Clarmont Ganneau-Un Stèle Du Temple de Jérusalem

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TEMPLE DE JÉRUSALEM
DÉCOUVERTE ET PUBLIÉE

M. CH. CLERMONT-GANNEAU
Ancien drogman , chancelier du consulat de France à Jérusalem,
' drogman de l’ambassade de France à Constantinople.

(MÉMOIRE LU A L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES)

Extrait de la REVUE ARCHÉOLOGIQUE

PARIS
AUX BUREAUX DE LA REVUE ARCHÉOLOGlQUE
LIBRAIRIE ACADÉMIQUE - DIDIBR et CE
QUAI mas AUGUSTINS, 35

[872
UNE STÈLE
TEMPLE DE JÉRUSALEM
374435
UNE

STÈLE DU

TEMPLE DE JÉRUSALEM
DÉCOUVERTE ET PUBLIÉE

PAR

M. CH. CLERMONT-GANNEAU
Ancien drogman , chancelier du consulat de France à Jérusalem,
drogman de l’ambassade de France à Constantinople.

(MÉMOIRE LU A L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS E'ÿD-LŒQJËT’I‘RES)


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Extrait de la REVUE ARCHEOLOGIQUE

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AUX BUREAUX DE LA REVUE ARCHÉOLOGIQUÊ
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Ï‘STÏELES TEMPLE"DE JERUWM2
- ' Uùa'nd un suit,‘_ à'paflir.du Tariq-bdb-el—Anwâæ'la rue considérée
pèr_'la‘tâditipñ:cnréqennecomme une section de la Voie‘ 4Mou—'
feùÿe3 46n,pas‘se‘sficœssîvement (de l’ouest . à l’est) devantll’fiospi’cè
autrichien; sous l’arc. romain dit de I’Ecce Homo‘, devant lfétablisse‘
meptfldeä_Daü1eàîde'Sidnàdevant la caserne,'le long de laqfaéqSepf
bÿtrÏohàtqdùfflqrarfi_(esplanade sacrée, delà grande mosquée),
1’é'gliæ‘fiajSainte4Anne‘et1qBirkçt13rdfl, et l‘on aboutit'à' 15
'=_._"’"té‘SàjptèËtienne,pù Bàb ,Sitti-Myriam,'qgîp‘d0nñe surlla'valléé
S:’CËlron;mLorsqueflen prenant cette 'dirèqÏion,'oÏt alaissé à main‘
-=— _, caserne, età main gauche une ‘rue montante, perpendicul
--_'-"'äfie“à.v'talÿoie douloureuse, on s’engage sous une'aSsez longue
‘t_Qtîte_Ç{gjyaïé,yà l’extrémité de laquelle ou.‘rèmarqtge,à m’ain droite;
Îa 'p0rtè'Éäbæl-Atm, par où L’on a‘sur la mosquée d’0mar une'm'erï
veilleuse échappée}. Almain gauche, et faisant face à cette‘pqg‘ie.‘,0d
Ÿoît, doñnänt,su‘r un pe‘tit‘. cimetière musulman, uue| so’rte' de“häi
. " 'illée;'pratiquéc flans un‘mur c'0nstruît en gros‘blôcs‘àŒoèsàçès_( '
- t‘e' projection) et ffl'anqué 'd’u'ne eSpèce de” contrefort 'du.‘ mémé
.; âppäyçil. Le cimetière ne contient que quel'qu‘es torflbesä_dqcheîlfihë
:' ilibÿtä ‘en_ odeur de sainteté; et appartenant probablement Ig‘ la‘
-- _ I{ëdiésé (école supérieuré)‘ qui S’élevait‘jadis derfiéré‘ée murpu"æ:
. 'fiéçt
'“ De'bônne{
si caractéristique.
heure l'attention
' des 'archéologues
‘ ' ' ’ avàit"été
‘ .' ' attiréq‘sùt‘
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' .ge' point, et‘ plusieurs d’entre eux,‘ attacharit‘une importance peut-‘
être trop Æi‘é'ü’t
grandesitu;
à laont'vculu
taille de matëriaùi'q’u‘pù ne saurait,‘ d’_a‘ille‘u‘rrP
a'mrmïer vbir là le reste d"unant’i'que édifice àe‘
la'Jérusalefi1'juive. Lès u'nsï inclineraienl à'en_fai‘re, opinion'certa‘ii
nèment'ins'outenable aujourd'hui, un des“ angles de'la' fo’rtér“ésäd
À‘ntonia‘; d’autres,‘s'appuÿafl in”gçnieusëçnent sur unfl'pas‘säg‘è‘ tr‘èç’-‘
' (4) Lu à l'A'ndéflri9 debänscfiptîohœle I” mur-51872. > ‘ Ï n I A ' l
6 UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉBUSALEM.

précis de Josèphe, sur l’existence de sépultures en cet endroit, et


sur la perpétuité des traditions. qui existe à un degré vraiment re
marquable en Palestine, ont proposé de plaéer là le tombeau d’un
roi de Judée, Alexandre Jannée. Je n’ai pas à discuter à présent ce
qu’il peut y avoir de plus ou moins fondé dans ces hypothèses, et je
n’entre dans ces détails que pour mieux indiquer l’endroit où j’ai
eu la bonne fortune de faire la découverte consignée dans cette note.
On peut pénétrer facilement à l’intérieur de la Médrésé, par une
large porte située un peu au-delà de la baie grillée, et en retraite.
On débouche dans un vestibule à ciel ouvert, bordé des deux côtés
de mastabas (espèces de banquettes depierre). En avançant de quel
ques pas, on trouve à main gauche une petite porte donnant dans
l’enclos exigu servant de cimetière, que l’on aperçoit de la rue. En
laissant cette porte, on rencontre dewmt soi les premiers degrés
d’un escalier étroit; menant à l’étage supérieur, et, à côté, l’entrée
d’un long couloir au fond duquel on trouve à gauche une porte ou
vrant sur une vaste cour dallée; à droite est une énorme voûte ogi
vale, présentant l’aspect ordinaire du li-wân arabe, et occupant tout
ce côté de la tour. A droite et a gauche de ce liwàn, sont encastrés
dans le mur, et à une grande hauteur, deux tarikhs arabes gravés
sur marbre et relatifs à la fondation de la Médrésé. Les trois autres
côtés de la cour sont bordés de petites chambres dont les portes
s’ouvrent sur cette cour. Le côté opposé à la grande voûte offre une
voûte analogue, mais de dimensions bien moindres, recouvrant un
petit vestibule sur lequel donnent deux chambres.
Depuis bien longtemps, la Médrésé est veuve de professeurs et
d'étudiants; elle tombe en ruines, et n'est plus habitée que par
quelques pauvres familles musulmanes qui s'y sont installées tant
bien que mal, grâce à la tolérance des administrateurs du u=aqouf, a
qui elles payent, ou sont censées payer, un maigre loyer. Du côté de
l’est, la Médrésé et ses dépendances sont contiguës a un grand ter—
rain vague planté de sabours, qui se prolonge le long de la Voie
douloureuse, et s’appuie à la rue qui recoupe cette voie à angle
droit, et à une ruelle perpendiculaire elle-méme'à cette rue.
Le 26 mai de l’année dernière, ayant eu la curiosité de pénétrer
dans ce terrain que je n’avais pas encore eu l’occasion d’explorer,
j’escaladai le mur d’enclos et m'engageai au milieu des raquettes
épineuses des sahours. J'arrivai ainsi jusqu’à la Médrésé, où j‘en
trai, introduit par un des habitants qui fit d’abord quelques diffi
cultés a cause de la présence du Imrîm, mais dont il ne me fut pas
malaisé de faire taire les scrupules. Une fois dans la vaste cour (lé
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉRUSALEM. 7
crite plus haut, je fixai d’abord mon attention sur les deux tarikhs
arabes, qui, du reste, sont déjà connus, puis je commençai, suivant
la méthode qui m’a toujours réussi, à examiner de près, et pour ainsi
dire bloc par bloc, les constructions adjacentes. Arrivé à la petite
voûte faisant face au grand liwân, je découvris tout à coup, presque
au ras du sol, deux caractères grecs gravés sur un bloc formant l'au
gle du mur sur lequel reposait la petite voûte: g . C‘était évidem
ment la fin d'une ligne qui s’enfonçait verticalement dans la terre.
Frappé du bel aspect graphique de ces lettres, je commençai, avec
l’aide d’un des musulmans habitant la Médrésé, à gratter et creuser
pour dégager quelques autres caractères. Après quelques minutes de
travail,je vis apparaître un magnifique 2 de la belle époque clas—
sique, comme jamais il ne m’avait été donné d’en relever dans les
inscriptions que j'avais découvertes jusqu’à ce jour à Jérusalem.
Évidemment, j’avais afl'aire à un texte important par sa date,
sinon par son contenu; je me remis à l’œuvre avec une ardeur facile
à comprendre. Le musulman qui m'aidait, s’étant, sur ces entre
faites, procuré une fas ou pioche chez un voisin, la fouille put être
poussée plus activement. Je vis successivement apparaître les lettres
Et, dont la première, l’epsilon, confirmait la valeur épigraphique du
2; puis le mot AAAOI‘ENH, étranger, que je reconnus s_ur-Ie-champ.
Ce mot me remit aussitôt en mémoire le passage de Joséphe qui
parle d'inscriptions destinées à interdire aux Gentils l’accès du
Temple; mais je n’oSais croire a une trouvaille aussi inespérée, et je
m’apptiquai à chasser de mon esprit ce rapprochement séduisant,
qui continua toutefois de me poursuivre jusqu’au moment où j‘ar—
rivai à la certitude.
Cependant la nuit était venue; je dus, pour ne pas exciter les
soupçons des habitants de la Médrésè par une insistance inexplica
ble pour eux. suspendre le travail. Je fis reboucher le trou et je
partis très—troublé de ce que je venais d’entrevoir.
Le lendemain, de grand matin, je revins avec les instruments né—
cessaires, etje fis attaquer vigoureusement la fouille. Après quel
ques heures d’un travail que je ne perdais pas de l’œil, et pendant
lequel je vis naître un à un et copiai avec des émotions croissantes
les caractères de la belle inscription que j’ai l’honneur de soumettre
aujourd’hui à l’Académie, le bloc et toute sa face écrite étaient mis
au jour. ‘
J’essayai de déchiffrer l’inscription sur place; mais je dus y re
noncer, tellement elle était défavorablement placée. En outre, beau
coup dc caractères étaient empâtés de terre et d’un ciment adhérent
8 UNE ‘STÈLE DU TEMPLE DE JÉRUSALEM.

qui masquait les creux; quelques-uns même avaient été mutilés par
des coups de pince et de marteau donnés pendant la mise en place
de la pierre par les maçons arabes. Je me bornai à constater que le
bloc appartenait à l’assise de fondation du mur, et j’en pris les me—
sures le plus exactement possible. A ce moment un vieil éfendi, pré—
venu par une des femmes de la maison qu’un France était en train
de fouiller dans la Médrésé, probablement pour y découvrir des tré—
sors, accourut comme un furieux, gesticulant et vociférant. J'eus
toutes les peines du monde à le calmer. en lui expliquant ce dont il
s’agissait en réalité. J’y parvins enfin, et je pas poursuivre mon
travail. Après avoir fait élargir la tranchée, je nettoyai soigneuse—
ment la pierre avec une brosse dure pour enlever le ciment, et je
pris du texte un estampage aussi bon que me le permettaient les
conditions où je me trouvais. Le vieil éfendi s’était installé à côté de
moi et me surveillait de près. Il voulut bien me laisser prendre l’es—
tampage, mais sur le chapitre de l’extraction de la pierre il fut in
traitable; il s’y opposa formellement en qualité de copessesseur et
d’administrateur du waqouf.
Le mieux était, en face de ce fâcheux empêchement, d'ajourner
toute tentative dans ce sens. Mon estampage détaché, je fis recouvrir
de mortier toute la face écrite, et consciencieusement reboucher le
trou, de sorte qu'il n’y parut plus en rien. L’éfendi se retira satisfait,
et j’emportai mon estampage.
Après une étude qui ne fut pas sans difficultés, je parvins à dé
chiffrer entièrement l’estampage, et, comprenant la valeur inappré
ciable du monument que je venais de découvrir, je pris le sage
parti de laisser dormir les choses, afin de ne rien ébruiter parmi les
importuns et les indiscrets qui ne manquent pas dans une petite
ville comme Jérusalem. J'ai appris cependant, beaucoup plus tard,
que le gouverneur de Jérusalem. fort amateur, à un certain point
de vue, d’objets et d'inscriptions antiques, ayant eu vent de mes faits
et gestes, avait, quelques jours après, dépêché un émissaire sur les
lieux pour fouiller au même endroit et examiner la pierre, qui, mas
quée par l’épais badigeon dont je l‘avais prudemment fait enduire,
parut à des yeux inexercés n’être qu’un simple bloc anépigraphe.
Toutefois je jugeai convenable de _signaler sans retard aux savants
l’existence d’un aussi rare monument. Je rédigeai sur cette décou
verte une note très-brève, où je publiai le texte, la' traduction et
quelques remarques, mais en évitant tout détail sur l'emplacement
de l’inscription et les circonstances qui en avaient accompagné la
découverte. Les événements qui se passaient alors a Paris, et dont
UNE STÈLF. ou remue or. JÉIlUSALEH. 9

nous ignorions encore l'issue, me forcèrent à adresser cette note a


l'Alhmœum de Londres, qui l'inséra dans son numéro du 8 juil
let 187t. .
Je mis alors tout en œuvre, afin d’arriver à conquérir pour le
Louvre cette précieuse relique. Il serait trop long de raconter ici
toutes les démarches que j’ai vainement essayées dans ce but, du
mois de mai au mois de septembre, époque à laquelle j’ai quitté
Jérusalem. Malgré des sacrifices considérables, je n'aboutis malheu
reusementà rien. La propriété, ou plutôt la possession de la Mé
drésé était divisée, suivant l’habitude musulmane, en vingt-quatre
fractions ou qirdt, réparties entre je ne sais combien de personnes
appartenant aux trois grandes familles des Dènéf, des Djâr-Allah et
des M0uwaqqat. On ne pouvait remuer'une seule pierre sans le con
sentement de tous. Le vieil éfendi dont j‘ai raconté plus haut l’in
cartade fut particulièrement rebelle àtous mes etîorls. Une dernière
tentative que je fis en désespoir de cause, au moment de partir de
Jérusalem, fut couronnée de I’insuccès le plus complet. J’en fus
pour mes frais d‘éloquence et de bourse. Le seul résultat que j’ob—
tinsfut que le bruitde ce nouvel essai étant venu aux oreilles du
gouverneur. il comprit cette fois qu’il s’agissait bien décidément
d'une trouvaille de valeur et donna l’ordre de faire transporter la
pierre au Serai, sans autre forme de procès. La translation eut lieu
le jour même de mon départ, et j’en reçus la nouvelle au mo
ment où je mettais le pied dans l’étrier. J’ignore jusqu’à ce jour ce
qu’il est advenu du monument. J’ai appris seulement, depuis mon
départ, que cet incident ayant eu un certain retentissement à Jéru
salem. de maladroits faussaires avaient exécuté de grossières copies
de cette inscription pour exploiter la crédulité des Européens. J’ai
moi-même, à deux reprises difl’érentes, reçu des estampages pris sur
ces textes apocryphes, et dont on me proposait de me vendre les ori—
gmanx.

Il

La pierre qui nous occupe est, à en juger par les deux seules faces
que j’aie pu mettre à nu, un parallélipipède rectangle mesurant,
21 0‘“,01 près (1), 3‘.) x 90 X 60 centimètres. La matière est la pierre

(1) Mon carnet me donne pour la mesure, prise la première fois, de la largeur
la cote 0539, et pour la même mesure prise de_nouveau le lendemain, 0m,ao.
*

\‘—\_\'
40 UNE STÈLE ou TEMPLE DE JÉI‘tUSALEM.
la plus dure du pays, dite Misé-Yahoûdi (Mizéjuif), espèce de cal
caire compact qui fait feu sous le marteau. Le bloc était placé de
champ sur une de ses petites faces, de sorte que les lignes d’écriture
étaient perpendiculaires à la surface du sol.

* “““ "'6-‘zttd"""""" "


Il est remarquable que cette pierre, qui provient, comme nous l’al
tons voir, de l’ancien temple juif. n’a pas été transportée à une bien
grande distance de sa, place originelle. En effet, l'endroit oùje l’ai
découverte n’est pas éloigné de plus d’une cinquantaine de mètres
du Haram-ech-chertf, le Itie’ron des Juifs. Il est vraisemblable qu’elle
aura été utilisée parmi les matériaux de construction lors de l’édifi
cation ou de la réparation de la Médrésé. Il serait assez intéressant
de savoir à quelle époque cette construction a eu lieu. J’ai compulsé
l’ouvrage de Mudjir-ed-dîn (l) et lu attentivement la description
qu’il donne des divers édifices musulmans énumérés par lui comme

(l) Kitdb el«uns el-djälil fl tari/ch cl—qouds urel-hhalil. Texte arabe imprimét‘t
lloulaq, p. 389»393. Les deux turlkbs arabes encastrés aux côtés du grand liwân
pourraient fournir quelques indications à ce sujet. Malheureusement ils étaient
placés trop haut pour que je pusse les lire sans le secours d'une lorgnette.
UNE STÈLE nu TEMPLE m: JÉRUSALEM. Il

existant à son époque le long de la face nord du Haram. Mais je n’ai


pu trouver le nom de Hanefiyé sous lequel est désignée la Médrésé
actuelle; faut-il en conclure que cette Médrésé a été élevée posté
rieurement au xv1° siècle, ou bien a reçu après cette date une nou
velle destination se traduisant par un changement de nom?
L’inscription se compose de sept lignes en belles et grandes Ict
tres vraiment monumentales d’aspect et de forme, surtout lorsqu’on
les compare à celles de toutes les inscriptions grecques trouvées
jusqu’à ce jour à Jérusalem. Quelques caractères ont souffert, no
tamment au commencement des lignes, mais il est facile de les
restituer. La transcription littérale donne :

MHOENAAAAOI‘ENHEIZI‘IO
PEYEEOAIENTOZTOYTÏE
PITOIEPONTPYOAKTOYKAI
TIEPIBOAOYOZAANAH
00HEAYTOIAITIOZEZ
TAIAIATOEEAKOAOY
OEINOANATOÎ
M1|0éu dÀÀoyev-i eîmopaîeo‘6at s’vrbç 105 1:59} 13) Îsp‘ov tpuqadxrou ml. 7re
ptGélou ' ôç 8' â'v H3:an Eutth aÏ-rmç ê'o‘1ut Btàt rb êEaxolouôsîv 0ävarov.
a Que nul étranger ne pénètre à l’intérieur du tryphact0s (balu
strade) et de l’enceinte (péribola) qui sont autour du hiéron (espla
nade du temple): celui donc qui serait pris (y pénétrant, eîcnopzu6
y.svoç s.—ent.) serait cause (tilt. coupable, responsable envers lui—
méme) que la mort s’ensuivrait (pour lui). »
Laissons de côté, pour le moment, les difl‘érentes questions de
détail que soulève ce texte, pour- ne nous attacher qu’à en établir
l’origine et l’identité.
Joséphe nous apprend, en deux endroits difl'éreuts, qu'il y avait
dans le temple d’Hérode des stèles placées de distance en distance
avec des inscriptions, en grec et en latin, portant défense aux étran
gers de franchir les enceintes sacrées. Dans le premier passage,
l’historien juif dit qu’après avoir traversé l’espace hypèthre qui s'é—
tendait entre les portiques extérieurs et le second hiéron, on trou
vait:
« Une balustrade (dryphactos) de pierre, s’étendant tout autour,
haute de trois coudées, et fort élégamment travaillée; là (“7) se dres
l‘2 UNIE STÈl.E nu TEMPLE DE JÉRUSAI.EM.
snient, à intervalles égaux, des stèles destinées à avertirde la loi de
la pureté, les unes en lettres grecques, les autres en lettres latines, (à
savoir) que l’étranger ne devait pas entrer dans le Saint. On appe
lait en etïet saint, le deuxième hiéron. »
... . . . ôpôçaxmc 7r!ptËs’flr,ro M0woç, rpiwr,ypç p.Èv ï5<lroç, 7:oivu 8è Xan—
pœ’vrwç 8t:tpyacy.a’voç. ‘Ev 01676 8' sior‘rîxzeuv ê'ç' i'cou 311076p.a10ç «filou,
rbv rñç äyveïa{1rpowqyaivowm vôy.ov, al lJ.èV ‘EXMVmoÏç, ai 8è Î’wpaïxoïç
ypoîy.p.uct, p:À ôsÏv âÀÀo’çulov êvrôç roÜ äyiou :açtéVut. Tè yàzp Sséupov tepèv
â'ytov ËxaÀsïro. (Joséphe, Guerre juive, V, 5 : 2.)
Dans le second passage, Joséphe, après avoir décrit les portiques
extérieurs et la première enceinte (péribole), ajoute :
TOIOÜIOÇ y.Èv ô 1tpôroç nepiêoÂoç :Îiv, êv y.Éaqt 8è c’me'æmv 06 110M 8:6
repoç, npoc€arèç fia0p‘ictv ÔM‘{MÇ, 3v TIEPIEΑ/_E êpxtov )u0tvou Spuçdxmu,
ypuqa'fi xtoÀîiov, e’wts’Vm TôV &Monv’ñ, 0avunx‘ñq &mtÀouyévqç -r‘ñç C-qy.iu:.
(Antiq. iud., XV, 11 : ä.) '
« Tel était le premier (extérieur) péribole; a peu de distance,
au milieu, s’élevait le second (péribole); quelques degrés y don
naient accès et il était entouré d’une clôture consistant en une ba
lustrade de pierre, avec l’interdiction par écrit aux étrangers d'y
entrer sous peine de mort. 1
La précision de ces textes et la manière absolue dont ils concor
dent avec celui que nous étudions, dispense de tout commentaire.
Il est superflu de démontrer que notre monument est justement une
de ces stèles.
Cette inscription confirme d’une manière éclatante l’exactitude
scrupuleuse des descriptions de Joséphe. Les similitudes existent
jusque dans les expressions les plus importantes, celles qui sont les
dénominations des diverses parties du Temple : le hiéron, le péribole,
le dryphactos. La légère et curieuse altération qui affecte ce dernier
mot (tryphactos), dans le texte épigraphique, n'est produite que par
un accidentde prononciation vulgaire; elle s'explique d’autant mieux
que le vocable s’est singulièrement écarté de son sens étymologique
«le clôture en bois (Spüç + çpdacw), écart encore plus frappant quand
on rencontre dans Joséphe ce mot accompagné de l'épithéte MOwo;
(de pierre). La variante àllo’çukoç, au lieu de àÀXoyawlç, peut être faci
lement négligée, surtout lorsqu’on voit Joséphe, dans un autre pas
sage, remplacer &Do’çuÀoç par dtloeflvv’,ç.
L’âge de notre inscription est facile à préciser; les considérations
épigraphiques sont ici pleinement d’accord avec les textes histo—
riques pour nous permettre de rapporter avec certitude l’exécution
UNI—I STÈI.E ou TEMPLE ne réarsu.eu. 13

de notre inscription au règne d'l-lérode le Grand. c'est-ù-dire aux


dernières années du premier siècle avant Jésus-Christ. Joséphe men
tionne ces stèles a propos de la reconstruction du templejuif par
ce prince, et nous verrons tout à l'heure que ce sont précisément les
agrandissements opérés par Hérode qui avaient nécessité l’érection
de signes indiquant que les païens, tolérés dans les parties récem
ment annexées du nouveau temple. ne pouvaient pénétrer dans au
cune des enceintes sacrées de l’ancien.
Ainsi une des premières conséquences, et ce n'est pas la moindre,
à tirer de cette découverte, c’est la détermination d'un point fixe
dans l’échelle épigraphique des textes grecs découverts ou à décou
vrir à Jérusalem. Nous devons, du reste, rappeler ici que notre ins
cription est le plus ancien texte grec fourni par Jérusalem (si pauvre
d’ailleurs sous ce rapport), puisqu'il est probablement antérieur de
quelques années à la naissance du Chiis t, et qu'il a été, en tout cas.
assurément contemporain et témoin de ses prédications dans le
Temple.
Cette inscription offre quelques particularités philologiques qu’il
n’est pas sans intérêt de relever, parce qu’elles sont de nature à jeter
unjour inattendu sur certains traits caractéristiques du dialecte grec w
en usage alors chez les Juifs. La forme attique p:qu’va pour p.1|&'W ne
présenterait rien d‘insolite si, rapprochée de l’orthographe -rpnçdærou
pour ôpuçäxrou, elle ne paraissait indiquer chez lesJuifs une tendance
organique à substituer le son t au son d. Il est difficile de deviner si
la barre additionnelle qu’on remarque au milieu du 2‘. de aine: etcelle
qui surmonte le N de 0évorrov sont accidentelles ou intentionnelles.
Cette dernière pourrait-elle avoir la valeur d’un signe final équiva
lent à notre '/.?
A part ces remarques, l’orthographe et le eter ne prêtent à au
cune observation particulière. On ne peut qu’admirer dans cette
brève inscription l’énergique concision eten même temps la précision
extréme de la rédaction, qui sont les premières qualités d’un article
de loi.

111

Envisagée uniquementau point de vue matériel et extérieur, cette


stèle, la seule relique qu’on puisse aujourd'hui affirmer, sans hési
tation, appartenir au Temple, présente un grand intérêt par cela
même qu’elle était partie intégrante de. ce vénérable édifice, et que
14 UNE mène DU TEMPLE ne JÉRUSALEM.
son aspect seul et ses dimensions peuvent être déjà pour l’archéologie
le point de départ d’études fécondes, en lui apportant d’inestimables
données.
En examinant de près la manière dont la pierre a été travaillée, il
sera possible de déterminer, parles traces qu’il a laissées à sa surface,
l'outil et le procédé employé pour le manier, et de recueillir par
conséquent des indications techniques qui seront des arguments
d’un grand poids et hâteront la solution de cet intéressant procès,
encore pendant, de la distinction des appareils dits Salomonien et
Hérodien. On a déjà constaté, dans les blocs hétérogènes de diverses
sections antiques de l’enceinte du Harem, des ditTérences spécifiques
très-nettes;mais jusqu'à prèsentil fallait, par suite de l'absence d’un
point fixe de comparaison, l'intervention d’une hypothèse pour iden
tifier chronologiquement ces différences relatives. Nous possédons
maintenant un spécimen de date certaine, un étalon auquel on peut
rapporter, comparer et mesurer tout le reste.
Les dimensions de notre bloc sont également un sujet d’étude d'un
rare intérêt, et par lui-même et par les censéquences qui peuvent en
découler pour une restauration raisonnée du Temple. On sait les
discussions engagées sur le système métrologique suivi, sinon dans
la construction du Temple antérieurement à Hérode, du moins dans
sa reconstruction sous ce prince. On n’est pas d’accord sur la lon
gueur exacte de la coudée en usage alors chez les Juifs, et si l’on ar
rivait à résoudre cette question, on comprend les facilités nouvelles
qu’on trouverait dans l'application des résultats à l’identification des
blocs hétérogènes de l‘enceinte du Haram : les indications techniques
d'une part, le calcul des proportions de l’autre, seraient des éléments
de certitude presque absolue pour la diagnose des blocs hérodiens.
il aurait fallu, pour arriver à des résultats mathématiquement '
exacts, faire ce que je n’ai malheureusement pu faire par suite des
circonstances tout à fait défavorables dans lesquelles j'ai dû opérer :
prendre toutes les dimensi0ns à un millimètre près, avec une règle
graduée. Les mesures que j'ai relevées à deux reprises diflérentes
l’ont été à l'aide d’un mètre en étoile, et j'ai forcément négligé, s’il
y en avait, les fractions de centimètres en millimètres. De plus, une
des trois dimensions, celle de l’épaisseur, a été notée par moi à une
première épreuve 0“‘,40 et à une seconde 0“,39. Dans les calculs sui
vants, j'adopterai un chiffre intermédiaire entre les deux. Les deux
autres dimensions, longueur et hauteur, sont respectivement 0“,90
et 0'“,60.
Je ne puis donc présenter les conclusions ci-dessous que connue
..
une STÈLE nu TEMPLE DE 1Énusannn. 10
provisoires et subordonnées à une étude plus précise de (l‘original,
l‘estampage ne pouvant aucunementy suppléer sens se rapport.
En admettant que ces nombres ronds de centimètres, 90 et 60,
soient exacts, quelques tâtonnements, qu‘il serait trop long et inutile
de reproduire ici, montrent bien vite que ces deux longueurs sont
des dérivésimmédiats de la coudée antique de 0m,450, c'est-a-dire de
la coudée vulgaire égyptienne qui a dû être vraisemblablement
adoptée par les Hébreux.
En prenant comme point de départ cette coudée de 0m,1150, nous
voyons en efl‘et que (t) : .
0”,90 (longueur) = 2 coudées (l2 palmes).
0m,60 (hauteur) = 1 1/3 coudée (8 palmes).

Quant aux nombres 0",39 ou 0“‘,40, représentant la troisième di


mension, celle de l'épaisseur, si nous prenons entre les deux un
chiffre moyen de 0‘=,39375, nous trouvons, en le rapportant à la
méme coudée, que
0“,39375 (épaisseur) = 5 palmes + l doigt. .
Il semblerait au premier abord que l’unité réelle de mesure ait été
la coudée (2), dont nous avons dans le premier nombre un multiple
exact : long. = 2e, et que nous retrouvons dans le second accom
pagnée d’un sous—multiple exact aussi : haut. = l 1/3!= (1G + 2p).
Mais dans le troisième nous n’en avons qu’une fraction improbable:
épaisseur = 3/4°. La coudée se subdivisait en sixièmes, mais non
pas en quarts. _
Il paraît plus simple de penser que les dimensions sont calculées
d’après le palme : 12, 8et L’éparsseura un doigt en plus du
nombre exact de palmes, 5, ce qui peut s’expliquer par quelque né
Cessité architecturale (3).
Si l‘on essaye de rapporter nos longueurs aux mesures philété

(1) Pour plus de commodité, nous rappellerons que la coudée de 0m,h50 se subdi
vise en six palmes de 0m,075, et le palme en 14 doigts de 0m,01875.
(2) La coudée vulgaire de om,aso ne diflérant de la coudée royale de 0‘“,525 que
par un palme, 0m,075 en plus. il est difficile de savoir à laquelle des deux coudées
il faut rapporter nos dimensions exprimées en palmes ou en doigts.
(3) On peut encore évaluer en doigts les trois dimensions. De cette façon on n'a
que des nombres multiples d'une même unité :
Longueur, as
Hauteur, 32 doigts.
Épaisseur, 21
il; use sri-zu: DU TEMPLE ne JénU.stéM.
riennes, on constate qu’un chiffre intermédiaire entre 0'”,39 et 0”,40,
soit : 0”,393750, peut être égal à 18 doigts philétériens. Comme il
m‘a été impossible de mesurer le bloc à quelques millimètres près,
on pourrait aussi supposer qu’au lieu de la cote de 0‘“,90 juste que
j'ai trouvé, il y avait en réalité 0",fl96875,ce qui équivaudrait exac
tement à læl doigts philétériens. Mais il me paraît très-dilficile d’ad
mettre qu’au lieu de la troisième cote 0“,60 il y ait en réalité
0m,612500 ou 0“,590625,ce qui dans le premier cas serait 28 et dans
le second cas 27 doigts philétériens. Je ne pense pas avoir commis,
en plus ou en moins, une erreur d’un centimètre. Je dois d'ailleurs
constater que la hauteur moyenne des caractères, mesurés il est vrai
sur l'estampage, paraît être sensiblement égale à 2 doigts philété—
riens, et celle de l'interligne à t doigt du même système. En outre,
la première ligne paraît être séparée du bloc supérieur par un inter
valle de trois doigts philétéricns (1). Est-ce à dire cependant, à sup
poser méme que l’emploi du doigt philétérien dans les mesures du
texte soit réel, que toutes les dimensions du bloc dérivent de ce
même système? Ne pourrait—on pas toujours prétendre qu’un bloc
taillé d’après un système mélrologique particulier aux Juifs a pu re
cevoir une inscription en lettres grecques qui, gravées par un lapi
cide grec, peuvent avoir un module et être alignées d’après des dis
positions calculées suivant un système métrologique grec?
Quon qu’il en soit, nous possédons désormais dans le monument
qui bientôt, espérons-le, sera recueilli dans une collection scienti
fique et accessible à tous, une base certaine, et nous pouvons, tout en
réservant l’identification jusqu’à plus ample vérification, affirmer que
nous avons un spécimen non douteux des mesures linéaires, qu’elles
soient égyptiennes, philétériennes ou de toute autre espèce, employées
sous Hérode par les Juifs dans la restauration ou la construction de
certaines parties du Temple. Ainsi donc notre monument, entre
autres précieuses informations, nous permettra d'établir expérimen
talement un fait d’une importance capitale. Ce n'est pas encore, il
faut l’avouer, la solution complète de ce problème si complexe de la
métrologie hébraïque. Mais c’est incontestablement un grand pas de

(1) Si l’on admet pour nusure réelle de la longueur du bloc 0'“,018750 et pour les
autres dimensions les hypothèses déjà propoaées, ou obtiendrait en doigts philéte
riens les nombres (,2, 27, 18, n,3, 2, 1, représentant la. longueur, la hauteur, l'é
paisseur, la. marge inférieure, la marge supérieure, la hauteur des lettres, l'inter
valle des lignes, nombres qu‘on pourrait aisément ramener aux règles traditionnelles
de proportions mises en lumière parles ingénieuses recherches de M. Auxès.
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉBUSALEM. 17
fait vers le terme de ces recherches si ardues, et un jalon qui facili
tera singulièrement l'exploration des autres points sur ce terrain.

Essayons maintenant de déterminer ce qu’était au juste le dry


phactos de Joséphe (le tryphactos de notre inscription), et la place
qu’occupait notre stèle par rapport à lui.
il ne faut pas confondre cette sorte de barrière qui séparait la cour
des Gentils du deuxième hiéron sacré, avec celle désignée par Jo
sèphe sous le nom de yev’mov ou de Opth6ç, qui entourait le naos et
l’autel en isolant la cour des Prêtres de la cour des israélites. il im
porte d’autant plus de bien distinguer ces deux sortes de clôtures
dont la seconde était inscrite dans la première, que. quoique de dates
diverses, elles ont coexisté à un certain moment et semblent avoir
eu l’une avec l‘autre quelque analogie.
Le geisi0n on thrincos est beaucoup plus ancien que le dry
phactos, puisqu’il appartient au temple de Salomon, tandis que
celui-ci se rattache à la reconstruction d’Hérode.
Nous lisons dans la Bible (1 Bois 6 : 36) :
u Et il (Salomon) construisit le parvis intérieur (avec) trois ran
gées de pierre de taille et une rangée de bois de cèdre..
La plupart des interprètes sont d’avis qu’il faut comprendre que le
parvis était entouré d’un mur composé de trois rangées de pierres de
taille, surmontées d’une rangée (balustrade) de bois de cèdre.
Telle paraît être l’opinion de Joséphe quand il dit :
c il (Salomon) enveloppa le temple d'un geision (balustrade),
comme on l'appelle dans la langue du pays, c’est-à-dire en grec un
thrincos, lui donnant une hauteur de trois coudées; il était destiné
à interdire à la multitude l'accès du hiéron (intérieur) en indiquant
que l’entrée en était réservée aux prêtres. En dehors de cette en
ceinte, il construisit ie hiéron de forme quadranguiaire, de grands
et larges portiques avec de hautes portes. Dans celui-ci (ce hiéron)
entraient tous ceux du peuple qui étaient à l’état de pureté et qui
avaient satisfait aux prescriptions de la loi (1). la
Dans sa description du temple d’Hérode, Joséphe mentionne en
core l'existence de ce geision, mais en lui donnant des dimensions
moindres.
« Le bacs et l’autel étaient entourés d’un geision de belle pierre
et élégant, haut d’une coudée environ, et qui séparait le peuple des
prêtres (2).

(l) Allftq. jurl., Vil], (i. — (2) Guerrcj., V, 5: 6.


18 UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉttUSALEM.
A l’époque de Joséphe, la hauteur de cette balustrade n'était donc
plus que d’une coudée environ; faut-il en conclure qu’il n’en restait
plus que le soubassement de pierre, et que la hauteur du grillage de
bois qui avait disparu représentait environ les deux coudées de dit
iérence? il est remarquable que Joséphe ne donne pas la hauteur
exacte de ce soubassement, puisqu’il parle d’une coudée environ.
Serait-ce parce qu’il s’agissait de la coudée ancienne, supérieure à la
coudée moderne?
Dans l’intervalle qui sépare ces deux époques extrêmes. se pré
sente‘un incident qui vaut la peine d’être noté, parce qu’il a trait à
ce thrincos, qu’il nous révèle que cette balustrade avait été main
tenue (lans le temple relevé au retour de la captivité, et surtout
parce qu'il y est question de la construction d’un dryphactos de bois
qui n’est pas celui d’Hérodc.
Alexandre Jannée, à la suite d’un mouvement populaire dirigé
contre lui pendant qu’il ofliciait au temple comme grand-prêtre,
mouvement qu’il avait étoufi'é dans le sang, enveloppa le naos et
l'autel d'un dryphactos de bois jusqu’au thrincos (“2) où il était licite
aux prêtres seuls de pénétrer (1).
Ce passage n’est pas exempt d’obscurités; il signifie probablement
que Jannée appuya contre le thrincos une barrière de bois beaucoup
plus élevée et destinée à empêcher le renouvellement des faits qui
avaient en lieu. (Jannée avait eu à essuyer une pluie de cédrats
lancés par les Pharisiens qui, suivant le rite traditionnel, les te
naient à la main pendant la cérémonie.)
Quand Hérode reconstruisit et agrandit le temple (hiéron), nous
savons par Joséphe qu'il en doubta la superficie. [i est évident que
les parties annexées ne possédant pas le caractère de sainteté qui
s’attachait à la portion du sol consacré ab antiquo, c’étaient les
seules qui dans le nouveau temple pouvaient être accessibles aux
païens. C'est sur ces parties que s’élevaient les doubles portiques ex
térieurs et le triple portique méridional, séparés du hiéron propre
ment dit par un espace à ciel ouvert, et constituant le parvis.ou la
cour des Gentils. La clôture du dryphactos avait pour but d'indiquer
aux païens la limite qu’ils ne devaient pas dépasser.
Telle est la disposition que nous connaissons par Joséphe, dont
l’accord avec notre texte sur la dénomination et l'ordre relatif de
trois parties essentielles de cette disposition est complet, et prouve

(i) Antiq.j., X1", 13 :5. ... ôpüçamw ôè Eù).wov nepi tèv {âœp.àv ni si»: vaàv
BaD.6p.zvo: p.év_px 105 0ptymii. , .
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉBUSALEM. 19

ainsi qu'on ne saurait attacher trop de prix aux moindres renseigne


ments fournis par cet historien. La manière dont 1rth rb tapév est en
clavé dans l’inscription, entre l’article 105 et les mots 1puç&xrw xal.
xspt66ÀW, montre que la surface dont les gentils étaient rigou—
reusement exclus comprenait non-seulement l’espace entouré par le
péribole intérieur du temple, mais aussi l’espace extérieur à ce péri—
bole et s’étendant entre lui et le dryphactos (le Ml ou antemurale).
De plus, l’ordre dans lequel sont énumérés le dryphactos et le péribole
par rapport à l’étranger qui voudrait les franchir en venant des ré
gions extérieures du temple, fait voir que les trois parties étaient
bien concentriques et qu'elles étaient ainsi distribuées (en procédant
de l‘intérieur) : le hiéron, le péribole, le dryphactos; au delà commen
çait l’espace bypéthre s’étendant jusqu’aux portiques appuyés sur le
premier péribole extérieur.
Le dryphaktos était donc entre les deux périboles, et marquait la
limite entre le terrain accessible aux gentils et celui qui leur était
rigoureusement interdit. Nous avons vu, par les textes de Joséphe
cités tout à l’heure, qu'il avait trois coudées de haut. Si la balustrade
mentionnée par la Mischna sous le nom de Soreg (1) doit être posi
tivement identifiée avec le dryphactos et non pas avec le geisz‘on ou
thrincos, il existe entre les dimensions que lui attribuent les
sources juives et celles données par Joséphe une forte divergence.
La Mischna n’accorde à cette balustrade que 10 palmes de hauteur,
tandis que Joséphe évalue celle du dryphactosà 3 coudées. c’est-à—
dire à 18 palmes. Faudrait-il en conclure que l’espace s'étendant
entre le dryphactos et le péribole intérieur, le hél, était en contre
haut de 8 palmes (une coudée un tiers) par rapport à celui qui
s'étendait entre le péribole extérieur ou cour des Gentils et le dry
phactos? Joséphe aurait alors pris les mesures en dehors et le Tal
mud en dedans du dryphactos (2).

Le texte de Joséphe que nous avons cité. plus haut (p. 46) pré
sente une grande difficulté. L’expression êv aûn‘ë se rapporte—t-elle
à et: 6mdtpov ou au mot ôpôquroç, ou bien est-elle prise adverbia

(i) J'l'tD, Midd0th, 2, 3. Le sens primitif parait étre celui de haie, enclos,
treillis, à en juger par la signification des termes congénères J'1‘t’J, plea:it, com
plexit, D’J’Ts‘l, palmiles vitis, et des formes similaires 11?, lexut't, nexuit.
Cf. l‘arabe conslruætt, cluust‘t lat/nets; filet, réf.
(2) Il est singulier que la difl'érenœ entre les chiffres de Joséphe et ceux du Talmud
soit précisément égale à la hauteur de notre pierre (8 palmes).
20 UNE sréus DU TEMPLE DE JÉHUSALEM.

lement dans le sens vague de là? Dans le premier et dans le troi


sième cas, il faudrait admettre que les stèles prohibitives se dres—
saient dans l’espace àciel ouvert qui séparait les portiques extérieurs
du dryphactos; dans le second cas, qu’elles s’élevaient sur le dry-
phactos même.
Notre bloc constitue-Ml en soi une véritable stèle? C'est-à-dire,
peut-on croire qu'il ait été destiné à être posé tel quel directement
sur le sol? Évidemment non; le texte devait être placé à une hau
- tour suffisante peur frapper les regards de ceux auxquels il s’adres
sait; or, la pierre n'a que 0'“,60 de hauteur! Il faut donc à toute
force admettre qu'elle surmontait une espèce de socle ou piédestal,
de façon a se trouver a un niveau convenable. Si l‘on fait rapporter
êv «on? à 896qzamoh c’est la balustrade elle-même qui aurait servi
de support à l’inscription (1), ce qui donnerait un excellent résultat:
le dryphactos ayant 3 coudées (1",35 de hauteur en admettant la
coudée égale à 0‘,450); l’inscription se trouvait dans ce cas juste de
niveau aVec le rayon visuel. Quant a l'agencement architectural qui
aurait présidé à cette superposition, on a le choix entre plusieurs
combinaisons.
Ou peut supposer, par exemple, que le dryphactos, qui encadrait le
hél, était interrompu de place en place par des sortes de piliers sail
lants, équidistants, de même hauteur que le dryphactos, sur lesquels
reposaient les inscriptions alternativementgrecques et latines (2).
L’ensemble de ce pilier et de l’inscription formait une stèle.
Ces piliers flanquaient peut-être les ouvertures pratiquées dans le
dryphactos pour laisser passer les Juifs, et qui, s'il faut s'en rapporter
au Talmud, étaient au nombre de treize. Le texte grec et le texte
latin auraient alors été disposés symétriquement des deux côtés de
l'ouverture, ce qui donnerait au minimum un nombre de treize mo
numents de chaque langue. Cette hypothèse serait d'autant plus

(1) Cette dernière hypothèse parait beaucoup plus probable; elle semble à peu
prés confirmée parla phrase de Joséphe (Antiq. j.. XV. 1 l , 5) èpxlev ).t0ivou 6puço’mou
ypaçîg mküov, littér. la clôture d'une balustrade défendant par «fait.
(9) Il est clair que les textes grecs et latins étaient sur des stèles distinctes; Jo
séphe le dit d'ailleurs expressément : a les unes en lettres grecques, les autres en
lettre: romumes. n Nous pouvons donc être convaincus, sans les avoir vues, qu’aucune
des quatre autres faces de notre bloc ne porte, comme on aurait pu le croire un
moment. le texte latin. Il est à espérer qu‘un hasard heureux permettra un jour de
retrouver une stèle latine analogue et peut—être d'autres exemplaires de ces monu
ments uniformes, qui devaient être assez nombreux. J‘ai remarqué dans le Harem
beaucoup de blocs ayant exactement les mêmes dimensions que le nôtre. Qui sait
si en les retournant on ne découvrirait pas une face écrite?
me srèu; nu TEMPLE DE 1Ëausamu. 21
admis_sible qu’il est évident que c’est surtout aux pomts où l'on pou
vait franchir le dryphactos qu'il fallait placer les stèles prohibitives.
Dans ce cas, ces espèces de dés supportant les stèles, soit qu’ils '
fussent en quelque sorte les pieds-droits des ouvertures (équidis- _
tantes) servant de portes. soit qu'ils fussent répartis à intervalles
égaux le long du dryphactos même, auraient eu pour largeur la lon
gueur du bloc. 12 palmes, et pour épaisseur le double de sa lar—
geur, par exemple 12 palmes et 2 doigts. Il se peut que le bloc écrit
fût surmonté d’un abaque ou de quelque autre ornement léger, tel
qu’un fronton triangulaire (1).

On pourrait encore proposer une autre hypothèse qui aurait


l’avantage : 4° de permettre d'évaluer l'épaisseur du dryphactos;
2° d’expliquer pourquoi l’épaisseur de notre bloc n’est pas de cinq
palmesjustes (tandis que les deux autres dimensions sont exactement
de 12 et 13 palmes) et pourquoi elle a un doigt en plus.
Le dryphactos n’était certainement pas un simple mur de clôture
construit avec des pierres à parements lisses. L’origine même de son
nom, et le texte de Joséphe qui le décrit comme une balustrade fort
élégamment traraille‘e, sont de nature à faire croire qu’il était, au
moins sur sa face extérieure. sculpté en bas—relief de façon à figurer
une sorte de balustrade en manière de cannelures, grillages, treillis,
réts, entrelacs, torsades ou toute autre ornementation analogue (9).
Si les inscriptions étaient simplement posées sur le dryphactos sans
faire intervenir des piliers ou dès servant de support, il est clair que
le dryphactos devait avoir la même épaisseur que notre bloc, c’est—à
dire cinq palmes et un doigt. Dans ce nombre, les cinq palmes repré—
sentaient la distance mesurée entre le fond du relief et la paroi exté
rieure (c’est-à-dire l’épaisseur pour ainsi dire nominale du mur). et
le doigt la projection de l’ornementation en relief appliquée sur le
fond. On avait donné au bloc écrit, destiné à lui être superposé,
l'épaisseur réelle du dryphactos, cinq palmes et un doigt, pour que sa
face écrite ne fût pas en retraite sur l’aplomb de l‘ornementation,
dont la nature exigeait probablement cette disposition.
il est possible cependant que la largeur générale du dryphactos fût
juste de cinq palmes. de sorte que l'inscription surplombait a l’exté

(1) Il est probable, dans ce cas, que la face supérieure de notre bloc écrit offrirait
des traces de scellement.
(2) Si le dryphactos eût été travaillé ùjour, de façon à former une balustrade l
claire-voie, il est probable que. Joséphe et)! mentionné cette particularité.

yv»\ \ \‘—\«\‘_ -\\__—-‘A


22 UNE STÈLE DU TEMPLE ne JÉRUSALEM.

rieur d'un doigt pour venir se raccmder à une sorte de mince pi


lastre simulé, saillant d’un doigt sur le fond du dryphactos et se pro
longeant jusqu’au sol de façon à figurer une espèce de véritable stèle,
presque entièrement engagée dans le dryphactos.
En tous cas, les rapports numériques entre la hauteur et l’épaisseur
du dryphactos, la saillie, soit de la décoration relevée en demi-bosse,
soit du pilastre plaqué, et les dimensions de notre bloc, paraissent
être ainsi très—satisfaisants. Il est toujours loisible d’admettre que
les inscriptions étaient, dans cette hypothèse également, placées sy
métriquement aux deux côtés des ouvertures.
Il semble impossible que les inscriptions aient été purement et
simplement encastrées dans le dryphactos sans le dépasser. parce
qu’elles se seraient confondues avec les blocs adjacents de la même
assise, parce qu’elles auraient été placées à une hauteur insuffisante
pour être lues commodément, parce qu’enfin elles auraient en méme
temps perdu le caractère de stèles que leur attribue expressément
Joséphe.

| tv
Joséphe nous dit que les inscriptions prohibitives étaient en grec
et en latin, ce qui parait exclure implicitement l’hébreu, chose d’ail
leurs parfaitement compréhensible (l ). L’interdiction s’adressant uni
quement aux étrangers, il eût été oiseux de la rédiger dans une langue
qu’ils ne pouvaient, qu’ils ne devaient pas comprendre. Le grec était
un idiome universellement répandu à cette époque parmi les popula
tions païennes de la Palestine et de la Syrie, la langue romaine allait
bientôt devenir la langue des maltres.
L'interdiction formelle aux étrangers d’aller au-delà de la cour
des Gentils et de pénétrer surle sol consacré, n’a pas besoin d'expli
cation. Elle s'appuie sur des prescriptions probablement fort au

(1) Quelques auteurs, entre autres Jahn, ont admis, mais vraisemblablement à
tort, que cet avertissement devait être également en hébreu. L’accès du temple était
en effet interdit par la loi religieuse aux Juifs qui ne se trouvaient pas à l’état de
pureté. Hais, outre que Joséphe mentionne uniquement, dans les deux passages,
des stèles grecques et latines, il ne faut pas oublier qu’en parlant de la loi de la
pureté il n'entend pas l'état d'impureté accidentel et temporaire dans lequel pouvait
se trouve un Juif, et qui lui défendait momentanément l’entrée au temple, maisl'impu
reté pour ainsi dire multiple et absolue du gentil, qui réunit en lui tous les cas prévus
d‘impureté, et avant tout celui, pour ainsi dire constitutionnel, d’étre incirconcis.
Ce n’est pas le Juif qui a besoin d’être averti qu'il ne saurait pénétrer dans le
Saint s’il est en état d'impureté, mais bien le paten étranger aux préceptes de la loi.
une STÈLE ou TEMPLE ne 1Énusausu. 23

cieunes, particulièrement en vigueur à toute époque chez les peuples


sémitiques, et qu’on retrouve encore vivantes chez les musulmans. Il
est frappant de revoir, après des siècles, précisément le même lieu
vénéré être l’objet de la même exclusion de la part d’une religion
foncièrement hostile au judaïsme, dont elle dérive cependant en
partie. Il y a quelques années encore, un étranger, un non-musulman
qui eût pénétré dans l'enceinte du Haram ( =Hieron) eût couru
risque de la vie, en vertu de la loi qui dix-huit siècles auparavant
préservait le sanctuaire d’une pareille souillure.
Cette exclusion est motivée par les mêmes considérations que celles
invoquées par les Juifs. C’était encore au nom de la loi de lapareté,
wSp.o; ri; âyve€aç, qu'on interdisait, il y a quelque temps. l’accès de
la mosquée d'0mar aux non—musulmans. Si l’on demande aujour—
d'hui même à un musulman pourquoi un non-musulman ne peut
pas légalement mettre le pied dans le Haram, sa réponse est invaria
blement : tienne moûch tdhér. parce qu’il n’est pas par. La tahdra
islamique est identique a la tahara judaïque. On constate cette per—
sistance de tradition jusque dans les plus petits détails. On ne peut
pénétrer dans le Haram sans retirer ses chaussures, et un musulman
scrupuleux ne doit pas traverser la vaste esplanade de la mosquée
pour se transporter d’un point à l'autre de la ville en coupant au plus
court, prohibitions qui se retrouvent textuellement dans le Talmud.
(Cf. Winer, Bibi. Realwœrterbuch, s. v. Tempe!) (1).
Il est superflu de revenir dans cette note sur les discussions aux
quelles a donné lieu la manière dont les Juifs envisageaient les peu
ples étrangers, les gentils. Nous nous bornerons à signaler la diver
gence, insignifiante dans le fond, qui existe entre les termes &D.éçuÀoç
et ällosOw’.ç d'une part, employés par Joséphe pour désigner les étran
gers, et d'autre part l‘expression âDoym’;ç de notre texte. Ce serait
peut-être aller trop loin que de vouloir admettre que l‘accès du
Temple était interdit non-seulement aux étrangers païens, mais
même aux étrangers non païens, aux prosélytes, c’est-à-dire de faire
de cette prohibition non-seulement une question de foi, mais encore
une question de race. Nous savons, du reste, qu'il y avait certains
peuples exclus à tout jamais de l’Assemblée du Seigneur, par

(I) Il au à noter que les musulmans distinguent nettement dans l'enceinte du


Haram deux mues concentriques; la première, extérieure, où l'on peut pénétrer sans
se déchnusser, correspond au parvis des gentils; la seconde (intérieure), sorte d'es—
plauadè (Sahén) à laquelle on monte par des degrés, constitue la surface sainte par
excellence, qu’aucun contact impur ne doit souiller.
24 UNE STËLE DU TEMPLE DE SÉRUSALEM.

cxemplelesAmmonitesetles Moabites(Deutér.,23,3),tandisqued’au
tres y étaient admis avec certains tempéraments (Deutér., 23, 7-8).
Il est à remarquer que le législateur a tenu, même dans une rédac
tion aussi laconique que celle de notre texte, à introduire quelques
mots qui tendent à Justifier la sévérité excessive de la disposition
pénale édictée par lui. en rejetant sur la téte du coupable la respon
sabilité de sa propre mort. Le gentil est averti des suites (êEaquw0âv)
qu‘entraînerait pour lui une transgression qui ne saurait être l'effet
de l'ignorance, puisqu’on 3 soin de le prévenir, par des avis écrits
dans les langues qu’il comprend, des dangers auxquels il s’expose
rait en passant outre. C’est une manière profondément sémitique
d’envisager l’application de la peine capitale. doctrine si bien ré
sumée dans cette expression : Que son sang retombe sur sa propre tête!
Il serait difficile de ne voir la qu’un simple avis comminatoire des
tiné à tenir en respect et à distance les gentils trop audacieux, par la
crainte salutaire d‘un châtiment qui, le cas échéant, n'eût pas été
aussi rigoureux, ou même simplement par l’appréhension de la colère
céleste se faisant justice elle—même. L’expression de Joséphe, 0avmxi:
&ueùoups’w;ç 1—71: Çnpiuç, sousmenace de mort, dans un passage, tendrait
peut—être à faire admettre cette supposition; mais ne peut—on voir
aussi dans l’emploi de cette expression mitigée de Joséphe que le fait
de la répugnance éprouvée par lui à mentionner crûment la sévérité
inexorable de la loi, répugnance qui explique même peut-être pour—
quoi l’historien a été, dans l’autre passage où il relate encore l'in
terdiction, jusqu’à omettre complètement la sanction pénale qui
l'accompagnait (1).
Bien que le législateur soit muet sur la manière dont la peine doit
être appliquée, il n’est guère douteux qu‘elle ne le fût rigoureuse
ment, et peut—être, suivant cette barbare coutume de l'antiquité qui
revit dans la loi de Lynch, par la main même des assistants. Les
Actes des Apôtres contiennent à ce sujet un passage très-important
qui ferait croire que, le délit étant flagrant, l’exécution devait ou
pouvait être sommaire (2).

(1)'Phi10n (Opp., Il, 977) parle également de l’interdiction sous peine de mort,
faite aux gentils, de pénétrer dans le hieron. Je n'ai malheureusement pas ici le texte
de cet auteur, qu’il serait instructif de comparer sur ce point à celui de Joséphe.
(2) Actes des apôtres, XXI, et notamment 26-32. Il parait d'ailleurs qu’en dehors
des prêtres (ou choisis parmi eux) il y avait de véritables gardiens du Temple (QÛÀŒXë;
roi: tapoB), placés sous les ordres d’un chef qui portait le titre de strutége(Jos., 6. j.,
VI, 5 : 3; Antiq., XX.6:2; Actes des up., V : 21;, IV :1). L'Èvangile de Luc, XXII. 52,
parle même de plusieurs strute’ges. Ces fonctionnaires semblent avoir été chargés de
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉRUSALEM. 25
Paul étant venu à Jérusalem aprés'avoir prêché la foi nouvelle
dans divers pays, fut informé par les frères de Jérusalem qu’il pas
sait dans cette ville pour enseigner à tous les Juifs qui étaient parmi
les gentils à ne pas suivre les prescriptions de Moïse et les coutumes
de la loi, à ne pas circoncire leurs enfants, etc. Pour dissiper cette
fâcheuse prévention et faire faire àPaul acte de fidèle observance de
la loi, on lui conseilla de prendre quatre hommes qui avaient fait un
vœu et de se purifier avec eux.
c Alors Paul, ayant pris ces hommes avec lui et s’étant purifié avec
eux, entra dans le Temple (icpév) le jour suivant, annonçant les jours
auxquels la purification s’accomplirait, et quand l’oflrande devait
être présentée pour chacun d’eux. ,
c Et comme les sept jours allaient s'accomplir, les Juifs d’Asie
l'ayant vu dans le Temple, ameutèrent tout le peuple et se saisirent
de lui en criant :
- Israélites! à l’aide! Voici l’homme qui prêche partout à tout le
monde contre le peuple, contre la loi et contre le lieu. Il a méme in
troduit des Hellènes dans le Hiéron et profané ce saint lieu.
« Ils avaient vu en effet, dans la ville, Trophime d’Éphèse avec
lui, et Ils avaient cru que Paul l’avait introduit dans le Hiéron.
- Toute la ville s’émut et un rassemblement se forma; on saisit
Paul, on le tralna hors du Hiér0n, dont les portes furent auSsit0t
fermées.
c Comme on cherchait à le tuer, ou annonça au tribun de la co—
horte que toute Jérusalem était en rumeur. n
Ainsi, il ressort clairement de ce récitque non—seulement le gentil
qui avait pénétré dans le Temple, mais aussi le Juif qui avait prêté
les mains à cette profanation, encouraient les rigueurs de la loi. Cet
incident jette sur notre inscription et en reçoit une grande lumière.
C'était au nom de la loi que les Juifs ameutés demandaient au tribun
la mort de Paul arraché par lui de leurs mains, au moment oùjustide
allaiten être faite.

la police générale du temple; on les voit intervenir chaque fois qu‘ils pensent l‘ordre
public menacé. Il est certain que parmi leurs attributions, une des plus importantes
était celle de veiller à ce que les prescriptions destinées à préserver le temple de
toute souillure fussent rigoureusement observées, et à ce titre c’était peut-0tre à
eux qu’incombait le soin de saisir les délinquants ou les coupables et de leur appli
quer, proportionnellement à la gravité de leur faute, les peines prononcées par la loi.
26 UNE STÈLE ou remue DE JÉHUSALEM.

Je désire, avant de terminer cette brève notice, revenir, pour y in


sister, sur une question intéressante soulevée par notre monument et
a laquelle une savante discussion engagée à l’Académie, à propos de
notre texte, prête une importance nouvelle.
J 'ai dit, et je pense toujours, que la mort dont l’inscription menace
le profanateur du Temple ne peut s’entendre que d'une exécution
réelle, soit expéditive et sommaire dans un transport de fanatisme
populaire, soit précédée d’une condamnation légale et entourée des
formes juridiques usuelles, et nullement d’une disposition purement
comminatoire destinée à prévenir toute violation du lieu saint par la
simple menace de la peine capitale, ou même par la terreur salutaire
de la divinité du lieu devant se venger elle-même.
L’incident dramatique de l’apôtre Paul suffit pour nous faire
écarter la première hypothèse. Quant à la seconde, en ne saurait
discopvenir que, dans le monde antique, le sacrilège était générale
ment considéré comme voué à la vengeance céleste, et que la tradi
tion nous le montre même assez souvent directement frappé, par la
colère du dieu courroucé, au moment où il commet le crime.
Il faut cependant remarquer que cette croyance, généralement ré—
pandue, ne faisait pas renoncer à l’emploi simultané de garanties
moins métaphysiques, nous pouvons même sans témérité ajouter '
plus efficaces, pour assurer l’inviolabilité des lieux sacrés. Que le
païen, en pénétrant dans les parties du temple jtfif qui lui étaient
interdites, fût considéré comme s’exposant a la colère de Jéhovah
contre lequel il péchait; que la crainte seule d’attirer sur sa tète le
courroux d'un dieu qui n'était pas le sien fût, pour l’étranger ini
méme, un frein généralement sulfisant, cela est parfaitement naturel
et bien conformeà ce que nous savons du monde antique et de ses
idées sur cette matière.
Mais cela m’empêchait pas que le profanatcur eût en outre à ré
pondre de son crime devant les hommes investis dmdroit de faire
respecter la loi religieuse ou devant ceux qui, cédant à leur indi
gnation, s’arrogeaient ce droit séance tenante. Si le coupable, cas
possible à imaginer, était épargné parla vindicte divine, il ne devait
pas échapper à la justice humaine.
Les textes de Joséphe que j‘ai déjà invoqués me semblent, surtout
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉRUSALEH. 27

le second, formels sur ce point. Il en existe un troisième que j’avais


négligé de relever dans cette notice, rédigée à la hâte et au loin, et
qui a été justement signalé par le savant M. Brunet de Presle comme
tranchant la question dans le sens admis par moi et que je continue
à soutenir.
Une allocution placée par Joséphe dans la bouche de Titus, allo
cution qu’il aurait adressée aux Juifs commandés par Jean au moment
où, maîtres d’Antonia, les Romains vont donner l'assaut au Temple,
débute ainsi :
TAp' aôZ ûp.sÏç, t?) ptapdrramt tév 8p6:paxrov ‘roï‘rrov npoôËûscfls rüiv ä-yiwv;
oôy_ ôp.eÏ; 8è -r&ç êv m’irÇi enfiler; 8tsaævjcars, ypâppaatv ‘EÀMvtxo’iç Ixal ñp.e
ra'pm; xezapœyuévaç, a pq8éva 1:3) ysiotov finspGaivsw flupuyys’Dæü o{ax 'ñpsÏç
SE 105; fmsdevra; ôyîv &varpsïv ânerps’uÿapsv, xâv 'Pwp.aiœv rtç
1 N’est—ce pas vous, les plus criminels des hommes, qui avez
élevé devant les lieux sacrés ce dryphaktos? N’est-ce pas vous qui y
avez disposé les stèles gravées en caractères grecs et dans ceux de
notre langue pour avertir que personne ne doit franchir le geision?
N’est—ce pas nous qui vous avons accordé de mettre à mort cens: qui
passeraient outre, quand même il s’agirait d’un Romain ? )
Ce passage est d’une précision qui ne laisse rien à désirer; s’il
ne nous donne pas la reproduction exacte du discours de Titus,
s’il faut n’y voir qu’une de ces harangues de fantaisie que les histo—
riens antiques aimaient à prêter à leurs personnages, il lève au
moins le dernier doute que nous pouvions conserver sur l’opinion
personnelle de Joséphe.
Nous ferons observer, chemin faisant, que s’y aôæê parait bien,
comme nous l’avons admis tout à l'heure, y désigner le dryphaktos
méme, d’où l‘on doit induire que les stèles reposaient sur la balus—
trade. '
L'emploi de p:qu’va tout seul parait assez singulier : personne; on
serait tenté de croire que les copistes ont passé le mot &ÀÀoyevîî : aucun
étranger, ou quelque autre similaire.
Enfin, il y a encore le texte de Philon que je connaissais et que j’ai
cité dans ma note, mais que je ne pouvais malheureusement pas
consulter, n'ayant pu me le procurer en Orient. Le voici :
Hspt7rors’çu 8è xu'r ëîuipsroç Eartv «610?; (aux J uil's) ärraow ñ êrr‘t ré lep‘ev

(I) Joséphe, Guerre juive, VII, 2 : Il.

»Vmfl/’ _
28 UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÈRUSALEM.

mwôr'.. Tsxy.1îpwv 8è tLÉTtflOV, 0a’wwroç &7rapat’rqroç ô')çtœut mrà 76w si;


rm‘;ç êvrîzç mptGdÀ0uq nœptÀOdwœv — ôe'xowat yàp si; robe iEurrépœ rob; mn
1ax665v m’zvra< - 1&3v oüX ôpoeflviäv
« Les Juifs ont tous pour le temple le soin le plus jaloux et le plus
remarquable. La plus grande preuve qu’on en puisse donner est
qu’une mort irrémissible attend ceux de nationalité différente qui pé
nétreraient dans les périboles intérieurs -— car tous, sans distinction
d’origine, sont admis dans les périboles extérieurs.»
On peut rapprocher de ces lignes, principalement pour l’emploi de
9a’vmoç âmpatmoc, mort irrémissible, cet autre passage du même au
teur : Kent âv o’t'pa -ric mm 01’; Âs'°{m 'rtÏ)v à'ÀÀwv ’lou8aiwv, äÀMt xa‘t ri5v îepeti
oûxt 153v ûo-roirwv, ä)Jà 163v rfiv eûObç p.s‘rà T‘OV npôrov To'zEW aU-qy_ärmv, â xa0'
afi‘rôv ñ xat p.er' Ëxsivou covawe’7tô‘g, pâ‘Mov 8è xoti &v aùtôç ô âpxtepebç 8uaiv
'ñps’pætç roü Ërouç,‘ñ xat aût_‘ñ rptç, 4. mi terpoïmç siporr‘âo‘p, 0&vurov
ânupuirqrov fmop.z’vet
a Si quelqu’un, je ne dis pas seulement des Juifs ordinaires, mais
aussi des prélres, et non pas des derniers, voire même de ceux qui
viennent immédiatement après le grand-prêtre, y pénètre, soit seul,
soit avec le grand-prêtre, bien plus, si le grand-prêtre lui-même y
entre deux jours par au, ou trois ou quatre fois pendant ce jour, il
est passible d’une mort irrémissible. »
A la rigueur, les textes de Philon, s'ils étaient isolés, pourraient
être sujets à contestation, et l’on serait peut—être en droit d’interpréter
0&varôç ânapatrq-roç dans le sens d’une mort surnaturelle. Mais mis
a côté de ceux de Joséphe, il semble difficile de leur donner cette
signification.
Nous ferons remarquer, sans vouloir cependant attacher trop
d'importance à ce rapprochement, que, dans l’expression que nous
avons rendue par l’équivalent approximatif mort irrémt‘ssible, le
mot, assez difficile à traduire, &mpat-mroç est composé de la même
racine, sinon du même radical, que nous retrouvons dans le terme
de notre inscription uïrt0ç; il se pourrait bien que, sans présenter
une nuance absolument analogue, l’emploi de ce mot ait été néan
moins chez Philon le résultat d’une vague réminiscence des textes
originaux vus par lui dans le Hiéron. .
Cependant on pourrait encore, tout en concédant que Jœéphe et
(1) Philon d’Alexandrie, «api àperñw ‘/.1Î npsfl’eia; 1rpè: l‘a'ttov, II; 577 (édit. Mon
neyî.
(2) id, ibid, 1], 591.
UNE STÈLE DU TEMPLE DE JÉBUSALEM. 29

Philon entendent bien parler en effet d’une exécution dans les ré—
gles, ou d’un massacre par le peuple, alléguer qu’ils commettent,
en disant ceia, une inexactitude soit involontaire, soit intentionnelle.
Joséphe aurait forcé la note pour rehausser les Juifs en leur attri
buantun droit souverain qu’ils ne pouvaient plus en réalité exercer
sous la domination romaine, surtout contre des Romains; Philon
aurait fait de cette assertion un argument pour les besoin de la cause,
destiné à dissuader Caligula de son projet de faire placer sa statue
dans le temple juif.
Cette théorie pourrait peut—être se soutenir si elle n’était pas en
désaccord avec le texte méme de notre monument, que nous allons
interroger en faisant abstraction des passages historiques contro—
versés.
Quelle que soit l’interprétation que l’on veuille proposer de ces
différents passages que nous avons successivement examinés, il est
hors de doute que notre inscription, considérée en elle-même, ne
présente de ce chef aucune espèce d’ambiguïté. C’est ce qu’on peut
démontrer en quelques mots.
Que dit en effet la stèle?
(4 Celui qui sera pris (8: 8‘ av Mapôi) sera cause de ce que la mort
s‘ensuivra .. . . . »
S'il s‘agissait d'une mort surnaturelle, il .y aurait tout autre mot
que Àr,ç6fi: Celui qui franchira, qui profanera, qui violera, etc. Le
châtiment céleste n'a pas besoin, pour se manifester, que le délin
quant soit ùppréhendé au corps par des mains humaines; au contraire,
on en admet plus volontiers l'intervention au cas où la juStice d’ici—
bas. qui n’est pas infaillible, se trouverait en défaut; c’est surtout
le sacrilège qui arriverait à se soustraire à la surveillance et à com—
mettre une profanation inaperçue, qui enfin violerait le saint lieu
sans se faire prendre, que ce châtiment devrait frapper. L‘expres
'sion MçGä implique donc absolument l’action humaine, et partant,
l’application d’une loi positive et formelle. Si cet avis eût été réelle
ment destiné à avertir les païens de ne pas s’exposer au courroux
céleste, on n’eût bien Certainement pas employé ce mot Mçûfi.
Cela est tellement vrai qu’on comprendrait plutôt, dans l'hypo
thèse d’une mort surnaturelle, une phrase de ce genre: « Celui
même qui violerait le lieu saint et ne serait pas pris (et échapperait '
ainsi à la justice humaine), ne saurait pour cela se soustraire à la
vengeance du dieu. » ’
Ajoutez à cela que si, pour le rédacteur du texte, il s’agissait réel
30 UNE srÈu: DU TEMPLE nu 1Énusacnu.

tement de l’intervention du dieu en personde, cette intervention


serait mentionnée expressément et dans des termes qui ne permet
traient pas de s’y méprendre. Nous connaissons assez, soit dans
l'antiquité classique, soit dans l'antiquité orientale, de formules
d’exécration dirigées contre les sacrilèges et les profanaleurs, pour
affirmer qu’une telle menace n’eût pas été cachée sous une forme si
ambiguë qu’il fallût, afin de l’en dégager, les considérations les plus
délicates, les réactifs les plus sensibles de la critique moderne.
Quand cette menace de la colère céleste est invoquée dans les in
scriptions antiques, elle l’est toujours bien clairement et bien haut,
car sans cela, si elle ne frappait pas le profane par son caractère
indiscutable, elle manquerait son principal effet, qui est bien plus de
prévenir le sacrilège en agissant par la terreur sur un esprit super
stitieux, que de le punir effectivement, une fois consommé.
Toutefois on aurait mauvaise grâce à nier qu’il n’y ait quelques
difficultés à concilier les dispositions de cette toi avec ce que nous
savons de la domination romaine en Judée. Se dessaisir du droit
souverain de vie et de mort et cela lors même, comme nous l’ap
prend Joséphe. qu'un Romain était en cause, paraît une chose bien
extraordinaire et peu conforme aux habitudes romaines. On pour—
rait cependant se rendre mieux compte de ce fait en se rappelant
que la Judée conservait encore sous Hérode le Grand une assez
grande indépendance pour ce qui concernait son gouvernement in
térieur, et que d'ailleurs le texte de la loi, gravée sous son règne,
visait d’une façon générale les étrangers, qui n’étaient pas, il s’en
faut, tous citoyens romains.
Dans la pratique, du reste, l’exécution de cette loi pouvait ren
contrer de graves obstacles,que n’avait pas soupçonnés le législa
teur. Mais n'est—ce pas la ce qu’on constate à propos de tant de lois
imprévoyantes dont on ne reconnaît les inconvénients, les lacunes
ou même les impossibilités, qu’en passant du domaine de la théorie_
à celui de l’application et de l'usage? Justement l'incident de l'a
pôtre Paul appartient a cette catégorie de cas douteux et embarras
sauts; les Juifs demandent que la justice suive son cours, Paul se ré
clame de sa qualité de citoyen romain. Le tribun, embarrassé, est
obligé d’en référer à l'autorité supérieure.
On peut, au surplus, admettre que les Romains, dans de certaines
circonstances et pour des motifs tout politiques, pouvaient juger à.
propos d’accorder satisfaction aux Juifs, même contre un Romain
qui avait violé leurs lois religieuses et commis un sacrilège entrai
uant la peine capitale. Nous en avons un exemple frappant dans un
UNE STÈLE DU TEMPLE ne JÉRUSALEM. 31
épisode qui précède la grande insurrection juive et qui nous est
rapporté par Joséphe (1).
Dans le pillage d’un bourg de J udée, pillage ordonné par le gou
verneur romain Cumanus en représailles d'un acte de brigandage
commis par des Juifs, un soldat romain ayant trouvé un exemplaire
du Pentateuque, le mit publiquement en pièces avec accompagne
ment d’injures et de quolibets. A cette nouvelle, une nombreuse
députation de Juifs re rendit à Césarée, résidence du gouverneur,
pour demander justice du sacrilège. Cumanus, effrayé de cette mani
festation, et pour arrêter l’effervescence qui se propageait dans le
pays, fit, sur le conseil même de ses amis, trancher la tête au cou
pable. Ce faitest d’autant plus à noter que ce même Cumanus, peu
de temps auparavant, avait négligé de punir un autre de ses soldats
qui s’était permis d’insulter les Juifs dans le temple de Jérusalem
pendant la Pâque, en leur faisant, du portique où il était en faction,
des gestes obscènes et insultants (2).

Nous rappellerons en terminant, à propos de ce problème qui '


peut encore être considéré comme posé, qu’on est en droit d’espérer
en trouver un jour la solution définitive à l’aide d‘un élément nou
veau. Les stèles prohibitives portaient des inscriptions en grec et en
latin : le texte grec que j’ai en la bonne fortune de découvrir per—
met de supposer qu'un jour on sera aussi heureux pour le texte latin.
J’ai déjà signalé, dans l’enceinte du Haram, plusieurs blocs engagés
dans les constructions arabes et ayant exactement l'aspect et les di
mensions du nôtre; parmi eux, on pourrait peut-être rencontrer,
soit un nouvel exemplaire du texte grec, soit, ce qui vaudraitmieux,
une des stèles latines. Il est plus que probable que le texte latin
présenterait avec le texte grec une concordance ou une divergence
suffisante pour trancher la question dans un sens ou dans l’autre.

(1) Joséphe, Antiq.jud., XX, 5 :I;. Cf. le récit parallèle, avec quelques variantes,
dans la G.juive, H, 12 :3.
(2; Id., ibid., XX, 5 : 3; cf. G. juive, H, 12: t.

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32 UNE STÈLE un TEMPLE ne 1Énusxnau._

PLAN HONTRANT L’ENDROIT OU LA STÈLE DU TEMPLE A ÉTÉ DÉCOUVERTE.

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AB. Bab-el-Atm. — C. Esplanade du Haram (Temple d’llérodel. — DE. Section de la Voie


douloureuse. — FG. Peu de mur en blocs àboanuges. — H. Baie grillée. ,— I. Petit enclos ser
vent de cimetière. — K. Vestibule. — LM. Couloir. -— N. Vaste cour dallée. — 0. Grande
voûte. — P. Petite voûte. — R. Endroit où se trouvait la stèle du Temple. -— S. Terrain planté
de sabours.

Paris. — Imprimerie l’illnt fils aîné, rue des Gî‘an‘dË-ètimÿîh's.


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PARIS. —-—- IMPRIMERIE DE PILLI‘Z'I' FILS AIRE
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