Le Malentendu Caligula

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DU MÊME AUTEUR

Aux Éditions Gallimard

L'ENVERS ET L'ENDROIT, essai.

NOCES, essai.

L'ÉTRANGER, roman.

LE MYTHE DE SISYPHE, essai.

LE MALENTENDU suivi de CALIGULA, théâtre.

LETTRES À UN AMI ALLEMAND.

LA PESTE, récit.

L'ÉTAT DE SIÈGE, théâtre.

ACTUELLES:

I. Chroniques 1944-1948.
II. Chroniques 1948-1953.
III. Chroniques algériennes 1939-1958.
LES JUSTES, théâtre.

L'HOMME RÉVOLTÉ, essai.


L'ÉTÉ, essai.

LA CHUTE, récit.

L'EXIL ET LE ROYAUME, nouvelles.

DISCOURS DE SUÈDE.

Suite de la bibliographie enfin de volume


LE MALENTENDU

CALIGULA

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ALBERT CAMUS

LE MALENTENDU
suivi de

CALIGULA

NOUVELLES VERSIONS

ntf

GALLIMARD

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© Éditions Gallimard, 19} S.
A MES AMIS DU THÉATRE DE L'ÉQUIPE
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LE MALENTENDU

Pièce en trois actes

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LE MALENTENDU

a été représenté pour la première fois en 944, au


Théâtre des Mathurins, dans une mise en scène de
Marcel Herrand, et avec la distribution suivante

MARTHA. Maria Casarès.

MARIA. Hélène Vercors.

LA MÈRE. Marie Kalff.


JAN. Marcel Herrand.

LE VIEUX DOMESTIQUE. Paul Œttly.

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Acte premier

Midi. La salle commune de l'auberge. Elle est


propre et claire. Tout y est net.

SCÈNE 1

LA MÈRE

Il reviendra.

MARTHA

Il te l'a dit ?

LA MÈRE

Oui. Quand tu es sortie.

MARTHA

Il reviendra seul ?

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Le Malentendu

LA MÈRE

Je ne sais pas.
MARTHA

Est-ii riche ?

LA MÈRE

Il ne s'est pas inquiété du prix.

MARTHA

S'il est riche, tant mieux. Mais il faut aussi qu'il


soit seul.

LA mère, avec lassitude.

Seul et riche, oui. Et alors nous devrons recom


mencer.

MARTHA

Nous recommencerons, en effet. Mais nous serons


payées de notre peine.
Un silence. Martha regarde sa mère.
Mère, vous êtes singulière. Je vous reconnais mal
depuis quelque temps.

LA MERE

Je suis fatiguée, ma fille, rien de plus. Je voudrais


me reposer.

MARTHA

Je puis prendre sur moi ce qui vous reste encore à

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Acte 1, Scène 1

faire dans la maison. Vous aurez ainsi toutes vos


journées.
LA MERE

Ce n'est pas exactement de ce repos que je parle.


Non, c'est un rêve de vieille femme. J'aspire seu-
lement à la paix, à un peu d'abandon. (Elle rit fai-
blement.) Cela est stupide à dire, Martha, mais il y a
des soirs où je me sentirais presque des goûts de
religion.
MARTHA

Vous n'êtes pas si vieille, ma mère, qu'il faille en


.'enir là. Vous avez mieux à faire.

LA MÈRE

Tu sais bien que je plaisante. Mais quoi A la fin


d'une vie, on peut bien se laisser aller. On ne peut
pas toujours se raidir et se durcir comme tu le fais,
Martha. Ce n'est pas de ton âge non plus. Et je
connais bien des filles, nées la même année que toi,
qui ne songent qu'à des folies.

MARTHA

Leurs folies ne sont rien auprès des nôtres, vous


le savez.

LA MÉRE
Laissons cela.

MARTHA, lentement.

On dirait qu'il est maintenant des mots qui vous


brûlent la bouche.
Le Malentendu

LA MERE

Qu'est-ce que cela peut te faire, si je ne recule pas


devant les actes ? Mais qu'importe Je voulais seule-
ment dire que j'aimerais quelquefois te voir sourire.

MARTHA

Cela m'arrive, je vous le jure.

LA MÈRE

Je ne t'ai jamais vue ainsi.

MARTHA

C'est que je souris dans ma chambre, aux heures


où je suis seule.

LA MERE, la regardant attentivement.


Quel dur visage est le tien, Martha1

MARTHA, s'approchant et avec calme.

Ne l'aimez-vous donc pas ?a

LA mère, la regardant toujours,


après un silence.

Je crois que oui, pourtant.

MARTHA, avec agitation.

Ah mère1 Quand nous aurons amassé beaucoup

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Acte 1, Scène 1

d'argent et que nous pourrons quitter ces terres sans


horizon, quand nous laisserons derrière nous cette
auberge et cette ville pluvieuse, et que nous oublie-
rons ce pays d'ombre, le jour où nous serons enfin
devant la mer dont j'ai tant rêvé, ce jour-là, vous
me verrez sourire. Mais il faut beaucoup d'argent
pour vivre libre devant la mer. C'est pour cela qu'il
ne faut pas avoir peur des mots. C'est pour cela
qu'il faut s'occuper de celui qui doit venir. S'il est
suffisamment riche, ma liberté commencera peut-être
avec lui. Vous a-t-il parlé longuement, mère ?

LA MÈRE

Non. Deux phrases en tout.

MARTHA

De quel air vous a-t-il demandé sa chambre ?

LA MÈRE

Je ne sais pas. Je vois mal et je l'ai mal regardé.


Je sais, par expérience, qu'il vaut mieux ne pas
les regarder. Il est plus facile de tuer ce qu'on ne
connaît pas. (Un temps.) Réjouis-toi, je n'ai pas peur
des mots maintenant.

MARTHA

C'est mieux ainsi. Je n'aime pas les allusions. Le


crime est le crime, il faut savoir ce que l'on veut.

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Le Malentendu

Et il me semble que vous le saviez tout à l'heure,


puisque vous y avez pensé, en répondant au voyageur.

LA MÈRE

Je n'y ai pas pensé. J'ai répondu par habitude.

MARTHA

L'habituâe ? Vous le savez, pourtant, les occasions


ont été rares

LA MÈRE

Sans doute. Mais l'habitude commence au second


crime. Au premier, rien ne commence, c'est quelque
chose qui finit. Et puis, si les occasions ont été rares,
elles se sont étendues sur beaucoup d'années, et
l'habitude s'est fortifiée du souvenir. Oui, c'est bien
l'habitude qui m'a poussée à répondre, qui m'a
avertie de ne pas regarder cet homme, et assurée
qu'il avait le visage d'une victime.

MARTHA

Mère, il faudra le tuer.

LA MÈRE, plus bas.


Sans doute, il faudra le tuer.

MARTHA

Vous ditei cela d'une singulière façon.

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