Environnement Et Restauration Des Sites Miniers

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Environnement et restauration des sites miniers

Article · September 2021

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Hamid Amir Laurent L’Huillier


University of New Caledonia Institut Agronomique néo-Calédonien
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Stéphane McCoy
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interaction avec des rhizobactéries promotrices de la croissance View project

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Environnement et restauration des sites miniers
France Bailly1, Hamid Amir2, Frédéric Bart3, Bruno Fogliani2, Véronique Forlacroix4, Yawiya Ititiaty5,
Laurent L’Huillier5, Stéphane McCoy6

En Nouvelle-Calédonie, les exploitations minières se situent majoritairement en contexte


montagneux (mines du Grand massif de péridotite du Sud sur la côte Est et des klippes de la côte
Ouest). Le contexte climatique et géomorphologique des massifs dits « miniers », les caractéristiques
physico-chimiques des substrats issus de l’altération des péridotites, la richesse de la biodiversité
terrestre comme marine constituent des facteurs environnementaux à intégrer dans la gestion de la
mine et de son environnement, de même que dans la stratégie et les pratiques de réhabilitation des
zones après exploitation. L’héritage des pratiques anciennes (avant 1975) apporte des contraintes
supplémentaires aux opérations de restauration des sites miniers en Nouvelle-Calédonie.

Le contexte environnemental des mines en Nouvelle-Calédonie


La Nouvelle-Calédonie jouit d’un climat tropical océanique contrasté. Les précipitations (en moyenne
1850 mm par an) présentent une grande variabilité géographique, saisonnière et interannuelle, allant de
périodes de sécheresse à des épisodes pluvieux intenses, notamment lors du passage des dépressions
cycloniques générant des pluies torrentielles (jusqu’à plus de 700 mm/24h). Ainsi, les principaux
massifs montagneux peuvent enregistrer annuellement plus de 4000 mm alors que certaines plaines du
Nord de la côte Ouest ne reçoivent que 800 mm.
Les trois quarts de la superficie de l’île sont occupés par une chaîne montagneuse longitudinale de haute
topographie, incisée de profondes vallées. Les petits bassins versants montagneux à fortes pente
favorisent la formation de crues éclair, d’inondations et de processus érosifs intenses. A l’inverse, les
étiages peuvent être sévères durant les saisons ou les périodes les plus sèches.
Les terrains “miniers” sont de type latéritique, issus de l’altération supergène de portions émergées par
l’obduction de la lithosphère océanique et présentent des caractéristiques physico-chimiques bien
particulières. Les sols ultramafiques qui s’y développent, de types Cambisols magnésiques et Ferralsols
(Fritch, 2012), sont riches en métaux (Ni, Cr, Co, Mn, Fe…) et en magnésium et à l’inverse pauvres en
silice et en éléments nutritifs (Ca, P, K...). Ils se distinguent également par la quasi-absence d’argile
vraie, le manque d’aluminium ne permettant pas la formation de kaolinite.
Ces conditions édaphiques ont favorisé le développement d’une flore et d’une faune terrestre diversifiées
et originales. En dehors de massifs relictuels de forêt dense humide, la végétation prend majoritairement
la forme d’un maquis arbustif plus ou moins ouvert, composé de plantes ligneuses et de cypéracées
scléropylles. Sur les près de 3400 espèces connues de la flore néo-calédonienne, plus de 1200 espèces
sont strictement inféodées aux substrats ultramafiques dont le taux d’endémisme exceptionnel est de
96,7 % (Isnard et al. 2016). L’activité minière (en cours et future) est une des principales menaces pesant
sur la flore néo-calédonienne, avec les incendies et les espèces exogènes envahissantes (RLA-NC,
2021).

1
CNRT « Nickel et son environnement », BP 18235, 98857 Nouméa, Nouvelle-Calédonie -
france.bailly@cnrt.nc
2
ISEA (Institut des Sciences Exactes et Appliquées), Université de la Nouvelle-Calédonie, BP R4, 98851
Nouméa cedex, Nouvelle-Calédonie - hamid.amir@univ-nc.nc; bruno.fogliani@univ-nc.nc
3
Société Le Nickel, usine de Doniambo, Nouvelle-Calédonie 2 rue Philogène Lalande Desjardins-Doniambo,
BP E5, 98848 Nouméa, Nouvelle-Calédonie – frederic.bart@eramet-sln.com
4
Fonds Nickel, BP M2, 98849 Nouméa Cedex - veronique.forlacroix@gouv.nc
5
Institut Agronomique néo-Calédonien (IAC), BP 73, 98890 Païta, Nouvelle-Calédonie – ititiaty@iac.nc;
lhuillier@iac.nc
6
VALE NC, Service Préservation de L’Environnement, BP 218, 98845 Nouméa, Nouvelle-Calédonie -
stephane.maccoy@vale.com
L’évolution des pratiques minières
L’exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie a débuté en 1873. Initialement exploitées dans des
galeries souterraines, les exploitations à ciel ouvert se sont progressivement généralisées à partir des
années 1920. Après la seconde guerre mondiale, la production minière s’est rapidement mécanisée,
(bouteurs, pelles à câbles) permettant d’entreprendre l’exploitation de gisements sous recouvrement
latéritique localisés par sondages, à partir de la fin des années 1960. D’un point de vue environnemental,
cette mécanisation marque une évolution majeure dans les pratiques : ouverture massive de pistes au
bouteur, poussage de la couverture stérile et des refus des installations de triage dans les thalwegs et sur
les versants (Fig1). Ces méthodes s’accentuent à la fin des années 1960 et au début des années 1970 qui
marquent le « boom » du nickel avec la multiplication des exploitants (près de 200).
A partir du milieu des années 1970, la prise de conscience environnementale à l’échelle mondiale
favorise le développement de nouvelles pratiques plus respectueuses de l’environnement : arrêt des
déversements dans les versants et mise en verse contrôlée des matériaux “stériles”, amélioration des
méthodes d’exploitation favorisée par les progrès techniques (pelle hydraulique rétro notamment), mise
en place de dispositifs de gestion des eaux et de contrôle de la sédimentation sur mine, puis mise au
point de techniques de végétalisation pérennes sur sols ultramafiques (à partir des années 1990).
Aujourd’hui, la conduite des exploitations est encadrée par un Code minier adopté en 2009 et une
mission de police des mines exercée par la DIMENC (Direction de l’Industrie des Mines et de l’Énergie
de la Nouvelle-Calédonie).
Mais, les anciennes conditions d’exploitations (avant 1975) ont laissé en l’état de larges surfaces
chaotiques dénudées, des volumes importants de matériaux sur les versants ou en aval sous la forme de
grands cônes alluviaux de granulométrie variée. Ces matériaux ont largement contribué, et contribuent
encore, à alimenter les rivières en charge solide, au point que certains cours d'eau sont considérablement
engravés (on parle alors de sur-engravement) et qu’une hyper-sédimentation en fines est constatée au
niveau de certains estuaires (Garcin et al., 2013) (Fig.1)

Figure 1 : (a) Liens entre l’apport de stériles déversés sur les versants et l’évolution de la bande active
des rivières en aval, ici l’exemple du Creek Tomuru à Thio, d’après Richard et al., 2018 et (b) photo du
creek Wellington à Thio, engravé par les matériaux déversés sur les versants avant 1975 (© F. Bailly,
CNRT).

Les impacts résultants de l’exploitation minière


En Nouvelle-Calédonie, la valorisation des ressources nickélifères nécessite, après des travaux
d’exploration géologique (géophysique, sondages héliportés et terrestres), l’ouverture de mines à ciel
ouvert. Ce type d’exploitation génère des impacts sur l’environnement et plus particulièrement sur le
couvert végétal (et la faune qu’il abrite) et sur le débit et la qualité de l’eau restituée au milieu naturel,
de l’exutoire de la mine jusqu’au lagon. En effet, le décapage des terres stériles, qui peuvent représenter
jusqu’à près de 10 fois le volume de minerai valorisable, s’effectue à l’aide de pelles et camions après
l’enlèvement total de la végétation. Cette mise à nu des sols et la manipulation de plusieurs dizaines de
millions de tonnes de terre par an favorisent l’érosion superficielle et l’entraînement de particules fines
dans les cours d’eau, provoquant ce qui est localement dénommé « eaux rouges ». La gestion des
ruissellements (plan de gestion des eaux, bassins de sédimentation), le stockage des stériles (en verse
contrôlée puis en comblement des fosses) et la revégétalisation à l’avancement de l’exploitation
contribuent à réduire significativement ces effets négatifs. Enfin, les émissions de poussières ou les
chutes de minerai en mer, associées aux étapes d’acheminement du minerai (camion, barge), peuvent
être minimisées (arrosage) voire évitées (convoyeur).
La remédiation du passif minier.
La gestion du sur-engravement et du colmatage des cours d’eau est devenue une préoccupation majeure
ces dernières années, à la suite de plusieurs épisodes d’inondation affectant les populations vivant en
aval de sites miniers. Les habitants de certaines communes de la côte Est particulièrement touchées par
ces phénomènes, comme Thio, berceau de l’exploitation minière, ou Kouaoua, se sont constitués en
associations pour contraindre les autorités et les compagnies minières à entreprendre des actions de
remédiation de ce passif minier. La commune de Thio constitue un exemple précurseur avec la mise en
place d’un comité de pilotage “cours d’eau” dès 2013, qui se réunit régulièrement pour présenter les
résultats des études, décider des solutions et faire le point sur les réalisations (curage, confortement de
berges, aménagement de pièges à sédiments, etc.).
Mais la remédiation, du fait de son interaction forte avec les populations locales, ne peut être abordée
que sous ses aspects techniques. Pour aider la mise en place d’actions de remédiation du sur-
engravement adaptées à chaque contexte local, un guide méthodologique financé par le CNRT Nickel
et son environnement (Richard et al., 2018) a été produit sur la base de travaux scientifiques
pluridisciplinaires. Une approche conjointe mobilisant des sciences physiques et humaines a été
proposée et mise en œuvre de façon exploratoire sur la commune de Thio. En combinant un diagnostic
morphologique et du fonctionnement hydrosédimentaire à l’échelle du bassin versant à une évaluation
participative des enjeux sociaux et culturels, des solutions techniques sont identifiées et partagées entre
tous les acteurs du dossier (riverains, coutumiers, administrations, collectivités et industriels) jusqu’au
choix consensuel des aménagements à réaliser.

La restauration des sites après exploitation


En 2004, un inventaire cartographique du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a identifié 20 000
hectares de sols nus dégradés par l’activité minière, soit 1,2% de la surface de la Grande Terre, à
réhabiliter. Pour les mines en activité, les exploitants sont réglementairement tenus, selon le Code
minier, de remettre en état les sites après exploitation. Dans le cadre de leur demande d’autorisation
d’exploiter, un volet spécifique est dédié aux opérations de réhabilitation des zones dégradées,
assujetties à des garanties financières. Pour les sites miniers « orphelins » ou exploités avant 1975, la
réhabilitation est réalisée par un établissement public administratif créé en 2009, le Fonds Nickel (Encart
2). Dans les deux cas, les principales opérations à réaliser sont la mise en sécurité du site, le remodelage
des surfaces, la gestion des eaux de ruissellement, la préparation des surfaces et leur végétalisation. A
partir des années 1990 et même s’il reste encore des progrès à réaliser, les techniques ont progressé
autant en matière de préparation des sites que de végétalisation.

Mise en sécurité et réaménagement durable des sites

Avant la végétalisation, des travaux de remodelage des sites et de gestion des eaux de

ruissellement sur une topographie totalement modifiée, sont incontournables. Réduire le pouvoir érosif
de l'eau en limitant la concentration des flux (restituer les eaux de ruissellement régulièrement dans le
versant) et les vitesses (empierrement des pistes, aménagement de seuils ralentisseurs, etc.), retenir les
particules fines en aménageant des zones d’atterrissement et de décantation, positionner les exutoires en
intégrant les enjeux environnementaux et sociétaux identifiés en aval, sont des opérations essentielles
pour pérenniser les actions de réhabilitation. Un Plan de Gestion des Eaux de ruissellement décrit et
positionne, pour chaque mine, tous les aménagements et ouvrages prévus et réalisés par bassin versant
minier.

Le cheminement de l’eau sur les différentes surfaces de la mine est maîtrisé par un jeu de pentes et
contre pentes des plateformes, des banquettes, des carrières et des verses, des pistes, etc. Il alimente
deux grands types d’ouvrages de gestion des eaux : i) des ouvrages dits de transit, qui collectent et
dirigent les eaux vers d’autres ouvrages ou bien les restituent au milieu naturel (cassis, fossés, caniveaux,
buses...), ii) des ouvrages de rétention qui recueillent les eaux de ruissellement et assurent deux
fonctions : la décantation des particules fines charriées et l’écrêtage des débits de crue. De façon
générale, les ouvrages de transit sont dimensionnés pour un événement pluviométrique de période de
retour centennale et s'accompagnent d’une revanche constituant une sécurité supplémentaire. Sur un site
en exploitation récente, les pratiques minières mises en œuvre appliquent les préconisations de la «
charte des bonnes pratiques minières » dont l'objectif est d’approcher d’une capacité de rétention
correspondant au volume d’eau d’une précipitation ayant une durée de 2 heures et de récurrence 2 ans.
Pour achever la préparation des surfaces, toute une panoplie d’ouvrages complémentaires d’ingénierie
écologique, mêlant petit génie civil (merlons, enrochements) et génie biologique (fascines et clayons,
géotextiles biodégradables) sont mis en œuvre pour stabiliser et limiter l’érosion hydrique sur les zones
à revégétaliser (Fig.2). Des seuils en rondins de bois local sont positionnés transversalement dans les
ravines entaillant profondément les versants latéritiques pour contribuer à stabiliser le profil en long de
la ravine et favoriser la reprise de la végétation.
Depuis une dizaine d’années, le Fonds Nickel a poursuivi la réhabilitation d’anciens sites dont
l’exploitation s’est arrêtée dans les années 1970 en apportant une réponse novatrice pour ne pas ré-ouvrir
des pistes d’accès lorsque la végétation a repris ses droits. Les travaux sont alors réalisés sans engins
mécanisés et privilégient des petits ouvrages de génie civil et de génie biologique réalisés manuellement
(Fig.3).
Les travaux sont effectués en concertation étroite avec les populations alentour et impliquent
systématiquement les habitants des tribus impactées.

Figure 2 : Mine SLN de Sireis, en cours de


réaménagement ©F. Bailly, CNRT

Le choix de la restauration écologique


En Nouvelle-Calédonie, à partir des années 1990, la restauration écologique s’est imposée comme la
voie essentielle de réhabilitation des substrats dits « miniers ». En effet, les contraintes édaphiques sont
telles qu’elles limitent l’utilisation des espèces exotiques, souffrant de la toxicité du substrat et de sa
faible fertilité, alors même que les espèces natives, endémiques pour la plupart, peuvent s’y développer
durablement. Mais, outre cette « obligation pratique », il s’agit également de réparer des pertes causées
à des milieux de haute valeur écosystémique. Cette option rejoint la tendance des différents travaux à
l’échelle internationale, présentant la restauration écologique comme quasiment la seule approche de
réhabilitation des milieux qui soit viable à long terme. Ainsi, comme le préconise la SER (Society for
Ecological Restoration), un écosystème de référence, identifié en amont du projet de révégétalisation
par les premiers diagnostics du terrain (McDonald et al., 2016), représente « l’ambition » de la
restauration. Il servira pour l'évaluation de la réussite de l’opération à long terme.
Mais pour réaliser cette ambition, il devient nécessaire de mettre en place une filière locale de production
de matériel végétal puisque les espèces utilisées ne sont pas disponibles dans le commerce international.
Il convient également de mettre au point des techniques spécifiques de préparation des sols et de
végétalisation pour surmonter les difficultés intrinsèques de ces milieux et atteindre les objectifs de la
restauration écologique.
La production du matériel végétal
Depuis les années 1990 et les premiers essais de végétalisation avec des espèces natives (Encart 1), les
plantes sont produites à partir de graines collectées dans le milieu naturel ou issues de boutures. Des
mini-filières se sont créées au voisinage des sites miniers et impliquent des associations locales de
collecteurs et de petites pépinières artisanales approvisionnant les compagnies minières ou des
prestataires de végétalisation.
La question de l’approvisionnement en graines depuis leur collecte jusqu’à leur utilisation est un élément
essentiel de la réussite de la restauration écologique. Des études sont menées conjointement par l’IAC 5
et l’UNC6 sur les modes de dispersion des semences, la phénologie, les périodes optimales de collecte,
les conditions germinatives (levées de dormance), la tolérance à la dessiccation des graines ainsi que les
techniques de conservation. Au fur et à mesure de l’acquisition des connaissances, des fiches d’itinéraire
de production sont éditées pour aider les pépiniéristes et opérateurs de végétalisation et favoriser
l’emploi de ces espèces. Bien que le nombre d’espèces végétales produites par germination ait augmenté
(plus d’une centaine à ce jour dont une trentaine d’espèces natives pionnières couramment utilisées en
végétalisation), des progrès peuvent encore être fait au regard des 2100 plantes vasculaires recensées
sur milieux ultramafiques (L’Huillier et al. 2010 ; Isnard et al., 2016), en particulier concernant les
espèces attractives pour la faune des disperseurs encore trop peu utilisées.
En parallèle, l’accroissement massif des besoins en graines ces dernières années, surtout liés à l’usage
du semis hydraulique, et le besoin d’améliorer et de contrôler les lots de graines produites, impose peu
à peu la mise en place de champs semenciers et de vergers à graines pour répondre au défi d’une
restauration à grande échelle. Bien que des progrès restent à réaliser dans ce domaine, quelques travaux
scientifiques ont ouvert des pistes à suivre (Lagrange 2009) et de plus en plus de champs semenciers
sont implantés sur site par les opérateurs miniers.
La végétalisation
Les opérations de végétalisation restent néanmoins complexes et nécessitent la prise en compte de
nombreux facteurs dont dépendent grandement les résultats obtenus : la provenance géographique des
graines utilisées pour respecter la diversité génétique qui peut varier d’un massif minier à l’autre, le
choix des espèces à implanter en fonction des caractéristiques du milieu, le choix des techniques à mettre
en œuvre en fonction de la morphologie et de l’accessibilité des sites.
Les espèces sont choisies en respectant leurs conditions naturelles d’habitat (altitude et biogéographie)
et leur place dans la succession écologique depuis un milieu ouvert (zone nue ou maquis ouvert) jusqu’à
un milieu plus fermé de type maquis haut ou forestier (Jaffre & Pelletier 1992 ; L’Huillier et al. 2010 ;
Ititiaty et al. 2020). Ainsi, sont favorisées les espèces pionnières sur sol dénudé et les espèces
cicatricielles pour la restauration des lisières forestières. Les plantations se font en mélange d’une
vingtaine d’espèces minimum, dont aucune n’excédera 20% en nombre, en veillant à introduire des
espèces reconnues pour leur capacité à développer des symbioses fongiques ou avec des bactéries
fixatrices d’azote (Fig.3), mais aussi des espèces ayant de bonnes capacités de dispersion de leurs graines
(par les animaux notamment).
Sur ces substrats de très faible fertilité, l’utilisation de l’horizon de surface ou topsoil, découvert
séparément des stériles miniers, améliore considérablement les résultats de la végétalisation (Amir et
al., 2018) en apportant en une seule opération l’essentiel des éléments nécessaires pour reconstituer un
sol et permettre le retour de la végétation et de la faune naturelle. Ainsi, selon Bordez et al. (2018), sa

5
IAC : Institut Agronomique néo-Calédonien
6
UNC : Université de la Nouvelle-Calédonie
bonne utilisation permet de rétablir, en moyenne, entre 10 et 30 % (environ 8 à 25 espèces avec une
densité de 2 à 6 plants par mètre carré) et jusqu’à 50 % dans les cas très favorables, de la diversité
floristique initiale. Ce topsoil fait donc l’objet d’un soin particulier durant son décapage, son stockage
et sa mise en place qui doit respecter certaines règles et se réaliser en saison chaude avant les premières
pluies.
Viennent ensuite les opérations de plantation et de semis qui peuvent se combiner sur les mêmes surfaces
suivant la stratégie de végétalisation adoptée.
La plantation manuelle
La plantation manuelle est la technique de restauration la plus pratiquée sur les mines en Nouvelle-
Calédonie. Elle est réalisée de décembre à juin quand les conditions d’ensoleillement et d’humidité sont
optimales pour la reprise des jeunes plants sur les banquettes, petits talus ou surfaces accessibles. Une
des contraintes majeures de cette pratique est l’irrégularité de production à grande échelle des espèces
ciblées en raison du manque de maîtrise des itinéraires techniques de production (phénologie,
germination, durée de culture) de la majorité des opérateurs. Cette technique permet une implantation
plus rapide des espèces choisies.
Les deux types de semis
Deux types de semis sont pratiqués en Nouvelle-Calédonie : le semis hydraulique (hydroseeding), le
plus fréquent, et le semis manuel (dryseeding), peu pratiqué. Selon la nature du substrat et sa sensibilité
à l’érosion, les surfaces à traiter peuvent être recouvertes au préalable d’un géotextile tissé de type toile
de jute ou de coco. Les mélanges de graines et d’adjuvants de semis sont adaptés au cas par cas aux
conditions du milieu et à la disponibilité des semences. Si l’épandage manuel ne peut se faire que sur
une courte distance de l’ordre de 1 à 2 mètres et nécessite davantage de manutention, une plus grande
diversité d’espèces (jusqu’à 40 espèces) peut être utilisée, y compris celles aux graines fragiles ou de
grande taille. Le semis hydraulique, quant à lui, est plutôt pratiqué sur de vastes zones plus pentues et
difficiles d'accès, avec une capacité de projection jusqu’à 400 m de distance en aval du camion et
l’utilisation d’une vingtaine d’espèces à graines robustes et de préférence de petite taille. Depuis
quelques années, les traitements pré-germinatifs permettent d’accélérer la levée des semis sur certains
groupes de Cypéracées et des expérimentations prometteuses d’enrobage argileux des graines avec
fertilisants, amendements organiques et mycorhizes sont en cours (bombes de graines).

Figure 3 : (a) Restauration d’une mine orpheline (petits ouvrages de stabilisation et de gestion des eaux
et plantations d’espèces natives) réalisée sans moyens mécanisés (chantier TAO3 du Fonds Nickel)
©Fonds Nickel et (b) Plantations sur la mine de Kouaoua avec régalage de topsoil et intégration
d’espèces fixatrices d’azote, ici Serianthes calicina, en mélange avec d’autres espèces pionnières
natives, dont certaines sont connues comme étant des hyperaccumulatrices d’éléments traces
métalliques ©F. Bailly, CNRT.
Les progrès à réaliser
L’optimisation des différentes opérations qui viennent d’être décrites est une préoccupation de
l’ensemble des acteurs du secteur minier. De nombreux progrès restent à réaliser pour améliorer encore
l’efficacité et la complétude de la réhabilitation des sites.
En matière de restauration écologique, les pistes d’amélioration concernent différents aspects tels qu’un
traitement différencié des surfaces pour davantage prendre en compte ce que la nature peut apporter
spontanément. En particulier, optimiser l’utilisation du topsoil et mieux intégrer la notion de continuité
écologique dans les projets de végétalisation s’avère payant, autant en matière écologique
qu’économique. Différents travaux ont souligné l’importance de conserver des îlots de biodiversité
(maquis ou forêt) ou d’en recréer au sein des terrains exploités, la distance entre les zones revégétalisées
et la végétation naturelle étant un facteur important de la diversification des espèces au sein
d’écosystème en formation (Ititiaty et al., 2020 ; Carriconde et al., 2020). Aussi une vision paysagère se
doit d’être adoptée avec une intégration des principes de continuités écologiques, en particulier
l’utilisation des “pas japonais” qui apparaissent aujourd'hui comme les plus adaptés (Fig. 4). De même,
le rôle des microorganismes (mycorhizes et bactéries) est de plus en plus reconnu (Amir et al. 2019;
Carriconde et al. 2019, Crossay et al., 2019) et leur utilisation systématique devrait permettre une
amélioration significative des résultats en plantation comme en semis. La recherche d’indicateurs de
réussite est une préoccupation constante et plusieurs pistes ont été étudiées ces dernières années, utilisant
classiquement ce qui se voit, c’est-à-dire la végétation et les paramètres d’évolution de l’écosystème
recréé (Amir et al. 2018), comparativement à un écosystème de référence (Ititiaty, 2019) ou bien par le
biais de rapports d’abondance entre certains groupes microbiens présents dans les substrats en
restauration (Carriconde et al. 2019). La difficulté réside principalement dans le fait que l’indicateur ou
le jeu d’indicateurs proposé doit refléter la complexité de la dynamique de la restauration, tout en étant
facilement utilisable dans la pratique par les opérateurs.
Enfin, l’amélioration profonde de la filière “graine” est nécessaire pour permettre la production du
matériel végétal en quantité et en qualité et satisfaire la demande croissante.

Figure 4 : Illustration de la
méthode dite des « pas japonais »,
utilisant du topsoil (en orange) et
des plantations avec ou sans
topsoil (en vert foncé) et évolution
dans le temps vers la restauration
des connectivités écologiques
Illustrations de P. Loslier : A
gauche en plan, à droite en coupe,
d’après Y. Ititiaty, 2019.

Au niveau stratégique, des réflexions ont été initiées depuis quelques années pour diversifier la vocation
donnée aux surfaces en fonction de leurs caractéristiques. Si l’option majeure reste celle de la
restauration écologique pour réintégrer la majorité des surfaces dans leur environnement naturel et
respecter au mieux la biodiversité de ces milieux, s’orienter vers d’autres vocations pour certaines zones
les plus accessibles, peut venir compléter le panel des actions à envisager (parcelles de production
forestière, vergers pour la phyto-extraction métallique, champs semenciers, ferme solaire, etc…).
Encart 1 : Les pionniers de la revégétalisation des mines en Nouvelle-Calédonie
Jusqu’à la fin des années 1980, les travaux de reconstitution du couvert végétal des sites miniers se
limitent essentiellement à l’utilisation de deux espèces ligneuses locales (Acacia spirorbis et
Casuarina collina) identifiées à l’issue d’expérimentation menées dans les années 1970 par le CTFT7
et l’ORSTOM8. Il faut attendre le début des années 1990 pour voir la stratégie évoluer sous
l’impulsion de deux personnalités : Tanguy Jaffré, botaniste à
l’ORSTOM (aujourd’hui IRD) et spécialiste de la flore de
Nouvelle Calédonie et Bernard Pelletier, géologue à la SLN et
naturaliste passionné. Leur idée est simple : identifier les espèces
pionnières endémiques qui s’implantent spontanément sur les
anciennes mines, en assurer la production en pépinière et la
réintroduction par plantation ou ensemencement hydraulique.
Après quelques années de recherches sur le terrain (inventaire des
espèces pionnières) et en laboratoire (germination, bouturage,
croissance …) en partie financées par la SLN, les résultats sont au
rendez-vous et jettent les bases de la restauration moderne.
Ce travail collectif, fruit de l’engagement de deux partenaires,
scientifique et industriel, a été mis à la disposition de tous au
travers d’un fascicule édité à la fin 1992 (Jaffré et Pelletier, 1992)
qui a constitué une avancée majeure pour la prise en compte de la
biodiversité et ouvert la voie aux travaux de recherche ultérieurs
sur la végétalisation des sites miniers.

Encart 2 : Le Fonds Nickel et le passif minier


L’établissement public administratif Fonds Nickel a été créé en 2009, suivant les recommandations
du « Schéma de mise en valeur des richesses minières de la Nouvelle Calédonie ». Il a repris les
activités de deux types de fonds existant antérieurement :
- Les comités de réhabilitation des sites miniers (CRSM) portés par les communes depuis plus
de 20 ans, qui avaient en charge la réhabilitation des zones dégradées par l’activité minière
avant 1975 et dont le financement était assuré par des dispositions fiscales spécifiques
(Délibération n°104 du 20 avril 1989). Ce dispositif fiscal a permis de financer une douzaine
de Fonds communaux de l’environnement. Le Fonds Nickel a poursuivi et complété les
actions menées à travers une programmation pluriannuelle de réhabilitation (PPR) et un plan
pluriannuel d’intervention (PPI) pour la gestion du sur-engravement des cours d’eau
directement liés à l’exploitation minière avant 1975. Cette remédiation est partagée avec les
sociétés minières dans le cadre de leur arrêté d’exploitation.
- Le soutien en cas de crise économique du secteur minier porté précédemment par le « Fonds
pour le soutien conjoncturel au secteur minier ».
Une troisième mission du Fonds Nickel n’est encore pas mise en œuvre actuellement, celle de
subventionner, dans la limite des financements disponibles, les organismes poursuivant un but
d’intérêt général et participant au financement d’actions ou de placements constitués au profit des
générations futures de la Nouvelle-Calédonie.
Les ressources du Fonds Nickel proviennent d’une subvention initiale exceptionnelle (environ 1,7
milliards de francs CFP), reliquat du Fonds pour le soutien conjoncturel au secteur minier additionnée

7
CTFT : Centre Technique Forestier Tropical, un des organismes précurseurs du CIRAD, Centre de
coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement depuis 1984
8
ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer, devenu en 1998 l’IRD, l’Institut de
Recherche pour le Développement
du produit de la redevance superficiaire dont s’acquittent annuellement les titulaires de concessions
minières (environ 250 millions de francs CFP par an).
En 11 ans d'existence, le Fonds Nickel a mobilisé 2,7 milliards de Francs CFP, dont 72% (soit 1,9
milliards) ont été consacrés à des travaux de réhabilitation d’anciennes mines et à la remédiation du
passif minier dans les cours d’eau, 18% ont été apportés en soutien aux PME minières en période de
crise (prise en charge des cotisations), les dépenses de fonctionnement représentant les 10% restants.

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