Guide Phonologie 1172414 PDF
Guide Phonologie 1172414 PDF
Guide Phonologie 1172414 PDF
à lire et à écrire
Guide pour l’enseignement de la phonologie,
du principe alphabétique et de l’écriture à
l’école maternelle
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Sommaire
INTRODUCTION ....................................................................................................................................... 3
La découverte du principe alphabétique
Apprentissage implicite, apprentissage explicite
CHAPITRE 1 : DÉVELOPPER LES HABILETÉS PHONOLOGIQUES ............................................................... 6
De la sensibilité à la conscience phonologique
De la conscience phonologique vers la conscience phonémique : vers le principe alphabétique
Des entraînements sur l'unité phonémique : quels effets sur le niveau ultérieur en lecture ?
Comment mettre en œuvre cet enseignement ?
Les modalités d’apprentissage
L’organisation des apprentissages
La voix et l’écoute au service du développement de la conscience phonologique
Le lien avec l’éveil à la diversité linguistique
Quelles activités phonologiques proposer ? Quelle progressivité envisager ?
Les mots
La syllabe
Le phonème
Focus 1 | Évaluation des habiletés phonologiques
Focus 2 | Trois études sur l’entraînement phonologique en maternelle
CHAPITRE 2 : DE L’ORAL À L’ÉCRIT - DÉCOUVRIR LE PRINCIPE ALPHABÉTIQUE.................................... 24
Pourquoi est-il si important d’apprendre les lettres ?
La lettre et ses caractéristiques
La connaissance du nom des lettres
La connaissance du son des lettres
La connaissance de la forme graphique des lettres
Focus 3 | Évaluation de la connaissance des lettres
Pourquoi et comment faire écrire l’élève en maternelle ? Des résultats à prendre en compte
Les essais d’écriture : un stimulateur pour accéder au code
Du dessin à l'écriture
Écrire pour accéder au principe alphabétique
Le rôle de l’écriture du prénom
BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 40
Ouvrages
Chapitres d'ouvrages
Articles de diffusion (en français)
Outils (évaluations et entraînement)
Bibliographie scientifique (restreinte)
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Dès l’école maternelle, l’élève doit développer des habiletés langagières et cognitives pour entrer
efficacement dans l’apprentissage formel de la lecture-écriture au cours préparatoire (CP). La
conscience phonologique, la reconnaissance des lettres et la découverte du principe alphabétique
sont des prédicteurs de la réussite ultérieure en lecture-écriture. Ce guide accorde donc une place
centrale à la conscience phonologique, à la reconnaissance des lettres et aux essais d'écriture.
L’élève pour apprendre à lire et à écrire doit prendre conscience que le langage qu’il entend est
composé d’éléments (mots, syllabes, phonèmes) qui peuvent être isolés à l’oral ; il doit aussi découvrir
que ces segments oraux sont représentés à l’écrit par des lettres ou suites de lettres. D’autres
domaines comme la morphologie sont également à considérer. Ces compétences essentielles doivent
prendre leur juste place dans l’ensemble des apprentissages prévus par les programmes de l’école
maternelle.
INTRODUCTION
La découverte du principe alphabétique
Pour apprendre à lire des mots dans notre système d’écriture, il est nécessaire de découvrir le
principe alphabétique selon lequel les mots écrits sont composés de lettres qui marquent les unités
linguistiques permettant de différencier les mots oraux, les phonèmes. Autrement dit, découvrir le
principe alphabétique permet de prendre conscience que les graphèmes, à savoir les lettres ou
certains groupes de lettres de l’alphabet, remplissent un rôle fonctionnel qui est celui de représenter
des unités abstraites de la langue appelées phonèmes. Sans connaître ce principe alphabétique,
l’élève ne peut pas lire les mots qu’il n’a jamais rencontrés car il n’est pas en mesure de trouver leur
forme phonologique à partir des graphèmes qui les composent. La compréhension du principe
alphabétique doit donc nécessairement faire l'objet d'un enseignement systématique, rigoureux et
régulier. C'est ainsi que le décodage phonologique des mots écrits, puis leur reconnaissance
automatisée permettent ensuite d'accéder au sens des phrases et des textes.
L’apprentissage de la lecture et de l’écriture démarre bien avant son enseignement formel et trouve
son origine dans les habiletés langagières développées par les élèves au cours de la période
préscolaire. Avant l’entrée au cours préparatoire (CP), les élèves possèdent déjà des compétences en
littéracie. Ces compétences se définissent par l’ensemble des habiletés et des connaissances
nécessaires au traitement de la langue écrite et constituent des précurseurs de l’apprentissage de la
lecture-écriture.
L’acquisition de l’écrit s’inscrit donc dans un continuum partant de la littéracie émergente à la maîtrise
du lire-écrire.
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De nombreuses études longitudinales montrent que le développement précoce du langage est un
prédicteur des performances ultérieures en lecture dans les deux composantes identification de mots
écrits et compréhension.
En 1997, le National Institute of Child Health and Human Development et le US Department of
Education ont regroupé un panel d’experts pour examiner l’ensemble des recherches sur
l’apprentissage de la lecture et son enseignement. En 2000, les experts de ce panel connu sous le
nom de National Reading Panel (NRP, 2000) ont publié un rapport « Teaching Children to Read » qui
mentionne une liste de cinq compétences en lecture qui doivent nécessairement faire l’objet d’une
instruction. Ces composantes sont désormais connues sous le terme « Five Big Ideas in Reading
Instruction » ou « cinq piliers de la lecture » (Figure 1).
Conscience phonémique
Identification mots
Principe alphabétique écrits
Vocabulaire
Compréhension écrite
Compréhension orale
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Il est important de souligner que l’apprentissage implicite des régularités de l’écrit et de leurs liens à
l’oral ne conduit pas à la connaissance implicite des règles de correspondance graphème-phonème
qui sont enseignées explicitement.
Apprendre implicitement ne suffit donc pas pour entrer dans l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture.
« Le langage est fait de mots, de phrases, d'intentions, de prosodie ; il apparaît fluide. L'enfant parle,
mais il ignore que ce langage peut se découper en plusieurs catégories - la phrase, le mot, la syllabe,
le phonème. »
Recommandations pédagogiques, L'école maternelle, école du langage, note de service n° 2019-084
du 28-5-2019.
L’enseignement explicite est essentiel. Il fait appel aux capacités métacognitives de l’individu et
conduit à la construction de connaissances verbalisables et manipulables intentionnellement. Les
connaissances explicites peuvent être acquises soit directement par l’enseignement (par exemple,
l’enseignement des correspondances graphèmes-phonèmes) soit par une explicitation de
connaissances acquises implicitement (par exemple, les connaissances métaphonologiques sous
l’effet de l’apprentissage de la lecture). Ces processus reposent sur « des formes adaptatives
alternatives. Cela invite à ne pas concevoir l’enseignement scolaire comme l’explicitation des
connaissances acquises implicitement par l’enfant » (Pacton & Perruchet, in Dessus & Gentaz, 2006).
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C‘est-à-dire une chaîne de caractères ressemblant à un mot réel mais n'ayant aucun sens. Les pseudo-mots respectent les
règles phonologiques ou conventions orthographiques de la langue et sont donc prononçables comme de vrais mots.
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CHAPITRE 1 : DÉVELOPPER LES HABILETÉS PHONOLOGIQUES
L’ensemble des habiletés phonologiques est sous-tendue par des traitements de diverses natures et
portant sur différentes unités.
La sensibilité phonologique renvoie au fait que les unités linguistiques traitées ne sont pas
directement disponibles et manipulables ; l'activité cognitive est opérée sans contrôle intentionnel des
unités.
La compréhension du principe alphabétique est difficile pour l’élève car le phonème est une unité
linguistique abstraite. La maîtrise du langage oral ne conduit pas directement à la conscience des
phonèmes. En effet :
- les voyelles se prononcent isolément : elles sont à la fois des sons autonomes et des phonèmes En
français les phonèmes vocaliques correspondent aussi à des syllabes (de type voyelle) et même à
des mots (à, eux, y, eau, eut, ou, un, on) ;
- les consonnes ne sont pas des sons qu’on peut isoler mais des phonèmes encodés de manière
complexe dans un son. Il est plus difficile de se représenter certains phonèmes consonantiques, les
consonnes ne se prononcent qu’en co-articulation avec une voyelle. Les phonèmes fricatifs (/f/, /s/, /v/
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/z/…) sont toutefois plus faciles à isoler car leur représentation peut être facilitée en prolongeant leur
son (/sssss/).
La représentation des phonèmes occlusifs est plus difficile car pour prononcer un phonème tel que /b/,
/p/, /d/, /t/, /k/, ou /g/, il faut nécessairement lui associer un phonème vocalique.
Grâce à l’apprentissage du système alphabétique, l’élève prend conscience des phonèmes. La prise
de conscience des phonèmes consonantiques (au nombre de 17 parmi les 20 consonnes de
l’alphabet) est facilitée par la présentation des lettres qui leur sont associées (voir. partie Pourquoi est-
il si important d’apprendre les lettres ?).
Avant l’apprentissage du principe alphabétique et sans entraînement, les élèves n’ont pas conscience
que les mots oraux peuvent être décrits comme des séquences de phonèmes. Par exemple, ils ne
sont pas en capacité d’indiquer qu’il y a quatre phonèmes dans le mot « papa » car ils ont des
difficultés à se représenter mentalement le /p/ et le /a/ du son [pa] comme deux entités distinctes. Les
connaissances phonologiques dont ils disposent leur permettent de différencier des mots mais sont
insuffisantes pour qu’ils puissent décomposer une syllabe en unités phonémiques. Toutefois, avant la
prise de conscience des phonèmes, l’élève est capable d’opérer une analyse phonologique du
langage oral indépendamment du sens des mots ; par exemple il est capable de reconnaître que deux
mots se ressemblent sur le plan sonore (« ils sonnent pareils ») parce qu’ils riment ou de segmenter
un mot oral en syllabes. Ces capacités qui existent lorsque les élèves entrent à l’école maternelle
reposent sur une sensibilité phonologique (être sensible à des unités phonologiques partagées par
des mots) et sur une conscience syllabique. Elles sont sous-tendues par le développement du
langage oral alors que la conscience phonémique relève d’un apprentissage systématique.
De nombreuses études mettent en évidence l’existence d’une conscience syllabique à 4-5 ans alors
que la conscience phonémique n’apparaît qu’au moment de l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture. Beaucoup d’élèves construisent une représentation des phonèmes au moment de
l’apprentissage de l’écrit alphabétique. Toutefois les tâches les mieux réussies précocement (par
exemple, celles qui évaluent la conscience syllabique) ne sont pas les plus prédictives
comparativement à celles souvent moins bien réussies à l’école maternelle qui portent sur le
phonème. Un certain nombre de travaux plaident en faveur d'un lien causal entre conscience
phonémique et lecture.
Pour parvenir à mettre en relation les graphèmes avec les phonèmes correspondants, l’élève doit
posséder de bonnes capacités de discrimination phonémique.
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La conscience phonémique et l’apprentissage de la lecture
Les capacités précoces d’analyse phonémique permettent de pronostiquer le futur niveau de lecture
des enfants, même quand il est tenu compte de leur niveau de pré-lecture (vocabulaire, conscience
syllabique, concepts sur l'écrit, etc.). Tel est le principal résultat de synthèses sur les relations entre
prédicteurs précoces de l’apprentissage de la lecture (à 4-5 ans) et performances ultérieures en
lecture (CP ou CE1.) Des corrélations élevées ont été mises en évidence entre les capacités
d’analyse phonémique précoces et le niveau ultérieur de lecture ce qui fournit un puissant argument
en faveur de l’importance de ces capacités dans l’acquisition de la lecture.
La méta-analyse réalisée en 2012 par Melby-Lervåg, Lyster et Hulme, qui porte sur 235 études,
confirme que la conscience phonémique est le meilleur prédicteur des différences interindividuelles au
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cours de l’apprentissage de la lecture (corrélation de .43 ). La synthèse du National Early Literacy
Panel conduite en 2008 rapporte un coefficient de corrélation très proche de. 42.
Melby-Lervåg, M., Lyster, S.-A. H., & Hulme, C. (2012). Phonological skills and their role in learning to
read: A meta-analytic review. Psychological Bulletin, 138(2), pp.322-352. doi:10.1037/a0026744.
National Early Literacy Panel, 2008 (Developing early literacy, Washington, National Institute for
Literacy, http://lincs.ed.gov/publications/pdf/NELPReport09.pdf).
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Les coefficients de corrélation se situent entre -1 et +1. Plus un tel coefficient tend vers +1, plus le lien positif est élevé. Ici le
lien entre conscience phonémique et niveau de lecture est très proche dans les deux grandes études citées.
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En résumé
● La conscience phonémique, la lecture et l’écriture sont étroitement liées : le développement
de la conscience phonémique favorise l’entrée dans l’apprentissage de la lecture-écriture.
● La conscience phonémique s’acquiert progressivement.
● La manipulation de phonèmes sans support écrit est un exercice très difficile : les lecteurs ont
tendance à mobiliser leurs connaissances de l’écrit pour réaliser des exercices de conscience
phonémique.
● Les entraînements phonémiques sont plus efficaces quand ils portent sur le lien oral-écrit
(lettres-sons par exemple) comparativement aux entraînements effectués uniquement à l’oral
ou avec des supports visuels comme des images.
« Pour pouvoir lire et écrire, les enfants devront réaliser deux grandes acquisitions : identifier les
unités sonores que l’on emploie lorsqu’on parle français (conscience phonologique) et comprendre
que l’écriture du français est un code au moyen duquel on transcrit des sons (principe
alphabétique). »
Programme d’enseignement de l’école maternelle, Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015.
Points d’attention :
- dispenser un enseignement progressif et adapté à l’âge des élèves :
« La connaissance et la manipulation des unités sonores de la langue française font l'objet d'un
enseignement progressif. Dès la petite section, la construction d'une conscience phonologique est
régulièrement travaillée. Elle se structure jusqu'à la grande section par des activités appropriées. »
Circulaire de rentrée 2019, Les priorités pour l'école primaire, note de service n° 2019-087 du 28-5-
2019.
- favoriser la métacognition. C’est en menant un enseignement explicite que le professeur amène les
élèves à prendre du recul sur ce qu’ils font et à comprendre les procédures en jeu :
« L’enseignant veille alors à expliquer aux enfants ce qu’ils sont en train d’apprendre, à leur faire
comprendre le sens des efforts demandés et à leur faire percevoir les progrès réalisés. » Programme
de l’école maternelle, Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015.
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- diversifier les activités de manipulation des unités de la langue pour développer chez les élèves des
opérations intellectuelles qui leur permettent d’acquérir et de mobiliser des procédures (fusion,
suppression, substitution, localisation).
Toutes les modalités d’apprentissage définies dans le programme sont mises au service du
développement de la conscience phonologique. Afin de favoriser l’implication des élèves dans les
tâches proposées, la modalité apprendre en jouant doit être envisagée conjointement avec les autres
modalités d’apprentissage.
« Dans toutes ces activités, le plaisir de jouer avec les mots doit demeurer un vecteur de motivation.»
Recommandations pédagogiques, L'école maternelle, école du langage, note de service n°2019-084
du 28-5-2019.
Apprendre en s’exerçant
Pour développer les habiletés phonologiques, les élèves ont besoin d’entraînement. Les activités
ritualisées favorisent l’appropriation. Des activités en autonomie prolongeant les situations dirigées
peuvent être proposées aux élèves dans un espace dédié au sein de la classe (par exemple, classer
les mots en fonction du nombre de syllabes sur le tableau, classer des mots en fonction de la règle
« j’entends/je n’entends pas » avec des fiches autocorrectives).
Les organisations sont variées en fonction des besoins et de l’avancée dans l’apprentissage.
Les activités dirigées peuvent être menées en grand groupe, en petit groupe :
- du grand groupe vers le petit groupe : le professeur garde avec lui les élèves qui en ont le plus
besoin ;
- du petit groupe vers le grand groupe : à partir d’un nouvel apprentissage introduit en petit groupe,
proposer des entraînements collectifs qui tiennent compte également de groupe de besoin.
Le petit groupe est à privilégier pour débuter un nouvel apprentissage ou pour les élèves les plus
fragiles.
Points d’attention :
- les activités phonologiques sont inscrites à l’emploi du temps ;
- les séances doivent être courtes et fréquentes ;
- le professeur se saisit des situations incidentes : propositions des élèves (par exemple :
« vendredi on entend comme dans Valentin »), ou autres occasions. Dans ce contexte, il veille à
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faire expliciter et à établir le lien avec les apprentissages ;
- les temps informels sont également mobilisés (par exemple, lors de l’appel ou lorsque les élèves
doivent partir de façon échelonnée « j’appelle les élèves dont le prénom commence par /s/ ».)
L’univers sonore est un domaine à investir pour faciliter le développement des habiletés
phonologiques. C’est un outil pour découvrir et jouer avec les sonorités et les unités de la langue. Les
jeux vocaux, les comptines, les chants, les jeux rythmiques, les jeux d’écoute soutiennent le
développement de la conscience phonologique tout au long de l’école maternelle. Les tâches
proposées peuvent avoir des degrés de complexité très différents.
« […] un autre intérêt des comptines et des formulettes apparentées réside dans le fait qu’elles
favorisent une approche ludique qui attire l’attention sur les unités distinctives de la langue et prépare,
de manière implicite puis explicite, le travail de structuration et les premiers traitements réflexifs. »
Extrait des Ressources pour l’école maternelle - Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions -
Partie II.3 - Le lien oral-écrit - Ressources pour la classe : démarches pour apprendre des comptines,
formulettes et jeux de doigts
Par ailleurs, les comptines (et dérivés) sont des supports très riches pour jouer avec les sonorités de
la langue et participer au développement des habiletés phonologiques. Les ressemblances sonores
(rimes, assonances, allitérations) peuvent être travaillées. À partir des comptines les élèves peuvent
repérer des mots qui se ressemblent, produire de nouvelles rimes, de nouvelles assonances. Leur
dimension rythmique permet également d’envisager la segmentation en syllabes.
Il est utile que le répertoire de comptines travaillées fasse l’objet d’une réflexion au sein du cycle en
s’appuyant sur un outil qui cible les objectifs poursuivis, les comptines mobilisables et les activités
proposées tout au long du cycle.
Enfin, l’articulation peut également être travaillée autour de comptines mobilisant des sons proches.
« Par les usages qu'ils font de leur voix, les enfants construisent les bases de leur future voix d'adulte,
parlée et chantée. L'école maternelle propose des situations qui leur permettent progressivement d'en
découvrir la richesse, les incitent à dépasser les usages courants en les engageant dans une
exploration ludique (chuchotements, cris, respirations, bruits, imitations d'animaux ou d'éléments
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sonores de la vie quotidienne, jeux de hauteur...). » Extrait du Programme d’enseignement de l’école
maternelle (arrêté du 18-2-2015 – Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015) :
3.1.2 Univers sonores :https://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940
Il est par exemple plus aisé d’identifier un phonème dans un mot lorsque l’on s’est amusé à le
reproduire en imitant un bruit (par exemple, en imitant le bruit de l’abeille [z] ou le bruit du vent [v], [f],
du serpent [s]…). Par la production on affine l’écoute et réciproquement. Les 36 phonèmes de la
langue française ne représentent qu’une infime partie des sons du monde.
Faire le lien entre l’éveil linguistique et la phonologie présente plusieurs intérêts. Lorsque les élèves
sont en contact avec une langue étrangère, ils sont amenés, par la comparaison des sonorités, à
envisager la langue comme objet, condition nécessaire aux activités phonologiques.
« […] en induisant une prise de recul, les LVE permettent une première perception du fonctionnement
du français, langue de scolarisation, avec ses spécificités. » Recommandations pédagogiques-Les
langues vivantes étrangères à l'école maternelle, note de service n° 2019-086 du 28-5-2019.
L’écoute et la prononciation de mots dans une langue vivante favorisent la mise en regard des
sonorités de cette langue avec celles du français.
Grâce à l’éveil linguistique, le panel des sons à disposition s’enrichit et les allers-retours qui peuvent
être menés entre une langue vivante et la langue française amènent à affiner la perception des sons
de notre langue.
Par ailleurs, l’élève peut mobiliser plusieurs capacités en découvrant des langues. Le professeur,
incitant l’élève à porter une attention particulière aux sonorités d’une langue qui n’est pas habituelle,
développe chez lui une écoute active. Il en est de même pour la prononciation des sons qui n’est pas
automatisée dans le cadre d’une langue vivante : il est nécessaire de faire des efforts d’articulation. Le
professeur profite de cette occasion pour faire prendre du recul à l’élève sur ce qui se passe
corporellement lors de l’émission de ces sons.
« Ainsi, s'exercer à répéter, à mettre en bouche, à articuler un mot ou un son d'une LVE en sentant du
bout des doigts ses cordes vocales vibrer sur le cou, en sentant avec la main l'air expulsé de la
bouche, la dureté d'un son dans la gorge ou le roulis d'un /r /, à prononcer des mots ou expressions
avec un air joyeux, étonné ou en feignant un air fâché permet d'entraîner les élèves à maintenir une
bonne capacité à discriminer à l'oral, à reconnaître, produire et reproduire des sons ou des mots, à
associer intonation et sens, tout en jouant avec le matériau linguistique en toute confiance. »
Recommandations pédagogiques-Les langues vivantes étrangères à l'école maternelle, note de
service n° 2019-086 du 28-5-2019.
Toutes ces activités, par le recul qu’elles autorisent sur la langue et par les liens qui peuvent être faits
avec les sonorités du français constituent un précieux point d’appui au développement de la
conscience phonologique.
Le programme de l’école maternelle de 2015 explique que « c’est à partir de trois-quatre ans qu’ils
peuvent prendre du recul et avoir conscience des efforts à faire pour maîtriser une langue et accomplir
ces efforts intentionnellement. On peut alors centrer leur attention sur le vocabulaire, sur la syntaxe et
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sur les unités sonores de la langue française dont la reconnaissance sera indispensable pour
apprendre à maîtriser le fonctionnement de l’écriture du français. »
La sensibilisation aux unités de la langue et la manipulation intentionnelle des unités de la langue sont
à distinguer.
Les attendus de fin de cycle dans le programme visent la syllabe et le phonème :
- repérer les régularités dans la langue à l’oral en français. Manipuler des syllabes ;
- discriminer des sons (syllabes, sons-voyelles, quelques sons-consonnes hors des consonnes
occlusives).
Programme d’enseignement de l’école maternelle (arrêté du 18-2-2015 – Bulletin officiel spécial n°2
du 26 mars 2015).
Ces compétences sont développées tout au long de l’école maternelle afin qu’elles soient maîtrisées
avant l’entrée au CP.
Pour « identifier les unités sonores que l’on emploie lorsqu’on parle français », le professeur amène
également l’élève à prendre conscience d’un autre niveau d’unités sonores : les mots.
Les mots
Isoler les mots dans la chaîne parlée n’est pas chose aisée puisqu’à l’oral les frontières entre les mots
n’apparaissent pas dans la langue française.
Le mot dans sa dimension orale constitue une suite de phonèmes qui, combinés entre eux, forment
des syllabes qui permettent d'accéder au sens du mot, contrairement aux syllabes et aux phonèmes
envisagés isolément. Le mot est repéré dans le flux de la parole parce qu’il relie immédiatement le
signifiant au signifié. Ainsi on distingue les mots poule et boule, non pas par une analyse consciente
des phonèmes /p/ et /b/ qui changent, mais par le sens. Plus l’élève a un stock de mots disponibles
important, plus il lui est facile de le repérer dans une phrase puisqu’il est identifié comme une unité de
sens.
Le mot dans sa dimension graphique est appréhendable par les espaces ou signes qui le séparent
des autres mots. Le lien oral-écrit constitue donc un appui précieux pour accéder à l’unité mot. Cette
notion, complexe jusqu’au CE1, est approfondie tout au long de l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture.
Isoler un mot dans la chaîne parlée (à l’oral puis progressivement à partir d’un support écrit)
A partir des comptines :
- vivre corporellement des comptines en faisant correspondre les gestes aux mots énoncés : « saute,
saute, saute » ; « frotte, frotte, frotte… » ;
- souligner les répétitions de mots ;
- compléter par le bon mot une phrase dite par le professeur (par exemple, une poule sur un…, qui
picotait du pain…) ;
- substituer un mot par un bruit, une onomatopée, un geste ;
Au-delà du plaisir d’écouter une comptine, de la dire, de la mimer, de jouer avec ses doigts, ses
mains, l’élève découvre les premiers rapports entre lettre et son. Le professeur guide l’observation en
balayant du doigt le texte et en lui associant le contenu vocal. Les mots sont progressivement pointés
les mots au fur et à mesure de leur récitation.
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A partir d’un mot puis d’une phrase énoncée en l’absence de support :
- repérer un mot dans une suite de mots ;
- changer le mot d’une phrase pour en modifier le sens (par exemple : le petit chaperon rouge, le petit
chaperon bleu, le grand chaperon rouge…) ;
- compter, marquer les mots d’une phrase énoncée oralement.
La dictée à l’adulte est de manière générale un moyen privilégié pour rendre visible les « frontières »
entre les mots. Le professeur profite des différentes occasions pour se mettre en scène lors de
l’écriture sous la dictée (par exemple, dire à l’élève, « je vais écrire la phrase que tu viens de dire ; je
vais écrire le premier mot ». Préciser certaines règles de ponctuation : « j’ai terminé ma phrase alors
je mets un point ». Il est très important, pour permettre la prise de conscience de la permanence de
l’écrit, que le professeur écrive les propositions des élèves. Reformuler est nécessaire. Le professeur
explicite les choix opérés. La phrase peut alors être redite par l’élève ou le professeur lui-même avant
de passer à l’écriture.
Points d’attention :
- - veiller à distinguer le déterminant et le nom pour ne pas laisser penser par exemple que le
ballon est un seul mot : leballon ;
- - procéder progressivement : modifier un mot à la fois dans un premier temps afin que l’élève
perçoive le mot qui change par rapport à la phrase de départ, lors d’activités d’identification des
mots comme unités de la parole.
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La syllabe
La syllabe se prononce en une seule émission de voix, c’est l’unité de la langue la plus facilement
perceptible.
« Toute syllabe contient une voyelle qui produit un son franc par elle-même lorsqu’on la prononce.
Prononcer des voyelles isolées est donc possible, ce qui n’est pas le cas des consonnes qui doivent
être en coarticulation avec les voyelles sans les voyelles, elles sont même imprononçables isolément.
Comme leur nom l’indique, elles “sonnent avec”. C’est à partir des syllabes /da/, /vou/, /mi/ que l’on
entend les phonèmes consonantiques et que l’on peut opérer la distinction avec /fa/, /nou/, /pi/.»
Extrait du guide Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP, MEN, p.22.
Les différentes manipulations (segmentation, suppression, fusion, localisation…) sont plus faciles
qu’avec les phonèmes. Lorsque l’élève comprend les procédures effectuées avec l’unité syllabe, il
peut alors les remobiliser lors du travail sur les phonèmes.
Exemples d’activités :
« Loto » : chaque élève dispose d’une planche de loto composée de cases dans lesquelles un nombre
de syllabes est imposé ; l’élève pioche une image, scande les syllabes du mot correspondant à
l’image, les dénombre pour gagner l’image et la poser sur sa planche.
« Devine à qui / à quoi je pense » : parmi les propositions suivantes chat, mouton, écureuil, trouver
que le maître du jeu pense au mot mouton à partir du codage des deux syllabes. Il est possible de
symboliser visuellement les syllabes (par exemple : cercles, bouchons, jetons), mais aussi de manière
auditive en frappant le nombre de syllabes avec ses mains ou avec un instrument.
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Exemples d’activités :
« La chasse à la syllabe » : proposer oralement une syllabe (par exemple, TO), puis la faire retrouver
dans une suite de syllabes, dans des mots, dans une phrase ou un texte court lu par le professeur.
Les élèves émettent un signal, défini en amont, et lèvent la main dès qu’ils l’entendent. Variante :
rechercher une syllabe donnée, entendue dans les prénoms de la classe, dans les mots familiers de la
classe.
- classer des mots selon la règle « j’entends/je n’entends pas la syllabe énoncée » (par exemple, ra
dans valise, caramel, caméra, tapis). La tâche est plus aisée lorsque la syllabe se situe au début ou à
la fin du mot ;
- localiser une syllabe dans un mot, la marquer avec un code déterminé préalablement (par
exemple, chercher pi dans papillon, coder la syllabe pi) ;
Exemples d’activités :
« Loto des syllabes » : dire une syllabe (par exemple, ta), mettre un jeton dans la case où se trouve
l’image du mot contenant la syllabe énoncée. Segmenter les images en fonction du nombre de
syllabes (par exemple, placer le jeton sur l’image du mot tapis, sous la première segmentation).
« Domino des syllabes » : à partir d’un jeu de domino-images lier l’image d’un mot qui se termine de la
même manière à une autre image comprenant la même syllabe en attaque (par exemple, micro -
crocodile).
Exemple d’activités :
« Trouver l’intrus » : énoncer des mots (avec ou sans support iconographique) contenant une même
syllabe en position initiale ou finale ainsi qu’un intrus (par exemple, bateau, banane, tapis, ballon).
Bien avant de repérer des phonèmes, il faut favoriser la découverte de ressemblances sonores qui ne
sont pas évidentes pour les jeunes élèves. La comptine permet cette prise de conscience.
L’organisation rythmique des rimes, la surcharge d’assonances ou d’allitérations, aident au traitement
formel du langage. Ces activités servent à faire entendre à l’élève que, dans le flux de parole, il y a
des unités plus petites que celles qui sont liées au découpage rythmique ou à la nécessité
respiratoire. Par exemple, quand une comptine aborde les jours de la semaine, l’élève peut repérer,
par la répétition, la segmentation de la syllabe di.
Un grand nombre de comptines et de formulettes nourrissent ces jeux sur les sonorités.
Certaines figurent dans les ressources pour l’école maternelle disponibles sur éduscol - Mobiliser le
langage dans toutes ses dimensions - Partie II.3 - Le lien oral-écrit - Comptines, formulettes et jeux
de doigts
16
Les jeux autour des rimes permettent d’être attentif à une sonorité plus petite que la syllabe. Très tôt
les jeunes élèves sont sensibles à ce qui « sonne » pareil. Le travail des comptines permet de les
initier à la perception de ce qui rime. Ainsi les élèves apprennent à repérer les mots qui riment, les
associent à d’autres mots qui riment (par exemple, «parmi les mots proposés, trouve le mot qui finit
comme… ») et produisent de nouvelles rimes.
Pour dissocier et discriminer des sons proches (consonnes fricatives : f/v, s/z, ch/j, s/ch...)
17
Le phonème
Tableau des 36 phonèmes du français, extrait du guide Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP
(page 17), Ministère de l’éducation nationale – avril 2018.
Le développement de la conscience phonémique est à amorcer tôt car elle est essentielle pour entrer
dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
« Pour apprendre à lire dans une écriture alphabétique, on doit utiliser les correspondances
graphème-phonème. Il faut donc avoir des capacités correctes de discrimination phonémique (être
capable de différencier bol de vol). Il faut aussi être capable de segmenter les mots oraux en
phonèmes pour comprendre les relations entre ces unités et les graphèmes. »
Liliane Sprenger-Charolles, Les débuts de l’apprentissage de la lecture en français, LPC-AMU-BRLI,
2017.
Le phonème étant la plus petite unité de la langue orale, il est donc plus complexe à isoler que la
syllabe. Lorsque l’on amorce avec les élèves le développement de la conscience phonémique, les
voyelles et les consonnes constrictives sont à privilégier car elles sont plus facilement perceptibles et
prolongeables.
Tableau extrait des ressources pour l’école maternelle disponibles sur éduscol - Mobiliser le langage
dans toutes ses dimensions-Partie II.2 - Le lien oral-écrit - Activités phonologiques au service de
l'entrée dans le code alphabétique (page 18).
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Quelques exemples d’activités d’apprentissage prenant en compte la progressivité de la petite
section à la grande section
Certains exemples de jeux sont extraits des ressources pour l’école maternelle disponibles sur
éduscol - Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions - Partie II.2 - Le lien oral-écrit - Activités
phonologiques au service de l'entrée dans le code alphabétique
Exemple d’activités :
« Qui suis-je ? » : reconnaître un mot à partir du bruitage de ses phonèmes (par exemple, retrouver le
mot ami à partir de la phonémisation exagérée « aaaa, mmmm, iiiii »).
Discriminer un phonème
- repérer un phonème dans une suite de phonèmes, mobiliser un signal défini en amont lorsqu’il est
entendu (par exemple, chercher /v/, parmi /s/, /v/, /r/) ;
Exemples d’activités :
« La chasse aux lettres » : à partir du phonème bruité par le professeur, retrouver par exemple dans
son prénom, la lettre correspondant.
« La chasse au phonème » : proposer un phonème (par exemple /f/), puis énoncer une suite de mots,
faire lever la main dès que le phonème est entendu. Variante qui complexifie la tâche : rechercher un
phonème présent dans les prénoms de la classe, dans les mots familiers.
- repérer le mot qui commence (ou se termine) par un phonème donné ou par le même phonème que
le mot cible, pratiquer des « chasses à l’intrus » ;
- classer des mots selon la règle « j’entends/je n’entends pas » (par exemple : /v/ dans ville, carnaval,
fil) ;
Le repérage du phonème est facilité lorsqu’il se situe au début ou à la fin du mot. On peut complexifier
la tâche en proposant des mots contenant des phonèmes proches /f/ et /v/ ; /s/ et /z/.
Exemple d’activités :
« Loto des phonèmes » : dire un phonème, placer un jeton sur le dessin contenant le phonème
énoncé (par exemple : /s/ dans tasse).
- localiser un phonème dans un mot, le mettre en évidence avec un code déterminé à l’avance (par
exemple : chercher /s/ dans sapin, coder le phonème dans la syllabe du mot symbolisé) ;
- trouver le phonème commun à une liste de mots ;
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Exemple d’activités :
« Trouver l’intrus » : proposer oralement des mots (avec ou sans support iconographique) comprenant
un même phonème placé en position initiale ou finale, ainsi qu’un intrus (par exemple : soleil, serpent,
valise, sac).
Points d’attention :
- utiliser un lexique précis et adapté aux élèves : mot, lettre, syllabe, rime (le terme son est utilisé
pour parler des phonèmes) ;
- segmenter des mots en syllabes à partir de syllabes orales ;
- privilégier les mots monosyllabiques pour travailler la conscience phonémique ;
- aider les élèves à discriminer les phonèmes en les prolongeant et exagérant l’articulation ;
- mobiliser des mots familiers pour faciliter la mise en mémoire ;
- s’assurer de la connaissance du lexique lors du recours aux images ;
- travailler le nom sans déterminant lors des tâches portant sur les mots isolés ;
- harmoniser la symbolisation des mots, des syllabes et des phonèmes, en équipe pédagogique, de
la maternelle jusqu’au CP.
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Focus 1 | Évaluation des habiletés phonologiques
Extrait des ressources pour l’école maternelle disponibles sur éduscol - L’évaluation à l’école
maternelle (page 8) - Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions - L’oral : commencer à réfléchir
sur la langue et acquérir une conscience phonologique - https://éduscol.education.fr/cid97131/suivi-et-
evaluation-a-l-ecole-maternelle.html
Prévenir les difficultés en aidant ceux qui éprouvent des difficultés persistantes malgré ces
pratiques
Des éléments de réponse sont apportés par les trois études françaises réalisées durant la dernière
décennie. Elles sont présentées ci-dessous. Elles montrent que des interventions ciblées, c'est-à-
dire des interventions qui se focalisent sur les domaines langagiers prédicteurs de la réussite en
lecture (étude 1) ont un effet significatif :
- à court terme, (par exemple en GS, étude 2) comparativement à un groupe contrôle sans
interventions ciblées ;
- à moyen terme, ces interventions ciblées ont un effet significatif en lecture en CP (étude 3).
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Le temps des interventions ciblées mériterait d'être augmenté pour les élèves éprouvant des difficultés
persistantes ou dont la progression est lente en mettant en place des ateliers en fonction des profils
langagiers des élèves.
En d'autres termes, une prévention des difficultés devrait s'accompagner de pratiques pédagogiques
différenciées selon le profil des élèves. Les interventions ciblées en ateliers seront développées en
fonction du niveau des élèves dans différents domaines évalués (phonologie, lettres, notamment). Il
ne s'agit pas de remédier aux difficultés mais d'adapter les exercices et le temps qui leur est consacré
pour que l'enseignement cible précisément les besoins des élèves, afin qu’ils réussissent selon leur
rythme.
Les trois études françaises suivantes portent sur les entraînements phonologiques dès l’école
maternelle. Dans ces études les élèves du groupe expérimental qui ont bénéficié de l’entraînement
présentent des progrès sensibles sur les habiletés ciblées contrairement aux élèves du groupe
témoin. Ces résultats plaident en faveur de la pertinence de tels entraînements pour prévenir les
difficultés d’apprentissage de la lecture.
Étude 1
Le programme PARLER (Parler, Apprendre Réfléchir, Lire Ensemble pour Réussir) est un programme
général de prévention des difficultés scolaires qui vise spécifiquement le développement du langage
et de la lecture. Ce programme comporte des entraînements phonologiques mis en place auprès
d’élèves de GS scolarisés dans des zones socialement défavorisées. Les entraînements à la
conscience phonologique visaient la prise de conscience des différentes unités phonologiques (rimes,
syllabes et phonèmes) à partir d’exercices de détection, de segmentation, de fusion et de
suppression.
Michel Zorman, Pascal Bressoux, Maryse Bianco, Christine Lequette, Guillemette Pouget, Martine
Pourchet (2015). "PARLER": un dispositif pour prévenir les difficultés scolaires. Revue Française de
Pédagogie, 193, 57-76.
Étude 2
Une recherche conduite auprès de 3596 élèves de GS a repris des outils identiques à ceux du
programme PARLER. Les résultats confirment que les enfants des classes qui ont bénéficié
d’entraînements ciblés dont la recherche a montré l’efficacité (fondés sur des preuves) progressent
significativement plus dans les domaines entraînés comparativement aux classes témoins (sans
interventions ciblées).
Dans cette étude le but de l’entraînement à la conscience phonologique était de stimuler l’écoute de
mots, l’analyse segmentale, la mémoire verbale. Différentes unités linguistiques (rimes, syllabes et
phonèmes) étaient impliquées dans deux niveaux de compétences phonologiques : le traitement
implicite visant une sensibilité phonologique et le traitement explicite visant des connaissances
métaphonologiques. Au total, 36 exercices ont été effectués. Les exercices visant la sensibilité
phonologique portaient sur la discrimination des unités telles que la syllabe et la rime (par exemple,
trouver des mots qui partagent les mêmes unités, décomposer le mot en syllabes ou fusionner les
syllabes pour former un mot). Les exercices visant les connaissances méta-phonologiques étaient
axés sur la conscience phonémique et l’appariement lettre-son (par exemple, suppression et fusion de
phonèmes, segmentation des syllabes en phonèmes et correspondance avec les unités
orthographiques).
Jean Ecalle, Hélène Labat, Marion Le Cam, Thierry Rocher, Laurent Cros, Annie Magnan (2015).
Evidence-based practices to stimulate emergent literacy skills in kindergarten in France: A large scale
study. Teaching and Teacher Education, 50, 102-113.
22
Étude 3
Cette étude portait sur 637 enfants suivis pendant trois ans, de la moyenne section de maternelle au
cours préparatoire. Elle visait à étudier les effets d’un entraînement phonologique et d’entraînements
à la compréhension en école maternelle. Les entraînements phonologiques en moyenne (MS) et
grande section (GS) de maternelle ont eu lieu pendant 12 semaines consécutives par an à raison de
deux séances de 20 minutes par semaine. Ils ont été effectués en petits groupes de 4 à 7 enfants de
niveaux phonologiques proches. En MS l’entraînement phonologique était centré sur des tâches de
sensibilité phonologique, répétition de pseudo-mots et discrimination phonémique, sur des tâches de
conscience syllabique (segmentation de deux ou trois mots syllabes, identification ou correspondance
des syllabes initiales et finales, localisation d'une syllabe dans un mot, combinaison de syllabes pour
former des mots, suppression de la syllabe initiale ou finale d'un mot) et des tâches de sensibilisation
à la rime. En GS les entraînements ont été axés sur la conscience phonémique et la correspondance
lettre-son. Après avoir passé en revue les syllabes et les rimes, des activités de sensibilisation
phonémique ont été combinées à des activités d’appariement lettre-son consistant à associer
graphèmes et phonèmes, décomposer les syllabes en phonèmes, identifier et associer les phonèmes
initiaux, puis fusionner les phonèmes.
Les résultats montrent un effet de l'entraînement en moyenne et grande section sur les capacités
phonologiques de lecture-écriture au CP. De plus, les enfants qui ont le plus bénéficié de
l’entraînement sont ceux qui avaient les scores les plus faibles en habiletés phonologiques en
moyenne section.
Cette étude montre que l’on peut entrainer précocement les habiletés phonologiques, dès la moyenne
section. Une des caractéristiques de cette étude est que l’entraînement ciblé sur le phonème a porté
en moyenne section de maternelle sur une tâche de discrimination phonémique et en grande section
de maternelle sur une tâche de segmentation phonémique et sur l’association lettres-sons.
Maryse Bianco, Pascal Bressoux, Anne-Lise Doyen, Eric Lambert, Laurent Lima, Catherine Pellenq,
Michel Zorman. (2010). Early training of oral comprehension and phonological skills at preschool: The
results of a 3 years longitudinal study. Scientific Studies of Reading, 14(3), 211-246.
En résumé
● L’entraînement à la conscience phonologique qui se centre sur les unités de traitement des
sons de parole (syllabe, rime, phonème) et leur manipulation, se distingue de l’entraînement à
la conscience phonémique qui se centre sur la relation graphème-phonème.
● Les entraînements de manipulation phonémique et de mise en lien des graphèmes avec les
phonèmes sont les plus pertinents pour entrer dans l’apprentissage de la lecture et l’écriture.
23
CHAPITRE 2 : DE L’ORAL À L’ÉCRIT - DÉCOUVRIR LE PRINCIPE
ALPHABÉTIQUE
Cette seconde partie insiste sur l'apprentissage des lettres dans leurs différentes composantes (nom,
forme et son). Le travail autour de la lettre (rapports nom/son de la lettre et sa graphie) constitue un
enjeu essentiel à l’école maternelle. La recherche souligne en effet l’importance de la connaissance
des lettres et de son caractère prédictif pour la réussite des apprentissages en lecture et en écriture à
l’école élémentaire.
« L’une des conditions pour apprendre à lire et à écrire est d’avoir découvert le principe alphabétique
selon lequel l’écrit code en grande partie, non pas directement le sens, mais l’oral (la sonorité) de ce
qu’on dit. Durant les trois années de l’école maternelle, les enfants vont découvrir ce principe (c’est-à-
dire comprendre la relation entre lettres et sons) et commencer à le mettre en œuvre ».
Programme d’enseignement de l’école maternelle, Bulletin officiel spécial n°2 du 26 mars 2015.
Les travaux de la recherche scientifique montrent clairement depuis quelques décennies que la
connaissance des lettres est un prédicteur précoce puissant de la réussite en lecture-écriture. Des
études de type corrélationnel mettent en évidence le lien positif, fort et récurrent existant entre les
deux. D'autres travaux de type causal montrent qu'une stimulation de la connaissance des lettres
(nom et/ou son) chez les jeunes élèves avant l'enseignement formel du code contribue à faciliter
l'accès au principe alphabétique et à sa compréhension. Il s'agit ici de présenter des travaux illustrant
l'importance de l'apprentissage précoce des lettres et de leur utilisation dans leurs différentes
dimensions pour aider le jeune élève à accéder au principe alphabétique, base de l'apprentissage de
la lecture-écriture. Dans cet apprentissage, doivent être distinguées la connaissance du nom des
lettres, celle de leur valeur phonémique et enfin celle relative à leur forme graphique. Dans ce dernier
cas, la connaissance de la forme s'appuie sur deux modalités qui tiennent compte de la composante
visuelle (reconnaître que telle forme graphique est une lettre ou pas) et de la composante motrice
(l'élève peut la reproduire, ce qui relève de la production écrite).
La connaissance du nom des lettres facilite également l’accès au son de la lettre. Elle ne permet pas
de connaître les relations graphèmes-phonèmes dans leur totalité mais elle constitue un premier pas
vers l'accès à la représentation phonémique portée par la lettre (par exemple, la connaissance du
nom de la lettre P facilite l'accès au phonème /p/). On observe que pour les voyelles l'accès au
24
phonème est facilité puisque le nom de la lettre comporte le phonème et qu'il peut être produit de
façon isolée (A = /a/) alors que pour les phonèmes consonantiques, le phonème est en position initiale
(P = /pé/) ou en position finale (L = /èl/). Enfin, il a été observé que la connaissance du nom des lettres
du prénom est supérieure aux lettres qui n'y figurent pas. En outre, sans surprise c'est la première
lettre du prénom qui est la mieux connue.
Point d’attention :
Peuvent être enseignés conjointement nom et « bruit » de la lettre car la connaissance des voyelles
les plus fréquentes a, e, i, o, u ne pose pas difficulté puisque leur nom est identique au phonème
correspondant. Cependant la question se pose pour les consonnes isolées car elles ne produisent
pas de son. Pour leur donner un nom prononçable il est nécessaire de les combiner avec une
voyelle placée avant (F, L, M, N, R, S, X) ou après (B, C, D, G, J, K, P, Q, T, V) ; d’où la différence
entre nommer une lettre et la faire « sonner ».
Dans une étude réalisée auprès d'enfants de Moyenne Section, deux groupes sont constitués, l'un
Connaisseur des lettres (C) et un autre non Connaisseur (nC). Après un renforcement sur 5 semaines
du groupe C sur 4 lettres cibles L, P, S, T pour les nommer et les écrire en lettres d'imprimerie, deux
tâches sont proposées, l'une de production orthographique et une autre portant sur les habiletés
phonologiques. Le groupe C obtient des performances supérieures au groupe nC dans une tâche de
production orthographique où il s'agissait de produire un pseudo-mot (écrire téva) et dans une tâche
d'extraction syllabique dans un mot. Les auteurs concluent que les activités stimulant la connaissance
du nom des lettres ont permis aux jeunes enfants du groupe C d'établir les premiers liens entre l'oral
et l'écrit, ces activités ayant stimulé en même temps leurs habiletés phonologiques.
Catherine Biot-Chevrier, Jean Ecalle, Annie Magnan (2008). Pourquoi la connaissance du nom des
lettres est-elle si importante dans l’apprentissage de la langue écrite ? Revue Française de
Pédagogie, 162, pp.15-27.
Composante visuelle
La connaissance des lettres de l'alphabet suppose que l’élève distingue :
- les lettres des signes visuels conventionnels, utilisés dans son environnement écrit proche ;
- les lettres des chiffres ;
- les lettres utilisées en français de celles utilisées dans une autre langue selon un alphabet différent
(par exemple : arabe, cyrillique), pour les élèves d'un milieu bi-culturel.
Composante motrice
Connaître une lettre, c'est aussi savoir la tracer. De nombreux travaux insistent sur les différentes
modalités sensorielles constitutives de son apprentissage, facilitant son stockage en mémoire.
Globalement, les recherches montrent qu'une activité de traçage de lettres (surlignage, copie, etc.)
permet à l’élève de mieux les mémoriser contrairement au fait de les taper sur un clavier.
25
Par ailleurs, d'autres études, nombreuses, montrent qu'une exploration haptique des lettres et/ou une
exploration motrice accompagnée d'exercices phonologiques contribue à un meilleur apprentissage
des lettres et a un effet sur la procédure de décodage (lire ou écrire des syllabes). Par le toucher,
l’élève s’exerce à décrire et nommer les lettres en recourant à la mémoire kinesthésique.
Exemple d’activité :
Dans une boîte sont dissimulées des lettres en relief. L’élève introduit ses mains dans des trous et doit
à l’aveugle essayer de reconnaître la lettre qu’il tient en main. Il s’exprime sur ses caractéristiques et
la sort de la boîte pour vérifier son hypothèse. Le nombre de lettres varie en fonction de l’habileté de
l’élève. Quand la connaissance des lettres s’affine, il est possible de proposer l’exercice en mêlant des
lettres qui se ressemblent (E, B, F par exemple).
La plupart de ces recherches ont impliqué des élèves de GS, qui de ce fait n’ont pas encore été
confrontés à l'enseignement systématique du code. Ces activités de stimulation multi-sensorielle
semblent avoir un effet persistant sur l'apprentissage des lettres, leur nom, leur son ainsi que leur
tracé.
L'acquisition de cette composante motrice est constituée de programmes moteurs inhérents aux
gestes d'écriture. Ces gestes doivent être automatisés pour devenir peu coûteux cognitivement. C'est
dans ces conditions d’entraînements réguliers, inscrits dans des situations variées (supports, outils
pour écrire, implication du corps dans sa globalité) que les gestes liés à la production des lettres
deviennent progressivement plus fluides. La fluidité du geste d’écriture automatisé libère des
ressources cognitives pour des processus de plus haut niveau relatifs à la production orthographique,
à la planification de textes. En cela, les activités d'écriture se distinguent clairement des activités de
dessin et de graphisme : savoir écrire, c'est automatiser des gestes moteurs liés à la réalisation de
formes graphiques conventionnelles, les lettres, quelles que soient leur forme et leur taille. Toutefois,
un certain nombre de gestes graphiques de base (ronds, boucles ascendantes et descendantes, traits
horizontaux et verticaux) sont essentiels pour maîtriser le tracé des lettres. Les activités de graphisme
n'ont pas pour but de représenter un code conventionnel porteur de sens, au contraire des activités
d'écriture de lettres qui seront ensuite associées pour former des mots.
Dans la seconde étude, à nouveau réalisée auprès d'enfants de GS, l'objectif était de tester quelles
modalités sensorielles pouvaient stimuler le plus favorablement le principe alphabétique. Cinq groupes
ont été constitués : le groupe V bénéficiait d'un entraînement sur le traitement visuel des lettres, le
26
groupe H d'un traitement haptique, le groupe G d'un traitement grapho-moteur (surlignage), et deux
autres groupes avaient une double stimulation, VH et VG. Tous les groupes bénéficiaient d'exercices
phonologiques. Les résultats montrent que les groupes VH et VG obtiennent des performances
supérieures dans deux tâches, l'une de lecture et l'autre d'écriture de pseudo-mots. En outre, ces
gains de performances persistent à moyen terme, soit 4 mois après. Enfin, il a été observé un effet de
transfert sur des lettres non entraînées pendant les sessions. Ces résultats plaident en faveur d'une
approche multisensorielle pour aider les enfants à apprendre les lettres pour comprendre et utiliser le
principe alphabétique.
Hélène Labat, Guillaume Vallet, Annie Magnan, Jean Ecalle (2015). Facilitating effect of multisensory
letter encoding on reading and spelling in 5-year-old children. Applied Cognitive Psychology, 29(3),
pp.381-391.
En résumé
● Les activités autorisant la connaissance du nom des lettres constituent une première
approche du principe alphabétique. Elles installent chez l'élève des procédures de décodage
et d'encodage constitutives des processus de lecture et d'écriture de mots.
● Une approche multisensorielle favorise l'apprentissage des lettres : les modalités haptiques et
graphomotrices couplées aux exercices phonologiques favorisent la compréhension du
principe alphabétique et son utilisation.
Dès son entrée à l’école maternelle, l’élève manifeste de la curiosité par rapport à l’écrit. Le
professeur développe cet intérêt continuellement en l’amenant à observer de plus en plus finement les
écrits qu’il rencontre.
« Quand l’enfant comprend que le mot est lui-même constitué d’unités sonores segmentables
(syllabes, rimes, attaques éventuellement), l’attention peut se porter sur le repérage des unités plus
petites – les lettres – dans leur rapport avec les sons : les phonèmes. »
Recommandations pédagogiques « L’école maternelle, école du langage », note de service n°2019-
084 du 28-5-2019.
La reconnaissance de toutes les lettres de l’alphabet et de leur correspondance dans les diverses
graphies (cursive, script et capitale d’imprimerie) est une compétence attendue des élèves à la fin de
l’école maternelle. Reconnaître les caractéristiques de chaque lettre de manière isolée est primordial.
La graphie en lettres capitales marque une première prise de conscience de l’unité de chaque lettre.
Cependant chaque lettre doit être connue par ses trois composantes : nom, forme graphique et son.
La mémorisation du nom des lettres et du son qu’elles produisent passe par différentes activités
proposées aux élèves durant leur scolarité à l’école maternelle. Les premières prennent appui sur un
mot ayant un fort pouvoir affectif : le prénom. L’élève rencontre quotidiennement cet écrit singulier
présent sur l’étiquette-prénom, sur le tableau des présences, au-dessus du porte-manteau.
27
« Le prénom est un support privilégié pour mettre en évidence la permanence des lettres et de leur
alignement de gauche à droite. Dans un premier temps, la graphie en lettres capitales permet de
mieux prendre conscience de l’individualité de chaque lettre. »
Recommandations pédagogiques « L’école maternelle, école du langage », note de service n°2019-
084 du 28 -5-2019.
Dès la petite section, le professeur amène l’élève à identifier son prénom écrit en capitales
d’imprimerie en prenant des repères visuels (forme de la majuscule, longueur du mot, nombre de
lettres, point sur un I, accent, graphie particulière comme le X ou le H, dernière lettre, trait d’union…).
Ces repères sont repris pour l’identification d’autres prénoms. Les lettres récurrentes qui composent le
prénom des élèves sont tout d’abord identifiées. Les élèves sont progressivement en capacité de les
reconnaître toutes. Il ne s’agit pas de viser l’exhaustivité au départ.
Les activités de catégorisation contribuent à susciter chez les élèves une attention fine portée aux
lettres composant le prénom. Le classement des prénoms après le repérage de l’initiale de chaque
prénom ou celui de plusieurs prénoms qui ont une lettre commune, des prénoms qui ont deux lettres
identiques, des lettres doubles ou espacées dans le mot, sont des activités possibles.
La phonémisation d’un mot est une activité propice pour apprendre le son des lettres. Elle permet
de développer la sensibilité phonémique de l’élève. Par exemple, le professeur place devant l’élève
Sarah l’étiquette de son prénom et prononce devant elle le son de chaque lettre en les pointant au fur
et à mesure. Le professeur peut y associer simultanément le nom des lettres : « S, /s/, A, /a/, R, /r/, A,
/a/ et la lettre H qui ne s’entend pas ». Le professeur « étire » le son /s/ ce qui permet à l’élève de
mieux appréhender le son de cette consonne. Sarah dit le son des lettres « /s/ /a/ /r/ /a/ et la lettre qui
ne s’entend pas ». Pour l’élève de petite section, le premier mot travaillé est le prénom mais d’autres
mots sont également support de phonémisation lorsque l’orthographe du prénom est complexe et
qu’elle met l’élève en difficulté.
Exemple de mise en œuvre : http://www.ien-rosny-sur-seine.ac-versailles.fr/spip.php?rubrique95
Les mots familiers : jours de la semaine, mois de l’année, mots en lien avec les projets de classe,
titres d’album, personnages servent également de supports pour faire prendre conscience à l’élève
que les unités sonores et graphiques sont liées entre elles.
De nombreuses ressources pour la classe offrent des situations de jeu qui permettent de mettre en
évidence les rapports lettre/ son dont la ressource d’accompagnement pour l’école maternelle -
Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions - Partie III.2 - L’écrit - Découvrir le principe
alphabétique : https://cache.media.éduscol.education.fr/file/Langage/39/8/Ress_c1_langage_ecrit_principe_45
6398.pdf
28
Les règles du jeu y sont décrites.
Quelques exemples d’activités possibles pour mémoriser le nom des lettres et leur son :
- le jeu de l’ophtalmo : à partir de l’alphabet d’ophtalmologiste lettres de tailles et typographies
différentes, jouer le rôle du patient dont l’ophtalmologiste teste la vue en nommant les lettres et/ou les
bruitant au fur et à mesure que l’ophtalmologiste les pointe ;
- le jeu de l’oie des lettres : se déplacer sur la piste à l’aide d’un dé. Nommer et bruiter la lettre
représentée dans la case sur laquelle arrive le pion. Rester dans cette la case lorsque la réponse est
correcte. Reculer d’une case dans le cas contraire ;
- la commande de lettres : commander des lettres auprès d’un autre élève en indiquant leur nom et
en produisant leur son.
Points d’attention :
- proposer des activités courtes, structurées, régulières, variées, adaptées aux capacités des élèves
pour stabiliser les apprentissages ;
- rappeler systématiquement les finalités de l’apprentissage : « j’apprends à dire le nom et le son des
lettres pour apprendre à lire et à écrire tel mot » ;
dire systématiquement nom et son de la lettre. Un élève qui ne connaît que le nom de la lettre /r/
peinera à comprendre que RO fait /ro/ et non /èr-o/ ; employer et faire employer le lexique spécifique
: texte, ligne, phrase, majuscule, mot, syllabe, lettre, son ; travailler les sons voyelles et les sons
consonnes afin de ne pas induire de confusion entre nom et son ;
- travailler les proximités phonologiques pour renforcer la discrimination orale des mots proches
phonologiquement (par exemple, pour/tour, fol/vol). Avec les élèves de grande section, introduire les
proximités phonologiques visuelles (p-b, b-d) : poule/boule, bal/dalle ;
- privilégier le travail en petit groupe pour pouvoir accorder une attention toute particulière aux
productions de chaque élève. Constituer les maisons des sons à partir de mots relevant du
vocabulaire de la classe et comprenant des graphèmes-phonèmes réguliers afin de mettre en
évidence la correspondance nom / son.
La comptine
Les comptines permettent aux élèves d’entrer dans la découverte de l’écrit. Elles sont des supports
permettant d’atteindre les compétences attendues dans le domaine de l’écrit à l’école maternelle.
De nombreuses ressources pour la classe offrent des situations de jeu qui permettent de mettre en
évidence les rapports lettre/ son dont la ressource d’accompagnement pour l’école maternelle :
disponible sur éduscol - Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions - Partie II.3 - Lien oral-écrit -
Comptines formulettes et jeux de doigts (page 11) Partie II.3 - Le lien oral-écrit - Comptines,
formulettes et jeux de doigts
Cette ressource d’accompagnement pour l’école maternelle précise que l’élève peut :
- « établir des correspondances entre mot oral et mot écrit en pratiquant des activités de
production (le texte mémorisé peut être dicté par les élèves et écrit par le professeur) et de réception
(balayer du doigt le texte en lui associant le contenu sonore, pointer les mots tout en récitant...) pour
découvrir l’orientation de l’écrit , la permanence de l’écrit , le lien entre la quantité d’oral entendue et la
quantité d’écrit vue , la segmentation de la chaîne orale en mots. »
29
- en observant et comparant les longueurs de texte, la mise en page, les répétitions, la mise en
ligne, la typographie, la ponctuation...;
- en établissant des analogies et des différences entre des titres ;
- en observant et comparant, pour les plus grands, les mots utilisés, les onomatopées, certaines
syllabes ou lettres connues. »
L’alphabet
La comptine de l’alphabet constitue un support écrit de repérage des lettres qui permet aux élèves de
retrouver le nom ou la graphie d’une lettre. L’affichage d’un alphabet dans les classes de moyenne et
grande section dans les trois graphies est indispensable.
« Les lettres doivent être reconnues grâce à leurs caractéristiques et indépendamment de la place
qu’elles occupent dans l’alphabet. » Recommandations pédagogiques « L’école maternelle, école du
langage », note de service n°2019-084 du 28 -5-2019.
La connaître est un préalable pour apprendre le nom des lettres mais cela ne suffit pas. Réciter
l’alphabet de A à Z ne signifie pas que l’élève soit capable de nommer les lettres de manière isolée ou
lorsqu’elles sont dans le désordre. C’est pourquoi se détacher progressivement de l’alphabet est
nécessaire pour être en capacité réelle d’identifier les lettres. Dans le cadre d’un apprentissage
progressif et régulier, le professeur diversifie les activités proposées : faire nommer les lettres de
l’alphabet qu’il a lui-même maintes fois répétées, dans l’ordre (à partir du début, du milieu), dans le
désordre et à rebours (à partir de la fin) successivement dans les différentes graphies (capitales,
scripte et cursive).
L’abécédaire
Supports culturels, les abécédaires en classe concourent à faire connaître les lettres de l’alphabet : ils
permettent d’approcher la notion d’initiale d’un mot et le sens de lecture.
« En fonction du sujet retenu, les enfants regroupent les mots trouvés et écrits en distinguant leur
première lettre. Quand deux mots partagent une initiale identique qui produit un son différent
(Amadou et Aurélien ou Corentin, Charlotte, Cynthia), l’enseignant devra verbaliser, faire observer
qu’une même lettre peut produire des sons différents en fonction des autres lettres qui la suivent. Il ne
cherchera pas, dans ce cas, à établir une relation précise lettres/sons, ni à être exhaustif. »
Ressources pour l’école maternelle disponibles sur éduscol - Partie III.2 - L’écrit - Découvrir le principe
alphabétique pages 14, 15, 16 Partie III.2 - L'écrit - Découvrir le principe alphabétique
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Les élèves peuvent comparer ce qui est écrit à l’écran avec le modèle dont ils disposent pour relever
les différences. Il veille à ce que les binômes constitués échangent leur rôle. La lecture à voix haute
par le professeur permet de vérifier la réussite de l’activité.
Le professeur observe les élèves en train d’écrire afin d’évaluer la maîtrise des compétences
attendues. Il vérifie la connaissance des lettres et repère celles pour lesquelles un renforcement est
nécessaire. Suite aux observations, il organise des groupes de travail tenant compte des besoins des
élèves sur des temps précis : à l’accueil, dans le cadre d’un atelier spécifique en classe ou des
activités pédagogiques complémentaires (APC).
Quelques observables
Dans le cadre de l’évaluation des progrès de l’élève, les éléments ci-dessous peuvent servir
d’observables selon le niveau des élèves. L’élève commence à réussir ou réussit régulièrement à :
- identifier les différents textes sans illustration ;
- comparer les longueurs de texte, la mise en page, les répétitions, la mise en ligne, la typographie, la
ponctuation ;
- établir des analogies et des différences entre des titres ;
- observer et comparer, pour les plus grands, les mots utilisés, les onomatopées, certaines syllabes ou
lettres connues ;
- distinguer des sons proches.
Il est indispensable de distinguer les exercices graphiques de l’écriture bien qu’il soit nécessaire de
proposer aux élèves des situations qui leur permettent de travailler le graphisme avant de les inscrire
dans des apprentissages plus techniques.
L’apprentissage du tracé des lettres se fait progressivement. Cet enseignement nécessite de prendre
en compte la maturité graphique des élèves. A ce titre, « l’écriture régulière du prénom fournit une
occasion de s’y exercer, les enfants ayant un moindre effort de mémoire à fournir et pouvant alors se
concentrer sur la qualité du tracé. » Programme d’enseignement de l’école maternelle, Bulletin officiel
spécial n° 2 du 26 mars 2015.
Le professeur veille au bon tracé des lettres. Il prend soin d’écrire sous le regard de l’élève en
nommant successivement les lettres qu’il écrit les unes après les autres et attire l’attention des élèves
sur le sens du tracé d’écriture pour qu’ils prennent conscience que :
- l’écrit code de l’oral ;
- le sens de l’écriture s’effectue de gauche à droite ;
- respecter l’ordre des lettres est important.
« Parallèlement à l'enseignement de l'acte moteur, l'enseignant attire l'attention des élèves sur l'ordre
des lettres et sur les conséquences du respect ou non de cet ordre. » Recommandations
pédagogiques « L’école maternelle, école du langage », note de service n°2019-084 du 28 -5-2019.
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Apprentissage des correspondances entre les lettres capitales, scriptes et cursives
PS → MS → GS
Apprentissage des lettres Correspondance entre lettres Correspondances entre lettres
capitales capitales et lettres scriptes capitales, lettres scriptes et
lettres cursives
L’élève garde en mémoire ce qu’il a vécu corporellement (mémoire sensorimotrice). Le passage par
l’écriture des lettres va donc favoriser leur mémorisation et le lien existant entre nom, son et
graphie : un lien existe entre l’apprentissage haptique et l’apprentissage grapho-moteur. Le toucher
des lettres de diverses matières (par exemple, mousse, bois) concourt à l’acquisition de leur nom et
de leur son.
Point d’attention :
Mobiliser l’écrit pour soutenir la perception du phonème :
- choisir soigneusement le corpus de mots travaillés pour présenter une transcription de phonèmes-
graphèmes simples et renforcer le lien entre lettres et sons sans le complexifier ;
- privilégier la régularité pour favoriser la mémorisation sans passer sous silence la rencontre avec
des graphèmes complexes ;
- faire écrire les élèves en favorisant les allers-retours entre l’oral et l’écrit : l’encodage d’un mot, par
exemple, renforce la discrimination des phonèmes qui le composent. Les élèves s’attardent
davantage sur les phonèmes du mot lorsqu’ils essaient de l’écrire : ils répètent le mot lentement et
essaient de prolonger les phonèmes pour retrouver les lettres auxquelles ils correspondent.
L’observation instrumentée des acquis des élèves permet d’apprécier les progrès réalisés. Le
professeur garde des traces des apprentissages (photographie, écrit…) régulièrement pour percevoir
leur évolution. Une synthèse des acquis rend compte des progrès de l’élève dans le carnet de suivi
des apprentissages. Dans le cadre d’une co-évaluation, il associe l’élève de moyenne et grande
section.
Les affichages sont visibles et lisibles par les élèves à hauteur de 1 mètre. Les lettres de l’alphabet
illustrées par des images représentant un objet ou un animal dont l’initiale correspond à l’initiale du
mot sont explicite pour les élèves. L’alphabet a été construit avec les élèves qui ont proposé les
référents.
Des reproductions d’œuvre d’art typographique peuvent trouver leur place sur les murs de la classe.
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Points d’attention :
- adapter le mobilier à la taille de l’élève ;
- proposer les situations d’écriture en groupe restreint ;
- être vigilant à la tenue du crayon et à la posture de l’élève lorsque celui-ci écrit : dos droit, mains
posées sur la table. Il est important d’être à ses côtés notamment lors des situations d’apprentissage;
- prendre en compte l’élève gaucher : l’installer à la gauche d’un droitier, placer le modèle d’écriture
de façon à ce qu’il reste visible au moment où l’élève écrit ;
- faire produire des traces sur de grands supports qui seront progressivement réduits ;
- faciliter la transition entre l’école maternelle et l’école élémentaire, en transmettant certains outils ;
d’élèves au professeur de CP (les mots de la classe, les textes des comptines, des dictées à l’adulte,
quelques productions autonomes d’écrits, par exemple).
L'évaluation peut s'appuyer sur différentes tâches portant sur la connaissance de l'alphabet, du nom
et du son des lettres. La première consiste à réciter la comptine alphabétique ; les deux autres
relèvent soit d'un processus de « reconnaissance » (reconnaître un item présenté), soit d'un
processus de « rappel » (retrouver en mémoire un item). Les performances dans ces trois tâches sont
fortement corrélées et chacune possède sa propre spécificité. À noter que les performances dans une
tâche de reconnaissance sont très souvent plus élevées que celles obtenues dans une tâche de
rappel.
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Consonne-Voyelle-Consonne-Voyelle (CVCV) est conseillée : l'élève ne peut s'appuyer sur
l'orthographe éventuellement connue des mots choisis par le professeur. Il se trouve dans une tâche
typique d'encodage phonologique.
« Toutes les activités d’écriture, en permettant de faire le lien entre l’oral et l’écrit, fournissent un
support important pour la construction du principe alphabétique.
Dès la moyenne section et plus encore en grande section, les tentatives d’écriture doivent être
encouragées et provoquées, car c’est dans les activités d’écriture que les enfants sont obligés de
s’interroger sur les composantes de l’écrit et sur ce qui distingue les mots entre eux : « Les enfants
ont en effet besoin de comprendre comment se fait la transformation d’une parole en écrit, d’où
l’importance de la relation qui va de l’oral vers l’écrit. »
Extrait des ressources pour l’école maternelle disponibles sur éduscol, « Graphisme et écriture » :
L'écriture à l'école maternelle
Stimuler la production écrite chez le jeune élève consiste à le confronter aux aspects conventionnels
d'un tracé spécifique. Progressivement, l'écrit constitué de signes aux formes fixes, les lettres, se
distinguent du dessin aux formes plus libres. Les premiers mots aux tracés liés au sens deviennent
des tracés liés aux sons portés par les mots. Les essais d’écriture deviennent un exercice approprié
pour que l'élève acquière progressivement le tracé des lettres et, en accédant au principe
alphabétique, devienne un « producteur de mots écrits ». Il doit alors être considéré comme celui qui,
en pratiquant l'écriture, s'interroge à la fois sur sa production spontanée et sur la langue écrite, objet
de réflexions impliquant une activité métacognitive.
Deux types de travaux scientifiques montrent l'importance des essais d’écriture à l’école maternelle.
Les premiers indiquent que les performances en essais d’écriture à l’école maternelle apportent une
part explicative spécifique aux performances ultérieures en lecture et en écriture, différente de celles
plus classiques liées à la conscience phonologique, aux relations lettres-sons et au vocabulaire. Les
seconds (voir. le rapport de Sénéchal pour le CNESCO, 2018) montrent que les performances des
élèves qui ont bénéficié d'activités d’essais d’écriture ont des performances ultérieures en orthographe
lexicale et en lecture supérieures à celles d'élèves qui n'ont pas bénéficié de telles activités.
« L’exploration que font les enfants du monde de l’écrit au moyen de l’écriture inventée promeut
l’analyse des mots parlés et leurs liens avec l’alphabet. Cette analyse permet l’intégration de la
conscience phonologique aux connaissances alphabétiques, et mène à la découverte du principe
alphabétique. Ainsi l’écriture inventée, lorsqu’elle se fait avec l’aide d’un adulte, peut devenir un des
leviers qui facilitent l’apprentissage de la lecture ».
Monique Sénéchal, Conférence de consensus Écrire et Rédiger, 14-15 mars 2018.
En résumé
● L'activité d’essais d'écriture constitue un excellent stimulateur à utiliser précocement pour que
l’élève accède au principe alphabétique. Les performances dans ce domaine sont liées à celles
observées en lecture-écriture à l’école élémentaire.
● La valorisation des essais d’écriture favorise le développement des habiletés nécessaires à la
compréhension du système alphabétique.
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Du dessin à l'écriture
Les productions graphiques chez l’élève se caractérisent par une étroite relation entre le dessin et
l’écriture, contrairement à l’adulte. Pour écrire les lettres, il utilise jusqu’à environ 5 ans les mêmes
règles de production motrice que celles qu’il utilise pour dessiner. Entre 4 et 5 ans, l’élève comprend
que l’écriture est constituée de signes spécifiques ; il produit des pseudo-mots avec des pseudo-
lettres, des lettres déformées ou de vraies lettres, parfois mêlées à des chiffres. Il comprend
progressivement qu’écrire n’est pas dessiner : ses productions d'écrits se détachent des
caractéristiques du dessin pour intégrer les propriétés de l’écriture. Les productions sont différentes
selon qu’on lui demande d’écrire un mot ou de le dessiner bien que ses connaissances du
fonctionnement de la langue écrite soient erronées. En l'absence de connaissances sur les liens entre
l'oral et l'écrit, les premières productions de mots écrits du jeune élève s'appuient sur les aspects
sémantiques des mots et en particulier les caractéristiques physiques du mot. Par exemple la
longueur d’un mot et/ou la taille des lettres sont liées aux dimensions du mot représenté. A quatre
ans, l’élève écrit un mot plus long pour représenter le mot dinosaure et un mot plus court pour
représenter le mot moustique.
Ecrire dinosaure et moustique chez de jeunes enfants : des écrits aux tailles différentes
Dans un travail remarquable de précision, Zhang et Treiman se proposent de tester scientifiquement
l'hypothèse constructiviste émise par Ferreiro il y a plus de 30 ans faisant suite à un certain nombre
d'observations réalisées auprès de jeunes enfants (hypothèse jamais fondée empiriquement). Les
auteurs demandent à de jeunes enfants américains (âge moyen = 4 ans) qui n'utilisent pas encore les
relations graphèmes-phonèmes en écriture spontanée d'écrire 24 mots qui diffèrent par le nombre de
phonèmes (3 à 9 ; par exemple, bus, macaroni) et par la taille des objets (fourmi, ours, moustique,
dinosaure). Les auteurs relèvent précisément la taille et la longueur des mots cibles écrits. Ils
n'observent pas d'effet significatif de la longueur phonémique des mots sur la taille des productions
écrites, ce qui montre que l'identification des enfants n'utilisant pas les indices phonologiques des
mots a été bien conduite. En revanche, et conformément à leur hypothèse, les auteurs relèvent un
effet significatif de la taille des objets sur la taille des mots écrits : les enfants produisent des écrits
plus gros (espace plus important) pour les objets volumineux que pour les objets aux petites
dimensions.
Lan Zhang, Rebecca Treiman (2015). Writing Dinosaur Large and Mosquito Small : Prephonological
Spellers’ Use of Semantic Information. Scientific Studies of Reading, 18, pp.434-445.
La référence à la forme de l’objet pour écrire disparaît généralement entre 4 et 5 ans au moment où
l’élève prend conscience que l’écriture code des sons et non du sens. Les jeunes élèves comprennent
les relations qui existent entre les lettres et les sons avant de pouvoir les transcrire. Dès qu’ils ont
compris la différence entre le dessin et l’écriture et qu’ils ont appris des lettres de l’alphabet, ils
essaient de représenter à l’écrit les sons qu’ils entendent. Ils utilisent le nom des lettres pour
représenter les sons entendus. Les essais d’écriture dès lors participent au développement de la
conscience phonémique.
L'objectif de l'étude est d'examiner l'impact d'un programme d'entraînement impliquant l'écriture
inventée sur la conscience phonémique chez des enfants portugais de 5 à 8 ans. Ce programme a
duré deux semaines. Trois groupes expérimentaux ont été constitués, chaque groupe expérimental
apparié à un groupe contrôle. Utilisant les profils d'enfants scripteurs de Ferreiro, les auteurs
distinguent les enfants "pré-syllabiques" (groupe 1 : ils n'utilisent ni les syllabes ni les phonèmes des
mots pour les transcrire), les enfants "syllabiques" (groupe 2 : une lettre correspond à une syllabe) et
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les enfants "syllabico-alphabétiques" (groupe 3 : leurs productions peuvent alterner l'utilisation d'une
lettre pour une syllabe et une lettre pour un phonème). Pour les groupes expérimentaux le programme
consistait à lire des productions d'autres enfants, à écrire des mots nouveaux et à justifier leur lecture
et leur écriture des mots. Les enfants des groupes contrôles durant les deux semaines avaient des
tâches de type géométrique. Les résultats montrent que les enfants des groupes expérimentaux 2 et 3
ont des performances significativement supérieures à leurs pairs des groupes contrôles dans une
tâche de segmentation phonémique, ce qui n'est pas le cas du groupe 1, le moins avancé en écriture
inventée.
Margarida Alves Martin, Christina Silva (2006). The impact of invented spelling on phonemic
awareness. Learning and Instruction, 16, pp.41-56.
L’apprentissage de l’alphabet débute souvent lorsque les élèves apprennent à écrire leur prénom. La
distinction dessin/écriture s'opère chez le très jeune élève d'abord sur l'écriture de son prénom. Les
élèves de trois ans qui peuvent épeler leur prénom identifient uniquement les lettres de celui-ci dans
une épreuve de reconnaissance alphabétique. Ils reconnaissent, nomment et tracent d’abord la
première lettre de leur prénom avant d’étendre leurs connaissances à toutes les lettres le composant.
L’initiale du prénom est souvent la première lettre connue phonétiquement par les jeunes élèves.
Progressivement ils attribuent une valeur phonémique à chacune des lettres de leur prénom. Ils
développent des connaissances alphabétiques (forme, nom et son des lettres) relatives au prénom et
sont capables de reconnaître et nommer les lettres de l’alphabet quand celles-ci correspondent aux
lettres de leur prénom.
Les élèves en difficulté au CP sont souvent ceux qui n’avaient pas compris le principe alphabétique en
GS de maternelle.
3
A partir de la recherche S. Dehaene, Apprendre à lire des sciences cognitives à la salle de classe, 2011. p.42
36
L’objectif en maternelle n’est pas un apprentissage systématique du code, mais bien d’amener tous
les élèves à la compréhension du fonctionnement de notre système d’écriture (principe alphabétique).
Dès la moyenne section et plus encore en GS, les tentatives d’écriture doivent être encouragées et
provoquées, car c’est dans les activités d’écriture que les enfants sont obligés de s’interroger sur les
composantes de l’écrit et sur ce qui distingue les mots entre eux.
Le professeur met en place une démarche de résolution de problème et met l’accent sur les
opérations langagières qui servent de base au raisonnement. Il observe, analyse les productions, les
procédures, il a recours à l’étayage pour différencier, il valide et/ou relève les procédures empiriques
des élèves. Il favorise les échanges sur le processus d’écriture entre pairs, il n’hésite pas à donner
des explications sur la morphologie lexicale ou grammaticale. Il est essentiel que les élèves
comprennent que la langue écrite est régie par des règles.
Transport-copie (MS-GS) : le modèle à écrire se trouve à un endroit dans la classe. L’élève observe
et mémorise ce modèle pour ensuite le reproduire sur son support de travail (feuille, ardoise) qui se
trouve à un autre endroit de la classe. L’élève n’a donc plus sous les yeux le modèle pour reproduire
les lettres ou le mot demandé. Le professeur fait expliciter les stratégies que l’élève a mises en
œuvre.
Dictée à l’adulte (PS-MS-GS) : l’élève est capable de raconter et de négocier avec le professeur ce
qui est à écrire. L’intérêt de cette activité repose sur la mise en mémoire de l’énoncé, sa segmentation
pour que le professeur puisse l’écrire. Le professeur oralise en même temps qu’il écrit. Il s’attache à
éclairer les élèves sur les procédures à utiliser. Le professeur met un « haut-parleur » sur sa pensée,
se montre en train de faire et de dire. Il demande à l’élève de repérer les morceaux d’énoncés non
encore écrits, ce qui oblige l’élève à prendre des repères dans la chaîne orale et dans l’acte
graphique. Le système verbal, les substituts, les chaînes d’accord et le lexique sont ainsi approchés.
L’efficacité de l’activité tient à une pratique régulière, quasi quotidienne, et à des modalités adaptées.
Il est préférable de la faire pratiquer en tout petit groupe, voire en relation duelle, tant pour faire
travailler à l’oral l’énoncé à écrire que pour focaliser l’attention de l’élève sur les règles du langage
écrit.
Les essais d’écriture permettent aux élèves d’école maternelle d’utiliser ce qu’ils ont travaillé en
phonologie. Au-delà de l’aspect ludique, les élèves s'impliquent plus volontiers si les activités de
phonologie ont un sens. Le professeur veille à faire du lien entre les apprentissages et à montrer
l’utilité de ce qui est travaillé. Il met l’élève en perspective vers l’écriture et à plus long terme vers la
lecture. Lors de l’écriture d’un mot par exemple, les élèves peuvent s’appuyer sur la segmentation
syllabique, sur la localisation d’un phonème, sur son prolongement. La situation d’écriture permet de
cibler des objectifs de travail en phonologie que le professeur veille à rendre explicites : « pour écrire
le mot farine nous avons eu besoin de… il a été difficile de… ». Après le constat, en faisant le lien
avec les activités de phonologie, il renforce l'intérêt et la motivation des élèves.
37
Des exemples d’activités quotidiennes en PS
Les élèves voient écrire le professeur. Ils essaient eux-mêmes de laisser des traces. Lorsque les
élèves expriment une intention d’écriture, le professeur transcrit sous la production ce qu’ils ont voulu
écrire. Il valorise les essais et conserve ces traces.
Valoriser publiquement les premiers tracés des petits qui disent avoir écrit, c’est mettre toute la classe
4
sur le chemin du symbolique.
« L’enseignement de la connaissance des unités sonores de la langue française doit faire l’objet d’un
enseignement programmé et progressif, en vue de préparer l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture à l’école élémentaire. La manipulation des sons de la langue, leur identification et la
connaissance progressive du principe alphabétique doivent faire l’objet d’un enseignement régulier en
5
grande section . »
4
M. Brigaudiot, Langage et école maternelle, Hatier, 2015
5
Circulaire de rentrée 2019
38
qui codent les sons entendus : /m/ /a/. Continuer avec la deuxième syllabe etc. ex : rrrrrriiiiii. Il cherche
les lettres qui codent ces sons entendus : /r/i/. À la fin, l’élève demande au professeur de lire ce qu’il a
écrit. Certains élèves ne s’appuient pas sur la syllabe, il n’est pas recommandé de les y obliger.
Stratégie analogique : « c’est comme quoi ? Recourir à d’autres mots qui contiennent les syllabes
dont l’élève a besoin pour écrire un nouveau mot : par exemple, “Paris, ça commence comme papa
(vu dans le poème affiché), alors j’écris un P et un A pour faire « pa », et pour « ri » je me souviens du
mot rideau vu dans le projet théâtre. »
Stratégie lexicale : mémoriser l’orthographe de mots ou de syllabes connus pour écrire. Les
prénoms, les mots outils, les référents de la classe constituent un stock lexical mémorisable.
Il est important de s’appuyer sur des corpus de mots dont la difficulté est croissante. Des exemples de
séances et des corpus sont proposés sur certains sites de circonscription, comme celui de Rosny-sur-
Seine.
Points d’attention :
Ne pas oublier l’importance de l’environnement d’apprentissage (physique, mental, émotionnel et
social) : les émotions sont étroitement liées à la mémorisation. En classe, on privilégiera donc :
- l’importance du mouvement, bouger pour apprendre, respecter les besoins des élèves (bouger,
boire, réactiver et stimuler la mémoire) ;
- le travail en coopération, non en compétition ;
- les activités seront brèves, cohérentes entre elles. Il s’agira de recentrer l’élève sur l’apprentissage
par des pauses, courtes pour parvenir à se concentrer ;
Les brèves activités de concentration et/ou de relaxation seront encouragées (étirements du corps…).
En résumé
● Il faut distinguer l’entraînement à la conscience phonologique qui se centre sur les unités de
traitement des sons de la parole (syllabe, rime, phonème) et leur manipulation, de
l’entraînement à la conscience phonémique qui se centre sur la relation graphème-phonème.
● Les entraînements les plus pertinents pour entrer dans l’apprentissage de la lecture et de
l’écriture combinent les activités de manipulation phonémique et de mise en lien des
graphèmes avec les phonèmes.
● Les entraînements intensifs sur une courte période (massés), proposés en petits groupes,
s’avèrent plus efficaces.
39
BIBLIOGRAPHIE
Des ouvrages de la littérature scientifique décrivent les processus et connaissances nécessaires pour
apprendre à lire et à écrire. Ils ne préconisent pas de pratiques. Toutefois, ils peuvent fonder de
nouvelles pratiques pédagogiques adaptées et efficaces.
Ouvrages
Chapitres d'ouvrages
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- Leloup, G. (2018). Les entraînements phonologiques. In. S. Casalis et al (Eds), Les dyslexies.
Paris: Masson.
- Magnan, A., & Ecalle, J. (2018). L'apprentissage de la lecture: des processus d'identification de
mots écrits à la compréhension. In R. Baldy (Ed.), Dessiner, lire, écrire et calculer: un regard neuf
(pp. 93-172). Paris: In Press.
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