010-Cours de Finance Internationale

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 127

Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Chapitre 1 – Les avatars de l’environnement financier national et


international

La vague mondiale de libéralisation financière des années 80 et 90 s’est


traduite, d’un point de vue structurel, par une industrialisation des opérations de
banque et de finance de marché (tant de la finance organisée que de la finance de
gré à gré) et ce pour traiter des volumes sans cesse croissants dans un contexte de
relâchement de la réglementation. Cette industrialisation traduit le renforcement de la
concurrence entre les banques et les marchés d’une part, et entre les marchés eux-
mêmes d’autre part (concurrence entre places financières ou plus exactement entre
les « entreprises de marché1 »). De ce renforcement de la concurrence découle
aujourd’hui une tendance à la concentration des banques et des marchés et à une
organisation d’ensemble du monde financier modelée par les principes de l’économie
de marché.
D’un point de vue conjoncturel, la finance est davantage « élastique », moins
visqueuse face aux cycles économiques, comme n’importe quelle industrie mue par
les principes de marché et donc par le recul de la place de la puissance publique. A
l’échelle internationale, les mouvements de capitaux (notamment au titre des
investissements de portefeuille) sont plus rapides, plus volatils et partant, plus
incertains. Dans l’ensemble, les temps de réaction des utilisateurs des systèmes
bancaires et financiers – emprunteurs, déposants, émetteurs, investisseurs en titres
– se resserrent. Signe d’une meilleure efficience informationnelle et « allocative »,
cette réactivité souligne également des développements mimétiques et auto-
réalisateurs qui se développent sur des marchés où l’information, en circulant plus
vite, est parfois mal digérée.

Ce chapitre a pour objectif de vous rappeler un certain nombre d’évolutions


structurantes de l’industrie financière mondiale. Ces éléments structurels serviront de
cadre à l’analyse conjoncturelle des marchés bancaires et financiers internationaux
que nous aborderons dans le chapitre suivant.

1
Une bourse est une entreprise de marché (en Europe, l’expression est juridiquement consacrée depuis la
Directive sur les Services d’Investissement de 1993), chargée d’organiser la cotation et la négociation des
valeurs cotées.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les étudiants n’ayant pas suivi le cours de relations monétaires


internationales en licence pourront se référer à l’ouvrage de Jean-Pierre ALLEGRET
et Bernard COURBIS, « Monnaies, finance et mondialisation », Vuibert, 2003 (en
particulier le chapitre 4, « Les aléas de la mondialisation financière » et notamment la
section 1.2. consacrée aux acteurs de l’intégration financière internationale).
Sur les produits financiers nationaux et internationaux (euro-émissions, euro-
bonds, euro-commercial papers), la lecture de l’ouvrage de Josette Peyrard
« Gestion financière internationale » (ed. Vuibert) ou de celui de Jean Mathis
(« Marchés internationaux de capitaux », ed. Economica) pourra éventuellement
vous être utile.

Plan du chapitre
1. Le contexte : un environnement financier en profonde restructuration.
2. La globalisation financière : figures de la mondialisation
3. Panorama de la finance européenne (non traité en cours)

Section 1 - Le contexte : un environnement financier en profonde


restructuration.

Le paysage financier a considérablement évolué ces 20 dernières années tant au


sein des Systèmes Financiers Nationaux (SFN) qu’au sein du Système Financier
International (SFI), lequel tend de plus en plus à être intégré sous le coup des
mesures prises en faveur de la globalisation financière.

Quelques rappels sur les principales évolutions constatées :


• Au sein des différents SFN
• Au sein du SFI

Il est utile d’avoir à l’esprit que la finance internationale ne recouvre pas les seuls
marchés bancaires et financiers spécifiquement internationaux (eurodevises,
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

euro-crédits et euro-émissions de titres). La finance internationale renvoie aussi à


la manière dont les espaces financiers internationaux peuvent « dialoguer » entre
eux du fait du repli des normes de structure (déréglementation, décloisonnement
des activités bancaires et financières). L’espace financier international est
constitué d’espaces financiers nationaux davantage ouverts. Est ainsi opération
de finance internationale, un prêt accordé par une banque (en monnaie locale ou
en devises) à un NR, une émission de titres (réalisée en monnaie locale ou en
devises) placés auprès d’investisseurs non résidents. Les évolutions majeures
qu’ont connues les systèmes financiers nationaux ces dernières années trouvent
donc parfaitement leur place dans la problématique de l’intégration internationale
des marchés de capitaux.

A/ Les principales évolutions des différents SFN

1. passage d’une économie de crédits administrés à une économie de


marchés financiers

Pour préserver la sécurité des mouvements de capitaux et protéger l’épargne, mais


aussi pour donner aux Pouvoirs Publics la maîtrise des taux de change et de la
politique monétaire, les systèmes financiers ont longtemps été soumis à de fortes
contraintes réglementaires : encadrement du crédit, contrôle des changes,
cloisonnement des activités bancaires (Glass Steagall Act aux EU en 1933, Mc
Fadden Act en 1927…), cloisonnement des professions de marché par statut
(brokers et jobbers aux Etats-Unis, Sociétés de Bourse ayant le monopole d’accès à
la négociation)…
A partir des années 70, les innovations technologiques, la croissance des besoins de
financement et l’influence des économistes libéraux ont entraîné une profonde
transformation des systèmes financiers et contribué à casser « l’hyper
administration » qui a longtemps caractérisé les systèmes bancaires et financiers (en
particulier depuis la crise financière de 1929). Il y a désormais banalisation des
circuits de financement (décloisonnement) et des moyens d’accès aux marchés (les
banques ont désormais accès direct aux marchés – sans passer par une société de
bourse- en local ou par des écrans déportés s’agissant des marchés étrangers sur
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

lesquels elles souhaitent agir directement en tant que négociateurs). Les banques
peuvent se faire pleinement concurrence sur les taux d’intérêt débiteurs
(déréglementation) et pour partie seulement sur les taux d’intérêt créditeurs. Enfin,
elles doivent prendre en compte la concurrence exercée par les
financements/placements sous forme de titres (désintermédiation ou plus
exactement marchéisation des conditions de financement du fait de la titrisation).
Quelques rappels sur les « 3D »
1. La déréglementation : la plupart des pays industrialisés et un certain nombre de pays émergents ont
remodelé leur réglementation des activités financières autour de 4 principes :
- adapter l’organisation et le contrôle des marchés aux nouveaux instrument issus de l’innovation
financière (produits dérivés…) ;
- démanteler les barrières pour répondre à l’accroissement des volumes échangés ;
- substituer des instances professionnelles de gestion et de contrôle à la tutelle de l’Etat.
- Les restrictions quantitatives sur les prêts et sur les taux d’intérêt débiteurs ont été abolies de même que
le contrôle des changes et la limitation des mouvements de capitaux.
Rq : il existe deux formes de réglementation : les réglementations de structure et les réglementations
de comportement (normes de conduite). Alors que les années 80 ont été caractérisées par un repli des
normes de structure (émergence de la notion de banque universelle), les réglementations de
comportement se sont durcies au travers de l’adoption de règles prudentielles (ratios de solvabilité, de
liquidité, de division des risques). C’est ce renforcement des normes de conduite qui fait dire à certains
que l’on a assisté à un mouvement de re-réglementation. Pour être précis, il faut plutôt parler d’un
redéploiement de la réglementation, d’un changement de nature pour qualifier le relâchement des
normes de structure et le durcissement des normes de conduite.

2. Le décloisonnement : les nouvelles techniques financières, notamment les instruments de couverture,


instaurent une intégration verticale des métiers financiers entre des marchés distincts par les produits
qu’ils traitent (titres, options, devises, indices…), leurs échéances (au comptant ou à terme) et leurs
modes d’organisation (réglementés ou de gré à gré).
Les circuits de financement sont banalisés alors qu’auparavant ils pouvaient être spécialisés par secteur
(industrie, logement) ou par leur finalité (exportations, investissements…).
En France, de la Libération jusqu’aux années 80, l’économie française a été caractérisée par une forte
influence de l’Etat sur le système financier (la part des prêts « aidés » dans le financement des
investissements était encore de 20 % dans les années 80). Le système financier comportait des circuits
de financement distincts gérés par des institutions spécialisées. Les établissements bancaires étaient
soumis à une séparation stricte en fonction de leurs métiers (Dépôts, Crédit, Investissements de
portefeuille ou investissements directs, opérations de marché…). Le marché monétaire, le marché
obligataire et le marché des actions restaient fortement cloisonnés. Leurs opérateurs étaient
précisément définis et intervenaient de façon exclusive. L’Etat organisait le financement des secteurs
jugés prioritaires comme le logement ou l’industrie, en bonifiant des prêts et en contrôlant les
établissements qui les accordaient (Crédit foncier, CDC, Crédit Agricole…).
En France, en 1984, la loi bancaire a permis de regrouper sous le statut d’établissement de crédit les
banques, les réseaux mutualistes, les Caisses d’Epargne, les Sociétés Financières et les IFS. La logique
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

est désormais celle de la banque universelle ayant vocation à proposer toute la gamme des services
financiers.

3. La désintermédiation : le développement des marchés financiers a entraîné la baisse de la part du


crédit dans le financement des entreprises. Alors qu’il en représentait les 2/3 en France et en Allemagne
à la fin des années 70, il est devenu inférieur à la moitié au milieu des années 80, avant de se stabiliser
depuis autour de 50 %. Le rôle des banques est ainsi modifié : leur métier de créancier s’est réduit tandis
que se sont développées leurs prestations de services aux entreprises qui accèdent directement aux
marchés de capitaux.

Les réformes menées au cours des années 80 ont privilégié deux axes :
- l’unification des différents marchés : monétaire, obligataire, des actions afin de les rendre larges et
profonds, accessibles à tous les intervenants pour que ceux-ci puissent accéder facilement aux
instruments de financement, de placement ou de couverture dont ils ont besoin.
- l’harmonisation des conditions d’accès et des statuts des opérateurs en uniformisant les règles de
concurrence et en rénovant les instances de contrôle.

2. La notion de firme bancaire

Dans la plupart des pays, les banques sont passées d’un statut de quasi-
administration (courroie de transmission de la politique monétaire, orientation du
crédit par l’Etat, encadrement du crédit…) à un statut de firmes bancaires,
maximisant leurs profits sous contraintes de coût.

• Les banques sont, au moins potentiellement2, des « banques


universelles », banques de crédit, d’« affaires », de marché (opérations
sur titres et sur dérivés). L’argument en faveur de la banque universelle tient
à la réduction des risques associés à une extension de l’éventail des activités
financières (il s’agit là d’une extension de la théorie du portefeuille). Toutefois,
la concomitance entre fragilisation de nombreux systèmes bancaires et
mouvement de diversification d’activité des banques incite néanmoins à la
prudence quant au bien-fondé de cet argument en faveur de la banque
universelle. Le développement de l’affairisme et des conflits d’intérêt suscite
également une réflexion critique sur le mélange des genres qu’autorise la
banque universelle (d’où des problèmes d’aléa de moralité susceptibles de

2
C’est à dire réglementairement.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

peser tant sur les autorités de tutelle que sur des actionnaires en peine
d’exercer leur fonction de monitoring).

• L’émergence de conglomérats financiers.

Le terme de conglomérat financier se réfère à « tout groupe de sociétés ayant un


actionnariat commun et dont les activités exclusives ou prédominantes consistent à
fournir des services significatifs dans au moins deux secteurs financiers différents
(banques, titres, assurances » (Groupe Swann, BRI, [95]). En Europe, l’évolution la
plus marquée concerne le développement des conglomérats banque-assurance. La
deuxième directive bancaire traite la participation des institutions de crédit dans les
compagnies d’assurances sur un pied d’égalité avec leur participation dans d’autres
entreprises financières (cadre réglementaire permissif).
Un certain nombre de facteurs ont encouragé le développement de conglomérats
financiers :
o Flexibilité dans l’exploitation de nouvelles niches,
o Structuration de sociétés réversible et divisible (coûts de
démembrement inférieurs)
o Objectif d’enracinement (accroissement de la complexité et du coût de
l’observation par les actionnaires des efforts déployés par les équipes
dirigeantes) (Shleifer et Vhisny, [96])…et d’employabilité ?
o Opacité en matière de réglementation : la structuration conglomérale
des groupes financiers est propice aux arbitrages de supervision et de
réglementation en raison des niveaux différenciés de contrainte
réglementaire et de contrôle (tant entre types d’intermédiaire financier
qu’entre pays pour un même type de firme).

• La banque « universelle » comporte deux grands volets :


o Banque de réseau
o Banque d’investissement

Dès lors que les mutations de la sphère financière ont estompé les frontières entre
les catégories de banques et institutions financières (banques et assurances, forme
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

mutualiste et forme capitalistique…), le concept qui se dégage n’est plus le statut


mais le métier. Le « conglomérat financier » typique peut rassembler aujourd’hui :
- Les métiers de la banque de détail ;
- Les métiers de la banque de gros (financement des
grandes entreprises et des institutionnels) ;
- Les métiers de la banque d’investissement
(services liés aux activités sur les marchés de
capitaux),
- Les métiers de gestion pour compte de tiers (asset
management)
- Les métiers de conservation3 (custody).
Le conglomérat financier tire sa rentabilité de la supériorité dans l’offre des métiers
qu’il a privilégiés et dans les synergies pouvant les relier. Plutôt que les économies
d’échelle, ce sont les économies d’envergure4 qui importent.
Toutefois, ce qui se dessine actuellement, c’est l’idée que la rentabilité ne culmine
pas forcément dans la banque universelle qui n’a pas la capacité à assimiler

3
Cf chapitre 3. Un custodian est une banque agissant en qualité de conservateur de titres (dépositaire de titres).
Du fait du développement de l’internationalisation des portefeuilles titres, certaines banques conservent des titres
« de toutes nationalités » pour le compte d’investisseurs (le plus souvent institutionnels). On les qualifie de
global custodians. Les principaux global custodians sont des banques américaines (Statestreet, Bank ok New
York).
4
Les économies d’envergure sont issues des synergies de production propres aux firmes multiproduits. Ces
économies de gamme interviennent quand il est moins coûteux de produire plusieurs biens ou services dans une
même entreprise que dans des firmes séparées. Il y a économie d’envergure quand la fonction de coût est sous-
additive.
Dans le cas de deux services bancaires produits en quantité Q1 et Q2, cela donne :

C(Q1, 0) + C(0, Q2) > C(Q1,Q2)

Les synergies peuvent par exemple provenir de deux sources :


- la production de services financiers
- la consommation de services financiers
Les économies d’envergure de production sont d’autant plus fortes que les coûts fixes susceptibles d’être
partagés entre les produits sont eux-mêmes importants.
Ces coûts fixes concernent :
- la gestion des relations de clientèle, ce qui inclut les ressources humaines, les services d’information, les
capacités centrales d’expertise et les investissements liés à l’établissement et à la perpétuation d’une
réputation ;
- les infrastructures de distribution et réseaux de guichets créés pour commercialiser un type de produit
financier et qui peuvent être exploités pour distribuer d’autres produits à un faible coût marginal ;
- l’information nécessaire pour produire un type de service financier qui peut être mobilisée pour en produire
d’autres à un coût additionnel faible.
Des synergies peuvent également apparaître dans la consommation de services financiers différenciés. Ces
économies d’envergure de consommation résultent de la réduction des coûts de recherche, d’information et de
contrôle dont bénéficie le client en pouvant disposer de l’ensemble des services financiers en un seul point de
vente (c’est un argument fort de la bancassurance). En d’autres termes, les consommateurs accordent une valeur
supérieure à un ensemble de produits financiers provenant d’une même institution financière comparé au même
éventail de produits vendus par des firmes différentes.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

plusieurs métiers et plusieurs cultures. « Les firmes qui dominent le secteur


particulièrement globalisé des banques d’investissement sont, de longue date,
spécialisées dans ce métier : Goldman Sachs, Merrill Lynch, Morgan Stanley. A
contrario, l’absorption de Salomon Brothers dans le holding Citygroup a coïncidé
avec son repli ; le mouvement de Deutsche Bank vers les métiers liés aux marchés,
par acquisition de Morgan Grenfell et Bankers Trust est contemporain d’un recul de
sa notation ». (A de Servigny, Economie financière, Dunod, p. 13).
Remarque : la banque de détail échappe dans une certaine mesure au phénomène
de globalisation et peut donc encore procurer aux banques commerciales une assise
forte : profits récurrents, marges soutenues pour certaines opérations, clientèle
« visqueuse », forte collecte d’épargne, capacité de placement, relation de proximité.
Les activités de banque de marché sont en revanche plus contestables (au sens de
Baumol) et davantage internationalisées que les activités de banque commerciale.

• Une nouvelle césure :


 industrialisation des produits et des
o Retail « basse tension »
process (traitement de masse). Les crédits aux particuliers, aux PME,
les opérations sur titres de petits montants (petits ordres) peuvent être
traités de manière industrielle parce que ce sont des opérations
faiblement margées et qui donnent lieu à un traitement standardisé

o Corporate « haute tension »  traitement par exception. Les


« gros » crédits, les financements structurés, les opérations de marché
pour le compte de gros investisseurs institutionnels, fortement
margées, sont particulièrement recherchées et justifient un traitement
particulier…et soigné. La clientèle des institutionnels (fonds de pension
par exemple) qui confient à une banque la gestion de leurs fonds relève
de ce traitement « sur mesure ».

• Une recomposition du bilan des banques. La firme bancaire vue au


travers de la structure bilantielle.
Le bilan traditionnel de la banque est fondé sur l’intermédiation de crédits. Avec le
développement de la concurrence des financements/placements de marché, la
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

structure du bilan des banques a considérablement évolué pour faire place à une
intermédiation sur titres (et à une intermédiation contrepartiste).

Banque
Crédits Dépôts

Banque
Crédits  Dépôts 

Titres Titres émis 



acquis

L’intermédiation de crédit est en recul sous l’effet d’une double érosion :


- baisse des dépôts en compte courant et des dépôts d’épargne sur livrets
- baisse des crédits du fait du développement des financements des ANF
(Agents Non Financiers) par émissions de titres (produits de taux ou titres de
propriété)
Les banques ont été amenées à réagir pour contrecarrer à la fois la baisse des leurs
ressources (Passif) et celle de leurs emplois (Actif).
Elles se sont donc placées comme des acteurs majeurs des marchés :
- en tant qu’émettrices de titres sur les marchés monétaires (titres courts, CD
ou titres longs, BMTN), obligataires nationaux ou internationaux (euro-CP,
EMTN).
- En tant qu’investisseurs en titres en faisant l’acquisition de titres de la dette
publique, privée ou d’actions. Le portefeuille titres des banques a donc
considérablement augmenté (et potentiellement l’exposition aux risques de
marché en plus du risque de contrepartie traditionnel).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Bilan bancaire « typique » d’une banque

Actif Passif
Encaisse de trésorerie (monnaie Dépôts interbancaires
centrale en caisse, réserves)
Prêts interbancaires Dépôts des ANF (dépôts à vue, à
terme, comptes sur livret, comptes et
plans d’épargne logement…)
Crédits aux ANF Titres émis (CD, obligations)
Portefeuille titres Provisions
Immobilisations Capitaux Propres

Evolution de la structure du bilan des principales banques françaises entre


1960 et 1997.

1960
C 83 % Di 26,2 %
T 15 % D 63,3 %
Immob. 2 % Obligations 0,2
%
TCN 0 %
Divers 6,7 %
FP 3,6 %
1997

C 50 % Di 10 %
Ci 8 % D 36 %
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

T 35 % Obligations 11

I7% %
TCN 30 %
Divers 8 %
FP 5 %

Au-delà de cette évolution fonctionnelle, le bilan des banques fait aujourd’hui


apparaître une composante internationale beaucoup plus marquée tant sur le plan
des ressources collectées que des emplois. Par convention, on considère qu’une
banque est internationale lorsque plus de 30 % de son bilan est libellé en devises ou
en lien avec un Non Résident.

Bilan bancaire « typique » d’une banque internationale


(en isolant les postes de l’actif et du passif en lien avec une créance / dette « NR non
résidente »)

Actif Passif
Encaisse de trésorerie en devises Dépôts interbancaires en devises ou
en monnaie locale auprès de
banques étrangères
Prêts interbancaires en devises ou Dépôts des ANF NR (en monnaie
en monnaie locale à une banque NR locale ou en devises)
Crédits aux ANF à des NR Titres émis sur des marchés
étrangers
Euro-émissions (ECP, euro-
obligations)
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Portefeuille titres NR Provisions


Immobilisations NR Capitaux Propres

Rappel : il y a mobiliérisation / titrisation des bilans bancaires et marchéisation


des conditions de financement (les banques doivent aligner leurs conditions de
financement sur les taux d’intérêt de marché si elles ne souhaitent se maintenir face
à la concurrence des marchés).

Remarque : le bilan n’offre qu’une vision partielle de l’activité de la banque. En effet,


les opérations sur produits dérivés (pour compte propre et pour compte de tiers)
n’apparaissent qu’au Hors Bilan, lequel a considérablement « enflé » du fait du
redéploiement des banques sur les activités de marché (marchés financiers et
marchés dérivés).

De la même manière, les activités de broker (intermédiation pure) n’apparaissent


pas au bilan puisque les banques servent seulement d’interface entre un acheteur et
un vendeur (et se rémunèrent par une commission de courtage et non par une marge
d’intermédiation). Seule l’intermédiation contrepartiste figure au bilan (achat/vente
d’actifs pour compte propre)

B/ Les principales évolutions au sein du SFI

1. Le SFI a suivi la même évolution que la plupart des SFN, à savoir un


relatif recul des financements internationaux par crédit bancaire (crédits
internationaux, euro-crédits en Xeno-devises) au profit des émissions
internationales (émissions étrangères, euro-émissions obligataires,
global bonds). Il est également possible de parler de
titrisation/mobiliérisation/marchéisation de l’économie mondiale et
donc d’un recul de l’intermédiation de crédit au niveau
international.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Pour info, voir statistiques in JP ALLEGRET et B COURBIS, op. cit., p 131


et 13. Les rapports de la Banque des Règlements Internationaux
fournissent également des statistiques complètes (annuelles et
semestrielles) sur l’évolution des modes de financement de l’économie
mondiale.

2. Le SFI a pris pour cible le concept de marché global et efficient et par


voie de conséquence, de marché intégré mondialement, en vue de
réaliser un financement optimal de l’économie mondiale et de
contribuer le plus efficacement possible à la croissance et à la
prospérité. L’orientation libérale du SFI est clairement affirmée dans le
mouvement de globalisation. L’efficience des marchés renvoie à l’idée
que les besoins de financement et les capacités de financement
peuvent plus facilement coïncider parce que l’allocation du capital et la
circulation de l’information sont facilitées. Cette efficience allocative et
informationnelle ne peuvent s’entendre uniquement dans un cadre
national mais à l’échelle internationale : les capitaux doivent circuler
facilement ; les agents à besoin de financement doivent pouvoir
emprunter n’importe où (en émettant des titres sur n’importe quel
marché) et les agents à capacité d’épargne doivent pouvoir placer
n’importe où (en achetant des titres sur n’importe quel marché).

Section 2 - Quelques figures « emblématiques » de la


mondialisation. Où en est la globalisation financière ?

• La finance est un terrain d’exercice privilégié de la mondialisation. Le fait


que quelques 2500 Milliards d’USD s’échangent chaque jour dans le monde,
que des turbulences monétaires (crises cambiaires) ou financières sur une
place donnée peuvent créer une onde de choc dévastatrice sur d’autres
places, ou encore que les places financières participent d’un vaste marché
global de l’argent bien plus important que le marché du commerce
international (quand il s’échange pour 1 $ de marchandises dans le monde, il
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

s’échange pour 60 $ d’actifs monétaires et financiers), contribue


immanquablement à faire penser au «village planétaire » à la Mc Luhan.
Les banques sont au cœur de ce processus puisqu’elles sont des acteurs
décisifs des systèmes de paiement interbancaires qui drainent des sommes
considérables (255 Mds d’€ par jour en France, plus de 1400 Mds d’€ par jour
au sein de l’Union Européenne). En 4/5 jours, les systèmes de paiement
interbancaires américains traitent l’équivalent du PIB annuel américain (cet
ordre de grandeur est valable également pour les pays européens et certains
pays d’Asie du Sud-Est comme Hong Kong ou Singapour).

• La globalisation financière se traduit par une intégration financière croissante


des marchés comme en témoigne le mouvement de concentration des
bourses à l’échelle mondiale. La logique industrielle imprègne fortement la
finance avec des bourses qui sont d’ailleurs devenues de véritables
entreprises (entreprises de marché), qui naissent, fusionnent, sont elles-
mêmes cotées, meurent... Les banques interviennent sur les marchés en tant
qu’investisseurs pour compte propre (intermédiation contrepartiste), en tant
que broker (pour le compte d’un tiers) ou encore en tant que simple collecteur
d’ordres pour le compte d’un investisseur (dans la cas où elle même ne peut
pas être broker et avoir accès à un marché réglementé).

Voir schéma présenté en cours sur l’organisation réticulaire de la finance


mondiale.

Du mouvement de concurrence entre marchés découle une dilution de la notion de


place financière nationale dans cet espace globalisé : multi-cotation, possibilité
d’émettre des titres en devises, accès à des bourses à distance (écrans de
négociation en remote access), existence de global bonds placés simultanément et
aux même conditions auprès de multiples investisseurs un peu partout dans le
monde etc… Ce sont les aspects les plus connus et les plus visibles de la
globalisation. Là encore, ces évolutions qui concernent la finance réglementée, ont
une incidence sur les banques qui doivent se montrer capables, dans leurs activités
de banques d’investissement, de négocier des titres, les compenser (ou les faire
compenser), de dénouer les opérations et de conserver les titres de différentes
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

zones. Elles sont de ce fait des acteurs décisifs de la globalisation financière (ce qui
amende sérieusement l’idée de la désintermédiation. Il convient davantage de parler
de « réintermédiation » : avec le recul de l’intermédiation de crédit les banques se
sont redéployées sur une intermédiation sur titres et de marché). Les banques ont un
rôle important à jouer en l’espèce car elles doivent se montrer capables d’acheter
des titres pour compte propre ou pour compte de tiers sur des marchés auxquels
elles n’ont pas nécessairement accès (développement du remote access ou accès
par un broker local ayant accès direct à la négociation).

A/ Les effets attendus du processus de globalisation financière

1. Les « vertus » de la globalisation financière

Le principal effet attendu de la globalisation financière est de permettre une meilleure


allocation du capital à l’échelle mondiale. Un agent à besoin de financement doit
trouver un agent disposé à le financer : un agent à capacité de financement.
A l’échelle nationale, cette rencontre n’est pas assurée. Il faut en effet un bassin
d’épargne suffisant, des émetteurs de titres qui inspirent confiance. Il se peut très
bien qu’on ait des émetteurs et pas suffisamment de prêteurs (ou du moins pas
suffisamment d’agents disposés à prêter) ou l’inverse.
L’ouverture des marchés à l’échelle internationale est un moyen de rendre optimale
cette rencontre :
• Les émetteurs peuvent diversifier leurs sources de financement ;
• Les prêteurs peuvent diversifier leurs moyens de placement.

Avec l’intégration des marchés, c’est donc que potentiellement , les sources de
financement sont mondialisées et que les « oasis de placement » sont également
mondialisés. De manière plus formelle, cela veut dire qu’il y a désormais,
potentiellement et théoriquement, complète déconnexion entre investissement
national et épargne nationale5.

5
Les travaux de Horioka et Feldstein, repris récemment, montrent que la corrélation entre épargne domestique et
investissement domestique est encore significative. Toutefois, en tendance, cette corrélation diminue ce qui
plaide pour une intégration internationale désormais plus importante (ces travaux ont de plus quelque peu
vieilli). Voir JP ALLEGRET et B COURBIS, op. cit., p. 137-138.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les investisseurs doivent pouvoir facilement acheter des titres étrangers et diversifier
leurs moyens de placement. A l’échelle macroscopique, cela signifie que l’épargne
peut très facilement s’exporter.
Quant aux émetteurs, ils peuvent facilement émettre des titres soit sur des marchés
étrangers, soit sur leur propre marché ouvert à des investisseurs non résidents.
Par ailleurs, la globalisation doit exercer une pression sur la rentabilité et
l’intensification de la concurrence entre banques et plus largement entre toutes les
entreprises liées au financement de l’économie.

2. La globalisation à l’épreuve des faits


a. La globalisation et les banques
b. La globalisation et les marchés

a. La globalisation et les banques


Avec la libéralisation des mouvements de capitaux et la levée des contrôles des
changes, les banques ont développé leurs portefeuilles de créances à l’international
de même qu’elles se financent davantage en émettant des titres sur les marchés
étrangers ou sur le marché financier international (euro-bonds, euro-certificats de
dépôt). C’est particulièrement le cas des banques de pays émergents contraintes de
chercher des ressources sur d’autres marchés faute d’une épargne locale suffisante.
La globalisation s’est aussi traduite par un mouvement de consolidation
(fusions/acquisitions) découlant du renforcement de la concurrence.
Fusions-acquisitions, OPA et faillites bancaires constituent des opérations de
restructuration contribuant à la concentration du secteur. Les fusions ont été
particulièrement importantes partout dans le monde depuis le milieu des années 90.
Alors que pendant longtemps, la hiérarchie des banques n’a pas bougé, le paysage
bancaire mondial a considérablement été remanié ces dernières années. Depuis
1995, plus de la moitié des 30 plus grandes banques européennes est le résultat de
fusions-acquisitions et la taille moyenne des 5 plus importantes banques a doublé. A
l’échelle internationale, la BRI a recensé 500 opérations de F/A de 1991 à 1992
portant sur 17,5 Mds de $ et 200 opérations de 1997 à 1999 portant sur 100 Mds de
$. Après une pause liée au retournement de la conjoncture (les F/A sont toujours
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

plus nombreuses en « haut de cycle »), les fusions semblent reprendre, la dernière
en date (octobre 2003) étant celle entre Bank of Ameria et FleetBoston.
Parmi les plus grosses banques de la planète, un certain nombre sont aujourd’hui le
fruit d’opérations de fusion-acquisition : Deustche Bank (DB / Bankers Trust), United
Bank of Switerland (Union de banques Suisses + SBS), BNPParibas, Crédit
Lyonnais/Crédit Agricole…

Evolution du nombre d’établissements

Pays Evolution sur la période (période de


référence)
EU - 34 % (80 – 95)
Allemagne - 35 % (80 – 95)
France - 43 % (84 – 95)
RU - 30 % (84 – 95)
Finlande / Norvège - 57 % (80 – 95)
Suède - 81 % (85 – 95)

Source : d’après Laurence Scialom, Economie bancaire, La découverte, 1999, p.36

Taux de concentration (part en % du total des actifs des 10 premières banques


sur les marchés bancaires)

Pays Taux de concentration


Suède 93 %
Finlande 83 %
RU 78 %
France 63 %
EU 21 %

Rappel : comment justifie-t-on la concentration industrielle ?


C’est principalement la recherche d’économies d’échelle qui justifie la concentration.
C’est un point qui fait l’objet de vives discussions. En effet, si l’on se fonde sur les
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

études empiriques menées dans le secteur bancaire (Humphrey [93], Forestieri [93]),
la courbe de coût moyen a la forme d’un U écrasé. Les banques « moyennes »
seraient plus performantes que les grandes banques ou que les petites banques.
Presque toutes les études semblent placer le point bas du U à une taille très
inférieure à la taille des plus grandes banques américaines. Ainsi, cela tend à
indiquer que l’extension de la taille pourrait créer des déséconomies (et non des
économies d’échelle) imputables aux difficultés de gestion d’entreprises de très
grande taille.
La recherche d’économies d’échelle n’est donc pas un facteur suffisant, ni même
explicatif d’ailleurs. D’ailleurs, les agences de notation insistent sur la priorité
qu’elles accordent aux fondements économiques de la fusion : insertion dans une
démarche globale, recherche de synergies.
Quels sont alors les autres facteurs explicatifs ?
- Soutien des marges d’intermédiation par des blocages stratégiques à l’entrée
de nouveaux acteurs. Les banques réagissent aux pressions concurrentielles
en réduisant leur rivalité par des fusions, acquisitions (dans un premier temps
domestiques) ou des accords de participation croisée ;
- Accroissement des parts de marché de sorte que l’effet quantité compense le
déclin des marges unitaires lié à l’existence de surcapacités bancaires ;
- Volonté de bénéficier de la doctrine rassurante du too big to fail ;
- Recherche d’un bonus pour les équipes managériales (stocks options
accordés aux équipes dirigeantes d’autant plus élevés que la taille de la
banque l’est également) et de la création de valeur à l’attention des
actionnaires (de plus en plus exigeants quant au ROE6).
Motivations des fusions bancaires

Motivations des fusions Métiers Exemples


Consolidation, Banque de détail Sumitomo
restructuration d’un

6
Le ROE (Return On Equity), mesuré par le ratio Résultat net / Fonds Propres s’est imposé ces dernières années
comme un véritable benchmark de la rentabilité des entreprises. La norme de 15 % de “retour sur
investissement” a imposé aux entreprises d’alourdir leur endettement afin de ne pas peser sur les capitaux
propres. La non soutenabilité de cet objectif dans des économies dont les taux de croissance sont en repli a
parfois poussé un certain nombre d’entre elles au surendettement...voire à l’habillage des résultats. Aujourd’hui,
un ROE de 8 % est considéré comme satisfaisant.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

secteur marqué par des


crises
Complémentarités Banque de gros Banques US
Banque de détail Mitsubishi – Bank of Tokyo
BNP- Paribas
Economies d’échelle Dépositaire (cf chap 3) Chase Manhattan –
Chemical
Coûts fixes importants Gestion UBS – SBS
Offre globale Banque d’investissement Deutsche Bank – Bankers
Croissance externe, Banque de détail HSBC – Midland – CCF
expansion géographique Crédit Agricole – Crédit
Lyonnais
Source : d’après A de Servigny, Economie financière, 1999, Dunod, p.12

b. L’expansion des marchés financiers

Dans la plupart des pays, le financement par les marchés de capitaux connaît un
développement important sous l’effet de la modernisation des systèmes financiers et
de la mise en compétition des deux modes de financement (financement bancaire et
financement de marché). Les Etats ont participé de ce développement de la
« mobiliérisation » des financements via le développement des financements des
déficits budgétaires par émission de titres négociable de la dette publique.
Le développement des marchés peut être analysé de plusieurs manières :
• sur les marchés primaires, par l’évolution des émissions de titres de créance
(obligations ou titres du marché monétaire) et de propriété.
• Sur les marchés secondaires, par le développement des transactions sur
titres, de la capitalisation boursière et obligataire.
Plus généralement, la titrisation des financements et des placements est aujourd’hui
une caractéristique majeure de l’économie mondiale. Cette titrisation de l’économie
mondiale est particulièrement perceptible dans le développement de l’épargne gérée
sous mandat par des institutionnels (fonds de pension, fonds d’investissement,
compagnies d’assurances, organismes de placement collectifs en valeurs mobilières)
qui drainent une épargne « liquide » pour la placer en titres.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les financements de marché dans la zone euro : quelques ordres de grandeur

Depuis le début des années 90, le recours aux financements de marché, dans la zone Euro,
est privilégié par les agents. Les émissions de titres représentent en effet 46 % des flux de
financement contre 33 % pour les prêts intermédiés (91 –97). Ainsi, alors que les
entreprises ont essentiellement autofinancé leurs faibles investissements pendant la période
de basse conjoncture, elles ont eu recours beaucoup plus massivement à l’émission de titres
de propriété au début de la reprise, probablement du fait du niveau élevé des taux d’intérêt
et de la volonté de renforcer leur haut de bilan. Enfin, elles ont eu recours à l’endettement au
moment de la baisse des taux d’intérêt et de la confirmation de reprise (à partir de 1998). Il a
pris cependant la double forme de crédit et d’émissions d’obligations. Les attentes des
actionnaires en matière de rendements financiers (ROE), la mise en place de l’euro en 1999,
la naissance d’un véritable espace européen pour un marché des « corporates », et le relatif
retrait de la puissance publique du marché, ne sont sans doute pas étrangers à ce nouvel
engouement pour les émissions de titres obligataires.

Hausse de la capitalisation et des transactions

Transactions Capitalisation
(moyenne / 10 ans) (moyenne / 10 ans)
Marchés développés + 1000 % + 500 %
Marchés émergents + 2500 % + 1000 %
Marchés à valeurs de Exponentiel Exponentiel
croissance

Source : cabinet Eurogroup

Mouvements de capitaux transfrontaliers


(moyenne annuelle, en Milliards d’USD)

76/80 81/85 86/90 1993 2000


28,9 72 170 581 780
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Source : BRI
Les investisseurs institutionnels (Fonds de Pension, compagnies d’assurance,
Organismes de Placement Collectifs7) jouent un rôle considérable dans la réalisation
de l’intégration financière. Ils centralisent une part importante de l’épargne des pays
industrialisés (encours gérés supérieurs à 21 000 Milliards d’USD dont 87 %
concentrés dans les pays du G7).
Les investisseurs institutionnels orientent ensuite globalement cette épargne sur les
investissements selon leur stratégie de portefeuille en commençant par une
répartition géographique.

• Le poids des places au sein du marché mondial


La capitalisation boursière mondiale est passée de 1400 Milliards d’USD en 1975 à
plus de 27 000 Milliards en 1998 (soit une multiplication par 17 en 20 ans).

Capitalisation des 5 premiers marchés d’actions (milliards d’USD)

Places 1975 1980 1985 1990 1995 1998 1999


NY 704 1237 2013 2794 6918 13500 16640
Tokyo 142 379 948 2928 3667 2500 4200
Londres 86 205 353 850 1347 2400 2900
Francfort 51 72 178 355 577 1100 1460
Paris 35 55 79 312 500 990 1530

Source : FIBV, 1997 et SIA : 1999


Capitalisation boursière /PIB (1999)

RU : 180 % du PIB
EU : 160 %
France : 65 %

7
Mutual Funds.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Allemagne : envi 30 %
Moyenne UE : 52 %

Voir également statistiques complémentaires présentées en cours.

Quelques faits saillants :


b marché boursier mondial dominé par les places américaines et
japonaises avec respectivement 35 % et 18 % de la capitalisation mondiale
(1999 – 2000)
b progression continue de la plupart des économies émergentes malgré
un poids total non encore significatif dans la capitalisation boursière
mondiale
b certaines progressions spectaculaires (Pologne, Indonésie…).
Phénomène des MFE (Marchés Financiers Emergents).
b poids de l’Europe par rapport à la part des marchés financiers
mondiaux :
• 25 % du marché mondial des actions
• 50 % du marché mondial des obligations
b poids de plus en plus important des fonds de pension en lien avec le
vieillissement de la population dans les pays « du Nord ». Hausse attendue
pour des actifs de long terme (cf stat CDC Ixis commentées en cours sur le
développement attendu des fonds de pension en lien avec le vieillissement
des populations du « Nord »).

bdéveloppement des titres de la dette privée. Le développement des


marchés en Europe a été en grande partie tirée dans les années 80 et 90 par
les Etats qui ont massivement émis des titres, bons du Trésor et obligations,
sur les marchés monétaires et obligataires pour financer des déficits
budgétaires croissants.

Poids de la Poids de la
capitalisation actions capitalisation
obligataire
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Allemagne 23 % 77 %
Belgique 33 % 67 %
Espagne 77 % 23 %
France 40 % 60 %
Luxembourg 2% 98 %
Italie 17 % 83 %
Pays-Bas 52 % 48 %
Portugal 36 % 64 %
Stat 1997/8
Source : cabinet Eurogroup

Ce primat des financements publics a contribué à peser sur les taux d’intérêt
(du fait de la hausse de la demande de capitaux émanant d’émetteurs publics)
et a provoqué un effet d’éviction sur les émetteurs privés (meilleur rating et
statut de benchmark).
Aujourd’hui, plus que la réduction des déficits publics et le désendettement qui
doit logiquement en découler (cette évolution tarde à se faire sentir y compris
aux Etats-Unis où le Trésor est redevenu émetteur net de bons du Trésor ces
derniers mois, à la fois au titre du soutien à « l’effort de guerre » en Irak et à la
reprise de l’activité8), l’effet d’éviction est en partie résorbé par la moindre
aversion pour le risque des investisseurs attirés par des taux d’intérêt plus
attractifs que les « benchmarks » publics particulièrement bas. Les émissions
de titres « corporate » ont donc repris à un rythme soutenu.

B/ Une intégration encore imparfaite

La sous efficience des marchés financiers peut être analysée de 2 points de vue :
- sous efficience allocative ;
- sous efficience informationnelle (asymétries d’informations entre
émetteurs et investisseurs).

8
Cet effet se fait, lui sentir, si l’on en croit les dernières statistiques de croissance US : + 7,2 % en rythme annuel
au troisième semestre 2003 (novembre 2003).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

1) sous efficience allocative

Dans un univers de financement globalisé (voir supra), potentiellement ,


l’investissement national et l’épargne nationale ne sont plus contingents.
Les investisseurs doivent pouvoir facilement acheter des titres étrangers et diversifier
leurs moyens de placement. L’épargne, et donc les titres, sont parfaitement mobiles9.
Or des travaux récents (Danthine10, [2000]) (à la suite des travaux précurseurs de
Feldstein et Horioka [82]), continuent à faire état d’une corrélation étroite entre taux
d’épargne et taux d’investissement nationaux (rappelons toutefois que cette
corrélation est moins significative). Le SFI ne serait donc pas intégré au sens où
l’épargne collectée ne serait pas en réalité réallouée mondialement. Il est vrai que les
portefeuilles sont en effet aujourd’hui très faiblement investis en actifs étrangers.

Structure des portefeuilles des acteurs


institutionnels
Part de valeurs Part de valeurs
domestiques étrangères
Allemagne 87 % 13 %
Belgique 91 % 9%
Espagne 98 % 2%
France 94 % 6%
Italie 89 % 13 %
Royaume Uni 74 % 26 %

Source : cabinet Eurogroup


Voir à titre de complément les autres statistiques présentées en cours.

9
Attention à l’image trompeuse ! Les titres, comme la monnaie, ne quittent jamais leur territoire d’émission. Ce
ne sont que les droits qui circulent (droits acquis par un investisseur japonais sur une entreprise américaine au
travers d’une obligation par exemple). Nous reviendrons sur cette question dans le chapitre 3 sur l’infrastructure
internationale des marchés.
10
DANTHINE J., [2000], “The future of European Banking”, Monitoring European Integration, N°9, CEPR,
Londres.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les données disponibles montrent que la part des actifs étrangers dans les
portefeuilles des investisseurs institutionnels reste actuellement inférieur à 11 % aux
Etats-Unis, à 23 % au Japon. Elle atteint en revanche près de 30 % au Royaume-Uni
et aux Pays-Bas.
On constate encore une préférence pour l’habitat national de l’épargne (home bias).
Sans doute en partie la manifestation de la « loi de proximité », bien connue en
sociologie ou encore une manière de gérer l’aléa moral pesant sur les investisseurs
(« The tendency of private equity firms to invest domestically is a reflection of the fact
that it is important for the capital providers to be close to their portfolio companies for
the purpose of monitoring their investments11 »). Le FMI estime ainsi que l’intégration
est réelle dans les prix des actifs qui sont en permanence arbitrés par les opérateurs
(des actifs équivalents seront cotés à l’identique quel que soit le marché sur lequel ils
s’échangent), cette intégration reste limitée lorsque l’on considère les flux
internationaux de capitaux.
En Europe, du moins dans la zone des « pays in », le passage à l’euro a contribué à
changer la donne puisque les gestionnaires institutionnels ne raisonnent désormais
plus par pays (élimination du risque de change) mais par secteur d’activité : d’après
les prévisions de CDC Ixis, on va assister à un fort développement de la demande de
produits pan-européens « in ».

1999 A horizon 2005


Actifs français 90 % 30 %
Actifs étrangers 10 % 60 % Europe
10 % Reste du Monde

2) Le problème de la gestion des asymétries informationnelles

11
Source : Financial market integration in the EU, 2000, p. 152.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les asymétries d’information entre émetteurs et détenteurs de titres (au détriment de


ces derniers) ont été préoccupants ces derniers mois et ont alimenté des
phénomènes de sélection adverse et d’aléa moral. Jusqu’au printemps 2000, le
niveau moyen des cours boursiers s’est traduit par de l’anti-sélection. Les secteurs
traditionnels de l’économie (pourtant sains) ont été évincés par l’attrait des valeurs de
haute croissance. L’année 2002 a été marquée par la révélation de problèmes de
gestion de l’information financière et un niveau d’endettement inquiétant des
entreprises (dans le secteur des télécommunications en particulier). Les informations
cachées et actions cachées ont accru l’aléa moral sur les investisseurs en mal
d’exercer leurs actions de monitoring sur leurs titres. Ces opacités informationnelles
et fonctionnelles (Enron, WorldCom) sont la manifestation d’un problème de
régulation du capitalisme patrimonial12 (Orléan) qui s’est traduit par des réformes
dont les effets ne se sont pas tous fait encore sentir :
• loi US Sarbanes-Oxley (juillet 2002) ;
• changements périodiques d’auditeurs externes (gestion
aléa moral) ;
• séparation activités d’audit et de conseil ;
• indépendance des administrateurs dans les conseils
d’administration des entreprises.
L’année 2003 est marqué par une reprise des principaux indices boursiers, le
désendettement des entreprises (cf chapitre suivant) et une prise en compte des
insuffisances dans le mode de fonctionnement du gouvernement d’entreprise.

Section 3 - Les développements récents de la finance européenne

Nota : cette section ne sera pas traitée en cours. Les éléments traités ci-après sont
donc en dehors du champ de l’examen. A lire cependant !

12
Le capitalisme patrimonial traduit la montée de l’institutionnalisation de l’épargne (épargne salariale, épargne
retraite) et la sensibilité croissante des épargnants aux marchés et aux performances des entreprises. Les
problèmes de gestion qui ont entaché certaines entreprises ont révélé cette sensibilité croissante et la nécessité de
réfléchir à l’amélioration des dispositifs de gouvernement d’entreprise.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Jusqu’à présent, le principal effet de l’euro a été d’accélérer de manière


importante le processus d’intégration financière dans une triple direction, celle des
intermédiaires financiers (banques, entreprises d’investissement, compagnies
d’assurance, investisseurs institutionnels), celle des marchés (marché monétaire,
marchés de taux et marchés actions, marchés dérivés), celle enfin des
infrastructures de marché (systèmes de compensation et de règlement-livraison)
(voir chap. suivant).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

L’euro, en tant qu’ unité de compte unique dans l’ensemble de la zone ne


pouvait avoir qu’un impact structurant sur les marchés qui l’utilisent comme
intermédiaire des échanges et comme unité de compte.
Sur les marchés en tant que tels, l’euro constitue un puissant fédérateur, ne
serait-ce que parce qu’il s’impose comme référent commun de l’ensemble des actifs
financiers. La monnaie européenne a d’abord façonné les contours d’un marché
monétaire européen dans le cadre de la politique monétaire unique décidée par la
BCE. Elle a par ailleurs donné une forte impulsion au marché obligataire européen
de la dette souveraine et de la dette « Corporate13 » et, du moins pour l’instant, à
l’intégration des marchés actions.
S’agissant des infrastructures de marché, l’impact de l’euro est également
majeur. Pour les opérations transfrontalières, la complexité du traitement est plus
grande du fait de l’absence d’un espace financier constitué à l’image des espaces
nationaux. Le morcellement, à la fois technique et réglementaire des marchés,
tranche singulièrement avec l’idée du marché unique. Ce morcellement, pointé du
doigt par la Commission européenne dans le rapport Giovannini14 comme principale
source d’inefficience des marchés européens, est d’autant plus frappant depuis le
passage à l’euro.
Cet éclatement ne résistera sans doute pas dans le temps à l’intégration des
marchés européens à la faveur des évolutions technologiques, des attentes
d’investisseurs désireux de pouvoir constituer, au moindre coût, leurs portefeuilles en
valeurs de toute l’Union Européenne et de certains émetteurs soucieux d’accéder à
des marchés profonds et liquides facilitant les levées de capitaux.
La voie est désormais engagée : l’ensemble des infrastructures de marché est
concerné par des restructurations / recompositions qui, si elles montrent que le
marché pan-européen du titre n’est pas encore pour demain, les cartes n’en sont pas
fondamentalement redistribuées pour autant. Un constat fort s’impose d’ores et déjà :
aujourd’hui, le contour d’une place financière ne se délimite plus aux frontières
nationales (EURONEXT en est un exemple).

13
Obligations émises par des entreprises, financières ou non, du secteur privé.
14
Commission européenne, Cross-border clearing and settlement arrangements in the European Union,
Bruxelles, novembre 2001 (www.europa.eu.int).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Référent unique dans une communauté de paiements élargie, l’euro constitue


un puissant levier vers une intégration accrue des marchés européens sinon vers la
constitution d’un marché financier européen. La mise en place de l’euro a marqué en
effet une étape décisive dans l’évolution de la structure financière européenne.
L’UEM a non seulement modifié de façon permanente le cadre de la politique
monétaire à l’échelle de la zone, mais elle a doté d’une seule référence monétaire un
grand ensemble économique dont la taille rivalise avec celle des deux autres
principales économies mondiales. Dans le même temps, elle a donné une puissante
impulsion aux marchés de capitaux du continent, soutenant leur croissance et
facilitant leur approfondissement. La monnaie unique a également exercé une
influence positive sur l’unification des services financiers en Europe et amplifié la
tendance au regroupement tant des intervenants sur les marchés que des marchés
eux-mêmes.
L’euro a tracé mécaniquement de nouvelles frontières pour l’ensemble des
marchés avec des effets néanmoins contrastés selon leurs différents segments
constitutifs : interbancaire et monétaire, obligataire, actions.

A - Passage d’une conception nationale à une conception européenne des


marchés monétaire et financier

L’euro est devenu une réalité sur les marchés financiers depuis le premier
janvier 1999. Outre la performance technique qu’a représentée la bascule
coordonnée des différents marchés dans une nouvelle monnaie, on a pu souligner
l’effet dynamisant qu’a eu cette introduction sur la perception européenne de la
finance. Les grands gestionnaires de portefeuille jusque là gênés par le risque de
change entre les différentes monnaies, ont très vite découvert que la constitution de
portefeuilles européens présentait de multiples avantages. Aidés par la mise en
place d’indices européens, ils ont cessé de raisonner par pays pour privilégier la
constitution de portefeuilles par secteur. Ce faisant, ils contribuent à accélérer la
mise en place d’un marché financier unique.
Par ailleurs, l’existence d’un marché monétaire unique, sur lequel interviennent les
différentes banques centrales du SEBC, et où s’échangent des volumes
considérables de titres et de liquidités a aussi soulevé rapidement le problème d’une
circulation intra-européenne sécurisée des titres et de la monnaie dans le cadre d’un
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

marché dont les règles et les modalités de fonctionnement seraient homogènes. En


glissant d’une conception nationale, liée à celle de place financière, vers une
perception plus européenne des marchés, les intervenants ont ressenti avec plus
d’âpreté les distorsions de concurrence et les divers obstacles (fiscalité,
réglementations différentes, multiplicité des organismes) susceptibles de mettre des
freins à une gestion des portefeuilles de titres adaptée à leurs nouvelles attentes.
L’idée d’un marché financier intégré est aujourd’hui un objectif majeur que
s’est fixé l’Union Européenne (UE). Le Conseil européen de Lisbonne en 2000 a
souligné combien il était important de mettre en place, à l’horizon 2005, un marché
unique des services financiers pleinement intégré et efficace. Les conclusions du
Conseil européen de Stockholm en 2001 soulignent également le rôle crucial que
jouent les marchés financiers dans l’économie européenne. Dans une
communication de la Commission européenne au Conseil et au Parlement
européen15, l’impulsion est clairement affichée : « Des marchés financiers efficaces
et structurellement sains sont plus compétitifs et exercent un plus grand attrait sur les
émetteurs et investisseurs du monde entier. Pour être compétitif au niveau mondial,
le marché financier de l’UE doit être profond, liquide, efficace, sûr, transparent et d’un
bon rapport coût-efficacité. L’évaluation des avantages d’un marché n’est pas
uniquement fonction des coûts directs d’utilisation des marchés et systèmes, mais
également des fonctionnalités fournies et de considérations moins directes portant
par exemple sur l’efficacité d’utilisation des garanties. Si les coûts d’utilisation des
systèmes de compensation et de règlement-livraison européens sont trop élevés, ou
si l’infrastructure ne permet pas de disposer des fonctionnalités souhaitées, les
participants aux marchés peuvent renoncer à investir sur ces marchés ou recourir à
d’autres méthodes, potentiellement plus risquées, pour assurer le dénouement de
leurs transactions transfrontalières. Il est clair que l’accès des investisseurs aux
marchés sur lesquels ils souhaitent investir doit être facilité.(…) Les coûts
transfrontaliers excessifs doivent être supprimés et il faudra minimiser les risques
juridiques ou autres susceptibles de résulter d’un manque d’efficacité de la
compensation et du règlement-livraison si l’on veut pouvoir disposer d’un marché des
valeurs mobilières réellement intégré au niveau de l’UE ».

15
Commission des Communautés Européennes, mai 2002, Les mécanismes de compensation et de règlement-
livraison dans l’union européenne. Principaux problèmes et défis futurs., COM(2002)257, p. 5.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Pour donner corps à ce marché intégré des valeurs mobilières, un certain nombre
d’instances sont mobilisées à l’échelle de l’UE et au-delà puisque la question de
l’intégration des marchés de capitaux, si elle est particulièrement posée en Europe
(l’intégration financière est aujourd’hui une priorité dans l’agenda des réformes
adoptées au Conseil européen de Lisbonne et réaffirmée avec vigueur au Conseil de
Stockholm), s’entend également dans une perspective internationale (voir encadré).
Encadré
- La Commission Européenne : elle est conseillée par un groupe
d’experts dirigé par Alberto Giovannini. Le groupe Giovannini a remis
en Novembre 2001, un rapport initial sur la situation actuelle des
systèmes de compensation et de règlement-livraison en Europe16,
auquel nous ferons référence et doit publier (mi-2002) un nouveau
rapport examinant les évolutions envisageables au niveau de
l’architecture de compensation et de règlement-livraison.
- Le Groupe des 30 (G30). Groupe consultatif constitué au sein de la
FIBV (Fédération Internationale des Bourses de Valeurs), le Groupe
des 30 a publié en 1989, un rapport qui a fait date. Ce groupe a formulé
neuf recommandations qui ont été prises en compte sur la plupart des
places financières internationales (voir encadré N°). Ce groupe prépare
actuellement de nouvelles recommandations en vue de minimiser les
risques et de maximiser l’efficacité dans le fonctionnement des
systèmes de compensation et de règlement-livraison.
- Le SEBC et le Comité Européen des Régulateurs de Valeurs
Mobilières (CERVM) ont crée un groupe conjoint pour examiner
l’adoption de normes communes applicables par les organismes de
compensation et de règlement-livraison d’Europe s’inspirant des
travaux du CSPR et de l’OICV.
- La BRI (Banque des Règlements internationaux) est un acteur
important via le CSPR (Comité sur les Systèmes de Paiement et de
Règlement), un groupe consultatif du G10. La BRI a publié plusieurs
rapports sur l’architecture des systèmes de paiement et de règlement

16
Groupe Giovannini, Rapport sur les mécanismes transfrontaliers de compensation et de règlement-livraison
dans l’Union Européenne, Novembre 2001, Economic Paper n°163, disponible en anglais sur
http://europa.eu.int/comm/economy_finance/giovannini/clearing_settlement.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

de titres. On citera le dernier en date réalisé avec l’OICV (Organisation


Internationale des Commissions de Valeurs) : Ces recommandations
ont été validées dans leur ensemble par les Banques centrales aux
yeux desquelles elles constituent des normes minimales pour
l’ensemble des systèmes impliqués dans le dénouement des
transactions.
- EACH (European Association of Clearing Houses) : cette
association regroupe les principales chambres de compensation à
contrepartie centrale. Elle édicte des normes de gestion des risques
que les chambres de compensation doivent respecter.
- ECDSA (European Central Securities Depositories Association).
- CSFM (Comité sur le Système Financier Mondial)

B- Panorama d’ensemble des composantes de la finance européenne

1) Le marché monétaire européen


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Le premier effet visible de l’euro s’est manifesté sur le marché monétaire.


Avec une politique monétaire désormais exclusivement conduite en euro, les
marchés monétaires se sont rapproché, avec un degré d’intégration toutefois
différent selon les maturités. Sur le marché des dépôts interbancaires, l’intégration
est complète comme en témoigne la convergence des taux d’intérêt de très court
terme au sein de la zone. Le degré élevé de convergence se reflète dans EONIA et
EURIBOR comme références uniformes de prix. Cette convergence est également
soutenue par une distribution de liquidités qui s’effectue dans toute la zone : 60 %
des transactions opérées par les plus importants opérateurs du marché interbancaire
sont transfrontalières17. Ainsi que le souligne la Commission européenne : « In this
context, it is notable that the inter-bank market has developped a two-tier structure in
distributing liquidity, with relatively large banks dominating cross-border transactions
and smaller banks relying on domestic transactions with these larger banks for their
funding”18. En outre, la convergence des taux d’intérêt est manifeste sur les maturités
plus longues du marché monétaire. Ainsi, la BRI souligne-t-elle que la baisse de 40
% du spread dans la fourchette bid-ask sur les dépôts à 3 mois en euro en 2000 par
rapport à 1996 renforce le constat d’intégration du marché monétaire européen19.
Tous les segments du marché monétaire qui impliquent des collatéraux
(REPOS20, certificats de dépôt, billets de trésorerie) restent considérablement moins
intégrés. La fragmentation de ces segments de marché reflète les difficultés dans
l’utilisation transfrontalière de collatéraux, principalement du fait du maintien de
différences nationales dans les pratiques de marché, dans la réglementation en
vigueur et de différences fiscales dans le traitement qui s’applique aux titres faisant
l’objet d’une collatéralisation. Ces différences sont à l’origine d’importantes difficultés
pratiques dans la compensation et le règlement de ces opérations transfrontalières21.

2) Le marché obligataire européen

17
European Commission, Financial market integration in the EU, p.136.
18
loc.cit., p 136
19
BRI, 2001, 71è rapport annuel.
20
Repurchase Agreement. Il s’agit d’opérations de prêts – emprunts de titres.
21
Voir infra.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

L’effet le plus impressionnant de l’UEM sur la structure financière européenne


a sans douté été l’impulsion donnée, dès 1999, aux marchés à revenus fixes22 (+
18,9 % par rapport à 1998). L’euro s’est installé en qualité de deuxième monnaie
d’émissions pour les obligations internationales derrière le dollar américain23. En
1999, le volume total d’émissions dans la zone a été soutenu et supérieur aux
émissions combinées dans les différentes monnaies nationales de la zone durant les
années précédant le passage à la monnaie unique. Cette hausse a reflété l’attitude
dilatoire adoptée à la fois par les émetteurs et les investisseurs qui ont retardé leur
entrée sur le marché à cause des turbulences du système financier international et
de l’incertitude entourant la bascule sur l’euro. En 2000, les émissions ont connu un
repli (- 7 % en 2000 par rapport à 199924) du fait d’un retour à un rythme plus normal
d’émission, à la réduction des émissions de titres de la dette souveraine et à une
détérioration générale des conditions de marché (tension sur les taux d’intérêt et sur
le prix du baril de pétrole). En 2001, les émissions ont connu un nouvel essor (+ 11
% sur les neufs premiers mois de l’année par rapport à la même période en 200025).
Cette hausse a particulièrement été le fait d’émetteurs du secteur industriel et
financier qui se sont davantage tourné vers les produits de taux du fait du repli
général des marchés actions. En 2002, la révélation des niveaux élevés
d’endettement de grands groupes a porté ombrage au rythme des émissions
obligataires ; les émissions ont toutefois repris à un rythme assez soutenu en 2003.

2.1) Les émissions de titres de la dette privée

 Un marché des obligations « corporate » en devenir


Si, depuis sa création, les emprunteurs tant publics que privés ont été attirés par
l’euro, l’activité de ces derniers notamment celle des entreprises européennes, a été
déterminante26. La croissance du marché des obligations privées libellées en euro
est une indication de l’importance accrue du financement direct et d’une orientation

22
Fixed income markets.
23
En 2001, les émissions internationales étaient libellées pour 51 % en USD et 39 % en EUR. Source :
Commission européenne, 2002, loc.cit., p. 138.
24
Source : commission européenne, 2002, id., p. 138.
25
Ibid., p. 138
26
Voir par exemple le rapport trimestriel de la BRI, mars 2002, Activité bancaire et financière internationale, p.
27.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

de la structure financière de la zone euro vers une plus grande titrisation27. L’euro a
exercé une attirance particulière sur les emprunteurs du secteur privé de la zone et
hors zone. Outre les banques qui ont fortement accru leurs émissions, notamment
par la consolidation ou la mise en place de marchés d’obligations hypothécaires sur
le modèle des Pfandbriefe allemands28, les entreprises non financières ont vu aussi
leur part largement augmenter. Parmi elles, les sociétés de télécommunication ont
fait un usage intensif voire excessif des marchés obligataires pour financer leurs
fusions acquisitions et l’acquisition des licences UMTS. L’année 2002 a été marquée
par de sévères corrections boursières provoquées en partie par un niveau
d’endettement inquiétant. L’urgence du désendettement pour un certain nombre
d’entreprises risque toutefois de porter ombrage au développement du marché des
titres de la dette privée.
On peut néanmoins envisager que la croissance des titres de la dette privée
compensera la stagnation sinon la baisse attendue de la dette publique (hors
intégration de nouveaux pays dans la zone européenne), ne serait-ce que par l’effet
d’optique que provoquera en tendance le caractère plus étroit du marché des dettes
souveraines. Le développement et la modernisation du marché obligataire, la
réduction du poids des institutions publiques et l’élargissement de la base d’épargne
doivent favoriser l’émergence d’un marché plus adapté au financement des
entreprises, y compris de celles dont la notation est moins bonne. La tendance
observée au cours de ces dernières années d’un relatif retour au financement par
l’endettement au détriment du financement par l’émission d’action (du fait notamment
des exigences en termes de ROE des actionnaires), favorise clairement un
endettement de type obligataire, seul susceptible d’apporter des financements de
marché sans soumettre l’entreprise au dictat du retour sur investissement exigé par
les grands fonds de pension pour assurer le financement des retraites à partir de
2005. Les obligations à haut rendement (high yield bonds) s’adressent ainsi à une

27
Bulletin mensuel de la BCE janvier 2000
28
A Pfandbrief security is a collateralized bond backed by either mortgage loans or loans to the public sector.
Originated in Germany, it is now spreading throughout Europe. The most important difference to traditional
asset-backed securities is that Pfandbriefe carry no prepayment risk since they remain on the balance sheet of
the issuing institution. In general, Pfandbriefe are highly rated and show relatively small spreads to the
government benchmark bond. Les obligations hypothécaires commencent à se faire une place significative sur le
marché obligataire européen : l’écart croissant de rémunération avec les titres de la dette souveraine, leur
notation très favorable par les agences de rating du fait de leur faible niveau de risque sont les facteurs
déterminants qui ont contribué à leur développement. A cela, il faut ajouter que le processus (quoique lent) de
raréfaction de la dette publique souveraine joue en faveur de ces titres appelés peut-être à prendre leur relais en
tant que benchmark.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

population d’entreprises beaucoup plus nombreuses, sachant que la diversification


des portefeuilles réduit considérablement les risques individuels portés par ces titres,
pour les prêteurs.
2.2) Les émissions de titres de la dette publique

 Un gisement important d’actifs peu risqués et gérés


activement
La conversion en euro de la dette publique libellée dans les anciennes monnaies a
créé un marché plus large que son homologue japonais et qui n’est dépassé que par
celui du Trésor des Etats Unis. Fin décembre 1999, l’encours des emprunts à long
terme en euro des Etats de la zone s’élevait à 2 200 milliards d’euro, soit environ les
2/3 de celui du trésor américain. A moyen terme, les déficits budgétaires dans la
plupart des pays de la zone euro, conjugués au plafond d’endettement imposé par le
traité de Maastricht, maintiendront probablement le marché à sa taille actuelle. En
revanche, les tendances budgétaires courantes et attendues entraînent les marchés
des Etats Unis et de Japon vers des directions opposées, puisque le premier devrait
se contracter alors que le second est en forte progression. En Europe, le processus
de convergence s’est accompagné d’un rétrécissement impressionnant des
différentiels de taux dans la zone et les écarts actuels se limitent à 40 points de base
quelle que soit l’échéance. On ne peut que difficilement expliquer l’écart résiduel par
des différences de qualité des signatures, particulièrement dans le cas français et
allemand, l’explication tient plus à des problèmes de liquidité de caractéristiques
techniques des titres et de politiques d’émission.
La gestion de sa dette par le Trésor français peut donner une idée de la stratégie
possible pour certains états européens. Il s’est ménagé des niches sur les
échéances intermédiaires et a entrepris une gestion très active de sa dette. En
réalité, le défi du Trésor est double dans un contexte devenu très concurrentiel :
 d'une part continuer à obtenir les meilleurs coûts de financement alors
que l'État a déjà bien profité du mouvement de détente des taux longs
et
 d'autre part, faire du marché des OAT et des BTAN, sinon la référence
en l'Euro, du moins une des composantes de cette référence.
Cette stratégie s’inscrit dans un contexte où, comme dans tous les pays
d'Europe l'offre de papier public va diminuer du fait de la réduction des déficits
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

budgétaires. La quantité et le gain diminuant, il va falloir insister sur la qualité et la


diversification, afin de maintenir la demande des investisseurs internationaux. Or,
dans l'Union européenne, les investisseurs peuvent comparer beaucoup plus
facilement les divers titres exprimés en une même monnaie. Ils sont sensibles aux
taux représentatifs de la prime de risque sur tel ou tel Etat mais aussi à la qualité de
la gestion de la dette et à la transparence. Si L'État français veut pouvoir placer
facilement ses titres, il est indispensable que sa dette soit parfaitement liquide et
parfaitement gérée et que cela se sache dans une conjoncture de concurrence
exacerbée par la monnaie unique.
A terme, on doit pouvoir s’attendre à une gestion plus homogène des dettes
publiques des états, sur le plan technique du moins, en effet, malgré le pacte de
stabilité qui tend à maintenir une certaine convergence dans la gestion des dettes
publiques, celles-ci restent du ressort des états et renoncer à une gestion autonome
reviendrait à abandonner de nouveau une part fondamentale de souveraineté. Un
pas technique semble cependant fait en France avec la mise en place d’une agence
autonome de gestion de la dette du Trésor. Pour rassurer encore plus les marchés et
se rapprocher du modèle américain, France Trésor a été transformée en 2000, en
une agence de la dette autonome. Pour l’instant destinée à améliorer l’image de la
gestion de la dette publique française vis-à-vis des marchés financiers, elle pourrait
servir de modèle à une future agence technique européenne.
 Une dette européenne potentiellement alimentée par
les nouveaux entrants dans l’Union européenne et
dans la zone euro
La dette européenne, malgré le mouvement de maîtrise des déficits
budgétaires, devrait être alimentée pendant encore une période assez longue. En
effet, en période de reprise de l’économie, la plupart des pays présentent, au départ
des excédents primaires, mais des situations déficitaires lorsque l’on comptabilise les
effets du service de la dette. Avec le repli de l’activité, les déficits primaires ont rafait
surface en Allemagne, en franc et au Portugal notamment. Même si un certain
nombre de pays se sont engagés dans un processus de remboursement de la dette
la plus coûteuse, une réduction massive de la liquidité du marché n’est pas
atteignable à court terme. En revanche, la qualité de la dette des différents pays
engagés dans ce processus devrait en être améliorée (puisque, conformément au
pacte de stabilité, ils devraient améliorer la gestion des finances publiques).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Parallèlement à cette amélioration globale de la qualité de la dette, le fait que


l’Europe soit une structure ouverte et que la zone euro soit amenée à être élargie,
garantit le maintien d’une certaine liquidité, à condition que les dettes soient gérées
de façon homogène. L’Europe présente ainsi un certain nombre d’atouts dans la
concurrence avec les autres places financières.

3) Les marchés actions et l’euro

Comme sur les autres marchés d’actifs, la pression pour l’intégration des marchés
actions en Europe s’est intensifiée depuis l’introduction de l’euro. Il est toutefois plus
difficile en l’espèce d’isoler un « effet euro ». Même si l’élimination du risque de
change a incontestablement stimulé la demande pour des investissements
transfrontaliers, il convient de relever en effet que cette attente déborde largement
des frontières de l’UE.
Il reste que l’euro exerce une force propice à l’intégration des marchés comme en
témoigne la forte co-variation que l’on peut observer dans toutes les chroniques des
prix des actions sur l’ensemble des marchés. Ainsi que le souligne la Commission
européenne29 : « This would suggest a change in investor behavior away from
country-based investments and toward sector-based investments, with divergence in
the evolution of indices explained mainly by differences in composition ». La zone
monétaire européenne marque un tournant décisif à l’accomplissement d’une zone
financière intégrée.
3.1) Théorie des zones monétaires optimales et unicité du marché
financier
Il est généralement admis que l’Europe ne remplit pas les critères nécessaires pour
être considérée comme une zone monétaire optimale (ZMO). En effet, que l’on se
réfère au critères de Mundell– la mobilité des facteurs (notamment la main-d’œuvre ),
de MC Kinnon , le degré d’ouverture des économies ou de Kenen– la diversité des
productions – , on ne retrouve pas pleinement les conditions d’une ZMO dans la
zone euro 12, sauf, en ce qui concerne le degré d’ouverture. Frankel et Rose ont
cependant montré que les unions douanières ont entraîné de fortes progressions des
échanges commerciaux entre les pays membres. L’appartenance à une union

29
Commission Européenne, 2002, Financial market integration in the EU, p.142.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

douanière conduit de fait à une élévation du rapport entre le commerce avec


l’extérieur et le PIB. Outre cet augmentation des flux commerciaux, l’ancrage à une
monnaie unique accroît le niveau d’intégration financière entre les pays. Certains
auteurs estiment cependant que l’intégration doit précéder l’uniformisation de la
monnaie30. Les effets diffèrent selon le degré d’intégration des marchés financiers
pour Bencivenga, Huybens et Smith. L’intégration monétaire est plus bénéfique
quand les marchés de capitaux sont bien intégrés, sinon elle peut être cause de
volatilité et d’incertitude dans l’économie.
De fait, dans le cas de l’Union Monétaire Européenne, il apparaît important que la
mobilité du capital puisse constituer un substitut à la faible mobilité du travail, pour
assurer le succès de la zone et une meilleure résistance aux chocs asymétriques
susceptibles de venir impacter les pays membres et pour lesquels on considère
actuellement qu’ils poseraient de sérieux problèmes d’ajustement pour les pays
concernés. Dans cette optique, la constitution rapide d’un marché financier intégré
constitue un enjeu majeur, largement compris et relayé par les autorités de Bruxelles.
3.2)L’enjeu pour l’euro en tant que monnaie internationale
L’unification des marchés financiers européens en améliorant les facteurs de taille
des marchés (marché de la dette européenne, marchés d’obligations corporate,
d’actions etc..) pourrait favoriser l’utilisation internationale de l’Euro grâce à la baisse
des coûts de transaction sur les marchés financiers. Or, plus ces derniers seront
larges, intégrés et liquides plus les coûts de transaction diminueront.
Un rôle international de l’Euro comporterait des conséquences positives pour les
consommateurs, les entreprises et les administrations publiques de la zone euro.
Dans l’hypothèse d’un accroissement du rôle extérieur de l’Euro, les avantages pour
le secteur réel de l’économie seraient principalement liés au fait que les résidents de
la zone euro économiseraient diverses formes de coûts de transaction. Cela est dû
au fait que le renforcement du rôle de l’Euro sur les marchés de change
interbancaires et le resserrement corrélatif des écart de prix entre achat et vente
aboutiraient à des baisses de commissions de change aussi pour les particuliers
Plus important, une plus grande acceptation de l’Euro comme monnaie de facturation
réduirait les frais de conversion et les coûts de gestion du risque de change pour les

30
Les auteurs travaillent en fait sur la dollarisation, C'est-à-dire l’ancrage d’une monnaie à celle d’un autre pays.
Dans le cas de l’Union monétaire il existe une banque centrale commune, ce qui n’est pas le cas de la
dollarisation. Cependant, cela n’a pas d’impact direct sur l’effet décrit
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

trésoriers d’entreprise de la zone. A partir d’un certain seuil d’utilisation, les frais de
couverture des avoirs et engagements extérieurs seraient de plus en plus supporté
par les contreparties, ce qui renforcerait la compétitivité des entreprises
européennes. Dans le secteur financier, les avantages microéconomiques pourraient
être principalement liés à l’amélioration générale de la compétitivité des grandes
banques de la zone euro opérant à l’échelle internationale. Elles joueraient un rôle
essentiel dans l’acheminement des liquidités en euro dans la mesure où, en tant que
participantes au marché monétaire européen, elles disposent d’un accès privilégié à
cette liquidité. Parallèlement, un rôle prépondérant de l’euro sur le marché obligataire
donnerait aux grandes institutions aussi un rôle important sur les marchés financiers.
Enfin, les besoins des non résidents en monnaie européenne améliorerait la situation
du financement privé du système bancaire européen, qui recevrait les dépôts
correspondants.
Il existe cependant aussi des coûts et des risques liés à l’internationalisation :
En ce qui concerne le système bancaire, la multiplication de la détention, à l’étranger,
de dépôts à court terme libellés en euro comporterait des inconvénients. Lors de
brusques changements d’anticipation des taux de change entre les principales
devises internationales, les investisseurs pourraient retirer rapidement ces avoirs
liquides à court terme, si bien le secteur bancaire pourrait être davantage exposé aux
chocs de liquidité, s’il était fortement impliqué dans un processus de transformation.
D’autres coûts ou risques microéconomiques sont liés à l’accroissement éventuel de
l’instabilité des prix des actifs, résultant du rôle croissant de l’euro au niveau
international. En particulier, l’utilisation croissante de l’euro en tant que monnaie de
placement pourrait aller de pair avec des modifications plus prononcées de la
composition des portefeuilles des investisseurs internationaux, lorsque les
incertitudes augmentent ou que les anticipations changent.

Chapitre 2 – Examen conjoncturel des marchés de capitaux à


l’échelle internationale
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Ces vingt dernières années, les progrès dans les systèmes de


télécommunication ont accru de manière significative la vitesse de diffusion de
l’information et la réactivité des émetteurs et des investisseurs face à une
conjoncture de plus en plus versatile. Avec la vague d’innovations financières et
dans le cadre du repli des réglementations de structure des différents systèmes
financiers nationaux, il est désormais plus facile de passer de la monnaie aux titres,
de changer de type de titres, de modifier son exposition aux risques de taux et de
change (swaps) ou encore d’adosser une couverture (type produit dérivé) à un
engagement financier. Cette forme de « zapping financier » accroît la vitesse de
réaction des marchés, alimente les phénomènes d’anticipation et modifie la réaction
face aux risques (constatés ou anticipés eux-aussi).
Grâce à un accès privilégié à l’information, les investisseurs sur les marchés
de capitaux intègrent dans les conditions de taux d’intérêt (pour les produits de taux)
ou dans les conditions de rémunération de leurs titres de propriété (pour les actions)
différents éléments reflétant les différents risques pour lesquels ils demandent à être
rémunérés. L’intégration de ces différentes primes de risque joue pleinement pour
des marchés qui ont tendance, en dépit des imperfections, à être de plus en plus
intégrés mondialement, du moins d’un point de vue informationnel31.
Concernant les banques, leur situation et leur stratégie ont considérablement
évolué ces 30 dernières années. Dans les années 70, elles avaient pour l’essentiel
une stratégie de croissance de bilan et de gains de parts de marché (fondée pour
l’essentiel sur une intermédiation de crédit). Comme celles-ci se trouvaient le plus
souvent en situation oligopolistique sur des marchés peu concurrentiels, elles
dégageaient des profits découlant de leur « rente de situation » sans prendre de
risques importants. Ce comportement a été remis en cause par les transformations
qui ont affecté l’environnement bancaire et financier depuis le début des années 80.
Celles-ci ont eu 2 conséquences majeures :
• La montée des risques et la montée de l’instabilité financière (fin de la stabilité
de l’environnement financier international telle qu’elle a été conçue dans le
régime monétaire mis en place à Bretton Woods) ;
• L’accroissement de la concurrence (cf les 3 D)

31
Nous avons vu que d’un point de vue allocatif, il n’en n’est pas de même (cf la persistance du « biais
domestique »). Nous verrons également dans le chapitre 3 que l’espace financier international est également
imparfaitement intégré du fait de l’absence, ou du moins de l’insuffisance, d’une infrastructure financière
intégrée à l’échelle internationale.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Aujourd’hui, les banques cherchent à maximiser leurs profits tout en maîtrisant


leurs coûts et leurs risques (en tant que firmes bancaire, elles « usinent les
risques »). Or profits et risques entretiennent des relations ambivalentes : les profits
sont la rémunération des risques pris et la réalisation des profits est indispensable
pour permettre aux banques de supporter des risques; le provisionnement et
l’accumulation des fonds propres sont financés sur les résultats dégagés par les
banques. On constate de plus en plus un accroissement de la sensibilité des
banques au repli de la conjoncture, ce phénomène jouant encore plus à l’échelle
internationale (du fait d’une opacité informationnelle plus importante que pour toutes
les formes d’engagements domestiques).

I. « Vade-mecum » de la conjoncture financière internationale


récente. Quelques clefs de lecture

L’analyse de la conjoncture financière est un exercice périlleux tant sont


nombreux les paramètres à prendre en considération. L’objet de cette section est de
vous donner quelques clefs de lecture dont le trait commun est d’approcher le degré
d’aversion pour le risque des investisseurs, degré d’aversion dont rendent compte en
permanence le niveau des taux d’intérêt. Le poids des investisseurs se fait d’autant
plus sentir que l’épargne est « institutionnalisée » i.e. administrée par des fonds
(fonds de pension, mutual funds, compagnies d’assurance, fonds d’investissement)
qui ont pris une place considérable eu égard à celle des banques, réceptacles
traditionnels de l’épargne (cf chapitre 1).
L’analyse de la conjoncture financière internationale consiste à examiner 3
marchés :
- situation des marchés de produits de taux (titres de dette courts ou longs) du
point de vue des investisseurs et des émetteurs;
- situation des marchés actions ;
- situation du marché bancaire : positionnement des banques dans leur activité
de prêts internationaux (prêts interbancaires en devises ou en monnaie locale
à des banques étrangères, prêts au secteur public ou privé non résident en
devises sous forme de crédits ou de titres acquis).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

A/ Les marchés de taux

Rappel : contrairement à une idée souvent répandue, la finance de marché est


davantage un « monde de taux » (produits de taux) qu’un monde de titres de
propriété. La capitalisation obligataire + titres de créance de court terme (commercial
paper ou produits équivalents en Europe ou au Japon) est en effet bien plus
importante que la capitalisation boursière (voir pour mémoire les statistiques sur la
capitalisation mondiale présentées dans le chapitre 1).
On s’intéressera ici surtout aux titres longs (obligations) en ayant à l’esprit que ces
derniers mois (jusqu’à fin 2002), l’augmentation des défaillances des entreprises, la
détérioration de leur cote de crédit, les situations de surendettement de certains
grands groupes (France Telecom en France par exemple) se sont traduites par un
repli des émissions de « papier court » (commercial paper), notamment aux Etats-
unis où les lignes de crédit de soutien ou syndications sont nécessairement
adossées à ces émissions. Les banques ont été rétives à l’idée de monter des lignes
de crédit de back up ou de participer à des syndications pour des émissions dont les
placements pouvaient s’avérer aléatoires.
Les dernières statistiques de la BRI (rapport trimestriel de juin 2003 et septembre
2003) montrent toutefois une inversion de cette tendance : à nouveau, l’émission de
titres courts du marché monétaire semble plus soutenue (voir par exemple Tableau 6
« Titres internationaux : émissions nettes » dans le support statistique distribué en
cours). La hausse des taux longs enregistrée depuis juillet dernier devrait en toute
logique alimenter cette hausse (on devrait en effet à nouveau noter un attrait pour
des émissions courtes à des conditions de taux plus avantageuses qu’à long terme).

S’agissant des taux longs, deux grandes familles de titres sont à considérer :
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Obligations Corporate Obligations d’Etat


Obligations émises généralement à plus Obligations de la dette souveraine.
de 5 ans. Notées AAA pour les pays du G7, elles
Caractéristiques des titres de la dette servent de benchmark de référence pour
privée : les autres obligations.
- Taux fixe ou variable;
- Le taux d’intérêt servi dépend de
la qualité de la signature de
l’émetteur (rating). Plus le rating
est bon, plus le spread de risque
est faible. Pendant longtemps, le
marché européen a été dominé
par les obligations AA. Jusqu’à
BBB, on considère les obligations
corporate comme investment
grade. Au dessous de BBB, on les
considère comme non investment
grade ou speculative grade. Le
spread de risque augmente pour
attirer des investisseurs potentiels
dans ces High Yield Bonds
(obligations à haut rendement) ou
dans les junk bonds pour les
émetteurs encore plus risqués.

Voir présentation en cours sur l’évolution récente :


-reprise relative des émissions corporate et des émissions de la dette souveraine
(sans effet d’éviction perceptible compte tenu de la recherche de rendement par les
investisseurs et de la diminution des primes de risques). En gros, rappelons le
raisonnement :
o lorsque les titres de la dette souveraine sont très nombreux
(financement des déficits budgétaires primaires et secondaires), ceux-ci
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

ont la faveur des investisseurs compte tenu de leur excellent rating.


Cette préférence peut alimenter un effet d’éviction des titres privés par
les titres publics. Lorsque la demande de capitaux émanant de l’Etat se
traduit par une hausse des taux longs, les investisseurs n’ont plus
vraiment intérêt, même lorsqu’ils sont à la recherche de rendement, à
se porter sur des titres privés (dans cette situation où l’on observe une
tension sur les taux longs se produire un effet d’éviction par les prix, les
charges financières d’endettement étant telles que les entreprises
renoncent à émettre des titres longs et préfèrent s’autofinancer).
o Ce phénomène d’effet d’éviction semble avoir été résorbé ces deux
dernières années :
 Les taux longs sont restés à des niveaux historiquement très
faibles, faiblesse encouragée par le niveau d’épargne mondiale
(les Etats-Unis ayant encouragé les entrées de capitaux en
provenance du Japon et d’Europe pour faire face à un niveau
d’épargne domestique extrêmement faible (taux d’épargne US :
moins de 2 %). La vigueur de l’offre de capitaux longs a
entretenu la faiblesse des taux. De plus, la plupart des pays
industrialisés ont engagé des programmes de réduction des
dépenses publiques qui ont contribué à contenir la demande de
capitaux longs. De fait, il n’y a pas eu véritablement d’effet
d’éviction par les prix et les entreprises, sur les années 2000 –
2002 ont très largement repris le chemin des financements
obligataires.
 La faiblesse constatée des rendements offerts sur les titres
publics, si elle séduit les investisseurs particulièrement au
risque, ne dure qu’un temps et ne peut répondre aux attentes de
clients en attente de résultats. Ces derniers mois, le recherche
de rendement semble avoir été un facteur qui a joué en faveur
des titres corporate. Si en effet les marges bénéficiaires des
entreprises ont été dans l’ensemble restaurées, c’est surtout à la
faveur de programmes de report de certains investissements et
d’un effort de compression des coûts salariaux. Habituellement,
les marchés obligataires mettent du temps à réagir (en tout été
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

de cause, plus que les marchés actions) à une amélioration des


données fondamentales des économies (niveau général des
prix, solde commercial, taux de croissance du PIB etc…) ou des
entreprises (résultat, évolution du chiffre d’affaires, des parts de
marché…), par une diminution des spreads de risques.
Actuellement, le repli des marges de risques (180 points de base
en moyenne entre les benchmarks publics AAA et les émetteurs
BBB) a été très rapide, signe pour certains que c’est avant tout
la recherche de rendement qui explique le regain d’intérêt pour
les titres privés qu’une amélioration de leur cote de crédit
« réelle ».
Pour aller plus loin :
- voir statistiques sur l’évolution des émissions de titres de dette (BRI rapport
trimestriel, le dernier bulletin paru étant celui de septembre 2003) ; voir
également schéma n°4 qui montre un repli jusqu’au début 2003 des émissions
brutes de titres domestiques tant aux EU qu’au Japon ou encore dans la zone
euro (désendettement des entreprises et repli général des marchés). Depuis
le début de l’année 2003, on note une augmentation des émissions des
entreprises en termes bruts, surtout au titre de refinancements de prêts
arrivants à échéance (les émissions nettes, révélatrices d’une reprise de
l’investissement, connaissent quant à elles une évolution beaucoup moins
marquée (tableaux 6 et 7 des supports distribués en cours).
- supports distribués en cours :
o schéma 1 : courbe des taux. Je vous rappelle que principalement ,
deux courbes des taux servent de référent :
 courbe des taux de la dette publique sur différentes échéances.
Rappel : la pente de la courbe des taux constitue un indicateur
avancé d’une reprise économique ou d’un ralentissement
conjoncturel. Plus la pente est forte, plus les conditions semblent
réunies pour un regain d’activité : taux directeurs bas,
accompagnement monétaire par détente des taux courts et
refinancement des banques à des conditions avantageuses ;
taux longs plus tendus par une reprise des investissements
couverts par des financements externes, plus grande
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

consommation et repli relatif de l’épargne. Attention toutefois, au


« mécanicisme » : si la pente de la courbe des taux constitue un
bon « indicateur avancé » aux Etats-Unis, au Canada et dans
une moindre mesure en Australie, on ne peut pas en dire autant
en Europe (le phénomène joue toutefois mais de manière moins
marquée) et encore moins au Japon où la faiblesse des taux, la
crise de confiance à l’égard des banques faussent ces analyses
(cf infra III).
 courbe des taux sur swaps de taux. Le marché des swaps de
taux étant extrêmement actif, il donne des indications sur le
niveau des taux pratiqués. Les grandes banques cotent les
swaps TF (Taux Fixe) contre TV (Taux Variable). Exemple :
swap 10 ans 4,3 % - 4,5 % contre Euribor 1 an . La banque qui
affiche cette cotation accepte de troquer un TF contre un TV
aux conditions suivantes : sur la maturité 10 ans, elle accepte
d’emprunter à TF à 4,3 % contre un prêt à TV (Euribor) et de
prêter à TF à 4, 5 % contre un TV (Euribor). La moyenne des
taux proposés à 10 ans pourra constituer une référence de taux
utile pour la courbe des rendements.
 D’autres références peuvent être utilisées, comme par exemple
une moyenne des taux des emprunts pour des obligations du
secteur industriel(MSCI établit régulièrement des courbes de
taux pour les émetteurs privés). Ces référents posent problème
toutefois, précisément parce qu’ils ne sont pas référents ! En
effet, un problème d’homogénéité se pose. Dans les indices
obligataires, la forte pondération accordée au secteur automobile
a considérablement alourdi les « benchmarks » moyens du
secteur industriel notamment depuis la rétrogradation du rating
de General Motors et de Ford.

• Schéma 2 : resserrement des primes de risque pour les obligations à haut


rendement (en dessous de BBB). Les primes de risque s’établissent
désormais à 600 points de base en moyenne (toujours par rapport aux
benchmarks publics) contre plus de 1500 en 1998 (crise du sud-est asiatique
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

+ crise russe). A nouveau, la dette des économies émergentes a attiré des


investisseurs non-résidents (à la fois la dette libellée en USD mais aussi en
monnaie locale). L’aversion pour le risque semble clairement beaucoup moins
marquée.

• Schéma 3 : même idée : resserrement des primes de risque sur obligations


corporate de bonne qualité (BBB) : marge de risque moyenne de 180 points
de base.
Tension sur les taux

Titre Taux à 10 ans


Avril 2003 Bon du Trésor US 3,31 %
Bund allemand 3,54 %
OAT française /
Septembre 2003 Bon du Trésor US 4,6 %
Bund allemand 3,97 %
OAT française 3,99 %
Novembre 2003 Bon du Trésor US 4,9 %
Bund allemand 4,488 %
OAT française 4,51 %
Source : Banque des Règlements Internationaux

B/ Les marchés actions

Evolution « en pente douce » (mais le trend reste très incertain) des indices
boursiers mondiaux (MSCI Monde par exemple) et des principaux indices nationaux
(Dow Jones, DAX allemand, CAC, Nikkei, TOPIX) ou supra-nationaux (Euro-stoxx 50
en Europe) depuis mars 2003.
La faiblesse des marchés actions a contribué à ralentir les émissions d’actions
sur les marchés (schéma 4 du bas) : le trend est clairement baissier tant sur les
introductions que sur les augmentations de capital. Les entreprises ont ralenti leurs
opérations de financement par émission de titres (cf supra) et lorsqu’elles ont fait
appel au marché primaire, elles se sont surtout portées sur les titres de dette
(obligations, euro-bonds et commercial paper).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Voir compléments sur :


- l’hyper-sensibilité des marchés actions à toute nouvelle information rendue
publique (efficience semi-forte). Cf l’impact du SRAS sur les marchés
asiatiques en début d’année. Les investisseurs en actions tiennent compte
dans leurs décisions d’achat (ou de vente) des risques à la fois spécifiques
aux titres et également des risques génériques (résumés dans le fameux
« climat de confiance » un peu fourre-tout).
Dans les risques spécifiques, c’est aux fondamentaux des titres que l’on
s’intéresse. Depuis quelques années, le différentiel entre le nombre
d’annonces positives et le nombre d’annonces négatives des résultats prévus
des entreprises (rapporté au nombre total d’annonces) constitue un élément
d’appréciation des primes de risque. En 2003 (voir schéma 5), cet indicateur
reste négatif (le nombre d’annonces négatives est supérieur au nombre
d’annonces positives) et s’est traduit par une augmentation des primes de
risques sur les principaux marchés actions.
- la formule de Gordon et Shapiro comme élément (quoique limité dans sa
portée) d’analyse de l’impact de « chocs de taux » sur les marchés actions.
L’analyse de Gordon et Shapiro est surtout intéressante actuellement pour
entrevoir la manière dont la hausse des taux peut éventuellement se traduire
par une baisse des marchés actions dans les mois à venir.

C/ Le marché bancaire

Rappel : une banque est considérée, de manière quelque peu arbitraire, comme
internationale lorsque plus de 30 % de son bilan est liée à un poste international (prêt
/emprunt en devises, titres émis/acquis en monnaie locale sur un marché étranger,
postes en eurodevises).
Banque (hors fonds propres)
(Postes liés à l’international)
Prêts Dépôts
interbancaires en interbancaires en
devises ou en monnaie locale
monnaie locale à par une banque
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

une banque NR NR et surtout


dépôts d’une
Prêts au secteur banque en
non bancaire devises
(idem)
Dépôts en devises
d’un ANF non
Titres acquis sur résident
les MFI et/ou sur
un marché Titres émis sur les
étranger MFI et/ou sur un
marché étranger

MFI = Marchés Financiers Internationaux

 Postes interbancaires :

- Dépôts et prêts interbancaires : les dépôts interbancaires sont constitués des


dépôts au titre des paiements internationaux (compte nostri/lori) et des dépôts
constitués par des banques étrangères, en devises ou en monnaie locale. Les
comptes de correspondants servent surtout pour permettre les paiements
internationaux en l’absence de système de paiement dédié32. Les banques
mobilisent ces comptes pour permettre de traiter les instructions de paiement
liées au commerce international ou des opérations financières nécessitant une
opération de change. des dépôts d’épargne (en monnaie nationale par des
NR ou en devises). Par ailleurs, ces dépôts interbancaires sont la
manifestation des opérations de refinancement des banques désireuses de
prêter/emprunter de la liquidité. Depuis le passage à l’euro, plus de 60 % des
opérations interbancaires entre banques de la zone sont des opérations

32
Cf chapitre 3 sur la nouvelle chambre de compensation CLS qui constitue une première dans l’histoire
mondiale du marché des changes. CLS constitue en effet une véritable infrastructure internationale des
paiements.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

transfrontalières (effectuées aux conditions EONIA sur un marché pleinement


intégré). Les prêts interbancaires internationaux (hors zone euro) progressent
partout. Ceci est souvent le signe à court terme d’une baisse de l’activité
d’intermédiation au profit d’agents non financiers (contraction de la demande
émanant de ces derniers ou frilosité des banques dans l’offre de crédits) qui
peut être suivie, à plus long terme, d’une reprise de l’activité de prêts aux
agents non financiers. En 2003 (jusqu’à l’été dernier), l’expansion des prêts
entre banques a résulté des désengagements des établissements sur les
titres longs. « En chiffres non corrigés des variations saisonnières, l’encours
transfrontière a augmenté de 371 Mds USD à 13 400 Mds d’USD. Les
banques ont placé 432 Mds d’USD auprès d’homologues et ont délaissé les
titres de dette internationaux (…) . Le recyclage de fonds sur l’interbancaire
aide les banques à repositionner géographiquement leurs placements lorsque
la demandes des entreprises est faible. Les créances (internes et lors groupe)
sur le secteur bancaire représentent entre 65 % et 77 % du total depuis au
moins 1980. En moyenne, pour chaque dollar prêté aux entreprises et aux
autres clients non bancaires, 1,90 dollar est traditionnellement placé sur
l’interbancaire (…). Sur la période considérée (quatrième trimestre 2002), les
banques ont transféré des capitaux d’Europe vers leurs homologues aux
Etats-Unis et au Japon, essentiellement dans le cadre d’opérations inter-
établissements. Celles implantées dans les places franches, de même qu’en
Suisse, en Allemagne et en France, ont effectué des placements aux Etats-
Unis, faisant ainsi monter de 121 Mds $ les prêts au secteur bancaire de ce
pays. Parallèlement, les banques américaines ont rapatrié des fonds déposés
au Royaume-Uni, en Allemagne et en France ; cette opération s’est soldée par
68 Mds $ de sorties nettes de l’Union Européenne en direction du système
33
bancaire des Etats-Unis» . Cette croissance de l’activité interbancaire
(traditionnellement très soutenue) est à mettre en relation avec le fait que les
banques ont délaissé les titres de dette internationaux, assortis d’un plus
grand risque de taux d’intérêt que les dépôts bancaires à court terme. Ce
report peut être attribué à l’incertitude sur l’évolution des rendements à long

33
BRI, rapport trimestriel, juin 2003.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

terme au moment où ceux des obligations d’Etat étaient à des niveaux très
faibles.
A noter la forte progression des créances sur les banques chinoises. Les ¾ de
la progression des créances sur la Chine sont imputables aux banques
américaines et britanniques au titre d’opérations de REPOS (pensions). Les
banques chinoises financent en effet prioritairement leurs prêts en devises par
des opérations de cessions temporaires (plus qu’en ayant recours au marché
interbancaire).
L’importance du poste interbancaire est une constante de l’activité des
banques. Généralement, lorsque ce poste gonfle, c’est le signe d’un repli de
l’intermédiation financière (financement des agents non financiers) en creux
de cycle économique (conjoncture mauvaise ou incertaine). En revanche, le
repli des postes interbancaires est souvent le signe d’une reprise de l’octroi de
crédits aux agents non financiers et d’une diminution des primes de risque
(amélioration des indicateurs conjoncturels). Actuellement (novembre 2003),
l’importance des postes interbancaires est clairement le signe d’une baisse
des crédits accordés aux agents non financiers du secteur privé (cf infra prêts
aux ANF).
- Dépôts des agents non financiers : traditionnellement, ces dépôts d’épargne
consistent dans le « recyclage » de l’épargne en provenance d’économies
émergentes (vers les EU et l’UE) et des pays exportateurs de pétrole. Il s’agit
de dépôts particulièrement volatiles et sensibles au facteur politique. Fin 2001,
les dépôts effectués auprès des banques américaines et européennes ont
baissé du fait de rapatriements massifs opérés par les pays exportateurs de
pétrole (67,3 Mds d’USD pour l’Arabie Saoudite et – 3,2 Mds d’USD pour
l’Iran. La montée des risques politiques a été le facteur explicatif de ces
retraits. En 2003, le fait le plus notable est la poussée des dépôts effectués
par les banques russes (en USD et en EUR) auprès des banques américaines
et européennes (+ 5,5 Mds USD), particulièrement allemandes et françaises.

 Prêts transfrontaliers
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La croissance des prêts transfrontaliers est en repli (croissance de 8 % en


glissement annuel au 4è trimestre 2001 contre 14 % au 1er trimestre 2001),
particulièrement sur le court terme (rappel : restructurations des dettes des
entreprises sur le long terme). Par ailleurs, la détérioration des portefeuilles crédits
des banques entraîne un phénomène de rationnement du crédit. Il faut noter
cependant à nouveau la croissance des créances sur les pays d’Asie du Sud-Est, sur
la Russie (sociétés pétrolières et gazières russes). Des prêts significatifs à tous les
futurs pays adhérents à l’UE (en particulier la Pologne) ont par ailleurs été accordés
par les banques européennes en particulier. A l’inverse, les crédits bancaires
transfrontaliers aux entreprises de l’actuelle UE se contractent.
Les crédits sont en outre de plus en plus « sélectifs » selon le rating des
emprunteurs :
- primes de risques faibles (octobre 2002) sur les signatures de qualité
(Thaïlande, Chine, nouveaux pays adhérents de l’UE). Tous ces pays
enregistrent des entrées nettes de capitaux (sauf la Lettonie).
- primes élevées sur le Brésil, Philippines, Turquie, Argentine et Indonésie
(depuis l’attentat de Bali, un élargissement du spread de risque a pu être
constaté). Les primes de risque, faibles en octobre 2002 sur le Mexique et la
Corée ont fortement augmenté début 2003. cette augmentation des primes de
risque s’est traduite au premier trimestre 2003 par une contraction des prêts
sur les agents non financiers au Mexique, au Brésil et en Argentine.
Les prêts au secteur privé ont fléchi au dernier trimestre 2002 du fait du repli de la
demande de prêts (-17 Mds $), notamment en Europe (particulièrement les prêts
internationaux aux entreprises françaises, suédoises, italiennes et suisses). Ce repli
s’est poursuivi au premier trimestre 2003 en Allemagne et en Espagne (baisse par
exemple de 5 Mds $ des prêts des banques américaines aux entreprises allemandes
et espagnoles).
Dans l’ensemble, les banques continuent de préférer les titres d’Etat aux prêts
(banques japonaises notamment). Les prêts au secteur public représentent environ
14 % des créances internationales des banques des pays développés. La part des
créances sur le secteur privé est globalement en repli en Europe (à l’exception
notable de l’Italie). Alors que les crédits internationaux sont globalement en baisse
(ou stagnent), il est intéressant de relever que les crédits consortiaux ont repris de la
vigueur au deuxième trimestre 2003 (voir encart p.26).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les banques reprennent le chemin semble-t-il de la syndication bancaire (partage


des risques).

Compléments : voir « marché bancaire » note BRI, septembre 2003, p.18.

 Activités sur titres

Faits saillants 2002 :


Les activités sur titres (intermédiation contrepartiste) connaissent un repli sauf :
- poursuite des achats de titres US (titres du Trésor US) par des investisseurs
japonais et par des banques de la zone € ;
- hausse des acquisitions de titres d’administrations publiques (exemple le plus
significatif : en 2002, les banques belges ont augmenté de presque 30 % leurs
créances sur le secteur non bancaire, pratiquement en totalité sous forme de
titres d’Etat de la zone € et hors €) ;
- hausse des créances transfrontalières sur les Philippines et la Thaïlande, sur
la Malaisie et sur l’ensemble des nouveaux adhérents à l’UE.
Source : BRI, activité bancaire internationale, juin 2002
Faits saillants 2003 :
Le risque-pays ayant diminué et les banques ayant réduit leur exposition sur les pays
les moins bien notés, les portefeuilles de titres (mais aussi de prêts) sont davantage
constitués de titres ayant un meilleur rating (hausse de la notation moyenne de leur
portefeuille). Inférieure à B au deuxième trimestre 1999, la notation moyenne des
portefeuilles d’actifs d’économie émergentes des banques est désormais supérieure
à B + (premier trimestre 2003).

Compléments : voir « marché bancaire » note BRI, septembre 2003, p.27.

II. La formation des taux d’intérêt : le contenu informatif des taux d’intérêt sur
les marchés internationaux
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Le taux d’intérêt est probablement la variable économique sur laquelle se


concentrent le plus d’informations économiques qui traduisent les anticipations des
agents économiques. Le taux d’intérêt agit en quelque sorte comme un condensé
d’informations au temps présent incorporant le temps futur.
Le taux d’intérêt est d’autant plus une variable centrale que la politique monétaire est
au cœur de la politique économique : les taux d’intérêt directeurs sont le signal le
plus éclatant des intentions affichées en matière de politique monétaire.
Par ailleurs, dans un espace financier globalisé, il constitue, avec le taux de change,
un « lien organique » fort entre des économies désormais interdépendantes.
Il n’est donc pas étonnant que les économistes cherchent à édifier un corps
analytique important et « englobant » susceptible d’expliquer la formation des taux
d’intérêt. La « théorie des taux d’intérêt » s’appuie sur les notions d’anticipations
rationnelles, de marché parfait et d’efficience. La portée de ces analyses théoriques
est importante même si elle reste insuffisante au regard de la complexité du sujet.
L’objectif de cette section est d’apporter un éclairage sur ces analyses théoriques et
la manière dont elles constituent une grille de lecture et de compréhension de
l’interaction, via le taux d’intérêt, entre les agents économiques dans le cadre de la
globalisation financière.

A/ Les anticipations et la modélisation des taux d’intérêt

1/ Rappel. L’anticipation d’inflation : la relation de Fisher

r= r’ + Π
avec r = taux d’intérêt nominal
r’ = taux d’intérêt réel
Π = prime d’inflation anticipée

En quoi la relation de Fisher peut-elle être explicative des taux d’intérêt à venir ?

Fondamentalement et par construction, la relation de Fisher n’a pas de portée


prédictive. Les épargnants-investisseurs évaluent le rendement de leur placement en
termes de pouvoir d’achat de biens de consommation par exemple, donc en termes
réels. En regard du rendement nominal que leur garantit leur dépôt d’épargne ou leur
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

obligation pour une certaine échéance, ils effectuent une anticipation d’inflation sur la
même durée et en déduisent le rendement réel.
Le taux réel n’est donc pas directement observable puisque cela suppose (pour qu’il
le soit) que l’on connaisse avec exactitude l’inflation anticipée par les agents pour
différentes échéances. S’il on déduit du taux d’intérêt nominal, l’inflation
effectivement constatée, on ne mesure qu’un taux réel ex post qui ne peut servir au
mieux que d’estimateur non biaisé du taux réel (si toutefois les anticipations
d’inflation sont correctes).
Pour construire une courbe des taux, il faut donc disposer des anticipations
d’inflation à toutes les échéances pour pouvoir déduire de la courbe des taux
nominaux observés la courbe des taux réels.

2/ La théorie des anticipations de la courbe des taux

La théorie des anticipations constitue l’application directe au problème de la structure


par terme des taux l’hypothèse du marché parfait : sur le marché des produits de
taux, les agents achètent et vendent des titres s’ils pensent pouvoir réaliser, selon les
anticipations qu’ils font, des plus-values ou dégager des rendements positifs sur la
durée. A l’équilibre, la courbe des taux ne doit normalement pas permettre
d’opération générant un profit anticipé positif.
En termes plus concrets, un placement ou un prêt à long terme à taux fixe
entièrement refinancé par un emprunt à court terme doit générer une espérance de
profit nulle.

(voir formation des taux d’intérêt sur la base des taux d’intérêt courts futurs anticipés
en cours).

La théorie des anticipations affirme l’égalité entre les taux à terme (à toute date, pour
toute échéance) déduits de la courbe des taux (donc observables) et les
anticipations (non observables) formulées par les agents sur ces mêmes taux.

3/ La théorie des anticipations à l’épreuve des données


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les conclusions de la théorie des anticipations se prêtent aux tests économétriques.


Le plus connu d’entre eux est le test de SHILLER (79).Il se fonde sur la prédiction de
la théorie des anticipations selon laquelle un taux long terme s’obtient comme
moyenne pondérée des anticipations du taux court (ainsi que nous l’avons vue en
cours). L’expression fait intervenir des anticipations de taux court sur un horizon très
long.

it = (1 – λ) Σi Et (rt +1) 1/ λi (1)


it = taux long en t
rt = taux court en t
λ i = facteur d’actualisation
λ = Σ λi
Les tests empiriques effectués par SHILLER ne permettent pas de valider (1).
Les tests de Mankiw et Summers (86) parviennent à la même conclusion (avec une
méthode économétrique différente : ils ont en effet fait porter leur épreuve sur les
mouvements du taux long terme induits par ceux du taux court).

La plupart de ces études s’appuyant sur (1) ou des variantes se heurte au problème
de la non stationnarité du taux court. Cette propriété de la série temporelle du taux
signifie intuitivement que sur de nombreuses périodes de temps, les mouvements du
taux court indiquent clairement un trend (haussier ou baissier). L’existence de ce
trend est problématique dans la mise en œuvre de ces tests.

Conséquence : les résultats décevants des tests montrent que la théorie des
anticipations ne peut être validée sous sa forme « naïve » (1) ou sous une forme
proche.
Les agents économiques ne modifient pas l’équilibre des taux d’intérêt en
s’engageant dans des opérations spéculatives de long terme en finançant par
exemple une obligation à taux fixe à 10 ans avec du TJJ. Il faut donc surtout replacer
la théorie des anticipations dans le cadre d’anticipations et d’arbitrages de courte
période.
Ce qui explique en partie le rejet statistique du modèle des anticipations est la
variation de la prime de terme (qui ramasse à elle seule toutes les primes de risque
liées à l’incertitude liée au temps).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La théorie est valide surtout sur le court terme (auquel cas la modélisation donne de
bons résultats). Cela tient à deux raisons :
1. Il y a de fait une défiance des agents à l’égard de leurs anticipations. Cette
incertitude est liée aux caractéristiques des processus productifs réels, à
l’existence de chocs aléatoires qui peuvent affecter la technologie disponible,
ou générer des chocs d’offre etc… Tous ces chocs se transmettent aux taux
d’intérêt ;
2. La défiance est également générée de manière endogène par le système
financier lui même.

B/ L’influence des facteurs internationaux

1/ les « co-mouvements » de taux

L’intégration croissante des marchés de taux d’intérêt des grands pays industrialisés
permet d’expliquer une part importante de la dynamique des taux, de manière
concurrente avec la théorie des anticipations appliquée uniquement dans un cadre
national.
Pour de SERVIGNY (99), par exemple, la politique monétaire américaine s’est
resserrée en 94 alors qu’elle restait largement accommodante au Japon et en
Allemagne. Pourtant les taux longs des 3 pays ont évolué parallèlement. Comment
expliquer cette évolution sinon en émettant l’hypothèse que les facteurs
internationaux l’emportent (désormais ?) sur les déterminants théoriques
nationaux ?.
La BRI a mené un certain nombre d’études à partir de cette interrogation : SUTTON
(97) applique un test fondé sur l’idée de volatilité excessive par rapport à ce que
prédisent les modèles ou plus exactement sur la notion de co-mouvement excessif
entre séries.
Quels sont les résultats de cette étude ?
Pour les 5 pays testés (EU, Allemagne, Japon, RU, Canada), les co-mouvements
des taux longs entre pays sont excessifs par rapport à ce que pouvaient permettre de
prévoir les corrélations entre taux courts. Ces résultats valident l’idée du rôle
essentiel joué par les facteurs internationaux dans la dynamique des taux.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

On peut citer également les travaux de SHILLER (91) et FROOT (89) pour lesquels
l’ « échec » des anticipations rationnelles en matière de taux d’intérêt provient de la
« sur-réaction » de la prime de terme. Selon ces approches, les taux longs on
tendance à surréagir aux modifications d’anticipation des taux courts. La prime de
terme est extrêmement volatile, peut-être d’ailleurs l’est-elle plus aujourd’hui que les
mouvements de capitaux internationaux se développent…les incertitudes avec.
SUTTON a étudié, sur une période de 10 ans, sur les mêmes pays (EU, Canada,
RU, Allemagne, Japon) les taux à 3 mois et les taux à 10 ans. L’idée de ce travail est
d’examiner si une composante internationale peut contribuer à expliquer l’hypothèse
de surréaction.
SUTTON a mené principalement deux tests :

1. le premier test vise à évaluer si la prime de terme effective est une


transformation linéaire de la prime de terme théorique :
• Se = prime de terme effective
• St = prime de terme théorique
Se = β0 + β1St
Cette relation est bien vérifiée (à l’exception du Japon); le niveau de corrélation est
positif (avec un bon intervalle de confiance) et β1> 1, ce qui est conforme avec
l’hypothèse de surréaction de la prime de risque.

2. le second test mesure l’écart entre prime de terme réelle et prime de terme
théorique. Une corrélation positive apparaît ce qui valide l’idée de co-
mouvement.

Par ailleurs, une étude de BORIO et Mc CAULEY (96), insiste sur les phénomènes
de contagion (spillovers) ainsi que sur l’influence importante des désinvestissements
des institutionnels étrangers sur un marché. Les phénomènes de contagion émanent
surtout de New-York et également (mais dans une moindre mesure de Londres).
En Allemagne, en Italie et en France, un certain nombre de tests ont montré que ces
marchés étaient sensibles à un retrait rapide des investisseurs étrangers (ce qui se
traduit en particulier par un accroissement de la volatilité).

2/ La courbe des taux peut-elle être un bon prédicteur d’une récession ?


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les primes de terme sont un condensé d’informations sur les risques et notamment
le risque d’inflation. FAMA et MISHKIN ont ainsi mis en évidence que ces primes de
terme contiennent de l’inflation future (test réalisé sur l’économie US). Des études
similaires menées par JORION et MISHKIN parviennent à la même conclusion pour
es pays comme l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Unis.
Pour certains auteurs (BERNANKE, 90, ESTRELLA et MISHKIN, 95 par exemple), la
prime de terme contient également de l’information sur l’activité réelle future.
ESTRELLA et MISHKIN ont ainsi mis en évidence, à partir d’une étude portant sur 8
pays que la prime de terme a la capacité d’indiquer une récession entre 6 à 8
semaines à l’avance.
Un certain nombre d’études de la BRI attestent également de la capacité de la
courbe des taux à annoncer des récessions et également du renforcement des
corrélations entre marchés de taux longs nationaux.

III. Efficience informationnelle des marchés à la lumière des


évolutions récentes
Nota : cette section ayant fait l’objet de développements en d’autres points du cours,
celle-ci ne sera que commentée rapidement en cours. A lire et à travailler toutefois !

LA GLOBALISATION FINANCIERE VISE A DEVELOPPER LES


PROCESSUS DE MARCHE NOTAMMENT EN SUPPRIMANT LES
OBSTACLES A LA CONCURRENCE DANS L'OBJECTIF
D'AMELIORER LE FONCTIONNEMENT ET LES PERFORMANCES
DES ECONOMIES. ELLE DOIT PERMETTRE DE REALISER UNE
EFFICIENCE ALLOCATIVE ET INFORMATIONNELLE.

A/ Efficience informationnelle. Quelques rappels.

Le concept d'efficience s'est développé principalement sous l'impulsion des travaux


de l'économiste américain Eugène FAMA (1970). Dans sa formulation la plus
générale, cette hypothèse considère que lorsque les marchés financiers sont
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

efficients, il n'existe pour les opérateurs plus aucune possibilité d'arbitrage


dans la mesure où l'information pertinente est totalement et immédiatement
intégrée dans le prix courant. Aucun investisseur ne peut dès lors, obtenir, en
moyenne un rendement supérieur à celui du marché.
CELA SUPPOSE DE S'INTERROGER SUR LA FORMATION DES
PRIX DES ACTIFS: ONT-ILS LA CAPACITE A INCORPORER
L'INFORMATION ? SI TEL EST LE CAS, LE MARCHE EST
EFFICIENT SUR LE PLAN INFORMATIONNEL ET DONC PERSONNE
NE PEUT LE BATTRE.

1. Valeur théorique d'un actif financier

- a/formation du prix d'un actif financier


Le prix observé d'un actif financier se forme sur un marché, en fonction de l'offre et
de la demande. Si l'on pose que le cours d'un actif dépend de l'issue de cette
confrontation, seuls des facteurs de marché influent sur les prix. L'analyse technique
repose sur cette idée mais le fondement théorique en est limité.
Il est clair toutefois que des facteurs hors marché interagissent avec l'exercice de
l'offre et de la demande. Pour un actif financier, ce n'est pas parce que les
demandeurs sont nombreux qu'ils sont pour autant disposés à payer un titre plus
cher que la valeur qu'ils lui attribuent. Si c'est le cas, des porteurs de titres y verraient
l'occasion de vendre dans de bonnes conditions et l'offriraient sur le marché, ce qui
entraînerait un retour vers la valeur théorique. C'est ce qui se passe sur un marché
efficient c'est à dire dont le mode de fonctionnement est tel que le prix qui se forme
est égal à la valeur théorique du titre.
Sur un marché efficient, P = P*
Rappel : prix d’un actif = somme actualisée des revenus futurs procurés par ce
titre.
A partir de là, si P < P*, les opérateurs anticipent des achats, ce qui tend à ramener
P vers sa valeur théorique (et inversement si P > P*, les opérateurs anticipent des
ventes, ce qui va également tendre à ramener P vers P* ).
La théorie enseigne :
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

1. que le prix d'un actif financier tend vers sa valeur théorique mais de
plus ou moins près selon la qualité du marché (et c'est par rapport à ce
mécanisme que se situent les techniques de gestion de portefeuille).
2. que la valeur théorique d'un actif financier est égale à la valeur
actualisée des revenus futurs qu'il est susceptible de générer.
P* = ∑(Rt/(1 + i)t)

Cette relation signifie qu'avec le taux d'actualisation i, il y a une stricte équivalence


entre disposer immédiatement du capital P* ou recevoir dans le futur la chronique
des flux de recettes Rt. Cette relation doit s'appliquer logiquement à toutes les formes
d'actifs financiers (AF). Il y a bien entendu d'autres façons d'appréhender la valeur
d'un actif financier.
On peut aussi l'approcher, comme on le fait dans la pratique (notamment lorsqu'il est
difficile d'évaluer les revenus futurs), par
- la valeur d'achat (valeur historique)
- la valeur de marché
- la valeur réévaluée.

b/ rationalité et prix des actifs financiers


Dans la conception théorique du prix d'un AF, les agents économiques ont une
connaissance précise et exacte de la chronique des recettes futures procurées par
l'AF et de leur équivalent actuel. La signification de la chronique des flux Rt est donc
particulière. Ce sont les revenus qui seront effectivement observés dans le futur si
aucun événement imprévisible ne vient modifier l'évolution normale des choses. On
peut l'illustrer par un exemple (cf cours) : quand un joueur de golf frappe une balle, il
existe une infinité de trajectoires possibles; de multiples facteurs interviennent et font
que l'une d'elles sera effectivement suivie (mouvement et vitesse du club, point
d'impact, altitude et température, sens et force du vent…). La trajectoire de la balle
est parfaitement déterminée à l'instant où elle est frappée, même si le joueur et les
spectateurs sont encore dans l'incertitude. La balistique donne les outils nécessaires
à ce calcul. Au total, la trajectoire est certaine, sur la base des informations
disponibles et utilisables au moment où la balle est frappée. Il reste que la trajectoire
constatée sera nécessairement différente de la trajectoire théorique de fait de
l’imprévisibilité inhérente à toute trajectoire future (rafale de vent soudaine, pluie…).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La valeur théorique d'un actif financier à t résulte de la totalité de l'information


existante à cet instant mais la chronique des revenus futurs sera certainement
différente de ce qui est anticipé, car des faits imprévisibles se produiront
certainement (catastrophe naturelle, changement de politique monétaire, de la
réglementation…). Le futur ainsi défini n'est pas une prévision au sens de "voyante
extralucide" du terme, c'est à dire qui se produira quoi qu'il arrive; il est la résultante
d'un ensemble de faits, de comportements et de processus dynamiques parfaitement
analysés. L'incapacité qu'il y a à le prévoir n'infirme pas son existence.
La nature des flux futurs pris en compte fait que la valeur théorique qui en résulte
n'est unique qu'à un instant donné, et qu'elle est susceptible de se modifier dans
le temps en fonction des événements inattendus qui se produisent successivement
(ex découverte nouvelle).

2/ les formes de l'efficience


La nature de l'information disponible, et prise en compte, permet de distinguer
trois formes d'efficience en fonction de la richesse de l’ensemble des informations
dont disposent les opérateurs :
- faible ;
- semi-forte ;
- forte.
L’efficience suppose que la marché réponde à la définition du modèle de CPP :
- marché transparent (diffusion des cours en temps réel, obligation de déclaration
de franchissement de seuils de participation etc…) ;
- marché homogène (marché dont les titres sont liquides).
a/ la forme faible : l’information considérée consiste exclusivement dans la
série des prix ou des rendements passés. Aucun opérateur ne peut obtenir un
rendement anormal en utilisant les prix ou les rendements du passé dans la
mesure où tout le monde les connaît.
Le prix courant absorbe toute l’info révélée par les prix passés; il est dès lors
impossible de réaliser des gains en prédisant les prix futurs à partir de la série
passée.
Formellement, dans une autorégression de type
Pt = a1Pt-1+ a2Pt-2 +…. +Et
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les termes autorégressifs sont trop faibles pour procurer un gain systématique
supérieur aux coûts de transaction. Les termes autorégressifs sont significatifs quand
ils sont estimés sur des séries quotidiennes, mais ne le sont plus pour des données
de périodicité plus longues.
Le prix tient compte de tout le futur prévisible. Il ne peut être modifié que par des
faits imprévisibles (cf trajectoire d’une balle : la balistique permet de déterminer la
trajectoire et le point d’impact au moment où la balle est frappée mais ne permet pas
de prévoir une rafale de vent éventuelle).
On a donc P0* = ∑Rt/(1+it)t

b/ la forme semi-forte : les opérateurs ont connaissance de la totalité de


l’information disponible et l’utilisent au mieux pour anticiper l’avenir.
Le prix courant contient toute l’information publique sur les fondamentaux connus
(rapports d’activité des entreprises, avis des analystes, notation des agences
de rating). Il est impossible de réaliser des gains en prédisant le prix futur à
partir de l’information publique sur les fondamentaux connus.
Tous les faits connus sont intégrés dans les cours à hauteur de tous leurs effets
(présents et futurs) sur les revenus procurés par le titre.
Exemple : perspectives d’augmentation ultérieure du bénéfice suite à la
signature d’un contrat porteur ; la hausse des cours intervient dès que
l’information est connue, sans attendre qu’elle produise des effets sur les
résultats de l’entreprise.
Idem en cas de changement défavorable de la législation à une entreprise ⇒
immédiatement, baisse du prix des titres de cette société avant même que
son activité en ait été affectée.
Les marchés financiers vérifient assez bien cette hypothèse de l’efficience
semi-forte (empiriquement, assez bien vérifiée).

c/ la forme forte : les cours incluent tous les éléments avérés à l’instant t et
susceptibles d’avoir une influence sur l’évolution future des bénéfices y compris ceux
qui n’ont pas encore été rendus publics.
Sur un tel marché, même une info confidentielle est intégrée dans le prix du
titre et sa publication ne devrait pas avoir d’influence sur le cours. Tout
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

élément nouveau permettant d’envisager une hausse ou une baisse à l’instant


suivant a déjà été incorporé dans le prix.
Impossible dans cette forme forte de réaliser des gains en prédisant le prix futur sur
la base de quelque information que ce soit. Nul ne peut battre le marché (personne
n’est capable de le battre en moyenne sur une période suffisamment longue).
Pas de test empirique ou économétrique pour cette hypothèse forte si ce n’est peut-
être au travers de l’adage boursier (rapporté par M JURA) : « acheter sur la rumeur,
vendre sur la nouvelle » : la hausse est terminée lorsque l’information est rendue
publique.

Remarques :
R1 La théorie de la marche au hasard est une des principales conséquences de
l’efficience (quelle que soit la forme de l’efficience).
Impossible de prévoir l’évolution du prix d’un actif lorsque le marché est
efficient puisque tout ce qui peut être prévu est déjà dans la valeur théorique et
donc dans le cours. Cette impossibilité de la prévision n’est pas dû à la
difficulté de l’exercice ou aux limites du travail du prévisionniste. Il y a
impossibilité théorique. Pas d’erreur systématique de prévision.
Dans l’auto-régression Pt = a1Pt-1+ a2Pt-2 +…. +Et , il n’y a aucune info exploitable
dans Et qui suit un bruit blanc (valeur moyenne de la composante non anticipée
du rendement de l’actif est nulle).
Si le marché des AF est efficient, le prix d'équilibre qui s'y forme suit une marche
aléatoire.
Rappel : une marche au hasard est définie par :
St = St-1 + Et où Et est un bruit blanc qui vérifie donc les propriétés suivantes :
E(Et) = 0 ∀ t
σ (t) = σ (constante)
La valeur courante St est donnée par sa valeur de la période précédente St-1, à
laquelle s'ajoute une composante imprévisible Et. La meilleure anticipation possible
de St + 1, compte tenu de l'information disponible à la période précédente, est alors St.
E(St+1/St, St-1,…) = Et(St+1) = St
Si la dynamique du prix suit une marche aléatoire, ses fluctuations ne peuvent
jamais être systématiques ou répétitives. Les prévisions dans ce cas ne sauraient
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

être établies à partir des techniques graphiques fondées sur une certaine régularité
dans les évolutions des prix, telles que l'analyse chartiste ou graphique.
A la limite, "l'os du Caribou" (cf cours) est aussi fiable…
Cette impossibilité théorique ne signifie pas non plus que la prévision économique
est impossible. Au contraire, c’est parce qu’elle est réalisable que les revenus de
l’entreprise peuvent être anticipés, que le prix du titre peut les intégrer et qu’il n’est
donc pas possible de connaître l’évolution future de celle-ci.
D’une certaine manière, un marché est efficient si la meilleure prévision
du prix de l’actif de demain correspond à son prix d’aujourd’hui (prévision
naïve) : Yt (t+1) = Yt

R2 : l’efficience du marché n’empêche pas que le prix de l’actif financier puisse


varier de façon forte et brutale car une modification de la valeur théorique est
immédiatement répercutée dans le cours. Ainsi, une nouvelle affectant la chronique
des profits futurs d’une entreprise (découverte, décision de PE ) se traduit par un
décalage immédiat de la valeur théorique et du prix du marché. De telles variations
de cours peuvent donner l’impression d’un marché instable alors qu’en l’espèce, ils
ne sont que la manifestation d’un marché efficient.
En outre, la dynamique des prix sur les marchés efficients ne veut pas dire que
les fluctuations de prix se limitent à de petites variations autour d’une valeur
d’équilibre. Des auteurs comme Blanchard et Watson (84) ont ainsi mis en évidence
que des bulles spéculatives rationnelles sont possibles. Ces bulles se superposent à
la valeur fondamentale (prix d’une action = valeur actualisée de la somme des
dividendes futurs anticipés). Mais elles sont indépendantes. Une bulle spéculative
naît et disparaît d’une manière imprévisible, puisque son évolution ne dépend
d’aucun paramètre lié aux déterminants fondamentaux du prix. Elle est néanmoins
rationnelle parce que le rendement anticipé d’un actif qui peut être sujet à une
bulle spéculative demeure égal à celui d’un actif qui ne l’est pas.
Le fait que le processus de bulle spéculative est cohérent avec hypothèse de
l’efficience tient à la notion d’anticipations de marché auto-réalisatrices que l’on
trouve sous une autre forme chez Keynes.
Chez Keynes en effet, le taux d’intérêt est un phénomène conventionnel : sa
valeur dépend de sa valeur future telle que l’opinion dominante estime qu’on la
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

prévoit « un taux d’intérêt quelconque que l’on accepte avec une foi suffisante en ses
chances de durer, durera effectivement ».
En ce sens, toute idée lancée sur les marchés relative à la direction qu’ils vont
prendre peut créer un effet de résonance et se traduire par une hausse tant que les
marchés la reprennent à leur compte.

3/ LES CONSEQUENCES DE LA NOTION D’EFFICIENCE DES MARCHES

Aucun opérateur n’étant capable de battre le marché, il n’est pas possible de


réaliser des gains anormaux (Leroy, 1989).
Aucune gestion active de portefeuille ne peut en moyenne obtenir un
rendement supérieur à une sélection au hasard des placements. Un agent
surinformé ne peut pas obtenir en moyenne des gains supérieurs à un agent qui
n'observe que le prix des actifs. Evidemment, le fait que les agents ne sont pas en
mesure de systématiquement "battre le marché" n'exclut pas l'obtention a posteriori
des gains "anormaux".
Signe non pas d’une irrationalité des marchés mais de leur efficience au sens
informationnel. Comme le souligne Aglietta (98), il n’est pas plus conseillé d’acheter
une action si l’on croit à la qualité de la gestion d’une entreprise que si l’on croit à
l’effet d’une plus grande activité des tâches solaires.
• Dans le 1er cas, cette qualité aura été perçue par les autres opérateurs et le prix
de l’action montera dès aujourd'hui (pas possible d’avoir un rendement supérieur
à celui du marché).
• Dans le second cas, toute info, même bizarre, étant connue de tous, d’autres
feront le même calcul. Le prix de l’action montera avec le même effet que dans le
1er cas.
Si l’on se fonde sur l’efficience des marchés, on est incité rationnellement à se
comporter passivement dans la gestion d’un portefeuille. C’est ce que font plutôt les
investisseurs institutionnels qui s’occupent de portefeuilles collectifs. Plutôt que de
rechercher les entreprises performantes, les compagnies d’assurance-vie et les
caisses de retraite investissent dans des indices boursiers qui sont représentatifs de
la performance moyenne des marchés. Gestion selon un benchmark de référence
(par ex le CAC ou STOXX). Fonds indiciels (sur longue période), la grande majorité
des portefeuilles institutionnels réalisent des performances inférieures à celles des
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

indices boursiers, d’où ces fonds indiciels composés des mêmes titres que l’indice de
référence choisi). Les derniers produits en date sont les Trackers (fonds indiciels
négociables en Bourse).
Rappel : la gestion indicielle s’est développée particulièrement ces dernières années,
notamment pour l’épargne longue (type fonds de pension). Les gestionnaires de
fonds y trouvent un double intérêt (cf chapitre 1).:
- moindres coûts de transaction (pas de réallocation en permanence de la
composition des portefeuilles ;
- pas de sanction en cas de contre-performance des portefeuilles dès lors que les
indices de référence sont baissiers ;
Remarque : dans la mesure où les marchés ne sont pas parfaitement à l’efficience,
une gestion active (ou gestion quantitative) est possible et s’est même développée
ces 10 dernières années) notamment sur le court terme.
La gestion quantitative repose principalement sur deux démarches :
- démarche descendante (top down)
- démarche ascendante (bottom up ou stock picking)

- démarche descendante (top down)


Elle consiste à jouer sur les effets de structure pour essayer de battre l'indice de
référence. Elle consiste à pondérer les sous-ensembles constituant le portefeuille;
ceux-ci peuvent être des catégories de titres (actions, obligations et liquidités), des
pays ou des secteurs d'activité. Généralement, la pondération retenue diffère de
celle du benchmark et c'est pour cette raison que le gestionnaire essaie d'obtenir de
meilleurs résultats que la référence. Exemple : dans un portefeuille NPI d'Asie, il peut
surpondérer tel ou tel pays s'il anticipe une hausse des marchés correspondants et
sous-pondérer dans le cas contraire (s'il croit à une crise financière ou politique dans
ce pays par exemple).

- La démarche ascendante (bottom up) consiste à faire choisir les actions mises en
portefeuille par un ordinateur. La démarche est fondée sur l'hypothèse que les
variations de cours sont en retard par rapport aux faits imprévisibles qui les
provoquent. Le modèle sous-jacent calcule l'incidence que devrait avoir les
différentes informations sur le prix de certains titres et compare le résultat de ces
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

calculs avec les cours observés. Il en résulte des conseils d'achat ou de vente
pour des actions qui n'ont pas encore réalisé toute la hausse ou la baisse
attendue.
Cette gestion quantitative s'est considérablement développée depuis une dizaine
d'années dans un contexte de concurrence accrue entre grands gestionnaires. Elle
constitue en tout état de cause un défi à l’hypothèse d’efficience des marchés.

B/ Le repérage de quelques situations d’asymétrie d’informations (AI)

L’évolution récente de la finance de marché et de la finance « intermédiée » révèle


de nombreux cas de partage inéquitable de l’information (asymétries d’informations),
particulièrement en terme d’aléa de moralité.
Les « affaires » Enron, Worldcom, Vivendi peuvent être analysées à la lumière de la
grille des asymétries d’informations entre actionnaires ou prêteurs ultimes
(principaux) et émetteurs de titres (agents) à la fois en termes d’informations cachées
(habillage des comptes) et d’actions cachées (endettement massif) :
• Opacité d’informations dans des organisations conglomérales opaques
(problèmes de reporting, déficits d’informations sur l’exposition au risque de
groupes industriels notamment en terme d’endettement)
• Déficits dans le mode de gestion de l’aléa de moralité (déficiences des
auditeurs externes en particulier)
Les banques supposées mieux armées pour gérer les situations d’asymétrie
d’informations (parce qu’elles traitent et exploitent l’information) sont également
incriminées : le « mélange des genres » entre activités de conseil (analystes
financiers), activité d’introduction en bourse et activité de crédit a suscité des
problèmes de conflits d’intérêt qui remettent en cause aujourd’hui le « modèle » de la
banque universelle.

Plus généralement, des asymétries d’informations altèrent le fonctionnement normal


du SFI :
- asymétrie fondamentale entre prêteur et emprunteur.
- La relation de crédit entre une banque prêteuse et un emprunteur est une
relation de type asymétrique. La gestion de ces asymétries informationnelles
est plus aisée sur un marché local ce qui peut expliquer la persistance d’une
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

implantation des banques locales sur les marchés nationaux (et le faible degré
de contestabilité du marché bancaire traditionnel).
- Sur le marché, la relation entre un emprunteur et un investisseur est
également incertaine. Malgré l’apport d’informations apporté par les agences
de rating, les AI demeurent toujours plus difficiles à traiter dès lors que la
relation entre émetteur et investisseur est « crossborder ». Le développement
d’intermédiaires de gestion de l’épargne (fonds de pension) peut permettre de
traiter ces AI : on peut supposer qu’à limage des banques, les investisseurs
institutionnels ont un meilleur accès à l’information que les investisseurs
isolés.

- asymétrie entre opérateurs très informés et investisseurs ou opérateurs sous-


informés : les souscripteurs de produits d’épargne collective suivent uniquement
la dernière performance affichée par les benchmarks.

- manque d’informations sur les positions prises globalement par les intervenants
et qui permettraient de se renseigner sur les fondamentaux financiers et
l’apparition de comportements moutonniers ;

- manque d’informations sur les valeurs des actifs en liaison avec les
fondamentaux économiques. Il n’existe pas d’affichage des prix anticipés par les
marchés. Le marché cote uniquement les anticipations de volatilités (volatilités
implicites contenues dans les prix d’options par exemple).

Ces déficiences peuvent provoquer un certain nombre de perturbations :


- antisélection des emprunteurs : les intermédiaires financiers ou les marchés ne
sont plus capables de départager les investissements rentables et sûrs de ceux
qui sont douteux et risqués ;
- aléa moral : les investisseurs subissent un aléa de moralité eu égard aux
comportements et informations des gestionnaires à qui ils confient leurs fonds.
Ceux-ci sont également en situation d’aléa moral vis-à-vis des émetteurs de titres
dont ils font l’acquisition d’où la nécessité d’actions de monitoring (qui passent par
l’exercice de leurs droits de vote dans les conseils d’administration pour les
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

actions et d’une surveillance de la qualité de crédit des émetteurs de titres de


dette) ;
- herding ou comportements moutonniers : les souscripteurs qui se fondent
uniquement sur le benchmark contribuent à alimenter des phénomènes de bulles
spéculatives. Les gérants de portefeuilles font de même en se contentant de
répliquer ce que tout le monde fait pour éviter la sanction des clients.

Compléments d’infos sur le traitement des AI : l’histoire financière récente peut être
analysée à la lumière de la recherche de la transparence et d’un meilleur traitement
de l’information à l’adresse des investisseurs.
Voir :
- instauration de normes internationales comptables IAS (harmonisation du
reporting financier et d’une « grammaire commune »);
- loi Sarbanes-Oxley (voir supra chapitre 1) ;
- loi de sécurité financière (votée en juillet 2003 en France). Le texte a le même
objectif que la loi Sarbanes-Oxley adoptée aux USA, à savoir rétablir la confiance
des épargnants dans les marchés financiers. Pour y parvenir, trois grands axes
ont été suivis : renforcement et amélioration du contrôle des acteurs du marché ;
amélioration de la sécurité des épargnants et des assurés ; modernisation et
renforcement de la vérification des comptes des entreprises ;
- projet de directive européenne sur l’harmonisation des obligations de
transparence concernant l’information délivrée par les émetteurs de titres.
L’objectif de cette directive est de renforcer la confiance des investisseurs dans la
situation financière des émetteurs en améliorant la transparence des sociétés
faisant appel public à l’épargne.
- Projet de directive sur le vote électronique à distance en complément du vote par
procuration (proxy voting).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Chapitre 3 – L’intégration des marchés financiers et les infrastructures


financières

Si le FMI valide le constat d’efficience informationnelle des marchés (au sens


semi-fort du moins), il reconnaît qu’il ne peut en faire de même pour l’efficience
allocative du capital à l’échelle mondiale. Les imperfections des marchés sur ce plan
restent trop nombreuses (concentration des opérateurs, mimétisme, phénomènes
d’auto-validation, de surréaction, de surinterprétation des signes34…) pour soutenir
que les marchés permettent une allocation optimale de l’épargne au plan mondial.
Parmi ces imperfections, l’une d’entre elles a été largement occultée pendant des
années et commence aujourd’hui à être prise en considération avec beaucoup plus
d’attention : il s’agit de la question de l’intégration des infrastructures de marché
(systèmes de négociation – bourses -, de compensation et de règlement-livraison de
titres) qui doivent donner corps à l’intégration des marchés financiers et son pendant
monétaire. Déjà lancé autour des bourses (alliances régionales, fusions…), le
processus touche également les chambres de compensation ainsi que les systèmes
de règlement-livraison de titres.
Façonnées par l’histoire des différentes places financières nationales, ces
infrastructures constituent aujourd’hui un frein à une plus grande intégration des
marchés (ou parfois un moyen de résister à la concurrence des autres places),
notamment en termes de coûts de transaction. Cette question de l’intégration des
marchés se pose avec particulièrement d’acuité en Europe depuis le passage à la
monnaie unique. L’euro délimite une Europe monétaire mais pas (encore ?) une
Europe financière laquelle apparaît encore comme un territoire trop fragmenté pour
pouvoir parler d’une Europe unique des titres.
Pour permettre une plus grande intégration des marchés à l’échelle mondiale, et
plus étroitement, à l’échelle de la zone euro, une intégration progressive des
marchés financiers européens, il est nécessaire de disposer d’une infrastructure
financière fiable et performante qui puisse permettre de répondre aux préoccupations
des professionnels du marché :

- les banques et entreprises d’investissement, actives, du moins pour les plus


importants d’entre elles, sur de multiples marchés, souhaitent centraliser les

34
Cf cours de Relations Monétaires Internationales de licence. Voir également ALLEGRET, JP et COURBIS B,
2003, cité en bibliographie.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

valeurs qu’elles détiennent dans un système unique, ce qui leur permettrait


d’optimiser l’utilisation des garanties et de minimiser leurs coûts
opérationnels;

- les investisseurs institutionnels souhaitent que le coût d’une diversification


des investissements vers des portefeuilles incluant des valeurs de toutes
nationalités soit moins onéreux ;

- les investisseurs particuliers manifestent de plus en plus le souhait d’avoir


accès à une gamme de valeurs qui soit la plus large possible, à un coût
raisonnable et sans complexité ;

- les émetteurs de titres, pour leur part, désirent accéder à des marchés plus
profonds et liquides facilitant les levées de capitaux.
L’efficience allocative des marchés doit permettre une « circulation » des titres
dans des conditions de sécurité absolues, au moindre coût et dans des délais de
plus en plus réduits. Or aujourd’hui, si les systèmes financiers nationaux permettent
une « circulation efficiente » des actifs financiers, il n’en est pas de même à l’échelle
internationale, et, plus étonnant dans un espace monétaire unique, à l’échelle
européenne. Toutes les attentes des utilisateurs des marchés ne pourront être
remplies que si les systèmes parviennent à former un réseau intégré et efficace.
On constate en effet que pour les transactions transfrontalières, les suspens
(opérations non dénouées ou dénouées tardivement) sont très nombreux et freinent
sans doute considérablement la circulation internationale des titres. On estime à plus
de 20 % les suspens sur les transactions internationales de titres là où le taux de
dénouement des opérations domestiques dans un pays comme la France s’élève
aujourd’hui à plus de 99 %. L’acheminement des actifs financiers est à la fois plus
risqué, plus coûteux et plus lent parce que les marchés reposent sur des bases
logistiques, des systèmes nationaux, héritages d’une organisation nationale des
marchés (« un pays, une bourse »).
A l’échelle de l’UE, l’un des enjeux du marché européen du titre repose sur la
constitution d’une infrastructure financière européenne permettant une rencontre
performante et sécurisée entre émetteurs de titres et investisseurs (marché primaire)
et entre de multiples investisseurs successifs (marché secondaire). Dans son
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

ouvrage sur les marchés internationaux de capitaux, Jean MATHIS35 souligne


notamment l’importance stratégique des systèmes de règlement-livraison :
"L'efficacité des systèmes de règlement de titres, jointe à celle du système des
paiements internationaux, conditionne l'efficience des marchés de capitaux". Or,
alors que le SEBC a expressément prévu un schéma d’organisation de la circulation
de la monnaie européenne, du moins pour les gros montants (TARGET a permis de
donner corps à un véritable espace européen des paiements de gros montants), il
n’existe pas de véritable schéma européen de gestion des flux de titres. Cette
caractéristique est assez surprenante si l’on considère que les opérations du marché
monétaire font autant intervenir les titres que la monnaie du fait de la généralisation
progressive de la collatéralisation (titres déposés en garantie sur les marchés de gré
à gré). Le bon fonctionnement du marché monétaire se heurte par conséquent à une
circulation encore assez chaotique des titres (cf le chapitre 1 section 3 du cours sur
le degré d’intégration contrasté du marché monétaire européen36).
On doit ajouter à cela la tendance des gestionnaires européens à diversifier
dorénavant leurs portefeuilles sur la totalité de la zone et les enjeux que représente
un marché financier unique pour la réussite de l’union monétaire (en vertu des
développements théoriques sur les zones monétaires optimales). Il s’agit désormais
d’une problématique au cœur des réflexions menées par la Commission européenne
depuis la publication des rapports Giovannini en novembre 200137 et en avril 200338.
NOTA :
La question de l’intégration des marchés par le rapprochement des infrastructures
est à rapprocher de l’évolution qu’ont connue les systèmes de paiement de gros
montants (voir développements en cours). Pour accompagner le mouvement de
globalisation financière et la montée en puissance des mouvements internationaux
de capitaux (change, opérations sur titres et sur produits dérivés), les systèmes de

35
Jean MATHIS, 2000, Marchés internationaux de capitaux., Economica, p.139
36
Cette section n’a pas été commentée explicitement en cours. En gros, il convient de retenir que seul le marché
interbancaire est véritablement intégré (autour d’une référence commune : EONIA). En revanche, dès lors qu’on
touche à des maturités plus longues (marché monétaire des TCN et marché obligataire) et donc aux titres, le
marché apparaît plus imparfaitement intégré car les titres ne « circulent » pas aussi facilement à l’échelle de la
zone euro qu’à l’échelle domestique. Concrètement, cela signifie qu’il n’est toujours pas équivalent pour un
investisseur espagnol par exemple, de souscrire à une obligation du Trésor Français, allemand (titre
« crossborder ») qu’à un titre espagnol (même si les taux convergent très nettement depuis le passage à l’euro).
L’existence de coûts de transaction (coûts de négociation, de compensation et de règlement-livraison) constitue
encore un frein à la constitution d’une épargne européenne.
37
The Giovannini Group, novembre 2001, Cross-border clearing and settlement arrangements in the European
Union, Bruxelles.
38
The Giovannini Group, Second report on EU clearing and settlement arrangements, Bruxelles, avril 2003.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

paiement ont dû considérablement évoluer par la mise en place des RTGS pour
contenir les risques systémiques et par l’adoption des normes Lamfallussy pour les
systèmes nets. A l’échelle internationale, CLS Bank s’est rapidement imposée
comme système de compensation et de paiement (articulé avec les RTGS
nationaux) sur le marché des changes. CLS est bien plus qu’une innovation de
process dans le traitement des opérations de changes. A la différence du
correspondant banking, CLS constitue en effet une véritable infrastructure
internationale intégrée pour les paiements internationaux.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

- I – Qu’est ce que l’infrastructure des marchés ?

A/ Définition et périmètre des infrastructures de marché


Traditionnellement, la terminologie utilisée pour décrire et expliquer le
fonctionnement des marchés financiers renvoie aux termes de système, de structure,
de sphère ou encore de secteur. Depuis quelques années, les expressions
infrastructure financière et infrastructure des marchés sont davantage
employées, notamment dans les rapports de la BRI39, du FMI ou de la Banque
mondiale sans toutefois qu’il en soit précisé le contenu.
Cette évolution sémantique traduit à l’évidence le souci de rendre compte d’une
activité qui ne cesse de s’industrialiser ainsi que l’audience plus importante des
approches fonctionnelles de la finance.
MERTON et BODIE40 [1988] définissent de la manière suivante l’infrastructure
des marchés41 : « L’infrastructure financière est constituée des procédures
légales de compensation, de l’organisation des échanges et des systèmes de
compensation et des structures réglementaires qui gouvernent les relations
entre les différents utilisateurs du système financier »42.
L’infrastructure des marchés renvoie à l’ensemble des systèmes informatiques et
de télécommunications ainsi qu’à l’ensemble des règles permettant aux titres d’être
émis, négociés, compensés, livrés et conservés.

Les infrastructures des marchés


Infrastructure technique Infrastructure réglementaire
Type Fonction Type Fonction
d’infrastructure d’infrastructure

39
Le rapport trimestriel de la BRI présente désormais pour chacune de ses parutions d’un encart intitulé
« Initiatives et rapports concernant les marchés financiers et leur infrastructure ».
40
Robert C., MERTON, 1998, La finance sans frontière, Economica, p.309
41
Voir également ADHIKARI et OH, 2000, « Les réformes du secteur bancaire : perspectives de reprise
économique et stratégies » in ADHIKARI et HIEMENZ, OCDE, Vers la stabilité financière en Asie.
42
On trouve une définition similaire de l’infrastructure des marchés dans le rapport Giovannini (voir
bibliographie indicative du cours) qui constitue une des pistes de réflexion les plus abouties sur le rôle des
infrastructures de marché dans la problématique de la construction d’un marché financier européen intégré :
« The financial industry contributes to efficient allocation of capital and risk in an economy and it is a
fundamental infrastructure that permits other economic activities to function and developp efficiently. This
infrsytcuture needs in turn another infrastructure, both physical and non-physical, in order to function properly.
The latter includes financial market rules and regulations, a payments system, and a system to permit the
exchange of financial assets ».
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Systèmes de Autorités de Régulation des


• formation du
négociation régulation marchés
prix

• échange
(transaction)
Systèmes de
compensation

• gestion des Autorités Solvabilité des

risques prudentielles intermédiaires

(novation) financiers
Systèmes de
• Optimisation
règlement-
des
livraison
échanges
(netting)

• Dénouement
en compte

• Conservation

Les infrastructures techniques de marché


SYSTEME DE NEGOCIATION / TRADING : Phase d’engagement de l’opération

CHAMBRE DE COMPENSATION/ CLEARING HOUSE: Phase de gestion des
risques

SYSTEME DE REGLEMENT-LIVRAISON / SETTLEMENT : Phase
de dénouement en compte et
SYSTEME DE CONSERVATION CENTRALISISEE/ CUSTODY :
Phase de règlement/livraison, de stockage et de suivi de la vie du titre

Source : d’après Alexandre DUVIVIER, La chaîne de traitement des opérations sur


titres en Europe, Bulletin de la Banque de France, N°99, mars 2002, p. 42
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Remarque :
Ces infrastructures offrent des services gratuits ou le plus souvent payants, ; elles
disposent d’un statut public ou privé, de financements publics et/ou privés43. Comme
dans d’autres domaines, les infrastructures financières ont été progressivement
transférées de la sphère non marchande (citons par exemple les bourses qui ont eu
jusqu’à une période récente, y compris aux Etats-Unis, un statut de type coopératif
ou encore le cas des agents de change, officiers ministériels, ou encore celui des
dépositaires centraux, définis par leur fonction de type notariale comme garants de la
conservation des titres) à la sphère marchande (bourses cotées en bourse,
« entreprises de marché » soumises à une vive concurrence, fin du monopole
d’accès à la négociation des sociétés de bourse, remise en cause des « monopoles
naturels » des dépositaires centraux).
Les infrastructures ont par ailleurs ont un statut ambivalent à la fois intrant
intermédiaire, participant au processus de production des autres secteurs
(susceptible par conséquent d’accroître la productivité des facteurs) et « bien de
consommation », bénéficiant directement aux utilisateurs finals44. Les infrastructures
financières constituent une base logistique nécessaire aux échanges de titres et
simultanément, bénéficient aux utilisateurs des marchés, banques et entreprises
d’investissement, qui y ont recours pour compte propre ou pour le compte de leur
clientèle (fonds, clients particuliers, OPCVM…).
Elles sont enfin le plus souvent des biens collectifs, caractérisés par la non-
exclusion et la non-rivalité45 ou des biens de club, exclusifs mais non-rivaux, porteurs
d’externalités tant positives que négatives. Dans le domaine financier, les
infrastructures financières renvoient plutôt à la deuxième catégorie, celle de biens de
club.
Les marchés constituent des biens réseaux proposant un ensemble réticulaire de
transmission des ordres, de cotation et de paiement-livraison. En tant que biens

43
P THALMAN, 1997, « Le financement des grandes infrastructures : comment faire participer le secteur
privé ? » in Revue économique, Vol.4, n°2.
44
Henri-François HENNER, « L’impact des investissements d’infrastructure dans les économies en
développement » in Jean BROT, Hubert GERARDIN, (Dir.), 2001, Infrastructure et développement,
L’Harmattan, p.41.
45
Rappel : un bien est rival lorsque sa consommation par un agent réduit les possibilités des autres agents. Un
bien est exclusif lorsqu’il est possible d’empêcher un agent de le consommer. Les biens collectifs purs sont non
rivaux et non exclusifs alors que les biens privés purs sont rivaux et exclusifs. Les biens de club présentent la
caractéristique d’être exclusifs mais non rivaux (autoroute à péage par exemple).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

réseaux, ils font jouer des externalités fortes : un participant bénéficie de la hausse
du nombre de points d’accès au marché et du nombre de participants. La
conséquence est qu’il y a un coût marginal décroissant avec la quantité offerte : les
participants ont intérêt à s’unir sur un système pour en abaisser le coût (masse
critique). Par ailleurs, pour faire face à de potentiels nouveaux entrants, ils ont intérêt
à coaliser avec d’autres marchés.
L’organisation d’ensemble des marchés financiers dans le monde s'appuie sur cet
ensemble de systèmes et d’acteurs chargés de l'organisation de l'émission, de la
circulation des actifs financiers dans une communauté financière (à l'image du
système bancaire chargé de l'émission et de la circulation des actifs monétaires dans
une communauté de paiements donnée) pour le compte d’intermédiaires de marché.
Il est important de distinguer ces deux niveaux.
1/ Les intermédiaires de marché, utilisateurs des infrastructures de marché
Les intermédiaires de marché sont compétents sur les services
d’investissement (négociation, placement, routage des ordres…) et les services
« auxiliaires46 » (compensation, tenue de comptes-titres conservation). Ils assurent
pour compte propre ou pour compte de tiers (investisseurs institutionnels,
investisseurs particuliers, autres banques, entreprises), la circulation des actifs
financiers, depuis la négociation jusqu'à leur garde en passant par la compensation
et le règlement-livraison. Les intermédiaires de marché assurent la gestion logistique
(flux et stocks) pour le compte d’une clientèle d’ investisseurs ou pour le compte
d'autres banques (en cas d'externalisation de certaines activités). Pour assurer cette
gestion, ils utilisent les infrastructures mises en place par les intermédiaires de place,
lorsqu’ils interviennent sur un marché organisé ou leurs propres infrastructures
lorsqu’ils réalisent des opérations de gré à gré ou interviennent en dehors des plages
d’ouverture des marchés. Si l’on considère une opération simple d’achat/vente de
titres sur un marché boursier, on pourra observer que l’intermédiaire auquel le client
final s’est adressé (banque ou la société de bourse) ne se contente pas de collecter
un ordre et de le « passer » sur le marché. Il doit acheter le titre, le présenter dans
une chambre de compensation avant de régler l’opération, c’est-à-dire de le livrer à
l’acheteur et de procéder aux opérations nécessaires au paiement du vendeur. Une

46
Services connexes au sens de la Directive sur les Services d’Investissement en Europe.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

fois l’opération dénouée en compte, il doit s’assurer de la parfaite conservation47 de


la trace de cette opération dans les comptes d’un dépositaire (lui-même ou un autre
établissement). En prenant en charge ces tâches, l’intermédiaire exerce au total
plusieurs métiers : celui de négociateur (trader), celui de compensateur (clearer)
et celui de teneur de compte-conservateur (custodian).
Ces opérations, qui nécessitent à la fois une assise financière importante et des
investissements qui peuvent être considérables, sont de plus en plus souvent
éclatées, au point d’être prises en charge par plusieurs acteurs séparés : un ordre
d’achat initié par un investisseur (X) sur un marché, peut être collecté par un broker,
collecteur d’ordre (A), exécuté par un négociateur (B) (une société de bourse ou une
banque agissant en qualité de courtier – broker – ayant accès au marché),
compensé par un compensateur (C). L’opération doit ensuite être réglée, et le titre
acheté livré, par un teneur de compte-titres (D) qui assurera la conservation dans ses
livres. Potentiellement, cette opération basique (il s’en réalise des milliers chaque
jour) est susceptible de mobiliser quatre acteurs48. Ces traitements sont encore plus
complexes pour des opérations transfrontalières qui nécessitent le recours à
davantage d’intermédiaires49.

Investisseur X Broker A Négociateur B

Compensateur C

Teneur de compte-conservateur D

En prenant en charge ces tâches, la banque exerce au total plusieurs métiers : celui
de négociateur (trader), celui de compensateur (clearer) et celui de teneur de
compte-conservateur (custodian).
2/ Les "intermédiaires de place", fournisseurs des infrastructures
Les intermédiaires de place sont en charge des infrastructures de marché. Ce
faisant, ils assurent les fonctions centralisatrices des marchés sur les 3 pôles de
47
Cette fonction de conservation, purement métaphorique depuis que les titres papier (titres qualifiés de vifs) ont
fait l’objet d’une dématérialisation (en 1984 pour la France).
48
Sans compter l’aspect monétaire de l’opération, c’est-à-dire les établissements bancaires teneurs de comptes
espèces.
49
Il en découle « naturellement » un risque opérationnel plus important. L’importance de ce risque ne manque
pas de constituer un obstacle à l’intégration des marchés de capitaux à l’échelle internationale et, plus
étroitement, à l’intégration du marché financier européen.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

compétence : négociation, compensation, règlement/livraison et conservation. Il


s’agit respectivement :

o des entreprises de marché chargées de la gestion


opérationnelle (confrontation des ordres et formation des prix qui
découlent de cette confrontation) et technique (routage des ordres
vers le système de compensation ou de règlement, confirmation
des transactions aux « post-marchés ») des marchés. L’entreprise
de marché incarne le marché au sens de la négociation. Elle
« matche » les ordres d’achat et de vente émis par les
intervenants sur le marché et génère les exécutions marché.

Exemples d’entreprises de marché : EURONEXT, LSE (London


Stock Exchange), NYSE (New York Stock Exchange), NASDAQ,
NOREX (alliance des bourses des pays scandinaves, islandaise
et des pays baltes).

o des chambres de compensation chargées d’assurer la fonction


de contrepartie centrale des marchés. La phase de compensation,
lorsqu’elle existe50, porte sur les opérations suivantes :

 réception et enregistrement des opérations individuelles en


provenance du système de négociation,

 calcul des positions nettes des membres de la chambre de


compensation,

 gestion des dispositifs de maîtrise des risques

 transfert des ordres nets vers les systèmes de règlement-


livraison

Nota : une présentation sommaire de la compensation sera effectuée en cours.

50
La compensation n’est pas systématique. En effet, la transaction sur actifs financiers peut-être directement
dénouée dans un système de règlement-livraison. En Allemagne par exemple, il n’existai pas jusqu’en mars 2003
de chambre de compensation sur titres (la seule chambre de compensation sur actifs financiers existait sur le
marché dérivé Eurex). Les marchés de gré à gré, n’ont, traditionnellement pas, de chambre de compensation.
Toutefois, la tendance est au développement du clearing sur la plupart des marchés organisés d’actions et
également sur les marchés OTC (Repo Clear, Swap Clear). Mémo : le REPO désigne les prêts / emprunts de
titres entre banques à l’échelle nationale comme à l’échelle internationale.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La chambre de compensation s’interpose entre les parties


prenantes d’une opération et permet d’assurer la garantie de
bonne fin des opérations (réduction du risque de contrepartie).
Exemples de chambres de compensation : Clearnet (sur
Euronext), LCH (London Clearing House), CCP (sur le marché
allemand), NSCC (National Securities Clearing Corporation) sur le
marché américain…

o des dépositaires centraux de titres (CSD pour Central Securities


Depositories) en charge de la conservation « ultime » des titres
(fonction d’ordre « notarial ») et de la gestion des systèmes de
règlement/livraison, des Banques Centrales nationales
gestionnaires des systèmes de paiement interbancaires en
monnaie centrale.

Nota : une précision sera apportée en cours sur les ICSD (International Central
Securities Depositories).
Schéma – Le parallèle Monnaie / Titres et le positionnement des
dépositaires centraux
MONNAIE TITRES

BANQUE CENTRALE CONSERVATEUR CENTRAL


(CSD)

Banque Banq Conservate Conserva


A ue B ur A teur B

Agent X Agent Y Agent X Agent Y

Commentaire : dans le système de paiement scriptural, les banques


gèrent les comptes de dépôts des agents économiques et assurent, en
délégation, le service de paiement pour leur compte. Un paiement initié par X à
l’attention de Y suppose un règlement interbancaire qui sera effectif en
monnaie centrale par inscription dans les comptes centraux ouverts par la
banque A et la banque B dans les livres de la Banque Centrale. Les paiements
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

s’effectuent « en monnaie ultime » i.e. en monnaie banque centrale (du moins


s’il s’agit d’ordres de paiement initiés par des agents économiques clients de
banques différentes). La monnaie commerciale A et la monnaie commerciale B
ne sont « compatibles » que par leur convertibilité au pair avec la monnaie
banque centrale. En ce sens, les banques commerciales font écran entre la
monnaie de banque et la monnaie banque centrale. Il n’y a communauté de
paiement fédérée autour d’une même unité de compte que du fait de
l’existence de cette monnaie « fédérale ».

Dans le monde des titres, une même organisation hiérarchisée et centralisée


peut être relevée : les dépositaires gèrent les comptes titres des agents X et Y
et assurent le "service de transport" des titres depuis l'un vers l'autre. Les
titres déposés par X chez A sont ensuite redéposés auprès du dépositaire
central qui assure la conservation de l'ensemble des titres émis sur le
"territoire d'actifs". Les conservateurs ne sont donc que les dépositaires
intermédiaires des titres qu'ils "conservent" pour le compte de leurs clients.
Une "Banque centrale des titres", le dépositaire central (Central Securities
Depository - CSD) conserve l'ensemble des titres émis sur le territoire sur
lequel il a autorité (pendant longtemps, le territoire des actifs a été confondu
avec celui de la monnaie mais depuis le passage à l'euro, ce n'est plus le cas
comme nous aurons l'occasion de le souligner). Les banques dépositaires de
titres ne sont d'une certaine manière qu'un écran entre les investisseurs
détenteurs de titres et le dépositaire central. Elles ne font qu'une conservation
intermédiaire.

L'analogie entre l'organisation de la gestion des comptes à vue et des comptes


titres s'arrête là car des différences de fond séparent le monde de la monnaie
de celui des titres :

1- La monnaie détenue en compte courant par X est juridiquement une créance


sur la banque. Cette dette exigible à vue engage la banque à honorer à tout
instant son engagement à hauteur de la provision affichée sur le compte
courant de X. Ce dernier n’étant cependant que créancier de la banque, celle-ci
a toute latitude pour prêter ces fonds à d’autres agents économiques en
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

besoin de financement. C’est ce qu’elle ne manque pas de faire dans le cadre


de son activité traditionnelle d’intermédiation bancaire. Les titres renvoient
quant à eux à une autre logique : lorsque X détient des titres, il en est
propriétaire et peut jouir des attributs de ces titres (intérêt pour les produits de
taux, dividendes pour les titres de propriété). Aussi, la banque n’est-elle que le
dépositaire de titres qui ne lui appartiennent pas51 et qu’elle ne peut pas prêter
en conséquence à d’autres agents économiques. Cette idée fonde la notion de
ségrégation des avoirs dans les banques et les entreprises
d’investissement52 : une banque doit clairement séparer les titres quelle détient
pour compte propre à son actif et les comptes dont elle est le dépositaire pour
le compte de tiers. Le prêt de titres entre banques qui s’est considérablement
développé ces dernières années ne peut s’opérer qu’à partir des titres détenus
en portefeuille pour compte propre. Cette différence entre monnaie et titres est
également importante en cas de faillite de la banque : alors que les déposants
sont noyés dans la masse des créanciers, les détenteurs de comptes titres
restent propriétaires des titres quoiqu’il advienne puisque ceux-ci ont fait
l’objet d ‘un dépôt auprès du dépositaire central.

2 - Dans la mesure où les banques peuvent prêter les fonds qu’elles gèrent pour le
compte de leurs déposants, elles ne sont pas tenues de re-déposer la totalité de ces
fonds auprès de la Banque Centrale. Seule une partie infirme l’est au titre des
réserves obligatoires. En revanche, pour les titres, il y a une stricte concordance
entre le nombre de titres conservés et celui qu’elles re-déposent auprès du
conservateur central. Il n’y a pas de place pour un multiplicateur de création de titres
par conséquent.

L’autre différence entre les titres et les espèces est que les titres ont une vie
beaucoup plus mouvementée que les espèces. En effet, ces dernières, au mieux,
rapportent un taux d’intérêt correspondant aux caractéristiques du compte sur lequel

51
Les comptes-titres n’appartiennent donc pas au bilan de la banque, pas plus qu’au hors bilan d’ailleurs à
l’instar des produits dérivés : ils relèvent d’une «comptabilité matière». D’un point de vue économique, les
activités liées à l’insertion sur titres, dont la conservation, sont rémunérées sur la base de commissions et non
d’une marge d’intermédiation.
52
L’ex SICOVAM est à l’origine du cahier des charges du teneur de compte conservateur. Ce cahier des charge
stipule le principe de la ségrégation des comptes titres interdisant le tirage sur la masse i.e. l’utilisation de titres
déposés par la clientèle dans le cadre d’opérations pour compte propre, et par conséquent sécurise les
investisseurs déposants.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

elles sont déposées. Les titres quant à eux peuvent faire l’objet de versement de
dividendes, d’attributions gratuites etc. C’est ce que l’on appelle des OST (les
opérations sur titres) dont la gestion et le suivi sont aussi du ressort des back offices.
Ils peuvent aussi, et de plus en plus, faire l’objet de nantissement, de prêts, de
spéculation (en cas de vente d’options d’achat out of the money), ils peuvent servir
de collateral (sous couvert de respecter le principe de ségrégation des avoirs). Le
conservateur-teneur de compte va devoir gérer tous ces mouvements et en tenir une
comptabilité stricte, de façon à ce que l’on sache toujours où en est exactement le
compte de chaque client pour chaque valeur.
Au total, sur une « place financière » donnée, les intermédiaires de place
assurent des prestations de services centralisées pour le compte des
négociateurs, des compensateurs et des conservateurs.
Les places financières se sont constituées autour de « bases
logistiques » nationales alors même que les évolutions réglementaires des
marchés permettent une intégration internationale des marchés.
C’est en ce sens que l’intégration des marchés de capitaux à l’échelle
européenne et internationale bute sur des infrastructures façonnées par des
bourses nationales.
Le renforcement de l'intégration des marchés à l'échelle internationale et
l'éclatement de la notion de place financière qui en découle logiquement
modifie actuellement considérablement la physionomie de ces intermédiaires
de place.
Attention toutefois ! La tendance à l’internationalisation des marchés
n’est pas récente (voir par exemple le cas de la Ligue Hanséatique).
L’infrastructure des marchés est aujourd’hui au cœur de la finance
européenne et mondiale dans la mesure où elle conditionne en partie la réalisation
d’un marché financier intégré. En prenant simplement comme illustration le cas de la
fusion des quatre bourses, française, néerlandaise, belge et portugaise dans
EURONEXT, on perçoit clairement cette exigence forte. Peut-on véritablement parler
de marché intégré si seule la négociation se fait sur une plate-forme intégrée alors
que les post-marchés restent séparés ? En termes de coûts de transaction, la
réponse est bien évidemment négative. On pourra véritablement parler de marché
intégré dès lors que les 3 phases le seront véritablement, comme ce sera le cas dans
le système cible (2005 voire 2008).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

B/ Schéma synoptique de l’approche institutionnelle des infrastructures de


marché
FONCTION I: DETERMINATION DES PRIX ET QUANTITES ECHANGEES

o PHASE I DE NÉGOCIATION (TRADING)

o INTERMEDIAIRE CENTRALISATEUR : Entreprise de marché

o OUTIL : système de négociation



FONCTION II: SECURISATION DES TRANSACTIONS DU MARCHE

• PHASE II DE COMPENSATION (CLEARING)

INTERMEDIAIRE CENTRALISATEUR : Chambre de compensation


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

o OUTILS : Système informatique de calcul des risques/appels


de marge/compensation des flux/vérification titres/cash


FONCTION III : REGLEMENT/LIVRAISON (FLUX) STOCKAGE DES
INFORMATIONS SUR TITRES, GESTION DES OST53(STOCKS)

o PHASE III (1) DE REGLEMENT /LIVRAISON – DENOUEMENT


(SETTLEMENT)

o INTERMEDIAIRES CENTRALISATEURS : Dépositaire Central

Banque Centrale
OUTIL : Syst. informatiques de gestion de flux (cash, titres)

o PHASE III (2) DE CONSERVATION (CUSTODY)

o INTERMEDIAIRES CENTRALISATEURS : Dépositaire central

Banque Centrale

o OUTILS : Syst. informatiques de gestion de stocks (cash,


titres)

53
Opérations Sur Titres. Les OST désignent toutes les opérations qui ponctuent la « vie » d’un titre
(augmentation de capital, détachement de coupon, paiement de dividendes, attributions de dividendes
prioritaires…).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Synthèse - Chaîne de traitement des titres : cas d’un achat de titres


Investisseur (a)

Marché réglementé (b) Gré à gré (c)

Chambre de compensation (d)

Système de R/L (e)


Banque centrale (f) Dépositaire central (g)

Conservateur (h)

(a) Investisseurs : fonds de pension, compagnies d’assurance, particuliers…

(b) Les transactions réalisées sur le marché réglementé passent par la chambre
de compensation

(c) Seule une part du gré à gré passe par la chambre de compensation

(d) La chambre de compensation :

a. Calcule pour chaque opérateur une position nette en compensant ses


opérations symétriques,

b. Apporte une garantie en devenant la contrepartie unique du vendeur et


de l’acheteur,

c. Opère une compensation multilatérale des positions

(e) Le système de R/L assure un règlement contre livraison éliminant tout risque
en principal

(f) L’agent de règlement tient les comptes-espèces

(g) Le dépositaire central tient les comptes-titres

(h) Les titres sont inscrits au compte de l’investisseur chez son conservateur.
Celui-ci administre la vie des titres inscrits à son compte.

Source : Hervo, infrastructures financières et stabilité des marché (article distribué


en cours)
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Exemple : achat de titres néo-zélandais par un fonds français.


Le fonds peut demander à sa banque, BNP Paribas par exemple, d’acheter ces
titres. BNP Paribas n’a pas accès à la négociation sur le marché boursier néo-
zélandais. Elle doit trouver un broker qui est membre de ce marché, par exemple
Bank of Wellington. Bank of Wellington agit en qualité de négociateur et
éventuellement de compensateur et de conservateur. Bank of Wellington sera le
local custodian (voir infra) de BNP Paribas pour les titres néo-zélandais qui ne
quitteront pas le territoire néo-zélandais.
D’un point de vue économique, les coûts de transaction engagés par cette opération
sont à l’évidence beaucoup plus importants que pour une opération domestique. On
comprend donc à travers cette illustration pourquoi les grands investisseurs
institutionnels ont tout à gagner de systèmes de négociation davantage intégrés
(marchés, systèmes de compensation et systèmes de règlement-livraison).

C/ Illustration : l’infrastructure des marchés sur EURONEXT


Trois systèmes fondent l’infrastructure des marchés sur EURONEXT :

1. Pour la négociation (trading), le système de négociation repose sur un


système électronique: NSC.
 système fonctionnant en mode « tout » électronique. Il permet de
déterminer les prix, en continu pour la valeurs les plus liquides, au fixage
(fixing) pour les valeurs faisant l’objet de moins de transactions
 système dirigé par les ordres (carnet d’ordres centralisant les ordres d’achat
et de vente qui parviennent au marché)
 système accessible à distance
L'organisme de place pour la négociation est EURONEXT, l'entreprise de
marché chargée d'organiser la négociation sur le marché issu de la fusion
entre la Bourse de Paris, de Bruxelles et d'Amsterdam 2000. La société
holding du groupe, EURONEXT NV (établie à Amsterdam) dispose d’une
filiale dans chaque pays d’implantation avec des responsabilités incombant à
chacune d’entre elles concernant l’organisation des différents marchés. Le
groupe EURONEXT s’est étoffé en 2002 avec l’arrivée de la Bourse lisboète.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Le périmètre du groupe s’est également élargi avec le rachat du marché


dérivé londonien, le LIFFE54 (plate-forme LIFFE Connect).

2. Pour la compensation (clearing), le système de compensation est géré


par la chambre de compensation (clearing house). Celle-ci :
 assure la garantie de bonne fin des opérations
 est l’unique contrepartie de ses membres compensateurs (on parle de
contrepartie centrale)
 gère le logiciel de compensation dénommé Clearing 21.
Au sein d’EURONEXT, l’entreprise (qui a le statut d’établissement de crédit)
chargée de la compensation est Clearnet. Filiale d’EURONEXT et issue de la
fusion des chambres de compensation du marché actions de l’ancienne Paris
Bourse SA, du MATIF et du MONEP, le périmètre de son activité s’est
attendue dans le cadre de la constitution du nouveau groupe. Depuis le 1er
février 2001, CLEARNET est devenue juridiquement la contrepartie
centrale de toutes les transactions (comptant et produits dérivés)
négociées sur les trois marchés, ainsi que le moment venu, sur le
marché portugais.

Exemple de compensation

Com pensation et garantie


+ 1000
- 250 - 100
+ 500 Nég. B
- 200 Nég. C
+ 200 Nég. A
+ 100 + 700 -1000 -1000
+ 550
COM PENSATIO N
ET G ARA NTIE -600
Nég. G + 300 -350 Nég. D
+ 100
+ 200
Nég. E + 400 + 250
- 50 - 500
550 + 50
- 200 Nég. F
700 -1000 - 400
- 100
400 - 600
+ 400
300 - 350
Com pensation m ulti-latérale :
1950 -1950 1 seule ligne par jour pour un négociateur de m arché et par valeur

54
London International Financial Futures Market.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

3. Pour le règlement-livraison (delivery-settlement) et la conservation


(custody), c’est le dépositaire central, la « Banque centrale des titres »
EUROCLEAR France qui assure la fonction de centralisateur de tous les titres
(produits de taux, titres de propriété) émis sur le territoire sur lequel elle a
autorité ainsi que la fonction de gestionnaire du système d’acheminement des
titres. La fonction de dépositaire central renvoie à une dimension stocks et
celle de gestionnaire du système de livraison des titres à l’aspect flux.

- Stocks : Euroclear France, dépositaire central

- Flux : Euroclear France, gestionnaire du système de règlement-


livraison de titres RGV (RELIT Grande Vitesse)
EUROCLEAR France assure la conservation centralisée des titres après
transport dans un système de règlement-livraison de titres relié à un système
de paiement. EUROCLEAR France est le dépositaire central français, filiale de
l’ICSD (voir infra) EUROCLEAR Bank qui a racheté le dépositaire central
français en 2000 (l’ancienne SICOVAM devenue depuis Euroclear France), et
plus récemment le dépositaire central néerlandais (Necigef devenu Euroclear
Nederlands) et belge (CIK en passe de devenir Euroclear Belgium).

II- Des marchés intégrés, des infrastructures éclatées. La fragmentation du


marché financier européen

Jusqu’à présent, le principal effet de l’euro a été de contribuer à faire ressentir le


besoin d’une d’intégration financière des marchés (marché monétaire, marchés de
taux et marchés actions, marchés dérivés) et des infrastructures (systèmes de
négociation, de compensation et de règlement-livraison) qui les portent. Pour les
opérations transfrontalières, dorénavant de plus en plus nombreuses et appelées à
l’être encore plus dans un avenir proche, la complexité du traitement est plus grande
du fait de l’absence d’une infrastructure financière unifiée. Le morcellement, à la fois
technique et réglementaire des marchés, pointé du doigt en 2001 par la Commission
européenne dans le premier rapport Giovannini comme étant la principale source
d’inefficience des marchés européens, est d’autant plus frappant.
Le premier rapport Giovannini a permis de mettre en évidence les différentes
barrières qui freinent l’intégration des marchés (voir encadré). Ces barrières se
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

traduisent par des coûts de transaction élevés qui gênent la circulation intra-
européenne des titres et l’émergence du marché pan-européen de l’épargne.
A l’échelle internationale, la fragmentation des marchés pousse également
vers une plus grande intégration de l’ensemble de la chaîne de traitement des titres.
Ce mouvement se traduit avant tout par le développement d’accords croisés entre
bourses (crossmembership et remote access, d’alliances entre bourses à l’instar des
alliances nouées dans le domaine du transport aérien. Ce mouvement concerne
également, mais dans une moindre mesure pour l’instant le post-marché
(compensation et règlement-livraison). Sur ce plan, les marchés nationaux restent
fortement segmentés à l’échelle internationale.

Les 13 barrières identifiées par le rapport Giovannini

• Barrières liées aux aspects techniques et aux pratiques de marché

1. Différences dans les technologies informatiques et les interfaces


2. Restrictions nationales qui impliquent l’utilisation de systèmes multiples
3. Différences dans les règles relatives aux droits à la propriété et la
conservation des titres
4. Absence d’irrévocabilité intra-journalière
5. Difficultés pratiques liées à l’accès à distance
6. Différences dans les délais de dénouement
7. Différences dans les journées comptables
8. Différences dans les modalités d’émission des titres
9. Restriction sur la localisation des titres
10. Restrictions relatives à l’activité des membres du marché

• Barrières liées aux aspects fiscaux


11. Règles de retenue à la source défavorables aux intermédiaires
étrangers.
12. Collecte des taxes intégrée au système de R/L local

• Barrière relative à la certitude légale


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

13. L’absence d’une base législative européenne pour le traitement des


avoirs-titres
Source : Rapport Giovannini, novembre 2001
A/ Des coûts de transaction élevés
La multiplicité des organismes de règlement-livraison en Europe est sans conteste
un facteur explicatif de l’importance des coûts de transaction pour les opérations
intra-européennes au regard de ceux enregistrés aux Etats-Unis où existe un
système centralisé, DTCC (Depository Trust and Clearing Corporation). A l’heure où
les investisseurs institutionnels55 cherchent à diversifier leurs portefeuilles-titres à
l’international, la balkanisation du territoire financier européen peut choquer. Cette
remarque ne vaut pas que pour l’Europe. Dès lors qu’on franchit une frontière
nationale (opération intra-européenne ou opération à l’international, par exemple
entre les Etats-Unis et l’Europe), le niveau des coûts transfrontaliers apparaît
exagérément élevé comme en atteste une étude récente diligentée par l’AFTI
(Association Française des professionnels des Titres).

Type d’ordre Moyenne EU Europe


Ordre « domestique » 70 à 85 € 85 € 67 à 90 €
Prix broker 60 à 75 € 75 € 60 à 75 €
Prix custodian 10 € 10 € 7 à 15 €
Ordre 85 à 115 € 100 à 115 85 à 115 €
56
« transfrontalier »
Prix broker 60 à 75 € 75 € 60 à 75 €
Prix custodian 25 à 40 € 25 à 40 € 25 à 40 €
L’existence de coûts de transaction pour les opérations crossborders
Prix complet pour l’investisseur pour un ordre de 30 000 € (transaction sur action)
Source : AFTI, novembre 2002.

55
Les investisseurs institutionnels (Fonds de Pension, compagnies d’assurance, OPC) jouent un rôle considérable dans la
réalisation de l’intégration financière. Ils centralisent une part importante de l’épargne des pays industrialisés (encours gérés
supérieurs à 21 000 Milliards d’USD dont 87 % concentrés dans les pays du G7).Les investisseurs institutionnels orientent
ensuite globalement cette épargne sur les investissements selon leur stratégie de portefeuille en commençant par une
répartition géographique.
56
Marché européen pour un investisseur US et inversement. Exécutions opérées au moyen d’écrans délocalisés.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

B/ Des entraves à une circulation internationale des actifs


Rappel du chapitre 1 : « Dans un univers de financement globalisé, potentiellement,
l’investissement national et l’épargne nationale ne sont plus contingents. Les
investisseurs doivent pouvoir facilement acheter des titres étrangers et diversifier
leurs moyens de placement. L’épargne, et donc les titres, sont parfaitement mobiles.
Or des travaux récents (Danthine57, [2000]), (à la suite des travaux précurseurs de
Feldstein et Horioka [82]) continuent à faire état d’une corrélation étroite entre taux
d’épargne et taux d’investissement nationaux. Le SFI ne serait donc pas intégré au
sens où l’épargne collectée ne serait pas, en réalité, réallouée mondialement. Les
portefeuilles demeurent en effet aujourd’hui très faiblement investis en actifs
étrangers
Structure des portefeuilles des acteurs institutionnels

Structure des portefeuilles des acteurs institutionnels


Part de valeurs domestiques Part de valeurs étrangères
Allemagne 87 % 13 %
Belgique 91 % 9%
Espagne 98 % 2%
France 94 % 6%
Italie 89 % 13 %
Royaume Uni 74 % 26 %
Source : cabinet Eurogroup.
Les données disponibles montrent que la part des actifs étrangers dans les
portefeuilles des investisseurs institutionnels reste actuellement inférieur à 11 % aux
Etats-Unis, à 23 % au Japon. Elle atteint en revanche près de 30 % au Royaume-Uni
et aux Pays-Bas. On constate encore une préférence pour l’habitat national de
l’épargne (Home bias). C’est là, sans doute, en partie, la manifestation de la « loi de
proximité » ou encore une manière pour les investisseurs de gérer l’alea moral qui

57
DANTHINE J., [2000], “The future of European Banking”, Monitoring European Integration, n° 9, CEPR,
Londres.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

pèse sur eux58. Il n’est pas étonnant que le FMI estime que l’intégration financière
internationale est réelle dans les prix des actifs qui sont en permanence arbitrés par
les opérateurs (des actifs équivalents seront cotés à l’identique quel que soit le
marché sur lequel ils s’échangent) mais reste limitée lorsque l’on considère les flux
internationaux de capitaux ».
C/ Des entraves à une gestion européenne de l’épargne
Le montant des coûts de transaction, la multiplicité des marchés et des
réglementations, le maquis des systèmes de règlement-livraison gênent
considérablement la gestion européenne de l’épargne. Celle-ci reste morcelée et
encore trop peu encline à s’investir dans des projets communautaires. La
conséquence immédiate en est l’importance des acteurs étrangers sur les places
européennes (80 % des transactions selon une étude certes controversée de la
Banque de France, 50 % selon Euronext) et des transferts de capitaux à l’étranger.
Une plus grande intégration des marchés européens doit contribuer à rendre
relativement moins attractifs les investissements de portefeuille réalisés par les
investisseurs locaux aux Etats-Unis et à financer plus volontiers des projets
d’entreprises européennes. C’est là un défi important à relever, notamment si l’on
tient compte du développement des fonds de pension et des fonds d’épargne
salariale.

III – L’infrastructure des marchés : un moyen d’instrumenter la confiance


La définition des infrastructures financières que nous avons reprise chez
MERTON60 est intéressante car elle prend en considération, dans l’infrastructure,
non seulement les aspects relatifs à l’organisation des échanges et des systèmes de
compensation mais également la structure réglementaire en vigueur.
La réglementation des marchés constitue en effet un élément important à prendre
en considération car elle conditionne la sécurité des marchés en même temps qu’elle
doit veiller à ne pas étouffer les innovations qui peuvent y voir le jour.

58
The tendency of private equity firms to invest domestically is a reflection of the fact that it is important for the
capital providers to be close to their portfolio companies for the purpose of monitoring their investments”.
Source : Financial market integration in the EU, 2000, p. 152.
60
Voir supra
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Ce double impératif de sécurité et de souplesse conditionne en partie la


compétitivité des places financières qui doivent conjuguer fiabilité et capacité à
innover et améliorer les conditions mêmes de fonctionnement des marchés.
L’infrastructure des marchés, ces dernières années, a considérablement évolué
sous l’effet d’une exigence de sécurité, dans un contexte de plus grande
sensibilisation aux risques.
Parmi ces évolutions, on peut en relever un certain nombre sur lesquelles nous
aurons également l’occasion de revenir plus en détail par la suite :
bLa mise en place des systèmes de paiement de gros montants
fonctionnant en temps réel (sans compensation interbancaire) pour traiter les
opérations de marché initiées par les grands investisseurs institutionnels : les
RTGS (Real Time Gross Settlement Systems). Ce protocole de règlement est
devenu un véritable standard de sécurité pour les opérations de gros montant.
Ces RTGS sont au système financier ce que les autoroutes sont au réseau
routier : fiables, rapides…et parfois coûteux61.
bLa mise en place de systèmes de livraison de titres en temps réel
respectant le principe du LCP (Livraison Contre Paiement) / DVP (Delivery
Versus Payment) pour éviter tout risque de contrepartie : la livraison des titres est
conditionnée au versement en monnaie. Un tel dispositif de paiement contre
livraison est conforme aux recommandations internationales, lesquelles
s’imposent dans les faits comme une « réglementation de fait ». Dans le domaine
des changes, le système CLS constitue une véritable infrastructure de paiements
internationaux respectant un principe équivalent : le PVP (Payment Versus
Payment).
bLa création de dépositaires centraux dans les pays qui n’étaient pas
encore dotés d’une « Banque centrale des titres » qui puisse garantir la stricte
équivalence entre les titres émis et le nombre de titres en circulation d’aune part
et assurer la livraison des titres depuis les comptes titres des acheteurs vers les
comptes titres des vendeurs dans des conditions de sécurité et de rapidité
optimales. La plupart des pays émergents se sont dotés de Banques centrales
des titres comme gage de confiance adressé aux investisseurs (Maroclear au

61
Rappel : ces systèmes fonctionnent sans compensation. Ils traitent les virements de gros montants au fil de
l’eau.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Maroc, STICODEVAM en Tunisie, Midclear au Liban qui s’est rapproché du


marché égyptien etc…).

Ces infrastructures ne suffisent pas à faire le marché (la liquidité d’un marché
reste un élément indispensable à sa crédibilité), encore que des structures
pleinement intégrées permettent d’accroître leur liquidité, mais elles sont
indispensables pour gagner en crédibilité conformément aux recommandations
édictées depuis 1989 par la BRI et qui n’ont cessé de se multiplier depuis62. Les
grands investisseurs, notamment américains, sont de plus en plus sensibles à la
confiance que leur inspire une place. Ils dressent pour cela des « check lists »
déclinant les différents critères que doit remplir une place avant de décider d’y
investir. Un pays qui n’est pas doté d’un dépositaire central, d’un RTGS, d’un
système de règlement-livraison de titres fiable (respectant le LCP) risque fort d’être
mis à l’écart. C’est pour cette raison que ces dernières années, les places financières
émergentes se sont lancées dans de vastes programmes de modernisation et de
mise à niveau de leurs infrastructures pour répondre aux exigences des standards
internationaux.
Cette évolution vers plus de sécurité et de fiabilité des infrastructures liées au
transport des titres et de la monnaie s’inscrit dans un cadre plus général
caractéristique du développement de l’économie de marchés financiers, à savoir la
normalisation, le formatage, la codification de la confiance. On assiste en effet
désormais au règne de la notation, du rating. Tous les acteurs sont concernés,
émetteurs notés par les grandes agences de rating, gestionnaires de fonds,
d’OPCVM. Les dépositaires font également l’objet d’une évaluation portant sur la
qualité de leur service.

62
Cf Principes fondamentaux pour les systèmes de paiement d’importance systémique, CSPR, Bâle, janvier
2001 (www.bis.org). En définissant un ensemble commun de normes internationales, ces principes répondent
aux objectifs d’intérêt général consistant à réduire les risques, assurer la sécurité et renforcer l’efficience dans les
systèmes de paiement d’importance systémique. Ils présentent en détail les caractéristiques essentielles
auxquelles devraient satisfaire tous les systèmes de paiement d’importance systémique. Ces principes doivent
être utilisés par les pays souhaitant évaluer leurs systèmes et mettre au point des stratégies appropriées pour les
appliquer.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

IV - La consolidation des infrastructures de marché en Europe


Avec l’euro, la fragmentation des infrastructures de marché en Europe crée un
puissant appel d’air pour une entreprise de rationalisation par des alliances et des
fusions sur les principales places. Tous les segments du traitement de la filière-titres
sont concernés : négociation, compensation, règlement-livraison et conservation.

A/ Une phase de consolidation nationale.


L’entreprise de consolidation a d’abord été engagée à l’échelle nationale.
Partout, la segmentation des infrastructures au plan national a été remise en cause
afin de créer un système intégré permettant de traiter toutes les catégories de titres
dans un même périmètre fonctionnel.
La France s’est engagée de longue date dans ce processus : en matière de
négociation, les bourses régionales ont fermé au profit de la Bourse de Paris. En
matière de compensation, CLEARNET, avant de connaître son développement pan-
européen, est né de la fusion des anciennes chambres de compensation intervenant
sur les différents compartiments des marchés français (SBF pour les actions et
MATIF SA et BCC pour respectivement le MATIF et le MONEP). Dans le domaine du
règlement-livraison et de la conservation, SICOVAM a été érigé en pôle unique,
dépositaire central pour toutes les catégories de titres, qu’ils soient privés ou publics
et a intégré l’ensemble des systèmes de règlement-livraison.
Dans d’autres pays, ce processus de « désegmentation » est moins abouti. Il
est toutefois d’ores et déjà engagé avec vigueur, à la fois sur la négociation mais
surtout dans le domaine du règlement-livraison. En Espagne par exemple, un
rapprochement est programmé, depuis juin 2001, entre les places de Madrid,
Barcelone, Bilbao et Valence. Dans le domaine du règlement-livraison, les systèmes
CADE et SCL ont opéré leur rapprochement. De la même manière, en Italie, CAT et
MONTE TITOLI ont annoncé leur fusion, de même qu’au Royaume-Uni, les
systèmes CMO63, CGO64 et CREST65.
Partout l’objectif est le même : créer un système intégré à l’échelle nationale
permettant de traiter toutes les catégories de titres dans un même système piloté par

63
Central Moneymarkets Offices. Filiale de la Banque d’Angleterre, dépositaire des titres du marché monétaire.
64
Central Gilts Office. Filiale de la Banque d’Angleterre, dépositaire des valeurs du Trésor britannique.
65
CREST Co est désormais le dépositaire central britannique. Créé en 1996, CREST a annoncé en juillet 2002 sa
fusion avec EUROCLEAR.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

un seul opérateur afin de mettre un terme à la segmentation des infrastructures au


plan national.
Une telle évolution ne peut manquer d’ouvrir la voie à des rapprochements plus
ambitieux à l’échelle paneuropéenne afin de répondre au besoin d’intégration des
marchés de titres de la zone euro. C’est le cas d’EURONEXT en matière de
négociation, de CLEARNET pour la compensation et d’EUROCLEAR pour la
conservation et le règlement-livraison.
Sur le seul aspect du règlement-livraison, il y a actuellement en Europe
une surcapacité dans l’offre de systèmes de règlement-livraison en Europe où
l’on dénombrait encore fin 1998 pas moins de 29 systèmes66. C’est d’ailleurs
dans ce domaine que les fusions et restructurations ont été les plus
nombreuses. En 2002, on en dénombre encore une vingtaine : les programmes
de rapprochement et de fusion sont effectifs et devraient encore se renforcer
dans les mois à venir.

B/ Quels schémas de consolidation possibles en Europe ?


Le processus de rationalisation peut s’opérer selon plusieurs schémas. On
distingue 3 schémas de rationalisation des marchés, 2 d’entre eux reposant sur deux
approches opposées, le dernier étant un schéma que l’on peut qualifier d’hybride.

1) l’organisation verticale, en « silo »


Cette organisation propose aux intervenants du marché une chaîne de
traitement intégrée des différentes fonctions de négociation, compensation et
règlement-livraison dont les acteurs sont des partenaires privilégiés ayant développé
des liens capitalistiques forts entre eux.
La tête de pont en Europe de l’organisation en silo est le marché allemand :
XETRA et EUREX sont les deux plate-formes de négociation électronique
(respectivement actions et obligations pour XETRA et EUREX pour les dérivés). La
compensation (uniquement pour les dérivés) s’effectue dans la chambre de
compensation du marché dérivé EUREX. Le règlement-livraison s’effectue par le
système géré par CLEARSTREAM. L’optique verticale a été renforcée fin 2001
lorsque la Deutsche Börse a racheté CLEARSTREAM.

66
Ces 29 systèmes ont reçu un certificat de conformité aux normes édictées par l’Eurosystème pour le traitement
des actifs financiers (« collatéraux ») remis par ses contreparties en garantie de ses concours.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Francfort a d’abord misé sur l’alliance des leaders avec Londres, pensant atteindre
ainsi immédiatement une position dominante, à la fois en Grande-Bretagne et sur le
Continent avec le projet iX de fusion entre Deutsche Börse et le London Stock
Exchange. Il est cependant difficile d’unir des partenaires qui se considèrent chacun
comme dominant, surtout lorsque les problèmes de post marché n’ont pas été
clairement résolus. L’alliance a donc échoué et amené Deutsche Börse à s’engager
dans une structure de marché assez différente de celle d’EURONEXT. Le modèle
allemand se caractérise en effet par une structure totalement intégrée, rigide, « en
silo ». Tout ordre passé suit la totalité de la chaîne de titres de Deutsche Börse. Les
opérateurs n’ont donc ni le choix, ni la possibilité de faire jouer la concurrence entre
les conservateurs67. Le modèle développé par DB s’apparente curieusement à
l’ancien modèle de Place, alors même que son conservateur, Clearstream est déjà
un opérateur spécialisé international. Le modèle de marché allemand n’a pas encore
véritablement intégré le phénomène de concentration horizontale et tend à lui
préférer très clairement un modèle de concentration verticale. Probablement
influencé par le succès d’Eurex, les allemands jouent la facilité et la liquidité du
marché.

Bourse C

Chambre de compensation du marché C

Système de règlement

L’organisation « rigide » (en silo)


Source : d’après Duvivier et Hervo [2002], p. 46.

2) L’organisation horizontale, en « fleur »


Cette organisation repose sur l’assemblage de blocs fonctionnels. Les
restructurations se mènent, à chaque stade de la chaîne titres, par rapprochements
ou alliances entre pôles de compétences. Il s’agit de la forme d’organisation qui

67
La chambre de compensation sur le marché allemand des actions a vu le jour au 2ème semestre 2002.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

tranche le plus avec le fonctionnement « historique » de bourses pleinement


intégrées. Le schéma horizontal est symptomatique de l’éclatement des métiers
autour de la filière titres et d’une organisation potentiellement éclatée : dans sa
version maximaliste, négociation, compensation et règlement, qui sont pris en charge
par des entités différentes au point qu’à chaque stade, un opérateur peut faire le
choix du lieu où il achète, fait compenser, et règle/livre ses titres. Dans une approche
plus opératoire, un schéma de place permet d’orienter les lieux de traitement.
L’organisation d’EURONEXT, dans sa philosophie, fait référence à cette organisation
au sens où le groupe a progressé par regroupements horizontaux (constitution de la
plate-forme de négociation EURONEXT en septembre 2000, de la contrepartie
centrale en février 2001 dans CLEARNET, rapprochements EUROCLEAR France,
Necigef et CIK). Dans les faits, elle relève plutôt de la troisième voie.
Depuis, Euronext a poursuivi sa politique de gains de parts de marché, mais en
cherchant à assurer dorénavant plus la diffusion de son système de compensation
clearing 21, que son système de négociation NSC68. La structure semi-flexible
d’Euronext permet cette approche stratégique. La phase de négociation est ressort
direct d’Euronext ; la phase de compensation, relève de sa filiale Clearnet. Quant à la
phase de règlement livraison, elle fait l’objet d’un accord avec Euroclear, ce qui lui
permet de se concentrer sur les deux premiers segments, de commercialiser son
système de négociation et de chercher à acquérir une situation de standard
technologique sur la phase de compensation. Ainsi, le modèle d’Euronext consacre-t-
il le modèle de développement privé de la phase de négociation et de la conservation
(en laissant le choix à ses opérateurs), mais laisse en suspens celle de la
compensation. Clearnet, société privée peut tout aussi bien rester dans le domaine
de la concurrence qu’évoluer vers un statut de chambre de compensation unique en
Europe.

L’organisation horizontale « semi flexible »

68
NSC a été abandonné par exemple au profit du système du LIFFE (LIFFE connect), pour la cotation des
produits dérivés.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

B o u r se A - B o u r se B

C h a m b r e d e c o m p e n sa tio n d e s
d e u x m arch és A et B

S y stè m e d e S y stè m e d e A u tr e s
R è g le m e n t A rè g le m e n t B s y s tè m e s d e
rè g le m e n t

Source : d’après Duvivier et Hervo [2002] p. 44.

3) L’organisation hybride
Il s’agit d’une voie médiane, flexible permettant aux intervenants de marché de
choisir les opérateurs avec lesquels ils ont pris l’habitude de travailler ou avec
lesquels ils souhaitent désormais traiter. Cette organisation repose sur une approche
verticale, intégrée mâtinée d’une dimension horizontale permettant aux intervenants
de conserver le choix des systèmes. Ainsi, la bourse de valeurs propose-t-elle une
chaîne de traitement intégrée (dimension verticale) tout en s’engageant à offrir, par la
mise en place d’une interconnexion avec d’autres entités, la possibilité de recourir à
des opérateurs n’entretenant pas de relation avec elle.
Ce troisième modèle d’organisation, totalement spécialisé et flexible, est
représenté par la bourse suisse qui a choisi, dans le cadre de Virt’X (marché des
« blue chips » européennes développé par l ‘entreprise de marché suisse SWX et
une bourse électronique britannique (TRADEPOINT). Les autres fonctions sont
remplies en concurrence par les partenaires de Virt’x. Les clients ont donc le choix
de leurs modalités de règlement –livraison. Ce modèle serait parfaitement adapté
aussi bien à une situation de concurrence oligopolistique qu’à des processus de
concentration horizontale dans lesquels apparaîtraient un ou un nombre très restreint
d’opérateurs sur les segments de la compensation ou du règlement-livraison. Virt’x
se positionne très clairement sur le seul segment de la négociation, en tant que
prestataire de service de cotation sur un marché européen.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Le schéma flexible

B o u r se d e B o u r se d e B o u r se d e
v a le u r A v a le u r B v a le u r C

C ham bre de C ham bre de


c o m p e n s a t io n B c o m p e n s a t io n C

S y stèm e d e S y stè m e d e S y stè m e d e


r è g le m e n t A r è g le m e n t B r è g le m e n t C

Lien d’origine

Relation privilégiée entre les chambres de compensation :

Accords de coopération entre les chambres de compensation et/ou les


systèmes de règlement favorisant l’interopérabilité :

Source : Duvivier et Hervo


C/ L’état de la concentration des marchés en Europe
Les processus de concentration des marchés au niveau européen font apparaître
quatre pôles qui s’articulent, pour l’instant très majoritairement autour des grands
organismes de règlement livraison avec :

- Un pôle autour d’Euroclear avec Euronext et Clearnet. Euroclear et le


dépositaire central français Sicovam ont fusionné au printemps 2000.
Sicovam (devenue Euroclear France) est filiale à 100 % d’Euroclear Bank
qui a pris une participation de 20 % dans le capital de Clearnet. La
consolidation de ce groupe pourrait être renforcée par le rapprochement
annoncé entre Clearnet et LCH (London Clearing House), qui assure la
compensation du Liffe, devenu compartiment d’Euronext. Liffe depuis son
rachat par Euronext. La nouvelle structure LCH. Clearnet aura alors une
position dominante dans le domaine de la compensation en Europe. On
peut la représenter comme suit :
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Actions Dérivés Taux M at. Prem.

LSE SETS Euronext Liffe Brokertec Pow ernext

Viel Prominofi Endex


E uronext
E-Speed ICE
Virt’ X LM E
M TS Group IPE

EDX London ETCM S/SLAB

LCH.Clearnet

CSD et ICSD

Les relations entre la future entité LCH. Clearnet et les différents


marchés.
Source : LCH, Clearnet, schéma repris dans La Tribune du 26/06/03

- Euroclear Bank a par ailleurs absorbé le dépositaire hollandais (Negicef).


De même, le système de règlement-livraison de la Banque centrale
d’Irlande (CBISSO) a cessé ses activités pour se fondre dans Euroclear.
Enfin, le système de règlement livraison du London Stock Exchange (LSE)
CrestCo a aussi fusionné avec Euroclear.

- Un pôle autour de Clearstream69 avec la fusion momentanément échouée


de Deutsche Börse et du LSE70, mais on sait que les Allemands restent
très fortement positionnés sur ce projet, soit par association amicale soit
par le lancement d’une OPA. Pour l’instant Deutsche Börse s’est renforcée
en absorbant Clearstream au premier semestre 2002.

- Un pôle autour de SIS (Sega intersettle)/Euroclear avec la création de


VIRT’X ;

- Un dernier autour des systèmes développés par OM gruppen au profit des


marchés nordiques.

69
Issu de la fusion entre CEDEL et Deutsche Börse Clearing.
70
London Stock Exchange.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

LSE Virt-X EURONEXT Nasdaq D. Börse


Europe

EUREX

LCH
Clearnet EuroCCP

Euroclear
Crest Euroclear Bank France Clearstream

Euroclear Netherland
SIS CIK
(ex Necigef)

L’organisation autour des systèmes de compensation

Source : D’après un schéma Euroclear « mis à jour »

Les pressions à la consolidation sont particulièrement fortes dans ce domaine dans


la mesure où c’est à ce niveau que les intermédiaires des marchés peuvent trouver
d’importantes sources de réduction des coûts globaux de transaction. La
multiplication des organismes nationaux surenchérit en effet les coûts de transaction
sur les marchés européens (notamment en comparaison avec le marché américain),
accroît les risques (en particulier les risques de suspens) et nuit à la liquidité (en
l’absence d’un fonctionnement en temps réel et de standardisation des procédures).
Dans ce grand mouvement de consolidation, il importe cependant de bien garder à
l’esprit la nature particulière des produits traités et les risques qui peuvent leur être
associés. Les deux consolidations que nous venons de mettre en évidence
(industrialisation et internationalisation des intermédiaires de marché ; consolidation
des intermédiaires centralisateurs), sont loin de se réaliser sans interférences et elles
engendrent pour l’instant une certaine confusion des genres et des rôles qui pourrait
conduire à des inefficiences et des situations de monopole injustifiées.

V - La consolidation des infrastructures titres dans le monde


Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La globalisation financière constitue un facteur de dilution de la notion de


place financière nationale organisée autour d'une communauté de paiements
délimitée par une unité de compte. Traditionnellement, un territoire financier relie des
émetteurs de titres et des investisseurs situés dans un espace dont le périmètre
épouse celui de la monnaie. L'organisation "historique" des marchés découle de
cette notion : des entreprises de marché nationales organisent les transactions, des
chambres de compensation et des systèmes de règlement-livraison nationaux sont
chargés de la compensation et du dénouement des transactions avant conservation
chez le dépositaire central. Cette adéquation entre territoire géographique et
financier est toutefois aujourd’hui remise en cause à la fois par les évolutions de la
technologie, par la construction de l’espace européen et par le processus de
mondialisation.
L'idée d'un marché globalisé, vaste marché unique des capitaux couvrant
toutes les maturités depuis le très court terme jusqu'au très long terme, renforce le
processus d'intégration financière à l'échelle internationale et doit permettre une
efficience allocative et informationnelle. L'infrastructure technique des marchés
cherche à accompagner ce mouvement de globalisation, faute de quoi celle-ci ne
resterait qu'un concept qui aurait du mal à s'incarner dans le quotidien de la finance
internationale. Les titres et la monnaie doivent ainsi pouvoir être négociées et circuler
facilement à l'international avant d’être conservés, fut-ce très temporairement chez
de multiples dépositaires avec des coûts de transaction et de conservation faibles si
l'on souhaite donner corps à ce concept de marché financier global.
Or la libéralisation des mouvements de capitaux s'exerce dans plusieurs
communautés de paiement reposant chacune sur une infrastructure lourde
composée de systèmes de paiement, de systèmes de règlement-livraison, de
conservateurs, de négociateurs, de compensateurs systèmes de négociation, de
compensation de règlement-livraison et de systèmes de paiement extrêmement
nombreux qui doivent pouvoir dialoguer ou éventuellement fusionner.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

En raisonnant de façon purement théorique, dans un espace financier


globalisé et mondialisé, les intermédiaires de marché acteurs devraient
« logiquement » être globalisés autour :pouvoir s’appuyer sur des infrastructures de
marché uniques à l’échelle mondiale, en l’occurrence :

 Une plate-forme unique de négociation des titres ou plus réaliste, de plusieurs


plate-formes de négociation de titres de propriété, de taux connectées en
concurrence afin de maintenir un certain niveau de concurrence ;

 Une chambre de compensation mondiale sur ordres de paiement et sur titres

 Une Banque Centrale Mondiale chargée du règlement en monnaie mondiale;

 Un système unique de règlement-livraison

 Un dépositaire mondial des titres

Cette vision est volontairement abrupte, simplement pour signifier qu’un marché
mondial intégré « devrait » se traduire par la création d’un marché mondial de la
négociation et surtout, afin de diminuer les coûts de transaction et de faciliter la
circulation transfrontalières des titres de « post-marchés » intégrés.
Cette vision est non seulement théorique mais également éminemment dangereuse.
La concentration en un lieu de la négociation, du suivi des risques de contrepartie,
d’une filière unique de règlement-livraison pose en effet de redoutables questions en
termes de risque systémique.
La réalité est et sera évidemment toute autre, beaucoup plus hétérogène et partant,
plus complexe. Des liens techniques doivent ainsi permettre d’instaurer un dialogue
entre des banques teneurs de comptes espèces et titres, des dépositaires centraux
nationaux et des systèmes de règlement-livraison nationaux dans lesquels les
banques ont massivement investi ces dernières années, notamment pour assurer
aux places financières nationales leur compétitivité sinon leur suprématie.
Si elle est excessive à l’échelle internationale, cette vision de prospective en
« cas limite » des marchés revêt (section 3), beaucoup plus de sens à l’échelle
européenne où le mouvement de consolidation des infrastructures de marché est en
ordre de marche. L'avènement de l'euro a accéléré en Europe le mouvement de
concentrations des marchés (et de segments de métier qui la composent).
Les territoires financiers nationaux actuels et les infrastructures qui les
composent, façonnées autour des monnaies nationales, évoluent autour de plusieurs
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

schémas de consolidation. Ces schémas (consolidation horizontale, verticale,


modèle mixte, interopérabilité – constituent une étape complexe compte tenu des
difficultés techniques et juridiques à surmonter.
La notion de place financière nationale a cependant encore du sens et du
devenir…à défaut d'avoir de l'avenir. Les places sont organisées autour de territoires
financiers poreux, qui acceptent le dialogue avec les autres places et même le
revendiquent pour attirer, dans une logique industrielle bien sentie, à la fois des
émetteurs non résidents et des investisseurs non résidents. Il y a encore un "habitat
national" de l'épargne et de l'investissement, signe de la manifestation financière du
principe sociologique de proximité (cf l’introduction). En tout état de cause, même
dans l'espace mondialisé et du transport international d'actifs financiers, il y a la
place pour un « transport régional des titres ».
A/ LES ALLIANCES BOURSIERES DANS LE MONDE ET LA MONTEE
EN FORCE DE LA CONCURRENCE

Des pressions concurrentielles fortement influencées par la technologie

Dans une optique, plus industrielle que collective, qui recherche non pas les
synergies mais les parts de marché, la construction d’un espace européen passe
plutôt par le développement de grands prestataires de services de cotation, de
clearing, de règlement-livraison ou de conservation, cette architecture pouvant être
combinée selon des choix divers. Aucune position acquise ne peut être durablement
maintenue dans cette course perpétuelle à la technologie. Les places traditionnelles
se trouvent confrontées à une compétition de plus en plus acérée, qui ne peut
qu’accélérer le processus de concentration en cours. La nature de ce processus ne
semble cependant pas parfaitement arrêtée.
On peut observer un positionnement double des marchés :

- Les intermédiaires centralisateurs de marchés les plus matures ont


investi de manière massive sur des segments spécifiques de la chaîne de
production, de manière à s’assurer d’un avantage concurrentiel pour la
commercialisation des systèmes informatiques et la recherche de leur
reconnaissance en tant que « standard ». L’organisation des différentes strates
du marché fait « en tant que telle », l’objet d’une activité commerciale. Dans
cette optique, les organismes centralisateurs ont crée des filiales spécifiques ou
racheté des fournisseurs de services. En plus de la source supplémentaire de
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

revenus tirés de ces activités, la vente de systèmes permet de rentabiliser plus


rapidement les investissements réalisés et de favoriser le développement de
plates-formes communes de négociation par la diffusion de systèmes de
marché standardisés. L’aspect technologique est donc indissociable de la
construction du ou des futurs marchés européens, comme le montre le tableau
suivant.

- D’autres gestionnaires de marchés, de taille plus modeste, ont, en


revanche, décidé de sous-traiter une partie, voire la totalité des opérations
auxiliaires des négociations.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Marché Système(s) Acheteurs

Bruxelles, Toronto, bourse et BMF de


NSC (transactions) Sao Paulo, Tunis, Lisbonne, Casablanca,
Euronext
Amman
(ex Paris
Mexico, Beyrouth, Varsovie, Montréal,
Bourse SA)
Clearing 21 OTC Singapour (Simex), Prague, Kiev, Riga,
Vilnius, Sofia, MTS, Broker Tec
Deutsche Xetra (transactions et Zurich, Vienne, Bourse de Hong Kong,
Börse AG compensation) Cbot, Dublin, Helsinki
SIB (transactions) Caracas
Bourse de
Infobolsa (informations) Lisbonne, Caracas, Le Caire
Madrid
Porto, Hanovre, Valence (Citrus
Meff Tracs
exchange), Caracas (Futures and options
Meef (transactions,compensation)
Clearing House)

Sydney, Athènes, CalPX (Californie),


OM Click (transactions) Milan, Hong Kong, Séoul, Toronto, ISE
OM (New York), Nord Pool
Technology Oslo, EL-EX (Helsinki), Amex (NY),
OM Secur (compensation) Broker Tec, LME, Otöb (Vienne),
Athènes, KOFFEX, BOTCC (Chicago)
SPAN (Standard Por-tfolio Une trentaine de marchés et
CME
Analysis of Risks) d’organismes de compensation
Marchés organisés et fournisseurs de systèmes
Source : J. Ansidei, [2001], p. 132.
La prépondérance des systèmes informatiques induit ainsi des conséquences non
négligeables quant à la réalisation des opérations de fusion entre les différents
marchés ou segments de marchés, au point d’en avoir favorisé la réalisation ou au
contraire, d’en avoir déterminé l’échec.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

La contestation du monopole des intermédiaires centralisateurs par les


intermédiaires de marché sur la phase de négociation

Les marchés financiers réglementés, autrefois institutions puis marchés nationaux


avec des intervenants protégés par un monopole, découvrent sous le double effet de
la globalisation et du passage à l’euro, les effets de la concurrence. Ils sont amenés
à s’aligner sur des critères de performance comparables à ceux des entreprises dont
ils organisent la cotation. De nouvelles formes d’intervention (internalisation des
ordres) ou de nouveaux intervenants, les ECN (Electronic Communication
Networks)71 les MTF72 (Multi-Trade Facilities), imposent des règles concurrentielles
et modifient sensiblement à la fois les méthodes utilisées et les conditions de
fonctionnement des marchés. Le développement de plates-formes électroniques est
particulièrement important pour la négociation sur titres de taux et pour les repos. En
Europe, EURO-MTS (développé à l’origine sur la négociation de la dette de l’Etat
italien, étendue désormais aux autres titres de la dette souveraine) est la principale
d’entre elles. On peut également citer COREDEAL, géré par l’ISMA (trading de titres
internationaux), eSPEED de Cantor Fitzegrald (trading et repos) ou encore EUREX
Bonds (trading sur titres de la dette de l’Etat allemand).
L’internalisation des ordres (in house matching), consiste pour un intermédiaire de
marché à traiter bilatéralement les ordres qu’il reçoit, soit en les confrontant entre
eux, soit en se portant contrepartie. Les grands collecteurs d’ordres habilités pour ce
genre d’opération concurrencent alors directement le marché centralisé. Si les
intermédiaires (banques ou entreprises d’investissement) se connectent en réseau,
ils peuvent constituer une plate-forme multilatérale (MTF). L’avantage, dans les deux
cas, est la réduction des coûts de transaction du fait de la suppression d’un
intervenant « l’organisme centralisateur ».

71
Les ECN sont des marchés constitués sous forme de réseaux de brokers qui permettent la cotation de titres, en
dehors des bourses traditionnelles. Ils ne doivent pas être confondus avec les courtiers en ligne qui sont des
intervenants sur les marchés. Lorsqu’il y a des market makers, on parle d’ATS (Alternative Trading System) ou,
maintenant de MTF. Définition d’un ECN : réseau de communication qui permet l’appariement interne des
ordres. Si on ne trouve pas dans le réseau une contrepartie, l’ordre non exécuté est envoyé sur un marché
réglementé. Attentio ! Certains ECN ne participent pas à la découverte du prix. Ils prennent des ordres et
cherchent le meilleur prix sur un marché organisé. Ils sont alors plus proches des courtiers que des marchés.
72
Les MTF –Multilateral trading facilities (anciennement dénommés ATS – Alternative Trading Systems), sont
des systèmes électroniques de confrontation des ordres qui ont des fonctionnalités similaires à celles des marchés
réglementés, mais dont l’environnement juridique était jusqu’ici distinct. Source : P.P. Pinatton [2003].
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les marchés anglo-saxons « dirigés par les prix » ont été les premiers concurrencés
par les ECN73. Sur ce type de marchés, plusieurs teneurs de prix (market makers)
sont en concurrence. Chaque teneur annonce un double prix ; celui auquel il est
immédiatement prêt à acheter (bid ou prix offert par le client) et celui, supérieur,
auquel il est prêt à vendre (ask ou prix demandé par le client74). A ces prix, il a
l’obligation de prendre ou de livrer une quantité minimale de titres. Sur un marché
dirigé par les prix, la fourchette de marché (inside bid ask spread) est évaluée, à
chaque instant, en retenant le ask le plus faible et le bid le plus fort ; elle représente
les meilleures conditions d’exécution à un instant. Elle est cependant calculée par les
seuls teneurs de marché, d’où un manque de transparence. Développés à l’initiative
des grandes agences d’information financières (Reuters, Bloomberg), désireuses de
rentabiliser leurs infrastructures de communication, les ECN ont constitué la réplique
des investisseurs face aux lacunes des marchés organisés américains : rapidité de
transmission insuffisante, absence de transparence, difficulté d’accès à l’information,
coût de traitement élevé, horaires limités. Avec l’appui de courtiers comme Morgan
Stanley, Charles Schwab et d’autres, les ECN (Instinet, Island, Market XT,
Archipelago) se sont très vite emparés des transactions hors séance sur le NASDAQ
et sur le NYSE. Les petits investisseurs ont aussi constitué un soutien important.
En Europe, les perspectives des ECN sont légèrement différentes. En effet, les
marchés sont plutôt gouvernés par les ordres (comme EURONEXT) - ils sont aussi
appelés marchés d’agence - et bénéficient déjà d’une infrastructure électronique
avec carnet d’ordres centralisé et une transparence assez poussée75, ce qui rend les
ECN comparativement moins performants. Par ailleurs, la centralisation des ordres,
obligatoire jusqu’à présent, oblige ces derniers à « partager les commissions » avec
les marchés organisés, ce qui rend l’opération moins rentable. Nos avons vu,
cependant que la nouvelle mouture de la DSI, a plutôt arbitré pour le modèle anglo-
saxon et doit favoriser l’émergence d’activités d’internalisation des ordres ainsi
qu’une plus grande concurrence avec les organismes centralisateurs. On peut alors
se poser la question, dans un avenir plus ou moins proche, du maintien de leur statut

73
Ce sont des marchés constitués sous forme de réseaux en brokers qui permettent la cotation de titres, en dehors
des bourses traditionnelles. Ils ne doivent pas être confondus avec les courtiers en ligne qui sont des intervenants
sur les marchés.
74
Sur les marchés anglo-saxons, on se place toujours du point de vue du client.
75
Même si le marché totalement transparent reste à inventer, le système NSC est parmi les plus transparents,
puisque, à chaque instant, négociateurs et investisseurs connaissent l’état du marché, ce qui assure l’égalité ente
les investisseurs.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

particulier et surtout de la pérennité d’un modèle de marché dirigé par les ordres,
dont les études sur la microstructure des marchés démontrent la plus grande
transparence mais la moindre liquidité.
Dans le cadre de la future DSI, les établissements de crédit, les entreprises
d’investissement ainsi que les Bourses pourront opérer dans toute la communauté,
grâce à un passeport européen délivré par les autorités nationales, ce qui ne
manquera pas d’exacerber encore la concurrence entre ces différents intervenants76.

B/ LE DEVENIR DES CHAMBRES DE COMPENSATION DANS LE


CADRE DE L’INTERNATIONALISATION DES OPERATIONS
Les opérations d'achat et de vente d'actifs financiers par des non résidents
sont également aujourd’hui pour l’essentiel traités par les circuits locaux de
compensation. mais là encore, la tendance est à l'internationalisation de la
compensation. En Europe, les rapprochements entre pôles de négociation se
traduisent également par de profonds avatars sur la compensation (et le règlement-
livraison).
Il est au demeurant difficile de séparer les pressions à la consolidation dans le
domaine des infrastructures de compensation et de règlement-livraison dans la
mesure où celles-ci sont étroitement liées à la fois fonctionnellement et
institutionnellement.
En novembre 2001, la Commission européenne a ainsi publié le premier de
deux rapports sur les dispositifs de compensation (et de règlement transfrontalières)
au sein de l’UE77. Ses conclusions n’ont rien pour surprendre : une des sources
d’inefficience des marchés tient à la fragmentation des dispositifs de compensation et
de règlement-livraison.
Comme dans le domaine de la négociation, le mouvement de consolidation
s’accélère avec son lot d’incertitudes sur le devenir effectif de ces nombreux
rappochements programmés. En décembre 2001, European Central Counterparty
Limited (EuroCCP), filiale à 100 % du dépositaire central américain DTCC
(Depository and Clearing Corporation) a annoncé une offre de services de
compensation, de règlement et gestion des risques à Nasdaq Europe. En d’autres

76
Source : Option finance n° 706, octobre 2002.
77
European Commission, Cross-border clearing and settlement arrangements in the European Union (Rapport
Giovannini), Bruxelles, noovembre 2001 (www.europa.eu.int).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

termes, EuroCCP se place en tant que contrepartie centrale apte à proposer des
services transfrontières paneuropéens, y compris pour des titres américains
négociés en Europe. EuroCCP a ainsi fait valoir que ses services abaisseront de
manière significative les coûts et les exigences de fonds propres pour les participants
de Nasdaq Europe. Ce projet rivalise avec celui de Virt-X et de plusieurs chambres
de compensation européennes. Par ailleurs, LSE (London Stock Exchange) et
London Clearing House (LCH) ont convenu, également en décembre 2001, d’établir
avec Euroclear un règlement intégré du négoce sur LSE, compensé par LCH et ce
de manière concurrente aux prestations offertes par le dépositaire britannique
CRESTCo78. Ce projet doit permettre d’élargir le choix des services de règlement et
de réduire le coût des transactions transfrontalières.
Les accords/alliances qui se développent entre entreprises de compensation
visent à élargir la clientèle des membres compensateurs pour une activité de coûts
fixes (coûts informatiques de développement et de mise en production). Les accords
entre la London Clearing House et Clearnet font écho à une stratégie visant à mettre
sur pied une chambre de compensation pan-européenne pour un marché de la
négociation élargie. L'enjeu de la compensation en Europe est le principe du "One
stop shopping" :

 Une contrepartie centrale


 Un seul environnement juridique et réglementaire
 Une compensation unique pour plusieurs marchés et plusieurs produits
 Un outil informatique unique et intégré.
Cela va actuellement plus loin puisque la mise en place d’une chambre de
compensation mondiale a été également un temps envisagée sur proposition de la
chambre de compensation américaine DTCC.
Ce schéma, baptisé Worldclear repose sur la disparition complète des
dépositaires centraux nationaux et internationaux au profit d’un dépositaire
supranational unique. Celui-ci doit en conséquence, offrir l’ensemble des prestations
de clearing de titres et de conservation, sur toutes les valeurs domestiques et
internationales, sur l’ensemble des marchés européens.

78
Rapport trimestriel de la BRI, mars 2002, Activité bancaire et financière internationale, p.104.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Participant Participant
NY Euroclear Francfort

Clearstream
Francfort
EOF
Worldclear

Monte Titoli

Crest

Participant
Londres Participant Milan
Clearstream

L’AVANTAGE D’UN TEL SCHEMA EST CELUI DES ECONOMIES


D’ECHELLE MAIS N’AVOIR QU’UN SEUL DEPOSITAIRE CENTRAL MONDIAL
UNIQUE PLACE CELUI-CI EN SITUATION DE MONOPOLE. DE PLUS, LES
RISQUES SONT CONCENTRES SUR UN MEME SYSTEME DE DENOUEMENT,
SANS REPARTITION ENTRE PAYS OU SYSTEME BANCAIRE : LE RISQUE
SYSTEMIQUE S’ETEND ALORS A TOUTE LA ZONE COUVERTE PAR LE
DEPOSITAIRE. CE MODELE N’EST PAR AILLEURS PAS POLITIQUEMENT
REALISTE.
ENFIN, LES BANQUES CENTRALES NE SONT CEPENDANT PAS
FORCEMENT FAVORABLES A CE MOUVEMENT DANS LA MESURE OU TOUT
ELARGISSEMENT DE LA COMPENSATION REDUIT LES BESOINS EN MONNAIE
CENTRALE ET ACCROIT DE CE FAIT L’INDEPENDANCE DES
ETABLISSEMENTS EN MATIERE DE LIQUIDITE. LA POLITIQUE MONETAIRE EN
SERAIT NECESSAIREMENT FORCEMENT AFFECTEE.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

C/ LES ENJEUX STRATEGIQUES AUTOUR DU R/L ET DE LA


CONSERVATION DES TITRES
1) LE ROLE DES CSD (CENTRAL SECURITIES DEPOSITORIES)
ET DES ICSD (INTERNATIONAL CENTRAL SECURITIES
DEPOSITORIES)
Les titres domestiques ont désormais potentiellement tous vocation à avoir
une « carrière internationale » . En effet, la cotation sur plusieurs places se
développe ainsi que les émissions de titres non résidents sur les différentes places
financières de même que les portefeuilles titres se diversifient à l’international. Or le
Système Financier International repose sur des "bases logistiques" nationales, des
dépositaires centraux nationaux (CSD). Ces derniers, cherchent désormais à
accueillir les titres non résidents tant à l'émission, à la négociation, à la
compensation et à la conservation ou à s’allier avec d’autres CSD ou les ICSD
(Clearstream et Euroclear). Il résulte de cette diversité des choix organisationnels et
stratégiques une réelle difficulté pour la « circulation » internationale des titres, dans
la mesure où les circuits demeurent sont longs et sont souvent assez mal
interconnectés.
Partant de cette situation très « éclatée », depuis plusieurs années, le
processus d'intégration financière internationale se traduit avant tout par la recherche
d'une plus grande fluidité des échanges de monnaies et de titres en l'absence de
systèmes véritablement mondiaux. Dans les faits, cette circulation entre les différents
conservateurs nationaux est possible grâce à différents systèmes : soit des
développement de liens directs entre CSD, soit des mise en place de liens, établis de
longue date avec des centrales internationales (ICSD), soit encore par le
renforcement des liens existants entre ICSD (bridge Euroclear/Clearstream). On peut
relever cependant, d’une manière générale, une tendance plus récente visant à aller
plus loin que la recherche d'une interopérabilité entre systèmes. C'est le cas dans les
systèmes de paiement de gros montants avec le développement, sur le marché des
devises de CLS Bank. Pour les métiers de la compensation des projets d'intégration
technique sur des plate-formes de compensation mondiales existent également.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les dépositaires centraux en Europe


PAYS ORGANISMES TYPES DE TITRES

Autriche OeKB Tous

Belgique* CIK ; NBB SP ; SPU

Danemark VP Tous

Finlande APK Tous

France EuroclearEUROCLEAR Tous


France

Allemagne Clearstream (ex Tous


79
DBC )

Grèce CSD ; Banque Actions cotées ; Titres


Centrale d'Etat

Italie Monte Titoli SP

Pays Bas* Necigef Tous

Portugal* Interbolsa Obligations d'Etat et


d'entreprises

Espagne SCLV Tous

Suède VPC Tous titres dématérialisés

Source : Catherine KARYOTIS, 2000, Les systèmes de règlement-livraison


européens. Vers l’unification des marchés, Banque éditeur, p. 47

• * *Pour la Belgique et les Pays Bas et ultérieurement le Portugal, une fusion


est prévue avec Euroclear dans le cadre de l’ensemble EURONEXT.

En dehors de la zone euro, il convient de s’attarder un instant sur deux pays, la


Grande-Bretagne et les Etats-Unis. En Grande-Bretagne, le dépositaire central
CRESTCo Ltd. CRESTCo a annoncé en juillet 2002 qu’il rejoignait le groupe
EUROCLEAR, dernier avatar de taille dans le processus de consolidation des

79
Deutsche Börse Clearing.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

infrastructures de marché européennes. Aux Etats-Unis, le dépositaire central


est DTC (Depository Trust Company)80.
Les titres internationaux (Euro-obligations, global bonds, EMTN, ECP…) font
l'objet d'un traitement spécifiquement international puisqu'ils sont conservés dans les
deux 2 anciennes centrales de clearing internationales Cedel/Clearstream d’une part
et EUROCLEAR d’autre part.
Les ICSD - CEDEL / CLEARSTREAM et EUROCLEAR
CEDEL (Centrale DE Livraison de titres) créée à Luxembourg en 1972 et
EUROCLEAREUROCLEAR (EUROCLEAREUROCLEARing) installée à Bruxelles
depuis 1968 ont longtemps fait figure de centrales internationales de clearing.
Centrales au sens où elles ont longtemps officié comme dépositaires centraux
des titres euro-obligataires (au sens où, pour ces titres, elles se situent en bout de
chaîne). En revanche, elles ne sont que conservateurs internationaux de titres
domestiques puisqu'elles ne peuvent pas les détenir à titre terminal. En ce cas, elles
les « redéposent » auprès d'un conservateur domestique (ex : des titres français
redéposés auprès d'une banque française) ou auprès d'un dépositaire central si
toutefois elles y ont accès (longtemps, les banques ont refusé cette idée puisqu'elles
sont bien souvent actionnaires du CSD local et qu'elles n'avaient pas intérêt à voir
ces liens directs se développer).
Aujourd'hui ce qui a fondé la spécificité des Xeno-marchés dans un univers
fortement réglementé a tendance à s'effacer au profit de titres qui ont tous, du moins
potentiellement, à vivre une carrière internationale.
Euroclear a fusionné en janvier 2001 avec le dépositaire français SICOVAM
(Société Interprofessionnelle pour la Compensation des Valeurs Mobilières). Cedel a
de son côté fusionné avec le dépositaire central allemand DBC (Deutsche Börse
Clearing) pour former Clearstream. Chacun de ces dépositaires, comme nous aurons
l’occasion de le souligner par la suite, se place en référent en Europe pour devenir
un acteur majeur, sinon unique, de la conservation centralisée des titres, une
Banque centrale européenne du titre en quelque sorte.
Principales statistiques d’activité dans les systèmes de R/L (2001)
Euroclear Euroclear Crest Clearstream DTC (USA)

80
Un certain nombre de dépositaires relèvent d'un marché spécifique (Stock Clearing Corporation of Philadelphia) ou de
titres spécifiques (Mortgage Backed Securities Clearing Corporation, Government Securities Clearing Corporation).
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

France international
(dont
Francfort)
Nombre de 161 000 31 000 73 600 118 900 -
transactions
(milliers
d’opérations) 130 600 43 600 98 000 - 250 000
Valeur des
transactions 7 858 3 452 2 897 7 460 23 300
(milliards
d’€)
Titres en
conservation
(milliards
d’€)
Source : Frédéric HERVO, Thomas ROS, Infrastructures post-marché et stabilité
financière, RSF, Novembre 2002, p.119.
2) Le rôle des global custodians

Dans un environnement de plus en plus complexe et "globalisé"


(internationalisation des portefeuilles titres) et en l’absence de systèmes
intégrés de règlement-livraison, un certain nombre de banques se sont
spécialisées dans le métier de dépositaire de titres de toutes nationalités
(métier de global custodian). C’est une forme d’intermédiation souvent
méconnue du grand public. Elle est pourtant essentielle à la circulation des
titres à l’échelle internationale. Un titre acheté par exemple au Japon par un
fonds de pension californien doit lui-aussi être livré puis conservé. Au-delà de
ce service de base de n’importe quel conservateur, les services à valeur
ajoutée sont de plus en plus nécessaires pour attirer la clientèle des grands
investisseurs et pour la … conserver ! C'est là une exigence d'autant plus forte
que l'exercice du métier de conservateur repose sur des coûts fixes
considérables, notamment en termes informatiques.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Les investisseurs internationaux sont demandeurs de services


d’investissements à forte valeur ajoutée, leur objectif étant d’accéder de la
manière la plus efficace possible aux principales places et aux différents
marchés nationaux.

L’ACTIVITE DE DEPOSITAIRE DE TITRES EST AINSI DEVENUE UN AXE


STRATEGIQUE DE DEVELOPPEMENT DE CERTAINS ETABLISSEMENTS AU
NIVEAU INTERNATIONAL. CETTE ACTIVITE S’APPELLE GLOBAL CUSTODY
LORSQUE LES BANQUES GERENT DES TITRES DE PLUSIEURS PAYS. EN
FOURNISSANT UNE PRESTATION DE CONSERVATEUR GLOBAL, LE
CONSERVATEUR INTERNATIONAL S’ENGAGE A TRAITER LES TITRES DANS
UN ENSEMBLE DE JURIDICTIONS DIFFERENTES, LE PLUS SOUVENT EN
SOUS-TRAITANT A DES SOUS CONSERVATEURS LOCAUX
(SUBCUSTODIANS). LORSQU’ILS NE GERENT QUE LES TITRES D’UNE ZONE,
IL S’AGIT DE LOCAL, VOIRE DE REGIONAL CUSTODY (PAR EXEMPLE POUR
LA ZONE EURO).

A l’échelle internationale, le marché de la conservation d’actifs est fortement


concentré et dominé par les banques américaines (Bank of New York, Chase…)
qui ont été les premières à faire de la conservation un métier à part entière.

Très gourmande en investissements informatiques, l’activité de conservateur d’actifs


suppose d’attirer sans cesse de nouveaux investisseurs institutionnels ou de
nouveaux établissements de crédit ou entreprises d’investissement qui souhaitent
sous-traiter leur conservation. Le conservateur est à la recherche constante
d’économies d’échelle grâce à des traitements de masse, tout en étant à même de
faire face aux demandes spécifiques de tel client ou prospect.
3) la circulation des titres à l’échelle internationale
La conservation d’actifs illustre aujourd’hui parfaitement les limites du « village
financier global » que l’on s’imagine volontiers être à l’œuvre. Déréglementation,
décloisonnement et désintermédiation ont alimenté rapidement l’idée que ce village
était effectif, impression renforcée par l’interdépendance entre des marchés,
particulièrement en période de retournement où les soubresauts se répercutent à la
faveur des heures d’ouverture des différents marchés. Ce n’est pas une réalité
contestable mais le post-marché montre que l’on est loin de cette image. S’il est
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

aujourd’hui plus aisé pour un investisseur d’acheter un titre « Non Résident »


(pensons au développement des accords croisés entre bourses par exemple), les
phases de post-marché et notamment de la conservation d’actifs restent
extrêmement complexes.
Prenons une illustration simple : un fonds de pension californien souhaite
acheter des titres français, allemands et finlandais. Une fois les titres achetés via un
ou plusieurs brokers ayant respectivement accès à EURONEXT, DEUTSCHE
BÖRSE et HEX81. Une fois ces titres achetés et la phase de compensation réalisée,
ils doivent être réglés/livrés puis conservés. En l’absence de système intégré, la
banque américaine doit trouver une solution pour accéder, ou plutôt pour construire
un accès qui conduira jusqu’aux dépositaires centraux ayant autorité sur les trois
« nationalités » de ces titres.
LA BRI A DRESSE UNE TYPOLOGIE DE LA CONSERVATION D’ACTIFS
DANS UN CONTEXTE INTERNATIONAL :

 LA DETENTION DIRECTE AUPRES D’UN DEPOSITAIRE CENTRAL


NATIONAL ;

 LA DETENTION VIA UN INTERMEDIAIRE FINANCIER LOCAL (LOCAL


CUSTODIAN), LUI-MEME MEMBRE D’UN DEPOSITAIRE CENTRAL;

 LA DETENTION PAR UN CONSERVATEUR GLOBAL, AYANT RECOURS A


UN CONSERVATEUR LOCAL A TITRE DE SOUS-CONSERVATEUR
(SUBCUSTODIAN) AYANT UN ACCES AU DEPOSITAIRE CENTRAL LOCAL.

 LA DETENTION PAR UN DEPOSITAIRE INTERNATIONAL DISPOSANT D'UN


LIEN DIRECT AVEC UN DEPOSITAIRE CENTRAL NATIONAL OU AVEC UN
DEPOSITAIRE LOCAL.

 LA DETENTION PAR UN DEPOSITAIRE CENTRAL AYANT LUI-MEME UN


LIEN DIRECT AVEC CELUI DU PAYS D'EMISSION.

CES DIFFERENTS NIVEAUX DE CONSERVATION PEUVENT DONNER LIEU A


PLUSIEURS TYPES D’ORGANISATION QUI SONT ETROITEMENT LIEES A

81
Helsinki Securities and Derivatives Exchange
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

L’ORGANISATION DES SYSTEMES DE PLACE ET AUX LIENS


INTERNATIONAUX QUE CEUX-CI ONT TISSES.

On peut illustrer ces différents canaux lorsque l’une des deux contreparties est
située dans le pays d’émission du titre, c’est à dire entre une contrepartie A du
pays d’émission des titres et une contrepartie B du reste du monde. La
question est de savoir comment la contrepartie située dans le reste du monde
peut livrer ou recevoir les titres.

1. CAS DE L’ACCES DIRECT AU DEPOSITAIRE CENTRAL DU PAYS


D’EMISSION : CELA SUPPOSE QUE LA CONTREPARTIE EST PARTICIPANT
DIRECT AU DEPOSITAIRE CENTRAL DU PAYS D’EMISSION. CE CAS EST
EXTREMEMENT RARE.

2. Cas du conservateur local :


B1 a un compte-titres auprès de sa banque, laquelle délègue la conservation des
titres du pays A à un conservateur local (Custodian) situé dans le pays A et qui a
accès au CSD local.

3. Cas du conservateur international (Global Custody)


B2 a recours à un conservateur international qui dispose d'un réseau de sous-
conservateurs (subcustodians). Un de ces sous-conservateurs conserve localement
les titres du pays A et a accès au CSD local. Par exemple, Statestreet peut être le
global custodian et s’appuie sur HSBC / CCF, en tant que local custodian de
Statestreet pour les titres français.

4. Cas du dépositaire central international


B3 conserve ses titres auprès d'une centrale internationale (type Euroclear ou
Clearstream) qui dispose d'un lien direct avec le dépositaire central ou a recours à un
dépositaire local (correspondant local).
Un participant d'un même dépositaire international peut régler une transaction avec :
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

 Un participant du même dépositaire international, sans intervention d'un autre


système de règlement (par exemple une transaction qui reste interne à
Cedel/Clearstream ou à Euroclear);

 Un participant d'un autre dépositaire international (ou d'un dépositaire central


n'ayant aucun lien avec cette centrale internationale). Les règlements reposent
alors sur un "bridge" entre Euroclear et Cedel. Ce pont est ancien et existe
aujourd'hui malgré l'accentuation de la concurrence entre les deux grands
dépositaires européens. Ils restent nécessaires, par externalité de réseau : l'un et
l'autre ont tout à gagner du développement des échanges sur titres.

5. Cas du dépositaire central de B


B4 a un compte titres auprès d’une banque qui a accès au CSD du pays de B (ce qui
est évidemment la règle) ; ce CSD a un lien direct avec son homologue situé dans le
pays de A. Ce cas rejoint l’organisation type « spaghetti network »).
Les liens avec les dépositaires centraux ont tendance à se développer (type
« spaghetti network »), même si la tendance est plutôt à l’interconnexion des plus
gros dépositaires entre eux (« cannelloni network »).
Les canaux internationaux de la conservation d’actifs
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Pays d’émission des titres Reste du monde

A Conservateur de A

Dépositaire
central

Conservateur de B1
B1

Conservateur local du CONSERVATEUR


conservateur internat. INTERNATIONAL
B2

Conservateur local de CLEARSTREAM ou


CLEARSTREAM ou
EUROCLEAR B3
EUROCLEAR

Dépositaire
central
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Source : Jean MATHIS, 2001, Marchés internationaux de capitaux, Economica

4) Les évolutions proposées en Europe

Même si le schéma définitif d’organisation de la conservation en Europe n’est


pas encore arrêté, des évolutions importantes ont eu lieu, ne serait-ce que du fait du
fonctionnement du marché monétaire unique. En effet, depuis mai 99, les titres
déposés par les établissements de crédit chez les dépositaires centraux d’un certain
nombre de pays, peuvent être remis en garantie d’un refinancement de la Banque de
France, grâce à une interconnexion mise en place entre le dépositaire central
français et les dépositaires centraux de ces pays. Les nécessités de la politique
monétaire ont donc précipité les réflexions sur l’interconnexion des différents
dépositaires, avec la très forte nécessité de simplifier les réseaux d’échanges de
titres. Rappelons qu’il existe en Europe 18 dépositaires centraux contre 2 (DTC et
FEDWIRE) aux USA et que 21 systèmes de règlement livraison fonctionnent en
Europe (il y en a eu jusqu’à 29) contre 2 aux USA.
Parmi les simplifications proposées, celle de l’ECSDA82 vulgarisée sous le
nom de ou spaghetti network, qui consiste à relier tous les dépositaires centraux
entre eux,

Le spaghettis Network

ou le L’autre schéma proposé par CREST-SIS (Sega InterSsettle) ou « le


cannelloni network » qui consiste à ne relier entre eux que les plus gros
dépositaires.

82
European Central Securities Depositories Association.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

Le Cannelloni Network

Gros dépositaire

Gros dépositaire Gros dépositaire

EUROCLEAR, quant à lui propose un système de Hub avec un gros


dépositaire qui naîtrait de sa fusion avec CLEARSTREAM, auquel seraient rattachés les
autres dépositaires nationaux.

Le Système de Hub

Dépositaire local
Dépositaire local

Dépo local 1 seul gros dépositaire


Dépositaire
central local

Dépositaire local
Dépositaire local

La fusion d’EUROCLEAR et de Clearstream ne semble cependant plus à


l’ordre du jour depuis l’absorption de ce dernier par la bourse allemande.

CONCLUSION CHAPITRE 3
Dans le contexte d’internationalisation des activités financières, l’euro pose avec
acuité la question la constitution d’un territoire financier européen des titres et des
services d’investissement pour répondre aux attentes des émetteurs, des
investisseurs et des banques, tant européens que non européens.
Maîtrise sciences économiques mention économie internationale – Cours de finance internationale – 03/04

L’euro a catalysé un puissant mouvement d’intégration, déjà fortement visible


sur les différents marchés (monétaire, obligataire, actions) dans le mouvement de
convergence des prix. Mais la monnaie européenne a révélé un certain nombre de
freins à cette intégration. La finance européenne est une réalité économique
contradictoire. Les marchés européens existent mais leurs infrastructures sont
encore pour l’essentiel nationales. La question du remembrement financier de
l’Europe est aujourd’hui clairement posée. Plusieurs modèles de consolidation
peuvent être envisagés : un seul grand marché de la négociation, plusieurs plate-
formes de négociation en concurrence les unes avec les autres avec des post-
marchés intégrés, consolidation verticale autour de quelques places phares voire
d’un duopole, concurrence « horizontale » sur les 3 pôles de compétence entre
plusieurs entreprises de marché, plusieurs chambres de compensation, plusieurs
dépositaires centraux ? Le champ des possibles est large même si un certain
nombre de tendances se dessinent d’ores et déjà et donnent une idée de ce à quoi
pourrait ressembler l’Europe financière dans quelques années.
A l’échelle internationale, les pressions à l’intégration des marchés se font
sentir pour permettre une réduction des coûts de transaction et une réduction des
délais de règlement-livraison des titres (les investisseurs institutionnels misent sur le
J + 1). L’avantage qu’il y a à retirer d’une interopérabilité entre les différents marchés
consiste dans le principe du One Stop Shopping : interconnexion des différentes
places financières dans un « macro-marché globalisé » du titre et intégration des
systèmes de compensation et de règlement-livraison. Au-delà des problèmes posés
par une telle organisation sur le plan économique pour des pays soucieux de garantir
le maintien d’une activité financière nationale, une telle solution ne peut manquer de
poser de sérieuses questions en terme de maîtrise du risque systémique.

Vous aimerez peut-être aussi