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139-147
Mustapha EL ADAK
Univ. d’Oujda
Agzul
Belaɛid At-Ɛli seg yimezwura i yerran ddehn-nsen ɣer tenfaliyin. Deg yiwet n
tezrawt, d tidet d tamezyant maca d talqayant, isken-d azal n tenfaliyin-agi. Yesbedd
tazrawt-is ɣef tarrayt n ukenni (deg uzraw n tizumla) gar teqbaylit d tefransist di
tenfaliyin yerzan tafekka n umadan (ul, tasa). Nekni ad nezrew tarrayt-agi takennayt
yessexdem umaru-agi.
Abstract
Belaïd Aït-Ali is among the first to be interested in Kabyle idiomatic expressions in
a study of modest appearance but rich in substance. It is a comparative approach to
the idiomatic (symbolic) jobs of two essential terms referring to the parts of the
body: ul "heart" and tasa "liver". We will study the originality of the contrastive
approach to expressions relating to the human body.
Introduction
variété de sources révèle que la majorité des textes présente moins de mots
libres que de constructions figées. Ce qui revient à dire que ces
constructions ne sont pas à la périphérie de la langue, mais au contraire elles
font partie intégrante de son système. Etant reconnues comme telles, elles
ont fini par bénéficier des mêmes descriptions appliquées aux autres unités
du lexique.
1
Cf. « Expressions de la vie : commentaire des expressions kabyles », Etudes et
documents berbères, 2, 1987, pp. 142-150. L’article est rédigé en 1949.
Les expressions idiomatiques kabyles vues par Belaïd Ait-Ali
L’intérêt porté par l’auteur de Lwali n udrar aux idiomes nous renvoie
aussi à son initiation à l’écrit dans sa langue maternelle. On le sait, le travail
sur le patrimoine oral, en vue de l’inscrire dans une autre configuration
littéraire comme l’instauration d’un genre moderne ne peut se réaliser en
dehors du recours aux formules discursives conventionnelles. En d’autres
termes, la prose telle qu’elle est pratiquée à un moment particulier de
réflexion sur les enjeux de l’écrit, et ce dans le but de tenter une fiction
romanesque ou autre, ne saurait ignorer la dynamique communicative propre
à l’oralité. Dans un tel contexte, il n’est pas évident d’éviter d’emprunter au
langage des conversations quotidiennes où foisonnent toutes sortes
d’expressions préconstruites. Précisons à cet égard que plus une œuvre tend
à se distancier de l’oralité avec tout ce que celle-ci implique de spontanéité,
de mémoire sociale et de stéréotypie linguistique, moins elle recourt aux
automatismes qui façonnent l'usage de la langue. Ce n’est bien entendu pas
le cas de l’œuvre de Belaïd Ait-Ali où ces éléments préconstruits de
langage, lorsqu’ils ne sont pas énoncés sous leur forme fixée par l'usage, ils
font l'objet d'une manipulation qui varie certains de leurs composants.
Donc, outre le fait d’être reprises telles qu’elles sont inscrites dans la
langue, les unités figées sont manipulées à travers plusieurs types de
variations. Il s’agit là de jeux stylistiques portant sur la position, la
substitution, le sens, la sonorité, etc., de leurs éléments constitutifs. On passe
ainsi du figement au défigement qui selon G. Gross « consiste à briser le
carcan qui caractérise les suites figées » (1999 : 20). Dans cette perspective,
toute transgression à une forme langagière conventionnelle serait
l’affirmation d’une singularité. C’est en détournant ce qui est solidement fixé
par l’usage qu’on crée les plus importantes expressions, celles qui sont
censées attirer l’attention du lecteur et susciter son intérêt pour l’idée
exprimée. En effet dans les cahiers de Belaïd ou la Kabylie d’antan, il est
question non seulement de détourner les expressions consacrées de la langue,
mais aussi les récits littéraires hérités de la tradition orale.
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Notre propos n’est pas ici de nous pencher sur la place du figement
linguistique dans la pratique de l’écrit chez Belaïd Aït Ali. Cet aspect de la
langue dans ses deux versants conventionnel et transgressif a déjà fait l’objet
de quelques études2. Nous nous limiterons à faire remarquer l’originalité de
l’approche contrastive accordée aux expressions relatives au corps humain,
et plus précisément à celles composées de ul « cœur » et tasa « foie ».
on est amené à découvrir à travers plusieurs contextes que dans cette partie
centrale du corps, il y a les sentiments, la raison, la mémoire, l’imagination
et la volonté. Bien que les autres valeurs liées aux agitations convulsives
(peur colère, satisfaction, etc.) ne soient pas mentionnées, on comprend que
contrairement à l’usage qui en est fait en français, ul intervient dans
l’expression de plusieurs facultés.
2
Cf. Titouche. R. (2001), Bellal. H., (2014).
Les expressions idiomatiques kabyles vues par Belaïd Ait-Ali
à une même langue, ne recourent pas aux mêmes symboles corporels pour
exprimer plusieurs effets de sens. Dans le domaine amazigh comme dans
d’autres langues, de tels écarts dans la symbolique des parties du corps sont
fréquents. Lorsqu’on rencontre des expressions où l’isomorphisme
sémiologique semble arbitraire, il faut savoir que derrière cet isomorphisme
il y a une construction de sens qui suppose une maîtrise parfaite de la langue
et de la culture partagée.
.
C’est en effet au niveau sémantique que se manifeste l’importance
des idiomes en tant que curiosités linguistiques et culturelles. Leur intérêt
tient à ce qu’ils constituent un lieu d’abstraction où l’imaginaire trouve sa
meilleure expression. Un lieu où le figuré, l’émotif et le ludique
s’entrecroisent, et de leur imbrication résulte la spécificité idiomatique de la
langue. D’ailleurs, s’ils se figent dans des formes durables, c’est justement
parce qu’ils s’expriment dans des agencements linguistiques qui créent des
rapports inédits aux choses, instaurent des écarts et ouvrent des espaces de
jeux dans lesquels agissent les symboles.
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Conclusion
scientifique est capital. Leur importance est telle qu’elles constituent un lieu
où se reflètent la vision du monde et la spécificité de l’amazigh en termes de
découpages sémantiques. Reste à dire qu’au-delà de son empreinte
distinctive, l’idiomatie d’une langue peut être aussi un patrimoine
linguistique et culturel traduisant des valeurs et des expériences humaines
communes à différentes aires langagières.
Références bibliographiques
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Mémoire de magister, Université de Tizi-Ouzou.
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