Cours - 01 - Luc Lasne1
Cours - 01 - Luc Lasne1
Cours - 01 - Luc Lasne1
« Ressentir » l’électromagnétisme
«Ce qu'on ne ressent point, ne s'imagine pas.»
L’électromagnétisme est une partie de la physique dont la présentation théorique est très
puissante et élégante, mais elle présente une difficulté majeure : ses effets les plus connus
et les plus accessibles comme l’attraction ou la répulsion des aimants, l’électricité statique
acquise par frottements, ou encore la propagation des ondes et de la lumière sont plutôt
difficiles à expliquer de prime abord, et sont donc rarement utilisées comme des images
rassurantes des principes de base.
Généralement, quand on étudie la physique, l’électromagnétisme est présenté dans des
configurations très simples, autour de particules qui sont « seules dans l’univers », ou autour
de plans infinis, de fils fins et infiniment longs… or cela convainc difficilement du bien fondé
de la théorie, il faut le reconnaître. Pourtant, il est vraiment possible d’assimiler les lois de
l’électromagnétisme de façon machinale, de façon analytique et ensuite de faire confiance à
ces lois pour faire des calculs, des prévisions, des simulations, bref faire de la physique…
mais c’est un peu dommage dans ce cas là de n’en n’avoir pas d’abord « ressenti » le bien
fondé, la « naturelle écriture » des lois de base.
Ce petit cours a donc uniquement cet objectif : vous faire « toucher du doigt » les
fondements de l’électromagnétisme, vous faire identifier en particulier les différents
phénomènes comme les différentes facettes du bijou que constitue cette théorie.
Munissez vous alors d’un petit ballon de baudruche, gonflez-le, nouez-le et frottez le
énergiquement sur l’avant bras d’une personne bien velue (un bras d’homme est préférable,
mais vous pouvez aussi opter pour un animal coopératif à poils longs), ou bien sur un
vêtement en laine. Vous devriez constater que le ballon acquiert une certaine charge
électrique dite « statique » et se met alors à « attirer » les poils de l’avant bras ou les fibres
de la laine. Dans le cas classique d’un ballon en caoutchouc il s’agit de charges négatives
accumulées à la surface (des électrons) comme le représente la figure 1.2. Présentez alors le
ballon sous la trame des fils suspendus et vous assisterez à un phénomène intéressant
représenté sur la photographie de la figure 1.2 : les fils se courbent et leurs extrémités
semblent attirées par la surface du ballon de façon assez forte, ce qui fait que la gravité
n’agit plus sur eux de façon prépondérante. En prenant soin de ne pas faire toucher la
surface du ballon aux fils les plus proches, les courbures des fils vous indiquent les directions
des forces attractives qui agissent sur les charges : vous vous convaincrez alors facilement du
fait que ces forces sont « radiales », ceci étant souligné par les petits vecteurs qui sont
rajoutés sur la figure.
Figure 1.3 : Fils de coton après contact avec le ballon chargé électriquement
Charge Q>0
Sphère S
Il faut bien sûr concevoir le rayonnement du champ dans toutes les directions autour de et
donc en particulier sur des surfaces telle la sphère représentée sur la figure 1.4 qui sera alors
virtuellement « hérissée » de vecteurs rayonnants, chaque point M de la sphère étant le
siège d’un vecteur dirigé vers l’extérieur...
Une fois cette image en tête, vous pouvez imaginer un procédé pour formaliser l’intégralité
de l’action de cette charge : il « doit » exister une relation entre la charge et le champ
électrique rayonné, ou plutôt entre et « la somme des champs rayonnés » tout autour...
mais intuitivement on saisit que la valeur du champ doit être d’autant plus faible qu’on
s’éloigne du centre ... alors pour trouver quelque chose d’invariant à écrire, on s’intéresse à
la somme des valeurs des vecteurs rencontrés sur la sphère S multipliés par la surface
qu’ils traversent... En effet, en s’éloignant du centre le champ devrait faiblir, mais à l’inverse
la surface qu’il « traverse » augmente.
C’est cette intuition qui a conduit Carl Friedrich Gauss (1777 - 1855) à relier le « flux » de à
travers la surface S à la charge intérieure qui « crée » le champ... La merveilleuse formule qui
en découle est la suivante :
. .
Dans cette formule est uns constante qui permet de régler les problèmes d’unités (on
verra plus tard qu’elle s’écrit ), et l’intégrale double représente juste, de façon continue,
la somme des valeurs des champs multipliés par les surfaces des secteurs où on quantifie ce
champ... Ce résultat s’appelle « le théorème de Gauss », il sera explicité et utilisé dans les
cours n°2 et n°3 et est équivalent à une des 4 équations de Maxwell ... c’est donc une
relation qui « synthétise » la relation entre les charges et le champ électriques.
La forme du champ magnétique et de ses « lignes de champ »
En nous intéressant au magnétisme seul, autrement dit aux phénomènes qui apparaissent
lorsqu’on est en présence d’aimants ou de matériaux aimantés par des bobinages parcourus
par des courants électriques, il est possible de comprendre beaucoup de choses juste en
contemplant une expérience très classique (et très visuelle). La figure 1.5 représente, vu de
dessus, un plan sur lequel on a saupoudré une grande quantité de petits bouts de fer
(limaille de fer) et sur lequel on a ensuite posé un aimant permanent. La présence de
l’aimant a alors fortement modifié l’organisation (au départ tout à fait aléatoire) des petits
bouts de fer et fait apparaître des dessins bien connus qui sont appelés « lignes de champ ».
Ligne de champ
Aimant
Encore une fois, les effets du magnétisme produit par l’aimant sont différents en tous points
de l’espace environnant, et on parle alors d’un « champ de vecteur » pour formaliser le
fait qu’en chaque point une action existe, avec une intensité, un sens et une direction.
Manifestement, les petits bouts de fer s’orientent selon des lignes fermées sur elles mêmes.
Ces lignes apparaissent ainsi comme « tangentes au champ » en tout point et l’impression
que cela donne est que le champ a l’air de « circuler » autour de ces lignes... En choisissant
arbitrairement (on verra plus loin quelle convention il faut utiliser en vérité) un sens de
circulation des vecteurs, on constate que le champ « sort » par le pôle de droite qu’on
appellera « pôle Nord » et « rentre » à l’inverse par le pôle Sud situé à gauche.
On peut alors déduire de tout cela quelque chose de fondamental relié au champ
magnétique : le flux de ce champ à travers toute surface fermée S sera nul !
Pour bien comprendre pourquoi, intéressez vous à la surface S du parallélépipède de la
figure 1.5. Vous constaterez que la face gauche, par exemple, est traversée par des vecteurs
« entrants », alors que la face droite est traversée par des vecteurs quasiment identiques
mais « sortants »... Si on calcule le flux total associé à ces deux faces, on se rend compte
alors qu’il est nul, et il en est de même pour toutes les autres paires de faces. Imaginez alors
que vous « baladez » la surface S un peu n’importe où dans la figure, ou encore que vous
vous intéressez à n’importe quelle forme pour cette surface à condition qu’elle soit fermée,
et vous retrouverez le fait que le flux total qui la traverse est toujours nul. La raison est
simple : la circulation du champ interdit la présence de « sources » d’où rayonnent les
vecteurs et les directions du champ, chaque partie du cheminement du champ peut être
décomposée au contraire en une partie « entrante » (un pôle Sud) et une partie « sortante »
(un pôle Nord) dont les effets s’annulent sur les faces du volume délimité, quel qu’il soit.
Bref, on formule cela en disant que « le flux du champ magnétique » à travers toute surface
fermée est nul, ou encore que le champ est à « flux conservatif », la formulation
mathématique étant alors :
. 0
Le cas du bobinage est très usuel car il constitue le moyen le plus efficace pour faire
apparaître des champs magnétiques importants en utilisant un grand nombre de fois le
même courant (le nombre de spires). Pourtant, une autre expérience serait intéressante
pour affiner notre vision de ce phénomène : utilisons jute un fil électrique traversé par un
fort courant et traversant de façon perpendiculaire le plan sur lequel on dispose la limaille
de fer. Si le courant est suffisant (il ne passe qu’une seule fois, et donc sa valeur doit être
importante pour avoir l’équivalent lié aux nombres de tours) on voit se dessiner les lignes de
champ qui cette fois ci sont circulaires et concentriques, la figure 1.7 représentant l’allure de
ces lignes de champ dans un plan normal au courant. Il est ainsi possible de remarquer que
lorsque le courant est rectiligne, c’est le champ qui s’entoure autour de lui !
i
Ligne de
champ : Γ
Figure 1.7 : Champ magnétique généré par un fil rectiligne parcouru par un courant
De la même manière que pour le champ électrique, on cherche alors à déterminer une
manière élégante de formaliser l’interaction entre le courant et le champ. Observons donc
ce qui se passe sur la ligne de champ désignée sur la figure 1.7 : L’idée serait de « sommer »
toutes les valeurs des vecteurs le long de cette ligne de champ et de relier cette somme au
courant qui l’a créée. Encore une fois, plus on s’éloignerait du centre, plus le champ serait
faible mais en revanche plus la longueur de la ligne de champ (le périmètre) serait
important... Pour trouver quelque chose d’invariable là dedans l’idée est alors de
« sommer » les valeurs du champ multipliées par les longueurs des arcs qui sont parcourus !
La somme de ce produit ne devrait dépendre que du courant qui traverse ...
C’est cette intuition qui a conduit André-Marie Ampère (1175-1836) à relier la « circulation »
du champ le long d’un contour fermé au courant qui traverse le contour Γ. La splendide
formule qui en découle constitue le « théorème d’Ampère » et s’écrit :
. !"#$%&#'$(" )
)
Ce qui est magnifique, c’est que plus tard cette formule a été écrite d’une autre manière par
James Clark Maxwell (1831-1879) :
*+, -
Cette formulation équivalente relie le « rotationnel » du champ à la densité de courant, ce
qui reflète bien le fait que « le courant et le champ s’enroulent l’un autour de l’autre ».
NB : les formules précédentes utilisent la notion d’intégrale de surface, d’intégrale curviligne, de flux, de
circulation et de rotationnel. Tous ces opérateurs sont présentés et expliqués dans les petits cours n°2 et n°3.
/ Avec 0
a) b)
Trajectoire de
. . ./ 01
la charge 1
/
./ 01
1
/
.
/ initiale
Particule
(charge q)
Ici donc : 3 4 . . . / 0 1 5. /
Dans cette expression le terme 4 . / 0 1 5. / est toujours nul car le résultat du produit
vectoriel est un vecteur normal à la vitesse, et son produit scalaire avec la vitesse elle-même
est donc nul. Cela signifie une chose importante : le champ magnétique a une action sur les
charges qui ne correspond à aucun échange énergétique moyen ! Il est alors normal qu’on
n’associe pas de « puissance active » aux phénomènes liés à l’induction ... Le magnétisme
correspond à une forme d’énergie qui ne peut être que stockée ou transitée, mais qui n’est
pas convertie directement en travail ou en chaleur !
D’un autre côté il n’y a que le travail de la force électrique . . / qui ne soit pas nul en
moyenne : faire bouger des charges électriques avec du champ électrique est donc
dissipatif.
NB : On montrerait parallèlement que le travail du champ électrique se ramène à la notion de résistance
électrique et à la puissance qui est associée (3 6. 7² ), qui n’est pas nulle dès lors qu’un courant est déplacé
par un champ électrique.
Aimant
t=0 s Plaque en aluminium Courants
« de Foucault »
t=1 s
~ 1m
t=2 s
t=3 s
<
. ;. .
<,
)
Ces quatre points (plus un petit détail d’importance qui se rajoutera au troisième) sont
généralement présentés sous une forme un peu différente qui résulte d’un travail de
synthèse remarquable opéré par James Clark Maxwell : les « équations de Maxwell ». Le
cours n°3 vous présentera les détails des opérateurs et des notions qui permettent de
trouver ces équations, mais elles vous sembleront d’autant plus faciles à identifier et à
retenir que vous aurez préalablement « digéré » les phénomènes de base.