Principes de Comptabilité Analytique Et de Gestion
Principes de Comptabilité Analytique Et de Gestion
Principes de Comptabilité Analytique Et de Gestion
Principes
de comptabilité analytique
et
de comptabilité de gestion
Professeur,
Remerciements … et avertissement
Cet ouvrage est le résultat de nombreuses années d’enseignement et de recherche dans les domaines de
l’analyse de la performance de l’entreprise et de la comptabilité de gestion d’abord, du contrôle de gestion
et de la stratégie d’entreprise ensuite.
Que les différentes générations successives d’étudiants qui ont suivi cet enseignement, qui ont subi les
foudres de mes évaluations et qui ont formulé des remarques largement constructives lors de leur
évaluation personnelle de cet enseignement en soient ici remerciés. La structure particulière de cet ouvrage
a en effet été largement inspirée par le urs suggestions et par la recherche de moyens pédagogiques aptes à
contourner la difficulté de transmettre une matière souvent perçue comme aride, technique et
essentiellement comptable à la lecture de nombreux ouvrages à la structure plus « traditionnelle », alors
même que cette matière s’avère aujourd’hui être l’un des principaux outils susceptibles d’aider à la prise de
décision dans n’importe quelle entreprise ou organisation et que l’analyse de son évolution récente montre
son aptitude à rapidement s’adapter aux conditions changeantes de l’environnement de toute entreprise tout
en continuant à nourrir le gestionnaire d’entreprises en informations pertinentes.
Je tiens aussi à remercier très chaleureusement et très amicalement tous mes collaborateurs et assistants qui,
au fil des ans, ont patiemment remis à jour et modernisé les supports de cet enseignement, et tout
particulièrement Sophie Arnould, Andrée Dighaye, Charles Kabwigiri et Aline Muller.
Enfin, je me dois de souligner d’entrée de jeu que cet ouvrage est aussi un pari.
L’approche que nous voulons appliquer au travers du présent ouvrage est inverse et se veut résolument
déductive : nous basons en effet cet ouvrage d’abord sur une exploration détaillée des grands défis posés à
l’heure actuelle aux décideurs présents dans les entreprises, nous en inférons les principales questions
auxquelles ils doivent dès lors pouvoir apporter une réponse et nous montrons quelles sont les options
analytiques comptables qui s’offrent alors à eux, avec leurs complémentarités et leurs antagonismes
éventuels. De ce fait, nous privilégions clairement la question du « Pourquoi ? » par rapport à la question
du « Comment ? ».
Préambule
L’information comptable,
facteur-clé du succès de
l’entreprise
A
u cours de ces trois dernières décennies, le contexte dans lequel les entreprises et les
organisations en tout genre 1 ont évolué a connu une mutation profonde sous l’effet simultané de
deux tendances macro-économiques majeures qui se sont renforcées mutuellement :
§ d’une part, la globalisation progressive de l’économie mondiale et ses conséquences
§ et d’autre part, le développement continu de nouvelles technologies de l’information et de la
communication.
Ces deux tendances fondamentales ont modifié en profondeur les attentes et les pratiques de
l’environnement de toute entreprise 2 : insidieusement, cette dernière est devenue, quelle que soit sa taille,
extrêmement dépendante d’un environnement au comportement toujours plus mouvant, évolutif et
incertain.
Au fil des ans, en effet, les phénomènes de déréglementation, de dérégulation et de libéralisation
progressive des marchés ont débouché de facto sur la création de gigantesques marchés de consommateurs
et d'offreurs de biens et de services, qui se sont substitués aux marchés souvent étroits et/ou cloisonnés
1
Dans la suite de notre exposé, nous faisons référence sous le terme générique de "entreprise" à la fois aux
entreprises privées à but lucratif ayant revêtu une des multiples formes juridiques (Société Anonyme, Société de
Personnes à Responsabilité Limitée, Société Coopérative, Société en Commandite, …) proposées par les différentes
législations nationales et/ou internationales et aux organismes publics ou associatifs en tout genre, poursuivant des
buts non nécessairement lucratifs et orientés le plus souvent vers l'optimisation du bien-être général : chacune de ces
organisations constitue en effet un cadre de référence à l'intérieur duquel interagissent une multitude d'acteurs, avec
des besoins en information propres que seule la tenue d'une comptabilité de gestion ou d'une comptabilité analytique
permet de rencontrer de manière optimale.
2
Qu'il s'agisse de l'environnement proche de l'entreprise (son micro-environnement, constitué par ses clients, ses
fournisseurs ou ses concurrents) ou de son environnement plus lointain (son macro-environnement, au sein duquel le
marché du travail, le marché de la technologie, les marchés financiers et les Pouvoirs Publics jouent un rôle
essentiel).
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(généralement limités au plan local ou régional) auxquels la plupart des entreprises se confrontaient
traditionnellement.
Simultanément, à la suite de trop nombreux scandales financiers, comptables, éthiques ou écologiques, la
responsabilité de l’entreprise a été progressivement étendue au delà de sa seule responsabilité financière à
l’égard de ses actionnaires ou « propriétaires », vision traditionnellement réservée à l’entreprise dans sa
conception néo-classique. Aujourd’hui, l’entreprise se voit aussi attribuer, en sus de cette responsabilité
financière, une responsabilité économique et sociétale à l’égard de l’ensemble des composantes de son
environnement (ses « stakeholders »), qu’il s’agisse de ses partenaires « en affaires » traditionnels
(clients, fournisseurs, concurrents) ou de partenaires plus éloignés (« grand public », Pouvoirs Publics, …).
Au plan managérial, les pratiques traditionnelles de gestion opérationnelle d’un portefeuille de clients aux
attentes et besoins prévisibles ont rapidement laissé apparaître leurs limites une fois appliquées à des
marchés aux attentes et contours flous et imprécis. Dans le même temps, les pratiques de gestion comptable
et financière traditionnellement mises en œuvre dans la plupart des entreprises ont dû évoluer rapidement
pour intégrer l’ensemble des nouvelles contraintes et des contrôles mis en œuvre à l’instigation de
multiples Pouvoirs Publics nationaux ou supranationaux pour garantir la transparence des transactions
financières menées au sein des entreprises, en assurer la comparabilité au cours du temps et en garantir la
pertinence économique et sociétale.
De ce fait, un double défi se pose aujourd’hui aux dirigeants d’entreprises :
§ la nécessité de mettre en place une véritable stratégie de gestion proactive d’un portefeuille de clients
aux attentes et besoins nécessairement évolutifs au fil des mois,
§ couplé à l’impérieuse nécessité de rencontrer les exigences, financières ou non, imposées par les
« propriétaires » des organisations qu’ils dirigent.
Au plan managérial, optimiser la gestion du portefeuille de clients (et donc optimiser le potentiel de chiffre
d’affaires de l’entreprise) tout en optimisant la valeur ajoutée ou la rentabilité financière de l’organisation
(donc en optimisant la structure de coûts à laquelle l’organisation est confrontée) est devenu la
préoccupation essentielle du dirigeant d’entreprise à l’aube de ce XXI ème siècle.
Dans le même temps, les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ont
conduit :
§ d’une part à une hausse fabuleuse du volume et de la vitesse d’accessibilité à l’information au sens
large
§ et d’autre part à un accroissement spectaculaire de la qualité de l'information disponible, notamment du
point de vue de consommateurs ou d’acteurs concurrentiels à présent beaucoup plus à même
d’identifier et de comparer rapidement les niveaux de qualité et de prix offerts par les principaux
acteurs des marchés auxquels ils s'adressent et de plus en plus capables de cerner les contours exacts de
l’offre disponible pour rencontrer leurs besoins.
Insidieusement, ces évolutions macro-économiques majeures ont fait passer les organisations de l’Age
Industriel, qui a marqué de son empreinte la majorité du XXème siècle, à l’Age de l’Information, imposant à
l’entreprise une véritable révolution 3 de ses pratiques de gestion.
- L'Age Industriel a imprégné le contexte économique des économies occidentales depuis la fin du
19 ème siècle jusqu’à nos jours encore.
o Il est marqué notamment par la dominance (voire l'omnipotence) de la fonction de
production comme fonction de gestion essentielle qui conditionne l'entièreté du
fonctionnement de l'entreprise et par une conception essentiellement taylorienne de
3
Pour une analyse complète et détaillée de cette évolution de l'Age Industriel vers l'Age de l'Information et de ses
conséquences sur les pratiques de gestion de l'entreprise, voir le chapitre introductif extrêmement intéressant de
l'ouvrage de Kaplan et Norton (1996b) ou la contribution de Dent (1996).
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Pour reprendre une expression propre à Bernard Dubois (1996), qui exprime clairement le fait que le client
standardisé - aux attentes conçues comme homogènes, rationnelles et stables, auquel il est possible de proposer un
produit relativement standardisé qui, s'il revêt des caractéristiques de qualité et de coût raisonnables, trouvera
toujours preneur - a fait place aujourd'hui à un consommateur "caméléon" et "arlequin", consommateur
multidimensionnel profondément versatile, "intégrant les différentes valeurs de la consommation, les revendiquant
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En conséquence, ballottée sur un océan houleux fait d’incertitude, de risques et d’exigences contradictoires
(satisfaire le client à tout prix … mais à moindre coût pour rencontrer les exigences financières des
« propriétaires » de l’organisation), l’entreprise d’aujourd’hui ne peut clairement survivre que si elle est,
d’une part, bien contrôlée au jour le jour et, d’autre part, que si elle dispose des éléments d’information
pertinents et adéquats qui lui permettent d’être pilotée à moyen et long terme vers le « bon port »,
l’objectif ambitieux qu’elle s’est normalement assigné.
De ce fait, disposer d’un système de contrôle de gestion efficient s’impose aujourd’hui comme une clé
essentielle de la performance de toute organisation désireuse d’atteindre les objectifs qu’elle s’est
fixés, dans le délai imparti et à des conditions de coûts optimales .
Dans la foulée, la nécessité d’un système d’information comptable efficient servant de base à ce système de
contrôle de gestion efficient s’impose aussi logiquement comme un facteur-clé de succès pour l’entreprise
qui se veut être gérée professionnellement et qui a l’ambition réelle d’atteindre des objectifs stratégiques
précis, destinés à concrétiser une volonté effective de création de valeur à long terme pour l’ensemble de
ses partenaires.
Mais qu’est-ce qu’un « système de contrôle de gestion » et qu’est-ce qu’un système de contrôle de gestion
« efficient » ?
§ Un "système" est défini, pour notre propos, comme "un ensemble de parties inter-reliées et
interdépendantes, arrangées d'une manière qui produit un tout unifié" (Robbins, 1990).
o Le système de contrôle de gestion d’une entreprise englobe dès lors l’ensemble des
mécanismes, outils et procédures interdépendants les uns des autres et qui sont mis en œuvre
par les gestionnaires de cette entreprise, à quelque niveau qu’ils soient, pour s’assurer que les
stratégies qu’elle déploie au quotidien débouchent sur des résultats conformes aux attentes et
objectifs initiaux.
o Des outils tels que des budgets ou des tableaux de bord, des mécanismes tels que la liaison
partielle de la rémunération individuelle à la réalisation d’un objectif managérial particulier ou
des procédures telles que celles prévues pour la passation des commandes ou la gestion des
stocks dans l’entreprise font ainsi partie du système de contrôle de gestion global de cette
entreprise.
§ Ce système de contrôle de gestion est dit "efficace" lorsqu'il fournit aux dirigeants de l'entreprise, à
temps et à heure, les informations dont ils ont besoin pour gérer le quotidien de l'organisation et son
évolution. Un système de contrôle de gestion "efficient" permet en outre d'optimiser le rapport entre
les bénéfices organisationnels et financiers générés par le système de contrôle de gestion mis en place
pour contrôler l'entreprise et le coût, tant monétaire qu'organisationnel, des facteurs de production
nécessaires à sa mise en place.
Dans un contexte global de migration progressive de l’entreprise orientée « produit » à l’entreprise orientée
« client » lié à l’émergence progressive d’entreprises ancrées dans l’Age de l’Information et donc dans un
contexte qui fait de l’existence d’un système de contrôle de gestion efficient une des clés essentielles de la
performance de toute organisation, il n’est dès lors pas étonnant
§ que la discipline toute entière du contrôle de gestion (englobant ses composantes comptables,
organisationnelles et motivationnelles) ,
§ que le système d’information comptable qui l’alimente en informations,
§ et que ses composantes purement techniques que sont la comptabilité de gestion, la comptabilité
analytique ou la comptabilité des coûts,
toutes et semblant passer de l'une à l'autre sans jamais les opposer", exigeant dès lors un produit qui satisfasse aux
conditions de prix, de qualité et de disponibilité que lui, consommateur arlequin, décide.
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aient connu au cours de ces 30 dernières années une mutation profonde, passant du rang de disciplines de
gestion annexes, dépendantes généralement de la comptabilité générale de l’entreprise ou de sa fonction
financière courante, au rang de disciplines essentielles à la maîtrise du pilotage stratégique de l’entreprise.
Bref, comme nous venons de le souligner à foison, l’aptitude à gérer en permanence de manière efficiente
les ressources rares de l’entreprise que sont ses ressources humaines, ses savoirs et ses connaissances, ses
ressources techniques et ses ressources financières, et l’aptitude à identifier, à gérer et idéalement à
anticiper les changements survenant au sein de l’environnement de l’organisation et à en contrôler les effets
au quotidien sont devenus les éléments-clés de la performance de toute organisation.
Mais cette double aptitude ne peut s’exercer que si l’entreprise met en place un système d’information
cohérent et efficient, orienté à la fois vers le suivi au jour le jour et le contrôle des opérations quotidiennes
et vers l’anticipation rapide du changement survenant au sein de l’environnement de l’entreprise, donnant
naissance de ce fait à un système de contrôle de gestion efficient, gardien attentif et diligent de la bonne
mise en œuvre des choix stratégiques et des tactiques adoptées par l’organisation.
La mise en place de ce système d’information cohérent et efficient nécessite des outils et des techniques
spécifiques, permettant à la fois la récolte d’informations pertinentes, leur organisation et leur analyse
critique :
v Il y a d’abord les outils de veille stratégique, concurrentielle et technologique pour identifier aussi tôt
que possible les indices d’une évolution nouvelle de l’environnement de l’entreprise et permettre
l’identification aussi rapide que possible des conséquences les plus probables de cette évolution et des
opportunités qu’elle offre : ces outils vont permettre de générer cette « Information » qui est
aujourd’hui le « sang » nécessaire pour permettre la survie de ce véritable organisme vivant qu’est
l’entreprise.
v Il y a ensuite le vaste ensemble des outils propres au champ du contrôle de gestion, destinés à
mesurer avec précision les conséquences sur la vie de l’entreprise des décisions opérationnelles et
stratégiques prises en application de ses tactiques stratégiques et les conséquences des évolutions de
son environnement. Parmi ces derniers outils, deux ensembles homogènes se dégagent :
Ø Il y a d’abord les outils, tels que les « tableaux de bord », caractéristiques du contrôle de gestion
stratégique de l’organisation et liés au pilotage stratégique de l’entreprise dans une
perspective d’évolution à moyen et long terme. Intégrant des concepts et notions issus à la fois du
domaine de la finance, de la gestion des ressources humaines, de la stratégie ou du marketing, ces
outils mettent l’accent sur le suivi global, dynamique et transversal des conséquences des décisions
stratégiques prises au sein de l’entreprise pour lui permettre de créer, sur longue période, un niveau
maximal de valeur. La présentation détaillée de ces outils mérite toutefois à elle seule un
enseignement complet et fait l’objet dès lors d’un ouvrage analogue au présent opus.
Ø Il y a ensuite les outils d’inspiration essentiellement comptable (tels que les budgets et leur
contrôle ou les techniques d’enregistrement et de calcul des coûts) et caractéristiques du contrôle
de gestion opérationnel, liés au suivi quotidien des conséquences (essentiellement en termes
monétaires) des décisions de gestion prises dans l’entreprise.
La mise en oeuvre et l’exploitation de ces outils constitue traditionnellement un sous-domaine du contrôle
de gestion, auquel il est le plus fréquemment fait référence sous les vocables de comptabilité de gestion
ou, de manière plus restrictive, de comptabilité analytique, voire de comptabilité des coûts.
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§ de l’architecture de ces outils propres au champ de la comptabilité de gestion (comment ces outils
sont-ils organisés ?),
§ et, surtout, des hypothèses sous -jacentes à la conception de l’entreprise qu’ils reflètent (quelle
image de l’entreprise reflètent-ils ?)
Pour atteindre cet objectif, nous avons choisi de structurer cet ouvrage en cinq chapitres distincts :
v Le Chapitre 1 est consacré aux relations entre le système de gestion et le système d’information
comptable de l’entreprise et il met en place le cadre de référence conceptuel à l’intérieur duquel le
présent ouvrage s’inscrit :
Ø Il trace d’abord les contours exacts du paradigme dominant de l’entreprise créatrice de valeur qui
est celui dans lequel nous voulons inscrire délibérément les techniques comptables et les
mécanismes d’analyse décrits dans la suite de l’ouvrage,
Ø Il met ensuite en évidence les constituants essentiels du système de gestion mis en œuvre pour
gérer ce portefeuille de ressources rares que constitue une entreprise ou une organisation,
Ø Puis il positionne le système d’information comptable au sein de ce système de gestion, en décrit
les composantes essentielles, analyse les éléments qui différencient la comptabilité de gestion de la
comptabilité financière et met en lumière les critères d’efficience d’un tel système,
5
Une marge apparaît dans la vie de l'entreprise dès qu'il est possible de mettre en relation un ensemble structuré et
cohérent de recettes et les coûts qui ont contribué à leur réalisation.
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Ø Enfin, il souligne que tout système d’information comptable et donc que tout système de
comptabilité de gestion est nécessairement spécifique (idiosyncratique) et contingent au contexte de
l’organisation dans laquelle il est implanté.
v Le Chapitre 2 explore le concept de coût puis en propose différentes classifications.
Ø Il commence par explorer le concept de coût et met en évidence ses caractéristiques économiques,
comptables et stratégiques. Au plan économique, il souligne que tout coût est par sa nature même
le reflet de la consommation d’une ressource rare au sein de l’organisation. Au plan comptable, il
souligne les éléments qui différencient un coût analytique incorporé en comptabilité de gestion
d’une charge comptable ou d’une dépense de trésorerie. Au plan stratégique, il met en lumière le
fait que, derrière l’expression monétaire du coût, il est systématiquement fait indirectement
référence à un objet de coût (l’analyste mesure toujours le coût de quelque chose) et à un inducteur de
coût (un coût n’apparaît que si un phénomène provoque son apparition).
Ø Ce chapitre présente ensuite les typologies traditionnelles des coûts utilisées dans la littérature
spécialisée. Nous explorons ainsi successivement les classifications des coûts :
§ en fonction du temps (le moment de leur observation, que celle -ci soit postérieure à leur
survenance dans une optique de contrôle pur ou que celle-ci soit antérieure à leur survenance
dans une optique de planification des activités ou de certaines décisions de gestion ou
d’investissement),
§ en fonction de leur contrôlabilité (à savoir la possibilité d’exercer une action sur les inducteurs
de coûts pour modifier leur importance ou leur niveau, notamment au yeux des clients),
§ et en fonction de leur comportement, qu’ils soient ou non directement liés à un objet de coût
particulier ou qu’ils varient en fonction du niveau d’activité de l’entreprise ou d’autres
paramètres : à ce stade, les notions de coût direct et de coût indirect, puis de coût fixe et de
coût variable sont particulièrement mises en exergue et leurs pertinence théorique est
confrontée à la réalité économique de la vie de l’entreprise.
Ø Enfin, le concept de coût complet est présenté et ses deux axes de lecture (somme des coûts directs et
indirects ou somme des coûts fixes et variables) sont analysés.
v Quant au Chapitre 3, il insiste sur le lien indissociable entre comptabilité de gestion et aide à la
décision, il montre qu’un système de comptabilité de gestion ne peut justifier son existence que si il
sert réellement à éclairer la prise de décision au sein de l’organisation et il présente deux techniques de
comptabilisation des coûts traditionnellement utilisées dans une perspective d’aide à la décision.
Ø Dans un premier temps, nous focalisons notre attention sur la technique dite du « Direct
Costing » : nous en présentons les principes de fonctionnement et les hypothèses implicites, nous
montrons sa pertinence dans le cadre des analyses de profitabilité, nous soulignons son
importance dans l’analyse du seuil de rentabilité des activités de toute organisation et nous
montrons comment l’analyse du seuil de rentabilité permet d’aider à la prise de décisions en
termes d’investissements à réaliser, de niveaux de prix à fixer ou d’arrêt de certaines activités
ou lignes de produits.
Ø Dans un second temps, nous focalisons notre attention sur la technique dite du « Coût semi-
complet » : à nouveau, nous en présentons d’abord les principes de fonctionnement et les
hypothèses implicites, puis nous montrons comment elle permet la mise en œuvre d’une analyse de
profitabilité.
v Le Chapitre 4 met ensuite l’accent sur les liens eux aussi indissociables entre comptabilité de gestion
et contrôle de l’entreprise, en focalisant son attention sur les méthodes de comptabilisation basées sur
le calcul de « coûts complets » utilisées tantôt dans une perspective du fonctionnement de l’entreprise
conçue comme une « Chaîne de Valeur », tantôt dans une perspective du fonctionnement de
l’entreprise conçue comme un « organigramme de centres comptables ».
Ø Dans un premier temps, nous présentons les approches de comptabilisation des coûts à base de
« processus » et « d’activités » (« Activity-Based Costing »). Après avoir défini les concepts
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d’activités et de processus, nous montrons comment les ressources rares sont consommées et donc
comment sont générés les coûts dans une entreprise conçue comme une « Chaîne de Valeur ».
Ensuite, nous décrivons les mécanismes de base de la comptabilisation par activités et processus,
puis nous portons notre attention sur les mécanismes fondamentaux de gestion par les activités et
processus (« Process-Based Management »).
Ø Dans un second temps, nous présentons l’approche taylorienne classique de la comptabilisation en
« coûts complets » (« Full Costing »). Après avoir rappelé les caractéristiques du modèle
managérial taylorien qui a dominé le monde de la gestion durant la majeure partie du XXème siècle,
nous montrons comment s’organise l’architecture comptable d’une entreprise organisée selon le
modèle taylorien. Ensuite, nous décrivons le mécanisme d’imputations des charges (et notamment
le lourd mécanisme d’imputation des charges indirectes) induit par la mise en œuvre d’une
approche en coûts complets et nous montrons enfin comment se calcule le coût de revient complet
d’un objet de coût particulier.
v Enfin, le Chapitre 5 s’attarde longuement sur les liens de plus en plus étroits liant la comptabilité de
gestion et le pilotage stratégique de l’organisation dans une perspective d’évolution à moyen et long
terme. Focalisé sur la gestion stratégique des coûts, ce chapitre aborde notamment deux problématiques
essentielles de la gestion stratégique de toute organisation : la gestion de projets d’une part et la gestion
de la relation « client » d’autre part.
Ø En matière de gestion de projets, ce chapitre se focalise sur la mise en œuvre de la technique du
« coût cible » (ou « Target Costing »), en montre l’intérêt et ses limites.
Ø En matière de gestion de la relation « client », ce chapitre se focalise ensuite sur la mise en œuvre
de l’approche en « coût client » et, à nouveau, en montre l’intérêt et les limites.
Ø Enfin, il met en exergue l’utilité du tableau de bord comme instrument du pilotage stratégique
d’une entreprise ou d’une organisation, quelle qu’elle soit, et détaille le fonctionnement d’un
tableau de bord stratégique particulier, la « Balanced ScoreCard ».
Au plan pédagogique, soulignons que le présent ouvrage s’adresse volontairement à un double public :
§ d’abord, un public d’étudiants en sciences de gestion ou en sciences économiques et de cadres
opérationnels d’entreprises amenés à se familiariser avec les principales techniques de comptabilité de
gestion rencontrées réellement dans la vie des organisations de ce début du XXI ème siècle, à en
comprendre les enjeux et à appréhender le contexte dans lequel chacune d’elles peut effectivement
aider à la prise de décision ;
§ ensuite, un public de cadres dirigeants, de conseillers d’entreprises ou de professionnels de la
comptabilité de gestion et du contrôle de gestion, désireux de prendre connaissance globalement des
derniers développements en matière de comptabilité de gestion et souhaitant les situer par rapport à un
éventail de techniques et de concepts déjà souvent bien maîtrisés.
Dès lors, l’architecture de cet ouvrage se veut elle aussi double :
§ d’une part, nous avons choisi de rédiger un texte de base, focalisé sur l’essentiel des concepts et des
notions propres à la comptabilité de gestion et qui privilégie l’analyse transversale de l’utilité de
différentes techniques et concepts, usuels ou plus contemporains, en les reliant le plus possible aux
différents défis stratégiques qui se posent à l’entreprise : ce texte peut ainsi être lu isolément lors d’une
première lecture, en faisant abstraction des notes de bas de page ;
§ d’autre part, nous avons enrichi l’exposé en usant en abondance du recours aux notes de bas de page,
en précisant ou en illustrant certains concepts ou notions spécifiques et en renvoyant le cas échéant le
lecteur intéressé à des ouvrages, des articles scientifiques ou des contributions focalisés sur certains
aspects de la comptabilité de gestion : le lecteur intéressé par une relecture de certains passages de
l’ouvrage peut alors préciser sa vision d’un concept, d’une notion, d’une technique.
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Cet ouvrage se veut également être un outil pédagogique utilisable en situation de formation de base ou en
situation de formation continuée. Pour en faciliter son utilisation à des fins pédagogiques, nous avons
délibérément choisi de l’illustrer par des exemples et des exercices pratiques appliqués à un cas unique,
complet et détaillé : le cas qui retient ainsi notre attention tout au long de cet ouvrage est celui de
l’entreprise Wood-Construct, une entreprise familiale active dans le secteur de la construction en bois et
passée en 20 années d’existence du stade de toute petite entreprise mono-produit reprise à la suite du
départ à la retraite de son fondateur au stade de moyenne entreprise, implantée dans 3 pays au travers de 5
filiales commerciales et de production différentes. La nature et l’évolution des problèmes de comptabilité
de gestion qui se sont posés successivement dans l’entreprise, l’examen des solutions entre lesquelles il fut
possible de choisir et la présentation de l’application de certaines techniques spécifiques à des données
réelles sont ainsi tour à tour privilégiés lors de cette longue étude de cas.
Ce préambule étant dressé, il ne nous reste plus qu’à souhaiter bon vent au lecteur désireux de se lancer à
l’assaut des mystères parfois apparemment insondables de la comptabilité de gestion !
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P R E A M B U L E
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C H A P I T R E 1
Chapitre 1
Système de gestion et
système d’information
comptable
C
omprendre les spécificités et les enjeux de la comptabilité de gestion et les raisons qui conduisent
à en faire aujourd’hui un outil de gestion absolument indispensable à la maîtrise de l’entreprise,
tant au plan opérationnel que stratégique, ne peut se faire que si, de manière successive :
§ le lecteur appréhende correctement ce qu’est une entreprise 6 et perçoit bien la signification et les
implications de l’impératif de création de valeur qui s’impose à toute entreprise ;
§ le lecteur identifie les éléments essentiels et interdépendants qui constituent la base du système de
gestion de toute entreprise et qui sont respectivement son système de pouvoir, son système
d’information et son système de contrôle ;
§ le lecteur perçoit les finalités, la structure et l’organisation du système d’information comptable de
l’entreprise, en y positionnant les uns par rapport aux autres les domaines respectifs de la
comptabilité financière, de la comptabilité de gestion, de la comptabilité analytique et du contrôle
de gestion et en identifiant en conséquence les principes qui font d’un système d’information
comptable, à vocation interne ou externe, un système efficient ;
§ le lecteur comprend que la configuration (le design) du système d’information comptable et, a
fortiori, du système de contrôle de gestion qui est implémenté dans une organisation particulière est
forcément dépendant (contingent) des caractéristiques de cette organisation : sa taille, sa position
sur son cycle de vie organisationnel, la nature de ses activités, la position sur le cycle de vie de ses
principaux produits, la nature des marchés auxquels elle s’adresse, la nature de la technologie
qu’elle utilise, le type de stratégie qu’elle privilégie, les valeurs et motivations de ses dirigeants et
propriétaires sont ainsi autant de facteurs contingents qui déterminent fondamentalement la
6
Rappelons bien que, dans la suite de notre exposé, nous faisons référence, sous le terme générique d'"entreprise", à
la fois aux entreprises privées à but lucratif ayant revêtu une des formes juridiques proposées par les différentes
législations nationales et/ou internationales et aux organismes publics ou associatifs en tout genre, poursuivant des
buts non nécessairement lucratifs et orientés le plus souvent vers l'optimisation du bien-être de chacun (qu'il s'agisse
d'administrations publiques, d'organismes caritatifs, d'hôpitaux ou de centres de soins, d'ASBL à but culturel ou
autre).
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C H A P I T R E 1
Pour notre propos, nous avons dès lors choisi de privilégier une définition particulière de l’entreprise,
présentée par le Législateur Belge dans le Rapport au Roi qui précède l’Arrêté Royal du 8 octobre 1976
relatif à la tenue de la comptabilité générale de l’entreprise. Cette définition complète et concrète,
reproduite à la Figure 1, présente l’énorme avantage de permettre de construire une vision comptable de ce
qu’est une entreprise, vision qui sera fort utile pour la suite de notre propos.
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Pour une présentation des différentes manières d'appréhender le concept d'entreprise, voir par exemple les ouvrages
de Gabrié et Jacquier (1994) et de Milgrom et Roberts (1997) pour une approche focalisée sur l'angle général de la
"Théorie de la Firme", l'ouvrage de Robbins (1990) pour une approche plus organisationnelle du concept d'entreprise
ou l'ouvrage de Tirole (1988) pour une approche plus focalisée sur l'organisation industrielle.
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C H A P I T R E 1
Plusieurs éléments essentiels ressortent de cette définition et revêtent une importance particulière lorsqu’il
s’agit de comprendre les raisons pour lesquelles une entreprise ne peut survivre sans implanter un système
de contrôle de gestion, et donc une comptabilité de gestion efficiente :
1. « L’entreprise est un agencement … » :
a. Cette notion d’agencement impose d’emblée l’image d’une entreprise érigée en tant que
« système », à savoir un ensemble de parties inter-reliées et interdépendantes, arrangées d’une
manière qui produit un tout unifié (Robbins, 1990).
b. La structuration et l’organisation de ce système, ensemble de multiples composantes, devient
de ce fait un élément 8 qui va conditionner fortement la nature et la configuration du système de
contrôle de gestion qui sera mis en place au sein d’une entreprise.
♦ La structuration du système correspond à la simple identification des composantes
du système et des relations de dépendance de ces différentes composantes les unes
par rapport aux autres. Lorsque le système est une entreprise, la notion de structure
fait classiquement référence aux ensembles et sous-ensembles (fonctions,
départements, services, « business units » ou centres d’activités) qu'il est possible
d'identifier au sein de l'entreprise (et qui sont fréquemment évoqués sous des
vocables et des termes non homogènes d'une entreprise à l'autre) et aux relations de
dépendance qui apparaissent entre ces ensembles et sous-ensembles (ces relations de
dépendance sont à la base des systèmes de pouvoir, de contrôle et d'information qui
sont décrits plus exhaustivement à la section suivante).
♦ L'organisation du système fait référence à l'ensemble des normes de
comportement, des règles de fonctionnement, des attitudes favorisées ou pénalisées,
…:
1. que les différents acteurs de l'entreprise (en fonction de leur pouvoir de
décision et d'influence respectifs) vont faire émerger en conséquence des
décisions de gestion qu'ils vont prendre et des actes concrets qui vont traduire
ces décisions de gestion dans la vie quotidienne de l'entreprise ,
2. et qui ont pour but d'assurer à la fois la coordination du système (elles ont
pour but de s'assurer que les décisions prises dans l'organisation - et que les actes qui
en découlent - sont compatibles les unes avec les autres et permettent effectivement
d'atteindre les objectifs que s'est fixé le système "entreprise") et la motivation de
ses composantes (le système étant composé d'acteurs, individuels ou collectifs, qui
ont des aspirations personnelles propres et poursuivent dès lors inévitablement des
buts personnels, le système doit veiller, par son organisation, à rendre compatibles les
intérêts individuels de ses acteurs et les buts du système, l'atteinte des objectifs
individuels permettant alors d'atteindre indirectement les buts de l'organisation)
(Milgrom , Roberts, 1997) : l'organisation du système a dès lors pour objectif
essentiel d'assurer la compatibilité ou, plus précisément encore, la congruence
des buts individuels et organisationnels.
2. « … dynamique et durable … » :
a. Deux caractéristiques fondamentales du système « entreprise » apparaissent ici :
♦ L’entreprise est un système profondément évolutif au fil du temps
(« dynamique »), car fortement ancré dans un environnement dont il subit beaucoup
plus qu’il n’influence le comportement et les attentes. Dans la mesure où cet
environnement évolue constamment sous l’action conjointe et souvent combinée de
8
Il apparaît en effet clairement, à nos yeux, que "structure" et "organisation" du système sont deux composantes
indissociables l'une de l'autre, la première correspondant à une description du système "entreprise" à un instant
donné (dimension essentiellement statique), la seconde correspondant quant à elle à une description des mécanismes
mis en place pour assurer la dynamique du système.
17
C H A P I T R E 1
Maturité
Croissance
Déclin
Démarrage
???
Emergence
Naissance
Temps
Position = f (expérience, taille du marché,
volume de production, ressources disponibles, ...)
9
Ainsi, les fondateurs d'une Petite ou Moyenne Entreprise familiale souhaitent souvent faire de la pérennité de leur
entreprise, au travers des différentes générations familiales successives (à la limite, à l'infini), un objectif majeur de
leur propre existence et la raison d'être de leur entreprise, alors que, à l'autre extrême, il n'est pas rare de voir de
grands groupes industriels s'associer pour créer une entreprise commune (une "joint venture") dont la durée
d'existence est limitée à la réalisation d'un projet unique bien délimité dans le temps (tel est le cas, par exemple, des
"Associations momentanées" créées par des acteurs du secteur de la construction le temps de la réalisation d'un
chantier important).
18
C H A P I T R E 1
♦ Une fois que l'entreprise s'est imposée à son marché, une première "crise
existentielle" se fait alors fréquemment jour : doit-elle se satisfaire de son sort,
étayant les parts de marché déjà acquises en consolidant le portefeuille des multiples
actifs financiers, humains, technologiques ou immatériels qui a permis de se
constituer ces parts de marché ou doit-elle adopter une stratégie délibérée de
croissance, proactive et maîtrisée, cherchant à augmenter encore ses parts de marché
et/ou à explorer de nouvelles opportunités de marché 10 ? Aucune réponse ne peut
être apportée ex abrupto à cette question et sa réponse dépendra fortement des
objectifs personnels des propriétaires de l'entreprise (ils sont, en effet, les principales
personnes concernées par le risque entrepreneurial, puisqu'ils ont investi les montants qui
sont à la base des fonds propres de l'entreprise) et du contexte environnemental dans
lequel l'entreprise opère (essentiellement les opportunités et menaces présentées par son
environnement).
♦ A cette phase de croissance ou de stabilisation succède inévitablement un jour ou
l'autre une phase de maturité, généralement imposée à l'entreprise par la maturité de
son marché, voire son déclin, et/ou par une évolution technologique majeure. Se
pose alors une série de questions cruciales, qui vont à nouveau fortement influencer
la structure et l'organisation de l'entreprise : faut-il chercher à dominer agressivement
le marché ou faut-il plutôt chercher à coopérer avec certains de ses acteurs ? faut-il
se diversifier vers de nouveaux couples "produits-marchés" en capitalisant les
savoirs-faire et l'expérience acquise ou faut-il investir lourdement en recherche et
développement ou en technologie pour tenter de relancer les marchés existants ?
♦ Si elle est mal gérée ou si la pression de l'environnement devient trop forte du fait
d'un marché qui tombe en déliquescence, cette phase de maturité fait rapidement
place à une phase de déclin progressif de l'entreprise, généralement synonyme de
forte décroissance de sa taille et donc d'une réduction substantielle de son
portefeuille d'actifs (et notamment de son actif humain). La question de la survie de
l'entreprise et donc de sa pérennité revient alors brutalement à l'avant-plan de ses
préoccupations stratégiques.
3. « … d’ hommes, de moyens techniques et de capitaux … » :
a. Cette partie de la définition met en évidence un élément capital qui détermine toutes les
règles de fonctionnement de l’entreprise et donc aussi les règles sur base desquelles sera
construite sa comptabilité de gestion : une entreprise n’existe que si elle dispose d’un
ensemble de ressources humaines, techniques, immatérielles et financières, en qualité et
en quantité suffisante pour assurer son devenir 11.
10
Se pose alors le problème de l'acquisition des actifs financiers, humains, technologiques et surtout immatériels qui
seront nécessaires pour mener à bien et avec succès cette stratégie de croissance.
11
Tout un courant de la recherche scientifique en sciences de gestion et, plus spécifiquement, en stratégie d'entreprise
est consacré à l'analyse de l'entreprise en tant que réservoir de ressources, qu'il lui faut déployer au mieux pour
maximiser sa valeur aux yeux de ses actionnaires et de ses partenaires extérieurs. Cette vision de l'entreprise est
généralement référencée sous le vocable "Resource-Based View" et une analyse détaillée des apports de ce courant
de recherche aux sciences de gestion peut être trouvé chez Collis et Montgomery (1997), Mahoney (1995) et,
évidemment, Wernerfelt (1984).
Selon cette approche, l'entreprise est considérée comme formant un portefeuille unique de ressources hétérogènes
(dont les classifications et les typologies sont multiples), qui tirent leur valeur de leur non-imitabilité (qui rend leur
remplacement par des ressources de substitution difficile) et d'une transférabilité imparfaite. Chaque entreprise se
distingue alors de ses concurrentes par la structure et la valeur de son portefeuille de ressources, qui peuvent dès lors
être gérées (par le biais des compétences organisationnelles de la firme) pour être transformées en un bien qui sera
valorisé par le marché : le fait que le marché valorise durablement ce bien à un niveau supérieur au coût des
19
C H A P I T R E 1
ressources utilisées par l'entreprise permet théoriquement de générer une rente durable, source de la création de
valeur de l'entreprise.
20
C H A P I T R E 1
trésorerie), qui est simultanément vidé par l’entreprise du fait même que le simple
exercice de ses activités consomme des ressources humaines, immatérielles,
techniques et financières, générant de ce fait des coûts.
♦ Enfin, dernière remarque essentielle, les ressources dont dispose l’entreprise sont
par nature limitées en volume et ce caractère limité des ressources disponibles
conduit l’entreprise à gérer en permanence le lancinant défi de la rareté des
ressources : en comptabilité analytique et, plus encore, en comptabilité de gestion,
l’accent est donc logiquement mis sur la capacité de l’entreprise à maîtriser au
mieux sa consommation de ressources rares, à savoir fondamentalement sa
consommation de ressources financières. Le lecteur comprend dès lors aisément que
le caractère limité des ressources mises à la disposition de l'entreprise conditionne à
la fois sa taille et son degré d'indépendance par rapport à son environnement : plus
une entreprise augmente le volume des ressources (notamment financières) dont elle
peut disposer, plus elle grandit et plus elle parvient à s'imposer face aux diverses
composantes de son environnement, gagnant grâce à ses ressources un pouvoir de
négociation qui lui permet de nouer des contrats plus avantageux pour elle avec les
différentes composantes de son environnement 12.
4. « … organisés en vue de l’exercice d’une activité économique 13 … » :
a. Au-delà de l’idée d’ organisation déjà évoquée précédemment, cette partie de la définition
retenue met en exergue le fait qu’une organisation n’existe que si elle poursuit un but, une
mission, voire une chimère .
b. Se pose donc ici le problème du devenir de l’entreprise et des buts qu’elle va s’assigner pour
réaliser sa mission : une organisation n’existe que si la communauté des individus qui la
constitue décide initialement de s’assembler pour poursuivre ensemble une vision ou une
mission commune et partagée 14, qui s’inscrit ordinairement dans le très long terme. Ainsi,
12
Qu'il s'agisse de contrats d'approvisionnement auprès de fournisseurs qui deviennent éventuellement des sous-
traitants ou de contrats de travail noués avec des collaborateurs attirés par la taille, la sécurité présumée de l'emploi
offert ou la réputation de l'entreprise ou de contrats de partenariats technologiques qui permettent de consolider une
avancée technologique en recourant dans de bonnes conditions au savoir développé ponctuellement par des
entreprises plus petites.
13
Une activité revêt un caractère économique dès qu'elle implique une consommation de facteurs de production
offerts sur un marché (ce qui est le cas dès qu'elle met en jeu le travail d'individus particuliers - le facteur "travail"- et
qu'elle implique l'utilisation de ressources financières - le facteur "capital") et/ou dès qu'elle débouche sur la
réalisation de biens ou services, matériels ou immatériels, pour lesquels un marché (organisé ou non) existe. Toutes
les organisations au sens adopté dans le présent ouvrage exercent donc, directement ou indirectement, une activité
économique : si le fait est évident pour une société commerciale ou de services ayant adopté une forme juridique
particulière, il l'est tout autant pour une association sans but lucratif ou un pouvoir public, l'exercice même de leur
activité impliquant dans la quasi totalité des cas la présence de travailleurs ou la réalisation d'investissements
consommant des ressources financières.
14
Cette mission commune et partagée imprègne généralement d'autant plus fortement la vie de l'entreprise qu'elle
résulte d'un compromis largement partagé entre les attentes et motivations personnelles des différents acteurs de
l'entreprise. Logiquement, au plus ces attentes et motivations personnelles initiales sont proches, au plus le
compromis qui naîtra sera partagé dans l'entreprise et au plus sa mission sera claire et forte.
15
Ce terme de "compétences" couvre à la fois des connaissances et des savoir-faire intellectuels, mais peut englober
aussi la disposition d'un réseau de relations ou d'un réseau d'affaires, la disposition d'un brevet, …, soit un ensemble
d'actifs au caractère profondément immatériel. La notion de "compétence" est aujourd'hui considérée comme
indissociable de la notion de "ressource", l'exploitation optimale de compétences de base ("core competencies")
clairement identifiées et parfaitement maîtrisées étant considérée comme la source potentielle d'un avantage
concurrentiel majeur aux yeux des clients de l'entreprise (sur ce point, voir Prahalad et Hamel(1990)).
21
C H A P I T R E 1
16
Telle est la justification profonde de la plupart des "joint-venture" associant par exemple une grande entreprise et
une Petite ou Moyenne Entreprise ou des accords de partenariat qui lient les plus grands groupes de
télécommunication lorsqu'ils s'associent pour postuler ensemble à la réalisation d’un projet important.
17
Ainsi, la plupart des Intercommunales rassemblent des Pouvoirs Publics locaux (communes, provinces, …) pour
leur permettre d'offrir des services spécifiques (distribution d'électricité, mise à disposition d'entités de soins
spécialisées, …) à une population en volume suffisant pour permettre de répartir sur un grand nombre d'individus le
coût élevé de ces activités particulières.
18
Tels que, par exemple," atteindre un objectif de rentabilité des fonds propres du Groupe de 18 % à un horizon de 5
ans" (objectif stratégique global permettant de rencontrer la mission traditionnelle de maximisation de la valeur de
l'entreprise rencontrée dans bon nombre d'entreprises), ce qui se fera en se fixant des objectifs stratégiques
spécifiques tels que :
- atteindre une part de marché de 15 % sur tel marché à un horizon de 5 ans avec telle gamme de produits,
- atteindre une rentabilité sur capitaux investis de 18 % pour telle usine rachetée dans tel pays,
- diminuer de 50 % le taux de rotation du personnel dans les entités commerciales du groupe.
19
La littérature spécialisée en stratégie d'entreprise consacre une bonne part de son attention d'une part à la manière
dont va s'élaborer la stratégie, qu'elle soit délibérément choisie et implémentée par les dirigeants de l'entreprise ou
qu'elle intègre une part de réactivité par rapport aux évolutions majeures de son environnement (sur ce point, voir
par exemple Mintzberg et Waters (1990) et Mintzberg (1985)), et à la mise en oeuvre et au contrôle de la mise en
oeuvre de la stratégie (sur ces points, voir par exemple Atamer et Calori (1998)), au travers des processus de
planification et de budgétisation (à ce sujet, voir par exemple les exposés détaillés de De Rongé (1998) et de Gervais
(2000)).
22
C H A P I T R E 1
20
Un corollaire immédiat de ce constat est que, sans stratégie claire au sein de l'entreprise, il est illusoire de vouloir
implanter un système de contrôle de gestion performant, auquel sont assignés des objectifs clairs et précis.
21
Si ce fait est clair dans le cas d'une entreprise privée qui met ses produits et les services qui les accompagnent à la
disposition de clients ou de segments de marchés clairement identifiés, il l'est tout autant dans le cas d'organismes
sans but lucratif mais à but caritatif, par exemple, qui n'existent que parce que le résultat de leurs activités permet de
satisfaire les attentes de leurs membres (ainsi, par exemple, une ASBL à vocation théâtrale qui n'organiserait jamais
aucun spectacle ne rencontrera que difficilement les attentes de ses membres) ou dans le cas d'organismes publics,
qui prestent un service (dit alors "public") destiné à rencontrer les besoins et les attentes de la population au sens
large, tout en obtenant des Pouvoirs Publics finançant une contrepartie (sous la forme de subventions, de budgets,
d'allocations de fonctionnement ou autres mécanismes de ce genre) qui reflète théoriquement la valeur que les
Pouvoirs Publics accordent au service ainsi presté.
22
Le terme "client" englobe ainsi à la fois le concept de "client" actif sur un marché organisé de biens et de services
et qui exprime une demande à l'égard de ce marché, matérialisée par un prix qu'il accepte de payer en contrepartie
du produit ou du service obtenu, et le concept d'"utilisateur" d'un bien proposé par un organisme non lucratif ou un
organisme public .
23
Notons que ce transfert ne s'exprime pas nécessairement toujours sous une forme monétaire, la contrepartie
pouvant s'exprimer sous la forme d'un échange de services ou de biens (elle s'exprime alors sous la forme d'un troc).
23
C H A P I T R E 1
production (donc des ressources), internes ou externes, qu’elle a utilisé et, avec le surplus
positif éventuellement dégagé, elle crée une « valeur » 24 que ses dirigeants vont affecter en
fonction de contingences stratégiques propres à l’entreprise, à son secteur d’activité ou à son
environnement 25.
24
Souvent évoquée, dans la littérature spécialisée, sous les termes génériques de "valeur" ou de "richesse" ou sous les
termes plus précis, mais trop souvent mal définis ou simplement non définis, de "valeur ajoutée" ou de "création de
valeur".
25
Ils peuvent ainsi décider :
- d'attribuer à leurs actionnaires un surplus de rémunération par rapport à la rémunération théorique normale du
capital qu'ils ont investi dans l'entreprise,
- de verser une partie de cette valeur créée à la collectivité, en finançant l'une ou l'autre ASBL ou en finançant
l'une ou l'autre manifestation culturelle, sportive, de bienfaisance ou autre (il n'y a alors pas de contrepartie
matérielle directe aux ressources financières qu'ils consacrent à ce financement, même si une contrepartie
immatérielle, exprimée en termes d'image de marque, peut apparaître),
- de réaliser des investissements, par exemple en Recherche et Développement, destinés à permettre le
développement futur de nouvelles technologies ou le renouvellement du portefeuille de produits de l'entreprise :
la valeur créée est ainsi affectée prioritairement à la préparation du futur de l'entreprise.
En règle générale, cette valeur créée est affectée à plusieurs destinations simultanément mais, dans tous les cas de
figure, son affectation doit permettre à l'entreprise d'accomplir pleinement sa mission et d'atteindre son devenir.
26
Par le biais d'un niveau de rémunération adéquat des fonds mis à la disposition d'une entreprise privée par ses
actionnaires, du succès de foule rencontré par l'organisation de manifestations diverses par une ASBL ou par la
rencontre effective des besoins de base des administrés.
27
Cette condition est en fait nécessaire, mais pas suffisante pour garantir la survie et la pérennité de l'entreprise :
pour garantir cette pérennité, il faut encore que l'entreprise parvienne, comme nous l'avons évoqué précédemment, à
rémunérer à long terme au moins au prix du marché l'ensemble des facteurs de production utilisés, sous peine de voir
tout ou partie de ces facteurs de production chercher ailleurs une rémunération plus adéquate.
28
Cette maximisation de la valeur de l'entreprise peut ensuite se matérialiser sous différentes formes, susceptibles
elles-mêmes de se combiner entre elles : le maintien sur longue période d'un niveau de dividendes élevé, la mise en
réserve systématique des résultats bénéficiaires, la constitution d'un patrimoine immobilier ou intellectuel (know-how,
savoir-faire, R&D …) important susceptible d'être transmis aux héritiers sont, par exemple, autant de faits qui
matérialisent la création de valeur générée par une entreprise.
29
En termes financiers, ceci implique simplement que la rentabilité finale dégagée par les actifs de l'entreprise (la
rentabilité économique ou rentabilité de l'actif total) soit supérieure au coût des capitaux mis à la disposition de
l'entreprise (le "coût du capital" au sens anglo-saxon du terme, qui intègre à la fois le coût de la dette de l'entreprise
24
C H A P I T R E 1
§ au plan stratégique, par la nécessité d’innover sans cesse et de manière continue, l’innovation étant en
effet d’une part « la condition essentielle de la réduction des coûts, mais aussi et surtout la condition
indispensable de la création de valeur nouvelle pour le client et la condition indispensable de la
pérennité de l’entreprise » (Collard, 2000) 30.
D’un point de vue managérial, ceci implique à son tour que l’entreprise soit capable de générer de manière
récurrente, par ses produits et les services qu’elle rend, un chiffre d’affaires élevé, tout en maîtrisant les
conditions de coût dans lesquelles ce chiffre d’affaires est réalisé (donc en maîtrisant au mieux le coût des
facteurs de production utilisés, qu’il s’agisse de main d’œuvre , d’outil de production ou de ressources financières ou
immatérielles) : dans ce contexte, la maximisation de la valeur de l’entreprise sera donc logiquement
assurée si l’entreprise maximise le rapport « Chiffre d’affaires / Coûts » de manière continue et
permanente 31.
Au plan stratégique, les travaux de Porter (1985) viennent étayer cette logique dominante en montrant que
théoriquement l’entreprise trouve les sources de son potentiel de création de valeur :
§ Soit en parvenant à différencier ses produits et ses services de ceux de ses concurrents,
quittant de ce fait le jeu de la concurrence parfaite où les prix sont fixés par le marché en tentant de
se créer une situation de « quasi-monopole » génératrice d’une rente due au fait que l’entreprise
peut imposer un prix élevé à ses clients puisqu’elle est la seule à leur proposer tel produit ou tel
service et que celui-ci répond à un de leurs besoins effectifs : l’accent est alors mis sur la
maximisation du poste « Chiffre d’affaires ».
§ Soit en parvenant à mieux maîtriser que ses concurrents les coûts des facteurs de
production utilisés, générant ainsi une marge de manœuvre qui lui permet d’entamer
éventuellement une guerre de prix lui permettant de malgré tout continuer à être rentable alors que
ses concurrents, vu le niveau plus élevé de leurs coûts, ne le seraient plus et seraient amenés, si la
situation devait perdurer, à quitter le marché : l’accent est alors mis sur la minimisation du poste
« Coûts ».
§ Soit en combinant une stratégie de différenciation des produits et des services et une stratégie de
domination par les coûts.
Ces options stratégiques de création de valeur doivent alors faire l’objet de choix stratégiques clairs et
motivés et d’une concrétisation au sein d’un plan stratégique de création de valeur.
et le taux de rémunération normal des fonds propres mis à la disposition de l'entreprise par ses actionnaires, compte
tenu des conditions en vigueur sur les marchés financiers et du risque spécifique à l'activité de l'entreprise) (Sur ce
point, voir par exemple l'exposé détaillé de Copeland et al. (2000)).
30
Concrètement, Collard (2000) estime que l'innovation résulte de facto d'un simple changement dans la chaîne de
valeur de l'entreprise, du fait de la simple mise en oeuvre du travail des chercheurs, d'une nouvelle approche du
marché ou des modes de fonctionnement de la société.
31
Au plan comptable, maximiser le rapport "Chiffre d’affaires / Coûts" revient en fait quasiment à maximiser de
manière continue et permanente le résultat d’exploitation de l'entreprise, puisque celui-ci naît de la différence entre
les produits totaux d’exploitation et les charges totales d’exploitation de l'entreprise.
25
C H A P I T R E 1
Pratiquement, ce plan stratégique de création de valeur se déploie le plus efficacement lorsque les
gestionnaires de l’entreprise pour laquelle il est conçu adoptent une conception du fonctionnement de leur
organisation basée sur le concept de « Chaîne de Valeur », autre concept essentiel de l’analyse stratégique
mis en évidence par Porter (1985, 1996) :
Le modèle de Porter, qui fonde une part essentielle de la littérature en management stratégique depuis 20
ans, repose sur le découpage de l’activité globale de l’entreprise en cinq fonctions principales 32, appelés
parfois « maillons principaux », et quatre fonctions de support (appelés parfois « maillons de support »),
qui englobent toutes les activités exercées au sein de l’entreprise :
§ l’infrastructure, qui englobe toutes les activités qui sous-tendent la cohérence et assurent la
cohésion de l’entreprise, telles que la direction générale, la finance et la comptabilité, le
contrôle de la qualité, la stratégie, … ;
§ la gestion des ressources humaines, qui englobe toutes les activités liées au recrutement, à la
formation et au développement du personnel ;
32
A ne pas confondre avec le concept de « fonction » qui occupe un rôle central dans la vision taylorienne d’une
entreprise, malgré la similitude du terme.
26
C H A P I T R E 1
§ les achats, qui englobe toutes les activités liées à la définition des caractéristiques des produits
achetés, à l’analyse des marchés de fournisseurs et à la gestion des commandes ;
§ la logistique entrante, qui englobe l’ensemble des activités liées à la réception, au stockage et à
la distribution interne des produits achetés ;
§ la production, qui englobe l’ensemble des activités liées à la transformation des produits
achetés en produits finis ;
§ la logistique sortante, qui englobe l’ensemble des activités liées à la collecte, au stockage et à
la distribution physique des produits finis ;
§ enfin, le service après-vente, qui englobe l’ensemble des activités menées pour renforcer et
maintenir à long terme la valeur du produit aux yeux du client.
Ce modèle repose ensuite sur une conception de la performance de l’entreprise orientée vers la maîtrise
interne 33 et transversale des maillons et, au-delà, des activités créatrices de valeur qu’ils incorporent :
selon cette approche, une entreprise performante est à la fois une entreprise qui parvient à rencontrer les
attentes et les besoins de ses clie nts en les amenant à accepter un niveau de prix qui lui permet de
rémunérer au moins au prix du marché les facteurs de production qu’elle utilise et est simultanément une
entreprise dont tous les maillons et dont toutes les activités qu’ils incorporent créent en permanence un
maximum de valeur pour leurs clients internes et/ou externes.
33
Le fait que le client n’est pris en considération qu’en bout de course et qu’aucun lien formel n’est tissé entre les
besoins et attentes des clients et la manière dont l’entreprise s’organise en interne pour créer de la valeur est un des
reproches, formulé notamment par McNair e.a. (2001), qui conduit à vouloir compléter aujourd’hui le modèle de la
« Chaîne de Valeur » de Porter en y intégrant les impératifs de la satisfaction permanente des besoins et attentes du
client.
27
C H A P I T R E 1
n’auront de cesse de trouver dans une structure de coûts déséquilibrée et/ou dans une non-satisfaction du
marché les raisons profondes de l’inefficacité et donc de la non performance de l’entreprise et de ses
dirigeants !
La mise en œuvre de cette volonté de performance permanente, donc de cette aptitude à atteindre à tout
moment les objectifs stratégiques fixés à l’organisation, nécessite évidemment un suivi et une adaptation
permanente, qui justifie l’existence même au sein de l’entreprise de la fonction de contrôle de gestion et de
ses fonctions dérivées.
La fonction de contrôle de gestion se voit dès lors attribuer globalement un double but :
1. Fondamentalement, elle doit fournir aux décideurs de l’entreprise les éléments d’information pertinents
qui leur permettent de savoir quand, où et comment l’entreprise crée de la valeur.
2. Plus opérationnellement, elle doit fournir à ces mêmes décideurs les éléments d’information pertinents
qui leur permettent de savoir si les choix stratégiques effectués par l’entreprise pour créer de la
valeur portent leurs fruits et si les décisions opérationnelles qui matérialisent ces choix stratégiques
dans la vie quotidienne de l’entreprise débouchent effectivement sur des résultats conformes aux
attentes.
En ce sens, la fonction de contrôle de gestion, qui s’intègre au sein du système de contrôle global de
l’entreprise, s’insère pleinement à l’intérieur de son système de gestion et est dès lors amenée à
« cohabiter » avec les deux autres composantes essentielles du système de gestion de l’entreprise, à savoir
son système de pouvoir et son système d’information 34.
Par ailleurs, si l’on considère l’entreprise comme un réservoir de ressources qu’il s’agit d’organiser et de
structurer pour répondre au mieux aux attentes exprimées par son marché et son environnement, l’impératif
de création de valeur peut aisément se traduire de la manière suivante : une entreprise ne peut survivre à
moyen ou long terme que si le volume de ressources qu’elle parvient à dégager de l’exercice de son activité
excède le volume de ressources qu’elle consomme pour exercer son activité.
Enfin, si l’on considère qu’un coût est par définition même la traduction monétaire d’une
consommation de ressources au sein de l’entreprise, alors on comprend aisément que le système
comptable interne (et ses composantes que sont la comptabilité analytique et la comptabilité de
gestion) focalise son attention sur le suivi des coûts (donc la consommation des ressources) et sur le
calcul des marges dégagées par les différentes activités de l’entreprise (donc sur le suivi de la création
de surplus de ressources au travers des différentes activités de l’entreprise).
Ceci ne veut pas dire évidemment que le système de comptabilité de gestion ou de comptabilité analytique
doit permettre uniquement aux dirigeants de l’entreprise ou de l’organisation au sein de laquelle il est
implanté de réduire leur structure de coût au strict minimum ! Au contraire, un tel système doit avant tout
nourrir les gestionnaires de l’entreprise en informations comptables pertinentes leur permettant d’obtenir,
par leurs décisions, la meilleure adéquation possible entre les coûts générés par l’activité de leur
organisation et l’utilité ou l’output que les ressources à la base de ces coûts a permis de générer.
34
Sur ce point, voir la Section 1.2. .
35
Cette seconde définition a le mérite, à nos yeux, de mettre en exergue les facteurs qui conditionnent la survie et le
succès éventuel de l'entreprise à l'aube du XXIème siècle, à savoir d’une part la satisfaction permanente et continue
d'un client qui constitue irrémédiablement le Marché, le seul véritable garant à moyen et long terme de la survie de
28
C H A P I T R E 1
Mais que recouvre ce concept de « système » et, plus particulièrement, de « système ouvert » ?
D’abord, rappelons qu’un système peut être défini comme « un ensemble de composantes inter-reliées et
interdépendantes 36 les unes par rapport aux autres, arrangées d’une manière qui produit un tout unifié »
(Robbins, 1990) : à cet égard, une entreprise apparaît en effet organisée ordinairement en entités aux
fonctions et aux attributs distincts mais interdépendantes les unes des autres (les composantes du système, à
savoir des services, des départements, des fonctions, qui peuvent être organisés et agencés de manière formelle par le
biais d'un organigramme ou sont présents de manière informelle et plus ou moins floue au sein de l'entreprise),
entités dont les activités sont ensuite idéalement agencées et coordonnées de manière à ce qu’elles
produisent ensemble un tout qui permet à l’entreprise d’atteindre ses buts et de réaliser sa mission.
Quant à un « système ouvert », il se définit usuellement par référence à son inverse, un système fermé : si
un système parfaitement fermé est un système qui ne reçoit aucune énergie provenant d’une source
extérieure à lui-même et qui ne transfère aucune énergie vers son environnement, un système ouvert, par
contre, met l’accent sur l’interrelation dynamique du système avec son environnement.
Un système ouvert se compose de deux éléments essentiels, en communication permanente l'un avec l'autre
et qui peuvent eux-mêmes se subdiviser en plusieurs éléments ou sous-systèmes :
§ Le système interne, constitué, dans le cas d'une entreprise, des entités organisationnelles, formalisées
ou non, présentes dans l'entreprise et qui interagissent continuellement pour contribuer à la dynamique
de l'ensemble : ce sont les actes qui s'y posent quotidiennement et les décisions qui y sont prises qui
font "bouger" l'entreprise. Concrètement, mais d'une manière simplificatrice, on peut considérer que
ces entités organisationnelles (bureaux, départements, divisions, …) peuvent être rassemblées en
quelques sous-systèmes cohérents proches des fonctions traditionnelles de l'entreprise (marketing,
finance, gestion des ressources humaines, direction générale, production, R&D, logistique, …).
§ Le système extérieur, constitué par les diverses composantes de l'environnement de l'entreprise (les
clients, les fournisseurs, le marché du travail, les Pouvoirs Publics, …), chacune de ces composantes
pouvant elle-même être assimilée à un sous-système du système extérieur.
l'entreprise puisqu'il en justifie l’existence même au travers des besoins et attentes qu'il cherche à voir satisfaits, et
d’autre part la capacité d'innovation et de créativité, l'innovation se nourrissant fondamentalement de créativité et
d'une curiosité permanente axée sur l'exploration de l'exceptionnel, de l'anormal, du différent, et la créativité poussée
à son terme débouchant inévitablement sur l'innovation, d'autant plus forte et radicale que la curiosité à la base de
l'innovation se fonde sur la recherche de la différence par rapport au marché et à ce que ses acteurs lui proposent.
Comme le souligne de Woot (1996), "les entreprises performantes sont prêtes à écouter un autre 'son de cloche', des
signaux faibles mais précurseurs, elles n'hésitent pas à s'intéresser aux exceptions, à rechercher des informations
plutôt que des confirmations, à favoriser les nouveaux départs".
Cette définition donne dès lors une vision extrêmement systémique et schumpéterienne de l'entreprise : Schumpeter
(1939) fait en effet de l'homme, véritable entrepreneur innovant qui ordonne et coordonne de manière toujours
nouvelle les facteurs de production disponibles dans l'entreprise, le véritable moteur du développement économique.
Elle amène aussi à considérer l'entreprise "comme un portefeuille de compétences, animée par un 'entrepreneur',
excellent dans l'art de tisser des liens et de développer le sens du partenariat avec des milieux divers", devenant ainsi
en permanence "un créateur de richesses par sa capacité à modifier un ordre concurrentiel existant" (Collard, 2000).
36
Donc d'interconnexions complexes, ce qui permet aussi de visualiser le concept d'entreprise sous la forme d'un
énorme réseau de relations entre une multitude d'acteurs poursuivant à la fois des buts personnels et des buts
organisationnels et donc potentiellement tenaillés par des motivations antagonistes. La nécessité d'aligner autant que
possible les buts personnels des acteurs de l'entreprise et les buts de l'organisation, problématique généralement
référencée sous le terme "congruence des buts", en mettant en place une culture d'entreprise forte à laquelle chacun
n'hésite pas à se rallier et un système de motivation (financière et/ou personnelle) efficient, constitue dès lors un enjeu
majeur du contrôle de gestion : elle est d’ailleurs, sans surprise, une des préoccupations essentielles actuelles du
monde de la recherche en contrôle de gestion.
29
C H A P I T R E 1
Dans la mesure où l’entreprise apparaît clairement comme fortement imbriquée dans un environnement
(concurrents, clients, fournisseurs, Pouvoirs Publics …) avec lequel elle est en constante interrelation 37 et
dans la mesure où elle effectue constamment des échanges de ressources financières contre des ressources
matérielles, immatérielles ou humaines (et inversement) 38 avec les diverses composantes de cet
environnement, l’entreprise peut être assimilée à un « système ouvert » chargé d’optimiser l’utilisation
d’un portefeuille limité de ressources.
Nous donnons ainsi de l'entreprise la vision d'un réservoir limité de ressources dont l'utilisation doit être
optimisée, ces ressources correspondant à l'ensemble des ressources humaines et techniques, matérielles (la
force de travail du personnel ou les équipements disponibles) et immatérielles (les compétences et les
savoirs du personnel, les réseaux de relations nouées entre les acteurs de l'entreprise et son environnement,
le portefeuille d'informations disponibles dans l'entreprise, …) que l'entreprise peut acquérir grâce aux
ressources financières qui sont mises initialement à sa disposition (par ses actionnaires ou divers prêteurs)
ou qu'elle parvient à générer par ses activités (les cash-flows que l'entreprise parvient à dégager au
quotidien).
Inputs : Processus de
Output :
- matières transformation Clients
produits
- main d’oeuvre des inputs en
finis
- capital produits finis
Régule Lobby
Pouvoirs Publics Consumérisme
La Figure 4 illustre les principales relations d’échange qui caractérisent ce système ouvert :
37
Même si cette interrelation est essentiellement marquée du sceau de la dépendance de l'entreprise par rapport à un
environnement dont elle "subit" davantage l'évolution du comportement qu'elle n'est capable de l'influencer !
38
Ces échanges sont matérialisés le plus souvent sous la forme de contrats, formels ou informels, qui permettent de
donner un cadre légal, réglementé et organisé à l'exercice de ces échanges.
Ainsi, les contrats d'achats passés avec les fournisseurs réglementent l'échange de ressources matérielles (outils de
production, voitures, matières premières, services d'entretien …) contre des ressources monétaires venant de
l'entreprise, alors que le contrat de travail conclu avec un collaborateur de l'entreprise réglemente l'échange d'une
force de travail (une "ressource humaine" matérialisée à la fois par la force de travail mise à la disposition de
l'entreprise par le collaborateur concerné, mais aussi par le savoir et la connaissance qu'il a acquise et qu'il met à la
disposition de cette même entreprise) contre une ressource monétaire venant de l’entreprise (le salaire brut perçu par
ce collaborateur, auquel s'ajoute les cotisations sociales payées par l'entreprise et les primes et compléments de
salaires éventuels).
30
C H A P I T R E 1
§ Lors de sa création, puis pour se développer, l’entreprise a d’abord besoin de ressources financières,
mises à sa disposition d’une part par les actionnaires-propriétaires qui participent pleinement au risque
opérationnel de l’entreprise, et d’autre part par les prêteurs externes (généralement des partenaires
bancaires) qui mettent des volumes de ressources financières à la disposition de l’entreprise pour une
durée bien déterminée (par le biais de contrats de prêt). En échange de ces ressources financières,
l’entreprise s’engage formellement à verser un intérêt à ses prêteurs extérieurs (échange monétaire) et à
rémunérer ses actionnaires à un niveau de rémunération adéquat.
§ Ces ressources financières permettent également d’acquérir les marchandises et matières premières
destinées à être incorporées ou transformées du fait du processus de production de l’entreprise. A
nouveau, il y a là échange d’une ressource monétaire contre une ressource productive, mais celle -ci est
destinée à se retrouver incorporée à brève échéance dans un bien ou un service que l’entreprise mettra à
la disposition de ses clients : cet échange n’est donc que temporaire et transitoire, s’inscrivant dès lors
dans une perspective de court ou de très court terme.
§ Vient ensuite la confrontation cruciale avec le marché : de cette confrontation naît véritablement in fine
la création de valeur de l’entreprise, car seul le marché peut, en acceptant ou en refusant le prix qui lui
est proposé 41, traduire le processus de création continue de valeur qui traverse la vie de l’entreprise en
ressources financières monétaires nouvelles.
§ Enfin, cet ensemble d’échanges s’intègre à l’intérieur d’un cadre environnemental fortement marqué
par un ensemble de contraintes juridiques et réglementaires diverses destinées à veiller à ce que
chacun, au sein d’une économie, opère dans le respect des droits, des libertés et de l’intérêt de la
collectivité. Au sein de ce cadre environnemental, les Pouvoirs Publics (par leur pouvoir de régulation
et de réglementation de la vie économique et sociale) et les consommateurs (par leur pouvoir
d’acceptation collective des produits et services de l’entreprise et par leur pouvoir de négociation
39
Qu'il s'agisse d'un outil de production matérialisé par une immobilisation corporelle (machine, outillage, mobilier,
matériel roulant, …) ou d'un brevet, d'une licence, d'un droit d'utilisation qui se trouve matérialisé par une
immobilisation incorporelle.
40
A savoir des activités de transformation des facteurs de production externes, essentiellement des matières
premières, grâce à l'utilisation de facteurs de production internes, essentiellement l'outil de production et le
personnel.
41
En cas de refus du niveau de prix d’un produit proposé par l’entreprise, le marché oblige celle-ci à ajuster ce
niveau de prix, l’obligeant dans la foulée à revoir le niveau de marge dégagé grâce à la vente de ce produit. Or, ce
niveau de marge, qui naît de la différence entre le prix de vente unitaire et le coût de revient complet unitaire de ce
même produit, est synonyme, pour l’entreprise, de ressources financières nouvelles disponibles soit pour la
rémunération immédiate de ses actionnaires, soit pour l’autofinancement de projets de développement futurs : revoir
son niveau de prix signifie donc pour l’entreprise revoir ses marges et, dans la foulée, revoir son mode de
fonctionnement interne (donc sa structure de coûts), revoir sa politique de rémunération de son actionnariat (au
risque de voir tout ou partie de cet actionnariat se tourner vers des cieux financièrement plus rémunérateurs) et/ou
revoir ses ambitions stratégiques (au risque de compromettre le développement futur de l’entreprise et, au pire, de
mettre en danger sa pérennité).
31
C H A P I T R E 1
L’architecture de ce système ouvert qu’est l’entreprise a dès lors une double conséquence sur les missions
traditionnellement assignées au contrôle de gestion de l’entreprise en général et sur ses composantes que
sont le système analytique comptable et le système de comptabilité de gestion en particulier :
§ il doit en effet veiller au caractère régulier des échanges, assurant ainsi que ceux-ci s’opèrent dans le
respect des contraintes juridiques, réglementaires, économiques et collectives qui s’imposent à
l’entreprise ;
§ il doit par ailleurs veiller à la création continue de valeur dans tous les processus de transformation qui
traversent la vie de l’entreprise, évitant ainsi les subsidiations éventuelles d’une activité moins créatrice
de valeur par une autre activité davantage créatrice de valeur et traquant sans relâche les activités
destructrices de valeur qui contribuent à amoindrir le potentiel total de création de valeur de
l’entreprise considérée globalement.
Dans ce contexte, le système de gestion mis en place au sein de l’entreprise par ses dirigeants et
constamment animé par l’ensemble des acteurs qui y sont présents, quelles que soient leur position
hiérarchique et leurs responsabilités, repose sur l’existence de 3 sous-systèmes étroitement liés l’un à
l’autre et qui ne peuvent raisonnablement pas exister l’un sans l’autre. Ces 3 sous-systèmes sont
respectivement le système de pouvoir en vigueur au sein de l’entreprise, le système d’information qui y est
construit et le système de contrôle qui lui est appliqué et le lecteur peut aisément les assimiler aux trois
« piliers » sur lesquels reposerait tout système de gestion d’une entreprise, quelle que soit sa taille, son
activité, ses finalités ou sa mission.
Détaillons à présent chacun de ces éléments :
§ Le système de gestion correspond à l’ensemble complexe et évolutif de règles, de normes de
comportement, de procédures, … que les dirigeants et, plus globalement, que l’ensemble des acteurs
présents dans l’entreprise vont mettre progressivement en place, de manière délibérée (en conséquence
d’une stratégie volontariste) ou réactive (progressive, en réagissant au coup par coup aux contingences du
moment), pour s’assurer que les opérations quotidiennes exercées dans l’entreprise sont menées dans le
respect de l’impératif global de création continue de valeur.
§ Le système de pouvoir de l’entreprise est constitué quant à lui de l’ensemble des règles, des
procédures et des comportements qui contribuent à l’exercice du pouvoir, et donc à la prise de décision
et à l’attribution de responsabilités, au sein de l’entreprise. Il est étroitement lié au système de contrôle
et au système d’information de l’entreprise dans la mesure où, sans la possibilité d’exercer un
quelconque contrôle (notamment relatif à la mise en oeuvre correcte du système de pouvoir) et sans
information, l’exercice du pouvoir s’avère matériellement impossible.
§ Le système de contrôle de l’entreprise est constitué de l’ensemble des règles, des procédures et des
comportements qui contribuent à l’exercice du contrôle au sein de l’entreprise, que ce contrôle soit à
finalité comptable ou financière, stratégique ou opérationnelle. Ce système est étroitement lié au
système de pouvoir et au système d’information de l’entreprise dans la mesure où, sans le droit et la
reconnaissance légitimée (donc le pouvoir) d’exercer un quelconque contrôle (notamment relatif à la
mise en oeuvre correcte du système de pouvoir, et notamment des responsabilités qu’il induit, et à
l’utilisation adéquate du système d’information) et sans information, l’exercice du contrôle s’avère
matériellement impossible.
42
L’association de ces deux pouvoirs fait des consommateurs rassemblés en associations de consommateurs des
acteurs de plus en plus importants de l’environnement externe et collectif de l’entreprise, ce qui justifie l’attention
accrue portée à l’heure actuelle au phénomène de consumérisme.
32
C H A P I T R E 1
§ Enfin, le système d’information de l’entreprise est constitué de l’ensemble des règles, des procédures
et des comportements qui contribuent au développement, à la mise en place et au suivi du système
d’information général de l’entreprise, qu’il soit à vocation comptable ou financière destiné à des
acteurs internes ou des partenaires externes à l’entreprise ou à vocation stratégique ou opérationnelle.
Ce système est étroitement lié au système de contrôle et au système de pouvoir de l’entreprise dans la
mesure où, sans la possibilité d’exercer un quelconque contrôle (notamment relatif à la mise en oeuvre
correcte du système d’information) et sans le pouvoir légitime de récolter les éléments informationnels
nécessaires à la tenue du système d’information global de l’entreprise, le déploiement efficient du
système d’information s’avère matériellement impossible.
Enfin, soulignons que le fonctionnement harmonieux de ces 3 sous-systèmes ne peut être assuré que
moyennant la mise en oeuvre de deux mécanismes facilitateurs (Milgrom, Roberts, 1997) :
§ Un mécanisme de motivation qui conduit effectivement chaque acteur présent dans l’organisation à
privilégier l’intérêt collectif par rapport à son propre intérêt individuel et qui incite effectivement
chaque acteur à la mise en oeuvre efficiente de ces 3 sous-systèmes.
§ Et un mécanisme de coordination qui conduit à coordonner soigneusement les tâches et les missions
attribuées à chaque acteur de l’entreprise, de sorte que la mise en oeuvre de ces 3 sous-systèmes ne
débouche sur aucune source possible de destruction de valeur.
Information Contrôle
Pouvoir
Coordination
Fondamentalement, le système d’information global de toute organisation est donc structuré en fonction
des décisions qui s’y prennent le plus couramment et donc des besoins en informations qui s’y présentent le
plus fréquemment, en application du principe élémentaire de saine gestion qui veut qu’une bonne décision
ne peut se prendre que si elle est étayée par des informations crédibles, pertinentes et récentes.
Ces besoins en informations sont quant à eux induits d’une part par la nature même des activités de
l’entreprise (la nature de ses produits et services et la technologie sous-jacente et la nature du système
33
C H A P I T R E 1
organisationnel et de gestion qu’elle a mis en place) et d’autre part par les exigences posées directement ou
indirectement par le caractère plus ou moins stable de son environnement (chaque composante « clé » de
cet environnement induisant logiquement la mise en place d’un système de veille informationnelle propre
plus ou moins sophistiqué, de sorte que tout système d’information global comprend généralement une
composante « veille commerciale ou clientèle », « veille concurrentielle », « veille technologique », voire
« veille légale et réglementaire »).
Dans ce contexte, le système d’information comptable ne constitue dès lors qu’une composante particulière
de ce système d’information global, qui s’avère toutefois essentielle pour notre propos dans la mesure où il
va permettre la prise éclairée de décisions sur base d’informations pertinentes en termes de prix, de coûts et
de marges et donc dans la mesure où il va véritablement insuffler le « sang » nécessaire à faire vivre à la
fois le système de contrôle de gestion et sa sous-composante essentielle qu’est le système de comptabilité
de gestion et dans la mesure où il va crédibiliser aux yeux des partenaires et évaluateurs externes la qualité
de l’information interne délivrée par l’entreprise aux diverses composantes de son environnement
(essentiellement, ses actionnaires, ses clients et le « Grand Public » en général), lui permettant ainsi
d’assumer en toute transparence et en toute crédibilité ses responsabilités financières, économiques et
sociétales.
La littérature comptable classe généralement les utilisateurs de l’information comptable en deux grandes
catégories :
Ø Les gestionnaires de l’entreprise, en quête d’une information qui leur permettra de prendre
leurs décisions en toute connaissance de cause et qui les aidera à mettre en oeuvre un processus
de contrôle efficace au sein de l’organisation : obtenir une information comptable crédible et
pertinente sur les coûts de revient, sur la structure des coûts de production et de distribution,
sur le niveau de la demande et son évolution, sur la position compétitive de l’entreprise à
l’égard de ses principaux concurrents (« benchmark » concurrentiel) ou sur la profitabilité de ses
différents produits sont autant d’exemples d’objectifs assignés par les managers au système
d’information comptable interne de l’entreprise.
Ø Les actionnaires de l’entreprise, qui en sont donc les véritables propriétaires : obtenir une
information précise, rapide et fiable sur la valeur de leur investissement et sur l’ampleur et la
structure des flux monétaires qui en découlent est une double attente majeure exprimée par ces
actionnaires à l’encontre du système d’information comptable interne de l’entreprise.
§ Cette attente est d’autant plus grande lorsque, et c’est le cas de la plupart des moyennes et
des grandes entreprises ayant adopté notamment une forme de Société Anonyme,
l’exercice du pouvoir de l’actionnaire est distinct de l’exercice de gestion opérationnelle,
voire stratégique de l’entreprise : dans de nombreuses entreprises en effet, la croissance de
la taille de l’organisation, la multiplication des activités qui en résulte, voire la simple
volonté des actionnaires les ont conduit à désigner des gestionnaires non nécessairement
issus du sérail des actionnaires pour tenir les rênes de l’entreprise.
§ Dans ce cas, cette dissociation des pouvoirs de propriété de l’entreprise et des pouvoirs de
gestion de celle -ci conduit à l’apparition de conflits potentiels d’agence, liés au fait
qu’actionnaires et gestionnaires ne partagent pas nécessairement une conception
parfaitement identique de la mission de l’entreprise : les actionnaires sont ainsi davantage
34
C H A P I T R E 1
Ø Les actionnaires potentiels, investisseurs susceptibles d’apporter à terme les fonds nécessaires
au développement futur de l’entreprise : la diffusion d’informations crédibles, fiables et
régulières portant sur la structure des marges dégagées par l’entreprise et sur les flux de
trésorerie qu’elle génère, notamment au travers de ses activités d’exploitation courantes, est un
élément qui peut s’avérer crucial pour gagner la confiance de ces investisseurs.
Ø Les Pouvoirs Publics au sens large, intéressés à de multiples titres au devenir de l’entreprise.
Les autorités fiscales sont ainsi particulièrement intéressées par un suivi rigoureux et rapide de
l’ensemble des transactions sujettes à taxation, alors que les Pouvoirs Publics européens,
locaux ou nationaux amenés à attribuer des subsides, des aides ou des incitants éventuels sont
demandeurs d’une information leur garantissant le respect des critères qui conduisent à l’octroi
d’une éventuelle allocation financière 44.
Ces deux catégories ont donc des besoins évidents en information et des attentes spécifiques à l’égard du
système d’information comptable, mais la nature de ces attentes diffère (Horngren e.a., 1996).
43
Les représentants syndicaux, notamment, sont ainsi particulièrement attentifs aux informations issues du système
comptable interne qui leur permettent de baliser les marges de manoeuvre disponibles en vue de négociations
salariales futures.
44
Dans le secteur agricole, par exemple, les exigences des Pouvoirs Publics en matière d'information comptable
interne sont particulièrement multiples et sévères (par exemple lorsqu'il s'agit d'octroyer des primes de compensation,
des quotas de production ou des aides à l'investissement
35
C H A P I T R E 1
Dans le même temps, la multiplicité et la diversité des attentes et des besoins en information comptable
exprimés par les différents acteurs situés dans et hors de l’entreprise justifie la nature éclatée du système
d’information comptable de l’entreprise, généralement subdivisé en deux grandes branches 45 :
Tableau 1 : Analyse comparée des spécificités de la comptabilité financière et de la comptabilité de gestion (adapté
de Anthony et Govindarajan (1998) et Horngren e.a. (1996))
- Produit des états financiers à buts généraux, - Produit des informations à buts spécifiques,
permettant la comparaison entre entreprises déterminés par la nature des besoins et des
(perspective normative et historique) contraintes qui pèsent sur l’entreprise
(perspective contingente)
- Est destinée à des utilisateurs situés hors de
l’entreprise (perspective normative) - Est destinée à des utilisateurs situés dans
l’entreprise, à tous les niveaux de son
- Est tenue selon des règles et des prescrits organigramme (perspective décisionnelle)
imposés par la Loi (perspective normative)
- Est tenue selon des règles et des prescrits établis
- Veille à permettre l’analyse de l’évolution de la et imposés par l’entreprise (perspective
situation financière d’une entreprise au fil du idiosyncratique)
temps (perspective historique)
- Veille surtout à contrôler la bonne exécution des
- Est tenue et divulguée selon une périodicité fixée décisions passées et à préparer la prise de
par le législateur (généralement par année ou par décisions futures (perspective décisionnelle)
trimestre) (perspective historique)
- Est tenue et diffusée dans l’entreprise selon une
45
Certains auteurs, tels Drury (1998), distinguent encore un troisième type de comptabilité, la comptabilité des coûts
("Cost accounting") qui concerne l'accumulation et le traitement des informations financières et surtout comptables
nécessaires pour permettre l'évaluation des stocks et la mesure des marges comptables (et donc des profits
comptables) qui traversent la vie de l'entreprise. A but exclusivement comptable, la comptabilité des coûts ne fournit
pas immédiatement une information permettant ou aidant à la prise de décision dans l'entreprise : elle se distingue en
ce sens de la comptabilité de gestion et l'on pourrait même considérer qu'elle en constitue une composante
particulière ou préalable.
36
C H A P I T R E 1
- Est présentée de manière extrêmement agrégée et périodicité fixée par les utilisateurs, pouvant aller
uniforme d’entreprise à entreprise (perspective jusqu’à une tenue en temps réel (perspective
normative) idiosyncratique)
- Est tenue en conformité avec des standards - Est présentée de manière extrêmement
déterminés hors de l’entreprise, de façon à diversifiée et souvent détaillée, en fonction des
garantir l’objectivité de l’information divulguée besoins des utilisateurs (perspective
(perspective normative) décisionnelle)
Le Tableau 1 synthétise les principales différences qui apparaissent entre la comptabilité de gestion et la
comptabilité financière et montre que ces deux orientations comptables diffèrent en termes de résultats
produits, d’utilisateurs privilégiés, d’exigences légales, d’horizon de fonctionnement, de degré d’agrégation
et d’objectivité.
Clairement, le système de comptabilité de gestion constitue une des composantes essentielles du système
d’information comptable propre à la structure de l’entreprise et à la nature de son environnement, qui
permet à ses dirigeants :
1. de suivre l’évolution du montant des coûts intermédiaires, des coûts de revient et des marges qui traversent
toute la vie de l’entreprise (aspect limitatif de la « comptabilité des coûts » et de la « comptabilité
analytique ») ;
2. de prendre un ensemble de décisions de gestion sur base d’informations précises et récentes portant sur la
nature exacte des coûts et l’origine des marges qui traversent toute la vie de l’entreprise (aspect décisionnel
de la « comptabilité de gestion »).
Focalisée sur l’enregistrement et l’analyse des coûts, la comptabilité de gestion constitue de ce fait le
préalable indispensable de tout système plus global de contrôle de gestion, instrument indispensable à la
mise en oeuvre du système de contrôle de l’entreprise.
Ensuite, conceptuellement, le modèle de référence sur lequel ces responsables et ces décideurs vont ensuite
étayer leur démarche d’analyse et concevoir le système comptable interne de leur organisation est simple et
repose sur le principe fondamental que tout gestionnaire, lorsqu’il doit prendre une décision de gestion, se
fonde généralement, à un moment ou à un autre, sur un raisonnement de type « Coût – Bénéfice » : ce
37
C H A P I T R E 1
raisonnement, référencé sous les termes « Cost – Benefit Analysis » dans la littérature anglo-saxonne,
implique simplement que le décideur définit les enjeux de chaque décision en fonction de la question :
"Quel est le coût engendré par telle décision et que va-t-elle rapporter à l'entreprise, en termes monétaires
ou en termes d'informations additionnelles ou de gains organisationnels (liés alors à une meilleure
organisation et utilisation des facteurs de production utilisés), sur un horizon de temps bien défini ? ".
Ainsi,
Ø Le décideur responsable d'une décision de marketing se demandera à quel prix introduire tel nouveau
produit, compte tenu des contraintes stratégiques et de création de valeur qui conduisent l’entreprise à
vouloir simultanément couvrir ses coûts, dégager une marge bénéficiaire confortable mais aussi
empêcher les concurrents d’arriver trop vite sur le marché ? 46
Ø Le directeur de la production se demandera quant à lui sous quelles conditions de coûts il faut accepter
d’investir dans une nouvelle chambre froide ?
Ø Enfin, le directeur de la gestion des ressources humaines se demandera s’il faut sous-traiter ou réaliser en
interne la formation continuée du personnel, afin de maintenir à niveau et d’augmenter son portefeuille
de connaissances et de savoir ?
Dans chacun de ces cas, la connaissance aussi précise que possible des coûts et des marges qui ja lonnent le
champ de la décision apparaît indispensable pour étayer la prise de décision. Mais à chaque fois, les coûts
et les marges concernées sont différents :
- ainsi, le responsable de la décision marketing de lancement d’un nouveau produit sera préoccupé
essentiellement par le coût de revient complet de ce nouveau produit, à savoir le coût qui totalise et
intègre l’ensemble des coûts (d’où l’aspect « complet ») provoqués par la conception, la fabrication et la
distribution de ce nouveau produit, jusqu’au moment du paiement par le client final. ;
- le directeur de la production sera davantage préoccupé par le coût de l’investissement à réaliser pour
permettre la finalisation de sa nouvelle chambre froide et par les perspectives de rentabilisation plus ou
moins rapide de cet investissement ;
- enfin, le directeur de la gestion des ressources humaines sera davantage préoccupé par le coût marginal
de la réalisation en interne de la formation continuée 47.
Le lecteur comprend rapidement que identifier et recenser l’ensemble des questions auxquelles le système
d’information comptable pourrait apporter une réponse et vouloir intégrer le tout à l’intérieur de ce système
conduirait vite à vouloir construire une gigantesque « usine à données et à chiffres », à la structure
complexe, à l’exploitation difficile et au coût de fonctionnement vraisemblablement élevé.
De ce fait, il est important, avant de définir le contenu exact du système d’information comptable qui serait
utile à la prise de décisions dans une organisation particulière, de respecter quelques principes essentiels
d’efficience d’un système d’information comptable.
46
Ces critères de contingence peuvent donc être en contradiction plus ou moins forte les uns avec les autres et ne
peuvent être souvent correctement appréhendés que si le décideur incorpore la dimension temporelle dans son
raisonnement.
47
Par rapport à la situation actuelle de sous-traitance de cette formation continuée, que coûtera en plus la réalisation
de cette formation en interne et quelles dépenses permettra-t-elle d’éviter ?
38
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1. de produire une information comptable fiable et pertinente sur l’ensemble des transactions qui prennent
place tant au sein de l’entreprise qu’avec l’ensemble des tiers qui sont en relation avec elle ;
2. et d’offrir une représentation (une « modélisation ») adéquate des processus de consommations des
ressources rares que sont les ressources humaines, techniques, immatérielles et financières au sein de
l’entreprise.
Cette double exigence implique en conséquence qu’il n’existe pas un et un seul système d’information
comptable, et donc un système unique de comptabilité de gestion, applicable en tout temps et en tout
lieu à toute entreprise.
2. un système de comptabilité de gestion efficient évolue sous la pression des différents partenaires présents
dans l’environnement de l’entreprise, et essentiellement sous la pression issue de l’évolution du
comportement de ses clients, de ses fournisseurs et de ses concurrents.
De cette double exigence et de cette double conséquence, nous pouvons inférer dès lors quatre principes
d’efficience 48 d’un système d’information comptable, qu’il soit interne ou externe :
Principe 1 : Un système d’information comptable fournit à temps et à heure l’information dont ses
différents utilisateurs ont besoin.
Ce principe découle directement du fait que le système d’information comptable, et tout particulièrement
lorsqu’il est interne à l’entreprise, est de facto un outil d’aide à la décision, qui évolue au gré de l’évolution
de la nature et des caractéristiques des décisions à prendre au sein de l’entreprise.
Ce système d’information comptable est dès lors directement déterminé par les facteurs qui contingentent
la prise de décision dans l’entreprise, à savoir essentiellement sa stratégie et la structure de pouvoir qui y
est rencontrée ; dans le même temps, sa structure et son organisation dépendent directement des besoins
exprimés par ses utilisateurs. Fondamentalement, le système d’information comptable est le « fournisseur »
d’informations comptables à des « clients », utilisateurs disséminés dans l’ensemble de l’entreprise, et sa
gestion, tant stratégique que opérationnelle, s’insère à ce titre parmi les multiples activités qui constituent la
« chaîne de valeur » globale de l’entreprise.
Principe 2 : Les bénéfices que l’entreprise tire de l’utilisation de l’information comptable fournie sont
supérieurs au coût d’exploitation du système d’information comptable qui permet de générer cette
information.
48
Rappelons que le concept d’efficience fait référence au niveau maximal d’output qu’il est possible de retirer d’un
panier d’inputs, toutes autres choses étant égales (sur ce point, voir Milgrom et Roberts, 1997) : il s’agit donc d’un
concept absolu. En l’espèce, il fait référence au niveau informationnel maximal qu’il est possible d’obtenir au sein de
l’entreprise sur base des informations disponibles à l’intérieur du système d'information comptable quant à la nature,
à l’origine et à la structure de ses coûts.
39
C H A P I T R E 1
Ce principe découle d’une logique d’analyse économique traditionnelle de type « Coût - Bénéfice » : un
acte économique ne se justifie que si les résultats attendus de cet acte sont supérieurs, sur un horizon donné
49
, au coût de cet acte.
Ø les bénéfices que l’entreprise tire de son système d’information comptable peuvent se traduire
effectivement par une rentrée additionnelle de fonds au sein de l’entreprise 50, se traduisant dès lors par
un bénéfice monétaire, mais également par une augmentation des connaissances, du savoir-faire et des
compétences présentes dans l’entreprise 51 : les bénéfices retirés du système d’information comptable
sont alors non nécessairement monétaires, mais ont un caractère immatériel marqué ;
Ø le fait que le système d’information comptable fournisse des indications quant aux pistes
d’amélioration de la productivité et de la performance globale de l’entreprise susceptibles d’être suivies
ne signifie pas forcément que l’entreprise va en retirer des bénéfices : ces bénéfices n’apparaîtront que
si des décisions d’action concrètes sont prises, mises en oeuvre et exécutées au sein de l’entreprise ;
Ø la mise en oeuvre d’un système d’information comptable et son utilisation effective quotidienne
engendre des coûts directement observables, au caractère monétaire marqué, mais aussi éventuellement
des coûts organisationnels, plus immatériels et au caractère non immédiatement monétaire, qui se
traduisent par exemple par un sentiment de démotivation ou de non-engagement dans les activités de
l’entreprise lié à la lourdeur administrative parfois induite par des systèmes d’information comptable
mal conçus ;
Ø enfin, le coût du système d’information comptable englobe non seulement les coûts organisationnels
liés à sa mise en place effective (coût du temps passé à le concevoir et à l’implémenter, coûts des
supports administratifs induits par le système, …) mais aussi, et surtout, le coût de l’amortissement du
système informatique sur lequel la plupart des systèmes comptables internes reposent désormais (et ce
coût est souvent important, tant en termes d’infrastructure que de logiciels).
Principe 3 :Un système d’information comptable efficient reflète parfaitement la réalité de la vie
économique de l’entreprise et est de ce fait évolutif au fil des ans.
Dans la mesure où le système d’information comptable sert prioritairement d’aide à la prise de décision
dans l’entreprise en fournissant aux décideurs l’information comptable pertinente dont ils ont besoin et ce,
au moment où elle s’avère utile, le système d’information comptable adopté se doit de parfaitement refléter
la réalité de la vie économique de l’entreprise.
Par ailleurs, dans la mesure où l’environnement de l’entreprise évolue, les besoins en information exprimés
par les différents acteurs de cet environnement à l’égard de l’entreprise et la réalité économique de la vie de
l’entreprise évoluent également.
49
La durée de cet horizon dépend en fait des objectifs personnels de l'analyste, ce qui justifie par exemple qu'un
analyste exprimant des préférences, et donc des attentes, à un horizon de court terme (par exemple un an) peut
renoncer à un acte économique (par exemple investir dans un outil de production particulier) parce que les gains
attendus de cet outil de production à un horizon d'un an sont inférieurs aux coûts engendrés par cet investissement,
alors qu'un analyste avec un horizon de décision de 10 ans prendra une décision opposée, car les bénéfices engendrés
en 10 ans par cet investissement excèdent le coût total de cet investissement sur cet horizon.
50
Par exemple, si les informations obtenues permettent de réduire, suite à la prise de décisions judicieuses,
globalement le niveau total des coûts, pour un niveau de prix inchangé.
51
En mettant en évidence les manières de faire, les procédés ou les habitudes qui conduisent à des gaspillages de
ressources.
40
C H A P I T R E 1
Pour répondre de manière continue et avec un niveau de qualité élevé et stable à ces besoins en information
évolutifs, l’entreprise doit donc impérativement veiller à l’adéquation la plus parfaite possible entre les
besoins en information exprimés par les différents acteurs internes et externes concernés et la nature et la
qualité des informations effectivement délivrées par son système d’information comptable.
Il est donc illusoire de croire que mettre en place un système d’information comptable efficient dans
l’entreprise est une décision isolée qui n’entraîne aucune révision ou mise à jour dans le futur : la seule
certitude que peut avoir le gestionnaire qui prend la décision de concevoir 52 et d’implanter dans son
entreprise un système d’information comptable est que cette décision nécessitera dans le futur, à intervalles
réguliers, une phase d’évaluation et d’interrogation sur l’adéquation entre les besoins en information de
l’entreprise et l’information effectivement produite par le système et que cette décision impliquera, à côté
des coûts d’exploitation courants du système, des investissements (parfois fort conséquents) de mise à jour
du système (tant au niveau de l’outil informatique en lui-même - matériel et logiciels - que de la formation
du personnel).
Pour servir effectivement d’aide à la prise de décision, l’information comptable doit être destinée à des
acteurs qui occupent réellement, dans la structure de l’entreprise, une position à laquelle est attachée :
o une autorité (de décision ou de contrôle) sur des ressources rares essentielles pour l’évolution de
l’entreprise (qu’elles soient humaines, techniques, immatérielles ou financières) ;
o une responsabilité, le plus souvent concrétisée sous la forme d’objectifs quantifiés à atteindre, par
exemple sous la forme de résultats financiers ou quantitatifs à atteindre (des taux de parts de marchés,
des taux de rotation de personnel à maîtriser, des taux de rebuts à garder sous contrôle, …) ou sous la
forme de budgets à garder sous contrôle.
En conséquence,
Ø la nature du système d’information comptable interne (un système focalisé sur la comptabilité des coûts ?
sur la comptabilité financière ? sur la comptabilité de gestion ? sur le pilotage stratégique de l’entreprise ?
…)
Ø et la structure de ce système (quelle information doit-il permettre de donner, à qui, comment et quand ?)
52
Ou de faire concevoir par des experts extérieurs, avec l'avantage d'une part de bénéficier d'un niveau de
connaissances élevé permettant la création d'un système d'information comptable qui exploite au mieux les
possibilités techniques de matériels et de logiciels évoluant toujours très rapidement, mais avec le risque de se lier à
très long terme avec une source d'expertise rare, peu substituable et au coût parfois prohibitif .
53
En pratique, les deux structures ne coïncident pas nécessairement, certaines "zones décisionnelles" pouvant
émerger de manière ponctuelle, temporaire et informelle au sein de l'entreprise, pour l'une ou l'autre bonne ou
mauvaise raison (notamment liée à des contingences ponctuelles, par exemple une tension brusque sur certains
marchés de matières premières que seule une personne maîtrise dans l'entreprise et qui conduit vite à confier à cette
personne un pouvoir de décision et, éventuellement, une autorité qu'elle n'aurait jamais obtenue dans d'autres
circonstances).
54
La structure du système de contrôle de gestion et la structure du système de comptabilité de gestion qui en découle
est de ce fait largement déterminée par la structure de l'entreprise en termes de "centres de responsabilités".
41
C H A P I T R E 1
sont donc contingents à une multitude de facteurs liés d’une part à la nature et à l’évolution du système de
gestion mis en place dans l’entreprise (issu lui-même des imbrications réciproques entre les systèmes de pouvoir,
de contrôle et d’information dans l’entreprise) et à l’évolution des comportements et des attentes affichés par
les différentes composantes de l’environnement de l’entreprise.
55
Pour des raisons de confidentialité, il s'agit naturellement d'un nom d'emprunt.
42
C H A P I T R E 1
mieux préparer les décisions d’investissement et leur timing. La comptabilisation en coûts complets est
ainsi vite complétée par une approche des coûts en termes de coûts variables et de coûts fixes, la volonté de
l’entreprise étant essentiellement d’identifier les investissements et les nouvelles activités qui permettent de
couvrir rapidement leurs coûts variables propres et dégageant de ce fait des marges pour couvrir les coûts
fixes additionnels liés à la croissance de l’entreprise (en raison notamment d’investissements importants en
machines, en parc automobile et en un outil informatique de pointe, destiné à la fois à la gestion et à l’aide
à la conception informatique assistée des maisons).
Cette évolution consacre dès lors l’apparition d’une fonction de comptabilité de gestion, complémentaire
de la traditionnelle comptabilité analytique déjà présente dans l’entreprise depuis longtemps.
Dès le milieu des années ‘80, un nouveau défi se fait jour : l’attitude des consommateurs change, leurs
demandes sont de plus en plus précises et diversifiées, il est de plus en plus souvent nécessaire d’agir en
tant qu’entrepreneur général et il est de ce fait indispensable de se constituer un réseau de partenaires et
de sous-traitants de confiance avec lesquels nouer des relations d’affaires inscrites dans la durée. Par
ailleurs, de nombreux petits concurrents (souvent d’ancienne tradition familiale) connaissent des difficultés
financières majeures, étant de plus en plus souvent incapables de répondre aux attentes nouvelles de leurs
clients dans des conditions de coût raisonnables. Ils constituent autant d’opportunités de croissance par
rachat potentiellement intéressantes.
La maîtrise de ces évolutions stratégiques, à la fois rapides et majeures, induit rapidement la nécessité de
formaliser la fonction de « contrôle de gestion », en y intégrant la responsabilité du système de
comptabilité de gestion. Le but de cette nouvelle fonction de contrôle de gestion est clair : donner aux
gestionnaires opérationnels (deux directeurs de production, un directeur du design architectural, un
directeur commercial, un directeur du personnel) et aux patrons de l’entreprise (le directeur général, le
directeur des opérations et le directeur financier) des informations synthétiques suffisamment précises et
pertinentes pour assurer un suivi transversal des différentes opérations de l’entreprise.
Le tableau de bord financier fait alors sa grande entrée parmi les outils de gestion de l’entreprise. Mais
après deux ans, ce tableau de bord financier affiche ses limites : certes, il permet de mettre en évidence des
indicateurs financiers traduisant une évolution favorable ou défavorable des différentes fonctions de
l’entreprise, mais il ne permet pas d’identifier clairement l’origine des problèmes, ni encore moins de
suggérer des pistes d’améliorations nouvelles. Une refonte profonde du contrôle de gestion a dès lors lieu
à ce moment, impliquant le recrutement d’un contrôleur de gestion confirmé additionnel et de deux
nouveaux jeunes collaborateurs.
Dépendant de la direction financière, le service du contrôle de gestion, riche alors de 4 collaborateurs (un
contrôleur de gestion confirmé, l’aide-comptable présent depuis les origines de la reprise et deux jeunes
contrôleurs), s’attèle à une double mission :
Ø Auditer le fonctionnement global de l’entreprise (qui a entre-temps connu une forte croissance nourrie
par le rachat de 3 petits concurrents, en Suisse, dans les Ardennes et dans les Vosges) pour parvenir à
la configurer en fonction de son activité réelle exprimée en termes de processus et d’activités et mettre
en évidence, parmi l’ensemble des activités ainsi identifiées, les activités créatrices de valeur et les
activités nécessitant une réflexion stratégique nouvelle car créatrices de trop peu de valeur, voire
destructrices valeur.
o Cette analyse met en lumière le fait que les activités de soutien commercial et que les activités
de recherche de nouveaux clients créent trop peu de valeur par rapport aux moyens mis en
oeuvre et qu’il est nécessaire d’envisager deux implantations commerciales permanentes
proches de marchés prometteurs, en Suisse et dans les Flandres.
Ø Elaborer et mettre en place un véritable outil de pilotage stratégique de l’entreprise, inspiré du modèle
de la « Balanced ScoreCard » de Kaplan et Norton (1996), mais simplifié et adapté aux besoins réels
de l’entreprise, afin de donner aux principaux dirigeants de l’entreprise des indications à la fois
qualitatives et quantitatives quant au fonctionnement harmonieux des différentes composantes de Wood
Construct et les aider à identifier rapidement les causes des dérapages éventuellement constatés.
Depuis la fin 2000, la fonction de contrôle de gestion connaît enfin une nouvelle évolution :
43
C H A P I T R E 1
Ø D’abord, au plan organisationnel et dans la mesure où il apparaît clairement que les activités de
contrôle stratégique et opérationnel répondent à deux finalités complémentaires, il est créé un
véritable département de contrôle de gestion, placé sous la responsabilité directe du directeur-général,
et de scinder le service de « contrôle de gestion » en deux entités séparées amenées à travailler en
symbiose, le contrôle de gestion opérationnel et le contrôle de gestion stratégique, qui dépendent
directement du responsable du service et de son aide.
Ø Ensuite, au niveau des outils utilisés par la fonction de contrôle de gestion, un problème majeur ressort
nettement des enseignements tirés de la « Balanced ScoreCard » : la difficulté à se fidéliser la
clientèle, notamment parmi les grands comptes (promoteurs de villages de vacances, organismes
responsables de logements sociaux, …). Devant la difficulté à isoler les causes exactes de ce problème,
un jeune collaborateur est recruté pour développer, au sein du département de contrôle de gestion un
outil permettant de suivre, au jour le jour, un ensemble d’indicateurs mesurant l’origine de la
satisfaction des clients (outil de type CRM, Client Relationship Management).
Au fil de sa croissance, Wood Construct a donc continuellement cherché à maîtriser l’incertitude et à
piloter son évolution, en réaction d’abord, puis en anticipant les évolutions de son environnement.
Pour ce faire, l’entreprise n’a pas hésité à faire évoluer son système de comptabilité de gestion, puis de
contrôle de gestion et n’a pas hésité à y consacrer les moyens humains et informatiques nécessaires, en
dépit d’une taille encore modeste : la volonté des dirigeants de l’entreprise d’opter pour un mode de
fonctionnement souple et adaptatif et une culture d’entreprise largement ouverte au changement sont,
indubitablement, les principales raisons qui expliquent cette évolution du contrôle de gestion d’une telle
moyenne entreprise.
Questions :
Ø Identifiez les grandes étapes du cycle de vie de Wood Construct depuis sa reprise en 1970 et les
éléments stratégiques caractéristiques de chacune de ces étapes.
Ø Identifiez les grandes étapes de l’évolution du système d’information comptable interne de l’entreprise
et les facteurs contingents qui ont influencé à chaque étape son évolution.
Ø Sur base des activités actuelles de l’entreprise et de la structure organisationnelle qu’elle a adoptée,
quels sont, selon vous, les principaux objets de coûts qu’il conviendrait de suivre ? Pourquoi ?
Wood Construct
Située dans les Ardennes
Entreprise générale de construction
d'habitations en bois
Techno-Construct
Située dans les Vosges
Conception et fabrication
de maisons d'habitation en bois
44
C H A P I T R E 2
Chapitre 2
Le concept de coût :
définitions et classifications
L
e concept de "coût" est incontestablement un des plus utilisés, tant dans le langage courant
que dans le domaine des sciences économiques ou des sciences de gestion, mais il est aussi,
assez paradoxalement, un concept rarement défini par ses multiples utilisateurs.
Tout au long de ce chapitre, nous allons dès lors décrire les contours exacts de ce concept et mettre en
évidence les principales classifications ou typologies de coûts auxquelles le comptable de gestion sera
confronté lors de sa vie professionnelle.
1. Le coût, expression monétaire significative pour la prise de décision : élément de synthèse exprimé
sous une forme monétaire, il constitue l’information la plus souvent prise en compte par le décideur
lors de la prise de décision.
2. L’objet du coût auquel il est relatif : l’analyste mesure toujours le coût de quelque chose, qu’il
s’agisse d’un bien matériel (pièce fabriquée, pièce de rechange, …), d’un bien immatériel (brevet,
licence, …) ou d’une activité (coût de l’activité de production, de manutention, …).
3. L’inducteur de coût, à savoir l’élément qui provoque (qui induit ) l’apparition du coût car
impliquant l’utilisation (la consommation) d’une ressource rare interne ou externe à l’entreprise
(main d’œuvre, outil de production, matière diverse, énergie).
Ces trois éléments et leurs implications économiques, comptables et stratégiques, sont explorés en
détail tout au long de ce chapitre.
45
C H A P I T R E 2
En effet, la consommation de tout facteur de production, par nature présent de manière limitée au sein
de l’entreprise et donc rare, engendre une consommation partielle des ressources financières qui ont
permis ou qui permettent d’acquérir ce facteur de production. Exprimée sous forme monétaire 56, cette
consommation de ressources financières, par essence elles-même présentes aussi de manière rare au
sein de l’entreprise, constitue un coût économique pour l’entreprise.
Ainsi,
Ø la consommation d’une heure de main d’œuvre (donc d’une heure de force de travail) pour une
activité déterminée (par exemple, le contrôle de la qualité des produits fabriqués) engendre la
consommation de ressources financières correspondant au salaire brut d’une heure de travail de la
personne concernée, augmenté des charges et frais additionnels éventuels (cotisation sociale
patronale, quote-part du pécule de vacances et des primes éventuelles, …) ;
Ø de même, l’utilisation d’une heure de temps de travail d’une machine bien particulière provoque la
consommation des ressources financières qui ont permis d’une part d’acquérir la machine (quote-
part de l’amortissement de la machine) et d’acquérir l’énergie nécessaire au fonctionnement de
cette machine (facture d’électricité, par exemple, due à la consommation électrique de cette
machine pendant l’heure de travail).
Ø Il est observable s’il correspond à un fait qui se produit réellement dans la vie de l’entreprise en
raison de l’exercice d’une activité bien particulière (consommation d’une heure de travail, d’une
heure de fonctionnement d’une machine, …).
Ø Il est non observable s’il correspond à un fait qui ne se produit pas réellement dans la vie de
l’entreprise mais qui aurait pu se produire si d’autres choix ou d’autres décisions avaient été prises :
le coût non observable correspond au coût d’opportunité d’un choix ou d’une décision, qui
apparaît du fait que les ressources « temps » et « argent » ne peuvent jamais être consacrées à deux
actes simultanés 57.
56
Le passage par une expression monétaire unique permet de traduire en un référentiel commun, la monnaie, à la
fois l'intensité de la consommation de ressources, exprimées à la base en une multitude d'indicateurs propres à la
ressource consommée (tels que l'heure de main d’œuvre, le nombre de kilogrammes de matières consommées, le
temps de travail consacré par une machine à une production particulière, …), et la valeur attribuée par le "marché"
à la consommation de ces ressources (ainsi, la consommation d'une unité énergétique telle que le kilowatt n'est pas
valorisée de manière identique par le marché - en l'occurrence ici par le fournisseur d'électricité - selon qu'elle est
consommée en journée, alors que les ressources énergétiques deviennent rares et donc coûteuses vu le niveau élevé de
la demande, ou en soirée, lorsque les ressources énergétiques sont peu demandées).
57
Certains auteurs évoquent ce coût d’opportunité comme étant le coût du renoncement à une opportunité que l’on ne
peut entreprendre du fait que les ressources en temps ou en argent disponibles au sein de l’entreprise sont rares et ne
peuvent être consacrées en parallèle à deux opportunités différentes.
46
C H A P I T R E 2
v Ainsi, les ressources financières limitées de l’entreprise amènent fréquemment ses dirigeants à
préférer la réalisation de tel investissement plutôt que de tel autre, en raison d’une part de
contingences stratégiques particulières et des perspectives de rentabilité différentes de chacun
de ces investissements : l’entreprise préférera par exemple réaliser un investissement dans une
nouvelle chambre froide plutôt que dans une nouvelle ligne de production et la différence entre
les recettes que la nouvelle ligne de production aurait permis de générer et les coûts liés à la
conception, à la réalisation et au fonctionnement de cette ligne constitue un coût d’opportunité,
qu’il sera utile de comparer ensuite au surplus de valeur engendré par la réalisation de la
chambre froide.
v Autre exemple, le fait pour un ingénieur de recherche de consacrer ses efforts d’investigation à
la mise au point de cette chambre froide l’empêche de consacrer son temps de travail à la mise
au point d’un nouveau processus de production : le surplus de valeur que ce processus de
production potentiellement nouveau aurait permis de générer constitue de fait un coût
d’opportunité lié au temps de travail par nature limité de cet ingénieur de recherche et constitue
un élément de réflexion que les dirigeants de l’entreprise intégreront dans leur analyse
lorsqu’ils s’interrogeront ultérieurement sur la question de savoir si les bons choix ont toujours
été bien faits dans la vie de l’entreprise.
On le conçoit aisément, un coût d’opportunité, du fait même qu’il est lié à un fait qui ne se produit pas
réellement dans la vie de l’entreprise, est difficilement mesurable et fait généralement l’objet
uniquement d’estimations plus ou moins précises compte tenu de l’expérience présente dans
l’entreprise : les coûts d’opportunité sont donc rarement pris en compte par le système de comptabilité
analytique de l’entreprise, même si, dans la perspective d’une comptabilité de gestion servant à guider
et à aider la prise de décision dans l’entreprise, ils constituent un élément essentiel dans l’analyse et la
préparation de nombreuses décisions de gestion, parmi lesquelles les décisions d’investissement sont le
plus souvent les plus lourdes de conséquences.
Un objet de coût correspond à tout élément pour lequel une mesure séparée du coût est jugée utile.
Ainsi, on mesurera traditionnellement :
Ø le coût d’un service : l’expertise d’un sinistre, la tenue d’une comptabilité, l’émission d’un conseil
ou d’un avis, …
Ø le coût d’un projet, ensemble de produits et de services coordonnés et unifiés pour former un tout
cohérent : la construction d’un tunnel autoroutier ou d’une liaison TGV entre deux villes par les
Pouvoirs Publics, la réalisation d’une chambre froide dans une entreprise, …
Ø le coût d’un client 58 : le coût de la tranche de clientèle des « 16-18 ans » pour un organisme
bancaire, le coût des utilisateurs de la ligne d’information permanente pour une société de matériel
58
Dans un environnement économique marqué de plus en plus par la dominance de l’orientation « client » sur
l’orientation « produit », l’objet de coût « client » revêt logiquement une importance de plus en plus grande, les choix
stratégiques étant généralement guidés par la volonté de rencontrer prioritairement les besoins et les attentes des
clients les plus prometteurs en termes de création de valeur à moyen et long terme.
47
C H A P I T R E 2
informatique, le coût des acheteurs de la grande consommation pour une PME du secteur
agroalimentaire, … ;
Ø le coût d’une activité, par exemple la formation continuée des secrétaires ou la tenue d’une
caféterie dans l’entreprise ;
Dès lors, avant de concevoir tout système de comptabilité de gestion, il importe d’abord d'identifier
l’ensemble des questions auxquelles les décideurs de l’entreprise doivent apporter une réponse et à
l’égard desquelles ils sont en attente d’information : la nature de ces questions détermine directement la
nature des objets de coût dont il s’agira ultérieurement de mesurer le coût.
1. Le système d’information comptable qui en découle doit être concret et proche de la réalité de la vie
économique de chaque acteur présent dans l'entreprise, car il doit servir réellement à aider à la prise
de décision
2. Le système d’information comptable qui en découle doit pouvoir être rendu opérationnel et efficace
rapidement : un beau projet « sur papier » ne sert strictement à rien s’il est impossible de le traduire
rapidement dans la réalité de l’entreprise et s’il n’est pas accepté par le personnel présent, qui doit
impérativement en percevoir l’utilité et en accepter les conséquences.
Ø organiser la collecte, la saisie et le traitement effectif des éléments d’information qui permettront le
calcul des coûts susceptibles d’aider effectivement à la prise de décision,
Ø et veiller à la cohérence de l’ensemble : ainsi, une même charge de personnel par exemple peut
entrer dans la définition de plusieurs coûts (tel est le cas par exemple d’un informaticien chargé de
former les secrétaires à l’utilisation d’une suite bureautique : son coût salarial entre dans le calcul
du coût de la formation des secrétaires, dans le calcul global du coût de revient de tous les produits
de l’entreprise, dans le calcul du coût total du service informatique, …. ) et il importe dès lors
d’identifier de manière rigoureuse quels éléments de cette charge entreront exactement dans le
Ceci justifie par exemple que bon nombre d’organismes bancaires ou de bancassurance orientent leurs efforts
commerciaux vers des groupes-cibles de clients, parfois d’une taille assez réduite, prometteurs en termes de création
future de valeur (les jeunes entamant des études universitaires devant les amener à des postes de décision importants
furent ainsi une cible privilégiée de certains organismes qui élaborèrent une offre de services spécifique et
sophistiquée), offrant par contre à d’autres groupes-cibles une offre de service plus réduite et plus standardisée,
compte tenu d’une part de perspectives de création de valeur moins intéressantes et d’un coût d’opportunité élevé qui
les amène à focaliser le potentiel créatif et productif de leur personnel sur la satisfaction des besoins et attentes des
clients les plus prometteurs.
48
C H A P I T R E 2
calcul du coût de chaque objet de coût suivi, en évitant à la fois les doubles comptages et la
multiplication des demandes d’information adressées au système d’information de l’entreprise 59.
Par ailleurs, toute prise de décision implique inévitablement des choix et des actions qui vont
matérialiser ces choix ; ces choix ne peuvent être correctement effectués que si le décideur a une vue
claire non seulement des enjeux financiers des choix qu’il est amené à effectuer mais aussi des éléments
qui provoquent l’apparition des coûts et des recettes, et donc des facteurs susceptibles d’augmenter ou
de réduire le niveau des coûts et des marges dans l’entreprise.
Au concept de coût est donc inévitablement associé, dans une perspective de système d’information
comptable intégrant une comptabilité de gestion efficiente, le concept d’ inducteur de coût : par
définition, un inducteur de coût est un facteur susceptible d’avoir un impact sur le niveau de coût d’un
objet de coût particulier, de sorte que toute modification du niveau de l’inducteur de coût entraîne une
modification du niveau de coût de l’objet de coût.
1. Un inducteur de coût renvoie inévitablement à une idée de causalité : un inducteur de coût est
susceptible de provoquer (idée de cause), par son évolution, une modification de la structure de
consommation des ressources dans l’entreprise (idée de conséquence) et, de ce fait, toute action
portant sur l’inducteur de coût, et notamment une augmentation ou une diminution de son niveau ou
une modification de sa structure (toute action sur la cause …), provoque une modification du niveau
de coût de l’objet de coût particulier étudié (… a une conséquence sur le niveau de coût).
2. Puisque un inducteur de coût renvoie à une idée de causalité et qu’il doit permettre aux décideurs de
prendre des décisions d’action au niveau des causes qu’il met en jeu, l’inducteur de coût doit être à la
fois objectif (il doit correspondre à un fait observable par tous de manière uniforme dans l’entreprise)
61
et mesurable (chacun doit pouvoir apprécier son évolution en faisant référence à un indicateur
commun accepté de tous et compréhensible de tous 62).
59
Cette nécessité de cohérence permet de souligner toute l’importance de la tenue soignée des bases de données,
généralement de type relationnel, qui vont emmagasiner l’ensemble des informations nécessaires à la détermination
exacte des coûts et elle nous permet de souligner qu’il est illusoire de vouloir mettre en place un système de
comptabilité analytique ou de comptabilité de gestion efficient et efficace sans une parfaite maîtrise du système
d’information de l’entreprise et, donc, de son informatique de gestion.
60
Des membres du personnel sont par exemple affectés à la conception, à la production et à la distribution des
nouveaux produits, utilisant une partie des ressources en machine disponibles et monopolisant un volume de
ressources financières pour financer de nouveaux équipements et une campagne de promotion particulière.
61
Par opposition à un phénomène subjectif, dont l'importance peut être appréciée subjectivement de manière
différente par chaque acteur de l'entreprise en fonction d'objectifs ou de perceptions personnelles propres. Ainsi, si la
qualité esthétique d'un produit est un phénomène subjectif qui dépend fondamentalement des goûts et des perceptions
personnelles de chacun (elle ne peut donc pas, de ce fait, être assimilée à un inducteur de coût), par contre la qualité
technique du produit (le fait qu'il soit conforme à un cahier des charges technique bien précis, ne présentant
idéalement aucun défaut par rapport à ce cahier des charges) est un phénomène objectif (tellement objectif que, dans
de nombreuses entreprises industrielles, la qualité technique est vérifiée essentiellement par le biais d'outils
49
C H A P I T R E 2
Montants (Coûts)
Objets de coûts
(produits, clients, ...)
3. En règle générale, le niveau de coût d’un objet de coût est déterminé par plusieurs inducteurs de coûts
simultanément, généralement inter-reliés entre eux par des relations de cause à effet qu’il convient
d’analyser soigneusement, et le plus souvent une hiérarchie apparaît, allant de l’inducteur de coût le
plus apparent 63 à l’inducteur de coût le plus fondamental, généralement lié au véritable phénomène
qui pose problème dans l’entreprise 64 : cette hiérarchie entre inducteurs de coûts peut généralement
informatisés), faisant ainsi de la qualité technique du produit un inducteur de coût potentiel permettant d'agir sur le
niveau de coût du produit (ainsi, l'élimination des défauts qui diminuent la qualité technique du produit, en raison par
exemple d'un mauvais dosage des matières premières, permet de diminuer le coût de revient final du produit en
supprimant les coûts de réparation liés au service après-vente).
62
Le nombre de fois qu'un phénomène se produit (par exemple, le nombre de pannes d'une machine), le temps passé à
l'exercice d'une activité, le volume de matières consommées, le volume de chiffre d'affaires généré sur un marché sont
ainsi des phénomènes mesurables de manière similaire par chacun.
63
Souvent considéré, dans le langage courant, comme « la cause du problème ».
64
Agir sur ce phénomène, c'est souvent 'agir au cœur de la plaie' et donc mettre en cause une déficience du système de
pouvoir, d'information ou de contrôle de l'entreprise : agir sur ce phénomène ne peut donc se faire que de manière
prudente et préparée, car cette action risque de remettre en cause le pouvoir de certains dans l'entreprise.
Ainsi, si l'on constate une augmentation du coût de la division "Recherche et Développement" dans une entreprise et
si l'on sait que les inducteurs de coûts de cette division sont le nombre de projets sur lesquels elle travaille et le temps
de travail monopolisé par chaque projet, on peut être tenté d'ordonner à cette division de limiter le nombre de projets
sur lesquels elle travaille.
Agir sur cet inducteur de coût "de premier niveau", aisément observable et mesurable, peut toutefois ne pas
provoquer la réduction espérée du niveau de coût de cette division "Recherche et Développement". En effet, il n'est
pas impossible que cette limitation du nombre de projets menés en parallèle amène le personnel à se concentrer sur
les projets les plus complexes, qui consommeront proportionnellement davantage d'heures de travail (d'où, peu de
risque de licenciements ou de mutations au sein du service) et impliqueront des frais d'équipements éventuellement
plus élevés, induisant de ce fait une hausse additionnelle du coût de la division (et non plus sa baisse espérée). Plus
globalement, il n'est pas garanti non plus que ces projets plus complexes déboucheront effectivement sur des produits
commercialisables effectivement par l'entreprise.
Fondamentalement, il est donc beaucoup plus efficient d'agir sur les véritables inducteurs de coûts au sein de la
division (les inducteurs de deuxième ou troisième niveau), en mettant en place par exemple une structure de pouvoir
particulière où les responsables de la stratégie, de la commercialisation, de la production et de la recherche
définiront ensemble, compte tenu des contraintes de chacun et de l'intérêt général de l'entreprise, les projets à mener
et les ressources à y affecter : une telle solution amène toutefois à revoir la structure de pouvoir au sein de
50
C H A P I T R E 2
être représentée sous la forme d’une « pyramide des inducteurs », représentée à la Figure 6,
partant des inducteurs les plus symptomatiques (souvent les plus apparents et donc les plus faciles à
détecter) et aboutissant aux inducteurs les plus fondamentaux (qui ne peuvent être mis en évidence
qu’après une analyse détaillée des relations de cause à effet entre inducteurs de coûts et qui sont
généralement étroitement liés aux véritables problèmes de gestion qui se posent dans l’entreprise).
Enfin, nous ne pouvons pas clore ce point sans donner quelques exemples d’inducteurs de coûts
fréquemment utilisés en pratique et liés aux différentes fonctions généralement présentes au sein de toute
entreprise :
- le temps de travail direct nécessaire à la production d’une unité (souvent évoqué sous le concept
d’heure de main d’œuvre directe)
- le chiffre d’affaires par zones de chalandise, par marché géographique ou par produits 65
l'entreprise (en réduisant notamment le pouvoir local de chaque responsable de division) et peut dès lors amener de
fortes résistances personnelles au changement au sein de l'entreprise.
65
Ce type d'inducteur de coûts est un inducteur de coût de type "déductif". En effet, il ne correspond pas à un
inducteur de coût répondant strictement aux critères mis en évidence dans la définition proposée d'un inducteur de
coût, mais il reflète le fait que l'entreprise, sur base de l'expérience de ses agents commerciaux et d'une analyse de
l'historique de ses coûts, parvient souvent à estimer, par déduction, le volume de frais commerciaux qui s'est avéré
nécessaire dans le passé pour réaliser X millions de chiffre d'affaires sur tel marché ou telle zone géographique bien
précise : de ce fait, l'idée même d'inducteur de coût se voir renversée, puisque l'on part de la conséquence, à savoir le
51
C H A P I T R E 2
Ø Un certain nombre d’entre eux ne peuvent pas être utilisés indifféremment l’un pour l’autre, car ils
répondent à des objectifs de représentation de la réalité économique quelque peu différents. Ils
constituent de ce fait de « faux amis » potentiels, dont il convient de bien mesurer la signification
exacte.
Ø Par ailleurs, le principe de l’annualité, qui veut que les opérations relatives à la comptabilité générale
soient enregistrées normalement sur base annuelle, ne s’applique pas nécessairement (et même
rarement) au système comptable interne, dont la périodicité de la tenue et surtout dont les états de
synthèse doivent être disponibles selon des intervalles déterminés par les besoins en information de
l’entreprise 66 : la périodicité de la tenue et des opérations de clôture propres à un système comptable
volume de chiffre d'affaires réalisé, pour déduire le volume de la cause, à savoir le montant de frais commerciaux qui
a permis de le générer, par référence au passé.
Ce type d'inducteur de coûts, fondé inévitablement sur une hypothèse de reproduction à l'identique du passé, a
l'avantage de la facilité opérationnelle (on peut souvent aisément le calculer ou l'estimer), mais ne reflète guère la
réalité économique de la vie de l'entreprise à un instant particulier donné (certaines circonstances, par exemple
l'accès à un circuit de distribution particulier à un moment donné pour une période limitée, pouvant modifier
substantiellement le niveau réel de ces frais commerciaux) : à notre sens, il doit donc être utilisé avec prudence et
circonspection, en raison du Principe 3 d’efficience évoqué précédemment .
66
La semaine, le mois, le bimestre, le trimestre, voire la disponibilité quotidienne sont des fréquences de "reporting"
rencontrées fréquemment en pratique. Le choix de cette fréquence est souvent lié à la durée du cycle de production de
l'entreprise et à l'organisation de son activité : ainsi, une entreprise qui travaille à la commande, notamment en
réduisant au maximum les délais de livraison à ses clients (donc dans une optique de "Just-in-Time") a des besoins en
52
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interne est donc déterminée uniquement par les décideurs présents dans l’entreprise en fonction de
leurs besoins personnels en information. La non applicabilité du principe de l’annualité à la tenue du
système comptable interne génère dès lors aussi des concepts propres à la tenue du système comptable
interne et inconnus de la comptabilité générale.
Le concept comptable de coût apparaît de ce fait étroitement lié au concept de "charge comptable". Selon
Detrié et Jordan (1982), les charges comptables "sont les consommations d'avoirs effectuées pour produire
et vendre les biens ou les prestations de services créés par l'entreprise 67" et "les produits comptables sont la
contre-valeur monétaire de ces biens ou des prestations de services créés par l'entreprise".
De ce fait, la notion de "charge comptable" apparaît étroitement liée à celle de "produit comptable", ce
dernier élément découlant directement de l'apparition d'une ou plusieurs charges comptables et impliquant,
comme nous l'avons déjà souligné, l'apparition au sein de l'entreprise d'avoirs financiers nouveaux en
contrepartie de la consommation d'une partie de ses avoirs productifs.
information récente plus cruciaux qu'une entreprise qui produit depuis longtemps des produits standardisés au
travers d'un processus qui dure plusieurs jours ou semaines, ce qui explique que son reporting comptable interne sera
souvent hebdomadaire, voire quotidien pour certaines informations, alors qu'une entreprise au temps de cycle plus
long et moins incertain optera plutôt pour un reporting mensuel, voire bimestriel ou trimestriel.
67
Gillet e.a. (1985) estiment que les actifs de l'entreprise, à savoir l'ensemble de ses avoirs, se transforment en
charges à partir du moment où ils sont utilisés dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise : selon cette vision, l'actif
du bilan de l'entreprise, représentatif de son patrimoine et donc de l'ensemble de ses avoirs, apparaît comme un "lieu
de stockage" comptable à l'intérieur duquel sont enregistrés, selon des règles propres au domaine de la comptabilité
générale et à ses facteurs contingents, les valeurs monétaires représentatives de l'ensemble des ressources
matérielles, immatérielles, humaines et financières dont dispose l'entreprise conçue comme un réservoir de
ressources.
L'utilisation de ces ressources au travers des multiples activités menées par l'entreprise dans le cadre de ses activités
d'exploitation (indépendamment de la nature de ces activités) engendre ensuite l'apparition de charges comptables
puis, avec un décalage, des produits comptables enregistrés au compte de résultats propre à la comptabilité générale
de l'entreprise.
53
C H A P I T R E 2
Notons encore que, en règle générale, un coût comptable correspond étroitement à une ou plusieurs charges
comptables et que, sauf décalage temporel, une dépense (donc une sortie de fonds hors des caisses de
l'entreprise) le matérialise au niveau de la trésorerie de l'entreprise.
Au plan purement analytique, un coût est quant à lui défini comme une accumulation de charges sur un
objet de coût particulier et peut être calculé à n’importe quel stade du processus de conception, de
production et de distribution de cet objet de coût : intégré au système d'information comptable de
l'entreprise, ce coût prend le nom de "coût analytique".
Cette définition conduit à pouvoir calculer :
Ø un coût d’achat, un coût de production, puis un coût de distribution, bref un coût reflétant
l’ensemble des charges accumulées sur un objet de coût à n’importe quel stade de son cycle de
réalisation, jusqu’au stade ultime de cette réalisation,
Ø un coût de revient 68, qui correspond à une accumulation de charges au stade final d’élaboration d’un
objet de coûts, vente incluse : de ce fait, le coût d’achat, le coût de production et le coût de distribution
ne constituent qu’une des composantes du coût de revient d’un objet de coût ;
Ø une marge, qui correspond quant à elle à une différence entre un prix né de la rencontre d’une offre et
d’une demande, externe ou interne à l’entreprise, 69 et un coût ;
Ø un résultat ou résultat analytique, qui fait référence quant à lui exclusivement à la différence entre
un prix de vente et un coût de revient : il doit de ce fait être distingué du concept de "résultat
comptable", qui naît de la différence entre le total des produits et le total des charges enregistrés en
comptabilité générale, en ce compris les éléments de résultats financiers et de résultats exceptionnels.
Notons que le concept de "coût analytique " doit être distingué du concept de "charge comptable ". En
effet, en vertu du principe comptable de correspondance des charges et des produits comptables 70, il
apparaît assez vite que tous les coûts ne peuvent pas systématiquement être rapprochés d'un produit, et
donc d'une charge comptable (Anthony, Reece, 1983), et que seuls les coûts qui sont associés à une
consommation, directe ou indirecte, de ressources induite par les produits comptables réalisés au cours de
la période comptable revêtent le caractère de charges comptables. De ce fait, dans le cas où le coût peut être
mis en relation avec des produits comptables futurs ou ne peut pas être mis en relation avec des produits
comptables actuels, il fera, au sein de la comptabilité générale, l'objet d'un traitement particulier le
reportant sur l'exercice qui le concerne (principe des « comptes de régularisation » 71) , alors même qu’il
constitue un élément de coût analytique dès le moment de son apparition au sein de l’entreprise.
68
Souvent aussi appelé, d'une manière qui suscite la confusion, "prix de revient", alors que ce coût, accumulation de
charges préalable à la confrontation avec le marché, ne possède absolument pas les attributs d'un "prix", qui
nécessite la rencontre d'une offre et d'une demande et donc implique que la confrontation avec le marché a eu lieu et
a débouché sur l'acceptation d'un niveau de prix par l'offreur et le demandeur.
69
Lorsque l'on recourt au concept de marge pour juger de la rentabilité des activités à l'intérieur de l'entreprise en
cours de processus de réalisation d'un objet de coût, on fera fréquemment usage d'un prix standard, déterminé
(idéalement de commun accord) par les responsables du système de comptabilité de gestion ou, mieux encore, par les
responsables du contrôle de gestion de l'entreprise.
70
Ce principe stipule que, "une fois l'exercice comptable doté des produits qui le concernent, il importe de lui faire
supporter les charges correspondant à ces produits" (Gillet e.a., 1985), ce qui implique que seules sont enregistrées
au compte de résultats propre à la comptabilité générale les charges imputables aux produits enregistrés durant la
période qui sert de base à la tenue de cette comptabilité générale (en général, une année).
71
Par le biais d'un compte de régularisation inscrit soit à l'actif du bilan (pour ce qui concerne les charges
comptables versées de manière anticipative, à reporter), soit au passif du bilan (pour ce qui concerne les charges
comptables non encore payées, à imputer).
54
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Enfin, soulignons que les coûts analytiques sont enregistrés au sein du système analytique comptable au
moment de leur survenance et non au moment de leur décaissement : un coût analytique se distingue donc
lui aussi de la dépense qui le matérialise, immédiatement ou avec un certain délai, au niveau de la trésorerie
de l'entreprise.
La plupart de ces charges sont aussi constatées et prises en compte par la comptabilité générale de
l’entreprise. Toutefois,
v Il y a un décalage fréquent dans le temps entre le moment de l'enregistrement des charges analytiques
et des charges comptables générales, les charges analytiques survenant souvent avant leur
enregistrement en comptabilité générale. Le comptable de gestion doit donc veiller à un enregistrement
immédiat des coûts analytiques, dès le moment de leur survenance et doit en permanence veiller à ce
que l’ensemble des charges analytiques d’une période soient correctement imputées à cette période,
que la périodicité de tenue de la comptabilité de gestion soit mensuelle, trimestrielle, annuelle ou
autre : il y a donc là un problème crucial de réconciliation des charges analytiques et de leur période de
survenance, que le comptable de gestion veillera constamment à maintenir sous contrôle.
v Il se pose par ailleurs un problème de choix des charges comptables à incorporer dans la
comptabilité analytique . Deux problèmes particuliers se posent à ce niveau :
Ø D’abord, dans la mesure où les informations produites par la comptabilité de gestion servent avant
tout d’outil d’aide à la décision ou d’outil de contrôle des effets des décisions passées, ces
informations doivent être établies dans un contexte d’évolution normale et naturelle des affaires,
hors impact de tout événement exceptionnel par nature non destiné à se reproduire dans le futur
mais ayant entraîné une consommation anormale de ressources. Ceci implique :
− Que le comptable de gestion ne peut inclure parmi les charges incorporables que celles
correspondant à une consommation normale de ressources, en rapport étroit et normal avec
l’activité de l’entreprise : ne sont donc concernées que les charges correspondant à des
consommations de ressources dues à des facteurs contribuant effectivement à la conception, à
la production et à la distribution des produits et services de l’entreprise,
− Et que le comptable de gestion doit impérativement exclure hors des charges incorporables les
charges qui ont un caractère exceptionnel ou anormal : celles-ci revêtent de ce fait le caractère
de « charges non incorporables ». Ce sont, par exemple,
♦ les charges d'exploitation à caractère non récurrent (par exemple, les coûts liés à un
litige avec un salarié, l'amortissement des frais d'établissement, …),
55
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♦ avoir un caractère de permanence dans le temps et dans l’espace (ce qui conduit à
éliminer les éléments de nature exceptionnelle ou anormale),
− Soulignons enfin que, en aucun cas, la Taxe sur la Valeur Ajoutée (la TVA) payée par
l’entreprise sur l’ensemble de ses achats hors de l’entreprise (matières, services et biens divers,
…) ne peut constituer en tant que telle une charge incorporable, puisque ce montant est
généralement récupérable par l'organisation assujettie à la TVA. En effet, en matière de TVA,
l’entreprise joue juste et uniquement un rôle d’interface entre l’Administration de la TVA et le
consommateur final et le montant de TVA à payer lors de chaque achat ne constitue de ce fait
en aucun cas une charge à incorporer dans le système analytique, puisqu’il ne correspond à
aucun consommation réelle de ressources au sein de l’entreprise. Par contre, le solde établi en
fin d’année entre le montant de la TVA à payer par l’entreprise et le montant de la TVA à
récupérer constitue une charge (à caractère financier) à intégrer dans la comptabilité analytique
de l’entreprise 72.
Les charges supplétives généralement rencontrées en pratique permettent en fait de tenir compte
de deux éléments :
• En effet, les ressources financières mises à la disposition de l’entreprise, quelles que soient
leur origine, servent à l’acquisition des ressources humaines, techniques ou immatérielles
qui sont consommées par les activités de l’entreprise.
• Or, ces ressources financières ont un coût, qui n’est pas nécessairement enregistré en
comptabilité générale à sa juste valeur : si les fonds empruntés par l'entreprise donnent
généralement lieu à des charges financières enregistrées en tant que telles en comptabilité
générale, l'entreprise bénéficie par ailleurs de fonds en provenance de ses fournisseurs,
d'autres prêteurs (notamment les propriétaires de l'entreprise lorsqu'ils s'engagent dans des
relations de compte-courant) et surtout des actionnaires de l'entreprise, dont le coût ou la
rémunération et surtout le taux de rémunération dépend de choix stratégiques et/ou
financiers effectués par les dirigeants de l'entreprise et, pour ce qui concerne les
actionnaires, de la volonté de l'assemblée générale des actionnaires de rémunérer ou non au
72
Généralement sous la forme d'une charge indirecte, rattachée le plus souvent au centre "Financement de
l'entreprise ».
73
Elles ne sont pas enregistrées en comptabilité générale parce que soit elles ne génèrent aucune sortie effective de
fonds hors de l'entreprise, soit elles ne se traduisent par aucune augmentation du patrimoine (et donc d'un poste de
l'actif du bilan) de l'entreprise.
56
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prix du marché (donc à une valeur économique normale) l'apport en capital à risque
effectué par ces actionnaires.
• Or, théoriquement, le coût de cette rémunération doit être déterminé en faisant usage de
modèles issus du domaine de la théorie financière de l'entreprise, généralement le modèle
du CAPM (Capital Asset Pricing Model) ; celui-ci postule que le taux de rémunération que
l'actionnaire est en droit d'attendre en contrepartie de son investissement sous la forme de
fonds propres (donc de capital risqué) dans l'entreprise est égal au taux de rémunération à
long terme d'un actif fixe sans risque, augmenté d'une prime de risque qui tient compte à la
fois du risque du marché et du risque pris en investissant dans une seule entreprise, aux
activités et aux facteurs de risque spécifiques (Cobbaut (1996) .
• Il importe dès lors d’inclure parmi les charges incorporables un montant de charge
supplétive, correspondant alors à la différence entre le coût de la rémunération normale des
capitaux (essentiellement des capitaux propres) mis à la disposition de l’entreprise et le
coût enregistré en comptabilité générale et réfléchi en comptabilité analytique par le biais
des charges incorporables courantes.
§ Dans le même ordre d’idée, la comptabilité analytique doit aussi refléter la véritable
consommation de ressources humaines au sein de l’entreprise.
• S’il veut que le système analytique comptable qu’il met en place dans l’entreprise reflète
parfaitement la structure des coûts et le niveau de consommation des ressources, en ce
compris celle constituée par son propre travail, il doit impérativement ajouter aux charges
incorporables une charge supplétive d’un montant équivalent au montant qu’il aurait
normalement dû percevoir en contrepartie de son propre travail s'il l'avait presté en tant que
salarié ordinaire de son entreprise.
• A défaut, le risque est grand de le voir proposer un prix au marché en étayant son
raisonnement économique sur base de coûts de revient qui ignorent, complètement ou
partiellement, la principale ressource consommée (et donc la principale source de coûts au
sein de l'entreprise), à savoir le temps de travail et les compétences de l'entrepreneur lui-
même !
Au plan comptable 74, l’acquisition d’un actif destiné à servir durablement aux activités opérationnelles de
l’entreprise fait l’objet d’une inscription à l’actif du bilan de l’entreprise, parmi les actifs immobilisés : il
74
Lorsque nous nous situons au plan comptable, nous faisons référence aux règles utilisées par la comptabilité
générale de l'entreprise pour donner une vision du fonctionnement de l'entreprise destinée à des observateurs situés
57
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devient donc un élément du patrimoine de l'entreprise destiné théoriquement à faire sentir ses effets pour
une période supérieure à l'année. Le coût de cette acquisition est ensuite pris en charge annuellement au
niveau du compte de résultats de l’entreprise par le biais d’un amortissement : celui-ci représente la
quote-part annuelle du coût lié à l’acquisition de l’actif de production auquel il est lié (enregistrement effectué
au coût d'achat historique, éventuellement réévalué durant la durée d'existence de cette acquisition en tenant compte
de prescrits comptables légaux stricts) et dépend donc théoriquement de la durée d’utilisation du bien estimée
lors de son acquisition. Cette durée d'utilisation dépend elle -même de la nature du bien acquis et est
généralement déterminée non pas en fonction de la durée de vie économique réelle du bien, mais en
fonction de la durée théorique qui ressort de la législation comptable, voire fiscale, et de ses textes
d'application au sens large (qu'ils soient d'origine comptable ou, surtout, fiscale).
Au niveau du système comptable interne, il est logique que le coût d’un outil de production fasse lui aussi
l’objet d’une prise en charge progressive, étalée sur toute la durée de vie économique du bien. A défaut,
seule la période comptable au cours de laquelle l'investissement a été réalisé assumerait sa charge, ce qui
donnerait une vision fort éloignée de la réalité de la vie économique de l'entreprise et se traduirait par des
données comptables à la volatilité élevée, les charges s'accroissant brutalement lors des périodes
d'investissement et se réduisant fortement lors des périodes de non-investissement.
§ la valeur de marché de l’outil de production utilisé : c’est ce montant en effet que l’entreprise devrait
débourser si l’outil devait être remplacé à un instant donné et c’est elle qui reflète la réelle valeur de
marché d’un bien à cet instant donné ;
§ la durée de vie économique réelle du bien, estimée sur base d’une part de l’examen de la vétusté et de
l’usure de l’outil et d’autre part de l’expérience de ses utilisateurs : cette durée de vie économique,
souvent exprimée sous la forme d'une durée de vie résiduelle, est donc déterminée indépendamment de
toute contingence comptable ou fiscale.
Il en résulte dès lors une charge, éventuellement évolutive 75 au fil des ans et dépendante à la fois de
l’évolution de la durée de vie résiduelle de l’outil et de sa valeur de marché. Cette charge sera généralement
intégrée en tant que charge fixe (ou de structure) liée à l’utilisation de l’outil de production sous-jacent et
prendra la place, au sein du système comptable interne, de la dotation aux amortissement prise en compte
par la comptabilité générale en tant qu’amortissement de cet outil de production : si la charge d'usage ainsi
calculée est supérieure à la dotation aux amortissements enregistrée en comptabilité générale, il y a alors
apparition d'une charge supplétive à ajouter aux charges analytiques incorporables au système de
comptabilité analytique ; dans le cas inverse, il naît alors une charge non incorporable .
En pratique, la difficulté posée par le calcul régulier d'une valeur d'usage pour chaque outil de production
utilisé au sein de l'entreprise (et donc la nécessité d'estimer à la fois une valeur de marché et une durée
d'utilisation résiduelle) conduit de nombreux responsables de systèmes d'information comptable à assimiler
en dehors de l'entreprise, alors que lorsque nous nous situons au plan du système comptable interne, nous faisons
référence aux règles utilisées à l'intérieur de l'entreprise pour nourrir en informations pertinentes tant la comptabilité
analytique que la comptabilité de gestion.
75
Le caractère évolutif au fil des ans de cette charge d'usage ne pose conceptuellement aucun problème au plan de la
comptabilité analytique, car les données que celle-ci intègre doivent avant tout refléter la réalité économique, alors
qu'il poserait davantage problème au plan de la comptabilité générale, régie par des prescrits réglementaires stricts.
58
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charge d'usage et dotation aux amortissements, considérant que la charge d'usage d'un outil de production
peut être approximée par la dotation aux amortissements qu'elle engendre en comptabilité générale.
Toutefois, le concept de charge d'usage se révèle largement préférable au concept d'amortissement
comptable dans 2 cas particuliers, où la dotation aux amortissements se révèle significativement inférieure
ou supérieure à la charge d'usage équivalente et où son utilisation conduirait à ignorer certaines réalités
économiques propres à la vie de l'entreprise :
§ le cas d'investissements anciens, parfois totalement amortis en comptabilité générale et ne répondant
pas aux conditions strictes de certitude et de durabilité qui conditionnent une éventuelle réévaluation
comptable de l'investissement (du point de vue de la comptabilité générale) mais toujours présents dans
l'entreprise et contribuant de manière significative à son activité quotidienne ;
§ le cas d'investissements de "haute technologie" ou à caractère informatique, dont la durée de vie
économique est souvent largement inférieure à la durée d'amortissement comptable permise et acceptée
par le Législateur (ainsi, de nombreux micro-ordinateurs sont encore souvent amortis comptablement
sur 3 années, alors que leur durée de vie économique réelle n'est que de 18 mois).
Mais un autre problème survient à ce stade : dans la mesure où le principe de l’annualité ne s’applique
généralement pas à la tenue du système comptable interne et où les montants de charge d’usage sont quant
à eux déterminés sur une base annuelle, il faut encore transformer ces montants, en les adaptant en
proportion à la périodicité réelle du système comptable interne.
Pour ce faire, on aura recours à la technique de l’ abonnement : elle consiste simplement à convertir
mathématiquement le montant de la charge d’usage en son équivalent adapté à la périodicité du système
comptable interne. Ainsi, si la périodicité du système comptable interne est mensuelle, le montant de
l’abonnement relatif à une charge d’usage sera divisé par 12, si la périodicité est trimestrielle, le montant
de l’abonnement relatif à cette charge sera divisé par 4 et ainsi de suite.
Notons encore :
§ Que cette technique de l’abonnement s’applique non seulement aux charges d’usage, mais aussi (et
surtout) à toutes les charges faisant l’objet d’une facturation dont la périodicité ne correspond pas à
celle du système comptable interne (les factures annuelles d’électricité, les factures trimestrielles d’affiliation
à une organisation professionnelle, … ) ,
Figure 7 : Un exemple de ‘Tableau des abonnements’ (périodicité comptable interne d’un mois)
Périodicité de la Valeur de
Charge concernée Montant à traiter
facture ou de la charge l’abonnement
Charge d’usage
12 000 000 Annuelle 1 000 000
« Machine 1 »
Charge d’usage
240 000 Annuelle 20 000
« Machine 2
Affiliation
150 000 Bimestrielle 75 000
professionnelle
59
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§ Que l’ensemble des charges qui doivent être soumises à l’application de la technique de l’abonnement
est généralement synthétisé en un tableau unique, appelé « Tableau des abonnements » (reproduit
en exemple à la Figure 7).
§ La première, la plus fastidieuse et la plus longue mais aussi la plus proche de la réalité économique de
l’organisation, consiste à identifier l’ensemble des objets de coûts dont le suivi s’avère pertinent pour
aider à la prise de décision dans l’entreprise et à identifier l’ensemble des consommations de ressources
normales et récurrentes induites par la conception, la production et la réalisation des objets de coûts
ainsi sélectionnés.
§ La seconde, la plus pratique à mettre en œuvre mais qui conduit vite à trahir la réalité économique de la
vie de l’entreprise pour lui privilégier une réalité purement comptable et/ou fiscale, consiste à identifier
les charges incorporables issues de la comptabilité générale de l’organisation, à y ajouter les charges
supplétives correspondant à une consommation de ressources rares réelles au sein de l’organisation et à
imputer ensuite l’ensemble de ces charges aux différents objets de coûts suivis, en utilisant l’une ou
l’autre des techniques de comptabilisation présentées dans la suite du présent ouvrage.
Quant à la réconciliation entre les charges incorporables de la comptabilité générale et les charges
incorporées en comptabilité analytique, elle se réalise comme suit :
+ Charges supplétives
- Charges supplétives
60
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Figure 8 : Le mécanisme de transfert des charges comptables incorporables vers le système analytique comptable
§ la première est une préoccupation de contrôle a posteriori de la bonne mise en oeuvre de décisions
passées prises dans l’entreprise (en termes à la fois de contrôle de la conformité par rapport au contenu même
des décisions et de contrôle de résultat ou d’impact de ces décisions sur les différentes composantes de
l’entreprise) et de mesure de l’impact d’événements passés émanant de l’environnement de l’entreprise
et ayant des conséquences sur son fonctionnement stratégique ou opérationnel : cette préoccupation est
donc marquée par la volonté de contrôler, d’analyser et de comprendre le passé ;
§ la seconde est une préoccupation de prévision et de planification a priori, liée à la volonté de gérer et
de maîtriser au mieux les conséquences des évolutions attendues, tant dans l’environnement de
l’entreprise qu’en son sein même : cette préoccupation est donc marquée par la volonté de gérer,
d’anticiper et de préparer le futur de l’entreprise.
La complémentarité de ces deux approches naît évidemment du fait que seule une compréhension optimale
du passé permet de gérer et d’anticiper le futur dans un contexte, rappelons-le encore, dominé par une
évolution toujours plus rapide et difficile à prévoir des multiples composantes de l’environnement de
l’entreprise : la question est alors de savoir, sur base des enseignements du passé et de notre maîtrise
limitée des évolutions futures que nous sommes capables de prévoir avec plus ou moins de certitude, quels
sont les choix stratégiques à opérer qui permettront de garantir à terme le potentiel de création de valeur de
notre entreprise ?
Cette volonté de comprendre et de contrôler le passé, d’une part, et de gérer et d’anticiper au mieux le futur
de l’entreprise, d’autre part, conduit dès lors à opérer une distinction forte entre coûts réels et coûts
préétablis.
61
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De ce fait, la plupart de ces coûts sont des coûts réels, qui peuvent être observés concrètement et mesurés
sur base d’indicateurs objectifs eux-mêmes observables.
Par nature, ces coûts ne peuvent être observés et mesurés qu’après que l’événement qui a provoqué la
consommation de ressources qu’ils reflètent se soit produit : un coût réel est donc inévitablement calculé
ex-post, dans une optique de contrôle de l’impact (à la fois en termes de consommation de ressources et en
termes financiers) d’une décision ou d’un événement particulier survenu dans le passé.
qui tous vont jouer un rôle crucial dans l’aide à la prise de décision au sein de l’entreprise.
La plupart des coûts réels auxquels l’entreprise est confrontée sont des coûts observés, à savoir des coûts
qui se matérialisent par une consommation effective de ressources techniques, humaines, immatérielles ou
financières et, généralement, par une sortie de fonds effective hors de l’entreprise qui traduit de facto la
consommation de ressources financières liée à toute consommation de ressources techniques, immatérielles
ou humaines.
Les coûts observés se caractérisent donc par deux éléments distincts, qui se combinent pour former
ensemble un coût observé :
v Un coût observé étant lié à une consommation effective de ressources, il est possible de mesurer
objectivement l’intensité de la consommation de ressources qui est à sa base, par exemple, le temps
passé à produire l’objet de coût, la quantité de matières consommée, … .
Ø L’entreprise doit donc avoir mis en place un système de récolte d’informations dédicacé à la
mesure de la consommation de ses ressources rares et destiné à alimenter le système comptable
interne.
76
Ils se traduisent donc, à un moment ou à un autre (en raison d'effets de décalages liés par exemple à l'obtention de
délais de paiement), par une sortie de fonds hors de l'entreprise et donc par un flux de trésorerie sortant (une
"dépense") qui diminue les soldes de trésorerie encore à la disposition de l'entreprise.
62
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Ø De plus en plus fréquemment, ces systèmes sont informatisés et automatisés, notamment pour tout
ce qui est lié à la récolte d'informations relatives à la consommation de ressources techniques
durant le processus de production (des instruments, tels que des capteurs ou autres, permettent souvent,
outre leurs fonctionnalités techniques initiales, d'alimenter en informations pertinentes et utiles le système
d'information interne de l'entreprise).
Ø Si ces systèmes ne sont pas automatisés, ils sont alors souvent remplacés par des procédures
manuelles de mesure, qui induisent dès lors également l'intervention humaine et des procédures
administratives souvent lourdes (établissement de bordereaux, tenue de feuille de temps, machine à
pointer, …) et vécues comme ennuyeuses et inutiles et donc respectées peu scrupuleusement au sein
de l'entreprise.
Ø Dans ce cas, le non-respect de ces procédures peut rapidement conduire à l'obtention de données de
base (surestimation ou sous-estimation des quantités consommées, surestimation des temps de travail, …)
erronées, qui conduisent ensuite naturellement à des calculs de coûts biaisés et donc à une prise de
décision sur base d'informations ne reflétant pas la réalité de la vie économique de l'entreprise.
Ø Il est clair que, dans ce cas, le système comptable interne ne remplit absolument pas sa mission
première et devient même un outil pervers qui, utilisé par certains à des fins personnelles de
renforcement de leur pouvoir et d'accroissement du volume des ressources placées sous leur
responsabilité, peut conduire à la perte de l'entreprise : le système comptable interne sert alors les
intérêts individuels de certains responsables de l'entreprise, au détriment de l'intérêt de la
collectivité et donc de l'entreprise dans son ensemble !
v Un coût observé se traduit aussi par une consommation de ressources financières réelles au sein de
l’entreprise, que ce soit au moment même de la consommation de la ressource 77 ou ultérieurement 78 : il
existe donc un document qui permet de certifier la valeur économique (donc la consommation de
ressources financières) liée à la consommation d’une ressource technique, immatérielle, humaine ou
financière au sein de l’entreprise.
Notons enfin que si les coûts observés sont tous des coûts réels, il existe toutefois des coûts réels qui ne
peuvent pas revêtir, pour des raisons conceptuelles, le caractère de coût observé : c’est par exemple le cas
des charges d’usage, qui reflètent certes une consommation effective de ressources au sein de l’entreprise
puisqu’elles sont associées de facto à des investissements qui sont utilisés quotidiennement dans
l’entreprise, mais dont la valeur est déterminée sur base d’anticipations et d’estimations 79 et n’est de ce fait
pas parfaitement objective.
La coexistence de coûts observés et de coûts non observés parmi les coûts réels de l’entreprise n’est pas
gênante en soi, car les uns et les autres sont le reflet d’éléments de la vie économique de l’entreprise.
L’utilisateur du système comptable interne doit toutefois être conscient du fait que la présence de coûts non
observés introduit de facto, dans les mécanismes de calcul des coûts qui seront utilisés en comptabilité
analytique et en comptabilité de gestion, une part de subjectivité qui, si elle devait prendre des proportions
importantes, enlèverait toute sa pertinence et son utilité au système comptable interne.
En théorie micro-économique, le coût marginal est défini comme étant le coût de la dernière unité
produite. Il correspond donc à l’augmentation de coût qui résulte, pour l’entreprise, de la réalisation de la
dernière unité et dès lors, mathématiquement, il s’exprime comme suit :
77
Le cas est relativement rare, sauf situation de paiement au comptant d'éventuelles ressources utilisées.
78
Lors du paiement des salaires du personnel, du paiement de la facture énergétique, de la facture d'achat des
matières premières … .
79
Anticipation de la durée de vie résiduelle de l’outil de production et estimation de sa valeur de marché.
63
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En comptabilité de gestion, le coût marginal est un concept tout aussi important et correspond à
l’augmentation ou à la diminution de coût liée à l’augmentation ou à la diminution d’une unité du niveau
d’activité de l’entreprise.
§ A l’évidence, ce concept est dès lors essentiellement utile dans le cas d’entreprises mono-produit, à
caractère industriel marqué. Or, les économies occidentales sont de plus en plus caractérisées par la
présence d’entreprises multi-produits, offrant une palette large de produits et de services : limiter le
concept de coût marginal au seul coût de production n’est dès lors guère pertinent, ce qui explique
l’extension du concept au cas du coût total. Le coût marginal fait donc référence de plus en plus
fréquemment à l’augmentation du coût total 80 induit par l’augmentation d’une unité du niveau
d’activité de l’entreprise : encore faut-il, évidemment, que ce niveau d'activité soit mesurable par un
indicateur physique qui puisse être exprimé objectivement, ce qui est le cas heureusement de la plupart
des produits (mesurables en unités vendues, en volume écoulé, …) et des services (mesurables par exemple en
nombre de conseils donnés, en temps consacré au conseil, en temps d'intervention dans l'entreprise, …).
Notons que ce concept de coût marginal correspond à un coût réel observé, puisqu’il satisfait aux critères
contenus dans la définition de ce type de coût, mais qu’il est aussi et surtout utilisé dans une perspective
d’aide à la prise de décision, orientée quant à elle vers le futur de l’entreprise.
Il est ainsi tout particulièrement utilisé lors de la préparation d’une décision d’abandon de produit ou de
client ou lors de la décision de lancement d’un nouveau projet. Le coût marginal devient alors un coût
évitable, que l'entreprise ne subit plus lorsqu'elle décide d'abandonner un produit ou de réduire le niveau
de sa production.
Ce concept de coût marginal évitable est aussi celui que l'entreprise utilisera dans sa réflexion de marketing
stratégique lorsqu'elle examinera si il faut ou non satisfaire la demande d'un client particulier, voire s'il faut
abandonner le service d'un client. Accepter les demandes de tous les clients qui se présentent n'est en effet
pas une décision créatrice de valeur lorsque le coût engendré par la volonté de rencontrer les attentes de ce
client est supérieur au prix accepté par ce client.
v En intégrant la dimension "temps" : à court terme, un client peut ne pas être rentable, mais le devenir à
long terme,
Ø car son service à court terme implique peut-être des coûts élevés dus à la réalisation
d'investissements spécifiques ou nécessite un temps d'adaptation permettant l'apparition d'effets
d'économies d'échelle progressifs,
Ø et car la relation de confiance qui se noue peu à peu avec le client débouche sur un éventail
d'affaires élargi, qui englobe d'autres produits ou services créateurs d'une valeur élevée,
80
Aussi fréquemment assimilé au coût complet.
64
C H A P I T R E 2
Notons enfin que l’estimation du coût marginal ne peut pas ignorer la dimension « temps » :
v A court terme, lorsque le niveau de production ou d’activité de l’entreprise n’est pas saturé, le coût
marginal s’assimile au coût variable unitaire lié à la réalisation d'une unité supplémentaire et son calcul
est donc relativement aisé.
v A long terme, lorsque le niveau de production ou d’activité de l’entreprise risque d’être saturé, il faut
naturellement intégrer au raisonnement le montant des investissements (et donc les charges fixes
additionnelles auxquelles ils vont donner lieu) nécessaires pour rendre possible l’augmentation du niveau
d’activité de l’entreprise : l’assimilation pure et simple du coût marginal et du coût variable unitaire
n’est alors plus possible.
Ø Ainsi, si l'entreprise produit actuellement 8.000 unités grâce à une infrastructure permettant de
produire 10.000 unités, la question de savoir à quel coût marginal se produira une commande
additionnelle de 1.000 unités et donc quel niveau de prix proposer au client s'assimile à un simple
raisonnement en termes de coût variable unitaire : quel est le montant de charges variables
nouvelles qui sera induit par la réalisation de cette nouvelle commande et quel prix puis-je dès lors
proposer au client pour couvrir à tout le moins ce montant de charges variables ?
Ø Mais si la question est de savoir quel sera le coût marginal lié à l'obtention d'un contrat de
production additionnel de 6.000 unités à un horizon de 3 ans, il faudra naturellement intégrer au
raisonnement le montant de charges fixes induit par la réalisation des investissements nécessaires à
l'augmentation de la capacité de production de l'entreprise et lié essentiellement aux charges
d'usage dues aux outils de production additionnels, à leur entretien récurrent et au coût salarial du
personnel dédicacé à cet outil et qui doit encore être engagé dans les liens d'un contrat de travail.
Ø Notons encore que l'analyse ne se limitera pas au simple calcul du coût marginal lié à l'acceptation
de cette nouvelle commande, mais qu'elle impliquera également que le comptable de gestion
fournisse aussi des données comptables précises permettant de savoir si il ne serait pas plus
rentable pour l'entreprise de sous-traiter une partie de la commande, voire s'il ne serait pas
simplement préférable de la refuser car elle ne crée pas de valeur nouvelle pour l'entreprise.
Les coûts éteints, référencés sous le nom de "Sunk Costs" dans la littérature anglo-saxonne, sont des
coûts réels exposés dans l’entreprise dans le passé et devenus irréversibles car ils ont occasionnés une sortie
de fonds elle -même irréversible et souvent importante hors de l’entreprise.
Provoqués généralement par la réalisation d’investissements ayant une vocation de long terme, ils
apparaissent :
v Soit lorsque les outils ou investissements qui les ont provoqués ne sont plus utilisés au sein de
l’entreprise : l’outil acquis ne débouche plus sur la réalisation d’une quelconque production (donc il n’y
plus de création de valeur) , mais les montants engagés dans le passé pour la réalisation de ces
investissements ne sont pas encore totalement amortis et/ou le maintien en état de fonctionnement de
cet outil continue à générer des coûts additionnels (entretien, assurance, …).
65
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v Soit lorsque ces outils débouchent sur la réalisation d’une production dont l’écoulement sur un marché
est incertain car le marché n’existe pas encore ou car les procédés ou le processus technologique
débouchant sur la conception même du produit ne sont pas encore maîtrisés ou stabilisés. Tel est le cas
de la plupart des investissements en Recherche & Développement propres à certaines activités
industrielles à forte intensité technologique 81 ou de certains investissements à caractère marketing 82.
Ø Les coûts éteints jouent notamment un rôle crucial dans la préparation de la décision de lancement
de produits ou services issus de la R&D.
Ø L'idée dominante (Kaplan, Cooper, 1998) est que cette R&D engendre des frais généralement
importants que l'entreprise ne peut que assumer, indépendamment de ce qu'elle réalise avec les
résultats de cette R&D. Dans cette optique, la décision de lancement de nouveaux produits et
services ne peut dépendre que de facteurs contingents à caractère stratégique et/ou commerciaux,
tels que la taille du marché visé, l'importance des coûts de production et de distribution, l'ampleur
des investissements de production à réaliser, et ne dépend aucunement de frais de R&D qui, de
toute façon, sont irréversibles (et qui trouvent, fondamentalement, leur origine dans l'impérieuse
nécessité, pour l'entreprise, de développer constamment des savoirs et des compétences qui permettront
d'assurer, à terme, la pérennité de l'entreprise).
L'ensemble des coûts amortissables liés à la réalisation d'un investissement (frais d'études, frais de Recherche
& Développement, dépenses d'investissement, honoraires d'architectes ou d'experts extérieurs, …) est donc
susceptible de revêtir le caractère de coût éteint.
Ces coûts revêtent une importance particulière dans le domaine de la comptabilité de gestion lors de la
préparation de multiples décisions de gestion :
§ faut-il les incorporer aux coûts opérationnels courants pris en compte dans l’analyse, même s’ils n’ont
été subis qu’une seule fois et sont d’une importance relative comparativement élevée par rapport aux
autres coûts ?
§ faut-il les exclure de l’analyse, du fait qu’ils ont de toute façon été encourus dans le passé et que
l’entreprise devra de toute façon les assumer 83, qu’ils débouchent ou pas sur une production créatrice
de valeur ?
Là réside essentiellement l’importance de l’identification des coûts éteints subis par l’entreprise et là réside
une question toujours débattue avec intensité dans la littérature spécialisée.
Les coûts joints sont des coûts réels, souvent difficilement observables, qui sont propres aux processus de
production complexes tels que ceux que l'on rencontre dans l'industrie chimique, l'industrie
pharmaceutique, l'industrie de transformation d'une matière première (bois, lait, …), voire dans certaines
activités de service (telles que le conseil en stratégie ou en systèmes d'information).
Conceptuellement, ils englobent tous les coûts communs d’un processus de production ou de fabrication
qui aboutit in fine à l’obtention simultanée de différents produits ou services :
81
Telles que les activités de bio-technologie, de recherche pharmaceutique, de développement informatique, de
construction de grands ensembles industriels, de téléphonie mobile … .
82
Etudes de marché, campagnes intenses de promotion préalables au lancement de nouveaux produits ou à la
pénétration de nouveaux marchés, ….
83
Les dirigeants de l'entreprise devront surtout assumer, devant leurs actionnaires, la responsabilité des décisions qui
ont conduit à la réalisation des investissements non productifs, à l'origine des seuls coûts éteints véritablement
problématiques dans une optique de contrôle de gestion (en l'occurrence de contrôle de gestion stratégique).
66
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§ et qui possèdent une valeur de marché intrinsèque, née à la fois de l’existence d’un marché pour ces
produits et d’une valorisation non négligeable de ces produits par ce marché.
La production de beurre allégé, par exemple, aboutit en cours de processus de fabrication à l'obtention de
matières grasses, qui peuvent être collectées et vendues en tant que produit autonome sur un marché qui
leur attribue une valeur non négligeable : tous les coûts subis tout au long du processus de fabrication du
beurre allégé jusqu'à la séparation du beurre et des matières grasses possèdent les caractéristiques des coûts
joints, à savoir le caractère de coûts directs de production à la fois du beurre et des matières grasses,
répartis sur ces deux productions selon une clé de répartition basée idéalement sur un fondement technique
(par exemple les taux de consommation de certaines matières premières, des volumes produits, …).
Logiquement, dès que les produits deviennent clairement identifiables et autonomes, les coûts joints
disparaissent en tant que tels et font place aux coûts directs de production traditionnels (par rapport à leur
objet de coût respectif).
Le concept de coût joint s'avère de ce fait d'une importance capitale lors de l'élaboration ou de la tenue d'un
système de comptabilité de gestion dans les secteurs caractérisés par des processus de production
complexe, car une mauvaise identification ou une estimation inadéquate de ces coûts peut déboucher sur le
calcul de coûts intermédiaires ou de coûts de revient totalement erronés, faussant de ce fait la prise de
décision au sein de l'entreprise.
Induit par le caractère rare 84 et souvent non divisible 85 des ressources, le coût d’opportunité peut aussi être
assimilé au coût du renoncement lié à la réalisation d’un choix particulier : il correspond en effet au
supplément de valeur par rapport à la valeur effectivement créée par le choix effectué auquel on renonce
implicitement du fait que l’on affecte un ensemble de ressources humaines, techniques, immatérielles et
financières rares à un usage bien particulier et non à un autre. De ce fait, il ne traduit aucune
consommation de ressources au sein de l'entreprise et ne se traduit donc pas par une sortie de trésorerie hors
de l'entreprise : il n'apparaît donc jamais dans la comptabilité générale de l'entreprise.
Logiquement, le coût d’opportunité est un coût réel mais qui n’est pas observable, même s’il peut être
estimé ex ante, en s'appuyant à la fois sur l'expérience présente dans l'entreprise et sur un système
d'information particulièrement développé, et mesuré parfois ex post, si l'entreprise parvient à obtenir les
informations nécessaires pour le mesurer, ce qui n'est pas forcément évident.
Notons encore que le choix à la base du coût d'opportunité (et donc que le coût du renoncement auquel il
donne lieu) est effectué généralement dans un contexte d’incertitude et de risque élevé, en intégrant :
84
S'il n'y a pas de limite à la disposition de ces ressources, le problème du coût d'opportunité ne se pose plus,
évidemment.
85
Il est par exemple difficile, pour un individu, de consacrer simultanément sa force de travail (son temps de travail)
et ses compétences à deux activités exercées simultanément !
67
C H A P I T R E 2
§ d’une part l’ensemble des contraintes opérationnelles et surtout stratégiques qui pèsent, au moment de
la prise de décision, sur l’entreprise et sur son environnement,
§ et d’autre part l’incertitude et le risque lié à un niveau d’information imparfait sur l’état du présent et
du futur : en effet, au moment de sa prise de décision, le décideur ne dispose généralement que d’une
infime partie de toutes les informations qui seraient nécessaires pour effectuer à coup sûr le meilleur
choix qui soit, compte tenu de toutes les alternatives présentes possibles et de toutes les évolutions
futures possibles.
Or, plus ce niveau d’incertitude et de risque est élevé, et plus le coût d’opportunité potentiel d’un choix,
pour l’entreprise, est élevé. Ceci implique dès lors que toute information crédible, utile et pertinente
susceptible d’alimenter le système d’information de l’entreprise (et donc aussi son système d’information
comptable) réduit cette incertitude et donc le niveau du coût d’opportunité.
Il est dès lors logique que toute information comptable permettant de mesurer les modifications du niveau
d’un coût prévisionnel 86 futur en fonction de différentes alternatives possibles soit jugée utile pour aider
à la prise de décision. Un coût n'est donc clairement pas lié obligatoirement à un fait ou à une action à
mener : "accomplir ou ne pas accomplir tel acte", faire soi-même ou sous-traiter, engager du personnel ou
recourir à du personnel intérimaire, investir ou louer … est aussi une question liée à un problème de gestion
nécessitant une prise de décision et donc un choix, basé sur des informations pertinentes exprimées
notamment en termes de coûts.
A côté de la simple mission de contrôle a posteriori à laquelle certains ont parfois trop vite tendance à
vouloir les limiter, la comptabilité analytique et la comptabilité de gestion doivent donc alimenter le
système d'informations comptables en informations qui aideront effectivement à cette prise de décision !
Dans ce contexte, il est dès lors évident que le système d’information comptable et que les informations
relatives au comportement des coûts qu’il intègre constituent un instrument indispensable dans une optique
de planification ou de budgétisation du futur de l’entreprise :
Ø pour mettre en évidence un ensemble de choix stratégiques à l'égard desquels il faut prendre
position sous peine de voir l'offre de produits et de services de l'entreprise ne plus correspondre aux
attentes du marché et aux caractéristiques de son environnement,
86
Le présent ouvrage étant dédicacé à la comptabilité analytique et à la comptabilité de gestion, nous n'entrons pas
dans le détail des processus organisationnels et fonctionnels qui conduisent à l'élaboration, à la validation et à la
mise en oeuvre des budgets dans les organisations et nous renvoyons le lecteur intéressé par ces aspects aux
approches de Gervais (2000), De Rongé (1998) et Anthony et Govindarajan (1998).
68
C H A P I T R E 2
Ø et pour organiser la réalisation et la mise en oeuvre effective des choix stratégiques effectués et des
décisions opérationnelles que ces choix impliquent.
v Le concept de budgétisation recouvre quant à lui globalement l'ensemble des procédures et des
mécanismes mis en place par les dirigeants de l'entreprise pour traduire sous forme chiffrée et
généralement exprimée sous une forme monétaire :
Ø et les résultats qu'ils sont supposés avoir, à nouveau compte tenu des informations disponibles au
moment de l'établissement des budgets 87.
Le processus de budgétisation s'intègre généralement au sein du processus plus vaste de planification, dont
il constitue souvent la phase terminale.
Appliqué à l'ensemble de l'entreprise comme, de manière plus détaillée, à l'ensemble de ses composantes
essentielles ("Business Units", départements, fonctions, services ou autres, compte tenu de la structure
organisationnelle adoptée) , le processus de budgétisation porte généralement sur un horizon de temps plus
court (de 1 à 3 ou 5 ans selon les caractéristiques de l'entreprise et surtout son environnement sectoriel) que le
processus de planification, qui peut porter jusqu'à un horizon de 10 ou 20 années 88.
Notons encore que tant le processus de planification stratégique et opérationnelle que le processus de
budgétisation constituent des préoccupations essentielles relevant non seulement de la gestion stratégique
de l'entreprise, mais aussi du contrôle de gestion : nous nous limitons toutefois, dans le cadre du présent
ouvrage, aux aspects analytiques et comptables de ces processus et renvoyons à nouveau le lecteur intéressé
par une approche plus comportementale et organisationnelle de ces phénomènes aux ouvrages de Anthony
et Govindarajan (1998), Gervais (2000) ou De Rongé (1998).
Tout budget ou toute planification budgétaire repose inévitablement sur une prévision de recettes et de
coûts portant sur un horizon de temps plus ou moins long.
Si l’estimation des recettes est généralement faite en tenant compte de prévisions issues de la confrontation
d’une étude de marché sérieuse et d’une étude d’évolution sectorielle rigoureuse d’où sont inférés un
ensemble de scénarii de ventes, l’estimation des coûts repose quant à elle traditionnellement sur trois
approches différentes :
§ La première consiste à tenir compte de l’historique des coûts rencontrés dans le passé par l’entreprise
et, faisant l’hypothèse que le passé a de grandes chances de se reproduire, à estimer les coûts futurs sur
base de ces coûts historiques, généralement ajustés pour tenir compte des perspectives d’inflation.
87
Le budget s'assimile alors souvent à la partie comptable et/ou chiffrée d'un "plan d'affaires" ou "Business Plan".
88
Dans ce cas, les prévisions et la planification à très long terme qui en découle relèvent du champ spécifique de la
prospective, discipline basée essentiellement sur un système de veille informationnelle élaboré et sur l'analyse de
scénarii prospectifs portant sur l'évolution prévisible de l'environnement micro- et macro-économique de l'entreprise
à très long terme.
69
C H A P I T R E 2
d’expertise ou des expériences passées. Les niveaux de coûts atteints par le passé sont alors, pour
chaque poste budgétaire considéré, corrigés d’un niveau de marge à la hausse ou à la baisse, justifié par
des arguments concrets et choisi théoriquement d’un commun accord 89 par les différents acteurs
impliqués dans l’élaboration du budget (ce système est parfois baptisé "Cost-Plus System" dans la
littérature anglo-saxonne).
§ La troisième, plus rigide, consiste à faire des coûts passés et surtout de leur origine une norme, un
« standard » qui doit se reproduire dans le futur, donnant ainsi naissance à un « coût standard » qui
doit se reproduire dans le futur en fonction du niveau atteint par les paramètres (généralement, un niveau
de volume de ressources consommé et un niveau de prix représentatif du coût unitaire de la ressource) à
l’origine de ce coût.
Elle permet :
§ de détecter des consommations excessives de ressources rares ou, au contraire, de constater une
accumulation de ressources non utilisées et qui pourraient éventuellement trouver ailleurs un usage
davantage créateur de valeur ;
§ de mesurer la capacité de l’entreprise à anticiper le futur et les changements qui apparaissent dans son
environnement : un contrôle budgétaire qui laisse apparaître de manière récurrente des écarts
budgétaires importants met inévitablement en exergue la difficulté pour l’entreprise de mesurer
correctement les conséquences des changements survenus dans son environnement et de les traduire
dans des stratégies dont les effets budgétaires sont correctement appréhendés;
§ de mettre en jeu des responsabilités au sein de l’entreprise, faisant ainsi du budget un outil additionnel
placé indirectement dans les mains des responsables de la gestion des ressources humaines pour
mesurer la performance des acteurs de l’entreprise.
Schématiquement 90, ce contrôle vise à mettre en évidence, au niveau du budget global et pour chacune de
ses composantes essentielles, un écart budgétaire total et les origines de cet écart, généralement décomposé
en un « écart sur prix », un « écart sur quantité » et un « écart mixte »91.
Cette approche repose sur l'hypothèse traditionnelle, mais parfois simpliste, que tout poste budgétaire naît
du volume (une quantité) de consommation d'une ressource ou d'une combinaison entre le volume de
ressources consommé et le prix payé en contrepartie de l'utilisation de cette ressource :
89
On comprend donc aisément que le calcul de ce niveau de marge peut faire l'objet d'une lutte de pouvoir intense au
sein de l'entreprise,
- dès lors que les personnes impliquées dans le processus budgétaire jouent le rôle tantôt de contrôleur, tantôt de
contrôlé, faisant naître des "relations d'agence" complexes liées au fait que contrôleurs et contrôlés ne se voient
pas assigner nécessairement les mêmes buts,
- et dès lors que des responsabilités, tant en termes de pouvoir de décision que de contrôle, sont associées aux
différents postes budgétaires négociés et que des paniers de ressources humaines, techniques, immatérielles et
financières y sont souvent associés.
90
Pour une présentation très détaillée de la multitude d'écarts budgétaires qu'il s'avère parfois pertinent de calculer,
voir De Rongé (1998), Gervais (2000) ou Anthony et Govindarajan (1998).
91
Parfois appelé aussi "écart sur prix et quantité".
70
C H A P I T R E 2
§ Ainsi, dans le cas du poste budgétaire "Promotion et publicité", le niveau atteint par ce poste
budgétaire dépend du nombre de campagnes promotionnelles lancées et du "prix" de chacune de ces
campagnes (en fait de leur coût total, qui dépend lui-même du volume de ressources humaines, techniques et
financières que chaque campagne a elle-même consommées) .
§ Limiter son analyse à ce stade est souvent trop limité et conduit fréquemment à constater des
évidences lors du contrôle budgétaire. Dès lors, l'analyse est généralement prolongée par une analyse
des écarts budgétaires menée pour chacun des composants essentiels du poste analysé. Ainsi, dans le
cas de notre poste budgétaire "Promotion et publicité", les principales composantes du coût de ce
poste (donc les principales ressources consommées) sont, par exemple, du temps de travail, le recours
à des médias extérieurs et le recours à des graphistes extérieurs à l'entreprise : chacune de ces trois
composantes peut dès lors faire l'objet, dans la perspective d'une véritable gestion stratégique des
coûts, d'une décomposition en un "écart sur prix", un "écart sur quantité" et un "écart-mixte".
Mathématiquement, cette analyse d’écart s’exprime comme suit :
ET = EQ + EP + EM,
avec ET l’écart total, EQ l’écart sur quantité, EP l’écart sur prix et EM l’écart mixte, chacun de ces écarts
pouvant être positif ou négatif, ce qui explique qu'un écart positif peut être dû tout autant à des écarts sur
prix et sur quantités positifs qu'à la conjonction d’un écart sur quantité négatif ("nous avons consommé moins
de ressources") et à un écart sur prix négatif ("mais nous avons dû payer ces ressources plus chères que prévu").
Ps
Ps Qs
Ecart sur
Montant budgété quantité
Q
Qs Qr
Plus précisément encore et par convention, la mesure des écarts peut s’effectuer comme suit:
avec
Pr et Qr les prix et quantités réellement rencontrés au cours de la période budgétaire analysée, Ps et Qs les
prix et quantités standards conventionnels qui furent utilisés pour réaliser le budget,
71
C H A P I T R E 2
(Pr*Qr - Ps*Qs) l’écart total ET mesuré entre le montant réel rencontré (Pr*Qr) et le montant initialement
budgété (Ps*Qs) 92,
(Qr-Qs) * Ps l’écart sur quantité EQ (mesuré donc par rapport au prix standard)
(Pr-Ps) * Qs l’écart sur prix EP (mesuré donc par rapport à un volume standard)
Graphiquement, l’analyse des écarts, reproduite à la Figure 9, est encore plus significative.
Enfin, soulignons que les coûts préétablis constituent également un élément d'information comptable
essentiel lors de l'évaluation préalable de la valeur des investissements projetés par l'entreprise 93.
En effet, tout choix financier, dans une entreprise comme dans une économie, doit se référer à une
évaluation financière qui tient compte de la valeur temporelle de l’argent, unité de mesure des ressources
financières rares utilisées par l'entreprise. De ce fait, il est clair que, si l’appréciation de la valeur d'un
investissement peut faire intervenir des valeurs actuelles ou des valeurs futures des flux de ressources
monétaires concernés par cet investissement, il doit en toute logique être équivalent de raisonner en termes
de valeur future ou en termes de valeur actuelle 94.
2.2.1.2.3.1. Le rendement actuariel d’un investissement
Investir signifie que l’on dépense aujourd’hui de l’argent (le capital investi) en vue de recevoir plus tard,
étalées sur un certain nombre d’années, des recettes dont on espère qu’elles seront au total plus importantes
en valeur que la dépense consentie aujourd’hui.
Financièrement, le problème consiste donc à actualiser les recettes futures attendues de l'exploitation d'un
investissement et à comparer cette valeur actuelle au montant de la dépense actuelle d’investissement :
logiquement, si la valeur actuelle des recettes futures attendues est supérieure à la valeur du capital investi,
l’investissement est jugé globalement rentable.
Soit les notations suivantes :
I est le montant du capital investi (au temps 0)
n est la durée de vie de l’investissement
i est le taux d’intérêt
Ft est le flux de recettes (ou de revenus) attendu au temps t (pour t=1,2, ...,n)
VA est la valeur actuelle (ou actualisée) des flux de revenus attendus pendant n années.
92
Par convention, un écart positif entre le montant observé (Pr*Qr) et le montant budgété (Ps*Qs) traduit une sur-
consommation de ressources financières par rapport à ce qui était budgété, ce qui se traduit le plus souvent par les
expressions "dépassement budgétaire" et "écart défavorable sur budget".
Inversement, un écart négatif entre le montant observé (Pr*Qr) et le montant budgété (Ps*Qs) traduit une sous-
consommation de ressources financières par rapport à ce qui était budgété, ce qui se traduit par l'apparition d'un
"écart favorable sur budget".
93
Pour une présentation plus détaillée des enjeux et des difficultés liés à l'évaluation financière des investissements,
voir Cobbaut (1996).
94
Autant par convention que par confort psychologique, on choisit presque toujours de déterminer la valeur actuelle
d'un investissement.
72
C H A P I T R E 2
∑ ( 1+ i ) Ft
I0 = t
t =1
Ce taux r désigne le taux de rendement actuariel de l’investissement 95.
Si ce taux r est supérieur ou égal au taux d’intérêt à long terme offert sur les marchés financiers,
l’investissement est jugé rentable et acceptable. Par ailleurs, face à deux projets d’investissement
concurrents, on choisira celui qui présente le T.I.R. le plus élevé, pour autant naturellement qu’il soit
supérieur à ce taux du marché.
2.2.1.2.3.2. Le taux d’intérêt, le risque et le principe d’évaluation financière
Dans la logique de choix des investissements que nous avons présentée jusqu’à présent, nous avons
préconisé d’utiliser le taux d’intérêt i en vigueur sur le marché des capitaux, tantôt comme taux
d’actualisation pour déterminer la valeur actuelle nette, tantôt comme norme à laquelle il fallait comparer le
taux de rentabilité interne.
95
En finance d’entreprise, on l’appelle taux interne de rentabilité (T.I.R.) de l’investissement.
73
C H A P I T R E 2
Néanmoins, nous avons feint d’ignorer l’effet que le risque et sa rémunération pouvait exercer sur le taux
d’intérêt. Or, cet effet n’est pas négligeable et nous nous proposons d’y réfléchir quelques instants, en
abordant deux considérations successives :
1. L’adjonction d’une prime de risque au taux d’intérêt pur : rappelons que le taux d’intérêt pur
représente uniquement, au plan purement économique, la rémunération de l’abstention de consommer liée
au fait que le prêteur renonce, pendant la durée du prêt, au pouvoir de consommation lié aux ressources
financières rares qu'il accepte de prêter. Dès lors, le taux d'intérêt nominal lié à ce prêt doit
conceptuellement incorporer une prime, appelée alors "prime de risque", dès que le prêteur estime que
l’allocation de son épargne à des investissements productifs ou même à des placements financiers
s’expose à des risques.
2. L’incidence de l’inflation sur le taux d’intérêt : Le responsable financier est logiquement préoccupé par
la manière d’incorporer l’inflation dans ses raisonnements, dans ses prévisions et dans ses choix : en fait,
l’inflation est pour le responsable financier un facteur de risque, non pas parce que l’inflation existe ou
peut exister ou parce qu’elle est attendue à tel niveau réputé dramatique, mais bien parce que son niveau
même est un pari sur l’avenir et qu’il faut tenir compte du fait que le taux d’inflation prévisionnel est une
variable aléatoire. Pour ce faire, il doit être attentif à deux éléments :
a. La relation entre le taux d’intérêt réel, le taux d’inflation et le taux d’intérêt nominal :
Economiquement, l’inflation est tout simplement un phénomène de hausse des prix dans le temps,
qui se traduit très concrètement dans l’évolution des indices de prix à la consommation.
P1 =1+ d
P0
où P0 et P1 désignent le niveau des prix respectivement au temps 0 (début d’année) et au temps 1
(fin d’année).
Dans la réalité, un taux d’intérêt fixé aujourd’hui et portant sur un horizon de temps plus ou moins
lointain est destiné théoriquement notamment à protéger la valeur de l’argent investi contre
l’érosion du temps : il comporte de ce fait une prime d’inflation. Les taux d’intérêt en vigueur sur
le marché des capitaux sont dès lors des taux d’intérêt nominaux ou des taux exprimés en francs
nominaux ou courants et par déduction, on comprend alors aisément qu’un taux d’intérêt
dépouillé de toute anticipation inflationniste soit appelé un taux d’intérêt réel ou taux d’intérêt
exprimé en francs constants.
Cette analyse qualitative permet d’établir la relation fondamentale suivante :
(1+in)=[(1+ir )*(1+d)] ,
où in et ir désignent respectivement le taux d’intérêt nominal (avec inflation) et le taux d’intérêt
réel (sans inflation) 96.
Par ailleurs, il est important de comprendre que :
- considérée comme un risque, l’inflation justifie une prime de rendement ou de rémunération qui
vient s’ajouter au taux d’intérêt pur ;
- au-delà, le taux nominal est encore majoré d’une prime pour tenir compte cette fois du risque lié
à l’incertitude des flux de revenus futurs.
96
Bien entendu, la logique exactement inverse s’applique pour déterminer le taux d’intérêt réel si l’on connaît à la
fois le taux d’intérêt nominal et le taux d’inflation prévisionnel :
(1+in )
(1+ir )= .
(1+d)
74
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b. L’inflation et le choix des investissements : Pour autant que tous les éléments qui interviennent
dans un calcul de rentabilité soient soumis au même taux d’inflation, il est indifférent d’adopter
un raisonnement en francs constants ou en francs courants, à condition que la logique d’analyse
soit cohérente. Ce principe de cohérence et de convergence des deux approches n’est toutefois
pas aisément applicable à l’échelle d’une entreprise car, dans la réalité, les éléments de flux ne
subissent généralement pas les mêmes taux d’indexation. Il est dès lors préférable d’évaluer la
rentabilité d’un investissement par un raisonnement en francs courants.
En conséquence, le taux d’actualisation qui sera dans les faits utilisés lors de la mise en œuvre du critère de
la Valeur Actualisée Nette sera un taux k, intégrant à la fois un taux d’intérêt de marché nominal protégeant
la valeur de l’investissement du phénomène de l’inflation et une prime de risque, dépendante à la fois de la
prime de risque offerte au même instant sur les marchés financiers pour des investissements risqués et du
risque propre à l’investissement considéré.
n
VAN =−I 0 +∑ Ft
t =1
(1+k)t
En pratique, ces cash-flows futurs intègrent à la fois les résultats d'exploitation générés par l'investissement
(total des produits d'exploitation générés par l’investissement – total des charges d'exploitation induites par
l’investissement), augmentés des charges non décaissées y afférentes (à savoir les dotations aux amortissements,
les réductions de valeur actées et les provisions pour risques et charges induites globalement par l'investissement).
Ils sont calculés sur base de coûts et de recettes préétablis et sont déterminés :
§ d'une part, sur base des données recensées par le système d'information comptable et relatives à des
investissements similaires, réalisés dans le passé dans des conditions économiques et dans un
environnement concurrentiel et stratégique relativement semblable ;
§ d'autre part, sur base de l'expérience présente dans l'entreprise et mise au service de l'analyse des
scénarii d'évolution de l'investissement les plus susceptibles de se produire.
Généralement, toutefois, il est possible d’associer des probabilités de réalisation aux scénarii les plus
susceptibles de se faire jour, permettant ainsi d’associer des probabilités de réalisation tant aux flux de
revenus futurs attendus d’une décision ou d’un investissement qu’aux coûts attendus générés par cette
même décision ou investissement.
Le modèle d’analyse sous-jacent à la prise de décision dans un tel contexte d’incertitude et de risque (Drury,
2004) comprend généralement 5 étapes :
75
C H A P I T R E 2
1. D’abord, face à toute prise de décision, il s’agit logiquement d’identifier clairement les différents
types de décision possibles (les choix résultants de la décision) : « faire ou ne pas faire », « réaliser
soi-même ou sous-traiter une activité », « vendre ou conserver un actif » sont ainsi des exemples de
décisions dichotomiques, alors que « engager X, Y ou Z » est un exemple de décision comportant 3
types de décisions finales possibles.
2. Ayant identifié les différents résultats possibles d’une décision à un instant futur donné (ses
différents « états »), il s’agit ensuite d’identifier les différents scénarii possibles susceptibles de
mener à chacun de ces résultats (identifier les différents « états de la nature » susceptibles de
conduire à ces résultats).
3. Ensuite, pour chaque « état de la nature » liés à chaque résultat possible, il s’agit de lister les
différents états possibles, identifiant ainsi les différents scénarii auxquels le décideur est confronté.
4. Chaque scénario se voit alors appliquer un calcul de valeur actualisée nette, sur base des
anticipations de résultats et de coûts qui lui sont propres.
5. Enfin, une décision est prise, visant à prendre la décision dont les scénarii de réalisation possibles
conduisent globalement, sur base des probabilités associées à chacun de ces scénarii, à la valeur
actualisée nette la plus élevée possible.
Dans ce contexte, l’utilisation des arbres de décision s’avère souvent un artifice utile pour aider à la prise
de décision et permettre le choix de l’alternative débouchant sur la valeur actualisée nette la plus élevée.
Notre société Wood Construct envisage de développer et de commercialiser une nouvelle gamme de
fenêtres accumulant la chaleur. Les coûts de développement estimés sont de 180 000 €, mais la probabilité
que l’effort de R&D soit un succès n’est que de 75 %.
Par ailleurs, si le développement du produit est un succès, rien ne dit encore que le marché réagira
favorablement à ce nouveau produit. Sur base des analyses menées de manière anticipative auprès de
quelques clients « tests », il semble que, si le produit se commercialise vraiment très bien (probabilité : 40
%), il générera un cash flow d’exploitation de 540 000 € ; s’il se commercialise raisonnablement
(probabilité : 30 %), il générera un cash flow d’exploitation de 100 000 € mais s’il ne se commercialise
pas bien (probabilité : 30 %), il entraînera un cash drain (ou cash flow négatif) de 400 000 €.
Pour aider les dirigeants de l’entreprise dans leur prise de décision, le comptable de gestion établit l’arbre
de décision suivant :
76
C H A P I T R E 2
La prise de décision est ici unique : réaliser ou ne pas réaliser l’investissement, à savoir le développement
du nouveau produit. La prise de décision se fera donc par rapport à la valeur actualisée nette associée à
chacune des options possibles au moment de la prise de décision (donc en anticipant ici le risque et
l’incertitude de deux états aléatoires successifs futurs), le choix se portant sur l’option à la valeur
actualisée nette la plus élevée (en l’occurrence, la réalisation de l’investissement).
Deux états sont possibles : l’un survient après le développement du produit (échec ou réussite), l’autre
survient après la confrontation avec le marché (franc succès, succès normal, échec). Les probabilités
associées à chaque résultat possible de chaque état conduit à associer à chacun d’eux une valeur
actualisée nette partielle, dont la somme correspond à la valeur actualisée nette du choix « entreprendre le
projet ».
77
C H A P I T R E 2
Les coûts contrôlables sont donc indubitablement associés à un « centre de responsabilités » 97, présent
de manière formelle ou informelle dans l’organisation générale de l’entreprise : lorsqu'ils sont
officiellement reconnus et légitimés par la structure de pouvoir de l'entreprise, ces centres de responsabilité
sont souvent intégrés dans la structure organisationnelle formelle de l'entreprise et ils revêtent alors
officiellement le statut de "Département", de "Service", de "Business Unit" ou autre vocable de ce type, qui
trahit souvent la conception organisationnelle qui sous-tend la culture de l'entreprise. Toutefois, certains
centres de responsabilité, parce que leur existence n'est que temporaire ou n'acquiert de l'importance qu'en
raison d'une évolution imprévue de l'environnement de l'entreprise, peuvent ne jamais se retrouver dans la
structure organisationnelle formelle d'une entreprise (c'est le cas, par exemple, d'une équipe de projet constituée
temporairement pour aider à l'implantation d'un nouveau système informatique au sein de l'entreprise et qui se voit
attribuer des moyens et des responsabilités, parfois importants, pour la durée du projet).
Quant aux coûts non contrôlables, ils ne dépendent, par définition, d’aucun centre de responsabilité
clairement identifié au sein de l’entreprise et, de ce fait, aucune action délibérée ne peut être exercée à leur
égard. Laissés sans contrôle réel au sein de l’organisation, ils risquent fort d’être déterminés
essentiellement par l’environnement de l’entreprise, faisant ainsi peser sur elle un risque opérationnel
majeur, ou de se voir contrôlés de manière informelle au sein de l’entreprise par un ou plusieurs groupes
d’acteurs qui risquent d’agir à leur égard davantage en fonction de leurs buts personnels que de l’intérêt
collectif.
Dès lors, il est clair que plus la part des coûts non contrôlables dans la structure de coûts de l’entreprise est
grande et plus les risques de dérives incontrôlées des coûts sont élevés.
§ qui ne sont pas repris en tant que tels dans le système d’information comptable de l’entreprise, car ils
ne se traduisent pas par une sortie observable de fonds hors de l’entreprise qui puisse leur être
clairement imputable : les coûts cachés ne sont donc pas des coûts observables,
§ mais qui se traduisent par une sortie de fonds effective de l’entreprise (ce qui traduit leur aspect réel), car
ils impliquent une consommation excessive de ressources provoquée par l’apparition de certains
dysfonctionnements dans l’organisation ou le fonctionnement de l’entreprise.
§ les coûts de non-qualité liés au fait que certains clients refusent les produits qui leur sont livrés car
non-conformes aux spécifications techniques prévues (d'où des frais administratifs liés aux contacts avec les
clients mécontents, au coût du service après-vente à réaliser, au coût du contentieux juridique éventuel qui en
97
En ce sens, les coûts contrôlables touchent de près le système de pouvoir et la structure, hiérarchisée ou non, des
responsabilités dans l'entreprise et revêtent de ce fait un caractère à la fois organisationnel et stratégique marqué.
78
C H A P I T R E 2
découle, au coût du remplacement éventuel du produit, …) ou liés au fait que le service de contrôle de
qualité refuse une production ou arrête temporairement sa réalisation (pour procéder par exemple à un
nouveau réglage de machines ou éliminer et remplacer des composants ou des matières premières dont le niveau
de qualité n'est pas conforme aux exigences du processus de production) ,
§ les coûts organisationnels destructeurs de valeur, liés par exemple à une mauvaise organisation
du travail ou à une mauvaise communication dans l’entreprise qui induit que certaines tâches soient
accomplies à plusieurs reprises (par exemple une même pièce ou un même document contrôlé successivement
par deux personnes qui ne savent pas que leur tâche a déjà été accomplie ailleurs dans l'entreprise) ou génèrent
une consommation excessive de temps de travail (par exemple lors de la rédaction et de la transmission de
notes de service ou d'instructions peu claires, acheminées avec retard vers leurs destinataires ou mal intégrées
dans le système d'information de l'entreprise),
§ les coûts liés à de mauvaises conditions de travail pour cause de stress, d’un climat de travail
malsain, d’une mauvaise ergonomie des lieux de travail, …,
Présents dans le passé, ces coûts sont surtout utilisés dans une perspective d’amélioration continue des
performances 98 et de traque permanente de la valeur car, une fois identifiés, analysés, corrigés et éliminés,
ces coûts peuvent conduire à une amélioration substantielle du niveau de création de valeur de l’entreprise.
Le concept de coût caché ne prend en effet toute sa pertinence dans une entreprise que si ses dirigeants
décident non seulement d'identifier ces coûts, mais surtout de s'attaquer à l'identification de leurs causes
profondes et à la correction des dysfonctionnements qu'ils reflètent inévitablement : ce double aspect
d'identification des causes des problèmes rencontrés par l'entreprise et d'action sur ces causes fait du
concept de coût caché un concept aussi utile dans le domaine du contrôle de gestion que de la stratégie
d'entreprise, notamment en cas de déploiement d'une stratégie de différenciation par la qualité ou de
domination par les coûts (comme dans le cas typique des entreprises «low cost », qui font de la traque
systématique des coûts cachés un de leurs leviers d’action stratégique privilégié).
1. Une première dimension est liée au lien direct ou indirect qui se tisse entre un coût et un objet de
coût. Le critère qui est mis en jeu ici est le critère de la traçabilité des coûts, à savoir la possibilité
de rattacher, avec plus ou moins de force, les charges encourues dans l’organisation à un objet bien
particulier, l’objet de coût dont on veut mesurer le coût.
2. Une seconde dimension est liée au lien, fixe ou variable, qui se tisse entre le niveau d’un coût et le
niveau d'activité de l'entreprise, conçu alors comme un inducteur de coût. Le critère qui est mis en
jeu celui de la flexibilité des coûts de l’entreprise par rapport à quelques inducteurs de coûts
essentiels dans la vie économique de l’entreprise et représentatifs de son niveau d’activité, à savoir le
niveau d’intensité avec lequel elle utilise les ressources humaines, techniques et financières
actuellement à sa disposition.
98
Ils sont donc naturellement orientés vers le futur.
79
C H A P I T R E 2
Direct Indirect
Commençons d’abord par définir les concepts de charge directe et de charge indirecte et leurs
synonymes, les concepts de « coût direct » et de « coût indirect » :
v Une charge directe est une charge dont il est clairement observable qu’elle a été encourue pour
permettre la conception, la production ou la distribution d’un objet de coût spécifique : elle peut lui être
affectée sans aucune ambiguï té, sans trahir la réalité économique, car elle est la traduction monétaire
d’une consommation de ressources qui n’a contribué qu’à la réalisation de l’objet de coût étudié.
Ø Ainsi, dans le cas d’une voiture, le coût de l’acier utilisé pour produire la voiture, le coût de la
peinture utilisée lors de la phase de finition, le coût salarial de l’ouvrier qui a assuré cette finition,
… sont autant de charges directes qui entrent dans la constitution du coût total de l’objet de coût
« Voiture », car ils sont le reflet monétaire d’une consommation de ressources qui n’a servi qu’à la
réalisation de l’objet de coût « Voiture ».
Ø De même, dans le cas de la réalisation d’un audit comptable, activité immatérielle par excellence,
le coût des heures passées par l’auditeur chez le client pour auditer effectivement sa comptabilité et
ses stocks, le coût de la documentation spécifique à l’activité du client qu’il a été nécessaire
d’acquérir pour étayer cet audit, … sont des charges directes qui entrent dans la constitution du
coût total de l’objet de coût « Client ALPHA » ou de l’objet de coût « Produit audit comptable ».
v Une charge indirecte, quant à elle, est une charge qu’il n’est pas possible d’associer spécifiquement et
uniquement à un objet de coût spécifique, car :
Ø Soit le lien de causalité entre la consommation de ressources qu’elle traduit et l’objet de coût étudié
est flou ou non permanent : par exemple, le coût du personnel d'entretien qui nettoie régulièrement
les bureaux de la Direction Générale n'est pas lié au coût de production de tel ou tel produit
spécifique ou à la réalisation d'une commande pour tel ou tel client spécifique et est donc indirect
par rapport à ces objets de coûts ;
80
C H A P I T R E 2
Ø Soit il n’est pas techniquement envisageable de suivre à la trace (de « tracer ») l’objet de la charge,
parce que cet objet n’est pas mesurable, qu'il n'est pas clairement observable ou qu’il est trop
coûteux de procéder à une analyse de traçabilité.
§ C'est notamment le cas du coût de l'activité de Recherche et Développement à caractère
fondamental, activité dont il n'est pas certain, lorsque des ressources y sont consommées et que
cette consommation de ressources engendre des coûts, qu'elle débouchera sur des résultats (de
nouveaux produits, de nouveaux processus ou procédés, …) observables et commercialisables.
Puisque les résultats aléatoires par nature de cette activité de Recherche et Développement à
caractère fondamental feront ressentir leurs effets de manière éparse et difficilement mesurable
sur toutes les activités et sur tous les produits de l'entreprise, le coût de l'activité ne peut revêtir
qu'un caractère indirect par rapport aux objets de coûts spécifiques que sont les produits de
l'entreprise, ses clients ou ses marchés géographiques par exemple.
Figure 11 : Charge directe, charge indirecte et consommation des ressources
Ressources : Objets de
-Techniques Coûts :
-Humaines -Produits
- Savoirs - Clients
Interfaces
- Financières - Marchés
Consommateurs
De ressources - ...
Charge indirecte
§ C'est aussi le cas dans certaines activités industrielles dont le processus de production conduit à
la fabrication de produits annexes (baptisés alors de "produits joints") à la valeur marchande
faible mais pour lesquels il existe malgré tout un marché 99 : les ressources qui ont été
consommées pour réaliser le produit principal (par exemple une motte de beurre) ont servi aussi
indirectement à réaliser le produit joint qui en découle (par exemple, quelques grammes de
matières grasses si le beurre est allégé), mais il s'avère souvent techniquement difficile, trop
coûteux ou impossible de savoir quelle part exacte de ressources a été consommée par la
réalisation de ce produit joint. De ce fait, le coût des ressources qui ont été consommées pour
permettre la réalisation du produit principal revêt le caractère de charge directe par rapport au
coût de ce produit, mais revêt le caractère de charge indirecte par rapport au coût du produit
joint : puisqu'il est impossible de savoir avec précision quelle part de ressources sa fabrication
a nécessité, une fraction du coût de ces ressources, déterminée souvent sur base de l'expérience
passée ou de l'expertise présente dans l'entreprise, est imputée comme charge indirecte par
rapport au coût de ce produit joint.
La Figure 11 propose une représentation des liens qui unissent la consommation des ressources et les objets
de coûts selon que l’on traite une charge directe ou une charge indirecte.
Elle montre clairement que :
99
Cas fréquent dans l'industrie chimique, la filière "bois" ou la production de beurre ou de produits laitiers.
81
C H A P I T R E 2
§ Dans le cas d’une charge directe, il y a un lien direct entre l’objet de coût et la ressource consommée
§ Et que dans le cas d’une charge indirecte, il y apparition d’un « interface » entre l’objet de coût et la
ressource consommée, interface qui consomme directement la ressource et dont l’output est réparti
selon des clés de répartition observables ou non observables entre de multiples objets de coûts.
Soulignons enfin à ce stade que si ces clés de répartition sont non observables (parce que trop difficiles ou
trop coûteuses à identifier) , on fera usage de clés de répartition arbitraires :
§ soit inférées de l'observation du passé, mais il y a alors présence d'une hypothèse sous-jacente forte, à
savoir la reproductibilité du passé à l'infini sans tenir compte d'une éventuelle modification ou
évolution des conditions de fonctionnement de l'entreprise,
§ soit négociées entre les divers acteurs concernés par l'affectation des coûts dans l'entreprise mais le
risque est alors grand que les clés de répartition ainsi obtenues par négociation reflètent davantage des
relations de pouvoir que la pure réalité économique de la vie de l'entreprise.
2.2.3.1.2. Coût direct et coût indirect : des concepts théoriques à la réalité économique
La confrontation des concepts théoriques et des définitions qui viennent d’être énoncés avec la réalité
économique de la vie des entreprises montre toutefois vite que leur mise en oeuvre n’est guère aisée et
nécessite la prise en compte de 3 remarques :
v Parvenir à attribuer les charges indirectes aux objets de coûts (produits, clients, projets, …) qui les
consomment implique, puisqu’il n’y a par définition pas de lien direct entre la consommation de
ressources et l’objet de coût étudié, le recours à un « artifice comptable », à savoir une « technique
comptable d’allocation des coûts indirects » qui se doit théoriquement de refléter au mieux la réalité de
la vie économique de l’organisation au sein de laquelle elle s’applique. De facto, ses modalités
d’application seront déterminées et choisies à l’intérieur de l’entreprise par les personnes responsables
du contrôle des coûts en veillant à ce strict respect de la réalité économique de la vie de l’entreprise et
fondamentalement elle doit permettre d’ imputer les charges indirectes aux objets de coûts en fonction
d’un indicateur de consommation des ressources, l’ unité d’oeuvre.
v Le caractère direct ou indirect d’une charge comptable dépend de l’objet de coût considéré et d’une
analyse détaillée de sa consommation de ressources. Il n’est donc pas possible d’édicter une règle
d’application uniforme standardisée applicable en toutes circonstances à toute l’entreprise et
conduisant, par exemple, à considérer que tous les frais de salaire sont systématiquement assimilés à
des charges directes et que tous les frais de fonctionnement sont d’office assimilés à des charges
indirectes et ce, même si une analyse de la réalité de la vie de l'entreprise montre que la grande majorité
des frais salariaux revêt effectivement le caractère de charge directe et que la grande majorité des frais
généraux de fonctionnement revêt le caractère de charge indirecte.
Ø Ainsi, dans le cas d’une société de construction automobile, le coût salarial de l’ouvrier d’entretien
est une charge indirecte par rapport à l’objet de coût « Modèle de voiture » si l’on fabrique
plusieurs modèles dans la même halle de production, mais constitue une charge directe si l’on ne
fabrique qu’un seul modèle de voiture dans cette halle.
Ø Il en est de même pour la consommation d’énergie : si celle -ci est mesurée par le biais d’un
compteur unique mesurant la consommation d’énergie pour toute la halle, le coût de cette énergie
constitue une charge directe pour l’objet de coût « Halle de production », mais une charge indirecte
pour les objets de coûts « Machine A », « Machine B », … installées dans la halle. Elles ne
pourraient devenir des charges directes par rapport à ces objets de coût "Machines" que moyennant
l'installation de compteurs individualisés propres à chaque machine ; mais encore faudrait-il
s’assurer que le bénéfice informationnel retiré de l'installation de ces compteurs dépasse le coût de
l'installation de ces compteurs, ce qui n'est pas nécessairement évident.
v La nature « directe » ou « indirecte » d’une charge résulte donc d’une analyse des facteurs contingents
que sont respectivement :
82
C H A P I T R E 2
Notons d’entrée de jeu que cette classification repose sur 4 hypothèses sous-jacentes fortes, qui doivent
donc être respectées pour que l’usage de cette classification soit pertinent :
1. L’hypothèse de linéarité des charges variable s au moins sur une plage d’activité déterminée.
100
Les liens de causalité liant une consommation de ressource et un objet de coût particulier étant mieux identifiés, il
apparaît logiquement de ce fait plus de charges directes.
101
En l'espèce, l'usage veut que les termes "charges" ou "coût" soient utilisés de manière non différenciée, l'un étant
considéré comme le synonyme de l'autre ; une application rigoureuse et rigoriste des concepts conduirait toutefois à
faire référence à une charge, variable ou fixe, lorsque l'accent est mis sur la consommation d'une ressource rare à
l'intérieur de l'entreprise et à un coût, fixe ou variable, lorsque l'accent est mis sur la traduction monétaire de cette
charge et donc sur la consommation de ressources financières qu'elle induit.
102
Cette conception est un sous-jacent essentiel des techniques de comptabilisation historiquement les plus anciennes,
notamment l'approche en coûts complets ; ceci s'explique par le fait que ces techniques de comptabilisation ont été
initialement développées pour être appliquées à des entreprises mono-produit dont le processus de production est
susceptible de bénéficier largement d'effets d'économies d'échelle liés à une croissance du volume de production.
103
Le remplacement du volume de production par le niveau de chiffre d'affaires réalisé s'explique notamment par la
difficulté de mesurer le niveau exact d'activité dans des entreprises multi-produits ou au processus de production
complexe.
83
C H A P I T R E 2
2. L’hypothèse de fixité de certaines charges au moins sur une plage d’activité déterminée.
3. L’hypothèse d’un horizon de temps défini et limité durant lequel certaines charges sont fixes et
d’autres variables.
4. L’hypothèse d’information parfaite quant à l’évolution des charges sur l’horizon de temps considéré :
à défaut d'une information parfaite ou, à tout le moins, presque parfaite quant à l'évolution de ces
charges, il est en effet illusoire et inutile de vouloir les classifier comme fixe ou variable sans courir le
risque de trahir la réalité économique de la vie de l'entreprise.
Par définition, une charge variable est constante par unité de produit et, cumulée, elle varie en proportion
directe avec les variations du niveau d’activité de l’entreprise. A production nulle, le coût variable est donc
nul.
15000
0
0
niveau d'activité
0
5
5
Niveau d'activité
n Y=aX
Y = a * X,
avec Y le coût variable total, a le coût variable unitaire (constant) 104 et X le niveau de l’indicateur du
niveau de production (généralement le nombre d’unités produites ou le chiffre d’affaires réalisé).
104
Le coût variable unitaire, dérivée première de la fonction de coût total, est donc logiquement constant.
84
C H A P I T R E 2
nul 150
n Logiquement, le 100
CV
FB
coût variable 50 unité
(dérivée première
0
0
0
5
5
de la fonction)
2
Niveau
d'activité
Par définition, une charge est dite fixe lorsque, pour une période de temps donnée et pour un niveau
d’activité maximum déterminé, elle reste constante.
Au plan économique, un coût fixe est inévitablement lié à l’acquisition d’un potentiel de production au sein
de l’entreprise ou à la constitution de la structure à l’intérieur de laquelle la conception, la production et la
distribution des produits prendra place : ceci explique le nom de « charges de structure » souvent donné
dans la littérature francophone aux charges fixes (Goujet e.a., 1996). Prenons pour exemple le cas de
l'acquisition d'un entrepôt :
§ En contrepartie de la sortie de fonds liée à l'investissement qu'il faut payer (non seulement la
construction de l'entrepôt en elle-même, mais également les frais annexes qu'elle entraîne, tels que les
honoraires d'architecte par exemple), il y a création d'une capacité de stockage disponible pour l'activité
de l'entreprise : il y a donc transformation d'un actif financier (les fonds détenus en trésorerie) en un actif
fixe immobilisé disponible pour l'activité de l'entreprise et inscrit à son bilan en tant qu'actif
immobilisé 105.
§ Au plan opérationnel, ce mouvement est irréversible 106 : la capacité de stockage que représente
l'entrepôt est présente, que l'entreprise utilise ou non cette capacité. Elle constitue de ce fait un
élément de la structure de production, qui engendre des frais, dits de structure, liés au maintien en bon
état de cette structure (frais d'entretien, d'énergie, …) et à la prise en compte de la charge d'usage liée
à son acquisition, qu'elle soit ou non utilisée.
105
D'un point de vue comptable, cet investissement se traduit par un simple mouvement bilantaire, qui se traduit par
une réduction des actifs de trésorerie et une augmentation à due concurrence de l'actif immobilisé.
106
Sauf, naturellement, si l'entreprise revend ou détruit cet entrepôt.
85
C H A P I T R E 2
Charges fixes :
représentation graphique
n Equation du coût total : Coût fixe total
y = b, 12000
n Avec b le montant 10000
FB
4000
charge d'usage ou de 2000
l'abonnement 0
0
0
0
5
0
1
3
Niveau d'activité
fonction de la forme 10
y = b / x (branche 5
d'hyperbole) 0
0
0
0
0
0
0
5
Niveau d'activité
Mathématiquement, l’équation du coût fixe total, pour un niveau maximal d’activité donné, s’exprime
comme suit :
Y = b,
86
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avec Y le coût fixe total pour la période analytique sous revue 107 et b le montant monétaire fixe de la
charge d’usage, de l’amortissement comptable éventuel ou de l’abonnement utilisé.
Le coût fixe unitaire prend quant à lui la forme d’une branche d’hyperbole lorsqu’il est représenté sous
forme graphique et son expression mathématique se présente comme suit :
Y = b / X,
avec Y le coût fixe unitaire, b le montant de charge fixe imputé à la période analytique et X le niveau
d’activité de l’entreprise.
2.2.3.2.3. Le concept de coût total
Logiquement, le coût total d’un objet de coût déterminé englobe l’ensemble des coûts, qu’ils soient fixes
ou variables, qui matérialisent la consommation des ressources utilisées pour permettre la conception, la
production et la distribution de cet objet de coût.
Ce coût total est donc toujours la somme d’un ensemble de coûts fixes et de coûts variables 108
, d’où son
expression mathématique :
CT = CV + CF,
avec CT le coût total de l’objet de coût, CV les charges variables auxquelles sa réalisation a donné lieu et
CF les charges fixes qu’il a fallu assumer pour permettre sa réalisation.
0
0
0
0
affectée à un objet de
5
5
5
Y = a * X + b,
107
Rappelons que la période analytique correspond à la périodicité prise en considération par le système comptable
interne propre à l'entreprise.
108
Notons déjà que, lorsque l'ensemble des charges, fixes ou variables, est ainsi affectée au calcul du coût d'un objet
de coût, on parle de "coût complet" ou de "coût de revient complet" (synonyme alors de "coût total").
87
C H A P I T R E 2
avec Y le coût total, a le coût variable unitaire induit par la réalisation d’une unité de l’objet de coût, X le
niveau d’activité atteint et b le montant de coût fixe qu’il a été nécessaire d’assumer pour permettre la
réalisation de cet objet de coût.
Notons enfin que certaines charges auxquelles l’entreprise est confrontée quotidiennement ont une structure
semblable à celle d’un coût total, comportant à la fois une composante fixe (généralement la contrepartie
d’un abonnement ou d’un droit d’utilisation) et une composante variable liée à l’intensité de l’utilisation
d’une ressource rare particulière :
§ C'est par exemple le cas du coût de la téléphonie, qui comprend usuellement des éléments de charge
fixe (le coût de l'abonnement ou du droit d'accès au réseau) et des éléments de charge variable (le coût
des communications, lié au temps d'utilisation des ressources téléphonique).
§ C'est aussi le cas du recours à des services d'aides permanents ("Hot-line", "Numéro Vert", …),
notamment lors de l'utilisation de certains logiciels informatiques : le recours à ce service implique à la
fois un abonnement à payer (constitutif d'une charge fixe) et une rémunération liée au temps passé par
le consultant à répondre aux questions posées par l'utilisateur (rémunération, par exemple, selon la
formule du "quart d'heure payant", le temps de conseil étant facturé forfaitairement par quart d'heure
d'utilisation).
Les charges qui revêtent une telle structure sont appelées alors « charges semi-variables » et doivent dès
lors faire l’objet d’une analyse préalable afin de déterminer quelle part sera considérée comme fixe et
quelle part sera considérée comme variable : cette analyse peut s'effectuer par exemple en appliquant une
analyse statistique de régression linéaire simple à une double série temporelle qui intègre à la fois le niveau
de la charge semi-variable concernée observée sur un laps de temps suffisamment long 109 et le niveau
d'activité correspondant à chacune de ces périodes.
Deux phénomènes économiques empêchent en fait en pratique l’application rigoureuse de cette règle :
v Le phénomène des rendements croissants à l’échelle, qui induit une réduction progressive du niveau de
coût variable unitaire lorsque le volume de production augmente. Ce phénomène trouve son origine :
Ø D’une part parmi les effets d’apprentissage : plus l’entreprise produit, plus elle acquiert de
compétences organisationnelles et de savoirs qui amènent l’entreprise à consommer
proportionnellement de moins en moins de ressources (essentiellement de matières premières et de
main d’œuvre) pour un volume de production donné.
109
30 périodes d'observation est un laps de temps particulièrement compatible avec les exigences statistiques de ce
type d'analyse.
88
C H A P I T R E 2
parfois aussi en matières premières ou autres) nécessaires à la production d'un volume déterminé
de produit et donc, en conséquence, une réduction du coût variable unitaire.
§ Mais cet effet d’apprentissage décroît avec le niveau cumulé du volume de production de
l'entreprise : une fois l'essentiel de l'apprentissage effectué et des savoirs acquis, il devient en
effet très difficile, sauf évolution technologique majeure permettant un nouvel apprentissage et
une nouvelle acquisition de savoirs, de produire dans des conditions organisationnelles ou
techniques qui permettent une nouvelle diminution progressive des coûts.
Ø D’autre part parmi les pratiques commerciales qui se nouent souvent entre l’entreprise et ses
fournisseurs : il n’est pas rare, en effet, qu’un fournisseur accorde à l’entreprise une ristourne pour
des volumes d’achats importants ou adopte une politique de prix dégressive qui permet de diminuer
110
le coût d’achat unitaire d’un composant au fur et à mesure que la quantité commandée cumulée
de ce composant augmente. Des secteurs tels que celui des composants électroniques, du matériel
informatique, de certaines pièces mécaniques, … sont par exemple coutumiers de ce fait, qui se
retrouve aussi potentiellement dans le secteur agroalimentaire ; quant au secteur de la grande
distribution, il en a fait une norme de comportement lorsqu'il s'agit de traiter avec des fournisseurs
de produits locaux ou de produits "sans marque".
v Le phénomène inverse des rendements décroissants à l’échelle, qui implique quant à lui une
augmentation progressive du coût variable unitaire lorsque le volume de production dépasse un certain
seuil.
Ø Ce phénomène trouve souvent son origine dans des effets de saturation liés à une utilisation de
certaines ressources techniques aux capacités limitées, telles que les machines de production :
arrivées à un niveau d’utilisation proche de leur capacité maximale de production, ces ressources
connaissent des pannes plus fréquentes, se dérèglent plus facilement, …, bref rencontrent un
certain nombre de problèmes qui nécessitent d’une part des réparations (d’où des coûts
additionnels) et qui empêchent parfois également la production, d’où l’apparition d’un coût
d’opportunité, parfois très élevé, lié à une non-production pour cause d’arrêt du processus de
production.
§ D’abord, le fait pour certaines catégories de personnel de prester des heures supplémentaires
par rapport à leur régime de travail normal implique, pour l’entreprise, des coûts
supplémentaires liés au paiement d'un sur-salaire 111. Or, d’un point de vue organisationnel,
l’utilisation de ces heures supplémentaires se justifie le plus souvent parce que les besoins de
production de l’entreprise ne justifient pas encore de manière permanente l’acquisition de
nouvelles ressources de production 112 ou par le fait que les ressources nouvelles à acquérir sont
rares et/ou coûteuses à acquérir 113, ce qui traduit le fait que l’environnement de l’entreprise (et
tout particulièrement le marché du travail) est arrivé à saturation en termes d’offres de
ressources humaines qualifiées disponibles.
110
Généralement par paliers ou par seuils.
111
Les conventions collectives de travail propres au secteur ou les accords internes propres à l'entreprise peuvent,
par exemple, prévoir un paiement des heures supplémentaires à un taux de 150 % du salaire horaire normal.
112
Le volume de travail à réaliser ne permet pas encore, par exemple, l'engagement d'un travailleur supplémentaire
qui permettrait à l'entreprise de renforcer à terme son potentiel de création de valeur (son coût annuel risque de
surpasser le supplément de chiffre d'affaires qu'il permettrait de réaliser avec plus ou moins de certitude).
113
Dans de nombreux secteurs, notamment industriels ou liés aux métiers de la construction, il devient difficile
d'engager rapidement et à des conditions de coût favorables certaines catégories d'ouvriers qualifiés.
89
C H A P I T R E 2
En conséquence, l’hypothèse de linéarité du comportement des charges variables totales n’est rencontrée
qu’à l’intérieur d’une fourchette de niveaux d’activité qui correspondent à des niveaux d'activité alors
parfois qualifiés de "normaux", les rendements étant croissants pour un niveau d’activité inférieur (donc
avec un potentiel d’apprentissage) et étant décroissants pour un niveau d’activité supérieur (donc avec un risque
de saturation).
De même, le coût variable unitaire connaît en fait une première phase de décroissance (rendement
croissant) , se stabilise (rendement constant) puis entame une phase de croissance (rendement
décroissant) .
Les représentations graphiques de ces deux phénomènes sont proposées aux Figures 17 et 18.
30000
20000
rendements 15000
décroissant après)
5000
0
250 500 1000 1500 2000 2500
Niveau d'activité
90
C H A P I T R E 2
De même, le coût
1200
n
phase de décroissance
FB
600
fixe) et augmente
0
Niveau d'activité
décroissant)
§ Des variations de prix peuvent faire évoluer de manière sensible le coût de certaines ressources au
cours d’une période de temps donnée, même si elles sont utilisées dans un volume qui reste constant :
sous l’effet de l’inflation ou d’une révision des barèmes, le coût de certains abonnements ou le coût
salarial du personnel engagé à durée indéterminée et dédicacé à certaines tâches spécifiques 114 peut
ainsi évoluer de manière sensible.
§ Par ailleurs, le fait d’atteindre certains seuils en termes de niveau d’activité conduit généralement
l’entreprise à entreprendre de nouveaux investissements : ces seuils, induits généralement par les
capacités techniques des outils de production disponibles, ne peuvent dès lors être franchis que
moyennant l’acquisition de nouvelles machines : celles-ci induisent dès lors de nouvelles charges fixes,
valables pour une plage de niveaux d'activité déterminée par la capacité technique du nouvel outil.
o Ainsi, une entreprise de production de beurre qui possède un parc machines permettant la
production de 10.000 paquets par jour ne pourra envisager de dépasser ce seuil que moyennant
l'acquisition d'un second parc machines, par exemple de même capacité.
o Les coûts fixes s'établissent dès lors à un certain niveau pour la plage de production comprise
entre 0 et 10.000 paquets / jour, puis augmentent brutalement (normalement, ils sont presque
doublés, aux effets d'économie d'échelle près) pour la plage de production comprise entre 10.000 et
20.000 paquets.
Force est donc de constater que, en réalité, le niveau des coûts fixes de l’entreprise reste relativement
constant au cours d’une période de temps donnée et qu’il évolue en fait par paliers au fil du franchissement
de certains seuils de production techniques qui nécessitent une reconfiguration ou une modification de
l’outil de production. Le tout est évidemment de se mettre d'accord sur ce que recouvre ce concept de
114
Ce coût revêt alors le caractère de coût fixe par rapport à ces tâches.
91
C H A P I T R E 2
"relativement constant" : une mesure de la volatilité des coûts 115, couplée à une analyse graphique de
l'évolution de ces coûts par rapport au niveau d'activité, permet généralement de clairement distinguer les
coûts dont le profil de comportement est proche de celui d'un coût fixe de ceux dont le profil de
comportement est proche de celui d'un coût variable.
L’équation représentative du comportement du coût fixe total peut dès lors s’écrire, de manière plus juste :
Y = b si x ≤ z
et Y = c si x ≥ z,
avec Y le niveau de coût fixe total, b et c les deux niveaux successifs respectifs de coût fixe, x le niveau
d’activité atteint par l’entreprise et z le niveau-pivot d’activité qui induit une reconfiguration de l’outil de
production de l’entreprise.
20000
Ø Y = b si x ≤ z
15000
Y = c si x ≥ z, avec z
FB
Ø 10000
implique un
0
0
0
0
0
0
5
115
Par exemple, par le biais d'un indicateur statistique tel que l'écart-type ou le coefficient de variation, rapport de
l'écart-type à la moyenne du coût sur la période étudiée.
92
C H A P I T R E 2
Une fois prises, ces décisions prennent un caractère irréversible. Psychologiquement en effet, un
investissement réalisé a priori pour une durée de 10 ans par exemple est difficile à abandonner après 5 ans,
sauf à admettre que :
Ø soit de mauvaises décisions de gestion ont été prises, ce qui remet en cause d'une part les capacités
managériales de l'équipe dirigeante et d'autre part le système de gestion - information, pouvoir,
contrôle - qu'elle a mis en place ;
Ø soit l'entreprise n'a pas été capable d'anticiper ou de gérer les changements éventuels survenus dans
son environnement, tels que le plus souvent une évolution technologique décisive ou un mouvement
stratégique majeur effectué par un concurrent puissant de l'entreprise.
Sauf cas de désinvestissement (qui se traduit alors d'une part par le licenciement des personnes dont l'engagement
à durée indéterminée est lié à cet investissement et d'autre part par la revente sur le marché de l'équipement ainsi
acquis ou, à défaut, son élimination pure et simple), l’entreprise doit assumer pour toute la durée de vie de
l’investissement les conséquences financières de celui-ci et notamment les charges fixes qu’il induit.
En termes financiers et opérationnels, l’entreprise perd donc de sa flexibilité lorsque la part des charges
fixes qu’elle s’est engagée à assumer (et qui proviennent donc de fait d’engagements de long terme) augmente
plus que proportionnellement par rapport à la part de ses charges variables (qui résultent quant à eux pour
l’essentiel d’engagements de court terme).
Mais dans un contexte où la capacité à anticiper ou, au pire, à réagir rapidement aux évolutions qui
surviennent dans l’environnement de l’entreprise est un facteur-clé essentiel de son succès, la flexibilité de
l’entreprise devient quasiment une contrainte qui pèse sur l’ensemble de ses décisions de gestion et cette
contrainte amène dès lors de plus en plus fréquemment les entreprises à privilégier les solutions
managériales à un problème qui se traduisent par une augmentation des charges variables plutôt que par
une hausse quasi irréversible de ses charges fixes.
Il n’est dès lors pas étonnant que, pour rencontrer cet impératif de fle xibilité, de nombreuses pratiques de
gestion se soient tout particulièrement développées au cours des dernières années :
93
C H A P I T R E 2
Notons toutefois que le recours à ces pratiques managériales qui favorisent la flexibilité de l'entreprise
induit toujours, à court terme, un sur-coût (lié au fait que d'autres - sociétés de leasing, sociétés d'interim, …-
assument les engagements à long terme de ces décisions et qui se traduit par exemple dans l'indemnité versée à
l'agence d'interim ou le droit versé à la société de leasing) et ce sur-coût doit évidemment être mis en balance,
dans une perspective de décision stratégique à long terme, avec les avantages de la propriété qu'induirait la
réalisation de l'investissement par l'entreprise elle -même.
Le coût complet d’un objet de coût particulier englobe, par définition, l’ensemble des coûts relatifs à
l’ensemble des ressources consommées pour la conception, la production et la commercialisation de cet
objet de coûts, jusqu’au stade final du paiement par le client et jusqu’à l’extinction de la période de garantie
de cet objet de coûts.
Le lecteur le conçoit dès lors aisément, ce concept théorique de coût complet ou de coût total est
particulièrement difficile et illusoire à mettre en œuvre, dans la mesure notamment où la période durant
laquelle un objet de coût peut encore générer des consommations de ressources 116 peut différer fortement
d’objet de coût à objet de coût.
En pratique donc, ce concept de coût complet ou coût total s’entend généralement jusqu’au moment du
paiement final par le client, ce qui rend toutefois fréquemment ce concept plus utile dans une perspective
de contrôle des résultats des décisions passées prises dans l’entreprise que dans une perspective de
planification ou d’aide à la décision : dans la majorité des cas, en effet, le délai séparant le début de la
conception d’un objet de coût du moment de son paiement final est long de plusieurs semaines, voire mois
ou même années. Attendre aussi longtemps d’obtenir une information précise et rigoureuse relative au coût
complet d’un objet de coût particulier avant de prendre une décision de gestion particulière n’aide
clairement pas à améliorer l’efficience du processus de décision, quelle que soit l’organisation confrontée à
cette prise de décision, et ce d’autant plus que la rapidité d’évolution de l’environnement de toute
organisation implique justement qu’elle soit capable de réagir rapidement en termes de prise de décision à
toute menace ou toute opportunité qui se présenterait à elle.
Par ailleurs, deux modes de calcul du coût complet apparaissent si l’on fait référence explicitement aux
deux axes d’analyse présentés ci-avant : le coût complet ou coût total d’un objet de coût particulier
et calculé sur une période de temps déterminée correspond à la somme des coûts fixes et des
coûts variables qu’il a induit sur cette période et correspond simultanément à la somme des
coûts directs et des coûts indirects générés par les ressources qu’il a consommées durant
cette période.
CT =CF+CV =CD+CI
avec :
CT = le coût complet ou coût total d’un objet de coût sur une période de référence donnée
CF = l’ensemble des coûts fixes induits par la réalisation de l’objet de coût sur la période considérée
116
Il suffit par exemple de penser au principe de la garantie décennale ou trentenaire en vigueur dans certains
secteurs du fait même d’un cadre législatif spécifique.
94
C H A P I T R E 2
CV = l’ensemble des coûts variables induits par la réalisation de l’objet de coût sur la période considérée
CD = l’ensemble des coûts générés par les ressources directement consommées par la conception, la
production et la commercialisation de l’objet de coût sur la période de temps considérée
CI = l’ensemble des coûts générés par les ressources indirectement consommées par la conception, la
production et la commercialisation de l’objet de coût sur la période de temps considérée
Machine 2 Conditionnement
Halle 1H
Figure 20 : Une application du concept d’inducteur de coûts au sein de la filiale "Menuiserie des Ardennes"
Ainsi, l’examen de l’origine du coût total de production au sein de la Halle 1H, halle de production de
planchettes en bois laminé destinées à la grande distribution spécialisée dans le domaine du bricolage,
nous permet d’illustrer les concepts de coût, d’objet de coût et d’inducteur de coûts :
v L’objet de coût, en l’espèce, est la halle de production H1, qui n’est qu’un objet de coûts parmi le
sous-ensemble cohérent d’objets de coûts que sont les sites de production de la Menuiserie des
Ardennes.
v Le coût qui est analysé ici est le coût total de production ou de fonctionnement engendré par la halle
H1.
v Quant à l’inducteur de coûts au sein de cette halle, le premier réflexe, traditionnel, conduirait à dire
que le coût total de fonctionnement de cette halle est induit par le volume de production qui y est
traité : l’inducteur de coût pourrait par exemple être traduit par le nombre de planchettes produites
par mois.
Ø A l’analyse des données historiques générées par le système comptable interne, il apparaît
toutefois clairement qu’une corrélation entre ce volume de production et le coût de fonctionnement
de la halle existe, mais que ce volume de production n’explique pas toute l’origine de ce coût de
fonctionnement : il est dès lors difficile d’assimiler ce volume de production à l’inducteur de coût
unique expliquant le niveau du coût de fonctionnement de cette halle.
Ø Il apparaît dès lors utile de décomposer ce coût de fonctionnement en ses différentes composantes,
à savoir le coût de production proprement dit, le coût de stockage, le coût de manutention, le coût
des déplacements au sein de la halle, … : cette décomposition ne peut se faire que moyennant une
analyse soignée du processus de production au sein de la halle et une analyse des temps et
mouvements qui s'y opèrent (donc moyennant une analyse organisationnelle des modes opératoires
à l'intérieur de la halle : comment les activités s'y déroulent-elles concrètement ?).
Ø Ensuite, il apparaît pertinent d’identifier pour chacune de ces composantes son inducteur de coût :
le volume traité pour le coût de production, le volume stocké pour le coût de manutention, la
95
C H A P I T R E 2
distance parcourue par chacun au sein de la halle pour le coût de main d'œuvre, le poids et le
conditionnement des planchettes stockées et expédiées à l’extérieur pour le coût de manutention.
Un ensemble d’inducteurs de coûts propres à chaque composante apparaît ainsi, qu’il convient
d’analyser, de hiérarchiser et d’analyser les interrelations et les relations de cause à effet afin de
faire apparaître l’inducteur de coût le plus fondamental, celui sur lequel il faudra impérativement
agir si l’on veut avoir un impact qui touchera l’ensemble des coûts qui contribuent au coût de
fonctionnement de la halle (et donc si l’on veut diminuer significativement ce coût de
fonctionnement.
Ø L’analyse des flux de produits au travers de la halle et des temps de déplacement des produits et
des hommes au sein de cette halle montre en fin de compte que l’agencement des machines et
l’organisation du travail au sein de la halle qui en découle est l’inducteur de coût le plus
fondamental sur lequel il faut agir pour réduire les temps de déplacement, tant des produits que
des hommes, et donc la plupart des éléments constitutifs du coût de fonctionnement de la halle.
Dans le cadre de ce même audit, Wood-Construct a posé une série de questions très précises et concrètes
quant aux charges à incorporer dans sa comptabilité de gestion et quant aux montants à prendre en
considération.
Ces questions ont été posées sur base de données comptables reproduites ci-après :
Parmi les charges suivantes, lesquelles faut-il incorporer dans la comptabilité analytique de l’entreprise
et pour quel montant (avec une justification), compte tenu des événements suivants qui ont caractérisé
l’activité de l’entreprise au cours des 3 derniers mois, compte tenu du fait que le reporting comptable est
établi sur une base trimestrielle et compte tenu du fait que les durées d’amortissement des véhicules, du
matériel de production et des bâtiments sont respectivement de 3 ans, 5 ans et 10 ans ?
En effet, au cours des 3 derniers mois, 4 factures importantes ont été payées, mais doivent encore être
enregistrées en comptabilité analytique (le comptable ne sait pas comment les traiter) :
Ø le précompte immobilier de l’ensemble des bâtiments du groupe (24 000 €),
Ø la prime d’assurance de la flotte des véhicules (15 000 €), les frais de restauration d’un bâtiment
classé qui abrite les locaux administratifs (28 000 € pris en charge dans l’entreprise, dans l’attente
d’un subside de la Région ( à concurrence de 50 %),
Ø les frais d’entretien (2 500 €) et de renouvellement pour cause de rupture accidentelle de la pompe
de réfrigération du frigo principal (17 500 €).
Enfin, l’entreprise est à présent gérée par deux gérants, dont l’un fait partie de l’actionnariat de
l’entreprise et est rémunéré sur base de tantièmes d’administrateurs et d’éventuels dividendes et dont
l’autre est salarié sur base d’un barème brut total de 75 000 € par an.
L’entreprise a aussi réussi à rembourser l’intégralité de ses dettes, assorties d’un taux à long terme de
6 %; elle privilégie à présent l’autofinancement et ne rémunère donc pas les 8 500 000 € apportés au titre
de capital social de l’entreprise (les partenaires bancaires estiment la prime de risque propre à
l’entreprise à 2.5 %).
Voici ce qu'a répondu le consultant :
D’abord, soulignons que le nombre de factures n’est pas pertinent en comptabilité analytique, seules les
rubriques reprises sur ces factures doivent faire l’objet d’une prise de décision : notamment, le fait qu'il
existe une facture qui se traduit ensuite par une dépense de trésorerie n'a aucun impact sur l'intégration ou
non d'un élément de coût au sein du système d'information comptable, car seule doit être prise en compte,
au travers de chaque facture, l'existence ou non d'une consommation de ressources dans le cadre normal
des activités ordinaires de l'entreprise.
Parmi les charges incorporables (donc les charges de la comptabilité générale qui sont à intégrer en
comptabilité analytique car génératrices de coûts dans un contexte d’activité normale de l’entreprise), les
éléments suivants doivent être intégrés :
96
C H A P I T R E 2
97
C H A P I T R E 2
réalité de la vie économique de l’entreprise. Dès lors, puisque les banques accordaient des prêts à long
terme à l’entreprise à un taux de 6 % et en l’absence d’informations sur le taux sans risque à long terme
en vigueur sur les marchés financiers au moment de notre analyse, il est raisonnable de considérer un
taux normal de rémunération du capital de Wood-Construct de (taux - presque - sans risque de 6 % +
prime de risque de 2.5 % = 8.5 %). D’où une charge supplétive à incorporer de : 8 500 000 * 8.5 % * ¼
(abonnement) = 180 625 €.
98
C H A P I T R E 3
Chapitre 3
Comptabilité de gestion et
aide à la décision :
les méthodes de
comptabilisation en coûts
partiels
L
a vision basée sur le calcul du coût de revient complet d’un objet de coût particulier est donc
centrée, nous venons de le souligner, autour de la fonction de production au sens large de
l’entreprise, puisqu’elle implique que le coût total d’un objet de coût englobe le coût de l’ensemble
des ressources consommées lors des phases de conception, de production et de commercialisation
de cet objet de coût.
La mise en oeuvre pratique de cette méthode a toutefois souvent donné lieu à des dérives, notamment au
niveau du mécanisme de fixation du prix d’un objet de coût particulier :
§ En effet, pour des raisons de facilité technique, la fixation du prix de vente d’un objet de coût tel
qu’un produit au sein des entreprises ayant adopté une comptabilité analytique basée essentiellement
sur le calcul de coûts complets s’est faite trop souvent par simple addition du coût de revient complet
du produit et d’une marge de profit, souvent alors appelée de manière très inappropriée « marge
bénéficiaire », déterminée de manière à dégager un taux de rentabilité théorique permettant d’assurer
à la fois l’autofinancement des projets stratégiques futurs de l’entreprise et une rémunération adéquate
des fonds propres mis à sa disposition par ses actionnaires.
§ Une telle démarche, déterminée uniquement sur base de critères comptables et financiers
exclusivement internes à l’entreprise (à savoir son niveau de coûts et le taux de rentabilité théorique
souhaité par ses propriétaires) , rend de fait le mécanisme de détermination du prix complètement
déconnecté du marché. Or, seule la confrontation de l’offre de toutes les entreprises offrant un produit
permettant de satisfaire un même besoin et de la demande émanant des consommateurs permet en fait
de déterminer le niveau de prix d’un produit acceptable réellement par le marché ; ceci a conduit dès
lors trop souvent de trop nombreuses entreprises à proposer au marché des produits dont le niveau de
prix, déterminé uniquement sur base de critères financiers et comptables purement internes, s’avère
inacceptable.
99
C H A P I T R E 4
Dès lors, pour permettre la mise en place d’une politique de prix qui intègre d’une part réellement le lien
avec le marché et qui d’autre part tient compte effectivement de la segmentation toujours plus précise de
ses marchés, l’entreprise ne peut que opter pour un mode de calcul du coût de revient basé davantage sur la
notion de coût variable, car celui-ci est très étroitement lié au niveau d’activité et donc au volume de
production induit par chacun des produits et services ou des couples « produit/marché » servis par
l’entreprise et car son niveau est relativement aisément contrôlable à court terme. La segmentation toujours
plus grande des marchés de l'entreprise, dans la mesure où elle implique notamment que l'entreprise offre
des produits aux attributs et aux fonctionnalités différenciés en fonction des attentes spécifiques des
marchés différenciés auxquels elle s'adresse, implique en effet en conséquence une segmentation de sa
politique de prix, qui doit intégrer à la fois la segmentation du portefeuille de ses produits et la
segmentation de ses marchés.
Concrètement, cette méthode se focalise sur le calcul de ce qui est appelé le « coût de revient direct »
d’un objet de coût, basé sur une distinction forte entre les coûts fixes, non contrôlables par un décideur
isolé, et les coûts variables, davantage contrôlables par un décideur isolé : elle s'avère de ce fait souvent
complémentaire de l'approche en coûts complets, qui met quant à elle l'accent sur la distinction entre
charges directes et charges indirectes induites par la consommation de ressources rares imputables à la
réalisation d'un objet de coût.
Direct Indirect
Matières Consommation
premières d'énergie par les
Variable nécessaires à la outils de
fabrication du production multi-
produit A produits
Amortissement d'un
Loyer d'un entrepôt
outil de production
Fixe destiné au seul
servant au stockage
des produits A et B
produit A
117
Le terme de "Variable Costing" serait en fait plus adéquat.
100
C H A P I T R E 4
l’horizontale) et les « faux amis » que le nom trompeur de « Direct Costing » pourrait conduire à intégrer (en
italique, à la verticale).
En termes d’aide à la décision, l’approche en coûts variables poursuit essentiellement une double finalité :
Ø Elle permet d’abord une analyse de la profitabilité de l’entreprise par objets de coût distincts
(produit, client, commande, couples « produits/marchés » essentiellement) : le concept de "profitabilité"
fait en effet généralement référence à la capacité d'un objet de coût à générer, lors de sa vente, un
niveau de prix qui permet de couvrir la totalité des charges variables induites par la réalisation de cet
objet de coût.
Ø Elle permet ensuite une analyse de la rentabilité de l’entreprise dans son ensemble.
Toutes les charges fixes sont alors considérées comme des « charges de période », n’ayant qu’un impact
au niveau du compte de résultats de la comptabilité générale et au niveau de la détermination du résultat
analytique final de la comptabilité analytique : ils n’entrent de ce fait plus en ligne de compte pour le calcul
du coût de revient direct d’un objet de coût.
118
Généralement pris en compte au travers du seul volume de production, ce qui traduit bien la filiation de cette
méthode par rapport à une vision taylorienne de l'entreprise où le volume de production joue un rôle essentiel en tant
qu'inducteur de coût principal au sein de l'entreprise.
101
C H A P I T R E 4
Lorsqu’il est utilisé comme base de travail de la stratégie de fixation du prix au sein de l’entreprise, le coût
de revient direct d’un objet de coût débouche sur un principe simple de fixation du prix de cet objet de
coût, proche des réalités économiques de l’entreprise et permettant d’intégrer les contingences éventuelles
de court terme propres au marché : le prix de vente d’un objet de coût doit permettre de récupérer au moins
l’ensemble des charges variables que sa production et sa distribution ont directement induites (donc dues à
des consommations de ressources imputables aux activités de production et de distribution de l'entreprise) et de
générer une marge, appelée alors « contribution margin » ou « contribution marginale », permettant de
couvrir au moins une partie des charges fixes supportées par l’entreprise.
Mais si l'entreprise veut créer de la valeur sur un horizon de long terme, il est alors évident qu'elle doit
couvrir toutes ses charges fixes sur cet horizon, ce qui n'empêche pas que des stratégies ou des contraintes
de plus court terme la conduisent temporairement à proposer au marché un niveau de prix ne permettant de
couvrir qu'une partie de ses charges fixes.
Traditionnellement, cette contribution marginale d’un objet de coût est mesurée sur base unitaire (donc par
unité de l’objet de coût considéré).
Ces hypothèses découlent logiquement des éléments vus précédemment et sont au nombre de trois :
1. Il doit être possible de réaliser, au sein des coûts qui traversent la vie de l’entreprise, une distinction
nette et non ambiguë entre les charges fixes et les charges variables. De ce fait, la présence, parmi ces
coûts, de nombreuses charges semi-fixes ou de charges progressant par paliers discontinus en
fonction de l’évolution du niveau d’activité de l’entreprise est un élément qui enlève de sa pertinence
à l’approche en coûts variables.
2. Il doit exister une indépendance de fait entre les charges fixes et les charges variables : le problème
qui se pose à ce niveau est en fait celui de l’existence au sein de l’entreprise de seuils ou de goulots
d’étranglement qui entraînent la réalisation d’investissements importants (générant de ce fait de
nouvelles charges fixes importantes) et dont l’existence est essentiellement due aux objets de coûts
générant une marge sur coûts variables élevée. La question qui se pose fondamentalement est de
savoir ce qu'il en est de la rentabilité exacte des produits dont la marge sur coûts variables élevée est
"compensée" par la nécessité de réaliser des investissements réguliers et conséquents, générant de ce
fait des coûts fixes qui seront supportés, si l'on suit les prescrits comptables de l'approche en coûts
variables, par l'ensemble de l'entreprise et non pas uniquement par les objets de coûts à l'origine de
ces frais fixes : un problème de subsidiation éventuelle de certains objets de coûts par d'autres objets
de coûts se poserait alors clairement aux décideurs de l'entreprise.
3. Enfin, le volume de production, dans la mesure où il reflète le niveau d’activité de l’entreprise, est le
seul inducteur de la variabilité des charges : cette contrainte rend dès lors difficilement applicable et
102
C H A P I T R E 4
1. D’abord, il y a une identification de la marge contributive générée par chaque objet de coût après
couverture des charges variables induites par la réalisation de cet objet de coût. Cette marge
contributive est alors souvent complétée par l’indication du taux de profitabilité de l’objet de coût,
né du rapport entre la marge contributive et le chiffre d’affaires qu’il a permis de réaliser.
Taux de 40 % 30 % 20 % 26.66 %
Profitab.
Charges 100 000
Fixes
Résultat 60 000
1. Si les produits B et C génèrent en volume (donc en unités monétaires) une contribution marginale
identique, l’examen de leur taux de profitabilité respectif montre que le produit C génère, par unité
vendue, une profitabilité bien inférieure à celle du produit B. L’examen des résultats d’une analyse
basée sur une approche en coûts variables ne peut donc clairement pas se limiter au seul examen des
contributions marginales en volume, mais doit aussi intégrer une analyse des taux de profitabilité,
sous peine de donner une image réductrice de la réalité économique de la vie de l’entreprise.
119
Pour une exploration détaillée de ce problème, voir Shank et Govindarajan (1993).
103
C H A P I T R E 4
Wood Construct et sa filiale « La Verrerie des Ardennes » conçoivent, produisent et commercialisent deux
produits, X et Y, vendus respectivement au prix de 2 000 € et 3 000 €. Le coût de revient direct généré par
la réalisation et la distribution du produit X est de 1 500 €, alors qu’il est de 2 000 € pour le produit Y.
Quant au coût de revient calculé selon l’approche en coûts complets, il est de 2 200 € pour le produit X et
de 2 700 € pour le produit Y.
Figure 24 : Un exemple d’analyse de profitabilité : les données de base
Selon l’approche en coûts variables, un produit est profitable dès qu’il permet de couvrir les charges
variables qui lui sont imputées ou allouées ; au vu de leur niveau de prix et de charges variables respectifs,
tant le produit X que le produit Y sont profitables et peuvent donc être maintenus à court terme à
l’intérieur du portefeuille de produits de l’entreprise.
Une analyse en coûts de revient complet conclurait quant à elle que l’entreprise perd de l’argent lors de la
fabrication et de la distribution du produit X, puisque son prix de vente de 2 000 € est inférieur à son coût
de revient complet, qui est de 2 200 € : de ce fait, le produit X est donc clairement non rentable et,
puisqu’il détruit ainsi de la valeur, il doit être abandonné.
A court terme toutefois, l’abandon immédiat du produit entraîne une diminution de la profitabilité globale
de l’entreprise (voir la Figure 24 pour les résultats de cette simulation), car en fait :
Ø lorsque les produits X et Y sont fabriqués et commercialisés, chacun de ces produits se voit attribuer
une quote-part de frais fixes, à concurrence en l’occurrence de 700 € chacun ;
Ø si l’entreprise ne fabrique plus le produit X et ne commercialise plus que le seul produit Y, ce produit
supporte seul la totalité des coûts fixes (à concurrence en l’espèce de 700 € * 2 = 1 400 €) et
l’entreprise connaît alors des pertes.
Il ressort dès lors clairement de cette analyse qu’un prix de vente qui couvre la totalité des charges
variables engendrées par la fabrication et la distribution d’un objet de coût est acceptable, car il permet
d’absorber une partie des charges fixes de l’entreprise : lorsque le nombre de produits ou d'objets de coût
augmente et que, suite à la décentralisation du pouvoir de gestion qui caractérise de plus en plus de
104
C H A P I T R E 4
moyennes et de grandes entreprises, le nombre de décideurs s'accroît, le problème devient alors de s'assurer
que la somme des marges sur coûts variables générées au travers de toute l'entreprise et qui résultent de
décisions locales décentralisées basées sur des coûts de revient direct, permet bien de couvrir l'ensemble
des charges fixes générées aux différents niveaux de l'entreprise et dont le contrôle général est
généralement assuré au sein du cœur décisionnel de l'entreprise (le "sommet hiérarchique").
Mais cette situation n’est cependant admissible qu’à court terme, car à long terme, compte tenu de
l’impératif global de création de valeur qui s’impose au travers de toute l’entreprise, il faut impérativement
s’orienter vers des niveaux de prix de vente qui permettent réellement de couvrir à la fois les charges
variables et les charges fixes de l’entreprise : il faut donc impérativement chercher à maximiser
constamment la marge sur coût variable générée par chaque objet de coût.
Figure 25 : Un exemple d’analyse de profitabilité : les résultats comparés d’une approche en coûts complets et en
coûts variables
"Direct Costing"et
analyse de profitabilité
Prod. Prod. Total Prod. Total
X Y Y
CA 2 000 3 000 5 000 3 000 3 000
Cet impératif de création de valeur peut difficilement ignorer le fait que la mise en oeuvre et le déploiement
de la plupart des décisions stratégiques majeures (décisions d’investissement, de développement de nouveaux
produits, de pénétration de nouveaux marchés, de recentrage sur ses activités de base,…) nécessite du temps et
qu’il faut généralement consommer un volume important de ressources rares (techniques, humaines,
immatérielles, financières) et donc générer un volume important de coûts avant que les produits et services
qui émergent in fine du processus de transformation de ces ressources n’engendrent réellement des recettes
pour l’entreprise et matérialisent enfin son processus de création de valeur.
Dans l’optique d’aide à la décision qui est la préoccupation essentielle de la comptabilité de gestion, il n’est
dès lors pas étonnant :
105
C H A P I T R E 4
§ et que l’étude de la nécessité de mettre un terme à court terme aux effets de certaines autres
décisions de gestion,
soient devenues des applications opérationnelles majeures, avec leurs concepts propres et notamment le
concept de seuil de rentabilité (ou de « point d’équilibre ») et approches dérivées, qui permet tout
particulièrement d’évaluer l’intérêt de projets ou de décisions de gestion particulières en mettant en avant
l’impératif de création de valeur : dans la mesure où ce type d’analyse se focalise souvent sur l’étude des
liens qui unissent le niveau d’activité de l’entreprise, le niveau de coûts qui en résulte et le profit qui en
découle, il est souvent référencé, dans la littérature spécialisée, sous le vocable « Analyse Coût – Volume -
Profit » ou « Cost-Volume-Profit Analysis – CVP Analysis ».
Dans la plupart des cas en effet, pour une structure donnée 120, les charges fixes (de structure) sont
supportées en totalité par l’exploitation de l’entreprise 121, quel que soit le niveau d’activité atteint.
En conséquence, il faut que les ventes atteignent un certain volume et se matérialisent en un certain niveau
de chiffre d’affaires pour que ces charges fixes soient couvertes : le niveau de chiffre d’affaires qui
permet à l’entreprise de supporter à la fois les charges variables directement induites par la
réalisation de ce chiffre d’affaires et les charges fixes de structure correspond au seuil de rentabilité
de l’entreprise.
et le seuil de rentabilité de l’entreprise peut donc être défini comme le niveau de chiffre d’affaires à
atteindre pour couvrir la totalité de ses charges, ne réalisant de ce fait ni bénéfice, ni perte. Ce
concept de "seuil de rentabilité" se voit associer une série de synonymes dans la littérature comptable, tels
que "chiffre d'affaires critique", "point-mort", "point d'équilibre" et surtout, dans la littérature anglo-
saxonne, "Break-Even Point".
Pratiquement, lorsqu’une entreprise atteint ce seuil de rentabilité, elle dégage des ressources financières
(matérialisées par son chiffre d’affaires) grâce à son activité d’exploitation courante et ces ressources
financières sont juste suffisantes pour couvrir l’ensemble des charges fixes induites par la structure
productive de l’entreprise et l’ensemble des charges variables induites par la réalisation du niveau d’activité
à l’origine du chiffre d’affaires :
Ø Au niveau du seuil de rentabilité, le niveau de ressources créées (donc la valeur créée) est tout juste
suffisant pour couvrir le coût des ressources consommées (donc la valeur consommée) et donc,
conceptuellement, on peut considérer que, au niveau de seuil de rentabilité, l’entreprise crée une
120
Donc pour une plage déterminée, plus ou moins large, de niveaux d'activité différents.
121
Sauf si, évidemment, l'entreprise a accumulé au fil du temps des actifs de trésorerie et des placements financiers
divers dont l'existence n'est plus justifiée réellement par la volonté de gérer au mieux les actifs financiers de
l'entreprise dans l'attente d'une affectation à des fins d'exploitation traditionnelles (par exemple dans l'attente d'un
investissement majeur) : dans ce cas, l'apparition d'une activité financière au sens strict du terme justifie la présence
de ces actifs financiers et justifie le fait que les revenus qu'ils permettent de dégager supportent également une partie
des charges fixes de l'entreprise (ces revenus financiers deviennent conceptuellement assimilables à des revenus
d'exploitation courants).
106
C H A P I T R E 4
valeur nulle : donc, logiquement, en dessous de ce seuil, la valeur créée est négative et il y a
destruction de valeur et, et au-dessus, la valeur créée est positive et il y a création de vale ur.
Enfin, rappelons avec insistance que fondamentalement, à long terme , vu l’impératif de création de
valeur déjà largement évoqué, l’entreprise doit impérativement être rentable pour créer de la valeur !
Ce seuil d’arrêt d’une activité apparaît lorsque le niveau de chiffre d’affaires (donc de ressources
financières) qu’elle engendre ne permet pas de couvrir le niveau de charges variables (donc le coût des
ressources qu’elle consomme directement) qu’elle induit : mathématiquement, le seuil d'arrêt apparaît lorsque
CA < CV.
En effet, dès que l’entreprise dégage un niveau de chiffre d’affaires qui permet de couvrir ses charges
variables, elle dégage une « marge sur coûts variables » positive (MCV) (aussi appelée « marge
contributive »), qui permet de supporter ne fut-ce qu’une petite partie de ses charges fixes.
La marge sur coûts variables s’exprime donc comme la différence entre le chiffre d’affaires réalisé et les
charges variables y afférentes : mathématiquement, MCV = CA - CV.
ce qui implique que, au niveau du seuil de rentabilité, il y a égalité entre la marge sur coûts variables et les
charges fixes : le seuil de rentabilité de l’entreprise peut donc être alternativement défini comme étant le
niveau d’activité engendrant un niveau de marge sur coût variable permettant de couvrir l’ensemble des
charges fixes de l’entreprise.
Le taux de marge sur coût variable (TMCV) peut alors être défini comme le rapport de la marge sur
coût variable sur le chiffre d’affaires et le seuil de rentabilité peut enfin s’exprimer comme :
122
Si l'on suppose que les charges variables sont proportionnelles au chiffre d'affaires au niveau de proportion a,
alors on a les expressions suivantes :
CA = X (niveau d'activité)
Charges Variables CV = a * x
Marge sur coût variable MCV = (x - a * x) = x * (1 - a)
Et le taux de marge sur coût variable = marge sur coût variable / chiffre d'affaires = (x * (1 - a)) / x = (1 - a).
107
C H A P I T R E 4
SR apparaît quand CA = CV + CF
F (CA - CV) = CF
F MCV = CF
F SR = CF / MCV 123
La représentation graphique
du seuil de rentabilité
Coût Chiffre d'affaires
Coût total
Coût variable
Coût fixe
Dans tous les calculs qui précèdent, le comptable est amené, pour calculer le seuil de rentabilité, à raisonner
sur base d’un taux de marge sur coût variable unique. Le plus souvent, il s’agit en fait d’un taux moyen,
obtenu sur un ensemble homogène d’objets de coûts (produits, clients, …) et, de ce fait, si les différences
entre les taux de marge des différents objets de coûts individuels intégrés dans cet ensemble sont
importantes, la notion de seuil de rentabilité peut vite perdre de sa pertinence ou de son intérêt.
Comment dès lors régler ce problème de taux de marge sur coûts variables multiples ?
123
Prenons un exemple simple :
Soit des charges fixes CF à concurrence de 600 000 € et un taux de charges variables de 60 % (donc un taux de
marge sur coûts variables de 100 % - 60 % = 40 %) : le seuil de rentabilité s'élève alors à :
SR = 600 000 € / 0.40 = 1 500 000 € = CF + CV = 600 000 € + 1 500 000 € * 60 %
108
C H A P I T R E 4
§ Soit une moyenne surface de grande distribution, dont les produits (et donc les ventes) sont répartis en
deux grandes catégories de rayons : l’alimentaire et le non-alimentaire.
§ Faisons l’hypothèse simplificatrice que les prix de vente des produits présents dans ces rayons sont
fixés de manière à dégager une marge sur coût variable de 20 % pour le rayon « alimentaire » et une
marge sur coût variable de 30 % sur le rayon « non-alimentaire », les charges de structure globales
représentant 1 000 000 € par an.
§ La détermination traditionnelle d’un seuil de rentabilité unique suppose que l’on détermine a priori la
part de l’alimentaire et du non-alimentaire dans le chiffre d’affaires global de l’entreprise, afin de
calculer un taux de marge sur coût variable moyen. Pratiquement, une telle démarche n’est guère
réaliste et s’avère en outre peu intéressante dans une perspective d’aide à la décision.
§ Si cette détermination a priori n’est pas possible, il apparaît assez vite que, si l’on note x le chiffre
d’affaires imputable au rayon « alimentaire » et y le chiffre d’affaires imputable au rayon « non
alimentaire », la condition nécessaire et suffisante pour permettre de déterminer le niveau de seuil de
rentabilité est que l’équation : 0.2 * x + 0.3 * y = 1 000 000 € soit satisfaite. Dans ce cas, tout couple
de valeur (x,y) qui satisfait cette condition correspond à un seuil de rentabilité et la droite qui permet
de relier l’ensemble des niveaux de chiffre d’affaires (x,y) qui satisfont à ce critère de rentabilité porte
alors le nom de « droite de rentabilité » ou de « droite d’équilibre » : les couples de chiffre
d'affaires (2 000 000, 2 000 000) ou (500 000, 3 000 000) satisfont, par exemple, à cette condition.
§ Notons encore qu’une solution plus fine et plus précise existe, mais qu’elle impose encore d’obtenir
une répartition des charges fixes totales entre ces deux rayons : dans ce cas en effet, rien ne s’oppose
à une application directe, pour chaque rayon, du raisonnement traditionnel et de la règle : SR = CF /
Taux de marge sur coût variable.
L’analyse du seuil de rentabilité réalisée jusqu’à présent s’est largement exprimée en termes monétaires,
sous la forme du chiffre d’affaires à réaliser pour que l’entreprise soit rentable.
Dans la vie quotidienne, les problèmes de gestion se posent cependant fréquemment en termes de quantités
(à produire, à vendre, …), surtout lorsque les informations comptables sont utilisées dans une perspective
d’aide à la décision de court terme, et il s’avère dès lors vite nécessaire d’exprimer le seuil de rentabilité
également en termes de volume ou de quantité.
Soit une entreprise distribuant un seul produit A, avec les données suivantes :
La marge sur coût variable par unité vendue est de 30 €, de sorte que pour couvrir les charges fixes, il
convient de vendre au minimum : CF / MCV, soit 600 000 € / 30 €/unité, soit donc 20 000 unités.
Ainsi, supposons que notre entreprise, à côté de son produit A, décide de se diversifier dans l’activité de
distribution et souhaite vendre aussi un produit B, acheté 60 à un fournisseur particulier et revendu 100.
109
C H A P I T R E 4
Notre entreprise réalise donc une marge sur coût variable de 40, les charges de structure restant inchangées
124
.
Il n’est alors plus possible de définir un seuil de rentabilité unique, mais on peut écrire une équation
correspondant à l’obtention d’un résultat nul et exprimée en quantités :
30 € * x + 40 € * y = 600 000 €,
avec x et y les quantités respectives des produits A et B vendus, 600 000 € le niveau de coût fixe inchangé,
donc à couvrir pour atteindre le seuil de rentabilité, et 30 € et 40 € les marges sur coûts variables unitaires
respectives réalisées lors de la vente d’une unité de A ou de B.
L’ensemble des points situés sur cette droite correspond dès lors à des programmes de vente conduisant
à des résultats nuls et donc représentatifs d’un seuil de rentabilité atteint en volume.
A l’évidence, l’incertitude qui pèse sur la vie des affaires ne peut avoir qu’une incidence forte sur le niveau
des prévisions que les gestionnaires de l’entreprise sont à même d’effectuer, que ce soit au niveau du
chiffre d’affaires escompté, des volumes de vente espérés et de la structure de coût anticipée. Au plus cette
incertitude est grande, au plus le risque de voir ces prévisions ne pas se réaliser est élevé.
Ignorer cette incertitude et ne pas mesurer son impact éventuel sur le seuil de rentabilité de l’entreprise
serait dommageable : en effet, rappelons-le une fois encore, les informations issues du système comptable
interne et utilisées en comptabilité de gestion doivent avant tout aider et éclairer la prise de décision et la
prise en compte effective du risque est un élément d’information capital dans de nombreuses décisions.
L’impact de l’incertitude (que l'on peut assimiler conceptuellement à l'impact d'une information imparfaite qui
amène éventuellement l'entreprise à formuler des hypothèses de travail peu réalistes ou peu compatibles avec les
évolutions anticipées réelles de son environnement) et le niveau de risque qui en découle inévitablement sont
d’autant plus importants à mesurer que l’entreprise atteint un niveau d’activité (donc de chiffre d’affaires)
proche de son seuil de rentabilité : en effet, plus l’entreprise voit son niveau d’activité se rapprocher de son
seuil de rentabilité, plus le risque est grand de commencer à générer des pertes (et donc de la non-valeur) et
non plus des bénéfices (et donc de la valeur) .
Pour bien le comprendre, partons d’un exemple : une société A produit dans son usine un produit simple,
alors que la société B sous-traite une part importante de sa production, ce qui amène ces deux entreprises à
présenter la structure de coûts suivante :
124
Dans la plupart des entreprises, en effet, l'adjonction d'une simple activité de distribution peut être intégrée sans
investissements nouveaux à l'intérieur de l'infrastructure existante. Notons toutefois qu'il n'en serait plus de même si
l'entreprise devait engager du personnel commercial supplémentaire et à durée indéterminée pour permettre cette
activité de distribution.
110
C H A P I T R E 4
Société A Société B
Tant A que B dégagent le même chiffre d’affaires et dégagent le même niveau de résultat. Pourtant,
§ A dégage un taux de marge sur coût variable de (25 000 € - 15 000 €) / 25 000 €, soit 40 % et son
seuil de rentabilité est de 8 000 € / 0.4, soit 20 000 € ;
§ quant à B, elle dégage un taux de marge sur coût variable de (25 000 € - 21 000 €) / 25 000 €, soit 16
% et son seuil de rentabilité est de 2 000 € / 0.16, soit 12 500 €.
L’entreprise B est très flexible en termes de structure de coûts, puisqu’elle s’appuie essentiellement sur des
relations de sous-traitance avec ses fournisseurs, en rendant ainsi variable une part importante de ses
charges d’exploitation. Au niveau d’activité actuel, elle se situe bien au-delà de son seuil de rentabilité et
apparaît de ce fait, au niveau de chiffre d’affaires actuel de 25 000 €, bien plus sûre et donc moins risquée
que A, qui dégage pourtant une marge sur coûts variables supérieure de 150 % à celle de B.
Le constat s’impose rapidement : une entreprise flexible qui parvient à rendre variable une part essentielle
de sa structure de coûts parvient de ce fait à atteindre plus rapidement son seuil de rentabilité et devient de
ce fait moins risquée qu’une entreprise qui intègre l’ensemble des outils nécessaires à son activité et qui
voit ainsi sa structure de coûts fortement influencée par une part proportionnellement élevée de coûts fixes.
Ceci explique que bon nombre d’entreprises actives dans des secteurs matures, fortement concurrentiels et
donc fortement risqués (par exemple dans le secteur du transport aérien) privilégient des stratégies de gestion
et des stratégies de gestion des coûts de type « low cost », basées à la fois sur une recherche de maîtrise
permanente de leurs coûts (fixes et variables) de manière à abaisser leur seuil de rentabilité et sur une
structure de coûts dominée par les coûts variables pour diminuer le risque pesant sur la rentabilité de leur
activité (avec tout ce que ces choix stratégiques impliquent en matière de flexibilité et de sous-traitance des activités,
et notamment en termes de sous-traitance des ressources humaines).
Notons toutefois que si cette flexibilité est incontestablement un atout en période de récession économique
ou de difficultés passagères pour l’entreprise désireuse de présenter des résultats financiers qui restent
positifs malgré les difficultés économiques (elle peut en effet diminuer aisément le volume de ses coûts
simplement en ne renouvelant pas ses contrats de sous-traitance, en ce compris les contrats passés avec les agents
intérimaires éventuels) , elle peut s’avérer désastreuse en période de forte croissance économique, lorsqu’il
devient difficile en raison d’une concurrence acharnée de trouver les compétences, les outils ou les
infrastructures qui seraient indispensables au développement des affaires : les bénéfices de la croissance
économique peuvent ainsi s’envoler aisément vers d’autres cieux, faute d’avoir constitué au sein de
l’entreprise un portefeuille de ressources stables et susceptibles d’être mobilisées à court terme pour
alimenter sa croissance interne.
111
C H A P I T R E 4
niveau d’activité de l’entreprise et donc l’impact du risque opérationnel qui se traduirait par une baisse,
voire une hausse, du chiffre d’affaires.
Le concept de marge de sécurité fait partie de ces notions. Techniquement, la marge de sécurité est
définie par le rapport suivant :
Appliqué aux données présentées à la section précédente, ce concept donne les résultats suivants :
§ pour la société A, la marge de sécurité s’élève à : (25 000 € - 20 000 €) / 25 000 €, soit 20 %,
§ pour la société B, la marge de sécurité s’élève à : (25 000 € - 12 500 €) / 25 000 €, soit 50 %.
Le niveau de son chiffre d’affaires par rapport au seuil de rentabilité donne donc à B une position moins
risquée que celle de A : lorsque les charges fixes sont importantes, le seuil de rentabilité est donc atteint
plus tard, même si le résultat final est satisfaisant 125, et l’entreprise est alors plus fragile en cas de chute du
niveau d’activité.
Pour fournir une telle indication, il faut mesurer alors un coefficient d’élasticité du résultat opérationnel
par rapport au chiffre d’affaires. En comptabilité de gestion, ce coefficient d’élasticité est évoqué sous le
concept de coefficient de levier opérationnel et il mesure, pour une variation donnée du chiffre
d’affaires et toutes autres choses étant égales (et notamment la structure de coûts de l’entreprise) par
ailleurs, la variation du résultat opérationnel qui en résulte.
Il résulte du rapport entre la variation relative du résultat et la variation relative du chiffre d’affaires,
s’assimilant de ce fait à l’élasticité du résultat par rapport au chiffre d’affaires réalisé.
§ Dans le même temps, le coefficient de levier opérationnel de la société B est de (400 € / 2 000 €) / (2
500 € / 25 000 €) = 2 pour une même évolution du chiffre d’affaires de 10 %.
§ La société A apparaît de ce fait beaucoup plus sensible aux évolutions du chiffre d’affaires que B et
est de ce fait beaucoup plus vulnérable en cas de retournement conjoncturel ou de difficultés
passagères, mais apparaît plus prometteuse en terme de croissance en cas de haute conjoncture ou de
circonstances particulières favorables.
125
Rappelons que pour les données de notre exemple, les résultats respectifs de A et de B sont égaux et correspondent
à un bénéfice de 2 000 €, ce qui laisse transparaître une marge sur ventes de 8 %.
112
C H A P I T R E 4
Le concept de seuil de rentabilité s’applique aussi fréquemment dans le cadre de décisions complexes et
notamment de la préparation de décisions d’investissement susceptibles de modifier la structure productive
de l’entreprise, lui donnant ainsi accès, par exemple, à une stratégie de croissance par diversification du
portefeuille de produits ou par pénétration de nouveaux marchés ou de nouveaux segments de marché.
§ Quelle conséquence la modification de la structure de l’entreprise (avec son impact sur la hausse des
charges fixes) a-t-elle sur son seuil de rentabilité ?
§ Dans la foulée, à quelles conditions cette modification est-elle dès lors rentable ?
Supposons que Wood Construct réalise un chiffre d’affaires de 2 Millions € et que ce niveau de chiffre
d’affaires corresponde au maximum de son niveau d’activité compte tenu de l’infrastructure disponible
actuellement.
A l’heure actuelle, elle subit des charges fixes à concurrence de 600 000 € et un taux de charges variables
de 60 % : le seuil de rentabilité s’élève donc à : SR = 600 000 € / 0.40 = 1 500 000 €.
Pour développer ses ventes, l’entreprise pourrait :
§ soit modifier sa structure en embauchant du personnel fixe, d’où une augmentation des charges fixes
à un montant de 700 000 €, le taux de marge sur coûts variables restant inchangé à 40 % ;
§ soit diminuer de 5 % son prix de vente, de façon à rendre le produit plus compétitif et à permettre
ainsi l’augmentation des quantités vendues : est-il besoin de rappeler que le chiffre d'affaires naît de
la multiplication du prix de vente unitaire p par les quantités vendues q et qu'une réduction du prix
unitaire se traduisant par une hausse des quantités vendues n'aura d'effet positif que si la hausse des
quantités vendues est plus que proportionnelle à la réduction du niveau de prix ?
Que nous dit l’analyse de ces deux options stratégiques ?
Dans le cas de la modification de structure, le seuil de rentabilité passe à 700 000 € / 0.4, soit 1 750 000 €,
au lieu de 1 500 000 € à l’heure actuelle.
Par ailleurs, par rapport à la situation actuelle, la modification de structure ne sera rentable que si le
nouveau chiffre d’affaires x permet d’obtenir un résultat supérieur au résultat actuel :
§ Or, le résultat actuel, pour un niveau de chiffre d’affaires de 2 000 000 €, est de Résultat = CA-
CF - CV = 2 000 000 € - 600 000 € - 2 000 000 € * 60 % = 200 000 €, soit donc un bénéfice de
200 000 €.
§ Dans le cas d’une modification de la structure, le nouveau chiffre d’affaires à réaliser est donc
d’au mons : (x * Taux de marge du coût variable - Charges fixes) > 200 000 €, soit donc : x * 0.4 -
700 000 € = 200 000 €, d’où x = 2 250 000 €.
§ L’embauche de personnel fixe ne sera donc rentable que si elle permet une augmentation du chiffre
d’affaires de 250 000 €, soit une hausse de 12.5 % par rapport au chiffre d’affaires actuel.
Dans le cas du changement de prix, celui-ci implique un nouveau taux de marge sur coût variable :
§ Actuellement, pour un prix de 100, le coût variable CV est de 60.
§ Or, la baisse de 5 % du prix (sans modification des conditions de production !) conduit à un prix
de 95 pour un niveau de charge variable inchangé de 60 : le taux de marge sur coût variable
devient ainsi : (95 - 60) / 95, soit 36.84 %, soit 3.16 % de moins qu’en l’absence d’une réduction
du prix.
113
C H A P I T R E 4
§ Dans ce cas, le nouveau seuil de rentabilité passe quant à lui à : 600 000 € / 0.3684, soit
1 628 664 €.
§ Donc, pour retrouver le niveau de bénéfice actuellement atteint de 200 000 € (pour un niveau de
chiffre d’affaires donc de 2 000 000 €), le chiffre d’affaires x à réaliser serait donné par le résultat
de l’équation : 0.3684 * x - 600 000 € = 200 000 €, soit un niveau de chiffre d’affaires x de
2 171 552 € et donc une augmentation du chiffre d’affaires de 8.58 % par rapport au niveau de
chiffre d’affaires actuel.
§ Cette progression du chiffre d’affaires de 8.58 % serait donc à réaliser avec un prix en baisse de 5
% : le taux d’augmentation du volume de ventes à réaliser est dès lors quant à lui de 1.0858 /
0.95, soit une augmentation du volume de ventes de 14.29 % 126.
3.1.6.4.3. Valeur, prix du marché et seuil de rentabilité
Nous l’avons à maintes reprises déjà évoqué, une entreprise ne peut survivre que si elle crée de la valeur et
cette valeur ne se crée que par la confrontation de la structure de coûts de l’entreprise avec le niveau de prix
accepté par le marché.
Pourtant, les relations exactes qui s’établissent entre la création de valeur aux yeux du client, le prix du
marché et les coûts sont encore mal appréhendées dans la littérature.
En effet,
v La plupart des techniques récentes développées dans le champ de la gestion des coûts ignorent
largement le concept de valeur perçue du point de vue du client et sont de ce fait gouvernées par une
« vision interne » de la valeur propre à l’entreprise, alors même pourtant (et c’est un paradoxe
important) qu’elles sont présentées comme fournissant le moyen de fournir de la valeur au client
(McNair e.a., 2001).
v Par ailleurs, la littérature s’est pendant longtemps basée sur le postulat selon lequel le niveau de
création de valeur aux yeux du client (et donc la valeur pour le client) s’exprime uniquement par le
biais du prix du marché, négligeant dès lors largement l’origine de cette valeur et les facteurs qui
expliquent les raisons pour lesquelles le client accepte de payer le prix proposé par le marché.
Or, ces raisons déterminent les facteurs de choix qui sont essentiels aux yeux du client (ceux qui, pour lui,
ont effectivement de la valeur et pour lesquels il accepte de payer un prix) et donc, du point de vue de
l’entreprise, leur compréhension permet de savoir quelles sont les activités, au sein de l’entreprise,
réellement créatrices de valeur aux yeux du client et qui justifient donc que des ressources rares (donc des
coûts) leur soient attribuées.
Un modèle explicatif récent apparaît toutefois prometteur, car intégrant à la fois une approche conceptuelle
rigoureuse du processus de création de valeur perçu du point de vue du client et intégré effectivement au
sein d’une entreprise et un aspect pragmatique et opérationnel concret qui le rend effectivement applicable :
il s’agit du « Modèle de la Création de Valeur 127 » , dû à McNair, Polutnik et Silvi (2001).
Ce modèle s’appuie d’abord sur le concept de « Profit potentiel », à savoir le niveau de profit maximal
que l’entreprise pourrait atteindre :
§ si le prix du marché valorise effectivement correctement le niveau de satisfaction des besoins et des
attentes du client, ce qui implique notamment que le marché soit parfaitement informé des besoins et
126
En effet, si q augmente de 14.29 % et que p diminue de 5 %, le chiffre d'affaires CA = p * q = 0.95 * 1.1429 =
1.0858 augmente bien de 8.58 % (aux arrondis près, naturellement).
127
Le "Value Creation Model" ou VCM.
114
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attentes des clients et qu'il les valorisent correctement compte tenu de l'offre des concurrents de
l'entreprise, tant en termes de produits semblables que de produits de substitution ;
§ et si l’entreprise adopte une structure productive basée sur un agencement optimal de ces processus et
activités lui permettant d’agir dans les conditions de coût les plus efficientes qui soient : il n'est alors
pas possible de trouver un agencement des processus et activités et une allocation des ressources rares
de l'entreprise qui déboucherait sur un niveau global de coût moindre.
Ce niveau de profit potentiel constitue évidemment un idéal qu’une entreprise atteint rarement mais qui
constitue l’objectif avoué de la plupart des entreprises caractérisées aujourd’hui d’entreprises « low cost »,
qu’elles opèrent dans le secteur du transport aérien, de la fabrication automobile ou dans d’autres secteurs
arrivés à maturité et touchés à leur tour par une philosophie de gestion bien particulière qui associe
systématiquement la volonté de maîtriser au mieux la structure des coûts de l’entreprise en en minimisant le
volume et la volonté de suivre de très près l’évolution des besoins et attentes des clients et de leur adresser
une communication ciblée sur la prise en compte de leurs attentes.
Au plan théorique, le concept de « niveau de profit potentiel » intègre parfaitement la valeur réelle que
les clients de l’entreprise associent aux différents attributs (niveau de prix, niveau de qualité, qualité du
service, design, durée de vie, …) liés à chaque élément de l’offre de produits et de services de l’entreprise.
Dès lors, théoriquement, la « structure de la valeur » qui découle de l’importance accordée par le client,
(conçu alors comme le client "moyen" idéal dont la composition du panier d'attributs qu'il prend en compte dans son
processus décisionnel d'achats sert de référence et de "benchmark" à l'entreprise pour déterminer quelles sont les
activités réellement valorisées par le client et quelles sont celles qui ne le sont pas) à chaque attribut de l’offre de
l’entreprise détermine la « structure de coûts » acceptable pour l’entreprise compte tenu de l’origine de
la valeur qu’elle crée aux yeux de ses clients au travers de ses produits et services. Ainsi, concrètement, si
la qualité technique du produit est un critère qui représente 20 % du prix que le client accepte de payer,
l'ensemble des activités que l'entreprise déploie pour assurer cette qualité technique du produit (contrôle de
qualité, choix rigoureux des fournisseurs, efforts de Recherche & Développement, formation continue du personnel de
production, …) ne peut pas représenter plus de 20 % du coût global encouru pour fournir le produit au client.
Dès lors, pour atteindre cet idéal, les dirigeants doivent être capables, grâce à leur système de comptabilité
de gestion, d’identifier les activités et les processus qui, mal agencés ou bénéficiant d’une affectation
inefficiente de ressources, conduisent à une structure de coûts qui s’écarte de la structure de coûts
optimale.
- Les coûts qui ne conduisent à aucune création de valeur au sein de l’entreprise, car liés à des activités
qui ne débouchent sur aucun attribut valorisé par le client : ces coûts sont appelés des "Waste Costs" et
englobent notamment l'ensemble des coûts cachés et les coûts liés à la satisfaction de besoins ou de
contingences propres à l'entreprise et indépendants des préoccupations du client (besoin de prestige,
coûts de dysfonctionnements organisationnels, …).
- Les excès de coûts induits par la constitution et le maintien de l’infrastructure optimale nécessaire à la
réalisation des biens et services revêtus des attributs effectivement valorisés par le client : ces coûts,
baptisés "No Value Costs", sont conceptuellement assez proches des coûts fixes induits par la structure
de l'entreprise et correspondent idéalement au niveau de coût optimal que devraient générer la
constitution et le maintien en parfait état de fonctionnement de la structure optimale nécessaire à la
réalisation des biens et services tels que désirés par le client
- Les excès de coûts induits directement par la conception, la réalisation et la distribution des produits et
services de l’entreprise, une fois ceux-ci revêtus des seuls attributs effectivement valorisés par le client
en parfaite concordance avec sa « structure de valeur ». Ces coûts, baptisés "Value Costs", sont
conceptuellement assez proches des coûts directs induits par la conception, la production et la
distribution des produits et services de l'entreprise. La structure de ces coûts doit alors idéalement être
calquée sur la structure de la valeur du produit aux yeux du client et ce sont les écarts entre cette
115
C H A P I T R E 4
structure de coûts optimale et la structure de valeur du produit qui sont de facto traqués au sein de
l'entreprise.
Totalement intégré dans une conception de l’entreprise ancrée dans la volonté d’une création permanente
de valeur du point de vue du client, le modèle VCM s’intègre parfaitement dans la vision de l'entreprise
"orientée client" et non plus "orientée produit". Il a par ailleurs le mérite de concilier une vision stratégique
du développement de l’entreprise dans une optique de création effective et continue de valeur du point de
vue du client et une mise en oeuvre concrète de cette vision au travers de concepts comptables spécifiques
et réellement mesurables au sein de l’entreprise, s’intégrant de ce fait parfaitement parmi les nouveaux
outils propres au champ de la comptabilité de gestion.
Cette méthode est en fait une méthode de calcul du coût de revient intermédiaire entre l’approche en coûts
complets et l’approche en coûts variables. En effet, selon cette méthode, on intègre au calcul du coût de
revient 128 d’un objet de coût :
§ A la fois l’ensemble des charges variables, directes ou indirectes, induites par la conception, la
fabrication et la distribution de cet objet de coût (d'où la proximité de cette méthode avec l'approche en
coûts variables) ;
§ et les charges fixes induites directement par les investissements ou les engagements de long terme liés
à la conception, à la fabrication et à la distribution de cet objet de coût (en fait, les charges fixes
directes) .
Le rapprochement entre le chiffre d’affaires généré par l’objet de coût considéré et le coût de revient semi-
complet ainsi calculé donne naissance à une "marge sur coût spécifique", aussi appelée "marge sur coût
direct" dans une partie de la littérature francophone.
Quant aux charges fixes indirectes, elles sont alors considérées comme des charges communes à l’ensemble
de l’entreprise et, de ce fait, elles ne sont pas réparties entre les différents objets de coûts, mais sont
globalisées pour être couvertes par l’ensemble des marges sur coûts spécifiques propres aux différents
objets de coûts de même type 129 recensés dans l’entreprise : la différence entre la somme des marges sur
coûts spécifiques réalisées dans l'entreprise et le total des charges fixes indirectes donne ensuite
logiquement naissance au résultat analytique final de l'entreprise.
128
Ce coût de revient est alors appelé "coût de revient semi-complet".
129
Produits, clients, couples « produits/marchés » à nouveau essentiellement.
116
C H A P I T R E 4
Dans ce contexte, le niveau de prix proposé par l’entreprise au marché est fixé de telle sorte qu’il couvre
l’ensemble des charges directes, fixes ou variables, induites par la réalisation de l’objet de coût et qu’il
génère une contribution significative à la couverture des frais fixes indirects, qui sont alors souvent
globalisés sous le terme générique de "frais généraux" ou de "frais de fonctionnement" dans les nombreuses
entreprises qui appliquent cette méthode ou l'une de ses multiples variantes.
En pratique, l'intérêt conceptuel de cette approche a conduit de très nombreuses entreprises (et notamment
énormément de Petites ou Moyennes Entreprises à l’activité essentiellement industrielle) à l'intégrer dans leurs
outils analytiques comptables, tout en l'adaptant souvent aux spécificités de leur activité en élargissant le
concept de "charge fixe indirecte" pour y intégrer d'autres frais de structure, à caractère plus direct par
rapport à certains objets de coûts mais considérés comme bénéficiant malgré tout à l'ensemble de
l'entreprise qui ne pourrait pas fonctionner ou dont l'existence ne se justifierait plus sans eux.
Enfin, dans une perspective d’aide à la décision, soulignons que le calcul des marges sur coûts spécifiques
est souvent complété par le calcul de taux de profitabilité, calculés cette fois comme résultant du rapport
entre la marge sur coûts spécifiques générée par un objet de coût et le chiffre d’affaires que ce même objet
de coût a permis de réaliser.
117
C H A P I T R E 4
Ainsi, pour les données de l'exemple reproduit à la Figure 28, il apparaît que :
§ Si, dans une approche en coûts variables, les produits B et C génèrent le même volume de marge
contributive, il n’en est plus de même dans une approche en coûts spécifiques. En effet, le produit B,
en raison de ses spécificités techniques ou commerciales, génère davantage de coûts fixes directs (par
exemple parce qu’il nécessite l’acquisition d’actifs spécifiques) , de sorte que le niveau de marge sur coûts
spécifiques qu’il a permis de réaliser au cours de la période le rend comparable au produit A.
§ Par aille urs, la comparaison des taux de profitabilité calculés cette fois sur base de la marge sur coûts
spécifiques (et qui sont respectivement de 30 %, de 15 % et de 13,33 %) montre encore plus clairement
l’intérêt de focaliser les investissements techniques et commerciaux futurs sur le produit A (mais
toujours naturellement si le marché et les contraintes techniques le permettent), car il génère un taux de
profitabilité deux fois supérieur à celui du produit B et plus de deux fois supérieur à celui du produit
C.
De ce fait, dans de nombreux cas, l’approche en coûts semi-complets permet de mieux refléter la réalité
économique de la vie de l’entreprise et est donc, de ce fait, souvent recommandée et implémentée en
entreprise.
Toutefois, il n’est pas toujours évident de bien isoler les frais de structure induits exclusivement par la
réalisation d’un objet de coût et ceux qui bénéficient à l’ensemble de l’entreprise considérée globalement,
ce qui conduit notamment à rejeter cette méthode dans certains secteurs, notamment lorsque l’activité de
118
C H A P I T R E 4
l’entreprise repose sur des frais de Recherche et Développement conséquents et fondamentaux pour la
survie même de l’entreprise 130.
A la fin de l’exercice 2004, le directeur financier a procédé à la décomposition des charges en charges
fixes et en charges variables, ces dernières étant rapportées, tout comme les chiffres d’affaires, à chacun
des 3 produits. Le tableau suivant a ainsi été dressé (en €):
Chiffre d’affaires net (hors impôts) 500 000 1 200 000 1 000 000
Coûts proportionnels de fabrication des 400 000 900 000 600 000
produits vendus, en ce compris les dépenses de
matières premières proportionnelles aux
quantités produites et vendues
130
Par exemple, dans des entreprises relevant des secteurs de la biotechnologie ou des produits pharmaceutiques.
131
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
119
C H A P I T R E 4
Pour l’exercice 2005, la direction générale envisage les conditions d’exploitation suivantes :
o d’un effort de publicité et de prospection qui doit majorer les charges variables de
distribution (le coût unitaire proportionnel de distribution augmentant ainsi de 10 %),
o et d’une modification des conditions de fabrication qui se traduit par une réduction de 3 %
des coûts proportionnels de fabrication.
- En ce qui concerne le produit C, les ventes et les coûts resteraient identiques à ceux de l’exercice
2004, le produit et le marché étant arrivé à maturité.
Travail demandé : Compte tenu des données de 2004 et des hypothèses d’exploitation pour 2005 :
- Déterminer les marges sur coûts variables que donneront en 2005 les ventes de chaque produit (ces
marges seront calculées en valeurs absolues (en €) et en pourcentage du chiffre d’affaires).
- Calculez le seuil de rentabilité de l’entreprise en 2005 et en 2004 et calculez les périodes de l’année
auxquels il sera respectivement atteint.
Solutions :
Partie 1 : Calculons d’abord les marges sur coûts variables (= CA – coûts variables) et les taux de marge
(= Marge sur coûts variables / CA) sur coûts variables
120
C H A P I T R E 4
Pour 2004, le seuil de rentabilité sera atteint (en considérant des mois de 30 jours) après :
1 287 554 / 2 700 000 = 0.477 d’année ou après 360 jours * 0.477 = 171.72 jours, soit le 22 juin.
Pour 2005, le seuil de rentabilité sera atteint (en considérant des mois de 30 jours) après :
1 544 221 / 3 018 000 = 0.512 d’année ou après 360 jours * 0.512 = 184.32 jours, soit le 5 juillet.
- D’abord, le résultat final dégagé a diminué : il est passé de 330 000 € à 315 000 €, soit une
diminution de 4.5%.
- Ensuite, le seuil de rentabilité s’est détérioré : il a augmenté de 19.9% et est atteint plus tard dans
l’année, ce qui rend l’entreprise plus vulnérable.
121
C H A P I T R E 4
Actuellement, sa production annuelle est de 12 000 unités et son coût fait apparaître :
Le marché semble permettre une augmentation très importante des ventes et l’entreprise envisage deux
solutions nouvelles pour profiter de ces excellentes perspectives commerciales. Elle demande à son
comptable de gestion de les comparer à la situation actuelle.
Les charges variables restant proportionnelles à l’activité, ces deux solutions consisteraient :
§ CAS 1 : réaliser des investissements légers qui porteraient les charges de structure à 4.500.000 €
mais permettraient d’atteindre une production annuelle de 24.000 unités ;
§ CAS 2 : réaliser des investissements lourds, qui porteraient les charges de structure à 8.000.000 €
mais permettraient d’atteindre une production annuelle de 36.000 unités !
Travail demandé :
o en terme de sécurité ?
Solutions :
Scénario inchangé
Cas n°1
Résultat = 24 000 000 – 4 500 000 – (9 000 000 * 24/12) = 1 500 000 €
Seuil de rentabilité = 4 500 000 / (6/24) = 4 500 000 / 0.25 = 18 000 000 €
132
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
122
C H A P I T R E 4
Cas n°2
Seuil de rentabilité = 8 000 000 / (9/36) = 8 000 000 / 0.25 = 32 000 000 €
Démarche analytique :
§ En terme de résultat, le cas n°1 est le meilleur car il génère le bénéfice le plus important.
§ En terme de seuil de rentabilité, c’est toutefois la situation inchangée qui est la plus intéressante car
elle est associée au seuil de rentabilité le plus faible, ce qui représente plus de sécurité opérationnelle
pour l’entreprise.
Notons que si nous utilisons la notion de marge de sécurité pour déterminer la situation préférable en
terme de sécurité, nous arrivons à la même conclusion. Les marges de sécurité sont :
- scénario inchangé : (12 000 000 – 8 000 0000) / 12 000 000 = 0.333
- cas n°1 : (24 000 000 – 18 000 000) / 24 000 000 = 0.25
- cas n°2 : (36 000 000 – 32 000 000) / 36 000 000 = 0.11
Notons toutefois que ce n’est pas sur la notion de marge de sécurité que nous devons baser nos conclusions
mais bien sur la notion de seuil de rentabilité. En effet, la notion de marge de sécurité n’est pas d’une
grande utilité car elle reflète un point de vue qui n’est pas déterminant dans ce cas de figure puisqu’elle
appréhende l’espace de liberté qui existe entre le seuil de rentabilité et le chiffre d’affaires : plus l’écart
entre le chiffre d’affaires et le seuil de rentabilité est grand, plus l’entreprise est sécurisée.
Ainsi, si l’entreprise possède une grande marge de sécurité et si elle n’arrive pas à réaliser le chiffre
d’affaires initialement prévu, elle peut encore espérer rentrer dans ses frais et atteindre son seuil de
rentabilité. Donc plus une entreprise possède une marge de sécurité élevée, plus elle est sécurisée.
Toutefois, la notion la plus importante pour notre cas de figure (c’est-à-dire l’aspect sécurité), c’est la
possibilité d’atteindre le seuil de rentabilité le plus vite possible, de sorte que, quoiqu’il arrive par après
dans le courant de l’année, la firme soit déjà sûre d’être rentrée dans ses frais. Or plus le seuil de
rentabilité est bas, plus il sera aisé d’y arriver. Nous devons donc choisir l’hypothèse qui donne le seuil de
rentabilité le plus bas.
133
Seuil de rentabilité et régularité de la production
La Verrerie des Ardennes envisage de produire un nouveau composant verrier P. Une étude prévisionnelle
permet d’envisager pour l’année à venir 50 000 € de charges fixes, un prix de vente de 3 € par unité et des
charges variables de 2 € par unité. Il est d’autre part prévu une production de 120 000 unités.
Travail demandé
2. A quelle date atteindra-t-on ce seuil de rentabilité dans les deux hypothèses suivantes :
133
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
123
C H A P I T R E 4
Solutions
124
C H A P I T R E 4
Chiffre d’affaires net hors taxe 75 000 000 96 000 000 162 000 000
Les charges variables de production varient en fonction des quantités, celles de distribution en fonction du
chiffre d’affaires. La main-d’œuvre directe est supposée variable.
Travail demandé :
B. Pour l’année 2005, les prévisions de production et ventes ci-après ont été établies :
- 48 000 unités de E à 1 350 € l’unité ;
- 54 000 unités de S à 2 140 € l’unité ;
- 60 000 unités de H à 3 150 € l’unité.
134
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
125
C H A P I T R E 4
Pour les matières premières, un meilleur contrôle de la qualité des verres reçus devrait réduire de 3% les
quantités nécessaires par modèle fabriqué. Quant à leur coût d’achat unitaire, il devrait croître de 5%.
Pour la main-d’œuvre directe, une réorganisation des postes de travail accroîtra de 2% la productivité de
ce facteur. Son coût horaire devrait en revanche augmenter de 8%.
Les charges indirectes variables répercuteront une hausse moyenne des prix de 8%.
Travail demandé :
C. Dans le cadre d’une politique de diversification concentrique de ses produits et de ses marchés, la
Verrerie des Ardennes envisage de lancer en 2005 un nouveau produit qui ne serait ni complémentaire ni
substituable aux produits actuels mais utiliserait les technologies traditionnelles de l’entreprise.
Ce produit serait vendu normalement au prix de 6 000 et entraînerait un surplus de charges de structure
de 8 800 000 €.
Les charges variables de production et d’approvisionnement seraient de 4 000 € par unité et celles de
distribution de 12% du chiffre d’affaires.
Travail demandé :
Solutions :
126
C H A P I T R E 4
Modèle H
CA 162 000 000
Charges variables 109 080 000
Matières premières 800 * 54 000 = 43 200 000
Main-d’œuvre 600 * 54 000 = 32 400 000
Indirectes de production 300 * 54 000 = 16 200 000
Indirectes de distribution 320 * 54 000 = 17 280 000
Marge sur coûts variables 52 920 000
Taux de marge 32.67%
Total
CA total 333 000 000
Charges variables totales 242 520 000
Marge sur coûts variables 90 480 000
Charges fixes 45 480 000
Production 34 800 000 (1/2)
Distribution 10 680 000 (1/4)
Résultat 45 000 000
Taux de marge = 90 480 000 / 333 000 000 = 0.2717
Seuil de rentabilité = 45 480 000 / 0.2717 =167 390 500
A.2. Le taux de marge global est une moyenne des taux de marge des produits individuels (ici, s’étalant de
20 à 32.67%). Ce taux est valable pour un chiffre d’affaires composé de plusieurs chiffre d’affaires (dans
notre cas, 3) : il restera donc valable tant que la proportion des ventes entre les différents produits restera
la même. Par conséquent, le seuil de rentabilité ne sera valable que si les proportions de ventes restent
constantes.
B.
Modèle E
CA 64 800 000
Charges variables 50 400 000
Matières premières 407.4 * 48 000 = 19 555 200 (*)
Main-d’œuvre 264.6 * 48 000 = 12 700 800 (*)
Indirectes de production 162 * 48 000 = 7 776 000 (*)
Indirectes de distribution 216 * 48 000 = 10 368 000 (*)
(*) 407.4 = (400 * 1.05) * 0.97
(*) 264.6 = 250 * 0.98 * 1.08
(*) 162 = 150 * 1.08
(*) 216 = 200 * 1.08
Modèle S
CA 115 560 000
Charges variables 86 776 380
127
C H A P I T R E 4
En terme de marge de sécurité, dans quel cas conseilleriez-vous le recours à l’entreprise d’interim ?
Solutions :
La rémunération des ouvriers salariés de l’entreprise provoque à court terme (délai déterminé par la
longueur des préavis de licenciement) des charges fixes ou des charges de structure pour la Verrerie des
Ardennes : en effet, que la production augmente, diminue ou même qu’elle s’arrête, les salaires de ces
ouvriers devront être payés, en tout ou en partie, à court terme.
Par contre, les salaires des ouvriers intérimaires constituent des charges variables car l’entreprise engage
ces ouvriers en fonction des besoins générés par son niveau de production : le coût salarial de ces ouvriers
est donc proportionnel au temps de travail qu’ils consacrent à la production de l’entreprise ; à noter que le
recours à du personnel intérimaire engendre en parallèle une commission, versée à l’agence d’interim, et
128
C H A P I T R E 4
qui est, selon les cas, soit fixe par contrat, soit proportionnelle au salaire versé à chaque ouvrier (dans ce
cas, elle a aussi un statut comptable de charge variable).
Pour la deuxième partie de la question, il suffit de prendre un simple exemple. Supposons que :
§ le coût des salariés soit égal aux coûts des intérimaires = 1 000 €
Les coûts fixes sont augmentés de 1 000 € (coûts des salariés) et sont égaux à 6 000 €.
Les coûts fixes restent à 5 000 € mais les coûts variables augmentent de 1 000 € et atteignent 4 000 €.
La deuxième proposition est donc préférable en terme de marge de sécurité : il vaut en effet mieux
engager des intérimaires car la marge de sécurité est plus grande et le seuil de rentabilité plus faible. Il
faudra ainsi moins de temps pour couvrir les coûts fixes (ce qui est logique vu qu’il y en a moins !).
Ce constat n’est toutefois qu’un constat purement comptable, qui ignore complètement les dimensions
stratégiques et organisationnelles de cette problématique. Leur prise en compte et l’ampleur des coûts
cachés ou des coûts d’opportunité que cette solution peut générer (par le biais par exemple de la
démotivation éventuelle de certains travailleurs salariés engagés à durée déterminée et qui craindrait de
ne pas voir renouveler leur contrat) pourrait évidemment amener les dirigeants de la Verrerie des
Ardennes à nuancer cet avis.
135
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
129
C H A P I T R E 4
Travail demandé :
- les ventes des 6 premiers mois ont porté sur 1 000 Kits outil 5 PIÈCES et 1 100 Kits outil 20 PIÈCES
au prix prévu ; le même rythme de ventes devant être maintenu au second semestre, les objectifs de
chiffre d’affaires semblent atteints ;
- toutefois, le contrôleur de gestion émet maintenant des doutes sur l’équilibre de l’exploitation pour
l’année 2004.
Quelle solution peut-on proposer sachant qu’actuellement, les commerciaux sont rémunérés selon un
pourcentage du chiffre d’affaires ?
B. L’usine de Arlon a dû accroître sa production pour satisfaire la demande de l’usine des Vosges de
moteurs pour les Kit outil 20 PIÈCES en la portant à 200 par mois.
Son directeur fait valoir que la capacité de production de l’usine d’Arlon n’est pas adaptée à un tel
rythme ; le recours à des heures supplémentaires, la multiplication des pannes sur des machines entraînent
un accroissement du coût unitaire de production. Il produit à l’appui de son raisonnement le tableau
suivant donnant, en fonction de la production réalisée, le coût total :
Le prix de cession (interne !) des moteurs à l’usine des Vosges a été fixé à l’époque (il y a trois ans) à
2 100 €.
Travail demandé :
130
C H A P I T R E 4
1) Déterminer le coût marginal par moteur lorsque la production varie de 100 à 200 par tranche de 20.
2) En déduire l’optimum de production pour l’usine des Vosges compte tenu du prix de cession actuel.
3) A quel niveau conviendrait-il de fixer ce prix de cession interne pour que l’usine de Arlon accepte plus
volontiers de satisfaire la demande de l’usine des Vosges ?
Solutions :
12 620 000
6 390 000
Marge sur coût variable = 12 620 000 – 6 390 000 = 6 230 000
Alors que la moitié du chiffre d’affaires a été réalisé, la marge sur coût variable n’atteint pas encore 50%
des prévisions, d’où évidemment de grosses inquiétudes.
Taux de marge sur coûts variables = 6 230 000 / 12 620 000 = 0.49
131
C H A P I T R E 4
En quantité, on est au-delà des prévisions pour les Kits outil 20 PIÈCES et en-deçà pour les Kits outil 5
PIÈCES. Or le taux de marge sur coût variable est plus fort sur les modèles 5 Pièces que sur les modèles
20 PIÈCES. Si les travailleurs étaient rémunérés par rapport aux marges plutôt que par rapport au chiffre
d’affaires, ils concentreraient leurs efforts à vendre les Kit outil 5 PIÈCES qui ont un taux de marge plus
élevé.
B.1.
B.2. Il faut que le coût soit inférieur au prix de cession interne de 2 100 €. L’optimum de production est
atteint pour 140 unités fabriquées.
Coût unitaire pour 100 unités = 2 000
Coût unitaire pour 120 unités = 234 000 / 120 = 1 950
Coût unitaire pour 140 unités = 271 600 / 140 = 1 940
B.3. Il faut que le prix de cession interne soit au moins égale à 2 500 €
Le choix d’une approche comptable et l’étude de l’impact de la modification éventuelle d’une structure
de production 136
Lors de sa reprise, la Menuiserie des Ardennes était devenue une petite entreprise spécialisée dans la
conception et la fabrication de plinthes et de planchers en bois rare, sur mesure. Rapidement, il a été
nécessaire d’envisager l’implantation d’un système analytique comptable.
Lors de cette reprise, le personnel se composait :
- d’un comptable ;
- de deux employés au service des ventes ;
- de trois mouleurs (ou injecteurs) ;
- d’ouvriers à domicile chargés du travail de finition (polissage, décoration) ; leur nombre et leur
horaire dépendent essentiellement de l’activité de l’entreprise.
Afin de rendre possible la détermination des coûts de revient, l’usine a été divisée en un certain nombre de
centres d’analyse :
- centre Prestations connexes ;
- centre Injection ;
- centre Finition ;
- centre Distribution.
Les coûts de revient sont établis à partir de tableaux extra-comptables.
136
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
132
C H A P I T R E 4
L’usine fabrique essentiellement deux produits A et B. Son activité, au cours du mois écoulé, peut être
résumée comme suit :
Centres Total A B
Les charges effectives du mois, ainsi que les clés éventuelles de répartition dans les divers centres, sont les
suivants :
Les charges du centre prestations connexes sont réparties par tiers entre les autres centres.
A. Nous savons que :
- le chiffre d’affaires global s’est élevé à 500 000 €, dont 270 000 €, soit 270 produits, pour A et
230 000 €, soit 230 produits, pour B ;
- les fabrications A et B ont demandé respectivement 85 000 € et 123 000 € de matières.
Travail demandé :
133
C H A P I T R E 4
B. On vous propose, avant de prendre une décision, de reclasser les charges sur une autres base :
- Charges de structure ;
- Charges proportionnelles au volume d’activité.
En première approximation, on estime que :
- les prestations connexes sont des charges de structure ;
- dans les charges d’injection, sont fixes :
o les amortissements,
o une masse de salaires égale à 21 000 €,
o les charges sociales correspondantes (admettre la proportionnalité), le reste des charges
d’injection est proportionnel à l’activité ;
- les charges de finition sont supposées variables, étant donné le caractère très spécial de la main-
d’œuvre ;
- les charges de distribution comprennent une masse fixe : les appointements et charges sociales et
1 000 € d’abonnement publicitaire ; le reste est proportionnel à l’activité.
Travail demandé :
2. Répartir les charges variables entre A et B de manière à obtenir pour chaque produit :
a. La marge sur coût variable de distribution ;
b. La marge sur coût variable, en admettant que les charges variables d’injection, de finition, de
distribution se répartissent suivant les mêmes règles que les frais globaux correspondants.
C. L’entreprise envisage de modifier son activité et, dans un but de simplification, de fabriquer uniquement
le produit A ou le produit B.
Elle se propose de conserver son outillage actuel, c’est-à-dire un volume d’activité normale de 600 heures-
machine, le nombre d’ouvriers à domiciles pouvant être majoré ou minoré.
Travail demandé :
Solutions :
134
C H A P I T R E 4
135
C H A P I T R E 4
Salaires ouvriers à
16800 16800
domicile
Appointements gérance
16800 16800
(prestations connexes)
Services extérieurs
15000 1000 12000 1000 1000
comptables
136
C H A P I T R E 4
Services extérieurs
4000 1000 3000
autres
Dotations aux
41900 41100 800
amortissements
Produits
Unités d’oeuvre Heure-machine Heure-ouvrier
vendus
Notons que nous n’avons pas effectué la répartition secondaire car celle-ci n’est pas utile pour la suite de
l’exercice (les charges correspondantes aboutissent en effet parmi les charges fixes des centres
principaux).
B,2, Marges et résultats
Total A B
CA 500000 270 1000 270000 230 1000 230000
Charges var directes de production 208000 85000 123000
Charges var d’injection 16000 450 26,67 12000 150 26,67 4000
Charges var de finition 24200 100 40,33 4033,33 500 40,33 20167
Coût var de distribution 41600 270 83,2 22464 230 83,2 19136
Coût var 289800 123497 166303
Notons que vu qu’il n’y a pas de stocks, les résultats en coûts complets et en coûts variables concordent.
B.3. Les marges sur coûts variables représentent respectivement 54.26% du chiffre d’affaires pour A et
27.7% du chiffre d’affaires pour B.
137
C H A P I T R E 4
Bien que le taux de marge de B soit inférieur, le produit B apporte une contribution non négligeable au
résultat. En son absence, l’ensemble des charges fixes serait supporté par le produit A et le résultat serait
négatif.
C.1.
Hypothèse A : ne faire que le produit A
Pour l’instant, A utilise ¾ des heures machines ; or elle va désormais utiliser la totalité de ces heures-
machines et donc multiplier sa production (et sa marge sur coût variable) par 4/3.
Marge sur coût variable = 146 507 * 4/3 = 195 337 €
Résultat = 195 337 – 157 700 = 37 637 €
Hypothèse B : ne faire que le produit B
Marge sur coût variable = 63 697 * 4 = 254 789 €
Résultat = 254 789 – 157 700 = 97 089 €
C.2. D’après les calculs, l’hypothèse B, compte tenu de la capacité limitée du centre injection, est
susceptible de procurer un bénéfice plus élevé. Mais faut-il encore que cette production multipliée par 4
puisse être réellement vendue sur le marché !
b ) Calculez les marges sur coût spécifique propres à chaque produit. Qu'en concluez-vous ?
138
C H A P I T R E 4
c ) Calculez le résultat analytique final, le seuil de rentabilité (en données monétaires et en quantité) et le
niveau de risque qui pèse sur l'entreprise.
d ) Quelle conclusion générale portez-vous sur votre analyse et quels conseils de gestion en déduisez-
vous ?
Solution :
Le tableau suivant apporte les éléments de réponse nécessaires à la résolution des points a), b) et c) :
139
C H A P I T R E 4
140
C H A P I T R E 4
Chapitre 4
Comptabilité de gestion et
contrôle de l’entreprise :
les méthodes de
comptabilisation en coûts
complets
L
es méthodes de comptabilisation en coûts partiels vues au Chapitre 3, qu’il s’agisse de l’approche
en coûts variables ou de l’approche en coûts semi-complets, sont particulièrement utiles lorsque le
comptable de gestion doit apporter une information à un quelconque décideur dans l’entreprise
confronté à la préparation d’une décision à prendre : elles sont de ce fait essentiellement utiles dans
une perspective de planification, voire dans une perspective de contrôle rapproché entre la prise d’une
décision et la mesure de ses conséquences.
Dans une perspective de contrôle a posteriori de l’impact de décisions passées ou, plus généralement, dans
une perspective de contrôle opérationnel relatif à l’ensemble des activités passées d’une quelconque
organisation, les méthodes de comptabilisation en coûts partiels montrent toutefois vite leur limites. En
effet, dans la mesure où elles n’intègrent dans le calcul du coût de revient d’un objet de coût particulier
qu’une partie seulement des coûts engendrés par les ressources consommées (charges variables dans la
méthode du « Direct Costing », auxquelles s’ajoutent les charges fixes directes dans la méthode du coût de revient
semi-complet), elles négligent de facto une partie potentiellement importante des coûts générés par la
conception, la production et la distribution d’un objet de coût particulier.
Dans une telle perspective de contrôle opérationnel a posteriori du bon fonctionnement d’une organisation,
l’impératif de reflet le plus parfait possible de la réalité de la vie économique de cette organisation oblige à
avoir recours plutôt à une méthode de comptabilisation en coûts complets.
Historiquement, deux grandes approches, elles-mêmes fondées sur deux conceptions différentes de ce
qu’est une organisation, se sont succédées :
§ La première à se développer, dès le milieu des années’20, est l’approche en coûts complets ou
« Full Costing » : basée sur une vision purement taylorienne du fonctionnement d’une organisation
centrée uniquement autour de sa fonction de production, cette approche conduit à intégrer au coût
141
C H A P I T R E 4
de revient complet d’un objet de coût l’ensemble des coûts directs et des coûts indirects liés à son
cycle de conception, de production et de distribution.
§ Cette méthode s’est vite répandue dans le monde industriel, où elle fut la méthode de référence du
calcul des coûts de revient pendant plus de 50 ans. L’évolution du contexte économique dans
lequel vivaient la plupart des organisations, et notamment l’apparition d’entreprises à la structure
de plus en plus floue et complexe, a toutefois conduit à une remise en cause de cette méthode,
devenue trop rigide et trop peu représentative de la réalité organisationnelle de l’entreprise de la fin
du XXème siècle.
§ Le début des années ’80 voit alors l’émergence des méthodes de comptabilisation à base d’activités
(« Activity-Based Costing ») et de processus (« Process-Based Costing »), basées
fondamentalement sur la prise en compte des activités et processus réellement mis en œuvre au
sein des organisations et sur l’intégration des coûts directs et indirects générés par les activités
consommées pour la conception, la production et la réalisation d’un objet de coût particulier.
Chacune de ces deux approches est détaillée dans la suite de ce Chapitre. Mais d’abord nous présentons la
logique comptable sous-jacente à chacune de ces deux approches et nous montrons comment déterminer le
processus de consommation des ressources et donc le processus de génération des coûts au sein d’un centre
de responsabilité, dans la mesure où chacune de ces méthodes fait du centre de responsabilité une pierre
angulaire du système comptable interne de l’entreprise.
Ensuite, dans la mesure où l’approche par activités et processus est conçue fondamentalement sur base
d’une représentation fine de la réalité des activités et processus des organisations au sein desquelles elle
s’applique, cette méthode est présentée en détails en premier lieu.
Nous détaillons ensuite les mécanismes de fonctionnement de l’approche en coûts complets qui, malgré sa
lourdeur et sa tendance à refléter de plus en plus imparfaitement la réalité de la vie des organisations de ce
début de XXI ème siècle, reste une méthode couramment appliquée, notamment dans le monde industriel ou
dans le monde des Administrations Publiques.
Historiquement, deux conceptions fondamentalement différentes de ce que doit être un agencement optimal
de l’entreprise se sont succédées, basées sur deux visions organisationnelles conceptuellement différentes :
2. La seconde conception repose sur une vision par processus et activités du fonctionnement de
l'entreprise. Cette conception est basée sur une approche opérationnelle du fonctionnement de
l’entreprise et est donc fondamentalement basée sur l’observation concrète des opérations qui
sont quotidiennement exercées au sein de l’entreprise. Cette conception considère l’entreprise
comme un ensemble agencé et structuré d’activités et de processus et elle sert de sous-jacent aux
approches de comptabilisation des coûts à base d’activités et de processus.
137
Pour une approche détaillée de cette conception, voir Robbins (1990).
142
C H A P I T R E 4
Cette vision est dominée par l’omniprésence du produit et, surtout, du processus de production : selon cette
conception, la valeur de l’entreprise et de ses dirigeants naît essentiellement de leur capacité à organiser, à
structurer et à coordonner un ensemble de ressources essentiellement techniques et à maximiser l’efficacité
de l’utilisation de ces ressources. L'outil de production et sa maîtrise jouent ainsi un rôle essentiel dans
cette optique et la maximisation du rapport "Output / Input" (exprimé généralement sous la forme "Volume de
production / Consommation de ressources de production") prime longtemps toute autre considération.
Simultanément, le lien avec le marché est relativement faible, voire quasi inexistant, si ce n'est au travers
du mécanisme de détermination du prix.
Direction Générale
- Stratégie
- GRH
- Infrastructure
Au sein de l’entreprise fonctionnelle classique, les gains d’efficacité qui conduisent à une meilleure
performance de l’entreprise naissent de la spécialisation des fonctions et des facteurs de production 138.
138
Dans les faits, ils apparaissent vite compensés par la difficulté, et souvent la faiblesse ou l’insuffisance, de la
coordination inter-fonctionnelle.
143
C H A P I T R E 4
La coordination des fonctions s’opère quant à elle par le biais de la hiérarchie, ce qui donne naissance à la
conception d’une « entreprise verticale » 139 par opposition à la conception d’une « entreprise horizontale »
qui naîtra quant à elle de l’approche par activités.
1. Le principe de stabilité, selon lequel les mécanismes de performance et les savoirs opérationnels
(qui permettent à l’entreprise d’être efficace dans l’utilisation des ressources dont elle dispose) sont stables
dans le temps. Dès lors, une fois déterminé, le mécanisme de performance optimal d’une
organisation (et donc la structure organisationnelle et l'architecture du processus de production de
l'entreprise sur lequel il finit par déboucher) est et reste optimal pour une période de temps
relativement longue, ce qui permet et explique l’émergence d’une structure organisationnelle
stable, fortement hiérarchisée, où le pouvoir de décision est centralisé à l’extrême car il appartient à
la hiérarchie, caractérisée par des circuits d’information et de contrôle à la fois extrêmement
formalisés et quasi immuables.
2. Le principe de l’information parfaite, selon lequel tout dirigeant a, du fait même de sa position,
une information complète et parfaite sur les mécanismes de performance du système qu’il dirige.
a. Le lecteur retrouve ici en filigrane le mythe, souvent véhiculé jusqu'au milieu du XXème
siècle, du "dirigeant parfait" qui sait ce qu’il faut faire en dépit d'une « rationalité limitée »
(aux conséquences largement explorées par Herbert Simon), car il a une vision et une
compréhension précise de tous les processus opératoires importants au sein de son
entreprise.
b. Cette conception, qui a conduit par exemple une partie de la littérature anglo-saxonne (voir
par exemple Argenti, 1977) à assimiler le dirigeant d'entreprise ou l'entrepreneur à un
"autocrate averti" qui concentre tous les pouvoirs de l'entreprise, est concevable dans un
contexte où l'entreprise et ses dirigeants connaissaient généralement personnellement
l'ensemble des clients et du personnel de l'entreprise. Elle est naturellement quasi
inenvisageable dans un contexte marqué par le foisonnement des clients, par un
développement technologique rapide, par la complexité grandissante des techniques et
procédés et par une rotation croissante d'un personnel de plus en plus qualifié.
a. La plupart des ouvrages de stratégie antérieurs aux travaux de Porter (1985) mettent ainsi
l'accent sur l'importance pour l'entreprise de maîtriser les stratégies de domination par les
coûts.
b. Dans le même ordre d'idées, les principaux modèles d'analyse stratégique, tels que ceux du
Boston Consulting Group (BCG) ou de Mc Kinsey, reposent à l'époque sur une logique de
domination par les coûts, basée essentiellement sur la recherche continue d'effets
d'économie d'échelle et d'effets d'apprentissage et conduisant de facto à une quête
permanente du volume de production maximal et de la croissance de la taille de l'entreprise
139
La Figure 20 en propose une représentation traditionnelle.
140
Pour une approche plus détaillée, voir Lorino (1991).
144
C H A P I T R E 4
c. Il est frappant de constater qu’aujourd’hui, les stratégies mises en œuvre par les entreprises
dites « low-cost », par exemple dans le secteur du transport aérien ou dans le secteur de la
fabrication automobile, reposent sur des tactiques stratégiques identiques. Décriées durant
de nombreuses années, elles sont aujourd’hui abondamment réutilisées par une série
d’acteurs désireux de pénétrer très rapidement des secteurs d’activité arrivés en phase de
maturité ou de déclin, caractérisés par des taux de croissance organique très faibles.
4. Enfin, dans la foulée, le principe du coût global équivalent au coût d’un facteur de production
dominant, selon lequel, il existerait pour chaque entreprise un facteur de production dominant (le
plus souvent le coût de la main d’œuvre directe) dont la maîtrise conditionne la maîtrise du coût global
des produits et services offerts par cette entreprise.
A l'évidence, si ce type d'organisation peut être viable dans un contexte d’évolution relativement lente et
prévisible de l’environnement technologique et concurrentiel, il n’en est plus de même dans le contexte
environnemental actuel décrit à l’entame du présent ouvrage.
En effet, les effets de la dérégulation et de la déréglementation progressive des marchés ont conduit à
l’émergence d'une concurrence mondiale féroce au comportement difficilement prévisible, d'où une
incertitude environnementale extrêmement élevée encore renforcée :
§ par une prépondérance de plus en plus forte des savoirs, des compétences et des actifs immatériels
(brevets, licences, …) par rapport à l'actif de production purement matériel (dont la propriété n'est plus à
présent absolument indispensable),
§ par un développement technologique général toujours plus rapide, quels que soient les secteurs
industriels ou de service concernés,
§ et, last but not least, par le développement bouillonnant de marchés financiers toujours plus anxieux de
maîtriser au maximum les risques (ce qui les conduit à demander toujours davantage de garanties et à limiter
leurs engagements au court terme) et simultanément fascinés par les gains faciles de la spéculation (qui ne
peuvent éventuellement naître que d'une prise de risque maximale).
L'ensemble de ces effets fait en sorte qu'il n’est plus possible d’envisager aujourd'hui de manière réaliste
que les mécanismes de performance de l'organisation et que les mécanismes de contrôle, notamment
comptables, qui les accompagnent restent stables sur longue période.
Un regard sur les enseignements fournis par les systèmes comptables internes des entreprises et l’analyse
de leur évolution montre par ailleurs que les évolutions de l’environnement concurrentiel, technologique et
financier de toute organisation aussi fait sentir leurs effets au niveau de son fonctionnement interne.
L’analyste constate en effet fréquemment notamment :
v Une multiplication des coûts dont le lien avec l'objet de coût principal qu'est le produit est indirect. De
ce fait, il devient difficile d'exercer aisément une action quelconque sur le niveau global de coût de ce
produit.
v La multiplication des objets de coût dont le suivi s'avère nécessaire si l'on veut vraiment apporter une
aide à la décision utile aux multiples décideurs présents dans l'entreprise. Les objets de coût liés à l'aval
du processus global de fonctionnement de l'entreprise deviennent ainsi peu à peu prépondérants, qu'il
s'agisse des clients, des activités de service au client ou des couples 'produit / marché'.
145
C H A P I T R E 4
v La perte de pertinence du budget en tant qu'outil d'allocation des ressources financières au sein de
l'entreprise et en tant qu'outil de contrôle de la bonne utilisation de ces ressources.
Ø De ce fait, il s'avère être un outil trop associé à une fonction particulière de l’organigramme de
l’entreprise et de moins en moins adapté au contrôle de ressources qui nécessitent en fait un suivi
transversal.
v Enfin, le volume de production perd de plus en plus sa pertinence en tant qu'inducteur de coût
prédominant au sein de l'entreprise. En effet, la multiplication des produits et services offerts en petites
quantités à des groupes de clients multiples aux attentes à la fois spécifiques et évolutives, la
complexité croissante des processus de production au contenu technologique de plus en plus avancé,
l'informatisation et l'automatisation accrue des tâches élémentaires qui requéraient traditionnellement
beaucoup de main d'œuvre obligent aujourd’hui l'entreprise à abandonner les stratégies traditionnelles
basées sur une course au volume de production au profit de stratégies de différenciation basées sur la
réalisation de petites séries de produits et de services réellement adaptés aux besoins et attentes du
client.
L'ensemble de ces évolutions, qui ont fait ressentir leurs effets combinés progressivement au cours des
deux dernières décennies, a dès lors logiquement conduit à une remise en cause progressive de l'approche
en coûts complets tellement caractéristique de l'entreprise taylorienne et a mené à la recherche de solutions
analytiques comptables nouvelles, centrées autour de concepts d’ activités et de processus plus proches
de la réalité quotidienne de la vie de l’organisation.
Ayant mis en exergue les conséquences de l’évolution tant de l’environnement concurrentiel que
technologique de l’entreprise décrites à la section précédente, ces deux auteurs ont voulu montrer
l’obsolescence des systèmes de comptabilité de gestion traditionnels basés sur une vue taylorienne de
l’entreprise. En 1988, les premiers résultats de travail opérationnels et concrets d’un groupe d’experts 143
paraissent : l’approche ABC peut prendre son envol, dans le même temps que le modèle de la « Chaîne de
Valeur » de Porter (1982) devient une référence incontournable dans le champ de la stratégie et qu’il trouve
dès lors dans l’approche par les activités et surtout par les processus un outil de mise en œuvre
particulièrement efficace et pertinent.
Ces experts proposent en fait de reconstruire le système de représentation comptable de l’entreprise sur
base de concepts d’activités et de processus réellement représentatifs de l'activité économique de
141
ABC pour Activity-Based Costing, comme ABM pour son prolongement, l’Activity-Based Management davantage
orienté vers la prise de décision, et PBC pour Process-Based Costing et PBM pour son prolongement, le Process-
Based Management.
Notons également que ces acronymes se sont rapidement répandus, tant dans la littérature anglo-saxonne que dans la
littérature francophone.
142
Sur ce point, voir De Rongé (1998).
143
Travaux généralement référencés sous le nom de « travaux du CAM-I ».
146
C H A P I T R E 4
l'entreprise et non plus représentatifs d'un organigramme ou d'une structure fonctionnelle qui résultent trop
souvent (notamment dans de nombreuses entreprises ayant acquis une certaine taille au terme d'une histoire parfois
longue et mouvementée) davantage de luttes de pouvoir et de compromis internes que d'une véritable stratégie
d'organisation et d'agencement des ressources rares en vue de rencontrer au mieux les aspirations des
clients de l'entreprise.
La méthode proposée débouche de ce fait sur l'obtention de données, comptables ou non, permettant de
mieux gérer l’organisation en apportant réellement les éléments d’informations dont ses gestionnaires ont
besoin, compte tenu de l’évolution constatée de l’environnement dans lequel ils sont amenée à travailler et
surtout à décider.Ce modèle de représentation de l’entreprise, fondé essentiellement sur le concept
d’activité, permet notamment en particulier d’intégrer la notion de valeur pour le client, en réponse au
manque d’articulation entre le coût et la valeur tellement reproché aux approches basées sur une conception
taylorienne de l’entreprise.
Mais après analyse, et fort heureusement, le lecteur attentif réalise vite que l'approche en coûts complets (et
ses évolutions que sont l'approche en coût direct et l'approche en coût semi -complet) et l'approche par activités
reposent de concert sur un socle élargi de concepts et de mécanismes comptables fort proches les uns des
autres, que nous allons à présent détailler avant de décortiquer minutieusement les mécanismes de
fonctionnement propres à chaque technique.
Dans le même temps, la structure organisationnelle de l’entreprise détermine de facto son découpage en
centres de responsabilité et c’est au travers de ces centres de responsabilité que s’exerce le système de
pouvoir de l’entreprise et s’intègre l’ensemble de ses activités consommatrices de ressources rares : c’est
donc au travers et par l’entremise des centres de responsabilité que se déploie le processus global de
création de valeur de l’entreprise.
Le système comptable interne de n’importe quelle organisation (et donc les systèmes de comptabilité analytique
et de comptabilité de gestion qui le composent) se doit donc de « réconcilier » :
Ø à la fois la stratégie de l’entreprise, au travers essentie llement d'un choix d’objets de coûts
pertinent, qui reflète réellement les préoccupations stratégiques majeures présentes dans
l’entreprise,
147
C H A P I T R E 4
1. D’abord, une attribution des ressources consommées aux centres de responsabilité, afin de permettre la
détermination de leur coût : ce sont les centres de responsabilité qui consomment les ressources rares
de l’entreprise, puisque c’est à leur niveau que se prennent concrètement les décisions de
consommations de ressources. De ce fait, c’est à leur niveau que s’accumulent logiquement dans un
premier temps les coûts associés directement aux consommations de ressources qu’ils ont induites.
2. Ensuite, une attribution des coûts des centres de responsabilité aux objets de coûts étudiés, au prorata
de la consommation des activités exercées dans ces centres de responsabilité qui sont effectivement
consommées par chaque objet de coût.
Ainsi, le Service de la Gestion des Ressources Humaines de Wood Construct, centre de responsabilité par
excellence, va utiliser du personnel, occuper des locaux, louer ou acheter du matériel informatique ou de
la bureautique, sous-traiter des analyses particulières, … bref va prendre une multitude de décisions,
quotidiennes ou plus stratégiques, qui vont engendrer des consommations de ressources humaines,
techniques, matérielles et financières. Le coût de ces consommations de ressources va donc s’accumuler
progressivement au dessus de la tête du centre de responsabilité « Service de la Gestion des Ressources
Humaines ».
La Direction Générale, mais aussi les autres sociétés du groupe, vont faire appel au fil des jours aux
services et aux compétences de ce Service de la Gestion des Ressources Humaines. Les coûts accumulés au
sein du centre de responsabilité « Service de la Gestion des Ressources Humaines » vont donc être imputés
progressivement aux différents autres services ou aux différents objets de coûts qui requièrent son
intervention. Cette imputation se fera logiquement sur base du volume de tâches ou de la complexité des
actions à mener pour rencontrer les demandes de ces autres services ou des différents objets de coûts
considérés.
Ce processus logique de répartition des coûts est, de ce fait, la pierre angulaire de l’ensemble des
techniques de comptabilisation des coûts qui ont été successivement proposées dans la littérature
spécialisée :
Ø Historiquement, dans une optique traditionnelle basée sur une vision taylorienne de l’organisation
dominée par l’influence de la hiérarchie et d’une organisation fonctionnelle de l’entreprise, les critères
qui servent de base au découpage de l’organisation en centres de responsabilité obéissent le plus
souvent à une logique fonctionnelle au sein de laquelle le cycle de conception, de production et de
distribution des produits et services domine.
Ø Comme déjà souligné, cette logique fonctionnelle ne tient toutefois compte qu’assez marginalement
d’une logique de processus qui lierait un ensemble d’activités menées par les différents centres de
responsabilité de l'entreprise, privilégiant de ce fait un découpage vertical de l’organisation fondé
essentiellement sur l’exercice des systèmes de pouvoir et de contrôle, au détriment d’un découpage
horizontal de l’entreprise, pourtant essentiel à la mise en place d’un système d’information transversal
reflétant réellement l’ensemble des activités et, plus globalement, des processus qui s’y exercent.
Ø Or, il apparaît assez clairement aujourd’hui 144 que la logique d’activité et de processus est la seule
véritablement capable de rendre compte de la manière dont, opérationnellement et économiquement,
les ressources sont effectivement consommées dans l’entreprise et donc, de la manière dont les coûts y
sont générés et la valeur créée.
Ø Ceci conduit dès lors, dans les systèmes de comptabilité analytique qui intègrent réellement cette
volonté de représentation effective des mécanismes de consommation des ressources, à décider que si
un centre de responsabilité est en charge d’un nombre important d’activités et que ces activités ne sont
pas homogènes en termes de consommation des ressources, il faut découper ce centre de
responsabilités en plusieurs sous-entités.
144
Sur ces points, voir par exemple Johnson et Kaplan (1987), Johnson (1992), Cooper (1995) ou Kaplan et Cooper
(1998).
148
C H A P I T R E 4
o L’existence de ces sous-entités est donc purement comptable et elles regroupent chacune, par
nature, une ou plusieurs activités homogènes en termes de consommation des ressources.
o Le lecteur comprend dès lors aisément que ce découpage comptable de l'organisation en une
multitude de "centres de responsabilité",
§ ou fictifs s'ils sont créés dans un but essentiellement comptable pour faciliter la mise
en oeuvre d'une technique comptable particulière,
peut rapidement conduire à représenter une entreprise dont les modes de consommation de
ressources sont complexes sous la forme d'un ensemble de centres de responsabilités réels
et de centres comptables fictifs hybride et peu compréhensible, assimilé par les
pourfendeurs de la complexité des systèmes d'information comptable à une gigantesque
"Usine à Gaz" au fonctionnement quasi incompréhensible pour un mortel normalement
constitué.
Le processus de choix de ces centres de responsabilité peut être schématisé comme suit :
Il faut donc parvenir à leur attribuer avec le plus de certitude possible le coût des ressources consommées
pour parvenir à réaliser leurs activité. Cette affectation suit un principe de détermination classique,
applicable en fait au calcul du coût total engendré par la réalisation de n’importe quel objet de coût
particulier (centre de responsabilité, mais aussi client, produit, projet, …) et basé sur la séparation des coûts en
coûts directs et coûts indirects :
149
C H A P I T R E 4
v D’une part, toute consommation directe d’une ressource provoque l’apparition d’une charge directe
(d’un coût direct) dont l’attribution au centre de responsabilité ou à l’objet de coûts ne fait aucun doute.
Cette consommation est reflétée par exemple par l'utilisation d'une heure de main d'œuvre, d'un volume
de matières premières, d'un temps d'utilisation d'une machine particulière, … .
Ressources : Objets de
-Techniques Coûts :
-Humaines -Produits
- Savoirs - Clients
Interfaces
- Financières - Marchés
Consommateurs
De ressources - ...
Charge indirecte
Principe de détermination
du coût d'un objet de coûts
Structure de coûts d'un objet de coût
v D’autre part, toute consommation indirecte de ressources naît fondamentalement du fait qu’il y a un
interface entre la ressource consommée et le centre de responsabilité ou l’objet de coûts considéré. Elle
provoque l’apparition d’une charge indirecte, dont l’attribution va alors nécessiter l’utilisation de clés
de répartition. Ces clés de répartition correspondent en fait à des mécanismes purement comptables,
150
C H A P I T R E 4
que l’on va construire en veillant à ce qu’ils respectent au plus près la réalité économique de la vie de
l’entreprise et donc à ce qu’ils reflètent au mieux la structure de consommation des ressources
indirectes par les centres de responsabilité ou les objets de coûts :
Ø Afin de réaliser une allocation aussi correcte que possible du coût des activités ou des tâches
consommées de manière indirecte pour la conception, la production et la commercialisation des
objets de coûts, il faudrait donc idéalement identifier les lois économiques exactes qui régissent la
consommation de ces ressources et donc le comportement de ces coûts (déterminer par exemple que
la distribution de X unités de produit Z consomme indirectement tel volume de ressources au sein du Service
de Gestion des Ressources Humaines selon une loi normale de telle moyenne et de tel écart-type) .
Ø Techniquement, une telle détermination ne s’avère pas aisément réalisable, car trop coûteuse
en temps d’analyse ou difficile à observer.
Ø Dès lors, techniquement, le comptable de gestion va chercher à identifier une unité de mesure
de l’activité menée au sein du centre de responsabilité qu’il considère, unité de mesure appelée
en jargon comptable une « Unité d’œuvre » (U.O.) et dont le profil d’évolution est par
définition fortement corrélé avec le profil d’évolution du coût total de l’activité qu’elle est
supposée refléter.
• Ainsi, chez Wood Construct, l’heure de main d’œuvre directe est l’unité d’œuvre la plus
fréquemment utilisée pour imputer sur les différents centres de responsabilité le coût des
charges indirectes qu’ils ont consommées. Ceci s’explique aisément : les activités
opérationnelles de l’entreprise sont encore fortement laboristiques et le temps de travail du
personnel est de ce fait un indicateur pertinent du niveau d’activité de la plupart des centres de
responsabilité présents dans l’entreprise.
• De ce fait, il est logique que plus un centre de responsabilités est actif et consomme donc
d’heures de main d’œuvre directe (charge directe), plus il requiert aussi des activités et des
tâches des autres centres de responsabilité présents dans l’entreprise (charges indirectes) : il y
a donc une forte corrélation entre le nombre d’heures de main d’œuvre consommées par un
centre de responsabilité et le volume de coûts totaux imputable à ce centre, de sorte que l’heure
de main d’œuvre directe constitue une unité d’œuvre pertinente.
§ Pour identifier concrètement une unité d'œuvre, le comptable de gestion aura recours à des
outils statistiques (tels que le coefficient de corrélation) ou à des techniques particulières
d'analyses de données (telle que l'analyse de régression).
§ Par ailleurs, la définition même du concept d’unité d’œuvre implique qu’il doit être
distingué du concept d'inducteur de coût, l'unité d’œuvre étant un indicateur comptable qui
reflète particulièrement bien la consommation d'une ressource sans qu'il soit lié
obligatoirement à la cause même de la consommation de ressource, alors que l'inducteur de
coût est l'élément qui est à l'origine même de la consommation de ressources et est donc
obligatoirement la cause même à l’origine de la consommation de ressources.
• Ainsi, la quantité de produits vendue (indicateur de volume) est souvent utilisé comme
unité d’œuvre pour affecter les charges indirectes aux activités de distribution, alors
que les éléments qui provoquent l'apparition de ces charges indirectes (les véritables
inducteurs de coûts) sont, par exemple, le conditionnement des produits, le caractère
proche ou lointain des marchés auxquels ils sont destinés, la taille des lots constitués
pour assurer leur distribution, …, bref un ensemble d'inducteurs qu'il est parfois
complexe ou trop coûteux de mesurer.
151
C H A P I T R E 4
Il y a une forte variation des coûts en fonction du Il y a une plus forte variation des coûts en
fonction du niveau d’activité .
volume de production .
Il y a en général un seul objet de coût : le produit ; Il y a en général plusieurs objets de coût : client,
produit, service, projet,… .
Forte orientation « produit » et « processus de Forte orientation « client »
production »
Ø produits différenciés ;
Ø production de masse ; Ø nombreux produits différents ;
152
C H A P I T R E 4
Fondement principal du « modèle classique de Née il y a une vingtaine d’années aux Etats-Unis.
l’organisation » issu de la révolution industrielle
du début du 20ème siècle
Etroitement liée à la modélisation de la « Chaîne de Valeur » mise en exergue par Porter (1982), elle
privilégie de ce fait clairement une vision « horizontale » de l’entreprise basée sur l’observation de ce qui
s’y réalise au quotidien, par opposition à la vision « verticale » de l’entreprise sous-jacente aux approches
analytiques comptables traditionnelles et fondée sur la structure de son système de gestion.
153
C H A P I T R E 4
L’organisation vue comme un ensemble d’activités se définit dès lors à la base à partir de ce qui se fait ou
s’accomplit réellement dans l’entreprise et non plus à partir d’un regroupement de compétences par
fonctions spécifiques comme c’est le cas dans le modèle taylorien traditionnel.
De ce fait, il est possible de représenter le mécanisme de fonctionnement d’une entreprise sur base d’une
« carte des activités et processus » qui s’y réalisent quotidiennement. Cette carte est à la base même de
l’approche ABC et en constitue LE préalable indispensable.
- de l’observation directe, in vivo, des tâches élémentaires effectivement accomplies au quotidien par les
différents acteurs présents dans l’entreprise,
- et de la mise en évidence des interrelations qui lient et assemblent l’ensemble de ces tâches
élémentaires pour en faire des activités et, plus largement encore, des processus opérationnels
habituels et relativement stabilisés.
Le lecteur comprend dès lors aisément que la mise en évidence des activités menées réellement au sein
d’une organisation, que la compréhension des interrelations liant ces activités et que la mise en forme de
cette dynamique sous la forme d’une « Carte des activités et processus » est une démarche à la fois
indispensable à la bonne mise en œuvre d’une comptabilisation par activités mais aussi est une démarche
très consommatrice en temps de travail préparatoire.
145
Qui relèvent de fait fréquemment de plusieurs fonctions traditionnelles différentes de l’entreprise.
154
C H A P I T R E 4
Une fois la carte des activités et processus d’une organisation mise en évidence, encore faut-il parvenir à
déterminer d’une part le coût de chaque activité ainsi mise en exergue si l’on poursuit un objectif de
comptabilisation des coûts à base d’activités (« Activity-Based Costing ») et d’autre part la valeur de
chaque activité ainsi mise en exergue si l’on poursuit un but plus stratégique de gestion de l’organisation
sur base de la valeur créée par chacune de ses activités (« Activity-Based Management ») :
v Le coût d’une activité se calcule de manière analogue au calcul du coût d’un centre de responsabilité
présenté ci-avant : le coût d’une activité résulte de la somme des ressources directement consommées
par l’activité (coûts directs) et d’un prorata du coûts des ressources consommées par les activités
auxquelles l’activité analysée fait appel pour mener à bien sa mission (coûts indirects).
v Quant à la valeur d’une activité, elle se mesure par rapport à sa contribution à la satisfaction du client
final externe, le seul qui valorise in fine la production et donc l’activité globale de l’entreprise :
Ø Cette satisfaction se traduit et est donc mesurée indirectement par le fait que le client externe
accepte de payer le prix demandé pour les biens et services offerts et verse réellement le montant
correspondant au prix demandé par l’entreprise, apportant ainsi des ressources financières
nouvelles à l’entreprise et sanctionnant ainsi la « valeur » qu’il attribue au produit ou service offert.
Ø Gérer la valeur pour le client se fait alors par le biais de la gestion des activités de l’entreprise du
point de vue exclusif de leur valeur pour le client externe, ce qui amène à distinguer, au sein de
l’entreprise :
§ les activités créatrices de valeur, génératrices de valeur directement valorisées par le client,
§ et les activités non créatrices de valeur, qui ne génèrent pas de valeur directement valorisée par
le client mais répondent à des besoins propres à l’entreprise et dont il faut s’assurer qu’elles
répondent à une nécessité réelle imposée par la contrainte de création de valeur, à défaut de
quoi on se trouve confronté à une activité destructrice de valeur, donc à bannir hors de
l’entreprise.
Conceptuellement, dans une optique ABC, l’entreprise est alors vue comme un ensemble homogène et
cohérent d’activités interreliées entre elles, constitutives des processus de base de l’entreprise et toutes
créatrices de valeur, soit en interne lorsque leur valeur est incorporée dans d’autres activités de
l’entreprise, soit en externe lorsque leur valeur est directement reconnue par le client externe.
La Figure 33 propose ainsi une représentation schématique d’une carte de processus fréquemment
rencontrée au sein des entreprises et détaille la carte des activités propres à l’un de ces processus, le
processus des achats.
Dans une définition devenue aujourd’hui traditionnelle, Lorino (1991) considère qu’une activité est :
Ø un ensemble de tâches élémentaires,
Ø réalisées par un individu ou un groupe,
146
Par exemple, la réception des appels téléphoniques entrants.
147
L’activité « Accueil », par exemple, comprend la réception et la distribution du courrier dans l’entreprise, la
réception des appels téléphoniques entrants, l’accueil des visiteurs au guichet, ….
155
C H A P I T R E 4
Pour reprendre l’expression de Lorino (1991), « il s’agit alors d’un ensemble d’activités reliées entre elles
par des flux d’informations significatifs et qui se combinent pour former un produit matériel ou immatériel,
important et bien défini ».
Traditionnellement, on distingue trois grandes catégories de processus (Lorino, 1991), dont le lien avec le
modèle de la « Chaîne de Valeur » est extrêmement étroit :
1. Les processus liés au métier de base de l’entreprise et correspondant majoritairement à des activités
principales et accessoirement à des activités de support (par exemple, la production ou la gestion
des commandes) liées étroitement à l’exercice de l’activité principale de l’entreprise.
2. Les processus de support correspondant à des activités de support servant au développement et à la
gestion opérationnelle de l’organisation dans son ensemble (par exemple, les achats et
approvisionnement, le développement de nouveaux produits ou la communication interne, …).
3. Enfin, les processus liés au management stratégique de l’entreprise et à son contrôle (par exemple,
la planification stratégique, les budgets ou les mesures de performance, …).
Donnons en quelques exemples :
Ø Il est généralement complété par un processus de logistique des intrants et de logistique des sorties,
pour former un processus global, souvent qualifié de « Processus de production », qui englobe les
fonctions traditionnelles d’achats, de production et de ventes.
Ø Le processus de facturation, quant à lui, englobe les activités d’enregistrement des bons de commande,
d’émission des factures, de suivi des paiements, de rappel des paiements, voire les activités de
contentieux juridique.
156
C H A P I T R E 4
De ce fait, les consommations d'activités ont toujours un caractère direct par rapport aux objets de coût,
alors que les consommations de ressources par les activités conservent un caractère direct et un caractère
indirect :
v Les "outputs" produits par d'autres activités et qui sont consommés directement par une activité
engendrent eux-aussi un coût direct qui vient s'ajouter aux autres coûts propres à cette activité, ce qui
donne de facto au coût des ressources rares que ce coût d'output reflète un caractère indirect par rapport
à l'activité.
Ø Par exemple, l'activité de "Facturation" de la Verrerie des Ardennes engendre des consommations
de ressources directes (le personnel dédicacé à l'activité, les locaux nécessaires à l'exercice de
l'activité et qu'il faut louer - d'où consommation de ressources financières - et entretenir - d'où
nouvelle consommation de ressources humaines et financières. Elle engendre aussi des
consommations d'outputs produits par d'autres activités de l'entreprise : il n'est possible de
facturer que si l'activité "Logistique" confirme que le produit est arrivé chez le client et que si
l'activité "Commercialisation Produit X" donne une information quant à la remise de prix
éventuelle accordée au client, par exemple ; or, ces activités consomment elles aussi directement
des ressources humaines, techniques, immatérielles et financières, qui de ce fait revêtent un
caractère indirect par rapport à l'activité "Facturation".
Ø De ce fait,
§ Dans la logique d'une entreprise dont le fonctionnement est fait d'une multitude de relations
internes de type "clients / fournisseurs" entre activités créatrices de valeur 151, le calcul du coût
de l'output d'une activité destiné à être consommé par une autre activité revêt une importance
cruciale lors de la mise en oeuvre d'une approche par activités.
§ Plus encore, le calcul de la valeur attribuée par le système analytique comptable à cet output,
souvent assimilée à un "prix de transfert interne", est un enjeu majeur et une difficulté
essentielle liée à la mise en oeuvre effective d'une approche de comptabilisation à base
d'activités.
148
A savoir l'approche en coûts complets, l'approche en coûts variables et l'approche en coûts semi-complets.
149
Eventuellement appréhendées à un niveau d'agrégation supérieur, le processus.
150
A savoir les résultats de l'activité, qu'il s'agisse d'un service à caractère immatériel (la facturation au client est
ainsi l'output logique de l'activité "Facturation") ou d'un bien à caractère tangible (le produit X, tangible et concret,
est l'output logique de l'activité "Fabrication du produit X").
151
Ce type de fonctionnement reflète particulièrement bien la filiation de l’approche analytique comptable par activité
par rapport au modèle de la « Chaîne de Valeur » de Porter (1985) évoqué par ailleurs.
157
C H A P I T R E 4
• Malheureusement, ce prix n'existe pas toujours, car d’une part il n'existe pas de marchés
organisés sanctionnant la valeur de toutes les activités exercées au sein de l'entreprise 152 et
car d’autre part la récolte et le traitement systématique de cette information s'avérerait vite
trop onéreux.
• Dès lors, ce prix de transfert est établi généralement sur base d'un "prix standard"
déterminé en interne, théoriquement par les acteurs concernés par la transaction. Notons
toutefois que s'il est établi sur base d'un compromis qui reflète un rapport de force entre les
parties concernées par la transaction et s’il n’est donc pas établi sur base de la véritable
valeur économique de l'output produit et consommé dans l'entreprise 153, il est à craindre
que des phénomènes de subsidiation aux conséquences dramatiques apparaissent.
♦ Le lecteur doit être conscient que ces phénomènes de subsidiation sont étroitement liés
aux systèmes de pouvoir, de contrôle et d'information en vigueur dans l'entreprise et
que leur apparition est généralement le signe d'un système de gestion dominé par
quelques acteurs qui poursuivent souvent des buts plus personnels que collectifs : un
acteur de l’entreprise bien informé et qui exerce un contrôle efficient de son
environnement, détient de facto un pouvoir de négociation qui peut l'amener à imposer
à ses collègues responsables d'autres activités des prix de transfert internes élevés, qui
ne reflètent pas réellement la valeur économique de l'output produit par sa propre
activité mais lui permettent de satisfaire des ambitions personnelles ou d’atteindre plus
facilement les objectifs financiers qui lui auraient été assignés dans une optique de
contrôle de gestion.
En conséquence, l’approche par activités intègre dans sa conception même 3 concepts que nous avons
présenté par ailleurs comme étant essentiels à l’efficience d’un système de comptabilité de gestion :
1. L’activité, concept spécifique à l’approche par activités et conçue comme un ensemble homogène
d’actions et de tâches destinées à permettre un ajout de valeur à un objet de coût, quel qu’il soit.
2. L’inducteur de coût, concept déjà présent dans d’autres approches analytiques. Dans la mesure où
il lie intimement le niveau de coût d’une activité à une consommation de ressources particulière
qui provoque ainsi l’apparition du coût (facteur de causalité), il est l’élément essentiel qui permet
le passage d’une approche de comptabilisation par activités (ABC) à une véritable approche de
gestion stratégique de l’entreprise sur base de ses activités (ABM) puisqu’il permet d’exercer une
action directe sur les facteurs réels qui induisent les multiples consommations de ressources
provoquées par l’exercice d’activités délibérément créatrices de valeur au sein de l’entreprise.
152
A quel marché faire référence, par exemple, pour évaluer économiquement au plus juste le fait que l'activité
"Facturation" a envoyé à temps et à heure à l'activité "Contentieux Juridique" les informations relatives aux
conditions et délais de paiement de tel client particulier (informations dont cette activité a un besoin essentiel pour
accomplir au mieux la tâche de recouvrement éventuel des créances impayées qui lui a été confiée) ?
153
Donc les activités dont l'output est valorisé à un niveau de prix de transfert interne qui ne couvre pas le coût total
des ressources consommées pour réaliser cet output.
158
C H A P I T R E 4
a. De ce fait, il apparaît assez clairement (Kaplan, Cooper, 1998) que l’objectif ultime de la
mise en oeuvre d’une approche de comptabilisation par activités est, in fine, la mise en
oeuvre d’une véritable stratégie de gestion par les activités
3. L’objet de coût, concept lui aussi présent dans d’autres approches analytiques et qui représente
n’importe quel objet (client, produit, centres de responsabilités, …) pour lequel il s’avère pertinent
de calculer un coût.
Quant à la mise en place effective d’une approche de comptabilisation par activités, elle repose sur 4 étapes
successives :
3. L’identification précise des objets de coûts à prendre en considération, qui naissent d’une part de
l’observation des outputs réels des processus identifiés dans l’entreprise et d’autre part des besoins
réels en information exprimés par les décideurs présents dans l’entreprise.
4. Enfin, une fois les activités identifiées, les inducteurs de coûts clairement mis en évidence et les
objets de coûts soigneusement sélectionnés, il est possible de procéder au calcul du coût de revie nt
de chaque objet de coût, consommateur direct des activités de l’entreprise.
159
C H A P I T R E 4
Le lecteur le comprend rapidement : le concept de « maillon » au sens de Porter (1985), largement évoqué
précédemment, se trouve en fait matérialisé dans une approche par activités et processus par le concept de
« processus ».
Dès lors, en intégrant, au travers d’un concept de « maillon » extrêmement proche du concept de
« processus », l’ensemble des activités interreliées et créatrices de valeur recensées au sein de l’entreprise
depuis l’achat des matières premières jusqu’à la livraison du produit ou du service au client, la
modélisation de la « Chaîne de valeur » permet de concilier l’approche purement comptable de
l’enregistrement des coûts par activités et par processus et l’approche beaucoup plus stratégique de gestion
par la valeur sous-jacente au modèle de Porter.
- l’optimum global de l’entreprise, en terme de performance, est alors atteint par la simple sommation
des optima locaux générés au sein de chaque fonction ;
- cette vision présuppose dès lors qu’une décision prise au sein d’une fonction n’a pas d’incidence ou
n’a qu’une incidence marginale sur le fonctionnement des autres fonctions de l’entreprise.
Ce cas est évidemment très rare et, dans la plupart des entreprises, cette vision conduit à des effets pervers.
Prenons l’exemple vécu d’une entreprise à l’intérieur de laquelle, en toute bonne foi, il fut demandé à la
fonction « Achats » de minimiser en toutes circonstances le coût total d’achats, dans l’illusion que cette
volonté se traduirait par une réduction équivalente du coût de production et donc du coût de revient final
des produits.
Hélas, c’était ignorer les conséquences opérationnelles de cette instruction, qui se traduisit en fait
concrètement :
Ø par des taux de rebuts importants imputables à l’augmentation importante de la taille des lots
commandés pour bénéficier de réductions des prix d’achats plus importantes ;
Ø par une augmentation spectaculaire des coûts de stockage, induits à leur tour par l’augmentation du
volume des lots de matières premières commandées et dont la consommation immédiate au sein du
processus de production ne s’avérait pas justifiée ;
Ø par une augmentation inévitable des volumes de matières premières obsolètes, en raison d’un temps de
stockage trop long, dans des conditions techniques non prévues initialement pour de tels volumes ;
Ø par une augmentation des freins à l’innovation, puisque la présence de matières premières et de
fournitures en quantités importantes dans les stocks de l’entreprise a incité les équipes de Recherche et
Développement à se préoccuper davantage des moyens à mettre en oeuvre pour maintenir la qualité
des stocks qu’à se soucier de l’amélioration continue des processus de production ou du
développement de nouveaux produits.
En conséquence, la volonté de diminuer au maximum le coût de la fonction « Achats » a conduit à une
explosion du coût des autres fonctions et donc du coût total au sein de l’entreprise, par manque de prise en
compte des interrelations qui lient les activités de l’entreprise et, au-delà, les fonctions traditionnelles à
l’intérieur desquelles elles s’insèrent.
La vision par les processus, par contre, élimine ces risques en visant à une performance globale de
l’entreprise centrée sur la satisfaction du client.
Par exemple, une sélection soigneuse d’un petit nombre de fournisseurs fidèles, qui jouissent d’une
situation financière saine qui réduit leur risque de faillite, qui bénéficient d’une certification de qualité de
type ISO pour réduire le coût du contrôle de qualité propre à l’entreprise, qui acceptent de nouer des
160
C H A P I T R E 4
relations de partenariat à long terme, …, et même mieux payés qu’un fournisseur traditionnel, augmente
certes les coûts du processus d’approvisionnement mais réduit fortement les coûts des processus de
production, de contrôle de qualité, de facturation, de contentieux, … , bref a un impact global favorable
sur le niveau de coût global de l’entreprise et donc sur son potentiel de création global de valeur.
Il ne faut toutefois pas tomber dans le travers qui consisterait à penser que la mise en place d’une approche
de comptabilisation et de gestion à base d’activités ne comporte que des avantages.
En effet, une telle mise en œuvre s’opère quasi inévitablement au sein d’une organisation qui possède déjà
un système d’information comptable basé sur une méthode de comptabilisation plus ancienne (coûts
complets, « Direct Costing », …) et elle se heurte inévitablement aux obstacles classiques propres à tout
grand projet de restructuration ou de reconfiguration du système de gestion d’une entreprise : absence
d’implication d’acteurs trop impliqués dans le système de gestion en vigueur, résistance délibérée ou
inconsciente au changement, manque de crédibilité du système au début de sa mise en oeuvre, difficultés
liées à la complexité perçue comme trop grande des nouveaux modèles ou à la simplicité des modèles
utilisés jusqu’alors, longueur du délai nécessaire à la mise en oeuvre pleinement opérationnelle du nouveau
système, … (Dworaczek, Oger, 1998). Par ailleurs, une telle approche, pour être implémentée dans les
meilleures conditions, nécessite un très grand volume d’informations, synonyme d’un investissement en
temps et donc en argent élevé qui peut vite rebuter des dirigeants d’entreprise simultanément préoccupés
par la maîtrise de leurs coûts.
Enfin, nous ne pouvons pas envisager l’interaction entre les processus mis en œuvre au sein d’une
organisation et sa performance globale sans revenir un instant sur l’approche de gestion intégrée du
système de gestion de l’entreprise à base de processus et d’activités que constituent respectivement les
approches de gestion de type « Activity-Based Management » et surtout « Process-Based Management ».
Les principes à la base de ces deux philosophies d’animation du système de gestion d’une entreprise sont
simples :
§ D’abord, une organisation n’existe que si elle crée de la valeur et cette valeur ne peut être créée que du
point de vue du seul client ou des seuls bénéficiaires de l’activité de cette organisation : de ce fait, une
organisation ne peut envisager de créer de la valeur que dans la mesure où ses « clients » sont
réellement satisfaits du niveau de qualité et du niveau de prix proposé par l’organisation pour chacun
des biens et services qu’elle propose.
§ Ensuite, une organisation n’est rien d’autre qu’un ensemble de ressources rares, de nature humaines,
techniques, financières et immatérielles, qui sont organisées et structurées au sein de l’organisation en
4 niveaux successifs, allant du plus simple et homogène au plus complexe et transversal :
o Il y a ensuite le niveau de l’activité, qui rassemble des tâches élémentaires proches et dont
l’output va être ensuite consommé par d’autres activités au sein de l’organisation ou hors de
l’organisation.
o Il y a encore le niveau du processus, qui rassemble quant à lui des activités homogènes
conduisant en parallèle ou successivement à la réalisation de la mission de l’un ou l’autre des
maillons de la « Chaîne de Valeur » que constitue toute organisation.
161
C H A P I T R E 4
§ Pour faire fonctionner cet ensemble à 4 niveaux et l’amener à l’efficience, deux mécanismes de
gestion des ressources rares s’avèrent essentiels :
o D’abord, le mécanisme de coordination des ressources, qui doit amener chaque tâche, chaque
activité, chaque processus à bénéficier au bon moment et en quantité suffisante des ressources
rares dont il/elle a besoin pour être efficient(e).
o Ensuite, le mécanisme de motivation des acteurs, qui doit amener chaque acteur présent dans
l’organisation à agir en permanence dans le sens bien compris des intérêts de cette
organisation.
§ Enfin, le système de gestion mis en œuvre dans une entreprise ou une organisation privilégiant un
mode de gestion à base d’activités ou de processus cherche en permanence à ce que, à chacun des 4
niveaux décrits ci-avant et pour chacune des composantes qui y sont reprises, il y ait création effective
et efficiente de valeur : l’efficience et donc la performance de l’ensemble de l’organisation ne peut
s’envisager que si chacune des tâches élémentaires qui y est menée est menée elle -même de manière
efficiente !
162
C H A P I T R E 4
L’approche de la comptabilisation en coûts complets 154 repose dès lors sur une accumulation
progressive à la fois des charges directes et des charges indirectes engendrées par la réalisation d’un
objet de coût et sa mise en oeuvre repose fondamentalement sur une conception de l’activité de l’entreprise
centrée autour de sa fonction de production, y associant étroitement sa fonction d’achats (fonction « amont »
par rapport à la fonction de production) et sa fonction de distribution (fonction « aval » par rapport à la fonction
de production) .
Concrètement, elle intègre dans le calcul du coût de revient final d’un objet de coût particulier 155 toutes les
charges que sa conception, sa production et sa distribution ont généré au sein de l’entreprise, quelle que soit
sa structure organisationnelle.
Techniquement, elle implique d’avoir recours à la technique comptable de l’affectation afin d’attribuer
correctement ces charges directes et indirectes. Si l’affectation des charges directes ne pose guère de
problème, par contre l’affectation des charges indirectes, du fait que celles-ci transitent au travers d’un ou
de plusieurs interfaces et qu’elles concernent plusieurs objets de coût simultanément, est plus complexe et
nécessite une procédure particulière.
154
Parfois aussi référencée sous le terme "comptabilité industrielle" dans des ouvrages francophones anciens
dédicacés à la comptabilité analytique ou à la comptabilité des coûts.
155
Généralement, cet objet de coût est étroitement lié aux produits et, plus rarement, aux services proposés par
l’entreprise à ses clients.
163
C H A P I T R E 4
Cette analyse et cette répartition font l’objet de ce qui est appelé en jargon comptable l’ imputation des
charges indirectes.
v D’abord, par pré-répartition des charges indirectes entre les coûts d’achats, les coûts de production et
les coûts de distribution caractéristiques de l’élaboration progressive de l’objet de coût considéré. Les
charges non réparties entre ces trois fonctions d’achat, de production et de distribution constituent alors
ce que l’on appelle « les charges générales » de l’entreprise : par exemple, le coût énergétique de
l'usine dans son ensemble, du fait qu'il ne peut généralement pas être imputé à l'une des trois fonctions
de conception, de production ou de distribution des objets de coûts produits, est fréquemment globalisé
parmi les charges générales de l’entreprise.
v Ensuite, les montants totaux de charges indirectes accumulés sur chaque fonction sont imputés aux
coûts des objets de coûts spécifiques à chacune de ces fonctions : donc, généralement et
respectivement, ils sont imputés aux coûts des différents types de matières achetées, aux coûts des
différents produits réalisés et aux coûts des différents produits vendus. Cette imputation se réalise
proportionnellement à des coefficients d’imputation, appelés unités d’œuvre.
Ø Par exemple, pour les charges d’approvisionnement liées aux achats, il y a traditionnellement
imputation des charges indirectes d’achat aux différents coûts d’achat des matières premières et
fournitures acquises. Cette imputation se fait assez logiquement au prorata soit des quantités
achetées, soit des prix d’achats si les quantités acquises sont comparables, les quantités achetées ou
les prix d’achats jouant le rôle d’unité d’œuvre.
Ø De même, pour les charges de production, il y a généralement partage des charges indirectes
accumulées entre les différents coûts de production des produits fabriqués au prorata des charges
directes, des salaires directs, des matières consommées ou des quantités de produits fabriquées. En
tout état de cause, le choix de l’une ou l’autre unité d’œuvre particulière se fait uniquement en
fonction de l’information disponible et de la corrélation existant entre chaque unité d’œuvre
possible et le niveau total du coût de production observé dans le passé.
Ø Quant aux charges de distribution, il y a généralement partage des charges indirectes accumulées
entre les coûts de distribution des différents objets de coût considérés au prorata des charges
directes de distribution ou des quantités ou des volumes vendus de chaque produit ou de chaque
objet de coût particulier.
Concrètement, un centre d’analyse est une division d’ordre comptable de l’entreprise dans laquelle sont
globalisés et stockés les différents éléments de charges indirectes, avant leur imputation aux différents
coûts et aux différents objets de coûts.
Ø soit à une division fictive de l’entreprise, le plus souvent une de ses fonctions traditionnelles 156
, telles
que la finance ou le financement, la gestion du personnel, l’administration, le marketing, …,
156
Ce qui traduit à nouveau le lien extrêmement fort existant entre l’approche en coûts complets et une vision
traditionnelle et taylorienne de l’entreprise, basée sur une approche fonctionnelle classique dominée par le processus
de production (généralement industriel) de l’entreprise.
164
C H A P I T R E 4
Ø soit à une division réelle de l’entreprise, présente et reconnue par son organigramme et intégrée dans
son organisation du travail 157.
Justifiés initialement pour des raisons comptables 158, ces centres sont idéalement associés 159 concrètement
aux différents centres de responsabilité de l’entreprise, de sorte que ces « artifices comptables » que sont
les centres d’analyse servent également de support lorsqu’il s’agira de mettre en jeu réellement des
responsabilités au sein de l'entreprise dans une perspective de contrôle de gestion.
v Les centres opérationnels sont des centres d’analyse dont l’activité peut être mesurée concrètement
par une unité physique dont le niveau de consommation est étroitement lié (corrélé) au niveau
d’activité de l’entreprise et donc au niveau d’activité des fonctions essentielles de l’entreprise que sont
la fonction d’achat, la fonction de production ou la fonction de distribution : les centres opérationnels
regroupent donc des charges dont le montant est partiellement mais significativement lié au volume
d’activité de l’entreprise. L’unité physique reflétant leur activité peut alors être utilisée techniquement
comme une « unité d’œuvre » dont le niveau de consommation permettra une affectation aisée des
charges indirectes aux coûts des fonctions traditionnelles de l’entreprise : l’heure de machine, l’heure
de main d’œuvre directe consommée, le nombre d’unités de produits fabriquées ou vendues sont ainsi
des unités physiques qui peuvent fréquemment être utilisées comme unités d’œuvre et dont le niveau
de consommation permettra l’imputation des charges indirectes aux coûts des principales fonctions
traditionnelles que sont la fonction d’achat, de production ou de distribution.
v Les centres de structure correspondent quant à eux à des centres d’analyse pour lesquels il n’est pas
possible de mesurer l’activité par une unité physique et pour lesquels, de ce fait, il n’est pas possible
d’identifier une unité d’œuvre : par exemple, les centres d’administration générale, de gestion
financière, …, qui accomplissent un ensemble élevé d’activités non homogènes et dont l’activité
globale ne peut de ce fait pas être reflétée par un indicateur unique, sont à considérer comme des
centres de structure.
Ø Concrètement, pour permettre l’imputation des charges indirectes aux coûts des différentes
fonctions essentielles de l’entreprise, on calculera un « taux de frais », en fonction d’une base
(appelée alors « assiette ») exprimée en unités monétaires. Ce taux de frais fournit en fait le coût
du centre de structure induit par chaque franc d’assiette et il s’exprime comme suit: Taux de frais
= Coût du centre d’analyse de structure / Assiette..
157
Dans ce cas, le centre d’analyse est aussi parfois désigné sous le terme « centre de travail ».
158
Dans la plupart des cas, en effet, ces centres n’existent que pour permettre la mise en oeuvre comptable de la
démarche de calcul des coûts complets.
159
Notons toutefois que, pour des raisons pratiques, il est encore fréquent de rencontrer des centres d’analyse à
vocation purement comptable, qui n’ont d’autre but que de faciliter l’imputation comptable des charges indirectes,
sans aucune autre motivation.
165
C H A P I T R E 4
Cette double répartition aboutit in fine à « vider » l’ensemble (le « pot ») de charges indirectes en les
attribuant aux coûts totaux des objets de coûts qui font in fine l’objet de l’analyse comptable. Elle est
schématisée à la Figure 35.
Figure 35 : Le principe d’affectation des charges indirectes dans une approche en coûts complets.
S S OP OP S S
Bât. G R H A c h . P r o d . Distr. H. Prod.
Charges Centres
indirectes : auxiliaires.
Centres principaux
- fournitures
- personnel Répartition primaire, sur base de clés historiques
- SBD
- ch. d’usage
- supplétives
Transferts
... croisés Répartition secondaire
U.O. Tx de frais
X € /
Calculs unité 5%
4.3.3.3.1. Organisation comptable des centres d’analyse, répartition primaire et répartition secondaire
Le mécanisme d’affectation des charges indirectes aux différents objets de coûts débute logiquement par
une identification exhaustive de l’ensemble des charges indirectes par rapport aux objets de coûts qui
ont traversé la vie de l’entreprise.
Les charges ainsi identifiées font ensuite l’objet d’une première répartition, dite « primaire », entre les
différents centres d’analyse identifiés comme représentatifs de l’entreprise conçue en tant qu’ensemble de
« fonctions ».
160
A savoir le schéma qui identifie l’ensemble des paramètres pertinents à intégrer au système analytique comptable
(qu’il s’agisse des objets de coûts, des centres d’analyse, des unités d’œuvre, …) et qui spécifie les règles suivies pour
arriver à une imputation de l’ensemble des charges, directes ou indirectes, aux objets de coûts qui reflète autant que
possible la réalité économique de la vie de l’entreprise.
161
Sur notre graphe, nous commençons par identifier et par globaliser l’ensemble des charges indirectes. Puis nous
les répartissons par rapport aux fonctions d’achat (ACH), de production (PROD) et de distribution (DISTR))
essentielles à la réalisation des objets de coût considérés et considérées comme centres principaux et par rapport aux
fonctions de soutien auxiliaires que sont les centres « Bâtiment » et « Gestion des Ressources Humaines ».
Les charges indirectes ainsi globalisées regroupent, par exemple, les charges de fournitures, certaines charges de
personnel (par exemple, le personnel administratif ou le personnel d’entretien dont le travail bénéficie à l’ensemble
de l’entreprise), le coût des services et biens divers (SBD) acquis hors de l’entreprise, les charges d’usage ou encore
les charges supplétives traditionnelles.
166
C H A P I T R E 4
1. D’abord, cette répartition des charges indirectes s’effectue sur la base de clés de répartition qui
doivent être impérativement représentatives de la réalité économique de l’entreprise.
Traditionnellement, elles sont généralement élaborées sur base d’une analyse historique de la
consommation des ressources indirectes au sein de l’entreprise, le passé étant alors supposé se
reproduire à l’identique dans le futur ; mais naturellement, si un événement connu et attendu se
produit et conduit à une modification significative de ces clés de répartition, celles-ci doivent être
adaptées en conséquence, sous peine de ne plus refléter la réalité économique de la vie de
l’entreprise. Notons aussi que ces clés s’expriment sous la forme de pourcentages.
2. Pour permettre la double répartition comptable des charges indirectes, il est ensuite nécessaire
d’organiser et d’ordonnancer l’ordre d’apparition des différents centres d’analyse identifiés 162 :
a. Les centres auxiliaires apparaissent d’abord : associés aux fonctions qui sont exercées
en « support » au profit des autres fonctions présentes dans l’entreprise, ces centres
auxiliaires voient de ce fait leur coût imputé à tous les autres centres d’analyse qui
consomment leurs services 163. Les principaux centres auxiliaires dont il est tenu compte
sont ainsi :
• Le centre de gestion du personnel, qui regroupe tous les coûts liés à la gestion
administrative ou sociale du personnel, à sa formation, … .
• Le centre de gestion des bâtiments ou de l’infrastructure, qui regroupe tous les coûts
liés à l’administration immobilière, aux frais de fonctionnement d’infrastructure
(électricité, nettoyage, petites réparations courantes, …), aux frais de sécurité, … .
• Le centre de gestion du matériel, qui regroupe quant à lui tous les coûts liés à la
gestion du matériel (entretien, contrôle, …), à son fonctionnement (énergie, …), à sa
sécurité, … .
i. Leur coût est de ce fait directement imputé au coût des produits ou des objets de
coûts considérés et ils englobent à la fois des centres opérationnels (souvent alors
liés à la production ou aux achats) et des centres de structure (souvent liés alors à la
fonction de distribution ou de commercialisation des produits et regroupés fréquemment
sous le terme ambigu de « centre hors production ») .
ii. Ces centres principaux sont généralement classés selon leur destination, en suivant
la séquence du cycle global d’activité de l’entreprise ; on voit ainsi apparaître :
162
Et cette nouvelle classification, d’inspiration essentiellement comptable et technique, ne correspond
malheureusement pas toujours à la répartition entre centres opérationnels et centres de structure évoquée ci-avant.
163
En règle générale, il s’agit donc essentiellement de centres de structure (S).
167
C H A P I T R E 4
♦ les centres dont les coûts sont imputés directement aux coûts d’achats et
généralement liés dès lors à la gestion des approvisionnements ;
♦ les centres dont les coûts sont imputés directement aux coûts de production et
notamment les différents ateliers ou centres de production recensés dans
l’entreprise, les différents centres de Recherche et Développement spécifiques, … ;
♦ les centres dont les coûts sont imputés directement aux coûts de distribution et
notamment ceux qui regroupent les activités de logistique de distribution, les
points de ventes, … ;
♦ et enfin les centres « hors production », dont les coûts font l’objet d’une
imputation globale et directe aux coûts de revient finaux des objets de coûts car ils
proviennent d’activités bénéficiant globalement à l’ensemble de la collectivité de
l’entreprise (donc bénéficiant à la fois aux centres auxiliaires et aux centres principaux)
et qu’il est difficile ou peu pertinent de vouloir les relier aux fonctions dominantes
d’achat, de production ou de distribution (les frais liés à la gestion administrative et
financière de l’entreprise sont dans ce cas) .
3. Il est alors possible de procéder à une répartition primaire de l’ensemble des charges indirectes
recensées entre l’ensemble des centres d’activité comptables, auxiliaires ou principaux, en fonction
des clés de répartition identifiées : par définition, la répartition primaire correspond donc à
l’attribution des charges indirectes aux différents centres d’activités auxiliaires et principaux qui
ont consommé les ressources sous-jacentes à ces charges indirectes 164.
4. Il est ensuite possible de procéder à une répartition secondaire des charges indirectes, destinées à
« vider » les centres auxiliaires de leur substance comptable et donc de l’ensemble des charges
analytiques qui y sont accumulées et destinées à reporter ces charges sur les centres principaux, qui
centralisent en fait (puisqu’ils sont liés aux fonctions dominantes de l’entreprise) l’ensemble des charges
qui permettront in fine de calculer les coûts de revient complets des différents objets de coût : par
définition, la répartition secondaire des charges indirectes correspond à la répartition du coût des
prestations des centres auxiliaires entre les différents centres principaux qui ont consommé ces
prestations.
5. Enfin, une fois que les charges indirectes sont accumulées au sein des différents centres principaux
(donc au terme de la répartition secondaire), il devient possible de calculer la valeur du coût de
chaque unité d’œuvre ou de chaque taux de frais associé à chaque centre principal, obtenant ainsi
enfin la valeur comptable des différents outils (unités d’œuvre et taux de frais) utilisés pour
affecter l’ensemble des charges indirectes aux coûts complets des différents objets de coûts
considérés.
Avant d’envisager concrètement le calcul du coût d’achat, du coût de production, du coût de distribution et,
in fine, du coût de revient complet d’un objet de coût, revenons un instant sur un problème technique
crucial posé fréquemment par la répartition des charges indirectes accumulées au sein des centres
auxiliaires.
En effet, il est naturel que ces centres auxiliaires, qui prestent par nature des activités qui bénéficient à la
fois à l’ensemble des centres principaux mais aussi aux autres centres auxiliaires, prestent une partie de
164
Cette répartition peut toutefois s’avérer problématique lorsque, et c’est fréquemment le cas dans la pratique, des
centres auxiliaires prestent des activités au bénéfice d’autres centres auxiliaires dont ils bénéficient des services
également. Nous revenons sur ce point délicat à la section suivante.
168
C H A P I T R E 4
leurs activités au profit d’autres centres auxiliaires dont ils bénéficient également des prestations : par
exemple, dans le cas des centres auxiliaires « Gestion du Personnel » et « Gestion des Bâtiments », il est
logique que le Service du Personnel gère le personnel présent au sein du Service de la Gestion des
Bâtiments, d’où des coûts à imputer à ce service, et que le Service de la Gestion des Bâtiments gère et
entretienne les locaux qui hébergent le Service du Personnel, d’où logiquement des coûts nouveaux à
imputer au Service du Personnel.
Il se pose donc un délicat problème de transfert de prestations qui doit être résolu, sous peine d’ignorer une
part substantielle des charges indirectes qui traversent la vie de l’entreprise :
- Dans le cas de figure simple (mais rare en pratique) où les prestations s’effectuent en cascade, il suffit
de reconstituer l’ordre cohérent de la cascade et donc d’ordonnancer les centres auxiliaires en fonction
de l’enchaînement des prestations pour parvenir à une simple translation des charges indirectes
concernées au prorata de l’activité prestée. Ainsi, par exemple, si le Service du Personnel ne reçoit
aucune prestation en retour du Service de la Gestion des Bâtiments parce qu’il est hébergé au sein du
siège administratif général dont il n’occupe que quelques mètres carrés (d’où un intérêt comptable limité
à vouloir mesurer ce que lui coûte réellement l’utilisation du Service de la Gestion des Bâtiments) , la
reconstitution de la cascade débouche sur le résultat suivant : Gestion du Personnel F Gestion des
Bâtiments et Centres Principaux (répartition primaire partielle) F Centres Principaux (répartition
secondaire).
- Dans le cas de figure complexe, le plus fréquent en pratique, les prestations entre centres auxiliaires
sont croisées, ce qui implique que, pour identifier les montants réels de charges indirectes qui devront
faire l’objet d’une répartition primaire et secondaire, il faudra procéder à la résolution d’un système
d’équations à autant d’inconnues qu’il y a de centres auxiliaires concernés.
Chez Wood Construct, la répartition primaire des charges indirectes donne les totaux suivants pour
les centres auxiliaires (données exprimées en Euros):
Le centre « Gestion du personnel » preste 5 % de son temps au profit du centre « Gestion logistique
des bâtiments », alors que celui-ci consacre 9 % de son temps à gérer le bâtiment qui abrite les
services de la gestion du personnel. Calculez le coût total de ces deux centres, compte tenu des
prestations effectivement reçues et effectuées.
Solution :
Pour tenir compte des prestations avec réciprocité de ces deux centres, il importe de réaliser un
transfert croisé de charges selon le système d’équations suivant :
P = 100 000 + 9 % L = 100 000 + 0.09 L = 100 000 + 0.09 (45 000 + 0.05 P)
et L = 50 226.
169
C H A P I T R E 4
Le problème de l'affectation des charges indirectes étant réglé, envisageons à présent le calcul progressif du
coût de revient complet de chaque objet de coût.
Conceptuellement,
v Les marchandises correspondent aux biens achetés par l’entreprise pour être revendus sans
transformation : elles sont donc caractéristiques de l’activité des entreprises commerciales pures.
v Les matières et les fournitures correspondent à des biens acquis hors de l’entreprise et consommés au
sein de celle -ci, par incorporation ou transformation, pour obtenir un bien (produit ou service) destiné à
la vente après transformation : elles sont donc caractéristiques des entreprises industrielles, de
construction, voire de services.
Ø Plus précisément encore, les matières premières sont incorporées au produit réalisé par l’entreprise
et disparaissent donc en tant que bien autonome 165 : le coût de ces matières première revêt donc
logiquement le caractère de coût direct par rapport au coût du produit final obtenu.
Ø Les matières consommables ne sont quant à elles pas directement incorporées à l’intérieur du
produit final, mais sont consommées par des activités qui permettent la réalisation du produit final
166
: le coût de ces matières consommables revêt donc logiquement le caractère de coût indirect par
rapport au coût du produit final obtenu.
Concrètement, le coût d’achat des marchandises et matières achetées englobe l’ensemble des charges
engagées (et donc des coûts subis) jusqu’à l’entrée de ces marchandises ou de ces matières dans le stock
éventuel de l’entreprise.
Il comprend donc :
- Le coût d’achat (équivalent dans ce cas au prix d’achat payé au fournisseur) , hors taxes récupérables (donc
hors TVA !) , net de tout rabais ou ristournes obtenus, mais avant escompte financier éventuel.
o A l’exception des achats groupés, le coût d’achat constitue une charge directe par rapport
aux matières achetées.
165
Il s’agit par exemple du fer ou du coke qui rentre dans la fabrication de certains aciers.
166
Par exemple, le charbon servant de combustible au four utilisé dans un atelier pour permettre la réalisation du
produit final.
170
C H A P I T R E 4
- Les frais accessoires, qui ont souvent un caractère de charges indirectes par rapport aux matières
achetées. Ils englobent à la fois :
o les frais accessoires d’achat : généralement payés à des tiers à l’entreprise, ils englobent
les frais de transport éventuels, les frais de courtage, les commissions éventuellement
payées à des intermédiaires, … ;
Si l’identification et l’affectation des charges directes d’achat ne pose guère de problème, le traitement des
centres d’activité qui permettent de globaliser les charges indirectes d’achat (il s’agit alors essentiellement de
centres d’activité principaux, généralement baptisés « centres d’approvisionnement ») est en pratique plus délicat,
notamment parce que ces centres principaux bénéficient des prestations des centres auxiliaires
traditionnels (gestion du personnel et gestion immobilière essentiellement) qu’il ne faut pas omettre de
comptabiliser.
Classiquement, les coûts des centres d’activité principaux d’approvisionnement sont ensuite imputés aux
coûts d’achats des matières, marchandises et fournitures en fonction du volume d’utilisation d’unités
d’œuvre (le plus souvent, les volumes de matières achetées) ou de taux de frais (le plus souvent, des temps de
manutention).
Cette mise en stocks n’est pas propre uniquement aux marchandises et matières achetées, mais concerne
également :
- les productions intermédiaires qui apparaissent en cours de processus de production lorsque celui-ci
n’est pas parfaitement continu
- et les produits finis qui ne font pas l’objet d’une livraison immédiate chez le client.
Ø Les stocks comptables font l’objet d’un inventaire permanent, par type de stock, qui permet
d’enregistrer en volume les entrées et sorties de stocks et d’en déduire le volume restant en stock.
Ø Ces stocks comptables sont ensuite réconciliés avec les stocks physiques de l’entreprise, sur base
d’audits de stocks :
171
C H A P I T R E 4
o généralement, un écart de quantité se matérialise par un volume moindre présent dans les
stocks physiques par rapport aux stocks comptables, en raison de vols, de la détérioration
physique d’une partie du stock qui ne s’avère plus utilisable (par exemple pour cause d’humidité),
de l'évolution naturelle des matières stockées (par exemple en raison d’un phénomène
d’évaporation de matières liquides) ou d’erreurs d’enregistrement comptable ou administratif des
entrées et sorties réelles de stocks.
Ø Enfin, le suivi rigoureux des stocks comptables et physiques m i plique un suivi administratif souvent
lourd, en quantité et en valeur, et nécessite la mise en place d’un système d’information spécifique (qui
se matérialise le plus souvent par l’apparition dans l’entreprise, sous une forme « papier » ou informatisée, de
bons de réception, de bons de sortie, de fiches de stock, …) qui, puisqu’il consomme des ressources
humaines et techniques (essentiellement informatiques), génère des coûts.
Au plan comptable 167, outre la nécessité d’un audit régulier des quantités effectivement présentes en stock,
la principale difficulté liée à la tenue des comptes de stocks est due à la nécessité de les valoriser en
respectant au plus près la réalité de la vie économique de l'entreprise :
Ø En début de période, le stock initial tel que mentionné après audit dans la comptabilité générale de
l’entreprise peut être « réfléchi » au sein du système analytique comptable, au débit (donc en
entrée) du compte de stock qui lui est associé au sein de ce système :
§ En l’espèce, et ceci est valable en fait pour toutes les charges de la comptabilité générale qui
s’avèrent être incorporables telles qu’elles sont en comptabilité analytique, le comptable utilise
la technique comptable des comptes réfléchis : celle-ci consiste simplement à réfléchir,
comme dans un miroir, le solde comptable issu de la comptabilité générale et à faire apparaître
son équivalent, appelé alors « Compte réfléchi », au sein du système analytique comptable.
Ø Au fur et à mesure des achats, et donc des entrées en stocks, le compte correspondant des stocks est
débité (augmenté) du coût d’achat des matières reprises dans ce stock : ce coût d’achat intègre dont
le prix d’achat de la matière et les frais accessoires, directs et indirects, qui y sont liés.
Ø Quant aux produits fabriqués par l’entreprise et qui entrent donc en stocks en cours de processus de
production, ils sont comptabilisés au débit des comptes de stocks correspondants à la valeur de leur
coût de production intermédiaire, à savoir le coût de production apparu progressivement jusqu’à
leur entrée en stock.
Ø S’ils sont clairement identifiables individuellement 168, les produits qui sortent du stock sont
évalués au coût pour lequel ils y sont entrés. En effet, puisque l’existence du stock est justifiée par
une rupture temporaire du processus de réalisation du produit et qu’il n’y a aucune consommation
de ressources directes par ce produit durant la période pendant laquelle il reste en stock, il ne peut
y avoir aucune création de valeur en stock !
167
Et, en la matière les préoccupations et les techniques du comptable de gestion rejoignent largement les
préoccupations du comptable général de l’entreprise et les techniques qu’il utilise.
168
En pratique, ce cas est assez rare.
172
C H A P I T R E 4
§ Soulignons ici que les charges indirectes que génèrent les produits présents en stock (dues par
exemple aux frais de manutention, de surveillance, de gardiennage qu’ils occasionnent ou aux espaces
qu’ils occupent dans les locaux, nécessitant de ce fait l’acquisition de surfaces de stockage et donc
générant des charges d’usage dues à l’amortissement analytique de ces investissements) sont
enregistrées dans un centre d’activité auxiliaire (un « Centre d’approvisionnement ») dont le coût
sera ensuite imputé aux coûts d’achat des différents produits achetés.
Ø Si les produits sont fongibles et donc non individuellement identifiables, le comptable doit avoir
recours à une technique d’évaluation des stocks et, au vu des spécificités techniques de chacune de
ces méthodes, il apparaît vite que le choix de l’une ou l’autre d’entre elles n’est pas neutre
économiquement et donc peut fausser, parfois dans des proportions importantes, la prise de
décision. Concrètement, le choix s’opère entre trois groupes de techniques :
§ La technique du coût moyen pondéré (CMP) implique de globaliser la valeur du stock initial et
de toutes les entrées en stock en cours de période et de diviser ce montant global par le volume
total stocké en cours de période (quantité de stock initial et quantités entrées en stock en cours
de période) :
• CMP = (Valeurs globales des entrées en stock et du stock initial) / Quantités totales (Stock
initial et quantités entrées en cours de période)
• Ceci implique forcément que la technique du coût moyen pondéré ne peut être appliquée
qu’en fin de période analytique comptable, donc ex post.
• Soit la technique du FIFO (First In, First Out), qui implique que les sorties de stocks soient
valorisées au prix des premières entrées en stock : économiquement, ceci implique que les
coûts suivent avec retard l’évolution des prix.
• Soit la technique du LIFO (Last In, First Out), qui implique que les sorties de stocks soient
valorisées au prix des dernières entrées en stocks : économiquement, les coûts suivent de
très près les prix actuels, d’où évidemment un risque de distorsion de la réalité économique
et, en comptabilité générale , entorse au principe de l’image fidèle si les produits restent
longtemps en stocks.
§ La technique des coûts théoriques, aussi appelée NIFO (Next In, First Out), qui implique que
les sorties de stocks soient valorisées au prix en vigueur sur leur marché au moment de leur
sortie de stock : reflétant fortement la réalité économique du moment, cette technique n’est
toutefois pas admise comme une technique de comptabilité des stocks normale par le
Législateur Comptable et elle est donc exclue du champ d’application de la comptabilité
générale.
173
C H A P I T R E 4
Techniquement, le coût de production est classiquement déterminé par regroupement des charges directes
et indirectes engendrées par la fabrication du produit ou l’exécution du service et par les stades antérieurs à
cette fabrication ou à cette exécution.
- des coûts de production propres à chaque stade du processus de production : ainsi, les produits semi-
finis ou les produits intermédiaires donnent naissance au calcul du coût des produits semi-finis ou du
coût des produits intermédiaires ;
- des coûts de production par type de production : en général, on calcule un coût de production global
par produit, généralement exprimé sous une forme unitaire 169, ou un coût de production par
commande.
Les charges directes de production qui sont intégrées au coût de production intègrent ordinairement :
Ø les matières premières et les matières consommables sont évaluées en pratique par l’une des
méthodes d’évaluation des sorties de stocks détaillées à la section précédente et sont donc évaluées
sur base de leur coût d’achat, sans création de valeur ou accumulation de coûts pendant la durée de
leur stockage ;
Ø les produits intermédiaires éventuels sont évalués suivant les mêmes principes, mais cette fois sur
la base des coûts de production intermédiaires desdits produits, si des stockages de produits
intermédiaires apparaissent, naturellement.
Ø Le coût de la main d’œuvre directe ne peut être affecté au coût d’un produit ou d’une commande
que lorsque le volume de travail correspondant concerne directement ce produit ou cette
commande, ce qui nécessite évidemment qu’un ensemble de procédures administratives ou
informatiques soit mis en place pour permettre cette affectation directe des temps de travail et donc
l’apparition d’un coût de main d’œuvre directe.
169
Donc sous la forme d'un coût global de production par unité de produit réalisée.
174
C H A P I T R E 4
Ø Ceci nous amène à souligner l'importance prise, au sein du système de comptabilité analytique ou
de comptabilité de gestion, par l'enregistrement des "bons de travail", des "fiches de travail", des
"fiches de pointage" ou autre support administratif ou informatique de ce type, et l'importance d'un
suivi réel des tâches au sein de l'entreprise ("qui fait quoi à quel moment dans l'entreprise ?"), sous
peine de calculer des coûts de production sur base de données qui ne reflètent aucunement la réalité
économique des choses : est-il encore besoin de rappeler que, dans bon nombre d'activités ou de
métiers, le coût de la main d’œuvre directe représente en effet souvent plus de 70 % du coût de
production ou du coût de réalisation d'un service ?
§ les salaires ou rémunérations brutes versées aux travailleurs, en ce compris les primes ou
allocations diverses éventuelles payées par l’entreprise ;
§ les charges sociales, obligatoires ou facultatives, supportées réellement par l’entreprise après
déduction des aides ou compensations éventuelles reçues des Pouvoirs Publics dans le cadre de
subsides à l'emploi ou de plans d'aide à l'embauche, quelle que soit l'origine de ces aides, et
versées à divers acteurs publics en complément des salaires bruts (cotisations à la Sécurité
Sociales, Assurance-Loi, …).
Quant aux charges indirectes de production, elles sont logiquement réparties entre les coûts de production
des différents produits et services de l’entreprise ou, plus généralement, des objets de coût considérés,
proportionnellement aux volumes d'unités d’œuvre consommées, parmi lesquelles l'heure de main d’œuvre
directe est certainement l'indicateur le plus fréquemment utilisé en pratique, notamment parce qu'il se prête
facilement à une récolte d'informations.
Traditionnellement, on conçoit les centres d’activité impliqués dans le processus de production de manière
relativement large du point de vue des fonctions assurées et des centres de travail correspondants.
- à la préparation du travail (par exemple, le réglage préalable des machines ou leur entretien),
- à la fabrication des biens ou à l’exécution des services proprement dits (il y a alors généralement autant
de centres qu’il y a d’étapes au sein du processus de production ou de moments d’arrêt du flux de production),
- logiquement, certaines entreprises sont amenées à y inclure également les activités (et donc les coûts)
de stockage des produits intermédiaires, mais il faut noter que le stockage des produits finis en est
totalement exclu :
o le problème, naturellement, est que le client n'existe peut-être pas encore lorsque le
produit arrive en bout de cycle de production (cas des produits de grande consommation),
ou que le client n'a pas nécessairement besoin immédiatement du produit fabriqué (cas
plus caractéristique des activités industrielles).
Notons encore que, classiquement, les centres principaux de production bénéficient des prestations de
centres auxiliaires (gestion du personnel, gestion des bâtiments, …) qui apportent des ressources au processus
de production et engendrent donc des coûts.
175
C H A P I T R E 4
Par contre, les centres d’activité de structure, dont l’activité bénéficie globalement mais de manière non
mesurable à l’ensemble de l’entreprise, sont considérés comme des centres « hors production » qui
n'engendrent pas, par nature, de coûts de production.
Ø Les exemples classiques en sont les centres comptables d'activité auxiliaires de structure
regroupant les coûts engendrés par les activités de "Direction Générale" ou d'"Administration
Générale" de l'entreprise ou par les activités de "Financement" ou de "Gestion Financière" de
l'entreprise : quel indicateur utiliser en effet pour mesurer par exemple l’apport de la « Direction
Générale » à la production de tel ou tel objet de coût particulier ?
Ø Pour remédier à cette difficulté technique majeure, le coût de ces centres « Hors production » est
imputé directement en bout de course aux coûts de revient des différents produits et services de
l'entreprise et non pas aux coûts de production : ceci implique donc clairement que les coûts de
production n'intègrent aucun élément de charge financière ou de "frais généraux" liés à
l'administration générale de l'entreprise.
- les activités de recherche en général, que celle -ci porte sur de la recherche technologique ou de
procédés ;
Ces centres d’activité comptables permettent dès lors de collecter et de rassembler l’ensemble des charges
imputables aux ressources techniques, humaines ou financières, mais aussi immatérielles (telles que des
licences ou des droits d'exploitation divers sur des procédés ou des technologies protégés) consommées par ces
laboratoires ou ces bureaux d’étude :
Ø les coûts de ces centres sont ensuite imputés aux coûts des produits ou des services sur lesquels ils
débouchent lorsqu’ils sont clairement liés à ces produits ou ces services (cas de la recherche
dédicacée ou appliquée) ;
Ø à défaut (cas de la recherche fondamentale), ils sont intégrés ultérieurement aux coûts de revient de
tous les produits et services commercialisés par l’entreprise, en étant assimilés alors à des coûts hors
production.
En effet, en fin de période analytique comptable, lorsqu’il s’agit de calculer effectivement les différents
coûts de production, la totalité de la production n’est vraisemblablement pas achevée et une partie des
charges encourues durant la période concerne donc logiquement la fraction (ou proportion) des produits qui
reste en cours de fabrication au moment de la clôture analytique comptable.
176
C H A P I T R E 4
Le comptable de gestion a alors le choix entre trois méthodes pour valoriser ces en-cours :
Ø la méthode de la valorisation globale, qui repose sur l’hypothèse fixe et idéalement conforme à la
réalité économique qu’un en-cours en fin de période représente systématiquement une fraction fixe de
produit fini 170 ;
Ø la méthode de l’évaluation forfaitaire par composante de coût, basée sur un niveau de consommation
théorique effectif des ressources directes nécessaires à la fabrication du produit ou du service :
o par exemple, le comptable de gestion incorpore forfaitairement 100 % du coût des matières
premières nécessaires à la fabrication du produit car elles sont incorporées au produit dès le
début du processus de production, 50 % de la main d’œuvre directe et seulement 25 % du coût
du temps de machine car l'usinage mécanique des pièces ne se produit qu'en fin de processus ;
o extrêmement proche de la réalité économique, elle implique que toutes les consommations de
ressources rencontrées lors de la fabrication d’un produit ou de l’exécution d’un service soient
systématiquement et rigoureusement enregistrées et stockées dans le système d’information de
l’entreprise ;
o son utilisation s’avère dès lors rapidement lourde et coûteuse d’un point de vue administratif et
est donc de plus en plus rarement mise en oeuvre dans les entreprises.
− les déchets sont des résidus de fabrication, constitués souvent par des éléments de matières
premières 171 ou des impuretés se dégageant lors de la fabrication 172 ;
− les rebuts sont, quant à eux, des produits finis impropres à l’usage prévu 173
et qui doivent donc
être détruits ou éliminés d’une manière ou d’une autre.
170
1/4, 1/2, 1/3 de produit fini, selon les cas ; cette situation est cependant assez rare.
171
Par exemple des copeaux de bois ou de papier.
172
Par exemple des scories.
177
C H A P I T R E 4
Ø Quant au sous -produit, parfois aussi appelé « produit joint » par analogie avec le concept de « coût
joint » évoqué précédemment, il s’agit en fait d’un produit secondaire obtenu au cours du processus de
production ou de fabrication d’un produit principal et qui se distingue du déchet par son importance
relative en terme de volume généré et par le fait qu’une exploitation économique pourrait avoir sa
fabrication comme objectif.
Ayant une importance relative non négligeable en termes de volume ou de valeur de marché potentielle,
ces produits résiduels doivent donc faire l’objet d’une valorisation particulière qui, dans tous les cas de
figure, devra être la plus proche possible de la réalité économique de la vie de l’entreprise :
v Si les produits résiduels sont non utilisables, ils n’ont de ce fait pas de valeur d’échange sur un
quelconque marché et il est donc inutile d’en déterminer le coût de manière distincte du coût du produit
principal dont ils sont issus :
Ø Leur coût est alors intégré au coût de production du produit principal et sa détermination ne se
justifie, à l'instar du coût des autres produits dérivés, que si l'entreprise peut en obtenir
éventuellement des recettes qui viennent alors augmenter les recettes d'exploitation normales liées
à son activité principale.
Ø Notons par ailleurs que leur élimination peut générer des frais (par exemple, des coûts de
dépollution ou de traitement des résidus de fabrication, tels que les eaux usées) parfois fort élevés
174
, qui viennent alors s’ajouter aux coûts de production des produits finis déjà enregistrés par
ailleurs.
Ø De tels coûts, à l'heure où la préoccupation environnementale émerge comme une des principales
préoccupations de la collectivité et donc comme une préoccupation politique majeure, ont tendance
à émerger de plus en plus fréquemment au sein des entreprises, généralement en conséquence de
nouvelles réglementations environnementales émanant des Pouvoirs Publics locaux, régionaux ou
européens.
Ø Soit les produits résiduels sont vendus hors de l’entreprise et le comptable de gestion peut alors :
§ soit en soustraire directement le prix de vente hors du coût de production (puisque ce prix de
vente donne lieu à une entrée de ressources financières dans l'entreprise), faisant ainsi l’hypothèse
que les ressources financières obtenues viennent compenser une partie des ressources
financières consommées lors de la production de ce produit résiduel ;
§ soit considérer le prix de vente comme un bénéfice additionnel généré indirectement par le
produit principal et, de ce fait, l’ajouter au résultat analytique du produit qui apparaît en bout
de course lorsque le produit fini est vendu et génère des recettes qui peuvent être comparées au
coût de revient complet de ce produit.
Ø Soit les produits résiduels sont réutilisés au sein de l’entreprise, généralement à l’intérieur du
processus de production, et dans ce cas, le comptable de gestion :
§ valorise d’abord ces produits résiduels, soit au prix du marché (la valeur la plus recommandable,
car la plus proche de la réalité économique des choses) , soit à un prix déterminé forfaitairement par
173
Par exemple, des pièces cassées ou abîmées, des produits non conformes en termes de qualité aux exigences d'un
éventuel cahier des charges ou aux exigences du contrôle de qualité, … .
174
Notamment s'il faut construire une infrastructure spécifique pour assurer un tel traitement (comme, par exemple,
une petite station d'épuration des eaux), et donc générer de ce fait de nouveaux coûts fixes.
178
C H A P I T R E 4
les acteurs concernés par ce problème (essentiellement, le producteur alors considéré comme le
vendeur et l'utilisateur alors considéré comme l'acheteur de ces produits résiduels) ; notons que, en
cas de fixation forfaitaire de la valeur de ces produits résiduels, il y a risque d'être confronté à
un classique "phénomène de subsidiation" d'une activité par une autre si la valeur définie par
consensus s'éloigne fortement de la réalité économique du marché et conduit à ce qu'une partie
achète à l'autre une ressource sur- ou sous-évaluée par rapport au prix du marché ;
§ ensuite, il peut :
• soit soustraire cette valeur du coût de production du produit fini dont proviennent ces
produits résiduels 175;
• soit ajouter cette valeur au coût de production du produit fini dans la réalisation duquel ils
sont réutilisés 176.
Ø Soit comme des produits finis au sens plein et entier du terme, donc avec des coûts de production
propres. Cette solution est en fait privilégiée lorsqu’il faut encore assurer une transformation
complémentaire du sous-produit avant qu’il ne présente une forme commercialisable et, de ce fait, ils
se voient alors encore affecter des coûts de production propres, des coûts de distribution propres et une
partie des coûts hors production.
L’ensemble des charges occasionnées par les différentes opérations qui jalonnent ce processus de mise à
disposition du produit auprès du client constitue le coût de distribution du produit ou du service
concerné.
De nos jours, ce coût de distribution voit son importance relative dans la structure du coût de revient
complet d'un produit ou d'un service augmenter de manière importante, en raison :
Ø de la réduction progressive des coûts de production au fur et à mesure des gains de productivité et des
gains liés à l'évolution technologique des processus et procédés.
Classiquement, le coût de distribution calculé dans une optique de coût complet comprend :
175
Donc, en langage imagé, "du produit dont ils sortent".
176
Donc, en langage imagé, "du produit dans lequel ils entrent".
177
Sauf cas exceptionnel de consommation pour compte propre.
179
C H A P I T R E 4
Ø au coût des emballages perdus utilisés lors de la vente et au coût de leur recyclage éventuel,
v Une part de charges indirectes, regroupées comptablement au sein d’un centre d’activité dit « de
distribution ».
Ø Ces charges indirectes s’avèrent souvent proportionnellement beaucoup plus importantes que les
charges directes.
Ø Dans une perspective analytique, elles sont souvent réparties et organisées de façon à permettre une
bonne maîtrise, en termes de contrôle de gestion, des différentes opérations liées à la fonction de
distribution :
§ De ce fait, un « processus de distribution » qui inclut les phases successives de préparation des
ventes, d’exécution des ventes, de stockage et de livraison des produits finis, et enfin de service
après-vente, apparaît dans de nombreuses entreprises ou organisations.
Ø Par ailleurs, notons que, en l’absence fréquente d’une unité d’œuvre pertinente, l’imputation de ces
charges indirectes aux différents coûts de distribution s’effectue généralement en retenant pour
assiette de frais le coût de production des produits vendus.
Notons encore que, pour en faire un véritable outil d’aide à la décision, le coût de distribution fait
fréquemment l’objet de la part du comptable de gestion :
Ø Le stade antérieur à la vente, qui regroupe tous les coûts d’études de marché, de publicité et
promotion, de participation à des expositions ou foires, … .
Ø Le stade de la vente au sens strict, qui globalise notamment les commissions et intéressements
versés aux agents commerciaux, les charges de location ou d’entretien des locaux affectés à la
vente (points de vente, échoppes, magasins, …).
Ø Le stade postérieur à la vente, qui globalise notamment les frais liés à la livraison des produits chez
le client et les frais de facturation.
Ø Le service après-vente, qui globalise quant à lui tous les coûts liés au service après-vente
(remplacement du produit, coût salarial du personnel affecté aux réparations, dédommagement éventuel
versé au client, …) mais aussi toutes les recettes éventuelles versées par les clients lors de l’exercice
des activités de service après-vente.
178
Le recours à un graphiste indépendant ou à une agence de publicité spécialisée, par exemple.
180
C H A P I T R E 4
Enfin, notons que techniquement, le problème de la valorisation exacte du coût des emballages perturbe
fréquemment le calcul du coût de distribution :
Ø en effet, le coût des emballages utilisés pour le conditionnement des produits finis avant leur mise en
stock fait logiquement partie du coût de production de ces produits finis ;
Ø quant aux emballages utilisés lors de l’expédition des produits au client, leur coût constitue un élément
du coût de distribution du produit en question ; à nouveau, si l’emballage s’avère récupérable, le
produit issu de cette récupération éventuelle entre en ligne de compte pour venir diminuer alors le coût
de distribution du produit.
o ils sont indépendants de fait du processus dominant d’achat, de production et de distribution des
produits et services qui constituent la raison d'être économique de l'entreprise,
o et qu’ils sont relatifs à des activités exercées au profit de l’ensemble de l’entreprise considérée
globalement, sans qu’il soit techniquement ou conceptuellement possible de mesurer quels centres
d’activité, au sein de l’entreprise, bénéficient exactement des activités dont les coûts sont accumulés au
sein de ces centres comptables hors production.
Dans la très grande majorité des cas, ces centres comptables hors production sont associés à des centres de
responsabilité reconnus formellement au sein de l'organigramme de l'entreprise et qui y jouent même un
rôle essentiel en termes de pouvoir et de contrôle, comme la Direction Générale, la Direction Financière, la
Direction des Relations Publiques ou le Secrétariat Général de l'entreprise. Indispensables à la vie de
l’entreprise, car liés intimement à ses fonctions de gestion stratégiques et à son image de marque, ces
centres consomment des ressources, dont le coût est à l’origine de ce qui est communément appelé dans la
vie de la plupart des organisations des « Frais généraux » mais qui s’avèrent en pratique difficilement
imputables à l’un ou l’autre objet de coût bien particulier.
Conceptuellement, l’existence des centres « Hors Production » permet dès lors de matérialiser le fait que la
fabrication ou la production de tel produit génère X % de frais "généraux" supplémentaires par rapport au
coût de production total du produit du fait que l'activité de production n'est réellement possible que si
l'entreprise est par ailleurs gérée administrativement, financièrement, statégiquement … :
v Les charges liées à la gestion financière en sont un exemple, car le financement de l’entreprise
bénéficie globalement à l’ensemble de l’entité et que les ressources financières dont le centre « Gestion
Financière » assure la gestion ont un caractère de fongibilité qui rend impossible conceptuellement le
suivi de l’utilisation de ces ressources au sein de l’entreprise 179.
179
Il est par exemple impossible, le plus souvent, de savoir quelles activités exercées par quel centre comptable vont
consommer les ressources financières obtenues via tel crédit de caisse particulier dont le coût exact est de 14 % du
montant utilisé.
181
C H A P I T R E 4
Ø Il s'agit en fait de l'ensemble des charges liées à la recherche des capitaux propres et des capitaux
empruntés et à leur gestion, en ce compris les frais induits par la gestion de la trésorerie de
l'entreprise.
Ø Elles englobent à la fois des charges de personnel et de fonctionnement, mais aussi, et surtout, des
charges financières au sens strict (intérêts, solde de TVA, …).
Ø Du point de vue d’une comptabilité de gestion tenue dans une perspective d'activité et
d'exploitation normale de l'entreprise, le comptable de gestion doit essentiellement :
§ veiller à ne pas intégrer de charges exceptionnelles ou anormales, non liées au financement des
activités d'exploitation normale de l'entreprise (par exemple, les charges financières liées à une
opération de rachat d'un concurrent),
§ traiter avec prudence les plus-values ou les moins-values boursières réalisées par l'entreprise
lors d'opérations de couverture de risque (sur taux d'intérêt ou sur taux de change en général) ou
lors d'opérations de placements de trésorerie ou de placements financiers à long terme : seules
les opérations qui reposent sur des pratiques de saine gestion courante des opérations de
l'entreprise (par exemple, les opérations de couverture des risques financiers directement induites par
des contrats d'exploitation normaux passés avec des clients ou des fournisseurs de l'entreprise) voient
normalement leurs coûts incorporés aux charges de la comptabilité analytique.
v Autre exemple : les charges d’administration générale générées par les consommations de ressources,
essentiellement humaines et financières, imputables à l'exercice des activités de direction générale, de
secrétariat central, de comités d'audit, de conseils d'entreprises, … et qui bénéficient globalement et
indistinctement à l’ensemble de l’entreprise. Elles englobent notamment les coûts liés à :
v D’autre frais relèvent encore des centres hors production, tels que les frais liés aux relations publiques
ou à la communication externe destinée à véhiculer une bonne image de l’entreprise au sein de son
environnement.
Ces activités doivent bien être distinguées des fonctions exercées en « staff » et dont le suivi de la
consommation des activités est techniquement ou conceptuellement réalisable au sein de l’entreprise :
o Les fonctions exercées en « staff » sont les fonctions de gestion informatique de l'entreprise, de
gestion des ressources humaines, de gestion des bâtiments, d'entretien et de sécurité, … , dont les
activités sont généralement clairement identifiables et identifiées et dont on peut donc savoir, avec
un degré de certitude raisonnable et en mettant en place les procédures administratives adéquates,
qui en a bénéficié, à quel moment et pendant combien de temps.
o Ces fonctions exercées en « staff » génèrent de facto des charges indirectes dont une partie est
imputable de manière claire et non ambiguë aux fonctions dominantes car elles sont consommées
182
C H A P I T R E 4
par ces fonctions et dont une autre partie est imputable aux autres centres auxiliaires de
l’entreprise, en ce compris les centres hors production
o En pratique, la distinction entre centres « Hors production » et fonctions exercées en « staff » pose
souvent de nombreuses difficultés de perception et d'application, car la frontière entre les activités
et fonctions d'administration générale et les fonctions exercées en "staff" au profit des autres
fonctions de l'entreprise est souvent mince et ténue.
Au sein d’une entreprise commerciale, le coût de revient complet se calcule comme suit :
Coût de revient complet = Coût d’achat des produits vendus + Coût de distribution
+ Coût hors production
Au sein d’une entreprise industrielle, le coût de revient complet se calcule comme suit :
Coût de revient complet = Coût de production des produits vendus + Coût de distribution + Coût
hors production
Rappelons une fois encore que le coût de production intègre le coût d'achat des matières premières et
fournitures consommées lors de la fabrication du produit et donc que le concept de coût d'achat est bien
présent au sein de cette formule.
Par ailleurs, seul le coût de production des bien vendus est pris en considération. En effet, les produits non
encore vendus sont encore présents à l'intérieur du cycle d'exploitation normal de l'entreprise, au stade de la
distribution, et leur coût s'avère donc valorisé (et donc accumulé temporairement) au sein du stock de
produit fini. De même, les produits éventuellement consommés par l'entreprise ne génèrent aucune rentrée
financière puisqu'ils ne passent pas par la sanction du marché ; lorsqu'ils sont consommés à l'intérieur de
l'entreprise, leur coût vient alors gonfle r le coût de revient des produits effectivement vendus, en tant que
ressource effectivement consommée au sein de l'entreprise et donc en tant que génératrice de coût.
Lorsque le résultat analytique est calculé de manière globale pour un ensemble de produits ou de
commandes, il suffit par ailleurs de retrancher le coût de revient complet de cet ensemble de produits ou de
commandes du chiffre d’affaires généré par la vente de ces produits ou par la réalisation de ces
commandes.
L’approche en coûts complets s’est développée dans un contexte économique dominé par une conception
de l’entreprise essentiellement taylorienne, centrée autour de la fonction de production d’une organisation
dont la vocation est essentiellement industrielle. Comme déjà évoqué, elle s’est largement répandue dans la
183
C H A P I T R E 4
plupart des grandes entreprises industrielles un peu partout dans le monde, notamment au cours des
premières décennies du XXème siècle 180.
Au fil du temps cependant, et notamment au cours des années ‘60, le « Modèle de l’entreprise taylorienne »
et l’approche en coûts complets qui en découle s’est vu mis progressivement en cause, en raison de
plusieurs phénomènes micro- et macro-économiques dont les effets se sont mutuellement renforcés :
- D’abord, la course à la croissance, née de la ferme conviction qu’une entreprise ne peut augmenter sa
performance qu’en maîtrisant toujours davantage des coûts par nature décroissants à l’échelle (donc en
entamant une course au volume et à la quantité produite), a eu pour conséquence l’apparition d’entreprises
toujours plus grandes, largement intégrées mais aux activités devenues tellement diverses et
complexes qu’il s’avère extrêmement difficile d’en maîtriser encore parfaitement le processus de
production.
- Cette taille accrue de l’entreprise a eu par ailleurs pour conséquence une complexification extrême de
l’organisation de l’entreprise, avec pour conséquence une multiplication des centres de responsabilité,
une remise en cause du modèle hiérarchique traditionnel 181 et une complexification extrême des
relations existantes entre les systèmes de pouvoir, de contrôle et d’information au sein du système de
gestion global de l’entreprise 182.
- Par ailleurs, d’une part en raison du développement progressif des techniques de gestion et d’autre part
en raison de l’incertitude de plus en plus grande qu’un environnement toujours plus complexe et
évolutif fait peser sur le contexte dans lequel sont prises la plupart des décisions de gestion, une
exigence de plus en plus forte est formulée à l’encontre de la comptabilité de gestion : elle doit à
présent fournir aux différents décideurs présents dans l’entreprise une information comptable adaptée
aux besoins de chacun 183, qui intègre réellement les coûts dont chacun a le contrôle.
- Enfin, l’apparition progressive de l’Age de l’Information et son corollaire immédiat, à savoir des
clients toujours mieux informés des possibilités techniques induites par l’évolution technologique et de
la nature exacte de l’offre de marchés dont les barrières et les limites géographiques s’estompent
rapidement, s’est traduite logiquement par une large diversification de l’offre de produits et de
services de l’entreprise, tant en termes de gammes ou de variantes de produits proposés qu’en termes
de diversification géographique.
- à une multiplication galopante des sources de coûts potentielles, directes ou indirectes, fixes ou
variables,
180
De Rongé (1998) rappelle que cette méthode, développée notamment en France dans les années '30, y fut aussi
appelée, en raison de son architecture comptable rigoureuse, la "Méthode des sections homogènes".
181
Qui constitue pourtant une des pierres angulaires de l'entreprise taylorienne et de l'approche en coûts complets qui
y est appliquée.
182
La question lancinante est alors souvent devenue : "Qui peut savoir quoi et qui doit donner de l'information à qui,
sachant que le pouvoir de décision n'est plus centralisé comme auparavant mais éparpillé et morcelé au travers de
toute l'entreprise ?" et cette question s'est alors posée à la fois en termes de légitimité ('compte tenu des relations
complexes qui lient à présent actionnaires et gestionnaires, quelles sont les informations légitimement dues à qui ?")
et de gestion courante des opérations de l'entreprise ("pour que l'entreprise, et plus particulièrement mon centre de
responsabilités fonctionne de manière efficiente, quelles informations dois-je donner à qui sans remettre en cause
mon pouvoir de décision").
183
Donc une information comptable "sur mesure", à l'inverse de l'information comptable extrêmement standardisée
fournie traditionnellement par les systèmes analytiques basés sur une approche en coûts complets.
184
C H A P I T R E 4
- à une décroissance progressive du volume des coûts placés sous la responsabilité de décideurs
clairement identifiés, réduisant de ce fait drastiquement les possibilités d’action directe sur le niveau
de coût et ce, alors même que ces possibilités d’action directe sur les coûts justifient l’existence même
des activités de comptabilité de gestion ;
- à la nécessité de fournir l’information la plus indépendante possible des coûts de structure, sur
lesquels la plupart des décideurs présents dans l’entreprise ont peu de prise ;
- à la nécessité d’élargir le champ des objets de coût bien au-delà des produits ou services privilégiés
par les systèmes en coûts complets traditionnels et à la nécessité de faire des différents couples
« produits-marchés » des objets de coûts absolument essentiels au bon contrôle des décisions
quotidiennes et surtout stratégiques prises au sein de l’entreprise.
Dans ce contexte, à côté de l’approche traditionnelle et pour en rencontrer ses limites, il n’est pas étonnant
que deux approches de comptabilisation des coûts alternatives se soient développées progressivement :
- l’approche en coûts variables, référencée sous le terme « Direct Costing » dans la littérature
spécialisée anglo-saxonne et présentée au Chapitre 3 ;
Comme évoqué, les limites de ces deux approches en coûts partiels ont ensuite permis le développement
de l’approche par activités et par processus, présentée quant à elle à l’entame de ce chapitre.
185
C H A P I T R E 4
Heures de main
Charges Heures-machines
d’œuvre
Travail demandé : Quelle unité d’œuvre allez-vous recommander et quelle analyse statistique menez-
vous pour justifier votre choix ?
Le choix d’une unité d’œuvre doit idéalement refléter parfaitement l’activité du centre comptable auquel
elle est liée. L’existence d’une telle liaison parfaite est toutefois généralement illusoire et il faut alors
trouver un indicateur susceptible de refléter au mieux le niveau d’activité du centre comptable auquel il est
lié.
Il est possible de se baser sur une analyse de corrélation pour déterminer quelle est l’unité d’œuvre qui
fluctue le plus étroitement avec le niveau des charges mensuelles.
L’analyse des corrélations menées sur base des données disponibles donne les résultats suivants 184 :
184
Résultats obtenus grâce au module « Analyse de corrélations » du logiciel Statistica Release 5.1. de StatSoft Inc.
186
C H A P I T R E 4
ρ = ∑ ( Xi − X )( Yi − Y )
∑ ( Xi − X )² ∑ ( Yi − Y )²
avec X la valeur moyenne prise par la série des Xi et Y la valeur moyenne prise par la série des Yi .
Ce tableau montre d’une part que l’heure de main d’œuvre directe est corrélée positivement avec le niveau
des charges (corrélation de 0.54) et que d’autre part les heures machines sont corrélées négativement avec
le niveau des charges. Nous privilégions dès lors le choix de l’heure de main d’œuvre comme unité d’œuvre
car cette corrélation est positive et que cette corrélation est la plus élevée.
Notons toutefois que, vu le faible nombre d’observations prises en compte dans l’analyse (6 observations),
la probabilité associée à ces corrélations reste non statistiquement significative (la valeur de p est à
chaque fois largement supérieur au seuil á de 5 % généralement utilisé pour juger de la signification d’un
indicateur statistique), ce qui signifie qu’il n’est pas impossible, bien que peu probable, que l’obtention de
tels niveaux de corrélation soit due au hasard.
L’évaluation de stocks
Techno Construct, au milieu des années ’90, a tenté une diversification de ses activités en proposant aux
professionnels du bâtiment, en complément de ses produits-phares, un petit établi permettant de couper
dans de bonnes conditions et de procéder soi-même à la finition des planches de bois traditionnellement
conçues, produites et commercialisées par l’entreprise. L’établi, conçu et fabriqué par un fabricant
japonais bien connu, est importé par Techno Construct et sa distribution se fait exclusivement dans le
rayon spécialisé d’un spécialiste de la région.
Au premier trimestre de 2005, les livraisons en provenance du Japon ont été les suivantes :
14 janvier 50 8 900
16 mars 80 6 500
Le stock initial au 1er janvier comprenait 10 machines à valorisées à 9 500 € (coût de contrôle et de
configuration inclus) l’unité.
16 janvier 20 10 000
2 février 20 9 500
18 février 90 8 200
20 mars 50 7 500
25 mars 20 7 200
1) Comment déterminer la valeur des sorties et du stock final dans les 3 cas suivants :
187
C H A P I T R E 4
Solutions :
Rappelons que pour valoriser les stocks au coût moyen pondéré, il faut attendre la fin de la période
analytique comptable, car cette méthode implique le calcul d’une véritable moyenne.
- Méthode “FIFO”
188
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- Méthode « LIFO »
189
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- Méthode « FIFO »
- Méthode “LIFO”
La méthode de valorisation la plus appropriée peut être soit la méthode FIFO, soit la méthode LIFO : le
choix final entre ces deux méthodes dépendra en fait de la politique de l’entreprise.
o Si nous envisageons le problème du point de vue de la matérialité des stocks, l’entreprise pourrait
préférer l’approche FIFO car elle est la plus réaliste. En effet, si nous prenons en considération les
niveaux de prix, nous voyons qu’ils ont tendance à diminuer (prix de vente et prix d’achat). Or, la
méthode des coûts moyens pondérés évalue le stock sur base d’une moyenne des coûts d’achat et la
méthode LIFO conduit à garder en stock les produits les plus vieux et donc les produits à plus haute
valeur. Puisque que le marché est à la baisse en terme de prix, il vaut mieux être réaliste et garder en
stock les produits à plus faible valeur.
190
C H A P I T R E 4
o Toutefois, l’entreprise pourrait aussi vouloir opter pour l’approche LIFO car, vu l'évolution à la fois
du prix de vente et des prix d'achat, la valorisation selon l'approche LIFO semble plus réaliste
puisqu’elle reflète un marché où une évolution technique rapide (-> obsolescence rapide des produits)
est couplée à une tendance baissière (mais non régulière) des coûts d'achat et des prix de vente. La
méthode de valorisation LIFO peut donc être recommandée en période de forte variation des prix car
elle intègre dans les coûts des valeurs plus proches des prix actuels.
La réception de la livraison a duré 2 heures 30 minutes et fut assurée par deux personnes, un contrôleur en
chef dont le coût horaire est de 60 € et un manutentionnaire dont le coût horaire est de 50 €.
Le tableau d’analyse des charges indirectes du mois de juillet laisse apparaître un centre
« Approvisionnement », dont le taux de frais est de 1.5 % de la valeur de chaque approvisionnement pour
le mois de juillet.
Travail demandé : Calculez le coût d’achat de cette commande et justifiez chaque étape de votre calcul.
Rappelons d’abord que le coût d’achat d’une marchandise englobe l’ensemble des charges engagées
jusqu’au moment de la mise en stock de cette marchandise. Il comprend le prix d’achat de la marchandise
et les frais d’acquisition.
Dans la mesure où nous traitons ici le cas d’une entreprise, la TVA s’avère être récupérable et ne doit
donc pas être intégrée dans le coût d’achat.
Notre prix d’achat est dès lors de PA (1 + 21 %) = 1 800 000, d’où PA =1 487 603.
Les frais accessoires reprennent à la fois les frais de transport, les frais de manutention et les frais
accessoires d’approvisionnement regroupés au sein du centre « Approvisionnement » :
- les frais de transport s’élèvent à 7.5 % du prix d’achat TTC, soit 135 000 € (0,075*1 800 000),
dont il faut décompter 21 % de TVA récupérable, soit des frais de transport comptabilisables
analytiquement de 111 570 (135 000 / 1,21) ;
Soit un coût d’achat total de 1 621 762 = 1 487 603 + 111 570 + 275 + 22 314.
Les informations concernant les charges indirectes enregistrées en janvier 2005 sont les suivantes :
Fournitures : 14 200 €
185
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
191
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Gestion
Charges par du
nature Totaux Energie Transport matériel Approvisionnement Atelier A Atelier B Atelier M Distribution
Matières
consommables 10200 5000 700 1050 900 950 800 800
Fournitures 14200 1500 9000 1100 650 500 450 1000
Accessoires 4500 600 350 1200 900 1450
Service extérieur
(SBD) 11400 2300 500 500 1000 2400 2350 1750 600
Impôts et taxes 6000 900 1600 3500
Charges de
personnel 96000 4500 8400 3600 17000 25000 19500 18000
On envisage d’utiliser les clés de répartition suivantes pour les autres dépenses :
Amortissements
10% 5% 8% 6% 25% 36% 10%
et provisions
Charges
5% 15% 5% 20% 7% 35% 13%
supplétives
Gestion
_ 5% 30% 30% 30% 5%
matériels
192
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Pièces x : 6 500
Pièces y : 3 500
Objets terminés : 5 000
Travail demandé : Complétez le tableau d’analyse et calculez le coût des unités d’oeuvre des centres de
production.
Solutions :
Centres
Charges non
Totaux Energie Transport Gestion matériel Approv. Atelier A Atelier B Atelier M Distribution incorporables
Charges et dotations
Matières consommables 10200 5000 700 1050 900 950 800 800
Fournitures 14200 1500 9000 1100 650 500 450 1000
Accessoires 4500 600 350 1200 900 1450
Service ext. 11400 2300 500 500 1000 2400 2350 1750 600
Impôts et taxes 6000 900 1600 3500
Charges de personnel 96000 4500 8400 3600 17000 25000 19500 18000
193
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Les charges du 1 er trimestre 2004, y compris les matières consommables, ont été réparties entre les centres
d’activités conformément au tableau ci-dessous (données en €).
Hors
Charges Montant G. R. H. Finance Immobilier Atelier A Atelier B Atelier C production
Matières
5.000 200 2.000 1.000 400 200 200 1.000
consommables
Fournitures
2.000 200 400 100 100 100 100 1.000
administration
Service
42.000 3.000 12.000 10.000 3.000 8.000 3.000 3.000
&Biens Divers
Impôts 10.000 2.000 4.000 3.000 1.000
Charges de
60.000 6.000 9.000 3.000 15.000 10.000 12.000 5.000
personnel
Frais de
20.000 8.000 1.000 1.000 3.000 3.000 3.000 1.000
gestion
Taux
d’imputation
10% 10% 10% 20% 20% 20% 10%
des charges
supplétives
Unité œuvre /
Production
Assiette de h MO h MO h MO
livrée
frais
Nombre unités
œuvre /
6000 4000 1000 A calculer
Montant de
l’assiette
Elle a consommé au cours de ce trimestre des matières premières pour un montant total de 120 000 €.
La répartition des charges des centres auxiliaires entre les centres principaux s’effectue sur la base des
pourcentages suivants :
G.R.H. 10 5 20 20 20 25
Finance 10 15 20 25 20 10
Immobilier 10 10 25 35 20
186
Exercice inspiré pédagogiquement d’un exemple proposé par Goujet, Raulet et Raulet (1996).
194
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Par ailleurs, la commande n° 1 est en cours de réalisation dans l’atelier C le 1 er janvier et est estimée à
30 000 €.
Le coût horaire de l’heure de main d’œuvre directe est de 10 pour les Ateliers A et B et de 15 pour
l’Atelier C.
- en déterminant le coût de revient de l’ensemble des commandes livrées, sachant que la commande
9 vient seulement d’entrer en production dans l’atelier C (elle a accumulé des coûts directs de
production pour 50 000 €) ;
- déterminez enfin quel est le montant total des arrondis que vous avez perdus ou gagnés lors de
cette double répartition !
Solutions :
Matières
consommables 5.000 200 2.000 1.000 400 200 200 1.000
Fournitures
administratives 2.000 200 400 100 100 100 100 1.000
S.B.D. 42.000 3.000 12.000 10.000 3.000 8.000 3.000 3.000
Impôts 10.000 2.000 4.000 3.000 1.000
Charges de personnel 60.000 6.000 9.000 3.000 15.000 10.000 12.000 5.000
Frais de gestion 20.000 8.000 1.000 1.000 3.000 3.000 3.000 1.000
Imputation des charges
supplétives 254.583 10% 10% 10% 20% 20% 20% 10%
25.458 25.458 25.458 50.917 50.917 50.917 25.458
Totaux primaires : 393.583 44.858 53.858 43.558 72.417 72.217 69.217 37.458
195
C H A P I T R E 4
- Calcul des transferts croisés : Puisqu’il y a trois centre auxiliaires concernés qui se livrent des
prestations réciproques, il est nécessaire de procéder à la résolution d’un système d’équation à trois
inconnues :
Hors Ecart
Charges Montant G. R. H. Finance Immobilier Atelier A Atelier B Atelier C
production comptable
Totaux primaires : 393.583 44.858 53.858 43.558 72.417 72.217 69.217 37.458
Répartition
secondaire
- GRH 10% 5% 20% 20% 20% 25%
-56980 5698 2849 11396 11396 11396 14245
- Finance 10% 15% 20% 25% 20% 10%
6517,4 -65174 9776,1 13034,8 16293,5 13034,8 6517,4
- Immobilier 10% 10% 25% 35% 20%
5618,3 5618,3 -56183 14045,75 19664,05 11236,6
Totaux sec. 393.583 14 1 0 110.893 119.570 104.884 58.221
0 0 0 15 (1)
196
C H A P I T R E 4
Production
Unité oeuvre h MO h MO h MO
livrée
(1) Nous ajoutons une colonne « Ecart de comptabilisation » car logiquement les soldes des centres
auxiliaires devraient être égaux à zéro. Toutefois dans ce cas, il reste encore quelques cents comptabilisés
dans les deux premiers centres auxiliaires (ceci vient logiquement des calculs et des arrondis effectués).
Pour pallier cette défaillance, nous retirons ces quelques cents de ces centres et nous les intégrons dans un
centre comptable spécifique, à but technique uniquement, appelé « Ecart de comptabilisation ».
(2) Pour trouver cette unité d’œuvre, il faut d’abord procéder à d’autres calculs.
187
Exercice inspiré pédagogiquement du cas INFOSERVICES PLUS proposé par Gervais (2003).
197
C H A P I T R E 4
L’une des activités clés de l’entreprise, l’activité « Accueil des clients particuliers et définition de
l’intervention », paraît fort coûteuse aux dirigeants de l’entreprise. Une étude est donc réalisée afin de
savoir s’il convient de la sous-traiter ou de la conserver.
Cette activité consiste à réceptionner les appels des particuliers, à les analyser puis à organiser une
éventuelle intervention sur place si le besoin s’en fait sentir.
L’appel d’offres en vue de la sous-traitance éventuelle de cette activité a donné lieu à deux propositions,
émanant des sociétés SMI (Société de Maintenance Industrielle) et Brico Plus.
Les tâches composant l’activité ainsi que les propositions des deux sociétés sont présentées ci-après :
Le salaire annuel brut d’une assistante est de 16 500 €, celui d’un ingénieur technicien de 33 900 € et celui
du responsable de l’organisation est de 29 200 €. Les charges sociales ONSS correspondent quant à elles à
46 % du salaire brut.
Le coût d’achat des PC hors taxes est de 1 800 € par machine, tous équipements compris. Compte tenu de
l’évolution technologique, une durée d’amortissement de 4 ans a été jugée comme représentative de la
durée de vie réelle de ces équipements.
Les charges de structure imputées à cette activité représentent 10 % du montant de celle-ci. La sous-
traitance éventuelle de l’activité ne diminuerait toutefois en rien le montant total des charges de structure
supportées par l’entreprise.
Au plan opérationnel, l’activité est mise en œuvre en moyenne 22 jours par mois durant toute l’année, mais
les mois de juillet et août sont des mois de sous-activité. Le nombre moyen d’appels de clients particuliers
est de 160 appels pour les périodes de pleine activité et de 100 appels pour les autres périodes.
Ø Dans ce contexte, quel est le coût d’un appel client ?
Ø Entre sous-traiter la tâche n°1, sous-traiter la totalité de l’activité ou conserver la totalité de
l’activité, quelle est la meilleure solution économiquement ?
198
C H A P I T R E 4
Activité Tâche n° 1
188
Calcul du coût de la tâche n° 1 : (Coût salarial des assistantes + Charge d’usage de leurs PC) / Nombre d’appels,
soit donc : ( (16 500 € * 4 * 1.46) + (1 800 € * 4 * 0.25) ) / 39 600 appels
199
C H A P I T R E 4
l’ensemble de l’activité menée chez Techno-Construct est plus élevé que le coût de l’ensemble de
l’activité assumé par Brico-Plus : la question est alors de savoir pourquoi le coût des tâches 2 et 3 est
bien plus élevé chez Techno-Construct (4.96 € 189) que chez SMI (4.70 €) et chez Brico-Plus (3.85 €).
Ø Sous-traiter l’activité « Accueil des clients particuliers et définition de l’intervention » : L’analyse
comptable montre que sous-traiter l’activité auprès de Brico-Plus semble une solution intéressante,
puisque le coût de l’activité y est de 6.90 €, pour 6.99 € l’appel lorsque l’activité est menée en interne.
Cependant, une telle décision, prise sur base de données uniquement comptables, a des conséquences
organisationnelles et stratégiques majeures, dont le coût n’est actuellement pas pris en compte dans
l’analyse :
o Première conséquence à considérer : quel sera le sort du personnel qui assurait auparavant
l’activité ? Des possibilités de reclassement en interne existent-elles ? à quel coût ? Faut-il au
contraire envisager un licenciement ? et quel en sera le coût ?Dans l’un et l’autre cas, il est
fort probable que les coûts d’opportunité liés à ces conséquences dépasseront largement à
moyen terme le bénéfice immédiat retiré d’une telle décision de sous-traitance !
o Seconde conséquence à considérer : le fait de sous-traiter une activité clé à Brico-Plus fera
naître un risque de mauvaise communication entre des acteurs internes bien au fait de la
« Chaîne de Valeur » et des activités de Techno-Construct et des acteurs externes peu
conscients des caractéristiques de ces activités. Or, l’activité sous-traitée est en prise directe
avec les clients de Techno-Construct et la qualité de la communication avec le client est
justement une activité qui génère le plus de valeur dans une relation « Client » bien maîtrisée :
la sous-traiter risque donc bien de provoquer un « coût caché » lié à une mauvaise
communication avec le client dont l’ampleur risque de mettre à mal l’avenir même de l’image
de Techno-Construct auprès de ses clients.
o Troisième conséquence à considérer : A l’heure actuelle, une part des frais de structure est
actuellement supportée par l’activité « Accueil des clients particuliers et définition de
l’intervention ». Si celle-ci est supprimée, ces frais de structure devront être absorbés par
d’autres activités, ce qui gonflera le coût de ces activités et en diminuera la rentabilité,
soulevant à nouveau de nouvelles questions stratégiques délicates dans l’entreprise.
o Enfin, quatrième conséquence à considérer : qu’en sera-t-il à l’avenir du comportement
« éthique » de Brico-Plus ? Il faut en effet être réaliste : l’activité « Intervention chez le
client » est traditionnellement bien plus rentable que l’activité « Accueil des clients
particuliers et définition de l’intervention » et, de par son métier, Brico-Plus est tout à fait à
même de proposer un jour sa propre intervention auprès des clients de Techno-Construct.
Donc, le risque de détournement de clientèle existe bel et bien, même s’il peut être
partiellement géré en prévoyant un contrat de sous-traitance clair sur ce point avec Brico-
Plus.
Ø Conserver l’activité « Accueil des clients particuliers et définition de l’intervention » semble donc bien,
sur base des considérations comptables ET stratégiques évoquées ci-avant, l’option qui apparaît la
plus compétitive. Mais faire ce choix ne doit pas dispenser les dirigeants de Techno-Construct d’une
réflexion approfondie sur les raisons profondes qui expliquent pourquoi les tâches 2 et 3 sont exercées
de manière bien plus efficientes par SMI et par Brico-Plus.
189
Coût des tâches 2 et 3 = Coût de l’activité – Coût de la tâche 1
Ø Chez Techno-Construct : 7.69 € - (2.48 € * 1.1) = 4.96 €
Ø Chez SMI : 7.60 € - 2.90 €
Ø Chez Brico-Plus : 6.90 € - 3.05 €
200
C H A P I T R E 5
Chapitre 5
Comptabilité de gestion et
gestion stratégique des coûts
M
aîtriser la capacité de l’entreprise à créer de manière permanente de la valeur et donc, maîtriser
son aptitude à rencontrer de manière permanente les besoins et les attentes de ses clients en
obtenant d’eux le paiement effectif d’un prix :
- qui permettra d’une part de couvrir l’ensemble des coûts générés tout au long du processus de création
de valeur,
- et d’autre part de rémunérer selon leurs attentes les actionnaires de l’entreprise 190,
est, nous l’avons largement souligné, l’objectif essentiel assigné aux dirigeants de toute entreprise désireuse
d’accomplir sa mission fondamentale de création de valeur.
Il n’est dès lors pas étonnant qu’une part essentielle de la recherche actuelle en matière de contrôle de
gestion et, plus encore, de comptabilité de gestion accorde une importance cruciale :
190
Conciliant de ce fait les attentes des acteurs présents dans et hors de l'entreprise (salariés, fournisseurs, clients) et
les attentes des propriétaires de l'entreprise.
201
- au suivi et à la maîtrise des coûts particulièrement liés aux activités créatrices de valeur,
- et, plus fondamentalement encore, à la compréhension des mécanismes réels de création de valeur et
de leurs conséquences sur le processus d’allocation des ressources rares de l’entreprise, répondant ainsi
à la lancinante question : "Quand, où et comment l'entreprise crée-t-elle de la valeur pour ses
clients ?".
De ce fait, le champ de la gestion stratégique des coûts 191 s’est progressivement imposé comme un des
champs les plus riches en termes de recherche scientifique en comptabilité de gestion car, comme le
soulignent McNair et al. (2001), "la compréhension des relations entre les coûts de l'entreprise et la valeur
qu'elle fournit à ses clients est la clé de sa capacité à atteindre effectivement son profit potentiel 192. De ce
point de vue, l'entreprise ne peut avoir qu'une compréhension profonde de ses activités, de ses coûts et de
leurs relations avec les prix du marché".
Ø d’une part à améliorer les mécanismes d’allocation des coûts en les rendant moins arbitraires et
moins sensibles à des contingences purement comptables (notamment lors de l'affectation des coûts
indirects) et en les liant plus intensément aux activités et processus réellement présents dans
l'entreprise et réellement à l'origine de ces coûts (Kaplan, Cooper, 1998) et
Ø d’autre part à améliorer la qualité des décisions relatives au mix des produits 193.
v Les techniques permettant d’accroître la profitabilité générale de l’entreprise ou celle de ses produits
grâce à la mise en oeuvre de stratégies de réduction des coûts (telles que les techniques de gestion à
base d’activités ou de processus, les approches par coût-cible 194, les approches intégrées de gestion
basées sur la maîtrise de la qualité totale 195, …).
Ø Le concept de "profitabilité" est en effet étroitement lié à la notion même de création de valeur et
de valeur ajoutée puisqu’il se traduit généralement par un rapport entre une quantité d’ « output »
et la quantité d’ « inputs » qui a été consommées pour la réalisation de cet output.
Ø Il est généralement mesuré par le rapport d'une mesure de création de valeur (souvent la valeur
ajoutée même) et d'une mesure de la valeur (parfois du volume) des actifs ou des ressources qui ont
été utilisés pour permettre cette création de valeur (ensemble souvent référencé sous le terme 'Actif
économique' ou 'Actif net économique', concept souvent utilisé de manière ambiguë et au contenu souvent
techniquement différent selon les auteurs) .
191
Souvent référencé sous le sigle SCM, Strategic Cost Management (champ né notamment de l'ouvrage de Shank et
Govindarajan (1993)).
192
Le concept de « Profit potentiel » a été défini à la Section 3.1.6.4.3. .
193
Le concept de "mix de produit" fait référence à l'ensemble des décisions de gestion qu'un décideur est amené à
prendre lorsqu'il envisage la conception, la production et la distribution d'un produit particulier ; il englobe donc un
ensemble de décisions très vaste, couvrant toutes les fonctions traditionnelles de l'entreprise (marketing, production,
approvisionnement essentiellement, mais aussi gestion des ressources humaines ou finance).
194
Détaillées ci-après.
195
Référencées le plus souvent sous le sigle TQM, "Total Quality Management".
202
v Les techniques permettant d’améliorer la qualité des produits ou des processus de gestion au sein de
l’entreprise et notamment les techniques de gestion par la qualité totale ou les modèles d’excellence par
la qualité 196.
v Et enfin, les techniques permettant de développer une stratégie compétitive applicable tout au long de
la chaîne de valeur propre à l’entreprise en utilisant l’information disponible relative aux coûts et
notamment les techniques spécifiques de gestion stratégique des coûts 197.
Dans la mesure où ces techniques révèlent toute leur utilité dans une perspective de contrôle de gestion et
de management stratégique, les présenter en détail et analyser en profondeur leurs tenants et aboutissants
n’est guère utile ou pertinent dans le cadre d’un ouvrage consacré avant tout aux techniques de comptabilité
analytique et de comptabilité de gestion.
Dans le contexte du présent ouvrage, nous nous limitons dès lors à l’évocation de trois techniques
comptables essentielles relevant de la gestion stratégique des coûts et faisant un usage intense des concepts
vus précédemment :
- D’abord, nous présentons une technique spécifique de gestion des coûts basées sur la volonté de
réaliser un niveau de profit prédéterminé tout en intégrant le prix du marché comme une donnée,
aboutissant ainsi à la détermination d’un coût-cible à atteindre. Cette approche de la gestion des coûts,
d'inspiration japonaise, constitue en fait une des toutes premières méthodes de gestion stratégique
active des coûts de l'entreprise proposée dans la littérature spécialisée et est née dans la mouvance des
approches de gestion et d'excellence par la qualité totale (Total Quality Management). La plupart des
ouvrages, même lorsqu'ils sont d'inspiration francophone, y font référence sous son appellation
originale de "Target Costing" ou de « Coût Cible ».
- Ensuite, nous détaillons une technique de gestion des coûts basées sur la volonté de proposer au client
un niveau de prix reflétant réellement la valeur qu’il attribue aux attributs des produits et services
offerts par l’entreprise. Cette approche de la gestion des coûts, d’inspiration récente, est notamment
matérialisée par l’approche en « Coût Client » détaillée ci-après.
- Et enfin, nous ne pouvons passer sous silence les techniques de « tableaux de bord » et notamment la
technique du « tableau de bord équilibré » (ou « Balanced ScoreCard »), de plus en plus présentes
dans le monde de l’entreprise ou des organisations car elles permettent de synthétiser le monceau
d’informations souvent diverses et éparses généralement fournies par le système d’information
comptable interne d’une entreprise et de réaliser cette synthèse au travers de quelques tableaux
pertinents, aisément utilisables dans une perspective de pilotage stratégique des activités créatrices de
valeur d’une organisation particulière.
196
Par exemple le modèle d'excellence par la qualité proposé par l'EFQM (European Foundation for Quality
Management).
197
Pour un exposé complet de ces techniques, voir Shank et Govindarajan (1993).
198
Pour une présentation détaillée de cette approche, voir par exemple Ansari et Bell (1997), Cooper (1995) et
surtout Yoshikawa et al. (1993).
203
Sa philosophie est simple : compte tenu d’un niveau de prix fixé par ses clients ou ses partenaires en
affaires à l’entreprise ou à l’organisation appliquant la technique du « coût cible », comment celle -ci peut-
elle organiser les ressources nécessaires à l’obtention de l’output qui va permettre d’obtenir ce prix de sorte
que la consommation de ces ressources ne dépasse pas un « coût cible » lui permettant de dégager un
niveau de marge prédéterminé qui garantit une rémunération conforme aux attentes de ses différents
« stakeholders » ?
Cette philosophie explique que cette technique soit particulièrement bien implantée au sein de toutes les
entreprises ou organisations travaillant sur base de projets au budget initial établi de manière ferme (cas
fréquent notamment parmi les organismes scientifiques réalisant des missions à budgets fixes pour le compte de
donneurs d’ordre publics ou privés) et au sein des entreprises, notamment industrielles, essentiellement actives
comme sous-traitantes de très grandes entreprises imposant un niveau de prix défini pour la réalisation de
telle ou telle composante ou de telle ou telle tâche bien spécifique.
Cette technique s’inscrit à la base comme un outil comptable permettant fondamentalement de mettre en
place une véritable stratégie de « qualité totale », basée sur l’élimination préalable systématique de toutes
les activités susceptibles de générer des excès de coûts par rapport à un coût-cible à atteindre, déterminé de
telle manière qu’il permet, compte tenu des prix de marché anticipés, de réaliser un niveau de profit qui
satisfasse effectivement les attentes des actionnaires et des autres « stakeholders » de l’entreprise 199.
A l’inverse de la démarche traditionnelle qui fait du taux de profit l’inconnue d’une équation où le prix du
marché s’établit en dehors de la volonté de l’entreprise et où le niveau des coûts résulte à la fois de la
structure organisationnelle et surtout productive de l’entreprise et de son efficience, l’approche par coût-
cible fait donc du niveau de coût-cible la variable dépendante issue de la prise en compte a priori des prix
en vigueur actuellement sur le marché et du niveau de rémunération attendu par les actionnaires.
L’observation de la mise en oeuvre opérationnelle de cette méthode montre qu’elle conduit à renverser la
logique de pensée et d’action dominante dans l’entreprise, partant d’un niveau de profit à atteindre pour
déterminer ensuite un niveau de coût global et une structure de coûts optimale et pour aboutir enfin à un
ensemble de décisions de gestion, à caractère souvent stratégique, touchant à tous les domaines de la
gestion de l’entreprise. Ainsi,
v Au plan stratégique, cette approche a un impact fort sur la stratégie de recherche et d’innovation de
l’entreprise, car elle l’amène à rechercher en permanence les modes d’organisation et les processus
opératoires les plus efficients et car elle la conduit à rechercher des modes de production plus
efficients, notamment en intégrant au produit des matières nouvelles (plus résistantes, moins sujettes à
fluctuation du niveau de qualité, moins coûteuses, …).
v Au plan organisationnel, cette approche débouche sur la recherche de nouvelles formes d’organisation
du travail, privilégiant le travail en équipes de petits groupes de spécialistes rassemblant leurs
compétences et leurs savoirs autour de tâches spécifiques à taux élevé de création de valeur.
v Au plan opérationnel, cette approche conduit enfin à revoir les relations nouées tant avec le client
qu’avec le fournisseur, amenant ainsi à éliminer de ces relations toute tâche ou toute activité non
réellement créatrice de valeur et conduisant au développement de réseaux et de partenariats avec ces
clients et ces fournisseurs :
199
McNair e.a. (2001) considèrent dès lors que, bien que l'approche par coût-cible permette de lier les coûts et les
attributs des produits auxquels ils sont associés, son but premier reste la minimisation des coûts. De ce fait, la notion
de valeur, approchée par le biais du prix du marché, est utilisée uniquement pour déterminer le niveau de coûts
acceptable par l'entreprise et non par pour témoigner de la valeur réelle attribuée par un client aux attributs des
biens et services qui lui sont proposés.
204
Ø Un fournisseur connu depuis longtemps et dont les processus de production et de livraison sont
parfaitement adaptés aux exigences de l’entreprise signifie par exemple, pour cette dernière, une
diminution des tâches (et donc des coûts) de contrôle de la qualité.
Ø De même, un client fidélisé, dont l’avis est pris réellement en considération et qui a confiance en la
capacité de l’entreprise à rencontrer en permanence ses besoins, génère bien moins de coûts de
commercialisation et, plus encore, de coûts de promotion qu’un client non fidélisé.
Conceptuellement, nous l’avons déjà souligné, les approches de comptabilisation en coûts complets et,
ultérieurement, en coûts directs ou en coûts semi-complets se sont développées et affinées en tant qu’outils
de comptabilité de gestion dans un contexte économique et managérial dominé par une conception
essentiellement taylorienne de l’entreprise, marquée notamment par la prédominance de la fonction de
production comme fonction primordiale dans l’activité de l’entreprise, par un système de pouvoir et de
contrôle fortement structuré et hiérarchisé et par une demande considérée souvent comme peu différenciée
et relativement aisément maîtrisable (Bouquin, 2000) (De Rongé, 1998) (Gervais, 2000).
Depuis le début des années ’90, sous l’influence conjointe des travaux de Porter (1985) consacrant le
concept de « Chaîne de Valeur » et des travaux de Kaplan et Norton (1996) consacrant les conditions de la
performance d’une entreprise de « l’Age de l’Information », l’entreprise orientée « produit » qui résultait
quasi inévitablement de cette vision taylorienne de l’organisation fait place progressivement à une
entreprise orientée « client », marquée à présent par la dominance des fonctions de distribution et de
relations avec la clientèle, par des structures de pouvoir et de contrôle souples et s’adaptant rapidement à un
environnement concurrentiel et commercial en évolution perpétuelle et rapide, et surtout fortement réactive
aux évolutions de plus en plus rapides des attentes et des besoins de ses clients, acteurs essentiels d’un
environnement économique en mutation constante au sein duquel ils se parent de facettes sans cesse
nouvelles.
Cette évolution progressive de l’entreprise orientée « produit » vers l’entreprise orientée « client » s’est
traduite, dans nombre d’entreprises, par une évolution de leur organisation, de leur structure, de leur mode
de décision et de leur processus de contrôle, la dimension « client » étant à présent placée au cœur de la
réflexion stratégique et des processus opérationnels de ces entreprises (Brimson, 1997) (Deshpandé, 2000)
(Teller, 1999).
Dans le même temps, et un peu paradoxalement, les techniques de comptabilité de gestion n’ont pas
véritablement évolués, restant essentiellement focalisées sur une conception de l’entreprise génératrice de
coûts du fait de ses activités et génératrice de marges (et donc de valeur) du fait des produits et services
qu’elle conçoit, produit et distribue et ce, quasi indépendamment de toute intégration de données émanant
du client (Mc Nair e.a., 2001).
200
Cette section est une refonte du texte d’une communication présentée lors du Congrès 2002 de l’Association
Française de Comptabilité et intitulée « Développement conceptuel et application clinique d’une méthodologie de
calcul des coûts propres à l’entreprise orientée ‘Client’ : l’approche en coût client ».
205
Certes, le développement des approches à bases d’activités et de processus a permis de doter les contrôleurs
de gestion d’outils comptables permettant de comprendre où, comment et pourquoi l’entreprise, considérée
d’un point de vue interne, crée de la valeur. (De Rongé, 1998) (Gervais, 2000) (Ravidat, 2000).
Mais, comme le soulignent Mc Nair e.a. (2001), elles ne permettent toutefois pas de prendre véritablement
en considération le point de vue de la valeur telle qu’elle est perçue par le client et donc de savoir quelles
sont les activités de l’entreprise auxquelles le client accorde réellement une valeur qu’il est prêt à traduire
en un prix plus élevé ou quelles sont les activités, pourtant génératrices de coûts, pour lesquelles le client
n’est pas prêt à verser une contrepartie financière, car elles sont aussi offertes par les concurrents de
l’entreprise et qu’elles ne lui apportent donc aucun avantage additionnel particulier ou car elles ne servent
qu’à la mise en œuvre normale du système de gestion de l’entreprise.
Nous nous proposons dès lors de détailler à présent une méthodologie de calcul des coûts et des marges
propre à l’entreprise orientée « client », complémentaire des méthodologies de calcul des coûts
traditionnelles (davantage focalisées sur les activités de conception et de production de l’entreprise) et inspirée de
l’approche en « coût-cible » (De Rongé, 1998) (Tanaka, 1993), dont elle s’écarte toutefois par le fait
qu’elle intègre explicitement la structure du portefeuille d’attributs auquel le client d’un produit ou d’un
service donne de la valeur.
Basée fondamentalement sur une compréhension opérationnelle des attentes et des besoins des clients et sur
une distinction effective entre les coûts valorisés directement par le client et les coûts non valorisés
directement par celui-ci, cette méthodologie intègre successivement :
§ d'abord, une identification claire et rigoureuse des activités de l’entreprise qui lui permettent de se doter
de facteurs d’offre distinctifs de ceux de ses concurrents et en contrepartie desquels le client est prêt à
verser une contribution financière nouvelle ;
§ ensuite, une identification des coûts et des marges générées par ces activités et des coûts liés aux
activités non valorisées directement par le client ;
§ et enfin un calcul du coût de revient des produits et services offerts au client et induit par les activités
réellement valorisées par ce client, ce « coût de revient client » 201 étant souvent de facto le seul élément
de réflexion réellement intégré et perçu par ce client lorsqu’il est amené à négocier un prix avec un
fournisseur dans une perspective de relation industrielle ou commerciale de moyenne ou longue durée
202
.
201
Ce « coût de revient client » ou « coût client » doit être distingué du « coût client » mis en exergue par la méthode
des Unités de Valeur Ajoutée (U.V.A.) (Fievez e.a., 1999), qui se définit comme correspondant au coût de « tout ce
que l’entreprise a dû faire pour obtenir une vente et l’exécuter » (Gervais, 2000) et qui traduit une vision basée sur
une perception essentiellement interne des « activités » déployées par l’entreprise pour rencontrer les attentes du
client, vision encore fortement dominée par une conception « produit » de l’entreprise.
202
Notons que cette problématique s’avère d’une importance relative moindre lorsque le client est un individu
particulier amené à considérer un achat ponctuel, non destiné à se renouveler à court terme et dont l'impact sur le
processus global de création de valeur de l'entreprise s'avère donc moindre dans une perspective de long terme.
206
Dans ce contexte, comme le soulignent McNair et al. (2001), "la compréhension des relations entre les
coûts de l'entreprise et la valeur qu'elle fournit à ses clients est la clé de sa capacité à atteindre
effectivement son profit potentiel. De ce point de vue, l'entreprise ne peut avoir qu'une compréhension
profonde de ses activités, de ses coûts et de leurs relations avec les prix du marché".
Dans cette perspective, le concept de « Profit potentiel », largement développé par Mc Nair e.a. (2001),
joue un rôle essentiel. Pour rappel, il se définit comme le niveau de profit maximal que l’entreprise
pourrait atteindre :
§ si le prix du marché valorise effectivement correctement le niveau de satisfaction des besoins et des
attentes du client, ce qui implique notamment que le marché soit parfaitement informé des besoins et
attentes des clients et qu'il les valorise correctement compte tenu de l'offre des concurrents de
l'entreprise, tant en termes de produits semblables que de produits de substitution ;
§ et si l’entreprise adopte une structure productive basée sur un agencement optimal de ses processus et
activités lui permettant d’agir dans les conditions de coût les plus efficientes qui soient : de ce fait, il
n'est alors pas possible de trouver un agencement des processus et activités et une allocation des
ressources rares de l'entreprise qui déboucherait sur un niveau global de coût moindre.
Cette compréhension ne peut toutefois être valablement perçue que du point de vue du client, seul habilité,
par sa décision d’achat ou de non-achat, à transférer les ressources monétaires (au travers du prix qu’il
accepte effectivement de payer) nécessaires à une véritable création de valeur au sein de l’entreprise, et non
plus du point de vue de l'entreprise seule, point de vue qui est pourtant à la base des approches de
comptabilisation par activités et processus sur lesquelles reposent la plupart des techniques et méthodes
propres au champ de la gestion stratégique des coûts 203.
Toutefois, force est de constater que les relations exactes qui s’établissent entre la création de valeur aux
yeux du client, le prix du marché et les coûts occasionnés au sein de l'entreprise pour permettre cette
création de valeur sont encore mal appréhendées dans la littérature : en effet, la plupart des techniques
récentes développées dans le champ de la gestion stratégique des coûts ignorent largement le concept de
valeur perçue du point de vue du client et sont de ce fait gouvernées par une « vision interne » de la valeur
propre à l’entreprise, alors même pourtant (et c’est un paradoxe important) qu’elles sont présentées comme
fournissant le moyen de fournir de la valeur au client (McNair e.a., 2001) 204.
Un paradigme particulier peut expliquer ce biais : la littérature s’est pendant longtemps basée sur le
postulat selon lequel le niveau de création de valeur aux yeux du client (et donc la valeur pour le client)
s’exprime uniquement par le biais du prix du marché, négligeant dès lors largement la compréhension de
203
Ces approches partent en effet d'une conception de la valeur perçue par l'entreprise comme étant celle du client et
non pas d'une véritable perception de la structure de la valeur réellement affichée par le client.
204
Ainsi,
§ Les approches de gestion par les activités (ABC, ABM) sont utilisées pour répartir les activités et les coûts de
l’entreprise en activités à valeur ajoutée et en activités sans valeur ajoutée en partant du point de vue du
fonctionnement interne de l’entreprise, mais la littérature spécialisée en la matière ne précise pas si et comment
le point de vue du client peut être intégré à la démarche (Kaplan, Cooper, 1998). Le risque existe donc que
l'entreprise, appliquant ces techniques de gestion par les activités, ne se focalise sur les activités créatrices de
valeur de son propre point de vue (donc essentiellement du point de vue de ses dirigeants), avec le risque de
refléter davantage les conceptions et la culture de l'entreprise (forgée progressivement au fil du temps, sur base
des expériences passées et de la base de compétence dominante présente dans l'entreprise), négligeant de facto la
véritable échelle de valeur de ses clients.
§ Dans le même ordre d’idées, les techniques de gestion stratégique des coûts (Shank, Govindarajan, 1993) se
focalisent sur la distribution de la valeur tout au long de la chaîne de valeur de l’entreprise, mais ignorent la
nature des relations qui lient les coûts et l’évolution du prix du marché. Le but de ces techniques est en effet
essentiellement d'éliminer toute activité destructrice de valeur au sein de l'entreprise, en se focalisant
essentiellement sur le processus de production et les processus adjacents de logistique entrante et de logistique
sortante, mais il n’y a quasiment à aucun moment une véritable prise en compte des critères de valeur réels du
client.
207
l’origine de cette valeur et la maîtrise des facteurs qui expliquent les raisons pour lesquelles le client
accepte de payer le prix proposé par le marché.
Or, ces raisons déterminent les facteurs de choix qui sont essentiels aux yeux du client (ceux qui, pour lui,
ont effectivement de la valeur et pour lesquels il accepte de payer un prix) et donc, du point de vue de
l’entreprise, leur compréhension permet de savoir quelles sont les activités, au sein de l’entreprise,
réellement créatrices de valeur aux yeux du client et qui justifient donc que des ressources humaines,
techniques, immatérielles ou financières rares (dont la consommation engendre les coûts) leur soient
attribuées.
Ce biais tend toutefois peu à peu à s'estomper. Ainsi, un modèle récent, le "Modèle de la Création de
Valeur" proposé par Mc Nair, Polutnik et Silvi (2001), se veut délibérément représentatif du processus de
génération des coûts dans l’entreprise orientée « client », intégrant à la fois une approche conceptuelle
rigoureuse du processus de création de valeur perçu du point de vue du client et un aspect opérationnel
concret qui le rend potentiellement effectivement applicable en entreprise.
Ce modèle présente toutefois, à nos yeux, deux limites fondamentales qui rendent difficile son application
ex abrupto en entreprise :
v D'abord, il repose sur un concept de "profit potentiel", certes riche d'intérêt au plan conceptuel, mais
difficilement utilisable en situation réelle car reposant sur deux postulats théoriques non
nécessairement vérifiés en pratique. En effet :
Ø Ce concept postule que le prix du marché valorise parfaitement, à tout instant, le niveau de
satisfaction des besoins et attentes du client, ce qui tend à ignorer l’influence exercée sur ce niveau
de prix, sur certains marchés non parfaitement concurrentiels, par certains acteurs au poids relatif
important (clients, fournisseurs, concurrents) et à négliger l’impact, certes généralement
temporaire, de décisions stratégiques ponctuelles prises par l’un ou l’autre de ces acteurs pour
influer ce niveau de prix (tel que l’effet d’une campagne de promotion particulière) : le rapport des
forces concurrentielles en présence sur les divers marchés visés par l'entreprise et la possibilité
d’actions stratégiques ponctuelles qui perturbent le mécanisme normal du jeu du marché sont ainsi
trop vite ignorés par ce modèle.
Ø Par ailleurs, ce concept postule implicitement que l’entreprise adopte à tout instant une structure
organisationnelle et productive basée sur un agencement optimal de ses processus et activité lui
permettant d’agir dans les conditions de coût les plus efficientes qui soient.
§ Or, l’existence à un instant donné de cet agencement optimal ne peut généralement être
déterminée que a posteriori, les gestionnaires n’étant généralement pas parfaitement informés
ex ante de l’état de tous les facteurs influençant cet agencement.
§ Par ailleurs, cet agencement optimal, si d’aventure il était malgré tout atteint, ne pourrait
constituer qu’un équilibre temporaire vite mis à mal par l’évolution de l’une ou l’autre
composante de l’environnement dans lequel l’entreprise se voit intégrée.
v Ensuite, pour être mis en oeuvre, le concept de « structure de la valeur client » fait référence à la
composition et à la structure du panier d’attributs d’un clie nt « moyen » de l’entreprise.
Ø Or, dans nombre d’entreprises au portefeuille d’activités diversifié ou dont la clientèle est multiple
et donc susceptible de segmentation, ce « client moyen » ne représente guère plus qu’un outil
conceptuel à l’utilité essentiellement théorique.
Ø Il ne permet dès lors pas de prendre véritablement en compte la diversité et la complexité profonde
des véritables origines de la « valeur client », dont rien ne prouve qu’elle soit homogène entre tous
les segments de clientèle, le concept même de segment de clientèle laissant d’ailleurs à penser que
la structure du portefeuille d’attributs et la valeur attribuée par chaque segment à chaque attribut ne
peut que différer ! (Deshpandé, 2000).
Dans ce contexte, il apparaît dès lors souhaitable de rechercher une approche de comptabilisation des coûts
propre à l’entreprise orientée « client », intégrant effectivement l’origine de la valeur offerte par
l’entreprise mais telle qu’elle est perçue par le client et suffisamment généralisable pour être applicable à
208
toute entreprise, quelle que soit la nature exacte de son ou de ses activités et la diversité de son portefeuille
de clientèle.
Le fondement premier de cette approche réside dans la reconstruction de la chaîne de valeur de l’entreprise
telle qu’elle est réellement perçue par le client et reflétée au travers de sa valorisation des attributs des
produits et services offerts par l’entreprise. Les différentes "fonctions" présentes dans le modèle de Porter y
sont toutefois remplacées par leurs composantes, à savoir les activités ou processus (dans l'acception
proposée par Lorino (1991) et selon le degré de finesse plus ou moins grand souhaité par l'analyste) mis en
jeu lors de l'exercice effectif de ces fonctions dans l'entreprise.
Achats
Commercia -
Logistique Production Logistique lisation Services
Entrante Sortante et Vente
Figure 36 : La « Chaîne de Valeur » de l’entreprise telle que perçue par le client et reconstruite en termes d'activités
et de processus créateurs/non créateurs de "valeur client"
La confrontation des apports théoriques de Porter (1985) et de Deshpandé (2000) nous permet ainsi de
proposer une vision de cette « chaîne de valeur perçue » par le client reproduite à la Figure 36.
Deux éléments en ressortent :
209
v D’une part, aux fonctions de soutien ou de support mises en évidence par Porter correspondent à
présent des activités et des processus que le client n’intègre pas explicitement dans sa valorisation du
portefeuille d’attributs associé aux produits et services qui lui sont offerts car il n'en perçoit pas l'utilité
et donc la valeur pour son propre processus de création de valeur.
Ø A ces fonctions de soutien sont donc associés des activités et des processus de gestion qui sont
générateurs de coûts pour l'entreprise car consommateurs de ressources rares, mais créateurs de
valeur indirects par rapport aux activités et processus explicitement pris en compte par le client
dans sa valorisation du portefeuille d’attributs qui lui est offert.
Ø Il est en effet normal pour le client que son fournisseur dispose d’une infrastructure, d’une
organisation, d’une structure administrative et gestionnaire et d’une animation des ressources
humaines optimale, mais les effets de cette structure ne sont à son sens perceptibles qu’au travers
des effets indirects qu’elle peut avoir sur la qualité, la diversité, le design, la sécurité, … des
produits et services offerts.
v D’autre part, aux fonctions principales mises en évidence par Porter (1985) correspondent des activités
et des processus "créateurs de valeur client", dont la valeur est directement perçue par le client car étant
étroitement associés à des attributs auxquels le client accorde une importance relative significative et
donc une valeur certaine. Toutefois,
Ø Plus ces activités et processus sont liés à des fonctions situées en amont de la chaîne de valeur
traditionnelle de Porter (notamment au stade de la logistique entrante, voire aux toutes premières
étapes du processus de production), moins le client perçoit leur existence et moins il intègre
explicitement ces activités et processus dans sa valorisation du portefeuille d’attributs offert par
l’entreprise.
Ø Par contre, plus ces activités et processus sont liés à des fonctions situées en aval de cette chaîne de
valeur traditionnelle, plus le client perçoit leur existence, notamment du fait qu'il est généralement
acteur ou partie prenante de la plupart des activités et processus liés à ces fonctions d’aval. Ainsi,
le client est généralement impliqué, à un moment ou l’autre, dans les activités de service après-
vente, de commercialisation et de distribution, de logistique sortante, voire aussi aux stades
intermédiaires et ultimes du processus de production.
Explicitement ou implicitement, lorsqu’il attribue une valeur aux différents attributs (niveau de prix, niveau
de différenciation ou d’originalité, qualité, sécurité, design, qualité écologique, …) qui caractérisent les différents
items de l’offre de produits ou de services de l’entreprise, le client valorise essentiellement les processus et
activités de l’entreprise dont il perçoit l’utilité directe pour l'amélioration de l'efficacité de son propre
processus de création de valeur : la structure de la « valeur client » qui en découle devient de ce fait unique,
indissociable de la personne de ce client et de la structure de son propre portefeuille d’attributs. De ce fait,
pour l'entreprise, la consommation de ressources rares induite par ces activités et processus est génératrice
de coûts qui sont fondamentalement créateurs d’une réelle « valeur client ».
Par contre, les activités et processus induits par la maintenance de l’infrastructure de gestion de l’entreprise
(en ce compris son financement) ou induits par des motivations externes aux préoccupations du client
(notamment les activités ou processus induits par des motivations de prestige ou par des motivations propres aux
actionnaires ou dirigeants de l’entreprise pour permettre la résolution de certains conflits d'agence) ne sont pas
perçus par le client comme étant associés à un accroissement de la valeur des attributs pris en considération
dans la détermination de la « valeur client », car ils ne sont pas susceptibles de contribuer à l'amélioration
de l'efficacité de son propre processus de création de valeur. Les consommations de ressources rares qui y
sont liées ne peuvent dès lors pas être considérées comme génératrices de coûts créateurs d’une réelle
« valeur client ».
5.2.2.1.2. La confrontation de la "Chaîne de Valeur perçue par le client" et de la "Chaîne de Valeur offerte par l'entreprise"
Il devient dès lors possible, en s’inspirant d’une méthodologie présentée par Gervais (2000) et en
confrontant d’une part la « Chaîne de valeur perçue » par le client et d'autre part la « Chaîne de valeur
effectivement offerte » par l’entreprise qui découle d’une application stricte du modèle de Porter, de
210
répartir les activités et processus présents dans l’entreprise, et donc les coûts qu’ils génèrent, en 6
catégories.
Signalisation
Valeur effectivement
offerte
par l’entreprise
Marges Marges
Coûts potentielles
actuelles
Figure 37 : Une confrontation de la valeur offerte par l’entreprise et de la valeur perçue par le client
(adapté de Gervais (2000, p. 237))
Les trois premières d'entre elles constituent des composantes à part entière de la "valeur perçue" par le
client, actuelle ou potentielle :
§ D’abord, il y a les activités et les processus présents dans l’entreprise et qui débouchent sur des niveaux
d’attributs qui correspondent parfaitement aux attentes du client.
o Une fois leur mise en œuvre optimisée et leur présence dans le processus de fonctionnement
global de l'entreprise maximisée et stabilisée dans une perspective de long terme, ils
conduiraient, sur longue période, à une parfaite adéquation de la valeur perçue par le client et
de la valeur effectivement offerte par l’entreprise, à condition naturellement que la structure du
portefeuille d'attributs valorisés par le client et qui découle directement de ses besoins et
attentes reste stable.
§ Il y a ensuite les activités et processus mis en oeuvre dans l’entreprise mais qui débouchent sur des
niveaux d’attributs inférieurs à ceux que permettraient d’obtenir un parfait agencement et une parfaite
coordination de ces activités et processus compte tenu des attentes et besoins réels du client.
o Ils correspondent de facto à des défauts sur prestations (qualité insuffisante, design
améliorable, …), consommant des ressources rares ne débouchant pas sur une réelle création
de « valeur client » et même susceptibles, s’ils devaient persister, de conduire par contagion à
une réduction de la « valeur client perçue ».
o Dans une perspective de gestion stratégique des coûts, ces défauts sur prestations doivent dès
lors idéalement être détectés, corrigés et donc réduits dans les meilleurs délais.
o Notons à ce stade que la combinaison de la valeur attribuée par le client aux attributs liés aux
attentes qu’il estime satisfaites et aux activités qui conduisent à des défauts sur prestations
débouche en fait sur la création de la « valeur client réelle » attribuée par le clie nt aux produits
211
et services offerts par l’entreprise. Une fois comparée aux « valeurs clients réelles »
disponibles sur le marché auprès des fournisseurs de produits et services perçus comme
identiques par le client, cette « valeur client réelle » débouche sur le niveau de prix acceptable
pour ce client, compte tenu de la valeur qu’il attribue aux attributs que l’entreprise lui propose
au travers de ses produits et services et compte tenu de l’état concurrentiel du marché.
§ Viennent enfin les activités et processus potentiellement créateurs de valeur car liés aux attentes non
satisfaites du client, au profit desquelles l'entreprise ne déploie logiquement aucune activité ou aucun
processus spécifique car elle ne perçoit pas ces attentes ou pour lesquelles l'entreprise déploie des
activités et des processus spécifiques mais qui ne débouchent pas sur une quelconque augmentation de
la valeur associée par le client aux différents attributs de l'offre de produits de l'entreprise (par exemple
parce que l'entreprise ne possède pas le savoir, l'expertise ou l'imagination nécessaire pour rencontrer ces
attentes) .
o Dans une optique de gestion stratégique des coûts, l'entreprise est alors amenée à mettre en
œuvre au plus vite des activités et des processus de veille informationnelle, portant d'une part
sur la nature exacte des attentes et besoins de ses clients ("veille commerciale" ou "veille
client") et d'autre part sur l'acquisition de savoirs et de connaissances nouvelles lui permettant
de répondre technologiquement aux besoins et attentes détectés mais non rencontrés ("veille
technologique").
o Enfin, dans une perspective d'analyse de performance, soulignons encore que la rencontre aussi
rapide que possible de ces attentes et besoins non satisfaits met potentiellement à la disposition
de l'entreprise un "potentiel de marge" significatif susceptible d'être capté à court terme dès que
les processus et activités mis en œuvre à brève échéance pour rencontrer ces attentes non
satisfaites deviennent effectivement créateurs de "valeur client".
Les 3 autres catégories d'activités et de processus identifiées sont quant à elles caractéristiques de la valeur
effectivement offerte par l'entreprise :
§ Les activités et processus mis en œuvre par l'entreprise pour mieux rencontrer les besoins et attentes de
ses clients mais que ceux-ci ne perçoivent pas, le plus souvent par défaut de signalisation, débouchent
de facto sur la création d'une "valeur non perçue".
o Il en est ainsi par exemple des activités mises en œuvre pour accroître la sécurité physique du
produit mais qui ne sont à aucun moment signalées au client, notamment par le biais d'une
certification officielle ou d'une communication spécifique.
o Dans une perspective de gestion stratégique des coûts et surtout des marges, ces activités
doivent inévitablement faire l'objet d'une signalisation active et sont de ce fait destinées
idéalement à disparaître et à se transformer au plus tôt en un accroissement effectif de la
"valeur client".
o Soulignons à ce stade que la somme de la valeur actuelle effectivement attribuée par le client
aux attentes satisfaites et aux activités avec défauts sur prestations, augmentée potentiellement
à court terme (si des décisions correctrices sont prises et si les activités spécifiques qui en découlent
font effectivement ressentir leurs effets) de la valeur des activités non perçues par le client et de la
valeur des activités et processus déployés pour rencontrer les attentes non satisfaites,
correspond à un volume de "valeur client potentielle" que l'entreprise pourrait mettre à court
terme à disposition de ses clients moyennant la prise de décisions d'actions à court terme
judicieuses, influençant ainsi de manière significative le niveau de prix que l'entreprise est
logiquement en droit de solliciter de ses clients compte tenu de la valeur associée par ceux-ci
aux différents attributs caractéristiques des produits et services de l'entreprise.
§ Les activités et processus déployés par l'entreprise pour lui permettre de gérer de manière optimale
l'ensemble de son organisation et animer le système de gestion qui le sous-tend et pour lui permettre
d'apporter le support optimal des activités et processus liés directement à une création de valeur perçue
par le client constituent un ensemble d'activités qui peuvent être considérées comme menées "pour
compte propre".
212
o Indispensables au suivi stratégique et au bon fonctionnement opérationnel de l'entreprise, ces
activités débouchent sur une consommation effective de ressources rares et donc sur des coûts
dont le niveau doit être maîtrisé à tout instant dans une perspective d'efficience
organisationnelle.
o La création de valeur qu'ils apportent au client se retrouve quant à elle valorisée ultérieurement
indirectement (effet induit) au travers du déploiement (idéalement optimal) des activités et
processus effectivement perçus par le client.
o Conceptuellement, il y a donc là transfert interne de création de valeur entre les activités et
processus non perçus par le client mais indispensables au fonctionnement optimal de
l'entreprise conçue comme un ensemble structuré et organisé d'hommes, de moyens techniques
et de capitaux, et les activités et processus perçus effectivement par ce client.
§ Enfin apparaissent les activités et processus liés à des prestations inutiles pour le client et non
nécessaires au fonctionnement optimal du système que constitue l'entreprise (par exemple des activités de
prestige pur ou des activités de contrôle interne destinées à réduire certains coûts d'agence) ou liés à la
maîtrise de coûts cachés au sens de Savall et Zardet (1992) (par exemple les activités déployées pour pallier
la démotivation éventuelle d'une partie du personnel).
o Les coûts liés à ces activités ne sont de ce fait pas susceptibles de déboucher sur une création
effective de valeur pour le clie nt, directement ou indirectement, et doivent donc être traqués
sans relâche en vue de leur élimination, notamment par le biais d'actions stratégiques destinées
à supprimer les causes profondes des coûts cachés ou à conduire à un code de gouvernance
propre à l'entreprise et respectueux des équilibres entre les différents acteurs qui y sont
présents.
o Soulignons enfin que la suppression des activités et processus liés à des prestations inutiles
pour le client et qu'une plus grande maîtrise des activités et processus de support menées pour
compte propre permet ainsi de dégager un ensemble de ressources humaines, financières,
techniques et immatérielles rares qui peuvent ensuite être affectées à des activités et processus
directement créateurs de valeur client, dégageant ainsi un "réservoir de valeur client" d'origine
interne à l'entreprise exploitable à court ou moyen terme moyennant la prise de décisions
stratégiques pertinentes.
5.2.2.1.3. L'émergence d'une troisième typologie de classification des coûts
213
Notons toutefois que le caractère dichotomique de cette classification se heurte aux mêmes critiques et
limites soulevées par maints auteurs (Bouquin, 2000) (Gervais, 2000) (De Rongé, 1998) à l'égard des
classifications en coût direct ou indirect et en coût fixe ou variable : l'examen de la réalité de la vie
économique de n'importe quelle entreprise amène en effet vite à mettre en évidence des activités ou
processus consommateurs de ressources (et donc des coûts) seulement partiellement créateurs de "valeur
client".
Contribution
Contribution à
Forte À l’objet
La valeur client
De coût
Forte
Coût
Direct Coût créateur
De valeur client
Coût
Indirect
Coût non créateur
De valeur client Dépendance
Au niveau
D’activité
Figure 38 : La contribution à la « valeur client », un 3 ème axe de classification des coûts de l’entreprise
Déterminer la "valeur client" implique d'abord d'identifier clairement les besoins et les attentes du client à
l'égard du produit offert par l'entreprise et, au delà de ceux-ci, d'identifier clairement la composition du
portefeuille d'attributs que le client associe à ce produit et à l'égard desquels il exprime des attentes claires
(exprimées en termes de niveaux de qualité, de sécurité, de prix, de design, de délais d'obtention, d'étendue
du service après-vente, de modalités de financement, …).
214
Déterminer la "valeur client" implique ensuite d'exprimer l'importance relative associée par le client à
chaque attribut du produit sous une forme unique, comparable d'attribut à attribut et utilisable dans une
perspective de gestion effective de la valeur.
L'expression de cette valeur sous une forme monétaire est évidemment la solution idéale, mais elle est
souvent difficile à mettre en œuvre car le client éprouve fréquemment des difficultés à matérialiser
précisément et objectivement le niveau de ses attentes (Deshpandé, 2000) (Alard, Dirringer, 2000).
Une solution alternative peut être trouvée en amenant à exprimer l'importance accordée à chaque attribut
sous la forme d'un pourcentage du prix que le client serait prêt à offrir pour le produit qui lui est proposé.
Soulignons à ce stade que :
§ Parvenir à apporter une réponse à ces deux questions implique que soient mises en œuvre dans
l'entreprise des activités spécifiques liées au suivi de la satisfaction du client. De plus en plus
fréquemment déployées actuellement lors de l'implémentation de stratégies de suivi de la relation
client, ces activités, dont la rentabilité immédiate tarde parfois trop à apparaître aux yeux de dirigeants
d'entreprise confrontés à un investissement financier et humain généralement non négligeable (Alard,
Dirringer, 2000) (Kaplan, Norton, 1996), voient ainsi apparaître une nouvelle opportunité, d'ordre
comptable cette fois, d'exploiter des informations précises et précieuses, souvent acquises à prix d'or.
§ La réponse à ces deux questions nécessite aussi de mettre en œuvre des savoirs et des techniques issus
de multiples disciplines, notamment liés aux domaines de la sociologie du consommateur ou de la
"veille clientèle", montrant ainsi une fois de plus que les outils propres à la gestion stratégique des
coûts nécessitent inévitablement une vision transversale et globale du fonctionnement de l'entreprise et
mettent en jeu des savoirs et des connaissances issus des multiples disciplines constitutives des
sciences de gestion (Shank, Govindarajan, 1993) (Gervais, 2000) (Bouquin, 2000).
§ Enfin, au plan purement conceptuel, soulignons encore que la mise en évidence de la structure de la
"valeur client", au travers du poids relatif affecté par le client à chacun des attributs du produit offert,
permet de mettre en évidence indirectement un "coût cible client", en déduisant du prix que le client est
prêt à verser en contrepartie des attributs qui lui sont offerts un niveau de marge suffisant pour
permettre à l'entreprise de rémunérer ses actionnaires et de désintéresser équitablement les autres
partenaires de son environnement : les techniques habituellement utilisées pour gérer un "coût cible"
traditionnel (De Rongé, 1998) (Tanaka, 1993) peuvent alors être utilement appliquées à ce "coût cible
client".
Cette troisième étape permet ensuite de construire les liens qui unissent la "Chaîne de Valeur" perçue par le
client et la "Chaîne de Valeur" interne propre à l'entreprise, en mettant en évidence opérationnellement les
activités déployées par l'entreprise et dont l'utilité est réellement perçue et valorisée par le client et les
activités dont la finalité est essentiellement de permettre de faciliter la gestion interne de l'entreprise.
Etape 4 : Est-il possible de reconstruire la "Chaîne de Valeur interne" de l'entreprise telle qu'elle est
perçue par le client ?
Une telle reconstruction permet en effet de disposer alors d'une vision structurée, organisée et cohérente des
activités déployées par l'entreprise effectivement perçues par le client, donnant ainsi au passage une image
de la cohérence donnée par l'entreprise à son environnement et mettant ainsi en évidence les activités
pourtant mises en œuvre dans l'entreprise mais ne débouchant pas sur une valeur réellement perçue par le
client.
Etape 5 : Est-il possible d'identifier les activités intégrées à cette "Chaîne de Valeur" et qui
contribuent effectivement à la "valeur client" et les activités qui, au contraire, n'y contribuent pas ?
Une telle identification permet ainsi d'isoler les activités créatrices directement d'une valeur perçue par le
client (et donc, dans le respect des fondements conceptuels de cette approche, qui sont prioritaires dans
215
l'affectation des ressources rares de l'entreprise) et les activités qui ne contribuent pas directement à cette
valeur.
Parmi ces dernières, une distinction peut ensuite être faite entre les activités créatrices d'une valeur
indirecte pour le client, dont le s bénéficiaires directs et légitimes sont les activités créatrices directes de
valeur client, et les activités ne créant en aucune façon de la "valeur client" car liées à l'exercice de
prestations inutiles, à la maîtrise de coûts cachés ou à des excès de prestations pour compte propre par
rapport à ce que nécessiterait une utilisation efficiente des moyens disponibles.
Etape 6 : Est-il possible de calculer le coût de revient des activités créatrices de valeur et de comparer
ce coût à la part du prix qui lui est imputable sur base de la structure du portefeuille d'attributs du
client ?
Un tel calcul nécessite évidemment que le coût des activités créatrices de valeur se voie affecté la part qui
lui revient du coût des activités de soutien non directement créatrices de valeur mais indispensables à une
gestion efficiente de l'entreprise.
Il apparaît donc à ce stade un problème "classique" d'affectation de coûts indirects, qui peut être résolu si le
coût des activités "normales" non créatrices de valeur est calculé et s'il est gardé trace de l'intensité de la
consommation de ces activités non créatrices de valeur par les activités créatrices de valeur (l'affectation
s'effectuant alors au prorata de cette consommation).
Par ailleurs, la confrontation du niveau de coût de revient ainsi obtenu pour chaque activité créatrice de
valeur (inévitablement liée à un ou plusieurs attributs valorisés par le client) et de l'importance relative
affectée à chaque attribut dans la structure de la valeur propre au client de l'entreprise permet d'identifier,
dès ce stade, les attributs qui se voient associés une consommation de ressources rares excessive par
rapport à leur importance relative dans la structure du portefeuille d'attributs du client et les attributs qui, au
contraire, ne se voient pas affecter de ressources rares suffisantes compte tenu de cette même structure du
portefeuille d'attributs du client.
Etape 7 : Est-il enfin possible de maîtriser, voire d'éliminer les activités non créatrices de valeur
client ?
A ce stade, la voie est ouverte à une gestion stratégique des coûts dans une perspective de maximisation de
la satisfaction du client et l'utilisation de cette approche comptable particulière peut alors déboucher sur la
mise en œuvre et le déploiement d'outils propres alors au champ de la stratégie ou de la théorie des
organisations (tels que les outils de reconfiguration des processus ou de réorganisation de l'entreprise).
216
o Les outils permettant d'identifier, de mesurer et de concrétiser cette évolution inévitable du
portefeuille d'attributs du client (concept central de l'approche proposée) restent en effet
encore, tant conceptuellement que pratiquement, fort peu développés et sont souvent difficiles
et coûteux à mettre en œuvre (Deshpandé, 2000), faisant naître le risque, une fois l'approche en
"coût client" appliquée, de figer les modes opératoires de l'entreprise en fonction de la structure
du portefeuille de ses clients à un instant donné seulement et faisant naître de ce fait un risque
stratégique majeur de non évolution de ces modes opératoires en fonction de l'évolution des
attentes du client.
§ Ensuite, cette approche nécessite un volume élevé d'informations et de données, d'abord qualitatives
puis quantifiées, liées tant aux attentes du client et aux attributs qui y sont liés (informations d'origine
externe à l'entreprise) qu'aux modes opératoires internes de l'entreprise.
o De ce fait, l'entreprise désireuse d'appliquer cette approche en "coût client" peut difficilement
éviter de mettre en place un système d'informations étendu, intégrant à la fois des outils
logiciels et matériels potentiellement coûteux mais aussi (et peut-être surtout) nécessitant
l'adhésion et l'implication active du personnel et des clients de l'entreprise (sous peine de
récolter une information partielle ou biaisée, donc inutile pour la mise en œuvre pratique de
cette approche).
o Cet inconvénient est évidemment particulièrement important lorsque les gestionnaires ont la
volonté d'intégrer à l'analyse un panel de clients pertinents (par exemple les clients les plus
importants en termes de chiffre d'affaires réalisé ou potentiel) et ont donc la volonté d'aller au
delà de la simple prise en considération d'un client-type moyen tel qu'il fut présenté ci-avant
pour des raisons de facilité de présentation (la prise en compte d'un tel client, si elle est choisie
par les dirigeants, doit à tout le moins faire l'objet d'une analyse critique préalable, tant
stratégique que opérationnelle, de la représentativité exacte de ce "client moyen").
o Cet inconvénient est enfin aussi renforcé lorsque les dirigeants dépassent le souhait d'appliquer
cette approche en "coût client" au seul produit-type de l'entreprise (hypothèse implicite de
l'approche décrite ci-avant) en l'appliquant aux principaux produits ou au produit-type des
principales gammes de produits de l'entreprise. A chaque fois, la procédure d'implémentation
idéale décrite à la section précédente se doit évidemment d'être répétée, générant de ce fait un
nouvel accroissement du volume d'informations requis et des ressources humaines, techniques
et financières à affecter à la mise en œuvre de cette approche en "coût client".
§ Par ailleurs, l'exploitation effective des enseignements fournis par cette approche dans une perspective
de gestion stratégique des coûts à moyen et long terme implique un gros effort de suivi de la relation
client (tant en termes de système d'informations qu'en termes d'implication active des différents acteurs
de l'entreprise) et est quasi indissociable de la mise en œuvre d'une approche stratégique plus globale
de gestion effective de la "relation-client" (Alard, Dirringer, 2000).
o Intégrée à celle -ci, l'approche en "coût client" permet de la valoriser à court terme en
matérialisant les informations (souvent qualitatives) sur lesquelles elle débouche en des
indicateurs comptables plus aisément utilisables dans une perspective d'aide aux choix
stratégiques,
o Toutefois, elle y additionne inévitablement les difficultés (matérielles, financières et surtout
psychologiques) liées à la mise en œuvre d'approches de gestion nouvelles, encore peu usitées
en contexte d'entreprise.
§ Conceptuellement, l'approche en "coût client" fait en outre référence au niveau normal des activités de
soutien non directement créatrices de valeur que l'entreprise se doit de déployer pour créer une
infrastructure et une structure de gestion parfaitement efficiente compte tenu des ressources dont elle
dispose.
o Or, la détermination de cette structure optimale et du niveau "normal" des activités qui y sont
liées pose évidemment des problèmes pratiques majeurs, certaines activités étant considérées
par certains comme inutiles alors que d'autres, partageant une vision différente de la finalité et
des missions de l'entreprise, les jugent créatrices de valeur indirecte pour le client.
217
o Ainsi, les dépenses de prestige liées à la construction d'un siège social somptueux seront
considérées par certains dirigeants comme non créatrices de "valeur client" et seront
considérées par d'autres comme contribuant à créer une image de marque de l'entreprise forte
qui se répercute sur l'image de valorisation personnelle que le client acquiert lorsqu'il acquiert
les produits de l'entreprise.
§ Enfin, et peut-être surtout, une telle approche implique une culture d'entreprise totalement "orientée
client", fondamentalement prête à accepter, en la personne de tous ses acteurs (personnel de production
comme personnel de commercialisation, dirigeants comme ouvriers, actionnaires comme travailleurs),
l'évolution inévitable et quasi perpétuelle des modes opératoires que le suivi de la "valeur client" et
que son intégration effective dans la vie de l'entreprise engendrent.
o A défaut d'une telle culture d'entreprise, le risque est grand que la mise en œuvre de cette
approche freine l'intégration de cette nouvelle donne culturelle dans la vie quotidienne de
l'entreprise (notamment en raison de sa lourdeur et des changements radicaux que son
implémentation effective peut engendrer), allant ainsi à l'encontre des objectifs fondamentaux
sous-jacents à cette approche en "coût client".
218
(modification des exigences en termes de qualité, de configuration et de délais de livraison ; souhaits vifs
de voir apparaître de nouveaux produits, ayant déjà subi un pré-traitement de protection permettant leur
intégration plus aisée dans le processus de production de ces clients ; nouvelles exigences en termes de
service après-vente et de contrôle-qualité, …), ce choix s'est d'abord traduit par l'implémentation d'un outil
marketing simple de suivi de la "relation-client".
Rapidement, il est apparu que cet outil permettait certes d'obtenir des informations fiables et utiles
permettant de mieux comprendre pourquoi et comment les clients en arrivaient à formuler leur demande,
mais qu'il était difficile, faute d'un lien formel entre l'analyse de cette "valeur client" et l'analyse de la
"chaîne de valeur interne" de l'entreprise, de mettre en évidence des possibilités d'action permettant, tant à
court qu'à long terme, d'augmenter la perception que le client pouvait avoir de la valeur effective des
produits et services offerts par la "Menuiserie des Ardennes".
En collaboration avec un service universitaire, les dirigeants ont alors décidé d'élaborer une méthodologie
d'enregistrement des coûts permettant de davantage réconcilier les deux visions, internes et externes, de la
"Chaîne de Valeur" de leur entreprise. Cette méthodologie est celle que nous avons présentée ci avant sous
le terme "Approche en coût client".
Concrètement, la mise en œuvre de cette approche est passée par :
§ La réalisation de choix stratégiques initiaux clairs, dérivés directement de la vision stratégique
développée par les dirigeants de cette PME : l'approche est appliquée au produit "type" de chacune
des 3 grandes gammes de produits de l'entreprise (les planches à grande largeur pour l'industrie du
meuble, les plinthes pour planchers et les planches pour lames de parquet) et les clients pris en
considération sont tous les clients industriels ayant généré plus de 500 000 € de chiffre d'affaires en
2000 (soit 21 clients représentant environ 76 % du chiffre d'affaires total), car ces couples "produits /
clients" apparaissent clairement, sur base des informations issues du système de suivi de la "relation
client" (notamment les données relatives à la fidélité de la clientèle), être les principaux inducteurs de
valeur de l'entreprise à un horizon de 5 ans.
§ L'identification de la structure du portefeuille d'attributs de ces 21 clients, pour chacun des 3 produits-
types sélectionnés, et la valorisation des différentes composantes de ce portefeuille d'attributs ; cette
phase, qui a duré 6 mois, s'est à nouveau basée sur les indications fournies par le système de suivi de
la "relation client" et a longtemps buté sur la difficulté de transformer des informations qualitatives en
données exploitables au plan comptable. Cette difficulté a été contournée en amenant in fine le client à
structurer un prix indicatif fixé au niveau 100 en fonction de ses critères de choix, identifiant ainsi la
part de ce prix qui constitue la contrepartie du niveau de qualité, de sécurité, de délai de livraison, …
de chaque produit-type.
§ Enfin, dans une troisième et quatrième phases, menées en parallèle et actuellement en cours
d'implémentation, il est procédé d'une part à une identification des 'activités critiques de l'entreprise'
liées, pour chaque produit-type, à la satisfaction des différents attributs mis en évidence par les clients-
types et, d'autre part, à la reconstruction de la 'chaîne de valeur' telle que perçue par le client.
A ce stade, il apparaît prématuré de conclure déjà à la réussite ou à l'échec de cette application. Il
apparaît toutefois dès à présent que la mise en œuvre de cette approche a déjà permis une meilleure
compréhension de l'origine de la "valeur client" (mettant de ce fait déjà en lumière des pistes
d'amélioration pour le futur), mais que cette mise en œuvre nécessite un fort investissement en temps et en
ressources humaines (ce qui était prévisible), mais aussi implique une étroite collaboration des clients-
cibles (qu'il faut alors amener à coopérer pleinement au projet), ce qui implique à son tour de développer
une nouvelle conception de la "relation client".
219
5.3. Pilotage des activités créatrices de valeur et tableaux
de bord
Nous l’avons déjà souligné, le domaine de la comptabilité de gestion et, a fortiori, du contrôle de gestion
connaît, depuis quelques années, un fort développement, né partiellement du fait que les techniques
traditionnelles de comptabilisation des coûts (coûts complets, coûts directs, ...) ne permettent plus vraiment,
dans un environnement toujours plus complexe, une mesure exacte de la performance des activités de
l'entreprise.
Ce développement purement technique se couple à une préoccupation beaucoup plus stratégique et restée
longtemps latente : comment parvenir à traduire la stratégie de l'entreprise (et les décisions stratégiques
qui en découlent) en un ensemble concret et pertinent d'indicateurs économiques capable de mesurer
réellement le degré de réalisation de cette stratégie et donc capables d’envoyer des « signaux » d’efficience
ou de non efficience aux gestionnaires de l’entreprise, leur signalant ainsi où et dans quel sens orienter
leurs décisions ?
Certes, depuis plusieurs décennies, la plupart des entreprises performantes ont élaboré des « tableaux de
bord », tableaux synthétiques riches de quelques indicateurs clés liés à des tâches ou des activités
traditionnellement jugées comme critiques au sein des entreprises qui les ont élaborés et de ce fait aptes
théoriquement à assister les dirigeants d’entreprises dans leurs prises de décisions.
Au fil des ans et surtout au cours des dernières années, les tableaux de bord traditionnellement implantés
ont toutefois montré leurs limites : focalisés sur l’une ou l’autre fonction clé de l’entreprise
(essentiellement les fonctions « Finance » et « Production »), ils ne donnent qu’une vision rétrospective de
ce qui a été ou n’a pas été performant à un instant donné et à un seul endroit donné de l’organisation. Leur
capacité à donner une vision transversale et intégrée des diverses activités et processus mis en œuvre dans
l’organisation et, surtout, leur capacité à mettre en évidence rapidement les véritables raisons justifiant
l’apparition d’une situation problématique dans l’organisation s’avère clairement trop limitée dans un
environnement au comportement toujours plus mouvant et à l’évolution toujours plus rapide.
L'outil proposé par Kaplan et Norton au début des années '90, appelé "Balanced ScoreCard", a toutefois
l’ambition de rencontrer ces critiques et ces limites. Et force est aujourd’hui de constater que son mode de
construction et sa philosophie originale en font un outil qui s’est rapidement et largement répandu, sous une
forme ou l’autre, parmi bon nombre de grandes, voire de moyennes entreprises, un peu partout à travers le
monde.
205
Que nous appellerons BSC dans la suite de l'exposé et qui signifie, littéralement traduit, "Carte de Scores - au sens
sportif du terme - Equilibrée" ; nous lui préférons la traduction "Carte de performance équilibrée", plus proche du
contenu réel de cet outil.
220
§ car masquant les aptitudes de l'organisation à créer une véritable valeur économique future.
Cette préoccupation se situe en fait dans la lignée des préoccupations qui bouleversent les Sciences de
Gestion depuis le milieu des années '80 : le développement des technologies de l'information et des
communications, la mondialisation progressive de l'économie au plan macroéconomique, le passage
progressif mais rapide d'économies axées sur le monde industriel à des tissus économiques basés sur les
activités commerciales et de service sont autant de facteurs qui modifient profondément l'environnement
économique dans lequel évolue toute entreprise et qui bouleversent de ce fait les conditions et la nature
même de sa performance.
Ces évolutions majeures du contexte dans lequel opèrent la totalité des entreprises et des organisations en
ce début de XXI ème siècle se sont traduites inévitablement, nous l’avons déjà évoqué, dans les outils de
gestion mis à la disposition des entreprises pour maîtriser leur développement 206:
Ø La préoccupation de "création de valeur" initiée par Michaël Porter a vite débordé le champ de la
stratégie pure pour envahir le domaine du contrôle de gestion et de l'évaluation d'entreprise. C'est ainsi
que se sont développés des outils de comptabilité de gestion tels que l'Activity Based Costing et son
prolongement naturel, l' Activity Based Management évoqués par ailleurs 207, ou que se sont
développées des techniques d'évaluation des entreprises telles que l' Economic Value Added (EVA) ou
la Market Valeur Added (MVA).
Ø La nécessité de prendre en compte l'évolution du marché et de la concurrence a permis le
développement des techniques de Benchmarking, qui permettent fondamentalement à l'entreprise
d'aligner ses différents critères et niveaux de performance sur ceux de ses principaux ou meilleurs
concurrents.
Ø Enfin, la nécessité d'adapter les structures de l'entreprise et d'adapter les processus de pouvoir, de
décision, de contrôle et d'information à ces nouvelles structures, induites par cette nouvelle façon de
considérer les fondements essentiels de sa gestion, a donné lieu au développement des techniques de
Reengineering de l'entreprise, alors que la nécessité de former le personnel à ces nouvelles donnes et
l'obligation de permettre une meilleure utilisation de son savoir-faire et de ses compétences, notamment
intellectuelles et humaines, a donné naissance aux techniques de Reskilling ou de réalignement des
compétences et des savoirs des ressources humaines au sein de l’entreprise.
206
Pour une présentation exhaustive de ces méthodes, voir Vlasselaer M. (1997).
207
Destiné essentiellement à permettre l'intégration des résultats du système de comptabilité de gestion dans les
processus de gestion stratégique et opérationnelle de l'entreprise.
221
D'où le projet de recherche initié par Kaplan et Norton au début des années '90, qui associe à la fois des
consultants imprégnés de la réalité des entreprises et des scientifiques de très haut niveau et qui débouche
sur la proposition d'un nouvel outil de pilotage stratégique de l'entreprise, la "Balanced Scorecard".
Fondamentalement, cette « Carte des Performances Equilibrée » doit permettre essentiellement :
Ø D’abord, de construire une stratégie d'entreprise fondée
o à la fois sur la recherche continue de la satisfaction du client
o et sur la création continue de valeur sur base des actifs essentiellement intangibles et
immatériels de l'entreprise (know-how, savoir-faire, expérience, image de marque, …),
Ø Ensuite, de traduire cette stratégie de création de valeur en actions opérationnelles concrètes et
cohérentes et d'assurer le suivi de la mise en oeuvre de cette stratégie.
Figure 39 : La Balanced Scorecard relie entre elles les mesures de performance essentielles de l'entreprise
Cet outil fournit ainsi des réponses à quatre questions essentielles pour à la fois s’assurer de la performance
de l’entreprise à court terme et pour en assurer la pérennité à moyen et long terme :
222
1. comment les clients nous voient-ils ? (perspective "Client")
2. en quoi devons-nous exceller au plan interne ? (perspective "Métier Interne")
3. pouvons-nous continuer à nous améliorer et à créer de la valeur ? (perspective "Innovation et
apprentissage")
4. comment apparaissons-nous aux yeux de nos actionnaires ? (perspective "Finance")
Dans le même temps qu'elle fournit aux dirigeants une information synthétique issue de ces quatre
perspectives différentes, la BSC minimise la surcharge d'information souvent inhérente aux tableaux de
bord traditionnels en limitant le nombre de mesures utilisées et oblige plutôt les gestionnaires à se focaliser
sur la poignée de mesures qui sont les plus critiques pour la survie et le développement de l'entreprise.
Mais quels sont les apports essentiels liés à l'utilisation d'un tel outil ? Kaplan et Norton (1992) en
soulignent tout particulièrement deux :
v D'abord, la BSC rassemble en un seul rapport de gestion la plupart des éléments apparemment
disparates qui forment aujourd'hui les éléments clés de la stratégie d'une entreprise entrée dans l'Age de
l'Information et qui débouchent sur les orientations stratégiques suivantes :
Ø voir sa stratégie orientée par et vers le client et vers la recherche de sa satisfaction permanente dans
des conditions de coûts qui garantissent la pérennité de l’entreprise,
Ø raccourcir les temps de réponse au client et donc les délais à l'intérieur même des processus de
l'entreprise,
Ø accroître la qualité, tant au niveau des biens et services offerts par l’entreprise qu’au niveau des
processus et activités menés en interne au sein de l’entreprise,
Ø mettre l'accent sur le travail en équipe,
Ø réduire les temps de développement et de lancement de nouveaux produits ou services,
Ø gérer l'entreprise dans une perspective de long terme, en veillant à garantir en permanence son
potentiel d’innovation et d’apprentissage.
v Ensuite, la BSC empêche la sous-optimisation : en forçant les gestionnaires, et notamment les
dirigeants chargés de l'élaboration et du suivi de la stratégie de l'entreprise, à considérer simultanément
toutes les mesures opérationnelles évoquées, la BSC permet de voir si une amélioration dans un
domaine a été acquise aux dépens d'une détérioration dans un autre domaine.
En ce sens, la philosophie de gestion de la performance sous-jacente au modèle de la Balanced ScoreCard
apparaît être clairement une philosophie de recherche d’un équilibre permanent :
Ø D’abord, la recherche d’un équilibre entre le long terme et le court terme :
o Aucune organisation ne peut prétendre à survivre à moyen ou long terme si elle ne met pas en
place des tactiques stratégiques visant à garantir son potentiel d’innovation et d’apprentissage,
notamment en renforçant en permanence ses modes d’acquisition des savoirs et de transferts
des connaissances entre ses acteurs, internes et externes.
o Et dans le même temps, aucune organisation de peut prétendre à survivre même à court terme
si elle ne recherche pas en permanence un niveau de performance et surtout d’efficience qui lui
permet de rencontrer les exigences, essentiellement financières, de ses principaux
« stakeholders », au rang desquels ses actionnaires et ses fournisseurs jouent un rôle
primordial :
§ En l’absence d’une rentabilité des fonds propres suffisante, les actionnaires, même les
plus fidèles, risquent fort de rechercher une utilisation plus rentable de leur
investissement en capital-risque.
§ Dans le même temps, à défaut d’être payé à temps et à heure, les fournisseurs de
l’organisation (fournisseurs commerciaux mais aussi travailleurs) risquent de mettre un
223
terme aux divers contrats qui approvisionnent pourtant l’organisation en ces ressources
techniques, humaines et immatérielles tellement nécessaires à son fonctionnement.
Ø Ensuite, la recherche d’un équilibre entre la vision interne et la vision externe du fonctionnement
de l’organisation, ce que la littérature purement stratégique évoque sous le terme du conflit entre
« l’Outside/In » et « l’Inside/Out » :
o Aucune entreprise ne peut prétendre à survivre si elle néglige de prendre en considération les
besoins et attentes de ces clients et si elle se refuse à chercher à anticiper l’évolution de ces
besoins et attentes.
o Et dans le même temps, un entreprise qui se refuse à suivre avec soin l’efficience de ses modes
opératoires et qui se refuse à mettre en place un système de suivi des coûts rigoureux, capable
de détecter rapidement toute source d’inefficience dans l’utilisation de ses ressources rares, est
une entreprise qui verra vite gonfler sa structure de coûts, réduisant ainsi à néant son potentiel
de création de valeur.
o En conséquence, une organisation à la performance équilibrée est une organisation dont les
choix stratégiques et les tactiques opérationnelles garantissent un équilibre entre un
fonctionnement interne marqué par la recherche continue de la maîtrise de sa structure de coûts
et un fonctionnement externe marqué par la quête permanente et continue de la recherche de la
satisfaction du client.
224
o En effet, seule l’identification claire des relations de causes à effets entre indicateurs permettra
par exemple d’identifier rapidement et avec justesse les raisons de la détérioration d’une marge
commerciale sur le produit phare de l’entreprise : est-elle à trouver dans le fait que le produit se
vend moins bien parce qu’il ne répond plus aux besoins du client ? est-elle à trouver dans une
évolution de la structure de coût de ce produit ? est-elle à trouver dans une augmentation du
volume de coûts qu’elle génère ?
o En clair, seule la recherche permanente et l’intégration au sein de la BSC d’une organisation
particulière des facteurs de risque à la base même de sa performance et des indicateurs qui les
reflètent peut permettre de transformer la BSC en un véritable « tableau de bord stratégique »,
à savoir en un outil qui permet véritablement à l’organisation de savoir si, pourquoi et surtout
comment elle est performante et donc comment elle crée de la valeur !
Considérons à présent tour à tour chacune des quatre perspectives prises en compte par le modèle de la
"Balanced Scorecard".
225
Ø Il ne faut pas non plus négliger certains coûts d'opportunité, tels que, par exemple, l'obligation pour
le client de devoir éventuellement retarder une modernisation d'outil parce que l'offre de son
fournisseur n'est pas encore adaptée à ce nouvel outil.
Pour mettre la BSC en pratique, l'entreprise se doit donc :
Ø de construire une véritable stratégie de gestion de sa « relation client », cohérente avec la stratégie
globale de l’organisation,
Ø d'articuler les buts stratégiques qui en découlent (eux-mêmes reflets des buts de ses clients) en termes
de délai, de qualité, de niveau de performance et de service et de coût,
Ø et de traduire ensuite ces buts en des indicateurs de mesures spécifiques, opérationnels et réellement
mesurables dans l'entreprise.
Deux remarques doivent être formulées à ce stade :
Ø Certaines de ces informations sont peut-être déjà disponibles dans l'entreprise, d'autres pas. Mais, dans
tous les cas, le choix de ces mesures opérationnelles doit très clairement être fait en fonction des
besoins réels induits par la stratégie de l'entreprise, et non pas en fonction de la disponibilité ou de la
non-disponibilité de l'information dans l'entreprise. Ceci implique donc que l'élaboration et l'utilisation
d'une BSC induit quasi systématiquement une refonte du système d'information de l'entreprise, donc
des investissements matériels et immatériels à réaliser et des procédures de récolte et de traitement des
informations à mettre au point.
Ø Le fait de dépendre d'évaluations effectuées par les clients pour mesurer un ou plusieurs indicateurs de
performance liés à la perspective "Client" oblige l'entreprise à voir sa performance au travers des yeux
de ces clients : or, dans de trop nombreuses organisations, cette mesure de la performance de
l'entreprise diffère encore sensiblement de la mesure de performance telle que perçue subjectivement
par ses dirigeants ou telle que reflétée par des indicateurs financiers axés exclusivement sur le passé de
l'entreprise. En aucun cas, les difficultés pratiques liées parfois à la mise en œuvre d'une telle
évaluation ne peuvent à nos yeux servir de prétexte à l'élimination d'une telle vision de l'entreprise, la
seule qui "tienne en fait la route", la vision du marché.
A titre d'exemple, voyons ce que pourrait donner la "Perspective Client" chez Wood Construct.
Les buts généraux de l'entreprise (ou 1. fournir plus rapidement au marché des produits
objectifs généraux) standardisés
2. améliorer (donc réduire) le temps de réponse au client
3. devenir le fournisseur de référence des principaux
clients, notamment au travers de formules de
partenariats et de fidélisation
4. développer des produits innovants réellement adaptés
aux besoins des clients
226
Les mesures opérationnelles utilisées 1. le pourcentage des ventes issu de la commercialisation
pour mesurer le degré de réalisation de nouveaux produits
de ces buts spécifiques
2. le pourcentage des ventes livrées effectivement au
moment désiré et défini par le client
3. le pourcentage des achats émanant des clients principaux
et le classement de l'entreprise parmi les fournisseurs
concurrents pour chaque client important
4. le nombre d'accords de partenariats effectifs noués avec
les clients, selon le degré d'implication de ces
partenariats
208
Kaplan et Norton (1992) parlent même de "Traduites" !
209
Ensemble d'activités et de processus.
210
En fait, les technologies, au sens le plus large du terme (tant matérielles que immatérielles), nécessaires pour
continuer à occuper ou pour se créer une position de leader sur les marchés visés par l'entreprise.
227
de 50 %. Les niveaux les plus opérationnels de l'entreprise ont dès lors dû réduire radicalement les
délais pour traiter les commandes des clients, pour commander et prendre livraison des fournitures
venant de fournisseurs extérieurs, pour assurer les transferts de produits et de matières premières entre
les différentes usines, lieux de stockage et lieux de commercialisation, ... .
Une difficulté non négligeable se présente toutefois à ce stade : pour parvenir à atteindre des buts en terme
de délais, de qualité, de productivité ou de coût, les gestionnaires doivent mettre au point des mesures de
performance qui sont essentiellement influencées par les actions et les décisions opérationnelles
quotidiennes des travailleurs. Comme la plupart de ces actions et décisions se prennent au niveau d'un
service, d'un département ou d'un poste de travail, les gestionnaires ne peuvent éviter de décomposer et de
désagréger l'ensemble des processus qui traversent la vie de l'entreprise et doivent adapter au niveau local
les mesures de performance ainsi mises en évidence.
De cette façon, et de cette façon seulement, les mesures de performance choisies permettent de lier
effectivement les jugements effectués au niveau hiérarchique (stratégique) le plus élevé et relatifs aux
processus et compétences internes essentielle s de l'entreprise, avec les actes posés quotidiennement par les
individus dans l'organisation et qui affectent in fine la performance d'ensemble de l'entreprise.
Ce lien permet seul de s'assurer que les individus, à quelque niveau qu'ils soient dans l'entreprise, ont des
objectifs clairs en termes d'actions, de décisions à prendre et d'améliorations à apporter, objectifs qui vont
permettre effectivement à l'entreprise de remplir sa mission et d'atteindre ses objectifs généraux.
Il va sans dire que le système d'information joue ici aussi un rôle primordial en aidant les gestionnaires à
désagréger les mesures de performance synthétiques qui leur sont transmises. Lorsque un signal inattendu
ou exceptionnel apparaît sur la BSC, les gestionnaires sont en droit d'attendre de leur système d'information
qu'il permette d'identifier réellement l'origine du problème. Ainsi, si un indicateur de performance relatif au
nombre de commandes livrées à temps affiche une valeur globale exceptionnellement faible, le système
d'information doit permettre d'identifier rapidement l'ensemble des livraisons faites avec retard, le moment
où elles se sont produites, les clients livrés, les lieux de départ, de transit ou d'arrivée, les moyens
logistiques utilisés, …, de sorte que les sources de "non-valeur" soient clairement et rapidement identifiées
et qu'il soit possible de remédier, dans les plus brefs délais, à ces problèmes de destruction de valeur.
A défaut d’une telle rigueur et d’une telle précision, le système d'information constituera le "Talon
d'Achille" de cet ensemble cohérent de suivi de la performance qu'est la BSC !
228
L'ensemble des objectifs ainsi mis en avant par le choix même de ces indicateurs de performance doit en
tout cas permettre d'accentuer encore le rôle essentiel joué par l'amélioration continue de la satisfaction du
client et par la maîtrise des processus de gestion interne dans l'atteinte d'un haut niveau de performance,
maintenant et dans le futur, pour toutes les composantes de l'entreprise.
211
Le but ultime étant l'information parfaite fournie instantanément : 0 défaut, 0 délai.
229
rapide qui "traverse" toute la vie de l'entreprise. La nécessité de disposer d'indicateurs de
performance traduisant aussi vite que possible les conséquences financières des décisions passées
et permettant d'as surer un suivi effectif de la stratégie de l'entreprise implique donc la mise en
place d'une véritable culture de l'information dans l'entreprise.
Les indicateurs de performance financière montrent donc si la stratégie de l'entreprise, son implémentation
et sa mise en oeuvre contribuent effectivement à une amélioration significative de sa performance.
Les buts financiers classiques traditionnellement assignés à une entreprise et autour desquels de
nombreuses entreprises ont dès lors construit leurs tableaux de bord, sont liés à la profitabilité de
l'entreprise, à sa croissance et à sa valeur aux yeux de ses actionnaires. Ils sont typiques d'une vision
industrielle de l'entreprise.
Dès lors, dans un contexte d'entreprise de l'Age de l'Information, les gestionnaires doivent-ils encore
examiner leur entreprise sous une perspective financière ? Doivent-ils encore accorder de l'attention à des
mesures financières de court terme, telles que le chiffre d'affaires trimestriel ou le résultat d'exploitation ?
La critique de ces mesures de performance financière classiques est simple : les termes de la concurrence
ayant changé et dans la mesure où les indicateurs financiers traditionnels ne permettent pas d'améliorer la
satisfaction du client, la qualité, les délais ou la motivation du personnel, faut-il les conserver ? Car, en fait,
la performance financière est la conséquence d'actions opérationnelles et le succès financier n'est jamais
que la conséquence logique du fait de gérer convenablement les éléments fondamentaux du succès de
l'entreprise que sont la satisfaction du client et la maîtrise des processus de gestion.
En d'autres termes, selon certains, les entreprises devraient cesser de naviguer en étant guidée par des
indicateurs financiers, car en apportant les améliorations fondamentales nécessaires à la gestion de leurs
opérations, ces entreprises améliorent automatiquement les chiffres financiers qui en résultent.
Ce raisonnement, pourtant bien ancré dans la logique de l'entreprise de l'Age de l'Information, est toutefois
trop restrictif et dès lors en devient incorrect.
En effet,
v Un système de contrôle financier bien configuré est un outil qui permet effectivement, en tant que
"instrument d'information" dont les enseignements sont effectivement et rapidement intégrés dans le
suivi de la stratégie de l'entreprise, d'augmenter la performance générale des processus de gestion
(qualité, délais, motivation, ...).
Ø Il est ainsi le seul outil à permettre le suivi transversal des améliorations au sein de toute
l'entreprise et il est le seul à permettre de détecter, par exemple, que si des améliorations
significatives ont été apportées à la qualité des produits, à la productivité et dans le service au client
212
, ces améliorations n'ont pas été accompagnées par une réorientation de la stratégie marketing
vers des segments de clientèle plus exigeants et plus rentables, élément pourtant indispensable si
l'on veut parvenir à "amortir" rapidement les dépenses inhérentes aux améliorations apportées en
termes de qualité ou de productivité.
Ø En d’autres termes, seul un système de contrôle financier bien pensé permet de s'assurer
rapidement que les améliorations apportées à l'un ou l'autre aspect des processus de gestion
de l'entreprise sont relayées effectivement et amplifiées par des décisions de gestion
cohérentes prises au niveau des autres processus de gestion de l'entreprise.
v Plus fondamentalement, les mesures de satisfaction des clients, les mesures de performance des
processus de gestion interne, les mesures liées à l'innovation et à l'apprentissage qui sont intégrées dans
la BSC d'une entreprise ou de ses divisions découlent de la manière dont l'entreprise voit le monde qui
l'entoure et perçoit ses propres facteurs clés de succès.
212
Eléments qui forment un ensemble d'indicateurs susceptibles d'être intégrés dans les perspectives "Client", "Métier
Interne" et "Innovation et apprentissage".
230
Ø Mais cette vision, qui émane de l'intérieur de l'entreprise et est donc forcément le reflet des
opinions subjectives de ses dirigeants, n'est pas nécessairement correcte. Donc, même un ensemble
cohérent de mesures de performance ne garantit pas une stratégie gagnante qui va se trouver
reflétée par une performance financière accrue.
v L'utilisateur doit dès lors garder à l'esprit que la BSC permet seulement de traduire une stratégie
d'entreprise en un ensemble d'objectifs spécifiques mesurables opérationnellement. Le fait de ne
pas réussir à convertir une performance opérationnelle accrue, telle que mesurée par la BSC, en une
performance financière accrue doit toutefois amener impérativement les dirigeants et les stratèges de
l'entreprise à repenser la stratégie de l'entreprise ou, plus généralement, à reconsidérer la cohérence de
sa mise en oeuvre.
Ø Très généralement, des mesures financières décevantes apparaissent lorsque l'entreprise
n'accompagne pas une série d'améliorations opérationnelles significatives par un ensemble
cohérent d'actions portant sur les autres processus de l'entreprise.
Ø Ainsi, une amélioration de la qualité et des délais peut créer des capacités excédentaires à différents
niveaux de l'entreprise (l'élimination de goulots d'étranglement amène ainsi classiquement à être confronté
à des surfaces de stockage excédentaires et à un "chômage technique" potentiel au niveau du personnel de la
logistique) : les gestionnaires doivent donc gérer ce problème, en prévoyant soit d'affecter ces
ressources excédentaires à de nouvelles activités créatrices de valeur, soit de se débarrasser de ces
ressources excédentaires.
Dès lors, un suivi financier périodique rappelle sans cesse aux dirigeants de l'entreprise qu'une qualité
accrue, que des délais de réponse améliorés, qu'une amélioration de la productivité ou que de nouveaux
produits ne bénéficient à l'entreprise que si ils sont effectivement traduits en des ventes et des parts de
marché additionnelles, en des dépenses d'exploitation plus faibles et en une rotation des actifs plus élevée.
231
temps et en énergie humaine important, qui peut déboucher ponctuellement sur des réactions humaines
parfois vives et potentiellement perturbatrices pour l'équilibre humain à court terme dans l'entreprise.
3. Développer et surtout mettre en oeuvre une telle approche implique enfin de mettre en place un système
d'information intégré, rapide et efficace, qui va permettre de faire de la BSC un véritable "Tableau de
pilotage de l'entreprise". Mettre en place un tel système d'information implique à son tour un
investissement informatique peut-être important, en termes de matériel et surtout de logiciel, mais
implique surtout un investissement humain et organisationnel considérable, qui ne se réalisera pas sans
un délai certain.
Bref, la "Balanced ScoreCard" apparaît aujourd'hui comme un outil de gestion particuliè rement utile car il
permet de réconcilier la vision stratégique de l'entreprise et les décisions de gestion opérationnelles
auxquelles elle donne lieu. De ce fait, cet outil de gestion comble un vide criant dans la panoplie des outils
de gestion dont se dotent généralement les entreprises, mais il ne peut être mis au point que moyennant une
remise en question profonde des processus de gestion de l'entreprise et moyennant un investissement en
temps et en moyens humains potentiellement importants.
232
C O N C L U S I O N
Conclusion
Les domaines de la comptabilité analytique et de la comptabilité de gestion ont connu, au cours des deux
dernières décennies, un renouvellement profond, tant au niveau de leur base conceptuelle qu’au niveau de
leurs techniques propres.
Cette évolution profonde est imputable à deux facteurs essentiels :
Ø D’une part, une évolution toujours plus rapide de l’environnement de l’entreprise. Marquée par les
effets conjoints des phénomènes micro- et macro-économiques de dérégulation et de déréglementation
et par un développement technologique sans précédent des techniques de communication et
d’information, cette évolution accroît d’une part l’incertitude (et donc le risque) qui pèse sur les
opérations de l’entreprise et d’autre part l’oblige à anticiper, dans l’ensemble de ses décisions
stratégiques, les conséquences des évolutions les plus prévisibles de son environnement.
Ø D’autre part, une conception nouvelle du rôle et de la mission de l’entreprise. D’un simple lieu de
coordination de facteurs humains, techniques et financiers rares rassemblés pour permettre la
réalisation des objectifs financiers ou personnels d’un petit groupe d’individus, l’entreprise est devenue
un acteur essentiel intégré à un environnement économique auquel elle ne peut apporter que de la
valeur, sous quelque forme que ce soit, sous peine de disparaître.
Dans ce contexte,
Ø la nécessité de maîtriser l’ensemble des processus de création de valeur qui traversent quotidiennement
la vie de l’entreprise et, à travers eux, la nécessité de maîtriser au quotidien à la fois le mécanisme de
création de valeur qui conduit le client à attribuer de la valeur aux attributs et fonctions associés aux
biens et services mis à sa disposition par l’entreprise et le mécanisme de consommation de ressources
rares, aujourd’hui essentiellement humaines et immatérielles, génératrices de coûts,
Ø et la nécessité d’apporter aux multiples acteurs disséminés au travers de l’entreprise les éléments
d’information, notamment comptables, pertinents et réellement utiles dont ils ont besoin pour étayer,
dans un laps de temps toujours raccourci, une prise de décision aux facettes toujours multiples,
imposent à l’entreprise la tenue rigoureuse et le suivi maîtrisé d’un système d’information comptable,
notamment interne, toujours plus complexe et forcément évolutif au gré de l’évolution de la vie de
l’entreprise … et de son environnement.
233
234
T A B L E D E S M A T I E R E S
Table des
matières
PRÉAMBULE _________________________________________________________________ 5
CHAPITRE 1 _________________________________________________________________ 15
CHAPITRE 2 _________________________________________________________________ 45
235
T A B L E D E S M A T I E R E S
CHAPITRE 3 _________________________________________________________________ 99
236
T A B L E D E S M A T I E R E S
237
T A B L E D E S M A T I E R E S
CONCLUSION_______________________________________________________________ 233
238
T A B L E D E S M A T I E R E S
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