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Sommaire

1 Espaces vectoriels 1
1.1 Structure d’espace vectoriel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
1.2 Sous-espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3 Parties génératrices, parties libres, bases . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.4 Espaces vectoriels de dimensions finies . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
1.5 Somme de sous-espaces vectoriels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

2 Applications linéaires 69
2.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
2.2 Image directe et image réciproque d’un sous-espace . . . . . . . . . . 74
2.3 Détermination d’une application linéaire dans une base . . . . . . . . 77
2.4 Opérations sur les applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
2.5 Théorème du noyau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
2.6 Projecteurs et symétries . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

3 Matrices 103
3.1 L’espace vectoriel Mn,p (K) des matrices de type (n, p) . . . . . . . . 103
3.2 Matrice d’une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
3.3 Multiplication des matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
3.4 L’algèbre Mn (K) des matrices carrées d’ordre n . . . . . . . . . . . . 128
3.5 Changement de bases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
3.6 Transposée, rang et trace d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . 153
3.7 Opérations élémentaires [trop!!!!!!!!rang.pdf] Voir cours ev de Driss ou
Ouafi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164
3.8 Compléments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

i
4 Déterminants

Sommaire
4.1 Compteurs
4.2 Longueurs
4.3 Espaces
4.4 Boîtes
4.5 Définitions
4.6 Mais encore ?

es déterminants fournissent un critère théorique et pratique pour calculer


L le rang d’une matrice et résoudre certains systèmes linéaires. La construction
rigoureuse des déterminants est assez abstraite. Dans ce chapitre, nous avons préféré
exposer le côté concret, calculatoire et pratique des déterminants. Nous avons ainsi
omis plusieurs démonstrations techniques.

4.1 Déterminant de n vecteurs


Soit E un espace vectoriel de dimension finie n sur K. On note

En = E × E × · · · × E
| {z }
n fois

Un élément de E n est donc une suite (v1 , . . . , vn ) de n vecteurs de E.


Soit B = (e1 , . . . , en ) une base de E.

Nous commençons par la définition formelle suivante :

Définition 4.1.1. On considère une application

f : E n −→ K, (v1 , . . . , vn ) 7→ f (v1 , . . . , vn )

vérifiant les trois propriétés suivantes :

1. f est une forme n-linéaire, c’est-à-dire f est linéaire par rapport à chaque
variable vi .
Ceci signifie que pour tous vecteurs v1 , . . . , vi−1 , vi+1 , · · · , vn de E, l’application

167
168 Chapitre 4. Déterminants

partielle fi : E −→ K définie par fi (X) = f (v1 , . . . , vi−1 , X, vi+1 , . . . , vn ) est


linéaire. En d’autres termes :

f (v1 , . . . , vi−1 , αvi + βwi , vi+1 , . . . , vn ) =

α f (v1 , . . . , vi−1 , vi , vi+1 , . . . , vn ) + β f (v1 , . . . , vi−1 , wi , vi+1 , . . . , vn )

pour tous vecteurs v1 , · · · , vi , vi , wi , vi+1 , · · · , vn dans E et pour tous scalaires


α, β dans K.

2. f est alternée : pour tous vecteurs v1 , . . . , vn dans E et pour tous indices


i, j ∈ {1, . . . , n} avec i < j :

f (v1 , . . . , vi , . . . , vj , . . . , vn ) = −f (v1 , . . . , vj , . . . , vi , . . . , vn )

C’est-à-dire, f prend la valeur opposée si on permute deux vecteurs vi et vj .


On dit aussi que f est antisymétrique.

3. f (e1 , . . . , en ) = 1.

On démontre qu’une telle application existe et qui est unique, on la note detB :

detB : E n −→ K, (v1 , . . . , vn ) 7→ detB (v1 , . . . , vn )

Le scalaire detB (v1 , . . . , vn ) est appelé le déterminant de la suite (v1 , . . . , vn )


de vecteurs de E par rapport à la base B. Quand il n’y a pas de risque de
confusion sur la base B choisie, on note simplement det(v1 , . . . , vn ).

Remarque 4.1.2. Voici des propriétés immédiates de la multilinéarité de l’appli-


cation déterminant :

1. On sait que l’application partielle fi : E −→ K définie par

fi (X) = det(v1 , . . . , vi−1 , X, vi+1 , . . . , vn )

est une application linéaire. D’autre part, rappelons que l’image du vecteur
nul par une application linéaire est le vecteur nul. D’où fi (0E ) = 0K .
Par conséquent, si l’un des vecteurs vi est nul, alors det(v1 , . . . , vn ) est nul :

det(v1 , . . . , 0E , . . . , vn ) = 0K

Mais ceci peut être vérifié directement en écrivant :

det(v1 , . . . , 0E , . . . , vn ) = det(v1 , . . . , 0K .vi , . . . , vn ) = 0K det(v1 , . . . , vi , . . . , vn ) = 0K

Université Moulay Ismaïl 168 Abdellatif Bentaleb


4.1 Déterminant de n vecteurs 169

2.
det(v1 , . . . , vi−1 , vi + wi , vi+1 , . . . , vn ) =
det(v1 , . . . , vi−1 , vi , vi+1 , . . . , vn ) + det(v1 , . . . , vi−1 , wi , vi+1 , . . . , vn )

3.
det(v1 , . . . , αvi , . . . , vn ) = α det(v1 , . . . , vi , . . . , vn )

pour tous vecteurs v1 , · · · , vn ∈ E et pour tout scalaire α ∈ K.


Cela signifie que " Multiplier un seul des vecteurs par α multiplie le détermi-
nant par α.

4.
det(α1 v1 , α2 v2 , . . . , αn vn ) = (α1 α2 . . . αn )det(v1 , v2 , . . . , vn )

pour tous vecteurs v1 , · · · , vn ∈ E et pour tous scalaires α1 , · · · , αn ∈ K.

En effet, pour justifier cette formule, on applique successivement la linéarité


par rapport à chacun des vecteurs v1 , v2 , . . . , vn :

det(α1 v1 , α2 v2 , . . . , αn vn ) = α1 det(v1 , α2 v2 , . . . , αn vn ) linéarité par rapport à v1


linéarité par rapport à v2

= α1 α2 det(v1 , v2 , . . . , αn vn )
= ························
= (α1 α2 . . . αn )det(v1 , v2 , . . . , vn )

p p
X X
5. det(v1 , . . . , vi−1 , λk wk , vi+1 , . . . , vn ) = λk det(v1 , . . . , vi−1 , wk , vi+1 , . . . , vn )
k=1 k=1

Il suffit d’appliquer la linéarité de l’application partielle fi : E −→ K définie


par fi (X) = det(v1 , . . . , vi−1 , X, vi+1 , . . . , vn ), où v1 , . . . , vi−1 , vi+1 , . . . , vn sont
n − 1 vecteurs fixés de E.

Exemple 4.1.3. Pour n = 2, l’application det : E 2 −→ K une forme bilinéaire.


Donc pour tous vecteurs v1 , w1 , v2 , w2 dans E et pour tous scalaires α, β, γ, δ dans
K, la linéarité à gauche donne :

det(αv1 + βw1 , γv2 + δw2 ) = αdet(v1 , γv2 + δw2 ) + βdet(w1 , γv2 + δw2 ).

Or, la linéarité à droite implique :

det(v1 , γv2 + δw2 ) = γdet(v1 , v2 ) + δdet(v1 , w2 ),

det(w1 , γv2 + δw2 ) = γdet(w1 , v2 ) + δdet(w1 , w2 )


Par conséquent,

det(αv1 +βw1 , γv2 +δw2 ) = αγdet(v1 , v2 )+αδdet(v1 , w2 )+βγdet(w1 , v2 )+βδdet(w1 , w2 )

Abdellatif Bentaleb 169 Facultés des Sciences de Meknès


170 Chapitre 4. Déterminants

Remarque 4.1.4. L’application déterminant det : E n −→ K n’est pas une appli-


cation linéaire de l’espace vectoriel E n dans K, sauf si n = 1.
Effectivement, cela se vérifie par :

det (λ(v1 , v2 , . . . , vn )) = det(λv1 , λv2 , . . . , λvn ) = λn det(v1 , v2 , . . . , vn ) 6= λdet(v1 , v2 , . . . , vn )

det ((v1 , . . . , vn ) + (w1 , . . . , wn )) = det(v1 +w1 , . . . , vn +wn ) 6= det(v1 , . . . , vn )+det(w1 , . . . , wn )

Rappelons que l’application déterminant est alternée, c’est-à-dire que le dé-


terminant prend la valeur opposée (se multiplie par −1) quand on échange deux
vecteurs vi et vj , les autres étant inchangés :

det(v1 , . . . , vi , . . . , vj , . . . , vn ) = −det(v1 , . . . , vj , . . . , vi , . . . , vn )

Voici une conséquence importante de cette propriété :

Proposition 4.1.5. Soient v1 , . . . , vi , . . . , vj , . . . , vn des vecteurs de E. S’il existe


deux indices i et j (i 6= j) tels que vi = vj , alors det(v1 , . . . , vi , . . . , vj , . . . , vn ) = 0K .
C’est-à-dire, det prend la valeur nulle si un vecteur se répète (au moins) deux fois :

det(v1 , . . . , vi , . . . , vi , . . . , vn ) = 0K

Démonstration. En permutant les deux vecteurs vi et vi qui se trouvent dans des


places différentes, on obtient

det(v1 , . . . , vi , . . . , vi , . . . , vn ) = −det(v1 , . . . , vi , . . . , vi , . . . , vn )

Il en découle que det(v1 , . . . , vi , . . . , vi , . . . , vn ) = 0K .

Remarque 4.1.6. Pour n = 3, l’application det : E 3 −→ K est une forme trili-


néaire alternée. Alors, pour tous vecteurs v1 , v2 , v3 dans E :

det(v1 , v2 , v1 ) = det(v1 , v1 , v3 ) = det(v1 , v2 , v2 ) = 0K

car dans chaque cas, il y a un vecteur qui se répète.


D’un autre côté, la permutation de deux vecteurs permet d’écrire à titre d’exemple :

det(v3 , v1 , v2 ) = −det(v3 , v2 , v1 ) (en permutant v1 et v2 )


= − (−det(v1 , v2 , v3 )) (en permutant v1 et v3 )
= +det(v1 , v2 , v3 )

Théorème 4.1.7. Soit v1 , . . . , vn des vecteurs de E. Si l’un des vecteurs vi est


combinaison linéaire des autres : vi = λk vk , alors det(v1 , . . . , vn ) = 0K .
P
k6=i
Autrement dit, si la famille (v1 , . . . , vn ) est liée, alors le déterminant est nul.

Université Moulay Ismaïl 170 Abdellatif Bentaleb


4.1 Déterminant de n vecteurs 171

Démonstration.
X
det(v1 , . . . , vi−1 , vi , vi+1 , . . . , vn ) = det(v1 , . . . , vi−1 , λk vk , vi+1 , . . . , vn )
k6=i
X
= λk det(v1 , . . . , vi−1 , vk , vi+1 , . . . , vn ) = 0K
k6=i

car ∀ k 6= i, det(v1 , . . . , vi−1 , vk , vi+1 , . . . , vn ) = 0K puisque vk apparaît deux


fois.

• Traitons le cas n = 3 pour mieux assimiler le raisonnement précédent :


Soit donc v1 , v2 , v3 trois vecteurs de E. On suppose par exemple que v2 est combi-
naison linéaire de v1 et v3 , à savoir v2 = λ1 v1 + λ3 v3 . Alors :

det(v1 , v2 , v3 ) = det(v1 , λ1 v1 + λ3 v3 , v3 ) = λ1 det(v1 , v1 , v3 ) + λ3 det(v1 , v3 , v3 ) = 0K .

Corollaire 4.1.8 (Règle de calcul). On ne change pas la valeur prise par le dé-
terminant sur un n-uplet (v1 , . . . , vn ) de E n en ajoutant à l’un des vecteurs vi une
combinaison linéaire des autres vecteurs :
X
det(v1 , . . . , vi−1 , vi , vi+1 , . . . , vn ) = det(v1 , . . . , vi−1 , vi + λk vk , vi+1 , . . . , vn )
k6=i

Démonstration.
X X
det(v1 , . . . , vi + λk vk , . . . , vn ) = det(v1 , . . . , vi , . . . , vn ) + f (v1 , . . . , λk v k , . . . , v n )
k6=i k6=i
= det(v1 , . . . , vi , . . . , vn ),

parce que det(v1 , . . . , λk vk , . . . , vn ) = 0K en vertu du théorème précédent.


P
k6=i

Déterminant d’ordre n = 2 :

Soient E un espace vectoriel de dimension 2, B = (e1 , e2 ) une base de E. Pour


tous vecteurs x = x1 e1 + x2 e2 et y = y1 e1 + y2 e2 de E, calculons det(x, y) :
Comme det est bilinéaire, nous avons :

det(x1 e1 + x2 e2 , y1 e1 + y2 e2 ) = x1 det(e1 , y1 e1 + y2 e2 ) + x2 det(e2 , y1 e1 + y2 e2 )

Or,
det(e1 , y1 e1 + y2 e2 ) = y1 det(e1 , e1 ) + y2 det(e1 , e2 )
det(e2 , y1 e1 + y2 e2 ) = y1 det(e2 , e1 ) + y2 det(e2 , e2 )
D’où
det(x1 e1 + x2 e2 , y1 e1 + y2 e2 )
= x1 y1 det(e1 , e1 ) + x1 y2 det(e1 , e2 ) + x2 y1 det(e2 , e1 ) + x2 y2 det(e2 , e2 )

Abdellatif Bentaleb 171 Facultés des Sciences de Meknès


172 Chapitre 4. Déterminants

De plus, puisque det est alternée, nous avons

det(e1 , e1 ) = 0, det(e2 , e2 ) = 0, det(e1 , e2 ) = 1, det(e2 , e1 ) = −det(e1 , e2 ) = −1

On parvient ainsi à la formule bien connue en calcul vectoriel :

det(x1 e1 + x2 e2 , y1 e1 + y2 e2 ) = x1 y2 − x2 y1

Déterminant d’ordre n = 3 :

Envisageons le cas d’un espace vectoriel E de dimension 3, muni d’une base


B = (e1 , e2 , e3 ). Puisque det est une application trilinéaire alternée sur E, on obtient,
de manière analogue en ne notant que les termes non nuls :

det(x, y, z) = x1 y2 z3 det(e1 , e2 , e3 ) + x1 y3 z2 det(e1 , e3 , e2 ) + x2 y1 z3 det(e2 , e1 , e3 )


+ x2 y3 z1 det(e2 , e3 , e1 ) + x3 y1 z2 det(e3 , e1 , e2 ) + x3 y2 z1 det(e3 , e2 , e1 )

= (x1 y2 z3 + x2 y3 z1 + x3 y1 z2 ) − (x3 y2 z1 + x1 y3 z2 + x2 y1 z3 ) det(e1 , e2 , e3 )

Comme det(e1 , e2 , e3 ) = 1, on déduit le déterminant des trois vecteurs x, y et z


dans la base B :

det(x1 e1 + x2 e2 + x3 e3 , y1 e1 + y2 e2 + y3 e3 , z1 e1 + z2 e2 + z3 e3 ) =
x1 y2 z3 + x2 y3 z1 + x3 y1 z2 ) − (x3 y2 z1 + x1 y3 z2 + x2 y1 z3 )

Pour n quelconque, l’expression du déterminant dans le cas général est un peu


plus délicate à établir. En effet, si nous tentons de répéter les arguments précé-
dents pour calculer le déterminant de n vecteurs v1 , . . . , vn en dimension n, nous
nous apercevons très vite que cette méthode est lourde, surtout si la dimension n
est assez grande. Essayer de faire les calculs pour n = 4 pour vous convaincre. Par
conséquent, nous proposerons plus loin une approche différente qui va être basée sur
un procédé de récurrence.

Pour la disposition pratique du déterminant, et afin de calculer concrètement le


scalaire det(v1 , . . . , vn ) pour des vecteurs donnés v1 , . . . , vn d’un K-espace vectoriel
E de base B = (e1 , . . . , en ), on écrit en colonnes les coordonnées de chacun de ces
vecteurs dans la base B :
     
a11 a12 a1n
 a21   a22   a2n 
 ..  ,  ..  , . . . ,  ..  ,
     
 .   .   . 
an1 an2 ann

Université Moulay Ismaïl 172 Abdellatif Bentaleb


4.2 Déterminant d’une matrice carrée 173
n n n
où v1 = ain ei , puis on rassemble ces colonnes
P P P
ai1 ei , v2 = ai2 ei , . . . , vn =
i=1 i=1 i=1
entre traits verticaux pour représenter le déterminant à calculer :

a11 a12 . . . a1n

a21 a22 . . . a2n
det(v1 , . . . , vn ) = .. .. ..

. . .

an1 an2 . . . ann

Ainsi, à titre d’exemples, les déterminants d’ordre 2 et 3 que nous avons développés
tout à l’heure peuvent s’écrire sous forme :

x1 y 1
x2 y2 = x1 y2 − x2 y1


x1 y1 z1

x2 y2 z2 = (x1 y2 z3 + x2 y3 z1 + x3 y1 z2 ) − (x3 y2 z1 + x1 y3 z2 + x2 y1 z3 )

x3 y3 z3

Soulignons que la dernière formule pour le déterminant d’ordre 3 s’appelle la


règle de Sarrus ; elle est valable seulement pour n = 3.

La notation précédente du déterminant de n vecteurs v1 , v2 , . . . , vn nous conduit


de façon naturelle à la notion de déterminant d’une matrice carrée.

4.2 Déterminant d’une matrice carrée


Soit A = (aij ) ∈ Mn (K) une matrice carrée d’ordre n à cœfficients dans K :
 
a11 a12 . . . a1n
 a21 a22 . . . a2n 
A =  .. .. .. 
 
 . . . 
an1 an2 . . . ann

Désignons par C1 , C2 , . . . , Cn les vecteurs colonnes de A ; ce sont des vecteurs de


l’espace vectoriel E = Kn :
    
a11 a12 a1n
 a21   a22   a2n 
C1 =  ..  , C2 =  ..  , . . . , Cn =  ..  .
     
 .   .   . 
an1 an2 ann

Abdellatif Bentaleb 173 Facultés des Sciences de Meknès


174 Chapitre 4. Déterminants

On peut donc écrire : A = (aij ) = (C1 , C2 , . . . , Cn ). Choisissons pour base de Kn


la base canonique B = (e1 , . . . , en ) :
 
  0  
1 1 0
0  .. 
e1 =  ..  , e2 = 0 , . . . , en =  .  .
 
     
.  ..  0
.
0 1
0

Le scalaire aij s’interprète comme la composante du vecteur Cj suivant ei relative-


ment à la base B.

Définition 4.2.1. On appelle déterminant de la matrice carrée A = (aij ), et


l’on note detA, le déterminant det(C1 , . . . , Cn ) de la famille de ses vecteurs colonnes
dans la base canonique B de Kn :

a11 a12 . . . a1n

a21 a22 . . . a2n
det(A) = det(C1 , . . . , Cn ) = .. .. ..

. . .

an1 an2 . . . ann

Exemple 4.2.2. La matrice unité In d’ordre n a pour vecteurs colonnes e1 , . . . , en :


 
1 0 ... 0
0 1 . . . 0
In =  .. .. . . ..  = (e1 , e2 , . . . , en ).
 
. . . .
0 0 ... 1

Or, la condition 3 de la définition 4.1.1 nous dit que det(e1 , . . . , en ) = 1. Il vient :


1 0 . . . 0

0 1 . . . 0
det(In ) = .. .. . . .. = 1

. . . .

0 0 . . . 1

Remarque 4.2.3. Les colonnes d’une matrice carrée forment n vecteurs et nous
voyons donc qu’un déterminant det sur l’espace vectoriel E = K n induit une appli-
cation det : Mn (K) −→ K définie par det(A) = det(C1 , . . . , Cn ) où Ci est la i-ème
colonne de A. Le déterminant d’une matrice A ∈ Mn (K) est dit déterminant
d’ordre n.

Nous avons déjà montré que le déterminant d’une famille liée de vecteurs est nul.
En fait, on admet que la réciproque est également vraie, c’est-à-dire si le déterminant
d’une famille (v1 , . . . , vn ) est nul, alors cette famille est liée. Nous récapitulons donc
ce résultat ainsi que sa contraposée comme suit :

Université Moulay Ismaïl 174 Abdellatif Bentaleb


4.2 Déterminant d’une matrice carrée 175

Théorème 4.2.4. Soit (v1 , . . . , vn ) une famille de n vecteurs d’un espace vectoriel
E de dimension n et soit B une base de E. On a :

• (v1 , . . . , vn ) est liée ⇐⇒ det(v1 , . . . , vn ) = 0

• (v1 , . . . , vn ) est libre ⇐⇒ det(v1 , . . . , vn ) 6= 0

On sait que dans un espace vectoriel E de dimension n, une famille (v1 , . . . , vn ) à


n vecteurs est une base de E si et seulement si elle est libre. Le théorème précédent
donne ainsi une caractérisation des bases à l’aide du déterminant :

Dans un espace vectoriel E de dimension n :


(v1 , . . . , vn ) est une base de E ⇐⇒ det(v1 , . . . , vn ) 6= 0

   0
a a
Exemple 4.2.5. Soient v1 = et v2 = deux vecteurs de E = K2 . On a :
b b0

a a 0
(v1 , v2 ) est liée ⇐⇒ det(v1 , v2 ) = 0 ⇐⇒ = 0 ⇐⇒ ab 0 − a 0 b = 0.
b b 0
   0  00 
a a a
Exemple 4.2.6. Soient v1 =  b  , v2 =  b 0  , v3 =  b 00  trois vecteurs de
c c0 c 00
E = K3 . On a :

a a 0 a 00
(v1 , v2 , v3 ) est liée ⇐⇒ det(v1 , v2 , v3 ) = 0 ⇐⇒ b b 0 b 00 = 0.

c c 0 c 00

Voici maintenant des propriétés importantes du déterminant d’une matrice :

Théorème 4.2.7. Si n est un entier positif, on a

1. ∀ A ∈ Mn (K), ∀ λ ∈ K, det(λA) = λn det(A);

2. ∀ A, B ∈ Mn (K), det(AB) = det(A) × det(B);

3. Une matrice A ∈ Mn (K) est inversible ⇐⇒ det(A) 6= 0;


1
4. Si matrice A ∈ Mn (K) est inversible, alors det(A−1 ) = .
det(A)
Démonstration.

1. En notant C1 , . . . , Cn les vecteurs colonnes de A, on a A = (C1 C2 . . . Cn ),


donc det(A) = det(C1 , . . . , Cn ). D’autre part, lorsqu’on multiplie la matrice
A par le scalaire λ, on voit que les vecteurs colonnes de A sont multipliées par
λ, c’est-à-dire λA = (λC1 , λC2 , . . . , λCn ). Il en résulte que
det(λA) = det(λC1 , λC2 , . . . , λCn ) = λn det(C1 , C2 , . . . , λCn ) = λn det(A).

Abdellatif Bentaleb 175 Facultés des Sciences de Meknès


176 Chapitre 4. Déterminants

2. Cette propriété est admise.

3. Soit C1 , . . . , Cn les vecteurs colonnes de A. D’après le chapitre des matrices,


nous savons que A est inversible ⇐⇒ (C1 , . . . , Cn ) est une famille libre
dans l’espace vectoriel E = Kn . Mais le théorème précédent nous dit que
(C1 , . . . , Cn ) est libre ⇐⇒ det(C1 , . . . , Cn ) 6= 0. Or, det(A) = det(C1 , . . . , Cn ),
d’où le résultat.

4. Puisque A × A−1 = In , alors det (A × A−1 ) = det(In ). Or, nous avons déjà
vu que det(In ) = 1. En outre, la propriété 2 ci-dessus donne det (A × A−1 ) =
det(A) × det (A−1 ). D’où le résultat voulu.

Proposition 4.2.8. Deux matrices semblables ont le même déterminant :

det(P −1 AP ) = det(A)

Démonstration. Si A et B sont semblables, il existe une matrice inversible P


telle que B = P −1 AP et donc det(P −1 AP ) = det(P −1 ) det A det P = det A car
det(P −1 ) = (det P )−1 .

L’application déterminant det : Mn (K) −→ K n’est pas linéaire :

det(A + B) 6= det(A) + det(B), det(λA) 6= λdet(A).

Il suffit de considérer l’exemple :

det(In + In ) = det(2In ) = 2n det(In ) = 2n 6= det(In ) + det(In ) = 1 + 1 = 2.

D’après la section précédente, nous savons déjà calculer les déterminants d’ordres
2 et 3. Nous verrons ultérieurement comment calculer le déterminant d’ordre n
quelconque. Mais tout d’abord, rappelons que la transposée t A d’une matrice carrée
A = (aij ) d’ordre n est la matrice carrée d’ordre n définie par t A = (bij ) avec
bij = aji . Concrètement, la matrice t A s’obtient en échangeant les lignes et les
colonnes de A, c’est-à-dire les lignes de A deviennent les colonnes de t A (et les
colonnes de A deviennent les lignes de t A).
Comparons à présent les déterminants  d’une matrice
 A et de sa
 transposée

t
A pour
x1 y 1 x x
n = 2 et n = 3. Il est clair que si A = , alors t A = 1 2
. Donc
x2 y 2 y1 y2

t
x1 x2 x1 y1
det( A) = = x1 y 2 − y 1 x2 = x1 y 2 − x2 y 1 =
x2 y2 = det(A).

y1 y2
 
x1 y1 z1
De même, on vérifie aisément ce résultat pour n = 3, car si A = x2 y2 z2 ,
x3 y3 z3

Université Moulay Ismaïl 176 Abdellatif Bentaleb


4.2 Déterminant d’une matrice carrée 177
 
x1 x2 x3
alors t A =  y1 y2 y3 . Donc la règle de Sarrus appliquée à la matrice t A donne
z1 z2 z3

x1 x2 x3

det(t A) = y1 y2 y3 = (x1 y2 z3 + y1 z2 x3 + z1 x2 y3 ) − (z1 y2 x3 + x1 z2 y3 + y1 x2 z3 )
z1 z2 z3

En comparant les expressions de det(t A) et det(A), on voit que det(t A) = det(A).


Plus généralement, nous admettons ce résultat pour n quelconque, et nous énonçons
donc sans démonstration le théorème très important suivant :

Théorème 4.2.9. Une matrice carrée A ∈ Mn (K) et sa transposée t A ∈ Mn (K)


ont le même déterminant :

det(A) = det(t A)

Ce théorème nous dit qu’on peut échanger les lignes et les colonnes d’une matrice
carrée A sans changer son déterminant. Plus précisément, notons C1 , . . . , Cn les co-
lonnes de A et L1 , . . . , Ln les lignes de A. Par définition, det(A) = det(C1 , . . . , Cn ).
Mais les lignes L1 , . . . , Ln de A sont les colonnes de t A, donc la définition du dé-
terminant de la matrice det(t A) s’écrit det(t A) = det(L1 , . . . , Ln ). Par conséquent,
det(A) = det(C1 , . . . , Cn ) = det(L1 , . . . , Ln ). Ainsi, toute règle de calcul du déter-
minant relatif aux colonnes se transpose immédiatement aux lignes, et vice-versa.

Remarque 4.2.10. Soit A une matrice carrée d’ordre n de colonnes C1 , . . . , Cn et


de lignes L1 , . . . , Ln . Nous avons vu que

det(A) = 0 ⇐⇒ (C1 , . . . , Cn ) est liée.

En passant à la transposée, et en se rappelant que det(A) = det(t A) et que les


colonnes de t A sont les lignes de A, on obtient :

det(A) = 0 ⇐⇒ det(t A) = 0 ⇐⇒ (L1 , . . . , Ln ) est liée.

4.2.1 Règles de calcul du déterminant d’une matrice


Le déterminant d’une matrice carrée est une application n-linéaire alternée des vec-
teurs colonnes, et donc

• si on échange deux colonnes d’une matrice, le déterminant se change en son


opposé;

• le déterminant d’une matrice dépend linéairement de chacun de ses vecteurs


colonnes;

Abdellatif Bentaleb 177 Facultés des Sciences de Meknès


178 Chapitre 4. Déterminants

• on ne change pas la valeur du déterminant d’une matrice en ajoutant à l’un de


ses vecteurs colonnes, une combinaison linéaire des autres vecteurs colonnes;

• Si l’un des vecteurs colonnes est nul, alors le déterminant de la matrice est
nul;

• Si l’un des vecteurs colonnes est combinaison linéaire des autres vecteurs co-
lonnes, alors le déterminant de la matrice est nul.

Puisque le déterminant d’une matrice est égal au déterminant de sa transposée,


on peut remplacer « vecteur colonne » par « vecteur ligne » dans les propriétés
précédentes. Plus spécifiquement :

• si on échange deux lignes d’une matrice, le déterminant se change en son


opposé;

• le déterminant d’une matrice dépend linéairement de chacun de ses vecteurs


lignes;

• on ne change pas la valeur du déterminant d’une matrice en ajoutant à l’un


de ses vecteurs lignes, une combinaison linéaire des autres vecteurs lignes;

• Si l’un des vecteurs lignes est nul, alors le déterminant de la matrice est nul;

• Si l’un des vecteurs lignes est combinaison linéaire des autres vecteurs lignes,
alors le déterminant de la matrice est nul.

 
3 −1 2
Exemple 4.2.11. Soit la matrice A = 2 −1 1. Ses trois vecteurs lignes
1 0 1
L1 = 3, −1, 2 , L2 = 2, −1, 1 , L3 = 1, 0, 1 sont linéairement dépendants :
 

L1 − L2 = L3 . Par conséquent, det(A) = 0 et la matrice A n’est pas inversible. On


en déduit
  automatiquement
  (sans faire les calculs !) que les trois vecteurs colonnes
3 −1 2
C1 = 2 , C2 = −1 , C3 = 1 sont linéairement dépendants. Justement,
    
1 0 1
une simple observation montre que C1 + C2 = C3 .

1 t 5 2

−1 0 α −2
Exemple 4.2.12. De même, = 0, puisque les première et qua-
2 β 34 4

−7 3 γ −14
trième colonnes sont proportionnelles : C4 = 2C1 .

Université Moulay Ismaïl 178 Abdellatif Bentaleb


4.3 Développement d’un déterminant suivant une rangée 179

4.3 Développement d’un déterminant suivant une rangée


Nous avons déjà obtenu des formules précises pour les déterminants d’ordres 2 et
3. Notre objectif dans cette section est d’expliciter le déterminant d’une matrice
carrée A d’ordre n par une relation de récurrence en supposant connue l’expression
du déterminant d’ordre n − 1.
On appelle rangée d’une matrice ou d’un déterminant toute ligne ou colonne de cette
matrice ou de ce déterminant.

4.3.1 Mise en place


Soit A = (aij ) une matrice carrée d’ordre n. Pour tout couple (i, j) d’indices avec
1 ≤ i, j ≤ n, on note Aij la matrice d’ordre n−1 obtenue à partir de A en supprimant
la ligne i et la colonne j :

a11 · · · a1 j−1 a1 j+1 · · · a1n


 
 .. .. .. .. 
 . . . . 
ai−1 1 · · · ai−1 j−1 ai−1 j+1 · · · ai−1 n 
 
Aij =   ∈ Mn−1 (K)
ai+1 1 · · · ai+1 j−1 ai+1 j+1 · · · ai+1 n 
 . .. .. .. 
 .. . . . 
an1 · · · an j−1 an j+1 · · · ann

 
1 2 3
Exemple 4.3.1. Si A= 4  5 6, alors on a par exemples
7 8 9
       
5 6 2 3 1 3 1 2
A11 = , A21 = , A32 = , A33 =
8 9 8 9 4 6 4 5

Ceci étant défini, nous énonçons sans démonstration le résultat important sui-
vant :

Théorème 4.3.2. Soit A = (aij ) ∈ Mn (K). Pour tout j ∈ {1, . . . , n}, on a

n
X
det(A) = (−1)i+j aij det(Aij )
i=1

Cette formule s’appelle le développement du déterminant par rapport à la


colonne j.

Puisque chaque terme det(Aij ) est un déterminant d’ordre n − 1, la relation


précédente est une formule récurrente.

D’autre part, on sait que la colonne i de la matrice t A est égale à la ligne i de la


matrice A. Donc si on développe le déterminant de la transposée det(t A) par rapport

Abdellatif Bentaleb 179 Facultés des Sciences de Meknès


180 Chapitre 4. Déterminants

à la colonne i dans la formule précédente, on obtient, puisque det(t A) = det(A),


une formule analogue qui va donner cette fois-ci le développement de det(A) par
rapport à la ligne i :
Théorème 4.3.3. Soit A = (aij ) ∈ Mn (K). Pour toute ligne i ∈ {1, . . . , n}, on a

n
X
det(A) = (−1)i+j aij det(Aij )
j=1

Cette formule s’appelle le développement du déterminant par rapport à la


ligne i.
Attention : ici, c’est l’indice i qui est fixé et j varie, contrairement au théorème
précédent.

• Il est important de noter qu’on peut choisir sa ligne i ou sa colonne j pour


effectuer le calcul du déterminant.

• On remarque qu’on a (−1)i+j dans la ligne i et la colonne j.

• On développe le développement par rapport à une ligne ou une colonne en


tenant compte de la règle des signes (−1)i+j aij det(Aij ).
 
+ − + − · · · (−1)n+1
 − + − + ··· ··· 
 
 + − + − · · · · · · 
• La règle des signes est donc :  −
 
+ − + · · · · · · 
.. .. .. .. .. ..
 
. . . . . .
 
 
n+1
(−1) ··· − +
(Attention : commencer par un signe + en haut à gauche ou en bas à droite.)
Pour les étudiants amateurs du jeu d’échecs, vous pouvez observer l’analogie entre
la règle des signes et le tableau de l’échiquier.

Les considérations précédentes motivent la définition suivante :


Définition 4.3.4. Soit A = (aij ) une matrice carrée d’ordre n ≥ 2. On appelle
• mineur relatif à l’élément aij , le déterminant de la matrice carrée Aij d’ordre
(n − 1) déduite de A par la suppression de la ième ligne et de la jème colonne;

• cofacteur de aij , le scalaire (−1)i+j det Aij .


Exemple 4.3.5. Il est
clair
que si A = (a) est une matrice d’ordre 1, alors det(A) =
a b
a. Nous savons que = ad − bc. Nous pouvons retrouver ce résultat en déve-
c d
loppant ce déterminant par rapport à la deuxième ligne :

a b 2+1 2+2
c d = (−1) c det(b) + (−1) d det(d) = −bc + ad.

Université Moulay Ismaïl 180 Abdellatif Bentaleb


4.3 Développement d’un déterminant suivant une rangée 181

Exemple 4.3.6. Calculons le déterminant d’ordre 3 suivant en le développant par


rapport à la première ligne :

a11 a12 a13
a21 a22 a23 = (−1)1+1 a11 a22 a23 +(−1)1+2 a12 a21 a23 +(−1)1+3 a13 a21 a22

a32 a33 a31 a33 a31 a32
a31 a32 a33

= a11 (a22 a33 − a32 a23 ) − a12 (a21 a33 − a31 a23 ) + a13 (a21 a32 − a31 a22 )
= a11 a22 a33 − a11 a32 a23 − a12 a21 a33 + a12 a31 a23 + a13 a21 a32 − a13 a31 a22
On retrouve ainsi l’expression du déterminant d’ordre 3 déjà obtenu par la règle de
Sarrus.
 
2 3 5
Exemple 4.3.7. Calculons le déterminant de la matrice A = 1 4 2 suivant
2 1 5
la colonne 2 :

1 2 2 5 2 5
det(A) = −3 +4
2 5 − 1 × 1 2 = ((−3) × 1) + (4 × 0) − (1 × (−1)) = −2

2 5
Remarque 4.3.8. On s’aperçoit très vite que cette méthode est longue, surtout
si la taille n de la matrice augmente, car on doit calculer n déterminants d’ordres
n − 1. Par contre, cette méthode est très pratique quand une ligne ou une colonne
contient beaucoup de zéros.

Dans la pratique, on choisit une ligne ou une colonne qui contient beaucoup de
zéros si possible pour minimiser les calculs.

L’exemple qui suit illustre ce point.


 
2 3 0 5
1 4 0 2
Exemple 4.3.9. Calculons le déterminant de la matrice A =  5 4 8 6.

2 1 0 5
Or, il est convenable ici de développer suivant la colonne 3 qui contient trois termes
nuls :

1 4 2 2 3 5 2 3 5 2 3 5

det(A) = +0 × 5 4 6 − 0 × 5 4 6 + 8 × 1 4 2 − 0 × 1 4 2
2 1 5 2 1 5 2 1 5 5 4 6

L’avantage de ce développement est qu’on est amené à calculer un seul déterminant


d’ordre 3 :
2 3 5

det(A) = 8 1 4 2
2 1 5
D’après l’exemple précédent, nous obtenons det(A) = 8 × (−2) = −16.

En connexion avec la remarque ci-dessus, le calcul du déterminant des matrices


diagonales ou triangulaires se prête très bien au développement par rapport à une
ligne ou à une colonne grâce au grand nombre de zéros contenus dans ces matrices.

Abdellatif Bentaleb 181 Facultés des Sciences de Meknès


182 Chapitre 4. Déterminants

Théorème 4.3.10. Le déterminant d’une matrice triangulaire supérieure est égal


au produit des terme diagonaux :


a11 a12 . . . a1n

0 a22 . . . a2n
.. .. . . . .. = a11 a22 . . . ann

. . .

0 0 . . . ann

Démonstration. Raisonnement par récurrence sur n :


a a
• La formule est vraie pour n = 2 puisque 11 12 = a11 a22 .

0 a22

• Supposons la formule
 vraie pour toute matrice
 triangulaire supérieure d’ordre
a11 a12 . . . a1n
 0 a22 . . . a2n 
n − 1 et soit A =  .. .. . . ..  une matrice triangulaire supérieure
 
 . . . . 
0 0 . . . ann
d’ordre n.
Il est facile de voir que la première colonne et la dernière ligne contiennent
beaucoup de zéros, donc il convient de développer par rapport à l’une de ces
deux rangées. Par exemple, développons le déterminant de A par rapport à la
dernière ligne :

a11 a12 ... a1 n−1 a1n
a11 a12 ... a1 n−1
0 a22 ... a2 n−1 a2n
0 a22 ... a2 n−1
det(A) = ... .. .. .. ..

. . . . = +ann .. .. .. ..

. . . .


0 0 . . . an−1 n−1 an−1 n
0 0 . . . an−1 n−1
0 0 ... 0 ann


a11 a12 . . . a1 n−1

0 a22 . . . a2 n−1
D’après l’hypothèse de récurrence, .. .. . . .. = a11 a22 . . . an−1 n−1 ,

. . . .

0 0 . . . an−1 n−1
car c’est le déterminant d’une matrice triangulaire supérieure d’ordre n − 1.
D’où le résultat.

• Dans la récurrence précédente, on peut développer par rapport à la première


colonne, qui contient elle aussi beaucoup de zéros, pour aboutir à la même conclusion.

• En transposant, on obtient que le déterminant d’une matrice triangulaire

Université Moulay Ismaïl 182 Abdellatif Bentaleb


4.3 Développement d’un déterminant suivant une rangée 183

inférieure est aussi égal au produit des terme diagonaux :



a11 0 ... 0

a21 a22 ... 0
.. .. .. .. = a11 a22 . . . ann

. . . .

an1 an2 . . . ann

• Les matrices diagonales étant des matrices à la fois triangulaires supérieures


et inférieures, leur déterminant est égal aussi au produit des termes diagonaux :

λ1 0 ... 0

0 λ2 ... 0
.. .. ... .. = λ1 λ2 . . . λn

. . .

0 0 . . . λn

• En particulier, on retrouve la formule du déterminant d’une matrice scalaire



λ 0 . . . 0

0 λ . . . 0
det(λIn ) = λn , c’est-à-dire .. .. . . .. = λn .

. . . .

0 0 . . . λ

Exemple 4.3.11. Considérons l’espace vectoriel Kn [X] des polynômes de degrés


≤ n. On sait que B = (1, X, X 2 , . . . , X n ) est une base de Kn [X] et que dim Kn [X] =
n + 1. On remarque les polynômes 1, X, X 2 , . . . , X n ont pour degrés 0, 1, . . . , n res-
pectivement. Plus généralement, soit (P0 , P1 , . . . , Pn ) une famille de n + 1 poly-
nômes de Kn [X]. On dit que (P0 , P1 , . . . , Pn ) est une famille échelonnée de po-
lynômes si deg(Pk ) = k pour tout ∈ {0, 1, . . . , n}. Montrons que toute famille
échelonnée de polynômes (P0 , P1 , . . . , Pn ) est une base de Kn [X]. Pour cela, posons
Pk = a0k + a1k X + · · · + akk X k , avec akk 6= 0. Pour montrer que (P0 , P1 , . . . , Pn ) est
une base de Kn [X], il suffit de prouver que (P0 , P1 , . . . , Pn ) est libre, ce qui revient
à établir que det(P0 , P1 , . . . , Pn ) 6= 0. Justement, le fait que ce déterminant soit
triangulaire facilite beaucoup les calculs :

a00 a01 . . . a0n

0 a11 . . . a1n
det(P0 , P1 , . . . , Pn ) = .. .. . . .. = a00 a11 . . . ann 6= 0

. . . .

0 0 . . . ann

X − a (X − a)2 (X − a)n
 
En particulier, la famille 1, , , ..., , où a ∈ K, forme
1! 2! n!
une base de Kn [X], puisque c’est une famille échelonnée de polynômes. Cette base
est utilisée notamment dans la formule de Taylor pour les polynômes.

Abdellatif Bentaleb 183 Facultés des Sciences de Meknès


184 Chapitre 4. Déterminants

4.3.2 Déterminant d’une matrice triangulaire par blocs


Nous allons étudier ici le déterminant d’une matrice partagée en sous-matrices.

• Commençons par observer que, pour toute matrice carrée A d’ordre m et


toute matrice C de type (m, n), on a la formule :

In O
= det(A)
C A

C’est-à-dire

1 0 ... 0 0 ... 0

0 1 ... 0 0 ... 0
. .. .. .. ..
. ...

. . . . .
a11 . . . a1m
. . . 0 = ... .. ..

0 0 ... 1 0 . .

c11 c12 . . . c1n a11 . . . a1m am1 . . . amm

. .. .. .. ..
.. . . . .

c cm2 . . . cmn am1 . . . amm
m1

En effet, il suffit d’effectuer des développements successifs par rapport aux pre-
mières lignes, qui sont les plus simples : il ne reste plus à la fin que le déterminant
de A.

• De même, en développant le déterminant suivant la dernière ligne plusieurs


fois de suite, on obtient
A C

O = det(A)
In
• Soient maintenant A et B des matrices carrées d’ordres respectifs m et n et
C une matrice de type (m, n). On remarque aisément le produit matriciel par blocs :
     
A C I O A C
= m ×
O B O B O In

Selon la formule det(M × N ) = det(M ) × det(N ), il s’ensuit que



A C Im O A C

O = ×

B O B O In

Finalement, en tenant compte de ce qui précède, on déduit la formule suivante, très


pratique aussi bien en calculs qu’en théorie des déterminants :


A C

O = det(A)det(B)
B

Université Moulay Ismaïl 184 Abdellatif Bentaleb


4.3 Développement d’un déterminant suivant une rangée 185

−2 1 7 −1 4

3 −9 2 −2 1
Exemple 4.3.12. Le déterminant 0 2 vaut

0 4 −3
0
0 −1 5 3
0 0 2 6 1

−2 1 7 −1 4

3 −9 2 −2 1 4 −3 2
−2 1
0 0 4 −3 2 = × −1 5 3 = (15) × (−105) = −1575.
3 −9
0
0 −1 5 3 2 6 1
0 0 2 6 1

On notera cependant que si A, B, C et D sont des matrices carrées du même ordre,


en général on a :

A C
6= det(A)det(B) − det(D)det(C)
D B

4.3.3 Inverse d’une matrice carrée


Définition 4.3.13. Si A = (aij ) est une matrice carrée d’ordre n ≥ 2, on appelle
comatrice (ou matrice des cofacteurs) de A, et on note ComA, la matrice de
terme général cij , égal au cofacteur (−1)i+j det Aij relatif à aij :

 
ComA = cij ij
= (−1)i+j det Aij ij

 
a c
Exemple 4.3.14. Soit A = ∈ M2 (K). Puisque A11 = d, A12 = b, A21 =
b d
c, A22 = a, alors la comatrice de A est la matrice
     
(−1)1+1 A11 (−1)1+2 A12 (−1)1+1 d (−1)1+2 b d −b
ComA = = =
(−1)2+1 A21 (−1)2+2 A22 (−1)2+1 c (−1)2+2 a −c a
 
1 −1 0
Exemple 4.3.15. Considérons la matrice A = 0 1 2. Sa comatrice est
2 0 3
 
1 2 0 2 0 1

 0 3

2 3
2 0   

 −1 0 1 0
 3 4 −2
− 1 −1  =  3

ComA =  −
 0 3 2 3 3 −2
2 0 


 −1 0
−2 −2 1
− 1 0 1 −1


1 2 0 2 0 1

En fait, c’est plutôt la transposée t (ComA) de la comatrice de A qui a beau-


coup d’importance vis-à-vis de la matrice A, comme le montre le résultat ci-dessous :

Abdellatif Bentaleb 185 Facultés des Sciences de Meknès


186 Chapitre 4. Déterminants

Théorème 4.3.16. Pour toute matrice carrée A d’ordre n ≥ 2, on a

A × t (ComA) = t (ComA) × A = (det A)In

Par conséquent, si A est inversible, on peut déduire la formule théorique de A−1 :

Corollaire 4.3.17 (Inverse d’une matrice carrée). Si A est une matrice carrée in-
versible d’ordre n ≥ 2, on a

1 t
A−1 = (ComA)
detA

Cette jolie formule conduit à des calculs pénibles ! Exceptés les cas n = 2 et n = 3,
cette formule ne peut servir au calcul numérique de l’inverse car elle comporte trop
d’opérations.
 
a c
Exemple 4.3.18. Soit A = ∈ M2 (K). Si det(A) = ad − bc 6= 0, alors A
b d
est inversible et la formule précédente fournit :
 
−1 1 t 1 d −c
A = (ComA) =
detA ad − bc −b a

 
1 −1 0
Exemple 4.3.19. Soit la matrice A = 0 1 2 traitée dans l’exemple (4.3.15).
2 0 3
Il n’est pas difficile de montrer que det(A) = −1 6= 0, et donc A inversible. Puisque
sa comatrice est  
3 4 −2
ComA =  3 3 −2 ,
−2 −2 1
alors  
3 3 −2
t
(ComA) =  4 3 −2 .
−2 −2 1
D’où
   
3 3 −2 −3 −3 2
1 t
A−1 = (ComA) = −  4 3 −2 = −4 −3 2 
detA
−2 −2 1 2 2 −1

Comme d’habitude, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs dans le résultat de A−1 ,
vérifier toujours par le calcul qu’on a bien l’égalité A × A−1 = In !!!

Université Moulay Ismaïl 186 Abdellatif Bentaleb


4.4 Déterminant et rang 187

4.4 Déterminant et rang


Les déterminants peuvent servir à calculer le rang d’une matrice de taille quel-
conque : le point est que l’on peut extraire d’une matrice des matrices carrées en ne
gardant que les coefficients correspondant à certaines lignes et colonnes.

Définition 4.4.1. Soit A = (aij ) une matrice de type (n, p) et k ∈ N un entier


tel que k ≤ n et k ≤ p. On appelle déterminant d’ordre k extrait de A, le
déterminant d’une matrice carrée d’ordre k obtenue en supprimant n − k) lignes et
p − k colonnes de A.
 
a b c
Exemple 4.4.2. Soit A = ∈ M2,3 (K). Les déterminants extraits de A
a0 b 0 c 0
sont :

• Les déterminants d’ordre k = 1 qui sont les cœfficients de A : a, b, c, a0 , b0 , c0 .


Ils sont obtenus en supprimant 2 − 1 = 1 ligne et 3 − 1 = 2 colonnes de la
matrice A.

• Les déterminants extraits d’ordre k = 2 :



a b a c b c
0 0 , 0 0 , 0 0
a b a c b c

Ils sont obtenus en supprimant 2 − 2 = 0 ligne (c’est-à-dire on ne supprime


aucune ligne) et 3 − 2 = 1 colonne de A.

• Il n’y a pas de déterminants d’ordre k = 3 extraits de A.

Nous sommes maintenant en mesure d’énoncer le résultat suivant :

Théorème 4.4.3 (Caractérisation du rang d’une matrice). Le rang d’une matrice


A = (aij ) ∈ Mn,p (K) est égal à l’ordre maximal des déterminants non nuls extraits
de A.

En d’autres termes, le rang d’une matrice A est le plus grand entier r pour lequel
il existe un déterminant non nul d’ordre r extrait de A.
 
2 1 4
Exemple 4.4.4. Calculons le rang de A = −3 −2 −8. Il faut commencer par
0 5 20
considérer les déterminants extraits de A de plus grand ordre k. Le plus grand ordre
possible k est 3 car le déterminant de A peut être considérée comme extrait de A
en supprimant 0 lignes et 0 colonnes.
En regardant les colonnes, on a C3 = 4C2 . Donc la matrice A n’est pas inversible,
d’où det(A) = 0, ce qui donne rang(A) < 3.
Donc il n’existe pas de déterminant d’ordre 3 extrait de A qui soit non nul.

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188 Chapitre 4. Déterminants

Cherchons maintenant s’il existe un déterminant non nul d’ordre k = 2 extrait de


A. Il suffit de prendre par exemple

2 1
−3 −2 = −4 + 3 = −1 6= 0

qui est obtenu en supprimant la ligne 3 et la colonne 3. Ainsi, rang(A) = 2.


Notons qu’un déterminant non nul extrait de A d’ordre maximal n’est pas unique.
Dans notre exemple, on peut prendre aussi un autre déterminant non nul extrait
d’ordre maximal 2 :
−3 −2
= −15 6= 0
0 5
qui est obtenu en supprimant la première ligne et la troisième colonne.

D’autre part, rappelons que pour n vecteurs v1 , . . . , vn dans un espace vectoriel


de dimension n muni d’une base B, on a
(v1 , . . . , vn ) est libre ⇐⇒ det(v1 , . . . , vn ) 6= 0
Que peut-on dire lorsqu’on a une famille de vecteurs (v1 , . . . , vp ) de cardinal p < n ?
Si p > n, alors évidemment (v1 , . . . , vp ) est liée. Le cas p < n est traité ci-après.
Soulignons que p vecteurs en dimension n forment une matrice A de type (n, p)
contenant les coordonnées de v1 , . . . , vp dans la base B.
Corollaire 4.4.5 (Caractérisation des familles libres). Soit E un espace vectoriel
de dimension n et soit (v1 , . . . , vp ) une famille de p vecteurs de E avec p < n. Alors
(v1 , . . . , vp ) est libre si et seulement si on peut extraire de (v1 , . . . , vp ) un déterminant
d’ordre p non nul.
Démonstration. D’après le premier chapitre, on sait que (v1 , . . . , vp ) est libre si et
seulement si rang(v1 , . . . , vp ) = p. Mais selon le théorème précédent, cette condition
est équivalente à l’existence d’un déterminant extrait d’ordre p non nul.
     
1 0 0
−1 1 0
Exemple 4.4.6. Soient v1 =   3  , v2 =  0  , v3 = −1.
    

5 −2 3
Ces trois vecteurs appartiennent à l’espace vectoriel E = K . 4

Formons
 la matrice  A des coordonnées de v1 , v2 , v3 dans la base canonique B de K4 :
1 0 0
−1 1 0 
A=  ∈ M4,3 (K).
3 0 −1
5 −2 3
Il n’y a pas de déterminant d’ordre k = 4 extrait de A.
On peut choisir un déterminant d’ordre k = 3 extrait de A non nul : par exemple

1 0 0
−1 1 0 = 1 × 1 × (−1) = −1 6= 0 (déterminant d’une matrice triangulaire)


3 0 −1
D’où rang(v1 , v2 , v3 ) = 3 et, par suite, (v1 , v2 , v3 ) est libre.

Université Moulay Ismaïl 188 Abdellatif Bentaleb


4.5 Un exemple de déterminant à l’aide des règles de calculs 189
   0
a a
Exemple 4.4.7. Soient E = K3 et v1 =  b  , v2 =  b0  deux vecteurs de E. A
c c0
l’aide des déterminants extraits, on a

a a 0 a a 0 b b0
(v1 , v2 ) est libre ⇐⇒
6 0 ou
= 6 0 ou
= =6 0
b b0 c c0 c c0


a a 0 a a 0 b b 0
(v1 , v2 ) est liée ⇐⇒
= = =0
b b0 c c0 c c0

4.5 Un exemple de déterminant à l’aide des règles de calculs


On va utiliser les règles de calcul du déterminant qu’on a déjà vues précédemment
pour calculer le déterminant d’ordre 4 ci-après. Notons qu’il y a plusieurs de choix
pour aborder ce calcul, c’est-à-dire qu’on peut choisir convenablement les vecteurs
lignes ou les vecteurs colonnes sur lesquels on va travailler :

−1 1 −3 2 −1 1 −3 0

3 2 11 5 3 2 11 1
D1 = = 7 −4 2 0 = D2 en ajoutant −2 fois la

7 −4 2 −8
0 1 −1 2 0 1 −1 0
deuxième colonne à la quatrième colonne (C4 ← C4 − 2C2 ).

−1 1 −3 0
−1 1 −3
3 2 11 1
= 7 −4 2 = D3 en développant selon la qua-

D2 =
7 −4 2 0

0 1 −1
0 1 −1 0
trième colonne.

−1 1 −3 −1 1 −2
D3 = 7 −4 2 = 7 −4 −2 = D4 en ajoutant la seconde colonne à la

0 1 −1 0 1 0
troisième colonne.

−1 −2
D4 = − en développant suivant la ligne 3.
7 −2

−1 1
D4 = 2 en factorisant la seconde colonne par 2.
7 1

Enfin, D1 = D4 = 2(−1 − 7) = −16.

Entraînez-vous bien chez-vous en reprenant le même déterminant pour retrouver


le même résultat en effectuant d’autres opérations sur les lignes ou les colonnes.

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190 Chapitre 4. Déterminants

4.6 Systèmes linéaires


4.6.1 Position du problème
Dans cette section, n et p sont deux entiers non nuls et K désigne toujours le corps
R ou C.
On appelle système linéaire de p équations à n inconnues à coefficients dans
K, un ensemble d’équations de la forme


 a11 x1 +a12 x2 + · · · +a1n xn = b1 (L1 )
 a21 x1 +a22 x2 + · · · +a2n xn = b2 (L2 )

.. .. .. .. (4.1)


 . . . .
 a x +a x + · · · +a x = b (L )
p1 1 p2 2 pn n p p

dans lequel les coefficients aij et les bi sont des scalaires de K et x1 , . . . , xn sont
les inconnues qui appartiennent aussi à K. Les éléments b1 , . . . , bp sont appelés
les seconds membres. Les p équations sont notées L1 , . . . , Lp et s’appellent aussi les
lignes du système.
Le système (4.1) s’écrit en abrégé
X
aij xj = bi i = 1, 2, . . . , p.
j=1

On appelle solution du système tout n-uplet (x1 , . . . , xn ) dans Kn vérifiant les équa-
tions L1 , . . . , Lp . Résoudre le système c’est trouver toutes les solutions.
On dit qu’un système linéaire est compatible s’il possède au moins une solution
(x1 , . . . , xn ). Il est dit incompatible (ou impossible) lorsqu’il n’ a aucune solution.

Il y a trois interprétations d’un système linéaire :

Interprétation vectorielle :
Soient les espaces vectoriels Kn et Kp . Considérons les vecteurs colonnes
  
  
b1 a11 a1n
 b2  a21  a2n 
B =  ..  ∈ Kp , et A1 =  ..  ∈ Kp , . . . , An =  ..  ∈ Kp
     
.  .   . 
bp ap1 apn

Le système (4.1) s’écrit alors sous-forme vectorielle

x1 A1 + · · · + xn An = B (4.2)

Le problème posé est d’écrire le vecteur B comme combinaison linéaire des vecteurs
A1 , . . . , An et de calculer les scalaires x1 , . . . , xn correspondants.

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4.6 Systèmes linéaires 191

Interprétation matricielle :
Soit A la matrice de type (p, n) formée des coefficients aij du système, c’est-à-dire
 
a11 a12 . . . a1n
a21 a22 . . . a2n 
A =  .. .. .. 
 
 . . . 
ap1 ap2 . . . apn
A s’appelle la matrice su système. Les vecteurs colonnes de la matrice A sont les
vecteurs
 colonnes
 A1 , . . . , An utilisés dans la représentation vectorielle (4.2). Notons
x1
 x2 
X =  ..  ∈ Kn . A l’aide de la multiplication des matrices, le système (4.1) devient
 
.
xn
alors
AX = B (4.3)
Résoudre le système (4.1) revient à chercher les matrices uni-colonnes X ∈ Kn véri-
fiant l’équation matricielle AX = B.

Interprétation fonctionnelle :
Soient f : Kn −→ Kp l’application linéaire dont la matrice par rapport aux bases
canoniques de Kn et Kp est la matrice A = (aij ) utilisée dans l’interprétation ma-
tricielle (4.3).
Or, l’écriture
  matricielle d’une application linéaire dit que pour tout vecteur
x1
 x2 
X =  ..  ∈ Kn , son image f (X) est donnée par f (X) = AX. Par conséquent, le
 
.
xn
système (4.1) s’écrit
f (X) = B
Définition 4.6.1. Le rang r du système est le rang de la matrice A associée, c’est-
à-dire aussi le rang des vecteurs colonnes A1 , . . . , An de A. C’est aussi le rang de
l’application linéaire f associée.
Un système linéaire est dit homogène si le second membre B est nul, c’est-
à-direb1 =· · · 
= bp = 0. Il admet toujours au moins une solution : la solution nulle
x1 0
x2  0
X =  ..  =  .. . Ce système homogène s’écrit donc
   
 .  .
xp 0
X
aij xj = 0 i = 1, 2, . . . , p,
j=1

où encore
AX = 0.

Abdellatif Bentaleb 191 Facultés des Sciences de Meknès


192 Chapitre 4. Déterminants

En termes de l’application linéaire f : Kn −→ K p associée, l’ensemble des solutions


d’un système linéaire homogène est égal à l’ensemble des vecteurs X ∈ Kn tels
que f (X) = 0Kp . C’est donc le noyau ker(f ) de f . D’après le théorème du noyau,
dim(ker(f )) = dim(Kn ) − dim(Im(f )) = n − r. Il en découle que l’ensemble des
solutions est un sous-espace vectoriel de Kn de dimension n − r, où r est le rang du
système. Il suffit alors d’exhiber une base de ker(f ).

4.6.2 Systèmes de Cramer


Définition 4.6.2. Un système linéaire est dit de Cramer si :

1. n = p : le nombre d’inconnues est égal au nombre d’équations.

2. la matrice carrée A ∈ Mn (K) du système est inversible.

Notons que l’inversiblité de la matrice A équivaut à dire que l’application linéaire


associée f : K n
 −→  K est un isomorphisme, ou encore que pour
n
 tout
 vecteur
b1 x1
 b2   x2 
colonne B =  ..  ∈ Kn , il existe une solution et une seule X =  ..  ∈ Kn du
   
. .
bp xp
système. Le rang r du système est r = n.
L’écriture matricielle AX = B permet alors d’obtenir immédiatement cette solution
unique sous forme X = A−1 B.
Si l’on a déjà calculé la matrice inverse A−1 de A, alors il suffira de l’utiliser pour
trouver la solution unique X = A−1 B.
Mais si on ne connaît pas A−1 , voici une façon commode de calculer X = A−1 B :
Ecrivons le système sous la forme vectorielle

x1 A1 + · · · + xn An = B (4.5)

Appelons ∆ le déterminant de la matrice A et ∆i le déterminant de la matrice


obtenue en remplaçant la colonne i de A, c’est-à-dire Ai , par le second membre B :

∆ = det(A) = det(A1 , . . . , An ), ∆i = det(A1 , . . . , Ai−1 , B, Ai+1 , . . . , An )

En remplaçant B par son expression tirée de (4.5), il vient

∆i = det(A1 , . . . , Ai−1 , B, Ai+1 , . . . , An ) = det(A1 , . . . , Ai−1 , x1 A1 + · · · + xn An , Ai+1 , . . . , An )

Donc il apparaît n déterminants dans le développement de ∆i dont n − 1 sont nuls


parce que chaque Aj avec j 6= i y est répété deux fois. Il reste donc

∆i = xi det(A1 , . . . , An ) = xi ∆.

Nous avons ainsi démontré le résultat suivant :

Université Moulay Ismaïl 192 Abdellatif Bentaleb


4.6 Systèmes linéaires 193

Théorème 4.6.3 (Formules de Cramer). Un système de Cramer admet une solu-


tion unique (x1 , . . . , xn ) donnée par les formules de Cramer

∆i
xi = (i = 1, . . . , n)

où ∆ est le déterminant du système et où ∆i est le déterminant déduit de ∆ en


remplaçant la colonne i par la colonne des seconds membres.

Traitons un exemple d’application pour bien assimiler les formules de Cramer.

Exemple 4.6.4. Le système linéaire



 3x + 2y + z = 1

x + 3y + 2z = 0


2x + y + 3z = −1

3 2 1
est un système de Cramer car n = p = 3 et son déterminant est ∆ = 1 3 2 =

2 1 3
18 6= 0.
La solution unique (x, y, z) est donnée par les formules de Cramer :

1 2 1 3 1 1 3 2 1
1 1 1 1 1 2
x= 0 3 2 = , y = 1 0 2 = , z = 1 3 0 = −
18
3 18 3 18
3
−1 1 3 2 −1 3 2 1 −1

Les formules de Cramer ont une importance plutôt théorique. Quand la taille n
d’un système est grande, les formules de Cramer entraînent trop de calculs car on
doit calculer n + 1 déterminants d’ordre n qui sont ∆, ∆1 , . . . , ∆n !
On privilégie alors la méthode du pivot de Gauss, qui est la reine de toutes les méthodes,
et qui se prête facilement à la programmation à l’aide des logiciels de calcul formel.

4.6.3 Méthode du pivot de Gauss


Soit (S) un système linéaire quelconque à n inconnues et p équations. Un autre
système (S’) à n inconnues et p équations est dit équivalent au système (S) s’il
admet le même ensemble de solutions que (S).
L’idée consiste à transformer le système initial (S) en un nouveau système équivalent
(S’) qui sera plus simple à résoudre.
Les techniques que l’on utilise pour résoudre les systèmes linéaires se fondent sur les
trois types d’opérations élémentaires suivantes :

• Permuter deux équations Li et Lj : Li ↔ Lj

• Multiplier une équation Li par un scalaire λ 6= 0 : Li ← λLi

Abdellatif Bentaleb 193 Facultés des Sciences de Meknès


194 Chapitre 4. Déterminants

• Ajouter à une équation Li un multiple λLj d’une autre équation Lj


(j 6= i, λ ∈ K quelconque) : Li ← Li + λLj .

Toute opération doit être effectuée sur les deux membres de l’équation.
On montre que le nouveau système est équivalent au système de départ. Ceci
veut dire que l’on ne change pas l’ensemble des solutions d’un système linéaire en
effectuant une opération élémentaire.

Attention : les opérations doivent être faites successivement.

La méthode du pivot de Gauss est une méthode pratique pour résoudre un


système linéaire. Elle consiste à appliquer plus opérations élémentaires. Voici les
différentes étapes à suivre :

• Permuter éventuellement 2 lignes pour que dans la 1ère ligne le coefficient de


x1 soit non nul.

• Pour chaque ligne L2 , . . . , Lp , remplacer la ligne Li par Li + λi L1 où λi est


choisi pour annuler le coefficient de x1 . On ne touche pas à la ligne 1.

• Répéter les opérations précédentes sur les lignes L2 , . . . , Lp (en éliminant l’in-
connue x2 ), et ainsi de suite.

On verra plus loin qu’on peut avoir parfois :


– des inconnues qui s’éliminent simultanément,
– des équations qui disparaissent (0 = 0),
– des équations impossibles (par exemple 0 = 1).

Voici des exemples qui valent mieux qu’un long discours abstrait :

Exemple 4.6.5. Résolvons le système linéaire




 x +y +z +t = 1 (L1 )
2x +2y +4z + t = 2 (L2 )


 −x −3y +2t = 2 (L3 )
3x +4y +4z = 0 (L4 )



 x +y +z +t = 1 (L1 )
2z −t = 0 (L2 ← L2 − 2L1 )


 −2y + z +3t = 3 (L3 ← L3 + L1 )
y +z −3t = −3 (L4 ← L4 − 3L1 )



 x +y +z +t = 1
y + z −3t = −3 (L2 ↔ L4 )


 −2y + z +3t = 3
2z − t = 0 (L4 ↔ L2 )

Université Moulay Ismaïl 194 Abdellatif Bentaleb


4.6 Systèmes linéaires 195



 x +y + z + t = 1
y + z −3t = −3 (L2 )


 3z −3t = −3 (L3 ← L3 + 2L2 )
2z − t = 0 (L4 )



 x +y + z + t = 1
y + z −3t = −3


 z −t = −1 (L3 ← 31 L3 )
2z − t = 0



 x +y +z + t = 1
y +z −3t = −3


 z − t = −1 (L3 )
t = 2 (L4 ← L4 − 2L3 )

On obtient ainsi un système triangulaire qui est facile à résoudre.


On résout en commençant par la dernière ligne et en remontant :
• t = 2,
• z = −1 + t = 1,
• y = −3 − z + 3t = 2,
• x = 1 − y − z − t = −4.
Il y a une solution unique (−4, 2, 1, 2).

Exemple 4.6.6. Soit à résoudre le système



 x + y + z +t = 1 (L1 )
2x +2y +3z +t = 2 (L2 )
2x +2y + z +t = 0 (L3 )


 x +y +z +t = 1 (L1 )
z −t = 0 (L2 ← L2 − 2L1 )
−z −t = −2 (L3 ← L3 − 2L1 )


 x +y +z + t = 1 (L1 )
z −t = 0 (L2 )
−2t = −2 (L3 ← L3 + L2 )


 x +y +z + t = 1
z −t = 0
−2t = −2

On obtient un système échelonné.


x, z, t sont les inconnues principales (correspondant aux échelons). On fait passer
y à droite et on résout en exprimant les inconnues principales x, z, t en fonction de
y.

Abdellatif Bentaleb 195 Facultés des Sciences de Meknès


196 Chapitre 4. Déterminants

• t = 1,
• z = t = 1,
• x = 1 − y − z − t = −1 − y.
L’inconnue y peut prendre n’importe quelle valeur dans R, il y a une infinité de
solutions :
S = {(−1 − y, y, 1, 1) | y ∈ R}. L’ensemble des solutions dépend d’un paramètre y.

Exemple 4.6.7. Résolvons le système suivant en discutant suivant les valeurs du


paramètre a ∈ R :

 x + y = 1 (L1 )
x +2y = 2 (L2 )
x +3y = a (L3 )


 x +y = 1
y = 1 (L2 ← L2 − L1 )
2y = a − 1 (L3 ← L3 − L1 )


 x +y = 1
y = 1
0 = a − 3 (L3 ← L3 − 2L2 )

Deux cas sont à discuter :

• Si a = 3 alors L3 devient 0 = 0 et l’équation disparaît. Le système devient



x +y = 1
y = 1

Il y a une unique solution, qui est (1, 0).

• Si a 6= 3 alors L3 est impossible. Le système n’a aucune solution.

Université Moulay Ismaïl 196 Abdellatif Bentaleb

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