Drainage Thoracique Aux Urgences
Drainage Thoracique Aux Urgences
Drainage Thoracique Aux Urgences
L’évacuation d’un épanchement pleural est une situation fréquente et parfois vitale rencontrée dans les
services d’urgences. Ses principales indications sont le pneumothorax spontané, l’hémopneumothorax
traumatique et la pleurésie d’étiologie infectieuse, cardiologique ou carcinologique. Les modalités de cette
évacuation dépendent du type d’épanchement, de son abondance présumée et de sa tolérance clinique.
En première intention, tout pneumothorax comprimant le médiastin et responsable d’une altération
hémodynamique doit faire pratiquer une pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence. Cette technique
ainsi que les principes de pose des différents types de drains disponibles sont détaillés. Une comparaison
des avantages et inconvénients des différents systèmes nous permet de conseiller l’utilisation des drains
de Monod pour l’évacuation des épanchements ainsi que des cathéters de Fuhrman pour la prise en
charge des pneumothorax spontanés nécessitant impérativement un drainage.
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Médecine d’urgence 1
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Tableau 1. Tableau 2.
Syndromes cliniques retrouvés dans les pathologies pleurales. Principales causes de pneumothorax spontané secondaire.
Signes d’épanchement Signes non spécifiques Pathologies des voies aériennes
pleural - Toux et douleurs pariétales inconstantes - Bronchopneumopathie chronique obstructive
- Gêne respiratoire d’intensité variable - Fibrose pulmonaire kystique
- Abolition du murmure vésiculaire - Asthme aigu grave
unilatérale
Pathologies infectieuses
- Dyspnée, détresse respiratoire
- Pneumocystose
avec désaturation
- Tuberculose
Signes spécifiques d’épanchement gazeux
- Abcès pulmonaire
- Tympanisme à la percussion
Pathologies interstitielles
- Emphysème sous-cutané
- Sarcoïdose
Signes spécifiques d’épanchement liquidien
- Matité à la percussion - Fibrose pulmonaire idiopathique
- Abolition des vibrations vocales - Histiocytose X
- Lymphangio-léio-myomatose
Signes de compression - Distension thoracique unilatérale Connectivites
médiastinale - Signes aigus d’insuffisance cardiaque - Polyarthrite rhumatoïde
droite (turgescence jugulaire, reflux
- Spondylarthrite ankylosante
hépatojugulaire, hépatalgie)
- Polymyosite/dermatomyosite
- Pouls paradoxal
- Sclérodermie
- Hypotension artérielle, état de choc,
voire arrêt cardiocirculatoire - Syndrome de Marfan
- Syndrome d’Ehlers-Danlos
Pathologies carcinologiques
- Adénocarcinome pulmonaire
- Sarcome
Pneumothorax spontané
Par définition, il s’agit de l’irruption d’air dans la cavité
pleurale en l’absence de tout traumatisme sans contexte
iatrogène (ponctions, ventilation mécanique, fibroscopie...).
C’est une pathologie fréquente avec une incidence comprise
entre 2 et 18 cas par an pour 100 000 habitants avec une nette
prédominance masculine [3]. Un pneumothorax spontané est dit
« primaire » quand il survient sur un poumon antérieurement
sain et « secondaire » quand il existe une pathologie pulmonaire
favorisante (Tableau 2) [4].
Les signes cliniques à rechercher sont résumés dans le Tableau
1. La confirmation du diagnostic fait intervenir typiquement la
radiographie thoracique de face qui retrouve une hyperclarté
unilatérale avec visualisation du décollement pulmonaire
objectivée par la perte de la trame parenchymateuse en péri-
phérie d’une ligne bordante. Le pneumothorax est dit « com-
plet » quand le décollement intéresse toute la hauteur du
Figure 1. Radiographie pulmonaire représentant un pneumothorax poumon et « incomplet » quand il n’est visible que sur une
complet droit avec déviation médiastinale vers la gauche. partie du champ pulmonaire (en général l’apex). Dans les cas
plus difficiles (poumons pathologiques, pneumothorax anté-
rieur...), un scanner thoracique peut être réalisé afin de confir-
mer ou d’infirmer le diagnostic. L’échographie pleurale a
signes de pneumothorax et de signes de compression médiasti-
récemment été proposée en première intention pour le diagnos-
nale (Tableau 1). En cas d’instabilité hémodynamique et devant
tic des pneumothorax non visibles à la radiographie pulmo-
un tableau clinique typique, le traitement consiste en une
naire [5]. Cet examen présente l’avantage de ne pas nécessiter le
décompression ou pleurocentèse à l’aiguille en extrême urgence
déplacement du patient (qui est souvent problématique en cas
sans attendre la réalisation d’examen complémentaire. L’exté-
de mauvaise tolérance respiratoire) et de ne pas imposer
riorisation brutale et sonore d’air par l’aiguille confirme le
d’irradiation supplémentaire mais reste très opérateur-
diagnostic. La mise à la pression atmosphérique de la cavité
dépendant. En cas de doute diagnostique, l’échographie pleurale
pleurale ainsi réalisée permet d’abaisser la pression intrathora-
peut donc être une alternative au scanner, même si celui-ci reste
cique et ainsi de diminuer la compression du médiastin dont le
l’examen de référence.
recentrage aboutit à la résolution de l’état de choc.
La prise en charge du pneumothorax spontané doit tenir
L’évacuation complète du pneumothorax nécessite en général compte d’abord de son caractère primaire ou secondaire, ensuite
le recours au drainage thoracique dans un second temps. de son mode de survenue primitif ou récidivant, enfin de
Celui-ci doit toujours être fait après réalisation d’une radiogra- l’importance du décollement et de la symptomatologie (Fig. 2).
phie thoracique de face au lit qui permet de confirmer le
diagnostic en retrouvant une hyperclarté d’un hémichamp Premier épisode de pneumothorax spontané
pulmonaire sans trame parenchymateuse visible et un refoule-
ment plus ou moins important du médiastin vers le côté opposé
primaire (du sujet sain)
(Fig. 1). Si le pneumothorax n’est plus visible à la radiographie Dans ce cas, la décision de drainage de la cavité pleurale
thoracique, il faut compléter le bilan d’imagerie par un scanner doit être dictée par la tolérance clinique du patient et
thoracique afin d’éliminer tout pneumothorax résiduel, en l’importance des signes radiologiques de décollement. En
l’occurrence antérieur. effet, il est bien admis que l’évacuation de l’air intrapleural
2 Médecine d’urgence
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Suspicion de pneumothorax
Signes de compression
Pas de signes de compression
médiastinale
médiastinale
Instabilité hémodynamique
Pleurocentèse Radiographie
d'urgence thoracique
Persistance d'un
Confirmation doute diagnostique
du diagnostic
Scanner
thoracique
Pneumothorax
Pneumothorax
traumatique ou
spontané
iatrogène
Retour au
domicile Succès
Consultation à j2 et j7
n’est pas nécessaire en cas de bonne tolérance clinique d’un surveillance par l’entourage est possible. Un suivi en consul-
pneumothorax spontané incomplet, défini par un décolle- tation avec contrôle radiologique à j2 et j7 doit alors être
ment inférieur à 3 cm à l’apex et dont la surface ne dépasse proposé [9].
pas 20 % du champ pulmonaire radiologique [6]. Il est alors En cas de pneumothorax complet ou de mauvaise tolérance
légitime de proposer une surveillance clinicoradiologique en clinique, l’évacuation de l’air contenu dans la cavité pleurale est
milieu hospitalier pendant au moins 6 heures. Cette sur- impérative. Ce drainage peut être réalisé au moyen d’une
veillance doit s’accompagner d’une oxygénothérapie systéma- ponction-exsufflation, c’est-à-dire sans mise en place d’un
tique même en l’absence de désaturation [7]. En effet, des système d’aspiration prolongée. Dans le cas précis des premiers
études anciennes semblent montrer que l’augmentation de la épisodes de pneumothorax spontané sur poumons sains, ce
pression partielle en oxygène dans le sang contenu dans les mode de drainage a fait la preuve de son efficacité et de son
capillaires pleuraux améliore la réabsorption passive de l’azote innocuité comparé à la pose d’un drain thoracique convention-
contenu dans l’air du pneumothorax [7, 8] . S’il n’est pas nel. Ainsi, le taux de réussite immédiate est évalué à 59 % et le
retrouvé d’aggravation et en l’absence de contexte socioéco- risque de récidive précoce du pneumothorax à 15 % contre
nomique défavorable, un retour du patient à domicile avec 63 % de réussite et 7 % de récidive avec le drainage thoracique
Médecine d’urgence 3
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classique [10, 11]. Une méta-analyse et une étude randomisée entraîner des ponctions traumatisantes intraparenchymateuses
récente confirment ces résultats et suggèrent même que cette et l’importance du risque de décompensation aiguë de la
technique permettrait de diminuer le nombre et la durée maladie respiratoire impose une restauration du vide pleural
d’hospitalisation, ce qui incite les auteurs à la conseiller en rapide et certaine [10].
première intention [12, 13]. L’efficacité de ce geste doit bien sûr
être contrôlée par une radiographie thoracique. En cas de Pneumothorax iatrogène
succès, un retour à domicile est envisageable après une sur-
veillance de 4 à 6 heures [14]. En cas d’échec, la réalisation d’une Les circonstances de survenue des pneumothorax iatrogènes
deuxième ponction-exsufflation n’est pas souhaitable compte sont bien connues des praticiens des services d’urgences,
tenu de sa faible efficacité prévisible [10]. La mise en place d’un d’anesthésie-réanimation et de pneumologie. Elles sont classi-
drainage thoracique est alors la seule attitude thérapeutique quement principalement liées à une brèche parenchymateuse
proposable. Une étude française récente montre que ce drainage pulmonaire lors d’un geste invasif (ponction pleurale, cathéter
peut se faire au moyen d’un cathéter de petit calibre (cathéter central, fibroscopie), ou à une hyperpression alvéolaire chez un
de Fuhrman) introduit par méthode de Seldinger avec une patient en ventilation mécanique. Même si ce deuxième cas de
efficacité comparable au drainage classique (drain de Joly ou de figure est classiquement décrit chez les patients intubés, il a été
Monod) [15]. Ainsi, du fait de sa simplicité, de son caractère peu récemment rapporté plusieurs cas de pneumothorax iatrogène
douloureux et de son risque moindre de complication notam- secondaire à la ventilation non invasive [18]. Dans ce dernier cas,
ment à long terme, cette méthode est probablement à privilé- il existe un risque majeur d’aggravation rapide par pneumotho-
gier dans le contexte de premier épisode de pneumothorax rax compressif du fait de la ventilation en pression positive. Le
spontané primaire après échec de la ponction-exsufflation. Dans maintien d’une pression de plateau strictement inférieure à
la même étude, les auteurs suggèrent que ce type de drainage 30 cmH2O reste le meilleur moyen de limiter la survenue de ce
thoracique pourrait être utilisé en première intention (c’est-à- type de complication. Quelle qu’en soit la cause, le traitement
dire sans que la ponction-exsufflation ne soit tentée), mais les d’un pneumothorax iatrogène impose le drainage de la cavité
données de la littérature sont actuellement insuffisantes pour pleurale. La ponction-exsufflation est contre-indiquée compte
qu’une telle attitude soit consensuelle. tenu du risque important de récidive précoce. La réalisation
En dehors de cas très particuliers (plongeur professionnel, d’une pleurodèse chirurgicale peut être nécessaire en cas de
pilote d’avion, alpinistes...), il n’y a pas d’indications lors du persistance d’une fistule bronchopulmonaire après drainage.
premier épisode de pneumothorax spontané primaire à la
réalisation d’une intervention chirurgicale visant à diminuer le Hémopneumothorax traumatique
risque de récidive (symphyse pleurale) [9]. Seule la présence Le pneumothorax traumatique est fréquent puisqu’il
d’une fistule bronchopulmonaire, suspectée par la persistance concerne environ 20 % des traumatismes thoraciques impor-
d’un bullage continu après drainage thoracique, peut nécessiter tants [19]. Il est, par ailleurs, associé à un hémothorax d’abon-
le recours à la chirurgie. dance variable dans plus d’un cas sur deux [20]. Comme tous les
traumatismes thoraciques, le contexte de survenue des hémop-
Récidive de pneumothorax spontané
neumothorax est le plus souvent celui d’un polytraumatisme
Contrairement au premier épisode, une récidive de pneumo- (70 à 80 % des cas) et une contusion pulmonaire sous-jacente
thorax spontané requiert systématiquement l’hospitalisation et est presque toujours retrouvée. La physiopathologie du pneu-
l’évacuation de l’air intrapleural [9]. La ponction-exsufflation est mothorax traumatique fait intervenir deux mécanismes possi-
contre-indiquée car généralement peu efficace et le traitement blement responsables de l’irruption d’air dans la cavité pleurale.
immédiat repose sur la mise en place d’un drainage thoracique Il peut s’agir de l’embrochage du poumon par une côte fracturée
conventionnel. lors du traumatisme ou de l’hyperpression intra-alvéolaire
La récidive d’un pneumothorax spontané augmente considé- secondaire à un écrasement thoracique à glotte fermée. L’hémo-
rablement le risque de récurrences ultérieures. En effet, alors que thorax est, quant à lui, consécutif à une lésion thoracique qui
le risque de récidive après un seul pneumothorax spontané est peut intéresser le parenchyme pulmonaire ou un vaisseau
estimé à environ 30 %, il passe à 57 % après la première pariétal, intercostal, mammaire interne, voire dans les cas les
récidive, à 62 % après la deuxième et à 83 % après la troi- plus graves, médiastinal (crosse aortique, artère pulmonaire,
sième [16]. La grande majorité de ces récidives survient dans les artère sous-clavière...). En dehors de l’urgence que constitue le
2 ans suivant le premier épisode [6] . Compte tenu de ces pneumothorax compressif, le diagnostic repose sur la radiogra-
éléments et de la gravité potentielle de cette pathologie, il est phie thoracique qui permet de localiser le pneumothorax et
nécessaire de proposer une stratégie de prévention des récidives d’en préciser l’importance ainsi que son éventuelle association
dès le deuxième pneumothorax spontané, qu’il soit homo- ou à un hémothorax et/ou à des anomalies parenchymateuses.
controlatéral [17]. La technique de référence est la symphyse Chez un patient polytraumatisé, cette radiographie doit être au
pleurale par thoracoscopie qui permet de réduire le taux de mieux réalisée après la mise en place d’une sonde nasogastrique
récidive à moins de 5 % avec une morbidité bien inférieure à la afin de détecter plus facilement une rupture diaphragmatique
thoracotomie classique [17]. La pleurodèse médicamenteuse par gauche. La sensibilité de cet examen étant médiocre chez un
instillation d’agent sclérosant dans le drain thoracique en place patient couché, il doit être systématiquement complété par un
ne doit pas être proposée en première intention du fait d’un scanner (avec injection de produit de contraste) une fois le
taux de succès nettement inférieur [9]. Cette technique n’est patient stabilisé. Cet examen montre l’étendue des dégâts
donc envisageable, dans la prévention des récidives de pneumo- parenchymateux et pariétaux, permet la visualisation des gros
thorax, qu’en cas de risque opératoire important. vaisseaux médiastinaux et visualise les pneumothorax antérieurs
ou localisés invisibles sur le cliché thoracique de face.
Pneumothorax spontané secondaire En dehors du pneumothorax traumatique isolé de très faible
(sur poumon pathologique) abondance et totalement asymptomatique qui peut relever
La présence d’une pathologie pulmonaire sous-jacente impose d’une surveillance simple, la prise en charge de l’hémopneumo-
l’hospitalisation. L’indication de l’évacuation du pneumothorax thorax traumatique fait constamment intervenir le drainage
doit être large : une altération même minime de l’état respira- thoracique [21]. En effet, la ponction-exsufflation est strictement
toire basal et des douleurs importantes pouvant limiter la toux contre-indiquée du fait de son inefficacité en cas de lésion
incitent à réaliser rapidement le drainage [9]. Seuls les pneumo- parenchymateuse et de sa dangerosité en cas de mauvaise
thorax spontanés incomplets minimes totalement asymptoma- tolérance respiratoire. En cas d’hémothorax, le drainage permet,
tiques peuvent justifier d’une surveillance simple d’au moins en plus de l’amélioration respiratoire due à l’évacuation de la
24 heures. Le drainage thoracique doit être réalisé au moyen cavité pleurale, d’obtenir l’accolement des deux feuillets
d’un drain classique avec système d’aspiration continu. La pleuraux, ce qui favorise l’hémostase, de quantifier la perte
ponction-exsufflation est contre-indiquée car potentiellement sanguine et d’évacuer le sang et les caillots afin de réduire le
dangereuse. En effet, la présence d’adhérence pleurale peut risque d’infection secondaire et de séquelles. De ce fait, il n’est
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Tableau 3.
Situations d’épanchement liquidien non traumatique nécessitant un
drainage pleural.
Pour tout épanchement pleural non traumatique, en cas de :
- signes de compression médiastinale
- mauvaise tolérance respiratoire
Pour les épanchements possiblement infectieux, en cas de :
- culture ou examen direct du liquide pleural positif
- empyème thoracique (liquide macroscopiquement puriforme)
- pH du liquide pleural < 7,2
- échec du traitement antibiotique à 48 h
Pour les épanchements possiblement carcinologiques, en cas de :
- récidive précoce nécessitant une pleurodèse médicamenteuse
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sujet sain. Avant la réalisation de ce geste, il est nécessaire de systèmes sont classiquement séparés en drain dit « de gros
confirmer l’indication par une radiographie thoracique et de calibre » (drain de Joly ou de Monod) et drain dit « de petit
rechercher des contre-indications par l’anamnèse (antécédents calibre » (cathéter de Fuhrman ou Pleurocath®). En dehors de
respiratoires) et le bilan biologique : un taux de plaquettes contextes particuliers d’urgence extrême (hémothorax suffocant,
inférieur à 50 giga/l, un temps de céphaline activé (TCA) supé- détresse respiratoire), tous ces drains nécessitent une confirmation
rieur à 2 fois le témoin et un taux de prothrombine (TP) inférieur du diagnostic par une radiographie thoracique et un contrôle de
à 40 % sont des contre-indications relatives à la ponction l’hémostase (TCA < 1,5 fois le témoin, TP > 45 % et numération
pleurale. Un matériel spécifique est nécessaire. Le site de ponction plaquettaire supérieure à 100 giga/l). Nous détaillons ici les
est le même que pour la pleurocentèse. Après réalisation d’une différentes techniques de pose en excluant les drains chirurgicaux
anesthésie locale, l’aiguille est introduite comme précédemment, et ceux utilisés en néonatologie. Le Tableau 4 résume les
mais doit être connectée à une seringue en aspiration pour indications, les avantages et les inconvénients des différents
détecter l’entrée dans la cavité pleurale (lorsque l’aiguille pénètre .
types de drain.
dans l’air intrapleural, la résistance du piston de la seringue baisse
brutalement). Une fois le cathéter en place, l’aiguille est retirée et Pose d’un drain de Monod (Fig. 4)
la tubulure, préalablement clampée grâce au robinet, est immé- La pose d’un drain de Monod permet la mise en place d’un
diatement connectée. À l’aide d’une seringue de 50 ml, le tube de diamètre important idéal pour l’évacuation des hémo-
pneumothorax est aspiré en prenant soin d’obturer la tubulure pneumothorax traumatiques. Ce type de drain est également
avec le robinet avant chaque déconnexion de la seringue. indiqué dans l’évacuation des pneumothorax non traumatiques
Lorsqu’il n’y a plus d’air aspirable, l’ensemble du matériel est quand les techniques de ponction-exsufflation sont contre-
retiré et une radiographie de contrôle est réalisée au bout de indiquées et que l’utilisation d’un drain de plus petit calibre
2 heures afin d’apprécier l’efficacité de la ponction-exsufflation. n’est pas possible (poumon pathologique, fistule bronchopleu-
En cas d’inefficacité, la réalisation d’une nouvelle ponction n’est rale). Enfin, l’absence de consensus sur la taille du drain
pas conseillée et un drainage pleural doit être mis en place. Par nécessaire à l’évacuation d’une pleurésie purulente fait fré-
ailleurs, l’aspiration de plus de 2,5 l d’air fait suspecter une fistule quemment préférer l’utilisation d’un drain de Monod dans cette
bronchopulmonaire et doit également faire réaliser un drainage indication [25, 29].
thoracique conventionnel [28]. La pose de ce type de drain est potentiellement anxiogène et
douloureuse et doit donc être réalisée chez un patient calme,
informé, coopérant et au mieux 30 minutes après une prémé-
dication par morphine sous-cutanée à la dose de 5 à 10 mg [30].
“ Points importants L’utilisation de paracétamol ou de benzodiazépines en prémé-
dication, fréquemment retrouvée dans la pratique, n’a jamais
été évaluée. L’insertion du drain par voie axillaire doit être
Matériel nécessaire à la réalisation d’une privilégiée en l’absence de contre-indication [31]. Pour cela, le
ponction-exsufflation patient doit être allongé en décubitus dorsal en position demi-
• Gants stériles assise avec le bras homolatéral en abduction maximale et la
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 10 ml et aiguille de 20 G main derrière la tête. Le « triangle de sécurité » où doit avoir
pour l’anesthésie locale .
lieu l’insertion est alors délimité par le bord externe du grand
• Compresses stériles pectoral en avant, le bord antérieur du grand dorsal en arrière
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine et l’horizontale passant par le mamelon en bas [32].
alcoolique) Le site de drainage est alors positionné au milieu de ce
• Cathéter court de 14 ou 16 G monté sur une aiguille triangle, ce qui correspond au 4e ou 5e espace intercostal sur la
ligne axillaire antérieure (Fig. 3). En cas de déplacement du bras
• Seringue de 5 ou 10 ml
impossible ou de pneumothorax purement antérieur, la voie
• Tubulure courte avec robinet deux ou trois voies antérieure peut être proposée mais expose au risque de lésion de
• Seringue de 50 ml l’artère mammaire interne et de cicatrice inesthétique. L’inser-
tion par voie antérieure se fait alors sur un patient en décubitus
dorsal strict au niveau du 2e espace intercostal et sur la ligne
médioclaviculaire comme pour la pleurocentèse d’urgence et la
Drainage thoracique ponction-exsufflation (Fig. 3).
Le terme « drainage thoracique » comprend tous les systèmes Le matériel spécifique est nécessaire à la pose d’un drain de
dont l’objectif est d’obtenir la vacuité pleurale grâce à la mise en Monod. La première étape est une désinfection complète de la
place et au maintien plus ou moins prolongé d’un tube (ou zone d’insertion parallèlement au lavage chirurgical des mains
« drain ») entre les feuillets pariétal et viscéral de la plèvre. Ces (standard ou à la solution hydroalcoolique) et à l’habillage
Tableau 4.
Comparaison des différents drains thoraciques disponibles.
Taille Indications principales Avantages Inconvénients
Drain de Monod 18 à 36 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, utilisable dans Cicatrice disgracieuse, nécessité
traumatiques, pleurésie purulente, toutes les circonstances, risque moindre d’utilisation d’un trocart restérilisable
empyème de lésions médiastinales, orientation
du drain plus facile
Drain de Joly 12 à 32 F Hémothorax, pneumothorax Drain de gros calibre, matériel Cicatrice disgracieuse, risque important
traumatique, pleurésie purulente, entièrement à usage unique de lésion pulmonaire et médiastinale
empyème
Cathéter 8,5 à 12 F Pneumothorax spontané, pleurésie Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
de Fuhrman carcinologique, pleurésie transsudative, à usage unique, pose très peu pas l’évacuation de caillots
± pneumothorax iatrogène douloureuse
Pleurocath® < 10 F Pneumothorax spontané Cicatrice minime, matériel entièrement Drain de faible calibre ne permettant
à usage unique, pose peu douloureuse pas l’évacuation de caillots, risque
important de lésion pulmonaire
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“ Points importants
Matériel nécessaire à la pose d’un drain de « gros
calibre » (Monod ou Joly)
• Masque et calot
• Gants et casaque stériles
• Xylocaïne® 2 %, seringue de 20 ml et aiguille de 20-
22 G pour l’anesthésie locale
• Compresses stériles
• Désinfectant cutané (Bétadine ® ou chlorhexidine
alcoolique)
• Champs stériles
• Scalpel (lame n° 11)
• Pince cochère ou Kelly stérile
• Trocart de Monod et drain de taille adaptée (numéro du
trocart = taille du drain en French/3) ou drain de Joly
• Pince-clamp non vulnérant
• Deux fils de suture taille 0 ou supérieure (+ porte-
aiguille si aiguilles courbes)
• Système d’aspiration à usage unique préalablement
monté (« valisette »)
• Pansement stérile
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s’accompagner d’une chute de la pression artérielle. La suspicion système de drainage. Le maintien d’un drainage prolongé et la
de lésion médiastinale hémorragique (cœur ou gros vaisseaux) présence de sang dans le liquide pleural semblent être égale-
est le seul cas où un clampage du drain est impératif. Le drain ment des facteurs favorisants [40]. Les bactéries les plus souvent
en cause ne doit surtout pas être retiré car il permet une en cause sont les staphylocoques dorés et les entérobactéries. Le
obturation transitoire de la plaie et le patient doit être transféré diagnostic est principalement clinique et n’est confirmé par la
en urgence absolue au bloc opératoire de chirurgie cardiothora- culture du liquide pleural qu’en cas d’empyème. L’écouvillon-
cique. La mortalité de ces complications, rares, est malheureu- nage des sécrétions s’écoulant autour du drain n’a pas de
sement extrêmement élevée [21]. pertinence clinique compte tenu de leur contamination systé-
matique par la flore cutanée. Le traitement va du simple retrait
Malpositions du drain du drain en cas d’infection du site d’insertion à l’antibiothéra-
C’est une complication fréquente, particulièrement en cas pie intraveineuse prolongée (avec maintien du drain) en cas de
d’inexpérience de l’opérateur. Le cas le plus fréquent est celui de pleurésie purulente.
la pose du drain en sous-cutané en dehors de la cage thoracique.
Cette complication, le plus souvent sans conséquence en dehors
de l’inefficacité manifeste du drainage, se produit fréquemment
chez les patients ayant une paroi thoracique épaisse ou un
■ Conclusion
emphysème sous-cutané important. Toute difficulté lors de L’évacuation d’un pneumothorax ou d’un épanchement
l’introduction finale du drain doit la faire suspecter. Le diagnostic pleural liquidien est un geste courant dont les indications doivent
est en général aisé sur la radiographie de contrôle. être maîtrisées par les praticiens travaillant dans les services
Les autres malpositions possibles sont plus graves. En dehors d’urgences, de réanimation, de Samu, de chirurgie thoracique et
des lésions médiastinales décrites plus haut et des lésions de pneumologie. Sa dangerosité potentielle peut être limitée par
parenchymateuses pulmonaires qui doivent être prévenues par
une connaissance parfaite des différentes techniques de pose et de
le « toucher pleural », il est décrit également régulièrement des
gestion des différents matériels disponibles sur le marché. La
lésions abdominales secondaires à la pose d’un drain par voie
pleurocentèse d’urgence doit être utilisée en première intention
axillaire (plaies de la rate, du foie...). La cause peut être soit un
devant un pneumothorax compressif. L’utilisation des drains de
mauvais repérage du site d’insertion qui se situe alors sous le 5e
Monod et des cathéters de Fuhrman peut ensuite permettre de
espace intercostal, soit la méconnaissance d’une rupture
.
diaphragmatique lors de la prise en charge d’un polytraumatisé. faire face à l’ensemble des situations rencontrées avec un
La réalisation de la radiographie thoracique initiale avec sonde minimum de risques pour le patient.
gastrique en place limite grandement ce risque. .
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Guitard P.-G., Veber B., Joly L.-M. Drainage thoracique aux urgences. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine d’urgence, 25-010-E-30, 2009.
Médecine d’urgence 11