Polarisation Spontanee
Polarisation Spontanee
Polarisation Spontanee
Le géophysicien s’intéresse aux propriétés électriques des sols et roches car, comme par exemple
la densité ou la susceptibilité magnétique, elles permettent de caractériser et d’imager le sous-sol. Les
propriétés électriques peuvent être mesurées de plusieurs façons. Les trois propriétés fondamentales
sont :
1. l’activité électrochimique : base de la polarisation spontanée (P.S.) ;
2. la résistivité : facilité avec laquelle on peut faire passer un courant électrique dans la roche ;
3. la constante diélectrique : capacité des roches à emmagasiner de l’énergie et à la restituer ; à
la base de la polarisation provoquée (P.P.).
La mesure de ces propriétés permet d’atteindre une très vaste échelle de profondeurs d’investigation
(Sondages DC : quelque mètres - Magnétotellurique : 20 à 100 km). Elles peuvent également per-
mettre de faire ressortir des structures invisibles à d’autres méthodes (par exemple la table d’eau
est très souvent mieux définie par les méthodes électriques).
Ces trois propriétés sont à la base des méthodes électriques présentées dans ce cours. On retrouve
cette matière dans Telford et al. (1990) aux chapitres 5, 6, 8 et 9, et dans Keary et Brooks (1991) au
chapitre 8. Le dénominateur commun aux méthodes présentées dans ce chapitre est qu’on mesure un
potentiel électrique. Par ailleurs, les mêmes propriétés seront utiles en prospection électromagnétique
(EM) (méthodes présentées à la suite de cette partie). C’est la façon dont les courants électriques
sont générés qui fait la différence fondamentale entre les méthodes DC et EM.
Tableau 1.1: Total des dépenses mondiales par type de levé et d’application pour 1987 (en milliers de dollars U.S.)
1
2 1. Introduction
2 La polarisation spontanée
Par polarisation spontanée, on entend deux choses. D’abord on peut parler du phénomène phy-
sique comme tel, à savoir la génération de potentiels électriques dans les sols sans influence humaine.
On utilise également cette expression pour désigner la méthode de prospection basée sur la mesure du
phénomène. La polarisation spontanée est causée par l’activité électrochimique ou mécanique, soient
(1) altération des sulfures ; (2) variation de la composition des roches aux contacts géologiques ; (3)
activité bioélectrique du matériel organique ; (4) corrosion ; et (5) gradients thermiques et pression
dans les fluides souterrains.
Ce potentiel est dû à la différence de mobilité des ions dans une solution de concentration
variable. L’équilibre ne peut se faire également de part et d’autre et un ∆V est généré. Il est de
nature chimique. Pour NaCl à 25◦ C
Ed = −11.6 log(C1 /C2 ) (mV) (2.2)
Ce potentiel dépend de la température.
Lorsque deux électrodes métalliques sont immergées dans une solution dont la concentration est
différente pour les deux électrodes, il y a un ∆V de créé. Il s’agit d’un phénomène chimique.
Es = −59.1 log(C1 /C2 ) (mV) (2.3)
3
4 2. La polarisation spontanée
à 25◦ C.
La combinaison des potentiels de diffusion et de Nernst définie le potentiel de membrane. Pour
NaCl à T ◦ C, il a pour valeur :
T + 273
Ec = −70.7 log(C1 /C2 ) (mV) (2.4)
273
Si par exemple C1 /C2 = 5 et T = 25, on a une valeur de Ec de 50 mV, ce qui est une valeur
significative et mesurable.
On observe le potentiel de contact lorsque deux électrodes de métaux différents sont introduites
dans une solution électrolytique.
Lorsque les conditions sont rencontrées, la combinaison des trois derniers potentiels (diffusion,
Nernst et contact regroupés sous l’appellation potentiels de minéralisation, voir la section 2.2) permet
de générer des anomalies souvent bien distinctes du bruit de fond et associées à des métaux. On
peut alors détecter la présence de gisements métallifères dans le sous-sol, par la seule mesure de ∆V
à la surface.
Les variations de température ont un effet analogue au potentiel de diffusion, mais sont d’un effet
mineur. La corrosion métallique (tuyaux, câbles, carcasses métalliques) produit des ∆V locaux. Les
courants telluriques génèrent également des potentiels mesurables. Ces courant sont dûs à l’induc-
tion de l’ionosphère, explosion nucléaire, tempêtes électriques. Finalement, un effet bioélectrique est
observé à la frontière entre une clairière et la forêt. Dans ce cas, les racines des arbres drainent l’eau
souterraine et génèrent ainsi un ∆V pouvant être confondus avec ceux produits par les sulfures (de
l’ordre de quelque centaines de mV). Le potentiel est négatif du côté du boisé.
Le potentiel de minéralisation est associé avec les sulfures métalliques, le graphite et certains
oxydes métalliques telle que la magnétite. L’anomalie se produisant le plus souvent au dessus des
sulfures métalliques (pyrite, chalcopyrite, pyrrhotite, sphalérite, galène, graphite) et présente une
anomalie variant de quelques mV à 1 V, 200 mV étant considéré comme une bonne anomalie. Les
potentiels observés sont toujours (ou presque) négatifs. Ces potentiels sont relativement stables dans
le temps (à part les telluriques).
On doit bien distinguer le potentiel de minéralisation des bruits de fond dus à toutes les autres
causes. L’amplitude de ∆V de chacune de ces causes varie beaucoup mais reste en général inférieure
à 100 mV. Puisqu’ils peuvent être aussi bien positifs que négatifs, ils ont tendance s’annuler sur
de grandes distances mais à une échelle plus grande, il va exister une régionale. Le bruit le plus
inquiétant est dû au phénomène bioélectrique qui peut atteindre 100 mV, qui est reconnaissable si
on fait attention.
Peut-on s’en servir comme méthode d’exploration ? Considérant qu’on peut avoir des ∆V allant
jusqu’à 1 V au dessus de minéralisation et que ces ∆V sont stables dans le temps, la réponse est
oui.
2.3 La P.S. comme méthode de prospection 5
anomalie
Sens du courant
O2 gazeux
Surface
cathode
réduction H2O
HFeO2 O2 dissous
Fe++
Fe+++ -
OH- H2O2 table
OH- d'eau
Électrons
H+
oxydation
Fe(OH)2 H+
anode
Fe(OH)3 Fe++
FeS2
+ Fe(OH)3
Plusieurs modèles sont proposés mais aucun n’explique entièrement le phénomène. La meilleure
théorie est celle de Sato et Mooney (1960). Ces auteurs supposent qu’il s’agit d’un phénomène
d’oxydoréduction (voir figure 2.1). Deux réactions chimiques de signes opposés se font de part et
d’autre de la nappe phréatique. Au dessus, la tête du gisement agit comme une cathode, il y a une
réaction de réduction (gain d’électrons). Au dessous, la base du gisement agit comme une anode
où il y a réaction d’oxydation (perte d’électrons). La zone minéralisée ne sert qu’à transporter les
électrons de l’anode vers la cathode.
D’après le modèle de Sato et Mooney, l’anomalie ∆Vmax pour le graphite est 0,78 V ; 0,73 V
pour la pyrite ; et 0,33 V pour la galène.
Ce modèle présente certaines lacunes. On a déjà rencontré des valeurs de 1.5 V au dessus du
graphite. La théorie suppose également que la minéralisation est conductrice, or on a des anomalies
au dessus de la sphalérite qui n’est pas un bon conducteur.
Grâce à sa grande simplicité, la P.S. est une très vieille méthode. Un dénommé Robert Fox l’a
utilisée en 1830 pour trouver l’extension de dépôts de Cuivre.
Théoriquement, on peut faire des mesures de P.S. avec un équipement aussi simple qu’un voltmètre
et deux électrodes. Cependant, afin de s’assurer d’un bonne qualité des données, il faut compter sur
un matériel approprié. Le choix des électrodes s’avère de première importance. En effet, la perfor-
mance des électrodes dépend de leur polarisation et de leur dérive. La polarisation est le potentiel
6 2. La polarisation spontanée
mesuré entre une paire d’électrode en l’absence d’une source externe, c’est un effet dû uniquement à
l’équipement qui vient donc perturber la mesure. La dérive est la variation dans le temps de la pola-
risation. On sait par exemple que des électrodes métalliques (acier) sont polarisables. Si on utilise des
piquets métalliques, il y a réaction électrochimique pouvant créer des ∆V de l’ordre de ce qu’on veut
mesurer. On préférera utiliser des « pots-poreux », plus chers, mais beaucoup moins polarisables. Il
s’agit d’une électrode métallique immergée dans une solution sursaturée de son propre sel (Cu dans
CuSO4 ou Zn de ZnSO4 ) contenue dans un pot poreux qui permet la diffusion lente de la solution
et fait contact avec le sol. Tant que la solution est saturée, il n’y a pas de polarisation.
Par ailleurs, les caractéristiques d’un bon voltmètre sont une haute résolution (1 mV), une dy-
namique élevée (+/- 10 VDC), une impédance de contact élevée (10-100 MΩ), un filtre de rejet AC
et la robustesse nécessaire au travail sur le terrain. La possibilité de mesurer la résistance de contact
aux électrodes afin de s’assurer que les connexions sont bonnes est également une caractéristique im-
portante. Également, le câblage doit être isolé par une gaine résistante aux manipulations de terrain.
Finalement, comme la résistance de contact aux électrodes est généralement élevée, la résistance des
câbles est de seconde importance.
L’interprétation se fait traditionnellement par contours ou par profils, tel qu’illustré à la figure 2.2.
L’anomalie est située directement au dessus du corps la générant (figure 2.3), mais peut être déplacée
par un effet topographique (figure 2.4). L’interprétation est surtout qualitative. On peut avoir idée
du pendage avec le gradient des courbes de contours. La forme du corps anomal est indiquée par la
forme des contours.
Par ailleurs, il existe une certaine quantité de courbes types pour des corps de géométries simples
(Corwin, 1990). Ces courbes représentent simplement ce qu’on mesurerait en surface, au dessus des
corps en question. Ces corps simples sont : la source ponctuelle, la ligne horizontale, la sphère, le
cylindre, la « feuille » verticale. On se sert de ces courbes types pour les comparer à nos mesures et
ainsi déterminer approximativement la forme et la profondeur du corps générateur de notre anomalie.
2.4 Interprétation des résultats 7
PS (mV)
0
-50
-50
-100
-100
0
-150
-150 Profil A-B
Surface A B
0
res
u
Sulf
Figure 2.2: Exemple type d’une anomalie P.S. au dessus de sulfures massifs, en profil et
en contours.
P.S. (millivolts)
0
non symétrique
(-)
-200
Mesure en surface
-400
P.S. (millivolts)
-200 0 200 400 0 200
-
Mesure en forage
200
Forage
Forage
+
Section (+)
400
+20 mV
0 25 m
-20
-40 Schiste
Andésite
-60 Sulfure
-80
N-O
-100 180
m
-120 mV 170
160
150
S-E 140
130
m
2.6 En conclusion
La P.S. a rôle mineur en exploration. L’interprétation est difficile due au caractère erratique des
anomalies, et le rayon d’investigation est limité. Par contre, elle est rapide, économique, et peut être
utilisée en conjoncture avec une autre méthode.