Immunoglobuline Monoclonale Et Orientation Diagnostique

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 7

Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

ITEM 126 : DIAGNOSTIQUER UNE IMMUNOGLOBULINE MONOCLONALE

A.S. KORGANOW ; T. MARTIN ; J.L. PASQUALI

Service d’Immunologie Clinique

Les points importants :

1°) Les molécules d’une immunoglobuline monoclonale, chez un patient donné, ont toutes les
mêmes séquences d’acides aminés ce qui leur donne les mêmes caractéristiques physico-
chimiques. En particulier, leurs charges électriques identiques imposent leurs migrations
électro-phorétiques au même endroit (pic à l’électrophorèse des protéines sériques).

2°) Dans la grande majorité des cas, la spécificité anticorps de l’immunoglobuline monoclonale
reste inconnue.

3°) La présence d’une immunoglobuline monoclonale n’est pas synonyme de malignité du clone
B lymphocytaire.

4°) Il est, en effet, fréquent d’observer une immunoglobuline monoclonale accompagnant le


vieillissement normal, ainsi qu’au cours d’affections variées.

INTRODUCTION

Les immunoglobulines sont produites par les B lymphocytes. Chaque lymphocyte B


issu de la moelle osseuse produit un anticorps de spécificité particulière, de sorte que les
millions de lymphocytes B originaires de la moelle osseuse produisent les millions
d’anticorps différents susceptibles de réagir avec la multitude des antigènes potentiels.
Chaque lymphocyte B produit une chaîne lourde qui définit l’isotype de l’immunoglobuline
(IgM, IgG, IgA, IgE) et une chaîne légère (soit kappa, soit lambda) dont l’assemblage se fait
dans le cytoplasme.
Ces immunoglobulines représentent un constituant important des protéines sériques et
apparaissent en électrophorèse des protéines en migrant dans les zones dites bêta et gamma.
Cette migration dépend de la masse moléculaire et de la charge électrique des
immunoglobulines. Dans la mesure où, au sein d’une même classe ou sous-classe
d’immunoglobuline (M, A, G, E, D), les régions constantes sont identiques, seules les
structures des régions variables des chaînes lourdes et légères (qui sont en contact avec
l’antigène ultérieurement, et dont les séquences sont différentes d’un anticorps à l’autre)
expliquent les différences de migrations électrophorétiques. Ceci donne l’aspect normal des
zones bêta et gamma de l’électrophorèse, aspect normal résultant de la migration de millions
de molécules différentes et présentes chacune en très faible quantité dans le sérum. Parmi les
millions de lymphocytes B produisant les anticorps sériques, il arrive qu’un lymphocyte B

231
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

unique prolifère (clone), différencie et produise un anticorps en quantité abondante au point


que cette immunoglobuline devient individualisable (immunoglobuline monoclonale) par les
techniques usuelles électro-phorétiques sous la forme d’un pic qui déforme la zone bêta ou
gamma. Plus les techniques de détection des immunoglobulines monoclonales sont sensibles
(électrophorèse en couche mince d’agarose, immunofixation), plus sont décelables des
sécrétions provenant de clones B modestes par leur taille ou leur sécrétion.

Les circonstances du diagnostic d’une immunoglobuline monoclonale :

D’une façon générale, la découverte d’une immunoglobuline monoclonale est faite au


décours de sa recherche en raison de symptômes qui évoquent une pathologie lympho-
proliférative B, ou à l’occasion d’un bilan de type infammatoire (découverte fortuite de
l’immunoglobuline monoclonale).

1°) Découverte en fonction de symptômes évoquant une lymphoprolifération B :

a) Symptômes évoquant un myélome multiple ou maladie de Kahler (voir


également l’Item correspondant) :
Le myélome multiple se caractérise par une prolifération maligne de lymphocytes
B dont le phénotype est plasmocytaire. Selon les patients, ces cellules produisent
une IgG ou une IgA, exceptionnement une IgD ou une IgE, et parfois une chaîne
légère isolée.
- Les manifestations cliniques les plus courantes sont les douleurs osseuses
d’aggravation progressive, insomniantes, résistantes aux antalgiques banals et
qui justifient les explorations radiologiques à la recherche de géodes, de
fractures ou de déminéralisation osseuse diffuse. Ces lésions osseuses peuvent
être responsables d’un syndrome hypercalcémique (troubles confusionnels,
coma, vomissements, douleurs abdominales, déshydratation et troubles du
rythme cardiaque).
- Les signes neurologiques peuvent être en rapport avec une compression
médullaire ou radiculaire liée aux lésions vertébrales.
- Les signes généraux sont en rapport avec le caractère malin du myélome
multiple : altération de l’état général, anorexie, amaigrissement.
- Les symptômes hématologiques sont fréquents, peuvent traduire
l’envahissement médullaire par les cellules plasmocytaires (anémie). Il peut
s’agir aussi d’une anémie par hémodilution liée au taux de l’immunoglobuline
monoclonale.
- Les signes en rapport avec un déficit immunitaire : la production de
l’immunoglobuline monoclonale s’associe très fréquemment à une diminution
considérable de la production des autres immunoglobulines par les
lymphocytes B normaux voisins. Dans ces conditions, le risque de
développement d’une pathologie infectieuse sévère est important, ce risque
étant majoré par les chimiothérapies nécessaires au traitement de la maladie.
- Les signes rénaux sont fréquents, surtout de l’insuffisance rénale, et de
mauvais pronostic et correspondent :

232
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

• soit à la néphropathie tubulaire du myélome évoluant vers l’insuffisance


rénale progressive due essentiellement à la production de chaînes légères
lambda monoclonales,
• soit à un syndrome de Fanconi où apparaissent des cristaux dans les
plasmocytes et les cellules tubulaires rénales,
• soit à une amylose qui est définie par l’apparition de dépôts protéïques
homogènes insolubles et d’aspect fibrillaire en microscopie électronique,
• soit enfin, à des dépôts de chaînes légères monoclonales non amyloïdes
d’aspect granuleux en microscopie électronique et infiltrant de nombreux
tissus dont les reins.

La découverte d’une immunoglobuline monoclonale à l’électrophorèse des protéines,


confirmée par immunoélectrophorèse et surtout par immunofixation, nécessite deux
démarches simultanées :
- confirmer le diagnostic de maladie de Kahler : réalisation de clichés
radiographiques osseux (crâne, bassin, rachis au long du gril costal),
recherche d’une protéinurie de Bence Jones composée de monomères et de
dimères de chaînes légères seules monoclonales précipitant à 56°C et se
redissolvant à ébulition, et réalisation d’un myélogramme permettant
d’observer plus de 10 % de plasmocytes médullaires, plasmocytes
pathologiques regroupés en nids à la biopsie ostéo-médullaire
- évaluer le pronostic de cette affection :
• calcémie, créatininémie
• dosage pondéral des immunoglobulines normales afin d’apprécier le
déficit immunitaire
• évaluation de la masse tumorale par dosage planimétrique du pic en
électrophorèse, dosage de la protéinurie de Bence Jones, et dosage
de la bêta-2-microglobuline sérique en absence d’insuffisance
rénale (la présence d’une insuffisance rénale ne permet pas
l’utilisation de ce paramètre pronostic)
• l’évaluation de l’index de prolifération des plasmocytes médullaires
• le dosage de la CRP qui est un reflet de la synthèse d’interleukine 6
par les plasmocytes malins.

b) Symptômes évoquant une maladie de Waldenström :


La macroglobulinémie de Waldenström est une prolifération monoclonale B
médullaire, ganglionnaire et splénique qui autorise la différenciation
lymphocytaire B à différentes étapes de celle-ci. Ceci explique que la plupart des
patients atteints de maladie de Waldenström ont une prolifération lymphocytaire
B polymorphe où l’on observe tous les intermédiaires entre les lymphocytes
matures et les plasmocytes.

Les symptômes les plus fréquents sont ceux d’une altération très lente de l’état
général, accompagnés d’une polyadénopathie ainsi que d’une
hépatosplénomégalie, ainsi que des complications liées à l’abondance du taux
sérique de l’IgM monoclonale.

233
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

c) Autres symptômes liés, soit à la concentration de l’immunoglobuline monoclonale,


soit à ses spécificités, soit à sa structure particulière :

• symptômes liés à l’importante concentration sérique de


l’immunoglobuline monoclonale :
- l’importance du taux sérique de l’immunoglobuline monoclonale peut être
responsable d’une accélération considérable de la vitesse de sédimentation,
d’une hyperprotidémie totale et de la formation de rouleaux d’hématies
- le syndrome d’hyperviscosité sérique peut être observé en cas
d’immunoglobuline monoclonale de type IgM ou IgG et peut se traduire par
des accidents d’allure thrombotique, sensoriels (vertige rotatoire brutal, surdité
brutale), neurologiques périphériques, ou rénaux

• la spécificité de l’immunoglobuline monoclonale peut également


être responsable de l’apparition de symptômes :
dans la plupart des cas, l’immunoglobuline monoclonale n’a pas de spécificité
connue. Cependant, l’activité auto-anticorps de certaines de ces
immunoglobulines monoclonales peut être déterminée et provoque des
manifestations cliniques. Ainsi certaines IgM monoclonales peuvent avoir une
activité anti-érythrocytaire au cours de la maladie des agglutinines froides
(variante de la maladie de Waldenström), d’autres peuvent avoir une activité
antimyéline et provoquer une neuropathie périphérique, d’autres peuvent
reconnaître des antigènes phospho-lipidiques et être responsables de
thromboses vasculaires, d’autres ont une activité anti-IgG (facteur rhumatoïde)
et peuvent provoquer une vascularite à complexes immuns, d’autres peuvent
reconnaître le facteur VIII de l’hémostase et favoriser des hémorragies.
• Enfin, certains symptômes sont secondaires à des anomalies de
structure de l’immunoglobuline monoclonale. Dans ces cas,
l’immunoglobuline monoclonale est anormalement glycosylée,
voire amputée d’une région variable ou constante. Il s’agit de la
maladie des chaînes alpha qui se traduit par un tableau de
malabsorption digestive liée à une infiltration de l’intestin grêle et
des ganglions mésentériques par la prolifération
lymphoplasmocytaire, de la maladie des chaînes lourdes mu dont
l’aspect clinique est proche d’une leucémie lymphoïde chronique,
ou de la maladie des chaînes gammas qui est souvent peu
symptomatique.

d) Enfin, la recherche d’une Ig monoclonale est systématique dans le cadre du


bilan d’une leucémie lymphoïde chronique, d’un lymphome malin et d’une
amylose primitive.

2°) Découverte fortuite d’une immunoglobuline monoclonale à l’occasion d’une


électrophorèse des protéines :

234
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

a) les immunoglobulines monoclonales de signification indéterminée :


il s’agit de patients pour lesquels la présence des symptômes qui ont motivé la
pratique de l’électrophorèse des protéines, ne semble pas pouvoir expliquer la
présence d’une Ig monoclonale. Les arguments en faveur de la bénignité de cette
dysglobuline monoclonale, doivent être sérieusement pesés :

- absence de protéinurie de Bence Jones,


- taux normal des autres immunoglobulines sériques,
- faible pourcentage et absence d’anomalie morphologique des plasmocytes
médullaires,
- taux sérique de l’immunoglobuline monoclonale inférieure à 20 g/l pour les
IgG et à 10 g/l pour les IgA.
Le diagnostic d’une dysglobuline monoclonale de signification
indéterminée, requiert une surveillance clinique et biologique bi-
annuelle dans la mesure où on admet que plus de 20 % de ces patients
risquent d’évoluer vers une lymphoprolifération maligne sécrétant une
immunoglobuline monoclonale.
De nombreuses pathologies peuvent s’accompagner de la production
d’une immunoglobuline monoclonale en-dehors d’une pathologie
primitive des lymphocytes B. Ainsi, la découverte d’une
immunoglobuline monoclonale est fréquente au cours des déficits
immunitaires primitifs et secondaires, y compris au cours de
l’infection par le VIH, au cours d’infections virales par le
cytomégalovirus, au cours d’infections bactériennes chroniques, au
cours d’hémopathies touchant la lignée myéloïde ou la lignée
érythrocytaire, au cours d’hépatopathies chroniques et surtout, au
cours du vieillissement normal. Avec des techniques à haute
résolution, la découverte d’une immunoglobuline monoclonale est
fréquente chez les sujets de plus de 70 ans (plus de 50 % des patients).

235
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

IMMUNOGLOBULINES MONOCLONALES ET
LYMPHOPROLIFERATIONS :

Les fréquences

Immunoglobuline de signification indéterminée 64 %

Myélome multiple 14 %

Amylose primitive 8%

Lymphomes non hodgkiniens 6%

Leucémie lymphoïde chronique 2%

Maladie de Waldenström 2%

236
Faculté de Médecine ULP Strasbourg France Année 2002

LES DIFFERENTS TYPES DE MYELOME MULTIPLE

- classique : sécrétion monoclonale d’une IgG, ou IgA, exceptionnement IgD ou IgE

- 10 à 20 % : sécrétion monoclonale de la chaîne légère seule, la chaîne lourde n’étant pas


sécrétée. Protéinurie de Bence Jones abondante

- 1 % : myélome non excrétant (le plus souvent, l’Ig est anormale et dégradée)

237

Vous aimerez peut-être aussi