Georges Perec Un Homme Qui Dort PDF
Georges Perec Un Homme Qui Dort PDF
Georges Perec Un Homme Qui Dort PDF
,)
irg
eor es erec
roman
pottr Paillette
le memoriam J P.
que t u s o r t es d e
table et c oute.
ffrir
qu e t u l e d m a s q u e s, il n e
13.
fait
ton n ez, t a -
m o i n s s e lo n q u e t u f e r m e s
c h a r n i r e,et, par consquent, bien que cette consquence n'ait pas l' air
d i s t r i b u t i on, l a r p a r t i t io n d e
l'obscurit ne se fait pas d'une manire homogne : la zone suprieure est manifestement plus
sombre, la zone infrieure, qui te semble la plus
proche, bien que dj, videmment, les notions
de proche et lointain, haut et b as, devant et derrire, aient cess d'tre tout
f a i t p r c i ses, est,
c o m m e n ces
c o n t i e n t , ou supporte,
une, deux, ou plusieurs sortes de sacs, de capsu-
se
t ordent des clairs trs t rs b l a n cs, parf ois t r s
ne
su r e u x , e t i l
e st p re s q u e
impossible de ne pas le faire, car enfin, ils dansent devant toi et tout le reste est peine existant,
veuille pl us
c h e r ches, par
d t a il , t u
15.
v r a i s e m blablement, il s n ' o n t
peux,
tout fait s r de ce d e r n i er p o i n t
car, au bout d'un temps difficilement apprciable, et bien que rien ne te permette encore d'aff irmer qu'ils aient positivement disparu, tu p e u x
m m e e s p ace pr olon-
16.
d ' a b or d t r oi s espaces
espace
g."is, mdiocre, en biais, et la planche, enfin,
qui est immobile et trs dure au-dessus, parallle
toi, et peut-tre accessible. Il est clair, en ef f e t ,
mme s'il n'y a plus que cela qui soit clair, que
s i tu grimpes sur la p l a nche, tu d o rs, que l a
planche, c'est le sommeil. Le principe de l'opr ation est on ne peut p lu s si m p le, bien qu e t o u t
f l a c c i dit d u c o r p s , l a c o n c e n -
tout la b e l l e
e n t r e p r ends d e r a m e n e r v e r s l e
17,
mais il est trop tard, chaque fois depuis longtemps dj trop tard et, curieuse consquence, la
barre de tes sourcils se casse en deux et au cent re, entre tes deux yeux, co mme si l a
c h arnire
a vait tenu tout l ' e nsemble, et que t o ute l a
force
d e cette charnire se rassemblait en cet e n d r o it ,
survient d'un seul coup une douleur prcise, indub itablement consciente et qu e t u
r e c o n n ais t o u t
Tu es assis, torse nu, vtu seulement d'un pantalon de pyjama, dans ta chambre de bonne, sur
l 'troite banquette qui te sert de l it , u n
livre, les
19.
b a n q u e t te. T u
te l v es, tu v a s
vers la fentre que tu fermes. Tu ouvres le robinet du minuscule lavabo, tu passes un gant de
t oilette humide sur to n
f r o n t , su r t a n u q u e , s u r
e x a me n a r r iv e e t t u
Tu te lves trop tard. L-bas, des ttes studieuses ou ennuyes se penchent pensivement sur
22.
Nescaf ; tu y ajoutes, comme chaque jour, quelq ues gouttes de l ai t c o n c entr sucr. T u n e
te
laves pas, tu t'habilles peine. Dans une bassine de matire plastique rose, tu mets tremper
trois paires de chaussettes.
23.
r e s te s t e nd u su r t a b a n q u e t t e
sauras jamais.
Le soleil tape sur les tles du toit. La chaleur
dans la chambre de bonne est insupportable. Tu
es assis, coinc entre la banquette et l'tagre, un
24.
com m e n t d i r e ?
s e n t i m en t d e t o n e x i s t e n ce,
de ton importance presque, l'impression d'adhrer, de baigner dans le monde, se met te faire
dfaut.
Tu n'es pourtant pas de ceux qui passent leurs
sur la priorit de l'uf ou de l a p o u le. Les inquitudes mtaphysiques n'ont pas notablement
burin les traits de ton noble visage. Mais, rien
ne reste de cette trajectoire en flche, de ce mouv ement en avant o t u
as t, de tout temps,
2).
r e s sort, u n
c o n f o n d ent : c e s o n t l a
c h a l e ur , l ' a m e r t um e e t
n'as plus
ner sans prcaution. Tu regardes, d'un ceil maintenant presque fascin, une bassine de matire
plastique rose qui ne contient pas moins de six
chaussettes.
26.
lire, presque sans bouger . Tu regardes la bass ine, l'tagre, tes genoux, to n
r e g ar d d a n s l e
g o u t t e d ' eau a u r o b i n e t d u
d ' u n e m o u c he , l a p r o -
prcis de ton premier quart de sicle. Tu as vingtcinq ans et v i n g t - n euf d e n ts, t r oi s c h e m i ses et
huit chaussettes, quelques livres qu e t u
n e l is
v e u x q u ' a t t e n dre,
27.
les heures, que les jours s'en aillent, que les souvenirs s'estompent .
Tu ne revois pas tes amis. Tu n ' o u v res pas ta
rues, tu te glisses dans les petits cinmas crasseux des Grands Boulevards. Parfois, tu marches
t oute la nuit ; parfois, tu dors tout le j o u r .
te
sens peu fait pour vivre, pour agir, pour faonn er ; tu ne veux qu e d u r er, tu n e v eu x qu e l ' a t tente et l'oubli.
toi t u a s v u , d e
t endu en a v a n t ,
r e f u ses ri en. T u
n ' a v a n ais
ce que tu irais faire plus loin : il a suffi, il a presque suffi, un jour de mai o il faisait trop chaud, de
l'inopportune conjonction d'un texte dont tu av ais
chaussettes, pour que quelque chose se casse, s'altre, se dfasse, et qu'apparaisse au grand jour
mais le jour n'est jamais grand dans la chamb re de bonne de la rue Saint-Honor
cett e
r e s tes tendu,
30,
rante d'enfant sage, de bon lve, de franc camarade, sous ces signes vidents, trop vidents, de
l a croissance, du m r i ssement
les t r aits au
31.
vie
m i l i t a i re, salon
couvert de housses grises, poussires en suspension dans un rai de lumire, campagnes peles,
c imetires des dimanches, promenades en a u t o -
mobile.
Homme assis sur une banquette troite, un jeudi
32.
c u v e tt e d e m a t i r e
Il y a d'abord des images, familires ou obsd antes ; des cartes tales que tu
p r e nd s e t r e -
c a rt e q u e t u p r e n d s e t
reprends, poses et
reposes, classes et reclasses ; des
foules qui montent et descendent, vont et viennent ;
des murs qui t'entourent et dont t u c h e r ches l'is-
35.
se frayer un chemin, des preuves qui ne prouvent plus ri en, si n on, p e u t-tre, qu'un O b s ervatoire A b e r deen,
I n v e r n ess, a e f f e c t ivement
Quel homme
Quel
36.
j a m a i s d e s e n t ie r e t , p r s d e s
s avon, mais un
s a vo n t r s d u r , p a s
droits.
to u t f a i t m d i o c r e ,
38.
c o u l er, et , ju s t e m e nt, t u
couler.
tout de s u ite, tu
t'aperois que tu n'tais mme pas vraiment enf erm, que, pendant tout c e t e m ps, l e s o m m e i l ,
39..
toi,
colline au ba s d e
gure qu'aux heures des repas. Le matin, tu tranes au lit. Tu les entends aller et venir dans la
maison, monter e t
ouvrir des tiroirs. Ton pre scie du bois. Un picier ambulant klaxonne prs du portail. Un chien
aboie, des oiseaux chantent, la cloche de l'glise
sonne. Couch sur ton lit haut, l'dredon de plume remont jusqu'au menton, tu regardes les soli-
ves du plafond. Une araigne minuscule, au ventre d'un gris presque blanc, tisse sa toile au coin
d'une poutre
42.
ont dj commenc.
Tu descends au village faire quelques courses
pour ta mre, acheter du tabac pour ton pre, des
c igarettes pour to i
. L e s f e r m i er s on t f u i d e c e
Tu longes les maisons restaures : volets repeints en vert pomme, plaqus de fleurs de lis
en fer forg, lanternes d'antiquaires, jardins d'agrment, rocailles que nulle divinit n'habite, paradis des villgiateurs. Des avocats, des piciers, des
f onctionnaires taillent les b u is, r a tissent les gr aviers, poussettent les parterres, donnent manger
43.
de couleurs diffrentes, l'glise, le chteau presque la hauteur de tes yeux, le viaduc o passait
jadis le chemin de fer, le lavoir, la poste Sur .la
route blanche, tout en bas, comme un galion qui
sort du port, un n orme camion s'loigne. Un
paysan, seul, au milieu de son champ, guide sa
charrue trane par un cheval pommel.
t'aime . Tu mchonnes des herbes que tu recraches aussitt : le paysage t'inspire peu, la paix
des champs ne t'meut pas, le silence de la cam-
pagne ne t'nerve ni ne t'apaise. Seuls te fascin ent parfois un i n s ecte, une p i e r r e, une feuill.e
tombe, un arbre : tu restes parfois des heures
regarder un arbre, le dcrire, le dissquer :
les racines, le tronc, la r a m u re, les f e u i l les, cha-
m e s ur e qu e t a p e r c eption
s'affine, se fait plus patiente et plus souple, l'arbre explose et renat, mille nuances de vert, mille
feuilles identiques et pourtant diffrentes. Il te
semble que tu pourrais passer ta vie devant un
arbre, sans l'puiser, sans le comprendre, parce
que tu n'as rien comprendre, seulement regard er : tout c e
que t u p e u x d i r e d e c e t a r b r e ,
arbre ; tout ce qu e
c e n e s ont jamais
n e t e pr o m n e s j a m a i s a v e c u n
46.
Ce n'est pas que tu dtestes les hommes, pourquoi les dtesterais-tu ? Pourquoi te dtesterais-tu ?
Si seulement cette appartenance l'espce humaine
ne s'accompagnait pas de cet insupportable vacarme, si seulement ces quelques pas drisoires franchis dans le rgne animal ne d evaient pas se
payer de cette perptuelle indigestion de mots,
de projets, de grands dparts ! Mais c'est trop
cher pour des pouces opposables, pour une stat ion debout, pour l '
r otation d e
la,
imparfait
e
naise, ce gril qu'est la vie, ces milliards de sommations, d'incitations, de mises en garde, d'exal-
duire, broyer, engloutir, triompher des embches, recommencer encore et sans cesse, cette
47.
cha-
d e t a p r e m i r e e n f a n c e au
a t t e n d en t l e u r t o u r . T e s a v e n t u r e s
sont si bien dcrites que la rvolte la plus violente ne ferait sourciller personne. Tu auras beau
descendre dans la rue e t
e n v oyer di nguer les
chapeaux des gens, couvrir ta tte d'immondices,
aller nu-pieds, publier des manifestes, tirer des
coups de revolver au passage d'un quelconque
u surpateur, rien n'y fera : ton li t
e s t d j f a i t
d ans le dortoir d e
l ' a s i le , t o n c o u v er t e s t m i s
la table des potes maudits. Bateau ivre, misrable miracle : le Harrar est une attraction for aine, un voyage organis. Tout est p r vu , t o u t
mort : le
boulet qui t'emportera est depuis longtemps fondu, les pleureuses sont dj dsignes pour suivre
ton cercueil.
seras-tu dcor ? Cultiv ? Fin g ourmet ? Sondeur des reins et des curs ? Ami des btes ?
Consacreras-tu tes heures de l o i si r
m a s s a crer
50.
coutant peine les bruits de la maison, le craquement des poutres, des planchers, ton pre qui
pagne sont fermes. Quand tu traverses le village, de rares chiens aboient sur ton passage. Des
lambeaux d'affiches jaunes, sur la place de l'glise,
ct de la mairie, de la poste, du lavoir, appel-
51.
semelles de glaise. Tu t'embourbes dans les fondrires des sentiers. Le ciel est gris. Des nappes
de brume masquent les paysages. De la fume
m onte de quelques chemines. Tu as f r oi d
mal-
le seul client.
dizaines de mouches sont agglutines sur le papier collant qui tombe encore en spirale de l'abatjour de mtal maill. Un c hat i n d i f frent se
chauffe prs du pole de fonte. Tu regardes les
botes de conserve, les paquets de lessive, les ta-
52.
timents que leur inspire une fiance blonde, l'horaire des cars, les chiffres du tierc, le rsultat des
matches dominicaux.
ciel avant
55.
affirmer que, malgr la perfection presque infaillible des procds d'impression, ils ne se ressemblent
j amais tout f a it, ces journaux que tu a s l u s e t
g o u t t e d ' ea u q u i
56.
rue des
goutte
e s t a l e n t o ur , b a i n p e r m a n e n t ,
p o u r r ai s n e p a s r e g a r der, et
b i e n e n t e n du, i l e s t t a r d , i l
e st tt, le jour n a t, l a n ui t
57.
t o m b e , le s b r u its n e
t m o i g n ent en -
58.
d u t e m ps, une v i e
immobile, sans crise, sans dsordre : nulle asprit, nul dsquilibre. Minute aprs minute, heure
aprs heure, jour aprs jour, saison aprs saison,
quelque chose va commencer qui n'aura jamais
de fin : ta vie vgta.e, ta vie annule.
b o u c he, f r on t q u e
61.
Il y a
m i l l e m a n i r e s d e t u e r l e t e m p s et
aucune ne ressemble l'autre, mais elles se valent
t outes, mille f a ons d e n e
r i e n a t t e n d r e , mille
s'ap-
l o n g t e mp s t u
que tu n e
comptes jamais les minutes. Tu ne dois plus ouvrir ton courrier avec fbrilit, tu ne dois plus tre
d u si tu
t ant acqurir p ou r
l a modique somme de
soixante-dix sept francs un service gteaux grav
ton chiffre ou les trsors de l'art occidental.
62.
quter des saluts, des sourires, des signes de reconnaissance dans la bibliothque.
63.
milliers de chemins toujours recommencs, labyrinthes inexorables, texte que nul n e s a urait dchif-
reviens
64.
passent, en groupes compacts que de rares et brves accalmies sparent : les r e f l ets l o i n t ains d es
f eux qui rglent l a
c i r c u l ation. Sur l e s t r o t t o i r s
groupes sans cesse dissous et reforms s'entassent auprs des stations d'arrt des autobus. Un
66.
toir, les rues-cimetire, les faades peles, les faades ronges, les faades rouilles, les faades masques.
Tu longes les petits squares, dpass par les
67.
l a i s s ant g l i s ser su r l e s
p a ttes de l i on. D e v i e u x
t de t ou t t e m p s
portent
porte est
68.
Passage des Panoramas, Passage Jouffroy, Passage Verdeau, leurs marchands de modles rduits,
de pipes, de bijoux en strass, de timbres, leurs
cireurs, leurs comptoirs hot-dogs . Tu lis, une
une, les cartes plies affiches la devanture
d'un graveur : Docteur Raphal Crubellier, Stomatologiste, Diplm de la Facult de Mdecine
d e Paris, su r
r e n d e z -vous s e u l ement, M a r c e l -
69.
l u i : p e u t - t re
sa seule vigilance consiste-t-elle suivre son ombre ; il doit avoir des repres depuis longtemps
t racs ; sa folie, s'il est f o u , es t p e u t -tre de se
nassien pour cole primaire, mais il a sur les autres tres humains ce privilge de pouvoir rester
immobile comme une statue, pendant des heures
et des heures, sans efforts apparents. Tu voudrais
y parvenir, mais, sans doute est-ce l'un des effets
de ton extrme jeunesse dans la vocation de vieil-
70.
tournes en rond. Tu te fixes parfois des buts drisoires : Daumesnil, Clignancourt, le b o u levard
Gouvion Saint-Cyr, le muse Postal. Tu entres
dans des librairies et tu feuillettes des livres sans
tte d r o i te,
l e s p r v i sions mto-
rologiques ; les programmes de radio, de tlvision, des thtres et cinmas, les cours de la bour-
q u a t r e n u m r o s,
a t t e n t if s qu e t u a s
r etenir aucune : tu a s
fois quel point tout t'est gal. Il faut que les hirarchies, les prfrences s'effondrent. Tu peux encore t'tonner que la combinaison, selon des rgles
finalement trs simples, d'une trentaine de signes
typographiques soit capable de crer, chaque jour,
ces milliers de messages. Mais pourquoi en feraist u ta pture, pourquoi les dchiffrerais-tu ? Il t'im -
73.
rien
En face du monde, l'indiffrent n'est ni ignorant ni hostile. Ton propos n'est pas de redcouvrir les saines joies de l'analphabtisme, mais, lisant, de n'accorder aucun privilge tes lectures .
Ton propos n'est pas d'aller tout nu, mais d'tre
vtu sans que cela i m p l i qu e n cessairement re-
v e u i l l e s ex actement accom-
p e ut a v o ir u n s e n s ,
n o n p a s , s u r t ou t p as , f o n c -
t ionnel, car l e
f o n c t i o nnel es t l a p i r e d e s
valeurs, la plus sournoise, la p lus compromett ante, mais patent, factuel, irrductible ; qu'il n ' y
a it rien dire sinon : tu l i s , t u e s v tu, t u m a n ges, tu dors, tu marches, que ce soient des actions,
74.
d'change : t on habillement, t a
n o u r r i ture, t e s
lectures ne parleront plus ta place, tu ne joueras
plus au plus fin avec eux. Tu ne leur confieras
pas l'puisante, l'impossible, la mortelle tche de
te reprsenter.
75.
que la viande cesse d'tre mince, coriace, filandreuse, les frites huileuses et molles, le vin poisseux ou acide, pour que ces qualificatifs minemment dprciateurs, porteurs au dbut de sens
tristes, vocateurs de repas pour pauvres, de nourritures de clochards, de soupes populaires, de ftes
f oraines de banlieue, perdent petit petit l e ur
substance, et pour que la t r i stesse, la pauvret, la
pnurie, le besoin, la honte qui s'y taient inexorablement attachs c e tt e g r a i sse devenue fr i t e,
c ette duret devenue v i a nde, cette a c i dit f a i t e
vin
c e s s ent de te f r apper, de te marquer, de
mme qu' l'oppos cessent de te convaincre les
signes nobles, exacts envers de ceux-ci, de l'abon-
fort des Halles, la croustillance dore des pommes-paille ou a l l u m e t te, de s p o m m e s s ouff l es,
verre.
76.
de bceuf de la Villette du complet que, presque chaque jour, tu commandes, a peine entr,
a u serveur du comptoir d e l a
P e t i t e S o u r ce, n' a
Tu inventes des priples compliqus, hrisss d inte'rdits qui t'obligent a de longs dtours.
Tu vas voir les monuments. Tu dnombres les
glises, les statues questres, les pissotires, les
r estaurants russes. Tu va s
79.
modation et d'orientation de ton regard produis ent sans effort, lentement, des dizaines de f o r m es naissantes, organisations fragiles que t u
ne
peux saisir qu'un instant, les arrtant sur un nom :
q u e t o u t n e r e c o m m e nce :
attentif,
80.
front, ne rete-
i nf a-
d'une cicatrice.
une
eu
e l l e s u c cde , m e t t ons, un
s ept, le huit, un h ui t l e
n e uf, u n v a le t l a
dame ; si elle succde un roi, tu ne peux rien
mettre et la case est perdue.
d e s r o i s , d o n c c h o u er,
si tu les jouais dans l'ordre ; mais tu peux justem ent te servir d ' u n e
c a se, p ui s d ' u n e a u t re , y
t o u j o ur s u n m o m e n t o
roi. Tu
a u t r e s t e n t atives :
il te suffit de laisser en place les cartes dj classes et de redistribuer les autres aprs les avoir
82.
b attues en m n ageant q u a tr e
i n t e r v a l l es. M a i s
pas
dcouvrir trop vite un roi. Petit petit le jeu s'organise, des contraintes apparaissent, des possibil its se font j o u r :
83.
t ' y t r o u v e s p r esque
p l a ce, q u 'u n ro i n e
mort dj. Tu es tendu, tout habill, sur la banq uette, les mains croises derrire la n u q ue, g e noux haut. Tu fermes les yeux, tu les ouvres. Des
85.
b a n q u e tte. T ou t e s t
ment rgulire. Une petite bestiole noire vraisemblablement irrelle ouvre une brche insouponne dans le labyrinthe des fissures du plafond.
jour. Tu
86.
n ' a ttends
transparent. Tu
n'existes plus : suite des heures, suite des j o u r s,
87.
ment noir, comme sur le ngatif d'une photographie, et seules sont blanches, ou peut-tre grises,
que tu pourrais dcouvrir chaque dtail, le moindre nuage s'il y avait un c i el, l a p l u s p e t ite terre
c a r t o u c he , c o m m e s i u n cra n
a pparaissait et qu'un n gatif d e
f i l m cinmatographique y tait p r o j et, il y
a l e mme
n avire, mais maintenant vu d 'en h a ut , en e n t i e r ,
et tu es, toi, sur le p o nt , a ccoud au bastingage,
90.
e nsuite, presque en
mme
p a s sager i m m o b il e a c coud
v r a i m en t d e s v a g u e s ,
partie et l e
tout, ton nez trave et to n c o rp s p aquebot navig uent de conserve sans que rien t e p e r m e tte d e
les dissocier : tu es tout la fois l'trave et le navire
et toi sur le navire. Puis, nat une premire contrad iction, mais c'est peut-tre seulement un e i l l u -
sion d'optique imputable la diffrence des,chelles, des perspectives : il te semble que le navire
g1.
va lentement, de p lu s e n
p l u s l e n t e m ent, p e ut-
attends
p r c ise, trs v it e l a n c i -
sant jaillir sur ses cts des gerbes d'cume blanche, tu tais accoud la pa.sserelle du pont-promenade dans la position un peu romantique qu'ont
tous les passagers de tous les navires quand ils
prennent l'air en regardant les mouettes, tu prouvais exactement la mme sensation que celle que
maintenant tu prouves, et pourtant tu n'prouves
m aintenant aucune sensation, sinon c e l le, p r i l -
quisse, puis se prcise, grandit en rugissant, dcouvrant deux crocs acrs, puis un point scintillant,
qui v i en t su r t o i , t ' v it d e
qui explose...
p a r f a i t ement t o m b a n t e.
n'as
un complet et un rouge,
un demi,
97.
C oncorde midi le 1 5
A o t . M a i s q u 'un b u t
restait source
99.
t e l a i s s e s e n t r a ner :
l a f o u l e m o n t e o u d e s c e nd el e s
Champs-Elyses, il suffit d'un dos gris qui te prcde de quelques mtres et oblique dans une rue
grise ; ou bien une lumire ou une absence de lumire, un bruit ou une absence de bruit, un mur, un
groupe, un arbre, de l'eau, un porche, des grilles,
des affiches, des pavs, un passage clout, une
devanture, un signal lumineux, une plaque de rue,
la carotte d'un tabac, l'tal d'un mercier, un esca-
lier, un rond-point...
100.
tes pas. Tu manges ou tu ne manges pas. Tu t'ass ieds, tu t'tends, tu r e stes debout, tu t e
g l i s s es
t r a n e . T u t a l e s su r t a
b anquette quatre ranges de treize cartes, tu r e t ires les as, tu mets le sept de c u r
aprs le six
101.
Tu t'tends sur ta banquette troite, mains crois es derrire la nu que, genoux h a ut. T u
fermes
les yeux, tu les ouvres. Des filaments tordus drivent lentement de haut en bas la su r face de ta
corne.
Tu dnombres et organises les fissures, les cailles, les failles du plafond. Tu regardes ton visage
dans ton miroir fl.
L'indiffrence n'a
n i commencement ni
fin :
c'est un tat immuable, un poids, une inertie que
tes
j e u l a t o t a l i t d e l ' o r g a n i s me, n e
102.
c h a u ssettes,
l'eau, les pierres, les voitures qui passent, les nuag es qui dessinent d ans l e
nuages.
103.
d r i ve,
si lence
le vinaigre et la crasse. Tu marches dans des ruelles graisseuses le long de palissades macules d'affiches en lambeaux, vers Charles Michels ou Chteau-Landon. Tu t'assieds sur les bancs des squares et des jardins, comme un r e t rait, comme un
104.
Tu regardes les joueurs de cartes dans les jardins du Luxembourg, les grandes eaux du Palais
d e Chaillot, tu va s au L o u v r e l e
d i m a n c he, t r a -
pour finir prs d'un unique tableau ou d'un unique objet : le portrait incroyablement nergique
d 'un homme de l a
105.
Marche incessante, inlassable. Tu marches comme un homme qui porterait d'invisibles valises,
t u marches comme un h o m m e
q u i s u i v r ai t s o n
106.
r e s tes debout,
peu prs immobile, un coude pos sur le comptoir de verre, paisse plaque translucide aux bords
arrondis que des boulons de cuivre scellent au
bton du socle, demi retourn vers un billard
lectrique sur lequel s'obstinent trois marins. Tu
bois du vin rouge ou du caf-perco.
me un rat de laboratoire qu'un chercheur insouc iant aurait oubli dans son labyrinthe et q u i
matin et soir, sans jamais se tromper, sans jamais
hsiter, prendrait le chemin d e s a
m a n g eoire,
tournerait gauche, puis droite, appuierait deux
fois sur une pdale cercle de rouge pour recev oir sa ration de nourriture en boui l l i e.
Nulle hirarchie, nulle prfrence. Ton indif' rence est tale : homme gris pour qui le g r i s
as insensible,
107.
s urprenant, ne r e t enant j a m ai s qu e
des combi-
108.
venir, les
foules et les choses se faire et se dfaire.
Tu vois, la vi t r ine m i n u scule d'un m e rcier un e
casion de vrifier si tu connais le code ; tu supposes, par exemple, et cela se vrifie tout de suite,
q ue la tche consiste r a m ener to n
111.
p o u ce , o u
ois que le pr oblme est encore plus compliqu : il ne s'agit pas de savoir si tu dois ou non
ramener ton pouce selon ta fonction, ton grade,
t on anciennet, mais p l u t t d e
faon, tt ou tard, i l
ceci : de t o u t e
f a u dr a qu e t u r a m nes ton
1 12.
tes
c h ai r r e n c o n tre t a c h a ir , l o
ou chauds et froids. Evidemment, on peut, presque sans prendre de risques, inverser toute l'opration et affirmer que c'est le contraire, le pied gau-
113.
i n s t an t t u p e u x
tomber, ce qui d'ailleurs ne te semble pas autrement gnant, ta tte tant parfaitement protge
ne sais pas comment faire pour tomber, c'est seulement quand tu n'y p enses pas que tu te m ets
cil, o il s'est tout fait acclimat, o il bat comme une chose vivante avec, peut-tre, tout au plus,
u n petit peu trop de p r cipitation. Il f a u t
que tu
to ut l e r e s te e st p e r d u ,
Tout cela est de plus en plus compliqu : il faudrait d'abord que tu enlves ton coude et dans l'espace ainsi libr, tu pourrais mettre au moins une
partie de ton ventre, et ainsi de suite, jusqu' ce
que tu sois peu prs reconstitu. Mais c'est effroya-
115.
vont te f a i re
t o utes les
116.
Alors nat le pire. Il monte lentement, imperceptiblement. D'abord tout est calme, trop calme, nor-
mal, trop normal. Tout semble ne plus devoir jamais bouger. Mais ensuite tu sais, tu co m m ences
savoir, avec une certitude de plus en plus implacable, que tu as perdu ton corps, ou plutt non,
tu le vois, non loin de toi, mais tu ne le rejoindras
jamais.
Tu n'es plus qu'un ceil. Un ceil i m m ense et
f ixe, qui voi t
t o u t , a u ssi b ie n t o n c o r p s a f f a l ,
que toi, regard regardant, comme s'il s'tait comp ltement retourn dans so n
orbite et q u 'i l t e
par-
117,
Tu te vois, tu t e
v o i s t e v o i r , t u t e r e g a r des te
regarder. M'ae si tu t'veillais, ta vision demeure-
te dlivrer..
la m or t m m e n e s aurait
Mais les rats ne cherchent pas le sommeil pendant des heures. Mais les rats ne se rveillent pas
en.sursaut, pris de panique, tremps de sueur. Mais
les rats ne rvent pa" et que peux-tu faire contre
tes rves ?
Mais les rats ne se rongent pas les ongles, et surtout pas mthodiquement, pendant des heures en-
119.
de l'eau bouillie.
peux jouer ou ne pas jouer. Tu ne peux pas engager de dialogue, tu ne peux lui faire dire ce qu'il
n e saurait te d i re . T u
120.
Tu tranes dans les rues, tu entres dans un cinma ; tu tranes dans les rues, tu e n t res dans un
caf ; tu tranes dans les rues, tu regardes la Seine,
nant prs des bouches d'gout, les portes monstrueuses des fabriques. Sous les passerelles mtalliques du quartier de l'Europe, des locomotives
vapeur lancent des bou&es de fume blanche.
Boulevard Barbs, place Clichy, des foules impatientes lvent les yeux vers le ciel.
123.
c omme une vrit l o n g temps masque, une v i dence refuse ; tenace et patient, tnu, acharn, il
d'o tu repars chaque jour, ce lieu presque magique o plus rien dsormais ne s'offre ta patience,
mme plus une fissure au plafond, mme plus une
t a l es, encore un e
b a nquette
fois, les cinquante-deux cartes sur t a
troite ; tu cherches, encore une fois, l'improbable
solution d'un labyrinthe inf o rme.
125.
comment dire ?
cune prise au monde extrieur, de glisser, intouchable, yeux ouverts regardant devant eux, percevant
tout, les plus petits dtails, ne retenant rien. Som-
de ta main droite les pierres des perrons, les briques des faades Tu .t'assieds, jambes ballantes,
au-dessus de la Seine, pendant des heures regarder l'inapprciable remous que creuse l'arche d'un
pont. Tu retires les quatre as de tes cinquante-deux
cartes tales. Combien de fois as-tu refait les mmes gestes mutils, les mmes trajets qui ne conduisent jamais nulle part ? Tu n'as d'autre secours que
Maintenant tu vi s d an s l a
t e r r eu r d u s i l e n c e.
127.
r e t e ni r l e s
tremblements saccads de leurs joues, de leurs paupires, les paysans gars dans la grande ville, les
veuves, les sournois, les anctres, les fouineurs.
solitaires. Comme si seuls pouvaient se rencontrer, le temps d'un verre de vin rouge bu un
mme comptoir, ceux qui ne parlent jamais, ceux
qui parlent tout seuls. Les vieux fous, les vieilles
saoules, les illumins, les exils. Ils s'accrochent
aux revers de ta veste, tes basques, tes man-
bonnes ouvres, leur vrai chemin. Les hommessandwiches de la vraie foi qui sauvera le monde.
Venez Lui vous qui souffrez. Jsus a dit Vous
qui ne voyez pas pensez ceux qui voient.
Les teints terreux, les cols lims, les bgayants
qui te racontent leur vie, leurs prisons, leurs asiles,
leurs faux voyages, leurs hpitaux. Les vieux instituteurs qui voudraient rformer l'orthographe, les
rient d'un air entendu, les obses et les rests jeunes, les crmiers, les dcors ; les ftards en goguette, les gomins de banlieue, les nantis, les
131.
m o r t e , cha-
faudages abandonns prs des immeubles vent rs, ponts emports par le b r o uillard, par l a
pluie.
Ville putride, ville ignoble, hideuse. Ville triste, lumires tristes dans les r ues t r i stes, clowns
tristes dans les music-halls tristes, queues tristes
132.
Comme un prisonnier, comme un fou dans sa cellule. Comme un rat dans le ddale cherchant l'issue. Tu parcours Paris en tous sens. Comme un
133.
r e c o n n a i ssent. Il s n e s a v e n t p a s
1,55
0,10
un repas
une place de cinma
un pourboire pour l'ouvreuse
4,20
2,50
0,20
k Monde
un caf
0,40
1,00
135.
pas sur l'intersection des pavs au bord des trottoirs. Tu respectes les sens giratoires, les station-
trop loin.
Comme si,
que la clart ple et diffuse qui passe par la fentre mansarde et que seul rehausse, presque rgulirement, le foyer rougeoyant de ta cigarette, tu
coutes ton voisin aller et v e n ir . L a
c l o i son q u i
la fentre, la porte, le petit lavabo, le recoin-penderie, la bassine de matire plastique rose, l'ta-
gre.
Il doit tre vieux, en juger par sa toux un peu
rauque, ses grattements de gorge, ses pas un peu
tranants, sans mme qu'il soit obligatoire d'imputer sa vieillesse ni sa solitude, car, comme toi,
qu'il est, un peu comme toi encore, homme d'habitudes, mais sans doute, alors, avec un peu plus de
t e n ai t pa s c o m p t e
r e n t r e m a i n t e n a nt c h a q u e
tre pieds mtalliques tlescopiques, offre aux badauds des Grands Boulevards des peignes, des briquets, des limes, des lunettes de soleil, des tuis
protecteurs, des porte-cls Cett.e supposition repose
principalement sur le fait que son activit essentielle, quand il est dans sa chambre, consiste, le
139.
pour dner : tu l'affubles de traits un peu crmonieux, un peu ridicules : il dispose sur sa valise
une nappe brode qui lui r este d'une ancienne
fortune, un pitre chandelier porteur de mauvaises
bougies, un service de table identique ceux qu'il
vend peut-tre, c'est--dire compos d'un gobelet
et d'une assiette en matire plastique rose, et d'un
jeu de couverts en aluminium s'embotant les uns
rivet en forme de bouton de faux col, fix la cuiller, traversant fourchette et couteau et auquel s'at-
que certitude qu'il va remplir sa bouilloire au robinet du poste d'eau sur le palier (car sa chambre a
beau tre plus grande que la tienne, elle ne possde pas l'eau courante) et qu'il la pose sur un
r chaud dont l e
m o d e d e f o n c t i o n n e ment t ' e s t
p rimitif en j u ger pa r l e
t e m p s qu e me t l a
bouilloire siffler, c'est--dire l'eau bouillir.
s ai s p r esque
rien. Il semble que plus la prcision de ta perc eption augmente, plus la c ertitude de te s i n t e r -
prtations diminue. Sans doute, ouvre-t-il ou ferme-t-il tout instant des tiroirs, mais cela mme
ou parce qu'il aime le bruit des tiroirs qui s'ouvrent ou qui se ferment. Sans doute sort-il chaque
j our vers la fi n d e l a
m a t i n e, m ais tu n ' e s p a s
toujours l pour t'en assurer et, de mme, tu sors
prend-il de l'eau sur le palier, sans doute sa bouilloire siffle-t-elle quand l ' eau v i ent
m ais c'est peut-tre lui q u i
b u l l i t io n :
s i f f l e , c o m m en t s a -
voir ?
Mais peut-tre, sans le savoir, symbiose muette, lui appartiens-tu aussi ? Peut-tre est-il comme
toi, qui guettes sa toux, ses sifflements, ses bruits
d e tiroir, peut-tre le b r u i t
d e l a t a s s eq u e t u
s o u f f le , s o n t - ils p o u r l u i ,
sans fin chaque signe peru : qui es-tu, que faist u, toi qui f r o i sses des journaux, to i
qui r e stes
p e u t s eule-
u n bruit qu i
l44.
minus-
Ou bien, au contraire, pris d'une sympathie soudaine, tu as presque envie de lui envoyer des messages salutaires, en frappant du poing contre la
cloison, un coup pour A, deux coups pour B...
s ' a r r te, l a p l u i e , l e s
jambes, sans bras, sans cou, pieds et mains confondus, lvres immenses qui t'avalent.
Tu grandis immensment, tu exploses, tu meurs,
un
e nfantin, il s e r ait p l u t t
veux te
faire peur.
jauntre, ces excroissances multiples, boutons, na.'vi, points noirs, verrues, comdons, grains de
beaut noirtres ou bruntres d'o mergent quelques poils, sous les yeux, sur le nez, sous les
t empes. En t'approchant, tu p eu x d c ouvrir q u e
ride, cume.
Tu peux voir chaque pore, chaque gonflement.
Tu regardes, tu scrutes les ailes de ton nez, les
ta peau est tonnamment s t r ie,
te
n ' e x p r i me r a u -
151.
dans le miroir.
de prise sur lui. A la fin, il devint presque aveugle. On dut le chasser. Il s'installa dans les escaliers de l'immeuble. On le fit enfermer, mais il
s'assit dans la cour de la prison et refusa de se
nourrir.
t e l b l o c q u ' o n n ' a u r ai t p u
15 5.
faire).
Combien d'histoires modles exaltent ta grandeur, ta souffrance ! Combien de Robinson, de
Roquentin, de Meursault, de Leverkhn ! Les bons
points, les belles images, les mensonges : ce n'est
pas vrai. Tu n'as rien appris, tu ne saurais tmoigner. Ce n'est pas vrai, ne les crois pas, ne crois
pas les martyrs, les hros, les aventuriers !
Seuls les imbciles parlent encore sans rire de
l'Homme, de la Bte, du Chaos. Le plus ridicule
des insectes met survivre une nergie semblable,
sinon suprieure celle qu'il fallut l'on ne sait
plus quel aviateur, victime des horaires forcens
Le rat, dans son labyrinthe, est capable de vritables prouesses : en reliant judicieusement les
pdales sur lesquelles il doit appuyer pour obtenir sa nourriture au clavier d'un piano ou au
pupitre d'un orgue, on peut obtenir de l'animal
qu'il excut convenablement Jsus que ma
joie demeure et rien n'interdit de penser qu'il
n'y prenne un plaisir extrme.
Mais toi, pauvre Ddalus, il n'y avait pas de
l abyrinthe. Paux prisonnier, ta porte tait o u verte. Nul garde ne se tenait devant, nul chef
des gardes au bout de la galerie, nul Grand Inquisiteur la petite porte du jardin.
157.
t o u r , a utre orphelin, t u
v i ennes
tmoigner.
Tu n'as rien appris, sinon que la solitude n'apprend rien, que l ' i n diffrence n'apprend rien :
c'tait un leurre, un e
i l l u s ion f a s cinante et
pige. Tu
t a i s s e u l e t voi l
tout
et
tu
si
159.
tout fait.
L ongtemps tu as construit et d t r ui t te s r e f u -
ai l l eurs.
bat. Si tu t ais
n'est mme pas laid, ni bossu, ni bgue, ni manchot, ni cul-de-jatte et pas mme claudicant.
monstre
161.
te
silencieuses, Terriens
Non. Tu n 'es p lu s l e
m a tr e a n o nyme du
monde, celui sur qui l ' h i stoire n'avait pas de
prise, celui qui ne sentait pas la pluie tomber, qui
ne voyait pas la nuit venir. Tu n'es plus l'inaccessible, le limpide, le transparent. Tu as peur, tu
attends. Tu attends, place Clichy, que la pluie cesse
de tomber.