Évacuation Des Personnes en Cas D'incendie

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Modélisation de l’évacuation des personnes en situation

d’incendie
Thomas Gasparotto

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Thomas Gasparotto. Modélisation de l’évacuation des personnes en situation d’incendie. Milieux
fluides et réactifs. Université de Lorraine, 2018. Français. �NNT : 2018LORR0128�. �tel-01896773�

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soutenance et mis à disposition de l'ensemble de la
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U NIVERSITÉ DE L ORRAINE
CNPP
L ABORATOIRE D ’E NERGÉTIQUE ET DE M ÉCANIQUE T HÉORIQUE ET A PPLIQUÉE - UMR
7563
E NERGIE M ÉCANIQUE ET M ATÉRIAUX - ED 409

Modélisation de l’évacuation des personnes en situation


d’incendie

THÈSE
présentée et soutenue publiquement le 13 février 2018

pour l’obtention du

Doctorat de l’Université de Lorraine

Spécialité : Mécanique et Energétique

par

Thomas GASPAROTTO

Composition du jury
Président: Olivier VAUQUELIN Professeur, Université d’Aix-Marseille, IUSTI

Rapporteurs: Pierre CARLOTTI Directeur, Laboratoire Central de la Préfecture de Police


Bernard PORTERIE Professeur, Université d’Aix-Marseille, IUSTI

Examinatrice: Anne THIRY-MULLER Ingénieure, Laboratoire Central de la Préfecture de Police

Directeurs: Pascal BOULET Professeur, Université de Lorraine, LEMTA


Anthony COLLIN Maître de conférences, Université de Lorraine, LEMTA

Invités: Armelle MULLER Directrice, Département Feu et Environnement, CNPP


Grégoire PIANET Responsable modélisation, Département Feu et Environnement, CNPP
ii
Remerciements
Le travail de thèse exposé dans ce mémoire a été effectué dans le cadre d’une collaboration
entre le Laboratoire d’Energétique et de Mécanique Théorique et Appliquée (LEMTA) et le
groupe CNPP. Il a bénéficié d’une convention CIFRE et d’un financement versé par l’Associa-
tion Nationale de Recherche et de Technologie (ANRT).

Avant toute chose, je tiens à remercier Pierre CARLOTTI, Bernard PORTERIE, Anne
THIRY-MULLER et Olivier VAUQUELIN pour leur participation à mon jury de thèse et pour
l’attention qu’ils ont portée à l’évaluation de mes travaux.

Je remercie Armelle MULLER et Grégoire PIANET de m’avoir permis d’effectuer cette


thèse au sein du Département Feu et Environnement de CNPP. J’en profite pour remercier ici
les membres du Département Feu et Environnement pour leur accueil, notamment mes col-
lègues du service "modélisation".

Je tiens à exprimer ma reconnaissance à Pascal BOULET (mon directeur de thèse) et à


Anthony COLLIN (mon co-directeur de thèse), qui m’ont permis d’effectuer ce doctorat au
sein de l’opération scientifique Feux du LEMTA, et qui m’ont fait bénéficier d’un encadrement
scientifique de grande qualité. Au sein de cette équipe Feux, je remercie également Gilles PA-
RENT, qui a largement contribué à mes travaux portant sur la visibilité en situation d’incendie,
ainsi que Zoubir ACEM et Rabah MEHADDI pour leurs conseils et leur aide précieuse. De
façon plus générale, j’exprime toute ma sympathie aux stagiaires, doctorants et post-doctorants
que j’ai côtoyés au laboratoire pendant ces trois années, avec qui j’ai eu grand plaisir à travailler.

J’adresse un merci tout particulier aux nombreuses personnes que j’ai sollicitées pour la
mise en place de mes expériences d’évacuation à grande échelle. Ces expériences, qui se sont
déroulées avec le soutien de l’Ecole Nationale Supérieure d’Electricité et de Mécanique (EN-
SEM) et de l’Ecole Européenne d’Ingénieurs en Génie des Matériaux (EEIGM), ont été des
temps forts de ma thèse mais aussi des moments très agréables.

Un grand merci à Irène LEONARD, Valérie REICHHART, Fatiha BOUMENDJEL et Da-


lida SIMONIGH qui m’ont facilité un grand nombre de tâches administratives, ainsi qu’à Lu-
dovic BUHLER, qui a toujours résolu mes petits problèmes informatiques.

Pendant ces trois années de travail, j’ai eu la chance d’être bien entouré dans ma vie per-
sonnelle. Je n’oublierai pas les personnes qui, en dehors du laboratoire, ont contribué à leur
manière à l’aboutissement de mes travaux. Je pense notamment à ma cousine Camille, qui m’a
gentiment hébergé pendant un mois alors que mon appartement était en travaux. J’adresse éga-
lement une dédicace à mon "vieil" ami Thibaud (même s’il est né un jour après moi), que j’ai
eu le bonheur de croiser pendant six ans à Nancy et avec qui j’ai régulièrement partagé mes
galères de doctorant autour d’un café. Je me dois de remercier en particulier les personnes qui
m’ont soutenu au cours des derniers mois de la thèse et surtout pendant la phase de rédaction.
Petit clin d’œil à Alexandra qui a été présente pendant cette période cruciale et grâce à qui j’ai
eu la "patate" jusqu’au bout ! Bien évidemment, je remercie du fond du cœur Marianne qui n’a
cessé de me faciliter la vie ces derniers mois par son soutien moral mais aussi par son soutien
logistique, notamment à l’approche de la soutenance.

iii
J’en profite pour remercier chaleureusement celles et ceux qui m’ont consacré leur journée
ce mardi 13 février 2018 pour assister à ma soutenance... et pour fêter mon grade de docteur
dans la foulée !

Enfin, je tiens à remercier mes parents pour tout ce qu’ils m’apportent depuis maintenant 26
ans. Leur soutien infaillible pendant mes (longues) études a été un moteur tout au long de mon
parcours. Je suis bien conscient que c’est en grande partie grâce à eux que j’ai pu aller aussi
loin.

iv
Table des matières

Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . v


Liste des symboles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ix
Table des figures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xv
Liste des tableaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . xix

Introduction générale 1

1 Contexte de l’étude 3
1.1 Pourquoi modéliser l’évacuation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.1 Concepts de base de l’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.2 Retours d’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.3 Intérêt de la modélisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.4 Objectifs de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 État de l’art sur la modélisation de l’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Les éléments à modéliser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Les modèles microscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.2.3 Les modèles macroscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.4 Pourquoi un modèle macroscopique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.3 Démarche suivie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

2 Le modèle de cheminement 27
2.1 Bases du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.1.1 Hypothèses de base et formulation mathématique . . . . . . . . . . . . 27
2.1.2 Diagramme fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.1.3 Modèle à plusieurs populations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.2 Méthode de résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.1 Algorithme général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.2 Définition de la géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.3 Définition du scénario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.4 Calcul du champ des vitesses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.2.5 Transport de la densité de personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.3 Extension du modèle pour les fortes densités de personnes . . . . . . . . . . . 48
2.3.1 Notion de diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.3.2 Terme de diffusion pour une population . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.3.3 Extension au cas de plusieurs populations . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.4 Conclusion du chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

3 Vérification et validation du modèle 57


3.1 Vérification et comparaison inter-modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.1.1 Tests de vérification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
3.1.2 Cas de comparaison inter-modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.2 Validation expérimentale à petite échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

v
TABLE DES MATIÈRES

3.2.1 Présentation de l’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66


3.2.2 Détermination expérimentale de la vitesse de marche et du temps de
réaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
3.2.3 Validation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
3.3 Validation expérimentale à moyenne échelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
3.3.1 Présentation et objectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
3.3.2 Configuration expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
3.3.3 Déroulement des expériences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
3.3.4 Scénario à deux sorties . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
3.3.5 Scénario à une seule sortie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.3.6 Scénario avec évacuation libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3.3.7 Scénario avec contre-courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
3.4 Analyse de sensibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
3.4.1 Temps de réaction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
3.4.2 Vitesse de marche libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
3.4.3 Densité de personnes critique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
3.5 Conclusion du chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

4 Etude de la visibilité 91
4.1 Problématique de la visibilité en évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4.1.1 Importance de la visibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4.1.2 Les modèles de visibilité existants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
4.1.3 Objectifs et méthode retenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2 Etude numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2.1 La PSF (Point Spread Function) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2.2 La méthode de Monte Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
4.2.3 Reconstruction d’images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.2.4 Analyse des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
4.3 Etude expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.3.1 Dispositif expérimental et protocole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.3.2 Modélisation de l’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.3.3 Cas d’un objet lumineux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.3.4 Cas d’un objet réfléchissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.4 Conclusion du chapitre et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115

5 Contraintes liées à l’incendie 117


5.1 Effets du feu sur l’évacuation des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
5.1.1 Les contraintes thermiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
5.1.2 Les contraintes toxiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
5.1.3 Les contraintes optiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
5.2 Intégration des contraintes dans le modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
5.2.1 Intégration des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
5.2.2 Données extraites de FDS 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
5.2.3 Extraction des données relatives au feu . . . . . . . . . . . . . . . . . 127
5.3 Cas de démonstration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
5.3.1 Configuration étudiée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
5.3.2 Résultats de simulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132
5.4 Conclusion du chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142

Conclusion générale et perspectives 143

vi
TABLE DES MATIÈRES

Annexe 149

Bibliographie 153

vii
TABLE DES MATIÈRES

viii
Liste des symboles

α Coefficient caractérisant l’intensité des contraintes thermiques


αφ Coefficient caractérisant les contraintes dues au flux thermique
αT Coefficient caractérisant les contraintes dues à la température
β Coefficient d’extinction [m−1 ]
βc Coefficient d’extinction seuil [m−1 ]
∆t Pas de temps [s]
δT Pas de temps [s]
∆tf eu Pas de temps pour l’actualisation des données liées à l’incendie [s]
Γ Concentration molaire [mol.m−3 ]
γ Grandissement
κ Coefficient d’absorption [m−1 ]
λ Conductivité thermique [W.m−1 .K−1 ]
µE Énergie moyenne reçue sur les échantillons [J]
Ω Domaine de calcul
ωs Taux de production de suies


Ωd Direction de diffusion d’un quantum


Ωe Direction d’émission d’un quantum


Ωi Direction d’incidence d’un quantum


φc Flux convectif


φd Flux diffusif


φ Flux


ϕ Densité de flux de chaleur


A Vecteur accélération
−→
fm Force motrice
−−soc

f Force sociale


fw Force sociale entre personnes et obstacles


J Densité de flux de matière

ix
LISTE DES SYMBOLES


→n Vecteur normal sortant


Ur Direction réelle de déplacement
−→
Uth Composante de vitesse due aux contraintes thermiques


U Direction de la vitesse souhaitée


V Vecteur vitesse de marche souhaitée

−v Vecteur vitesse de marche réelle


x Vecteur position
∂Ω Frontière du domaine de calcul
∂Ωs Frontière entre le domaine de calcul et les sorties
∂Ωw Frontière entre le domaine de calcul et les obstacles
Φ Angle azimutal de diffusion [rad]
φg Flux de gêne [W.m−2 ]
φs Flux seuil [W.m−2 ]
ψ Limiteur de flux
ρ Densité de personnes [m−2 ]
ρc Densité de personnes critique [m−2 ]
ρini Densité moyenne de personnes initiale [m−2 ]
ρseuil Densité de personnes seuil [m−2 ]
ρsuies Masse de suies par unité de volume [kg.m−3 ]
ρs Densité de personnes à la sortie [m−2 ]
ρt Densité de personnes totale [m−2 ]
σ Coefficient de diffusion [m−1 ]
σE Écart-type de l’énergie reçue sur les échantillons [J]
σs Surface d’extinction spécifique de la fumée [m2 .g−1 ]
τ Transmittance
τrelax Temps de relaxation [s]
τr Temps de réaction [s]
Θ Angle polaire de diffusion [rad]
θ Angle polaire [rad]
θmax Angle maximal d’émission des quanta [rad]
ρ̃ Estimation de la densité de personnes aux interfaces
ϕ Angle azimutal [rad]
ζ Potentiel
C Contraste

x
LISTE DES SYMBOLES

D Coefficient de diffusion [m2 .s−1 ]


Daxe Distance à l’axe de la lentille [m]
Dcentre Distance au point d’émission [m]
DO Densité optique [m−1 ]
E Énergie d’un quantum [J]
Eini Énergie initiale contenue par un quantum [J]
Ei Énergie reçue par la lentille pour l’échantillon i [J]
Elim Seuil d’énergie critique d’un quantum [J]
Etot Énergie totale émise [J]
F Débit de personnes [m−1 .s−1 ]
h Pas d’espace [m]
I Intensité lumineuse [cd]
I(x, y) Représentation matricielle d’une image
I0 Intensité lumineuse émise [cd]
Km Surface d’extinction massique [m2 .kg−1 ]
L Longueur [m]
l Largeur [m]
Lσ Longueur d’interaction de diffusion [m]
Lauto Longueur d’interaction au sein d’une même population [m]
Lf ond Luminance du fond de l’image [W.m−2 .sr−1 ]
Lij Longueur d’interaction entre les populations i et j [m]
Linter Longueur d’interaction entre deux populations différentes [m]
Lobj Luminance d’un objet [W.m−2 .sr−1 ]
M Masse de suie par volume de gaz [g.m−3 ]
m Masse [kg]
mc Masse de combustible brûlé [kg]
ms Masse de suies produites [kg]
N Nombre de personnes
Ncell Nombre de cellules traversées par un segment
Nc Nombre de cellules dans le domaine de calcul
Nech Nombre d’échantillons
Nl Nombre de personnes par unité de largeur [m−1 ]
Npop Nombre de populations
Nquanta Nombre de quanta émis

xi
LISTE DES SYMBOLES

O(x, y) Représentation matricielle d’un objet


P Fonction de phase
Pint Pression interne dans une foule [s−2 ]
Ri Nombre aléatoire compris entre 0 et 1
S Surface [m2 ]
T Température [K]
t Temps [s]
tevac Temps d’évacuation [s]
Tg Température de gêne [K]
Tout Temps estimé pour l’évacuation [s]
trad Temps de tenabilité de la peau [s]
Ts Température seuil [K]
Ux Composante selon x de la direction de la vitesse
Uy Composante selon y de la direction de la vitesse
V Distance de visibilité [m]
V Vitesse de marche réelle [m/s]
V0 Vitesse de marche sans contrainte [m/s]
x Coordonnée d’espace [m]
xmax Coordonnée d’une zone de départ [m]
xmin Coordonnée d’une zone de départ [m]
y Coordonnée d’espace [m]
ymax Coordonnée d’une zone de départ [m]
ymin Coordonnée d’une zone de départ [m]
YS Taux de production de suies
z Coordonnée d’espace [m]
(V) Voisinage
A Cellule d’arrivée
C Cellule courante
D Cellule de départ
P Cellule parent
ASET Available Safe Egress Time
BAES Bloc Autonome d’Eclairage de Sécurité
CFL Courant Friedrichs Lewy
CIE Commission Internationale de l’Éclairage

xii
LISTE DES SYMBOLES

EEIGM École Européenne d’Ingénieurs en Génie des Matériaux


EN European Norm
ERP Établissement Recevant du Public
Err Erreur
ERT Établissement Recevant des Travailleurs
F Temps de parcours utilisé dans l’algorithme de recherche de chemin
FDS Fire Dynamics Simulator
FEC Fractional Effective Concentration
FED Fractional Effective Dose
G Temps de parcours utilisé dans l’algorithme de recherche de chemin
H Temps de parcours utilisé dans l’algorithme de recherche de chemin
IE Intelligence Émotionnelle
IMO International Maritime Organization
ISO International Organization for Standardization
LEMTA Laboratoire d’Énergétique et de Mécanique Théorique et Appliquée
MARCOE Macroscopic Analysis of Rescue Configuration for Optimal Evacuation
MDMQ Melbourne Decision Making Questionnaire
MEB Microscope Electronique à Balayage
MTF Modulation Transfer Function
NF Norme Française
NIST National Institute of Standards and Technology
PAULO Pathfinding Algorithm Using Length Optimization
PSF Point Spread Function
PVC polychlorure de vinyle
QUICK Quadratic Upstream Interpolation for Convective Kinematics
RSET Required Safe Egress Time
SFPE Society of Fire Protection Engineers
SSREI Schutte Self-Report Emotional Intelligence
TF Transformée de Fourier
TVD Total Variation Diminishing
UP Unité de passage
VTT Technical Research Centre of Finland

xiii
LISTE DES SYMBOLES

xiv
Table des figures

1.1 Les différentes phases du processus d’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . 4


1.2 Exercice d’évacuation d’une école, effet de congestion dû à un passage de porte
palière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.3 Nombre de personnes évacuées au cours du temps . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.4 Allure d’un diagramme fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.5 Corrélations densité-vitesse issues de la littérature [12] . . . . . . . . . . . . . 12
1.6 Phénomène d’auto-organisation dans une foule [26] . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.7 Formation d’un arc autour d’un passage étroit [26] . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.8 Illustration de la force sociale entre 2 personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.9 Illustration d’un automate cellulaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.10 Représentation d’un immeuble de trois étages par le logiciel EVACNET+ [54] . 21

2.1 Illustration du domaine de calcul et de ses deux types de frontières . . . . . . . 28


2.2 Loi densité-vitesse utilisée dans l’étude [13] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.3 Diagramme fondamental de notre modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.4 Algorithme général utilisé pour la résolution du problème . . . . . . . . . . . . 33
2.5 Labels permettant d’identifier les différents types de cellules . . . . . . . . . . 34
2.6 Exemple de géométrie : points de départ et d’arrivée . . . . . . . . . . . . . . 36
2.7 Différents types de voisinages . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.8 Calcul du temps de parcours en ligne droite entre deux cellules M et N . . . . . 37
2.9 Chemins calculés à l’aide des trois méthodes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
2.10 Domaine de calcul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
2.11 Cas particulier n◦ 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.12 Cas particulier n◦ 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.13 Cas particulier n◦ 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
2.14 Composantes de vitesse aux centres et sur les arêtes des cellules . . . . . . . . 43
2.15 Évaluation des vitesses aux interfaces avec les obstacles . . . . . . . . . . . . . 44
2.16 Évaluation des vitesses aux interfaces avec les sorties . . . . . . . . . . . . . . 44
2.17 Évaluation du flux lorsque la cellule aval est saturée . . . . . . . . . . . . . . . 47
2.18 Évaluation du flux près d’un obstacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
2.19 Zone de perception d’un individu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
2.20 Zone de perception d’un individu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
2.21 Coefficient de diffusion en fonction de la densité de personnes (L = 1m) . . . . 51
2.22 Personnes marchant à contre-courant dans un couloir . . . . . . . . . . . . . . 51
2.23 Zone de perception d’un individu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.24 Zone de perception d’un individu dans le cas multi-populations . . . . . . . . . 55

3.1 Configuration du test de vérification n◦ 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58


3.2 Taux de personnes sorties du couloir au cours du temps . . . . . . . . . . . . . 59
3.3 Configuration du test de vérification n◦ 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
3.4 Flux de personnes à la sortie au cours du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

xv
TABLE DES FIGURES

3.5 Taux de sortie des personnes au cours du temps pour le test n◦ 4 . . . . . . . . . 60


3.6 Configuration du test de vérification n◦ 6 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
3.7 Taux de personnes sorties du couloir au cours du temps pur le test n◦ 6 . . . . . 61
3.8 Répartition spatiale de la densité de personnes à quatre instants différents . . . 62
3.9 Configuration du test de vérification n◦ 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
3.10 Taux de sortie des personnes pour le test n◦ 9 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.11 Comparaison des temps d’évacuation obtenus avec différents codes . . . . . . . 65
3.12 Schéma de la configuration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
3.13 Photographie de la pièce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
3.14 Configuration complète . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
3.15 Géométrie utilisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
3.16 Identification de la vitesse de marche et du temps de réaction sur 100 expé-
riences avec une seule personne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 70
3.17 Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 5 personnes) . . . . . . 70
3.18 Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 10 personnes) . . . . . . 71
3.19 Schéma du compartiment utilisé pour les expériences . . . . . . . . . . . . . . 73
3.20 Positions des caméras GoPro dans le compartiment . . . . . . . . . . . . . . . 74
3.21 Boîtiers n◦ 5 et n◦ 6 renfermant les caméras installées à la sortie des salles 2 et 3 74
3.22 Répartition des individus dans les salles au départ d’une expérience . . . . . . 76
3.23 Configuration initiale pour le scénario à deux sorties . . . . . . . . . . . . . . 77
3.24 Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les indivi-
dus situés dans la salle 1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
3.25 Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les indivi-
dus situés dans la salle 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.26 Configuration initiale pour le scénario à une sortie . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3.27 Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les indivi-
dus situés dans les salles 2 et 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
3.28 Configuration initiale pour le scénario avec évacuation libre . . . . . . . . . . . 81
3.29 Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les indivi-
dus situés dans les salles 1, 2 et 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
3.30 Configuration initiale pour le scénario avec contre-courant . . . . . . . . . . . 83
3.31 Taux de sortie des personnes au cours du temps obtenus expérimentalement et
numériquement pour le scénario avec contre-courant . . . . . . . . . . . . . . 83
3.32 Sensibilité du modèle au temps de réction τr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
3.33 Influence de la vitesse de marche libre V0 sur l’allure du diagramme fondamen-
tal pour ρc = 5, 4 m−2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
3.34 Sensibilité du modèle à la vitesse de marche libre V0 . . . . . . . . . . . . . . 87
3.35 Influence de la densité de personnes critique ρc sur l’allure du diagramme fon-
damental pour V0 = 1, 25 m.−1 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
3.36 Sensibilité du modèle à la densité de personnes critique ρc . . . . . . . . . . . 89

4.1 Détermination expérimentale de la loi de Jin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95


4.2 Illustration du principe de la PSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.3 Visualisation d’une PSF dans des conditions de stigmatisme parfait et approché 98
4.4 Schéma de principe de la méthode de Monte Carlo pour le suivi de quanta . . . 100
4.5 Système de coordonnées cylindriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
4.6 Direction de diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
4.7 Produit de convolution entre l’objet et la PSF . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.8 Mire USAF 1951 utilisée, avec les zones de calcul du contraste . . . . . . . . . 105
4.9 Présentation du dispositif expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

xvi
TABLE DES FIGURES

4.10 Cuve contenant le milieu diffusant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106


4.11 Objet (mire USAF 1951) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
4.12 Caméra utilisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
4.13 Laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.14 Photodétecteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.15 Modélisation de l’expérience sur la visibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
4.16 Évaluation des rayons des particules de silice au MEB (Microscope Électro-
nique à Balayage) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
4.17 Fonction de phase pour les particules de silice de diamètre 800 nm pour une
longueur d’onde de 543 nm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
4.18 Schéma de l’expérience pour un objet lumineux . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.19 Évolution du contraste sur l’image en fonction du coefficient d’extinction du
milieu pour un objet lumineux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.20 Image caméra (K = 0 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.21 Image reconstruite (K = 0 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.22 Image caméra (K = 81 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.23 Image reconstruite (K = 81 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
4.24 Image caméra (K = 144 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.25 Image reconstruite (K = 144 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.26 Image caméra (K = 160 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.27 Image reconstruite (K = 160 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
4.28 Schéma de l’expérience pour un objet réfléchissant . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.29 Évolution du contraste sur l’image en fonction du coefficient d’extinction du
milieu pour un objet réfléchissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
4.30 Image caméra (K = 0 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
4.31 Image caméra (K = 43 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
4.32 Image caméra (K = 81 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
4.33 Image caméra (K = 100 m−1 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
4.34 Voyant d’alarme rouge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
4.35 BAES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

5.1 Effets du flux thermique sur la peau [34] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118


5.2 Évolution du coefficient αT en fonction de la température pour Tg = 40◦ C et Ts
= 60◦ C . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
5.3 Évolution du coefficient αφ en fonction du flux thermique pour φg = 0,5 kW.m−2
et φs = 2,5 kW.m−2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
5.4 Représentation schématique du magasin utilisé pour la simulation . . . . . . . 128
5.5 Positions des 5 issues de secours du bâtiment . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
5.6 Évolution de la puissance au cours du temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
5.7 Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=150 s 130
5.8 Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=300 s 130
5.9 Champ de température dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s . . . . 132
5.10 Champ de flux thermique dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s . . 133
5.11 Champ des coefficients α à l’instant t=250 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133
−→
5.12 Composantes de vitesse Uth pour 250 s ≤ t < 255 s . . . . . . . . . . . . . . . 134
5.13 Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25
m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135
5.14 Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25 m.−1 s,
ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

xvii
TABLE DES FIGURES

5.15 Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25
m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
5.16 Flux de personnes à travers les 3 sorties pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25 m.−1 s,
ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
5.17 Répartition spatiale de la densité de personnes (m−2 ) dans le bâtiment à l’instant
t = 100 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
5.18 Loi densité-vitesse utilisée dans le scénario n◦ 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.19 Diagramme fondamental utilisé dans le scénario n◦ 3 . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.20 Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.−1 s,
ρc = 3 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.21 Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.−1 s, ρc
= 3 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.22 Relations densité-vitesse utilisées dans le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . . . . 140
5.23 Diagrammes fondamentaux utilisés dans le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . . . . 140
5.24 Taux de personnes sorties au cours du temps pour la population 1 (V0 = 1,25
m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) et pour la population 2 (V0 = 0,6 m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) . . 141
5.25 Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . 141

xviii
Liste des tableaux

1.1 Vitesses moyennes de marche dans différents pays [12] . . . . . . . . . . . . . 10


1.2 Niveaux de service de Fruin [18] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

2.1 Temps de parcours estimés avec les différentes méthodes . . . . . . . . . . . . 39


2.2 Complexité des algorithmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

3.1 Comparaison des temps intermédiaires d’évacuation pour le test n◦ 9 . . . . . . 63


3.2 Scénario défini pour la comparaison entre codes . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
3.3 Temps d’évacuation obtenus par différents modèles . . . . . . . . . . . . . . . 65
3.4 Temps caractéristiques d’évacuation pour un effectif de 5 personnes . . . . . . 71
3.5 Temps caractéristiques d’évacuation pour un effectif de 10 personnes . . . . . . 72
3.6 Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les indi-
vidus situés dans la salle 1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.7 Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les indi-
vidus situés dans la salle 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
3.8 Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les indi-
vidus situés dans les salles 2 et 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
3.9 Récapitulatif des choix de sortie des personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
3.10 Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les indi-
vidus situés dans les salles 1, 2 et 3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
3.11 Temps intermédiaires d’évacuation pour le scénario avec contre-courant (éva-
cuation du compartiment pour les individus situés dans la salle 1) . . . . . . . . 84
3.12 Temps intermédiaires d’évacuation pour le scénario avec contre-courant (éva-
cuation du compartiment pour les individus situés dans la salle 3) . . . . . . . . 84

5.1 Effets pathologiques du flux thermique sur la peau [34] . . . . . . . . . . . . . 118


5.2 Effets de la température [34] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
5.3 Impact des différentes contraintes sur le mouvement des personnes . . . . . . . 122
5.4 Caractéristiques des deux populations pour le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . . 132
5.5 Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 1 . . . . . . . . . 135
5.6 Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 2 . . . . . . . . . 137
5.7 Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 3 . . . . . . . . . 140
5.8 Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . 141

xix
LISTE DES TABLEAUX

xx
Introduction générale

En situation d’incendie dans un bâtiment, la protection de la santé et de la vie des occupants


constitue une priorité absolue. En France, le Code de la construction et de l’habitation stipule
d’ailleurs que les sorties et les dégagements intérieurs qui y conduisent doivent être aménagés
et répartis de telle façon qu’ils permettent l’évacuation rapide et sûre des personnes. Dans le
cas des ERP (Établissements Recevant du Public), la réglementation française prescrit un en-
semble de moyens réputés satisfaire une évacuation en bon ordre et à l’abri des fumées. Parmi
ces moyens figurent le compartimentage et le désenfumage des locaux. La réglementation per-
met depuis 2004 d’utiliser l’ingénierie du désenfumage et l’ingénierie de la résistance au feu
pour justifier des solutions alternatives aux dispositions réglementaires. L’un des objectifs de
l’ingénierie du désenfumage est d’évaluer la performance d’un dispositif de désenfumage afin
de s’assurer que celui-ci maintienne, en cas d’incendie, des conditions d’évacuation acceptables
dans le bâtiment.

Parallèlement au développement de l’ingénierie du désenfumage, de nombreux outils ont


vu le jour au cours des dernières décennies afin de modéliser l’évacuation des personnes. Les
différents modèles mis en place reposent sur des approches physiques et mathématiques très
variées. D’abord basés sur des approches analytiques simples, les modèles d’évacuation se sont
par la suite complexifiés grâce aux progrès de l’informatique et du calcul numérique. La plu-
part d’entre eux ont été implémentés dans des outils informatiques dédiés à une utilisation en
ingénierie d’évacuation.

L’ingénierie d’évacuation préconise une approche "performantielle" de l’évacuation : son


objectif est d’évaluer la performance de différentes configurations des locaux vis-à-vis des
temps d’évacuation et de proposer des solutions d’aménagement permettant d’optimiser la mise
en sécurité des personnes. Face à la multiplication des grands projets de construction d’ouvrages
complexes, l’ingénierie d’évacuation, déjà largement utilisée à l’international, est amenée à se
développer en France. Dans cette optique, la maîtrise des différentes approches utilisées en éva-
cuation et de leurs limites revêt un intérêt croissant.

Le travail de thèse présenté dans ce manuscrit s’attache à la description d’un modèle de che-
minement de personnes basé sur une représentation macroscopique des individus et intégrant
des contraintes spécifiques liées au développement d’un incendie. Ce travail a bénéficié d’un
financement par une convention CIFRE dans le cadre d’une collaboration entre le LEMTA (La-
boratoire d’Énergétique et de Mécanique Théorique et Appliquée) et le groupe CNPP. Le pré-
sent manuscrit retrace les différents travaux effectués au cours de cette thèse et s’articule autour
de cinq chapitres. Le premier chapitre est une introduction au sujet de thèse. Les deux chapitres
suivants s’attachent au modèle de cheminement de personnes en dehors des contraintes liées au
feu, qui sont quant à elles introduites dans les deux derniers chapitres.

Le premier chapitre fait office d’introduction au problème et d’étude bibliographique. On


y introduit le contexte de l’évacuation en sécurité incendie et on y rappelle l’intérêt de notre

1
INTRODUCTION GÉNÉRALE

étude face à l’essor de l’ingénierie d’évacuation. Un état de l’art recense les différents éléments
constitutifs d’un modèle d’évacuation dédié à l’incendie, et détaille les différentes approches
utilisées à l’heure actuelle pour les modéliser. On insistera en particulier sur les atouts d’une
approche macroscopique vis-à-vis de nos objectifs.

Le deuxième chapitre présente de façon très détaillée le modèle de cheminement mis en


place au cours de ce travail, en dehors de toute contrainte liée au feu. Dans un premier temps,
on mentionne les hypothèses fondatrices du modèle ainsi que sa formulation mathématique ba-
sée sur une équation de conservation de la densité de personnes faisant intervenir un terme de
convection. On détaille dans un second temps l’algorithme employé pour la résolution des équa-
tions du modèle. On évoquera, dans une troisième partie, une extension du modèle de chemine-
ment dédiée au cas des fortes densités de personnes et faisant appel au phénomène physique de
diffusion.

Le modèle de cheminement mis en place est alors soumis à une phase de vérification et
de validation, que l’on présente dans le troisième chapitre. Les cas de vérification effectués
permettent de tester une à une les différentes fonctionnalités du modèle sur des configurations
très simples. Le modèle est ensuite validé par confrontation entre la simulation numérique et
des expériences réalisées à différentes échelles. Des essais ont d’abord été effectués à petite
échelle dans une pièce avec des effectifs restreints, afin d’avoir une première idée de la validité
du modèle. Par la suite, des expériences ont été menées à moyenne échelle dans un ensemble
pièces-couloir avec des effectifs de plusieurs dizaines de personnes et en considérant différents
scénarii. La fin du chapitre relate un ensemble de simulations destinées à tester la sensibilité du
modèle de cheminement à ses paramètres d’entrée.

Le quatrième chapitre est consacré à l’étude de la visibilité à travers un milieu absorbant-


diffusant tel que les fumées d’incendie. La baisse de visibilité en situation d’incendie constitue
en effet le handicap principal pour l’évacuation des personnes. L’objectif de ce chapitre est
multiple. D’une part, il s’agit de mettre en œuvre et de valider une méthode de reconstruction
de l’image d’un objet lumineux ou réfléchissant vu à travers un milieu de propriétés optiques
données. Cette technique s’appuie notamment sur une méthode de Monte Carlo développée
au LEMTA et permettant de quantifier la perte d’énergie lumineuse dans un milieu absorbant-
diffusant.

Le cinquième chapitre introduit dans le modèle les contraintes liées au feu dans un sens
plus large, puisqu’il inclut les contraintes optiques (opacité des fumées) et thermiques (flux
thermique, température). Dans un premier temps, on rappelle l’impact des différents effluents
du feu sur les individus et sur leur capacité à évacuer. On propose dans un second temps une
stratégie afin d’intégrer les contraintes liées à l’incendie dans l’algorithme de cheminement des
personnes. Enfin, on met en œuvre le modèle complet sur un cas de démonstration à grande
échelle.

2
Chapitre 1

Contexte de l’étude

L’objectif de ce chapitre introductif est de situer le contexte, les enjeux et les objectifs de
notre recherche. Dans une première section, on s’attachera à la définition et à l’observation des
différentes phases constituant un processus d’évacuation. Cela nous amènera à identifier les
principaux points à étudier dans l’optique de la modélisation et à définir les objectifs du travail
de recherche. Dans un deuxième temps, on passera en revue les différentes stratégies utilisées
pour modéliser l’évacuation des personnes, en distinguant deux grandes classes de modèles -
microscopique et macroscopique - et en précisant les atouts d’un modèle macroscopique continu
vis-à-vis de nos objectifs. On présentera finalement la démarche globale adoptée au cours de ce
travail.

1.1 Pourquoi modéliser l’évacuation ?


1.1.1 Concepts de base de l’évacuation
Une définition de l’évacuation donnée par la norme européenne EN ISO 13943 [1] est l’exé-
cution d’une action efficace pour atteindre un refuge sûr ou une zone de sécurité. En situation
d’incendie, l’efficacité de cette action est généralement quantifiée par un temps d’évacuation,
qui correspond à l’intervalle de temps qui s’écoule entre le déclenchement de l’alarme incendie
émise vers les occupants et l’instant où les occupants d’une partie spécifique d’un immeuble ou
de tout l’immeuble sont capables de pénétrer dans une zone de sécurité [1].

La norme EN ISO 13943 définit également les concepts de refuge sûr et de zone de sécurité,
ainsi que les durées caractéristiques RSET et ASET.
– Refuge sûr : emplacement temporaire qui est à l’abri d’un danger immédiat dû aux effets
de l’incendie.
– Zone de sécurité : zone sans danger et depuis laquelle il est possible de se déplacer
librement sans être exposé à un incendie.
– Temps nécessaire pour l’évacuation en sécurité, ou RSET (Required Safe Escape
Time) : temps nécessaire pour évacuer. Durée calculée nécessaire à un occupant pour
passer de son emplacement au moment du départ de feu à un refuge sûr ou une zone de
sécurité.
– Temps disponible pour l’évacuation en sécurité, ou ASET (Available Safe Evacua-
tion Time) : temps disponible pour évacuer. Pour un occupant individuel, l’intervalle de
temps calculé entre le moment du départ de feu et le moment où les conditions sont telles
que l’occupant se trouve dans l’incapacité d’exécuter une action efficace d’évacuation
vers un refuge sûr ou une zone de sécurité.

3
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.1 – Les différentes phases du processus d’évacuation

Le RSET peut se décomposer en plusieurs phases, représentées sur la figure 1.1 :


– Le temps de détection tdet , qui désigne la durée écoulée entre le départ d’un feu et la
détection de ce feu (par un détecteur de fumée par exemple).
– Le temps d’alarme tal , qui désigne la durée écoulée entre la détection du feu et la consigne
générale d’évacuation donnée aux occupants (déclenchement d’une alarme incendie).
– Le temps de pré-mouvement tpre , qui désigne la durée écoulée entre la consigne d’éva-
cuation et le début effectif du processus d’évacuation.
– Le temps de déplacement tdep , qui désigne le temps nécessaire aux personnes présentes
pour atteindre une zone de sécurité ou un refuge sûr. C’est ce temps que l’on cherche
généralement à évaluer dans les modèles d’évacuation et qui va nous intéresser dans cette
étude.

RSET = tdet + tal + tpre + tdep (1.1)


L’un des concepts de base de l’évacuation en situation d’incendie a longtemps été la com-
paraison entre deux grandeurs :
– le RSET (temps nécessaire pour l’évacuation des personnes),
– le ASET (temps disponible pour l’évacuation des personnes en toute sécurité)

La différence entre le RSET et le ASET correspond donc à une marge de sécurité :

tmarge = ASET − RSET (1.2)

On peut alors considérer ici que plus la marge est importante, plus les conditions de sécu-
rité des personnes seront bonnes au cours de leur évacuation. On notera qu’une marge négative
signifie que les personnes seront amenées à rencontrer au cours de leur cheminement des condi-
tions remettant en cause leur sécurité.
Il est important de noter que la simple comparaison entre RSET et ASET n’est pas forcé-
ment un critère pertinent, car il sous-entend un découplage entre les phénomènes d’évacuation
et d’incendie. Or, dans le cas où un incendie se développe dans un bâtiment, les conditions
d’évacuation des personnes peuvent être largement remises en cause par la propagation des
effluents du feu et par les aspects humains qui en découlent.

1.1.2 Retours d’expérience


Les différentes phases présentées sur la figure 1.1 sont inéluctablement présentes dans tout
processus d’évacuation d’urgence. La durée de la phase de détection du feu peut être variable,
et dépend de plusieurs facteurs comme la position du foyer, son caractère fumigène, ainsi que
la performance du système de détection. Le temps d’alarme, généralement court, peut aussi
comprendre un délai de temporisation du système d’alarme permettant la levée de doute par
un opérateur qui vérifie la présence ou non d’un sinistre. Ces deux phases ont peu d’intérêt

4
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

dans notre étude dans la mesure où elles précèdent l’évacuation et n’ont pas d’impact sur les
individus.
En revanche, plusieurs études scientifiques ont été menées dans le but d’identifier et de
comprendre les phases de pré-mouvement et de cheminement. Cette observation permet de
discerner les comportements des individus entre le signal d’alarme et leur sortie, mais aussi
les mécanismes plus "physiques" qui régissent le cheminement des personnes. L’étude expéri-
mentale de l’évacuation est essentiellement basée sur l’analyse vidéo de différentes situations
(expériences programmées, exercices dédiés à la formation incendie, situations réelles de feu).
Les références [2–6] présentent des résultats d’analyse vidéo dans diverses configurations qui
permettent d’aboutir à plusieurs constats généraux :
– A l’audition d’un signal d’alarme, les personnes peuvent effectuer des actions très di-
verses avant de cheminer vers une sortie. Le temps de pré-mouvement est très variable
selon les individus et le contexte (quelques secondes à plusieurs minutes) et peut être
supérieur au temps de trajet de la personne vers la sortie.
– Les personnes empruntent généralement la sortie qui leur est familière, notamment lors-
qu’elles connaissent peu ou mal les lieux.
– Les personnes ont tendance à se regrouper avec leurs amis ou collègues avant ou pendant
l’évacuation.

Dans le cadre de cette étude, ces différents points ont pu être observés au cours d’un exer-
cice réalisé à grande échelle dans le milieu universitaire. Cet exercice s’est tenu en septembre
2015 dans une école d’ingénieurs à Nancy, et faisait partie des exercices de sensibilisation obli-
gatoires dans les établissements scolaires et universitaires. L’école concernée est un bâtiment de
type R sur quatre niveaux comprenant un sous-sol, et rentre dans la catégorie des ERP. L’exer-
cice s’est déroulé un lundi après-midi à 14h30, alors que 382 personnes (essentiellement des
étudiants et des membres du personnel) se trouvaient dans le bâtiment. L’exercice présentait
une originalité : une halle située au rez-de chaussée a été enfumée à l’aide d’un fumigène, et
des sapeurs-pompiers ont eu l’occasion d’intervenir dans le cadre d’un exercice de sauvetage
factice de victime (simulation). Quinze caméras autonomes ont été placées à des endroits stra-
tégiques avant le déclenchement de l’alarme, dans le but de compter le nombre de personnes
présentes dans l’établissement, de relever les temps de passages et les flux de personnes au
niveau des sorties (données quantitatives), mais aussi d’observer les comportements des per-
sonnes au cours de l’évacuation (données qualitatives). La figure 1.2 montre une image prise
lors de l’évacuation par l’une des caméras placée au deuxième étage du bâtiment.

On présente, sur la figure 1.3, l’évolution du nombre de personnes ayant quitté le bâtiment
au cours du temps.
Le bâtiment a été complètement évacué 4 minutes et 30 secondes après le déclenchement
de l’alarme, ce qui représente un temps tout à fait correct pour un établissement de ce type et
un effectif de 382 personnes. Aucun incident notable ni mouvement de panique n’a été observé.
Toutefois, l’analyse des images fournies par les 15 caméras a permis plusieurs constats :
– 95 % des occupants ont emprunté la sortie principale du bâtiment, tandis que 3 autres sor-
ties étaient disponibles. Seuls 5% des occupants ont utilisé l’issue de secours disponible
au rez-de chaussée, alors que la quasi-totalité de ceux-ci est censée connaître parfaitement
les lieux. Deux des quatre sorties disponibles n’ont pas été utilisées ;
– Les personnes cheminent généralement par groupes de 2 ou 3 individus, tout en discutant
avec leurs voisins ;
– Certaines personnes font demi-tour sans raison apparente au cours de leur évacuation et
marchent donc à contre-courant du flux principal ;
– Des embouteillages se sont formés à plusieurs endroits dans le bâtiment, comme illustré

5
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.2 – Exercice d’évacuation d’une école, effet de congestion dû à un passage de porte
palière

F IGURE 1.3 – Nombre de personnes évacuées au cours du temps

sur la figure 1.2. Dans ces situations, on a constaté que les personnes sont restées immo-
biles en file indienne et n’ont pas tenté de comprendre la raison des ralentissements, de
contourner les zones saturées ou de trouver une autre voie d’évacuation.
Même si l’évacuation du bâtiment s’est bien déroulée dans son ensemble, l’observation de
l’exercice laisse penser que des comportements individuels et collectifs plus adaptés auraient
pu permettre de réduire le temps global d’évacuation.

6
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1.1.3 Intérêt de la modélisation


Les différents retours d’expériences en évacuation mettent en avant un impact significatif
du comportement humain sur le cheminement des personnes et sur les temps d’évacuation qui
en découlent. En particulier, certains comportements observés fréquemment peuvent conduire
à un allongement du temps total d’évacuation, voire nuire au bon déroulement de l’évacuation.
Ces comportements contre-productifs sont parfois la conséquence d’une mauvaise formation
des occupants aux problèmes de sécurité, mais aussi d’une absence de vécu d’une situation
d’évacuation d’urgence. C’est pourquoi les réglementations actuelles dans les Établissements
Recevant des Travailleurs (ERT) et les établissements scolaires rendent obligatoire l’organisa-
tion périodique d’exercices d’évacuation au sein de leurs locaux. Ces exercices ont pour but
de vérifier le fonctionnement des dispositifs de sécurité (alarmes, portes coupe-feu), de mettre
en situation réelle les chargés d’évacuation (guide-file, serre-file), de s’assurer que l’évacuation
peut se faire dans des délais raisonnables, et aussi de sensibiliser les occupants à la conduite à
tenir en cas d’évacuation. Toutefois, malgré la mise en place de formations à l’évacuation, on
observe encore souvent des comportements inappropriés comme ceux mentionnés dans la par-
tie 1.1.2. De plus, la plupart des ERP (centres commerciaux, gares, bibliothèques) concentrent
un grand nombre de personnes aux profils diversifiés, n’ayant pas toujours été formées à l’éva-
cuation et dont le comportement peut être fortement influencé par le contexte. Ainsi, bien que
la formation à l’évacuation soit un moyen d’action possible, elle ne peut pas être considérée
comme suffisante pour garantir en toute circonstance la bonne mise en sécurité des personnes.

Dans le cas d’un ERP, l’un des moyens les plus sûrs pour faciliter la sortie des personnes
reste donc un agencement pertinent des locaux et un bon dimensionnement des moyens rela-
tifs à l’évacuation. Si le nombre, la largeur et le signalement des issues ainsi que les longueurs
de cheminements sont les principaux paramètres affectant le déroulement d’une évacuation,
l’agencement des cheminements peut également avoir un impact significatif. Le paradoxe de
Braess [7, 8], selon lequel l’installation d’un poteau ou d’un obstacle à proximité d’une issue
aurait tendance à fluidifier la circulation des personnes et à diminuer le temps de sortie, en est
un exemple. En amont d’un projet de construction, il semble donc pertinent de s’intéresser à la
conception et au dimensionnement des moyens d’évacuation, ainsi qu’à leur influence sur les
temps d’évacuation.

Dans ce but, la solution principale est le recours à l’ingénierie d’évacuation et à la modé-


lisation. A l’heure actuelle, la réglementation dans les ERP autorise le recours à l’ingénierie
du désenfumage pour estimer le temps disponible pour l’évacuation en sécurité. En complé-
ment des études de désenfumage, l’objectif de l’ingénierie d’évacuation est d’estimer, à partir
de modèles, le temps nécessaire pour l’évacuation des personnes. Largement pratiquée au ni-
veau international, l’ingénierie de l’évacuation ne fait pas l’objet d’ouverture réglementaire en
France à ce jour et n’est utilisée au mieux qu’à titre indicatif. La réglementation en vigueur [9]
stipule que les moyens dédiés à l’évacuation (dégagements, unités de passage) doivent être di-
mensionnés en fonction de la capacité maximale d’un ouvrage ; elle précise également que toute
personne présente dans l’établissement doit être située à moins de 50 mètres d’une issue de se-
cours. Il s’agit donc d’une approche prescriptive. En particulier, il n’est pas possible aujourd’hui
de s’appuyer sur une ingénierie d’évacuation pour justifier des solutions de conception qui, en
matière de moyens d’évacuation, seraient moins-disantes par rapport aux solutions prescrites
par la réglementation. De plus, les objectifs imposés suite au "choc de simplification" annoncé
en 2013 a eu jusqu’à ce jour l’effet de geler la parution de nouveau textes réglementaires et
donc les chances d’une éventuelle ouverture à l’ingénierie d’évacuation.

En réponse à cette situation qui touche particulièrement le développement rapide du secteur

7
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

de la construction, on note depuis peu des volontés d’assouplissement qui permettraient à de


nombreux grands projets novateurs de voir le jour. La possibilité d’un recours au droit souple
via l’application de référentiels non réglementaires, le décret n◦ 2017-1044 du 10 mai 2017 por-
tant expérimentation en matière de construction, la loi du n◦ 2016-925 du 7 juillet 2016 relative
à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, et tout récemment le projet de loi
du 27 novembre 2017 pour un état au service d’une société de confiance, sont des cadres au
sein desquels une application de l’ingénierie de l’évacuation serait implicitement autorisée au-
jourd’hui. Permettant à la fois de compléter l’approche par ingénierie de désenfumage, mais
également d’optimiser les moyens d’évacuation, l’ingénierie d’évacuation est sans-doute ame-
née à se développer de façon significative dans les années à venir. Il convient toutefois d’en
encadrer rigoureusement la pratique, qui nécessite encore un cadre d’application demandant un
travail de fond sur l’analyse des modèles applicables et la définition des paramètres d’entrée.

1.1.4 Objectifs de l’étude


Le développement potentiel de l’ingénierie d’évacuation ouvre la voie à de nouvelles études
et relance l’intérêt pour la modélisation de l’évacuation. L’objectif principal de ce travail de
thèse est donc la mise en place d’un modèle complet d’évacuation des personnes en situation
d’incendie incluant les effets du feu sur les personnes. Afin de mener à bien ce projet, différentes
contraintes ont été identifiées et constituent des objectifs secondaires pour l’étude.
1. Les résultats fournis par un modèle d’évacuation sont généralement dépendants du scéna-
rio simulé. Les temps d’évacuation obtenus dépendent essentiellement de la distribution
initiale de personnes et des paramètres fixés en entrée dans le modèle. Dans la pratique,
pour un bâtiment donné et une population donnée, le nombre de scénarii d’évacuation
envisageables est très important. Une solution possible consiste à simuler un très grand
nombre de scénarii différents et à traiter la grande quantité de résultats de façon statis-
tique en termes de moyennes et d’écarts-types. Cette solution est cependant très compli-
quée à mettre en place puisqu’elle nécessite de recenser tous les scénarii potentiels en
tenant compte des particularités de tous les occupants, notamment les facteurs humains
et comportementaux. De plus, elle implique des temps de simulation très longs. L’un des
objectifs de ce travail de thèse consiste donc à obtenir un outil capable de déterminer les
performances globales d’une solution de conception par rapport à l’évacuation, d’une part
en s’affranchissant de la distribution initiale de personnes et d’autre part en favorisant un
modèle rapide pour permettre à l’avenir un traitement stochastique des paramètres libres.
2. A l’heure actuelle, parmi les nombreux modèles d’évacuation développés, très peu prennent
en considération les effets du feu sur l’évacuation des personnes [10]. De plus, les critères
retenus pour l’évaluation des conditions d’évacuation sont souvent arbitraires et sujets à
discussion (seuils de température et de flux thermique, prise en compte de doses toxiques).
L’un des objectifs du modèle qui sera mis en place est d’intégrer une méthode consistante
pour tenir compte des effets du feu sur les personnes.
3. L’intégration de contraintes propres à l’incendie au sein du modèle nécessite a priori
l’évaluation des grandeurs thermiques et optiques en situation d’incendie. Différents codes
de calcul ont été développés afin de modéliser la propagation du feu et de ses effluents.
Le code de calcul FDS (Fire Dynamics Simulator), développé par le NIST (National Ins-
titute of Standards and Technology) est couramment mis en œuvre dans le domaine de
l’Ingénierie de Sécurité Incendie et constitue actuellement une bonne référence du fait
de sa mise à jour régulière et de sa validation pertinente. Ce code est par ailleurs utilisé
à CNPP pour les modélisations d’incendie en milieu confiné. Le modèle d’évacuation à
mettre en place devra donc s’appuyer sur le code FDS permettant d’extraire des données
physiques (grandeurs optiques, thermiques).

8
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

1.2 État de l’art sur la modélisation de l’évacuation


1.2.1 Les éléments à modéliser
La modélisation complète d’une situation d’évacuation en cas d’incendie nécessite, dans le
cas idéal, la prise en compte de plusieurs éléments importants et en interaction les uns avec les
autres. Ces éléments comprennent notamment :
– le compartiment à évacuer ;
– le mouvement des personnes ;
– le comportement humain ;
– les effets du feu.

Le milieu à évacuer
C’est le "cadre" de l’évacuation. Le compartiment à évacuer doit être connu de la façon la
plus détaillée possible, afin d’en proposer une modélisation la plus fidèle possible à la réalité.
Ce compartiment correspond à la zone dans laquelle des individus seront susceptibles de se
trouver aux abords du foyer ou soumis aux effets du feu. La norme NF EN ISO 13943 définit
le compartiment feu comme un espace clos, qui peut être compartimenté, séparé des espaces
adjacents par des parois de séparation coupe-feu [1].

Deux points sont à prendre en compte :


– la géométrie (dimensions des locaux, présences d’obstacles, de murs, de portes, d’ascen-
seurs, d’escaliers, de voies inaccessibles ou entraînant une réduction de vitesse,...)
– le mode de représentation du milieu (maillage, réseau discrétisé ou continu, découpage
du local en pièces ou en cellules,...). En particulier, la représentation des singularités de
la géométrie (obstacles, rétrécissements, escaliers) est importante, car elle va permettre
ensuite de modéliser le mouvement des personnes dans ces zones, qui sont susceptibles
d’influencer fortement le cheminement.

La modélisation du compartiment à évacuer est particulièrement importante dans les mo-


dèles numériques, où les calculs sont effectués sur des subdivisions du milieu (mailles, cellules).
Si cette modélisation doit être la plus proche possible de la réalité, elle doit surtout permettre de
mener des calculs de façon efficace et doit donc être adaptée à la méthode de calcul retenue.

Le mouvement
Le mouvement des individus peut être modélisé grâce à différentes méthodes mathéma-
tiques (qui seront décrites dans la section suivante). Néanmoins, ces différentes stratégies de
modélisation doivent prendre en compte les paramètres humains liés à la marche à pied. Les
principaux paramètres permettant de caractériser les mouvements de personnes sont la vitesse
de marche et la densité de personnes.

Vitesse de marche individuelle


La vitesse de marche individuelle a fait l’objet de différents travaux scientifiques. D’après les
travaux de McNeil [11], la vitesse de marche préférentielle d’un individu (appelée parfois vi-
tesse de marche de confort ou vitesse de marche libre) est celle qui permet de minimiser l’éner-
gie métabolique dépensée au cours du mouvement. Cette énergie métabolique peut être calcu-
lée grâce à des modèles mathématiques prenant en compte les propriétés physiologiques des
muscles et des tendons, mais aussi la masse de l’individu ou encore la force exercée par ses

9
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Pays ou continent vitesse moyenne de marche


Europe 1,41 m/s
États-Unis 1,34 m/s
Australie 1,44 m/s
Asie 1,24 m/s

TABLE 1.1 – Vitesses moyennes de marche dans différents pays [12]

pieds sur le sol.

Ainsi, la vitesse de marche libre est une grandeur qui peut varier de façon significative d’un
individu à l’autre, en fonction :
– du sexe : les hommes se déplacent en moyenne plus vite que les femmes.
– de l’âge : un adulte se déplace en moyenne plus rapidement qu’un enfant ou qu’une
personne âgée.
– de sa destination et de sa familiarité avec son trajet : une personne se rendant à son travail
se déplace plus rapidement qu’un touriste ou qu’un promeneur.
– de sa culture : les vitesses de marche moyennes varient beaucoup selon les pays.

Daamen [12] a réalisé une synthèse de différents résultats expérimentaux issus d’essais me-
nés dans plusieurs pays. Ces essais consistent à mesurer la vitesse de marche libre de personnes
constituant des échantillons représentatifs de la population dans un couloir non encombré. Cette
synthèse met en évidence les différences qui existent entre les pays, représentées dans la table
1.1.

A partir de ces données, il a été établi que la vitesse de marche suit une loi normale de
moyenne 1,34 m.s−1 et d’écart-type 0,37 m.s−1 . Cette valeur moyenne est en bon accord avec
la valeur déterminée par Weidmann [13] (1,34 m.s−1 ) ou encore Henderson [14] (moyenne de
1,34 m.s−1 et écart-type de 0,26 m.s−1 ). L’étude montre également que la vitesse moyenne d’un
homme est de 10% supérieure à celle d’une femme.

On dispose également de quelques données concernant les vitesses de marche libre dans des
infrastructures plus complexes, comme les escaliers. D’après Pauls [15], la vitesse de marche
libre dans un escalier comporte une composante horizontale d’environ 0,9 m.s−1 , et une com-
posante verticale d’environ 0,6 m.s−1 . Ces valeurs empiriques dépendent en réalité des carac-
téristiques de l’escalier (hauteur des marches et largeur de l’escalier notamment). On notera
que d’après Lovas [16], plusieurs études montrent que les vitesses de marche libre diffèrent
peu quand on monte ou quand on descend un escalier, et que dans ces deux cas, la composante
horizontale de vitesse est réduite d’environ 50% par rapport à la marche sur le plat.

Vitesse de marche et densité


Il semble clair que, dans le cas d’un mouvement de foule, les individus se trouvent obligés de
réduire leur vitesse du fait de la proximité immédiate des autres personnes. Dans ce cas, l’occu-
pation d’un compartiment peut être quantifiée par une grandeur macroscopique : la densité de
personnes, qui s’exprime généralement en personnes par mètre carré (m−2 ).

Il convient alors de s’intéresser aux variations de la vitesse individuelle de marche en fonc-


tion de la densité de personnes. Ce point a fait l’objet de nombreuses études. Fruin [17] estime
que la vitesse de marche libre n’est atteignable que dans le cas où la densité environnante est in-

10
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Niveau Espace Densité de Débit


de disponible personnes moyen Description
service (m2 ) (m−2 ) (m−1 .s−1 )
A >3,3 <0,3 <23 Vitesse de marche libre
B 2,3-3,3 0,3-0,4 23-33 Conflits rares
C 1,4-2,3 0,4-0,7 33-49 Mouvement fluide mais
dépassements difficiles
D 0,9-1,4 0,7-1,1 49-66 Conflits fréquents et
réduction de la vitesse
E 0,5-0,9 1,1-2 66-82 Vitesse faible, déplacements difficiles
F <0,5 >2 Variable Contacts inévitables,
densité de personnes critique

TABLE 1.2 – Niveaux de service de Fruin [18]

férieure à 0,4 m−2 . Il a ainsi mis en place 6 niveaux de service représentés dans la table 1.2 [18].

L’évolution du débit de personnes en fonction de la densité est généralement représentée sur


un diagramme fondamental comme celui de la figure 1.4.

On observe bien sur cette courbe la présence d’une densité seuil ρseuil au delà de laquelle le
débit est ralenti. On observe également l’existence d’une densité critique ρc qui annule le débit.
Cette densité critique correspond à une situation de saturation dans laquelle les individus ne
bougent plus.

Les valeurs de ρc trouvées dans la littérature varient de 3, 9 m−2 [19] à 6, 25 m−2 . On re-
tiendra la valeur de Weidmann [13], égale à 5, 4 m−2 et qui représente donc un bon compromis
dans cet intervalle de valeurs. On notera également que cette valeur ρc est plus faible dans un
escalier, et ne peut guère y dépasser 3 m−2 [20].

En terme de vitesse, les différentes études menées aboutissent à des lois densité-vitesse
décroissantes se rapprochant de lois linéaires du type :

V (ρ) = V0 − aρ (1.3)

où V0 est la vitesse individuelle libre et V (ρ) la vitesse individuelle effective. La figure


1.5 représente différentes lois densité-vitesse issues de la littérature. On y trouve notamment
les lois écrites par Fruin [17], Weidmann [13], Virkler et Elayadath [21], Older [19], Sarkar et
Janardhan [22] et Tanaboriboon [23].

Le comportement
La notion de comportement est fondamentale en évacuation, car elle définit les décisions
des individus et influence par conséquent fortement les mouvements individuels et collectifs.
Ceci est encore plus vrai dans le cas de l’incendie, où les effets dus à l’urgence et la panique
qu’il engendre sont multipliés.

11
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.4 – Allure d’un diagramme fondamental

F IGURE 1.5 – Corrélations densité-vitesse issues de la littérature [12]

12
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Notions de comportement
Différentes études sur le comportement des piétons (en particulier dans les milieux encombrés)
ont permis de dégager des caractéristiques générales sur le comportement.

1. Un piéton se déplace de préférence en ligne droite afin de minimiser sa distance à parcou-


rir. Il évite les changements de direction quand cela est possible.

2. Un piéton adapte son mouvement (trajectoire et vitesse) en fonction de son objectif à


atteindre d’une part, et de la densité de personnes qu’il peut percevoir dans son champ
de vision [24]. Ainsi, si le chemin le plus court est encombré (forte densité), il préférera
contourner la zone encombrée et maintenir sa vitesse de confort plutôt que ralentir (si
cette option lui semble plus rapide).

3. Un piéton cherche à conserver autour de lui un certain espace et tend à maintenir avec les
autres individus une distance sociale minimale, qui dépend de la densité.

4. Dans le cas d’un engorgement ou d’une forte densité, une personne seule peut chercher à
se faufiler entre les gens pour avancer plus vite [25].

5. Un piéton évite de faire demi-tour et de marcher à contre courant dans un lieu encom-
bré. Toutefois, lorsque plusieurs personnes ou plusieurs groupes se déplacent à contre-
courant, on observe la formation spontanée de lignes d’individus se dirigeant dans la
même direction, ce qui contribue à la fluidification du trafic : on parle de phénomène
d’auto-organisation. Ce phénomène a été mis en évidence dans plusieurs études [26] et
est illustré sur la figure 1.6.

6. Lorsqu’une foule dense tente de traverser un passage étroit (une porte par exemple), les
individus ont tendance à contourner le bouchon pour passer sur le coté, tout en exerçant
une pression sur le bouchon. Cela conduit à la formation d’un arc de cercle autour de la
porte (figure 1.7).

7. Une foule n’est pas constituée uniquement d’entités individuelles, mais également de
groupes d’individus hiérarchisés (famille) ou non (collègues, amis). Ces groupes ont ten-
dance à se comporter comme une entité à part entière, et à tenter de se regrouper quand
ils se trouvent séparés [27].

8. Dans le cas où une ouverture est traversée par deux foules se déplaçant en sens contraires,
une alternance des sens de circulation à travers la porte se forme spontanément, ce qui
engendre un phénomène d’oscillation [28].

9. Lorsque des individus tournent dans un angle, ils ralentissent leur allure, ce qui accroit
la densité de personnes au niveau de l’angle. Ce phénomène est connu sous le nom de
"corner hugging" [29].

Ces différents traits de comportement listés ici sont assez généraux. En particulier, il est
important de vérifier que l’on retrouve ces différents comportements dans les modèles d’éva-
cuation (notamment les points 1, 2, 4 et 6).

13
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.6 – Phénomène d’auto-organisation dans une foule [26]

F IGURE 1.7 – Formation d’un arc autour d’un passage étroit [26]

14
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Aspects comportementaux liés à l’incendie


Dans le cas de l’incendie, des aspects particuliers du comportement sont à prendre en compte.
La norme NF EN ISO 13943 [1] définit différents types de comportements :
Comportement en cours d’évacuation : comportement qui permet aux occupants d’un im-
meuble d’atteindre une zone de sécurité.
Comportement de pré-mouvement : comportement observé pendant le délai de pré-mouvement.
Comportement de mouvement : comportement qui permet aux occupants d’un environne-
ment construit d’atteindre une zone de sécurité ou bien un refuge sûr dès qu’ils commencent à
évacuer.

A partir de l’audition d’un signal d’alarme, et après un court temps de réaction (que l’on peut
considérer négligeable dans un processus d’évacuation), le comportement de pré-mouvement
peut jouer un rôle déterminant sur les conditions d’évacuations. D’après Kobes [4], un processus
d’évacuation retardé par un temps de pré-mouvement trop long a été l’une des causes partielles
de décès lors de plusieurs incendies survenus aux Etats-Unis. Au cours de la phase de pré-
mouvement, différents comportements ont déjà été observés [30] :
– stopper ses activités (arrêter des machines, terminer rapidement une tâche),
– ranger des affaires en sécurité (afin de ne pas les laisser sans surveillance),
– chercher des informations sur l’origine du signal d’alarme,
– alerter les autres occupants,
– consulter les plans d’évacuation,
– attendre de l’aide (en particulier pour les personnes à mobilité réduite),
– combattre le feu (lorsque celui-ci se trouve à proximité immédiate),
– porter assistance aux autres occupants,
– préparer son évacuation (prendre des affaires, fermer les fenêtres et portes),
– continuer ses occupations.

Une synthèse des temps de pré-mouvements [30] récoltés dans différentes situations réelles
(restaurant, université, supermarché, immeuble, théâtre) révèle que ceux-ci peuvent varier de
quelques secondes à quelques minutes. On notera que ce temps de pré-mouvement est de l’ordre
de 30 secondes à 1 minute dans des établissements de petite taille, où la communication entre
les occupants est facilitée. Il peut en revanche être plus élevé (de l’ordre de 2 minutes) dans le
cas d’infrastructures plus grandes (immeubles, centres commerciaux) où la communication se
fait moins facilement et où la prise de conscience du danger n’est pas immédiate.

Cette prise de conscience du feu, qui dépend de la nature et du nombre de sources d’alerte,
mais aussi de chaque individu et de sa position par rapport au foyer, est malheureusement as-
sez longue en général, du fait du concept de démenti. Ce concept consiste à renier l’existence
du danger malgré l’audition d’un signal d’alarme et à rechercher les causes de l’alerte au lieu
d’entreprendre une évacuation [31]. D’après Proulx [32], l’émission d’un signal d’urgence dans
un ERP ne suffit pas en général pour déclencher l’évacuation des personnes, qui attendent de
percevoir des indicateurs plus significatifs de l’urgence (message d’alarme pré-enregistré, vue
des flammes ou de la fumée).

A partir du moment où les personnes décident d’entreprendre une évacuation, leur compor-
tement va guider leurs décisions (choix d’une sortie et du chemin y conduisant). Ces décisions
sont prises suite à une analyse de la situation : configuration des locaux (dégagements dispo-
nibles), propagation du feu et de ses effets, présence des autres occupants. Cette analyse est
toutefois rendue difficile pour trois raisons [31] :
– le temps disponible pour la prise de décision est très court du fait de l’urgence ;

15
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

– l’information sur laquelle repose la prise de décision est partielle, ambiguë et inhabi-
tuelle ;
– l’enjeu est très important (survie des personnes).

Ces prises de décision peuvent être facilitées si le dispositif de sécurité est suffisamment ef-
ficace (signaux lumineux, pictogrammes indiquant les sorties, personnel formé à l’évacuation).

De façon générale, il est difficile d’identifier un comportement d’évacuation moyen en si-


tuation d’urgence, car celui-ci est fortement dépendant d’un grand nombre de paramètres :
– Le sexe : Les hommes ont tendance à combattre le feu, tandis que les femmes ont davan-
tage tendance à évacuer.
– La connaissance des lieux et des différentes sorties, qui facilite la prise de décision.
– La progression du feu.
– La prise de conscience immédiate ou non du danger : une personne située à proximité du
foyer réagira plus vite qu’une personne n’ayant pas connaissance du danger.
– La vigilance : une personne qui vient d’être réveillée par une alarme est moins vigilante
qu’une personne déjà éveillée.
– L’attitude des autres occupants : un phénomène de mimétisme est parfois observé, no-
tamment en ERP où la connaissance des locaux est parfois imparfaite.
– Le rôle social et le leadership des individus (capacité à prendre des initiatives).
– Les capacités physiques.
– L’appartenance à un groupe de personnes (famille, amis) : un groupe de personnes met
en moyenne plus de temps à prendre des décisions qu’une personne seule.

Enfin, il convient d’évoquer ici la notion de panique. Il semble normal de considérer que
la panique constitue a priori un facteur influent sur les conditions de l’évacuation et les déci-
sions individuelles. Néanmoins, de nombreuses études [33] [34] [35] minimisent l’impact de
la panique dans le cas de l’incendie. En effet, les retours d’expériences effectués montrent que
le comportement de panique est rare, notamment au début du développement du feu. Dans
cette période, les individus ont l’espoir de sortir vivants et ne sont pas inhibés par la panique.
Ce phénomène peut en revanche intervenir lorsque les individus voient leurs chances de sur-
vie soudainement réduites par un phénomène humain (blocage au niveau d’une sortie) ou lié à
la propagation de l’incendie. Dans ce cas, la panique peut devenir collective et engendrer des
comportements inadaptés (disparition de la structure de groupe et de l’entraide, individualisme),
avec des conséquences dramatiques.

Les effets du feu


Un modèle d’évacuation appliqué à l’incendie inclut nécessairement une prise en compte
des effets du feu sur le cheminement des personnes. On classe généralement les effets du feu en
trois catégories [36] : les effets thermiques, toxiques et optiques.

Les effets thermiques


Un feu dégage une puissance thermique qui va provoquer une augmentation de la température.
Les contraintes thermiques du feu sont elles-même dissociables en deux sous-catégories :
– les fortes températures engendrées par un feu augmentent la température corporelle des
personnes, ce qui peut rapidement atténuer leurs capacités mentales. De plus, les fortes
températures présentent un risque de dessèchement et de brûlures des voies respiratoires.
– le flux thermique reçu par une personne, qui peut provenir du foyer lui-même, des fumées
ou des parois et objets environnants. Un flux thermique trop important peut provoquer

16
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

des brûlures de la peau. Ce flux thermique doit être intégré au cours de l’évacuation d’un
individu afin de bien prendre en compte son effet incapacitant.

Les effets toxiques et irritants


Les réactions de combustion dégagent un certain nombre de composés chimiques, qui peuvent
varier selon les matériaux brûlés. Plus de 200 espèces toxiques susceptibles d’être générées par
un feu ont ainsi été répertoriées. Les plus courantes d’entre elles sont le dioxyde de carbone
(CO2 ), le monoxyde de carbone (CO), et le dioxyde d’azote (NO2 ). D’autres composés pré-
sentent des risques pour la santé des personnes, comme les suies (résidus de combustion) ou
encore les gaz de combustion imbrulés (hydrocarbures imbrulés par exemple).

La plupart des gaz de combustion (CO2 , CO, HCN) ont un effet asphyxiant en empêchant
le bon transport de l’oxygène dans l’organisme. Les suies, si elles sont présentes en fortes
quantités, peuvent s’agréger jusque dans les alvéoles pulmonaires et y former des barrières mé-
caniques bloquant l’arrivée d’air. D’autres substances, qualifiées d’irritantes (comme le HCl,
le NO2 ou le SO2 ), enflamment les tissus et les organes. Enfin, les substances narcotiques pro-
voquent une diminution des capacités physiques des individus. Les effets toxiques du feu sur
les personnes se manifestent principalement par des maux de tête, des vertiges et des pertes de
connaissance. Notons également que la raréfaction de l’oxygène est l’un des principaux facteurs
asphyxiants en cas d’incendie dans un milieu confiné.

Les effets optiques


Les fumées générées par l’incendie provoquent une dégradation de la visibilité, qui perturbe le
mouvement des personnes. La visibilité peut être définie comme la distance au delà de laquelle
le contraste lumineux va atteindre, pour un observateur, une certaine valeur seuil. Elle est en fait
une conséquence de l’opacité des fumées sur les personnes. On peut définir l’opacité des fumées
comme leur propension à atténuer un faisceau lumineux entre une source et un observateur. Les
fumées sont alors caractérisées par leur densité optique. L’opacité est donc une propriété op-
tique intrinsèque à un milieu enfumé, tandis que la visibilité transcrit l’effet de l’opacité sur
un observateur. Elle dépend en réalité de l’opacité mais aussi de l’observateur et de la source
lumineuse [37].

La visibilité joue également un rôle très important dans l’évacuation, car sa dégradation
entraîne des pertes d’orientation et de repères pour les occupants, ce qui provoque un ralentis-
sement des individus et donc du processus d’évacuation. La dégradation de la visibilité empêche
également les personnes de voir la signalétique adaptée à l’incendie (panneaux lumineux, pic-
togrammes de sécurité). De plus, elle induit un fort impact psychologique sur les individus, qui
n’osent pas pénétrer dans des milieux sans visibilité.

Les différents types de modèles


Pour modéliser les différents éléments listés dans la section 1.2.1, différentes stratégies ont
été envisagées et mises en œuvre dans les nombreux modèles développés à ce jour. La réfé-
rence [10] présente une synthèse des modèles et codes de calcul existants. Différents critères
peuvent permettre de distinguer les modèles les uns des autres et d’en établir une classification.
Les deux grandes catégories de modèles que l’on distingue habituellement sont les modèles
microscopiques et les modèles macroscopiques, qui se différencient par leur échelle de prise
en compte des individus. Un modèle macroscopique considère les personnes à évacuer comme
un ensemble, caractérisé par des valeurs moyennes (vitesse moyenne d’ensemble, densité de
personnes).

17
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

A l’inverse, les modèles microscopiques (que l’on appelle parfois modèles "agents") re-
gardent les personnes comme des entités individuelles, qui ont leur propre stratégie d’évacua-
tion et leur propre comportement. L’approche individuelle permet une plus grande liberté dans
la modélisation du mouvement et du comportement. Elle permet également la considération
d’interactions entre personnes. La plupart des outils numériques existants sont basés sur des
modélisations microscopiques.
D’autres critères peuvent être utilisés pour différencier les modèles en plusieurs catégories :
– Représentation microscopique ou macroscopique des individus
– Représentation de l’espace discrète ou continue
– Représentation du temps discrète ou continue
– Modèles déterministes ou stochastiques
– Prise en compte ou non des facteurs humains
– Prise en compte ou non des contraintes liées au feu
– Domaine d’application des modèles (établissements publics, immeubles de grande hau-
teur, transports en commun)
– Classement en fonction des données de sortie
Dans la suite de ce chapitre, on présentera les différents modèles d’évacuation existants en
distinguant les deux grandes approches qui s’opposent : les modèles microscopiques et macro-
scopiques.

1.2.2 Les modèles microscopiques


Les modèles microscopiques sont les plus répandus en modélisation de l’évacuation, et sont
à la base de la quasi-totalité des codes de calcul commerciaux. Ceux-ci considèrent les per-
sonnes comme des entités individuelles ayant leurs propres caractéristiques (temps de réaction,
vitesse de marche, caractéristiques physiques) et leur propre mode de cheminement. Ces mo-
dèles permettent ainsi de suivre la trajectoire empruntée par chaque individu au cours de son
évacuation. L’approche microscopique est une stratégie relativement fine qui offre un grand
nombre de possibilités en termes de modélisation, puisqu’elle permet de simuler un grand
nombre de scénarii différents, chaque scénario restant représentatif d’une situation spécifique.
Elle nécessite en outre une gestion des interactions entre personnes. Les modèles microsco-
piques ont la particularité d’être plutôt intuitifs dans la mesure où ils font de l’individu leur
élément de base, ce qui explique aussi leur popularité. On passe ici en revue quelques classes
de modèles microscopiques.

Le modèle lagrangien
Le modèle de forces sociales, introduit par Helbing [38, 39], est un modèle de type Lagran-
gien qui consiste à décrire le mouvement de chaque individu par une équation différentielle du
mouvement faisant intervenir différentes forces. Dans ce modèle, les individus sont schématisés
géométriquement par un disque (ou une ellipse) dont la dimension est représentative de celle du
corps, et l’équation différentielle qui régit leur mouvement est de la forme :

d2 −

xi (t) −− m
−→ X −−soc −−→ X −−−→
mi = f i (t) + f ij (t) + fw (t) (1.4)
dt2 j6=i j6=i

Cette équation comprend un terme de force motrice qui pousse l’individu vers son objectif
(sa sortie souhaitée), un terme de forces sociales qui caractérise les interactions attractives ou
répulsives entre l’individu et les personnes comprises dans son voisinage (figure 1.8), et un
terme de force répulsive entre l’individu et les murs et obstacles qui l’entourent. La force sociale
répulsive entre deux individus augmente lorsque la distance qui les sépare diminue.

18
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.8 – Illustration de la force sociale entre 2 personnes

Le modèle de forces sociales est continu en espace dans la mesure où il ne nécessite pas
de discrétisation spatiale. La résolution numérique de l’équation du mouvement nécessite en
revanche une discrétisation temporelle. Le modèle de forces sociales a été l’objet de nombreux
travaux de recherches [40–42]. Il est notamment mis en place dans le code de calcul EVAC [43]
développé par le VTT (Technical Research Centre of Finland) qui est un module d’évacuation
couplé au code FDS (Fire Dynamics Simulator) développé par le NIST (National Institute of
Standards and Technology).

Les automates cellulaires

Les automates cellulaires sont des "systèmes" discrets utilisés en automatique qui cherchent
à modéliser le comportement de systèmes dynamiques. On peut définir un automate cellulaire
comme une grille constituée de cases qui peuvent prendre des valeurs dans un ensemble fini,
appelé alphabet de l’automate. L’évolution dans le temps de la grille est régie par des lois de
passage. Un automate cellulaire est donc caractérisé par une discrétisation spatiale (cases dis-
crètes appelées cellules) et une discrétisation temporelle (l’état de la grille étant calculé à des
instants échantillonnés). La loi de passage permettant de déterminer l’état de l’automate entre
deux instants repose sur le principe suivant : la valeur d’une cellule x à l’instant t + δt est fonc-
tion des valeurs à l’instant t des cellules comprises dans un certain voisinage de la cellule x.
La particularité d’un automate cellulaire est que la loi de passage s’applique de façon similaire
à toutes les cellules de la grille. A partir d’un état initial, un automate peut "converger" vers
un état stable (la valeur de chaque cellule devient constante au cours du temps) ; il peut aussi
prendre un comportement cyclique, ou dans certains cas devenir chaotique.

Les automates cellulaires, qui sont toujours l’objet d’importantes recherches en automa-
tique et en informatique, constituent une approche relativement séduisante pour modéliser les
mouvements de piétons. De nombreux travaux ont été réalisés sur l’utilisation des automates
cellulaires en modélisation des mouvements de piétons [44–50]. Le milieu à évacuer y est re-
présenté sous la forme d’une grille constituée de cellules carrées. La dimension des cellules est
telle qu’elles ne peuvent contenir qu’une seule personne. En plus d’une discrétisation spatiale,
les modèles reposent également sur une discrétisation temporelle. Toutes les cellules évoluent
simultanément entre deux pas de temps.
A chaque pas de temps, une case est vide ou occupée par une personne. Ainsi, une cellule ne
peut prendre que deux valeurs : 0 ou 1. Les individus peuvent, entre deux instants, se déplacer
d’une cellule vers une cellule voisine ou rester sur place. Le choix d’une nouvelle cellule dans le
voisinage est effectué le plus souvent à partir d’un tirage aléatoire ou d’une règle de transition.
La figure 1.9 illustre un exemple d’automate cellulaire où les transitions depuis une cellule se
font dans son voisinage de Moore (voisinage constitué des 8 cellules contiguës).

19
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

F IGURE 1.9 – Illustration d’un automate cellulaire

1.2.3 Les modèles macroscopiques

Les modèles empiriques simples

Les premières tentatives de modélisation en évacuation, qui datent du début des années
1970, reposaient essentiellement sur une représentation macroscopique des personnes. L’ap-
proche macroscopique considère un groupe de personnes comme un ensemble, où les caracté-
ristiques individuelles sont remplacées par des vitesses moyennes, des flux de personnes et des
densités de personnes. C’est Fruin [17] qui, le premier, a introduit le concept de représentation
macroscopique. Ainsi, dans les années 1970, Predjentschenskii et Milinskii [51] ont proposé
des relations entre la densité de personnes au sein d’un groupe, le nombre de personnes à éva-
cuer et les caractéristiques géométriques du lieu. Togawa [52], lui, a proposé des corrélations
liant la vitesse moyenne de marche d’un groupe et la densité de personnes.

N L
tevac = + (1.5)
F l V (ρ)

V (ρ) = V0 ρ−0,8 (1.6)

Avec tevac le temps total d’évacuation, N le nombre de personnes à évacuer, F le débit à travers
une porte en personnes par seconde et par unité de largeur, l la largeur de la porte, L la distance
séparant la première personne à évacuer de la porte, et V (ρ) la vitesse de marche dans une foule.
Cette vitesse V (ρ) est définie à partir d’une vitesse de marche sans entrave V0 = 1, 3 m/s et
du nombre de personnes au mètre carré ρ. Dans le cas où la pièce à évacuer comporte plusieurs
sorties, cette corrélation n’est valable que si chaque personne choisit la sortie la plus proche
de sa position initiale. Dans ce cas, il faut calculer tevac pour chaque porte prise séparément, le
temps d’évacuation total étant alors égal au tevac maximal.

Par la suite, Pauls [53] a mis en place d’autres corrélations entre le débit de personnes, le
temps de déplacement, et la largeur des voies de circulations, escaliers et ouvrants.
Les travaux réalisés concernant la description des comportements humains et les progrès ef-
fectués dans la simulation numérique ont progressivement ouvert la voie aux outils numériques
de simulation dédiés à l’évacuation. Bien que les codes de calcul actuels soient en grande partie
fondés sur une approche microscopique, les modèles macroscopiques sont toujours l’objet de
développements et de travaux de recherche.

20
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Les modèles de réseau

Les modèles de réseau sont basés sur la théorie des graphes. La théorie des graphes est
une théorie mathématique issue de la branche des mathématiques discrètes, qui est utilisée pour
résoudre des problèmes où apparaît la notion de réseau (réseau social, réseau de communication,
réseau routier..). Cette théorie constitue aujourd’hui un corpus de connaissances très important,
dont l’une des plus célèbres illustrations est le problème des ponts de Königsberg. C’est donc
tout naturellement que les modèles de réseau ont été utilisés pour résoudre des problèmes de
cheminement de personnes. La théorie des graphes consiste à représenter un problème par un
graphe, constitué de points (appelés noeuds) reliés par des flèches (appelées arcs). A ces arcs
peuvent éventuellement être affectés une capacité (quantité maximale transportable par l’arc)
et un coût. L’un des problèmes classiques de la théorie des graphes consiste alors à relier deux
nœuds du graphe par un chemin de coût minimal. Dans le cas des modèles de réseau utilisés en
simulation de l’évacuation [54–57], les nœuds représentent généralement les différentes pièces
du compartiment et sont donc associés à leur capacité maximale (nombre maximal de personnes
que peut contenir la pièce) et leur effectif initial (nombre de personnes présentes au début de
la simulation). Les arcs, quant à eux, représentent les passages d’une pièce à l’autre ; ils sont
caractérisés par leur capacité maximale (le flux de personnes maximal pouvant passer d’une
pièce à l’autre) et leur coût (en général le temps de passage entre les pièces). Un exemple de
graphe dessiné avec le logiciel EVACNET+ est représenté sur la figure 1.10.

F IGURE 1.10 – Représentation d’un immeuble de trois étages par le logiciel EVACNET+ [54]

Les modèles de réseau se basent alors sur les algorithmes spécifiques de la théorie des
graphes (recherche du plus court chemin, problèmes de flots de coût minimal) pour résoudre
le problème de cheminement ; il s’agit en général du calcul du temps d’évacuation nécessaire
minimal. Concrètement, il s’agit de déterminer comment les flux de personnes doivent être
transportés le long des arcs afin que les personnes atteignent une zone de sécurité le plus rapi-
dement possible. Cette approche est donc essentiellement utilisée pour résoudre des problèmes
d’optimisation.

21
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Les modèles macroscopiques continus


L’approche macroscopique continue a été introduite dans les années 1950 par Lighthill et
Whitham [58], et a d’abord été formalisée pour modéliser le trafic routier. Ce modèle est censé
représenter le mouvement des véhicules dans des situations de trafic dense, en se basant sur une
densité de véhicules plutôt que sur leur représentation discrète. Il repose sur un bilan de densité
de véhicules se traduisant par une équation de conservation, avec prise en compte des phéno-
mènes plus complexes qui peuvent intervenir dans des situations de forte densité (formation des
embouteillages). En particulier, ces travaux mettent en avant la formation d’ondes cinématiques
dans les embouteillages, provoquées par les temps de réaction des conducteurs et les phases
d’accélération et de décélération des véhicules.
L’extension de ce type de modèle au cas des mouvements de personnes dans les foules est
beaucoup plus récente et a été amorcée par Hughes [59]. Dans ce modèle, l’évolution de la
densité de personnes ρ dans un domaine 2D est régie par l’équation de continuité, classique en
mécanique des fluides :

∂ρ
+ div(ρ− →
v)=0 (1.7)
∂t
où −
→v désigne le champ de vitesse de marche des personnes (définie localement). Dans le
cas de l’évacuation, le champ des vitesses doit ici prendre en compte les spécificités du compor-
tement humain : on parle de fluide "pensant". Les personnes se déplacent en suivant un objectif
bien précis, mais sont susceptibles de modifier leur trajet pour s’adapter à leur environnement
(contournement d’un obstacle, ralentissement du à la présence des autres personnes). Le calcul
des vitesses de déplacement doit tenir compte de ces éléments. La vitesse de marche − →v est donc
définie localement comme l’opposée d’un gradient de potentiel ζ selon l’équation :


→ →

v = −k−

v k ~∇ ζ (1.8)
Le potentiel ζ dépend donc de la distance ou du temps de parcours jusqu’à l’objectif souhaité
(il diminue lorsqu’on se rapproche de l’objectif) mais aussi de la densité de personnes locale,
qui constitue une gêne à partir d’une certaine valeur et oblige à ralentir sa marche. On peut
considérer que, en un point donné du domaine, le potentiel ζ représente le coût (assimilable à


une distance ou un temps) du trajet entre ce point et la sortie. La relation −

v = − ~∇ ζ signifie
donc qu’une personne adapte en permanence sa vitesse de marche dans le but de minimiser le
coût de son trajet.
Les travaux de Hughes ont inspiré de nombreuses recherches, essentiellement dans le do-
maine des mathématiques. Les bases de ce modèle ont en effet été reprises et ont fait l’objet de
plusieurs développements. On distingue notamment deux sous-catégories de modèles macro-
scopiques, utilisant des mises en équations légèrement différentes.

Modèle du premier ordre en temps

La formulation du modèle de premier ordre a été proposée par Hughes [59], qui se base sur
les trois hypothèses suivantes :
1. Une personne se déplace à une vitesse qui ne dépend que de la densité de personnes
environnante.
2. Les personnes ont une bonne appréhension de leur environnement : elles perçoivent bien
la distance qui les sépare de la sortie et la densité de personnes le long de leur trajet
3. Les personnes cherchent à minimiser leur temps de trajet en évitant si besoin les zones de
fortes densités.

22
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Cette formulation a par la suite été reprise dans divers travaux mathématiques [60–62].
D’un point de vue mathématique, le modèle prend la forme d’une équation de conservation
de la densité de personnes, fermée par une relation densité-vitesse :

 ∂ρ + div(ρ−

→v)=0
∂t (1.9)
−→ →

v = V (ρ) U


où U désigne la direction souhaitée des personnes en un point donné, déterminée par la
relation :



→ ~ ζ

U =− −
→ (1.10)
k ~∇ ζk
ζ désigne ici le potentiel, ou coût du trajet. Différentes méthodes peuvent être utilisées selon
les modèles pour calculer le champ de potentiel ; celui-ci correspond généralement à la distance
ou au temps de parcours estimé jusqu’à la sortie du domaine.
Ce système d’équations fait apparaître une fonction (ici notée V ) qui est une relation empi-
rique entre vitesse de marche et densité de personnes environnante. Différentes relations de ce
type ont été établies dans la littérature [12]. Cette fonction V doit respecter les trois conditions
suivantes :


 V (0) = V0

V (ρc ) = 0

(1.11)
 dV (ρ)
≤0



La relation la plus simple consiste en une loi linéaire décroissante du type :


ρ
V (ρ) = V0 (1 − ) (1.12)
ρc

Modèle du second ordre en temps

Le modèle du second ordre en temps est également basé sur une conservation de la densité de
personnes, mais prend également en compte un terme d’ordre 2 en temps, correspondant à l’ac-
célération des personnes. Le modèle du premier ordre suppose qu’une personne, au cours de son
déplacement, cherche à adopter en tout point une vitesse souhaitée qui dépend des contraintes
qu’elle peut subir sur son parcours. Le modèle d’ordre 2 ajoute une hypothèse supplémentaire :
il stipule qu’une personne a besoin d’un certain temps de relaxation pour adapter sa vitesse
courante aux conditions environnantes. Ce temps de relaxation comprend donc :
– Un temps de réaction aux changements de conditions environnantes
– Un temps caractéristique de décision
– Une phase d’accélération, ou plus généralement de changement de direction.
Ces différents temps peuvent être de durée variable. Les temps de réaction et de prise de
décision peuvent être considérés très courts dans la mesure où l’appréciation du milieu environ-
nant se fait de façon continue. La durée de la phase d’accélération est également très courte en
général dans le cas de la marche, sauf dans le cas de changement brusque de direction.
Twarogowska [63] propose une formulation mathématique du modèle inspirée des travaux
de Payne [64] et Whitham [65] :

23
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

∂ρ

 + div(ρ−
→v)=0
∂t


→ (1.13)
 ∂(ρ v ) + div(ρ−
→ →

v ⊗−

v)= A

∂t


où A désigne le terme d’accélération moyenne défini par :


→ 1 →

A = (ρV (ρ) U − ρ−

v ) − ~∇Pint (ρ) (1.14)
τrelax
τrelax correspond ici au temps de relaxation. Le terme Pint (ρ) désigne une pression interne
dans une foule, qui est d’autant plus importante que la densité y est forte. Le terme −~∇Pint (ρ)
correspond donc à une force repoussant les personnes des zones denses vers les zones de plus
faible densité.
De façon générale, le modèle de second ordre prend la forme suivante :

∂ρ

 + div(ρ−→
v)=0
∂t


− (1.15)
 ∂ v + (−
 →v .∇)−
→ ~ ρ, −
v = F (ρ, ∇ →
v)
∂t
On notera que cette formulation, tout comme celle du premier ordre, fait intervenir une
relation densité-vitesse empirique : la vitesse effective de déplacement des personnes reste une
fonction de la densité de personne dans un voisinage proche.

1.2.4 Pourquoi un modèle macroscopique ?


Les principales approches utilisables en modélisation de l’évacuation ont été passées en
revue dans les sections précédentes, ce qui permet d’identifier leurs forces et leurs limites vis-
à-vis de nos objectifs.

Les modèles orientés agents et les automates cellulaires constituent à l’heure actuelle les
principales approches utilisées dans les codes de calcul commerciaux dédiés à l’évacuation.
Ces approches, basées sur une représentation discrète des individus, semblent a priori les plus
naturelles dans la mesure où elles décrivent le mouvement d’entités individuelles et insécables,
et se rapprochent donc d’une certaine réalité physique. De plus, l’utilisation de ces approches
permet une très grande liberté dans la description des mouvements de chaque individu (calcul
de trajectoires, vitesses de marche individuelles), et permet en particulier l’ajout de stratégies
individuelles intégrant des facteurs comportementaux. Enfin, certains logiciels de calcul fondés
sur des approches microscopiques intègrent une interface de visualisation performante qui per-
met de visualiser la progression des individus et leurs trajectoires. Ces outils de visualisation
donnent du crédit aux modèles vis-à-vis des utilisateurs et constituent un argument de vente
pour les développeurs.
Néanmoins, plusieurs raisons nous laissent penser que les modèles microscopiques ne sont
pas nécessairement les plus adaptés à notre problème :
– Le nombre de paramètres d’entrée est proportionnel au nombre d’individus, ce qui peut
devenir une contrainte lorsque le nombre d’individus est très important.
– Un résultat de simulation obtenu à partir d’un modèle microscopique n’est représentatif
que du scénario simulé : les résultats en sortie sont susceptibles de varier lorsqu’on mo-
difie le jeu de paramètres d’entrée. Or, ces paramètres d’entrée peuvent être difficiles à
quantifier, ou soumis à une forte incertitude [66].

24
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

– Pour aboutir à des temps d’évacuation significatifs, les modèles microscopiques néces-
sitent la simulation d’un grand nombre de scénarii particuliers, ce qui engendre des temps
de calcul très longs.

A l’inverse, les modèles macroscopiques ont été peu exploités dans le domaine de l’ingénie-
rie. En particulier, les modèles macroscopiques et continus sont l’objet de nombreux travaux de
recherche depuis le début des années 1990, mais leurs applications concrètes restent très rares.
Ces modèles, qui consistent à suivre l’évolution spatio-temporelle d’une densité de personnes,
présentent toutefois un certain nombre de caractéristiques intéressantes pour notre étude :
1. Le nombre de paramètres d’entrée à fixer est plus restreint ;
2. Le temps de simulation est fonction uniquement de la discrétisation spatiale du domaine
de calcul (nombre de mailles), et est donc indépendant du nombre d’individus dans le
scénario choisi ; ceci constitue un atout particulièrement intéressant dans le cas de mou-
vement de foule où l’on rencontre de fortes densités de personnes ;
3. Bien que ce type de modèle soit déterministe (et que les temps d’évacuation obtenus
soient donc dépendants du scénario simulé), une telle approche est davantage susceptible
de fournir des résultats dimensionnants rapidement. En effet, en caractérisant une popula-
tion par un jeu de paramètres d’entrée moyens et par une distribution initiale uniforme, on
peut s’attendre à obtenir en sortie un temps d’évacuation représentatif d’un grand nombre
de scénarii particuliers. De plus, le plus petit nombre de paramètres d’entrée rend une
étude de sensibilité plus commode.
4. Les modèles macroscopiques continus ont fait l’objet jusqu’à présent de travaux de re-
cherche académiques en mathématiques, mais n’ont jamais été soumis à une phase de
validation concluante. De plus, ce type de modèle n’a jamais été employé dans le cadre
de l’ingénierie de sécurité incendie avec prise en compte des effluents du feu.

Ces différentes raisons nous poussent à envisager, pour la suite de l’étude, un modèle ma-
croscopique de transport de densité de personnes tel que celui introduit par Hughes [59].

1.3 Démarche suivie


Les chapitres 2 et 3 sont consacrés au développement du modèle de cheminement mis en
place au cours de cette thèse.
On introduit pour commencer dans le chapitre 2 le modèle macroscopique de cheminement
de personnes inspiré de celui de Hughes [59], et qui sera utilisé tout au long de ce travail. On
y mentionne les hypothèses de base du modèle ainsi que sa formulation mathématique, qui
peut se généraliser au cas de populations multiples. On détaille ensuite l’algorithme utilisé pour
résoudre les équations du modèle. En fin de chapitre, on évoque à titre indicatif une version
dérivée de notre modèle, qui est encore en cours de développement à l’heure actuelle et ne sera
pas exploitée complètement dans ce manuscrit.
Le modèle de cheminement présenté est ensuite soumis à une phase de vérification et de va-
lidation qui permet de tester ses différentes composantes et sa capacité à reproduire des temps
d’évacuation fidèles à la réalité. Si les tests de validation ont été extraits de la littérature, la
validation du modèle a nécessité la mise en place d’une approche expérimentale à petite et à
moyenne échelle. Ces tests de vérification et de validation sont évoqués dans le chapitre 3, qui
est complété par une analyse de sensibilité du modèle vis-à-vis de ses paramètres d’entrée.

25
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Les chapitres 4 et 5 sont quant à eux consacrés aux contraintes liées à l’incendie et à leurs
impacts sur l’évacuation.
On présente dans le quatrième chapitre une étude de la visibilité en situation d’incendie, dont
le but principal est d’évaluer les corrélations utilisées actuellement en ingénierie pour estimer
les distances de visibilité. On y développe une méthode numérique permettant de reconstruire
des images d’objets vus à travers un milieu de propriétés optiques données. Cette méthode
numérique est complétée par une approche expérimentale permettant de la valider et d’évaluer
de façon empirique les corrélations.
Enfin, le dernier chapitre est dédié aux contraintes du feu de façon plus générale, en incluant
les effets thermiques sur le cheminement. On y propose une méthode permettant d’intégrer les
contraintes liées au développement du feu sur l’évacuation.

26
Chapitre 2

Le modèle de cheminement

On présente dans ce deuxième chapitre le modèle de cheminement de personnes mis en


place au cours de ce travail de thèse. Ce chapitre est divisé en trois grandes parties.
Dans une première section, on présente les bases théoriques du modèle de cheminement,
ainsi que sa formulation mathématique basée sur une équation de conservation incluant un terme
de convection.
Dans un deuxième temps, on détaille l’algorithme utilisé pour la résolution du modèle.

En fin de chapitre, on présentera une formulation mathématique plus complexe de notre mo-
dèle de cheminement dédiée au cas des fortes densités de personnes. Cette nouvelle formulation,
bien que prometteuse, est encore sujette, à ce stade, à plusieurs points de développement et n’a
été confrontée à aucune phase de validation. On se contentera donc d’en énoncer les principes
et les hypothèses de base.

2.1 Bases du modèle


2.1.1 Hypothèses de base et formulation mathématique
Le modèle mis en place dans ce travail de thèse est un modèle continu macroscopique de
transport d’une densité de personnes dans un domaine 2D. Sa formulation est proche de celle
de Hughes [59]. Le modèle obéit à trois règles simples :
1. En l’absence de contrainte, les personnes se déplacent à leur vitesse de marche libre.
2. La vitesse de marche des personnes est fonction de la densité de personnes dans leur
voisinage.
3. Les personnes cherchent à minimiser leur temps de trajet vers la sortie et évitent si besoin
les zones encombrées.
D’un point de vue mathématique, le problème prend la forme d’une équation de conser-
vation de la densité de personnes (notée ρ) transportée dans un champ de vitesses (− →v ). Cette
équation est analogue à l’équation de continuité bien connue en mécanique des fluides (équation
de conservation de la masse). La mise en équation du problème prend également en compte la
corrélation entre la vitesse de marche d’une personne et la densité de personnes dans son entou-
rage via la relation densité-vitesse introduite dans la section 1.2.1 :

 ∂ρ + div(ρ−

→v)=0
∂t (2.1)
−→ →

v = V (ρ) U

27
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.1 – Illustration du domaine de calcul et de ses deux types de frontières



où U correspond à un champ de vitesses adimensionné.
Ce système d’équations est résolu dans un domaine 2D noté Ω qui correspond à la surface
dans laquelle les personnes se déplacent (figure 2.1). La frontière du domaine Ω, que l’on note
∂Ω, peut être de deux types :
– les parois infranchissables des murs et obstacles, notées ∂Ωw (dessinées en bleu sur la
figure 2.1)
– les sorties, notées ∂Ωs (dessinées en rouges)
La frontière ∂Ωw constitue une paroi imperméable. Elle est donc caractérisée par une condi-
tion limite de type "flux nul" : les individus ne peuvent pas "rentrer" dans les obstacles. La
condition limite sur le bord ∂Ωw s’écrit donc :
→ →

ρV (ρ) U · −n =0 (2.2)
∂Ωw
où −→n désigne la normale sortante.
En revanche la condition limite sur le bord ∂Ωs est libre : aucune restriction particulière sur
les flux de personnes n’est imposée au niveau des sorties. Ainsi, le flux de personnes au niveau
d’un ouvrant dépend de la densité de personnes présente à la sortie, de la réduction de vitesse
qui en découle éventuellement, et de la largeur du dégagement :
→ →

ρV (ρ) U · −
n = ρs V (ρs ) (2.3)
∂Ωs
où ρs désigne la densité de personnes au niveau de la sortie.
Enfin, le problème à résoudre nécessite l’introduction d’une condition initiale. Il revient
ici à l’utilisateur de définir la distribution initiale de la densité de personnes, c’est-à-dire la
répartition des personnes au départ de l’évacuation. Cette répartition doit prendre en compte les
particularités du compartiment étudié, et notamment le fait que certaines zones du compartiment
ont plus de chances d’être occupées que d’autres. Lorsqu’on ne connait pas a priori la répartition
initiale des personnes dans un local, ou lorsqu’on souhaite traiter un scénario moyen, il est
judicieux de considérer que la répartition initiale des personnes est uniforme sur le domaine, et
égale au rapport de l’effectif initial N sur la surface S du compartiment :
N
ρ(x, y, t = 0) = , ∀(x, y) ∈ Ω (2.4)
S

2.1.2 Diagramme fondamental


L’une des propriétés fondamentales de ce modèle est la prise en compte du ralentissement
des individus en fonction de la densité de personnes qu’ils perçoivent dans leur voisinage. On

28
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.2 – Loi densité-vitesse utilisée dans l’étude [13]

fait ici l’hypothèse que la norme de la vitesse de marche d’une personne dépend uniquement
de la densité de personnes dans son voisinage. Ce ralentissement est quantifié par une relation
entre densité de personnes et vitesse de marche (notée V dans le système d’équations 2.1).
Différentes lois de ce type, représentées sur la figure 1.5, ont été établies dans la littérature.
On fait le choix, dans cette étude, de retenir la loi densité-vitesse issue des travaux de Weid-
mann [67], pour les raisons expliquées plus loin dans cette section (figure 2.2) :
   
1 1
V (ρ) = V0 1 − exp −1, 913 − (2.5)
ρ ρc
On notera que cette relation fait intervenir deux paramètres cruciaux, qui sont :
– la vitesse de marche libre V0 , qui est variable selon les individus (en particulier selon
l’âge, le sexe ou la culture) [12]. La vitesse moyenne de marche libre sera estimée dans
la suite à 1,25 m.s−1 . Cette valeur correspond à la vitesse lorsque ρ est nulle.
– la densité de personnes critique ρc , qui correspond à la densité maximale admissible.
Cette valeur sera par la suite fixée à 5,4 m−2 , valeur qui correspond à un bon compromis
entre celles trouvées dans la littérature [12, 13]. Elle correspond au point où la vitesse de
marche s’annule.

Le choix de cette loi est particulièrement intéressant, à plusieurs titres. D’abord, il prend en
compte le fait que les personnes peuvent se déplacer à leur vitesse de marche libre jusqu’à une
certaine densité seuil, égale à 0,4 m−2 . Ce n’est qu’au-delà de ce seuil que les personnes sont
contraintes de ralentir. Cette valeur seuil de 0,4 m−2 est conforme à celle identifiée par Fruin
dans sa classification des niveaux de service [18].
De plus, cette loi permet de retrouver un diagramme fondamental conforme à ceux que
l’on retrouve dans la littérature (figure 2.3). Le diagramme fondamental, en dynamique des
mouvements de foule, représente le débit de personnes par unité de largeur en fonction de la
densité locale de personnes. Le débit par unité de largeur F (ρ) s’exprime par :

F (ρ) = ρV (ρ) (2.6)

On observe sur ce diagramme deux régimes distincts :


– un régime sub-critique au cours duquel le flux de personnes augmente avec la densité de
personnes,

29
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.3 – Diagramme fondamental de notre modèle

– un régime supercritique dans lequel l’augmentation de la densité de personnes entraîne


une diminution du flux.
Le flux de personnes maximal est obtenu pour une densité de personnes de 1,75 m−2 , et
vaut 1,14 m−1 .s−1 . On notera que ce débit est du même ordre de grandeur que ceux observés
dans des configurations usuelles à travers une unité de passage (UP). Il convient de préciser ici
que ce flux maximal n’est pas un flux critique. Dans la pratique, le flux de personnes peut être
supérieur à 1,14 m−1 .s−1 si les personnes cherchent à sortir le plus rapidement possible (sous la
menace d’un danger par exemple).

En vertu de ces considérations, on peut estimer que le choix de cette loi densité-vitesse est
pertinent.

2.1.3 Modèle à plusieurs populations


Objectifs du modèle à plusieurs populations
Le modèle de cheminement présenté précédemment permet d’obtenir une estimation du
temps nécessaire pour l’évacuation d’un compartiment à partir d’une population unique ca-
ractérisée par des paramètres et un comportement moyens. Cette approche permet de réduire
le nombre de paramètres caractérisant une population, et de ne traiter qu’un petit nombre de
scénarii significatifs plutôt qu’un grand nombre de cas particuliers.
Toutefois, une population amenée à évacuer un compartiment est composée de plusieurs
profils d’individus, qui se différencient par :
– leur vitesse de marche sans contrainte, qui dépend de plusieurs facteurs comme l’âge, le
sexe ou la condition physique ;
– leur connaissance (ou non) des locaux, qui va conditionner leur comportement ;
– des facteurs individuels (sociaux, psychologiques) plus difficiles à intégrer.
La connaissance des lieux est un paramètre très important, qui a une influence directe sur
l’évacuation d’un individu. En effet, la connaissance plus ou moins parfaite des lieux par les
occupants peut avoir une influence sur :
– leur destination (choix d’une sortie) : les personnes qui ne connaissent pas ou connaissent
mal les lieux dans lesquels elles se trouvent ont tendance à sortir par là où elles sont
entrées ;
– leur temps de réaction ;

30
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

– leur vitesse de marche.


Dans le cas où un ensemble de personnes évacue des locaux avec des choix multiples de
sorties, on observe généralement au sein de la foule des sous-groupes qui se forment avec des
comportements et des objectifs différents qui aboutissent à une dynamique de foule plus com-
plexe, avec apparition de croisements ou de contre-courants. Il est donc naturel de s’intéresser
au cas où on a une population hétérogène, au sein de laquelle les personnes peuvent avoir une
vitesse ou un objectif différents.

Hypothèses de base et formulation du modèle de convection


On considère un ensemble constitué de Npop populations différentes, caractérisées par des

→ −−−→
densités respectives ρ1 , ...,ρNpop et des directions de marche respectives U1 , ..., UNpop . On note :
– −

v1 , ...,−−→ les vitesses réelles respectives des différentes populations ;
vN pop

– V1 , ...,VNpop les lois densité-vitesse caractéristiques de chaque population :


   
1 1
Vi (ρ) = V0i 1 − exp −1, 913 −
ρ ρc
où V0i est la vitesse de marche libre pour la population i.
Les hypothèses de base sont analogues à celles présentées précédemment [59] :
1. En l’absence de contrainte, les personnes appartenant à une population se déplacent à la
vitesse de marche libre associée.
2. La vitesse de marche des membres d’une population est fonction de la densité de per-
sonnes totale environnante.
3. Les personnes cherchent à minimiser leur temps de trajet vers la sortie et évitent si besoin
les zones encombrées.
D’un point de vue mathématique, le modèle convectif s’écrit sous la forme :
∂ρ1

 + div(ρ1 −

v1 ) = 0
∂t




 →
− −

v1 = V1 (ρt )U1









... (2.7)





∂ρNpop

+ div(ρNpop − −→) = 0



 vN pop
∂t


−−−→

 −−→

v
Npop =VNpop (ρ )U
t Npop
avec ρt la densité de personnes totale :
Npop
X
ρt = ρi (2.8)
i=1
La résolution du problème global consiste ici en la résolution de Npop problèmes distincts,
qui sont couplés dans la mesure où la densité de personnes totale ρt affecte la vitesse de marche
pour toutes les populations.

2.2 Méthode de résolution


Après avoir formulé mathématiquement le problème de cheminement de personnes, on se
propose de détailler dans cette section l’algorithme employé pour le résoudre.

31
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

2.2.1 Algorithme général


La figure 2.4 présente les différentes étapes de l’algorithme utilisé pour résoudre numéri-
quement le modèle de cheminement. Cette résolution comprend deux phases distinctes :
1. Une phase d’initialisation du problème, qui consiste à créer la géométrie du compartiment
et à définir un scénario d’évacuation.
2. La phase de résolution de l’équation (2.1), qui se fait en deux étapes respectivement nom-
mées PAULO et MARCOE :
– L’étape PAULO (Pathfinding Algorithm Using Length Optimization), qui consiste à
déterminer les champs de vitesses d’évacuation pour les différentes populations en se
basant sur un critère d’optimisation du temps de parcours.
– L’étape MARCOE (Macroscopic Analysis of Rescue Configuration for Optimal Eva-
cuation), dans laquelle on résout l’équation de conservation (2.1) pour chaque popula-
tion grâce à une méthode numérique de volumes finis.
Ces deux étapes de calcul sont répétées jusqu’à ce que la densité de personnes soit nulle
dans tout le domaine de calcul, ce qui signifie que toutes les personnes ont évacué le
domaine.

2.2.2 Définition de la géométrie


La représentation de la géométrie du compartiment est la première étape de la résolution
du problème de cheminement. Il s’agit ici de positionner dans un domaine 2D les différents
éléments qui peuvent avoir un impact sur les déplacements des personnes. On s’attachera donc
particulièrement à la position :
– des obstacles, qui constituent une barrière physique aux déplacements des personnes ;
– des sorties vers l’extérieur, qui peuvent créer de la congestion.

On fait le choix, dans cette étude, de représenter le domaine 2D par un maillage constitué
de cellules carrées et identifiées chacune par un label (figure 2.5). Ce label permet de classer
chaque cellule parmi l’une des trois catégories suivantes :
– les cellules libres à la circulation des personnes (=⇒ label 0) ;
– les cellules obstacles, qui représentent toute entrave à la circulation des personnes (=⇒
label 1) ; dans ces cellules obstacles, la densité de personnes est nulle à tout moment ;
– les cellules de sortie, qui matérialisent la sortie du domaine de calcul (=⇒ label 2). Ces
cellules peuvent, comme les cellules libres, contenir à tout moment de la densité de per-
sonnes.

2.2.3 Définition du scénario


Définir le scénario d’évacuation revient à créer les différents groupes de personnes dont on
souhaite simuler le cheminement. Cela consiste, pour l’utilisateur du modèle, à renseigner les
caractéristiques des différentes populations et donc les paramètres d’entrée de la simulation.
Pour chaque population i, il convient de définir les caractéristiques suivantes :
1. l’effectif Ni de la population ;
2. la vitesse de marche sans contrainte V0i ;
3. les temps de réaction et pré-mouvement, dont la somme sera notée τri . Au cours du cal-
cul, le cheminement de la population i ne commencera donc que lorsque le temps de
simulation sera égal à τri ;

32
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Acquisition de la géométrie :
(Sorties, obstacles, cellules libres)

Définition de la condition initiale :


distribution initiale de personnes

t = 0

Actualisation du champ des


vitesses : Algorithme PAULO

Transport de la densité :
Algorithme MARCOE
t = t + ∆t

Densité de personnes nulle


dans tout le domaine ?

NON OUI

Fin du calcul
⇒ tevac = t

F IGURE 2.4 – Algorithme général utilisé pour la résolution du problème

33
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.5 – Labels permettant d’identifier les différents types de cellules

4. la distribution initiale de la population i : pour chaque population, on définit une zone


de départ rectangulaire délimitée par des coordonnées (xmin , ymin ), (xmax , ymax ), et on
distribue uniformément l’effectif Ni sur toutes les cellules libres comprises dans la zone
de départ ;
5. les sorties qui seront utilisées par les membres de la population i ; cela permet à l’utili-
sateur de considérer que certains groupes de personnes peuvent privilégier une sortie par
rapport à une autre.

2.2.4 Calcul du champ des vitesses


Dans cette partie, on détaille la méthode utilisée pour calculer, à chaque instant, le champ
de vitesses dans lequel sera transportée la densité de personnes propre à la population i. Cette
méthode est inspirée de celles utilisées dans la plupart des modèles macroscopiques.

Principe du calcul
Comme pour la plupart des modèles macroscopiques de cheminement de personnes [62, 68,
69], la vitesse souhaitée en un point donné est celle qui permet la sortie la plus rapide a priori.
La vitesse en un point donné est donc définie comme l’opposée d’un gradient de potentiel,
ce potentiel étant généralement le temps nécessaire pour rallier une sortie depuis ce point. La
direction de la vitesse souhaitée en un point (x, y) est définie par :



→ ~ ζ(x, y)

U (x, y) = − −
→ (2.9)
k ~∇ ζ(x, y)k

34
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Dans notre étude, on considère que le potentiel ζ(x, y) correspond au temps minimal né-
cessaire pour aller du point (x, y) à une sortie. On fait donc implicitement l’hypothèse que les
personnes ont une parfaite connaissance des locaux, de la position des issues, et ont conscience
de la densité de personnes qu’elles vont rencontrer sur leur chemin et des ralentissements qui en
découleront. Elles sont donc capables d’estimer le temps minimal Tout (x, y) dont elles auront
besoin pour rallier une sortie.



→ ~ Tout (x, y)

U (x, y) = − −
→ (2.10)
k ~∇ Tout (x, y)k
N.B. : il aurait également été possible de prendre pour potentiel ζ(x, y) la distance minimale
séparant le point (x, y) d’une sortie. Cela aurait alors consisté à supposer que les personnes éva-
cuent en minimisant leur distance de parcours (et non leur temps de parcours).

L’objectif est désormais d’estimer, en tout point du domaine de calcul, le temps minimal
nécessaire pour rallier une sortie.

Recherche de chemin et calcul des temps de parcours


Calculer le temps minimal nécessaire de parcours entre deux points nécessite de reconstruire
le chemin optimal entre ces deux points. Pour cela, on fait appel à des algorithmes de recherche
de chemin. La recherche de chemins (en anglais pathfinding) est un problème très classique
de l’intelligence artificielle et de la théorie des graphes, qui consiste à déterminer un chemin
entre deux points donnés tout en respectant certaines contraintes. L’une des contraintes que l’on
impose généralement en pathfinding est la minimisation du coût du trajet entre les points de
départ et d’arrivée. C’est également la contrainte que l’on se fixe dans cette étude en minimisant
le temps de parcours.
Pour déterminer le chemin de coût minimal, on se base sur une méthode inspirée de l’al-
gorithme de Dijkstra, qui est un algorithme de référence pour la recherche de chemin dans un
graphe. Cette méthode consiste à reconstruire le chemin optimal depuis l’arrivée (dans notre cas
les sorties du domaine de calcul) en remontant vers le point de départ et en prenant en compte la
densité de personnes le long du trajet ainsi que la réduction de vitesse de marche qui en découle.

Notions de voisinage

On va illustrer l’algorithme utilisé sur l’exemple de la figure 2.6.


L’objectif de l’algorithme est de construire, entre la cellule de départ D et la cellule d’arrivée
A, une succession de cellules formant un chemin :

D −→ C1 −→ C2 −→ ... −→ Cn−1 −→ A
C0 Cn
Dans cette succession, chaque cellule Cn doit être comprise dans le voisinage de la cellule
précédente Cn−1 et dans celui de la cellule suivante Cn+1 . Le voisinage d’une cellule peut être
défini de plusieurs manières ; deux types de voisinage (fréquemment utilisés dans les automates
cellulaires) sont particulièrement bien connus (figure 2.7) :
– le voisinage de von Neumann, constitué des quatre cellules adjacentes
– le voisinage de Moore, constitué des huit cellules adjacentes (incluant les cellules voisines
dans les diagonales)
La prise en compte du voisinage de von Neumann autorise uniquement les déplacements
horizontaux et verticaux sur le quadrillage ; le voisinage de Moore autorise également les dé-
placements diagonaux.

35
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.6 – Exemple de géométrie : points de départ et d’arrivée

Afin d’obtenir plus de degrés de liberté dans les déplacements, on se propose de définir dans
cette étude un voisinage plus large, que l’on appellera voisinage "étendu". On définit le voisi-
nage étendu d’une cellule C comme l’ensemble des cellules que l’on peut joindre en ligne droite
depuis C sans traverser d’obstacles.

Calcul du temps de parcours entre deux cellules


Afin d’estimer en tout point le temps de parcours nécessaire jusqu’à la sortie, on va être amené
à évaluer des temps de parcours en ligne droite entre des cellules (notées M et N sur la figure
2.8).
On note respectivement (xM , yM ) et (xN , yN ) les coordonnées des centres des cellules M
et N. Le segment [M N ] traverse un certain nombre Ncell de cellules que l’on numérote de 1 à
Ncell . Pour tout nombre entier k compris dans l’intervalle [[1, Ncell ]], on note :
– Lk la longueur du segment [M N ] contenue dans la cellule k,
– ρk la densité de personnes estimée au centre de la cellule k.
En théorie, à un instant donné t, le temps de parcours tM N entre les deux cellules est donnée
par la relation :
1
p
(xN − xM )2 + (yN − yM )2
Z
tM N = ds (2.11)
0 V (ρt (xM + s(xN − xM ), yM + s(yN − yM ), t))
Dans la pratique, cette formule n’est pas utilisable ; en effet, si la densité de personnes le long
du chemin [M N ] atteint localement la densité de personnes critique, la formule (2.11) donne
un temps de parcours infini. On estimera donc le temps de parcours tM N avec la relation :

1
p
(xN − xM )2 + (yN − yM )2
Z
tM N = ds (2.12)
0 max(0.1V0 , V (ρt (xM + s(xN − xM ), yM + s(yN − yM ), t)))

D’un point de vue numérique, du fait de la discrétisation du domaine de calcul, on estimera


le temps tM N à l’aide de la version discrète de la formule (2.12) :

36
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.7 – Différents types de voisinages

F IGURE 2.8 – Calcul du temps de parcours en ligne droite entre deux cellules M et N

N cell
X Lk
tM N = (2.13)
k=1
max(0.1V0 , V (ρk ))

Description de l’algorithme utilisé


On détaille ici l’algorithme utilisé tel qu’il est introduit dans la référence [70]. On se place dans
la configuration de la figure 2.6. Le chemin entre D et A sera déterminé par analyse successives
des cellules de la grille. On se munit de deux listes :
– une liste ouverte, qui renferme les cellules à analyser.
– une liste fermée, qui contient les cellules déjà analysées.
Ces deux listes sont vides à l’instant initial. A chaque cellule C sont associés quatre attributs :
– un parent P, qui correspond à la cellule ayant permis d’arriver à la cellule C (excepté pour
la cellule D, qui ne possède pas de parent),
– un temps G, qui est le temps de parcours depuis la cellule D jusqu’à la cellule C,
– un temps H, qui est le temps de parcours à vol d’oiseau entre les cellules C et A,
– un temps F, qui est la somme de G et H.
De plus, à chaque cellule C est attribué un voisinage (V), que l’on peut définir de différentes
façons.

37
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

– (V) est le voisinage de von Neumann


– (V) est le voisinage de Moore
– (V) est le voisinage "étendu", c’est à dire l’ensemble des cellules que l’on peut relier à C
en ligne droite sans traverser de cellule obstacle.

Déroulement de l’algorithme

Ajouter la cellule D à la liste ouverte.


Entrer dans la boucle
1. Extraire de la liste ouverte la cellule ayant la plus petite valeur de F (On appelle C cette
cellule)
2. Supprimer C de la liste ouverte et le placer dans la liste fermée.
3. Identifier le voisinage (V) de la cellule C
4. Pour chacune des cellules appartenant à (V), appliquer la procédure suivante :
– si la cellule est un obstacle ou appartient à la liste fermée : ne rien faire
– si la cellule n’appartient pas à la liste ouverte : l’ajouter à la liste ouverte et lui attribuer
C pour parent. Calculer les temps G,H et F associés et les enregistrer.
– si la cellule appartient déjà à la liste ouverte : recalculer sa valeur G. Si sa nouvelle
valeur de G est inférieure à l’ancienne, lui attribuer C pour parent et enregistrer ses
nouvelles valeurs de G,H et F.
5. Si la liste ouverte est vide : il n’existe pas de chemin possible entre D et A
6. Si la cellule A appartient à la liste fermée : Sortir de la boucle
Pour reconstruire le chemin cherché, il suffit de partir de la cellule A et de remonter à la
cellule D en empruntant les parents successifs. La valeur de F associée à la cellule A correspond
ainsi au temps de parcours estimé entre les cellules D et A.

Influence du voisinage utilisé


La figure 2.9 illustre les différents chemins calculés à l’aide des trois méthodes. Le tableau
2.1 compare les différents temps de parcours obtenus sur notre exemple, en considérant que la
dimension des cellules est de 1 m de côté et que la vitesse de marche libre est de 1, 25 m.s−1 .
On note que l’utilisation du voisinage de von Neumann aboutit à l’estimation de la trajec-
toire optimale au sens de la métrique de Manhattan (ou de la norme || · ||2 ). L’utilisation du
voisinage de Moore revient à déterminer le chemin de cout minimal par la méthode A* [71]. La
figure 2.9 et le tableau comparatif 2.1 montrent que ces deux algorithmes, et en particulier l’al-
gorithme de Manhattan, impliquent des approximations sur l’estimation des trajectoires dans la
mesure où ils se restreignent à un nombre limité de directions. Le troisième algorithme intro-
duit dans ce travail, qui repose sur une notion de voisinage plus étendu, permet une meilleure
approximation du chemin optimal et donc du temps de parcours minimal vers le point d’arri-
vée. Cet algorithme, nommé PAULO, permet, à la discrétisation du domaine près, la meilleure
approximation possible du temps de parcours.

Outre la précision des différentes méthodes, il convient ici de s’intéresser également à la


complexité de l’algorithme. La complexité d’un algorithme correspond au nombre d’opérations
nécessaire pour estimer le temps de parcours entre deux cellules. Les différentes méthodes de
calcul envisagées reposent chacune sur une analyse successive des cellules du domaine, donc
sur le balayage d’un tableau à deux dimensions. On note Nc le nombre total de cellules dans le
domaine de calcul. Dans le cas le plus défavorable, la mise en œuvre de l’algorithme nécessite
l’analyse des Nc cellules du domaine. La complexité de l’algorithme dépend alors de la taille
du voisinage pris en compte pour chaque cellule analysée (tableau 2.2) :

38
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.9 – Chemins calculés à l’aide des trois méthodes

Voisinage utilisé Temps de parcours estimé entre D et A (s)


Voisinage de von Neumann 16,8
Voisinage de Moore 13,048
Voisinage étendu (PAULO) 12,32

TABLE 2.1 – Temps de parcours estimés avec les différentes méthodes

– taille 4 pour le voisinage de von Neumann, donc 4Nc opérations au maximum ;


– taille 8 pour le voisinage de Moore, donc 8Nc opérations au maximum ;
– taille Nc dans le cas le plus défavorable pour l’algorithme PAULO, ce qui implique Nc2
opérations au maximum.

Algorithme Complexité
Manhattan O(Nc )
A* O(Nc )
PAULO O(Nc2 )

TABLE 2.2 – Complexité des algorithmes

La complexité de l’algorithme est donc linéaire lorsque la taille du voisinage est indépen-
dante de la taille du domaine, et quadratique lorsque la taille du voisinage est comparable à celle
du domaine de calcul (méthode PAULO). Cette complexité quadratique a un impact direct sur
les temps de calcul consacrés à l’estimation des vitesses de marche.

Calcul des vitesses


Après avoir calculé pour chaque cellule (i, j) le temps Tout nécessaire pour rallier une sortie
le plus rapidement possible, on peut déterminer le champ des vitesses d’évacuation en utilisant

39
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

la relation :



→ ~ Tout (x, y)

v (x, y) = −V (ρt (x, y)) −
→ (2.14)
k ~∇ Tout (x, y)k
Dans chaque cellule (i, j), on détermine les composantes de la vitesse de marche au centre
de la cellule :



→ ( ~∇ Tout )i,j
v i,j = −V (ρti,j ) →− (2.15)
k( ~∇ Tout )i,j k
L’approximation du gradient d’une fonction f est faite de la façon suivante : on considère
le domaine de calcul Ω illustré sur la figure 2.10, et la fonction f définie sur le domaine Ω.

F IGURE 2.10 – Domaine de calcul

La discrétisation du domaine suppose que la fonction f est définie au centre de chaque


cellule par une valeur fi,j qui représente la valeur moyenne de f sur la cellule (i, j). L’objectif


ici est d’approcher le gradient ( ~∇ f )i,j au centre de la cellule (i, j). On note h la dimension
d’une cellule.

Cas général d’une cellule intérieure

On peut estimer le gradient de la fonction f dans la cellule (i, j) à partir des cellules amont
et aval (approximation à l’ordre 2) :

− fi+1,j − fi−1,j

 ( ~∇ f )i,j · −
 →
ex =
2h


 ( ~∇ f )i,j · −
→ f i,j+1 − fi,j−1
ey =

2h

Cas particuliers

Lorsque la cellule (i, j) est proche d’une cellule obstacle, on est amené à distinguer trois
cas particuliers dans lesquels l’évaluation d’une composante du gradient sera différente. On
présente ici les relations utilisées lorsque l’évaluation de la composante selon −

ex est modifiée.


Les relations utilisées selon ey sont strictement analogues.

40
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Cas n◦ 1

F IGURE 2.11 – Cas particulier n◦ 1



( ~∇ f )i,j · −

ex = 0

Cas n◦ 2

F IGURE 2.12 – Cas particulier n◦ 2

Approximation à l’ordre 1 :


− fi+1,j − fi,j
( ~∇ f )i,j · −

ex =
h

Cas n◦ 3

F IGURE 2.13 – Cas particulier n◦ 3

h2 ∂2 f

∂f 2
 fi+1,j = fi,j + h ∂x + 2 ∂x2 + ◦(h )



i,j i,j
2

∂f 2 ∂ f
+ ◦(h2 )

 fi+2,j = fi,j + 2h + 2h


∂x i,j ∂x2 i,j

−3fi,j + 4fi+1,j − fi+2,j ∂f
=⇒ = + ◦(h2 )
2h ∂x i,j

Approximation à l’ordre 2 :


− −3fi,j + 4fi+1,j − fi+2,j
( ~∇ f )i,j · −

ex =
2h

41
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

2.2.5 Transport de la densité de personnes


Après le calcul des champs de vitesses d’évacuation, chaque itération de l’algorithme (figure
2.4) comprend une phase de transport de la densité de personnes, qui correspond à la résolution
numérique de l’équation (2.1) sur un pas de temps. La nature de l’équation (2.1) à résoudre
(équation de conservation avec termes de divergence) nous incite naturellement à opter pour la
méthode des volumes finis. Le principe de cette méthode de résolution numérique est d’appro-
cher, pour chaque cellule du domaine de calcul et à des temps discrets, la valeur moyenne de la
densité de personnes sur la cellule.

Formulation et discrétisation
On cherche à résoudre, pour une population donnée, l’équation :
∂ρ →

+ div( φ ) = 0 (2.16)
∂t
La méthode des volumes finis consiste à intégrer cette équation de conservation sur toutes les
cellules du domaine, qui constituent des "volumes" finis en 2D. L’intégration de cette équation
sur une cellule Ci,j donne :
1 ∂ρ 1 →

ZZ ZZ
2
dS + 2 div( φ )dS = 0
h Ci,j ∂t h Ci,j

∂ 1 1 →

ZZ ZZ
=⇒ ( 2 ρdS) + 2 div( φ )dS = 0
∂t h Ci,j h Ci,j

Le théorème de flux-divergence nous permet alors d’écrire :


∂ 1 1 → −

ZZ Z
( 2 ρdS) + 2 φ ·→ n dl = 0
∂t h Ci,j h ∂Ci,j
On notera ρi,j la valeur de ρ au centre d’une cellule Ci,j , qui correspond à la valeur moyenne
de la densité de personnes sur la cellule Ci,j :
1
ZZ
ρi,j = 2 ρdS
h Ci,j

On a alors :
∂ 1 → −

Z
(ρi,j ) + 2 φ ·→n dl = 0 (2.17)
∂t h ∂Ci,j
La discrétisation de l’équation (2.17) nécessite le choix d’un schéma temporel. Dans le cas
de notre étude, les vitesses de transport de la densité de personnes (calculées dans l’étape préli-
minaire PAULO) dépendent elles-même de la densité de personnes ; la résolution de l’équation
par un schéma implicite ou semi-implicite (de type theta-schéma) s’avère donc particulièrement
délicate. On optera donc pour un schéma explicite en temps : le champ de densité de personnes
à un instant n + 1 n’est fonction que des grandeurs du problème à l’instant n.

La forme discrète de l’équation (2.17) peut s’écrire :

ρn+1 n
i,j − ρi,j 1
+ (φi+ 1 ,j − φi− 1 ,j + φi,j+ 1 − φi,j− 1 ) = 0
∆t h 2 2 2 2

On obtient finalement :
∆t
ρn+1 n
i,j = ρi,j + (φ 1 − φi− 1 ,j + φi,j+ 1 − φi,j− 1 )
h i+ 2 ,j 2 2 2

42
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Cette relation fait apparaître des flux convectifs aux interfaces des cellules du domaine ;
l’évaluation de ces flux nécessite dans un premier temps l’introduction de vitesses aux interfaces
entre cellules, qui est l’objet de la section suivante. Dans un second temps, on sera capable
d’estimer les flux par convection aux interfaces.

Approximation des vitesses aux interfaces


L’étape de calcul des vitesses d’évacuation (PAULO) a permis de déterminer les compo-
santes de vitesse aux centres des cellules. Toutefois, la résolution de l’équation par la méthode
des volumes finis fait intervenir des composantes de vitesses sur les arêtes des cellules (figure
2.14). Ces composantes de vitesses permettent alors l’évaluation des flux de personnes entre
cellules voisines.

F IGURE 2.14 – Composantes de vitesse aux centres et sur les arêtes des cellules

Cas général

On définit la composante ui+ 1 ,j de la façon suivante (on reprend les notations de la figure
2
2.14) :
1
ui+ 1 ,j = (Ux i,j V (ρt i,j ) + Ux i+1,j V (ρt i+1,j ))
2 2
La composante de vitesse à l’interface ui+ 1 ,j est donc définie comme une moyenne des
2
composantes des vitesses évaluées aux centres des cellules amont et aval.
On évalue la composante vi,j+ 1 de la même façon :
2

1
vi,j+ 1 = (Uy i,j V (ρt i,j ) + Uy i,j+1 V (ρt i,j+1 ))
2 2

Frontière avec les obstacles

Dans le cas de la frontière entre le domaine de calcul et les obstacles, on se doit de respecter
la condition limite énoncée en (2.2).
Avec les notations de la figure 2.15, où la cellule (i + 1, j) est un obstacle, cette condition
limite se traduit par :
ui+ 1 ,j = 0
2

43
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.15 – Évaluation des vitesses aux interfaces avec les obstacles

L’évaluation de la composante vi,j+ 1 est ici inchangée.


2

Frontière avec les sorties

Dans le cas particulier de la frontière entre le domaine de calcul et les sorties, on doit prendre
en compte la condition limite écrite en (2.3).

F IGURE 2.16 – Évaluation des vitesses aux interfaces avec les sorties

La version discrétisée de la condition limite s’écrit :


ui+ 1 ,j = Ux i,j V (ρt i,j )
2

La vitesse à l’interface ne dépend donc que de la densité de personnes ρi,j et de la direction


−→
Ui,j évaluées sur la cellule amont.

Évaluation des flux par convection


On cherche désormais dans ce paragraphe à évaluer les flux par convection aux interfaces
entre les cellules. Ces flux sont portés par la composante de vitesse à l’interface correspondante :

44
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

φi+ 1 ,j = ui+ 1 ,j ρ̃i+ 1 ,j


2 2 2

où ρ̃i+ 1 ,j représente la densité de personnes transportée au niveau de l’interface (i + 21 , j).


2
La quantité ρ̃i+ 1 ,j peut être définie de plusieurs façons selon le schéma numérique utilisé. La
2
référence [72] présente plusieurs schémas numériques couramment utilisés en mécanique des
fluides pour traiter les problèmes de convection-diffusion. On présente ici les principaux sché-
mas utilisables dans notre algorithme de résolution.

Les différents schémas possibles

Le schéma centré

Dans ce schéma, le flux advectif qui traverse l’interface correspond à une moyenne des
densités dans les deux cellules contiguës :
1
ρ̃i+ 1 ,j = (ρi,j + ρi+1,j )
2 2
Ce schéma, de premier ordre en espace, ne tient pas compte du sens de la vitesse ui+ 1 ,j et
2
considère simplement que la densité transportée est une moyenne des densités sur les cellules
(i, j) et (i + 1, j) quelque soit le sens de l’écoulement.

Le schéma upwind

Dans ce schéma, contrairement au schéma centré, on prend en compte le signe de la vitesse


u : la densité de personnes s’écoule d’une cellule amont vers la cellule aval, et la densité
i+ 12 ,j
transportée est donc celle contenue dans la cellule amont :

si ui+ 1 ,j > 0
(
ρ̃i+ 1 ,j = ρi,j
2 2

ρ̃i+ 1 ,j = ρi+1,j si ui+ 1 ,j < 0


2 2

Ce schéma, qui est également du premier ordre en espace, est en général assez peu précis
du fait de la diffusion numérique qu’il engendre.

Le schéma QUICK

Ce schéma, du second ordre en espace, utilise une interpolation de la densité sur trois cel-
lules adjacentes : deux en amont et une en aval.
3 6 1

 ρ̃i+ 1 ,j = ρi+1,j + ρi,j − ρi−1,j si ui+ 1 ,j > 0

2 8 8 8 2

3 6 1
 ρ̃ 1 = ρi,j + ρi+1,j − ρi+2,j si u 1 < 0

i+ 2 ,j i+ 2 ,j
8 8 8
Bien que beaucoup plus précis qu’un schéma de premier ordre comme le schéma upwind,
le schéma QUICK peut être à l’origine d’instabilités numériques dans certaines configurations.

Les schémas TVD

A l’instar du schéma QUICK, les schémas TVD (Total Variation Diminishing) sont des
schémas numériques qui se basent sur une interpolation de la densité de personnes sur trois
points.

45
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Les schémas TVD permettent d’estimer des flux de façon générique à partir d’une fonction
appelée "limiteur de flux" :
 
ρi+1,j − ρi,j ρi,j − ρi−1,j

 ρ̃i+ 21 ,j = ρi,j +

 ψ si ui+ 1 ,j > 0
2 ρi+1,j − ρi,j 2
 
ρ − ρi+1,j ρi+1,j − ρi+2,j
 ρ̃i+ 1 ,j = ρi+1,j + i,j si ui+ 1 ,j < 0

 ψ
2 2 ρi,j − ρi+1,j 2

où la fonction ψ désigne ici le limiteur de flux. Les schémas définis sous cette forme sont
du second ordre et dits TVD si les deux conditions suivantes sont réunies :
(
ψ(r) 6 min(2r, 2) ∀r
min(r, 1) 6 ψ(r) 6 max(r, 1) ∀r

Les références [72–74] présentent plusieurs limiteurs de flux vérifiant ces deux conditions.
Parmi ces limiteurs, on retiendra notamment le limiteur MinMod défini par :

ψ(r) = min(r, 1)

et le limiteur Superbee défini par :

ψ(r) = max(0, min(r, 2), min(2r, 1))

Synthèse des différents schémas

La référence [72] présente une brève étude comparative des différents schémas exposés
précédemment, qui révèle plusieurs points :
– Le schéma centré est peu précis et peut être instable ;
– le schéma upwind est stable sous condition CFL, mais crée une diffusion numérique qui
le rend peu précis ;
– l’utilisation d’un schéma QUICK (second ordre) permet de gagner en précision, mais sa
stabilité n’est pas assurée.
En revanche, les schémas TVD du second ordre représentent un compromis intéressant entre
précision et robustesse. En particulier, le schéma Superbee est caractérisé par une très bonne
précision, et semble donc très bien adapté à notre étude.
On notera toutefois que l’utilisation d’un schéma TVD implique un supplément de temps
de simulation, du fait de l’évaluation du limiteur de flux à chaque interface.

Cas d’une cellule saturée

On a fait l’hypothèse dans la section 2.1.2 que la vitesse de marche des personnes s’annule
au delà d’une certaine densité de personnes critique ρc , que l’on a fixée dans cette étude à
5, 4m−2 . Cette valeur de ρc correspond à une densité de personnes critique admissible, et on
considère alors qu’une cellule saturée (dans laquelle on dépasse ρc ) ne peut pas recevoir de
densité de personnes par convection (figure 2.17).
Dans ce cas de figure, on imposera un flux nul à l’interface :

ρ̃i+ 1 ,j = 0 si ρi+1,j > ρc


2

46
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.17 – Évaluation du flux lorsque la cellule aval est saturée

Évaluation des flux aux abords des obstacles

Les schémas TVD introduits précédemment utilisent une interpolation de la densité de per-
sonnes sur trois cellules adjacentes. Lorsqu’on se rapproche des frontières du domaine, on est
amené à distinguer le cas particulier des obstacles (figure 2.18).

F IGURE 2.18 – Évaluation du flux près d’un obstacle

Sur la figure 2.18, la vitesse ui+ 1 ,j étant positive, on cherche à estimer le flux φi+ 1 ,j à partir
2 2
des cellules (i − 1, j), (i, j) et (i + 1, j). La cellule (i − 1, j) ne faisant pas partie du domaine
de calcul, on est alors amené à utiliser uniquement 2 valeurs pour l’interpolation. On a alors :
ρi+1,j − ρi,j
ρ̃i+ 1 ,j = ρi,j + ψ(0)
2 2

47
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

2.3 Extension du modèle pour les fortes densités de personnes


On présente ici un modèle de cheminement dont la formulation mathématique est dérivée de
celle introduite dans les sections précédentes. On y introduit notamment un terme de diffusion
censé décrire des phénomènes plus complexes susceptibles de se produire dans le cas de fortes
densités. Cette formulation est donnée ici à titre indicative, et est à l’heure actuelle en cours de
développement. Elle ne sera pas exploitée dans la suite de ces travaux de thèse.

2.3.1 Notion de diffusion


Le modèle introduit dans ce chapitre est un modèle du premier ordre en espace basé sur la
formulation de Hughes [59]. Ce modèle est à la base de tous les modèles continus et macro-
scopiques étudiés en mathématiques. Il stipule que la densité de personnes totale est conservée
au cours de son transport vers les différentes sorties. Dans l’équation de continuité, ce terme de
transport est un terme du premier ordre qui assimile le déplacement des personnes à un mou-
vement de convection : les personnes se déplacent de façon ordonnée en suivant une direction
privilégiée et en adaptant leur vitesse de marche à la densité de personnes locale.
Toutefois, l’observation de déplacements de personnes dans des situations plus compliquées
(fortes densités de personnes, dépassements, croisements, contre-courants) révèle une dyna-
mique des personnes plus complexe, qui est difficile à modéliser avec un modèle de premier
ordre de Hughes. Dans ce type de configurations particulières comme les croisements à forte
densité de personnes, les personnes ne sont pas toujours capables de se déplacer suivant leur
direction préférentielle mais peuvent être amenées à en dévier du fait des interactions avec les
autres individus. Ces observations laissent penser qu’un élément supplémentaire doit être ajouté
au modèle afin de rendre compte de ces interactions. De plus, l’application de notre modèle tel
que décrit au paragraphe précédent dans des situations de congestion a conduit dans certains
cas extrêmes à des blocages qui ne nous semblaient pas exacts. Cela nous a conduit à chercher
des pistes d’amélioration avec introduction du phénomène de diffusion.
Colombo [75, 76] s’est notamment intéressé à ce problème en introduisant dans le modèle
de Hughes un terme non-local ; ce terme prend en compte le fait qu’un individu a tendance
à dévier de sa direction souhaitée en fonction de la présence d’autres personnes dans un cer-
tain voisinage. Cette idée a également été exploitée par Bruno [77], qui a montré que l’ajout
d’un terme non-local revenait à introduire un terme de diffusion dans le modèle. Dans cette
approche, l’évolution de la densité de personnes est régie par le terme de convection (vitesse di-
rigée vers un objectif et dépendant de la densité locale) et par le terme de diffusion qui suppose
que les personnes tendent à se déplacer des zones concentrées vers les zones moins concen-
trées. Ce concept est strictement analogue à la diffusion de Fick, ou diffusion de la matière sous
l’effet d’un gradient de concentration. A l’échelle moléculaire, la diffusion correspond aux dé-
placements des molécules dans un milieu sous l’effet de l’agitation thermique. Dans un milieu
constitué d’une seule espèce, les molécules vont se déplacer les unes par rapport aux autres
sous l’effet de cette même agitation thermique ; ce phénomène, appelé auto-diffusion, corres-
pond à la diffusion d’une espèce dans elle-même. De même, dans un milieu multi-espèces, les
molécules d’une espèce diffusent parmi les molécules des autres espèces et tendent à former un
milieu homogène. A l’échelle macroscopique, la diffusion de la matière est décrite par la loi de
Fick :

→ →

Ji = −Di ~∇ Γi (2.18)


où Ji , Di et Γi sont respectivement le flux de matière (mol.m−2 .s−1 ), le coefficient de dif-
fusion (m2 .s−1 ) et la concentration molaire (mol.m−3 ) de l’espèce i.

48
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Ce même mécanisme est à l’origine de la conduction thermique, décrite à l’échelle macro-


scopique par la loi de Fourier :


→ →

ϕ = −λ ~∇ T (2.19)
avec −
→ϕ la densité de flux de chaleur (W.m−2 ), λ la conductivité thermique du milieu
(W.m−1 .K−1 ) et T la température dans le milieu (K).
Par analogie, Bruno [77] montre que l’on peut introduire dans le modèle de cheminement
de personnes un terme de diffusion de la forme :

→ →

φd = −D(ρ) ~∇ ρ (2.20)
avec φd le flux de personnes par diffusion (m−1 .s−1 ) et D le coefficient de diffusion de la
densité de personnes (m2 .s−1 ).
On notera ici que, au même titre que la conductivité thermique varie en fonction de la tem-
pérature, le phénomène de diffusion est a priori d’autant plus important que la densité de per-
sonnes augmente. Le coefficient de diffusion D est donc une fonction de la densité de personnes
ρ. Avec le terme de diffusion, l’équation du modèle de cheminement pour une seule population
s’écrit, selon Bruno [77] :

 ∂ρ + div(ρ− →


→v ) + div(D(ρ) ~∇ ρ) = 0
∂t (2.21)
− → →

v = V (ρ) U
L’expression du coefficient de diffusion D(ρ) peut être identifiée en introduisant un terme
non-local dans l’équation de continuité. Pour cela, on fait l’hypothèse que la vitesse de marche
d’une personne est fonction de la densité de personnes présente dans son voisinage. En effet,
une personne est contrainte de ralentir dans une zone de forte densité, et va également adapter
sa direction et sa vitesse selon la quantité de personnes qu’elle perçoit dans un certain voisinage.

A un instant t, la vitesse de marche d’une personne située au point (x, y) n’est donc pas
fonction uniquement de la densité de personnes locale et instantanée ρ(x, y, t) :
– La prise de décision d’un individu suite à un stimulus prend un certain temps et induit
donc un décalage temporel entre la perception et la prise de décision. Ce décalage tem-
porel δt comprend une phase de prise d’informations dans un voisinage et une phase de
réflexion et de prise de décision pour mettre en place une action [78, 79]. Ainsi, la vi-
tesse de marche d’un individu à l’instant t est théoriquement fonction de la densité de
personnes qu’il perçoit entre les instants t − δt et t. On peut toutefois considérer que ce
temps δt est négligeable devant le temps caractéristique de marche (temps mis par un
individu pour traverser le compartiment à vitesse normale) et devant le temps qui sépare
deux prises de décision.
– De même, l’adaptation de la vitesse de marche repose sur une prise en compte non-locale
de la densité de personnes [80] : les individus adaptent leur vitesse en fonction de ce qu’ils
perçoivent dans une certaine partie de leur champ visuel (figure 2.23). Ce voisinage est
d’autant plus étendu que la densité de personnes environnante est faible.

L’hypothèse réalisée par Bruno est la suivante [77] : on se place dans la configuration sché-
matisée sur la figure 2.19, où un individu situé au point x se déplace dans une direction souhaitée
et adapte sa vitesse en tenant compte de la densité de personnes dans un voisinage de rayon L
autour de lui.
En utilisant les notations 1D de la figure 2.20, on considère que la vitesse de marche au
point x à l’instant t s’écrit :

49
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.19 – Zone de perception d’un individu

v(x, t) = V (ρ(x + L))

F IGURE 2.20 – Zone de perception d’un individu

L’équation de conservation de la densité de personnes avec prise en compte non-locale de


la densité dans le calcul des vitesses s’écrit alors :
∂ ∂
ρ(x, t) + (ρ(x, t)V (ρ(x + L, t))) = 0 (2.22)
∂t ∂x
Des développements limités successifs à l’ordre 1 sur les fonctions ρ puis V permettent
d’écrire :
  
∂ ∂ ∂ρ
ρ(x, t) + ρ(x, t)V ρ(x, t) + (x, t)L =0
∂t ∂x ∂x
  
∂ ∂ ∂V ∂ρ
=⇒ ρ(x, t) + ρ(x, t) V (ρ(x, t)) + (ρ(x, t)) (x, t)L =0
∂t ∂x ∂ρ ∂x
que l’on peut mettre sous la forme :

 
∂ ∂ ∂ ′ ∂ρ
ρ(x, t) + (ρ(x, t)V (ρ(x, t))) + ρ(x, t)V (ρ(x, t))L (x, t) = 0
∂t ∂x ∂x ∂x
 
∂ ∂ ∂ ∂ρ
=⇒ ρ(x, t) + (ρ(x, t)V (ρ(x, t))) + D(ρ(x, t)) (x, t) = 0
∂t ∂x ∂x ∂x
On obtient alors une équation de convection-diffusion de type :
∂ρ →

+ div(ρ−

v ) + div(D(ρ) ~∇ ρ) = 0 (2.23)
∂t
L’équation (2.23) fait apparaître un coefficient de diffusion D(ρ) de la forme :

D(ρ) = −ρV ′ (ρ)L

50
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

que l’on peut aussi écrire


  
V0 L 1 1
D(ρ) = 1, 913 exp −1, 913 −
ρ ρ ρc
L’équation (2.23) indique que dans le cas de fortes densités de personnes, le terme convectif
tend vers 0 et que l’évolution de la densité de personnes est décrite par le terme de diffusion.
L’évolution de ce coefficient de diffusion en fonction de la densité de personnes est repré-
sentée sur la figure 2.21 (la longueur L est fixée à 1 m sur cette figure). On note que pour des
densités de personnes inférieures à 0,25 m−2 , le phénomène de diffusion ne joue aucun rôle
dans le cheminement des personnes.

F IGURE 2.21 – Coefficient de diffusion en fonction de la densité de personnes (L = 1m)

Dans certaines configurations complexes comme des groupes de personnes marchant à


contre-courant dans un couloir (figure 2.22), on pourrait observer des situations de conflits
avec des personnes bloquées face à des densités de personnes importantes arrivant à contre-
courant. Dans la pratique, on ne voit pas apparaître ces situations de blocage car les individus
parviennent à avancer en se faufilant entre les autres ou en s’organisant de façon à créer des
lignes progressant dans le même sens. Le terme de diffusion introduit dans le modèle est censé
modéliser ces déplacements.
Toutefois, ce terme diffusif tel qu’il est introduit dans l’équation (2.23) possède un incon-
vénient majeur : il suppose que la densité de personnes diffuse des zones concentrées vers les
zones moins concentrées, mais ne tient pas compte de la direction de la vitesse des individus.

F IGURE 2.22 – Personnes marchant à contre-courant dans un couloir

51
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Ainsi, la densité de personnes est susceptible de diffuser dans toutes les directions. En réalité,
cette diffusion doit être orientée vers l’avant, c’est-à-dire dans le sens de la marche des per-
sonnes. En effet, chaque individu adapte sa vitesse en fonction de la densité de personnes qu’il
perçoit dans la direction de sa marche, alors que l’hypothèse faite jusqu’à présent stipulait que
la vitesse de marche était fonction de la densité comprise dans un cercle autour de l’individu.

L’objectif de la section suivante est de proposer une écriture différente pour le terme de
diffusion prenant en compte le sens de la marche des personnes.

2.3.2 Terme de diffusion pour une population


Dans cette section, on fait l’hypothèse que la vitesse de marche d’une personne est fonction
de la densité de personnes présente dans son voisinage, autour d’une direction choisie. En effet,
une personne est contrainte de ralentir dans une zone de forte densité, et va également adapter
sa direction et sa vitesse selon la quantité de personnes qu’elle perçoit dans un certain voisinage
compris entre elle et sa destination [24].

On se place dans la configuration schématisée sur la figure 2.23, où un individu situé au




point (x, y) se déplace dans la direction U de coordonnées (Ux , Uy ). L’individu regarde dans la


direction U et adapte sa vitesse en tenant compte de la densité de personnes qu’il perçoit dans
cette direction et sur une certaine distance d’interaction L.

F IGURE 2.23 – Zone de perception d’un individu

Le voisinage du point (x, y) est donc constitué des points

{(x + aUx , y + aUy ), a ∈ [0; L]}


et on considère que la vitesse de marche au point (x, y) à l’instant t s’écrit :

v(x, y, t) = V (ρ(x + LUx , y + LUy , t)) (2.24)


L’équation de conservation de la densité de personnes avec prise en compte non-locale de
la densité dans le calcul des vitesses s’écrit alors :

 ∂ρ(x, y, t) + div(ρ(x, y, t)−




v (x, y, t)) = 0
∂t (2.25)
−→ →

v (x, y, t) = V (ρ(x + LUx , y + LUy , t)) U
Dans le domaine de calcul Ω en 2D, ces équations s’écrivent :

52
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT


 ∂ρ(x, y, t) + ∂ρ(x, y, t)v(x, y, t)Ux + ∂ρ(x, y, t)v(x, y, t)Uy = 0

∂t ∂x ∂y (2.26)
−
 → →

v (x, y, t) = V (ρ(x + LU , y + LU , t)) U
x y

Ces deux équations peuvent s’écrire en une seule :



ρ(x, y, t)
∂t

+ (ρ(x, y, t)V (ρ(x + LUx , y + LUy , t))Ux ) (2.27)
∂x

+ (ρ(x, y, t)V (ρ(x + LUx , y + LUy , t))Uy ) = 0
∂y
Un développement limité à l’ordre 1 de la fonction ρ donne :
   
∂ρ ∂ρ
ρ(x + LUx , y + LUy , t) = ρ(x, y, t) + LUx + LUy + ◦(L)
∂x x,y,t ∂y x,y,t

L’équation 2.27 devient alors :


ρ(x, y, t)
∂t ! !
   
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t)V ρ(x, y, t) + LUx + LUy Ux (2.28)
∂x ∂x x,y,t ∂y x,y,t
    ! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t)V ρ(x, y, t) + LUx + LUy Uy =0
∂y ∂x x,y,t ∂y x,y,t

En effectuant un nouveau développement limité à l’ordre 1 sur la fonction V , on aboutit à :


    !
∂ρ ∂ρ
V ρ(x, y, t) + LUx + LUy
∂x x,y,t ∂y x,y,t
    !
′ ∂ρ ∂ρ
=V (ρ(x, y, t)) + V (ρ(x, y, t)) LUx + LUy
∂x x,y,t ∂y x,y,t
Ce qui permet d’écrire l’équation (2.28) sous la forme :


ρ(x, y, t)
∂t !! !
   
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t) V (ρ(x, y, t)) + V ′ (ρ(x, y, t)) LUx + LUy Ux
∂x ∂x x,y,t ∂y x,y,t
    !! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t) V (ρ(x, y, t)) + V ′ (ρ(x, y, t)) LUx + LUy Uy = 0
∂y ∂x x,y,t ∂y x,y,t
que l’on peut encore écrire :

ρ(x, y, t)
∂t


+ div(ρ(x, y, t)V (ρ(x, y, t)) U )
→ −
− → →

+ div(Lρ(x, y, t)V ′ (ρ(x, y, t))( ~∇ ρ · U )x,y,t U ) = 0

53
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

ou encore, en allégeant les notations :


∂ρ −
→ → −
− →− →
+ div(ρV (ρ) U ) + div(LρV ′ (ρ)( ~∇ ρ · U ) U ) = 0 (2.29)
∂t
L’équation (2.29) est ainsi la version locale de l’équation (2.27) ; elle fait apparaitre trois
termes distincts :
– un terme de dérivée temporelle
– un terme de transport convectif faisant apparaître la vitesse de marche
– un terme d’ordre 2 en espace que l’on peut assimiler à un terme de diffusion.

Les notions de convection et de diffusion introduites dans ce modèle représentent deux


mécanismes bien distincts :
– La convection traduit le mouvement volontaire et ordonné d’une ou de plusieurs per-
sonnes vers leur destination souhaitée et à leur vitesse souhaitée.
– Sous l’effet d’une densité de personnes importante, le mouvement des personnes a ten-
dance à se désorganiser ; le mouvement des personnes est alors contrôlé par les interac-
tions avec les personnes aux alentours (contacts physiques, évitement, croisements). Cette
désorganisation du mouvement des personnes est modélisée par un terme de diffusion.

2.3.3 Extension au cas de plusieurs populations


Comme cela a été fait dans la section précédente pour le modèle à une seule population,
on peut considérer ici que les personnes adaptent leur vitesse de déplacement en fonction de la
densité de personnes totale perçue dans un voisinage. On peut alors faire apparaître de la même
façon des termes diffusifs dans le modèle.
On cherche à déterminer l’expression du terme de diffusion dans le cas du modèle multi-
populations, en prenant le cas d’une population i ∈ [[1, Npop ]]. On se place dans la configuration
schématisée sur la figure 2.24, où un individu de la population i situé au point (x, y) se dé-

− →

place dans la direction Ui de coordonnées (Uxi , Uyi ). L’individu regarde dans la direction Ui et
adapte sa vitesse en prenant en compte la densité de personnes qu’il perçoit dans cette direc-
tion. Dans le cas du modèle à plusieurs populations, on a coexistence de groupes de personnes
ayant des vitesses de marche ou des objectifs différents. Cette situation est susceptible de créer
des interactions entre populations (croisements, dépassements, contre-courants) qui se mani-
festent par des gênes ou des conflits. Par exemple, en reprenant l’illustration sur la figure 2.24,
un individu de la population i sera davantage "gêné" dans son mouvement par un individu du
groupe j évoluant à contre-courant que par un individu de son propre groupe évoluant dans la
même direction. Afin d’optimiser son trajet de sortie, il sera donc amené à anticiper l’évolution
de la population j dans un voisinage plus étendu que si tout le monde marchait dans le même
sens. On peut donc considérer que la distance d’interaction Lij entre deux individus de groupes
différents est supérieure à la distance d’interaction Lii entre individus d’une même population.
Ainsi, conformément à ce que propose Colombo [76], la vitesse de marche de la population
i au point (x, y) à l’instant t s’écrit :
N pop
X
vi (x, y, t) = Vi ( ρk (x + Lik Uxi , y + Lik Uyi , t)) (2.30)
k=1

54
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

F IGURE 2.24 – Zone de perception d’un individu dans le cas multi-populations

Le système d’équations pour la population i s’écrit alors :

∂ρi (x, y, t)


 + div(ρi (x, y, t)− →vi (x, y, t)) = 0
∂t


N pop (2.31)


X →

v (x, y, t) = V ( ρk (x + Lik Uxi , y + Lik Uyi , t))Ui

i i



k=1
ou encore :

∂ρi (x, y, t) ∂ρi (x, y, t)vi (x, y, t)Uxi ∂ρi (x, y, t)vi (x, y, t)Uyi


 + + =0

 ∂t ∂x ∂y
N pop (2.32)


X →

 vi (x, y, t) = Vi ( ρk (x + Lik Uxi , y + Lik Uyi , t))Ui



k=1

En effectuant des développements limités successifs comme dans la section précédente (cas
d’une seule population), on retrouve la forme locale de l’équation de conservation :


ρi (x, y, t)
∂t
Npop
∂ ′
X ∂ρk ∂ρk
+ (ρi (x, y, t)(Vi (ρt (x, y, t)) + Vi (ρt (x, y, t))( Lik (( )x,y,t Uxi + ( )x,y,t Uyi )))Uxi )
∂x k=1
∂x ∂y
Npop
∂ ′
X ∂ρk ∂ρk
+ (ρi (x, y, t)(Vi (ρt (x, y, t)) + Vi (ρt (x, y, t))( Lik (( )x,y,t Uxi + ( )x,y,t Uyi )))Uyi ) = 0
∂y k=1
∂x ∂y

que l’on peut écrire


ρi (x, y, t)
∂t


+ div(ρi (x, y, t)Vi (ρt (x, y, t))Ui )
Npop
X →
− →
− →

+ div(ρi (x, y, t)Vi′ (ρt (x, y, t))(( Lik ~∇ ρk ) · Ui )x,y,t Ui ) = 0
k=1
ou encore

55
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT

Npop
∂ρi →
− ′
X →
− →−
− →
+ div(ρi Vi (ρt )Ui ) + div(ρi Vi (ρt )(( Lik ~∇ ρk ) · Ui )Ui ) = 0 (2.33)
∂t k=1

On note que l’équation (2.33) fait apparaître deux flux distincts :




– un flux par convection φc :

− →

φc = ρi Vi (ρt )Ui


qui est porté par la direction Ui ;


– un flux φd :
Npop

− ′
X →
− →−
− →
φd = ρi Vi (ρt )(( Lik ~∇ ρk ) · Ui )Ui
k=1


qui est un terme d’ordre 2 également porté par la direction Ui . Ce flux, bien qu’il soit
assimilable à de la diffusion, diffère des flux introduits dans les équations (2.18), (2.19)
et (2.20) dans la mesure où il est orienté selon la direction de la marche.

2.4 Conclusion du chapitre


Le modèle de cheminement de personnes présenté dans ce chapitre est inspiré du modèle
continu introduit par Hughes. Sa formulation inclut notamment une relation empirique liant la
vitesse de marche d’un individu en fonction de la densité de personnes locale. Cette relation
constitue l’un des points clé du modèle.
D’un point de vue mathématique, la formulation du modèle s’apparente à une équation de
conservation de la densité de personnes comprenant un terme convectif. Cette équation est ré-
solue dans un domaine de calcul en deux dimensions à l’aide d’une méthode de volumes finis.
La résolution de l’équation du modèle fait appel à un algorithme itératif nommé MARCOE
PAULO, dans lequel chaque itération se déroule en deux étapes. La première étape (PAULO)
consiste à établir le champ des vitesses de cheminement, en faisant l’hypothèse que les per-
sonnes adoptent leur vitesse en fonction de la densité de personnes instantanée dans leur voisi-
nage dans le but de minimiser leur temps de sortie. La seconde étape (MARCOE) consiste alors
au transfert de la densité de personnes entre les cellules du domaine.
La formulation présentée dans la dernière section de ce chapitre correspond à une exten-
sion du modèle de cheminement de personnes. Cette version du modèle en est actuellement à
ses premiers développements ; c’est pourquoi on ne l’évoquera pas plus longuement dans les
chapitres suivants. Toutefois, les premiers travaux exploratoires sur cette approche semblent
prometteurs et offrent des perspectives intéressantes pour la modélisation des situations à fortes
densités de personnes. L’un des principaux enjeux de cette approche est l’évaluation des lon-
gueurs d’interaction caractérisant le phénomène de diffusion. On a notamment introduit deux
longueurs caractéristiques : l’une permettant de quantifier la diffusion au sein d’une population,
l’autre caractérisant les interactions plus complexes entre des individus issus de populations
différentes. L’évaluation de ces longueurs caractéristiques est à ce jour un point non résolu. En
particulier, les premières simulations effectuées nous incitent à penser que le phénomène de
diffusion au sein d’une population a peu d’impact sur les temps d’évacuation.

56
Chapitre 3

Vérification et validation du modèle

Après avoir présenté dans le deuxième chapitre le modèle de cheminement de personnes


ainsi que l’algorithme associé, on s’attache dans ce troisième chapitre à la vérification et à la
validation du modèle sur des cas tests. Ce chapitre se divise en cinq sections.
On procède dans un premier temps à des tests de vérification de notre modèle, afin de vérifier
certaines de ses fonctionnalités de base. Cette phase de vérification est complétée par un cas de
comparaison entre notre modèle et d’autres outils numériques utilisés en évacuation.
Les deuxième et troisième sections s’attachent à la phase de validation du modèle de chemi-
nement basée sur des expériences réalisées à petite échelle d’abord (une pièce), puis à moyenne
échelle (ensemble pièces-couloir). Lors de cette phase de validation à moyenne échelle, on met-
tra en œuvre le modèle à une population, mais également le modèle multi-populations.
Enfin, on s’intéressera, à partir d’un scénario simple, à la sensibilité du modèle vis-à-vis de
trois de ses paramètres d’entrées : les temps de réaction-pré-mouvement, la vitesse de marche
libre et la densité de personnes critique. L’objectif est alors de mesurer l’influence de ces para-
mètres sur les temps d’évacuation des personnes.

3.1 Vérification et comparaison inter-modèles


La phase de vérification d’un modèle de cheminement consiste à tester une à une les dif-
férentes composantes du modèle et à s’assurer que le modèle se comporte tel qu’il a été pro-
grammé. La comparaison entre modèles permet quant à elle de vérifier, sur une même confi-
guration, que notre modèle donne des résultats similaires à d’autres codes. On notera que ces
deux phases de vérification et de comparaison inter-modèles ne donnent pas d’indication sur la
capacité du modèle à reproduire la réalité. Elles permettent néanmoins de donner du crédit au
modèle.

3.1.1 Tests de vérification


A l’heure actuelle, il n’existe pas de règle standard ou de test normalisé en termes de vérifi-
cation des modèles de cheminement de personnes. Les développeurs de codes de calcul basent
généralement la vérification de leur modèle sur une série de tests définis par l’Organisation Ma-
ritime Internationale [81]. Ces tests, bien qu’ils aient été définis dans le cadre maritime pour
l’évacuation de bateaux, font l’objet d’un consensus pour la vérification des modèles. Les 11
tests définis par l’IMO peuvent être classés en deux catégories :
– Les tests composante par composante, qui permettent de s’assurer que les différents élé-
ments du modèle fonctionnent correctement, indépendamment les uns des autres (tests 1
à 7) ;

57
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

– La vérification qualitative du modèle, qui vise à montrer que celui-ci se comporte norma-
lement sur la base de critères qualitatifs (tests 8 à 11).
La vérification "quantitative" des modèles est plutôt du ressort de la validation et nécessite
la récolte de données réelles.
Dans le cas de notre étude, on se limitera aux tests 1, 4, 6 et 9. Les autres tests ont peu
d’intérêt ici dans la mesure où ils permettent de tester des composantes qui ont été intégrées dans
une version du modèle non validée à ce jour (vitesse de marche dans des escaliers, phénomènes
de contre-courant, choix de sortie des personnes).

Test n◦ 1
Présentation du test
Le test n◦ 1 est un test très basique qui vérifie qu’une personne est capable de maintenir une
vitesse donnée en ligne droite. La configuration du test n◦ 1 est présentée sur la figure 3.1.

F IGURE 3.1 – Configuration du test de vérification n◦ 1

Il s’agit d’un couloir de 40 m de long et de 2 m de large. On vérifie ici qu’une personne de


vitesse nominale fixée à 1 m.s−1 et initialement située à un bout du couloir, rallie l’autre bout
en 40 s.

Simulation numérique avec notre code


On définit à l’un des bouts du couloir une zone de départ de 0,5 m de long sur 2 m de large dans
laquelle on introduit une densité de personnes de 1 m−2 , ce qui revient à définir 1 personne. On
fait le choix ici d’introduire une faible densité de personnes, ce qui fera apparaitre des vitesses
de cheminement proches de la vitesse de marche libre. Le pas d’espace est fixé à 0,2 m et le pas
de temps à 0,1 s.

Résultat de la simulation
La figure 3.2 présente le taux de sortie au cours du temps obtenu avec notre code (en rouge).
On rappelle que le taux de sortie correspond, à un instant donné, au rapport entre le nombre de
personnes sorties du compartiment et le nombre de personnes initialement présentes.
Le résultat obtenu est tout à fait concluant. Il montre en particulier que le schéma numé-
rique adopté (schéma TVD de type Superbee) est capable de transporter un front de densité de
personnes et génère peu de diffusion numérique.

Test n◦ 4
Présentation du test
Le test n◦ 4 est censé vérifier que les flux de personnes à travers un ouvrant ne dépassent pas une
certaine valeur limite. La géométrie du test n◦ 4 est présentée sur la figure 3.3. Il s’agit d’une
pièce de 8 m de long et de 5 m de large, avec une seule sortie de 1 m de large centrée sur l’un
des murs. A l’instant initial, 100 personnes sont présentes dans la pièce et démarrent en même
temps leur cheminement vers la sortie. L’objectif de ce test est alors de s’assurer que le flux de
personnes à travers la sortie ne dépasse pas 1,33 personnes par seconde.

58
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.2 – Taux de personnes sorties du couloir au cours du temps

F IGURE 3.3 – Configuration du test de vérification n◦ 4

Simulation numérique avec notre code


On considère dans notre simulation que la densité de personnes est uniformément répartie dans
toute la pièce et égale à 2,5 m−2 . Le pas d’espace est fixé à 0,2 m et le pas de temps à 0,1 s.

Résultat de la simulation
La figure 3.4 représente le flux de personnes à travers la sortie au cours du temps (en rouge).
On représente également sur la figure 3.5 le taux de sortie des personnes au cours du temps.
On constate que le flux de personnes à travers la sortie reste quasiment constant au cours
de la simulation (environ 1,15 personnes par seconde pour un mètre de largeur). Ce flux est
donc inférieur à la limite définie dans ce test. On notera que ce flux obtenu par la simulation
numérique est égal au flux maximal identifié sur le diagramme fondamental dans la section
2.1.2. Il est donc intéressant d’observer que, dans le cas d’une situation de congestion comme
celle du test n◦ 4, la densité de personnes devant la sortie tend vers une valeur qui optimise le
flux (cette valeur valant environ 1,75 m−2 ).

59
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.4 – Flux de personnes à la sortie au cours du temps

F IGURE 3.5 – Taux de sortie des personnes au cours du temps pour le test n◦ 4

Test n◦ 6

Présentation du test
Le test n◦ 6 est un test qui permet de vérifier que les personnes sont capables de prendre un
virage à 90◦ sans pénétrer dans les obstacles. La géométrie du test n◦ 6 est représentée sur la
figure 3.6. Il s’agit d’un couloir de 2 m de large, présentant un virage à 90◦ vers la gauche en
son centre. A l’instant initial, 20 personnes sont cantonnées dans une surface de 8 m2 à un bout
du couloir. Ces 20 personnes démarrent leur progression en même temps et doivent passer le
virage sans pénétrer dans les murs.

Simulation numérique avec notre code


L’objectif de notre simulation numérique est de s’assurer qu’à chaque instant, la densité de per-
sonnes est nulle dans les murs bordant le couloir. On considèrera une densité initiale uniforme
dans la zone de départ et égale à 2,5 m−2 . Le pas d’espace est fixé à 0,2 m et le pas de temps à
0,1 s.

60
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.6 – Configuration du test de vérification n◦ 6

Résultat de la simulation
Le taux de personnes sorties du couloir au cours du temps est donné sur la figure 3.7.

F IGURE 3.7 – Taux de personnes sorties du couloir au cours du temps pur le test n◦ 6

On représente sur la figure 3.8 la répartition spatiale de la densité de personnes dans le


couloir à différents instants.
La simulation numérique a permis de vérifier que les parois du couloir sont impénétrables
et imperméables. Cela permet de valider la bonne prise en compte des obstacles dans le calcul
des vitesses d’évacuation (présentée dans la section 2.2.5).

61
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.8 – Répartition spatiale de la densité de personnes à quatre instants différents

Test n◦ 9

Présentation du test

Le test n◦ 9 est un test de vérification qualitatif. La configuration du test (voir figure 3.9)
est un grand hall rectangulaire de 30 m de long et de 20 m de large, pour une surface totale
de 600 m2 . Le hall comprend quatre sorties de 1 m de large, situées sur deux murs opposés. A
l’état initial, 1000 personnes se trouvent dans une zone centrale, chaque personne étant située à
au moins 2 m d’un mur. Les personnes entament leur évacuation simultanément vers l’une des
sorties disponibles.
Ce test n◦ 9 se déroule en deux phases :

1. Phase 1 : les quatre sorties sont disponibles ;


2. Phase 2 : les portes 1 et 2 sont fermées, et seules les portes 3 et 4 sont disponibles.

Le test sera considéré comme concluant si le temps d’évacuation pour la phase 2 est sensi-
blement deux fois supérieur au temps d’évacuation pour la phase 1.

62
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.9 – Configuration du test de vérification n◦ 9

Simulation numérique avec notre code


Pour la simulation numérique, on considérera une zone de départ pour les personnes de 16 m
de large et de 26 m de long. La densité de personnes initiale dans cette zone est donc égale à 2,4
m−2 . Conformément aux hypothèses de base de notre modèle, les personnes se dirigent vers la
sortie qui minimisera leur temps de sortie. Le pas d’espace est fixé à 0,2 m et le pas de temps à
0,1 s.

Résultat de la simulation
La figure 3.10 représente le taux de sortie des personnes au cours du temps pour chacune des
deux simulations. On s’intéresse en particulier à la comparaison des temps intermédiaires d’éva-
cuation. On définit le temps intermédiaire tn% comme le temps au bout duquel n% de l’effectif
initial a évacué le compartiment.
Pour la phase 2, le nombre d’unités de passage vers l’extérieur a été divisé par 2. On peut
donc raisonnablement s’attendre à ce que le flux total de personnes vers l’extérieur du domaine
soit approximativement réduit de moitié. Ainsi, chaque temps d’évacuation intermédiaire doit
théoriquement être 2 fois plus important pour la phase 2 que pour la phase 1. Le tableau 3.1
recense les valeurs de t50% , t75% , t90% et t95% pour les deux cas.

Phase 1 Phase 2 Rapport des temps

t50% 118,5 s 225,5 s 1,90


t75% 175,6 s 337,7 s 1,92
t90% 209,9 s 405,3 s 1,93
t95% 221,3 s 427,9 s 1,93

TABLE 3.1 – Comparaison des temps intermédiaires d’évacuation pour le test n◦ 9

On peut constater que les temps d’évacuation sont approximativement doublés dans le cas
où la moitié des issues est disponible. Nos résultats sont donc concluants et permettent de valider
le test n◦ 9.

63
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.10 – Taux de sortie des personnes pour le test n◦ 9

3.1.2 Cas de comparaison inter-modèles


La littérature recense peu de cas tests permettant de confronter les différents codes de calcul
sur un même scénario. Les tests de vérification définis par l’IMO [81] constituent néanmoins
une référence dans la phase de vérification et de validation des modèles. En particulier, des
données obtenues pour le test n◦ 9 permettent d’effectuer une comparaison simple des temps de
sortie obtenus avec différents modèles.
On confrontera donc ici les résultats obtenus par notre code avec d’autres codes sur la géo-
métrie du cas test n◦ 9 (figure 3.9). On considère ici que les quatre sorties du hall sont disponibles
pour l’évacuation des personnes. Les principales caractéristiques de ce scénario sont données
dans le tableau 3.2. On notera que les modèles agents ont pris pour paramètres d’entrée des
distributions de vitesses de marche comprises entre 0,97 m.s−1 et 1,62 m.s−1 . On prendra donc
pour notre simulation une vitesse de marche libre moyenne de 1,295 m.s−1 .

MARCOE PAULO Autres codes

Effectif 1000 1000


Distribution initiale Uniforme Aléatoire
sur le domaine sur le domaine
Vitesse nominale 1,295 m.s−1 Distribution uniforme
entre 0,97 m.s−1 et 1,62 m.s−1
Temps de réaction 0s 0s
Densité critique 5,4 m−2 Non défini
Nombre de simulations 1 Variable

TABLE 3.2 – Scénario défini pour la comparaison entre codes

Le tableau 3.3 et la figure 3.11 recensent les différents temps d’évacuation obtenus pour ce
scénario grâce à différents codes numériques.

64
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Code/Modèle Temps d’évacuation

MARCOE PAULO 237 s


FDS+Evac [43] 240,8 s
Pathfinder (Steering mode) [82] 196,7 s- 199 s
Pathfinder (Steering + SFPE mode) [82] 273,2 s- 283,2 s
Pathfinder (SFPE mode) [82] 264,7 s- 275,6 s
Modèle de Zhang [83] 251 s- 252 s
PedGo 2.5.0.7 179 s

TABLE 3.3 – Temps d’évacuation obtenus par différents modèles

F IGURE 3.11 – Comparaison des temps d’évacuation obtenus avec différents codes

On peut constater que notre modèle fournit un temps total d’évacuation du même ordre de
grandeur que ceux trouvés dans la littérature. Néanmoins, ces différents temps d’évacuation
sont compris dans un intervalle très large selon le code utilisé. L’absence de détails sur les
paramètres d’entrée utilisés et la sensibilité des modèles déterministes à leurs paramètres d’en-
trée (notamment ceux de FDS+Evac et de Pathfinder) rendent difficile l’interprétation de ces
écarts. Il est probable que des disparités des données d’entrée utilisées, plus que les modèles
eux-mêmes, soient à l’origine de la dispersion des résultats.

3.2 Validation expérimentale à petite échelle


Valider un modèle de cheminement de personnes consiste à démontrer, à partir de l’expé-
rience, que le modèle est capable de reproduire des phénomènes et des données quantitatives
(flux de personnes, temps de sortie) semblables à ce que l’on observe dans la réalité.
Après avoir mis en œuvre le code MARCOE PAULO sur des cas basiques de vérification
et de comparaison, l’objectif est de valider le modèle de cheminement à petite échelle dans un
premier temps. Cette phase de validation, réalisée à partir de données expérimentales obtenues
au laboratoire, pourra permettre d’envisager dans un second temps une validation à moyenne
échelle.

65
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

3.2.1 Présentation de l’expérience


Dispositif expérimental
La configuration utilisée est très simple : il s’agit d’une pièce rectangulaire de 10 m2 (4 m
de long et 2,5 m de large), comprenant une seule unité de passage de 0,85 m de large (figures
3.12 et 3.13).

F IGURE 3.12 – Schéma de la configuration F IGURE 3.13 – Photographie de la pièce

Le sol est muni d’un quadrillage de cellules de 0,5 m de côté afin de repérer les positions
initiales des personnes. Quatre panneaux indiquant les quatre points cardinaux ont été affichés
aux murs de la salle afin de définir les orientations initiales des personnes. Les essais ont été
réalisés avec deux échantillons de personnes (de tailles respectives 5 et 10) dont l’âge varie
entre 20 et 47 ans.
Deux caméras GoPro ont été disposées afin de filmer l’ensemble des essais et de relever les
temps de passage des personnes au niveau de la sortie. La configuration complète est visible sur
la figure 3.14.

F IGURE 3.14 – Configuration complète

Déroulement de l’expérience
Le déroulement d’une expérience est le suivant :

66
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

– Les personnes se placent chacune selon la position initiale et l’orientation initiale qui leur
ont été attribuées. La position initiale correspond à l’une des 40 cellules du quadrillage
dessiné au sol et est déterminée de façon aléatoire. L’orientation initiale correspond à l’un
des quatre points cardinaux indiqués par les panneaux et est également choisie aléatoire-
ment.
– L’une des personnes, désignée aléatoirement, donne le signal de départ de l’évacuation
(ce qui permet pour l’exploitation des vidéos de déclencher le chronomètre et de prendre
en compte un temps de réaction).
– Les personnes sortent de la salle.
L’exploitation des enregistrements vidéo permet alors de déterminer le nombre de personnes
sorties de la pièce au cours du temps.

3.2.2 Détermination expérimentale de la vitesse de marche et du temps de


réaction
Afin de valider notre modèle, l’évacuation sera simulée avec le code MARCOE PAULO. Or
cette simulation nécessite la connaissance de trois constantes du modèle :
1. La vitesse de marche libre
2. Le temps de réaction/pré-mouvement
3. La densité critique admissible

La densité critique admissible est fixée comme précédemment à 5,4 m−2 . En revanche, les
deux autres constantes du modèle doivent être réévaluées pour ce cas de figure, compte tenu
du contexte particulier de l’expérience. En effet, étant données les dimensions restreintes de
la pièce (et la proximité des murs qui en résulte), une personne seule ne peut pas atteindre
sa vitesse de confort et se déplacera donc à une vitesse nominale V0 inférieure à la vitesse de
confort. Le temps de réaction, quant à lui, sera particulièrement court dans notre cas (temps de
réponse à un signal sonore prévenu). Afin d’identifier ces deux paramètres, on procède à une
identification au sens des moindres carrés entre des taux de sortie expérimentaux et des taux
obtenus analytiquement.

Expériences
On réalise 100 expériences d’évacuation d’une seule personne (protocole décrit précédemment).
Cinq personnes ont participé à ces essais (20 expériences par personne). On a ainsi récolté 100
temps de sortie, ce qui nous donne le pourcentage de sorties au cours du temps (courbe rouge
sur la figure 3.16).

Solution analytique
Pour le cas d’une personne seule sans congestion (pas de gêne entre les personnes), il est pos-
sible de calculer analytiquement les taux de sortie. Pour cela, on suppose que l’évolution de la
personne se décompose en deux phases bien distinctes :
1. Une phase de réaction et d’orientation vers la sortie (on supposera que la personne reste
sur place pendant cette phase). La durée τr de cette phase de réaction/orientation est l’un
des paramètres que l’on cherche à identifier.
2. Une phase de déplacement vers la sortie à la vitesse constante V0 , qui constitue le deuxième
paramètre à identifier.
Cette hypothèse est très simplificatrice, car les phases d’orientation et de déplacement se
chevauchent dans la réalité, avec une phase d’accélération dont on ne tient pas compte ici.

67
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.15 – Géométrie utilisée

La géométrie du local est donnée sur la figure 3.15.


On note Stotale la surface totale du local :

Stotale = l(a + b + h)

On note fV0 ,τr (t) la probabilité pour qu’une personne ayant un temps de réaction τr , une vitesse
de marche libre V0 et une position initiale aléatoire dans la pièce soit sortie à l’instant t. On note
SV0 ,τr (t) la surface constituée de l’ensemble des points M du local tel qu’il existe un point A
sur la sortie (en vert) vérifiant AM < V0 (t − τr ). On a donc :

SV0 ,τr (t)


fV0 ,τr (t) =
Stotale

Phase de réaction

Pour t ∈ [0; τr ]
SV0 ,τr (t) = 0

Phase de mouvement
h i
Pour t ∈ τr ; τr + Va0

π 2
SV0 ,τr (t) = V (t − τr )2 + hV0 (t − τr )
2 0
h i
a l
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0

a2
     
π a 2 a
SV0 ,τr (t) = − arccos V02 (t − τr ) + tan arccos +hV0 (t−τr )
2 2V0 (t − τr ) 2 V0 (t − τr )

68
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

 √ 
l (a2 +l2 )
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0

a2
     
a 2 l
SV0 ,τr (t) = tan arccos + l tan arccos
2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
     
π 1 a l
+ − arccos + arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
  
π l
+ − arccos V02 (t − τr )2 + hl
4 2V0 (t − τr )

 √ 
(a2 +l2 ) b
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0

   
π 1 l
SV0 ,τr (t) = − arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr )
l2
  
l
+ tan arccos + (a + h)l
2 V0 (t − τr )

 √ 
b (b2 +l2 )
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0

l2 b2
     
l b
SV0 ,τr (t) = tan arccos + tan arccos
2 V0 (t − τr ) 2 V0 (t − τr )
     
π 1 b l
+ − arccos + arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
+(a + h)l

Résultats
On a obtenu expérimentalement 100 temps de sortie ti(i=1,100) . On a donc identifié la vitesse de
marche libre et le temps de réaction en cherchant le couple (V0 ,τr ) qui minimise la somme :
100
X
Err(V0 , τr ) = (fexp (ti ) − fV0 ,τr (ti ))2 (3.1)
i=1

où fexp (ti ) représente le taux de sortie expérimental au temps ti .

Pour déterminer ce couple de valeurs (V0 ,τr ), on parcourt l’intervalle [0,6 m.s−1 ; 1,25
m.s−1 ] par pas de 0,01 m.s−1 pour le paramètre V0 , et on parcourt l’intervalle [0,5 s ; 1,0 s]
par pas de 0,01 s pour le paramètre τr . Pour chaque couple (V0 ,τr ) compris dans ces intervalles,
on calcule la somme Err(V0 , τr ), et on retient finalement le couple de valeurs qui minimise cette
somme.
On obtient une vitesse V0 = 0, 91 m.s−1 et un temps de réaction τr = 0, 69 s. Le taux de
sortie analytique correspondant est tracé en bleu sur la figure 3.16. A titre de comparaison, la vi-
tesse de marche libre moyenne des 5 personnes ayant participé à cette expérience a été mesurée
dans un couloir et vaut 1, 25 m.s−1 . Cela montre que la vitesse de marche libre peut dépendre
de la configuration des locaux et de ses singularités (proximité des murs, rétrécissements).

69
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.16 – Identification de la vitesse de marche et du temps de réaction sur 100


expériences avec une seule personne

3.2.3 Validation
Deux séries d’expériences ont été réalisées pour la validation : l’une avec un effectif de 5
personnes, l’autre avec 10 personnes. Pour chacune de ces deux séries, 20 expériences ont été
réalisées, selon le protocole défini précédemment.
Paramètres retenus pour la simulation :
– Vitesse de marche : 0,91 m.s−1 ;
– Temps de réaction : 0,69 s ;
– Densité maximale : 5,4 m−2

Effectif de 5 personnes
Les taux de sortie expérimentaux, numériques et analytiques sont présentés sur la figure 3.17.

F IGURE 3.17 – Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 5 personnes)

Les temps caractéristiques d’évacuation sont comparés dans le tableau 3.4 et l’erreur relative
du modèle par rapport à l’expérience y est également mentionnée. Le taux de sortie analytique,

70
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

représenté par la courbe bleue, est calculé en faisant l’hypothèse que chacune des personnes
peut sortir de la pièce sans être gênée par les autres.

Expérience Simulation Erreur relative Analytique Erreur relative


sans congestion
t50% 3,80 s 3,44 s 9,5% 2,76 s 27,4%
t75% 4,90 s 4,64 s 5,3% 3,31 s 32,4%
t90% 5,60 s 5,39 s 3,8% 3,78 s 32,5%
t95% 5,90 s 5,64 s 4,4% 4,05 s 31,4%

TABLE 3.4 – Temps caractéristiques d’évacuation pour un effectif de 5 personnes

On constate une excellente concordance entre résultats expérimentaux et numériques. On


peut également constater une différence importante entre les solutions analytique et numérique,
qui traduit bien le fait que les cinq personnes ne peuvent évacuer indépendamment les unes des
autres. Néanmoins, l’observation des vidéos montre que la situation de congestion au niveau
de la sortie n’est pas parfaitement établie. Il est donc encore difficile à ce stade d’affirmer que
la congestion est bien gérée numériquement. Afin de consolider notre validation, on va donc
renouveler l’expérience avec un effectif de 10 personnes.

Effectif de 10 personnes
Les taux de sortie expérimentaux, numériques et analytiques sont présentés sur la figure 3.18.

F IGURE 3.18 – Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 10 personnes)

Le tableau 3.5 présente les temps caractéristiques d’évacuation et l’erreur relative commise.
On constate encore une fois une excellente concordance entre les taux de sortie expérimen-
taux et numériques, ainsi qu’une différence significative entre les solutions analytique (sup-
posant une absence de congestion) et numérique (prenant en compte cette congestion). Ces
résultats sont convaincants et montrent que la congestion est bien gérée dans notre modèle.

71
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Expérience Simulation Erreur relative Analytique Erreur relative


sans congestion
t50% 5,20 s 5,74 s 10,4% 2,76 s 46,9%
t75% 7,60 s 8,34 s 9,7% 3,31 s 56,4%
t90% 9,00 s 9,94 s 10,4% 3,78 s 58,0%
t95% 9,70 s 10,49 s 7,5% 4,05 s 58,2%

TABLE 3.5 – Temps caractéristiques d’évacuation pour un effectif de 10 personnes

Conclusion sur la phase de validation à petite échelle


Un protocole expérimental très simple nous a permis de valider expérimentalement notre
modèle à petite échelle. Après une phase de calibration qui nous a permis de déterminer deux
constantes du modèle, des essais réalisés avec des effectifs de 5 et 10 personnes (effectif suf-
fisant pour créer une congestion à la sortie) ont mis en lumière la capacité du modèle à traiter
cette congestion de façon satisfaisante.
Ces essais concluants menés à petite échelle permettent désormais d’envisager des expé-
riences de validation à plus grande échelle.

3.3 Validation expérimentale à moyenne échelle


On présente dans cette section des expériences d’évacuation réalisées à moyenne échelle
dans le but de récolter des données expérimentales pour un compartiment plus vaste avec un
effectif plus important.

3.3.1 Présentation et objectifs


Les expériences réalisées ici ont deux objectifs principaux :
1. Dans le cadre de ce travail de thèse, l’objectif des essais est d’obtenir des données ex-
périmentales qui permettent de valider de façon fiable le modèle de cheminement de
personnes. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place des scénarii plus complexes
que celui utilisé dans la phase de validation à petite échelle, mais suffisamment simples
pour pouvoir être parfaitement maîtrisés. Cela permet de les simuler numériquement de
la façon la plus fidèle possible.
2. Les essais ont également été exploités dans le cadre de travaux de recherche en psycho-
logie menés au LEMTA et en lien étroit avec ce travail de thèse. Les travaux portent sur
le comportement humain en situation d’incendie et son impact sur l’évacuation. Dans le
cadre de ces recherches en sciences humaines, l’objectif de ces expériences est de re-
cueillir des données qualitatives et quantitatives sur les comportements d’individus éva-
cuant un compartiment (temps de réaction, prises de décisions, comportements indivi-
duels et collectifs).
Les essais présentés ici se sont déroulés à l’École Européenne d’Ingénieurs en Génie des
Matériaux (EEIGM) à Nancy. A cette occasion, 60 étudiants ont été invités à participer aux
expériences.

72
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

3.3.2 Configuration expérimentale


Présentation de la géométrie
Le compartiment utilisé dans ces expériences, représenté sur la figure 3.19, est constitué de
trois salles adjacentes comprenant chacune une porte, et d’un couloir sur lequel débouchent les
portes des salles.

F IGURE 3.19 – Schéma du compartiment utilisé pour les expériences

Les trois salles couvrent approximativement la même surface (environ 30 m2 ). Les portes
des salles ont une largeur de 90 cm, ce qui représente une unité de passage. La largeur du couloir
et de ses extrémités est de 1,6 m, ce qui permet aux personnes de marcher sur plusieurs lignes
et éventuellement de se croiser. Le compartiment comprend deux sorties, chacune étant située à
une extrémité du couloir. Sur la figure 3.19, l’épaisseur des cloisons séparant les salles est de 10
cm. La surface totale du compartiment est de 121,18 m2 , tandis que la surface disponible pour
la circulation des personnes est de 113,25 m2 .

Description de la population
L’échantillon de population ayant pris part aux expériences est constitué de 60 individus,
dont 18 de sexe féminin et 42 de sexe masculin. Tous sont étudiants à l’EEIGM et possèdent un
niveau bac+2 ou équivalent. L’âge des participants varie de 17 ans à 24 ans, l’âge moyen au sein
de la population étant de 21 ans. Il est important de noter que tous les participants connaissent
parfaitement les lieux, puisqu’il s’agit d’un bâtiment qu’ils fréquentent quotidiennement dans
le cadre de leurs études.

3.3.3 Déroulement des expériences


Dispositif expérimental
L’objectif principal de cette session expérimentale étant de recueillir des données quantita-
tives (temps d’évacuation) et qualitatives (éléments de comportement humain) sur l’évacuation,
on filme l’ensemble des essais sous différents points de vue. Treize caméras GoPro autonomes

73
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

ont été placées en différents endroits du compartiment afin de filmer l’ensemble des expériences
(figure 3.20) :
– Les caméras 1, 2 et 3 sont placées en hauteur et permettent d’avoir une vue d’ensemble
de ce qui se passe dans chacune des trois salles.
– Les caméras 4, 5 et 6 sont fixées au plafond au niveau des sorties, et permettent de relever
les temps de passage au niveau des portes des salles.
– Les caméras 7, 8 et 9 sont placées de façon à observer ce qui se passe au niveau des
passages de porte et dans le couloir.
– Les caméras 10 et 11 sont fixées au plafond au niveau des sorties du compartiment et
permettent de relever les temps de passage.
– Les caméras 12 et 13 sont placées de façon à voir la sortie des personnes en bout de
couloir.

F IGURE 3.20 – Positions des caméras GoPro dans le compartiment

Les personnes ont été averties au préalable de la présence des caméras afin d’éviter tout effet
de surprise. Cependant, afin de ne pas perturber le déroulement des expériences, les caméras ont
été dissimulées dans des boitiers opaques en PVC pour les rendre moins "intrusives". La figure
3.21 montre les caméras n◦ 5 et n◦ 6 accrochées au-dessus des salles 2 et 3.

F IGURE 3.21 – Boîtiers n◦ 5 et n◦ 6 renfermant les caméras installées à la sortie des salles 2 et 3

74
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Pour donner le signal de départ de l’évacuation, on utilise un signal sonore audible dans tout
le compartiment et par toutes les caméras.

Description des scénarii


On cherche ici à valider le modèle de cheminement à partir de quatre scénarii distincts.
1. Un scénario avec évacuation libre : à l’instant initial, chaque salle contient 20 personnes,
qui reçoivent la consigne d’évacuer le compartiment au signal de départ. Ce scénario a
été effectué en premier, et n’a été réalisé qu’une seule fois.
2. Un scénario avec deux sorties : à l’instant initial, 30 personnes se trouvent dans la salle 1
et reçoivent la consigne d’évacuer le compartiment en empruntant la sortie n◦ 1. Dans le
même temps, 30 personnes se trouvent dans la salle 3 et reçoivent la consigne d’évacuer
le compartiment en empruntant la sortie n◦ 2. Ce scénario a été répété trois fois.
3. Un scénario à une seule sortie : au départ, les salles 2 et 3 renferment chacune 30 per-
sonnes. Toutes ont reçu la même consigne : évacuer le compartiment via la sortie n◦ 1. Ce
scénario a été mis en œuvre deux fois.
4. Un scénario avec contre-courant : la configuration initiale est la même que pour le scé-
nario avec deux sorties (30 personnes dans la salle 1 et 30 personnes dans la salle 3). En
revanche, les personnes présentes dans la salle 1 ont reçu la consigne d’emprunter la sor-
tie n◦ 2, tandis que celles présentes dans la salle 3 ont reçu l’ordre d’évacuer par la sortie
n◦ 1. Ce scénario a été mis en place deux fois.
Le premier scénario est intéressant à plusieurs titres : en plus de fournir des données sur les
temps de sortie, il a permis d’observer les comportements de personnes soumises à un choix
entre deux issues.
Les deux scénarii suivants sont en revanche parfaitement maîtrisés, puisque les personnes
ont été contraintes d’emprunter l’issue qui leur avait été indiquée. Ces deux scénarii ont pour but
de valider le modèle de cheminement à une seule population. Les scénarii ont été répétés afin de
s’assurer de la reproductibilité des résultats et d’obtenir, le cas échéant, des données moyennes.
Pour des raisons d’organisation pratique, le nombre d’essais effectuées pour la répétabilité est
relativement restreint.
Le quatrième scénario diffère des trois autres dans la mesure où il permet de mettre en
oeuvre et de valider le modèle de cheminement à deux populations. En effet, dans ce scénario,
on a deux populations qui ont des objectifs différents et qui vont entrer en interaction en se
croisant dans le couloir.

Chaque essai se déroule de la façon suivante :


– Les personnes prennent place dans la salle qui leur a été assignée, après avoir reçu la
consigne de se répartir de façon homogène dans toute la surface de la salle et de s’orienter
de façon aléatoire (figure 3.22).
– Les individus reçoivent tous la consigne quant à l’issue qu’ils devront emprunter pour
évacuer ; cette consigne dépend du scénario mis en œuvre.
– A l’audition du signal d’alarme, les personnes évacuent le compartiment en suivant la
consigne qui leur a été indiquée.
Pour chaque essai, les portes des salles sont ouvertes, sauf celles des salles non occupées
au départ de l’expérience qui sont restées fermées tout le long de l’expérience. Étant donné le
mode opératoire utilisé pour les expériences (signal sonore indiquant le début de l’évacuation),
on considérera pour la phase de validation que les temps de réaction et d’accélération initiale
des personnes sont négligeables par rapport au temps de déplacement vers la sortie.

75
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.22 – Répartition des individus dans les salles au départ d’une expérience

Questionnaires d’évaluation
L’un des objectifs de cette étude expérimentale est de rassembler des données sur le compor-
tement des individus au cours de l’évacuation dans le cadre des travaux de recherche en psycho-
logie de Filosi [84]. En exploitant les enregistrements vidéo des expériences, le but de Filosi est
de réaliser des observations qualitatives et de distinguer éventuellement différents profils d’in-
dividus. La population étudiée ayant des caractéristiques relativement homogènes (personnes
de même âge, de même catégorie socio-professionnelle et connaissant bien les lieux), il peut
être judicieux de corréler les observations expérimentales à des données plus quantitatives qui
permettraient de discriminer la population.

A l’issue de toutes les expériences, les 60 individus ont donc été invités à répondre à deux
questionnaires d’auto-évaluation :
– Le questionnaire "Schutte Self-Report Emotional Intelligence" (SSREI) [85], composé
de 33 questions, a été reconnu comme un outil pertinent du point de vue psychométrique
pour mesurer l’intelligence émotionnelle (IE) d’un individu [86].
– Le questionnaire "Melbourne Decision Making Questionnaire" (MDMQ) [87] permet
quant à lui de mesurer la capacité d’un individu à la prise de décision.

Ces deux questionnaires ont été soumis aux participants juste après la série d’essais afin
que ceux-ci puisse répondre aux questions en s’appuyant sur leur ressenti concernant les expé-
riences. Les questionnaires ont été traités de façon anonyme. Les personnes ont porté pendant
toute la durée des expériences une pancarte avec un numéro (figure 3.22) qu’elles ont ensuite
mentionné sur leur questionnaire.

3.3.4 Scénario à deux sorties


On s’intéresse dans un premier temps au scénario où les salles 1 et 3 sont occupées chacune
par 30 personnes à l’instant initial. Les personnes présentes dans la salle 1 évacuent vers la
sortie 1 et les personnes présentent dans la salle 3 évacuent vers la sortie 2.
Les deux populations de départ n’ont aucune interaction l’une avec l’autre et évacuent de
façon totalement indépendante : on peut donc considérer qu’il s’agit de deux expériences indé-
pendantes.

76
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.23 – Configuration initiale pour le scénario à deux sorties

Les paramètres retenus pour la simulation numérique sont les suivants :


– Vitesse de marche libre : V0 = 1,25 m.s−1 ;
– Densité de personnes critique : ρc = 5,4 m−2 ;
– Temps de réaction (incluant le pré-mouvement) : τr = 0 s.

Évacuation de la salle 1

La figure 3.24 présente le taux de personnes ayant évacué le compartiment au cours du


temps pour les personnes présentes dans la salle 1.

F IGURE 3.24 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans la salle 1)

Le tableau 3.6 recense les différents temps intermédiaires d’évacuation obtenus par l’expé-
rience et la simulation numérique.

77
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 15,7 s 20,0 s 27,4%


t75% 20,5 s 27,8 s 35,6%
t90% 24,3 s 32,5 s 33,7%
t95% 25,4 s 34,1 s 34,3%

TABLE 3.6 – Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les


individus situés dans la salle 1)

Évacuation de la salle 3
La figure 3.25 présente le taux de personnes ayant évacué le compartiment au cours du
temps pour la salle 3.

F IGURE 3.25 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans la salle 3)

Le tableau 3.7 recense les différents temps intermédiaires d’évacuation obtenus par l’expé-
rience et la simulation numérique.

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 15,9 s 20,6 s 29,5%


t75% 21,2 s 28,5 s 34,4%
t90% 24,4 s 33,1 s 35,6%
t95% 26.1 s 34,6 s 32,5%

TABLE 3.7 – Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les


individus situés dans la salle 3)

78
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Analyse des résultats


L’exploitation des résultats numériques et expérimentaux révèle deux points importants.

D’une part, on constate un écart significatif entre l’expérience et la simulation sur le temps
de sortie de la première personne. La simulation numérique indique que la densité de personnes
commence à sortir du compartiment 3,5 s environ après le signal de départ. En effet, on consi-
dère dans la simulation que les temps de réaction et de pré-mouvement des personnes sont nuls
et que la phase d’accélération n’existe pas. A partir de l’instant t = 0, il est donc supposé que
les personnes cheminent vers la sortie à la vitesse V0 .
Dans la pratique, malgré l’aspect factice et prévisible de l’exercice, les participants ont un
temps de réaction de l’ordre de la seconde (d’après l’exploitation des vidéos), mais également
une courte phase d’orientation vers la sortie et d’accélération. On notera également que contrai-
rement au scénario simulé, où la densité de personnes est uniforme dans toute la pièce, les
individus ont tendance à laisser un espace vide de 1 à 2 m de long autour de la porte au départ
de l’expérience. Cela explique en partie que les premières personnes sorties ont quitté le com-
partiment environ 6 s après le début du signal sonore.

D’autre part, on constate que le flux moyen de personnes à la sortie prédit par le code (0,59
m .s−1 ) est différent de celui observé expérimentalement (0,91 m−1 .s−1 ). Cela peut s’expli-
−1

quer par le fait que le jeu de paramètres utilisé pour la simulation (V0 = 1,25 m.s−1 , ρc = 5,4
m−2 ) n’est peut-être pas celui qui caractérise le mieux notre échantillon de population. On s’in-
téressera notamment à l’influence de ces deux paramètres (vitesse de marche libre et densité
de personnes critique) sur le diagramme fondamental du mouvement plus loin dans ce chapitre
dans la section intitulée Analyse de sensibilité. On notera que les flux obtenus numériquement
et expérimentalement sont nettement inférieurs au flux maximal admissible identifiés sur le dia-
gramme fondamental dans la section 2.1.2 (1,14 m−1 .s−1 ). Cela s’explique par la présence de
la porte de la salle 1, qui limite le flux entrant dans le couloir et donc la densité de personnes
dans le couloir.

3.3.5 Scénario à une seule sortie


On s’intéresse à présent au scénario où les salles 2 et 3 sont occupées chacune par 30 per-
sonnes à l’instant initial. Toutes les personnes évacuent le compartiment en empruntant la sortie
1 (figure 3.26).
La figure 3.27 présente le taux de personnes ayant évacué le compartiment au cours du
temps.
Le tableau 3.8 recense les différents temps intermédiaires d’évacuation obtenus par l’expé-
rience et la simulation numérique.

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 26,0 s 28,9 s 11,1%


t75% 34,0 s 37,8 s 11,1%
t90% 38,6 s 43,0 s 11,4%
t95% 40,8 s 44,6 s 9,3%

TABLE 3.8 – Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les


individus situés dans les salles 2 et 3)

79
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.26 – Configuration initiale pour le scénario à une sortie

F IGURE 3.27 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans les salles 2 et 3)

L’analyse de ces résultats est assez similaire à celle qui a été faite pour le scénario à deux
sorties. L’erreur commise sur le flux moyen à la sortie est néanmoins plus faible que précé-
demment : la simulation numérique donne un flux à la sortie de 1,05 m−1 .s−1 , tandis que les
individus sont sortis avec un flux moyen de 1,16 m−1 .s−1 . Les erreurs commises sur les temps
intermédiaires d’évacuation sont également plus faibles (de l’ordre de 10%).

3.3.6 Scénario avec évacuation libre


On s’intéresse à présent au scénario où les trois salles sont occupées chacune par 20 per-
sonnes à l’instant initial. Les individus ont reçu pour consigne d’évacuer le compartiment. Au-
cune contrainte ne leur a été imposée quant à leurs choix. Les deux sorties sont disponibles pour
cet essai (figure 3.28).
Ce scénario est particulièrement délicat à valider dans la mesure où l’on ne maîtrise pas les
décisions individuelles et collectives des personnes au cours de l’évacuation. De plus, on ne

80
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.28 – Configuration initiale pour le scénario avec évacuation libre

dispose à ce stade d’aucun modèle comportemental prédictif qui nous permettrait d’intégrer ces
facteurs humains dans la modélisation.
Afin d’obtenir des données numériques pour la validation de ce scénario, on simule diffé-
rentes configurations. La figure 3.29 présente nos différents résultats expérimentaux et numé-
riques.

F IGURE 3.29 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans les salles 1, 2 et 3)

Le taux de sortie expérimental au cours du temps est présenté en rouge. Pour chacune des
salles, les choix de sortie des personnes se sont répartis selon les proportions indiquées dans le
tableau 3.9.
On notera que les personnes se sont équitablement réparties entre les deux sorties (31 per-
sonnes pour la sortie 1, contre 29 pour la sortie 2). Comme cela était prévisible, la majorité des
personnes présentes dans les salles 1 et 3 se sont dirigées respectivement vers les sorties 1 et 2,
qui sont les plus proches.
On représente en noir l’évolution du taux de sortie en supposant que toutes les personnes

81
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Salle Effectif Effectif ayant Effectif ayant


total choisi la porte 1 choisi la porte 2

Salle 1 20 14 6
Salle 2 20 10 10
Salle 3 20 7 13
Salles 1, 2 et 3 60 31 29

TABLE 3.9 – Récapitulatif des choix de sortie des personnes

se dirigent vers la sortie 1. De même, la courbe verte représente ce taux de sortie dans le cas
où tout le monde se dirige vers la sortie 2. Enfin, on simule la configuration la plus probable
dans laquelle les personnes choisissent la sortie qui minimise leur temps d’évacuation (solution
représentée en bleu). On constate, par comparaison avec l’expérience, que ce cas de figure est
le plus réaliste. On présente dans le tableau 3.10 une comparaison des temps intermédiaires
expérimentaux et numériques.

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 16,1 s 17,4 s 8,1%


t75% 20,7 s 22,7 s 9,7%
t90% 23,6 s 26,0 s 10,2%
t95% 26,1 s 27,7 s 6,1%

TABLE 3.10 – Temps intermédiaires d’évacuation (évacuation du compartiment pour les


individus situés dans les salles 1, 2 et 3)

D’un point de vue plus qualitatif, on a observé au cours de cette expérience des mouvements
de croisement et de contre-courants dans le couloir, avec des phénomènes d’auto-organisation
comme celui illustré sur la figure 2.7.

3.3.7 Scénario avec contre-courant


Les trois premiers scénarii ont permis de tester le modèle à une seule population. On propose
maintenant un cas de validation pour le modèle à plusieurs populations introduit dans la section
2.1.3. On s’intéresse au cas où les salles 1 et 3 sont occupées chacune par 30 personnes au
départ de l’expérience. Les personnes présentes dans la salle 1 évacuent vers la sortie n◦ 2 et les
personnes présentent dans la salle 3 évacuent vers la sortie n◦ 1 (figure 3.30). Les populations
seront donc amenées à se croiser dans le couloir. On cherche alors à montrer que le modèle
à deux populations est capable de rendre compte de ces interactions entre deux groupes de
personnes marchant à contre-courant.
Les paramètres retenus pour la simulation numérique sont les suivants :
– Vitesse de marche libre : V0 = 1,25 m.s−1 ;
– Densité de personnes critique : ρc = 5,4 m−2 ;
– Temps de réaction (incluant le pré-mouvement) : τr = 0 s.
On considère que ces trois paramètres sont les mêmes pour chacune des populations. La seule
caractéristique qui diffère d’une population à l’autre est donc la destination choisie.

82
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.30 – Configuration initiale pour le scénario avec contre-courant

Temps d’évacuation du compartiment


La figure 3.31 montre les taux de sortie des personnes obtenus expérimentalement et nu-
mériquement pour les personnes présentes dans les salles 1 et 3. On note que les taux de sortie
numériques ont une allure similaire aux taux de sortie expérimentaux, ce qui incite à conclure
que les interactions dans le couloir sont bien gérées par le modèle.

F IGURE 3.31 – Taux de sortie des personnes au cours du temps obtenus expérimentalement et
numériquement pour le scénario avec contre-courant

Le tableau 3.11 montre une comparaison des temps intermédiaires d’évacuations expéri-
mentaux et numériques pour les personnes initialement présentes dans la salle 1 et ayant em-
prunté la sortie n◦ 2.
De même, on synthétise dans le tableau 3.12 les temps intermédiaires d’évacuations ex-
périmentaux et numériques pour les personnes initialement présentes dans la salle 3 et ayant
emprunté la sortie n◦ 1.

83
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 26,5 s 28,1 s 6,0%


t75% 33,6 s 36,6 s 8,9%
t90% 37,3 s 41,0 s 9,9%
t95% 39,5 s 42,4 s 7,3%

TABLE 3.11 – Temps intermédiaires d’évacuation pour le scénario avec contre-courant


(évacuation du compartiment pour les individus situés dans la salle 1)

Expérience Simulation Erreur relative

t50% 26,4 s 27,8 s 5,3%


t75% 32,5 s 36,4 s 12,0%
t90% 36,6 s 40,7 s 11,2%
t95% 37,4 s 42,1 s 12,6%

TABLE 3.12 – Temps intermédiaires d’évacuation pour le scénario avec contre-courant


(évacuation du compartiment pour les individus situés dans la salle 3)

On note, une fois de plus, que les temps d’évacuation intermédiaires prédits numériquement
sont proches de ceux observés expérimentalement (erreur relative de l’ordre de 10 %). La com-
paraison des flux moyens aux sorties est également concluante. Pour chacune des 2 issues, la
simulation numérique prédit un flux de personnes de 0,56 m−1 .s−1 . L’expérience révèle que ce
flux moyen de personnes aux sorties est en réalité égal à 0,64 m−1 .s−1 .

Conclusion sur la phase de validation à moyenne échelle


Les différentes expériences présentées dans cette section ont permis d’obtenir des données
sur l’évacuation à moyenne échelle. Ces données ont montré que le modèle d’évacuation à une
population est capable de reproduire de façon relativement réaliste des données quantitatives
(temps de sortie, flux de personnes) ainsi que des phénomènes observés expérimentalement
(formation et résorption de la congestion).
Les essais ont également pu être exploités par Filosi [84], qui a mis en évidence plusieurs
catégories de comportement en corrélant les résultats des questionnaire d’auto-évaluation avec
les observations expérimentales.
Ces expériences ont enfin permis de mettre en œuvre et de valider un protocole pour l’orga-
nisation d’expériences dans l’optique de futurs travaux de recherche en évacuation.

3.4 Analyse de sensibilité


Après avoir mis en œuvre le modèle de cheminement de personnes sur des configurations
test et l’avoir validé à petite et moyenne échelle, on s’intéresse à présent à sa sensibilité vis-
à-vis de ses paramètres d’entrée. Les deux paramètres clé qui régissent le cheminement des
personnes dans notre modèle sont ceux qui définissent le diagramme fondamental du mouve-
ment : la vitesse de marche libre V0 et la densité de personnes critique ρc . Le temps de réaction

84
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

τr , bien qu’il soit propre à la phase de pré-mouvement et n’intervienne pas dans la phase de
cheminement, est a priori un paramètre influent sur le temps d’évacuation.

On se focalisera donc, pour cette étude de sensibilité, sur les trois paramètres suivants :
– le temps de réaction τr ;
– la vitesse de marche libre V0 ;
– la densité de personnes critique ρc .

Le scénario que l’on retient pour cette analyse est celui présenté sur la figure 3.26 : à l’instant
initial, on dénombre 30 personnes dans la salle 2 et 30 personnes dans la salle 3. Tous les
individus évacuent en empruntant la sortie 1.

3.4.1 Temps de réaction


Dans notre modèle, le temps de réaction τr est pris en compte de la façon suivante :
– Si t < τr alors la vitesse de marche est nulle : la densité de personnes ne se déplace pas.
– Si t > τr alors on est dans la phase de cheminement : la vitesse de marche est déterminée
selon la méthode présentée dans le chapitre 2.
On considère ici que le temps de pré-mouvement est nul, et donc que le temps de réaction
correspond à un temps de "pré-évacuation".

On simule numériquement notre configuration, avec les paramètres suivants :


– V0 = 1,25 m.s−1 ;
– ρc = 5,4 m−2 ;
– on fait varier le temps de réaction τr sur la plage de valeurs suivante : 0 s ; 5 s ; 10 s ; 15
s ; 20 s ; 25 s ; 30 s.
Les résultats numériques des simulations sont représentés sur la figure 3.32.

F IGURE 3.32 – Sensibilité du modèle au temps de réction τr

Comme cela était attendu, l’impact du temps de réaction sur le temps total d’évacuation est
évident dans la mesure où le temps de réaction joue ici le rôle d’un offset qui ne fait que retarder
le processus de cheminement.

85
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

De façon générale, l’évaluation des temps de réaction et de pré-mouvement est une tâche dé-
licate, puisque ces phases de pré-évacuation comprennent des facteurs humains parfois com-
plexes. Les temps de réaction et de pré-mouvement dépendent notamment du type de bâtiment,
de la familiarité des occupants avec les lieux, de la densité de personnes et du type d’activité des
individus. Au cours de ce travail de thèse, et en particulier dans les simulations présentées dans
ce chapitre, l’évaluation des temps de réaction a été éludée. On constate toutefois ici que les
temps de réaction et de pré-mouvement sont capitaux dans l’évaluation des temps d’évacuation,
et que les résultats fournis par notre modèle y sont très sensibles.

3.4.2 Vitesse de marche libre


Impact sur le diagramme fondamental
La vitesse de marche libre semble a priori un paramètre très influent sur la dynamique des
personnes. On illustre cela sur la figure 3.33, qui représente l’allure du diagramme fondamental
pour ρc = 5, 4 m−2 et pour différentes valeurs de V0 .

F IGURE 3.33 – Influence de la vitesse de marche libre V0 sur l’allure du diagramme


fondamental pour ρc = 5, 4 m−2

On notera en particulier que, à densité de personnes égale, le flux est proportionnel à la


vitesse de marche libre. On doit donc s’attendre à ce que la vitesse de marche libre ait un
impact significatif sur les temps d’évacuation.

Impact sur les temps d’évacuation


Afin d’observer l’influence de la vitesse de marche libre V0 sur les temps d’évacuation, on
simule le même scénario (figure 2.7) avec le jeu de paramètres suivant :
– τr = 0 s
– ρc = 5, 4 m−2
– on fait varier la vitesse de marche libre V0 sur la plage de valeurs suivante : 0,6 m.s−1 ; 0,7
m.s−1 ; 0,8 m.s−1 ; 0,9 m.s−1 ; 1,0 m.s−1 ; 1,1 m.s−1 ; 1,2 m.s−1 ; 1,3 m.s−1 ; 1,4 m.s−1 ;
1,5 m.s−1 ; 1,6 m.s−1 .

86
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.34 – Sensibilité du modèle à la vitesse de marche libre V0

La figure 3.34 présente les taux de sortie obtenus pour les différentes valeurs de V0 .
On retrouve ici le fait que les flux de personnes à la sortie sont directement proportionnels à
la vitesse V0 . Ces résultats montrent donc bien l’importance du paramètre V0 et la nécessité de
le maîtriser.
L’intervalle de valeurs de V0 choisi ici ([0,6 m.s−1 ; 1,6 m.s−1 ]) est réaliste : au sein d’une
population, on peut rencontrer des personnes ayant des difficultés pour se déplacer (personnes
âgées ou malades) et dont la vitesse de marche nominale est proche de 0,7 m.s−1 ; A l’inverse,
certaines personnes se déplacent naturellement à une vitesse proche de 6 km.h−1 , c’est-à-dire
environ 1,6 m.s−1 . Toutefois, malgré la grande variabilité des vitesses de marche individuelles,
on observe souvent qu’un groupe de personnes se déplace à une vitesse d’ensemble moyenne.
La dispersion des vitesses individuelles a donc peu d’intérêt dans le cas d’une approche macro-
scopique.
En se basant sur les valeurs extraites de la littérature [12] et sur nos observations expérimen-
tales, on considère qu’en l’absence de données sur la population, le paramètre V0 doit être fixé
dans l’intervalle [1,2 m.s−1 ; 1,4 m.s−1 ]. On préconise en particulier une valeur de V0 égale à
1,25 m.s−1 .
En particulier, lorsque l’on cherche à simuler un scénario dans lequel on maîtrise mal le pa-
ramètre V0 , il peut être judicieux de le faire varier afin d’obtenir un encadrement de la solution.

3.4.3 Densité de personnes critique


Impact sur le diagramme fondamental

On s’intéresse ici à l’influence de la densité de personnes critique ρc sur la dynamique des


personnes. On rappelle que la densité critique correspond à une valeur de densité à partir de
laquelle la vitesse de marche s’annule ; cette valeur est généralement estimée entre 4,0 m−2 et
6,0 m−2 . On la fait ici varier entre 3,0 m−2 et 7,0 m−2 . On représente sur la figure 3.35 l’allure
du diagramme fondamental lorsque V0 = 1, 25 m.s−1 pour différentes valeurs de ρc .
On peut constater que la valeur choisie pour ρc a un impact significatif sur le diagramme
fondamental :
– le flux maximal admissible augmente lorsque la densité critique augmente ;

87
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.35 – Influence de la densité de personnes critique ρc sur l’allure du diagramme


fondamental pour V0 = 1, 25 m.s−1

– la densité de personnes ρseuil pour laquelle on atteint le flux maximal admissible aug-
mente également lorsque la densité de personnes critique ρc augmente.
Le paramètre ρc ayant un impact direct sur le flux maximal de personnes, on peut s’attendre
à ce qu’il influence également les temps d’évacuation.

Impact sur les temps d’évacuation

Pour mesurer l’influence de la densité critique ρc sur les temps d’évacuation, on simule à
nouveau le même scénario avec le jeu de paramètres suivant :
– τr = 0 s
– V0 = 1, 25 m.s−1
– on fait varier la densité critique ρc sur la plage de valeurs suivante : 3,0 m−2 ; 3,5 m−2 ;
4,0 m−2 ; 4,5 m−2 ; 5,0 m−2 ; 5,5 m−2 ; 6,0 m−2 ; 6,5 m−2 ; 7,0 m−2

La figure 3.36 présente les taux de sortie obtenus pour les différentes valeurs de V0 .
Comme attendu, on constate que le flux moyen de personnes à travers la sortie augmente
lorsque la densité critique augmente, ce qui diminue le temps total d’évacuation. On observe
également, en regardant l’évolution spatiale de la densité au cours de la simulation, que le pa-
ramètre ρc a un impact sur la formation de la congestion : lorsque ρc diminue, les zones de
congestion (où la densité avoisine la densité critique) sont beaucoup plus étendues.

La densité de personnes critique est un paramètre qui peut être variable selon les groupes
de personnes considérés. Ce paramètre dépend notamment de la corpulence des personnes mais
aussi de facteurs humains (maintien d’une distance sociale entre les individus). Dans notre
approche macroscopique, on est contraint de caractériser la population par une seule densité
critique ρc . Les valeurs comprises entre 3 m−2 et 4 m−2 sont ici peu réalistes, et sont couram-
ment dépassées dans les foules. De même, les valeurs comprises entre 6 m−2 et 7 m−2 sont
relativement élevées. On préconise ici de fixer la valeur de ρc dans l’intervalle [4,5 m−2 ; 6,0
m−2 ]. On note par ailleurs que pour des densités critiques comprises dans cet intervalle réaliste,
l’influence de ρc sur les taux de sortie est peu significative pour notre scénario.

88
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

F IGURE 3.36 – Sensibilité du modèle à la densité de personnes critique ρc

3.5 Conclusion du chapitre


Dans ce chapitre, on a mis en œuvre le modèle de cheminement de personnes dans diverses
configurations.

La phase de vérification du modèle a permis de montrer, sur la base de cas tests définis par
l’IMO, sa capacité à gérer des fonctionnalités de base. Une comparaison inter-modèles sur un
cas d’étude très simple a également montré que le code MARCOE PAULO est capable de four-
nir des données similaires à d’autres codes utilisés en ingénierie.

Une approche expérimentale a par la suite été mise en place à petite et à moyenne échelle
afin de comparer nos résultats numériques à des données réelles récoltées sur le terrain. Les
expériences ont été réalisées de façon à maîtriser parfaitement les scénarii, ce qui a permis
d’exploiter les résultats de façon fiable et de faire des comparaisons pertinentes entre les don-
nées expérimentales et numériques. Cette phase de validation a notamment permis de montrer
que le modèle est capable de reproduire dans une juste mesure les temps d’évacuation, ainsi que
le phénomène de congestion. En particulier, une expérience d’évacuation mettant en jeu un phé-
nomène de contre-courant entre deux groupes de personnes dans un couloir a permis de montrer
qu’un modèle à deux populations est capable de gérer des interactions entre des personnes qui
se croisent.

Enfin, une étude de sensibilité du modèle a permis de montrer l’influence importante de


trois paramètres d’entrée du modèle sur les temps de sortie des personnes. Ces trois paramètres
sont la vitesse de marche libre, la densité critique de personnes, et surtout le temps de réaction
et de pré-mouvement des personnes, qui a l’impact le plus significatif sur le temps final d’éva-
cuation. Dans le cas où l’on simule un scénario mal maîtrisé avec des incertitudes fortes sur ces
paramètres, il semble ainsi impératif d’effectuer une analyse de sensibilité afin d’obtenir des
résultats minorants et majorants qui donnent un encadrement des temps d’évacuation avec une
marge de sécurité suffisante.

89
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE

90
Chapitre 4

Etude de la visibilité

Ce quatrième chapitre présente les travaux réalisés sur la visibilité en situation d’incendie,
qui constitue l’un des deux grands volets de ce travail de thèse. Ce chapitre se divise en trois
grandes sections. Dans une première partie, on rappelle les enjeux de la visibilité dans le proces-
sus d’évacuation et l’intérêt de son étude. On présente également les différents modèles utilisés
à l’heure actuelle en modélisation en soulignant leurs limites.
Dans une deuxième section, on présente un outil numérique développé au laboratoire, basé
sur une méthode de Monte Carlo, et permettant de reconstruire l’image d’un objet vu à travers
un milieu absorbant-diffusant tel que la fumée d’un incendie. Cet outil numérique est ensuite
confronté à des observations effectuées lors d’une étude expérimentale que l’on détaille dans
une troisième partie.

4.1 Problématique de la visibilité en évacuation

4.1.1 Importance de la visibilité


Lors de l’évacuation d’urgence d’un bâtiment, les occupants se basent sur leur connaissance
des lieux et sur la perception de leur environnement pour rallier une sortie. La vue est ainsi le
sens le plus sollicité lors d’une évacuation [88]. En effet, lorsqu’une personne se dirige vers un
but fixé, elle se base généralement sur la perception visuelle de son milieu pour optimiser sa
sortie, en contournant notamment les obstacles et les zones à forte densité de personnes [24] ; il
s’agit de l’hypothèse effectuée dans notre modèle de cheminement. A l’inverse, une personne
connaissant mal les lieux ou désorientée peut être amenée à suivre le mouvement d’autres per-
sonnes, ou à utiliser la signalétique afin de se guider. La perception de la signalétique et son
impact sur les prises de décision ont fait l’objet de plusieurs études [89–92].

Dans le cas d’un incendie, les retours d’expérience montrent que les contraintes optiques
liées au feu sont plus pénalisantes pour l’évacuation que les contraintes thermiques ou toxiques
notamment. Lorsque le feu s’est suffisamment développé et que la couche de fumée se retrouve
à hauteur d’homme, la perception visuelle des individus se trouve amoindrie. Les contraintes
liées aux fumées sont de différents types :
– la présence de fumée le long d’un chemin optique entre un individu et un objet réduit le
distance de visibilité et restreint donc le champ visuel de l’individu. Cela peut avoir un im-
pact sur le cheminement (perte de repères, ralentissement) comme le montrent plusieurs
études [93–95] ;
– la vue de la fumée peut provoquer des changements de direction pour les individus qui la
perçoivent comme un obstacle à contourner ;

91
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

– une personne se trouvant dans la fumée peut subir une irritation oculaire qui altère son
acuité visuelle (clignements).
En plus des effets "physiques" des fumées, on peut également mentionner ici leurs impacts
psychologiques dans la mesure où elles représentent un facteur de stress pour les personnes.
L’impact de la visibilité sur le déroulement d’une évacuation a donc motivé les recherches
concernant l’estimation de la visibilité en milieu enfumé et son implémentation dans les outils
de simulation.

4.1.2 Les modèles de visibilité existants


Opacité et visibilité

Les fumées générées au cours de l’incendie, qui sont responsables de la perte de visibilité,
sont souvent caractérisées par une grandeur appelée opacité. Il convient ici de bien distinguer
les notions d’opacité et de visibilité.

Opacité des fumées


L’opacité des fumées traduit leur propension à atténuer un faisceau lumineux entre une source
et un détecteur. Il s’agit d’une propriété optique moyenne intrinsèque à un milieu donné. Elle
peut être caractérisée par une densité optique ou un coefficient d’extinction (en m−1 ) [37]. On
distingue actuellement deux grandes classes de méthodes permettant d’estimer l’opacité des
fumées d’incendie : les méthodes directes et les méthodes indirectes.

Les méthodes directes

Les méthodes directes consistent à mesurer l’atténuation d’un faisceau lumineux à travers un
milieu enfumé entre une source (l’émetteur) et un détecteur (le récepteur). A travers la fumée,
un flux lumineux est atténué par plusieurs phénomènes :
– l’absorption par les particules de suie (particules de carbone, principales responsables de
la perte de luminosité) ;
– la diffusion par les particules de suie, qui va disperser l’énergie lumineuse dans tout le
milieu, et qui entraîne une perte de contraste ;
– l’absorption spectrale éventuelle par les gaz comportant une ou plusieurs bandes d’ab-
sorption dans le visible (notamment le dioxyde d’azote NO2 ).
Dans le cas des méthodes directes, l’intensité transmise I à travers un milieu enfumé est com-
parée à l’intensité transmise I0 en l’absence de fumée. Le rapport de ces deux intensités, appelé
transmittance et généralement noté τ , dépend de la longueur L (m) du chemin optique et du
coefficient d’extinction β du milieu, en vertu de la loi de Beer-Lambert :

I
τ= = exp(−βL) (4.1)
I0
On notera que cette loi de Beer-Lambert n’est valable que dans le cas des milieux purement
absorbants ou faiblement diffusants. D’un point de vue pratique, la mesure de la perte d’intensité
lumineuse peut être effectuée avec des opacimètres. Le coefficient d’extinction des fumées peut
alors être déterminé de la façon suivante (on désigne par ln le logarithme néperien et par log le
logarithme décimal) :

1 I0
β= ln( ) (4.2)
L I

92
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

La densité optique des fumées, notée DO, permet elle aussi de quantifier l’opacité des fu-
mées. Elle s’exprime ainsi [96] :
1 I0
DO = log( ) (4.3)
L I
La densité optique est donc égale au coefficient d’extinction, à une constante multiplicative
près :
β
DO = (4.4)
ln(10)

Les méthodes indirectes

Les méthodes indirectes sont basées sur une approche totalement différente, puisqu’elles
permettent d’estimer la quantité de suies produite à partir d’un taux de production de suies.
Les méthodes indirectes stipulent en effet qu’une certaine proportion ωs (taux de production de
suies) du combustible brûlé correspond à la génération de fumées opaques :
ms
ωs = (4.5)
mc
où mc et ms représentent respectivement les masses (en kg) de combustible brûlé et de suies
produites. Le taux de production de suies dépend évidemment du combustible en question,
ainsi que des conditions de la combustion (en particulier la ventilation du feu). Une synthèse
de Tewarson [97] recense un grand nombre de valeurs expérimentales de ce taux de production
de suies en fonction des combustibles concernés. La mesure pratique du taux de production de
suies nécessite alors la pesée du combustible (avant et après combustion) et la pesée des suies
produites, et donc un filtrage préalable des fumées avec recueil des particules de suie.
D’un point de vue numérique, les méthodes indirectes sont adaptées pour le calcul de l’opa-
cité. Le code de calcul FDS, par exemple, estime le coefficient d’extinction local à partir de la
fraction massique en particules de suies et de leur surface d’extinction massique [98] :

β = Km ρsuies YS (4.6)
où β est le coefficient d’extinction local (en m−1 ), Km est la surface d’extinction massique
(dont la valeur par défaut dans FDS 6 est de 8700 m2 .kg−1 ), YS est le taux de production de
suies et ρsuies la masse de suies par unité de volume (en kg.m−3 ).
Le taux de production de suies (en anglais soot yield) est un paramètre d’entrée réglable
par l’utilisateur. Les modèles de combustion et de transport des particules de suies implémentés
dans FDS rendent l’utilisation d’une méthode indirecte beaucoup plus adaptée.
Néanmoins, l’usage des méthodes indirectes repose :
– sur une estimation expérimentale des taux de production de suies (qui reste sujette à une
forte incertitude) ;
– sur la validité des modèles de transport, de dépôt et d’oxydation des suies, qui dépend
fortement des conditions de ventilation du feu ;
– sur une valeur arbitraire de la surface d’extinction massique Km .
d’une part sur une estimation expérimentale des taux de production de suies (qui reste su-
jette à une forte incertitude), et d’autre part sur la validité des modèles de transport, de dépôt et
d’oxydation des suies. En particulier, ces valeurs dépendent fortement des conditions de venti-
lation du feu.

De l’opacité à la visibilité
La notion de visibilité est plus complexe que celle d’opacité, puisqu’elle reflète la perception
par un individu de son environnement. Tandis que l’opacité est une grandeur optique moyenne

93
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

intrinsèque à un milieu donné, la visibilité est une grandeur qui traduit l’effet de l’opacité sur
les individus. Elle dépend donc :
– de l’observateur : chaque individu possède ses propres caractéristiques visuelles (troubles
éventuels de la vision) ;
– de l’objet à observer : un objet lumineux est "plus visible" qu’un objet réfléchissant la
lumière ;
– de l’opacité du milieu compris entre l’observateur et l’objet, et donc de la direction dans
laquelle on regarde.
Le code de calcul FDS permet d’accéder directement à des grandeurs caractérisant l’opacité
du milieu (par exemple le coefficient d’extinction). L’estimation de la visibilité, elle, nécessite
l’utilisation d’un modèle censé représenter le lien entre opacité et visibilité. On appelle donc
modèle de visibilité un modèle permettant de décrire la relation entre l’opacité d’un milieu
(grandeur physique) et la visibilité qui en découle (grandeur physique, mais reflétant également
une sensation humaine).
La visibilité est définie à partir de la notion de contraste seuil. Avant de définir la visibilité,
intéressons-nous à la notion de contraste.

Le contraste

Le contraste d’une image est une grandeur adimensionnelle qui quantifie la différence de
luminance entre les parties claires et les parties sombres de l’image. Par extension, on définit
le contraste d’un objet comme la différence de luminance entre l’objet et son fond. En vertu
de la loi de Weber-Fechner, qui quantifie la sensation perçue par un individu en réponse à un
stimulus physique, le contraste C d’un objet de luminance Lobj sur un fond de luminance Lf ond
peut s’écrire de la façon suivante [99] :

Lobj − Lf ond
C=| | (4.7)
Lf ond
Concrètement, le contraste est un indicateur permettant de dire dans quelle mesure l’objet
est discernable de son fond : un contraste s’approchant de 0 signifie que l’objet se distingue de
moins en moins de son fond.

Du contraste à la visibilité

La distance de visibilité est généralement définie comme la distance dont on doit s’éloigner
d’un objet pour que son contraste tombe sous un certain seuil limite [100] [101]. Ce seuil limite
est fixé à 0, 02 dans le SFPE Handbook [102]. La Commission Internationale de l’éclairage,
elle, a fixé un contraste seuil à 0, 05 en 1987.
Dans la pratique, cette définition n’est pas commode pour évaluer une distance de visibilité,
dans la mesure où l’on ne dispose pas d’outil permettant d’évaluer des niveaux de contraste
dans un milieu de propriétés optiques données.
On notera qu’il existe d’autres indicateurs permettant d’évaluer la visibilité, utilisés dans
différents domaines particuliers :
– la portée optique météorologique est définie par l’organisation météorologique mondiale
comme la longueur du trajet que doit effectuer dans l’atmosphère un faisceau de rayons
lumineux parallèles, émanant d’une lampe à incandescence à une température de cou-
leur de 2700 K, pour que l’intensité du flux lumineux soit réduite à 0,05 fois sa valeur
originale, le flux lumineux étant évalué au moyen de la fonction de luminosité photo-
pique de la Commission Internationale de l’Eclairage (CIE) [103]. Cela revient à définir
la visibilité à partir de la notion de transmittance seuil (fixée à 5%). Cette grandeur est

94
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

principalement utilisée en météorologie. On notera que cette grandeur ne dépend a priori


que des propriétés d’extinction du milieu considéré ; elle est donc davantage assimilable
à de l’opacité qu’à de la visibilité.
– la portée visuelle de piste, utilisée en aéronautique, est définie comme la distance hori-
zontale nécessaire à un pilote pour voir la signalisation sur la piste d’atterrissage [104].
Cette grandeur dépend notamment de l’intensité des signaux lumineux et du niveau de
luminance du ciel.
– La visibilité mobilisée, utilisée dans un contexte routier, est définie comme la plus grande
distance à laquelle se trouve un objet visible (dont le contraste est supérieur au seuil)
[105].
La définition de la visibilité à partir du contraste seuil étant difficile (voire impossible) à
mettre en place dans un modèle d’évacuation, des modèles simplifiés de visibilité ont été déve-
loppés. Ceux-ci établissent le lien entre l’opacité d’un milieu et la visibilité qui en découle.

Modèles simplifiés de visibilité


Modèle de Jin
Jin [106] a identifié de façon expérimentale, dans les années 1970, une relation permettant de
relier la visibilité en un point à partir d’un coefficient d’extinction local (figure 4.1), lui même
dépendant de la densité de fumées ; cette loi empirique stipule que la visibilité est inversement
proportionnelle au coefficient d’extinction local :

C
V = (4.8)
K
avec V la visibilité en m, K le coefficient d’extinction en m−1 , et C une constante dépendant
de l’objet. Ainsi, cette constante C peut être comprise :
– entre 2 et 4 pour un objet réfléchissant (on prend généralement C = 3)
– entre 5 et 10 pour un objet lumineux (on prend généralement C = 8)

F IGURE 4.1 – Détermination expérimentale de la loi de Jin

95
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

Modèle de Butcher et Parnell


A la fin des années 1970, Butcher et Parnell [107] ont établi une corrélation à partir d’essais
entre la distance de visibilité et la densité optique du milieu :

DO × V = 10 (4.9)
Or, la loi de Beer-Lambert, qui décrit la perte d’intensité lumineuse d’un faisceau à travers
un milieu enfumé, s’écrit :
I
= exp(−KL) (4.10)
I0
avec L la longueur du chemin optique (en m). Des deux équations précédentes, on peut
tirer :
V K = 10 ln(10) = 23 (4.11)
La corrélation de Butcher et Parnell est donc, en vertu de la loi de Beer-Lambert, analogue
à celle de Jin à une constante près.

Modèle de la norme ISO 13571


Ce modèle, basé sur le contraste visuel minimum détectable, repose sur la loi suivante [108] :
ln(C) = −σs M L (4.12)
avec C le contraste minimum détectable (en général 0, 02), L la longueur du chemin optique
(en m), σs la surface d’extinction spécifique de la fumée (en m2 .g−1 ) et M la masse de suie par
volume gazeux (en g.m−3 ).
Le produit σs M étant homogène à un coefficient d’extinction (inverse d’une longueur), on
obtient encore une loi de type :
KL = constante (4.13)

Synthèse des modèles


Les principaux modèles de visibilité existants que nous venons de lister possèdent des caracté-
ristiques communes. Ils sont tous équivalents à une relation du type :
opacité × visibilité = constante (4.14)
Leur principale limite est de ne pas prendre en compte l’intensité lumineuse émise ou réflé-
chie par l’objet (bien que cela soit fait partiellement par Jin et Yamada [106], qui distinguent ob-
jet réfléchissant et objet lumineux). De plus, ils ne prennent pas en compte l’effet de la lumière
ambiante, que l’on peut considérer dans ce cadre comme de la lumière parasite. Le domaine de
validité des modèles est également assez restreint a priori. Le modèle de Jin n’est par exemple
valable que pour des distances de visibilité comprises entre 5 m et 15 m.

Enfin, ces modèles doivent être utilisés avec certaines précautions si l’on souhaite que les
distances de visibilité calculées aient un sens :
– La visibilité n’est pas une grandeur ponctuelle : évaluer une distance de visibilité à partir
d’une donnée locale d’opacité n’a pas de sens physique réel. On notera par exemple que
le code FDS calcule la visibilité en un point donné grâce au modèle de Jin, à partir du
coefficient d’extinction local en ce point, et sans se préoccuper du domaine de validité
[98].
– La visibilité est une grandeur directionnelle : elle dépend naturellement de la direction
dans laquelle regarde l’observateur. Le calcul d’un champ scalaire de distances de visi-
bilité (comme celui réalisé par FDS) n’a donc pas de sens physique, dans un milieu où
l’opacité est rarement homogène.

96
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

L’étude des modèles de visibilité existants révèle donc un certain nombre de faiblesses, dans
la mesure où ceux-ci reposent sur des hypothèses simplificatrices et nécessitent des précautions
quant à leur utilisation.

4.1.3 Objectifs et méthode retenue


L’objectif principal de ce quatrième chapitre est d’évaluer les corrélations actuellement uti-
lisées en Ingénierie de Sécurité Incendie, et notamment les corrélations de Jin qui permettent
d’estimer des distances de visibilité pour des objets lumineux et réfléchissants.
Pour cela, on décide de mettre en œuvre une méthode numérique basée sur la reconstruction de
l’image d’un objet vu par un système optique caractérisé par sa PSF (Point Spread Function) de
manière analogue à Morlon [109]. Le calcul de la PSF est effectué à partir d’une méthode de
Monte Carlo mise au point par Collin [110]. La méthode numérique permettant de construire
les images et de les analyser en termes de contraste est décrite dans une première section.
Dans un second temps, on présentera le protocole expérimental mis au point afin d’observer et
d’analyser des images. L’objectif de cette étude expérimentale est double : d’une part on éva-
luera la loi de Jin en distinguant le cas d’un objet lumineux et d’un objet réfléchissant ; d’autre
part, il s’agit de valider la méthode numérique.

4.2 Etude numérique


4.2.1 La PSF (Point Spread Function)
La reconstruction de l’image d’un objet vu par un système optique à travers un milieu
absorbant-diffusant peut être effectuée grâce à une fonction mathématique appelée Point Spread
Function (fonction d’étalement du point) ou PSF, qui décrit la réponse impulsionnelle d’un sys-
tème optique à une source de lumière ponctuelle (figure 4.2).

F IGURE 4.2 – Illustration du principe de la PSF

Le système optique que l’on considère ici est une lentille mince, formée de deux dioptres
sphériques, et caractérisée par :
– ses propriétés géométriques (rayon, épaisseur au centre)
– sa distance focale
– son rayon de courbure
– l’indice optique du matériau qui la constitue (le verre).

97
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

En optique géométrique, un système optique est dit rigoureusement stigmatique si tous les
rayons lumineux passant par un point donné A passent par un même point B après avoir tra-
versé le système optique. L’image d’un point formée par un système optique rigoureusement
stigmatique est donc un point. Dans la pratique, les systèmes optiques (à l’exception des mi-
roirs plans) ne sont pas rigoureusement stigmatiques, et peuvent être à l’origine d’aberrations
géométriques. C’est par exemple le cas des lentilles minces lorsque les rayons incidents sur
la lentille sont fortement inclinés par rapport à l’axe optique de la lentille. On peut toutefois
considérer, dans l’approximation de Gauss, que la lentille est caractérisée par un stigmatisme
approché. L’approximation de Gauss consiste à prendre en compte des rayons lumineux fai-
blement inclinés par rapport à l’axe optique de la lentille. Sous cette hypothèse, les rayons
lumineux issus d’un point A repasseront tous, après avoir traversé la lentille, au voisinage d’un
même point B. L’image du point A n’est donc pas un point, mais une tache centrée sur le point
B.
La figure 4.3 représente l’image d’un point vu à travers un système optique parfaitement
stigmatique (à gauche), et l’image du même point vu à travers une lentille mince de rayon 2 cm
et de focale 10 cm. Ces images ont été obtenues par une simulation numérique, en effectuant un
lancer de 50000 rayons à partir d’un même point situé à 10 m de la lentille sur son axe optique.

F IGURE 4.3 – Visualisation d’une PSF dans des conditions de stigmatisme parfait et approché

On constate que dans le cas de la lentille non stigmatique, les points sont répartis tout autour
du centre de l’image, avec une densité qui décroît lorsqu’on s’éloigne du centre. Le stigmatisme
imparfait est à l’origine de l’apparition de ce halo lumineux, qui entraîne un léger floutage de
l’image. Ce floutage devient de plus en plus marqué lorsque le rayon du halo augmente. Dans
le cas où le milieu n’est pas participatif, ce halo est donc intrinsèque au système optique. En
particulier, les aberrations de l’œil humain (qui n’est pas parfaitement stigmatique) limitent
notre perception des détails.

4.2.2 La méthode de Monte Carlo


Dans le cas d’un milieu participatif tel que la fumée produite lors d’un incendie, la percep-
tion visuelle des objets est altérée par les différents phénomènes d’absorption et de diffusion de
la lumière.
Les propriétés d’extinction d’un milieu constitué de particules englobent deux phénomènes
distincts :
– l’absorption, qui induit une perte d’énergie pour l’onde électromagnétique incidente ;

98
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

– la diffusion, qui consiste en une dispersion de l’énergie dans le milieu.

Un milieu constitué de particules de suie absorbantes et diffusantes peut donc être caracté-
risé par trois propriétés radiatives :
– le coefficient d’absorption κ, qui quantifie la capacité du milieu à absorber l’énergie lu-
mineuse ; ce coefficient d’absorption dépend de la concentration du milieu en particules
et de la longueur d’onde ;
– le coefficient de diffusion σ, qui caractérise sa faculté à diffuser la lumière, et qui dépend
également de la concentration en particules ;
– la fonction de phase P (θ), qui permet de décrire la répartition angulaire de l’énergie dif-
fusée au contact des particules.

Dans la pratique, ces propriétés radiatives dépendent de la particule considérée, et notam-


ment de sa dimension et de sa morphologie particulière. Toutefois, on travaillera ici dans un
milieu homogène équivalent, avec des propriétés radiatives globales caractérisant un ensemble
de particules.

L’estimation des propriétés radiatives d’un ensemble de particules peut être réalisée en uti-
lisant la théorie de Mie, en faisant l’hypothèse que les particules sont sphériques. Ce paramètre
de taille est défini comme le rapport entre la taille caractéristique de la particule et la longueur
d’onde incidente. La connaissance de l’indice optique des particules et de leur paramètre de
taille permet alors, en utilisant par exemple la formulation de Bohren et Huffman [111], de dé-
terminer les sections efficaces d’absorption et de diffusion des particules ainsi que leur fonction
de phase.
A partir de ces données, l’objectif de cette section est de calculer la PSF du système {milieu
absorbant-diffusant+lentille}. Pour cela, on va devoir prendre en compte les transferts radiatifs
au sein du milieu. La résolution du transfert radiatif est effectuée grâce à la méthode de Monte
Carlo dite 2.2 déjà développée au LEMTA [110]. Le principe de cette méthode est le suivant :
1. On lance depuis un point objet des quanta (paquets d’énergie initialement identiques).
2. On suit l’évolution de chaque quantum dans le milieu en prenant en compte les évene-
ments d’absorption et de diffusion qu’il subit.
3. On effectue des statistiques sur les quanta reçus par la lentille et on reconstruit l’image
du point objet (PSF) dans le plan focal image de la lentille.
La figure 4.4 schématise la méthode de Monte Carlo pour le suivi des quanta.

Émission de quanta
On émet à partir du point objet un grand nombre Nquanta de quanta ayant pour énergie
initiale :
Etot
Eini = (4.15)
Nquanta
où Eini représente l’énergie initiale d’un quantum et Etot l’énergie totale envoyée depuis le
point source. On pourra considérer dans la suite de l’étude une énergie totale unitaire de 1J.
Les quanta sont émis dans un angle solide d’amplitude θmax en respectant la loi de Lambert
(émission isotrope). La direction d’émission des quanta étant choisie aléatoirement, elle est
définie par un angle polaire θ et un angle azimutal ϕ :
p
θ = arcsin R1 sin2 θmax (4.16)

99
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.4 – Schéma de principe de la méthode de Monte Carlo pour le suivi de quanta

ϕ = 2R2 π (4.17)
où R1 et R2 sont des nombres aléatoires choisis selon une loi uniforme sur l’intervalle [0; 1].


La direction Ωe d’émission du quantum est alors (voir figure 4.5) :


Ωe = cos θ~ex + sin θ cos ϕ~ey + sin θ sin ϕ~ez (4.18)
où ~ex est la normale à la surface.
On notera que l’angle θmax est, dans l’absolu, égal à π2 . Néanmoins, pour des raisons de
temps de calcul, on peut se permettre de le réduire dans une certaine mesure (car un quantum
émis selon un angle élevé a peu de probabilité d’être diffusé en direction de la lentille).

Suivi des quanta


La méthode de Monte Carlo MMC 2.2 que nous avons choisie pour résoudre le transfert
radiatif est basée sur le principe suivant :
– on détermine la position du prochain évènement de diffusion ;
– on calcule la nouvelle direction de propagation du quantum en fonction de sa direction
incidente et de la fonction de phase des particules ;
– on évalue l’énergie du quantum atténuée tout le long de son parcours.

Longueur d’interaction et évènement de diffusion


On appelle longueur d’interaction de diffusion Lσ la distance qui sépare deux évènements de
diffusion consécutifs. A partir du point d’émission du quantum (ou à partir d’un évènement de
diffusion), on tire aléatoirement la longueur d’interaction de diffusion Lσ selon la formule :
1
Lσ = − ln(R) (4.19)
σ
où R est un nombre tiré aléatoirement selon la loi uniforme sur [0; 1]. La longueur d’inter-
action permet alors de calculer la position de l’évenement de diffusion suivant. On notera que
la longueur moyenne d’interaction de diffusion s’appelle le libre parcours moyen et correspond
à l’inverse du coefficient de diffusion σ.

100
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

Diffusion du quantum


Lors d’un évènement de diffusion, on calcule la nouvelle direction de diffusion Ωd du quantum,


qui dépend de sa direction d’incidence Ωi . L’angle polaire de diffusion Θ est déterminé de la
façon suivante :
Z Θ
1
RΘ = P (u) sin u du (4.20)
2 0

L’angle azimutal Φ est ensuite déterminé avec la relation :

Φ = 2RΦ π (4.21)
où RΘ et RΦ sont des nombres tirés aléatoirement selon la loi uniforme sur [0; 1].
En prenant les notations de la figure 4.5, sur laquelle ~er est la direction d’incidence du
quantum, on a :

~er = sin ϕ cos θ~ex + sin ϕ sin θ~ey + cos ϕ~ez (4.22)

~eϕ = cos ϕ cos θ~ex + cos ϕ sin θ~ey − sin ϕ~ez (4.23)

~eθ = − sin θ~ex + cos θ~ey (4.24)

F IGURE 4.5 – Système de coordonnées cylindriques



La direction de diffusion Ωd est alors donnée par la relation suivante (figure 4.6) :


Ωd = cos Θ~er − sin Φ sin Θ~eϕ + cos Φ sin Θ~eθ (4.25)
Dans le repère de base, cette relation devient :


Ωd =(cos Θ sin ϕ cos θ − sin Φ sin Θ cos ϕ cos θ − cos Φ sin Θ sin θ)~ex
+(cos Θ sin ϕ sin θ − sin Φ sin Θ cos ϕ sin θ + cos Φ sin Θ cos θ)~ey (4.26)
+(cos Θ cos ϕ + sin Φ sin Θ sin ϕ)~ez

101
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.6 – Direction de diffusion

Absorption du quantum
Le long de son parcours dans le milieu, l’énergie du quantum est absorbée selon la loi de Beer-
Lambert :

E = Eini exp(−κL) (4.27)


où L désigne la distance parcourue par le quantum entre son point de départ et sa position
courante et E l’énergie transportée par le quantum à la distance L.

Arrêt du suivi du quantum


Le suivi du quantum dans le milieu se poursuit jusqu’à l’un des trois évènements suivants :
– L’énergie transportée par le quantum devient inférieure à une certaine valeur critique
Elim . En-deçà de cette valeur, on peut considérer que le quantum ne transporte plus
d’énergie et que sa contribution pour le calcul de la PSF est donc négligeable.
– Le quantum atteint une position trop éloignée de l’axe de la lentille (distance critique
Daxe ) ou trop éloignée de son point d’émission (distance critique Dcentre ). Dans ce cas,
on considère que le quantum est perdu.
– Le quantum traverse la lentille. Dans ce dernier cas, l’énergie qu’il transporte est suscep-
tible de contribuer au calcul de la PSF.

Focalisation par la lentille


On s’intéresse ici aux quanta qui traversent la lentille et vont contribuer au calcul de la PSF.
Le quantum qui atteint la lentille va arriver à une certaine position sur la lentille et sous une
incidence donnée. La position d’arrivée du quantum dans le plan focal image de la lentille
est alors déterminée grâce à une formulation vectorielle des lois de Descartes. La répartition
spatiale de l’énergie récoltée dans le plan image de la lentille nous permet de représenter la PSF
comme sur la figure 4.3.

Critère de convergence statistique


La méthode de Monte Carlo n’est pas exacte dans le sens où elle est basée sur des processus
stochastiques et tirages aléatoires. Elle permet néanmoins de converger vers la solution exacte
du problème si le nombre de quanta lancés est suffisamment important. L’utilisation de cette
méthode nécessite donc un traitement statistique des données afin de s’assurer que l’on converge
bien vers une solution unique. L’algorithme mis en place est le suivant :
1. On lance Nech échantillons de Nquanta quanta, que l’on suit tout au long de leur parcours,
et éventuellement jusqu’à la focalisation dans le plan image.

102
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

2. Pour chaque échantillon i (i = 1, ..., Nech ), on calcule l’énergie Ei reçue par la lentille.
3. On calcule la moyenne µE et l’écart-type σE pour les valeurs de Ei :

Nech
1 X
µE = Ei (4.28)
Nech i=1
v
u N ech
u 1 X
σE = t (Ei − µE )2 (4.29)
(Nech )(Nech − 1) i=1

4. Tant que µσEE est supérieur à un certain seuil, on repart à l’étape 1 en doublant le nombre de
quanta à lancer. Si µσEE est inférieur à ce seuil, on considère que la convergence est atteinte.
La PSF du système est alors la moyenne des Nech PSF calculées.

4.2.3 Reconstruction d’images


Le calcul de la PSF a permis de reconstruire l’image d’un point à travers le système {mi-
lieu+lentille}. L’idée présentée ici est d’utiliser la PSF pour reconstruire l’image d’un objet
(constitué d’un grand nombre de points). Pour cela, il est nécessaire de réaliser au préalable
l’hypothèse d’invariance par translation. Cette hypothèse consiste à dire que l’objet est suffi-
samment petit pour pouvoir considérer que tous les points de l’objet sont caractérisés par la
PSF calculée. Ainsi, sous l’hypothèse d’invariance par translation, on peut considérer que la
PSF calculée précédemment à partir d’une source ponctuelle est la même pour tous les points
de l’objet, et qu’elle peut ainsi permettre de reconstruire une image de l’objet point par point.
D’un point de vue mathématique, la reconstruction de l’image est effectuée grâce une opération
de convolution entre l’objet et la PSF :

I(x, y) = γ × P SF (x, y) ∗ O(x, y) (4.30)

où I et O sont les représentations matricielles respectives de l’image et de l’objet, et où γ


représente le grandissement, c’est-à-dire le rapport des tailles de l’image et de l’objet. I(x, y) et
O(x, y) correspondent respectivement à la luminance du pixel de coordonnées (x, y) sur l’image
obtenue et sur l’objet de départ.
La figure 4.7 illustre un exemple de produit de convolution, en prenant pour objet la mire de
résolution USAF 1951. La PSF illustrée ici a été obtenue pour une lentille de 4 cm de diamètre
et de distance focale 20 cm placée à 2 m de la mire avec un grandissement de 1, pour un milieu
absorbant-diffusant (κ = 1 m−1 et σ = 0, 1 m−1 ).

F IGURE 4.7 – Produit de convolution entre l’objet et la PSF

103
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

Ce produit de convolution a bien un sens ici (sous l’hypothèse d’invariance par translation),
car la PSF est la réponse impulsionnelle du système. Numériquement, l’opération de convolu-
tion entre l’objet et la PSF est réalisée dans l’espace de Fourier (ce qui permet de transformer
la convolution en produit matriciel).

I(x, y) = γ × P SF (x, y) ∗ O(x, y)

⇒ T F [I(x, y)] = γ × T F [P SF (x, y) ∗ O(x, y)]

⇒ T F [I(x, y)] = γ × T F [P SF (x, y)].T F [O(x, y)]


On introduit la fonction de transfert de modulation MTF (Modulation Transfer Function)
qui correspond à la transformée de Fourier de la PSF :

T F [I(x, y)] = γ × [M T F (x, y)].T F [O(x, y)]

⇒ I(x, y) = γ × T F −1 [[M T F (x, y)].T F [O(x, y)]]


La matrice image peut donc s’exprimer comme la transformée de Fourier inverse du produit
de la MTF par la transformée de Fourier de la matrice objet.
On dispose désormais d’un outil numérique basé sur une méthode de Monte Carlo et une
formulation matricielle permettant de reconstruire l’image d’un objet à travers un milieu et un
système de propriétés optiques données.

4.2.4 Analyse des images


Le post-traitement des images reconstruites par cette méthode donne accès à certains indi-
cateurs qui vont permettre d’évaluer des distances de visibilité. Parmi ces indicateurs, on peut
citer l’intensité lumineuse perçue en provenance de l’objet, ou son contraste. Afin d’évaluer ces
grandeurs, on se fixe dans cette étude un objet de référence : la mire de résolution USAF 1951,
très utilisée en optique pour effectuer des tests de résolution pour les appareils optiques. Cette
mire (figure 4.8), mesurant 5 cm de côté, est constituée de différents groupes, numérotés de -2
à 3, et comprenant des éléments numérotés de 1 à 6 de résolution différente.
Chaque élément est constitué de trois bandes noires de même largeur séparées par des in-
terstices blancs de même largeur. La résolution de chaque élément est calculée en nombre de
paires de lignes par mm, selon la formule :

Resolution(paires de lignes par mm) = 2groupe+(élément−1)/6 (4.31)


Le principal avantage de cette mire est la possibilité d’évaluer des niveaux de contraste
entre les bandes noires et blanches pour plusieurs résolutions différentes (ce qui permet de
s’intéresser éventuellement aux liens entre visibilité, contraste et résolution). Dans cette étude,
on s’intéressera dans un premier temps aux éléments de faible résolution (groupe -2), afin de ne
pas faire intervenir la notion de résolution dans l’étude de la visibilité.
Parmi les critères quantifiables que l’on peut étudier pour estimer la visibilité, on distin-
guera :
– L’intensité lumineuse reçue en provenance de l’image, qui correspond à l’intégrale de la
luminance sur la surface de l’image.
– Le contraste, que l’on peut évaluer sur différentes zones de la mire.

104
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.8 – Mire USAF 1951 utilisée, avec les zones de calcul du contraste

On fera ici l’hypothèse, dans un premier temps, que l’intensité lumineuse reçue par l’oeil
est suffisante pour percevoir l’objet, et que le critère qui permettra de définir la visibilité ou non
de l’objet est le contraste tel que défini par la relation 4.7.

Sur l’exemple de notre mire, l’évaluation du contraste sera faite en considérant les écarts
relatifs de luminance entre les bandes noires et blanches. Cette évaluation sera faite sur la zone
identifiée en rouge sur la figure 4.8, qui correspond aux éléments n◦ 4, 5 et 6 du groupe n◦ -2.

4.3 Etude expérimentale


4.3.1 Dispositif expérimental et protocole
Dispositif expérimental
Un banc expérimental a été mis en place afin de valider le code de visibilité. Le dispositif
expérimental (figure 4.9) est constitué des éléments suivants :
– Une cuve cubique en verre de 5 cm de coté (figure 4.10) qui contient des billes de silice
en suspension dans l’eau. Le contenu de la cuve constitue un milieu purement diffusant.
– Un objet à observer : il s’agit de la mire USAF 1951 (figure 4.11), qui sera lumineuse
ou réfléchissante selon le cas traité. Pour l’étude d’un objet lumineux, on prendra la mire
négative commercialisée par Thorlabs (référence R3L3S1N). Pour le cas d’un objet réflé-
chissant, on considérera une mire imprimée sur papier.
– Une source de lumière placée derrière l’objet afin de le rétro-éclairer.
– Un système optique (une caméra) de propriétés connues (figure 4.12) qui permet de créer
une image de l’objet vu à travers la cuve. Il s’agit d’une caméra Point Grey Grasshopper
3 (modèle GS3-U3-23S6-C).
– Un laser hélium-néon He-Ne vert (figure 4.13) de faible puissance (4 mW) émettant à une
longueur d’onde de 543 nm.
– Un photodétecteur de marque Thorlabs (référence DET36A) représenté sur la figure 4.14
qui permet de convertir l’intensité lumineuse reçue en un courant électrique dont on me-

105
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

surera une tension.

F IGURE 4.9 – Présentation du dispositif expérimental

F IGURE 4.10 – Cuve contenant le milieu diffusant

Le système {source lumineuse + objet + cuve + caméra} est aligné sur un même banc
optique. Les propriétés optiques de la caméra sont les suivantes :
– Distance focale de 10 cm.
– Lentille de 21 mm de diamètre.
– Détecteur de 7 mm × 11 mm (1920 pixels × 1200 pixels).

F IGURE 4.11 – Objet (mire USAF 1951) F IGURE 4.12 – Caméra utilisée

Le système {laser + cuve + photodétecteur} a pour but de mesurer le coefficient de diffusion


du milieu.

106
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.13 – Laser F IGURE 4.14 – Photodétecteur

On notera que les particules étant non absorbantes, le coefficient de diffusion σ du milieu
est égal à son coefficient d’extinction β. La mesure du coefficient de diffusion consiste en une
mesure d’atténuation du faisceau laser à travers la cuve, en vertu de la loi de Beer-Lambert :
1 I
σ=β=− ln( ) (4.32)
L I0
où L désigne la longueur du milieu (la longueur de la cuve), et I et I0 représentent res-
pectivement les intensités lumineuses reçues par le détecteur à travers le milieu diffusant et en
absence de la cuve.

Protocole
Le protocole de l’expérience est le suivant :
1. En absence du milieu diffusant, on enregistre une image de référence de la mire, et on
mesure l’atténuation de référence I0 du faisceau laser.
2. Pour différentes concentrations en billes de silice (et donc différents coefficients d’extinc-
tion) :
– on effectue la mesure d’atténuation au laser.
– on enregistre 400 images de la mire vue à travers le milieu diffusant ; en moyennant
ces 400 images, on obtient une image "moyenne" de la mire, que l’on exploite par la
suite en termes de contraste.
Les solutions de silice sont obtenues par dilutions successives à partir d’une même solution
de base, en partant de la solution la plus concentrée.

4.3.2 Modélisation de l’expérience


Afin de valider la méthode de Monte Carlo pour le suivi de quanta ainsi que la technique de
reconstruction d’images, on propose une modélisation réaliste de notre expérience. Le principe
de cette modélisation est illustré sur la figure 4.15.

Propriétés radiatives des particules de silice


Le milieu diffusant à travers lequel on regarde l’objet est un milieu constitué de billes de
silice en suspension dans l’eau et placées dans une cuve cubique. Ces particules de silice sont
purement diffusantes et non absorbantes. Leurs propriétés radiatives sont déterminées grâce à
la théorie de Mie, qui permet de déterminer, à partir de la taille des particules et de leur indice
optique complexe, leurs sections efficaces de diffusion et d’absorption ainsi que leur fonction
de phase.
Les particules utilisées ont un diamètre moyen de 800 nm. Une observation des particules
réalisée à l’aide d’un microscope électronique à balayage (figure 4.16) montre que la distribu-
tion des tailles est relativement uniforme. On peut alors considérer que la fonction de phase est
la même pour toutes les sphères.

107
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.15 – Modélisation de l’expérience sur la visibilité

F IGURE 4.16 – Évaluation des rayons des particules de silice au MEB (Microscope
Électronique à Balayage)

Pour la longueur d’onde qui nous intéresse (543 nm), l’indice de réfraction optique des
particules est estimé à 1,46 [112]. D’après Hale et Querry [113], l’indice de réfraction de l’eau
est égal à 1,33 tandis que l’indice d’absorption est négligeable (1, 78.10−9 ), l’eau n’étant pas
absorbante dans le visible.
A partir de ces données, la théorie de Mie nous permet de déterminer les caractéristiques
des particules :
– Section efficace de diffusion de 3, 81.10−13 m2 .
– Section efficace d’absorption de 1, 00.10−28 m2 , donc négligeable.
– Fonction de phase telle que présentée sur la figure 4.17. On notera que cette fonction de
phase est relativement orientée vers l’avant, avec des angles de diffusion essentiellement
situés dans l’intervalle [-30◦ ; 30◦ ].

Suivi des quanta


L’objet d’étude est la mire de résolution USAF 1951, qui mesure 5 cm de côté. La dimension
de la mire étant très petite devant la distance objet-cuve, on fait l’hypothèse d’invariance par

108
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.17 – Fonction de phase pour les particules de silice de diamètre 800 nm pour une
longueur d’onde de 543 nm

translation, ce qui permet de calculer une PSF pour le système {objet+cuve+lentille}. Pour
calculer cette PSF, on émet des quanta et on les suit de la façon suivante :
1. on émet le quantum depuis le point objet et dans un angle maximal θmax déterminé de
sorte que chaque quantum atteigne la face avant de la cuve. Le milieu extérieur n’est pas
participatif (il n’absorbe ni ne diffuse la lumière), donc chaque quantum lancé depuis le
point objet atteint la face avant de la cuve sans subir d’événement de diffusion et avec son
énergie initiale.
2. En traversant la face avant de la cuve, le quantum subit un phénomène de réfraction qui
dévie sa trajectoire. On néglige dans cette étape l’épaisseur des parois de la cuve (2 mm),
et on considère donc que la réfraction se fait à l’interface air/eau. La nouvelle direction du
quantum est calculée en utilisant une forme vectorielle des lois de Snell-Descartes pour
la réfraction.
3. Dans la cuve, le quantum subit des événements de diffusion jusqu’à ce qu’il atteigne à
nouveau une face de la cuve. Le suivi du quantum dans la cuve se fait alors suivant la
méthode décrite dans la section 4.2.2.
4. Lorsque le quantum atteint à nouveau une paroi de la cuve, il sort du milieu diffusant.
Deux cas de figure se présentent alors :
– Le quantum sort de la cuve par l’une des quatre faces latérales : dans ce cas, il n’attein-
dra pas le système optique et on considère qu’il est perdu.
– Le quantum sort de la cuve par la face arrière : il subit alors le phénomène de réfraction
au niveau de l’interface eau/air, et on calcule sa nouvelle direction.
5. Le quantum poursuit son chemin dans l’air ; on distingue deux cas :
– Le quantum n’atteint pas la lentille : on considère qu’il est perdu.
– Le quantum arrive jusqu’à la lentille (dont le diamètre est de 2,1 cm) : dans ce cas, on
détermine sa position dans le plan focal image de la lentille à l’aide des relations de
conjugaison.
Le traitement statistique décrit dans la section 4.2.2 permet alors d’obtenir la PSF du sys-
tème, c’est-à-dire l’image du point objet vu par la lentille à travers la cuve. La reconstruction

109
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

de la mire et son analyse en termes de contraste sont faites suivant la méthode décrite dans les
sections 4.2.3 et 4.2.4.

4.3.3 Cas d’un objet lumineux


On s’intéresse dans un premier temps au cas d’un objet lumineux. D’un point de vue expé-
rimental, on utilise comme objet une mire en verre transparente derrière laquelle on place une
source de lumière pour l’éclairer (figure 4.18).

F IGURE 4.18 – Schéma de l’expérience pour un objet lumineux

L’expérience se déroule dans le noir, de façon à supprimer toute source de lumière parasite.
On peut donc considérer que l’intégralité de la lumière reçue par la lentille provient de l’objet.
Dans ce cas de figure (objet lumineux), la loi de Jin estime la distance de visibilité par la
loi :

8
V =
β
La longueur de notre milieu diffusant étant de 0,05 m (la dimension de la cuve), on peut
s’attendre à voir le contraste chuter à 0,02 pour une valeur de K égale à :

8
β= = 160 m−1
0, 05
On décide donc de mener les expériences et de relever des images de la mire sur une gamme
de coefficients d’extinction allant de 0 m−1 à 250 m−1 . Au total, on relève des images de la
mire pour 18 valeurs distinctes de coefficients d’extinction : 0 m−1 (image de référence pour un
milieu non diffusant) ; 40 m−1 ; 48 m−1 ; 57 m−1 ; 67 m−1 ; 81 m−1 ; 94 m−1 ; 103 m−1 ; 113
m−1 ; 125 m−1 ; 135 m−1 ; 144 m−1 ; 160 m−1 ; 174 m−1 ; 190 m−1 ; 209 m−1 ; 227 m−1 ; 240
m−1 .
La figure 4.19 présente nos résultats expérimentaux et numériques. On représente en bleu
l’évolution du contraste évalué sur les images reconstruites avec la méthode Monte Carlo pour
différentes valeurs de β (figures 4.21, 4.23, 4.25 et 4.27). Les points correspondent aux valeurs
expérimentales (contrastes évalués sur les images observées à la caméra et illustrées sur les
figures 4.20, 4.22, 4.24 et 4.26).
On constate tout d’abord que la méthode numérique (méthode de Monte Carlo pour le suivi
des quanta et reconstruction d’images) permet de retrouver des contrastes semblables à ceux ob-
servés expérimentalement, ce qui tend à valider la méthode numérique pour un objet lumineux.

110
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.19 – Évolution du contraste sur l’image en fonction du coefficient d’extinction du


milieu pour un objet lumineux

F IGURE 4.20 – Image caméra F IGURE 4.21 – Image reconstruite


(K = 0 m−1 ) (K = 0 m−1 )

F IGURE 4.22 – Image caméra F IGURE 4.23 – Image reconstruite


(K = 81 m−1 ) (K = 81 m−1 )

111
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.24 – Image caméra F IGURE 4.25 – Image reconstruite


(K = 144 m−1 ) (K = 144 m−1 )

F IGURE 4.26 – Image caméra F IGURE 4.27 – Image reconstruite


(K = 160 m−1 ) (K = 160 m−1 )

En particulier, l’expérience montre que le contraste seuil de 0,02 est atteint pour un coefficient
d’extinction de 215 m−1 , tandis que l’étude numérique donne un coefficient d’extinction de 222
m−1 , ce qui représente une erreur de 3,3% tout à fait acceptable.
Si l’on considère la valeur de 215 m−1 , on montre que le contraste seuil de visibilité est
atteint pour une épaisseur optique de 10,75. A titre de comparaison, cette épaisseur optique est
estimée à 8 d’après Jin [106], et à 23 d’après la corrélation de Butcher et Parnell [107].

Il est important de noter ici que la valeur de 10,75 identifiée à partir de notre étude sur le
contraste de l’image est a priori indépendante de l’intensité de la source lumineuse. En effet, le
contraste évalué selon la loi de Weber-Fechner correspond à un rapport de luminances (équation
4.7). Il sera donc inchangé si on fait varier l’intensité émise par la source. Ainsi, le contraste
évalué sur l’image de la mire ne dépend que du coefficient de diffusion du milieu.
En revanche, les corrélations empiriques présentées dans la section 4.1.2 ont été établies
à partir d’observations humaines, et font donc intervenir l’intensité de la source lumineuse.
Au-delà d’une certaine densité optique, l’énergie reçue au niveau de l’œil humain n’est plus
suffisante pour pouvoir discerner des niveaux de contraste faibles. Lorsqu’on augmente l’inten-
sité de la source, l’énergie lumineuse reçue par l’œil augmente et permet alors de détecter les
contrastes faibles.
Ce constat a pu être réalisé également dans le cas de notre expérience. On a montré que le
contraste sur la mire tombe en-deçà du seuil de 0,02 pour un coefficient d’extinction de 215
m−1 . Néanmoins, pour des coefficients d’extinction supérieurs à 160 m−1 , notre œil humain ne
perçoit plus qu’une image totalement noire, comme on peut le constater sur la figure 4.26 ; on

112
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

pourrait donc considérer que cette valeur correspond au seuil de visibilité. Or, pour un coeffi-
cient de 160 m−1 , le contraste évalué sur la mire reste relativement bon, puisqu’il vaut environ
0, 1.
Pour les coefficients d’extinction compris entre 160 m−1 et 240 m−1 , c’est notre exploi-
tation expérimentale des images qui nous a permis de discerner des contrastes très faibles, en
augmentant notamment le temps d’exposition de la caméra.

4.3.4 Cas d’un objet réfléchissant


Après avoir étudié le cas d’un objet lumineux, on s’intéresse dans un second temps au
cas d’un objet réfléchissant. L’objet que l’on observe est ici la mire de résolution USAF 1951
imprimée sur du papier (figure 4.28).

F IGURE 4.28 – Schéma de l’expérience pour un objet réfléchissant

L’expérience se déroule en lumière ambiante, dans une pièce comprenant plusieurs sources
de lumière qui éclairent l’objet mais également les différentes faces de la cuve. Dans ces condi-
tions, la lumière reçue au niveau de la lentille peut avoir deux origines :
– la lumière en provenance de l’objet (la lumière ambiante réfléchie par l’objet et diffusée
dans la cuve). Cette lumière contribue à former sur la lentille une image de la mire ;
– la lumière ambiante venant des sources lumineuses et diffusée dans la cuve. A l’inverse,
cette lumière contribue à former sur la lentille un fond continu qui va atténuer le contraste
de l’image. On peut la considérer comme de la lumière parasite.

Dans cette configuration, la modélisation de l’expérience s’avère plus complexe, puisqu’elle


nécessite de prendre en compte la lumière parasite. La seule reconstruction de l’image à partir
de la PSF du système n’est pas suffisante ici, puisqu’il faut y ajouter la contribution de la lumière
parasite sur l’image. En particulier, cela nécessite de connaître la proportion de lumière reçue
par la lentille en provenance de l’objet et en provenance des faces de la cuve. Ces données étant
difficiles à maîtriser, on se limite ici à une étude expérimentale pour évaluer la corrélation de
Jin.
Pour un objet réfléchissant, la loi de Jin prévoit une distance de visibilité V égale à :

3
V =
β

113
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

La dimension de la cuve étant de 5 cm, on s’attend ici à atteindre un seuil de contraste pour
une valeur de β égale à 60 m−1 . On va donc s’intéresser à une gamme de coefficients d’ex-
tinction comprise entre 0 m−1 et 100 m−1 . On réalise 20 images différentes pour les valeurs
suivantes de K : 0 m−1 ; 10 m−1 ; 13 m−1 ; 17 m−1 ; 20 m−1 ; 25 m−1 ; 30 m−1 ; 33 m−1 ; 36
m−1 ; 39 m−1 ; 43 m−1 ; 47 m−1 ; 53 m−1 ; 57 m−1 ; 63 m−1 ; 69 m−1 ; 76 m−1 ; 81 m−1 ; 91
m−1 ; 100 m−1 .

La figure 4.29 présente en échelle semi-logarithmique l’évolution du contraste sur l’image


en fonction de l’extinction du milieu (figures 4.30, 4.31, 4.32, 4.33).

F IGURE 4.29 – Évolution du contraste sur l’image en fonction du coefficient d’extinction du


milieu pour un objet réfléchissant

F IGURE 4.30 – Image caméra F IGURE 4.31 – Image caméra


(K = 0 m−1 ) (K = 43 m−1 )

On constate ici que le contraste décroit de façon exponentielle avec le coefficient d’extinc-
tion (représenté par une droite en échelle semi-logarithmique). On notera en particulier que le
contraste décroit y compris lorsque le milieu est peu diffusant. En effet, la lumière parasite par-

114
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

F IGURE 4.32 – Image caméra F IGURE 4.33 – Image caméra


(K = 81 m−1 ) (K = 100 m−1 )

venant jusqu’au détecteur de la caméra tend à ajouter un fond continu à l’image de la mire, ce
qui atténue systématiquement le contraste.
Le contraste seuil est ici atteint pour une valeur de K égale à 76 m−1 , au lieu de la valeur
de 60 m−1 attendue. Ce résultat tend toutefois à valider la corrélation de Jin pour un objet
réfléchissant.

4.4 Conclusion du chapitre et perspectives


L’étude numérique et expérimentale de la visibilité présentée dans ce quatrième chapitre a
permis de tirer deux enseignements principaux.
D’une part, la méthode de Monte Carlo (MMC 2.2) combinée à une formulation matri-
cielle de reconstruction a permis d’obtenir des images d’une mire lumineuse qui sont tout à
fait semblables à celles observées expérimentalement. En particulier, l’analyse des images en
termes de contraste a permis de montrer que les niveaux de contrastes évalués numériquement
et expérimentalement sont similaires sur une large gamme de densités optiques.
D’autre part, les observations expérimentales "qualitatives" d’une mire lumineuse et d’une
mire réfléchissante ont donné du crédit aux corrélations de Jin. Une analyse des images basée
sur un critère de contraste seuil pour les éléments de faible résolution de la mire ont également
montré un bon accord avec les lois de Jin.

Les perspectives offertes par cette étude sont multiples.


D’abord, la technique de reconstruction d’image mise en œuvre et validée dans cette étude
offre des possibilités de post-processing utilisant le traitement d’images. Cette technique, utili-
sée ici sur l’exemple d’une mire de résolution, présente l’avantage d’être applicable à d’autres
types d’objets (un voyant d’alarme ou un panneau lumineux par exemple).
Concernant l’évaluation de la distance de visibilité, cette étude a également mis en lumière
plusieurs points à approfondir concernant l’évaluation de la visibilité.
Tout d’abord, l’expérience a montré, dans le cas de l’objet lumineux, que le seul critère
de contraste pour évaluer le caractère visible ou non d’un objet n’est pas suffisant. En effet,
une image bien contrastée peut ne pas être perçue par l’œil humain si elle est trop sombre.
Ainsi, un contraste seuil faible (comme celui considéré dans notre étude) n’est perceptible que
si l’intensité lumineuse reçue par l’œil est suffisante.
A l’inverse, dans le cas où l’on observe un objet non lumineux en lumière ambiante, la
présence de sources de lumière "parasites" rend les images plus lumineuses mais entraîne une

115
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ

perte de contraste préjudiciable pour la visibilité.


Enfin, la notion de résolution (qui a été volontairement écartée de cette étude puisque l’on
s’est intéressé à une zone de faible résolution sur la mire) intervient dans l’estimation de la
visibilité : dans des conditions d’éclairement identiques, plus un objet est gros, plus la distance
de visibilité associée sera grande.
On dispose ainsi de plusieurs critères pour évaluer la visibilité d’un objet. Les notions de
contraste, d’intensité et de résolution constituent des indicateurs potentiels pour l’estimation de
la visibilité. La nature des images reconstruites par notre méthode permet en outre l’évaluation
de ces grandeurs. Le choix de l’un ou de plusieurs de ces critères dépend en réalité de l’objet
que l’on regarde et de l’application visée.
Par exemple, si on s’intéresse à la visibilité du voyant rouge illustré sur la figure 4.34 (voyant
placé au-dessus d’une porte indiquant la présence d’un danger derrière la porte), on pourra
considérer que l’objet est visible dès lors que l’observateur perçoit un signal lumineux rouge.
En revanche, si l’objet d’étude est le BAES (Bloc Autonome d’Eclairage de Sécurité) illustré
sur la figure 4.35, on considérera qu’il est visible si l’individu parvient à discerner le sens de la
flèche indiquant l’issue de secours. Cela nécessite alors de tenir compte de la dimension de la
flèche et de son contraste par rapport au fond de couleur verte.

F IGURE 4.34 – Voyant d’alarme rouge F IGURE 4.35 – BAES

Dans le cas de l’évacuation, on considère généralement que les personnes ne se dirigeront


pas dans une zone où la visibilité est inférieure à un certain seuil (par exemple 5 m ou 10
m). Cette considération ne prend pas en compte la nature de l’objet (dimension, luminosité)
ni la luminosité ambiante, car ces paramètres sont assez mal maîtrisés dans une simulation
d’évacuation. Ainsi, l’évaluation de distances de visibilité telle que celle présentée dans cette
étude s’avère particulièrement délicate à mettre en œuvre. C’est pourquoi on se limitera dans la
suite de cette étude à des considérations sur l’opacité des fumées, qui est une donnée de sortie
de FDS. L’opacité interviendra dans le calcul du cheminement sous la forme d’un coefficient
d’extinction seuil : les zones où le coefficient d’extinction dépasse localement le coefficient
d’extinction seuil seront considérées comme des obstacles au cheminement des personnes.

116
Chapitre 5

Contraintes liées à l’incendie

Après avoir consacré un chapitre à l’étude des contraintes optiques et à l’estimation de la


visibilité, on s’intéresse à présent à la prise en compte des contraintes liées au développement
d’un incendie sur l’évacuation. Ce cinquième et dernier chapitre a pour objectif de proposer
une solution permettant d’intégrer, au sein du modèle de cheminement, les effets du feu sur
l’évacuation des personnes. La prise en compte de ce type de contraintes dans un modèle continu
de cheminement de personnes reste à ce jour un point très peu étudié.
Dans une première section, on fait une synthèse des différents effets du feu sur les personnes,
notamment du point de vue physiologique. Le but de cette synthèse est de fixer des critères
permettant de modéliser de façon réaliste l’impact du feu sur des personnes en train d’évacuer
un bâtiment.
On présente dans un second temps la méthode employée pour insérer dans le modèle de
cheminement des données relatives au feu, en se basant notamment sur les données de sortie du
code FDS 6. Pour finir, on met œuvre le modèle complet sur une configuration à grande échelle
avec des densités de personnes importantes.

5.1 Effets du feu sur l’évacuation des personnes


5.1.1 Les contraintes thermiques
Le feu dégage une puissance thermique qui provoque une augmentation de la température
et du flux thermique dans le milieu. On distingue trois mécanismes thermiques principaux sus-
ceptibles de mettre les individus en danger :
– L’hyperthermie (élévation de la température corporelle), provoquée par un débordement
de la thermorégulation.
– Les brûlures de la peau, qui peuvent être d’origine radiative (flux thermique radiatif) ou
convective (contact entre la peau et les fumées).
– Les brûlures des voies respiratoires (gorge, bronches, alvéoles pulmonaires).

La norme NF EN ISO 13571 [108] stipule que la modélisation du danger que représentent
les sources de chaleur sur les individus nécessite l’étude de deux critères uniquement :
– Le seuil de brûlure au deuxième degré.
– Le seuil de température au delà duquel l’hyperthermie provoque une atténuation des ca-
pacités cognitives.

Seuil de flux thermique


La table 5.1 résume les effets du flux thermique sur la peau.

117
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Flux thermique (kW.m−2 ) Effet pathologique


2,5 Seuil de tenabilité en 30 minutes
5,0 Cloques au bout de 30 secondes
9,5 Seuil de douleur en 6 secondes
90,0 Destruction immédiate des tissus cutanés

TABLE 5.1 – Effets pathologiques du flux thermique sur la peau [34]

F IGURE 5.1 – Effets du flux thermique sur la peau [34]

Les valeurs issues de la littératures indiquent que le seuil de tenabilité de la peau est de 2,5
kW.m−2 . En-dessous de ce niveau de sollicitation, et pour une durée inférieure à 30 minutes,
aucun effet significatif n’a été observé sur la capacité d’évacuation des individus.

En revanche, au delà de cette durée, le temps de tenabilité trad (s) de la peau avant d’obtenir
des brûlures du second degré a été estimé de façon approximative par Stoll [114] :

trad = 4Q−1,35 (5.1)


et par Wieczorek [115] :
trad = 4, 2Q−1,9 (5.2)
La courbe représentée en 5.1 représente les temps d’incapacitation associés à différents
niveaux de sollicitations thermiques. On notera que ces temps sont soumis à une incertitude
élevée (de l’ordre de 25%).

Seuil de température
Des données fournies par l’US Navy ont permis d’estimer les temps de tenabilité pour dif-
férentes températures, donnés dans la table 5.2.

Il a été constaté que les brûlures des voies respiratoires liées à l’inhalation d’air contenant
moins de 10% d’eau n’ont jamais été observées sans atteintes préalables de la peau par brûlures.
Cela signifie que le critère de tenabilité en terme de flux est plus bas que celui en température.
Néanmoins, des brûlures des voies respiratoires ont déjà été observées dès 60◦ C dans un air
saturé en humidité. La teneur en eau des fumées étant mal maîtrisée et dépendante de plusieurs
paramètres (nature du combustible, régime de combustion, phénomènes aérauliques), il est plus
sécuritaire de considérer une température seuil de 60◦ C. En plus des dangers qu’il représente

118
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Température Incapacitation
90◦ C 35 minutes
150◦ C 5 minutes
190◦ C immédiate
200◦ C Dommages irréversibles aux voies respiratoires
340◦ C Mort instantanée

TABLE 5.2 – Effets de la température [34]

pour les voies respiratoires, ce niveau de température rend déjà les conditions d’évacuation in-
confortables (bien que non létales).

On notera également que la température ambiante a une influence sur la vitesse de marche
des personnes. Weidmann [13] estime que la vitesse de marche libre est atteinte à une tempéra-
ture de 15◦ C. Cette vitesse de marche peut atteindre 109% de la vitesse de confort à 0◦ C, mais
peut chuter à 92% de la vitesse de confort à 25◦ C. Cependant, ces données ne prennent pas en
compte la notion de danger liée à l’incendie, et sont donc peu significatives dans notre étude.

5.1.2 Les contraintes toxiques


La toxicité est la principale cause de décès en situation d’incendie [116]. Les réactions
de combustion dégagent un certain nombre d’espèces chimiques, qui varient en fonction des
matériaux brûlés. Plus de 200 espèces toxiques susceptibles d’être générées par un feu ont déjà
été répertoriées. Ces espèces sont transportées dans les fumées et présentent, à ce titre, un réel
danger d’incapacitation ou de mort pour les individus exposés aux fumées. On distingue quatre
grandes classes d’effets toxiques :
– Les effets asphyxiants : Les principaux gaz asphyxiants contenus dans les fumées sont
le dioxyde de carbone (CO2 ), le monoxyde de carbone (CO) et le cyanure d’hydrogène
(HCN). Ils empêchent le bon transport de l’oxygène dans l’organisme et entrainent ainsi
une détresse respiratoire, conduisant rapidement à une perte de connaissance et au décès.
Les particules de suie, lorsqu’elles s’agrègent dans les alvéoles pulmonaires pour y for-
mer des barrières mécaniques, peuvent également bloquer l’arrivée d’oxygène.

– Les effets irritants : Les principaux gaz irritants sont le chlorure d’hydrogène (HCl), le
dioxyde d’azote (NO2 ), le dioxyde de soufre (SO2 ) et le bromure d’hydrogène (HBr).
Ces substances enflamment les tissus et provoquent donc des douleurs. On notera que les
effets irritants sur le système respiratoire (nez, gorge) provoquent une situation d’incon-
fort (toux, réactions physiologiques). De même, les effets irritants sur les yeux entraînent
des clignements qui altèrent l’acuité visuelle.

– Les effets narcotiques : L’inhalation des produits narcotiques entraîne une diminution des
capacités physiques, voire une perte de connaissance.

– Les effets aggravants : l’augmentation de la teneur en CO2 et la déplétion en O2 pro-


voquent une hyperventilation (amplification respiratoire) qui favorise l’inhalation des
autres gaz toxiques.

Les effets toxiques sont actuellement les plus difficiles à estimer de façon objective. En effet,
leur modélisation complète nécessite la connaissance :

119
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

– des concentrations en gaz toxiques et en suies en tout point à tout instant.


– des sensibilités aux gaz toxiques de chaque personne.

Le modèle de toxicité le plus reconnu à ce jour repose sur deux grandeurs appelées FED
(Fractional Effective Dose) et FEC (Fractional Effective Concentration). La FED (respective-
ment FEC) correspond à une dose toxique ingérée par chaque individu, incluant les effets de
tous les gaz asphyxiants (respectivement irritants) cumulés à chaque pas de temps [108]. Ce mo-
dèle, développé par Purser [117], a été l’objet de plusieurs études et a été généralisé au concept
de dose thermique [118].

Les FED et FEC ingérées par un individu au cours de son évacuation sont données par les
équations :
t2
n X
X Ci
FED = δt (5.3)
i=1 τ =t1
(Cτ )i
t2
n X
X φi
FEC = δt (5.4)
i=1 t=t1
Fi
où Ci et φi sont les concentrations moyennes (en µL.L−1 ) du gaz i sur l’incrément de temps
considéré, (Ct)i et Fi sont les doses d’exposition (en min.µL.L−1 ) au-delà desquelles les condi-
tions de tenabilité sont considérées compromettantes, et δt est l’incrément de temps.
En vertu de cette définition, les valeurs seuils de FED et de FEC admissibles sont égales à
1. Toutefois, les courbes représentant les variations de FED au cours du temps pour un individu
présentent des gradients très importants. C’est pourquoi des valeurs seuils de FED inférieures à
1 sont parfois préconisées.

5.1.3 Les contraintes optiques


Les contraintes optiques ont largement été évoquées dans le chapitre 4 consacré à l’étude de
la visibilité.
On retiendra notamment que l’impact des fumées sur les personnes peut être de différentes
natures :
– L’opacité des fumées est responsable de la perte "physique" de visibilité des individus,
qui altère leur perception de leur environnement et des repères ;
– La vue de la fumée peut avoir un effet psychologique sur les personnes, qui vont la consi-
dérer comme un obstacle ou qui vont rebrousser chemin et choisir une autre voie d’éva-
cuation.

5.2 Intégration des contraintes dans le modèle


5.2.1 Intégration des contraintes
Parmi les critères énoncés ci-dessus, certains sont susceptibles d’affecter le comportement
ou le mouvement des personnes. On propose ici une stratégie permettant de rendre compte des
effets les plus importants sur le cheminement des personnes.

Critères retenus dans le modèle


Dans cette étude, on fait le choix de prendre en compte les contraintes thermiques sur le che-
minement. On distingue bien les effets de la température et ceux du flux thermique, qui n’ont

120
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

pas les mêmes conséquences d’un point de vue physiologiques. Néanmoins, ces deux grandeurs
sont ressenties par les individus et entraînent un inconfort dans leur cheminement.

On prend également en compte les contraintes optiques et notamment l’opacité des fumées.
L’opacité est ici caractérisée par le coefficient d’extinction β du milieu.

En revanche, on fait le choix ici de ne pas intégrer les contraintes toxiques dans le modèle
de cheminement de personnes, pour différentes raisons.
– La dose toxique subie par un individu est un critère qui traduit son incapacitation résultant
de l’exposition aux fumées et aux gaz ; elle n’est cependant pas reconnue comme un
critère de décision : les notions de FED et de FEC traduisent un effet physiologique des
gaz sur les personnes, mais les aspects comportementaux liés à la toxicité sont mal connus
et donc difficiles à prendre en compte.
– L’estimation des concentrations en gaz par FDS est sujette à de fortes incertitudes. Des
tests de validation effectués au VTT [119] ont révélé des écarts significatifs entre les
concentrations prédites en O2 , CO2 et CO et les concentrations mesurées. De plus, la
composition des gaz issus de la combustion est très variable selon les matériaux brûlés.
Or, le modèle de combustion par défaut implémenté dans FDS est très simpliste dans la
mesure où il ne prend en compte que quatre éléments chimiques : C,H,O et N. Ainsi, les
concepts de FED et de FEC sont a priori trop sophistiqués au regard des outils dont on
dispose pour les évaluer.
– On peut considérer que les contraintes toxiques sont corrélées aux contraintes optiques,
qui sont généralement les premières à remettre en cause les conditions d’évacuation. En
prenant en compte les aspects liés à la visibilité, on ne néglige donc pas totalement les
contraintes toxiques.

Effets thermiques et optiques

Les données concernant l’impact de la température et des flux thermiques sur le mouvement
des personnes en situation d’incendie sont très rares. On peut toutefois supposer que les fortes
températures et les flux importants entraînent un inconfort pour les individus, qui chercheront à
éviter ces zones.
On propose dans le tableau 5.3 une synthèse des contraintes que l’on prend en compte dans
notre modèle. Le tableau recense les différents types de contraintes liées au feu, et précise pour
chacune d’elles les conséquences qu’elle induit (ou non) sur les décisions des personnes, leur
vitesse de marche (norme et direction), et sur l’obstacle qu’elles constituent éventuellement. On
rappelle également, à titre de comparaison, les effets de la densité de personnes.
On a déjà mentionné dans le chapitre précédent l’impact de l’opacité sur la prise de décision
des individus. L’opacité du milieu est un phénomène visuel, qui peut donc être perçu à distance.
On considère dans notre approche qu’une zone où le coefficient d’extinction local est supérieur
à un certain seuil est considéré comme un obstacle physique par les individus. Ils n’y pénètrent
donc pas et tendent à le contourner.
A l’inverse, les contraintes thermiques ne sont pas visuelles (sauf à proximité du foyer, où
la vue des flammes indique la présence de danger). C’est pourquoi on considère qu’elles n’in-
terviennent pas dans les mécanismes de décision des personnes. Cependant, des individus qui
subissent localement une contrainte thermique trop forte sont amenés à modifier leur trajectoire
souhaitée afin d’éviter ces contraintes.
Dans cette étude, on fait le choix de ne pas prendre en compte l’impact direct des contraintes
thermiques et optiques sur la norme de la vitesse de marche. Des études ont montré, à partir de
données empiriques, que la vitesse de marche d’un individu pouvait être modifiée par la tem-

121
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Contrainte Décision Direction Vitesse Obstacle

Température X

Flux thermique X

Opacité X X X

Densité de personnes X X X X

TABLE 5.3 – Impact des différentes contraintes sur le mouvement des personnes

pérature ambiante [13] ou par l’opacité [120]. Néanmoins, ces données ont été obtenues pour
des personnes qui ne se trouvent pas en situation de danger ; il est donc difficile de les trans-
poser dans le cas d’un modèle dédié à l’incendie. Par exemple, il a été constaté que la vitesse
de marche nominale diminue lorsque la température augmente au-delà de 30◦ C. Cependant, il
est probable qu’une personne en situation de danger pendant un incendie accélère son chemi-
nement, même pour des températures élevées. Le manque de données en situation d’incendie
nous incite à éluder ce problème. On considérera donc que la norme de la vitesse de marche est
uniquement dépendante de la densité de personnes.

On notera que la densité de personnes reste l’élément le plus déterminant dans le chemine-
ment des personnes :
– les personnes adaptent leur trajectoire en fonction de la densité de personnes qu’elles
perçoivent dans leur environnement ;
– la vitesse de marche est une fonction de la densité locale ;
– une cellule où la densité de personnes dépasse la densité critique est considérée comme
un obstacle (section 2.2.5).

Intégration des contraintes dans le calcul des vitesses

D’un point de vue algorithmique, l’intégration dans le modèle des contraintes liées à l’in-
cendie est réalisée lors du calcul des vitesses de marche, qui fait l’objet de la section 2.2.4.

Opacité

On rappelle que le domaine de calcul est discrétisé sous la forme de cellules, qui peuvent
être de trois types différents (section 2.2.2 et figure 2.11) :
– les cellules libres ;
– les cellules obstacles ;
– les cellules de sortie.
On considère ici que le statut d’une cellule peut changer au cours de la simulation.

122
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Ainsi, lorsque le coefficient d’extinction β évalué dans une cellule libre (i, j) est supérieur
à un coefficient d’extinction seuil βc , la cellule (i, j) devient une cellule obstacle. Elle est alors
considérée comme un obstacle physique dans l’algorithme PAULO et aucune vitesse n’y est
calculée. Le coefficient d’extinction seuil βc est alors un paramètre d’entrée à fixer.

On propose dans la suite de fixer arbitrairement la valeur βc = 0,6 m−1 . Cette valeur cor-
respond, selon la loi de Jin pour un objet réfléchissant, à une distance de visibilité de 5 m.
Néanmoins, il peut être judicieux de choisir une valeur plus basse pour βc si l’on souhaite ap-
pliquer un critère plus pénalisant.

Contraintes thermiques

On suppose ici que les contraintes thermiques engendrent un inconfort pour les personnes,
qui peut se manifester par une modification de la vitesse de marche.

On rappelle qu’en dehors de toute contrainte liée au feu, la formulation mathématique du


modèle est la suivante :

 ∂ρ + div(ρ−

→v)=0
∂t
−→ →

v = V (ρ) U


où U désigne le champ de vitesse adimensionnée calculé grâce à l’algorithme PAULO.
On propose ici une formulation incluant une nouvelle composante de vitesse liée aux contraintes
thermiques :

 ∂ρ + div(ρ−


v)=0
∂t (5.5)
−→ −→
v = V (ρ)Ur

→ →
− −→
où Ur désigne une combinaison de la direction souhaitée U et d’une direction Uth liée aux
contraintes thermiques :

− −→

→ (1 − α) U + αUth
Ur = →
− −→ (5.6)
k(1 − α) U + αUth k
Le coefficient α introduit ici est défini de façon locale dans chaque cellule du domaine de
calcul. Il est compris entre 0 et 1 et dépend de l’intensité des contraintes thermiques locales. Au


niveau de chaque cellule (i, j), la direction (Ur )ij de la vitesse de marche est donc déterminé
grâce à la relation :

− −→

→ (1 − αij )( U )ij + αij (Uth )ij
(Ur )ij = →
− −→ (5.7)
k(1 − αij )( U )ij + αij (Uth )ij k

Évaluation du coefficient α dans une cellule libre (i, j)

Dans ce paragraphe, on se place dans une cellule libre (i, j) dans laquelle on connait la
température T et le flux thermique φ reçu par une personne. On cherche à estimer le coefficient
αij (que l’on notera simplement α pour alléger les notations).
Le coefficient α est donné par :

123
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.2 – Évolution du coefficient αT en fonction de la température pour Tg = 40◦ C et Ts


= 60◦ C

α = max(αT , αφ ) (5.8)
où les coefficients αT et αφ sont compris entre 0 et 1 et dépendent respectivement de la
température et du flux thermique évalués dans la cellule.

Évaluation du coefficient αT

On détermine le coefficient αT de la façon suivante :


  
T − Tg
αT = max 0, min ,1 (5.9)
Ts − Tg
où T représente la température dans la cellule (i, j), Tg représente la température de gêne et
Ts la température seuil.

On définit la température de gêne Tg comme la température à partir de laquelle les individus


ressentent une gêne dans leur cheminement. Lorsque la température est supérieure à Tg , les
individus sont donc susceptibles de dévier de leur trajet optimal afin d’éviter les zones de forte
température. On peut considérer la température Tg comme une température d’inconfort.
On définit la température seuil Ts comme une température critique au-delà de laquelle les
conditions d’évacuation sont remises en causes.

Les températures Tg et Ts sont deux constantes que l’on doit fixer. On propose dans la suite
de ce travail de prendre Tg = 40◦ C et Ts = 60◦ C.

La figure 5.2 représente l’évolution du coefficient αT en fonction de la température pour Tg


= 40◦ C et Ts = 60◦ C.
On distingue trois phases sur cette figure :
– T ≤ Tg : la température ne constitue pas de gêne et n’a pas d’impact sur le cheminement.
– Tg ≤ T ≤ Ts : la température constitue une gêne mais ne remet pas en cause l’évacuation.
L’inconfort des personnes est traduite dans le modèle par une modification de la vitesse
de marche.
– Ts ≤ T : les conditions d’évacuation sont remises en cause.

124
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.3 – Évolution du coefficient αφ en fonction du flux thermique pour φg = 0,5


kW.m−2 et φs = 2,5 kW.m−2

Évaluation du coefficient αφ

De façon analogue au coefficient αT , on détermine le coefficient αφ de la façon suivante :


  
φ − φg
αφ = max 0, min ,1 (5.10)
φs − φg
où φ représente le flux dans la cellule (i, j), φg représente le flux de gêne et φs le flux seuil.

Comme précédemment, on définit le flux de gêne φg comme le flux à partir duquel les
individus ressentent un inconfort. On définit le flux seuil φs comme un flux critique au-delà de
laquelle les conditions d’évacuation sont remises en causes.
Les flux φg et φs sont deux paramètres à fixer arbitrairement. On propose dans la suite de
choisir φg = 0,5 kW.m−2 et φs = 2,5 kW.m−2 . On rappelle que la valeur de 2,5 kW.m−2 a été
identifiée comme le seuil de tenabilité de la peau (tableau 5.1).

La figure 5.3 représente l’évolution du coefficient αφ en fonction du flux thermique pour φg


= 0,5 kW.m−2 et φs = 2,5 kW.m−2 .
On distingue trois phases sur cette figure :
– φ ≤ φg : le flux ne présente pas de gêne pour les individus.
– φg ≤ φ ≤ φs : le flux est ressenti par les personnes comme une gêne.
– φs ≤ φ : le seuil de tenabilité de la peau est dépassé ; on considère alors que les conditions
d’évacuation sont remises en cause.

−→
Évaluation de la direction Uth
−→
On cherche à évaluer ici la direction Uth qui représente une déviation de la direction souhai-
tée due aux contraintes thermiques.
On distingue ici 2 cas :

1. Cas où αφ ≤ αT : on considère dans ce cas que la gêne causée par la température est
−→
plus importante que celle causée par le flux thermique. La direction Uth est alors orientée
selon le gradient de température :

125
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE



−→ ~ T

Uth = − −
→ (5.11)
k ~∇ T k
2. Cas où αφ > αT : on considère dans ce cas que la gêne causée par le flux thermique est
−→
plus importante que celle causée par la température. La direction Uth correspond alors au
gradient de flux thermique :


−→ ~ φ

Uth = − −
→ (5.12)
k ~∇ φk

Bilan sur le calcul des vitesses de marche

Afin d’intégrer les contraintes thermiques dans le processus de cheminement, on a proposé


ici un nouveau mode de calcul de la vitesse de cheminement basé sur l’équation (5.6). Le pa-
ramètre α qui y apparaît quantifie l’intensité de ces contraintes. On notera en particulier que
lorsque α = 0, les personnes se déplacent à leur vitesse souhaitée. A l’inverse, lorsque α = 1, la
vitesse des personnes est orientée selon l’opposée d’un gradient de contrainte thermique, ce qui
tend à les éloigner des zones à forte contrainte.

L’évaluation de ce coefficient α dépend notamment de quatre paramètres correspondant à


des seuils de gêne et de tenabilité pour la température et pour le flux thermique. Ces paramètres
ont été fixés ici à des valeurs réalistes. En particulier, on a défini les seuils de tenabilité suivants :
– Coefficient d’extinction de 0,6 m−1 ;
– Température de 60◦ C ;
– Flux thermique de 2,5 kW.m−2 .

Néanmoins, il revient à l’utilisateur de fixer des valeurs seuils en accord avec le niveau de
sécurité souhaité. Dans un document édité en mai 2017 (guide de bonnes pratiques pour les
études d’ingénierie du désenfumage) [121], le Laboratoire Central de la Préfecture de Police
(LCPP) préconise notamment des seuils de tenabilité légèrement différents :
– Coefficient d’extinction de 0,4 m−1 ;
– Température de 40◦ C ;
– Flux thermique de 2 kW.m−2 .
Le LCPP recommande en outre de tenir compte de ces critères de tenabilité à une hauteur
de 2 m au-dessus du sol.

Pour un scénario donné, il peut alors être judicieux de faire varier ces paramètres pour
évaluer la sensibilité du modèle.

5.2.2 Données extraites de FDS 6


Afin de prendre en compte les effluents du feu et de les quantifier en termes de contraintes,
il est nécessaire dans un premier temps d’évaluer les grandeurs physiques correspondantes. On
se base dans cette étude sur les résultats fournis par le code de calcul FDS 6.

Coefficient d’extinction
Les coefficients d’extinction sont évalués à partir de la grandeur ’Extinction Coefficient’.
On rappelle que le coefficient d’extinction β est évalué grâce à la relation :

126
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

β = Km ρsuies YS (5.13)
où Km désigne la surface d’extinction massique, ρsuies la masse de suies par unité de volume
et YS le taux de production de suies.

Température
La température est évaluée à partir de la donnée de sortie ’Temperature’. Le code FDS évalue
cette grandeur à partir d’un bilan d’énergie thermique effectué sur un thermocouple modélisé.
Par défaut, les propriétés du thermocouple utilisé pour effectuer ce bilan (masse volumique et
capacité thermique massique) sont celles du nickel. On se référera à la documentation technique
de FDS 6 pour les détails de ce calcul [122].

Flux thermique
Plusieurs capteurs de flux sont définis dans FDS 6 [98]. On fait le choix, dans notre étude,
d’évaluer le flux thermique à partir de la donnée de sortie ’Integrated Intensity’. En effet, le cap-
teur de type ’Integrated Intensity’ de FDS 6 renvoie une intégrale des flux thermiques radiatifs
provenant de toutes les directions de l’espace, et est donc le capteur le plus adapté à notre étude.
On note que ce capteur génère, par sa formulation, une composante de flux thermique non
nulle. En effet, en l’absence de foyer et de toute source de chaleur, l’intégration du flux radiatif
sur toutes les portions de l’espace donne une valeur de flux égale à 4σT 4 , où σ représente la
constante de Stefan-Boltzmann (σ = 5, 67.10−11 kW.m−2 .K−4 ) et T représente la température
du milieu. Cette composante de flux est égale à 1,67 kW.m−2 pour une température ambiante
de 20◦ C. Afin d’obtenir des valeurs de flux réalistes, il est donc nécessaire de retrancher cette
valeur aux flux calculés par FDS.

5.2.3 Extraction des données relatives au feu


Les trois grandeurs physiques énoncées précédemment (coefficient d’extinction, tempéra-
ture et flux thermique) sont extraites de FDS dans des fichiers appelés "slice files". Ces fi-
chiers permettent de stocker les valeurs des données de sorties calculées par FDS aux nœuds
du maillage utilisé, et à des instants réguliers. Le code de calcul FDS inclut notamment un pro-
gramme codé en Fortran 90 intitulé fds2ascii.f90, qui permet de lire les données contenues dans
les fichiers de type slice et de les convertir au format texte (.txt). Dans le cadre de ce travail, on
a mis au point un programme inspiré du programme fds2ascii permettant de convertir au format
texte les valeurs des variables "Extinction Coefficient","Temperature" et "Integrated intensity"
à pas de temps fixe ∆tf eu pour chaque cellule du maillage utilisé pour la simulation de l’éva-
cuation.

On choisit ici d’évaluer les grandeurs physiques qui nous intéressent à une hauteur de 1,8 m
au dessus du sol.
Le pas de temps ∆tf eu est un paramètre à fixer par l’utilisateur du modèle. Il correspond
à l’intervalle de temps séparant deux actualisations des données relatives au feu dans le calcul
des vitesses de cheminement. Le choix de ce pas de temps ∆Tf eu est arbitraire. Néanmoins, on
peut souligner deux points importants quant à ce choix :
– Un pas de temps ∆tf eu petit implique une hausse des temps de simulation, puisqu’il
−→
entraine une répétition plus fréquente du calcul des composantes de vitesse Uth .
– Au cours d’une évacuation, les temps caractéristiques de décision et de déplacement des
personnes sont nettement inférieurs au temps caractéristique d’évolution des contraintes

127
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

thermiques et optiques. En d’autres termes, les personnes évoluent "plus vite que le feu".
Dans notre cas, on peut considérer par exemple que le temps caractéristique de la décision
est de l’ordre de la seconde. Or, une seconde n’est pas suffisante pour observer des évolu-
tions significatives des contraintes liées à l’incendie et des remises en causes brutales des
conditions d’évacuation.

Dans cette étude, on utilise un pas de temps ∆tf eu égal à 5 s.


−→
NB : La composante de vitesse Uth , liée aux contraintes thermiques et introduite dans la sec-
tion précédente, n’est évaluée qu’à chaque pas de temps ∆tf eu . En revanche, la composante de


vitesse U , qui correspond à l’optimisation du trajet selon la densité de personnes aux alentours,
est évaluée à chaque pas de temps ∆t.

5.3 Cas de démonstration


Dans cette section, on présente des exemples de mise en œuvre du modèle complet (incluant
les effets du feu) sur une configuration à grande échelle.

5.3.1 Configuration étudiée


Présentation de la géométrie
La configuration qui nous intéresse est un magasin de sport, dont une représentation sché-
matique est donnée sur la figure 5.4.

F IGURE 5.4 – Représentation schématique du magasin utilisé pour la simulation

Les caractéristiques de la géométrie sont les suivantes :


– Largeur de 32 m au maximum et 16 m au minimum.
– Longueur de 48 m au maximum et 36 m au minimum.
– Surface de 1344 m2 .
– Hauteur sous plafond de 3,5 m dans tout le magasin.

128
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Les propriétés thermophysiques utilisées dans la simulation pour modéliser les parois sont
celles du béton. Une grande partie de la surface du magasin est dédiée aux rayons de stockage
des différents produits (vêtements, chaussures, accessoires). Ces emplacements sont représen-
tés en marron sur la figure 5.4 et constituent des obstacles au mouvement des personnes. La
hauteur des emplacements de stockage est de 2 m. La surface disponible pour la circulation des
personnes est de 731 m2 .
Le bâtiment comprend 5 issues de secours, qui sont positionnées suivant le plan représenté
sur la figure 5.5 (sorties 1 à 5).

F IGURE 5.5 – Positions des 5 issues de secours du bâtiment

Chaque issue a une largeur de 2 m. L’ensemble des sorties du bâtiment représente donc une
largeur totale de 10 m, ce qui représente 16 unités de passage.
La configuration étudiée est décrite dans le fichier FDS donné en annexe.

Modélisation du foyer
Le foyer que l’on modélise dans cette simulation est un emplacement de stockage de vête-
ments, représenté en noir sur les figures 5.4 et 5.5. La puissance nominale de ce foyer est fixée
à 3,5 MW. On suppose ici que l’évolution de la puissance du feu au cours du temps obéit à
une croissance rapide au sens de la norme NFPA 204. La puissance nominale du feu est donc
atteinte 300 s après le départ de feu.
La courbe de puissance du foyer est représentée sur la figure 5.6. On s’intéresse ici aux 500
secondes qui suivent le départ de feu. Au-delà de ce délai, on considère que les personnes ont
évacué le magasin.
On représente sur les figures 5.7 et 5.8 les visualisations du foyer et des fumées dans le
magasin à l’instant t = 150 s et à l’instant t = 300 s, à partir duquel la puissance du foyer atteint
sa valeur nominale.

Scénarii retenus pour l’évacuation


La surface disponible pour la circulation des personnes étant de 731 m2 , on va simuler ici des
scénarii relativement pénalisants dans lesquels 700 personnes sont présentes dans le magasin au
départ de l’incendie. La densité de personnes initiale moyenne dans le magasin est alors de 0,96

129
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.6 – Évolution de la puissance au cours du temps

F IGURE 5.7 – Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=150 s

F IGURE 5.8 – Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=300 s

m−2 . Du point de vue pratique, une telle densité n’est pas crédible, mais on cherche ici à tester
les capacités du modèle dans des conditions pénalisantes. On considère qu’à l’instant t = 0 s
(instant correspondant au départ de feu), toutes les personnes se trouvent à au moins cinq mètres
du foyer. Cela permet de prendre en compte un délai de temporisation incluant le temps de prise
de conscience du feu et le temps d’alarme.

130
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

On considère dans notre simulation que le temps de pré-évacuation est uniforme pour toutes
les personnes et est égal à 60 s. Là encore, ce temps est choisi volontairement pénalisant, en
particulier pour les personnes situées à proximité du foyer. Entre les instants t = 0 s et t = 60 s,
la densité de personnes est uniforme dans tout le domaine, excepté dans un rayon de 5 m autour
du foyer, où elle est nulle.
On simule ici l’évacuation d’une population caractérisée par ses paramètres moyens, en
faisant toujours l’hypothèse que les gens connaissent parfaitement les lieux et adoptent une
vitesse de marche qui minimise leur temps de sortie.
Le magasin de sport étant un ERP, il est très probable que la population présente dans
l’établissement à un instant donné soit diversifiée concernant l’âge des personnes, leur vitesse
de marche ou encore leur connaissance des locaux. Ainsi, il n’est pas envisageable de simuler
ici toutes les configurations possibles. On s’intéressera dans la suite à 4 scénarii particuliers en
faisant varier certains paramètres de la population.
Pour chaque scénario, on évalue les contraintes thermiques et optiques à 1,8 m de hauteur,
et on les actualise à un pas de temps ∆tf eu = 5 s.

Scénario n◦ 1

Les 700 personnes présentes dans le magasin possèdent les caractéristiques suivantes :
– Vitesse de marche : V0 = 1,25 m.s−1
– Densité de personnes critique : ρc = 5,4 m−2
Les personnes évacuent en utilisant les cinq issues de secours disponibles.

Scénario n◦ 2

Les 700 personnes présentes dans le magasin possèdent les mêmes caractéristiques que
précédemment.
En revanche, pour ce scénario, seules les sorties 1, 2 et 3 seront utilisées par les personnes.
En effet, ces trois sorties sont les plus familières pour les individus, puisqu’elles correspondent
aux sorties principales du magasin (les issues 4 et 5 étant des issues de secours).

Scénario n◦ 3

Au moment de la consigne d’évacuation, compte tenu de la nature de l’établissement, les


personnes sont susceptibles d’emmener avec elles leurs affaires personnelles ainsi que leurs
achats (sacs de courses, chariots). Le fait que les personnes en train d’évacuer soient chargées a
un impact direct sur les caractéristiques globales de la population :
– la vitesse de marche V0 est plus faible : on prendra V0 = 1 m.s−1 ;
– la densité de personnes critique est également plus faible dans la mesure où chaque per-
sonne occupe une place plus importante : on prendra ρc = 3 m−2 .
Les personnes évacuent en utilisant les cinq issues de secours disponibles.

Scénario n◦ 4

La formulation de notre modèle de cheminement permet également de simuler l’évacuation


de plusieurs populations. On s’intéresse ici à un cas dans lequel la distribution des vitesses
de marche n’est pas homogène. On considère deux populations distinctes caractérisées par des
vitesses de marche V0 différentes, comme cela est indiqué dans le tableau 5.4.
La densité de personnes critique est fixée à 5,4 m−2 .
Pour ce scénario, les 5 issues de secours sont disponibles.

131
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Population Effectif Pourcentage de l’effectif total V0

Population 1 560 80% 1,25 m.s−1

Population 2 140 20% 0,6 m.s−1

TABLE 5.4 – Caractéristiques des deux populations pour le scénario n◦ 4

5.3.2 Résultats de simulation


Exemple de calcul des contraintes thermiques
On illustre ici le calcul des contraintes thermiques sur notre configuration à un instant donné.
On se place à l’instant t = 250 s après le départ de feu, instant auquel la température et le flux
thermique excèdent déjà par endroits la température de gêne et le flux thermique de gêne. Les
figures 5.9 et 5.10 représentent respectivement les champs de température et de flux à l’instant
t=250 s et à 1,8 m de hauteur.

F IGURE 5.9 – Champ de température dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s

132
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.10 – Champ de flux thermique dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s

A partir de ces champs de température et de flux, on détermine localement, pour chaque


maille (i, j), les coefficients αT et αφ en utilisant les relations (5.9) et (5.10). On en déduit les
coefficients α en utilisant la relation (5.8). La figure 5.11 représente le champ des coefficients
α à l’instant t=250 s.

F IGURE 5.11 – Champ des coefficients α à l’instant t=250 s

−→
On peut également déterminer les composantes de vitesse Uth dues aux contraintes ther-
miques, comme expliqué dans la section 5.1.4. On rappelle que cette composante s’exprime
comme l’opposée d’un gradient de température ou de flux selon la gêne plus ou moins impor-
tante causée par ces deux phénomènes thermiques. La figure 5.12 représente les composantes
−→
de vitesses Uth calculées pour t = 250 s. On notera que ces composantes de vitesse sont les
mêmes pour chaque instant compris entre t = 250 s et t + ∆tf eu = 255 s.
−→
Dans les zones où le coefficient α vaut 0, la composante Uth n’intervient pas dans la direction

133
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

−→
F IGURE 5.12 – Composantes de vitesse Uth pour 250 s ≤ t < 255 s


→ − →
de la marche des personnes. On a alors Ur = U .

Scénario n◦ 1
Le scénario n◦ 1 correspond au scénario de référence pour notre configuration. On simule
l’évacuation des 700 personnes présentes initialement en considérant que les 5 issues de secours
sont accessibles. Les caractéristiques du mouvement des personnes sont celles introduites dans
le chapitre 2 et utilisées tout au long de ce manuscrit : V0 = 1,25 m.s−1 et ρc = 5,4 m−2 . La loi
densité-vitesse correspondante est représentée sur la figure 2.2, et le diagramme fondamental
associé sur la figure 2.3.
Le taux de personnes évacuées au cours du temps est représenté sur la figure 5.13.
Le temps de cheminement des personnes (temps écoulé entre les sorties des première et
dernière personnes) est ici de 79,7 s. Le flux moyen de personnes sortant du domaine au cours
du cheminement est donc de 8,8 personnes par seconde, ce qui représente un flux par unité de
largeur de 0,88 m−1 .s−1 . Ce flux est inférieur au flux maximal de 1,14 m−1 .s−1 .
On représente sur la figure 5.14 l’évolution au cours du temps du flux de personnes à travers
chacune des 5 issues.
En intégrant ces données au cours du temps, on peut déterminer la proportion de personnes
ayant emprunté chaque issue. Ces proportions sont données dans le tableau 5.5.
On constate que la répartition des personnes suivant les 5 sorties est relativement homogène,
chacune d’entre elles étant empruntée par environ 20 % des occupants. Ce constat est plutôt
cohérent avec l’hypothèse selon laquelle les personnes empruntent la sortie qui minimise leurs
temps de sortie.
L’évolution au cours du temps des flux de personnes a une allure très différente selon la

134
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.13 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )

F IGURE 5.14 – Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25 m.s−1 ,
ρc = 5,4 m−2 )

Sortie Proportion de personnes ayant


emprunté la sortie

Sortie 1 22,6%
Sortie 2 21,5%
Sortie 3 21,8%
Sortie 4 17,7%
Sortie 5 16,4%

TABLE 5.5 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 1

sortie considérée (figure 5.14). Cette évolution s’explique essentiellement par les positions re-
latives des issues de secours dans le magasin.
Par exemple, les flux de personnes à travers les sorties 1 et 2 ont des allures très similaires,
avec un flux stationnaire de 0,98 m−1 .s−1 . Cela s’explique par le fait que ces deux issues sont

135
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

très proches l’une de l’autre. Le flux principal de personnes provenant de cette partie du magasin
se divise donc naturellement en deux flux égaux vers chacune des sorties.
En revanche, la sortie 3 est relativement éloignée des autres issues ; l’évolution du flux de
personnes qui la traverse est donc indépendant de ce qui se passe au niveau des autres issues.
On observe ainsi que ce flux (représenté en jaune sur la figure 5.14) est quasiment constant et
égal à sa valeur nominale de 1,14 m−1 .s−1 , qui est la valeur maximale admissible d’après le
diagramme fondamental.
Les flux de personnes traversant les sorties 4 et 5 sont plus faibles ; cela s’explique par
le fait que ces sorties sont proches l’une de l’autre et excentrées par rapport aux trois sorties
principales.
On note que les flux de personnes s’annulent de façon quasi-simultanée pour chacune des 5
sorties (dans un intervalle de temps compris entre t = 136 s et t = 141 s), ce qui est parfaitement
cohérent avec notre hypothèse de base : les personnes minimisent leur temps de sortie.

Scénario n◦ 2
Dans ce deuxième scénario, on considère que seules les issues principales 1, 2 et 3 sont
utilisées par les individus. Les sorties 4 et 5 ne sont pas prises en compte par les personnes.
La largeur totale des dégagements pour ce scénario est donc de 6 m, ce qui correspond à 10
unités de passage. Le nombre de dégagements ayant été multiplié par 0,6 par rapport au premier
scénario, on peut s’attendre à ce que le temps de cheminement soit affecté dans des proportions
similaires (multiplié par 53 , soit environ 1,6).
Les caractéristiques du mouvement des individus (vitesse de marche libre, densité de per-
sonnes critique) sont les mêmes que précédemment.
On représente sur la figure 5.15 l’évolution du taux de personnes sorties au cours du temps
pour le scénario n◦ 2, que l’on compare à celui obtenu pour le scénario n◦ 1.

F IGURE 5.15 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )

Le temps de cheminement des personnes est ici de 114,3 s, alors qu’il était de 79,7 s pour le
premier scénario. Le rapport de ces deux temps est donc égal à 1,43.
L’analyse des flux de personnes à travers les différentes issues (représentés sur la figure
5.16) permet d’estimer la proportion des personnes ayant emprunté chacune des sorties ; ces
proportions sont indiquées dans le tableau 5.6.
Ici encore, on constate que les individus se sont répartis de façon assez équitable entre les
trois sorties. On notera également que les flux de personnes à travers chacune des trois sorties se

136
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.16 – Flux de personnes à travers les 3 sorties pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25 m.s−1 ,
ρc = 5,4 m−2 )

Sortie Proportion de personnes ayant


emprunté la sortie

Sortie 1 31,0%
Sortie 2 32,2%
Sortie 3 36,8%

TABLE 5.6 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 2

sont annulés presque simultanément, ce qui est en bon accord avec l’hypothèse de minimisation
du temps de sortie.

Comme dans le cas du scénario n◦ 1, l’analyse des résultats révèle que le flux moyen de
personnes à travers la sortie 3 (égal à 1,14 m−1 .s−1 ) est supérieur aux flux calculés pour les
sorties 1 et 2 (0,98 m−1 .s−1 ).
Ce phénomène peut être expliqué en observant l’évolution dans l’espace et dans le temps de
la densité de personnes dans le magasin au cours de l’évacuation. On s’intéresse notamment à
l’intervalle de temps compris entre t = 80 s et t = 160 s. Dans cet intervalle de temps, les flux
de personnes aux sorties sont constants. On représente sur la figure 5.17 la répartition spatiale
de la densité de personnes dans le magasin à l’instant t = 100 s. Les zones de congestion y sont
identifiées par un cercle blanc.
On observe que la densité de personnes est plus importante au niveau des sorties 1 et 2
qu’au niveau de la sortie 3. En effet, autour des sorties 1 et 2, on observe une situation de
congestion avec la formation d’arcs de cercle où apparaissent des densités de personnes élevées
(supérieures à 4 m−2 ). A la frontière du domaine (passage de porte), la densité moyenne de
personnes est de 2,79 m−2 . Pour cette valeur, le diagramme fondamental de notre modèle (figure
2.3) indique un flux de 0,98 m−1 .s−1 .
En revanche, on peut constater qu’il n’y a pas de congestion forte au niveau de la sortie 3.
Comme le montre la figure 5.17, la présence d’obstacles de part et d’autre de la porte permet de
fluidifier la circulation des personnes vers la sortie et d’obtenir, au niveau du passage de porte,
une densité de personnes moyenne de 1,92 m−2 . Cette densité de personnes correspond alors,

137
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.17 – Répartition spatiale de la densité de personnes (m−2 ) dans le bâtiment à


l’instant t = 100 s

d’après le diagramme fondamental, à un flux de 1,14 m−1 .s−1 que l’on retrouve par la simula-
tion numérique.

Les simulations numériques effectuées permettent donc de retrouver des phénomènes qua-
litatifs observables dans la réalité, et notamment le paradoxe de Braess évoqué dans la section
1.1.3, selon lequel la présence d’obstacles dans un milieu permet d’y optimiser les flux de
personnes. Ce résultat montre également l’impact de l’aménagement des locaux et du position-
nement des sorties sur le cheminement des personnes.

Scénario n◦ 3
Pour ce troisième scénario, on s’intéresse à une population d’individus encombrés par des
affaires personnelles (sacs, paniers). Les individus occupent ainsi une surface au sol plus im-
portante, ce qui réduit la densité de personnes critique. De plus, le port de charges entraîne une
diminution de la vitesse de marche. On considère ici que notre population est caractérisée par
une vitesse de marche libre V0 égale à 1 m.s−1 et une densité critique ρc de 3 m−2 . On représente
respectivement sur les figures 5.18 et 5.22 la loi densité-vitesse et le diagramme fondamental
utilisé dans la simulation.
Comme pour le scénario de référence (scénario n◦ 1), les cinq issues sont utilisées par les
individus. Le pourcentage de personnes sorties au cours du temps est représenté sur la figure
5.20.
Le temps de cheminement obtenu numériquement est de 118,9 s, contre 79,7 s pour le
scénario n◦ 1. On représente respectivement sur la figure 5.21 et dans le tableau 5.7 l’évolution
des flux aux sorties et la répartition des choix de sortie des personnes.
L’évolution des flux de personnes aux sorties au cours du temps est relativement similaire
à celle obtenue pour le scénario n◦ 1. Les valeurs plus faibles de flux sont directement impu-
tables à la diminution de la vitesse de marche V0 , mais également à la diminution de la densité

138
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.18 – Loi densité-vitesse utilisée F IGURE 5.19 – Diagramme fondamental utilisé
dans le scénario n◦ 3 dans le scénario n◦ 3

F IGURE 5.20 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1
m.s−1 , ρc = 3 m−2 )

F IGURE 5.21 – Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.s−1 , ρc
= 3 m−2 )

139
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

Sortie Proportion de personnes ayant


emprunté la sortie

Sortie 1 22,8%
Sortie 2 21,4%
Sortie 3 21,1%
Sortie 4 16,9%
Sortie 5 17,8%

TABLE 5.7 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 3

de personnes critique ρc , comme cela a été démontré dans la section 3.4.3. D’un point de vue
plus qualitatif, on peut observer au cours de la simulation que les zones de congestion maxi-
male (c’est-à-dire les zones où la densité de personnes est égale à la densité critique) sont plus
étendues : les individus occupent plus d’espace, notamment à proximité des passages de porte.

Scénario n◦ 4
On simule dans un dernier temps l’évacuation de deux populations ayant des vitesses de
marche libres différentes. Parmi les 700 personnes présentes initialement, 80 % se déplacent à
la vitesse de 1,25 m.s−1 , et 20 % marchent à une vitesse très réduite de 0,6 m.s−1 . La densité de
personnes critique est fixée à 5,4 m−2 . Les caractéristiques du mouvement des personnes sont
représentées sur les figures 5.22 et 5.23.

F IGURE 5.22 – Relations densité-vitesse F IGURE 5.23 – Diagrammes fondamentaux


utilisées dans le scénario n◦ 4 utilisés dans le scénario n◦ 4

Sur la figure 5.24, on représente l’évolution au cours du temps :


– de la proportion des membres de la population 1 ayant évacué ;
– de la proportion des membres de la population 2 ayant évacué ;
– de la proportion de la population totale ayant quitté le magasin.
On y représente également, à titre de comparaison, le taux de personnes sorties obtenu
numériquement pour le scénario n◦ 1.
Le temps de cheminement des personnes dans ce scénario n◦ 4 est estimé à 99,4 s, contre
79,7 s dans le cas du scénario n◦ 1. La présence de 20% de personnes ayant une vitesse réduite
allonge donc le temps total de cheminement de 20 s.
Les flux de personnes au niveau de chaque sortie sont représentés sur la figure 5.25, et la
répartition des personnes selon les sorties est donnée dans le tableau 5.8.

140
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

F IGURE 5.24 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour la population 1 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 ) et pour la population 2 (V0 = 0,6 m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )

F IGURE 5.25 – Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 4

Sortie Proportion de personnes ayant


emprunté la sortie

Sortie 1 22,0%
Sortie 2 22,3%
Sortie 3 20,5%
Sortie 4 18,3%
Sortie 5 16,9%

TABLE 5.8 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 4

On constate encore une fois que les personnes se répartissent de façon relativement équitable
entre les différentes sorties, même si les sorties 1, 2 et 3 sont les plus utilisées.
En revanche, l’évolution des flux de personnes aux sorties au cours du temps est différente
de celle obtenue pour les scénarii précédents. En effet, on constate que pour chaque sortie, le

141
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE

flux de personnes a tendance à décroitre tout au long de la simulation. Ce phénomène s’explique


de la façon suivante : les membres de la population 1 sortent plus vite que ceux de la population
2. Ainsi, la proportion de la population 2 dans l’effectif présent dans le magasin augmente au
cours du temps, ce qui réduit les flux de personnes du fait de la vitesse de marche réduite affectée
à cette population.

5.4 Conclusion du chapitre


On distingue trois catégories principales d’effets du feu sur les personnes : les effets ther-
miques, toxiques et optiques. Une synthèse des différentes connaissances actuelles concernant
l’impact du feu sur les personnes a permis de mettre de coté la toxicité, dont les effets sont
corrélés aux contraintes optiques notamment. Elle a également permis d’identifier des critères
pertinents quant à l’impact réel du feu sur l’évacuation d’un groupe de personnes. A partir de
ces critères, on a mis en place une méthode relativement intuitive qui intègre notamment les
effets thermiques (flux thermiques et température) dans l’algorithme de cheminement. Cette
méthode stipule que les personnes cherchent à se déplacer dans leur direction souhaitée, mais
sont susceptibles de dévier de leur trajectoire initialement prévue lorsqu’elles se retrouvent dans
une situation d’inconfort due aux contraintes locales. Cette déviation dans le cheminement est
d’autant plus importante que la contrainte subie est forte.

Cette méthode a été mise en œuvre sur une configuration à grande échelle (un magasin de
sport) avec des densités de personnes élevées, en se basant sur un foyer réaliste compte tenu de
la taille et de la nature du batiment. Quatre scénarii d’évacuation différents ont été simulés, en
faisant varier certains paramètres comme la vitesse de marche libre et la densité de personnes
critique, et en traitant notamment le cas de deux populations se déplaçant à des vitesses diffé-
rentes.

Bien que cette prise en compte des effets du feu dans le modèle de cheminement semble
prometteuse, il est toutefois nécessaire de prendre quelques précautions quant à son emploi. En
effet, la méthode introduite fait apparaître plusieurs constantes (température et flux de gêne,
température et flux critiques) qui ont été fixées de manière arbitraire. De plus, le manque de
données expérimentales, de connaissances et de travaux antérieurs concernant l’impact du feu
sur l’évacuation ne permet pas, à ce stade, d’effectuer de phase de validation pertinente.

142
Conclusion générale et perspectives

Conclusion sur le travail de thèse


L’évacuation en toute sécurité des individus est la priorité absolue en situation d’incendie.
Lors d’un projet de construction d’un bâtiment, l’aménagement des locaux et des sorties de
secours revêt ainsi un intérêt très important dans la mesure où il peut contribuer à l’évacuation
rapide et sûre des occupants en cas de sinistre. Dans cette optique, des outils ont été développés
pour les besoins de l’ingénierie d’évacuation afin de simuler des processus de cheminement de
personnes dans une configuration donnée, et de dimensionner de façon optimale les moyens re-
latifs à l’évacuation. Face au développement à venir de l’ingénierie d’évacuation, la maîtrise de
la modélisation de l’évacuation est aujourd’hui une nécessité. L’objectif de ce travail de thèse
était donc de mettre en place un modèle permettant de simuler de façon fiable l’évacuation de
personnes d’un bâtiment en situation d’incendie. La démarche utilisée pour mener à bien ce
projet se décompose en plusieurs étapes.

Modèle de cheminement de personnes


Un état de l’art complet sur les approches utilisées en modélisation de l’évacuation a été ef-
fectué. Celui-ci a permis de distinguer notamment deux grandes catégories de modèles : d’une
part les modèles microscopiques, basés sur une représentation discrète des individus, et qui sont
à la base de la majorité des outils numériques de simulation ; d’autre part les modèles macrosco-
piques, qui assimilent les individus à leur densité moyenne. L’étude bibliographique présentée
dans le premier chapitre a en particulier montré le potentiel intéressant du modèle macrosco-
pique et continu vis-à-vis de nos objectifs.

C’est pourquoi la suite du travail a été consacrée à la mise en place d’un modèle de chemi-
nement de personnes basé sur une approche macroscopique. D’un point de vue mathématique,
notre modèle prend la forme d’une équation de conservation de la densité de personnes trans-
portée dans un champ de vitesses. Ce champ de vitesses est déterminé en faisant l’hypothèse
que les individus connaissent parfaitement les lieux et les issues de secours et qu’ils cherchent à
minimiser leur temps de sortie en fonction de la densité de personnes qu’ils rencontrent le long
de leur chemin. L’un des principaux avantages de cette formulation mathématique est le très
petit nombre de paramètres caractérisant le mouvement des individus : on y introduit le temps
de réaction et de pré-mouvement des personnes, leur vitesse de marche et leur densité, ces deux
derniers paramètres étant reliés par une loi densité-vitesse empirique. L’équation du modèle est
alors résolue grâce à un algorithme spécifique élaboré au cours de cette thèse et baptisé MAR-
COE PAULO. Cet algorithme consiste en une boucle temporelle dans laquelle chaque itération
se décompose en deux étapes : une première étape où l’on calcule le champ des vitesses de
marche en tenant compte de la densité de personnes dans le bâtiment à un instant t (PAULO) ;
une seconde étape au cours de laquelle on transporte la densité de personnes pour obtenir le

143
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

champ de densité de personnes à l’instant t + ∆t (MARCOE).

La formulation de notre modèle de cheminement prend notamment en compte la coexistence


éventuelle de plusieurs groupes de personnes ayant des vitesses de marche ou des objectifs dif-
férents : on parle dans ce cas de modèle à plusieurs populations. Il a été montré au cours de ce
travail que la formulation du modèle à plusieurs populations est capable de rendre compte des
interactions entre plusieurs groupes de personnes (notamment des croisements) pour de faibles
densités de personnes. Il suffit alors de considérer que la vitesse de marche d’une personne ap-
partenant à une population est fonction de la densité de personnes totale. Néanmoins, dans le
cas de fortes densités de personnes (proches de la densité critique), la formulation initiale du
modèle ne permet pas de gérer de façon fiable les interactions complexes entres populations,
notamment les phénomènes de contre-courant. Afin de modéliser ces phénomènes, on a ex-
posé à la fin du deuxième chapitre une extension du modèle de cheminement dédiée au cas des
fortes densités et faisant intervenir le phénomène physique de diffusion. Dans cette approche,
le mouvement d’ensemble des individus est décrit par un terme de convection et par un terme
s’apparentant à de la diffusion, qui devient prépondérant lorsque les densités de personnes sont
importantes. A ce stade du travail, la formulation incluant la notion de diffusion en est à ses
premiers développements, et sa validité reste un point de questionnement.

Dans le troisième chapitre, le modèle de cheminement de personnes a été soumis à des


étapes de vérification et de validation. La phase de vérification a permis de montrer, sur la
base de cas tests trouvés dans la littérature, que les différentes composantes de base du mo-
dèle, considérées indépendamment les unes des autres, sont fonctionnelles. Des cas basiques de
comparaison inter-modèles ont également permis de vérifier que le code MARCOE PAULO est
capable de fournir des résultats similaires à ceux obtenus avec d’autres codes d’évacuation.

La phase de validation a nécessité, quant à elle, la mise en place d’un protocole expérimental
afin de récolter des données réelles et exploitables pour la validation du modèle. Au cours de ce
travail de thèse, des expériences ont été menées à différentes échelles :

– D’abord à petite échelle dans une pièce de 10 m2 avec des effectifs restreints (5 puis
10 personnes) ; ces expériences ont permis d’avoir une première idée sur la validité du
modèle et de vérifier que le phénomène de congestion au niveau d’une sortie est bien
représenté.
– Ensuite à moyenne échelle, dans un compartiment de 121 m2 constitué de trois pièces et
d’un couloir, avec un effectif de 60 personnes. Chaque expérience a été réalisée plusieurs
fois dans un souci de répétabilité des résultats, et quatre scénarii différents ont été mis en
œuvre afin de multiplier les données de validation.

Les différentes expériences réalisées à moyenne échelle ont permis de démontrer que le code
MARCOE PAULO est capable de fournir des résultats quantitatifs (flux de personnes, temps
d’évacuation) représentatifs de ceux observés dans la réalité. On notera que cette phase de va-
lidation s’est avérée concluante car les paramètres d’entrée (vitesse de marche libre, densité de
personnes critique, relation densité-vitesse) utilisés pour la simulation sont assez représentatifs
de la population étudiée dans l’expérience. La connaissance et la maîtrise des caractéristiques
de la marche d’une population dont on souhaite simuler l’évacuation sont donc primordiales.
L’étude de sensibilité effectuée dans le troisième chapitre a d’ailleurs montré l’impact des para-
mètres d’entrée (vitesse de marche libre, densité de personnes critique) sur les flux de personnes
et les temps d’évacuation qui en découlent. Le choix de la relation empirique liant la vitesse de
marche à la densité de personnes a également une influence sur les résultats fournis par le code.

144
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

Effets du feu
Les travaux présentés dans les quatrième et cinquième chapitres s’attachent à l’impact du
feu sur les personnes et leur évacuation. Trois types d’impact du feu sur les personnes ont été
recensés dans ce travail :
– les effets toxiques (asphyxiants, irritants ou narcotiques), qui ont été éludés dans cette
étude ;
– les effets thermiques, parmi lesquels on a distingué le flux thermique et la température ;
– les effets optiques, que l’on incombe essentiellement aux particules de suie.

L’un des objectifs de ce travail de thèse était d’intégrer dans le modèle de cheminement de
personnes des contraintes inhérentes au développement du feu. On a proposé ici une stratégie
afin d’intégrer les contraintes thermiques (flux thermique et température) dans le processus de
cheminement. Cette stratégie suppose que les individus cherchent à se déplacer suivant leur di-
rection préférentielle, mais sont amenés à dévier de leur trajectoire lorsqu’ils rencontrent locale-
ment une contrainte thermique supérieure à un certain seuil. La déviation est alors d’autant plus
importante que la contrainte subie est forte. D’un point de vue algorithmique, cette hypothèse
affecte le calcul des vitesses dans l’étape PAULO : la vitesse effective de marche des personnes
est alors une combinaison de leur vitesse préférentielle et d’une composante de vitesse orientée
suivant un gradient de contrainte thermique. Ce nouveau mode de calcul des vitesses de che-
minement fait intervenir des seuils de flux et de température (seuils de gêne, seuils critiques de
tenabilité) dont les valeurs sont ici fixées de façon arbitraire. Ces paramètres sont réglables par
l’utilisateur qui peut ainsi pénaliser le cheminement des personnes de façon plus ou moins forte.
Les contraintes optiques ont également été prises en compte dans le processus de cheminement
via l’introduction d’un niveau d’opacité seuil. On a alors considéré dans notre modèle que les
individus ne pénètrent pas dans les zones où l’opacité locale dépasse le seuil de tenabilité.

Un focus particulier a été porté dans ce travail sur les contraintes optiques et en particulier
sur l’étude de la visibilité en situation d’incendie. Cette étude de la visibilité a débouché sur
deux enseignements principaux.
D’abord, elle a permis de valider expérimentalement une technique de reconstruction de
l’image d’un objet vu à travers un milieu absorbant-diffusant tel que les fumées d’incendie.
Cette technique, basée sur une méthode de Monte Carlo combinée à une formulation matricielle
de reconstruction d’images, a été mise en œuvre sur une mire de résolution USAF 1951 dans
le cas d’un milieu purement diffusant. L’observation expérimentale de cette mire à travers des
milieux de différentes densités optiques a montré que les images reconstruites par la simulation
numérique sont très proches de celles observées expérimentalement. En particulier, les niveaux
de contraste évalués sur les images numériques et expérimentales de la mire sont très proches.
Elle a également permis d’évaluer les corrélations de Jin, qui demeurent à l’heure actuelle
une référence pour l’évaluation de la visibilité dans un milieu enfumé. Des images de mires
lumineuses et réfléchissantes ont été observées et analysées en termes de contraste pour des
milieux de différentes densités optiques. Leur exploitation, basée sur un critère de contraste
seuil de 0,02 pour définir la distance de visibilité, a révélé une bonne cohérence avec les lois de
Jin. Ce critère a donc été choisi dans la suite du travail.

Perspectives de travail
Les travaux menés au cours de cette thèse ont abouti à un certain nombre de questionne-
ments, et ouvrent la voie à de nouvelles perspectives de recherches.

145
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

Développement du modèle de cheminement : concept de diffusion


Le modèle de cheminement de personnes, mis en œuvre dans ce manuscrit et validé hors
situation d’incendie, repose sur une formulation qui fait appel au phénomène physique d’ad-
vection : la densité de personnes est transportée dans un champ de vitesses qui varie au cours
du temps. A chaque pas de temps, la vitesse de transport de la densité de personnes est définie
localement comme celle qui minimise le temps de sortie estimé. L’advection de la densité de
personnes traduit donc un mouvement volontaire et ordonné des individus dans le but de mini-
miser leur temps de sortie.

Dans le cas de fortes densités de personnes, ce mouvement ordonné des individus laisse
place à un mouvement d’ensemble plus diffus, où le déplacement de chaque individu est aussi
gouverné par ses interactions avec ses voisins et pas seulement par ses choix individuels. Afin
de rendre compte de ce phénomène, on a proposé en fin de deuxième chapitre une formulation
du modèle qui inclut un terme s’apparentant à de la diffusion. Ce terme est lié à des longueurs
d’interaction, qui définissent la dimension du voisinage des individus. On a notamment intro-
duit dans le deuxième chapitre une longueur d’interaction entre individus issus d’une même
population, et une longueur d’interaction entre individus issus de deux populations différentes.
Cette formulation n’a, à l’heure actuelle, été mise en œuvre que sur des cas très basiques,
et sa validité reste encore sujette à question. En particulier, l’identification des longueurs d’in-
teraction est un point non résolu au stade de cette étude. Les premières simulations effectuées
laissent toutefois entrevoir quelques pistes :
– les longueurs d’interaction dépendent de la densité de personnes locale ;
– dans le cas du modèle à plusieurs populations, la longueur d’interaction entre deux popu-
lations distinctes est supérieure à la longueur d’interaction au sein d’une même popula-
tion ;
– dans le cas des faibles densités de personnes, la valeur des longueurs d’interaction n’a pas
d’impact significatif sur le cheminement des personnes.

Bien que l’introduction de la notion de diffusion dans le modèle de cheminement de per-


sonnes soit prometteuse, celle-ci reste encore un point à consolider.

Validation à grande échelle


La phase de validation présentée dans ce manuscrit a été effectuée à petite échelle (une pièce
avec 10 personnes), puis à moyenne échelle (un ensemble de trois pièces et un couloir, avec 60
personnes). Pour des raisons d’organisation pratique, ces expériences à échelle réelle ont été
organisées dans le milieu universitaire, avec des échantillons de personnes non représentatifs de
la population car essentiellement constitués d’étudiants.

Or les études d’évacuation en ingénierie de sécurité incendie s’intéressent essentiellement


à des ouvrages de très grande surface, avec des effectifs très importants. Il pourra donc être
judicieux, dans des travaux futurs, de réaliser une validation à grande échelle du modèle de
cheminement. Les avantages d’une validation à grande échelle sont multiples :
– l’utilisation d’un effectif plus important pour les expérimentations pourra permettre d’avoir
une plus grande variabilité entre les individus et donc d’obtenir un échantillon de per-
sonnes plus représentatif de la population que l’on rencontre dans les Établissements
Recevant du Public.
– les tests à grande échelle permettraient également d’observer les phénomènes de foule
(notamment la congestion) à une échelle plus réaliste, dans des configurations complexes
comme des magasins, des salles de cinéma...

146
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

– Les expériences à grande échelle permettraient d’obtenir des temps d’évacuation conformes
à ceux que l’on obtient dans les situations réelles, ce qui donnerait plus de crédit au mo-
dèle.
Toutefois, l’organisation de ce type d’exercice comporte un certain nombre de contraintes :
– disponibilité des locaux ;
– mobilisation d’un grand nombre de personnes ;
– mise en place du dispositif expérimental ;
– aspects administratifs et réglementaires.

Bien que compliquée à mettre en œuvre, la validation du modèle de cheminement à grande


échelle constituera une plus-value importante.

Étude de la visibilité
L’étude de la visibilité exposée dans le quatrième chapitre s’est attachée à une technique de
reconstruction d’images ainsi qu’à l’évaluation des corrélations de Jin pour l’estimation de la
visibilité en milieu enfumé. L’analyse des images effectuée dans cette étude était basée sur le
seul critère de contraste. Cependant, la visibilité est également liée aux notions de résolution
et de luminosité. En effet, si l’on s’intéresse à un panneau de signalétique incendie tel qu’un
BAES, on pourra considérer que le panneau est visible et interprétable par les individus si la
lumière qui en provient parvient jusqu’à l’œil de l’individu, sans considération particulière sur
le contraste. L’étude effectuée au cours de cette thèse pourra donc être complétée par une étude
sur la luminosité, en considérant les caractéristiques réelles des blocs d’éclairage de secours.
Cette étude de la visibilité en situation d’incendie pourrait alors déboucher sur une inté-
gration de la signalétique incendie et de son influence dans le modèle de cheminement de per-
sonnes. En modélisant de façon fiable l’impact de la signalétique sur le comportement humain,
on pourrait s’intéresser en particulier à l’aménagement des panneaux lumineux dans un com-
partiment et à l’optimisation de leur placement afin de faciliter le cheminement des personnes.

Vers une prise en compte des facteurs humains


Le modèle de cheminement de personnes décrit dans ce manuscrit est basé sur une hypo-
thèse très simplificatrice, selon laquelle les individus adaptent constamment leur chemin afin
de minimiser leur temps de sortie. On suppose ainsi que tous les individus au sein d’une même
population se comportent de façon identique. Cette hypothèse est relativement commode dans
le cas d’une approche macroscopique, où les caractéristiques individuelles sont gommées. On
constate également qu’elle est systématique dans les modèles macroscopiques continus. Néan-
moins, elle ne reflète pas la réalité des mouvements de foule, où la grande variabilité des com-
portements peut avoir un impact significatif sur le déroulement de l’évacuation.
Ainsi, l’intégration dans le modèle de cheminement des aspects comportementaux et des
facteurs humains constitue, à ce stade de l’étude, l’une des principales perspectives de dévelop-
pement. La formulation du modèle à plusieurs populations présentée dans le deuxième chapitre
pourra notamment faciliter la catégorisation d’une population en différents sous-groupes ayant
des comportements différents.

A l’heure actuelle, les études menées sur le comportement humain en situation d’incendie
sont essentiellement basées sur des retours d’expériences post-incendie et sur des considérations
qualitatives. L’une des pistes envisagées au LEMTA fait appel aux connaissances et aux outils
du domaine des sciences humaines et sociales, et en particulier de la psychologie. Des travaux de
recherche initiés au laboratoire, partiellement présentés dans le troisième chapitre et poursuivis

147
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES

actuellement dans le cadre d’une thèse de doctorat, se sont intéressés à l’évaluation de l’impact
des facteurs humains sur l’évacuation. Ces travaux se sont notamment appuyés sur une approche
théorique (définition des concepts de base de l’évacuation et des concepts liés au comportement
humain), une approche expérimentale (exercices d’évacuation avec différents scénarii) et une
approche psychométrique (mesure de grandeurs psychologiques à l’aide de questionnaires). La
corrélation entre ces trois approches a abouti à des premières conclusions prometteuses. Cette
étude a notamment mis en avant l’existence de critères permettant de différencier les individus
d’une population :
– la connaissance des locaux (connaissance parfaite, partielle ou médiocre) ;
– la capacité à gérer ses propres émotions ;
– la capacité à gérer les émotions des autres personnes ;
– le niveau de vigilance.
A partir de ces critères, l’étude menée au LEMTA a identifié quatre grands types de com-
portements humains susceptibles d’être observés au cours d’une évacuation.
La poursuite de ces travaux et l’apport des outils des sciences humaines constitueront, en
plus d’une approche novatrice, une plus-value indéniable à ce travail de thèse. La méthode em-
ployée reposera notamment sur des essais à grande échelle et sur l’analyse des comportements
sur la base d’enregistrements vidéos. La transcription des résultats sous une forme modélisable
et compatible avec le code MARCOE PAULO devra ensuite être envisagée.

148
Annexe

Fichier FDS (scénario d’incendie simulé dans le chapitre 5)


&HEAD CHID=’Magasin’, TITLE=’Magasin’/

&MESH IJK=480,320,35,
XB=0.0,48.0,0.0,32.0,0.0,3.5,ID=’Geometrie’/

&TIME T_END=500.0/

&DUMP SMOKE3D=.TRUE.,
NFRAMES=100,
DT_PART=0.5,
DT_HRR=1.0,
DT_SLCF=5.0,
DT_PL3D=1.0,
DT_ISOF=1.0 /

&MATL ID=’BETON’,
CONDUCTIVITY=0.92,
SPECIFIC_HEAT=0.88,
DENSITY = 2200./

&SURF ID=’WALL’,DEFAULT=.TRUE.,
RGB = 240,230,140,
MATL_ID = ’BETON’,
THICKNESS = 0.012 /

&MATL ID=’Textile’,
SPECIFIC_HEAT=4.0,
CONDUCTIVITY=0.07,
DENSITY=100.0/

&SURF ID=’VETEMENTS’,
RGB = 156,102,31,
MATL_ID = ’Textile’,
THICKNESS = 0.012 /

&OBST XB = 0.0,6.0,0.0,0.25,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /


&OBST XB = 6.0,8.0,0.0,0.25,2.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 8.0,12.0,0.0,0.25,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 12.0,14.0,0.0,0.25,2.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /

149
ANNEXE

&OBST XB = 14.0,28.0,0.0,0.25,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /


&OBST XB = 28.0,30.0,0.0,0.25,2.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 30.0,48.0,0.0,0.25,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 0.0,0.25,0.0,32.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 0.0,36.0,31.75,32.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 47.75,48.0,0.0,16.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 35.75,36.0,26.0,32.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 35.75,36.0,24.0,26.0,2.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 35.75,36.0,16.0,24.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 36.0,38.0,15.75,16.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 38.0,40.0,15.75,16.0,2.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /
&OBST XB = 40.0,48.0,15.75,16.0,0.0,3.5, SURF_ID=’WALL’ /

&OBST XB = 0.5,35.5,30.0,31.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /


&OBST XB = 0.5,2.0,0.5,27.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 4.0,6.0,4.0,12.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 8.5,11.5,2.0,8.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 8.5,11.5,10.0,16.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 5.0,7.0,18.0,22.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 5.0,7.0,24.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 8.5,11.5,20.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 16.0,20.0,5.0,21.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 16.0,20.0,23.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 22.0,24.0,23.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 26.0,28.0,23.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 30.0,32.0,23.0,28.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 22.0,32.0,18.0,21.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 22.0,28.0,13.0,16.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 30.0,32.0,13.0,16.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 22.0,24.0,3.0,10.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 26.0,28.0,3.0,10.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 22.0,28.0,0.5,2.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 30.0,44.0,0.5,2.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 30.0,33.0,3.0,10.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 34.0,37.0,3.0,10.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 39.0,43.0,3.0,11.0,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 46.0,47.5,0.5,15.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /
&OBST XB = 40.0,45.0,14.0,15.5,0.0,2.0, SURF_ID=’VETEMENTS’ /

&VENT SURF_ID=’OPEN’, XB = 6.0,8.0,0.0,0.0,0.0,2.0 /


&VENT SURF_ID=’OPEN’, XB = 12.0,14.0,0.0,0.0,0.0,2.0 /
&VENT SURF_ID=’OPEN’, XB = 28.0,30.0,0.0,0.0,0.0,2.0 /

&REAC ID=’REAC’,
C=3.0,
H=8.0,
O=0.0,
N=0.0,
SOOT_YIELD=0.02/

150
ANNEXE

&MATL ID=’Foyer’,
SPECIFIC_HEAT=4.0,
CONDUCTIVITY=0.07,
DENSITY=100.0,
HEAT_OF_COMBUSTION=3.5E4/

&SURF ID=’foyer’,
RGB=255,128,10,
HRRPUA=218.75,
RAMP_Q=’Foyer_RAMP_Q’,
MATL_ID=’Foyer’,
MATL_MASS_FRACTION=1.0,
THICKNESS=0.1/

&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=0.0, F=0.0/


&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=10.0, F=0.00111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=20.0, F=0.00444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=30.0, F=0.01/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=40.0, F=0.017777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=50.0, F=0.027777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=60.0, F=0.04/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=70.0, F=0.054444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=80.0, F=0.071111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=90.0, F=0.09/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=100.0, F=0.111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=110.0, F=0.134444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=120.0, F=0.16/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=130.0, F=0.187777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=140.0, F=0.217777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=150.0, F=0.25/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=160.0, F=0.284444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=170.0, F=0.321111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=180.0, F=0.36/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=190.0, F=0.401111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=200.0, F=0.4444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=210.0, F=0.49/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=220.0, F=0.537777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=230.0, F=0.587777/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=240.0, F=0.64/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=250.0, F=0.694444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=260.0, F=0.751111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=270.0, F=0.81/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=280.0, F=0.871111/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=290.0, F=0.934444/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=300.0, F=1.0/
&RAMP ID=’Foyer_RAMP_Q’, T=500.0, F=1.0/

&OBST XB =4.0,6.0,14.0,16.0,0.0,1.5,
SURF_ID6=’foyer’,’foyer’,’foyer’,’foyer’,’INERT’,’foyer’ /

151
ANNEXE

&SLCF PBZ=1.8, QUANTITY = ’INTEGRATED INTENSITY’/


&SLCF PBZ=1.8, QUANTITY = ’TEMPERATURE’/
&SLCF PBZ=1.8, QUANTITY = ’EXTINCTION COEFFICIENT’/

&TAIL /

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Modélisation de l’évacuation des personnes en situation d’incendie
Résumé

Ce travail, mené conjointement entre CNPP et le Laboratoire d’Énergétique et de Mécanique


Théorique et Appliquée, est consacré à la mise en place d’un modèle d’évacuation de personnes, dans
l’optique d’une application en Ingénierie de Sécurité Incendie. Le modèle de cheminement de
personnes développé dans ce manuscrit est un modèle physique reposant sur une équation de
conservation de la densité de personnes. Il est basé sur des hypothèses simples et réalistes résultant de
l’observation de mouvements de foule, et utilise une vision macroscopique des personnes caractérisées
par une densité moyenne. Ce modèle est mis en œuvre sur des cas de vérification et de comparaison
issus de la littérature. Des expériences d’évacuation sont réalisées à échelle réelle afin de récolter des
données quantitatives sur le mouvement des personnes et de valider de façon pertinente le modèle de
cheminement de personnes. En outre, une stratégie est proposée afin d’intégrer dans la modélisation
les contraintes thermiques et optiques liées au feu ainsi que leur impact sur le processus d’évacuation.
Enfin, des simulations d’évacuation intégrant les effets du feu sont effectuées sur une configuration à
grande échelle.

Mots-clés : sécurité incendie, évacuation, modélisation, validation expérimentale, visibilité,


comportement humain

Human egress modelling in fire situations


Abstract

This work was conducted as a collaboration between CNPP and the laboratory LEMTA. It was
devoted to the implementation of an emergency egress model offering prospects for use in Fire Safety
Engineering. The pedestrian movement model described in this manuscript is a physical model relying
on a people density balance equation. This model is based on three fundamental assumptions resulting
from pedestrian phenomena commonly observed, especially in crowds. Its mathematical formulation
assumes that people are regarded as a mean density in a macroscopic way. The pedestrian model was
tested on verification and comparison cases extracted from literature. Evacuation drills were also
performed at real scale without fire constraints to collect some quantitative data like egress times or
flows, and to validate the people motion model. Furthermore, a mathematical strategy is propounded
in order to integrate thermal and optical stresses into the evacuation model and to take into
consideration their incidence on evacuation processes. Finally, egress simulations are achieved on a
large-scale configuration considering different scenarios involving fires.

Keywords : fire safety, evacuation, modelling, experimental validation, visibility, human behavior

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