Principes Interpretation Imagerie Sacroiliaques
Principes Interpretation Imagerie Sacroiliaques
Principes Interpretation Imagerie Sacroiliaques
L’articulation sacro-iliaque constitue la localisation presque tion de forme auriculaire à convexité antérieure). La moitié
toujours la plus précoce et quasi-constante des atteintes débu- postérieure de l’espace sacro-iliaque correspond à un territoire
tantes de spondylarthrite ankylosante (SPA). Elle est également ligamentaire. Dans le plan frontal, la composante articulaire
une localisation très fréquente des autres spondylarthropathies porte sur les deux tiers inférieurs tandis que le tiers supérieur,
inflammatoires. Ce territoire articulaire peut aussi être égale- plus large et irrégulier, est ligamentaire.
ment le siège d’autres affections : rares atteintes infectieuses, C’est une articulation diarthrodiale vraie [1] avec des sur-
lésions osseuses de contiguïté et surtout très fréquentes modifi- faces cartilagineuses, une synoviale et une capsule articulaire.
cations par surcharge mécanique. Sa mobilité est cependant très réduite en raison des attaches liga-
L’interprétation des anomalies est difficile et l’évaluation de mentaires robustes et de la forme des surfaces qui comportent
la fiabilité des différentes techniques est sujette à caution, vu la des crêtes et dépressions intriquées [2]. Ces crêtes et dépressions
difficulté à trouver un gold standard indiscutable (une atteinte sont plus prononcées chez l’homme que chez la femme (ibid).
inflammatoire peut en effet être transitoire et peut régresser, tan- Les surfaces plus plates chez la femme permettent des mouve-
dis qu’une atteinte inflammatoire peut être intriquée avec des ments articulaires plus importants, pendant la grossesse notam-
remaniements mécaniques. . .). D’ailleurs, dans plusieurs études ment. Pendant celle-ci, les influences hormonales augmentent
comparant la tomodensitométrie (TDM), l’imagerie par réso- la laxité ligamentaire pelvienne, créant une hypermobilité rela-
nance magnétique (IRM) et la radiographie, le gold standard tive [1]. Les mouvements des articulations sacro-iliaques sont
utilisé est. . . le diagnostic clinique ! difficiles à objectiver mais non négligeables. Sur des études en
Les remaniements des articulations sacro-iliaques sont en TDM de cadavres frais, des mouvements angulaires (nutation
outre d’interprétation difficile en raison de leur anatomie et contre-nutation) de l’ordre de 7 à 8◦ peuvent être objectivés
complexe et variable. Nous allons évoquer ces difficultés et pré- dans des positions extrêmes des hanches, ainsi que des mouve-
ciser ce qui, dans la pratique courante, peut aider à établir un ments linéaires, de l’ordre de 4 à 8 mm dans les trois directions
diagnostic plus ou moins précis. cardinales [3]. Les contraintes transmises de l’acetabulum à
l’articulation sacro-iliaque et à la symphyse pubienne le sont par
1. Rappel anatomique élémentaire l’os cortical presque exclusivement [4]. En cas d’hypermobilité
provoquée par une résection de la symphyse pubienne, les
C’est une articulation serrée dont la composante articulaire lésions de surcharge surviennent principalement sur le versant
proprement dite n’occupe que la moitié antérieure (articula- iliaque et la portion antérieure de la surface sacrée [5].
L’orientation principale de l’articulation est, dans le plan
∗
transverse, oblique en avant et en dehors. Les marges articulaires
Auteur correspondant.
ont donc, sur des clichés de face, une projection dédoublée : les
Adresse e-mail : Jacques.Malghem@uclouvain.be (J. Malghem).
1169-8330/$ – see front matter © 2009 Société Française de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.rhum.2009.05.004
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marges antérieures sont plus latérales et les postérieures plus Elles comportent les érosions, l’hyperostose sous-chondrale
médiales, ces deux composantes se rejoignant dans la partie et les phénomènes d’ankylose. Jusqu’à un certain point, ces
tout à fait inférieure qui est d’orientation quasi sagittale (Fig. 1). lésions élémentaires peuvent être présentes tout autant dans les
La forme auriculaire de l’articulation a, comme conséquence, processus inflammatoires que dégénératifs. On joue donc dans
que sur des coupes coronales passant dans le plan du sacrum, les nuances !
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L’ankylose transarticulaire résulte le plus souvent (mais l’élément d’analyse qui aide le plus dans le diagnostic différen-
pas exclusivement) d’une atteinte articulaire inflammatoire tiel.
ancienne. En revanche, l’ankylose périphérique par des ponts
osseux périarticulaires peut résulter d’enthésopathies inflam-
matoires chroniques mais aussi et surtout d’ossifications 3.1. Distribution des lésions mécaniques
ligamentaires « dégénératives », entrant dans le cadre d’une
hyperostose squelettique idiopathique diffuse (« maladie de Elles se focalisent spécifiquement dans les sites de surcharge :
Forestier ») (ibid). Dans la SPA, les lésions sacro-iliaques partie antérieure du tiers moyen des articulations. L’exemple
résultent davantage des synovites et des remaniements de la typique est l’ostéose iliaque condensante (Fig. 3), caractérisée
moelle osseuse sous-chondrale que des enthésites [10]. par des plages de densification plus ou moins étendues, de forme
triangulaire, portant sur la portion antérieure du tiers moyen des
2.4. Les lésions intriquées versants iliaques. L’ostéose iliaque condensante se rencontre
essentiellement chez la femme, dans plus de 90 % des cas après
Ces lésions élémentaires sont intriquées dans les atteintes grossesse. La prévalence est de l’ordre de 1 à 3 % pour un âge
d’ordre inflammatoire. Pour Dihlmann [11], l’argument prin- moyen de 35 ans [12]. L’étiologie précise est inconnue mais elle
cipal en faveur d’une atteinte d’ordre rhumatismal est que est probablement d’origine mécanique, liée à l’augmentation
les lésions sont « panachées » (Fig. 2), « multifacettaires », des mouvements des articulations sacro-iliaques pendant la
c’est-à-dire qu’elles comportent simultanément des érosions grossesse (ibid). La condensation iliaque est largement domi-
inflammatoires floues, une hyperostose réactionnelle et des nante mais une composante sacrée plus limitée, visible en TDM,
ponts ou tentatives de ponts transarticulaires (surtout visibles est présente également dans la majorité des cas [13]. La conden-
en coupes). En revanche, dans les modifications par surcharge, sation de l’ostéose iliaque peut disparaître avec les années
c’est l’hyperostose qui est souvent la modification dominante [12]. De manière générale, dans les atteintes mécaniques des
et quasi-exclusive, tandis que dans les hyperostoses idiopa- articulations sacro-iliaques, les modifications sont symétriques
thiques (Forestier), ce sont bien sûr les ossifications qui sont (sauf en cas d’anomalie majeure de la charnière lombosacrée
dominantes. Dans les atteintes infectieuses, les mêmes lésions ou de lésions traumatiques locales). En outre, le pubis participe
élémentaires peuvent exister mais, comme le soulignait Dihl- également à ce remaniement mécanique global de la ceinture
mann, elles surviennent de façon successive et non intriquée : pelvienne. Chez les athlètes, par exemple, érosions et sclérose de
d’abord les érosions, puis l’hyperostose et l’ankylose. la symphyse pubienne sont fréquemment associées à des rema-
niements des articulations sacro-iliaques, comportant également
3. Distribution des lésions sclérose, érosions et ostéophytes [14]. Cette association est
intéressante à reconnaître car l’interprétation des modifications
C’est un élément sur lequel peu d’auteurs insistent de façon pubiennes est souvent plus facile que celles des articulations
précise. Pourtant, dans la pratique courante, c’est probablement sacro-iliaques (Fig. S3). Quand donc un pubis présente un
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6.1. La scintigraphie
6.2. L’échographie
7. Diagnostic differentiel
méthode complémentaire à préférer peut être discutée : la TDM [13] Olivieri I, Ferri S, Barozzi L. Osteitis condensans ilii. Br J Rheumatol
est utile dans les formes subaiguës ou chroniques mais l’IRM 1996;35:295–301.
est à privilégier pour les formes débutantes et pour les sujets [14] Major NM, Helms CA. Pelvis stress injuries: the relationship between ostei-
tis pubis (symphysis pubis stress injury) and sacroiliac abnormalities in
jeunes (radioprotection) ainsi que pour la recherche de signes athletes. Skeletal Radiol 1997;26:711–7.
d’activité inflammatoire actuelle de l’affection. [15] Vogler III JB, Brown WH, Helms CA, et al. The normal sacroiliac joint: a
Par ailleurs, il faut surtout ne pas oublier de regarder ailleurs : CT study of asymptomatic patients. Radiology 1984;151:433–7.
une approche intégrée du diagnostic en imagerie comporte : [16] Sze MJ, Mulligan ME. Reliability of vacuum phenomenon in the sacroiliac
joint as a sign of traumatic injury. Emerg Radiol 2002;9:100–2.
[17] Baraliakos X, Braun J. L’imagerie par résonance magnétique dans les
• la comparaison avec des documents antérieurs (ou la réalisa- spondylarthropathies. Rev Rhum 2006;73:1–3.
tion de contrôles à plus ou moins long terme) ; [18] Blum U, Buitrago-Tellez C, Mundinger A, et al. Magnetic resonance
• la recherche de lésions typiques dans d’autres sites : examen imaging (MRI) for detection of active sacroiliitis. A prospective study com-
de la charnière dorsolombaire et du pubis en particulier, étude paring conventional radiography, scintigraphy and contrast enhanced MRI.
J Rheumatol 1996;23:2107–15.
d’éventuelles enthésopathies périphériques. À cet égard, les [19] Battafarano DF, West SG, Rak KM, et al. Comparison of bone scan, compu-
progrès de l’imagerie sont loin d’être épuisés, avec le dévelop- ted tomography and magnetic resonance imaging in the diagnosis of active
pement actuel des IRM en technique « corps entier » (Fig. 9), sacroiliitis. Semin Arthritis Rheum 1993;23:161–76.
qui permet d’obtenir en un temps raisonnable des images de [20] Bigot JL, Loeuille D, Chary-Valckenaere I, et al. Détermination des
haute qualité des articulations pelviennes et de l’ensemble meilleurs critères diagnostiques des sacro-iliites en IRM. J Radiol
1999;80:1649–57.
du rachis [44] (Fig. 9), voire de l’ensemble du rachis et du [21] Muche B, Bollow M, François RJ, et al. Anatomic structures involved
squelette périphérique. in early- and late-stage sacroiliitis in spondylarthritis. Arthritis Rheum
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Conflits d’intérêts [22] Bredella MA, Steinbach LS, Morgan S, et al. MRI of the sacroiliac
joints in patients with moderate to severe ankylosing spondylitis. AJR
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Les auteurs ne déclarent aucun conflits d’intérêts. [23] Braun J, Bollow M, Eggens U, et al. Use of dynamic magnetic resonance
imaging with fast imaging in the detection of early and advanced sacroiliitis
in spondylarthropathy patients. Arthritis Rheum 1994;37:1039–45.
Annexe A. Matériel complémentaire
[24] Bollow M, Braun J, Hamm B, et al. Early sacroiliitis in patients with
spondyloarthropathy: evaluation with dynamic gadolinium-enhanced MR
Du matériel complémentaire (Fig. S1–S9) accompagnant imaging. Radiology 1995;194:529–36.
cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com, [25] Bollow M, Fischer T, Reisshauer H, et al. Quantitative analyses of sacroiliac
doi:10.1016/j.rhum.2009.05.004. biopsies in spondyloarthropathies: T-cells and macrophages predominate
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