2012 Algebre 3 Complet PDF
2012 Algebre 3 Complet PDF
2012 Algebre 3 Complet PDF
Université du Luxembourg
Gabor Wiese
gabor.wiese@uni.lu
Préface
L’objet principal du cours sera l’étude des extensions algébriques des corps commutatifs. En par-
ticulier, la théorie de Galois sera développée et appliquée. Elle permet entre autres de démontrer que
l’équation générale de degré au moins 5 ne peut pas être résolue en radicaux et de résoudre (parfois
de manière négative) plusieurs problèmes classiques (provenant des anciens Grecs) de construction à
la règle et au compas comme la trisection d’un angle et la quadrature du cercle.
Au début du cours nous allons finir le traitement de la réduction de Jordan d’une matrice com-
mencé avant l’été.
Littérature
Voici quelques références sur la théorie de Galois en français :
– Jean-Pierre Escoffier : Théorie de Galois
– Jean-Claude Carrega : Théorie des corps, la règle et le compas
– Antoine Chambert-Loir : Algèbre corporelle
– Yvan Gozard : Théorie de Galois
– Patrice Tauvel : Corps commutatifs et théorie de Galois
– Josette Calais : Extension de corps, théorie de Galois
– Evariste Galois : le texte original !
Voici quelques d’autres références :
– Siegfried Bosch : Algebra (en allemand), Springer-Verlag. Ce livre est très complet et bien
lisible.
– Ian Stewart : Galois Theory. Ce livre est bien lisible. Le traitement de la théorie de Galois dans
le cours sera un peu plus général puisque Stewart se restreint dans les premiers chapîtres aux
sous-corps des nombres complexes.
– Serge Lang : Algebra (en anglais), Springer-Verlag. C’est comme une encyclopédie de l’al-
gèbre ; on y trouve beaucoup de sujets rassemblés, écrits de façon concise.
1
1 RÉDUCTION DE JORDAN 2
1 Réduction de Jordan
Nous commençons ce cours par la réduction de Jordan que nous avons bien préparée le semestre
précédent, mais, pas encore finie. Rappelons d’abord les définitions et résultats principaux déjà mis
en place avant l’été. Dans toute cette section, soit K un corps commutatif.
Le théorème suivant est souvent appellé théorème fondamental sur les matrices, ce qui montre son
rôle fondamental : il dit que – après un choix de bases (pas oublier ! !) – chaque application linéaire
peut être décrite de façon unique par une matrice, et que, réciproquement, chaque matrice – encore
pour un choix de bases fixé – définit une application linéaire.
Un mot sur les notations : contrairement à l’usage au semestre précédent, je noterai les bases main-
tenant avec des parenthèses, S = (v1 , . . . , vn ), et non avec des accolades car la forme des matrices
dépend de l’ordre des vecteur. Mais, maintenant il faut se méfier de ne pas confondre S avec un vecteur
(qui est aussi noté avec des parenthèses). Si nous avons deux sous-espace W1 et W2 d’un espace vec-
toriel V avec des bases S1 = (v1 , . . . , vn ) et S2 = (w1 , . . . , wm ), on notera (v1 , . . . , vn , w1 , . . . , wm )
quand-même par S1 ∪ S2 .
Théorème 1.1. Soient V, W deux K-espaces vectoriels de dimensions finies n et m. Rappellons
que nous notons HomK (V, W ) l’ensemble de toutes les applications ϕ : V → W qui sont K-
linéaires. Soient S = (v1 , . . . , vn ) une K-base de V et T = (w1 , . . . , wm ) une K-base de W . Pour
ϕ ∈ HomK (V, W ) et 1 ≤ i ≤ n, le vecteur ϕ(vi ) appartient à W , alors, on peut l’exprimer en tant
que combinaison K-linéaire des vecteurs dans la base T ainsi :
m
X
ϕ(vi ) = aj,i wj .
j=1
Démonstration. La preuve n’est qu’un calcul assez simple et a été donnée avant l’été. Elle fait partie
de celles que chaqu’un(e) devrait pouvoir reproduire. Alors, c’est le cas ?
Dans le reste de cette section nous nous intéressons au cas spécial W = V . Une application
K-linéaire ϕ : V → V est aussi appellée endomorphisme et nous écrivons
Vous avez déjà vu beaucoup d’exemples, en algèbre linéaire et en algèbre 2 avant l’été. Rappellons
quand-même une formulation équivalente de la diagonalisabilité (qui explique le nom).
Proposition 1.3. Soit ϕ ∈ EndK (V ) et Spec(ϕ) = {a1 , . . . , ar }. Les assertions suivantes sont
équivalentes :
(i) ϕ est diagonalisable.
(ii) Il existe une base S de V t.q.
a1 0 0 0 0 0 0 0 0 0
..
0 . 0 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 a1 0 0 0 0 0 0 0 0
0 0 0 a2 0 0 0 0 0 0 0
..
0 0 0 0 . 0 0 0 0 0 0
0 0 0 0 0 a2 0 0 0 0 0
MS,S (ϕ) = .
..
0 0 0 0 0 0 . 0 0 0 0
..
0 0 0 0 0 0 0 . 0 0 0
0 0 0 0 0 0 0 0 ar 0 0
..
0 0 0 0 0 0 0 0 0 . 0
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 ar
Démonstration. « (i) ⇒ (ii) » : Pour chaque 1 ≤ i ≤ r nous choisissons (par exemple, en la calculant)
une base Si de Eϕ (ai ) et posons S = S1 ∪ S2 ∪ · · · ∪ Sr . Puisque ϕ est diagonalisable, V est la somme
directe des Eϕ (ai ) ; ceci ne dit rien d’autre que S est une base de V . La forme diagonale de la matrice
provient immédiatement du théorème fondamental sur les matrices 1.1.
« (ii) ⇒ (i) » : Ecrivons S = (v1 , . . . , vn ) et ei pour le nombre de fois que ai apparaît sur la
diagonale. Alors, Eϕ (a1 ) est le sous-espace de V engendré par les premiers e1 vecteurs de S ; ensuite,
Eϕ (a2 ) est le sous-espace de V engendré par les prochains e2 vecteurs de S, etc. Ceci montre que V
est bien la somme directe des Eϕ (ai ) pour 1 ≤ i ≤ r.
Définition 1.4. – Soit M ∈ Matn×n (K) une matrice. Le polynôme caractéristique de M est
défini comme
carM (X) := det X · idn − M ∈ K[X].
– Soit ϕ ∈ EndK (V ). Le polynôme caractéristique de ϕ est défini comme
Avant l’été nous nous sommes convaincues que carϕ ne dépend pas du choix de la base S. Nous
avons aussi vu plusieurs exemples que nous n’allons pas répeter ici.
Proposition 1.5. Spec(ϕ) = {a ∈ K | carϕ (a) = 0} = {a ∈ K | (X − a) | carϕ (X)}.
Démonstration. C’est facile, n’est-ce pas ?
A part le polynôme caractéristique nous avons également introduit le polynôme minimal dont
on rappelle aussi la définition. On se souvient qu’on a démontré que K[X] est un anneau euclidien
(pour la division euclidienne de polynômes, c’est à dire « avec reste »), alors, comme on l’a démontré
également, K[X] est un anneau principal : chaque idéal est principal, c’est à dire, peut être engendré
par un seul élément. Nous allons utiliser ce fait maintenant.
P
Définition-Lemme 1.6. (a) Soit M ∈ Matn×n (K) une matrice. Si f (X) = di=0 ai X i ∈ K[X]
P
est un polynôme, alors nous posons f (M ) := di=0 ai M i , ce qui est encore une matrice dans
M atn×n (K).
(b) L’application « evaluation »
Le polynôme caracteristique carM (X) et le polynôme minimal mM (X) sont liés par le théorème
de Cayley-Hamilton.
Notez que la matrice X · idn − M est à coefficients dans l’anneau des polynômes K[X]. Mais, il
est facile de vérifier que la propriété principale des matrices adjointes que nous venons d’utiliser est
valable pour chaque anneau commutative et pas seulement pour R, le cas pour lequel vous avez vu la
preuve en algèbre linéaire.
La définition de la matrice adjointe montre que la plus grande puissance de X qui peut apparaître
dans un coefficient de la matrice (X · idn − M )adj est n − 1. Nous pouvons alors écrire cette matrice
en tant que polynôme de degré n − 1 à coefficients dans Matn×n (K) :
n−1
X
(X · idn − M )adj = Bi X i avec Bi ∈ Matn×n (K).
i=0
Pn i
Nous écrivons carM (X) = i=0 ai X et reprenons l’équation (1.1) :
n
X n−1
X
i
carM (X) · idn = ai · idn · X = Bi X i (X · idn − M )
i=0 i=0
n−1
X n−1
X
= (Bi X i+1 − Bi M X i ) = −B0 M + (Bi−1 − Bi M )X i + Bn−1 X n .
i=0 i=1
La propriété carM (M ) = 0n montre que carM (X) est dans le noyau de evM de 1.6, alors mM (X)
divise carM (X), car mM (X) est un générateur de l’idéal principal ker(evM ).
M1 := ( 10 01 ) , M2 := ( 10 11 ) , M3 := ( 10 691
1 ).
Avant la preuve, un petit mot sur la notation : f (ϕ) est une application K-linéaire V → V , alors
on peut l’appliquer à un vecteur v ∈ V . Notre notation pour ceci c’est : f (ϕ)(v) ou bien f (ϕ)v.
Notez les rôles distincts des deux paires de paranthèses dans la première expression. On pourrait aussi
l’écrire (f (ϕ))(v), mais, je trouve cette écriture un peu lourde.
1 RÉDUCTION DE JORDAN 7
Démonstration. (a) Nous savons que le noyau de chaque application K-linéaire est un sous-espace.
P P
Ecrivons f (X) = di=0 ai X i . Soit alors w ∈ W , i.e. f (ϕ)w = di=0 ai ϕi (w) = 0. Nous calculons
d
X d
X d
X
f (ϕ)(ϕ(w)) = ai ϕi (ϕ(w)) = ai ϕi+1 (w) = ϕ ai ϕi (w) = ϕ(0) = 0.
i=0 i=0 i=0
ce qui montre le premier point. Pour le deuxième soit w ∈ W . L’équation qu’on vient d’utiliser s’écrit
comme
w = w2 + w1 avec w2 := a(ϕ)f (ϕ)w et w1 := b(ϕ)g(ϕ)w.
Mais, on a
f (ϕ)(w1 ) = b(ϕ)f (ϕ)g(ϕ)w = b(ϕ)0 = 0 ⇒ w1 ∈ W1
et
g(ϕ)(w2 ) = a(ϕ)f (ϕ)g(ϕ)w = a(ϕ)0 = 0 ⇒ w2 ∈ W2 ,
achevant la démonstration.
Théorème 1.10 (Décomposition spectrale). Soit ϕ ∈ EndK (V ) avec polynôme minimal mϕ (X) =
f1e1 (X) · f2e2 (X) · . . . · frer (X) où les polynômes fi (X) sont irréductibles (ce sont alors des éléments
premiers dans l’anneau principal K[X]) et premiers entre eux, c’est à dire pgcd(fi , fj ) = 1 pour
tout 1 ≤ i < j ≤ n (si l’on normalise les fi , alors la condition ne revient qu’à dire que les polynômes
sont distincts). Posons Wi := ker(fi (ϕ)). Alors, les assertions suivantes sont vraies.
L
(a) V = ri=1 Wi .
(b) Si l’on choisit une base Si du sous-espace Wi pour 1 ≤ i ≤ r, alors S = S1 ∪ S2 ∪ · · · ∪ Sr est
une base de W pour laquelle on a :
M1 0 0 ... 0
0 M2 0 ... 0
. .. .. ..
MS,S (ϕ) = .. . . .
0 ... 0 Mr−1 0
0 ... 0 0 Mr
Le cas le plus important pour nous est celui où fi (X) = X − ai avec ai 6= aj pour i 6= j (ce
qui implique que les fi sont irréductibles et distincts). La décomposition spectrale n’est en fait qu’un
pas (décisif !) vers la réduction de Jordan. Nous voyons dans la prochaine propostion aussi son utilité
pour la diagonalisation. Pour l’instant nous illustrons l’effet de la décomposition spectrale à l’aide
d’un exemple. Avant cela, il peut être utile de se rappeller comment appliquer les résultats pour les
applications linéaire ϕ aux matrices.
MS,S (ϕ) = C −1 M C
(comme nous l’avons vu avant l’été). Pour être encore un peu plus concret, rappellons comment
écrire la matrice C. Si S = (v1 , . . . , vn ) et les vecteurs vi sont donnés en coordonnées pour la base
standarde, alors la i-ième colonne de C est juste le vecteur vi .
Alors, la décomposition spectrale peut être utilisée pour calculer une matrice semblable (par
définition, deux matrices A, B sont semblables si l’une est une conjugée de l’autre : il existe une
matrice inversible C telle que B = C −1 AC) à M de la jolie forme du théorème.
1 2 3
Exemple 1.12. Soit M := 0 1 4 à coefficients dans Q. Le polynôme caractéristique est (X −
0 0 5
2
1) (X − 5). Il est clair que ker(M − 5 · id3 ) est de dimension 1 ; c’est à dire que 5 est une valeur
propre de multiplicité 1 (par définition : son espace propre est de dimension 1). Sans calcul il est clair
que dim ker((M − id3 )2 ) = 3 − 1 = 2.
Le théorème 1.10 implique l’existence d’une matrice C telle que
1 x 0
C −1 · M · C = 0 1 0
0 0 5
Le polynôme minimal nous permet de donner encore une autre caractérisation de la diagonalisa-
bilité :
1 RÉDUCTION DE JORDAN 9
Démonstration. (a) La deuxième égalité est claire : en utilisant la division euclidienne on voit qu’un
a ∈ K est un zéro d’un polynôme f ∈ K[X] si et seulement si X − a divise f (X). Pour voir
la première égalité supposons d’abord (X − a) ∤ mϕ (X). De cela nous déduisons que (X − a) et
mϕ (X) sont premiers entre eux, ce qui nous permet (par l’algorithme d’Euclide/Bézout) de trouver
b, c ∈ K[X] tels que 1 = b(X)(X − a) + c(X)mϕ (X). Soit maintenant v ∈ V t.q. ϕ(v) = av. Nous
avons
v = idV v = b(ϕ)(ϕ(v) − av) + c(ϕ)mϕ (ϕ)v = 0 + 0 = 0,
alors a 6∈ Spec(ϕ).
Supposons maintenant (X − a) | mϕ (X) ce qui nous permet d’écrire mϕ (X) = (X − a)g(X)
pour un g ∈ K[X]. Puisque le degré de g est strictement plus petit que celui de mϕ (X), il doit y avoir
un v ∈ V tel que w := g(ϕ)v 6= 0 (sinon, le polynôme minimal mϕ (X) serait un diviseur de g(X)
ce qui est absurde). Nous avons alors
(ϕ − a)w = mϕ (ϕ)v = 0,
alors a ∈ Spec(ϕ).
(b) On écrit Spec(ϕ) = {a1 , . . . , ar }.
« (i) ⇒ (ii) » : On choisit une base S telle que M := MS,S (ϕ) est diagonale (voir la pro-
Q
position 1.3). Un calcul très simple montre que ri=1 (M − ai ) = 0n . Alors, mϕ (X) est un di-
Qr
viseur de i=1 (X − ai ). Mais, (a) montre que pour chaque i on a (X − ai ) | mϕ (X). Donc,
Q
mϕ (X) = ri=1 (X − ai ) (les deux polynômes sont normalisés).
« (ii) ⇒ (i) » : On applique la décomposition specrale 1.10 et il suffit de noter que les matrices Mi
sont diagonales car Wi = Eϕ (ai ) est l’espace propre pour la valeur propre ai .
Il est utile de remarquer que les propositions 1.5 et 1.13 (a) disent que carϕ (X) et mϕ (X) ont les
mêmes facteurs de degré 1.
1 0 2
Exemple 1.14. Considérons la matrice M := 0 1 3 à coefficients dans Q. Son polynôme
0 0 4
minimal est (X − 1)(X − 4), alors, elle est diagonalisable.
(Pour obtenir le polynôme minimal il suffit de voir que l’espace propre pour la valeur propre 1 est
de dimension 2.)
Nous avons vu dans la proposition 1.3 que les matrices diagonalisables sont semblables à des ma-
trices diagonales. L’utilité d’une matrice diagonale pour des calculs est évidente. Malheureusement,
les matrices ne sont pas toutes diagonalisables. Notre but maintenant est de choisir une base S de V
de façon que MS,S (ϕ) ait une forme « simple, jolie et élégante » et le plus proche possible de la forme
diagonale.
1 RÉDUCTION DE JORDAN 10
Nous avons aussi vu que la décomposition spectrale 1.10 nous donne une forme diagonale « en
blocs ». Notre but pour la réduction de Jordan sera de rendre les matrices dans les blocs le plus simple
possible.
Nous présentons la réduction de Jordan (la forme normale de Jordan) d’un point de vue algorith-
mique. Les preuves peuvent être abrégées un peu si on travaille sans coordonnées, mais, dans ce cas,
le calcul de la réduction n’est pas clair.
Nous posons :
ve := v,
ve−1 := (ϕ − a · id)(v),
...
v2 := (ϕ − a · id)e−2 (v),
v1 := (ϕ − a · id)e−1 (v).
ϕ(v1 ) = av1 ,
ϕ(v2 ) = v1 + av2 ,
ϕ(v3 ) = v2 + av3 ,
...,
ϕ(ve ) = ve−1 + ave .
Démonstration. (a) Notez que la plus grande puissance de ϕ qui apparaît dans la définition d’un des
P
vi est égale à e − 1. Une combinaison linéaire non-triviale de la forme 0 = ei=1 αi vi se réécrit alors
sous la forme g(ϕ)(v) = 0 avec un polynôme 0 6= g(X) ∈ K[X] de degré au plus e − 1. Comme le
polynôme minimal de ϕ est de degré e, nous obtenons une contradiction.
1 RÉDUCTION DE JORDAN 11
Nous voulons décomposer V en blocs de la forme du lemme précédent. Ceci se fait par le prochain
lemme. Il est assez technique et un peu formel, mais, il fait précisement ce qui nous faut : Supposons
que nous avons déjà trouvé des sous-espaces W1 , . . . , Wr ≤ V tels que W1 ⊕ · · · ⊕ Wr V et des
bases Si de Wi telles que les matrices MSi ,Si (ϕ|Wi ) soit de la forme « jolie » du lemme 1.15 (dans
le prochain lemme on aura Wi = hxi iϕ ). Le but du prochain lemme est de construire un sous-espace
Wr+1 (c’est hỹiϕ ) tel que les mêmes propriétés restent vraies pour les r+1 sous-espaces. Ce processus
pourra être continué pour nous mener à la réduction de Jordan. La construction de ỹ est très explicite
et assez facile à vérifier, mais, un peu technique.
Nous savons par le lemme 1.15 que, pour tout 1 ≤ i ≤ r, le sous-espace hxi iϕ possède la base
(c) Soient k comme dans (a) et αi,j comme dans (b). On pose
r eX
X i −1
Alors,
– (ϕ − a · id)k (ỹ) = 0 et (ϕ − a · id)k−1 (ỹ) 6= 0,
– hỹiϕ ∩ X = 0 et, en conséquence,
– hx1 iϕ ⊕ hx2 iϕ ⊕ · · · ⊕ hxr iϕ ⊕ hỹiϕ est un K-sous-espace de V .
1 RÉDUCTION DE JORDAN 12
Démonstration. (a) Il est clair que ϕ induit un endomorphisme. Comme (ϕ − a · id)ei (y) = 0, le
polynôme minimal recherché doit être un diviseur de (X − a)ei , d’où l’assertion.
(b) En écrivant (ϕ − a · id)k (y) dans la base S, on obtient
r eX
X i −1
k
(ϕ − a · id) (y) = αi,j (ϕ − a · id)j (xi ).
i=1 j=1
Il faut donc montrer αi,j = 0 pour tout 0 ≤ j ≤ k − 1. On agit des deux côtés par (ϕ − a · id)d−k où
d est le minimum des ei et on obtient
r ei −1−(d−k)
X X
0= αi,j (ϕ − a · id)d−k+j (xi ).
i=1 j=1
Puisque tous les coefficients du vecteur zéro dans chaque base sont égaux à zéro, il en suit que αi,j = 0
si j ≤ ei − 1 − (d − k) = k − 1 + (ei − d). Puisque d ≤ ei , on a, en particulier, αi,j = 0 si j ≤ k − 1,
comme requis.
(c) L’égalité de (b) se réécrit comme
r eX
X i −1
(ϕ − a · id)k (y) = (ϕ − a · id)k αi,j (ϕ − a · id)j−k (xi ) = (ϕ − a · id)k (y − ỹ),
i=1 j=k
d’où
(ϕ − a · id)k (ỹ) = 0. (1.2)
Soit f (X) ∈ K[X] tel que f (ϕ)(ỹ) ∈ X. Il en suit que f (ϕ)(y) ∈ X car la différence ỹ − y
est dans X. Par (a), (X − a)k divise f (X). Alors, par l’équation (1.2) on a f (ϕ)(ỹ) = 0, donc
hỹiϕ ∩ X = 0.
Pour finir, supposons que (ϕ − a · id)k−1 (ỹ) = 0. Par le même argument on en déduit que
(ϕ − a · id)k−1 (y) ∈ X ce qui contredit le choix de k fait dans (a) ; alors, (ϕ − a · id)k−1 (ỹ) 6= 0.
Théorème 1.17 (Réduction de Jordan). Supposons que le polynôme minimal de ϕ est égal à
r
Y
mϕ (X) = (X − ai )ei
i=1
avec différents ai ∈ K et ei > 0 (ceci est toujours le cas lorsque K est algébriquement clos, par
exemple K = C).
En calculant Vi := ker (ϕ − ai · id)ei , on obtient la décomposition spectrale (voir la proposi-
tion 7.5), c’est à dire :
r
M
V = Vi et ϕ(Vi ) ⊆ Vi pour tout 1 ≤ i ≤ r.
i=1
Pour chaque 1 ≤ i ≤ r, on peut construire (voir la preuve) des xi,1 , . . . , xi,si ∈ Vi tels que
Soit ei,j l’entier positif minimal tel que (ϕ − ai · id)ei,j (xi,j ) = 0 pour tout 1 ≤ i ≤ r et 1 ≤ j ≤ si .
Pour tout espace hxi,j iϕ on chosit la base Si,j comme dans le lemme 1.15. On pose
qui est d’ordre ei,j . On appelle les Ni,j les blocs de Jordan (pour la valeur propre ai ).
Démonstration. Il suffit de décrire la construction des xi,j . Pour simplifier les notations, posons W :=
Vi , a := ai , e := ei et k1 := e.
– On choisit x1 ∈ ker (ϕ − a · id)k1 \ ker (ϕ − a · id)k1 −1 .
Nous savons qu’un tel x1 existe, car dans le cas contraire, la puissance de X − a dans le
polynôme minimal serait au plus k1 − 1 = e − 1. Pour calculer un tel x1 , on peut calculer le
noyau de (ϕ − a · id)k1 −1 et choisir un élément de V qui n’est pas dans ce noyau.
– Si hx1 iϕ est déjà égal à W , on arrête.
Sinon, on calcule le minimum k2 tel que (ϕ − a · id)k2 annule W/hx1 iϕ . Notez k1 ≥ k2 .
On choisit y ∈ W tel que (ϕ − a · id)k2 −1 (y) 6∈ hx1 iϕ .
Nous pouvons appliquer la formule du lemme 1.16 pour obtenir ỹ.
On pose x2 := ỹ et on obtient hx1 iϕ ⊕ hx2 iϕ ≤ W et (ϕ − a · id)k2 −1 (x2 ) 6= 0.
1 RÉDUCTION DE JORDAN 14
Notez que la réduction de Jordan n’est pas unique en générale (on peut, par exemple, permuter les
blocs). Alors, pour être précis on devrait parler plutôt d’une réduction de Jordan, ce que nous allons
faire parfois. Si S est une base telle que MS,S (ϕ) ait la forme du théorème, on dira que MS,S (ϕ) est
la/une réduction de Jordan ou bien qu’elle a la/une forme de Jordan.
Pour appliquer le théorème 1.17 aux matrices voyez (encore une fois) la remarque 1.11.
Exemple 1.19. (a) Les matrices M1 , M2 , M4 , M5 , M6 de l’exemple 1.8 ont déjà la forme de Jordan.
La réduction de Jordan de M3 est M2 .
1 1 0
(b) La/une réduction de Jordan de la matrice de l’exmple 1.12 est M := 0 1 0.
0 0 5
1 1 0
(c) Considérons la matrice M := −1 3 0 à coefficients dans Q.
−1 1 2
Un calcul montre que carM (X) = (X − 2)3 . Alors, r = 1 dans les notation du théorème 1.17 et,
alors, la réduction de Jordan doit être parmi les trois matrices suivantes :
2 0 0 2 1 0 2 1 0
0 2 0 , 0 2 0 , 0 2 1 .
0 0 2 0 0 2 0 0 2
1 RÉDUCTION DE JORDAN 15
2
mM (X)
On calcule facilement que = (X − 1) . De ce fait nous pouvons déjà déduire que la
2 1 0
réduction de Jordan est 0 2 0.
0 0 2
La question devient
plus
désagréable si on nous démande de calculer une matrice C telle que
2 1 0
−1
C M C = 0 2 0. Mais, cela n’est pas aussi difficile que ça. Nous suivons l’algorithme
0 0 2
donné dans la preuve du théorème 1.17.
−1 1 0
– On a M − 2id3 = −1 1 0.
−1 1 0
0 1
– Alors, ker(M − 2id3 ) = h0 , −1i.
1 0
– Nous savons que mM (X) = (X − 2)2 (ce qu’on révérifie facilement : M 2 = 03 ). Selon
l’algorithme, nous choisissons
0 1
x1 ∈ ker((M − 2id3 )2 ) \ ker(M − 2id3 ) = Q3 \ h0 , −1i,
1 0
1
par exemple x1 = 0.
0
– Nous commençons à écrire notre base S. Le premier vecteur le la base est, selon l’algorithme,
−1 1 0 1 −1
v1 := (M − 2id3 )x1 = −1 1 0 0 = −1
−1 1 0 0 −1
– Les principaux exemples que nous avons étudiés sont l’anneau des entiers Z et l’anneau des
polynômes à coefficients rationnels Q[X].
– Les unités de Z ne sont que {1, −1}. Alors, a, b ∈ Z sont associés si et seulement si a = b ou
a = −b. Les éléments premiers de Z sont tous de la forme ±p où p est un « nombre premier
habituel », c’est-à-dire 2, 3, 5, 7, 11, . . . (par définition, p ≥ 2 est divisible que par ±1 et ±p ;
en fait, on peut reformuler cette définition comme : positif et irréductible).
Si on nous demande un ensemble P de représentants des éléments premiers à association près
de Z, nous pouvons juste prendre les nombres premiers habituels.
– Les unités de Q[X] sont les polynômes constants et non nuls. Alors, deux polynômes f, g ∈
Q[X] sont associés si et seulement s’il existe u ∈ Q× tel que uf (x) = g(x). (Rappelons : Q×
est le groupe des unités de Q pour la multiplication ; puisqu’on peut diviser par chaque élément
de Q sauf 0, nous avons Q× = Q \ {0}).
Les éléments premiers de Q[X] sont alors les polynômes irréductibles. Si on nous demande un
ensemble P de représentants des éléments premiers à association près de Q[X], nous pouvons
juste prendre les polynômes irréductibles et unitaires.
– Soit K un corps. Tout ce que nous avons dit sur Q[X] reste valable pour K[X].
– L’anneau de polynômes Z[X] a une structure plus compliquée que Q[X] (ce qui peut étonner à
première vue car c’est un sous-anneau). Par exemple, Z[X] a plus d’éléments premiers.
Pour être plus concret, considérons le polynôme constant 2 ∈ Z[X]. C’est clairement un élé-
ment irréductible de Z[X] (essayez de l’écrire comme un produit de deux polynômes 2 =
f (X)g(X) avec f, g ∈ Z[X] ; vous trouverez tout de suite f (X) = ±1 ou g(X) = ±1).
Puisque nous n’avons pas encore démontré que Z[X] est un anneau factoriel nous ne savons
pas encore que 2 ∈ Z[X] est un élément premier. C’est un de nos buts. Voici, l’idée : si 2 divise
f (X)g(X), alors il faut qu’on montre que soit les coefficients de f (X) ou de g(X) sont pairs.
Pour ceci, nous allons étudier la divisibilité des coefficients dans un produit de polynômes ;
pour faire ainsi, nous allons introduire la valuation d’un polynôme et étudier comment elle se
comporte dans des produits (voir la proposition 2.7).
Mais, soulignons que 2 et 1 ne sont pas associés dans Z[X], car les unités de cet anneau sont
{1, −1} (mais, les deux éléments sont associés dans Q[X]) ; alors, en particulier, l’idéal princi-
pal 2Z[X] = {2f (x) | f ∈ Z[X]}, l’ensemble de tous les polynômes t.q. tous les coefficients
sont pairs, est strictement inclus dans Z[X] (l’idéal 2Q[X] de Q[X] est évidemment égal à
Q[X], car on peut diviser par 2).
Un autre type d’exemples d’éléments irréductibles dans Z[X] est le suivant : soit f (X) ∈ Z[X]
un polynôme unitaire (plus bas, on va considérer la notion de « polynôme primitif » qui est un
peu plus générale) qui est irréductible dans l’anneau Q[X]. Nous allons voir qu’un tel polynôme
est aussi un élément irréductible dans Z[X].
Mais, notez qu’une condition comme « unitaire » ou « primitif » est nécessaire : le polynôme
2X + 2 est irréductible dans Q[X], mais, il ne l’est pas dans Z[X] : 2X + 2 = 2 · (X + 1)
(rappelons encore une fois que 2 n’est pas une unité de Z[X]).
Voici le théorème fondamental sur les anneaux factoriels (théorème 4.8 du semestre dernier).
Théorème 2.1. Soit A un anneau factoriel et soit P un ensemble de représentants des éléments pre-
miers à association près.
2 THÉORÈME DE GAUSS ET CRITÈRE D’IRRÉDUCTIBILITÉ DE POLYNÔMES 18
Alors, pour chaque x ∈ A \ {0} il existe des uniques r ∈ N, u ∈ A× et des éléments premiers
uniques (à l’ordre près) p1 , . . . , pr tels que
r
Y
x=u· pi .
i=1
Définition 2.2. Nous pouvons réécrire l’assertion du théorème 2.1 comme suit :
Chaque x ∈ A \ {0} s’écrit de façon unique comme produit
Y
x=u· pvp (x)
p∈P
avec u ∈ A× , vp (x) ∈ N≥0 et vp (x) = 0 pour tous les p ∈ P sauf un nombre fini.
On pose vp (0) = ∞.
On appelle la fonction vp : A → N ∪ {∞} la p-valuation (ce qui explique le choix de la lettre v).
en utilisant les règles pour calculer avec les exposants. On pose évidemment vp (z) := vp (x) − vp (y).
Notez qu’il faut encore vérifier que la définition ne dépend pas du choix de x et y. On vous laisse
ceci comme exercice.
Lemme 2.4. (a) Pour tous x, y ∈ K on a vp (xy) = vp (x) + vp (y). Pour que cette égalité ait un sens
si x = 0 ou y = 0 nous admettons les égalités a + ∞ = ∞ et ∞ + ∞ = ∞.
2 THÉORÈME DE GAUSS ET CRITÈRE D’IRRÉDUCTIBILITÉ DE POLYNÔMES 19
(b) On a : x ∈ A ⇔ vp (x) ≥ 0 ∀ p ∈ P.
(c) Soit x ∈ A. On a : vp (x) = 0 pour tout p ∈ P ⇔ x ∈ A× .
Démonstration. Exercice.
Après ces préliminaires, nous considérons maintenant le cas des polynômes et définissons une
valuation pour les polynômes.
vp (f ) := min vp (ai )
i=0,...,r
et on l’appelle la p-valuation de f .
Le polynôme f est appellé primitif si vp (f ) = 0 pour tout p ∈ P.
Voici, des exemples concrets : f (X) = X 2 + 2X + 4 ∈ Z[X] est primitif. Ainsi, tous les poly-
nômes f (X) ∈ A[X] unitaires sont primitifs. Le polynôme f (X) = 10X 2 + 2X + 4 ∈ Z[X] satisfait
à v2 (f ) = 1 et vp (f ) = 0 pour tout 2 6= p ∈ P.
Démonstration. Exercice.
vp (f g) = vp (f ) + vp (g).
Démonstration. (1) Nous commençons par le cas spécial f, g ∈ A[X] et vp (f ) = 0 et vp (g) = 0 (et
nous allons réduire l’étude générale à ce cas). L’argument est abstrait, mais, très simple :
Considérons l’homomorphisme d’anneaux « réduction mod p » :
r
X r
X
π : A[X] → A/(p)[X], ai X i 7→ ai X i ,
i=0 i=0
où ai est la classe de ai dans A/(p). C’est-à-dire que nous réduisons les coefficients des poly-
nômes modulo p. (Par exemple, si A = Z et p = 2, alors, le polynôme X 3 + 7X 2 + 4X + 9 est
envoyé sur X 3 + X 2 + 1 ∈ F2 [X].)
Les conditions f ∈ A[X] et vp (f ) = 0 impliquent que π(f ) 6= 0 ∈ A/(p)[X] puisqu’il doit
y avoir un coefficient de f qui ne se réduit pas en 0. Nous avons la même conclusion pour g,
c’est-à-dire π(g) 6= 0.
2 THÉORÈME DE GAUSS ET CRITÈRE D’IRRÉDUCTIBILITÉ DE POLYNÔMES 20
Maintenant, utilisons le fait que p est un élément premier. Alors, (p) est un idéal premier de A, et
en conséquence, A/(p) est un anneau intègre. Alors, 0 6= π(f )π(g).
Puisque π est un homomorphisme d’anneaux nous trouvons 0 6= π(f g). Ceci implique que le
polynôme f (X)g(X) doit avoir un coefficient avec p-valuation 0, alors, on a démontré vp (f g) =
0. On réécrit cette égalité comme la tautologie vp (f g) = 0 = 0 + 0 = vp (f ) + vp (g).
(2) Supposons maintenant seulement f, g ∈ A[X]. Nous allons réduire au cas vp (f ) = 0 = vp (g).
C’est facile car nous avons le lemme 2.6 (c). Soit df le pgcd des coefficients de f et dg le pgcd
des coefficients de g. Nous pouvons diviser f par df et g par dg pour obtenir des polynômes f˜ et
g̃ qui satisfont vp (f˜) = 0 = vp (g̃). On a
(3) On finit la preuve maintenant pour f, g ∈ K[X] en réduisant au cas (2). On choisit a, b ∈ A \ {0}
tels que af, bg ∈ A[X] et on obtient :
Le fait que f, g sont unitaires implique aussi vp (f ), vp (g) ≤ 0 ; donc, vp (f ) = vp (g) = 0 pour tout
p ∈ P. Alors f, g ∈ A[X].
En mots, le corollaire dit que si le produit de deux polynômes unitaires n’a pas de dénominateur,
alors, chacun des deux polynômes n’a pas de dénominateur. Ceci n’est pas si évident que ça !
Nous pouvons maintenant démontrer le théorème principal de cette section.
Théorème 2.9 (Gauß). (a) Soit A un anneau factoriel et K son corps de fractions. Soit f ∈ A[X].
Les deux assertions suivantes sont équivalentes :
(i) f est premier dans A[X].
(ii) f est d’une des deux formes suivantes :
(I) f ∈ A (polynôme constant) et f est premier dans A.
(II) f est primitif et f est premier dans K[X].
(b) Si A est un anneau factoriel, alors l’anneau des polynômes A[X] est aussi un anneau factoriel.
2 THÉORÈME DE GAUSS ET CRITÈRE D’IRRÉDUCTIBILITÉ DE POLYNÔMES 21
Démonstration. (a) « ⇐ » : Nous montrons d’abord que tout f de type (I) est en effet un élément
premier de A[X]. Alors, maintenant f est un élément premier de A. Nous utilisons l’application π
« réduction mod f » de la preuve de la proposition 2.7 qui est clairement surjective. Alors le théorème
d’isomorphisme implique que A[X]/ ker(π) est isomorphe à l’anneau intègre A/(f )[X], donc ker(π)
est un idéal premier de A[X]. Un polynôme g ∈ A[X] est dans le noyau de π si et seulement si tous
ses coefficients sont divisibles par f . C’est-à-dire, ker(π) = (f ) = f · A[X] A[X]. Donc, f est un
élément premier de A[X].
Montrons maintenant que tout f de type (II) est aussi un élément premier de A[X]. Soit, f ∈ A[X]
primitif et élément premier de K[X]. On va vérifier la définition ; soient g, h ∈ A[X] tels que f | gh.
Lisons cette divisibilité dans K[X] ; ceci implique que f | g ou f | h dans K[X] ; disons, f | g
sans perte de généralité. On écrit cette divisibilité comme g = f k avec k ∈ K[X]. On utilise la
proposition 2.7 : 0 ≤ vp (g) = vp (f ) + vp (k) = vp (k) (puisque f est primitif : vp (f ) = 0), donc
k ∈ A[X], alors la divisibilité f | gh est vraie dans A[X]. En conséquence, f est premier dans A[X].
« ⇒ » : Nous démontrons d’abord : Tout f ∈ A[X] est un produit fini d’éléments premiers de type
(I) ou (II).
Choisissons a ∈ K \ {0} tel que g := a1 f ∈ A[X] est primitif. On a 0 ≤ vp (a) = vp (f ),
Q
donc a ∈ A \ {0}. Puisque A est un anneau factoriel, nous écrivons a = ri=1 pi avec p1 , . . . , pr
des éléments premiers de A, c’est-à-dire, des éléments premiers de A[X] de type (I). Puisque K[X]
Q
est un anneau factoriel, nous pouvons écrire g = si=1 hi avec h1 , . . . , hr ∈ K[X] des polynômes
irréductibles. Soit ai ∈ K × t.q. h̃i := ai hi ∈ A[X] est primitif pour tout 1 ≤ i ≤ s. Notez que les
h̃i sont des éléments premiers de A[X] de type (II). Posons u = a1 · . . . · as ∈ K × . Encore par la
proposition 2.7 on a : 0 = vp (g) = −vp (u). Donc, u ∈ A× et on obtient l’assertion désirée :
f = ag = u · a1 · . . . · ar · h̃1 · . . . · h̃s .
Soit f ∈ A[X] un élément irréductible. Par ce que nous venons de voir, f s’écrit comme un produit
fini d’éléments premiers de type (I) ou (II). L’irréductibilité de f implique que ce produit n’a qu’un
seul facteur qui est soit de type (I), soit de type (II). Puisque tout élément premier est irréductible, ceci
achève la démonstration de (a).
(b) Nous avons vu dans le paragraphe précédent que tout élément irreductible est premier. Nous
avons aussi démontré que tout f ∈ A[X] s’écrit comme produit fini d’éléments premiers : f =
Qr
i=1 fi . Si g ∈ A[X] divise f , alors f = f1 · . . . · fr = gh pour un h ∈ A[X]. Tout fi divise soit
g, soit h (par la propriété que fi est un élément premier). Il en suit que g est le produit d’un sous-
ensemble des fi fois une unité de A. Alors, g n’a qu’un nombre fini de diviseurs à association près.
En conséquence il n’y a pas de chaîne de diviseurs de longeur infinie dans A[X]. Nous avons alors
démontré que A[X] est un anneau factoriel.
Traitons le cas spécial qui nous intéressera le plus dans le corollaire suivant :
Corollaire 2.10. Soit A un anneau factoriel et f ∈ A[X] un polynôme primitif non constant. Alors,
les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) f est irréductible dans A[X].
(ii) f est premier dans A[X].
2 THÉORÈME DE GAUSS ET CRITÈRE D’IRRÉDUCTIBILITÉ DE POLYNÔMES 22
Démonstration. Les équivalences « (i) ⇔ (ii) » et « (iii) ⇔ (iv) » proviennent du fait que A[X] et K[X]
sont des anneaux factoriels. L’équivalence « (ii) ⇔ (iii) » est une conséquence directe du théorème 2.9
(f doit être de type (II), car f est non constant).
Le corollaire nous dit alors qu’un polynôme unitaire f ∈ Z[X] est irréductible si et seulement
s’il est irréductible en tant que polynôme de Q[X]. Le corollaire suivant est obtenue par une simple
récurrence.
Corollaire 2.11. Soit A un anneau factoriel et n ∈ N. Alors, l’anneau A[X1 , . . . , Xn ] est un anneau
factoriel.
Exemple 2.12. L’anneau Q[X, Y ] est factoriel, mais, pas principal. Par exemple, l’idéal (X, Y ) ne
peut pas être engendré par un seul polynôme. Ceci donne un exemple d’un anneau factoriel non
principal.
Nous allons maintenant prouver deux critères d’irréductibilité pour les polynômes : le critère de
réduction et le critère d’Eisenstein.
P
Proposition 2.13 (Critère de réduction). Soit A un anneau factoriel et f (X) = di=0 ai X i ∈ A[X]
un polynôme primitif non constant. Pour un élément premier p ∈ A nous considérons l’application
« réduction mod p » comme dans la preuve de la proposition 2.7 :
r
X r
X
π : A[X] → A/(p)[X], ai X i 7→ ai X i ,
i=0 i=0
Si p ne divise pas ad et π(f ) est irréductible dans A/(p)[X], alors, f est irréductible dans A[X].
P
– Soit A = Q[T ] et considérons un polynôme de la forme f (T, X) = di=0 ai (T )X i ∈ A[X].
Notez que T est un élément premier de Q[T ] : si T | g(T )h(T ) avec g, h ∈ Q[T ], alors soit
T | h(T ) ou T | g(T ).
La réduction d’un polynôme a(T ) ∈ A[T ] modulo T revient à l’évaluer en zéro a(0) : si
a(T ) = b0 + b1 T + · · · + be T e , alors la classe de a(T ) et la classe de b0 = a(0) modulo T
sont les mêmes car a(T ) − b0 = T · (b1 + b2 T + . . . be T e−1 ) ∈ (T ).
Alors, si f (T, X) est unitaire en la variable X et f (0, X) est irréductible, alors f (T, X) est
irréductible dans A[X] = Q[T, X].
– Le polynôme X 2 + X + 2T X + 5T 2 X + T 3 + 1 ∈ Q[T, X] est irréductible, puisqu’il est
unitaire (pour la variable X) et f (0, X) = X 2 + X + 1 est irréductible.
P
Proposition 2.15 (Critère d’Eisenstein). Soit A un anneau factoriel et f (X) = di=0 ai X i ∈ A[X]
un polynôme primitif non constant. Soit p ∈ A un élément premier tel que
p ∤ ad , p | ai pour tout 0 ≤ i ≤ d − 1 et p2 ∤ a0 .
Alors, f est irréductible dans A[X] (donc aussi irréductible dans K[X]).
Pr i
Démonstration. Supposons le contraire et écrivons f = gh avec g(X) =
Ps i=0 bi X ∈ A[X],
i
h(X) = i=0 ci X ∈ A[X] non constants et br 6= 0 6= cs . A cause de ad = br cs , la condition
p ∤ ad implique p ∤ br et p ∤ cs . A cause de a0 = b0 c0 , les conditions p | a0 et p2 ∤ a0 impliquent sans
perte de généralité que p | b0 et p ∤ c0 .
Soit t le plus petit entier entre 1 et r tel que p ∤ bt . Alors 1 ≤ t ≤ r < d, puisque p | b0 et p ∤ br .
Nous posons ci = 0 pour i > s et on a :
at = b0 ct + b1 ct−1 + · · · + bt−1 c1 + bt c 0 .
|{z} | {z } |{z}
divisible par p divisible par p pas divisible par p
qui est alors un polynôme d’Eisenstein pour l’élément premier p car p | ( pi ) pour tout 1 ≤ i ≤
p − 1 et p2 ∤ ( p1 ) = p. Donc, Φp (X) est irréductible dans Z[X] (et alors aussi dans Q[X]).
3 Caractéristique
Définition-Lemme 3.1. Soit A un anneau intègre. Le noyau de l’unique homomorphisme d’anneaux
ϕA : Z → A est un idéal premier (p) de Z pour p = 0 ou un nombre premier. On appelle p la
caractéristique de A, noté car(A) = p.
Lemme 3.3. (a) Soit ϕ : A → B un homomorphisme injectif d’anneaux intègres. Alors, car(A) =
car(B).
(b) Soient K, L deux corps commutatifs de caractéristiques différentes. Il n’y a pas d’homomor-
phisme de corps ϕ : K → L.
(c) Soit A un anneau intègre et K := Frac(A) son corps des fractions. Alors, car(A) = car(K).
A ϕ ϕ
Démonstration. (a) La composée Z −−→ A − → B est égale à ϕB . Puisque ϕ est injective, on a
ker(ϕA ) = ker(ϕB ), donc car(A) = car(B).
(b) Des homomorphismes entre corps sont injectifs car le noyau est un idéal premier, donc (0).
(c) Le plongement naturel A → K donné par a 7→ a1 est injectif, donc on peut utiliser (a).
Lemme 3.4. (a) Soit A un anneau intègre de caractéristique 0. Alors ϕA : Z → A est injective.
(b) Soit A un anneau intègre de caractéristique p > 0. Alors il existe un homomorphisme d’anneaux
injectif ϕA : Fp → A.
3 CARACTÉRISTIQUE 25
Le plus petit sous-corps d’un corps K s’appelle corps premier de K (en anglais : prime field ; en
allemand : Primkörper). Le lemme dit alors que le corps premier d’un corps de caractéristique 0 est Q
et que le corps premier d’un corps de caractéristique p > 0 est Fp .
Démonstration. (a) ϕA est injective car son noyau est (0) par définition de la caractéristique.
(b) Le théorème d’isomorphisme nous dit que ϕA induit l’application récherchée.
(c) On pose ϕK ( rs ) := ϕϕK (r)
K (s)
(noter que cela est permis car ϕK (s) 6= 0 pour s 6= 0 comme ϕK
est injective).
Définition-Lemme 3.5. (a) Soit A un anneau intègre de caractéristique p > 0. On définit l’applica-
tion
Frob : A → A, x 7→ xp ,
dite « homomorphisme de Frobenius ». C’est un homomorphisme d’anneaux.
(b) Si K est un corps fini de caractéristique p > 0, alors Frob est un automorphisme de K (par
définition, un automorphisme de K est un isomorphisme de K dans lui-même).
Démonstration. (a) La seule chose qui doit être démontrée est la multiplicativité :
p
X
Frob(a + b) = (a + b)p = ( pi ) ai bp−i = ap + bp .
i=0
Proposition 3.6. Soit K un corps de caractéristique p > 0. Alors, l’image de ϕK : Fp → K est égale
à l’ensemble {x ∈ K | Frob(x) = xp = x}.
Démonstration. La preuve est très facile si nous nous rappelons de deux choses :
– Le « petit théorème de Fermat » : ap = a pour tout a ∈ Fp . La preuve est aussi facile : le
groupe multiplicatif F×
p a p − 1 éléments. Si on éléve un élément d’un groupe à la puissance
l’ordre du groupe, alors, on obtient l’élément neutre du groupe. Dans notre cas cela veut dire :
si a ∈ Fp \ {0}, alors, ap−1 = 1, donc, ap = a. Cette égalité est trivialement satisfaite pour
a = 0 aussi.
– Un polynôme de degré d à coefficients dans un anneau intègre a au maximum d zéros. Donc, le
polynôme X p − X ∈ K[X] a au plus p zéros. Nous en connaissons déjà p : les éléments ϕ(x)
pour x ∈ Fp .
Si on interprète l’ensemble {x ∈ K | Frob(x) = xp = x} comme l’ensemble des zéros dans K de
X p − X ∈ K[X], la preuve est complète.
4 EXTENSIONS ALGÉBRIQUES 26
4 Extensions algébriques
Tout corps est supposé commutatif pour la suite du cours.
Définition-Lemme 4.1. (a) Soit L un corps et K ⊆ L un sous-corps. Dans ce cas on dit que L est
une extension du corps K (ou bien que L/K est une extension de corps).
(b) La multiplication sur L peut être vue comme une multiplication scalaire
K × L → L, (x, y) 7→ xy
qui muni L d’une structure de K-espace vectoriel.
(c) Le degré de l’extension de corps L/K est défini comme
[L : K] := dimK (L) ∈ N ∪ {∞}.
Si [L : K] < ∞ on parle d’une extension finie de corps (attention : ne pas confondre avec
extension de corps finis !).
Démonstration. Il n’y a que (b) à montrer. C’est trivial car les axiomes pour l’espace vectoriel font
partie des axiomes pour un corps.
Le prochain corollaire montre déjà que la multiplicativité du degré est très utile.
Corollaire 4.3. Soient K ⊆ L ⊆ M des extensions de corps. Si [M : K] est un nombre premier,
alors L = K ou L = M .
Démonstration. Les degrés [M : L] et [L : K] sont des diviseurs du nombre premier p = [M : K],
donc, 1 ou p.
Définition-Lemme 4.4. Soient L/K une extension de corps et a ∈ L. Alors, l’application évaluation
d
X d
X
eva : K[X] → L, ci X i 7→ ci ai
i=0 i=0
est un homomorphisme d’anneaux. Pour être plus compact, on écrira aussi K[X] ∋ f (X) 7→ f (a) ∈
L.
On note l’image de eva par K[a] et on l’appelle la K-algèbre engendrée par a.
4 EXTENSIONS ALGÉBRIQUES 27
Rappelez-vous qu’une K-algèbre A est un anneau qui est aussi un K-espace vectoriel « de façon
compatible » ; par définition cela veut dire que l’application K → A donnée par x 7→ x.1 (où x.1
est la multiplication scalaire du K-espace vectoriel A) est un homomorphisme d’anneaux. Il est donc
évident que K[a] est en effet une K-algèbre.
Démonstration. Exercice.
Remarque 4.5. Parfois on regardera aussi la variante évidente du lemme 4.4 pour un ensemble (fini
ou infini) d’éléments :
Soient ai ∈ L pour i ∈ I (n’importe quel ensemble). Alors, l’application évaluation
Notez que K[a] et K[(ai )i∈I ] sont des sous-anneaux de L (même de K-sous-algèbres), car
l’image d’un homomorphisme d’anneaux est toujours un sous-anneau. Très explicitement les élé-
P
ments de K[a] sont tous de la forme di=0 ri ai pour d ∈ N et r0 , . . . , rd ∈ K. Cette forme rend
évident le fait que les sommes, les différences et les produits de tels éléments sont aussi de cette
forme ; ceci donne une autre preuve que K[a] est un sous-anneau de L.
(f) Soit π le nombre réel appelé π, donc, le nombre réel qui est égal au quotient de la circonférence
d’un cercle par son diamétre ou deux fois la valeur du zéro minimal positif de la fonction cos. Un
théorème célèbre de Lindemann (qui n’est pas très difficile, mais, on ne le démontrera pas ; une
preuve se trouve par exemple dans le livre de Stewart sur la théorie de Galois) implique que le
sous-anneau Q[π] ( R n’est pas un sous-corps.
On donne maintenant la définition du sous-corps engendré par un élément. En général, cela n’est
pas la même chose que la sous-algèbre engendrée par le même élément (sauf si l’élément est algé-
brique, comme on le verra) à cause de l’existence possible d’éléments non-inversibles.
Notez que l’intersection d’un ensemble de sous-corps d’un corps L est un corps lui-même. (Evi-
demment, l’assertion similaire pour les réunions n’est pas vraie.)
Définition 4.7. Soient L/K une extension de corps et a ∈ L. On défini K(a) comme l’intersection
de tous les sous-corps de L qui contiennent K et a, et on l’appelle le sous-corps de L engendré par a
sur K ou bien l’extension simple de K par a.
C’est le plus petit sous-corps de L qui contient K et a.
Remarque 4.8. (a) Parfois on utilisera la définition précédente pour plus qu’un élément :
Si ai ∈ L pour i ∈ I on défini K(ai | i ∈ I) comme l’intersection de tous les sous-corps de L
qui contiennent K et les ai pour i ∈ I. Il est appelé le sous-corps de L engendré par les ai pour
i ∈ I sur K.
(b) La relation entre K[a] est K(a) s’exprime élégamment comme suit Frac(K[a]) = K(a).
Raison : Il est clair que K[a] ⊆ K(a). Comme K(a) est un corps, nous avons l’inclusion
Frac(K[a]) ⊆ K(a). L’autre inclusion provient directement de la définition de K(a) : c’est
l’intersection de tout les sous-corps de L qui contiennent K et a, et Frac(K[a]) en est un.
On traitera maintenant la question si la dimension de K[a] en tant que K-espace vectoriel est finie
ou infinie. L’idée simple mais importante est de considérer les deux alternatives :
(1) Les éléments 1 = a0 , a, a2 , a3 , a4 , . . . sont K-linéairement indépendants.
(2) Les éléments 1 = a0 , a, a2 , a3 , a4 , . . . sont K-linéairement dépendants.
En cas (1) K[a] est un espace vectoriel de dimension infinie.
En cas (2) il existe une combinaison linéaire
n
X
0= ri ai
i=0
4 EXTENSIONS ALGÉBRIQUES 29
On peut interpreter cette égalité comme suit : Le polynôme unitaire f (X) := X n + rn−1 X n−1 +
· · · + r1 X + r0 ∈ K[X] a a come zéro : f (a) = 0. Dans la proposition suivante nous allons voir que
K[a] est de dimension finie en tant que K-espace vectoriel et que même K[a] est un corps lui-même,
donc K[a] = K(a) et K(a)/K est une extension finie de corps.
Il est important de noter que l’algébricité est une notion relative. Un élément est algébrique sur
un corps (et non algébrique tout seul).
est un homomorphisme injectif de corps et elle identifie K[X]/(mipoa ) avec K[a] et K(a).
(e) Soit a algébrique sur K. Alors, K(a) est une extension finie de K et son degré [K(a) : K] est
égal au degré du polynôme minimal mipoa de a sur K. Une K-base de K(a) est donnée par
1, a, a2 , . . . , ad−1 , où d = [K(a) : K].
Démonstration. (a) Si a est algébrique sur K, alors il existe un polynôme non-zéro f ∈ K[X] tel que
f (a) = 0. Alors f est dans le noyau de l’évaluation, donc, eva n’est pas injective. Réciproquement, si
eva n’est pas injective, alors il existe un polynôme non-zéro f dans le noyau de eva . Ceci ne dit autre
que f (a) = 0 ; donc a est algébrique.
(b) Nous savons que K[X] est un anneau principal. Donc le noyau de eva est un idéal principal,
donc engendré par un élément f . Puisque eva n’est pas injective (car a est algébrique), f est non-
zéro. Le générateur d’un idéal principal est unique à une unité de l’anneau près. Donc, f est unique
4 EXTENSIONS ALGÉBRIQUES 30
à multiplication par une unité de K près (car les unités de K[X] sont les mêmes que celles de K).
Si f est de la forme rd X d + rd−1 X d−1 + · · · + r0 ∈ K[X] avec rd 6= 0, alors mipoa := r1d f =
r d−1 + · · · + r0 est l’unique polynôme unitaire recherché.
X d + d−1 rd X rd
(c) Soit f ∈ K[X] un polynôme non-zéro tel que f (a) = 0. Alors f ∈ ker(eva ) = (mipoa ),
donc mipoa | f . En conséquence le degré de mipoa est plus petit ou égal au degré de f .
Si mipoa était réductible, on aurait mipoa = f g avec f, g ∈ K[X] tous les deux de degré
strictement plus petit que le degré de mipoa . Mais, 0 = mipoa (a) = f (a)g(a) donnerait f (a) = 0
ou g(a) = 0. Les deux contradiraient la minimalité du degré de mipoa .
(d) Puisque mipoa est irréductible, K[X]/(mipoa ) est un corps. L’application induite (et son
injectivité – qui est claire de toute façon car K[X]/(mipoa ) est un corps) provient du théorème
d’isomorphisme. Comme K[a] est un corps, il est égal à K(a).
(e) Ecrivons le polynôme minimal de a sur K comme mipoa (X) = X d + cd−1 X d−1 + · · · + c0 .
On veut démontrer que 1, a, a2 , a3 , . . . , ad−1 est une K-base pour K[a].
D’abord il est clair que ces éléments sont K-linéairement indépendants, car s’ils ne l’étaient pas,
P
alors il y’aurait r0 , . . . , rd−1 ∈ K pas tous zéro tels que 0 = d−1 i
i=0 ri a , donc le polynôme minimal
de a aurait degré strictement plus petit que d, une contradiction.
Donc il faut montrer que 1, a, a2 , a3 , . . . , ad−1 engendrent K[a] en tant que K-espace vectoriel.
Il suffit de représenter an , pour tout n, comme combinaison K-linéaire de 1, a, a2 , a3 , . . . , ad−1 . Pour
le faire on utilise le polynôme minimal qui donne
ad = − cd−1 ad−1 + · · · + c0 .
Supposons que la plus grande puissance de a qui apparaît est am pour m ≥ d. Dans ce cas, nous
multiplions l’équation par am−d et obtenons :
am = − cd−1 am−1 + · · · + c0 am−d .
Donc on peut exprimer am comme une combinaison linéaire de puissances moins élévées de a. Ayant
fait cela, il reste au pire des puissances am−1 , et on applique le même processus autant de fois jusqu’à
ce que seulement des puissances an pour n ≤ d − 1 restent.
Exemple 4.12. (a) Soit K un corps. Tout a ∈ K est algébrique sur K. En effet, a est un zéro du
polynôme X − a ∈ K[X] qui est clairement le polynôme minimal de a sur K.
√ √
(b) 2 est algébrique sur Q. En effet, 2 est un zéro du polynôme X 2 − 2 ∈ Q[X] qui est le
√ √
polynôme minimal de 2 sur Q. Notez que le polynôme X − 2 ne peut pas être utilisé ici, car
ses coefficients ne sont pas dans Q !
√
(c) Soit p un nombre premier et n ∈ N, n > 1. Alors, X n − p est le polynôme minimal de n p sur Q.
(d) Soit p un nombre premier. Alors, Φp (X) = X p−1 + X p−2 + · · · + X + 1 ∈ Q[X] est le polynôme
minimal de ζp = e2πi/p sur Q.
(e) π est transcendant sur Q. Ceci est le théorème de Lindemann déjà mentionné. Plus loin, on
obtiendra de ce théorème par la théorie de Galois que la quadrature du cercle à la règle et au
compas est impossible. Ceci veut dire qu’il est impossible de construire un carré du même aire
qu’un cercle donné en utilisant seulement une règle (sans échelle) et un compas.
4 EXTENSIONS ALGÉBRIQUES 31
Exemple 4.13. Considérons l’exemple Q(ζ3 ) pour ζ3 = e2πi/3 . Le polynôme minimal de ζ3 sur Q est
X 2 + X + 1, donc Q(ζ3 ) est l’image de Q[X]/(X 2 + X + 1) dans C. La Q-base la plus facile c’est
1, ζ3 . Donc on exprime tout élément de Q(ζ3 ) comme a + bζ3 pour a, b ∈ Q.
Soient α = a0 + a1 ζ3 et β = b0 + b1 ζ3 deux tels éléments. Alors
et
Définition 4.14. Soit K un corps et f ∈ K[X] un polynôme irréductible non-zéro. Une extension
L de K est appelée corps de rupture du polynôme f sur K s’il existe a ∈ L tel que f (a) = 0 et
L = K(a).
Exemple 4.15. Soit L/K une extension de corps et a ∈ L algébrique. Alors, K(a) est un corps de
rupture du polynôme minimal de a sur K.
Proposition 4.16. Soit K un corps et f ∈ K[X] un polynôme irréductible non-zéro. Il existe un corps
de rupture de f sur K.
P
Démonstration. Ecrivons f (X) = di=0 ai X i ∈ K[X]. On pose L := K[X]/(f (X)) (c’est bien un
corps car f est irréductible) et α := X + (f ), donc la classe de X dans L. L’application naturelle
K → L donnée par b 7→ b + (f (X)) est un homomorphisme de corps. Donc on peut voir K de façon
naturelle comme sous-corps de L.
Nous démontrons que α est un zéro de f dans L :
d
X d
X
f (X + (f (X))) = ai (X + (f (X)))i = ai X i + (f (X)) = f (X) + (f (X)) = 0 + (f (X)).
i=0 i=0
Proposition 4.18. Toute extension finie de corps L/K est algébrique. Elle peut être engendrée par
un nombre fini d’éléments algébriques sur K.
5 CONSTRUCTIONS À LA RÈGLE ET AU COMPAS 32
Démonstration. Soit a ∈ L. Comme K[a] est un sous-espace de L, il est de K-dimension finie. Donc,
a est algébrique sur K.
Démontrons maintenant que L/K peut être engendrée par un nombre fini d’éléments de L (qui
sont automatiquement algébriques). Soit a1 ∈ L \ K. On a K ( K(a1 ) ⊆ L, donc [L : K] >
[L : K(a1 )]. Si K(a1 ) 6= L, alors on prend a2 ∈ L \ K(a1 ). On a K(a1 ) ( K(a1 , a2 ) ⊆ L, donc
[L : K(a1 )] > [L : K(a1 , a2 )]. On continue ainsi. Comme le degré est un entier positif, ce processus
s’arrêtera et alors on aura K(a1 , a2 , . . . , an ) = L.
Proposition 4.19. Soient L/K une extension de corps et a1 , . . . , an ∈ L. Les deux assertions sui-
vantes sont équivalentes :
(i) Tous les ai pour i = 1, . . . , n sont algébriques sur K.
(ii) L’extension K(a1 , a2 , . . . , an )/K est finie.
Démonstration. Exercice.
On termine cette partie par une définition très importante, mais, qui ne jouera pas de grand rôle
dans ce cours.
Définition 4.21. Soit L/K une extension de corps et a1 , . . . , an ∈ L. On dit que les éléments
a1 , . . . , an sont algébriquement dépandants sur K si l’évaluation eva1 ,...,an n’est pas injective.
Dans le cas contraire on parle d’éléments algébriquement indépandants sur K.
Exemple 4.22. – (π, π 2 ) sont algébriquement dépendants sur Q (considérer : X12 − X2 ).
– Il n’est pas connu si (e, π) (avec e la base de l’exponentielle naturelle) sont algébriquement
indépendants sur Q.
Définition 5.1. Soit P0 ⊆ C un sous-ensemble. On dit qu’un point z ∈ C peut être contruit à la règle
et au compas en un seul pas à partir de P0 si
– z est le point d’intersection de deux droites distinctes construites selon l’opération règle, ou
– z est un point d’intersection d’une droite construite selon l’opération règle et d’un cercle
construit selon l’opération compas, ou
– z est un point d’intersection de deux cercles construits selon l’opération compas.
Pour n ∈ N≥1 soit Pn le sous-ensemble de C de tous les points qui peuvent être construits à
S
la règle et au compas en un seul pas à partir de Pn−1 . On pose X (P0 ) := n≥0 Pn , c’est le sous-
ensemble de C de tous les points qui peuvent être construits à la règle et au compas en un nombre fini
de pas à partir de P0 .
Proposition 5.2. Les constructions suivantes peuvent être fait à la règle et au compas, c’est-à-dire
avec les opérations règle et compas :
(a) Tracer la droite perpendiculaire à une droite donnée passant par un point donné.
(b) Tracer la droite passant par un point donné et parallèle à une droite donnée.
(c) Tracer la médiatrice d’un segment donné.
(d) Additionner deux angles.
(e) Réflexion d’un point par rapport à une droite donnée.
(f) Construction du triangle équilatéral à partir d’un segment donné.
(g) Tracer la bisectrice d’un angle.
Démonstration. Elémentaire.
Démonstration. Exercice avec indications au tableau. Pour (e) et (f) utiliser le théorème de Thalès
(allemand : Strahlensatz) et pour (i) utiliser le théorème de Thalès sur le cercle (allemand : Satz von
Thales).
5 CONSTRUCTIONS À LA RÈGLE ET AU COMPAS 34
Lemme 5.6. [Premier cas de la théorie de Kummer] Soit L/K une extensions de corps de degré 2.
√
Alors il existe a ∈ K tel que L = K( a).
L0 ( L1 ( · · · ( Ln
Démonstration. « (i) ⇒ (ii) » : Sans perte de généralité nous pouvons supposer P0 = Q(P0 ∪ P0 ) =
L0 . Comme i peut être construit à partir de 0, 1 et [L(i) : L] ≤ 2, nous pouvons aussi supposer i ∈ P0 .
Si on construit un point z à partir d’un corps L ⊆ C avec i ∈ L et L = L, par la proposition 5.5
on a [L(z) : L] ≤ 2 et [L(z) : L] ≤ 2. Si on pose L′ := L(z, z), alors on a une des trois possibilités :
Donc, l’assertion est vraie si z peut être construit à partir de L0 en un seul pas.
Si plusieurs constructions sont nécessaires pour arriver à z, on peut itérer ce processus.
« (ii) ⇒ (i) » : Nous avons L0 = Q(P0 ∪ P0 ). L’inclusion L0 ⊆ X (P0 ) est triviale. Le lemme 5.6
√
nous dit que pour tout 1 ≤ i ≤ n is existe zi ∈ Li−1 tel que Li = Li−1 ( zi ). Par le corollaire 5.3
X (P0 ) est un corps fermé sous les racines carrés, nous obtenons Ln ⊆ X (P0 ), donc z ∈ X (P0 ).
Démonstration. C’est une conséquence directe du théorème 5.7 et la multiplicativité des degrés pour
(b).
Théorème 5.9 (Wantzel). Le cube ne peut pas être dupliqué à la règle et au compas ; c’est-à-dire, si
AB est le coté d’un cube, il est impossible de construire à la règle et au compas un segment CD tel
que le volume du cube avec le coté CD est le double du volume du cube avec le coté AB.
Théorème 5.10 (Wantzel). Il est impossible de trisecter un angle donné à la règle et au compas.
Démonstration. Par exemple on peut regarder l’angle e2πi/3 (dans le triangle éqilatéral avec coté 01).
Si on pouvait le trisecter, on aurait construit e2πi/9 . Mais son polynôme minimal est X 6 − X 3 + 1 ∈
Z[X], dont le degré [Q(e2πi/9 ) : Q] = 6 n’est pas une puissance de 2.
Théorème 5.11. La quadrature du cercle est impossible ; c’est-à-dire, pour un cercle donné, il est
impossible de construire un carré du même aire que le cercle à la règle et au compas.
Démonstration. L’aire du cercle unitaire est π. Si la construction était possible, on aurait construit
√ √
π, et en particulier π serait algébrique sur Q, ce qui n’est pas le cas, comme par le théorème de
√
Lindemann π (et donc aussi π) est transcendant sur Q.
6 Corps de décomposition
Clôture algébrique
Définition-Lemme 6.1. Soit L/K une extension de corps. On pose
Démonstration. (a) Soient a, b ∈ KL . Il est difficile (mais, pas impossible) d’écrire les polynôme
minimaux pour a + b, a · b, −a et 1/b (si b 6= 0) en partant des polynômes minimaux de a et b (en
utilisant le « résultant » que nous n’allons pas traiter dans ce cours).
On va le faire autrement : K(a, b) est fini et algébrique sur K (comme a, b sont algébriques sur K).
Donc a + b, a · b, −a, 1/b ∈ K(a, b) sont algébriques sur K, donc a + b, a · b, −a, 1/b ∈ KL . Donc,
KL est un sous-corps de L.
(b) suit de la transitivité de l’algébricité.
Exemple 6.2. Q := QC est la clôture algébrique de Q dans C. Il satisfait les propriétés suivantes :
– Q/Q est algébrique.
– [Q : Q] = ∞ (par exemple, X n − p ∈ Z[X] est irréductible pour tout n et tout nombre
√
premier p par le critère d’Eisenstein ; donc [Q( n p) : Q] = n).
– Q est dénombrable (car l’ensemble de polynômes dans Q[X] est dénombrable, donc l’ensemble
de leurs zéros l’est aussi).
– C n’est pas dénombrable. Donc dans C il existe un ensemble non-dénombrable d’éléments qui
sont transcendants sur Q.
Définition 6.3. Soit K un corps. On appelle K algébriquement clos si tout f ∈ K[X] de degré ≥ 1
possède un zéro dans K.
Un corps K est appelé clôture algébrique de K si K est algébriquement clos et K/K est une
extension algébrique.
Exemple 6.4. C est algébriquement clos (c’est un résultat d’analyse complexe, par exemple).
Q (du dernier exemple) est une clôture algébrique de Q.
avec a1 , . . . , ad ∈ K.
(iii) Si L/K est une extension algébrique, alors L = K.
Démonstration. Exercice.
6 CORPS DE DÉCOMPOSITION 37
Lemme 6.9. Soient K, L des corps, K ′ = K(a) une extension algébrique de K et f := mipoa ∈
K[X]. Soit σ : K → L un homomorphisme de corps. Alors :
(a) Si σ ′ : K ′ → L est une prolongation de σ (c’est-à-dire, un homomorphisme de corps tel que
σ ′ |K = σ), alors f σ (σ ′ (a)) = 0, donc σ ′ (a) est un zéro de f σ .
(b) Pour tout zéro b ∈ L de f σ il existe une unique prolongation σ ′ : K ′ → L telle que σ ′ (a) = b.
(c) Le nombre de prolongations de σ à K ′ est égal au nombre de zéro de f σ , donc au plus égal à
deg(f ).
P
Démonstration. (a) Soit f (X) = di=0 ci X i . On a
d d d
!
X X X
σ ′ ′ i ′ ′ i ′
f (σ (a)) = σ(ci )σ (a) = σ (ci )σ (a) = σ ci a = σ ′ (f (a)) = σ ′ (0) = 0.
i
(b)
Unicité Comme K ′ a la K-base 1, a, a2 , . . . , ad−1 , tout homomorphisme de corps K ′ → L est uni-
quement déterminé par l’image de a.
Existence Considérons l’homomorphisme d’anneaux
f 7→f σ g7→g(b)
φ : K[X] −−−−→ L[X] −−−−→ L.
On a clairement φ|K = σ (ici K est identifié avec les polynômes constants dans K[X]). On a
aussi f ∈ ker(φ) car f σ (b) = 0. Comme f est irréductible, l’idéal (f ) K[X] est maximal,
donc (f ) = ker(φ). Le théorème d’isomorphismes fournit un homomorphisme d’anneaux
φ : K[X]/(f (X)) → L,
qui est automatiquement injectif (comme tous les homomorphismes de corps) et satisfait φ(X +
(f )) = b et φ|K = σ.
Rappelons que eva : K[X]/(f ) → K ′ est un isomorphisme de corps. Donc, σ ′ := φ ◦ eva −1
est la prolongation de σ recherchée.
(c) est une conséquence directe de (a) et (b).
√
Exemple 6.10. – On veut étendre l’identité Q ֒→ C à K ′ := Q( 2). Un homomorphisme σ :
√ √
Q( 2) → C est uniquement déterminé par l’image de 2. Nous avons donc deux possibilités
pour cette image, car elle doit être un zéro du polynôme f σ (X) pour f (X) = X 2 − 2. Mais
√ √
f σ = f , donc, soit l’image et 2, soit − 2.
6 CORPS DE DÉCOMPOSITION 38
√
– On veut étendre l’identité Q ֒→ C à K ′ := Q( 3 2). De la même manière nous trouvons que
√
l’image de 3 2 doit être une racine de X 3 − 2. Pour cette raison nous le factorisons dans C :
√ √ √
X 3 − 2 = (X − 2)(X − ζ3 2)(X − ζ32 2)
3 3 3
√
avec ζ3 = e2π/3 . Donc, nous avons trois prolongations possibles, à savoir, l’image de 3 2 est
√ √ √
soit 3 2, soit ζ3 3 2, soit ζ32 3 2.
Proposition 6.11. Soient K ′ /K une extension algébrique (qui peut être infinie), L un corps algébri-
quement clos et σ : K → L un homomorphisme de corps. Alors :
(a) Il existe une prolongation σ ′ : K ′ → L de σ.
(b) Si K ′ est algébriquement clos et L/σ(K) est algébrique, alors toute prolongation σ ′ : K ′ → L
de σ est un isomorphisme de corps.
Démonstration. (a) Cet argument utilise le lemme de Zorn (voir Algèbre 2). Regardons l’ensemble
– M 6= ∅ car (K, σ) ∈ M .
– M est (partiellement) ordonné pour la relation d’ordre définie par
– Tout sous-ensemble T ⊆ M qui est totalement ordonné (c’est-à-dire, pour tout (F1 , τ1 ) ∈ T ,
(F2 , τ2 ) ∈ T on a (F1 , τ1 ) ≤ (F2 , τ2 ) ou (F2 , τ2 ) ≤ (F1 , τ1 )) a une majorante dans M , à savoir
S
(f˜, τ̃ ) avec F̃ = (F,τ )∈M F et τ̃ : F → L défini par τ̃ (x) := τ (x) pour un (n’importe lequel)
(F, τ ) ∈ M tel que x ∈ F .
Nous avons vérifié les hypothèses du lemme de Zorn qui nous donne donc un élément maximal
(F, τ ) ∈ M . Nous montrons F = K ′ . Si cela n’était pas le cas, alors on pourrait choisir a ∈ K ′ \ F .
Comme K ′ /K est algébrique, a l’est aussi. Donc, par le lemme 6.9 on peut donc prolonger τ à F (a),
c’est une contradiction à la maximalité.
(b) On choisit une prolongation σ ′ : K ′ → L (possible par (a)). Comme σ ′ est injective (comme
tout homomorphisme de corps), K ′ est isomorphe à σ ′ (K ′ ). Donc, σ ′ (K ′ ) est aussi algébriquement
clos. Par hypothèse, L/σ(K) est algébrique, donc L/σ ′ (K ′ ) est aussi algébrique, et en conséquence
L = σ ′ (K ′ ). Donc, σ ′ est un isomorphisme de corps.
Corps de décomposition
Définition 6.15. Soient K un corps et (fi )i∈I ⊆ K[X] une famille de polynômes de degré ≥ 1. Une
extension L/K est appelée corps de décomposition de (fi )i∈I sur K si
– pour tout i ∈ I le polynôme fi se factorise complètement en facteurs linéaires dans L[X]
Qdeg(f )
(fi (X) = bi j=1 i (X − ci,j ) avec ci,j ∈ L) et
– L est engendré sur K par tous les ci,j (L = K(ci,j | i ∈ I, 1 ≤ j ≤ deg(fi ))).
Proposition 6.17. Soient K un corps et (fi )i∈I ⊆ K[X] une famille de polynômes de degré ≥ 1.
(a) Il existe un corps de décomposition L de la famille (fi )i∈I sur K. Il est algébrique sur K.
(b) Si L1 est L2 sont deux corps de décomposition de cette famille, alors il existe un K-isomorphisme
σ : L1 → L2 .
Démonstration. (a) Soit K une clôture algébrique de K et soient ci,j ∈ K les zéros des polynômes fi .
Alors, L := K(ci,j | i ∈ I, 1 ≤ j ≤ deg(fi )) est un corps de décomposition. Comme L est engendré
par des éléments qui sont algébriques sur K, il suit que L/K est une extension algébrique.
(b) Soit L2 une clôture algébrique de L2 et idK : K → L2 l’identité. Par la proposition 6.11 on
peut prolonger σ en un K-homomorphisme σ : L1 → L2 . On pose di,j := σ(ci,j ) ∈ L2 . On a
deg(fi ) deg(fi )
Y Y
bi (X − ci,j ) = fi (X) = fiσ (X) = bi (X − di,j )
j=1 j=1
et, comme L2 est engendré sur K par les di,j en tant que corps de décomposition sur K, alors, l’image
σ(L1 ) est L2 , donc L1 ∼
= L2 par un K-isomorphisme.
Définition 6.18. Soit L/K une extension algébrique de corps. On l’appelle normale si tout polynôme
irréductible f ∈ K[X] qui possède un zero c1 dans L se factorise complètement en facteurs linéaires
Qdeg(f )
dans L[X], c’est-à-dire, f (X) = b i=1 (X − ci ) avec c1 , . . . , cdeg(f ) ∈ L.
Proposition 6.19. Soit L/K une extension algébrique (pas nécéssairement finie). Alors les assertions
suivantes sont équivalentes :
(i) L/K est normale.
(ii) L est un corps de décomposition d’une famille (fi )i∈I ⊆ K[X] sur K.
(iii) Tout K-homomorphisme σ : L → L, où L est une clôture algébrique de L, satisfait σ(L) = L
et donc donne lieu à un K-isomorphisme σ : L → L.
Démonstration. « (i) ⇒ (ii) » : Soit S ⊆ L tel que L = K(S). Pour tout s ∈ S soit fs := mipos (X) ∈
K[X] le polynôme minimal de s sur K. Par (i), tout fs se factorise complètement dans L[X] et par
hypothèse L est engendré par s ∈ S, donc, par tous les zéros de tous les fs .
6 CORPS DE DÉCOMPOSITION 40
Proposition 6.21. Soient M/L/K des extensions de corps. Si M/K est normale, alors M/L l’est
aussi.
Démonstration. M est un corps de décomposition d’une famille de polynômes (fi )i∈I ⊆ K[X]
sur K. Mais, M est encore un corps de décomposition de la même famille considérée sur L.
Définition 6.22. Soit L/K une extension algébrique. Une extension N/L est appelée clôture normale
de L/K si
– N/K est normale et
– si N/N1 /L telle que N1 /K est normale, alors N = N1 (donc, N/K ne contient aucune sous-
extension non-triviale qui est normale sur K et contient L).
(c) Si L/K est finie, alors toute clôture normale N/K de L/K est aussi finie.
(d) Soit N/K une clôture normale de L/K. Alors, N est l’extension de K engendrée par tous les
σ(L) pour σ ∈ HomK (L, L).
(e) Si N1 /K et N2 /K sont deux clôtures normales de L/K, alors, il existe un K-isomorphisme
N1 ∼
= N2 .
Démonstration. (a) Les corps de décomposition donnent lieu à des extensions normales, donc M/K
est normale. Soit M/M ′ /L telle que M ′ /K est normale. On sait que M ′ doit contenir toutes les
racines des fs , car fs (s) = 0 et s ∈ L. Donc, M ′ = M .
(b) Soit N une clôture normale de L/K. Comme dans (a) on sait que N doit contenir toutes les
racines des fs , car fs (s) = 0 et s ∈ L. Donc N est un corps de décomposition sur K de la famille
(fs )s∈S .
(c) Si L/K est finie, l’ensemble S peut être choisi fini. Donc, on obtient N comme l’extension
engendrée par l’ensemble fini de toutes les racines des fs .
(d) On montre d’abord N ⊇ σ(L) pour tout σ ∈ HomK (L, L) : L’image de σ est engendrée par
les σ(s) pour s ∈ S (car L est engendré sur K par S). Mais, nous savons que σ(s) ∈ L est une racine
de fs et appartient donc à N .
On montre maintenant que N est contenu dans le corps engendré sur K par toutes les images
σ(L) pour σ ∈ HomK (L, L). Pour cela il suffit de démontrer que pour tout s ∈ S toute racine de fs
est contenue dans un σ(L). Soit t une autre racine de fs . Nous avons déjà fait cet argument un nombre
de fois : par le lemme 6.9 il existe un K-homomorphisme σ : K(s) → L qui envoie s sur t. Par la
proposition 6.11 nous pouvons prolonger σ en élément de HomK (L, L). Donc t ∈ σ(L).
(e) Tous les deux sont des corps de décomposition de la famille (fs )s∈S , donc isomorphes par la
proposition 6.17 (b).
7 Extensions séparables
On se rappelle : Soient K un corps, f ∈ K[X] un polynôme irréductible, K une clôture algébrique
de K et a ∈ K t.q. f (a) = 0. Alors, nous avons la bijection
où l’image de la racine b est l’unique K-homomorphisme σ tel que σ(a) = b (voir le lemme 6.9).
On appellera un polynôme f séparable quand il a « autant de racines (dans K) que possible »
(c’est à dire deg(f )). On appellera une extension L/K séparable quand elle admet « autant de K-
homomorphismes L → K que possible » (notion à préciser ci-dessous).
Exemple 7.1. – Le polynôme X 2 −2 ∈ Q[X] a deux racines dans C et son degré est également 2.
– Le polynôme X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 ∈ Q[X] a quatre racines dans C et son degré est
également 4.
– Soit p un nombre premier. Le polynôme X p − T ∈ Fp (T )[X] (où Fp (T ) := Frac(Fp [T ])) est
irréductible (comme nous l’avons vu par le critère d’Eisenstein), mais, avec t ∈ Fp (T ) tel que
tp = T on a X p − T = (X − t)p , donc il n’y a qu’une seule racine bien que le degré soit p.
7 EXTENSIONS SÉPARABLES 42
(f + g)′ = f ′ + g ′ et (f g)′ = f ′ g + f g ′ .
avec a1 , b1 ∈ K[X] et a2 , b2 ∈ L[X]. Nous avons les divisibilités suivantes dans L[X] : d1 |f , d1 | g,
donc d1 | d2 ; et de la même façon d2 |f , d2 | g, donc d2 | d1 . Comme d1 et d2 sont unitaires, on
obtient d1 = d2 .
(b) C’est un calcul simple. (Noter que vous ne pouvez pas utiliser la règle d’Analyse 1 sauf pour
les corps R et C.)
Notez que par le lemme 7.3 le pgcd peut être calculé dans K[X], où il est évident. Les équivalences
sont donc claires.
(b) « (i) ⇒ (ii) » : Si f est séparable, par (a) on a pgcdK[X] (f, f ′ )(a) 6= 0 pour toute racine a de f
(dans K). Donc f ′ 6= 0.
7 EXTENSIONS SÉPARABLES 43
« (ii) ⇒ (i) » : Comme f ′ 6= 0 et deg(f ′ ) < deg(f ) et f est irréductible, on a pgcdK[X] (f, f ′ ) = 1,
car le pgcd est un diviseur de f et de f ′ . Donc par (a) la multiplicité de toute racine a est 1 et donc f
est séparable.
Définition 7.5. Un corps K est appelé parfait si tout polynôme irréductible f ∈ K[X] est séparable.
Lemme 7.8. Soit K un corps, K une clôture algébrique de K, a ∈ K et f := mipoa ∈ K[X] son
polynôme minimal sur K. Alors :
(a) [K(a) : K]s est égal au nombre de zéros de f dans K, donc [K(a) : K]s ≤ [K(a) : K].
(b) a est séparable sur K ⇔ [K(a) : K] = [K(a) : K]s .
Proposition 7.9. Soient M/L/K des extensions algébriques de corps. Le degré de séparabilité est
multiplicatif :
[M : K]s = [M : L]s · [L : K]s .
On suppose que le premier ensemble est en bijection avec I et le deuxième en bijection avec J. Pour
tout i ∈ I on choisit une prolongation σ i : K → K de σi (possible par la proposition 6.11).
7 EXTENSIONS SÉPARABLES 44
Dans la preuve suivante nous allons le fait : Soient L/M/K des extensions de corps et a ∈ L.
Si a est séparable sur K, alors a est séparable sur M . La raison est la suivante : Soient f ∈ K[X]
et g ∈ M [X] les polynômes minimaux de a sur K et sur M respectivement. Par hypothèse f est
séparable. Comme g est un diviseur de f , alors g est aussi séparable, donc a est séparable sur M .
Proposition 7.10. Soit L/K une extension finie de corps. Les assertion suivantes sont équivalentes :
(i) L/K est séparable.
(ii) Il existe des éléments a1 , . . . , an ∈ L séparables sur K tels que L = K(a1 , . . . , an ).
(iii) [L : K] = [L : K]s .
Démonstration. « (i) ⇒ (ii) » : Clair. Tout ensemble fini de générateurs est composé d’éléments sépa-
rables.
« (ii) ⇒ (iii) » : Le fait précédent, lemme 7.8 et multiplicativité du degré et du degré de séparabilité.
« (iii) ⇒ (i) » : Soient a1 , . . . , an ∈ L tels que L = K(a1 , . . . , an ). Les inégalités [K(a1 ) : K]s ≤
[K(a1 ) : K] et [K(a1 , . . . , ai , ai+1 ) : K(a1 , . . . , ai )]s ≤ [K(a1 , . . . , ai , ai+1 ) : K(a1 , . . . , ai )] pour
1 ≤ i ≤ n − 1 provenant du Lemme 7.8 ensemble avec la multiplicativité montre [L : K]s ≤ [L : K]
avec égalité si et seulement si tout ai est séparable pour i = 1, . . . , n. Ceci montre que tout a1 ∈ L
est séparable sur K.
Proposition 7.11. Soit L/K une extension algébrique de corps. Elle est séparable si et seulement si
elle est engendrée par des éléments séparables sur K.
Démonstration. Soit {ai }i∈I ⊆ L un ensemble de générateurs séparables (pour un ensemble I). Tout
b ∈ L se trouve déjà dans K(aj | j ∈ J) ⊆ L pour un sous-ensemble fini J ⊆ I. Ce corps est
séparable par la proposition 7.10.
Proposition 7.12 (Existence d’élément primitif). Soit K un corps infini et L/K une extension finie et
séparable. Alors, il existe a ∈ L tel que L = K(a), donc L est une extension simple de K.
Noter que le résultat est aussi vrai pour les corps finis ; mais la preuve en est différente (voir la
feuille 10).
7 EXTENSIONS SÉPARABLES 45
Démonstration. Soit K une clôture algébrique de K. Sans perte de généralité nous pouvons supposer
L = K(b, c). Soient f = mipob et g = mipoc les polynômes minimaux de b et c sur K et b =
b1 , b2 , . . . , bn , c = c1 , c2 , . . . , cm ∈ K leurs zéros. Nous choisissons y ∈ K tel que pour tout 1 ≤ i ≤
n et 2 ≤ j ≤ m nous avons y 6= cbji −b −c (ici on utilise que K contient assez d’éléments) et nous posons
a := b + yc.
On montre b, c ∈ K(a), donc K(a) = K(b, c).
Posons h(X) := f (a − yX) ∈ K(a)[X]. On a h(c) = f (a − yc) = f (b) = 0. Mais, h(cj ) 6= 0
pour tout 2 ≤ j ≤ m pour la raison suivante : Par choix de y nous avons bi − b 6= y(c − cj ) donc
bi 6= b + yc − ycj = a − ycj pour tout q ≤ i ≤ n. Alors, h(cj ) = f (a − ycj ) 6= 0 car a − ycj
est différent de toutes les racines de f . Donc, pgcdK(a)[X] (h, g) = X − c, donc c ∈ K(a), donc
b ∈ K(a).
Corps finis
Lemme 7.13. Soit K un corps fini (c’est-à-dire : #K < ∞). Alors :
(a) car(K) = p > 0, un nombre premier et l’homomorhpisme naturel Fp → K est injectif ; donc on
considère K comme une extension de Fp .
(b) Il existe n ∈ N tel que #K = pn .
(c) Frobp : K → K, x 7→ xp est un homomorphisme de corps, « l’homomorphisme de Frobenius »
(voir la définition-lemme 3.5).
Démonstration. (a) et (c) ont déjà été démontrés.
(b) Comme K est une extension de Fp , c’est un Fp -espace vectoriel de dimension n = [K : Fp ]
(forcement finie, car K est finie). Donc K ∼= (Fp )n en tant que Fp -espace vectoriel. Donc #K =
pn .
n
Théorème 7.14. Soit p un nombre premier et n un nombre naturel. Soit f (X) := X p − X ∈ Fp [X].
(a) Si K est un corps de cardinal pn , alors, K est un corps de décomposition de f sur Fp .
(b) Tout corps de décomposition N de f sur Fp est un corps de cardinal pn .
(c) Si K1 et K2 sont deux corps de cardinal pn , alors, ils sont isomorphes. On note Fpn tout corps de
cardinal pn . (C’est justifié car il est unique à isomorphisme près.)
(d) Fpn /Fp est une extension de corps séparable et normale qui est de degré n.
Attention ! Ne pas confondre Fpn avec Z/pn Z. Les deux sont différents dès que n > 1.
8 Extensions galoisiennes
Soit L/K une extension normale. On se rappelle que par la Proposition 6.19 tout élément σ de
HomK (L, L) satisfait σ(L) = L et donne donc lieu à un K-isomorphisme L → L. On note l’en-
semble des K-isomorphismes L → L par AutK (L). C’est clairement un groupe pour la composition
d’applications avec élément neutre l’identité idL .
Nous avons donc pour L/K une extension finie et normale
Définition 8.1. Soit L/K une extension algébrique. Elle est appelée galoisienne si elle est normale
et séparable. On pose
Gal(L/K) := G(L/K) := AutK (L)
(l’ensemble des K-homomorphisme L → L) et on l’appelle groupe de Galois de L/K.
Lemme 8.2. Soit L/K une extension galoisienne finie. Alors # Gal(L/K) = [L : K].
Exemple 8.3. – C/R est une extension galoisienne : elle est normale (par exemple, car le degré
est 2) et séparable (par exemple, car la caractéristique est 0).
Gal(C/R) = HomR (C, C) = {idC , c} où c est la conjugaison complexe.
8 EXTENSIONS GALOISIENNES 47
√
– Soit N ∋ d 6= 0, 1 un nombre qui n’est pas un carré de façon que Q( d)/Q est une extension
de degré 2 qui est galoisienne. Nous avons :
√
Gal(Q( d)/Q) = {id, σ}
√ √
où σ est déterminé uniquement par σ( d) = − d.
– Soient p un nombre premier et ζp := e2πi/p . On pose K := Q(ζp ) (le p-ième corps cyclo-
tomique). Alors K/Q est une extension galoisienne. Son groupe de Galois Gal(Q(ζp )/Q) est
cyclique d’ordre p − 1.
En effet : Nous connaissons le polynôme minimal de ζp sur Q. C’est le p-ième polynôme cyclo-
tomique Φp (X) = X p−1 + X p−2 + · · · + 1 ∈ Q[X]. Ses racines sont toutes les puissance ζpj
pour j = 1, 2, . . . , p − 1. Donc il est clair que Q(ζp )/Q est galoisienne.
Donc, nous pouvons directement écrire p − 1 homomorphismes K → K :
pour j ∈ {1, 2, . . . , p − 1} et comme le cardinal de Gal(Q(ζp )/Q) est p − 1, nous avons trouvé
les éléments de ce groupe.
Il faut encore voir que le groupe est cyclique. On se rappelle que (Z/pZ)× = F× p est cyclique.
Nous définissons le p-ième caractère cyclotomique :
Dans les exercices vous allez voir que ce même résultat est valable pour tout entier positif n et
pas seulement pour les nombres premiers p.
√
– Soit ζ3 = e2πi/3 . On considère l’extension K := Q( 3 2, ζ3 )/Q qui est galoisienne (la sépara-
bilité est claire car nous sommes en caractéristique 0, et la normalité a été montrée dans un
exemple précédent). Son degré est 6. On va maintenant calculer les éléments de son groupe de
Galois Gal(K/Q).
On va d’abord prolonger l’identité Q ֒→ C à K ′ := Q(ζ3 ) ; c’est un cas spécial de l’exemple
précédent : le polynôme minimal de ζ3 est X 2 + X + 1 ∈ Q[X] et ses deux racines sont ζ3 et
ζ32 . Donc nous avons deux prolongations
σi : Q(ζ3 ) → C
données par σ1 (ζ3 ) = ζ3 et σ2 (ζ3 ) = ζ32 . (On sait que Q(ζ3 )/Q est galoisienne, mais nous
n’allons pas utiliser ce fait.)
Le polynôme X 3 − 2 reste irréductible sur Q(ζ3 )[X] (par exemple, par la multiplicativité des
degrés et le fait que 2 et 3 sont premiers entre eux). Donc pour tout i ∈ {1, 2} nous pouvons
√
prolonger σi à Q( 3 2, ζ3 ) de trois manières qui sont déterminées par :
√ √ √ √ √ √
σi,1 ( 2) = 2, σi,2 ( 2) = ζ3 2, σi,3 ( 2) = ζ32 2.
3 3 3 3 3 3
8 EXTENSIONS GALOISIENNES 48
√
Par la normalité de Q( 3 2, ζ3 )/Q ces Q-homomorphismes donnent des éléments dans le groupe
√
de Galois Gal(Q( 3 2, ζ3 )/Q). Nous avons donc calculé les éléments du groupe de Galois.
Notons encore que σ1,1 est l’identité.
– Soit K un corps fini de caractéristique p et de cardinal pn . Nous avons vu dans la section
précédente que K/Qp est séparable et normale, donc, galoisienne. Son degré est n.
Nous calculons le groupe de Galois Gal(K/Fp ). Pour cela on se rappelle du Frobenius Frobp :
K → K donné par x 7→ xp ; c’est un automorphisme de corps.
Nous savons que Frobnp = idK . On veut montrer que n est l’ordre de Frobp . Soit 1 ≤ i < n ;
i
supposons que Frobip = id. Alors, tout élément de K satisfait xp = x, donc K ⊆ Fpi , ce qui
est une contradiction. Donc, l’ordre de Frobp est bien n.
Nous pouvons conclure que Gal(K/Fp ) est un groupe cyclique d’ordre p engendré par Frobp .
– Soit K un corps et f ∈ K[X] un polynôme irréductible et séparable. Alors le corps de décom-
position L de f sur K est une extension galoisienne de K.
Raison : Elle est normale, est elle est engendré par les racines de f , donc par des éléments
séparables. Nous nous rappelons que nous avons vu que les extensions engendrées par des
éléments séparables sont séparables.
Lemme 8.4. Soient L/E/K des extensions de corps telles que L/K est galoisienne. Alors :
(a) L/E est galoisienne et Gal(L/E) est le sous-groupe de Gal(L/K) composé des ces éléments
de Gal(L/K) qui sont des E-homomorphismes (c’est-à-dire, σ(e) = e pour tout e ∈ E).
(b) Si E/K est aussi galoisienne (ce qui n’est pas automatique !), alors l’application
est un homomorphisme de groupes qui est surjectif. Son noyau est égal à Gal(L/E).
Démonstration. (a) Nous avons vu les deux propriétés : normale (proposition 6.21) et séparable (ap-
pliquer la proposition 7.10). Nous avons
(b) Comme E/K est supposée normale, pour tout K-homomorphisme σ : L → L on a toujours
σ(E) = E. Donc σ|E ∈ Gal(E/K), et l’application π est bien définié. Il est clair que π est un
homomorphisme.
On montre la surjectivité : Soit τ ∈ Gal(E/K). En utilisant la proposition 6.11 on prolonge
l’application
τ
E−
→ E ֒→ L ֒→ L
en un K-homomorphisme τ̃ : L → L. La normalité de L/K implique que τ̃ (L) = L, donc τ̃ |L ∈
Gal(L/K) et satisfait π(τ̃ ) = τ .
Pour calculer le noyau de π, soit σ ∈ Gal(L/K). Par définition π(σ) = σ|E = idE si et seulement
si σ ∈ Gal(L/E).
Proposition 8.6. Soit L un corps, G ⊆ Aut(L) un groupe fini et K := LG . Alors L/K est une
extension galoisienne avec Gal(L/K) = G.
Il est clair que fa (a) = 0 et qu’il est séparable Il faut donc montrer que les coefficients de f
appartiennent à K. Soit τ ∈ G. Noter que l’application S → S, donnée par a 7→ τ (a) est une
bijection (car G → G, donnée par σ 7→ τ σ est une bijection). On calcule
r
Y r
Y
τ (fa (X)) = (X − τ (ai )) = (X − ai ) = fa (X),
i=1 i=1
où la deuxième égalité est due à la bijection précédente (les facteurs du polynôme sont permutés
mais pas changés !). De l’égalité τ (fa ) = fa pour tout τ ∈ G on conclut que f ∈ K[X].
– Nous trouvons donc que tout élément a ∈ L est séparable. Donc L/K est séparable. En plus
L/K est normale parce que L est un corps de décomposition de la famille {fa }a∈L . Donc L/K
est une extension galoisienne.
– Soit a ∈ L un élément primitif qui existe à cause de la proposition 7.12. Le polynôme minimal
ga := mipoa ∈ K[X] de a sur K divise fa . Donc nous avons [L : K] = deg(ga ) ≤ deg(fa ) =
r ≤ n.
– En comparant avec la prémière inégalité en haut, nous trouvons
En fait, la preuve donne une manière d’écrire le polynôme minimal (voir exercices).
Corollaire 8.7. Soit L/K une extension normale et G := AutK (L) soit fini. Alors :
(a) L/LG est une extensions galoisienne avec Gal(L/LG ) = G.
(b) [LG : K]s = 1.
(c) Si L/K est séparable (donc galoisienne), alors K = LG .
8 EXTENSIONS GALOISIENNES 50
Théorème 8.8 (Théorème principal de la théorie de Galois). Soient L/K une extension galoisienne
finie et G := Gal(L/K). Alors :
(a) Les applications
Φ
{ Sous-groupes de G} ⇄ { Corps E tels que L/E/K},
Ψ
Φ
H 7−→ LH
Ψ
Gal(L/E) ←−[ E
En effet : a ∈ σ(LH ) ⇔ σ −1 (a) ∈ LH ⇔ h◦σ −1 (a) = σ −1 (a) pour tout h ∈ H ⇔ σ◦h◦σ −1 (a) = a
−1
pour tout h ∈ H ⇔ a ∈ LσHσ .
Nous pouvons maintenant démontrer l’assertion ainsi :
prop. 6.19
LH ⇔ σ(LH ) = LH ∀ σ ∈ G
−1
⇔ LσHσ = LH ∀ σ ∈ G
(a)
⇔ H = σHσ −1 ∀ σ ∈ G
déf.
⇔ H G est un sous-groupe normal.
Exemple 8.9. – Soit L/K une extension galoisienne dont le groupe de Galois G = Gal(L/K)
est cyclique d’ordre 6, donc isomorphe à Z/6Z. La liste des sous-groupe complète de Z/6Z
est la suivante : {0}, 3Z/6Z, 2Z/6Z, Z/6Z. Donc il y a 4 sous-corps de L/K dont les degrés
sur K sont 6, 3, 2, 1.
√
– Nous avons déjà calculé le groupe de Galois de Q(ζ3 , 3 2)/Q.
√
On calcule maintenant tous les sous-corps de K := Q(ζ3 , 3 2). Un résultat de la feuille 11 dit
que le groupe de Galois G := Gal(K/Q) est le groupe symétrique S3 .
Plus précisement : Nous prenons les deux homomorphismes : σ, τ : K → K définis uniquement
par : √ √ √ √
σ(ζ3 ) = ζ32 , σ( 2) = 2, τ (ζ3 ) = ζ3 , τ ( 2) = ζ3 2.
3 3 3 3
L’ordre de σ est 3 et l’ordre de τ est 2. Ces deux éléments engendrent G. Voici la liste des
sous-groupes de G et des corps fixés par ces groupes.
– H := {id}, K H = K.
– H := G, K H = Q.
– H := hτ iG est un sous-groupe normal (car l’indice est 2 ; c’est le groupe alterné A3 S3 ),
K H = Q(ζ3 ).
√
– H := hσi ≤ G, K H = Q( 3 2).
√ √ √
– H := hτ στ −1 i ≤ G, K H = τ (Q( 3 2)) = Q(τ ( 3 2)) = Q(ζ3 3 2).
√ √ √
– H := hτ 2 στ −2 i ≤ G, K H = τ 2 (Q( 3 2)) = Q(τ 2 ( 3 2)) = Q(ζ32 3 2).
– Soit K un corps fini de caractéristique p et de cardinal pn . Nous avons vu que Gal(K/Fp ) est
cyclique d’ordre n engendré par le Frobenius Frobp .
Donc Gal(K/Fp ) est isomorphe au groupe Z/nZ. Les sous-groupes sont précisement donnés
par aZ/nZ pour a | n. La théorie de Galois nous redonne donc le résultat que les sous-corps
hFroba i
de Fpn sont précisement Fpn p = Fpa pour les diviseurs a de n.
– Soit L/K une extension finie de corps finis. Soit pn le cardinal de L. Donc L/K est une exten-
sion galoisienne de groupe de Galois cyclique hFrobap i où pa est le cardinal de K.
9 RÉSOLUBILITÉ PAR RADICAUX 52
Proposition 8.11. Soit L/K une extension de corps. Soient L/L1 /K et L/L2 /K des extensions telles
que L1 /K et L2 /K sont galoisiennes et finies.
(a) Le corps L1 L2 := K(L1 , L2 ) (extension de K dans L engendrée par les éléments de L1 et L2 )
est une extension galoisienne et finie de K.
(b) La restriction
Gal(L1 L2 /L2 ) → Gal(L1 /(L1 ∩ L2 )), σ 7→ σ|L1
est un isomorphisme de groupes.
(c) L’application
im(ϕ) = {(σ, τ ) ∈ Gal(L1 /K) × Gal(L2 /K) | σ|L1 ∩L2 = τ |L1 ∩L2 }.
Démonstration. Exercice.
Définition 8.12. Une extension galoisienne L/K est appelée abélien (cyclique) si Gal(L/K) est
abélien (cyclique).
Corollaire 8.13. Soient L1 /K et L2 /K deux extensions abéliennes contenu dans un corps L. Alors,
L1 L2 /K est aussi une extension abélienne.
Démonstration. Gal(L1 L2 /K) est un sous-groupe de Gal(L1 /K) × Gal(L2 /K) qui est abélien (par
la proposition 8.11), donc Gal(L1 L2 /K) est abélien.
f (x) = 0 ⇔ x = u + v ou x = ζ 2 u + ζv ou x = ζu + ζ 2 v,
p3
√ p
3
√
où u = −b + b2 + a3 et v = −b − b2 + a3 . Donc ici aussi les racines de f peuvent
être exprimées par des expressions « radicales », autrement dit, les racines de f appartiennent à
une extension de Q qui peut être engendrée par des radicaux.
– Il existe aussi une formule en termes de radicaux pour les polynômes de degré 4.
K = E0 ⊆ E1 ⊆ E2 ⊆ · · · ⊆ En
tels que
– L ⊆ En et
√
– pour tout 1 ≤ i ≤ n il existe ai ∈ Ei−1 et ni ∈ N tels que Ei = Ei−1 ( ni ai ) ou Ei =
Ei−1 (ζni ).
(b) Une équation polynômielle f (x) = 0 avec f (X) ∈ K[X] s’appelle résoluble par radicaux sur K
si un corps de décomposition de f sur K est résoluble par radicaux sur K.
Cela veut dire que les racines de f (qui appartiennent, comme on le sait, au corps de décomposi-
tion) peuvent être exprimées par des radicaux.
Définition-Lemme 9.2. Soient K un corps parfait et n ∈ N>0 . Soit µn l’ensemble des racines (dans
une clôture algébrique K de K) du polynôme X n − 1 ∈ K[X]. On appelle µn le groupe des n-ièmes
racines d’unités. C’est un groupe cyclique (pour la multiplication de K).
Alors K(µn ) est galoisien sur K et le groupe de Galois Gal(K(µn )/K) est un groupe abélien.
On appelle K(µn ) la n-ième extension cyclotomique de K.
n n
Démonstration. – µn est un groupe : Soient a, b ∈ µn , donc an = bn = 1. Alors, ab = abn =
1, donc ab ∈ µn . On en conclut que µn est un groupe.
– Que µn est cyclique provient de l’exercice 1(b) de la feuille 9 qui dit que tout sous-groupe fini
de K × est cyclique.
– L’extension K(µn )/K est galoisienne : séparable car K est parfait et normale car c’est le corps
de décomposition du polynôme X n − 1 ∈ K[X].
– L’application
φ : Gal(K(µn )/K) → Aut(µn ), σ 7→ (ζ 7→ σ(ζ))
est un homomorphisme de groupes injectif. Ici, Aut(µn ) est l’ensemble des automorphismes
du groupe µn , c’est-à-dire l’ensemble des isomorphismes de groupes µn → µn .
Cette assertion est claire.
– Aut(µn ) est un groupe abélien : Comme µn est cyclique, on peut choisir un générateur ζ ∈ µn
et tout automorphisme σ ∈ Aut(G) est uniquement déterminé par σ(ζ). On a σ(ζ) = ζ m pour
un m ∈ N. Le groupe est abélien car la composition de deux automorphismes multiplie les
exposantes, et la multiplication dans Z est commutative.
9 RÉSOLUBILITÉ PAR RADICAUX 54
√
Lemme 9.3. Soient K un corps parfait, a ∈ K et n ∈ N>0 . Soit L := K( n a). On suppose que K
contient µn .
Alors l’extension L/K est galoisienne et le groupe de Galois Gal(L/K) est un sous-groupe de
µn et donc cyclique (et abélien).
Démonstration. L’extension L/K est galoisienne, car elle est séparable (comme K est parfait) et
normale (c’est un corps de décomposition de X n − a ; ici on utilise que µn appartient à K). On définit
l’application de Kummer √
σ( n a)
ψ : Gal(L/K) → µn , σ 7→ √ .
n
a
√
Elle est clairement injective car les K-homomorphisme L → L sont déterminé par l’image de n a.
C’est un homomorphisme de groupes :
√ √ √
σ(τ ( n a)) σ(ψ(τ ) n a) σ( n a)
ψ(σ ◦ τ ) = √ = √ = ψ(τ ) √ = ψ(τ )ψ(σ) = ψ(σ)ψ(τ )
n
a n
a n
a
Lemme 9.4. Soit K un corps parfait tel que µn ⊆ L. Soient L/K une extension galoisienne avec
groupe de Galois G := Gal(L/K) et a ∈ L. Soit N/K la clôture normale (donc galoisienne) sur K
√
de L( n a) (qui est vu comme un sous-corps d’une clôture algébrique de L).
Alors, N/L est une extension abélienne.
Comme il est clairement invariant par tout τ ∈ G, il en suit que f ∈ K[X]. La clôture normale N de
√ p
L( n a) sur K est le corps de décomposition de f sur K, car il est normal et tous les n σ(a) doivent
y appartenir pour σ ∈ G.
p
Comme µn ⊆ K on peut donc voir N comme le compositum de tous les corps L( n σ(a)) pour
σ ∈ G. Par le corollaire 8.13 et le lemme 9.3 on obtient qu’en effet N/L est abélienne.
Définition 9.5. Soit G un groupe fini. On l’appelle résoluble s’il existe une suite de sous-groupes
telle que
– pour tout 1 ≤ i ≤ n on a Gi Gi−1 (sous-groupe normal) et
– Gi−1 /Gi est un groupe abélien.
Théorème 9.6. Soient K un corps parfait et L/K une extension finie qui est résoluble par radicaux.
Alors, il existe une extension finie et galoisienne N/K telle que
– L ⊆ N et
– le groupe de Galois Gal(N/K) est résoluble.
9 RÉSOLUBILITÉ PAR RADICAUX 55
K = E0 ⊆ E1 ⊆ E2 ⊆ · · · ⊆ En
tels que
– L ⊆ En et
√
– pour tout 1 ≤ i ≤ n il existe ai ∈ Ei−1 et ni ∈ N tels que Ei = Ei−1 ( ni ai ) ou Ei =
Ei−1 (ζni ).
On pose M := ppcm(ni | 0 ≤ i ≤ n) et on définit L0 := K(µM ) (et L−1 := K). Notez que
µni ⊆ L0 pour tout 0 ≤ i ≤ n et que L0 /K est une extension abélienne par la définition-lemme 9.2.
Pour tout 1 ≤ i ≤ n on définit récursivement Li comme la clôture galoisienne sur K de Li−1 Ei . Par
le lemme 9.4 Li /Li−1 est abélienne, c’est-à-dire Gal(Li /Li−1 ) est abélienne.
Le corps recherché est N := Ln . Par construction nous avons
Gal(Ln /Ln ) E Gal(Ln /Ln−1 ) E Gal(Ln /Ln−2 ) E · · · E Gal(Ln /L0 ) E Gal(Ln /L−1 )
Remarque 9.7. Par la théorie de Kummer on peut montrer que l’assertion réciproque tu théorème est
également vraie : Si K est un corps parfait et N/K est une extension finie et galoisienne de groupe
de Galois résoluble, alors toute extension L/K avec L ⊆ N est résoluble par radicaux.
Malheureusement, on n’aura pas le temps pour développer ceci.
ψ : K[T1 , . . . , Tn ] → N, Ti 7→ ti
ψ : K(T1 , . . . , Tn ) := Frac(K[T1 , . . . , Tn ]) → N, Ti 7→ ti
Donc f (X) est un polynôme séparable car ses racines sont distinctes. On en conclut que N/L est
une extension galoisienne.
Soit σ ∈ Gal(N/L). Il permute les ti . Pour i ∈ {1, . . . , n} on définit la permutation ϕ(σ) ∈ Sn
par la règle σ(ti ) = tϕ(σ)(i) . Alors, nous avons l’application
ϕ : Gal(N/K) → Sn , σ 7→ ϕ(σ),
qui est injective parce que σ est uniquement déterminé par les images des ti . C’est un homomorphisme
de groupes :
tϕ(στ )(i) = σ(τ (ti )) = σ(tϕ(τ )(i) ) = tϕ(σ)(ϕ(τ )(i)) .
Il faut démontrer que ϕ est un isomorphisme de groupes. Pour tout α ∈ Sn , nous définissons un
isomorphisme d’anneaux
σ : K(T1 , . . . , Tn ) → K(T1 , . . . , Tn ),
et donc un K-isomorphisme σ : L → L via ψ. Par construction nous avons ϕ(σ) = α. Donc, nous
avons démontré la surjectivité de ϕ.
[H1 , H2 ] := h[a, b] | a ∈ H1 , b ∈ H2 i.
Démonstration. (a) D’abord on remarque que [G, G] est l’ensemble de tous les produits finis de com-
mutateurs car [a, b][b, a] = aba−1 b−1 bab−1 a−1 = 1. Pour voir que [G, G] est un sous-groupe normal
de G il suffit donc de faire le calcul suivant :
g[a, b]g −1 = gaba−1 b−1 g −1 = (gag −1 )(gbg −1 )(gag −1 )−1 (gbg −1 )−1 = [gag −1 , gbg −1 ] ∈ [G, G]
pour tout g, a, b ∈ G.
(b) « ⇒ » : Supposons que G/N est abélien. Alors, 0 = [aN, bN ] = [a, b]N . Donc [a, b] ∈ N
pour tout a, b ∈ G.
« ⇐ » : Supposons que [G, G] ⊆ N . Donc, aba−1 b−1 ∈ N , donc abN = baN pour tout a, b, ∈ G,
montrant que G/N est abélien.
(c) « (i) ⇒ (ii) » : Supposons que G est résoluble. Alors, il existe des sous-groupes
(b) Par (a) tout σ ∈ An est le produit d’un nombre pair de transpositions. Donc il faut considérer
les produits de deux transpositions et les exprimer en 3-cycles. Ça marche ainsi :
– (a1 a2 ) ◦ (a3 a4 ) = (a1 a3 a2 ) ◦ (a1 a3 a4 ) si a1 , a2 , a3 , a4 sont distincts.
– (a1 a2 ) ◦ (a2 a3 ) = (a1 a2 a3 ) si a1 , a2 , a3 sont distincts.
– (a1 a2 ) ◦ (a1 a2 ) = (1) si a1 , a2 sont distincts.
(c) Comme Sn /An est abélien (isomorphe à Z/2Z si n ≥ 3 par la signature), on a par la proposi-
tion 9.10 que [Sn , Sn ] ⊆ An . Soit (a1 a2 a3 ) un 3-cycle. On a
(a1 a2 a3 ) = (a1 a3 )(a2 a3 )(a1 a3 )−1 (a2 a3 )−1 = [(a1 a3 ), (a2 a3 )] ∈ [Sn , Sn ].
10 CONSTRUCTIONS À LA RÈGLE ET AU COMPAS – N -GONS RÉGULIERS 58
(a1 a2 a3 ) = (a1 a2 a4 )(a1 a3 a5 )(a1 a2 a4 )−1 (a1 a3 a5 )−1 = [(a1 a2 a4 ), (a1 a3 a5 )].
(e) Pour n ≥ 5 la proposition 9.10 montre que Sn n’est pas résoluble. Les cas n = 1, 2, 3, 4 sont
vérifiés par des calculs directs et faciles.
Corollaire 9.12 (Abel). Soit K un corps parfait. L’équation générale de degré n sur K est résoluble
en radicaux si et seulement si n ≤ 4.
Donc pour n ≥ 5 il n’existe pas de formule pour exprimer les solutions de l’équation générale de
√
degré n en utilisant uniquement +, −, ·, /, • •.
Les seuls nombres premiers de Fermat connus sont 3, 17, 257, 65537.
Théorème 10.2 (Gauß). Soit n ∈ N≥3 . Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) Etant donné deux points C et P , le n-gon régulier de centre C et avec P comme un des sommets
est constructible à la règle et au compas.
(ii) #(Z/nZ)× = ϕ(n) est une puissance de 2.
(iii) Il existe des nombres premiers de Fermat distincts p1 , . . . , ps et m ∈ N tels que
n = 2m p1 p2 · · · ps .
Q = L0 ⊆ L1 ⊆ L2 ⊆ · · · ⊆ Lr
10 CONSTRUCTIONS À LA RÈGLE ET AU COMPAS – N -GONS RÉGULIERS 59
tels que ζn ∈ Lr et [Li : Li−1 ] = 2 pour tout 1 ≤ i ≤ r. Nous avons que Gal(Q(ζn )/Q) est un
groupe fini abélien d’ordre 2r pour un r ∈ N. L’exercice 4 (b) de la feuille 13 montre l’existence de
sous-groupes
{1} = Gr Gr−1 · · · G1 G0 = G,
tels que (Gi : Gi−1 ) = 2 pour 1 ≤ i ≤ r. La correspondance du théorème principal de la théorie de
Galois 8.8 le traduit en la suite de corps recherchée.
« (ii) ⇒ (iii) » : Soit n = 2m pe11 · · · · · pess la factorisation de n en nombres premiers distincts. Nous
avons ϕ(n) = 2m−1 (p1 − 1)pe11 −1 · · · · · (ps − 1)pess −1 = 2r . Donc e1 = e2 = · · · = es = 1 et pi − 1
est une puissance de 2 pour tout 1 ≤ i ≤ s. Par la définition-lemme 10.1, pi est un nombre premier de
Fermat pour tout 1 ≤ i ≤ s.
« (iii) ⇒ (ii) » : Nous avons ϕ(n) = 2m−1 (p1 − 1) · · · · · (ps − 1) qui est une puissance de 2.
Vos solutions aux exercices vont être notées A (bien), B (moins bien), C (insuffisant). La note que
vous obtenez pour vos exercices ainsi que pour vos résultats aux devoirs surveillés comptent pour la
note finale du cours : une moyenne de A compte 2 points sur 20 et une moyenne de B 1 point et C 0
points. Par exemple, si vous avez eu une moyenne de B dans vos exercices et si vous obtenez une 13
dans l’examen, la note finale sera 14.
1. Cet exercice vous explique comment obtenir le polynôme minimal d’une matrice. D’abord vous appre-
nez une méthode générale pour le calculer. Mais, vous verrez aussi que – heureusement – souvent il
suffit de connaître le polynôme caractéristique (plus parfois un petit calcul). Rappelons qu’une consé-
quence du théorème de Cayley-Hamilton est que le polynôme minimal de la matrice M est un diviseur
du polynôme caractéristique. Puisque M est de degré n, comme vous le savez, le polynôme caracté-
ristique est aussi de degré n. En conséquence le polynôme minimal est de degré au plus n ; il peut être
plus petit !
Voici la méthode de Krylov pour calculer le polynôme minimal de M :
Soient K un corps et M ∈ Matn×n (K). Soit (e1 , . . . , en ) la base canonique.
– Pour tout 1 ≤ i ≤ n :
Calculez la combinaison linéaire non nulle la plus courte
0 = a0 ei + a1 M ei + a2 M 2 ei + · · · + ar−1 M r−1 ei + M r ei .
(a) Les coefficients des matrices suivantes sont dans Q. Donnez pour chacune des matrices suivantes
le polynôme caractéristique et le polynôme minimal. Ne faites pas de grands calculs ! Les résultats
sont faciles à obtenir (par exemple, en utilisant les critères pour la diagonalisation).
! ! !
a 0 a 1 a 1
M1 := , M2 := , M3 := avec a 6= b,
0 a 0 a 0 b
a 0 0 a 1 0 a 1 0
M4 := 0 a 0 , M5 := 0 a 0 , M6 := 0 a 1 ,
0 0 a 0 0 a 0 0 a
a 1 1 a 1 1
M7 := 0 a 1 , M8 := 0 b 1 avec a 6= b 6= c 6= a.
0 0 a 0 0 c
(b) (Exercice supplémentaire) Même question pour :
a1 1 0 ... 0
0 a 1 ... 0
2
. . . .. ..
M9 := ..
.. .. . . avec ai 6= aj pour i 6= j,
0 . . . 0 an−1 1
0 ... ... 0 an
a ǫ1 0 . . . 0
0 a ǫ ... 0
2
. . . . .
M10 .
:= . . . . . . . . avec ǫi ∈ {0, 1} pour 1 ≤ i ≤ n − 1.
.
0 . . . 0 a ǫn−1
0 ... ... 0 a
(c) Même question pour :
0 −1 1 3 0 1 4 1 0
N1 := 3 4 −3 , N2 := −5 0 −1 , N3 := −6 −1 0 .
2 2 −1 −4 −2 2 −4 −2 2
(d) (Exercice supplémentaire) Démontrez que la méthode de Krylov marche, c’est-à-dire, démontrez
l’assertion mM (X) := ppcm(g1 (X), . . . , gn (X)).
2. Dans cet exercice vous obtenez la réduction de Jordan des matrices de l’exercice 1.
(a) Pour les matrices de l’exercice 1 (a) et 1 (c), donnez la/une réduction de Jordan.
Ne calculez pas de base ni de matrice de changement de base. Dans cette exercice il nous suffit la
matrice. Puisque vous connaissez le polynôme minimal et le polynôme caractéristique, vous n’avez
aucun calcul à faire !
(b) (Exercice supplémentaire) Même question pour les matrices de 1 (b).
(c) Pour la matrice N1 de l’exercice 1 (c), calculez une matrice C telle que C −1 N1 C est une réduction
de Jordan de N1 .
3. (Exercice supplémentaire) Soit K un corps algébriquement clos. Par définition (qu’on verra un peu
plus tard dans le cours) cela veut dire que chaque polynôme normalisé f (X) ∈ K[X] peut être écrit
comme f (X) = ni=1 (X − ai ) avec a1 , . . . , an ∈ K. Soit M = (mi,j )1≤i,j≤n ∈ Matn×n (K). La
Q
Trouvez une formule qui exprime tr(M ) et det(M ) en termes des coefficients du polynôme caracté-
ristique carM (X).
Il est très utile d’utiliser la réduction de Jordan. Vous pouvez sans preuve employer que le déterminant
et la trace d’une matrice sont indépendants sous conjugaison.
À propos. Pour illustrer qu’une assertion fausse comme 0 = 1 implique tout, on dit qu’Einstein a donné
l’exemple suivant : « Si 0 = 1, alors 1 = 2. L’ensemble dont les éléments sont le pape et moi a deux
éléments. Mais, puisque 1 = 2, cet ensemble n’a qu’un élément, ce qui implique que je suis le pape. »
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
1. Soient A un anneau factoriel et K son corps des fractions. Démontrez les assertions suivantes :
(a) Tout z ∈ K \ {0} s’écrit de façon unique comme produit
Y
z =u· pvp (z)
p∈P
Φ : A[X1 , . . . , Xn ] → B
À propos. Évariste Galois, né le 25 octobre 1811 à Bourg-la-Reine, mort le 31 mai 1832 à Paris, est un
mathématicien français, qui a donné son nom à une branche des mathématiques, la théorie de Galois.
Mort à la suite d’un duel à l’âge de vingt ans, il laisse un manuscrit élaboré trois ans plus tôt, dans
lequel il établit qu’une équation algébrique est résoluble par radicaux si et seulement si le groupe de
permutation de ses racines a une certaine structure, qu’Emil Artin appellera justement résoluble. Son
Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux, publié par Joseph Liouville quatorze
ans après sa mort, a été considéré par ses successeurs, en particulier Sophus Lie, comme le déclencheur
du point de vue structural et méthodologique des mathématiques modernes.
Républicain radical, il prit une part active aux événements qui suivirent les Trois Glorieuses.
Les démêlés de Galois avec les autorités, tant scientifiques que politiques, les zones d’ombre entourant
sa mort prématurée, contrastant avec l’importance désormais reconnue de ses travaux, ont contribué à en
faire l’incarnation du génie romantique malheureux et d’une jeunesse prometteuse et mal aimée. Il a été
célébré en octobre 2011 à l’occasion du bicentenaire de sa naissance.
(Source : fr.wikipedia.org/wiki/Evariste_Galois)
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
1. (a) Nous savons que K := F2 [X]/(X 2 + X + 1) est un corps de cardinal 4. Déterminer sa caractéris-
tique et son corps premier.
(b) Plus généralement : Soit K un corps de caractéristique p > 0 et f ∈ K[X] un polynôme irréduc-
tible. Déterminer la caractéristique de K[X]/(f (X)).
2. Soient K un corps de caractéristique p > 0 et n ∈ N. On pose q := pn . Démontrer que pour tout
a, b ∈ K on a (a + b)q = aq + bq .
3. Soient L/K une extension de corps et a ∈ L. Démontrer que l’application évaluation
X
d X
d
eva : K[X] → L, ci X i 7→ ci ai
i=0 i=0
Sources :
– Jean Doyen, Problèmes et méthodes en mathématiques (cours donné à l’ULB durant l’année acadé-
mique 2008-2009)
– Wikipédia
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
√ √
5
√
1+ 5
1. Calculer le polynôme minimal sur Q de 7, 7, 2 .
2. Soient L/K une extension de corps et a ∈ L. On suppose K[a] = K(a). Ecrire une preuve directe
(sans utiliser les résultats du cours) qui montre que a est algébrique sur K.
3. Soient L/K une extension de corps et a1 , . . . , an ∈ L.
Démontrer l’équivalence des deux assertions suivantes :
(i) L’extension K(a1 , a2 , . . . , an )/K est finie.
(ii) Tous les ai pour i = 1, . . . , n sont algébriques sur K.
Vous pouvez utiliser les résultats du cours.
4. Soit f = X 3 + 3X − 3 ∈ Q[X] et α ∈ C un zéro de f .
(a) Démontrer que 1, α, α2 est une base du Q-espace vectoriel Q(α).
(b) Représenter α−1 et (1 + α)−1 comme combinaison Q-linéaire de 1, α, α2 .
(c) Calculer le polynôme minimal de β := α2 − α + 2 sur Q.
5. (Exercice supplémentaire) Soient L/K une extenstion algébrique de corps et A un sous-anneau de L
tel que K ⊆ A ⊆ L. Démontrer ou contredire l’assertion : A est un corps.
Scipione del Ferro (1465-1526) : professeur à l’Université de Bologne, a une idée originale : considé-
rons l’équation x3 + px + q = 0 (on peut toujours ramener un polynôme de degré 3 sous cette forme avec
un changement de variables). Posons x = u + v, l’équation devient
Niccolo Fontana Tartaglia (1499-1557) : professeur de mathématiques à Venise, s’attaque seul au pro-
blème. Dans la nuit du 12 au 13 février 1535 il découvre la formule permettant de résoudre toutes les
équations du 3ème degré.
Fiore lance un défi public (disputatio) à Tartaglia : 30 équations du 3ème degré à résoudre. Prix du vain-
queur : 30 banquets. Tartaglia gagne mais refuse le prix.
Anecdote : Tartaglia est le surnom de Niccolo Fontana (tartagliare : bredouiller, bégayer). Niccolo Fontana
habitait à Brescia qui fut prise par les Français en 1512. Il fut blessé par les soldats à la mâchoire, il ne
meurt pas mais conservera un défaut de parole toute sa vie.
Girolamo Cardano (1501-1576) : médecin, astrologue, mathématicien, ingénieur vivant à Milan. Il ap-
prend que Tartaglia peut résoudre les équations du 3ème degré. Il l’invite chez lui en 1539 et le harcèle
jusqu’à ce que Tartaglia accepte de lui révéler sa méthode sous la forme d’un poème obscur que Cardano
arrive néanmois à déchiffrer. Tartaglia fait jurer à Cardano de ne jamais révéler le secret.
Cardano connaît donc la formule de résolution de toutes les équations du 3ème degré et l’applique à divers
exemples. L’équation
x3 − 15x − 4 = 0
possède x = 4 comme racine. Mais la formule donne
√ √
q q
3 3
x = 2 + 11 −1 + 2 − 11 −1,
une vraie torture mentale pour Cardano (les nombres complexes n’ont pas encore été introduits).
En 1543 Cardano apprend que Scipione del Ferro avait résolu bien avant Tartaglia les équations du 3ème
degré. Cardano pensa alors que rien ne l’empêchait de publier la solution de del Ferro. En 1547 Cardano
publie "Arts Magna" avec les résolutions des équations du 3ème et 4ème degré (Ferrari). Depuis lors la
formule de résolution des équations du 3ème degré s’appelle "formule de Cardan".
Raphaël Bombelli (1526-1572) : ingénieur en hydraulique à Bologne, a le courage d’aller plus loin : po-
√ √ √
sons −1 = i (1572), a-t-on 3 2 + 11i+ 3 2 − 11i = 4 ? OUI car (2+i)3 = 2+11i et (2−i)3 = 2−11i.
Sources :
– Jean Doyen, Problèmes et méthodes en mathématiques (cours donné à l’ULB durant l’année acadé-
mique 2008-2009)
– Wikipédia
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
1. (Exercice pas à rendre) Décrivez les constructions suivantes en utilisant uniquement les opérations
règle et compas du cours :
(a) Tracer la droite perpendiculaire à une droite donnée passant par un point donné.
(b) Tracer la droite passant par un point donné et parallèle à une droite donnée.
(c) Tracer la médiatrice d’un segment donné.
(d) Additionner deux angles.
(e) Réflexion d’un point par rapport à une droite donnée.
(f) Construction du triangle équilatéral à partir d’un segment donné.
(g) Tracer la bisectrice d’un angle.
2. Soit P0 ⊆ C tel que 0, 1 ∈ P0 et z, z1 , z2 ∈ X (P0 ). Démontrer :
(a) z1 + z2 ∈ X (P0 ) ;
(b) −z ∈ X (P0 ) ;
(c) |z| ∈ X (P0 ) ;
(d) eπi/3 ∈ X (P0 ) ;
(e) |z1 | · |z2 | ∈ X (P0 ) ;
1
(f) |z| ∈ X (P0 ) (pour z 6= 0) ;
(g) z1 · z2 ∈ X (P0 ) ;
1
(h) ∈ X (P0 ) (pour z 6= 0) ;
z
√
(i) ± z ∈ X (P0 ).
Indication : Pour (e) et (f) utiliser le théorème de Thalès (allemand : Strahlensatz) et pour (i) utiliser le
théorème de Thalès sur le cercle (allemand : Satz von Thales).
3. Soit P0 ⊆ C un sous-ensemble. Démontrer que l’opération compas peut être remplacée par l’opération
suivante sans changer l’ensemble de points constructibles :
Pour tous r1 , r2 ∈ P0 tracer le cercle de centre r1 passant par r2 .
4. Soit P0 ⊆ C un sous-corps tel que P0 = P0 et i ∈ P0 . Soit z ∈ P1 . Démontrer [P0 (z) : P0 ] ≤ 2.
5. (Exercice supplémentaire) Démontrer que l’heptagon (le polygône régulier à 7 cotés) ne peut pas être
construit à la règle et au compas.
Indication : Construire l’heptagon est équivalent à construire la 7-ième racine d’unité e2πi/7 , dont on
connaît le polynôme minimal.
À propos : Historique de la résolution des équations polynomiales – le degré 4.
Ludovico Ferrari (1522-1565) : mathematicien italien, découvre vers 1540 une méthode de résolution des
équations du 4ème degré en se ramenant à une équation du 3ème degré.
René Descartes (1596-1650) : mathématicien français, donne en 1637 une méthode plus simple dans le
"Discours de la méthode" (annexe intitulée "Géométrie") :
Prenons l’équation x4 + px2 + qx + r = 0. Si q = 0 on est ramené à une équation de degré 2 ⇒ on peut
supposer q 6= 0. On essaie de factoriser ce polynôme :
m + n = p + k2 ,
q
n−m = ,
k
mn = r.
1 q
n = (p + k 2 + ),
2 k
1 q
m = (p + k 2 − ),
2 k
mn = r.
Sources :
– Jean Doyen, Problèmes et méthodes en mathématiques (cours donné à l’ULB durant l’année acadé-
mique 2008-2009)
– Wikipédia
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
√
5
1. Soit a = 7 ∈ C.
(a) Calculer le polynôme minimal f de a sur Q.
(b) Factoriser f dans C[X].
Indication : ζ5 := e2πi/5 .
√
(c) Ecrire tous les homomorphismes de corps Q( 5 7) → C.
p √
2. Considérer l’extension de corps Q( 2 + 2)/Q.
p √
(a) Calculer le polynôme minimal f de α := 2 + 2 sur Q.
(b) Calculer l’inverse de α pour la base 1, α, . . . , αd−1 où d est le degré de f .
(c) Factoriser f dans C[X].
p √
(d) Ecrire tous les homomorphismes de corps Q( 2 + 2) → C.
3. Soit L/K une extension algébrique.
(a) Soient α, β ∈ L tels que [K(α) : K] = m, [K(β) : K] = n et pgcd(n, m) = 1. Démontrer :
[K(α, β) : K] = mn.
4. Soit K un corps algébriquement clos. Démontrer que le nombre d’éléments de K est infini.
Indication : Supposer le contraire : K = {a1 , . . . , an }. Ecrire un polynôme non-constant f ∈ K[X]
tel que f (ai ) = 1 pour tout i = 1, . . . , n. Pour trouver ce polynôme il peut être utile de se rappeler
comment on démontre que le nombre de nombres premiers est infini.
5. (Exercice supplémentaire) Soit K un corps. Le but de cet exercice est de démontrer qu’il existe une
clôture algébrique de K.
(a) Soit M := {f ∈ K[X] | deg(f ) ≥ 1}. Soit R := K[(Xf )f ∈M ] l’anneau des polynômes dans les
variables Xf où f parcourt l’ensemble M . Soit a := (f (Xf ) f ∈ M ) R, l’idéal de R engendré
par tous les éléments f (Xf ) pour f ∈ M .
Démontrer : a 6= R.
Pn
Indication : Pour une contradiction, représenter 1 = i=1 gi fi (Xfi ) avec g1 , . . . , gn ∈ R et
certains f1 , . . . , fn ∈ M . Trouver une extension K /K et αi ∈ K ′ tels que fi (αi ) = 0. En déduire
′
la contradiction.
(b) Soit m R un idéal maximal tel que a ⊆ m (qui existe par un résultat démontré en Algèbre 2) et
poser L := R/m.
Conclure que L est une extension de corps de K.
(c) Démontrer que tout f ∈ M possède un zéro dans L.
Nous avons donc démontré jusqu’à ici : Soit K un corps. Il existe un corps L(K) tel que tout
polynôme f ∈ K[X] de degré ≥ 1 possède un zéro dans L(K).
Indication : Imiter la preuve de l’existence du corps de rupture.
S∞
(d) Poser K0 := K et par récurrence pour tout n ≥ 1 : Kn := L(Kn−1 ). Poser M := n=0 Kn .
Démontrer que M est algébriquement clos.
Indication : Tout f ∈ M [X] doit appartenir à un Kn [X].
(e) Poser K = KM et conclure que K est une clôture algébrique de K.
Evariste Galois (1811-1832) : mathématicien français, mort à 20 ans lors d’un duel, fournit la réponse :
il trouve une condition nécessaire et suffisante pour déterminer si oui ou non une équation de degré n est
résoluble (théorie de Galois !).
Sources :
– Jean Doyen, Problèmes et méthodes en mathématiques (cours donné à l’ULB durant l’année acadé-
mique 2008-2009)
– Wikipédia
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
p √
1. Considérer l’extension de corps Q( 2 + 2)/Q.
Est-ce que c’est une extension de corps normale ? Pourquoi ?
Indication : Cette extension a déjà été étudiée sur la feuille 7 et les résultats peuvent aider.
2. Soit f = X 4 − 3 ∈ Q[X].
√
(a) Démontrer que L = Q( 4 3, i) est un corps de décomposition de f sur Q.
(b) Quel est le degré de l’extension L/Q ?
3. (a) Calculez un corps de décomposition L sur Q du polynôme f (X) = X 5 − 7. Quel est le degré de
l’extension L/Q ?
Indication : Est-ce que f (X) est irréductible ? Considérer le corps Q(ζ5 ) où ζ5 = e2πi/5 . Vous
trouvez le polynôme minimal de ζ5 sur Q dans le cours. Factoriser-le dans C. Choisir deux éléments
qui engendrent L. Pour déterminer le degré [L : Q] vous pouvez utiliser un exercice de la feuille 7.
(b) (Exercice supplémentaire) Même question pour f (X) = X 6 + X 3 + 1.
Indication : Pour calculer les racines, poser d’abord Y = X 3 .
4. Soient K un corps, f ∈ K[X] un polynôme de degré n > 0 et L un corps de décomposition de f
sur K. Démontrer que [L : K] divise n!.
Indication : Récurrence sur des corps arbitraires. Soit f ∈ K[X] un polynôme de degré n. Distinguer
les cas : f irréductible sur K ou f réductible. Si f est réductible, alors f = gh et on utilise l’hérédité
pour g et h. Si f est irréductible, soit a une racine de f dans L. Considérer l’extension K(a)/K ; lequel
est son degré ? Trouver un polynôme g ∈ K(a)[X] de degré strictement plus petit que n, dont le corps
de décomposition sur K(a) est égal à L. Utiliser maintenant l’hérédité.
5. (Exercice supplémentaire). Démontrer que Q est dénombrable.
Indication : L’ensemble de polynômes dans Q[X] est dénombrable, donc l’ensemble de leurs zéros
l’est aussi.
À propos. L’hôtel de Hilbert à Göttingen possède un nombre infini de chambres. Aujourd’hui toutes les
chambres sont occupées. Malgré cela, l’hôtelier Hilbert peut toujours accueillir un nouveau client.
En effet supposons que les chambres sont numérotées par tous les nombres entiers (à partir de 1). Il
suffit que l’hôtelier demande à l’occupant de la première chambre de s’installer dans la seconde, à celui de
la seconde de s’installer dans la troisième, et ainsi de suite. Les clients déjà logés le restent. La première
chambre est libre et peut accueillir le nouveau client.
Mais l’hôtelier peut aussi accueillir une infinité de nouveaux clients. Pour ce faire il faut que le client
occupant la chambre numéro 1 prenne la chambre numéro 2, l’occupant de la numéro 2 la numéro 4, celui
de la numéro 3 la numéro 6, et ainsi de suite. Chacun occupe une chambre de numéro double de celui
de sa chambre précédente, de telle sorte que toutes les chambres de numéro impair deviennent libres. Et
puisqu’il existe une infinité de nombres impairs, l’hôtelier peut accueillir une infinité de nouveaux clients.
Pour être plus précis, il faudrait dire que l’hôtel peut toujours accueillir un ensemble dénombrable de
clients. Par contre, si tous les nombres réels arrivent et chacun veut une chambre, l’hôtel ne suffira pas car
l’ensemble des nombres réels n’est pas dénombrable (par l’argument de la diagonale de Cantor).
(Adapté et corrigé de : http ://fr.wikipedia.org/wiki/Hôtel_de_Hilbert)
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
Qu’en est-il alors de A ? Si A est un élément de A (A ∈ A), alors par définition de A, A n’est pas un
élément de A (A ∈ / A). Et si A n’est pas un élément de A (A ∈/ A), alors par définition de A, A est un
élément de A (A ∈ A). Aucune de ces deux options n’est donc possible.
Pour lever ce paradoxe, les mathématiciens ont introduit la notion de catégorie, mais ceci est une autre
histoire.
Exercices : Algèbre 3
Semestre d’hiver 2012/2013
φ : K × → K ×2 := {r2 | r ∈ K × }, φ(x) = x2 .
(a) Démontrer que φ est un homomorphisme de groupes qui est surjectif. Ici on regarde K × et K ×2
comme groupe pour la multiplication.
(b) Calculer le cardinal du noyau de φ.
(c) Soit G := K × /K ×2 le groupe quotient. Définir un isomorphisme de groupes G → (Z/2Z, +).
(d) Démontrer l’équivalence suivante :
(i) p ≡ 1 (mod 4).
(ii) Il existe i ∈ Fp tel que i2 = −1 dans Fp .
Q
4. Soit K un corps fini. Soit a := x∈K × x.
(a) Démontrer x = −1 (dans K).
(b) Déduire que pour tout nombre premier p on a : p | ((p − 1)! + 1).
(c) Démontrer que si n ∈ N≥2 n’est pas premier, alors n ∤ ((n − 1)! + 1).
5. (Exercice supplémentaire) Soient K un corps de caractéristique p > 0, L/K une extension et α ∈ L
algébrique sur K. Démontrer l’équivalence suivante :
(i) α est séparable sur K.
(ii) K(α) = K(αp ).
Indication : Utiliser l’exercice 5 de la feuille 9.
1. Soient M/L/K des extensions algébriques. On suppose que M/K est normale.
Démontrer : #HomK (L, M ) = [L : K]s .
√ √
2. Soit K = Q( 2, 3).
1. Soit L/K une extension galoisienne de degré 4. Soit G son groupe de Galois.
(a) On suppose que G est cyclique. Combien de sous-corps possède l’extension L/K ? Quels sont
leurs degrés sur K ?
(b) On suppose que G n’est pas cyclique. Combien de sous-corps possède l’extension L/K ? Quels
sont leurs degrés sur K ?
Indication : Théorème principal de la théorie de Galois.
2. Soit n ∈ N. Soit K ⊆ C le corps de décomposition du polynôme X n − 1 ∈ Q[X]. Soit µn le
sous-groupe de C× (pour la multiplication) qui est composé de tous les éléments de C× dont l’ordre
divise n.
(a) Montrer (en donnant les bonnes citations du cours) que K/Q est une extension galoisienne.
(b) Montrer que K = Q(ζn ).
(c) On pose ζn = e2πi/n ∈ C× . Montrer que µn est d’ordre n et µn = {ζnj | j = 0, . . . , n − 1}.
(d) Montrer que l’application Z/nZ → µn donnée par j 7→ ζnj est un isomorphisme de groupes (pour
l’addition de Z/nZ).
(e) Montrer l’équivalence des deux assertions suivantes :
(i) L’ordre de ζnj dans µ(n) est égal à n. (On appelle un tel ζnj une n-ième racine primitive
d’unité.)
(ii) j ∈ (Z/nZ)× .
Q
(f) On pose Φn (X) = j∈(Z/nZ)× (X − ζnj ) ∈ C[X].
Démontrer Φn (X) ∈ Q[X].
Indication : Soit G le groupe de Galois. Montrer que σ(Φn ) = Φn pour tout σ ∈ G.
Q
(g) Démontrer : X n − 1 = d|n,d>0 Φd (X) où d parcourt les diviseurs positifs de n.
(h) Démontrer par récurrence en n que Φn (X) appartient à Z[X].
Indication : Utiliser le résultat de Gauß (voir le cours).
(i) Soit Φn (X) = f (X) · g(X) avec f, g ∈ Z[X]. Soit ζ ∈ C tel que f (ζ) = 0. Soit p un nombre
premier qui ne divise pas p. Démontrer que f (ζ p ) = 0.
Indication : Le polynôme X n − 1 ∈ Fp [X] est séparable. Soient f la réduction de f modulo p,
et g celle de g. Donc pgcd(f , g) = 1. Si g(ζnp ) = 0, déduire une contradiction en utilisant
g(X p ) = (g(X))p .
(j) Démontrer que Φn est le polynôme minimal de ζn .
Indication : Ecrire j ∈ (Z/nZ)× en facteurs premiers et utiliser le point précédent.
(k) Démontrer que le n-ième caractère cyclotomique
1. Soient L/K une extension finie et galoisienne et G := Gal(L/K) son groupe de Galois. On va décrire
le polynôme minimal sur K de a ∈ L.
Soit S := {σ(a) | σ ∈ G}. On numérote les éléments de S comme a1 , a2 , a3 , . . . , ar et on pose
Y
r
f (X) := (X − ai ) ∈ L[X].
i=1
Démontrer :
(a) f (a) = 0.
(b) f ∈ K[X].
(c) f est irréductible comme élément de K[X].
Donc, f est le polynôme minimal de a sur K.
2. Soit L/K une extension galoisienne et finie. Soient L/L1 /K et L/L2 /K des extensions. On pose
Hi := Gal(L/Li ) pour i = 1, 2. Démontrer :
(a) L1 ⊆ L2 ⇔ H2 ⊆ H1 .
(b) L1 L2 = LH1 ∩H2 . Ici L1 L2 := K(L1 , L2 ) est l’extension de K dans L engendrée par les éléments
de L1 et L2 .
(c) L1 ∩ L2 = LH où H = hH1 , H2 i est le sous-groupe de G engendré par H1 et H2 .
3. Soit L/K une extension de corps. Soient L/L1 /K et L/L2 /K des extensions telles que L1 /K et
L2 /K sont galoisiennes et finies. Démontrer :
(a) Le corps L1 L2 := K(L1 , L2 ) est une extension galoisienne et finie de K.
(b) La restriction
Gal(L1 L2 /L2 ) → Gal(L1 /(L1 ∩ L2 )), σ 7→ σ|L1
est un isomorphisme de groupes.
(c) L’application
(b) Soit L une extension algébrique de K(X1 , . . . , Xn ) := Frac(K[X1 , . . . , Xn ]) telle qu’il existe
t1 , . . . , tn ∈ L avec L = K(t1 , . . . , tn ).
Alors, le homomorphisme d’anneaux
ϕ : K[T1 , . . . , Tn ] → L, Ti 7→ ti
est injectif.