Le Rosaire de La Vierge Marie
Le Rosaire de La Vierge Marie
Le Rosaire de La Vierge Marie
INTRODUCTION
En effet, tout en ayant une caractéristique mariale, le Rosaire est une prière dont
le centre est christologique. Dans la sobriété de ses éléments, il concentre en lui la
profondeur de tout le message évangélique, dont il est presque un résumé.2 En lui
résonne à nouveau la prière de Marie, son Magnificat permanent pour l'œuvre de
l'Incarnation rédemptrice qui a commencé dans son sein virginal. Avec lui, le
peuple chrétien se met à l'école de Marie, pour se laisser introduire dans la
contemplation de la beauté du visage du Christ et dans l'expérience de la
profondeur de son amour. Par le Rosaire, le croyant puise d'abondantes grâces, les
recevant presque des mains mêmes de la Mère du Rédempteur.
Par ces paroles, chers frères et sœurs, je mettais dans le rythme quotidien du
Rosaire ma première année de Pontificat. Aujourd'hui, au début de ma vingt-
cinquième année de service comme Successeur de Pierre, je désire faire de même.
Que de grâces n'ai-je pas reçues de la Vierge Sainte à travers le Rosaire au cours
de ces années: Magnificat anima mea Dominum! Je désire faire monter mon action
de grâce vers le Seigneur avec les paroles de sa très sainte Mère, sous la
protection de laquelle j'ai placé mon ministère pétrinien: Totus tuus!
Objections au Rosaire
La voie de la contemplation
8. Il serait impossible de citer la nuée innombrable de saints qui ont trouvé dans le
Rosaire une authentique voie de sanctification. Il suffira de rappeler saint Louis
Marie Grignion de Montfort, auteur d'une œuvre précieuse sur le Rosaire,12 et plus
près de nous, Padre Pio de Pietrelcina, qui j'ai eu récemment la joie de canoniser.
Le bienheureux Bartolo Longo eut un charisme spécial, celui de véritable apôtre du
Rosaire. Son chemin de sainteté s'appuie sur une inspiration entendue au plus
profond de son cœur: « Qui propage le Rosaire est sauvé! ».13 A partir de là, il
s'est senti appelé à construire à Pompéi un sanctuaire dédié à la Vierge du Saint
Rosaire près des ruines de l'antique cité tout juste pénétrée par l'annonce
évangélique avant d'être ensevelie en 79 par l'éruption du Vésuve et de renaître
de ses cendres des siècles plus tard, comme témoignage des lumières et des
ombres de la civilisation classique.
Par son œuvre entière, en particulier par les « Quinze Samedis », Bartolo Longo
développa l'âme christologique et contemplative du Rosaire; il trouva pour cela un
encouragement particulier et un soutien chez Léon XIII, le « Pape du Rosaire ».
CONCLUSION
39. Ce qui a été dit jusqu'ici exprime amplement la richesse de cette prière
traditionnelle, qui a la simplicité d'une prière populaire, mais aussi la profondeur
théologique d'une prière adaptée à ceux qui perçoivent l'exigence d'une
contemplation plus mûre.
L'Église a toujours reconnu à cette prière une efficacité particulière, lui confiant les
causes les plus difficiles dans sa récitation communautaire et dans sa pratique
constante. En des moments où la chrétienté elle-même était menacée, ce fut à la
force de cette prière qu'on attribua l'éloignement du danger, et la Vierge du
Rosaire fut saluée comme propitiatrice du salut.
La paix
40. Les difficultés que la perspective mondiale fait apparaître en ce début de
nouveau millénaire nous conduisent à penser que seule une intervention d'en
haut, capable d'orienter les cœurs de ceux qui vivent des situations conflictuelles
et de ceux qui régissent le sort des Nations, peut faire espérer un avenir moins
sombre.
Le Rosaire est une prière orientée par nature vers la paix, du fait même qu'elle est
contemplation du Christ, Prince de la paix et « notre paix » (Ep 2,14). Celui qui
assimile le mystère du Christ – et le Rosaire vise précisément à cela – apprend le
secret de la paix et en fait un projet de vie. En outre, en vertu de son caractère
méditatif, dans la tranquille succession des Ave Maria, le Rosaire exerce sur celui
qui prie une action pacificatrice qui le dispose à recevoir cette paix véritable, qui
est un don spécial du Ressuscité (cf. Jn 14,27; 20,21), et à en faire l'expérience
au fond de son être, en vue de la répandre autour de lui.
Le Rosaire est aussi une prière de paix en raison des fruits de charité qu'il produit.
S'il est bien récité comme une vraie prière méditative, le Rosaire, en favorisant la
rencontre avec le Christ dans ses mystères, ne peut pas ne pas indiquer aussi le
visage du Christ dans les frères, en particulier dans les plus souffrants. Comment
pourrait-on fixer, dans les mystères joyeux, le mystère de l'Enfant né à Bethléem
sans éprouver le désir d'accueillir, de défendre et de promouvoir la vie, en se
chargeant de la souffrance des enfants de toutes les parties du monde? Comment,
dans les mystères lumineux, pourrait-on suivre les pas du Christ qui révèle le Père
sans s'engager à témoigner de ses « béatitudes » dans la vie de chaque jour? Et
comment contempler le Christ chargé de la Croix et crucifié sans ressentir le
besoin de se faire le « Cyrénéen » de tout frère brisé par la souffrance ou écrasé
par le désespoir? Enfin, comment pourrait-on fixer les yeux sur la gloire du Christ
ressuscité et sur Marie couronnée Reine sans éprouver le désir de rendre ce
monde plus beau, plus juste et plus proche du dessein de Dieu?
En réalité, tandis qu'il nous conduit à fixer les yeux sur le Christ, le Rosaire nous
rend aussi bâtisseurs de la paix dans le monde. Par sa caractéristique de
supplication communautaire et insistante, pour répondre à l'invitation du Christ « à
toujours prier sans se décourager » (Lc 18,1), il nous permet d'espérer que, même
aujourd'hui, une "bataille" aussi difficile que celle de la paix pourra être gagnée.
Loin d'être une fuite des problèmes du monde, le Rosaire nous pousse à les
regarder avec un œil responsable et généreux, et il nous obtient la force de les
affronter avec la certitude de l'aide de Dieu et avec la ferme intention de
témoigner en toutes circonstances de « l'amour, lui qui fait l'unité dans la
perfection » (Col 3,14).
41. Prière pour la paix, le Rosaire est aussi, depuis toujours, la prière de la famille
et pour la famille. Il fut un temps où cette prière était particulièrement chère aux
familles chrétiennes et en favorisait certainement la communion. Il ne faut pas
perdre ce précieux héritage. Il faut se remettre à prier en famille et à prier pour
les familles, en utilisant encore cette forme de prière.
Si, dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, j'ai encouragé même les
laïcs à célébrer la Liturgie des Heures dans la vie ordinaire des communautés
paroissiales et des divers groupes chrétiens,39 je désire faire la même chose pour
le Rosaire. Il s'agit de deux voies de la contemplation chrétienne qui ne s'opposent
pas, mais se complètent. Je demande donc à ceux qui se consacrent à la pastorale
des familles de suggérer avec conviction la récitation du Rosaire.
La famille qui est unie dans la prière demeure unie. Par tradition ancienne, le saint
Rosaire se prête tout spécialement à être une prière dans laquelle la famille se
retrouve. Les membres de celle-ci, en jetant véritablement un regard sur Jésus,
acquièrent aussi une nouvelle capacité de se regarder en face, pour communiquer,
pour vivre la solidarité, pour se pardonner mutuellement, pour repartir avec un
pacte d'amour renouvelé par l'Esprit de Dieu.
Prier le Rosaire pour ses enfants, et mieux encore avec ses enfants, en les
éduquant depuis leur plus jeune âge à ce moment quotidien de « pause priante »
de la famille, n'est certes pas la solution de tous les problèmes, mais elle constitue
une aide spirituelle à ne pas sous-estimer. On peut objecter que le Rosaire
apparaît comme une prière peu adaptée au goût des adolescents et des jeunes
d'aujourd'hui. Mais l'objection vient peut-être d'une façon de le réciter souvent peu
appliquée. Du reste, étant sauve sa structure fondamentale, rien n'empêche, pour
les enfants et les adolescents, que la récitation du Rosaire – que ce soit en famille
ou en groupes – s'enrichisse de possibles aménagements symboliques et concrets,
qui en favorisent la compréhension et la mise en valeur. Pourquoi ne pas
l'essayer? Une pastorale des jeunes qui n'est pas défaitiste, mais passionnée et
créative – les Journées mondiales de la Jeunesse m'en ont donné la mesure! – est
capable de faire, avec l'aide de Dieu, des choses vraiment significatives. Si le
Rosaire est bien présenté, je suis sûr que les jeunes eux-mêmes seront capables
de surprendre encore une fois les adultes, en faisant leur cette prière et en la
récitant avec l'enthousiasme caractéristique de leur âge.
Le Rosaire, un trésor à redécouvrir
43. Chers frères et sœurs! Une prière aussi facile, et en même temps aussi riche,
mérite vraiment d'être redécouverte par la communauté chrétienne. Faisons-le
surtout cette année, en accueillant cette proposition comme un affermissement de
la ligne tracée dans la Lettre apostolique Novo millennio ineunte, dont de
nombreuses Églises particulières se sont inspirées dans leurs projets pastoraux
pour planifier leurs engagements dans un proche avenir.
Je m'en remets aussi à vous, théologiens, afin qu'en menant une réflexion à la fois
rigoureuse et sage, enracinée dans la Parole de Dieu et attentive au vécu du
peuple chrétien, vous fassiez découvrir les fondements bibliques, les richesses
spirituelles et la valeur pastorale de cette prière traditionnelle.
Je me tourne vers vous, frères et sœurs de toute condition, vers vous, familles
chrétiennes, vers vous, malades et personnes âgées, vers vous les jeunes:
reprenez avec confiance le chapelet entre vos mains, le redécouvrant à la lumière
de l'Écriture, en harmonie avec la liturgie, dans le cadre de votre vie quotidienne.
Que mon appel ne reste pas lettre morte! Au début de la vingt-cinquième année
de mon Pontificat, je remets cette Lettre apostolique entre les mains sages de la
Vierge Marie, m'inclinant spirituellement devant son image dans le splendide
sanctuaire qui lui a été édifié par le bienheureux Bartolo Longo, apôtre du Rosaire.
Je fais volontiers miennes les paroles touchantes par lesquelles il termine la
célèbre Supplique à la Reine du Saint Rosaire: « Ô Rosaire béni par Marie, douce
chaîne qui nous relie à Dieu, lien d'amour qui nous unit aux Anges, tour de
sagesse face aux assauts de l'enfer, havre de sécurité dans le naufrage commun,
nous ne te lâcherons plus. Tu seras notre réconfort à l'heure de l'agonie. A toi, le
dernier baiser de la vie qui s'éteint. Et le dernier accent sur nos lèvres sera ton
nom suave, ô Reine du Rosaire de Pompéi, ô notre Mère très chère, ô refuge des
pécheurs, ô souveraine Consolatrice des affligés. Sois bénie en tout lieu,
aujourd'hui et toujours, sur la terre et dans le ciel ».
JEAN-PAUL II