019 Kouakou

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Syntaxe des proverbes baoulé

Koffi Joël KOUAKOU


Université Felix Houphouët Boigny (UFHB, Abidjan, Cocody, Côte d’Ivoire)
etudkkouakou.unifhb2014@gmail.com

Recibido: 15/4/2017 | Aceptado: 16/5/2017

Cet article est une interrogation sur l’organisation syntaxique de l’énoncé proverbial Mots-clés
baoulé1. A terme, il sera question de proposer une analyse de ces constructions Parémiologie
proverbiales, en comparaison aux énoncés libres de la langue baoulé. En effet, Proverbe.
plusieurs sont les parémiologues qui ont défini le proverbe comme étant une expression Syntaxe.
Résumé

figée. Pourtant, les multiples manipulations que les baoulés font de ces unités plaident Baoulé.
bien en faveur d’une thèse contraire. Ainsi, même s’il est claire que les divers emplois
proverbiaux en baoulé ne font pas abstraction des contraintes grammaticales de notre
langue d’étude, il faut néanmoins noter que des particularités à différents niveaux
(niveaux syntaxiques, et même morpho-phonologiques) président à leur
fonctionnement dans la langue. Ainsi, la préférence de certaines structures à d’autres,
les troncations à certains niveaux, les suppressions ou substitutions prépositionnelles,
etc., sont autant de réalités qui organisent la production des unités proverbiales en
baoulé.

Título: «Sintaxis de los refranes baoulé».


En este artículo abordamos la cuestión de la sintaxis del enunciado proverbial baoulé, Palabras
con la finalidad de proponer un análisis de estas construcciones y en comparación con clave
los enunciados libres de la lengua baoulé. De hecho, por lo general se afirma que el Paremiología.
refrán se caracteriza por la fijación de su forma, pero la existencia de numerosas Refrán.
Resumen

manipulaciones por parte de los refranes en baoulé confirma lo contrario. Aunque es Sintaxis.
evidente que el empleo de refranes en baoulé no logra abstraerse de los obstáculos Baoulé.
gramaticales de nuestra lengua de estudio, debemos señalar que sus particularidades en
diferentes niveles (sintáctico e incluso morfofonológico) rigen su funcionamiento en la
lengua. Así, la preferencia de ciertas estructuras a otras, las modificaciones en diversos
niveles, las supresiones o sustituciones preposicionales, etc., constituyen unas
realidades que estructuran la producción de refranes en baoulé.

Title: «Syntax in the proverbs of Baoulé».


This article approaches the syntax of the proverbs in the Baoulé language. Its goal is to Keywords
analyse these constructions and compare them to ordinary sentences of this language. Paremiology.
In fact, proverbs are often believed to be fixed expressions. However, the existence of Proverb.
numerous manipulations of them in the proverbs of Baoulé proves the contrary. For
Abstract

Syntaxe.
even if it’s obvious that the grammatical constraint of this language limits the proverbs Baoulé.
in Baoulé, we have to point out that his particularities in the different levels (syntactic
or even morphological and phonological) regulate its functioning. So, the preference
for some structures versus others, the changes in the different levels, the prepositional
elimination or substitution, etc., are evidences that structure the production of proverbs
in Baoulé.

1
Langue Kwa de Côte-d’Ivoire.
Paremia, 26: 2017, pp. 211-227. ISSN 1132-8940. ISSN electrónico 2172-1068.
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INTRODUCTION

Originaire du Ghana voisin, le baoulé, langue kwa de Côte-d’Ivoire, appartient à la grande


famille Niger-Congo. Il est l’une des langues les plus importantes du pays en termes de nombre
de locuteurs. A l’intérieur de la branche kwa, l’on note une relative intercompréhension entre le
baoulé et des langues voisines comme l’abron, le nzéma et l’agni. Une étude lexicostatistique
effectuée sur les langues kwa de Côte-d’Ivoire par Bole-Richard R. et Lafage Ph. (1983) citée
par Kouadio N. J. et Kouamé K. (2004) montre qu’il y a une distance égale entre ces langues.
On trouve 68% de correspondance entre l’agni et le baoulé, 66,9% entre l’agni et le nzéma. Il
est également très proche du tchokossi, langue parlée au nord du Togo.
Aussi, en Afrique (plus particulièrement, en Afrique subsaharienne) où la tradition conserve
encore son caractère oral, les genres oraux et toutes les formes brèves de la littérature orale
demeurent des archives de la parole. Ils sont tous selon Tououi B.I.E. (2014 : 12), « (…) le point
de cristallisation et d’accomplissement parfaits de la parole sérieuse et profonde en milieu
traditionnel ». Pour cette raison, ils occupent tous une place de choix dans les sociétés noires
africaines. Parmi tous ces genres, il y a le proverbe. Celui-ci apparait, toujours selon Tououi
B.I.E. (2014 : 12), « (…) comme un musée vivant dans lequel se côtoient tous les agrégats de la
vie sociale par son historicité et son esthétique » et « canonise la vision du monde » vue qu’il
exprime l’expérience d’une civilisation en faisant référence au climat, à l’histoire, aux mythes,
aux mœurs, aux institutions.
Au sein de la communauté baoulé2, le proverbe est un important outil de communication
dont l’emploi requiert la connaissance des us et coutumes du peuple. De ce fait, les baoulés
définissent le proverbe comme étant une parole d’expérience qui est l’apanage des anciens, et
comme le précise Kouadio Y. J. (2012 : 57), « (…) lorsqu’un jeune homme veut en employer
(…), il s’excuse d’abord en énonçant cette formule consacrée : « Mes chers parents, si je vous
offense, veuillez m’en excuser. C’est parce que je suis un enfant que je vous offense. » ». Les
baoulés utilisent le proverbe pour étayer une pensée ou en réfuter une autre, ou encore pour
véhiculer un enseignement d’ordre moral. Toutefois, le dire proverbial qui est ainsi au centre
des conversations, se veut avant tout, une unité linguistique propre à la littérature orale. Il
existerait alors des lois linguistiques, notamment syntaxiques qui fondent leur emploi. Quelles
seraient donc les spécificités syntaxiques à la base de la production proverbiale baoulé ? Pour
répondre à cette question, nous procéderons d’abord à un rappel de la syntaxe du baoulé, puis, à
l’analyse de la syntaxe des proverbes baoulé.

1. STRUCTURE SYNTAXIQUE DE LA PHRASE BAOULE

1.1. Schème de la phrase baoulé


En baoulé, les lexèmes sont aptes sans ajout d’affixes à fonctionner comme constituants
syntaxiques. Ces lexèmes sont répartis en deux classes et aux comportements différents
(nominales d’une part et verbales d’autre part).
Les phrases du baoulé peuvent être classées en phrases nominales et phrases verbales.

1.1.1. La phrase nominale


La phrase nominale peut comporter un seul groupe nominal avec la structure suivante : N
(nom) + Pn (prédicat nominal). Il y a deux Pn qui fonctionnent dans un tel schème :

2
Communauté au centre de la Côte-d’Ivoire
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- ‘’jɛ́’’ à valeur présentative « voici… »


(1) kófì jɛ́
Koffi Pn
« Voici koffi. »

- et ‘’ɔ̀’’ à valeur identificatrice « c’est… »

(2) kófì ɔ̀
Koffi Pn
« C’est Koffi. »

Elle peut également comporter deux groupes nominaux ayant pour structure, N1 +Pn + N2. Il
n’y a qu’un seul prédicat qui entre dans une telle structure : « jɛ́lɛ̀ » à valeur identificatrice.

(3) kófì wá jɛ́lɛ̀ kɔ́ nà


koffi fils Pn Konan
« Konan, c’est le fils de Koffi. »

1.1.2. La phrase verbale


Dans cette catégorie de phrase, la fonction prédicative est remplie par un lexème verbal,
selon le nombre d’expansions possibles, nous pouvons avoir un des trois schèmes suivants :

- N(s) +V (p) ;
(4) kófì sū bá
Koffi Prog Arriver
« Koffi arrive. »

- N(s) +V (p) +N (e) ;


(5) kófì klō àblē
Koffi aimer+Const Maïs
« Koffi aime le maïs. »

- N(s) +V(p) + N(e) + N(e).


(6) kófì sú klē jàó flūwá
koffi Prog Montrer yao papier
« Koffi enseigne yao. »

De manière générale, la rection du verbe baoulé est limitée à deux expansions maximum.
Lorsqu’un verbe est suivi de deux expansions, celles-ci ne portent aucune marque signalant leur
fonction respective, mais occupent l’une par rapport à l’autre, une place fixe en liaison avec
cette fonction. Ainsi, pour les verbes à deux expansions dont l’une présente sémantiquement un
‘’objet’’ et l’autre un ‘’destinataire’’, le destinataire précède systématiquement l’objet comme
indiqué dans l’exemple ci-dessus. Toutefois, précisons que cette construction de schème
SVE1E2 n’est pas la seule à pouvoir décrire une situation mettant en jeu agent, objet et
destinataire. Il y a même des cas où, en présence d’une telle situation, elle s’avère
syntaxiquement impossible. Il convient donc de poser le problème de la concurrence qui existe
entre cette construction et les séries verbales qui entretiennent en réalité un large phénomène de
synonymie.
Dans les énoncés où la fonction prédicative est remplie par une série verbale, chacun des
termes de la série peut être suivie d’une expansion et nous pouvons avoir chacune des structures
suivantes :

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- N(s) + [V +N(e) + V] (p) +N(e) ;

(7) ɔ̀ fā lì tā ní má nī kwǎɟō


3SG prendre Acc pagne donner Acc Kouadio
« Il a donné le pagne à koffi »

- N(s) + [V +V] (p) +N(e) ;


(8) ɔ̀ fā má nī kwǎɟō
3SG prendre Donner Acc Kouadio
« Il l’a donné à Kouadio. »

- N(s) + [V +N(e) + V] (p) ;


(9) ɔ̀ fā tā ní má nī
3SG prendre Pagne donner Acc
« Il a donné le pagne. »

- N(s) + [V +V] (p).


(10) ɔ̀ ā fá má
3SG Int Prendre Donner
« Il va donner. »

1.2. Prédication
En baoulé, l’expression grammaticale du mode (impératif, constatatif ou indicatif,
intentionnel et injonctif) est manifeste par des tons et celle de l’aspect (progressif, continuatif,
accompli, résultatif et futur) met en jeu, des affixes.

1.2.1 Le mode
L’impératif : Le lexème verbal non précédé de sujet a valeur d’ordre adressé à un
interlocuteur. Le ton du radical verbal à l’impératif est haut lorsque ce verbe n’est pas suivi
d’expansion (10.a) ; et d’un ton bas quand c’est le cas (10.b).

(10.a) fá
prendre+Imp
« Prends ! »

(10.b) fà
prendre+Imp
« Prends l’igname ! »

Le constatatif ou indicatif : C’est une forme verbale dont la valeur est la simple constatation
d’un fait ou d’un état. Le radical verbal a le même ton qu’à l’impératif et est particulièrement
affecté d’un préfixe tonal bas.

(11) ɔ̀ bá
3SG arriver+Const
« Il arrive. »

L’intentionnel : Ce terme désigne des formes qui expriment de manière générale une
intention du sujet. Ces formes peuvent prendre selon le contexte, une valeur très proche du
futur. L’intentionnel diffère de l’indicatif par l’usage d’un préfixe tonal haut.

(12) ɔ́ lá
3SG se coucher+Int

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« Il veut se coucher. »

L’injonctif : Il exprime un ordre, un souhait, un désir, etc. De ce fait il apparait fréquemment


à la suite de verbes signifiant vouloir, chercher, etc. Le radical a un ton particulier à l’injonctif :
ton haut (Rad CV suivi ou non d’expansion), ton modulé descendant (Rad CcV suivi ou non
d’expansion), ton haut suivi de ton bas (Rad CVCV suivi ou non d’expansion) et ton haut (Rad
CcV suivi d’expansion).

(13) nâ̰ bé wɔ́ lɔ̀


Nég 2PL aller+Inj Déict
« Qu’ils n’aillent pas là-bas! »

1.2.2. L’aspect
Le progressif : (Préfixe sú). L’aspect progressif souligne le déroulement d’un processus. La
valeur la plus fréquente de cet aspect est « le présent actuel ».

(14) ɔ̀ sú lá


3SG Prog se coucher
« Il se couche. »

Le continuatif : (Préfixe té). Ce préfixe de l’aspect continuatif correspond par son sens au
français continuer, encore.

(15) ɔ̀ té sú


3SG Cont Pleurer
« Il continue de pleurer. »

L’accompli : (Suffixe lí). Il réfère à un fait, relativement passé au moment de l’énonciation.

(16) ɔ wú lí


3SG mourir Acc
« Il est mort. »

Le résultatif : (préfixe à) il est sémantiquement une forme accomplie, saisit en quelque sorte
le processus au moment même de son aboutissement. Il peut être rendu en français par « venir
de + infinitif ».

(17) ɔ̀ à wú
3SG Rés Mourir
« Il vient de mourir. »

Le futur : en baoulé, il y a deux formes exprimant la valeur temporelle au futur. Le mode


intentionnel qui exprime une intention du sujet prend souvent la valeur de futur. L’autre forme
se conjugue à l’aide de l’auxiliaire ″wá″, la forme verbale étant toujours à l’intentionnel, c'est-à-
dire à ton haut.

(18) ɔ wá bá


3SG Fut Venir
« Il viendra. »

Suite à la présentation des différentes structures observables en baoulé, nous proposons ci-
dessous, une typologie syntaxique des proverbes baoulé.

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2. STRUCTURE SYNTAXIQUE DES PROVERBES BAOULÉ

Sur la base des contraintes grammaticales régissant la construction des énoncés du baoulé,
les proverbes de ce parler se distinguent en deux catégories de phrase : les phrases simples
d’une part, et les phrases complexes d’autre part. Comment ces phrases sont-elles organisées ?

2.1. Phrase simple


Selon qu’ils comportent un lexème verbal ou non, les proverbes en forme de phrase simple
sont répartis en deux catégories : la phrase nominale et la phrase verbale.

2.1.1. La phrase nominale


Les phrases nominales sont des constructions proverbiales au sein desquelles la fonction
prédicative est assumée par un prédicat nominal (P n) à valeur identificatrice et qui correspond à
la copule dans un tel énoncé. Il comporte un sujet, un prédicat et une expansion.

2.1.1.1. Le sujet
Le sujet de la phrase nominale est à la forme personnelle, c'est-à-dire qu’il renvoie à un être
ou à une chose bien spécifiée. Ainsi, il est possible d’avoir comme sujet de la phrase nominale,
un syntagme génitival, un syntagme possessif, un syntagme nominal.

(18) [àiḱ ā bà kpòŋɡbó] jɛ́lɛ̀ ī sá klú


Orphelin enfant assiette Pn+Hab 3SG main intérieur
« L’assiette de l’orphelin, c’est le creux de sa main. »

Le sujet de la phrase nominale peut être aussi une proposition complète introduite par le
morphème hypothétique « sɛ̀ ».

(19) [sɛ̀ bē wá ā tí ā ǹvā ] nɛ̰̂ jɛ́lɛ̀


Hyp 3SG dire 2SG sentir Nég odeur Nég Pn+Hab
« Même quand tu n’as pas l’odorat fin, ce n’est pas le cas lorsque »

[ɔ̀ bwě nwǎ n̄drɛ̀ mɔ̄ sū rà]


2SG Poss Nez Bouche poil Rel Prog brûler
« ta moustache qui brûle »

2.1.1.2. Le prédicat
La position prédicative de la phrase nominale est remplie par le prédicat nominal à valeur
identificatrice « jɛ́lɛ̀ » correspondant à la copule dans ces types de phrase. Observons-le dans le
proverbe (20).

(20) nâ̰ ǹnɛ̀ ŋ̀ɡbā mī ndàlɛ̄ [jɛ́lɛ̀] í kɔ̄mí


Nég Animal Tout endroit d’attacher Pn+Const 3SG Poss cou
« On n’attache pas tous les animaux par le cou. »

Dans très peu de cas, ce Pn est réduit à « jɛ̌ » En de telles circonstances, « jɛ̌ » est précédé du
préfixe négatif ″nâ̰ ″ ainsi que ses variantes.

(21) sɛ̀ bē wá ā tí ā ǹvā [nɛ̰̂ jɛ̌]


Hyp 3SG dire 2SG sentir Nég odeur Nég Pn+Hab
« Même si tu n’as pas l’odorat fin, ce n’est pas »

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(22) ɔ̀ bwě nwǎ n̄drɛ̀ mɔ̀ sū rà


2SG Poss nez Bouche poil Rel Prog brûler
« ta moustache qui brûle. »

2.1.1.3. L’expansion
Les expansions dans la phrase nominale sont des groupes nominaux remplissant les
fonctions d’objet direct et de circonstanciel de lieu (23),

(23) nâ̰ fɛ̄ kù ŋɡbā jɛ́lɛ̀ [sūklwâ̰]


Nég délice Seul Pn+Hab Sucre
« Le sucre n’est pas le seul délice. »

ou encore, une proposition relative introduite par mɔ́ (24).

(24) sɛ̀ bē wá ā tí ā ǹvā nɛ̰̂ jɛ́lɛ̀


Hyp 3SG dire 2SG sentir Nég odeur Nég Pn+Hab
« Même quand tu n’a pas l’odorat fin, ce n’est pas le cas lorsque

[ɔ̀ bwě nwǎ n̄drɛ̀ mɔ̄ sū rà]


2SG Poss Nez bouche poil Rel Prog brûler
« ta moustache qui brûle »

Au terme de cette première analyse, retenons que le schème syntaxique de la phrase


nominale est N1+Pn+N2 ; jɛ́lɛ̀ et jɛ̌ (lorsque jɛ́lɛ̀ est précédé de nâ̰ ) étant les Pn qui permettent la
production proverbiale en forme de phrase nominale.

2.1.2. La phrase verbale


Par opposition à la phrase nominale, les phrases verbales sont des énoncés pour lesquels, la
fonction prédicative est remplie par un lexème verbal. Elles sont elles aussi composées d’un
sujet, d’un verbe et d’une expansion.

2.1.2.1. Le sujet
Les sujets de la phrase verbale sont deux types que sont la phrase simple à sujet
impersonnelle et la phrase simple à sujet personnelle :

- La phrase simple à sujet impersonnelle est un groupe d’énoncés pour lesquels, le sujet
du prédicat ne réfère pas à un être ou à une chose spécifique mais exprime une généralité. Ce
type d’énoncé renvoie à une vérité connue de tous. Pour cette raison, ces énoncés impersonnels
sont en nombre important dans les proverbes baoulé. Ils correspondent aux phrases en « ON »
en français.

(25) [bè] sùmā má ɟwě n̄zwě nú


3SG envoyer+Hab Nég Poisson Eau Dedans
« On n’envoie pas le poisson dans l’eau. »

- La phrase simple à sujet personnelle (à l’opposé de la catégorie ci-dessus) est ce type de


proverbes pour lesquels le sujet renvoie à un nom générique. Ce nom générique pourra être
accompagné par un adjectif qualificatif, un quantifieur ou un numéral ou des deux à la fois,
formant ainsi avec lui, un syntagme nominal comme en (26).

(26) [wàká kū ŋɡbà] jé mā bò


arbre Un devenir+Hab Nég forêt

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« Un seul arbre ne fait pas la forêt. »

Par ailleurs, il arrive aussi que le sujet de la phrase verbale soit une proposition assertive ou
impérative. Observons-le dans les exemples qui suivent :

(68) [ǹ lā ǹdɛ̀] tī à làfil̀ ɛ̀


1SG coucher+Int Tôt être+Hab Nég sommeil
« Se coucher tôt, ce n’est pas dormir. »

(27) [kɔ́ ɔ́ klɔ̄] tí ā ǹzòwà


aller+Imp 2SG Poss village être+Hab Nég injure
« Vas chez toi n’est pas une injure. »

2.1.2.2. Le prédicat
La position prédicative de la phrase verbale est remplie par un verbe entretenant une fonction
primaire avec son sujet et ses expansions. Et comme les proverbes énoncent le plus souvent, des
faits avérés et connus du peuple baoulé, leurs prédicats sont essentiellement marqués par les
modes habituel ou constatatif afin de marquer leur intemporalité.

(28) ǹzwě flɔ̄lɔ̄ [cɛ́] mā sɛ́ nū


eau fraîche durer+Hab/Const Nég canari dedans
« L’eau fraîche ne reste pas longtemps dans le canari. »

Outre le verbe qui occupe la position prédicative dans les énoncés proverbiaux en forme de
phrase verbale, nous relevons des cas où cette tâche est remplie par la série verbale. Dans ces
constructions sérielles, nous observons les structures ci-après :
- N(s)+ [V+V](p)+N(e) ;

(29) àkɔ́ ɟā [klwǎ kṵ̄ ] ɛ̀ ī wá


poule patte pouvoir+Hab tuer+Hab Neg 3SG enfant
« La patte de la poule ne peut pas tuer le poussin. »

- N(s)+ [V+N(e) V](p)+N(e).

Cette dernière structure n’est attestée que dans les phrases à sujet impersonnel, le
deuxième verbe pouvant être précédé du pronom de rappel « bè ». Ainsi, nous pouvons
avoir les réalisations suivantes pour le même proverbe :

(30.a) bè [nɔ̄ má n̄zwě miǹ dɛ̄ má ] wā wà
3SG boire+Hab Nég eau attendre+Hab Nég saison sèche
« On ne boit pas d’eau pour attendre la saison sèche. »

(30.b) bè nɔ̄ má n̄zwě [bē] miǹ dɛ̄ má wā wà
3SG boire+Hab Nég eau 3SG attendre+Hab Nég saison sèche
« On ne boit pas d’eau pour attendre la saison sèche. »

2.1.2.3. Les expansions


Les constituants en fonction d’expansion dans les proverbes en forme d’énoncé verbal se
manifestent par :
- une position vide lorsque le prédicat est un verbe intransitif ;
(31) sɛ̌ kplɔ̄ má
funérailles pourrir+Hab Nég
« Les funérailles ne pourrissent pas. »
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- un syntagme nominal en fonction d’objet direct ou indirect ;


(32) ǹzwě kú má [lɛ́ŋɡɛ̄ bà]
eau tuer +Hab Nég crocodile Petit
« La rivière ne tue pas le petit crocodile. »

- un syntagme post positionnel en fonction de circonstanciel de lieu ;


(33) ǹzɛ̀fwɛ̌ ɔ̄ wú mā í [kú bō]
femme enceinte 3SG voir+Hab Nég 3SG Poss ventre en bas
« La femme enceinte ne voit pas son bas ventre. »

- un adverbe en fonction de circonstanciel de manière ;


(34) òkē ká wā dí ā [ŋ̀ɡbɛ̀ ]
vieux petit courrir+Hab Nég sans raison
« Une vieille personne ne court sans raison. »

Suite à ces différentes observations, il ressort que les schèmes syntaxiques observables dans
les énoncés proverbiaux en forme de phrase verbale sont les suivants :

- N(s)+ V(p).
- N(s)+ V(p) +N(e).
- N(s)+ [V+V] (p) +N(e).
- N(s)+ [V+N(e) V] (p) +N(e).

La construction N(s) +V(p) dû à l’utilisation d’un verbe intransitif a une très faible occurrence
au sein des énoncés proverbiaux du baoulé (seuls deux proverbes de notre corpus attestent cette
structure). Nous justifierons cela par le fait que ces énoncés sont essentiellement construits avec
des verbes transitifs.
Pour cette même raison, les structures sérielles N(s) + [V +N(e) + V] (p) et N(s) + [V +V] (p) ne
sont aucunement attestées dans les ɲadra3.
Le lexème verbal est essentiellement marqué par les modes habituel et constatatif.
Les expansions quant à elles, assument les fonctions d’objet direct, de circonstanciel de lieu
et de circonstanciel de manière. Celles en fonction d’objet indirect sont immédiatement suivies
d’un objet direct.
Qu’en est-il alors de la structure des proverbes en forme de phrase complexe ?

2.2. Phrase complexe


Une phrase est dite complexe lorsqu’elle est composée d’au moins deux propositions. Selon
que ces propositions soient juxtaposées, subordonnées ou coordonnées, l’on distingue au sein
des proverbes baoulé, les phrases complexes juxtaposées (ou parataxe), les phrases complexes
subordonnées et les phrases complexes coordonnées.

2.2.1. Phrase complexe en forme de parataxe


Les ɲà drá en forme de parataxe juxtaposent deux propositions sans toutefois expliciter par
une particule de subordination ou de coordination, le rapport de dépendance existant entre elles.
Il sera cependant marqué par une courbe mélodique qui dispense l’usage d’une conjonction.
C’est cette courbe mélodique qui maintient la relation entre les deux phrases.

(35) àwà wā bó, í tí wā jó wānzò


Calebasse 3SG+Rés briser 3SG Poss tête 3SG+Rés devenir méprisé
« La calebasse s’est brisé, son couvercle est à l’abandon. »

3
Proverbe en baoulé.
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De façon formelle, nous sommes en face de deux entités autonomes (35.a) et (35.b).

(35.a) àwà wā bó


calebasse 3SG+Rés briser
« la calebasse est brisée »

(35.b) í tí wā jó wānzò


3SG Poss tête 3SG+Rés devenir méprisé
« son couvercle est à l’abandon »

Bien qu’entretenant un lien, aucune position syntaxique ne fournit d’élément d’information


sur la nature de ce lien. Cependant, par le biais de procédés déductifs, l’on peut remonter au
type de rapport qui existerait entre les propositions juxtaposées.
La deuxième proposition (que nous notons X) informe sur la conséquence due à la première
(que nous notons Y). Ainsi, si le couvercle de la calebasse est à l’abandon, ce serait parce
qu’elle est brisée. En formulant donc une interrogation dont l’objectif sera de donner les raisons
de Y, nous aurons pour réponse, X. Résumons cela comme suit :

Question : Pourquoi Y ?
Réponse : Y parce que X.
Essayons-nous à cet exercice avec notre proverbe.
Question :

(35.c) ǹzùtī jɛ́ āwà tī wā jé wānzò ɔ̀


pourquoi Rel calebasse tête 3SG+Rés devenir méprisé Foc
« Pourquoi la tête de la calebasse est à l’abandon ? »

A cette question, l’on pourra répondre par l’intermédiaire du subordonnant causatif [tí] « à
cause de… »

Réponse :

(35.d) ì tī wá bō tí ɔ́


3SG Poss tête 3SG+Rés brisée à cause de Foc
« C’est parce qu’elle est brisée. »

Ce subordonnant causatif permet donc de comprendre que le lien entre les deux
propositions du proverbe est de nature causale. Outre la relation causale, les proverbes de ce
type manifestent bien d’autres relations : conséquence, analogie, opposition, etc.

2.2.2. Phrase complexe à subordination


Les proverbes en forme de phrase complexe à subordination sont constitués de deux
propositions dont l’une est la principale (36.a) et l’autre, la subordonnée (36.b).

(36.a) àtí bōfwɛ̌ sí má


chemin déblayeur savoir+Const Nég
« celui qui déblaie la route ignore »

(36.b) í sí wā kjǎ


3SG derrière 3SG+Rés courber
« il a le dos courbé »

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Syntaxe des proverbes baoulé 221

Les deux propositions de cette catégorie d’énoncés complexes sont indissociables parce que
n’étant pas elles-mêmes autonomes. La subordonnée est alors introduite par une locution de
subordination4. L’union de ces propositions (36.a et 36.b) donne le proverbe (36) suivant :

(36) àtí bōfwɛ̌ sí má kɛ̄ í sí wā kjǎ


Chemin déblayeur savoir+Const Nég Rel 3SG derrière 3SG courber
+Rés
« Celui qui déblaie le chemin ignore qu’il a le dos courbé. »

Cette structure syntaxique est fortement répandue dans les énoncés proverbiaux en forme de
phrase complexe. Selon la fonction remplie par la subordonnée, nous dénombrons quatre types
de phrases proverbiales à subordination. Ce sont :

2.2.2.1. La subordonnée circonstancielle


Indiquant les conditions dans lesquelles se déroule un évènement. Elle énonce les faits qui
accompagnent et déterminent une situation donnée. Cette construction syntaxique a une forte
distribution au sein des phrases proverbiales baoulé, et, ces proverbes intégrant une proposition
à une autre à titre de circonstance peuvent avoir diverses valeurs dont nous ne citerons que
trois :

- Valeur temporelle : situe la proposition principale par rapport à un fait ou un évènement.


La mise en œuvre de cet évènement se veut indispensable à la satisfaction de la principale. Cette
classe de proverbe est introduite par le subordonnant « kɛ́ » qui signifie « quand » ou
« lorsque ».

(37) [kɛ́] ālwǎ ɟā kó bú


Quand chien patte aux casser+Hab
« C’est quand le chien se casse la patte

jɛ́ ɔ̄ sí í ālò àtì ɔ̀


Rel 3SG savoir+Hab 3SG poss maison chemin Foc
qu’il retrouve le chemin de sa maison. »

- Valeur conditionnelle : cette subordonnée admet une apodose et une protase, condition
nécessaire à la production de l’apodose. La finalité de ces proverbes est énoncée par l’apodose
et est déterminée par la protase, condition sine qua non à la réalisation de l’apodose. Elle est
introduite par le subordonnant hypothétique « sɛ̀ » :

(38) [sɛ̀] à kplī ɟá blā,


Hyp 2SG Presser marier+Hab femme
« Si tu te presses de te marier,

ɔ̀ sjǎ jé klá á trá ɔ̄ jí


2SG Poss belle-sœur devenir+Hab belle dépasser+Hab 2SG Poss épouse
ta belle-sœur devient plus belle que ton épouse. »

- Valeur restrictive : elle énonce une objection face à un acte que l’on veut poser ou un
projet qu’il désire conduire. Etant donné que cette entreprise ne jouit d’aucune considération
humaine, du fait de son caractère irrationnel, il est préférable de s’en abstenir. Cette classe de

4
Comme kɛ̰̄ dans l’exemple (21).
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proverbes est introduite par la conjonction de subordination « kanzɛ » correspondant à « même


si… » en français.

(39) [kà nzɛ̀] àsrā vjě tówā nú ,


Même tabac finir+Const calebasse dedans
« Même si le tabac finit dans la calebasse,

í kpúkpúwā vjě á nū


3SG Poss Odeur finir+Const Nég dedans
son odeur y demeure. »

Dans chacune de ces occurrences, le locuteur baoulé pourra employer le proverbe en se


passant de la conjonction de subordination (39.a), ou encore, en substituant celle-ci par un autre
introducteur (39.b). Notons toutefois que ces manipulations qu’on peut faire du proverbe
n’altère, en rien, son sens.

(39.a) àsrā vjě tówā nú ,


tabac finir+Const calebasse dedans
« Même si le tabac finit dans la calebasse,

í kpúkpúwā vjě á nū


3SG Poss Odeur finir+Const Nég dedans
son odeur y demeure. »

(39.b) [sɛ̀] àsrā vjě tówā nú ,


Hyp tabac finir+Const calebasse dedans
«Si le tabac finit dans la calebasse,

í kpúkpúwā vjě á nū


3SG Poss odeur finir+Const Nég dedans
son odeur y demeure. »

2.2.2.2. La subordonnée en fonction de complétant


La subordonnée complétive a une structure identique à celle de la subordonnée
circonstancielle que nous avons étudiée en (2.2.2.1). Elle révèle une relation causale entre elle et
la proposition principale ; cette relation étant matérialisée par la particule « tí » à valeur de « à
cause de… ». Elle peut être introduite par une locution de subordination, le cas de sɛ̀ en (40) ou
être sous-entendu comme en (41).

(40) sɛ̀ à wā à njǎ ɔ́ āwè tī ,


Hyp 2SG vouloir+Const 2SG regarder+Const 2SG Poss faim à cause
« Si tu veux te fier à ta faim,

à wɔ̄ ɔ̀ dwǒ fōŋɡò nù


2SG brûler+Const 2SG igname réserve Dedans
tu brûleras ta réserve d’ignames. »

(41) ǹzwě wà vjě kpātrā sù tī jɛ́


eau 3SG+ Rés finir poisson sur à cause Rel
« C’est parce qu’il n’y a plus d’eau sur le poisson que

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cá cá wà dí ī ɔ̀


Genette 3SG+Rés manger 3SG COD Foc
la genette l’a mangé. »

2.2.2.3. La subordonnée en fonction d’expansion


La proposition subordonnée en fonction d’expansion suit le verbe de la principale. Pour cette
raison, elle agit comme un nom en fonction d’expansion et est introduite par « kɛ́ ».

(42) àtɔ̀nvlɛ̄ sí á [kɛ̄] ɔ́ dí āù ɡbà jālɛ̀


fille « initiée » savoir+Const Nég Rel ɔ manger+Const caleçon manque
« La jeune fille initiée ne sait qu’elle manquerait de caleçon. »

Si l’on peut être tenté de confondre cet introducteur au kɛ́ circonstanciel, il convient de noter
qu’il diffère de celui-ci pour trois raisons.
D’abord du point de vue syntaxique, il s’emploie après le verbe de la proposition comme
mentionner ci-dessus pendant que le kɛ́ circonstanciel apparait en début d’énoncé.
Ensuite, du point de vue sémantique, alors qu’en français il correspond à que, le kɛ́
circonstanciel lui, renvoie à quand.
Enfin, la conjonction kɛ́ introduisant la subordonnée en fonction d’expansion est
indispensable à la phrase et ne saurait être implicite comme le kɛ́ circonstanciel.
Lorsque la proposition principale de ce type d’énoncés proverbiaux comporte un verbe de
parole, le cas de sé « dire », la conjonction kɛ́ introduit le discours direct.

(43) ɲ̀ɟì sē má kɛ́ : n̄ jé fɛ̄


sel dire+Hab Nég Rel 3SG être+Const doux
« Le sel ne dit pas : je suis délicieux. »

2.2.2.4. La subordonnée relative.


Selon le dictionnaire linguistique (2002), il existe deux types de relatives :
- La relative déterminative, qui restreint ou précise le syntagme nominal antécédent par
l’addition d’une propriété nécessaire au sens ; syntaxiquement, elle joue le même rôle qu’un
démonstratif. Exemple : L’homme qui est venu repart demain.
- La relative appositive qui ajoute une propriété contingente au sens ; syntaxiquement, elle
joue le rôle d’un adjectif apposé. Exemple : Mon frère, qui ne le connaissait pas, l’écoutait avec
admiration. La subordonnée relative du ɲadra est de type déterminatif, et, les relateurs entrant
dans cette construction sont mɔ et ŋɡa. Observons-les en (44.a) et (44.b)

(44.a) ǹzwě [mɔ̄] nwǎ sí, ɔ̄ lɛ́ ā tɛ́


eau Rel éteindre+Const feu 3SG avoir+const Nég mauvais
« Pour éteindre le feu, il n’y a pas de mauvaise eau. »

(44.b) ǹzwě [ŋ̄ɡà] ɔ nwǎ si,́ ɔ̄ lɛ́ ā tɛ́


eau Rel 3SG éteindre+Const feu 3SG avoir+Const Nég mauvais
« Pour éteindre le feu, il n’y a pas de mauvaise eau. »

L’occurrence de ŋɡa implique que le verbe soit précédé d’un pronom de rappel, le cas de
« ɔ » avant le verbe nwa « éteindre » dans les exemples ci-dessus.

2.2.3. Phrase complexe à coordination


La coordination est une opération qui consiste à relier deux mots ou deux suites de mots de
la même catégorie ou assumant une même fonction par un élément spécialisé : une locution de
liaison (dite conjonction de coordination). En fonction donc de ces différentes locutions de
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liaison, nous distinguerons différents types de proverbes en forme de phrase complexe à


coordination. Ces locutions sont les suivantes : ká nzù, sà ŋgɛ̀, kúsú, ná et jɛ́.

2.2.3.1. La coordination en ″ká̰ nzù″


La conjonction de coordination ká nzù traduit une explication, parfois avec nuance de
contraste. En français, il peut correspondre à or, cependant, alors que…

(45) àɟwě wú nī jòbwɛ̌ bǎ, ɔ̀ klō li,́


noix de palme voir Acc caillou petit 3SG aimer Acc
« La noix de palme a vu le petit caillou, elle l’a aimée,

Ì wā í klōfwɛ̌ [ká nzù] ī kpɔ̀fwɛ̌ ɔ̄


3SG dire+Const 3SG Poss Ami alors que 3SG ennemi Foc
elle disait être son ami alors qu’en réalité, c’était son ennemi. »

Kà nzù permet au locuteur de ce proverbe d’opposer i klòfwɛ̌ (son ami) et i kpɔ̀fwɛ̌ (son
ennemi). Il met ainsi en exergue les attentes de àɟwě (la noix de graine) vis-à-vis de jòbwɛ̌ (la
pierre); elle a aimé jòbwɛ̌ et l’a voulue comme amie. Cependant, à son grand désarroi, elle
constate que celle-ci est une grande menace pour elle. Pour cette raison, telle que la noix de
palme qui s’est faite d’énormes illusions en voyant la pierre, il faut se méfier des apparences car
elles sont souvent trompeuses.

2.2.3.2. La coordination en ″sà ŋgɛ̀″


Le coordonnant sà ŋgɛ̀ souligne un contraste. Elle marque aussi la différence ou la restriction.

(46) kólā kólā ɔ̀ ɟī ǹzwě nú


calebasse 3SG arrêter+Const eau dedans
« La calebasse est dans l’eau,

[sā ŋɡɛ̀] ǹzwě wé kú ī


mais eau fain tuer+Const 3SG COD
pourtant elle a soif. »

Devrait-on parler de soif quand on a de l’eau à sa portée et surtout, quand on a les deux pieds
dans un étang d’eau ? A cette question, nous répondrons par la négative. Pourtant, ″La
calebasse est dans l’eau″ et paradoxalement, ″elle stipule qu’elle aurait soif″. N’est-ce-pas là un
contraste ?

2.2.3.3. La coordination en ″kṵ́sṵ́″


Tout comme les coordonnants ká nzù et sàŋɡɛ̀, la conjonction kúsú introduit un contraste
entre les propositions qu’elle engage.

(47.a) ɟómló jé fɛ̄


balafon être+Const doux
« Le balafon est assez intéressant

[kúsú] ɔ̄ nì klɔ̄ fàtá má


Cependant 3SG COI avec Village aller+Const Nég
cependant il ne convient pas au village. »

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Pour le baoulé, cet instrument de musique qu’est le balafon est celui que les génies
apprécieraient le plus. Ces derniers, inspirant la crainte, il est important d’éviter leur éventuelle
présence au village. Cela risquerait de provoquer un malheur. Pour cette raison, le ɟómló (le
balafon) a beau être intéressant, son usage sera toujours formellement déconseillé dans les
localités baoulé pour les conséquences qu’il pourrait occasionner. En outre, soulignons que dans
un énoncé, les coordonnants kúsú, kà nzù et sà ŋgɛ̀ peuvent permuter l’un avec l’autre sans
incident sémantico-syntaxique comme en témoigne l’exemple suivant :

(47.b) ɟómló jé fɛ̄


balafon être+Const doux
« Le balafon est assez intéressant

[sà ŋgɛ̀] ɔ̄ nì klɔ̄ fàtá má


Cependant 3SG COI avec Village aller+Const Nég
cependant il ne convient pas au village. »

2.2.3.4. La coordination en « ná̰ »


La conjonction « ná » de la phrase proverbiale baoulé rapporte un but à atteindre et
correspond en français aux locutions afin que…, de sorte que…

(48) sчǐ wá ɔ̄ tjá [ ná ]


éléphant dire+Const 3SG poser patte+Int afin que
« L’éléphant dit qu’il pose la patte

ī wá ɔ̄ à jā ǹzwě nɔ̄ wlɛ̌


3SG Poss enfant 3SG Rés Avoir eau où boire
afin que son petit ait à boire. »

2.3.5. La coordination en « jɛ̰́ »


La conjonction « jɛ́ » du proverbe à propositions coordonnées retrace de façon
chronologique les évènements décrits par l’énoncé. Cette description part d’un point A (point de
départ) pour s’achever à un point B (point d’arrivée) tel que le démontre le ɲadra (49).

(49) fɛ̰̂ ɔ̀ vjě má bōlí trē nú [jɛ́]


goût 3SG finir+Hab Nég cabri tête dedans Rel
″Le goût ne finit pas dans la tête du cabri

bē jí í āsè ɔ̀


3SG jeter+Hab 3SG Terre Foc
COD
avant qu’on ne la laisse tomber.″

La proposition (49.b) constitue l’aboutissement d’un évènement qui aura été amorcé depuis
la proposition (49.a).

(49.a) fɛ̰̂ ɔ̀ vjě má bōlí trē nú


goût 3SG finir+Hab Nég cabri tête dedans
« le goût ne finit pas dans la tête du cabri »

(49.b) bē jí í āsè


3SG Jeter+Hab 3SG COD Terre
« on ne la laisse tomber »

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L’utilisation de la conjonction « jɛ́ » qui exige elle-même que la phrase se termine par « ɔ »
permet donc au locuteur de faire une description chronologique des différentes étapes
composant le proverbe. En définitive, retenons que les énoncés complexes en baoulé sont
obtenus soit par juxtaposition, par subordination, ou par coordination.
Toutes ces adjonctions de propositions en vue de composer des phrases complexes sont
envisageables dans la composition du ɲadra puisque ces différents procédés de constructions
phrastiques sont observés au sein des phrases proverbiales baoulé. Toutefois, il convient de
souligner que la proposition relative du ɲadra est particulièrement de type déterminatif.

CONCLUSION

Ce travail avait pour ambition d’examiner l’organisation syntaxique des proverbes baoulé.
De cet examen, il en ressort que ces unités se répartissent en deux grandes catégories
phrastiques : les phrases simples, d’une part et les phrases complexes, d’autre part.
Pour les premières, six (6) des neuf (9) structures attestées en baoulé permettent la
construction de proverbes, seul le schème N1+ P(n) + N2 sert à produire des proverbes baoulé en
forme de phrase nominale ; les structures observables à l’intérieur de ceux en forme de phrase
verbale sont les suivantes :

 N(s) +V (p).
 N(s) +V (p) +N (e).
 N(s) +V(p) + N(e) + N(e).
 N(s) + [V +N(e) + V] (p) +N(e)
 N(s) + [V +V] (p) +N(e).

Aussi, justifierons-nous la faible occurrence de N(s) +V (p) et le non usage des structures N(s) +
P(n), N(s) + [V +N(e) + V] (p) et N(s) + [V +V] (p) par le fait qu’au cours de leur construction, ces
formules procèdent essentiellement par saturation des différentes positions syntaxiques pouvant
concéder une unité notionnelle. Si donc N(s) + P(n), N(s) + [V +N(e) + V] (p) et N(s) + [V +V] (p)
sont inexistants au sein des proverbes baoulé, ce serait parce qu’elles sont dépourvues de noms
en fonction d’expansion. En revanche, N(s) +V (p) ayant une faible occurrence, serait, elle, due
à l’utilisation de verbes intransitifs.
Pour les secondes, tous les procédés de constructions de phrases complexes permettent de
produire des proverbes. Cependant, pour la proposition relative, nous ne notons que la présence
de phrase de type déterminatif.

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