Sur La Vérité: La Tyrannie de L'illusion
Sur La Vérité: La Tyrannie de L'illusion
Sur La Vérité: La Tyrannie de L'illusion
D'un point de vue simplement pratique et à court terme, vous ne voulez vraiment pas lire ce livre.
Ce livre va chambarder votre vie telle que vous la connaissez. Ce livre va changer chacune de vos
relations interpersonnelles - de manière encore plus importante, votre relation avec vous-même.
Ce livre va changer votre vie même si vous n'implémentez aucune des propositions qu'il contient.
Ce livre va changer votre vie même si vous êtes en désaccord avec chacune des idées qu'il
propose. Même si vous le déposez maintenant, ce livre va avoir changé votre vie, puisque
maintenant vous savez que vous avez peur du changement.
Relations
Il n'y a réellement que trois sortes de relations interpersonnelles dans le monde. La première est
celle dont nous rêvons tous - joyeuse, mutuellement bénéfique, profonde, significative,
divertissante, un véritable plaisir à avoir et à garder.
Cette sorte de relation est extraordinairement rare. Si cette sorte de relation était un animal, elle
ne serait même pas sur la liste des espèces en danger. Elle serait par beaucoup considérée éteinte.
La deuxième sorte de relation est mutuellement bénéfique, mais pas joyeuse, profonde ou
significative. C'est la sorte de relation que vous avez avec votre épicier, votre banquier, et peut-
être votre patron. Elle est volontaire, définie par un contrat implicite ou explicite, et peut
ordinairement être rompue ou terminée sans culpabilité, regret ou remords.
Cette sorte de relation n'est pas inhabituelle, mais pas très importante non plus. Nous ne perdons
pas nos vies, notre bonheur ou nos propres âmes dans le creux de ce genre de relations. Elles sont
de simples calculs d'utilité mutuelle. Nous ne sommes pas obligés d'aller au lit de mort de nos
banquiers; nos épiciers ne nous forcent pas à aller à l'église lorsque nous n'avons pas la foi; nous
entrons rarement dans des disputes avec nos patrons sur la question de baptiser nos enfants ou
pas.
Non, c'est la troisième sorte de relation qui nous inquiète le plus dans nos vies. C'est la troisième
sorte de relation qui nous torture si souvent. C'est la troisième sorte de relation qui sape notre joie,
notre intégrité et notre indépendance.
La première sorte de relation n'implique pas d'obligations, mais du plaisir. Il n'y a aucun besoin de
culpabilité ou de manipulation, d'intimidation ou de contrôle, de larme ou d'agressivité passive.
Nous n'avons pas besoin d'obligations pour nous attirer vers ce qui nous donne du plaisir, pas plus
qu'un enfant n'a besoin d'être cajolé pour manger ses bonbons.
La deuxième sorte de relation implique des obligations, mais elle est choisie volontairement, pour
avantage mutuel. Nous payons notre hypothèque; la banque nous donne une maison. La relation
est contractuelle, et donc n'a pas besoin de culpabilité ou de manipulation.
C'est sur la troisième sorte de relation que ce livre va se concentrer.
La Troisième Sorte
La troisième sorte de relation a trois principales composantes. La première et qu'elle n'est pas
choisie; la deuxième est qu'elle implique des obligations, et la troisième est qu'elle est considérée
morale.
Le premier et plus important aspect de cette sorte de relations est qu'elle n'est pas consentie
volontairement. Vous êtes né dedans. Vous ne choisissez pas vos parents. Vous ne choisissez pas
vos frères et sœurs. Vous ne choisissez pas votre famille élargie. Vous ne choisissez pas votre
pays. Vous ne choisissez pas votre gouvernement. Vous ne choisissez pas votre religion. Vous ne
choisissez pas votre école. Vous ne choisissez pas vos professeurs.
Tristement, lorsque vous êtes un enfant, la liste est presque sans fin.
Vous êtes né dans ce monde sans choix, dans un environnement familial, social, éducationnel,
politique et géographique qui n'était qu'accidentel. Et pour le reste de votre vie, tout le monde va
essayer de vous convaincre que vous êtes responsable de cet accident.
Vos parents ont décidé d'avoir un enfant - vous n'étiez d'aucune façon impliqué dans ce choix,
puisque vous n'existiez pas encore lorsque la décision a été prise. Même si vous avez été conçu
par accident, ou adopté, vos parents ont décidé de vous garder.
Donc la relation de vos parents avec vous lorsque vous étiez enfant était essentiellement
contractuelle, de la même façon que si vous achetez un chien, vous êtes dans l'obligation de le
nourrir. Naturellement, il est préférable - et certainement possible - que votre relation avec vos
parents soit aimante, mutuellement agréable, respectueuse et plaisante.
Mais comme je l'ai dit plus tôt, cette sorte de relation est, malheureusement, beaucoup trop rare.
D'entières générations d'enfants ont grandi avec l'idée que l'acte d'être né crée une obligation.
Premièrement, je vais vous dire ce qui est vrai. Ensuite, je vais vous dire pourquoi c'est vrai. Et
après, je vous dirai comment changer.
Il est vrai que vos parents ont décidé de vous avoir. Il est aussi vrai qu'en faisant ce choix, vos
parents ont assumé une obligation volontaire envers vous. Cette obligation consistait de deux
parties: La première était physique, la deuxième morale.
La partie physique de cette obligation était l'habillement, la nourriture, l'attention médicale, l'abri,
etc. - les besoins physiques de base. Je ne passerai pas beaucoup de temps là-dessus dans ce livre,
puisque la vaste majorité des parents réussissent à acquérir nourriture et abri pour leurs enfants -
et ceux qui échouent sont si évidemment déficients qu'un livre philosophique n'est guère requis
pour mettre en lumière leurs défauts.
Les obligations morales que vos parents ont assumé en décidant de vous avoir étaient doubles. La
première partie est plus ou moins comprise dans la société et consiste de toutes les vertus
standard tel que vous éduquer, vous garder en sécurité, s'empêcher de vous maltraiter
physiquement ou émotionnellement, etc.
La deuxième partie de l'obligation morale de vos parents envers vous est beaucoup plus subtile et
corrosive. C'est le domaine de l'intégrité, et est un grand défi pour les sociétés à travers le monde.
Intégrité
L'intégrité peut être définie comme une cohérence entre la réalité, les idées et le comportement.
La cohérence avec la réalité est de ne pas dire à un enfant que papa est ''malade'' quand il est en
fait ivre. La cohérence avec le comportement est de ne pas gifler un enfant pour avoir frappé un
autre enfant. La valeur de cette sorte d'intégrité est aussi bien comprise par plusieurs, même si
imparfaitement pratiquée, et nous ne nous y attarderons pas beaucoup non plus.
C'est la cohérence avec les idées qui cause le plus de problèmes pour les familles - et le plus de
souffrance à long-terme pour les enfants à travers leurs vies.
Lorsque vous étiez enfant, on vous a dit encore et encore que certaines actions étaient soit bien ou
mal. Dire la vérité était bien; voler était mal. Frapper votre frère était mal; aider votre grand-mère
était bien. Être à l'heure était bien; ne pas faire vos corvées était mal.
Implicitement, dans toutes ces instructions - des instructions morales - il y avait la prémisse que
vos parents savaient ce qui était bon et ce qui était mauvais; ce qui était bien ou mal.
Pensez-vous que c'était réellement vrai ? Est ce que vos parents connaissaient ce qui était bien ou
mal lorsque vous étiez enfant ?
Quand nous disons à un enfant que quelque chose est mal - pas seulement incorrect, mais
moralement mauvais - il n'y a vraiment que deux possibilités. La première est que nous
connaissons réellement ce qui est bien ou mal en général, et nous appliquons nos connaissances
morales universelles sur une action spécifique commise par l'enfant.
C'est toujours présenté à l'enfant de cette façon. C'est aussi presque toujours le mensonge le plus
dangereux du monde.
La seconde possibilité est que nous disons à notre enfants que ses actions sont ''mauvaises'' pour
une variété de raisons qui n'ont rien à voir avec la moralité de quelque manière que ce soit.
Par exemple, nous pouvons dire à un enfant que voler est mal parce que:
Etc, etc.
En assumant qu'ils ne sont pas terrifiés, lorsqu'ils reçoivent une instruction morale pour la
première fois, la plupart des enfants vont demander ''Pourquoi ?'' Pourquoi voler est-il mal ?
Pourquoi mentir est-il mal ? Pourquoi intimider est-il mal ? Pourquoi frapper est-il mal ?
Ce sont toutes des questions parfaitement valides, similaires à demander pourquoi le ciel est bleu.
Le problème surface dans le fait que les parents n'ont pas de réponses rationnelles, mais
prétendent éternellement qu'ils en ont.
Lorsqu'un enfant nous demande pourquoi quelque chose est mal, nous entrons dans un terrible
dilemme. Si nous disons que nous ne savons pas pourquoi mentir est mal, nous croyons que nous
allons perdre notre autorité morale dans les yeux de notre enfant. Si nous disons que nous savons
pourquoi mentir est mal, nous gardons notre autorité morale, mais seulement en mentant à notre
enfant.
Depuis la chute de la religion, nous avons perdu notre route en terme d'éthique. En tant qu'athée,
je ne déplore pas la perte des illusions de dieux et de démons, mais je suis alarmé du fait que nous
n'avons pas encore admis que la chute de la religion ne nous a pas procuré une boussole morale
objective et rationnelle. En refusant d'admettre que nous ne savons pas ce que nous faisons
éthiquement, nous commettons une grave erreur morale sur nos enfants.
Nous leur disons que certaines choses qu'ils font sont bien ou mal - et pourtant nous ne leur
disons pas pourquoi ces choses sont bien ou mal. Si notre enfant nous demande pourquoi mentir
est-il mal, nous pouvons dire que mentir cause de la douleur aux gens - mais la dentisterie aussi -
ou nous pouvons dire ''tu n'aimes pas quand quelqu'un te ment'' ce qui serait un incitatif à ne pas
se faire prendre, plutôt qu'à ne pas mentir, etc. Chaque réponse que nous inventons amène à
encore plus de questions et d'incohérences. Que faisons nous ensuite ?
Cela ne veut pas dire les frapper ou crier - même si c'est beaucoup trop souvent le cas,
malheureusement - parce qu'en tant que parents, nous avons un arsenal presque infini de tactiques
passives-agressives tel que soupirer, avoir l'air exaspéré, changer le sujet, leur offrir un biscuit, les
amener prendre une marche, faire semblant d'être ''trop occupé'', les distraire ou les rejeter d'un
million de façons différentes.
Ce genre de questions innocentes sur la moralité représentent une sorte d'horreur pour les parents.
En tant que parents, nous devons garder notre autorité morale sur nos enfants - mais en tant que
citoyens du monde moderne, nous n'avons pas de base rationnelle sur notre autorité morale. Nous
sommes donc forcés de mentir à nos enfants sur la bonté et notre connaissance de celle-ci, ce qui
transforme la vertu d'une discipline rationnelle à un conte de fées effrayant.
Dans le passé, lorsque la mythologie religieuse était dominante, quand les enfants demandaient
''D'ou vient le monde ?'' les parents pouvaient répondre que Dieu l'a fait. Malgré l'ignorance
religieuse de ceux qui font cette affirmation encore aujourd'hui, la plupart des parents modernes
fournissent l'explication rationnelle et scientifique de l'origine du monde, ou du moins vont
envoyer leurs enfants sur l'Internet, à une encyclopédie ou à la bibliothèque.
En exprimant ouvertement leur manque de certitude, les parents n'ont pas seulement agi avec
honnêteté et intégrité, mais ont aussi stimulé leurs enfants à poursuivre une vérité qui était, il faut
en convenir, absente de leur monde.
Hélas, nous souffrons des difficultés similaires aujourd'hui, mais sur un sujet beaucoup plus
important. La base religieuse pour la moralité est tombée, mais nous n'avons aucune théorie
crédible ou acceptée pour la remplacer. Pendant un temps, le patriotisme et l'allégeance à la
culture avait un certain pouvoir pour convaincre les enfants que leurs ainés avaient une certaine
connaissance éthique objective, mais maintenant que la corruption militaire et gouvernementale
devient de plus en plus évidente, l'allégeance à un pays, à une armée ou à un État sont devenus
des bases de plus en plus fragiles pour des absolus éthiques. Même nos théories chéries à propos
de la démocratie sont maintenant sous de plus en plus haute pression, alors que des
gouvernements gargantuesques continuent de se séparer des vœux de leurs citoyens et agissent
dans un ''état naturel'' quasi-total.
Les explications religieuses de la vertu ont échoué non seulement parce que nous ne croyons plus
en Dieu, mais aussi parce qu'il est maintenant totalement évident que lorsque la plupart des gens
parlent de la ''vérité'', ils font en fait référence à la culture.
Culture
Pensez à un père dans un pays musulman. Quand son enfant lui demande: ''Papa, c'est quoi le
bien ? '' il va généralement répondre: ''Obéir à Allah et Son prophète''. Pourquoi est-ce sa
réponse ? Est-ce parce qu'il a eu la directe expérience avec le Prophète, écrit les livres saints lui-
même, et a une compréhension directe de la moralité provenant du créateur originel ? S'il avait
grandi seul sur une île déserte, est-ce que sa réponse aurait été la même ?
Bien sûr que non. Il ne fait que répéter ce qu'on lui a dit étant enfant.
Ce père musulman sait que son enfant va devoir survive - et idéalement, prospérer - dans une
société musulmane. S'il dit à son enfant qu'il ne sait pas ce qui est bien ou mal, non seulement va-
t-il perdre son autorité morale dans les yeux de son enfant, mais il va aussi amener son enfant
vers d'éternels conflits avec tous les autres dans sa société.
En d'autres mots, si tout le monde ment à leurs enfants, quels sont les coûts - sociaux,
romantiques, économiques et ainsi de suite - de dire la vérité a vos enfants ?
Mon voisin a quatre enfants adorables - l'autre jour, son fils est venu et m'a montré un dessin qu'il
a fait, une représentation convenable de Jésus-Christ assis sur une roche et priant aux cieux. En
toute innocence, il m'a demandé ce que je pensais du dessin. Naturellement, je savais que son
père lui avait dit que Jésus-Christ était un homme-dieu réel et vivant qui est revenu des morts, a
monté au paradis, et va le libérer du péché s'il communique télépathiquement son amour à son
fantôme. Ce n'est pas plus ou moins horrifiant que n'importe quel autre culte de culpabilité et de
contrôle.
Mais qu'est-ce que je pouvais dire à cet enfant ? Pourrais-je dire que c'était un très bon dessin d'un
personnage de fiction ? Pourrais-je lui dire que c'était une excellente représentation d'un conte de
fées ? Pourrais-je voir la douleur et la surprise dans ses yeux ? Pourrais-je imaginer la
conversation qu'il aurait plus tard avec son père, lui demandant pourquoi le gentil monsieur d'à
côté lui a dit que Jésus-Christ était un personnage fictif ? Pourrais-je imaginer la froideur qui
descendrait sur les relations cordiales entre nos deux maisons ? Pourrais-je imaginer son père dire
à tous ses enfants de rester loin du gentil monsieur d'à côté, qui veut les éloigner de Dieu ?
Pourrais-je supporter les regards glaciaux que je recevrais à chaque fois que je verrais sa famille
pour les prochaines décennies...?
J'ai pris le chemin de non-résistance, mais je n'ai pas menti à l'enfant. Je lui ai dit que je pensais
que l'image était bien dessinée, et je lui ai demandé ce que lui en pensait.
Nous pouvons très facilement comprendre pourquoi les parents d'autres cultures répètent
simplement les normes culturelles à leurs enfants comme si elles étaient des vérités objectives.
Les parents japonais enseignent à leurs enfants l'obéissance et la piété; les parents catholiques
enseignent leurs enfants à boire le sang de leur dieu; les parents musulmans enseignent à leurs
enfants qu'un homme qui a marié une fille de six ans - et consumé ce mariage quand elle en avait
neuf - est le parangon de la vertu; les parents occidentaux enseignent à leurs enfants que la
démocratie est le plus grand idéal; les parents nord-coréens enseignent à leurs enfants que le
dictateur qui dirige leur vie est une sorte de divinité qui les aime.
La liste continue encore et encore. Pratiquement chaque parent dans le monde croit qu'elle
enseigne la vérité à son enfant, quand elle ne fait qu'infliger ce qu'on peut poliment appeler des
mythologies culturelles à son enfant.
Nous mentons à nos enfants, tout en leur disant que mentir est mal.
Nous ordonnons à nos enfants de penser par eux-mêmes, tout en répétant les absurdités les plus
préjudiciables comme étant des faits objectifs.
Nous disons à nos enfant d'être bons, mais nous n'avons aucune idée de ce qu'est vraiment la
bonté.
Nous disons à nos enfants que le conformisme est mauvais (''Si tout le monde sautait du haut de
l'Empire State Building, sauterais-tu toi aussi?'') mais nous sommes en même temps des esclaves
complets de l'inertie historique des préjugés d'avant.
Trop Dur ?
J'ai souvent été accusé d'être trop dur envers les parents. ''Les parents font du mieux qu'ils
peuvent dans des circonstances difficiles; vous ne pouvez pas juger les instructions parentales
pratiques sur un genre de standard philosophique abstrait et absolu. Mes parents n'étaient pas des
philosophes - ils me disaient simplement la vérité qu'ils croyaient, ce qu'ils pensaient vrai''.
La chose merveilleuse, lorsqu'il en vient à appliquer des concepts philosophiques dans nos
propres vies est que les théories sont très faciles à tester. Discuter d'une théorie philosophique sur
les causes du déclin de l'empire Romain est un exercice largement théorique, puisque nous ne
pouvons pas revenir dans le temps pour la tester.
Les théories sur nos familles, par contre, sont très faciles à tester, assumant que nous avons accès
aux membres de la famille en question.
Ma ferme croyance est que la plupart des êtres humains sont absolument brillants. Je suis venu à
cette conclusion après des décennies d'étude de la philosophie et ayant eu les conversations les
plus stupéfiantes avec d'innombrables personnes. Je suis maintenant certain que les parents savent
exactement ce qu'ils font - et un test relativement simple peut prouver ceci à n'importe quelle
personne rationnelle.
Un Exercice Pratique
Asseyez-vous avec vos parents et demandez-leur quelle est la capitale du Madagascar - ou une
autre information anodine qu'ils ne savent probablement pas. Ils vont très probablement sourire,
secouer la tête et dire: ''Je ne sais pas''. Ils ne vont pas éviter la question. Ils vont être plus
qu'heureux de vous aider à trouver la réponse.
Après que vous ayez établi la capitale du Madagascar, demandez leur: ''C'est quoi, le bien?''
Je vous garantie absolument qu'il y aura un froid instantané dans la pièce - il va y avoir une
quantité énorme de tension, et vos parents - et vous aussi, probablement - sentiront un désir très
fort de changer le sujet, ou d'abandonner la question.
Pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi, lorsque vous demandez à vos parents ce qu'est la bonté, la
tension dans la pièce monte dramatiquement ?
Eh bien, pour la même raison que Socrate a été introduit à une sinistre libation appelée cigüe.
Il y a une terreur dans la question ''Qu'est-ce que le bien?'' parce que les figures d'autorité
prétendent au droit de nous dire quoi faire basé sur leurs connaissances supérieures. Si nous
décidons d'apprendre le karaté, nous nous soumettons au jugement et à l'instruction d'un expert en
karaté. Si nous devenons malade, nous soumettons notre jugement à un docteur, un expert dans le
domaine. En d'autres mots, lorsque nous ne savons pas, nous nous remettons à quelqu'un qui
prétend en savoir plus.
Nos parents ont prétendu au droit de nous instruire sur le bien et le mal basé sur leurs grandes
connaissances de l'éthique, pas basé sur leur pouvoir en tant que parents. Nos pères ne nous ont
pas dit: ''Obéis moi ou je vais te battre''. Même si cette terrible phrase peut avoir sorti de leurs
bouches à un certain moment, la base de leur éthique était que nous leur devions obéissance
comme une juste dette, et donc que nous pouvions être punis pour ne pas leur donner. ''Tu
honoreras ton père et ta mère'' est une base d'instruction morale à travers le monde, à la fois
religieux et laïque. Néanmoins, l'honneur que nous sommes sensés conférer à nos parents doit
être basée sur une connaissance et une pratique supérieure de la vertu - sinon le mot ''honneur'' ne
ferait aucun sens. Si nous étions jetés en prisons, nous obéirions les gardes parce qu'ils auraient le
pouvoir sur nous, pas parce que nous les ''honorerions''. Si un voleur presse un couteau à nos
côtes, nous lui donnons notre portefeuille - obéissons à ses voeux - non pas parce que nous
l'honorons, mais parce qu'il a le pouvoir de nous faire du mal.
En utilisant le mot ''honneur'', les parents disent que nous leur devons allégeance dû à leur savoir
supérieur et leur pratique de la vertu.
Si vous êtes souffrant, et vous vous mettez sous l'autorité d'un docteur et suivez ses instructions,
mais vous rendez compte que vous ne vous sentez pas mieux - mais en fait semblez empirer - il
serait sage de vous assoir avec votre docteur et revoir ses compétences - particulièrement si vous
ne pouvez pas changer de physicien pour quelque raison que ce soit. Puisque suivre ses
instructions vous rend pire qu'avant, vous devez demander: ''Pourquoi devrais-je suivre vos
instructions ?''
Ils serait logique de commencer par demander au docteur de confirmer ses références et
diplômes. Ensuite, vous pourriez continuer en lui demandant ce qu'est sa définition de la santé,
pour être certain que vous être sur la même page. Finalement, vous continueriez avec des
questions plus spécifique sur la nature de votre maladie, la nature de ses connaissances de la
médecine et du corps humain, et sa compréhension de vos maux et la méthodologie avec laquelle
il a décidé de votre remède.
Ceci est la conversation que vous devez avoir avec vos parents sur la nature de la vertu et leur
connaissance de celle-ci. Vos parents étaient les docteurs moraux de votre être lorsque vous étiez
en train de grandir - si, en tant qu'adulte, vous êtes heureux et en santé, plein de joie et engagé
dans des relations profondes et significatives, il vaut quand même la peine d'examiner le savoir de
vos parents, puisque vous pourriez avoir des enfants dans un certains temps, et vous allez vous-
même devenir un ''docteur'' pour eux.
Si, par contre, vous n'êtes pas heureux ou accompli en tant qu'adulte, alors il est essentiel que
vous examiniez les connaissances éthiques de vos parents. Si votre régime de santé a été établi
par un charlatan qui n'a aucune idée de ce qu'il fait, vous n'allez jamais être en santé tant que vous
suivrez ses instructions, puisque personne ne peut arriver à la vérité au hasard.
Si un fou se fait passer pour un docteur, lorsqu'un patient lui demande ses références, il va sourire
et dire ''Bien sûr que je n'en ai pas!'' Son ouverture à propos de son manque de connaissances et
de références établit sa relative innocence.
Cependant, lorsqu'un patient demande les références d'un docteur, si celui-ci évite la question, ou
devient hostile ou dédaigneux, alors le docteur est clairement conscient de ce qu'il fait à un
certain degré. Un homme qui commet un meurtre dans une station de police peut prétendre être
fou; un homme qui tue en secret et ensuite cache le corps a la capacité du rationnel, même s'il
semble incapable de vertu, et ne peut pas prétendre être cinglé.
Le fait que vos parents vont presque tout faire pour éviter la question ''Qu'est-ce que le bien?'' est
la connaissance la plus révélatrice que vous pouvez posséder. C'est le fait qui ouvre la cage de la
culture toute grande. C'est le savoir terrifiant qui va vous libérer.
Vous n'allez pas seulement bénéficier d'examiner vos parents. Vous pouvez aussi vous assoir avec
votre prêtre, et l'examiner à propos de la nature de l'existence de Dieu (c'est aussi une
conversation utile à avoir avec des parents religieux). Si vous êtes persistant, et avez fait votre
recherche à l'avance, vous allez rapidement découvrir que votre prêtre n'a pas de connaissance
certaine de l'existence de Dieu - et qu'il va devenir très inconfortable et/ou agressif si vous
persistez, et vous devriez.
Est-ce que c'est mal pour un prêtre de dire qu'il croit seulement en Dieu parce qu'il ''a un
sentiment''? En termes de vérité, pas exactement - en termes d'intégrité, absolument.
Le problème fondamental n'est pas que le prêtre prétend l'irrationalité émotionnelle de la ''foi''
comme étant sa justification de sa croyance en Dieu, mais plutôt que l'existence de Dieu vous a
été présenté comme un fait objectif, et aussi qu'on ne vous a jamais permis les mêmes critères
pour ''le savoir''.
Ces deux facettes des faussetés que l'on vous a dit lorsque vous étiez enfant sont essentielles à
votre libération en tant qu'adulte.
Quand vous étiez enfant, vous n'aviez pas la capacité de valider objectivement les
commandements de ceux qui avaient le pouvoir sur vous. Votre susceptibilité était une grande
tentation pour ceux qui aimeraient mieux être crus qu'avoir raison. Tout pouvoir tend à
corrompre, et le pouvoir que les parents ont sur leur enfant est le plus grand pouvoir du monde.
Un enfant est biologiquement prédisposé à faire confiance et obéir à ses parents - ceci a une
grande utilité, dans le sens que les parents vont souvent dire à leurs enfants de ne pas manger des
baies empoisonnées, ne pas enlever une poêle à frire brûlante du four ou ne pas courir dehors
toute la journée sans crème solaire. Les critères de la survie ont tendance à décourager d'éternels
''essai-erreurs''.
Lorsque les parents instruisent leurs enfants, ils peuvent présenter cette instruction comme étant
conditionnelle, ou absolue. Des instructions conditionnelles - ne frappe pas ton frère sauf en
légitime défense - ont tendance à amener à un nombre infini d'autres questions, et révèlent
rapidement le manque de connaissance des parents. Pendant que l'enfant continue de demander ce
qu'est réellement la légitime défense, si les attaques préventives sont acceptables, si taquiner peut
être considéré comme une attaque et ainsi de suite, les zones floues innées de tous les systèmes
d'éthique deviennent rapidement visibles.
Lorsque ces zones floues deviennent plus claires, les parents craignent encore une fois la perte de
leur autorité morale. Néanmoins, le fait que certaines zones de l'éthique sont plus difficiles à
définir que d'autres ne veut pas dire que l'éthique est une discipline purement subjective. En
biologie, la classification d'espèces très similaires pouvaient être tout aussi floue - du moins,
avant la découverte de l'ADN - mais cela ne veut pas dire que la biologie est une science
purement subjective. L'eau ne peut jamais être parfaitement pure, mais ça ne veut pas dire que
l'eau en bouteille est impossible à distinguer de l'eau de mer.
Dû à leur désir pour des commandements simples et absolus, les parents prennent une quantité
énorme de temps à amener leurs enfants le plus loin possible des ''falaises'' que sont les
complexités morales. Ils déploient une variété de tactiques abusives et distrayantes pour achever
cette fin - et toutes ces tactiques sont conçues pour convaincre l'enfant que ses parents possèdent
une connaissance absolue des affaires éthiques.
Ceci cause une grande confusion et beaucoup de ressentiment, parce que les adolescents
comprennent instinctivement la vraie corruption de leur parents.
Un faux-monnayeur respecte nécessairement la valeur de l'argent réel, puisqu'il ne passe pas son
temps et son énergie à créer des répliques exactes de l'argent Monopoly. Le faux-monnayeur
souhaite reproduire avec précision l'argent réel parce qu'il sait que l'argent réel a de la valeur - il
souhaite que sa reproduction soit aussi précise que possible parce qu'il sait que son argent faux n'a
pas de valeur.
Similairement, les parents présentent leurs opinions comme des faits parce qu'il savent que les
faits objectifs ont plus de pouvoir et de validité qu'une simple opinion. Un ''docteur'' qui fausse
ses références le fait parce qu'il sait que les références ont le pouvoir de créer la crédibilité.
Reconnaître le pouvoir de la vérité - et utiliser ce pouvoir pour renforcer des mensonges - est
abominablement corrompu. Un homme qui présente ses opinions comme des faits le les présente
ainsi parce qu'ils reconnaît la valeur des faits. Utiliser la crédibilité de la ''vérité'' pour rendre des
faussetés plus crédibles affirme et dénie simultanément la valeur de l'honnêteté et de l'intégrité.
C'est une contradiction logique fondamentale en théorie, et insupportablement hypocrite en
pratique.
Donc, lorsque les enfants grandis commencent à examiner leurs ainés, ils découvrent rapidement
que ces ainés ne savent pas réellement ce qu'ils prétendent savoir - mais en connaissaient assez
sur la valeur de la vérité pour présenter leurs opinions subjectives comme des connaissances
objectives. Ce crime hypocrite dépasse de loin les abus de la fausse monnaie, ou du faussement
de références, parce que les adultes peuvent se protéger contre la fausse monnaie ou des faux
diplômes.
La deuxième hypocrisie majeure dans le fait de présenter une opinion subjective comme si elle
était un fait objectif est que les parents réservent ce pouvoir uniquement pour eux-mêmes - et
punissent leurs enfants sur un ton moralisateur s'ils osent faire exactement la même chose.
Prenez la question d'aller à l'église. Les parents religieux disent à leurs enfants qu'ils doivent aller
à l'église. Quand les enfants demandent pourquoi, on leur dit, ''Parce que Dieu existe, et Il t'aime''
ou d'autres bêtises du genre. En d'autre mots, les parents donnent un ordre à leur enfant en
référant à des absolus objectifs. Les enfants ne sont absolument pas autorisés à dire: ''Je ne veux
pas aller à l'église parce que je n'en ai pas envie''.
Avance rapide d'une décennie environ. L'enfant - maintenant un adolescent - s'assoit avec ses
parents et leur demande: ''Pourquoi croyez-vous en Dieu ?''
S'il est persistant et bien informé, il va rapidement forcer ses parents à admettre qu'ils croient en
Dieu à cause de la ''foi''. En d'autres mots, ils n'ont pas de preuve que Dieu existe, mais croient en
Deux parce qu'ils en ont envie, puisque peu importe à quel point la foi est émotionnellement
irrésistible pour certaines personnes, ça reste un sentiment qui contredit la raison et la science.
Cependant, quand l'adolescent était un enfant, il ne lui était jamais permis de prendre des
décisions parce qu'il en avait simplement envie. Il ne lui était pas permis de rester à la maison
plutôt que d'aller à l'église parce qu'il n'avait pas envie d'y aller. Il était toujours envoyé à l'école
malgré sa préférence de rester à la maison certaines journées. Ses sentiments ne créaient pas la
vérité, et n'établissaient pas un critère objectif valide à l'action.
Lorsqu'il utilisait exactement la même méthodologie que ses parents utilisaient, on lui disait qu'il
était désobéissant, mauvais, pécheur, obstiné, immoral, têtu et mille autres péjoratifs. Pour ses
parents, agir sur la primauté des sentiments était vénéré comme une vertu absolue et objective.
Pour lui, agir sur la primauté des sentiments était un vice objectif et absolu.
Conformisme
Alors que l'enfant grandit, sa tendance à vouloir ''se mêler au troupeau'' est critiqué comme une
faiblesse immorale. Toute susceptibilité à des modes, des tics linguistiques, des possessions
précieuses, des habitudes sexuelles générales ou toute autre forme de ''pensée de groupe'' est
opposée par ses parents sur des raisons supposément objectives et morales.
Encore une fois - généralement dans l'adolescence - l'enfant commence à réaliser que ses parents
ne s'opposent pas en fait à la pensée de groupe ou au conformisme par principe, mais ne font
qu'attaquer des conformismes concurrents. Si un fils commence à se tenir avec une bande
tumultueuse, ses parents vont le critiquer et l'accuser de conformisme, mais ce n'est pas le
conformisme qu'ils opposent, mais le conformisme envers une bande qu'ils désapprouvent, plutôt
qu'avec un groupe qu'ils approuvent.
La raison pour laquelle les parents n'aiment pas la nouvelle bande de leur enfant est qu'ils ont
peur de la désapprobation de leur propre bande. Si le fils de parents religieux commence à sortir
avec un groupe d'athées, ses parents vont le critiquer pour son conformisme irréfléchi et sa
rébellion inutile - mais seulement parce qu'ils craignent d'être attaqués, critiqués ou ébranlés par
leur propres confrères religieux. En d'autres mots, ils disent essentiellement à leur fils: ''Tu ne
devrais pas être susceptible à la désapprobation de tes camarades, parce nous sommes
susceptibles à la désapprobation de nos camarades''.
L'Ignorance est-elle de L'Hypocrisie ?
L'argument est souvent fait que les parents ne sont pas conscients de toutes les complexités de
leurs propres hypocrisies, et ne sont donc pas responsables pour leurs incohérences.
Heureusement, il n'y a aucun besoin pour nous de se fier à la simple théorie pour établir la vérité
de cette proposition.
Si je vous dis de prendre l'autoroute 101 pour vous rendre à destination, et il se trouve qu'elle
vous amène dans la direction exactement opposée, quelle serait une réponse rationnelle si j'étais
réellement ignorant du fait que je vous donnais de mauvaises directions ?
Tout d'abord, j'insisterais que ce sont vraiment les bonnes directives, puisque je pense
honnêtement qu'elles le sont. Par contre, lorsque vous me montreriez une carte pour me pointer
exactement la raison pour laquelle mes directives étaient si mauvaises, je verrais la vérité, je
m'excuserais profusément, et je promettrais ouvertement de ne plus jamais donner de mauvaises
directions - et je promettrais aussi d'acheter un nombre important de cartes, et de passer beaucoup
de temps à les étudier.
Mais si je me fâchais le moment où vous me disiez que je vous ai amené dans la mauvaise
direction, et refusais de regarder aucune carte, et refusais d'admettre que j'avais tort, et si je
changeais continuellement de sujet, vous distrayant avec des manipulations émotionnelles,
devenant de plus en plus contrarié, et je finirais par sortir de la pièce en criant, vous pourriez être
incertain de bien des choses, mais vous auriez la complète certitude d'au moins une.
Vous seriez certain que je n'ai jamais voulu vous donner de bonnes directives.
Dans le domaine de la relation parent-enfant, cette réalisation est un profond et terrible choc.
Cette réalisation est comme une explosion nucléaire sur un bidonville, radiant des vagues de
destruction, écrasant les assomptions que vous aviez sur toutes vos relations existantes.
Le moment que vous réalisez que vos parents, prêtres, professeurs, politiciens - vos aînés en
général - ont seulement utilisé la vertu pour vous contrôler et vous subjuguer - comme un outil
d'injure - votre vie ne sera plus jamais la même.
Le fait terrifiant que vos ainés connaissaient le pouvoir de la vertu, mais ont utilisé ce pouvoir
pour vous contrôler, vous intimider et vous exploiter, révèle le réel sadisme qui siège au coeur de
la culture - il révèle l'affreux ''culte'' dans culture.
Un docteur qui fausse ses références est déjà mauvais - comment n'importe quelle personne saine
d'esprit jugerait un docteur qui étudie le corps humain non pas pour le soigner, mais pour causer
encore plus de douleur ?
Que pouvons-nous dire, donc, de nos parents et des autres figures d'autorité qui savent tout ce
qu'il y a à connaître sur le pouvoir et l'efficacité de l'utilisation d'arguments moraux pour contrôler
les actions et pensées des enfants - qui respectent le pouvoir le la vertu - et qui utilisent ensuite ce
pouvoir pour détruire toute capacité d'intégrité morale dans leurs enfants?
Dans les films, des terroristes vont presque invariablement kidnapper la femme ou l'enfant du
héros dans le but de le forcer à acquiescer à leurs demandes. Ses vertus - l'amour et la loyauté -
deviennent donc au service du mal. Le meilleur qu'il est, le pire qu'il doit agir. Plus il aime la
vertu, plus il est contrôlé par le mal.
Réticence
Les sociétés sont généralement construites sur des mythologies - en fait, une société peut être
décrite avec justesse comme étant un groupe de personnes qui partagent la même mythologie.
J'utilise le terme ''mythologie'' ici parce que je veux vous rendre à l'aise avec l'idée des fictions
sociales, et le degré dont elles peuvent dénaturer votre relation avec vous-même et avec les autres
- et donc votre relation avec la réalité.
Il y a deux disciplines majeures qui nous aident à dissiper les toiles d'araignée corrosives que sont
les fictions sociales et atteindre la réalité. La première est théorique, la seconde est pratique.
La première discipline est la logique, qui est le procédé d'organiser nos pensées de façon
systématique et non-contradictoire. La seconde est la science, qui est le test des théories logique
contre l'observation empirique. L'union de ces deux discipline est la philosophie, qui consiste
fondamentalement à tester des théories de connaissances à la fois sur la logique et sur
l'observation.
La logique va vous dire que deux plus deux égalent quatre, la science va vérifier que placer deux
roches à côté de deux autres roches va donner une agrégation de quatre roches.
Mais c'est la philosophie qui nous dit que la logique et le test de la réalité sont tous deux des
conditions requises pour établir la vérité. C'est la philosophie qui rejette spécifiquement la
primauté de la foi, ou la primauté de l'émotion, ou la primauté de l'autorité, ou la primauté de
l'âge, ou la primauté des préférences, ou la primauté de la biologie - ou n'importe quel autre
mécanisme idiot et exploiteur que les êtres humains ont utilisé comme substituts à la logique dans
le but d'infliger la ''vérité'' aux impuissants.
La philosophie est le contraire de la mythologie. Ou, pour être plus précis, la vérité est le
contraire du mensonge.
Nous sommes tous profondément conscients des déficiences de nos croyances. La connaissance
de base que nos croyances ne sont que des simple préjugés, infligés sur nous par nos parents et
nos professeurs, est un fait que, au fond, nous sommes parfaitement conscients. La quantité
d'énergie que nous mettons tous à prétendre autrement est époustouflante et épuisante. Il y a une
raison pourquoi la dépression est une des maladies qui prévalent le plus au monde.
La contradiction au coeur de la mythologie sociale est que ces faussetés culturelles sont toujours
présentées comme des vérités objectives et absolues.
Les Américains, par exemples, sont célèbrement fiers de leurs pays et des croyances qu'ils ont
hérité des Lumières et des Pères fondateurs. C'est une notion très étrange lorsque vous
l'examinez.
L'Américain moyen est simplement né en Amérique - c'était un simple accident, pas quelque
chose qu'il a gagné. L'Américain moyen est fier de son héritage culturel, qu'il n'a pas inventé, et
qui lui a été appris par d'autres qui ne l'ont pas inventé non plus. Croire que vous êtes vertueux à
cause que vous êtes né dans un pays en particulier est comme croire que vous êtes un excellent
entrepreneur parce que vous avez hérité beaucoup d'argent, ou que vous êtes une bonne personne
parce que vous êtes de grande taille.
L'Américain moyen n'a aucune idée des prémisses philosophiques expliquant l'idéal d'un
gouvernement limité constitutionnellement. L'Américain moyen supporte avec enthousiasme un
gouvernement qui est des centaines de fois plus oppressif et brutal que le gouvernement
britannique contre qui ses ancêtres se sont battus pour se libérer. L'Américain moyen célèbre avec
enthousiasme le Jour de l'Indépendance malgré le fait que, quand son pays a été fondé, l'esclavage
était protégé, et les droits fondamentaux des femmes et des enfants leur étaient niés.
En d'autres mots, l'Américain moyen vénère aveuglément sa propre histoire et sa culture parce
qu'on lui a enseigné à la vénérer, pas parce qu'il a une compréhension rationnelle de ses mérites et
déficiences.
Ceci ne veut pas dire que l'Amérique n'est pas un meilleur pays que, disons, la Syrie. Elle l'est, et
je suis content de ne pas vivre en Syrie. Néanmoins, la méthodologie de transmission des valeurs
de parent à enfant est la même. Les valeurs légitimes aux États-Unis sont apparues à cause de
réflexions rationnelles qui brisaient les vieilles traditions, pas à cause d'une allégeance à la saleté
et aux guenilles.
L'Américain moyen se considère supérieur au Syrien musulman moyen, parce qu'il croit à un
certain degré de séparation entre l'Église et État, supporte une démocratie limitée, les droits des
femmes et respecte certains aspects du libre marché. Il croit que ce sont de bonnes valeurs à
posséder, et critique les musulmans pour ne pas avoir les mêmes valeurs.
Le triste fait est que même si les croyances spécifiques varient de culture à culture, la
méthodologie des croyances est identique dans toutes les cultures. Le simple fait est que si
l'Américain moyen était né à des parents musulmans en Syrie, il serait tout à fait similaire au
Syrien musulman moyen. Il ne serait pas plus probable qu'il prône la séparation de L'Église et de
L'État qu'une femme occidentale née à Manhattan de porter une burka.
Soit quelqu'un est une bonne personne parce qu'il est né en Amérique, ou parce qu'il se conforme
à un certain standard objectif de bonté. Soit vous aimez une voiture parce qu'elle est une Buick,
ou les Buick sont des bonnes voitures parce qu'elles ont un excellent kilométrage.
Le patriotisme est un détournement des accomplissement des autres - généralement des ancêtres -
pour se gratifier dans notre égo comme s'ils étaient les nôtres. Cela implique une déformation
logique qui est aveuglément évidente lorsqu'on la voit.
Si quelqu'un est bon parce qu'il est né en Amérique, alors il ne peut clairement pas juger un
homme né en Arabie Saoudite comme déficient d'aucune façon, moralement ou culturellement.
L'essence de l'aristocratie - le fléau éternel de l'humanité - est la croyance que nous sommes ''nés''
dans la supériorité; que notre ''excellence'' est innée, d'une façon ou d'une autre. Cependant, si un
Américain est supérieur à un Saoudien, alors cette supériorité n'est pas gagnée. Si Bob était né en
Arabie Saoudite plutôt qu'en Amérique, il serait un musulman ''inférieur'' plutôt qu'un chrétien ou
Américain ''supérieur''. Donc la supériorité de Bob - ou l'absence de - n'a rien à voir avec ses
choix personnels, mais est plutôt défini par les accidents de la naissance et la géographie. Soit
Bob prétend être meilleur à cause de la géographie, ce qui est impossible - ou à cause de sa vertu
personnelle, et alors la géographie n'y a rien à voir.
Les Américains et les musulmans reproduisent tous deux ce qu'on leur a dit - ce qu'on leur a
infligé à travers des punitions émotionnelles lorsqu'ils étaient enfants - et l'appellent ''moralité''.
C'est exactement la même chose qu'un enfant qui est gavé de force, et qui appelle ensuite l'obésité
''morale'', pendant que l'enfant d'à côté est sous-nourri et considère ensuite avoir la peau sur les os
''moral''. Les fans de sports pensent de la même manière - d'une certaine façon, la franchise la plus
près est toujours la ''meilleure''.
Au fond, la culture est la compulsion d'appeler ce qui vous entoure ''moral'', peu importe ce que
c'est. Si vous vivez dans les montagnes, alors il est moral de vivre dans les montagnes. Si on vous
a appris à nager, alors nager est moral. Si on ne vous a pas appris à nager, alors nager est
immoral. Si on vous a enseigné à couvrir vos jambes, alors les découvrir est ''impudique''. Si on
vous a enseigné à les dénuder, alors les couvrir est ''prude''. Si on vous a montré à plier le drapeau
d'une certaine façon, alors plier le drapeau de n'importe quelle autre façon est ''irrespectueux''.
Lorsque j'avais six ans, on m'a envoyé à un pensionnat anglais. Une des règles était que je devais
porter des jarretelles autour de mes bas pour les garder hauts, surtout à l'église. On m'a dit en
termes non incertains que si j'entrais dans l'église sans mes jarretelles, j'allais ''manquer de respect
à Dieu''. Ça ne faisait pas beaucoup de sens pour moi; j'ai argumenté que Dieu avait fait mes
jambes, et que les hommes ont fait les jarretelles, et que j'étais sûr que Dieu apprécierait regarder
sa propre création plutôt que ce que les hommes ont fait.
Naturellement, mes objections ont aussi été interprétées comme étant du rouspétage immoral - je
''manquais de respect'' au directeur.
Tout ce qui vous entoure est formulé en terme d'éthique, puisque ça fonctionne. Si vous pouvez
faire croire à un enfant que quelque chose est bien ou mal, vous contrôlez son esprit, son corps,
son intelligence, son allégeance, son être. Les arguments moraux ont un pouvoir qui n'a pas d'égal
dans aucune autre forme d'interaction humaine. En terme de contrôle social, les arguments
moraux sont les ultimes armes de destruction massive.
Susceptibilité
En tant qu'enfants, nous sommes hautement susceptibles aux arguments moraux parce que nous
voulons désespérément être bons, et parce que nous savons que la ''moralité'' amène aux
félicitations, alors que ''l'immoralité'' amène à se faire punir. Quand nos parents, nos prêtres et nos
professeurs nous disent que quelque chose est ''bon'', ce qu'ils disent réellement est: ''Tu ne seras
pas puni pour ça, et tu vas peut-être même être récompensé!'' Inversement, lorsqu'on nous dit que
quelque chose est ''mal'', ce qu'on nous dit vraiment est qu'on va être puni pour faire - ou même
contempler - peu importe ce que c'est.
Nous ne sommes pas punis pour avoir été mauvais. ''Être mauvais'' est inventé pour que l'on
puisse être puni de façon ''juste''.
Ceux en autorité sont continuellement conduis à cacher leur usage perpétuel de pouvoir sur leurs
victimes. Nos professeurs n'aiment pas nous dire directement que nous serons punis si on leur
désobéit, puisque c'est une démonstration de pouvoir abusif beaucoup trop dénudée.
Si notre professeur nous disait : ''Si tu me ments, je vais te punir''- et laissait ça comme ça, alors
mentir serait toujours plus ou moins un risque calculé - et être puni pour avoir menti n'aurait pas
plus de signification morale que d'avoir une pénalité en jouant au basket-ball. Si un professeur
enseigne une classe de 30 élèves, chacun calculant s'il peut dire un mensonge sans se faire
prendre, alors clairement, plus il y a d'enfants qui mentent, plus chaque mensonge devient
difficile à détecter, tout comme il est plus difficile de déterminer quels enfants parlent quand il y a
20 enfants qui discutent plutôt que seulement deux.
De plus, si un parent utilise ouvertement la force brute pour obliger la docilité à un enfant, alors
nos cerveaux vont immédiatement extraire un principe de cette interaction. Dans nos esprits,
chaque décision et interaction est extrapolée involontairement en principe. Si nos parent nous
poussent à être dociles avec la force, alors le principe que nous extrayons de cette interaction est:
''Quiconque a le pouvoir devrait l'utiliser pour contrôler abusivement n'importe qui d'autre''. Ou:
''Quiconque a le plus de pouvoir devrait infliger sa volonté sur quiconque en a moins''.
Dû au déclin naturel de la vie organique, ceci est un principe plutôt dangereux à établir pour les
parents. Si on pense à une mère monoparentale qui élève ses deux garçons, on peut voir assez
facilement que de créer un principe appelé ''la force brute décide'' - même si elle aura
certainement une utilité pratique lorsqu'ils sont jeunes - ne la servira guère lorsque ses garçons
atteindront l'adolescence, et deviendront physiquement bien plus forts qu'elle. Même les pères
vont atteindre la faiblesse physique par rapport à leurs fils, et donc profiteront très peu d'appliquer
le principe ''Quiconque a le plus de pouvoir devrait infliger sa volonté sur quiconque en a moins''.
Donc l'usage de la force doit être voilée à jamais dans le brouillard de ''l'éthique''. C'est une affaire
très difficile logiquement, puisque ce qui est requis est un appel simultané à un principe, et à une
personne - ce qui est directement contradictoire.
L'Appel Contradictoire
Lorsque votre père dit ''Honore ton père et ta mère'', il invoque à la fois un principe et une
personne. Le principe est que tous les pères et mères sont honorables, et méritent donc le respect.
La personne est qu'il invoque lui-même et votre mère spécifiquement - ton père et ta mère.
Dire ''Honore ton père et ta mère'' est comme dire ''Honore toutes les femmes qui sont mon
épouse''. Si je dois honorer toutes les femmes, donc je vais automatiquement honorer votre
épouse, puisqu'elle est une femme. Si je dois honorer votre épouse, il n'y a donc aucune raison de
dire que je dois l'honorer en tant que femme, puisque ça impliquerait d'honorer toutes les femmes
encore. C'est un ou l'autre.
Si vous devez honorer la catégorie ''père'' et ''mère'', alors vous devez respecter tous les pères et
mères également. Montrer une préférence pour vos propres parents serait injuste.
Si vous devez montrer une préférence pour votre propre mère et père, alors la catégorie de ''mère''
et de ''père'' est sans rapport. Il doit y avoir une autre raison que vous devez honorer ces individus
en particulier.
Si vous devez accorder de l'honneur à votre père et votre mère en tant qu'individus, et pour aucun
principe objectif, alors ce qui est réellement exigé n'est pas de l'honneur, mais de l'obéissance
envers des individus sous le déguisement de l'honneur et du principe.
Cette contradiction logique de base, même si compliquée à discuter, est quelque chose que
chaque enfant comprend instinctivement. Quand notre mère exige qu'on la respecte, ne sentons-
nous pas du dédain, de la frustration et du désespoir ? Exiger le respect est comme exiger l'amour,
ou détourner un avion. C'est ordonner une destination, plutôt que de respecter le libre choix des
individus.
On ne peut pas imaginer quelqu'un détourner un avion dirigé vers Vladivostok et ordonner
''Emmenez moi à Vladivostok'' ! Des gens détournent des avions parce qu'il ne va pas où ils
veulent qu'il aille.
Contrôle Efficace
Si, cependant, à travers l'intimidation, la distinction entre le principe et la personne peut être
brouillée et enterrée, un méchanisme de contrôle beaucoup plus efficace est atteint. Si un enfant -
ou un citoyen - peut être appris à obéir une personne comme si celle-ci était un principe
universel, les fondations d'une dictature hégémonique sont fermement établies, que ce soit dans la
famille, l'église, l'école ou l'État. Si l'esprit d'un enfant peut être enseigné à obéir les lubies d'un
individu au même degré que le corps de l'enfant obéit à la gravité, alors un contrôle presque
parfait peut être établi.
Bien sûr, ce contrôle vient avec un terrible coût - et un terrible risque. Le coût est accumulé à la
fois au parent et à l'enfant, comme c'est le cas dans toutes les interactions corrompues. En
utilisant des principes faux et incohérents pour enseigner l'enfant à obéir une personne plutôt
qu'un principe, la capacité de l'enfant à extraire des principes des interactions est paralysée. De
tels enfants grandissent et répètent inévitablement des modèles destructeurs dans leurs relations,
sans aucune capacité d'apprendre de leur erreurs. Comment pourraient-ils ? Ils ont été enseignés à
obéir des individus par principe - comment peuvent-t-ils de façon concevable extraire des
principes généraux du comportement de ces individus ? Ce serait comme espérer que l'eau se
mette à couler par en haut. S'attendre à ce que des gens comme ceux-là puissent extraire des
principes de leurs interactions avec les autres est similaire à s'imaginer qu'un moine croyant que
le monde suit les caprices des dieux pourrait découvrir la théorie de la relativité - ou la méthode
scientifique elle-même.
Pour les parents, le coût est une peur perpétuelle et grandissante de l'intelligence et la perception
de leurs enfants, qui se manifeste dans une variété de façons, telles qu'une absense d'expression,
un mépris corrosif, une indifférence paresseuse ou une irritabilité pinailleuse.
Pour nos parents - et nos aînés en général - le monde moderne a pratiquement garanti que la fête
se termine.
L'antidote d'une fausse moralité est une multiplicité de fausses moralités. L'antidote d'un préjugé
irrationnel est plusieurs préjugés irrationnels.
C'est en étant capable de voir le monde en entier que nous pouvons finalement nous libérer.
Détonner la Mythologie
Si nous avions seulement été exposé au français, nous ne l'appellerions pas ''français'' mais
simplement ''la langue''. La nécéssité de différentier le français comme une langue survient
uniquement lorsque nous entrons en contact avec d'autres langues.
De la même façon, si nous sommes seulement exposés à nos mythologies, nous ne pensons pas à
ceux-ci comme étant des mythologies, mais la vérité. Si nous connaissons seulement notre propre
dieu, alors on peut référer à cette fiction sous le nom de ''Dieu'' - ceci est à un univers de dire ''un
dieu'', ou plus précisément ''notre dieu''.
En notre for intérieur, chacun de nous sait que notre foi en nos contes de fées fragiles peut
seulement être maintenue si nous évitons constamment les contes de fées concurrents. Ceci a
tendence à paralyser notre capacité pour l'empathie - nous devons ridiculiser les croyances idiotes
des autres cultures, et ne jamais faire le saut terrifiant d'essayer de voir notre propre culture à
travers leurs yeux.
La peur et la haine qui gâche si souvent les relations entre différents groupes culturels ne surgit
pas par ignorance, mais plutôt par connaissance. les chrétiens se sentent très mal à l'aise autour de
musulmans - et les musulmans très inconfortables autour de chrétiens - non pas parce qu'ils sont
différents, mais parce qu'ils sont pareils. Deux femmes infidèles qui connaissent chacun les
secrets de l'autre ne seront pas à l'aise du tout si on les force à souper ensemble - non pas parce
qu'elles n'en savent pas assez sur l'autre, mais parce qu'elles en savent trop.
La seule façon dont la mythologie peut dominer génération apres génération de façon soutenable
est en faisant semblant qu'elle n'est pas un mythe, mais la réalité.
Imaginez que l'eau coulant du robinet est consciente, et peut réfléchir. Maintenant, imaginez que
je fais couler cette eau dans une variété de contenants de verre, chacun ayant une forme
différente. L'eau, puisqu'elle est consciente, va sans doute se féliciter pour son individualité.
Puisqu'elle serait incapable de voir le verre qui la contient, et fait sa propre forme, elle croirait
honnêtement que sa véritable forme physique est un gobelet, un bocal, une éprouvette ou un verre
à martini.
L'eau remplissant l'éprouvette regarderait toutes les autres formes de verres autour d'elle et serait
énormément amusée. ''Ne savent-ils pas à quel point ils ont l'air ridicules de l'extérieur ?
Imaginent-ils que cela peut être leur vraie forme ? C'est de la folie !'' elle glousserait, pressée
contre le verre de sa propre prison conceptuelle. Et l'eau contenue dans le verre à martini
regarderait tous les autres contenants - incluant l'éprouvette - et dirait exactement la même chose.
Et ceci, en vérité, est l'état de toutes les différentes cultures autour du monde. Chacun de nous est
versé dans un contenant de verre, qui représente ce que nous croyons être la vérité, qui nous
fournit une forme et une identité, que nous prenons pour ''la nature humaine''. Et ceci peut
fonctionner relativement bien - du moins jusqu'à ce que l'on puisse voir les autres contenants de
verre qui nous entourent.
Pour un temps, nous allons nous efforcer à maintenir l'illusion que seulement les autres sont
contenus dans un contenant de verre - pas nous ! Néanmoins, il y a ceux parmi nous qui peuvent
se libérer de la cage de verre qu'est la culture - nous nous tenons en dehors de tels contenants, et
de notre point de vue, la différence de forme des contenants est pratiquement sans importance.
La forme et la grosseur de votre prison n'est pas importante. Le fait que vous êtes dans une prison
l'est.
Le savoir que vous êtes dans une prison n'a pas à être appris. Il doit seulement être accepté. Ce
n'est pas quelque chose que vous ne savez pas. Au fond de vous, vous êtes parfaitement conscient
que ce que vous appelez la vérité ne sont que la physique magique de contes de fées invisibles.
Comme pour toutes les idées dans ce livre, nul besoin de me croire sur parole pour quoi que ce
soit. Vous pouvez facilement découvrir votre profonde connaissance de ce fait avec quelques
expériences très simples.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, vous pouvez vous assoir avec vos parents et leur poser des
questions sur la bonté. Vous pouvez vous assoir avec vos amis et leur dire que vous avez peur que
vous vivez une fiction qui sape votre joie et votre indépendance. Vous pouvez aller dans une
mosquée et demander si vous pouvez observer. Vous pouvez essayer de vous mettre dans le
''contenant de verre'' de quelqu'un d'autre et voir comment vous vous sentez.
Essayez-le. Fermez les yeux pendant un instant et imaginez vous assoir avec vos parents pour
leur demander ce qu'est la bonté, ou prendre un verre avec vos amis et discuter des mythologies
sociales. Sentez vous de la nervosité ? Sentez vous un papillon inconfortable et un malaise dans
votre estomac simplement à penser à une telle honnêteté et curiosité ?
Pourquoi ? Pourquoi avez-vous peur ? Pourquoi n'avez-vous jamais posé ce genre de questions ?
Qui vous a dit que ce genre de questions n'était pas permis ? Avez vous déjà été puni pour avoir
posé ce genre de questions dans le passé ? Existe-t-il une loi interdisant de poser ce genre de
questions ?
Ce n'est pas la lâcheté qui fait que vous avez peur. C'est la sagesse qui fait que vous avez peur.
Toute notre vie, nous sommes entourés de personnes qui disent nous aimer. Nos parents
prétendent perpétuellement être motivés par ce qu'il y a de mieux pour nous. Nos enseignants
proclament que leur seule motivation est de nous aider à apprendre. Nos prêtres nous font part de
leurs inquiétudes envers nos âmes éternelles, et les membres de notre famille élargie annoncent
encore et encore leur dévouement au clan.
Quand des gens prétendent nous aimer, il n'est pas déraisonnable de s'attendre qu'ils nous
connaissent. Si vous me dites que vous aimez la Thaïlande, mais il se trouve que vous n'y êtes
jamais allé, et en savez bien peu sur ce pays, alors il est difficile pour moi de croire que vous
l'aimez vraiment. Si je dis que j'aime l'opéra, mais n'écoute jamais d'opéra - vous comprenez
l'idée générale !
Si je vous dis que je vous aime, mais je connais très peu sur vos véritables opinions et sentiments,
et je n'ai aucune idée de ce que peuvent être vos vraies valeurs - ou même peut-être quels sont vos
livres, auteurs ou films préférés - alors il devrait être logiquement très difficile pour vous de me
croire.
C'est certainement le cas dans ma famille. Ma mère, mon frère et mon père faisaient tous trois des
prétentions extravagantes sur leur amour pour moi. Cependant, lorsque j'ai finalement demandé à
chacun d'entre eux de me dire quelques faits sur moi - quelques unes de mes valeurs et
préférences - j'ai eu droit à un tripode parfait de regards vides.
Donc, j'ai pensé, si des gens qui ne savent presque rien sur moi prétendent m'aimer, alors soit ils
mentent, ou je ne comprends rien du tout à l'amour.
Je n'irai pas dans les détails de mes théories sur l'amour ici, autre que de dire que, à mon avis,
l'amour est notre réponse involontaire à la vertu, tout comme le bien-être est notre réponse
involontaire à un style de vie sain. (Notre affection pour nos bébés est davantage de l'attachement
qu'un amour mature, puisqu'elle est partagé avec le royaume animal.)
La vertu est un sujet compliqué, mais je suis sûr que nous pouvons nous entendre que la vertu
doit impliquer quelques bases qui sont généralement comprises, comme le courage, l'intégrité, la
bienveillance, l'empathie, la sagesse et ainsi de suite.
Si c'est bien le cas, il est impossible d'aimer des gens que nous connaissons très peu. Si l'amour
requiert la vertu, alors nous ne pouvons pas aimer des parfaits étrangers, parce que nous ne
connaissons rien sur leurs vertus. L'amour dépend à la fois de la vertu de l'autre personne, et notre
connaissance de celle-ci, et il grandit en proportion à cette vertu et connaissance, si nous sommes
vertueux nous-mêmes.
Pendant mon enfance, à chaque fois que j'exprimais une pensée personnelle, un désir, un vœu,
une préférence ou un sentiment, j'étais généralement accueilli avec des yeux tournés au ciel, de
l'incompréhension, de l'évitement et, bien trop souvent, un mépris pur et simple. Ces diverses
''tactiques de rejet'' étaient complètement joints avec des expressions d'amour et de dévouement.
Quand j'ai commencé à m'intéresser à la philosophie - à l'origine avec les travaux d'Ayn Rand -
mon amour grandissant pour la sagesse a été rejeté du revers de la main comme une sorte de
dysfonctionnement psychologique.
Puisque ma famille savait très peu de chose sur mes vertus - et n'aimaient pas ce qu'ils savaient -
donc nous ne pouvions pas tous être vertueux. Si ils étaient vertueux, et n'aimaient pas mes
valeurs, alors mes valeurs ne pouvaient pas être vertueuses. Si moi, j'étais vertueux, et ils
n'aimaient pas mes valeurs, alors ils ne pouvaient pas être vertueux.
Et de cette façon, j'ai commencé à essayer de créer une ''carte éthique'' de ma famille.
C'est la chose la plus effrayante que j'ai jamais faite. La quantité de résistance émotionnelle que
j'ai ressenti envers l'idée d'essayer de comprendre rationnellement et moralement ma famille était
stupéfiante - c'était littéralement comme si je courais directement vers le bout d'une falaise.
Bien, parce que je savais qu'ils mentaient. Je savais qu'ils mentaient à propos de leur amour pour
moi et je savais que, en prétendant être confus sur la question, je mentais aussi - et à moi-même, la
pire de toutes les faussetés.
Dire le mot ''succès'' est bien plus facile que d'obtenir le succès. Prononcer le mot ''amour'' est
beaucoup plus facile que d'aimer quelqu'un pour les bonnes raisons - et être aimé pour les bonnes
raisons.
Si nous n'avons aucun standard pour être aimés, alors la paresse et l'indifférence va
inévitablement en résulter. Si j'ai un emploi où je travaille à la maison, et personne ne vient voir
mon travail, et je n'ai jamais rien à produire, et je me fais toujours payer peu importe ce qui
arrive, et je ne peux pas me faire renvoyer, combien de temps faudra-t-il avant que mon éthique
de travaille décline ? Des jours ? Des semaines ? Certainement pas des mois.
Une des questions les plus importantes à poser dans n'importe quelle examination de la vérité est
''comparé à quoi ?'' Par exemple, si je vous dis que je vous aime, il y a implicitement dans cette
affirmation une préférence pour vous sur les autres. En d'autres termes, comparé aux autres, je
vous préfère. Nous préférons l'honnêteté à la fausseté, être rassasié à être affamé, la chaleur au
froid, et ainsi de suite.
Il n'est pas logiquement valide d'assimiler le mot ''amour'' à ''famille''. Le mot ''famille'' est une
simple description d'une similarité biologique - il ne fait pas plus de sens d'égaliser ''famille'' avec
''amour'' que d'égaliser ''amour'' avec ''mammifère''. Donc le mot ''amour'' doit vouloir dire une
préférence comparé à - quoi ?
Il est impossible d'avoir des standards pour l'amour si nous n'avons aucun standard pour la vérité.
Puisqu'être honnête est mieux que de mentir, et le courage est meilleur que la lâcheté, et la vérité
est meilleure que le mensonge, nous ne pouvons pas avoir d'honnêteté ou de courage à moins de
supporter quelque chose de vrai. Alors lorsque nous disons que nous ''aimons'' quelqu'un, ce que
nous voulons vraiment dire est que ses actions sont cohérentes comparé à un standard rationnel de
vertu. De la même façon, si je dis que quelqu'un est ''en santé'', ce que je veux réellement dire est
que ses organes fonctionnent de façon cohérente, relatif à un standard rationnel de bien-être.
Donc l'amour n'est pas une préférence subjective, ou une similarité biologique, mais notre
réponse involontaire à des actions vertueuses de la part d'un autre.
Si nous comprenons vraiment cette définition, il est facile pour nous de voir qu'une société qui ne
connait pas la vérité ne pourra jamais connaître l'amour.
Si la vertu est impossible, nous sommes forcés de faire semblant d'être vertueux, à travers le
patriotisme, les loyautés au clan, la fierté culturelle, des conformités superstitieuses et autres
contrefaçons amorales.
Si la vertu est impossible, alors l'amour est impossible, parce que les actions ne peuvent être
comparés à aucun standard de bonté. Si l'amour est impossible, nous sommes forcés de recourir à
la sentimentalité, ou l'apparence extérieure et superficielle d'amour.
Donc il peut être dit que n'importe quel ensemble de principes qui interfère avec notre aptitude à
connaître et comprendre la vérité nous évide, sapant et détruisant notre capacité à aimer. Des faux
principes, des illusions, des fantaisies et des mythologies nous séparent les uns des autres, nous
éloigne de la vertu, de l'amour, des véritables connexions que nous pouvons accomplir
uniquement par la réalité.
À ce point, je pense qu'il vaudrait la peine de souligner les différences entre l'imagination et la
fantaisie, parce que beaucoup de gens, après avoir entendu mes critiques de la mythologie,
pensent qu'ils ne sont plus supposés d'aimer la Guerre des Étoiles.
L'imagination est une faculté créative profondément enracinée dans la réalité. La fantaisie, de
l'autre côté, est une simple espèce de souhait intangible. Il a fallu à Tolkien des décennies d'études
et d'écriture pour produire ''Le Seigneur des Anneaux'' et chaque partie de ce roman était
cohérente avec le tout. Ceci est un exemple d'imagination. Si je paresse en rêvassant que je vais
un jour faire une fortune en écrivant un meilleur roman que ''Le Seigneur des Anneaux'' - mais je
ne commence jamais à écrire - ceci est un exemple de fantaisie. L'imagination a produit la théorie
de la relativité, pas rêver de gagner un jour un prix Nobel.
Les rêves éveillés qui ne sont jamais convertis en action sont l'ultime procrastination. Imaginer un
merveilleux futur que vous ne devez jamais agir pour accomplir vous empêche d'accomplir un
merveilleux futur.
De la même manière, imaginer que vous connaissez la vérité lorsque vous l'ignorez vous empêche
à jamais d'apprendre la vérité. Rien n'est plus dangereux que l'illusion de la connaissance. Si vous
allez dans la mauvaise direction, mais n'en doutez jamais, vous n'allez jamais faire demi-tour.
Comme Socrate l'a remarqué il y a plus de 2000 ans, le doute est la sage-femme de la curiosité, et
la curiosité accouche de la sagesse.
La fantaisie est l'opposé du doute. La mythologie fournit des réponses instantanées alors que les
gens ne savent même pas quelles sont les questions. Au Moyen-âge, lorsque quelqu'un demandait
''D'où vient le monde ?'' on lui répondait: ''Dieu l'a fait''. Ceci dissipait efficacement la nécessité
de demander la question plus importante: ''Qu'est-ce que le monde ?''
Parce que les gens religieux croyaient savoir d'où venait le monde, il y avait peu de raisons de
demander ce que le monde était. Parce qu'il y avait peu de raisons de demander ce qu'était le
monde, ils n'ont jamais appris d'où est venu le monde.
Définir l'Amour
Si les gens fantasment qu'ils connaissent la vérité, alors ils arrêtent inévitablement de chercher la
vérité. Si je me dirige vers ma maison, je vais arrêter de conduire lorsque je serai arrivé. Si les
gens fantasment qu'ils savent ce qu'est la bonté, ils vont inévitablement arrêter d'essayer de
comprendre la bonté.
Et, encore plus important, si les gens fantasment qu'ils sont déjà bons, ils arrêtent d'essayer de
devenir bons. Si vous voulez un bébé, et vous croyez être enceinte, vous arrêtez d'essayer de
devenir enceinte.
La question - dont nous savons déjà la réponse - demeure donc: Pourquoi les gens qui prétendent
nous aimer ne nous disent jamais ce qu'est l'amour ?
Si je suis un mathématicien accompli, et mon enfant vient me voir et me pose des question sur ses
tables de multiplications, il serait impoli et grossier de ma part de débouter ses questions. Si je
vais voir ma mère, qui depuis 20 ans a prétendu m'aimer, et je lui demande ce qu'est l'amour,
pourquoi refuse-t-elle de répondre à mes questions ? Pourquoi est-ce que mon frère lève les yeux
au ciel et change de sujet à chaque fois que je lui demande ce qu'il aime de moi ? Pourquoi mon
père prétend-t-il m'aimer, tout en rejetant continuellement tout ce qui m'est cher ?
Pourquoi toutes les personnes autour de moi utilisent-ils perpétuellement des mots qu'ils refusent
de définir ? Sont-ils remplis de connaissances qu'ils ne peuvent exprimer ? Ce n'est pas une bonne
raison pour éviter continuellement le sujet. Un romancier qui écrit instinctivement ne devrait pas
logiquement devenir hostile si on lui demande la source de son inspiration. Il ne donnera peut-
être pas une réponse parfaite, mais il n'aurait aucune raison d'éviter perpétuellement le sujet.
Sauf si...
Nous savons que les gens qui prétendent nous aimer savent très peu de choses sur nous, et rien du
tout sur l'amour.
Nous savons que les gens qui prétendent nous aimer font cette affirmation dans le but de créer des
obligations en nous.
Nous savons que les gens qui prétendent nous aimer font cette affirmation dans le but de nous
contrôler.
Il est complètement évident qu'ils le savent, puisqu'ils savent exactement quels sujets éviter. Un
faux monnayeur n'aura aucun problème à se faire demander quelle est la capitale du Madagascar.
Il aura un problème, par contre, à se faire demander si vous pouvez vérifier l'authenticité de son
argent. Pourquoi est-ce le seul sujet qu'il essaiera d'éviter à tout prix ?
Et il sait aussi que, si vous l'apprenez, il ne pourra plus s'en servir pour vous voler.
Obligations
Si j'ai un restaurant, et que j'accepte de la fausse monnaie d'un escroc, mais je ne sais pas que son
argent est faux, alors je suis obligé de lui remettre ce qu'il a ''acheté''.
De la même façon, si je crois que je suis aimé - même lorsque je ne suis pas aimé - je suis jusqu'à
un certain point obligé par l'honneur de retourner cet amour. Si ma mère me dit qu'elle m'aime, et
qu'elle est vertueuse, alors elle doit m'aimer parce que je suis vertueux. Vu qu'elle est elle-même
vertueuse, alors je lui ''dois'' l'amour par justice, tout comme je dois la confiance à quelqu'un qui
agit constamment de manière digne de confiance.
Alors lorsque quelqu'un essaie de nous convaincre qu'il nous aime, il essaie en fait de créer une
obligation en vous. Si j'essaie de vous convaincre que je suis digne de confiance, c'est parce que
je veux tous les bénéfices d'être traité comme quelqu'un de fiable. Si je suis en fait une personne
digne de confiance, alors je dois comprendre la nature de la confiance - du moins à un certain
niveau - et donc je dois savoir qu'elle ne peut pas être exigée, mais doit être gagnée. Puisque
gagner la confiance est plus difficile que de l'exiger, je dois savoir la véritable valeur de la
confiance, parce que dans le cas contraire, je n'aurais pas fait l'effort de la gagner avec un
comportement cohérent - je l'aurais exigé, tout simplement, et sauté toutes les choses dures !
Si vous exigez la confiance, vous exigez ce qui n'a pas été gagné, ce qui indique que vous ne
croyez pas l'avoir gagné. Donc quiconque exige la confiance est automatiquement indigne de
confiance.
En d'autres mots, je veux voler votre argent et vous mettre en mon pouvoir.
Amour et Vertu
Si je suis vertueux, les autres personnes vertueuses vont me considérer au moins avec respect,
sinon l'amour. Les personnes corrompues ou mauvaises vont peut-être me regarder avec un
certain respect, mais elle ne vont sûrement pas m'aimer.
Donc, être vertueux et refuser d'exiger l'amour de personne est la meilleure façon de trouver
d'autres personnes vertueuses. Si vous êtes une personne vertueuse et non-exigeante, alors les
autres gens vertueux vont graviter naturellement autour de vous. La vertu qui ne s'impose pas aux
autres est comme un aimant pour la bonté, et repousse la corruption.
Si mon courtier de finances me donne constamment un retour de 30% sur mes investissements,
est-ce qu'il y a aucun montant que je ne vais pas lui donner autre que ce que j'ai besoin pour
vivre ? Bien sûr que non! Puisque je sais que je vais toujours recevoir plus que ce que je donne.
Si je suis vertueux, je vais inévitablement me sentir incliné vers d'autres gens vertueux - et plus
ils sont vertueux, plus je vais les aimer. Mon énergie, mon temps et mes ressources vont être à
leur disposition, parce que je sais que je ne serai pas exploité, et qu'il vont répondre de manière
réciproque à ma générosité.
Si on s'est prêté, vous et moi, de l'argent à chacun à travers les années, et vous m'avez toujours
remboursé, la prochaine fois que venez me voir pour un prêt, il serait injuste de ma part de refuser
de vous prêter quoi que ce soit parce que je ne pense pas que vous allez me rembourser. Votre
honnêteté perpétuelle envers moi en affaires a créé une obligation en moi envers vous. Ça ne veut
pas dire que je dois vous prêter de l'argent à chaque fois que vous me le demandez, mais je ne
peux pas prétendre de façon justifiée que ma raison de ne pas vous prêter l'argent est une
croyance que vous n'allez pas me rembourser.
Pareillement, si vous avez été mon épouse depuis 20 ans, et je ne vous ai jamais trompé, si une
femme appelle et raccroche tout de suite, il serait injuste de votre part de m'accuser
immédiatement d'infidélité.
Une tactique centrale pour créer d'artificielles et injustes croyances en d'autres est d'exiger leur
opinion positive, sans être consentant à la gagner. La façon la plus efficace de faire ceci est
d'offrir une opinion positive qui n'a pas été gagnée - de prétendre aimer les autres.
Si, dans les 20 dernières années, je n'ai que rarement remboursé l'argent que je vous ai emprunté,
il est parfaitement raisonnable pour vous de me refuser un prêt additionnel. Je vais peut-être alors
me fâcher, vous dire que vous êtes injuste, et vous ordonner de me traiter comme si j'étais digne
de confiance, mais il ne serait guère vertueux de votre part d'obéir à mes souhaits. En effet, il
serait malhonnête et injuste pour vous d'ignorer mon manque de fiabilité, parce que vous agiriez
comme s'il n'y avait aucune différence entre quelqu'un qui rembourse ses prêts et quelqu'un qui ne
le fait pas.
Lorsqu'on agit de façon vertueuse envers d'autres, nous créons un réservoir de bonne volonté où
nous pouvons aller puiser, tout comme lorsque nous mettons nos économies dans une banque. Un
homme peut agir imparfaitement et être aimé quand même, tout comme il peut manger une barre
de chocolat à l'occasion et être quand même en santé, mais il y a une condition requise de
constance dans toute discipline. Je pourrais probablement frapper un coup de circuit dans un parc
des ligues majeures une fois aux mille lancers, mais ca ne ferait guère de moi un joueur de
baseball professionnel!
Si j'agis de façon digne de confiance, je n'ai pas à vous demander de m'aimer - et en fait, je serais
très imprudent de le faire. Soit vous allez me faire confiance volontairement, ce qui veut dire que
vous respectez les comportements honorables et constants, et répondez donc justement à ceux qui
font le bien, ou vous n'allez pas me faire confiance volontairement, ce qui veut dire que vous ne
répondez pas justement au comportement fiables, et donc êtes vous-même indigne de confiance.
Si, d'un autre côté, je viens vers vous et j'exige que vous me fassiez confiance, je m'engage dans
un calcul complexe de contrefaçon et de pillage.
La première chose que j'essaie de faire est d'établir si vous connaissez quoi que ce soit à la
confiance. La deuxième chose est de mesurer votre niveau d'estime de vous-même. La troisième
chose est de vérifier si vous connaissez quoi que ce soit à l'intégrité.
Un attaquant va toujours essayer de trouver la fissure la plus faible dans votre armure. Si j'exige
votre amour, et vous acceptez de me le donner - sans aucune preuve antérieure - alors je sais que
vous ne connaissez rien à la confiance. Similairement, si votre confiance ne nécessite pas d'être
gagnée, alors je sais que vous manquez de confiance en vous et d'estime de vous-même. Si vous
êtes disposé à me traiter comme si j'étais digne de confiance quand je ne suis pas digne de
confiance, alors il est clair pour moi que vous en savez très peu sur l'intégrité.
Cela me dit tout ce que j'ai besoin de savoir sur votre histoire personnelle. Ça me dit que vous
n'avez jamais été traité avec respect lorsque vous étiez enfant, et que l'on ne vous a jamais
enseigné à juger les gens sur des standards indépendants, et qu'à chaque fois que vous avez essayé
de défendre vos opinions et vos valeurs, votre famille vous a attaqué.
Je ne peux créer une obligation en vous à moins que vous acceptiez que je vous ai traité de façon
juste dans le passé. Comme toutes choses, il est bien plus facile de convaincre une personne
faible que vous l'avez traité justement que de réellement traiter les gens d'une manière juste et
constante. Si je peux vous convaincre que je vous ai traité justement dans le passé, alors vous me
''devez'' la confiance et le respect dans le présent.
Imaginez que nous sommes frères, et qu'un jour vous vous réveillez d'un coma et vous me voyez
assis à côté de votre lit. Après quelques discussions, je vous dis que vous me devez 1000$, que
vous m'avez emprunté le jour de votre accident. Je vous dis que puisque je suis un bon frère et
que vous êtes a l'hôpital, vous n'êtes pas obligé de me rembourser le mille dollars - j'aimerais
simplement que vous vous en souveniez, pour que la prochaine fois que j'ai besoin d'emprunter
1000$, vous allez me le prêter.
Vous pourriez regarder dans les poches des pantalons que vous portiez le jour de votre accident,
et vous pourriez aussi regarder dans votre appartement pour voir s'il y a un 1000$ qui traîne à
quelque part, mais il n'y aurait pas de façon de prouver hors de tout doute que je ne vous ai pas
prêté l'argent. Vous devrez alors soit me traiter de menteur - une accusation dont vous n'avez
aucune preuve - ou bien vous sentir substantiellement plus obligé à me prêter de l'argent dans le
futur.
Si vous me traitez de menteur, je vais me fâcher. Si vous acceptez l'obligation sans jamais trouver
le 1000$, vous allez éprouver du ressentiment. Dans les deux possibilités, notre relation est
blessée - et en vous parlant du 1000$, j'ai introduit volontairement une complication et du
soupçon dans notre relation - ce qui n'est guère aimant, juste ou bienveillant.
Ceci est la sorte de tromperie et d'imposture qui se passe tout le temps dans les relations
interpersonnelles - spécialement dans les familles.
Lorsque nos parents nous disent qu'ils nous aiment, il exigent en fait qu'on leur donne l'amour. Ils
nous disent, à la base, qu'ils nous ont prêté 1000$ - même si nous ne pouvons nous en souvenir -
et donc que nous leur devons la confiance dans l'avenir - si ce n'est pas 1000$ dans le présent !
En d'autres mots, nos parents passent une quantité énorme d'énergie à nous convaincre qu'ils nous
''aiment'' afin de pouvoir créer des obligations artificielles en nous. En faisant cela, ils prennent
un terrible risque - et nous forcent à faire un choix encore plus terrible.
Imposture
Quand quelqu'un vous dit qu'il vous aime, c'est soit une affirmation de respect authentique, basée
sur une vertu mutuelle, ou c'est une exigence injuste et exploiteuse pour votre argent, temps, vos
ressources ou votre approbation.
Soit l'amour est réel, et une véritable joie, ou bien l'amour est faux, et la forme de vol la plus
lâche et corrompue que l'on puisse imaginer.
Si l'amour est réel, alors il n'inflige aucune obligation injuste. Si l'amour est réel, il est donné
gratuitement sans exigences. Si un homme bon vous donne son amour, et vous ne lui retournez
pas, alors il réalise simplement qu'il s'est trompé, apprend un peu et repart. Si une femme vous dit
qu'elle vous aime, et ensuite s'indigne de toute hésitation ou manque de retour d'affection que
vous démontrez, alors elle ne vous aime pas, mais utilise le mot ''amour'' comme une sorte
d'appât, pour vous piéger à faire ce qu'elle veut de vous, à votre détriment.
Comment pouvez-vous savoir si l'amour que quelqu'un exprime pour vous est authentique ?
C'est très, très simple.
Bien, nous devons soit nous soumettre à leur exigence, et faire semblant de répondre
pareillement, ou bien nous devons la confronter sur sa manipulation - et menacer la base entière
de la relation.
Une personne qui nous aime vraiment ne nous mettrait-elle jamais dans cette terrible position ?
Société et Religion
Le principe d'infliger une bonne opinion afin de créer une obligation injuste se passe aussi au
niveau social. Des soldats sont supposé d'être morts pour ''nous protéger'' ce qui crée une
obligation pour nous de supporter les troupes. Le simple fait d'être né dans un pays crée une
obligation à vie de payer des impôts à la pointe d'un fusil, afin de recevoir des services que l'on
n'a jamais directement demandé. La célèbre citation de John F. Kennedy, ''Ne demandez pas ce
que votre pays peut faire pour vous, mais plutôt ce que vous pouvez faire pour votre pays'' est une
autre façon de dire: ''Un d'entre nous va se faire arnaquer dans cette interaction, et ce ne sera pas
moi !''
La même chose se passe dans le domaine de la religion, bien sûr. Jésus est mort pour vos péchés,
Dieu vous aime, vous allez être puni si vous n'obéissez pas, l'enfer est la destination des non-
croyants, etc. etc. etc.
Toutes ces ruses émotionnelles sont conçues pour créer une obligation en vous qui n'existerait pas
dans aucun univers rationnel.
Inconscient ?
Toutes ces critiques substantielles reposent sur la prémisse que les gens savent réellement ce
qu'est l'amour, et le faussent pour leur gain personnel - tout comme n'importe quelle critique d'un
faux-monnayeur repose sur la prémisse qu'il sait ce qu'est l'argent, et le contrefait pour son gain
personnel.
Naturellement, il est difficile d'imaginer que les gens autour de nous essaient constamment de
nous infliger des obligations injustes en appelant à une sorte fantastique de mythologie sociale.
Quand vous pensez à votre douce et vieille mère aux cheveux blancs, qui a tout sacrifié pour
vous, qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire de la condamner pour ne pas être capable de définir
parfaitement la nature et les propriétés de l'amour, une question qui échappe même à des grands
philosophes ?
Eh bien, il est certain qu'il serait grossièrement injuste de demander à une personne moyenne de
définir précisément la vraie nature de l'amour, tout comme il serait ridicule - et dangereux - de
demander au premier passant dans la rue de réaliser votre appendicectomie.
Il est évidement injuste de juger les gens sur des standards dont ils n'ont pas conscience.
Cependant, il n'est pas du tout injuste de juger les gens sur les standards qu'ils ont eux-mêmes
placés. Je ne peux pas déterminer seul à quel prix vous allez me vendre votre voiture - mais si
vous mettez vous-même le prix dans la fenêtre, il n'est pas déraisonnable de ma part de m'attendre
à ce que vous l'honoriez.
Donc quand les personnes utilisent le mot ''amour'', ils ''mettent le prix dans la fenêtre''. L'amour
est bien sûr considéré comme étant un sentiment de grande considération pour quelqu'un, et est
soit basé sur les vertus ou le caractéristique de la personne aimée, ou ne l'est pas. Si l'amour n'est
pas basé sur les caractéristiques de la personne aimée, alors il doit être basé sur la volonté de la
personne qui l'aime.
Si l'amour est basé sur la volonté de la personne qui ''aime'', alors il doit être considéré vertueux
d'aimer de façon aussi altruiste. S'il n'est pas vertueux d'aimer de façon aussi altruiste, alors il n'y
a rien de bénéfique ou de positif dans l'interaction, puisque ni la personne qui aime, ni la personne
aimée ne possède de caractéristiques positives. Nous pourrions aussi bien définir le harcèlement
obsessif comme étant de ''l'amour''.
S'il est ''bien'' pour Personne A d'aimer Personne B malgré le peu de bonnes qualités de Personne
B, alors cette ''bonne action'' est soit un principe universel, ou bien une simple préférence
personnelle. Si je dis que la crème glacée est ''bonne'', je ne veux pas dire que la crème glacée agit
avec vertu, courage et intégrité. Si je dis qu'une action en particulier est ''bonne'', alors elle doit
être bonne pour plus d'une personne, afin de pouvoir être plus qu'une simple préférence
personnelle. Cependant, s'il est ''bien'' d'aimer une personne qui n'est pas aimable, alors un
paradoxe est créé instantanément.
Si je ne suis pas aimable, alors je ne possède pas de ''bonté'', puisque la bonté est quelque chose
d'aimable. S'il est ''bien'' d'aimer quelqu'un malgré le fait qu'il n'est pas aimable, alors par
définition je suis incapable d'aimer quelqu'un, vu que je n'ai pas de bonté. De cette façon, deux
règles opposées sont créées, ce qui ne peut être valide. Personne A fait le ''bien'' en aimant
Personne B, qui est incapable d'aimer. Personne B peut donc rendre possible la ''bonté'' de
Personne A uniquement en recevant sans donner - donc ce qui est bien pour Personne A n'est pas
bien pour Personne B.
Encore une fois, ceci peut être compliqué à analyser, mais c'est un argument que les enfants
devenus adultes ont continuellement avec leurs parents. Si je vois ma mère tout sacrifier
perpétuellement pour mon père, je vais lui demander encore et encore que si tout sacrifier pour
votre époux est bien, pourquoi mon père ne sacrifie-t-il pas tout pour elle ? Pourquoi un tel
sacrifice est-il uniquement bien pour elle ? Pourquoi mon père peut-il s'en sortir sans effort ?
Il ne peut être considéré ''bon'' d'aimer quelqu'un qui n'a pas de bonnes qualités. L'amour, donc,
est une forme de paiement pour la vertu.
Je dois confesser que j'ai compris cela à l'âge de treize ans, quand j'étais un jeune homme très
superficiel. À l'école, la rumeur courait que j'allais inviter une fille à une danse. Mes critères,
malheureusement, étaient uniquement basés sur l'apparence. Lorsque mes camarades de classe
m'ont pris dans un coin et m'ont fait révélé qui j'allais inviter, j'ai été accueilli avec un silence
choqué. Cette fille, bien qu‘attirante physiquement, était considérée assez rude et peu intelligente.
''Pourquoi voudrais-tu sortir avec elle ?'', a demandé un ami.
Pourquoi est-ce qu'à un âge aussi tendre, j'ai senti le besoin d'inventer une vertu à la base de mes
désirs ? Aurait-il été mal de dire: ''Elle est sexy, c'est tout !'' et en être satisfait ?
Et les regards dans les yeux de mes amis étaient très intéressants. Ce n'était pas tellement qu'ils
savaient que je mentais - c'était évident. C'est davantage qu'il savaient pourquoi je mentais - et ils
avaient même un brin de sympathie pour cela, je pense.
Ils savaient que je mentais parce qu'il est plus facile d'inventer des ''bonnes'' raisons pour vouloir
la mauvaise chose que de vraiment vouloir la bonne chose.
Et cette leçon nous a été bien apprise par nos professeurs - mais je vais aller dans ce sujet plus
tard.
Lorsque j'avais environ 11 ans, j'ai volé de l'argent à mon frère pour m'acheter un livre. Il me
soupçonnait pour le vol, et a passé une bonne quantité de temps et d'énergie à me contre-examiner
pour savoir où j'ai pu trouver l'argent pour mon livre. Il n'a jamais pu prouver que j'avais volé
l'argent, et j'ai évité et fait des regards innocents avec un savoir-faire décent.
1. Je n'étais pas fondamentalement troublé par l'idée de voler, j'avais seulement peur de me faire
prendre.
2. Si quelqu'un m'avait demandé si voler était mal, j'aurais honnêtement répondu ''oui''.
3. Cette contradiction flagrante ne m'inquiétait pas du tout.
En d'autres mots, je savais que voler était mal, mais cette connaissance n'était qu'une abstraction,
tout comme savoir le nombre de lunes qu'a Jupiter ou le nom du batteur de Led Zeppelin. Je
croyais que voler était mal - mais ce que ça voulait réellement dire est que je savais que j'allais
me faire punir si je ne disais pas que voler était mal. Alors je le récitais, comme une formule
magique païenne qui éloigne les punitions.
C'était similaire à la façon dont je chantais mes tables d'additions et de soustractions avant d'avoir
aucune compréhension de l'arithmétique. La phrase n'était pas ''oui, je sais que voler est mal, mais
je voulais un livre !'' C'était encore moins relié que cela: ''Voler est mal, et je voulais un livre''.
Juste deux faits, un principe et un désir, qui ne s'orbitaient même pas...
Alors est-ce que je savais que voler était mal ? Bien sûr, je pense que oui, mais pour moi, ''mal''
voulait simplement dire ''désapprouvé''. À cet âge, j'avais déjà vécu dans plusieurs pays différents
et dans plusieurs classes sociales différentes, et je savais que ''mal'' n'était pas objectif, parce que
ce qui était ''désapprouvé'' variait énormément selon l'endroit où j'étais. Et évidemment,
''j'approuvais'' de prendre l'argent de mon frère, puisque je l'ai fait. Donc, il y avait ma petite
''approbation'' et la ''désapprobation'' de beaucoup de personnes, et je me suis dit: bien, si d'autres
personnes ont le droit de désapprouver de choses que je préfère, alors j'ai certainement le droit
d'approuver de choses qu'ils ne préfèrent pas.
Et nous en venons donc à la question fondamentale: À quel point sommes nous responsables face
à nos propres hypocrisies ?
La Cage Ouverte...
J'aimerais que vous imaginiez un homme qui est debout au milieu d'une grande prairie. Vous
passez quelques temps à regarder cet homme, et ça ne vous prend pas beaucoup de temps pour
réaliser qu'il marche uniquement dans un petit carré de 10 pieds de large. C'est tout. Seulement 10
pieds.
Après quelques heures à le regarder faire cela, vous marchez jusqu'à lui. Quand vous avancez
pour lui serrer la main, par contre, vos doigts sont brûlés par un fort choc électrique provenant
d'une barrière invisible.
''Je viens de toucher ce mur invisible qui m'a donné tout un choc!'' vous répondez.
Vous clignez des yeux. ''Vraiment ? Vous n'avez jamais entendu ou senti cette barrière invisible ?''
''Celle qui vous entoure - celle qui vous retient prisonnier d'un petit carré de 10 pieds !''
''Quel petit carré de 10 pieds ?'' demande-t-il. ''Il n'y aucun petit carré de 10 pieds ! Je peux aller
où je veux !''
''Qui êtes-vous pour me dire où je peux ou ne peux pas aller ? C'est moi qui décide !''
''Je ne vous dis pas où vous pouvez ou ne pouvez pas aller - je vous dis simplement ce que vous
faites !''
''Eh bien, je vous ai regardé durant les dernières heures, et vous êtes au milieu de cette grande
prairie, et tout ce que vous faites est de faire les cent pas dans un carré de 10 pieds à peine''.
''Vous dites ça, mais vous ne faites que marcher dans un petit carré de 10 pieds ! Si vous pouvez
aller où vous voulez, pourquoi ne faites-vous pas un pas de plus ?''
''Je n'ai aucune idée de ce que vous parlez'' rugit-il. ''Maintenant, hors de ma propriété!''
''Attendez - je peux vous montrer !'' Vous prenez quelques brindilles d'herbe du sol et vous les
lancez vers l'homme. À quelques pieds de son visage, les brindilles prennent feu et s'évaporent.
Vous faites ceci à plusieurs reprises, prouvant définitivement qu'il y a en effet un champ de force
invisible autour de lui, d'environ 10 pieds par 10 pieds.
''Vous voyez ?'' demandez-vous avidement. ''Voyez-vous que vous êtes dans une cage invisible ?''
''Mais vous devez savoir que vous êtes dans une cage invisible'' vous criez. ''Vous devez le savoir,
puisque vous n'essayez jamais d'aller en dehors de ses murs. Vous devez avoir essayé une fois de
vous échapper de cette cage, et vous avez été brûlé par le choc électrique, et c'est pourquoi vous
ne faites jamais plus de quelques pas avant de tourner ! Ne voyez-vous pas ?''
Il sort un fusil et hurle qu'il a un principe de tirer sur les intrus, et compréhensiblement, vous vous
enfuyez à la course.
Ceci est le grand paradoxe d'enseigner aux gens ce qu'ils savent déjà. Tout le monde prétend avoir
la liberté totale, mais sont toujours prisonniers d'un petit carré. Tout le monde est entouré des
cages invisibles de la culture et la mythologie, et le nient catégoriquement. La preuve qui indique
ces cages est très claire, vu qu'ils se retournent toujours juste avant de les toucher. Mais ensuite,
ils nient que ces cages existent.
Tout le monde agit comme s'il étaient parfaitement libres, et parfaitement asservis en même
temps. Personne n'admet être dans une prison, mais tout le monde fait les cent pas dans une
cellule de 10 x 10 invisible.
De la même façon, tout le monde vous dit qu'ils sont libres, mais tout le monde est enfermé dans
de minuscules cellules de conversation permise. Tous vous disent qu'ils vous aiment, mais évitent
vigoureusement de vous dire ce qu'est l'amour, ou ce qu'ils aiment de vous.
Tous vous disent qu'ils sont bons, mais n'ont aucune idée de ce qu'est la bonté - et vous
attaqueront sauvagement si vous avez ne serait-ce que la témérité de poser la question.
Tout le monde parle de la vérité, mais la vérité réelle est que personne ne peut parler de la vérité
- ce qu'elle est, comment elle est définie et vérifiée, et sa valeur.
Responsabilité
Si l'homme de la prairie a été mis dans sa cage lorsqu'il était un bambin, il a sûrement découvert
les limites de sa prison - douloureusement - quand il était très jeune. Il est entièrement concevable
qu'il ait simplement fini par éviter ses barreaux invisibles, pour conserver son illusion de liberté,
et réprimer la douleur de son emprisonnement. Si vous ne pouvez vous évader, aussi bien
imaginer que vous êtes libre.
L'homme n'est pas responsable pour avoir été mis dans sa cage étant bambin, et il n'est pas
responsable non plus pour sa répression qui en a résulté, et il n'est pas responsable de ne pas tester
ses barreaux, mais change plutôt de direction avant de les toucher.
La première chose dont il est responsable est de nier les preuves claires et tangibles qui
contredisent sa croyance. Il y a deux morceaux de preuves principales: l'herbe qui prend feu, et le
fait que malgré qu'il dit qu'il est libre, il ne fait jamais plus de quelques pas avant de se retourner.
La deuxième chose dont il est responsable est de fermer la conversation lorsqu'elle le rend
inconfortable.
L'essence de la sagesse est d'apprendre la valeur de ''rester dans la conversation'' même lorsqu'elle
vous rend inconfortable.
La Fausseté et la Conversation
La chose la plus importante dans la vie est de ne pas mentir aux autres personnes - l'honnêteté est
la vertu la plus fondamentale. Maintenant, à chaque fois qu'un philosophe met sur la table la vertu
de l'honnêteté, un blizzard de questions bloque son progrès - des questions conçues pour trouver
les zones floues à la limite des comportements éthiques, comme par exemple: ''Est-ce que c'est
correct de mentir si quelqu'un pointe un fusil sur votre tempe et demande de savoir où est votre
femme pour qu'il puisse la tuer ?''
Tout ceci est bien intéressant, mais complètement hors de propos pour le monde tel qu'il est.
Dans le monde d'aujourd'hui, nous sommes tellement incapables de se dire la vérité que de se
concentrer sur les zones floues de la pratique de l'honnêteté est comme demander à un homme qui
entre à l'urgence tenant son bras arraché s'il a besoin d'une manucure. Ou encore, pour prendre
une autre analogie médicale, je vois les philosophes comme des docteurs essentiels au milieu
d'une terrible épidémie. Tout autour de nous, des gens souffrent et meurent, et nous devons
travailler aussi fort que possible pour sauver autant de gens que l'on peut - en étant parfaitement
conscients que très peu de gens vont s'en sortir. La plupart des philosophes modernes, par contre,
s'assoient au milieu de toute cette souffrance, et débattent quelle serait la meilleure méthode de
traitement si quelqu'un se présentait en pleine crise cardiaque, avec le diabète et un ongle incarné,
et était frappé par la foudre pendant son examination.
Ma réponse à cela est: Quand nous aurons atteint un monde où les problèmes qui arrivent une fois
par siècle seront les choses les plus importantes que l'on puisse s'occuper, nous n'aurons plus
vraiment besoin de la philosophie !
Alors retroussons-nous les manches, et essayons de guérir l'épidémie qui nous dévore maintenant,
et laissons les problèmes improbables à un avenir plus heureux.
La raison que l'homme dans la cage invisible ci-haut est à blâmer pour ses actions est qu'il vous a
menti.
Lorsque vous avez commencé à lui montrer la vérité, il s'est senti inconfortable. Au début, il
semblait légitimement surpris - nous ne pouvons dire si c'était une ruse ou non. Ensuite, lorsque
les preuves ont commencé à s'accumuler, à la fois de façon empirique et logique, il a commencé à
devenir hostile.
Il mentait parce qu'il ne vous a pas dit qu'il se sentait inconfortable, mais a plutôt commencé à
baragouiner sur votre intrusion, vous a insulté et a fini par sortir un fusil.
Était-ce honnête ? Non. Est-ce que l'homme était conscient qu'il se sentait de plus en plus
inconfortable ? Bien sûr. Est-ce qu'il a exprimé honnêtement son inconfort ? Non. Il a évadé son
inconfort en vous attaquant.
Pour prendre un exemple, lorsque j'ai discuté avec mon frère, après avoir décidé d'arrêter de voir
ma mère, il m'a présenté l'argument suivant:
''Stef, tu devrais voir notre mère parce que si tu ne la vois pas, elle exerce un pouvoir sur tes
choix. Si tu laisses le fait que tu ne l'aimes pas contrôler tes actions, alors elle a gagné, et tu as
perdu une liberté essentielle''.
''Donc'' j'ai répondu, ''si je te comprends bien, tu dis que je devrais voir des gens que j'aime parce
que je les aime, et je devrais voir les gens que je n'aime pas parce que sinon, ils auront un pouvoir
sur moi. En d'autres mots, je ne devrais jamais refuser de voir personne.''
''Mais laisse-moi te dire ce qui me dérange dans cette famille,'' j'ai continué. ''Je sens fortement
qu'il ne m'est jamais permis d'avoir de vraies préférences. Je veux dire, je peux avoir des
préférences à ma façon, mais personne ne respecte ces préférences en changeant ses actions. Tu
préfèrerais que je voie notre mère, et tu essaies donc de me faire changer mes actions basé sur tes
préférences. Mais par contre, tu me dis que mes préférences ne veulent rien dire, par rapport à qui
je vais voir. Mais comment se peut-il que tes préférences exigeraient un changement dans mes
actions, mais mes préférences n'exigeraient aucun changement dans mes actions ?''
Il était clair pour moi même à cet époque que mon frère était intensément inconfortable à mes
questions. Il démontrait tous les signes habituels: lèvres pincées, lever les yeux au ciel,
haussement d'épaules et froncements de sourcils. J'ai senti une très forte résistance, et j'ai
demandé à mon frère s'il se sentait inconfortable. Il m'a répondu que non.
C'était, bien sûr, le moment-clé de notre interaction. S'il avait été honnête avec moi, et m'avait dit
qu'il se sentait inconfortable, nous aurions pu parler de son inconfort, et des façons dont cet
inconfort pourrait avoir affecté sa position.
En me disant que ce que je faisais était mauvais, alors que ce qui se passait réellement était que
mes choix le rendaient inconfortables, mon frère me mentait. Essentiellement, il essayait de gérer
son inconfort en infligeant des commandements moraux sur moi. Il a essayé de faire appel à mon
intérêt personnel basé sur un ''standard'' vague et quand ça n'a pas fonctionné, il a désapprouvé de
ma ''résistance''. Ma décision de ne plus voir notre mère créait une grande anxiété en lui, parce
qu'elle ouvrait la possibilité d'un choix, alors qu'avant, il n'y avait qu'un absolu.
C'était un aspect essentiel de notre interaction. Je pense que je vais avoir eu une longue vie si je
vis jusqu'à l'âge de cent ans. Si, cependant, la technologie nous permettra de vivre jusqu'à 200
ans, cent ans ne semblera plus une si longue vie. Quand il n'y a pas de possibilité d'atteindre 200
ans, nous ne nous sentons pas d'anxiété à ne pas l'atteindre. S'il n'y a pas de possibilité de ne pas
voir votre mère, alors nous nous sentons bien moins anxieux si nous continuons à la voir même
si, au fond de nous, nous ne voulons pas.
Par contre, dès que quelqu'un dit: ''Je ne vais plus aller voir ma mère'' ceci crée une grande
anxiété en nous, parce qu'une possibilité existe maintenant que nous voulons vraiment au fond de
nous que nous pensions impossible.
Lorsque j'ai pris ma décision, mon frère pouvait gérer son anxiété de deux façons. Il pouvait soit
examiner cette anxiété et essayer de comprendre sa source - ou, il pouvait essayer de réduire son
anxiété en me manipulant à revoir ma mère.
Lorsque le choix entre dans nos vies, lorsqu'auparavant il n'y avait que des absolus, nous
devenons anxieux parce qu'au fond de nous, nous savons que ce choix a toujours existé, mais on
nous a dit qu'il était mal de penser à ce choix. Émotionnellement, cela nous ramène à nos
traumatismes de jeunesse à travers lesquels la ''culture'' nous a été infligés - et donc à une critique
profonde et amère de nos parents et professeurs - ce qui nous ramène directement devant la
clôture électrifiée invisible des punitions mythologiques.
Si quelqu'un s'évade de la prison, vous pouvez soit essayer de vous évader vous-même, ou vous
pouvez aider les gardes à le ramener en prison. Votre décision dépendra de ce que vous faites de
votre anxiété. Si vous décidez de comprendre votre anxiété de façon interne, reliée à vos
croyances, votre histoire, vos fausses allégeances à de fausses vertus, alors vous serez catapulté
dans toute l'évolution personnelle qui est le résultat inévitable d'arrêter d'utiliser les autres pour
gérer vos émotions.
C'est une triste réalité que pour la plupart des gens, leur prison ne ressemble pas à une prison
jusqu'à ce que quelqu'un essaie de s'en échapper. La conclusion qu'ils en font est que la personne
qui s'est évadé de prison est celui qui l'a transformé en prison - par l'action exacte de s'en être
échappé ! C'est de la folie, évidemment, mais beaucoup trop commun.
Lorsque je me suis assis avec ma mère, il y a huit ans de cela, une conversation très similaire s'est
produite, comme vous pouvez vous y attendre. Et comme vous pouvez vous y attendre, elle était
beaucoup plus efficace que mon frère, puisqu'elle lui a enseigné.
Ma mère a répondu: ''Ne sois pas stupide - bien sûr que je t'écoute !''
Aie-je besoin de vous aider à trouver la contradiction flagrante dans cette interaction ?
J'en doute.
Exploitation
Si je suis malade, et j'ai besoin que vous me donniez un rein, j'ai quatre choix généraux:
1. Je peux vous dire que j'aimerais que vous me donniez un rein, sans jamais m'attendre que vous
allez le faire.
2. Je peux décider de ne pas vous demander votre rein.
3. Je peux vous dire que j'ai réellement besoin que vous donniez un rein, et que vous devez le
faire parce que je le veux.
4. Je peux vous dire qu'il est immoral de refuser de me donner un rein, et donc que vous êtes
obligé éthiquement de me donner votre rein, comme vous êtes éthiquement obligé de rembourser
un prêt.
Dans le premier cas, je ne fais qu'exprimer mon désir réel et honnête pour votre rein. Je ne vous
manipule pas. Je ne vous intimide pas. Je vous dis ce que je veux. Ma requête n'est pas une
exigence - et ma requête, fondamentalement, n'est pas d'avoir votre rein, mais que vous
compreniez que j'aimerais avoir votre rein.
C'est une différence cruciale, qui est si souvent ignorée. Dire ''J'aimerais avoir ton rein'' n'est pas
dire ''Donne-moi ton rein !'' Dire ''J'aimerais être un astronaute'' n'est pas dire ''Fais de moi un
astronaute !''
Soit je suis libre d'exprimer ma pensée et mes sentiments envers vous, ou je ne le suis pas. Si je le
suis, alors je dois bien sûr être libre d'exprimer ce que je préfèrerais que vous fassiez, si c'est ce
que je pense.
Si vous interprétez mes préférences comme des ordres que vous devez obéir, alors vous allez
naturellement préférer que je n'exprime aucune préférence. Si vous détestez le goût de la crème
glacée, mais qu'à chaque fois que je disais ''j'aime la crème glacée'' vous seriez obligé d'en
manger un bol, vous préfèreriez évidement que je ne dise pas ''j'aime la crème glacée''. Puisque
mes désirs font de vous un esclave, vous devez asservir mes désirs.
La meilleure et plus terrible façon d'asservir un autre être humain est d'interpréter ses désirs
comme des ordres. Si, à chaque fois que j'exprime une préférence, vous l'interprétez comme un
ordre, alors vous serez inévitablement porté à contrôler, minimiser, ignorer ou attaquer mes
préférences.
En d'autres mots, si mes désirs sont des commandements, alors mes préférences sont des attaques
envers vous.
Curiosité
Quelle est la réponse la plus mature et logique à l'affirmation: ''J'aimerais que tu me donnes ton
rein''. ?
Si nous comprenons réellement la nature de l'affirmation, qui est ''j'ai un sentiment qui s'appelle
‘je préfèrerais que tu me donnes ton rein''' alors nous pouvons examiner ensemble la nature de ce
sentiment. Si je suis un arrêt d'autobus, et une femme à côté de moi dit ''je sens qu'il va pleuvoir''
il serait logique pour moi de demander ''comment on se sent, quand on sent qu'il va pleuvoir ?''
Argumenter sur la réelle imminence de la pluie serait illogique, parce que la femme n'a pas dit ''il
va pleuvoir''. Ce qu'elle a dit est ''je sens qu'il va pleuvoir'', ce qui est très différent. C'est une
affirmation d'une expérience intérieure, pas une prédiction, un ordre ou une demande.
Si je vous dis ''j'ai rêvé à un éléphant la nuit dernière'', pourriez-vous logiquement être en
désaccord avec moi ? Vous pourriez ne pas être particulièrement intéressé par mon rêve, mais il
ferait très peu de sens pour vous de disputer mon affirmation. Soit je dis la vérité ou pas. Si je dis
la vérité, il n'y a rien à argumenter - si je ne le fais pas, il n'y a toujours rien à argumenter, puisque
vous n'allez jamais avoir la moindre preuve que je mens.
Alors lorsque je vous dis ''j'aimerais que tu me donnes ton rein'' ce sont les deux premiers mots
qui sont importants, pas les quatre derniers. Mais tout le monde se concentre sur les quatre
derniers, les considère comme un ordre intimidant, et doivent donc passer le reste de leur
existence mortelle à gérer et contrôler les deux premiers.
Des affirmations de préférences ne sont que des affirmations d'expériences intérieures, et si nous
tenons vraiment à la personne qui les exprime, nous serons curieux à propos de son expérience.
Donc, pour extrapoler à quelque chose d'un peu plus général que les reins, si vous faites quelque
chose qui me dérange, j'ai généralement quatre choix:
1. Je peux vous dire que je suis dérangé par ce que vous faites, sans m'attendre à ce que vous
deviez changer ce comportement.
2. Je peux quitter la situation.
3. Je peux vous dire que ce que vous faites me dérange, et que vous devriez arrêter parce que ça
me dérange.
4. Je peux vous dire que ce que vous faites est immoral, et que vous devez arrêter parce que c'est
mal.
Évidemment, si les gens en général étaient matures et sages, ils choisiraient généralement ce qui
est derrière la porte numéro un - occasionnellement, ils pourrait quitter par la porte numéro deux
pour quelques instants s'ils sont troublés - mais ils n'ouvriraient jamais les portes trois et quatre.
Cependant, le monde n'est ni sage ni mature, alors les enfants doivent rapidement apprendre que
lorsque les adultes sont anxieux ou bouleversés, ce sont les comportements des enfants qui
doivent toujours changer. Si ma mère est anxieuse à propos de mes sorties, la ''solution'' pour moi
est de ne pas sortir. Si mon père va être embarrassé par mon absence de l'église, alors je dois aller
à l'église. Si ma mère sera embarrassée si je n'embrasse pas ma vieille grand-mère qui sent
mauvais, c'est l'heure des bisous ! Si ma mère sera mortifiée si j'arrache un jouet des mains d'un
autre enfant, la solution pour moi est de ''jouer gentiment''. (Bien sûr, je ne devrais pas vraiment
arracher des jouets; le problème est que ma mère n'est pas curieuse sur la raison pour laquelle je
le fais, mais cherche seulement à contrôler les symptômes, au lieu de travailler à en comprendre
la cause.)
Attaque
Lorsque j'avais environ 14 ans, j'ai pris un cours d'été, désespéré à sortir du goulag mental qu'est
l'école publique le plus rapidement possible. J'avais un professeur cassant et hostile, qui exigeait
que l'on soit présent à 8h30 pile, mais ensuite nous ferait assoir et lire un cahier de notes pendant
les 30 à 40 premières minutes de la classe. Il nous montrait aussi des documentaires vraiment
ennuyants, parlait en monotone et était complètement obsédé par les théories de conspiration sur
l'assassinat de JFK.
Occasionnellement, j'étais très somnolent, et je mettais ma tête sur mon bureau pendant quelques
minutes. Je ne me suis jamais endormi, mais on aurait très bien pu en avoir l'impression.
Après quelques semaines de classe, je me suis levé pour faire une présentation sur l'esclavage.
Juste avant que je commence, ce professeur a levé la main et à ordonné à tout le monde de mettre
leur tête sur leur bureau.
Tous les autres enfants étaient très confus, comme vous pouvez imaginer - et moi aussi. Après
quelques minutes d'ordres et d'intimidation, tous les enfants avaient mis leur tête sur leur bureau.
Mon visage était très pâle, et j'étais alarmé, c'est le moins qu'on puisse dire.
Quand toutes les têtes ont été baissées, l'enseignant s'est tourné et m'a littéralement crié : ''Tu vois
comment on se sent ? Est-ce que tu vois comment on se sent lorsqu'on essaie d'enseigner quelque
chose aux gens, et ils mettent leur tête sur leur bureau? EST-CE QUE TU VOIS COMMENT ON
SE SENT ? C'EST IMPOLI ! NE FAIS PAS ÇA !'' Ses veines sortaient littéralement de son cou.
La chose stupéfiante à savoir sur les gens qui maltraitent les enfants, c'est qu'il n'ont vraiment
aucune idée de la façon dont les enfants les voient réellement. Je savais qu'il avait tout le pouvoir,
mais c'était un très triste spectacle, et j'ai eu l'impression très forte d'une vie futile, répugnante et
pathétique. Peut-être qu'ils s'imaginent que d'intimider des enfants donne l'impression qu'ils sont
forts, mais le degré de mépris que je ressentais - et ressens - envers ceux qui maltraitent les sans-
défense est presque sans mots, et je ne pense pas être le seul. Quand on pense au mépris
radioactif que les adolescents ont souvent envers leurs parents et autres formes d'autorité, je pense
qu'il est assez facile de voir qu'intimider des enfants ne génère pas le respect - pas plus que de
battre votre femme ne génère l'amour.
Appelons ce professeur Bob, puisque je n'ai aucune idée de son nom, après toutes ces années.
Clairement, Bob n'avait pas l'impression qu'il était un très bon professeur, parce qu'un bon
professeur aurait regardé un étudiant épuisé avec curiosité. Je pourrais être fatigué parce que je ne
peux pas dormir, ou j'ai des problèmes à la maison, ou un déséquilibre hormonal, ou d'autres
raisons qui n'ont rien à voir avec sa capacité à enseigner - ou bien je pourrais être épuisé parce
qu'il est un professeur ennuyant.
Si Bob ne démontre aucune curiosité sur la raison de ma fatigue, il ne le saura jamais. Si je suis
malade ou stressé (et j'avais trois emplois différents à ce point de mon enfance), il pourrait être
capable de m'aider - ou du moins, il aurait établi que ce n'est pas parce qu'il était ennuyant.
S'il découvre que je suis fatigué à cause qu'il est ennuyant, ça peut bien sûr être douloureux, mais
je n'ai aucun doute que Bob préfèrerait être un professeur passionnant plutôt qu'ennuyant. S'il
avait investi le temps d'essayer et de trouver - avec moi - les raisons de ma fatigue, il aurait été
capable d'apprendre comment devenir un professeur plus intéressant, ce qui aurait été en ligne
avec ses propres valeurs, et l'aurait donc rendu plus heureux.
La vérité est cependant que, bien sûr, comme nous avons vu plus haut, au fond de lui, Bob était
absolument convaincu qu'il était un terrible professeur. Lorsque j'ai mis ma tête sur mon bureau,
ceci a confirmé ses plus grandes peurs, qu'il a violemment rejeté.
Quand nous comprenons le pouvoir de la mythologie, il est clair à quel point Bob savait peu de ce
que je faisais et communiquais.
Quand j'ai mis ma tête sur mon bureau, je ne disais pas ''Bob, tu es un terrible professeur''. Je ne
disais pas ''Je mets ma tête sur mon bureau pour défier ton autorité''. Je ne disais pas ''Je mets ma
tête sur mon bureau parce que je suis un individu égoïste et impoli qui se fiche des sentiments des
autres''.
Quand je mettais ma tête sur mon bureau, je disais simplement: ''Je suis épuisé''.
Tout le reste n'était que mythologie - des contes de fées vicieux et paranoïaques.
Tout le reste était l'invention de Bob, et il a inventé tout le reste dans le but d'éviter d'être curieux.
C'est simple.
La raison pourquoi nous ne sommes pas curieux et que nous connaissons déjà les réponses, mais
nous ne les aimons pas.
Sagesse et Douleur
La douleur est le moyen qu'a notre corps pour nous dire ce que nous avons besoin de nous
occuper, nous aider à prioriser nos actions par rapport à notre santé. Notre corps ne nous dit rien
quand tout nos organes fonctionnent bien, mais le moment qu'une dent s'infecte, nous savons tout
ce que nous devons savoir !
En d'autres termes, la douleur nous dit ce que nous devons faire. Si notre dent nous fait mal, nous
devons aller à un dentiste. La douleur nous informe des problèmes que nous devons régler.
Si nous pensons à notre vie avant les anesthésiants, il est facile de comprendre que nous devions
généralement accepter une augmentation de la douleur pour être plus en santé. Une dent infectée
devait être arrachée. De nos jours, nous devons parfois subir la douleur de la chimiothérapie pour
traiter le cancer.
Ceci est le défi de la douleur - nous ne l'aimons pas, mais devons souvent accepter une
augmentation de celle-ci pour redevenir en santé.
Si je brise ma jambe, ça fait vraiment mal - c'est pourquoi j'arrête de la bouger. Après la guérison
de ma jambe, pour regagner une mobilité complète, je dois endurer la douleur de la
physiothérapie.
Les blessures peuvent aussi nous rendre plus forts. Si je survis à une crise cardiaque, je peux
choisir de perdre du poids, manger mieux, faire de l'exercice et ainsi de suite - je vais peut-être
même devenir plus en santé que si je n'avais jamais eu de crise cardiaque. Similairement, si je
brise ma jambe, ma jambe peut devenir plus forte, en résultat de l'exercice requis pour regagner
sa force et sa mobilité. Perdre une dent peut engendrer un désir pour une meilleure hygiène orale.
La première et plus importante différence est que la douleur psychologique peut être transférée
d'une personne à une autre. Si ma dent me fait mal, je ne peux pas vous transférer mon mal de
dents - mais le contraire est vrai pour la douleur psychologique, du moins à court terme.
Si je ressens de l'anxiété à propos de ce que vous faites, je peux réduire temporairement cette
anxiété en vous forçant à changer votre comportement, tout comme je peux temporairement
réduire la douleur d'un mal de dents en prenant des antidouleurs - la différence étant que quand je
prends des antidouleurs, vous ne ressentez pas mon mal de dents.
Le transfert de douleur psychologique se passe presque toujours dans une relation hiérarchique,
telle que parent-enfant, patron-employé, un mariage dominant/soumise et ainsi de suite.
L'impuissance et la dépendance - réelle pour les enfants, imaginée chez les adultes - sont requises
pour recevoir ce genre d'exploitation émotionnelle parasite.
C'est la raison principale pour laquelle les relations de pouvoir hiérarchique ou hégémonique
existent. Nous ne jetons pas nos déchets dans un dépotoir parce que le dépotoir est là - le dépotoir
existe parce que nous devons jeter nos déchets à quelque part. De la même façon, nous
n'exploitons pas les gens parce qu'ils sont impuissants, nous les rendons impuissants pour
pouvoir les exploiter.
Bob n'a pas fini par maltraiter les enfants parce qu'il avait le pouvoir d'un professeur - il a
recherché le pouvoir d'un professeur pour pouvoir maltraiter des enfants.
Et pourtant, c'est exactement ce qu'il faut faire, si nous voulons être en santé.
Si je décide de ne pas aller en physiothérapie après que ma jambe ait guéri, je suis le seul à devoir
vivre avec la faiblesse et le manque de mobilité qui va en résulter. Si je décide de gérer mon
anxiété en attaquant les plus faibles, par contre, je gagne un soulagement temporaire en infligeant
ma détresse sur les autres.
De plus, en infligeant son ''humiliation'' sur moi, Bob exigeait que j'aie de l'empathie pour ses
sentiments - mais si l'empathie est une valeur, pourquoi n'avait-il pas d'empathie pour ma
fatigue ?
Sans aucun doute, Bob a été ignoré et humilié à répétition lorsqu'il était enfant, forcé à se
soumettre aux caprices irrationnels de ceux qui avaient le pouvoir sur lui. Les habitudes naturelles
de généralisation des règles de son cerveau ont alors créé le commandement: ''Tu dois obéir ceux
qui sont en position de pouvoir !'' - ou, plus précisément: ''Désobéir à ceux qui sont en position de
pouvoir va faire en sorte que tu seras attaqué et humilié''.
La troisième est la rage qui résulte de se faire dire que cet abus est en fait vertueux - ''C'est pour
ton bien !''
Quand nous sommes maltraités étant enfants, nous sommes mis dans une situation terriblement
difficile, puisque nous sommes totalement dépendants de nos abuseurs. Une forme du ''syndrome
de Stockholm'' s'installe, et nous nous forçons à ''respecter'' ceux qui nous maltraitent. C'est une
stratégie de survie entièrement sensée, puisque l'horreur de savoir que nous allons être sous le
contrôle abusif de nos parents pour des années à venir serait trop grande à supporter. Aussi,
puisque nous sommes punis pour ne pas montrer de respect, il est plus facile de simplement les
''respecter'' plutôt que de continuellement faire semblant - ce qu'ils vont s'apercevoir, sans doute,
et punir.
De plus, puisque l'abus est toujours déguisé par des justifications morales (''C'est moralement mal
de me désobéir !''), nous expérimentons aussi une sorte d'horreur existentielle, puisque nous
savons que nos parents utilisent des termes moraux - et notre désir d'être bons - pour nous
humilier, nous contrôler et nous intimider. En d'autres mots, ils utilisent le bien au service du mal,
la pire corruption de toutes.
Nous sommes donc inévitablement portés à inverser les standards rationnels de la morale -
intimider les impuissants devient une vertu.
Absolus
Nous pouvons choisir de ne pas manger, mais nous ne pouvons pas effacer le besoin de
nourriture de notre corps. Nous pouvons choisir de sauter du haut d'une falaise, mais nous ne
pouvons pas choisir de défier la gravité.
Nous pouvons prétendre que des mensonges sont vérités, que des vices sont des vertus, mais nous
ne pouvons transformer un mensonge en vérité, ni un vice en vertu.
Nous ne pouvons effacer la vérité en nous; nous ne pouvons que la refouler et la déformer.
Lorsque nous sommes maltraités étant enfants, comme Bob l'a sûrement été, nous tentons
désespérément d'engourdir notre douleur en imaginant que nos abuseurs sont vertueux.
Néanmoins, au fond de nous, nous savons la vérité, ce qui est la raison pourquoi nos distorsions
nous causent tant d'agonie à long-terme.
Nous pouvons utiliser les autres pour ''gérer'' nos anxiétés aussi bien que nous pouvons utiliser les
drogues ou l'alcool pour ''gérer'' nos anxiétés.
La disparité entre les mythes que nous devons inventer pour survivre à nos enfances et la vérité
que nous connaissons est la source la plus fondamentale de notre déprime et notre anxiété.
Lorsque Bob m'a vu mettre ma tête sur le bureau, j'ai ''créé'' de l'anxiété en lui parce que je
n'agissais pas sur une prémisse qu'il pensait absolue: ''Tu dois obéir ceux qui ont le pouvoir !'' Sa
réaction hystérique à ma somnolence inoffensive ne résultait pas du fait qu'il croyait que je devais
obéir ceux qui ont le pouvoir, mais plutôt parce que, au fond de lui, il savait qu'il est en fait
immoral d'obéir à ceux qui ont le pouvoir - et parce qu'il savait aussi que si quelqu'un ayant le
pouvoir exige l'obéissance, c'est parce que cette personne est immorale.
En d'autres termes, il a évité la douleur de son propre abus en prétendant qu'il n'a jamais été abusé
- en prétendant que ceux qui l'ont maltraité étaient moralement bons. Il l'a fait en transformant le
contrôle qui a été infligé sur lui d'un principe pratique d'obéissance en standard moral de
perfection.
Je publie une tonne d'articles sur ce sujet, je fais des discours publics, et je coupe les ponts avec
tous ceux qui ne sont pas d'accord avec moi.
Ensuite, imaginez que je déménage en Suède. Je vis en Suède pendant un an, et je reviens vous
visiter en Angleterre.
Est-ce que ça vous surprendrait ? Penseriez-vous que je suis plutôt hypocrite ? Sentiriez-vous un
désir fort de réexaminer ma croyance forte et ouverte que les habitants d'un pays sont moralement
obligés d'en apprendre la langue ?
Si j'explique l'incohérence entre mes croyances et mes actions en disant qu'il est très difficile
d'apprendre une nouvelle langue, et que ce n'est pas réellement nécessaire si vous vivez dans un
groupe culturel expatrié - vous sentiriez-vous obligé de me dire que c'est exactement le contraire
de la position que j'ai prôné publiquement et férocement pendant plusieurs années ?
J'imagine que vous suggèreriez ensuite qu'il serait approprié de ma part d'écrire un suivi à mes
anciens articles, rejetant mes anciennes positions, basé sur ma nouvelle compréhension du
problème.
Est-ce que mon refus catégorique de faire une telle chose affecterait votre opinion sur moi ?
Lorsque nous, étant enfants, justifions les abus de nos parents dans le but de survivre à la
situation, nous créons des absolus moraux sur le droit et la bonne utilisation du pouvoir. ''Il est
moral pour ceux qui ont le pouvoir de blesser ceux qui n'ont pas le pouvoir, dans le but de les
protéger, les guider ou les ‘endurcir'''.
C'est de cette façon que nous justifions et survivons le mal que l‘on nous a fait.
C'est pourquoi nous répétons et ré-infligeons si souvent le mal que l'on nous a fait.
''Flip-floper'' sur nos principes est très humiliant, parce que quiconque proclame une vérité
proclame inévitablement que cette vérité est basée sur la raison et la réalité. Personne n'avance de
''vérité'' en proclamant qu'elle est basée sur une opinion non confirmée - puisqu'évidemment, ce
ne serait pas la vérité.
Donc quelqu'un qui proclame ''la vérité'' dit toujours que cette vérité est basée sur la raison -
même ceux qui proclament ''la foi'' comme étant la base de leurs croyances disent que la foi
fournit des preuves, et qu'il est donc rationnel de croire des vérités basées sur la foi.
Si une personne qui proclame une vérité doit complètement renverser sa position, il ne peut le
faire de façon crédible que si de nouvelles preuves sont découvertes. Par exemple, s'il se trouve
que l'univers est en fait énergisé par des fées sur des tapis roulants, je vais devoir réviser quelques
unes de mes opinions sur la réalité - mais seulement parce que de nouvelles preuves sont
apparues.
Si, cependant, il n'y a pas de nouvelles preuves qui sont apparues, alors il est clair que la réalité
ne peut être citée comme la raison de la position antérieure de quelqu'un. Il devient clair que la
position de cette personne était basée sur des préjugés - mais la raison et la réalité étaient citées
comme justification.
C'est un point essentiel - et très similaire aux hypocrisies éthiques et culturelles discutées plus
haut.
Lorsque je cite la raison et des preuves comme étant les justifications de mes croyances, j'affirme
le pouvoir de la raison et des preuves tangibles. J'accepte et je respecte pleinement la primauté de
la raison lorsqu'il faut déterminer la vérité des croyances.
S'il se trouve que je n'avais aucune raison et aucune preuve pour mes croyances, alors je suis
engagé dans la même sorte de terrible hypocrisie perpétrée par ceux qui utilisent la morale pour
des fins immorales. J'utilise la raison pour supporter la discrimination subjective.
Toute ma crédibilité est éliminée. Toutes mes affirmations précédentes deviennent des exemples
non pas de vérité, mais d'hypocrisie flagrante.
Pas bon.
C'est exactement ce qui arrive lorsque nous maintenons nos justifications d'enfance pour les abus
de nos parents à l'âge adulte.
Si nous croyons qu'abuser de notre pouvoir est moral, nous serons portés inévitablement à abuser
du pouvoir. Si je vais en Suède, mais n'apprends pas la langue, je vais devoir mentir, ou prétendre
que j'ai appris le suédois, ou que je suis sur le point de l'apprendre, et ainsi de suite. Ou bien je
vais entrer le monde magique du ''c'est juste différent'' ce qui va requérir que je remplace la
cohérence par l'agression quand on me questionne sur le sujet.
Nous reproduisons ce que nous prônons. Nos justifications guident nos vies aussi sûrement que le
chemin de fer guide un train. Les mensonges que nous croyons aujourd'hui sont les vies que nous
vivrons demain.
L'enseignant qui m'a humilié l'a fait parce qu'il croyait que c'était ce que les gens ayant le pouvoir
devaient faire.
Presque tout le monde, lorsque donné le choix entre l'hypocrisie ou l'abus, choisit d'abuser.
Si je vais voir un docteur parce que je me suis rendu malade en fumant, et le docteur me prescrit
un traitement qui me cause de la douleur, mon docteur n'est pas cruel, mais utile. Le docteur ne
cherche pas à me blesser parce qu'il est sadique, mais je dois plutôt aller vers le docteur pour un
remède parce que je me suis fait mal à moi-même en fumant. Je ne devrais pas éprouver du
ressentiment envers le docteur pour la douleur de son remède, mais plutôt le remercier pour sa
capacité à m'aider. Le docteur n'est pas responsable de ma douleur. Je le suis.
Un enfant né dans une prison va presqu'inévitablement dire: ''Je n'obéis pas aux gardes parce
qu'ils sont des sadiques avec des matraques, mais plutôt parce que les gardes de la prison sont
vertueux, et essaient de m'aider''.
Si mes gardes de prisons me frappent avec leurs matraques, je dois leur obéir. Si j'accepte que je
dois leur obéir parce qu'ils me frappent, je me sens terriblement humilié et impuissant, mais je
maintiens au moins une impression exacte de la situation. D'un autre côté, je peux choisir de
réduire mon humiliation en imaginant que je ne me soumets pas parce que je me fais frapper,
mais je me fais frapper parce que je désobéis. Ce n'est pas ma désobéissance aux caprices des
gardes qui fait que je me fais battre, mais plutôt ma désobéissance à des vertus morales. Les
gardes ne me battent pas parce qu'ils sont sadiques - je me fais battre parce que je suis mauvais.
Les gardes ne sont pas responsables de m'avoir battu - je suis responsable de m'être fait battre.
Les gardes n'essaient pas de m'humilier; ils essaient en fait de m'aider, tout comme le docteur
essaie de m'aider à redevenir en santé.
Voyez-vous de quelle façon l'agonie de la corruption morale peut être transmise d'une personne à
une autre ?
Si mes parents me battent non pas parce qu'ils sont mauvais, mais parce que je suis mauvais, je
peux conserver un certain sens de l'honneur et du contrôle à l'intérieur d'une situation désespérée
et abusive.
Si, cependant, je conserve cette fantaisie en tant qu'adulte - après que j'aie gagné du pouvoir sur
les autres - alors ma stratégie de survie devient une exploitation destructrice. L'équation de la
violence avec la vertu qui m'a permis de survivre me corrompt maintenant. Je suis devenu ce que
je craignais et détestais à l'origine.
Alors, lorsque mes actions sont entrés en conflit avec la croyance de Bob qu'il était vertueux
d'obéir le pouvoir, j'ai créé une grande anxiété en lui et déclenché ses défenses, en ravivant tous
ses souvenirs d'avoir été maltraité.
Je créais un choix où il croyait qu'il n'y avait qu'un absolu. J'agissais également de façon
''immorale'' et on lui a enseigné étant enfant qu'il est moral d'attaquer quelqu'un qui agit de façon
''immorale''.
Alors, pour défendre ses fantaisies sur les vertus de ses parents, pour éloigner l'anxiété et l'horreur
grandissante qu'il ressentait envers les mensonges qu'il a dû inventer pour survivre à son propre
abus, pour écraser la liberté que je possédais qu'il n'avait pas, pour rendre légitime un faux absolu
moral - et fondamentalement, pour à la fois recréer l'abus de ses parents et pour être la ''mauvaise''
personne que ses parents prétendaient qu'il était - tout cela pour justifier leur abus - il m'a attaqué.
Si je n'avais jamais compris cela, il est très probable que je serais devenu Bob, et aurais transmis
mon propre abus.
Si j'avais pris les injures de Bob personnellement, j'aurais absorbé une agonie que j'aurais
inévitablement infligé sur d'autres, sans doute des enfants.
Mais l'abus de Bob n'avait pas plus à voir avec moi que ma fatigue avait à voir avec Bob.
Il s'est déchainé sur moi parce qu'il savait la vérité au fond de lui, mais ne pouvait l'accepter.
Il a essayé de m'humilier parce que, dans son esprit, un de nous deux devait être humilié - et c'est
moi qui avait commencé !
Et il est temps pour nous - pour nous tous, autour du monde - d'arrêter.
Comment Changer
Je prévoyais à l'origine que ce livre allait être plus long, mais lorsque j'ai atteint ce point dans
mon texte, j'ai commencé à ressentir une anxiété grandissante, qui était difficile à comprendre
pour moi. J'ai cru que c'était parce que j'avais commencé ce livre sans plan, et que je me perdais
dans mes mots. Cependant, lorsque ma femme et moi avons relu le livre ensemble, il était clair
qu'il coulait vraiment bien.
La nuit dernière, nous sommes allés prendre une marche, et avons discuté la forme et le contenu
de ce livre. En 16 mois à peine, j'ai produit plus de 800 podcasts, et je ne suis même pas près de
commencer à manquer de sujets !
Néanmoins, quand vous avez été immergé dans une discipline pendant un quart de siècle, il peut
être difficile de se souvenir ce que c'est de commencer. Je suis maintenant certain que mon
anxiété provient d'une inquiétude qu'un livre plus long serait trop dur à digérer. Quand vous
voulez manger un dessert, cinq tartes ne sont pas meilleures qu'une tarte.
Nous allons sûrement nous reparler, mais je pense que nous avons assez parlé pour l'instant.
Les idées de ce livre vont changer votre vie si vous réfléchissez sur elles, et agissez sur elles. Le
but de la philosophie n'est pas la pensée, mais l'action - tout comme le but de la médecine n'est
pas le traitement, mais la santé.
Ces idées sont dans votre esprit à présent, et ne s'en iront jamais. Vous ne serez pas plus capable
de les faire disparaître que d'oublier que deux plus deux font quatre. Il est donc essentiel que
votre aventure ne s'arrête pas à lire ce livre. Il est essentiel que la philosophie soit une
conversation dans votre vie - que vous parliez de votre expérience et de ces idées avec ceux
autour de vous, peu importe à quel point c'est terrifiant.
Dans un monde rempli de faussetés, la vérité vous isolera si vous ne restez pas dans la
conversation.
Pour davantage d'information sur la philosophie, veuillez visiter Freedomain Radio au www.freedomainradio.com
pour des podcasts gratuits, des articles, des vidéos et une communauté virtuelle florissante.
Traduit en français par Jean-Filipe Bergeron.