLACE ET LE ROLE DU DROIT DE LA CONCURRENCE

1. Le droit de la concurrence « régule » l’économie privée et non pas l’activité


étatique. Y a-t-il des activités qui doivent être réservées à l’Etat ou est-ce que
toutes les activités de l’Etat peuvent être déléguées à des entreprises
privées ?

2. L’Etat peut-il fixer :

- les jours de congé ? Y compris pour un indépendant ? L’Etat peut-il


décider que tous les commerces doivent être fermés le lundi matin ?

- les heures de travail ?

- les heures d’ouverture des commerces, le soir, le week-end ?

3. La loi peut-elle imposer au titulaire d’un brevet d’accorder une licence (afin
d’assurer que le brevet soit suffisamment exploité) ?

4. Quelle est la place du concept de concurrence dans l’ordre juridique suisse ?

Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de s’exprimer à ce sujet dans une affaire


relative à une sentence rendue par un tribunal arbitral. En principe, la
sentence d’un tribunal arbitral est définitive et ne peut faire l’objet d’un
recours en appel. Il reste cependant la possibilité (plus théorique
qu’efficace !) de déposer un recours pour arbitraire (dans une affaire de
2

droit interne) et un recours fondé sur la violation de la notion d’ordre public


(en matière d’arbitrage international ; art. 190 al. 2 let. e LDIP).

Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a admis qu’une sentence porte


atteinte à l’ordre public lorsqu’elle « viole des principes fondamentaux du
droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l’ordre juridique et le
système de valeur déterminant ; au nombre de ces principes figurent,
notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi,
l’interdiction de l’abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires
ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement
incapables. »

ou encore « qu’une sentence est incompatible avec l’ordre public si elle


méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les
conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout
ordre juridique ».

La question à examiner est donc de savoir si le droit de la concurrence fait


partie des valeurs essentielles et largement reconnues constituant le
fondement de tout ordre juridique.

En l’espèce, les faits étaient les suivants (ATF 132 III 389 ss) :

X. S.p.A. (ci-après: X. ou la recourante) et Y. S.r.l. (anc. Z. S.r.l.; ci-après:


Z. ou l'intimée), deux sociétés de droit italien, sont des acteurs majeurs, au
niveau mondial, dans le domaine des haubans et des câbles de
précontrainte.

Par contrat du 26 mai 1998, les deux sociétés se sont engagées à présenter
conjointement leurs offres pour la mise en oeuvre de ces technologies dans
le cadre de la réalisation de deux ponts sur un tronçon d’une ligne
ferroviaire. Leur coopération revêtait un caractère exclusif en ce sens que
chacune d'elles s'interdisait aussi bien de passer des accords séparés avec
d'autres entreprises que de soumissionner individuellement aux appels
d'offre. Régi par le droit italien, ledit contrat contenait une clause
compromissoire qui fixait le siège de l'arbitrage à Lausanne et prévoyait
l'application du Règlement d'arbitrage de la Chambre de Commerce
Internationale (CCI).

En exécution du contrat précité, les parties ont présenté des offres


communes pour la réalisation des travaux mis en soumission. Elles s'étaient
concertées, au préalable, pour fixer le montant de leurs offres. Les travaux
de construction ont été adjugés à X, resp. à des consortiums constitués par
cette société et des entreprises tierces.

S'estimant lésée par les agissements de X., Z. a adressé une requête


d'arbitrage à la CCI en vue d'obtenir des dommages-intérêts de 4'250'000
3

EUR. X. a conclu au rejet de la demande, motif pris de la nullité du contrat


litigieux au regard des droits italien et européen de la concurrence.

Par sentence finale, le Tribunal arbitral CCI a condamné X. à payer à Z. la


somme de 488'258 EUR, plus intérêts. Il a considéré que le contrat liant les
parties était valable au regard des droits italien et européen de la
concurrence, si bien que X., qui avait violé gravement et volontairement les
obligations en découlant, devait indemniser Z. de tout le dommage subi de
ce chef.

X. a formé un recours de droit public, au sens de l'art. 85 let. c OJ.


Invoquant le motif de recours prévu à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, elle
demande au Tribunal fédéral d'annuler la sentence du 12 septembre 2005.

Selon la recourante, le Tribunal arbitral, pour avoir méconnu des


dispositions fondamentales des droits européen et italien de la concurrence,
aurait rendu une sentence incompatible avec l'ordre public.

* * * * *
§ 2 ZONES DE LIBRE ECHANGE ET MARCHE INTERIEUR

Affaire Fuji / Kodak

1) En 1995, l’entreprise américaine Kodak a invoqué que différentes


pratiques d’exclusion par des entreprises japonaises et le fait que le Japon
les ait tolérées, ont restreint de manière importante l’accès de produits
américains au marché japonais. L’entreprise Kodak a choisi de ne pas
porter l’affaire devant les autorités japonaises ou américaines de la
concurrence, qui traitent normalement de tels cas, mais devant les
autorités commerciales.

2) En juin 1996, les Etats-Unis ont demandé l’ouverture de consultations


avec le Japon, conformément à l’article 4 : 4 du Mémorandum d’accord
sur le règlement des différends et à l’article XXIII :1 GATT 1994. Dans
leur demande, les Etats-Unis ont allégué que, par une série de « mesures »
de distribution, le Japon a compromis ou annulé les bénéfices qui auraient
dû résulter des concessions tarifaires dans le domaine du papier et du film
photographique. Les consultations n’ont pas permis de résoudre le
différend.

En septembre 1996, les Etats-Unis ont demandé l’établissement d’un


Groupe spécial conformément aux articles 4 et 6 du Mémorandum
d’accord, en invoquant que le Japon avait mis en œuvre et maintenait un
certain nombre de lois, règlements, prescriptions et mesures touchant la
distribution, la mise en vente et la vente sur le marché intérieur de
pellicules et papiers photographiques destinés aux consommateurs.

Questions :

1) Quelles sont les dispositions du GATT dont les Etats-Unis invoquent la


violation ?

2) Quelles sont les étapes de la procédure selon les règles du GATT (ORD) ?

3) Qu’est-ce que les Etats-Unis doivent démontrer pour obtenir gain de


cause dans cette procédure ?

4) Quels sont les avantages et les désavantages de la procédure OMC par


rapport à une procédure « privée » ?

5) Lorsque les instances du GATT ont constaté une violation des accords,
comment s’applique cette décision ?
(Sur ce cas, voir B. MERKT, p. 93 ss ; également : OMC, Japon-Mesures
affectant les pellicules et papiers photographiques destinés aux
consommateurs, WT/DS 44/R (Rapport Fuji & Kodak). Ce rapport a été
publié sur le site Internet de l’OMC et dans World Trade and Arbitration
Materials, V. 10 n° 4, 1998, p. 1 ss. Le cas est décrit par M. FURSE dans
Competition Law and the WTO Report : « Japan-Measures Affecting
Consumer Photographic Film and Paper, ECLR 1999, p. 9 ss).

* * * * *
§ 3 LA REGLEMENTATION DU MARCHE

Chanel

1. Le groupe Chanel, qui est titulaire de la marque « Chanel » dans les divers
pays de l’Union européenne et en Suisse, a établi un réseau de distribution
sélective composé de détaillants agréés. Afin de contrôler le cheminement de
ses produits, Chanel appose un code sur les emballages des articles offerts
sur le marché.

EPA ne fait pas partie des distributeurs agréés Chanel. Elle vend néanmoins
dans ses magasins des produits de la marque « Chanel » qu’elle a acquis sur
le marché dit parallèle.

Chanel a introduit action contre EPA afin de faire constater le caractère


illicite des importations parallèles de produits Chanel pour violation du droit
des marques et de la concurrence déloyale.

Quels arguments fait valoir Chanel ?


Quels arguments fait valoir EPA ?
Quelles sont les dispositions juridiques applicables ?

(cf. ATF 122 III 469 ss).

2. Même problématique dans l’affaire Kodak contre Jumbo Markt dans laquelle
Kodak invoquait la violation de son brevet pour s’opposer à l’importation
parallèle.

(cf. ATF 126 III 129 ss = JdT 2000 I 529, en français)

Quid ? Même solution que pour Chanel ou situation différente ?

* * * * *

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