Évacuation Des Personnes en Cas D'incendie
Évacuation Des Personnes en Cas D'incendie
Évacuation Des Personnes en Cas D'incendie
d’incendie
Thomas Gasparotto
Contact : ddoc-theses-contact@univ-lorraine.fr
LIENS
THÈSE
présentée et soutenue publiquement le 13 février 2018
pour l’obtention du
par
Thomas GASPAROTTO
Composition du jury
Président: Olivier VAUQUELIN Professeur, Université d’Aix-Marseille, IUSTI
Avant toute chose, je tiens à remercier Pierre CARLOTTI, Bernard PORTERIE, Anne
THIRY-MULLER et Olivier VAUQUELIN pour leur participation à mon jury de thèse et pour
l’attention qu’ils ont portée à l’évaluation de mes travaux.
J’adresse un merci tout particulier aux nombreuses personnes que j’ai sollicitées pour la
mise en place de mes expériences d’évacuation à grande échelle. Ces expériences, qui se sont
déroulées avec le soutien de l’Ecole Nationale Supérieure d’Electricité et de Mécanique (EN-
SEM) et de l’Ecole Européenne d’Ingénieurs en Génie des Matériaux (EEIGM), ont été des
temps forts de ma thèse mais aussi des moments très agréables.
Pendant ces trois années de travail, j’ai eu la chance d’être bien entouré dans ma vie per-
sonnelle. Je n’oublierai pas les personnes qui, en dehors du laboratoire, ont contribué à leur
manière à l’aboutissement de mes travaux. Je pense notamment à ma cousine Camille, qui m’a
gentiment hébergé pendant un mois alors que mon appartement était en travaux. J’adresse éga-
lement une dédicace à mon "vieil" ami Thibaud (même s’il est né un jour après moi), que j’ai
eu le bonheur de croiser pendant six ans à Nancy et avec qui j’ai régulièrement partagé mes
galères de doctorant autour d’un café. Je me dois de remercier en particulier les personnes qui
m’ont soutenu au cours des derniers mois de la thèse et surtout pendant la phase de rédaction.
Petit clin d’œil à Alexandra qui a été présente pendant cette période cruciale et grâce à qui j’ai
eu la "patate" jusqu’au bout ! Bien évidemment, je remercie du fond du cœur Marianne qui n’a
cessé de me faciliter la vie ces derniers mois par son soutien moral mais aussi par son soutien
logistique, notamment à l’approche de la soutenance.
iii
J’en profite pour remercier chaleureusement celles et ceux qui m’ont consacré leur journée
ce mardi 13 février 2018 pour assister à ma soutenance... et pour fêter mon grade de docteur
dans la foulée !
Enfin, je tiens à remercier mes parents pour tout ce qu’ils m’apportent depuis maintenant 26
ans. Leur soutien infaillible pendant mes (longues) études a été un moteur tout au long de mon
parcours. Je suis bien conscient que c’est en grande partie grâce à eux que j’ai pu aller aussi
loin.
iv
Table des matières
Introduction générale 1
1 Contexte de l’étude 3
1.1 Pourquoi modéliser l’évacuation ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.1 Concepts de base de l’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.1.2 Retours d’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4
1.1.3 Intérêt de la modélisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.1.4 Objectifs de l’étude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
1.2 État de l’art sur la modélisation de l’évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Les éléments à modéliser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.2 Les modèles microscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
1.2.3 Les modèles macroscopiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
1.2.4 Pourquoi un modèle macroscopique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
1.3 Démarche suivie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2 Le modèle de cheminement 27
2.1 Bases du modèle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.1.1 Hypothèses de base et formulation mathématique . . . . . . . . . . . . 27
2.1.2 Diagramme fondamental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.1.3 Modèle à plusieurs populations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.2 Méthode de résolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
2.2.1 Algorithme général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.2 Définition de la géométrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.3 Définition du scénario . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.4 Calcul du champ des vitesses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.2.5 Transport de la densité de personnes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
2.3 Extension du modèle pour les fortes densités de personnes . . . . . . . . . . . 48
2.3.1 Notion de diffusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
2.3.2 Terme de diffusion pour une population . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
2.3.3 Extension au cas de plusieurs populations . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.4 Conclusion du chapitre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
v
TABLE DES MATIÈRES
4 Etude de la visibilité 91
4.1 Problématique de la visibilité en évacuation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4.1.1 Importance de la visibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
4.1.2 Les modèles de visibilité existants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
4.1.3 Objectifs et méthode retenue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2 Etude numérique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2.1 La PSF (Point Spread Function) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
4.2.2 La méthode de Monte Carlo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
4.2.3 Reconstruction d’images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
4.2.4 Analyse des images . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
4.3 Etude expérimentale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.3.1 Dispositif expérimental et protocole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
4.3.2 Modélisation de l’expérience . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107
4.3.3 Cas d’un objet lumineux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
4.3.4 Cas d’un objet réfléchissant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
4.4 Conclusion du chapitre et perspectives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
vi
TABLE DES MATIÈRES
Annexe 149
Bibliographie 153
vii
TABLE DES MATIÈRES
viii
Liste des symboles
ix
LISTE DES SYMBOLES
−
→n Vecteur normal sortant
−
→
Ur Direction réelle de déplacement
−→
Uth Composante de vitesse due aux contraintes thermiques
→
−
U Direction de la vitesse souhaitée
→
−
V Vecteur vitesse de marche souhaitée
→
−v Vecteur vitesse de marche réelle
−
→
x Vecteur position
∂Ω Frontière du domaine de calcul
∂Ωs Frontière entre le domaine de calcul et les sorties
∂Ωw Frontière entre le domaine de calcul et les obstacles
Φ Angle azimutal de diffusion [rad]
φg Flux de gêne [W.m−2 ]
φs Flux seuil [W.m−2 ]
ψ Limiteur de flux
ρ Densité de personnes [m−2 ]
ρc Densité de personnes critique [m−2 ]
ρini Densité moyenne de personnes initiale [m−2 ]
ρseuil Densité de personnes seuil [m−2 ]
ρsuies Masse de suies par unité de volume [kg.m−3 ]
ρs Densité de personnes à la sortie [m−2 ]
ρt Densité de personnes totale [m−2 ]
σ Coefficient de diffusion [m−1 ]
σE Écart-type de l’énergie reçue sur les échantillons [J]
σs Surface d’extinction spécifique de la fumée [m2 .g−1 ]
τ Transmittance
τrelax Temps de relaxation [s]
τr Temps de réaction [s]
Θ Angle polaire de diffusion [rad]
θ Angle polaire [rad]
θmax Angle maximal d’émission des quanta [rad]
ρ̃ Estimation de la densité de personnes aux interfaces
ϕ Angle azimutal [rad]
ζ Potentiel
C Contraste
x
LISTE DES SYMBOLES
xi
LISTE DES SYMBOLES
xii
LISTE DES SYMBOLES
xiii
LISTE DES SYMBOLES
xiv
Table des figures
xv
TABLE DES FIGURES
xvi
TABLE DES FIGURES
xvii
TABLE DES FIGURES
5.15 Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25
m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136
5.16 Flux de personnes à travers les 3 sorties pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25 m.−1 s,
ρc = 5,4 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
5.17 Répartition spatiale de la densité de personnes (m−2 ) dans le bâtiment à l’instant
t = 100 s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
5.18 Loi densité-vitesse utilisée dans le scénario n◦ 3 . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.19 Diagramme fondamental utilisé dans le scénario n◦ 3 . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.20 Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.−1 s,
ρc = 3 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.21 Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.−1 s, ρc
= 3 m−2 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
5.22 Relations densité-vitesse utilisées dans le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . . . . 140
5.23 Diagrammes fondamentaux utilisés dans le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . . . . 140
5.24 Taux de personnes sorties au cours du temps pour la population 1 (V0 = 1,25
m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) et pour la population 2 (V0 = 0,6 m.−1 s, ρc = 5,4 m−2 ) . . 141
5.25 Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 4 . . . . . . . . . . 141
xviii
Liste des tableaux
xix
LISTE DES TABLEAUX
xx
Introduction générale
Le travail de thèse présenté dans ce manuscrit s’attache à la description d’un modèle de che-
minement de personnes basé sur une représentation macroscopique des individus et intégrant
des contraintes spécifiques liées au développement d’un incendie. Ce travail a bénéficié d’un
financement par une convention CIFRE dans le cadre d’une collaboration entre le LEMTA (La-
boratoire d’Énergétique et de Mécanique Théorique et Appliquée) et le groupe CNPP. Le pré-
sent manuscrit retrace les différents travaux effectués au cours de cette thèse et s’articule autour
de cinq chapitres. Le premier chapitre est une introduction au sujet de thèse. Les deux chapitres
suivants s’attachent au modèle de cheminement de personnes en dehors des contraintes liées au
feu, qui sont quant à elles introduites dans les deux derniers chapitres.
1
INTRODUCTION GÉNÉRALE
étude face à l’essor de l’ingénierie d’évacuation. Un état de l’art recense les différents éléments
constitutifs d’un modèle d’évacuation dédié à l’incendie, et détaille les différentes approches
utilisées à l’heure actuelle pour les modéliser. On insistera en particulier sur les atouts d’une
approche macroscopique vis-à-vis de nos objectifs.
Le modèle de cheminement mis en place est alors soumis à une phase de vérification et
de validation, que l’on présente dans le troisième chapitre. Les cas de vérification effectués
permettent de tester une à une les différentes fonctionnalités du modèle sur des configurations
très simples. Le modèle est ensuite validé par confrontation entre la simulation numérique et
des expériences réalisées à différentes échelles. Des essais ont d’abord été effectués à petite
échelle dans une pièce avec des effectifs restreints, afin d’avoir une première idée de la validité
du modèle. Par la suite, des expériences ont été menées à moyenne échelle dans un ensemble
pièces-couloir avec des effectifs de plusieurs dizaines de personnes et en considérant différents
scénarii. La fin du chapitre relate un ensemble de simulations destinées à tester la sensibilité du
modèle de cheminement à ses paramètres d’entrée.
Le cinquième chapitre introduit dans le modèle les contraintes liées au feu dans un sens
plus large, puisqu’il inclut les contraintes optiques (opacité des fumées) et thermiques (flux
thermique, température). Dans un premier temps, on rappelle l’impact des différents effluents
du feu sur les individus et sur leur capacité à évacuer. On propose dans un second temps une
stratégie afin d’intégrer les contraintes liées à l’incendie dans l’algorithme de cheminement des
personnes. Enfin, on met en œuvre le modèle complet sur un cas de démonstration à grande
échelle.
2
Chapitre 1
Contexte de l’étude
L’objectif de ce chapitre introductif est de situer le contexte, les enjeux et les objectifs de
notre recherche. Dans une première section, on s’attachera à la définition et à l’observation des
différentes phases constituant un processus d’évacuation. Cela nous amènera à identifier les
principaux points à étudier dans l’optique de la modélisation et à définir les objectifs du travail
de recherche. Dans un deuxième temps, on passera en revue les différentes stratégies utilisées
pour modéliser l’évacuation des personnes, en distinguant deux grandes classes de modèles -
microscopique et macroscopique - et en précisant les atouts d’un modèle macroscopique continu
vis-à-vis de nos objectifs. On présentera finalement la démarche globale adoptée au cours de ce
travail.
La norme EN ISO 13943 définit également les concepts de refuge sûr et de zone de sécurité,
ainsi que les durées caractéristiques RSET et ASET.
– Refuge sûr : emplacement temporaire qui est à l’abri d’un danger immédiat dû aux effets
de l’incendie.
– Zone de sécurité : zone sans danger et depuis laquelle il est possible de se déplacer
librement sans être exposé à un incendie.
– Temps nécessaire pour l’évacuation en sécurité, ou RSET (Required Safe Escape
Time) : temps nécessaire pour évacuer. Durée calculée nécessaire à un occupant pour
passer de son emplacement au moment du départ de feu à un refuge sûr ou une zone de
sécurité.
– Temps disponible pour l’évacuation en sécurité, ou ASET (Available Safe Evacua-
tion Time) : temps disponible pour évacuer. Pour un occupant individuel, l’intervalle de
temps calculé entre le moment du départ de feu et le moment où les conditions sont telles
que l’occupant se trouve dans l’incapacité d’exécuter une action efficace d’évacuation
vers un refuge sûr ou une zone de sécurité.
3
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
On peut alors considérer ici que plus la marge est importante, plus les conditions de sécu-
rité des personnes seront bonnes au cours de leur évacuation. On notera qu’une marge négative
signifie que les personnes seront amenées à rencontrer au cours de leur cheminement des condi-
tions remettant en cause leur sécurité.
Il est important de noter que la simple comparaison entre RSET et ASET n’est pas forcé-
ment un critère pertinent, car il sous-entend un découplage entre les phénomènes d’évacuation
et d’incendie. Or, dans le cas où un incendie se développe dans un bâtiment, les conditions
d’évacuation des personnes peuvent être largement remises en cause par la propagation des
effluents du feu et par les aspects humains qui en découlent.
4
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
dans notre étude dans la mesure où elles précèdent l’évacuation et n’ont pas d’impact sur les
individus.
En revanche, plusieurs études scientifiques ont été menées dans le but d’identifier et de
comprendre les phases de pré-mouvement et de cheminement. Cette observation permet de
discerner les comportements des individus entre le signal d’alarme et leur sortie, mais aussi
les mécanismes plus "physiques" qui régissent le cheminement des personnes. L’étude expéri-
mentale de l’évacuation est essentiellement basée sur l’analyse vidéo de différentes situations
(expériences programmées, exercices dédiés à la formation incendie, situations réelles de feu).
Les références [2–6] présentent des résultats d’analyse vidéo dans diverses configurations qui
permettent d’aboutir à plusieurs constats généraux :
– A l’audition d’un signal d’alarme, les personnes peuvent effectuer des actions très di-
verses avant de cheminer vers une sortie. Le temps de pré-mouvement est très variable
selon les individus et le contexte (quelques secondes à plusieurs minutes) et peut être
supérieur au temps de trajet de la personne vers la sortie.
– Les personnes empruntent généralement la sortie qui leur est familière, notamment lors-
qu’elles connaissent peu ou mal les lieux.
– Les personnes ont tendance à se regrouper avec leurs amis ou collègues avant ou pendant
l’évacuation.
Dans le cadre de cette étude, ces différents points ont pu être observés au cours d’un exer-
cice réalisé à grande échelle dans le milieu universitaire. Cet exercice s’est tenu en septembre
2015 dans une école d’ingénieurs à Nancy, et faisait partie des exercices de sensibilisation obli-
gatoires dans les établissements scolaires et universitaires. L’école concernée est un bâtiment de
type R sur quatre niveaux comprenant un sous-sol, et rentre dans la catégorie des ERP. L’exer-
cice s’est déroulé un lundi après-midi à 14h30, alors que 382 personnes (essentiellement des
étudiants et des membres du personnel) se trouvaient dans le bâtiment. L’exercice présentait
une originalité : une halle située au rez-de chaussée a été enfumée à l’aide d’un fumigène, et
des sapeurs-pompiers ont eu l’occasion d’intervenir dans le cadre d’un exercice de sauvetage
factice de victime (simulation). Quinze caméras autonomes ont été placées à des endroits stra-
tégiques avant le déclenchement de l’alarme, dans le but de compter le nombre de personnes
présentes dans l’établissement, de relever les temps de passages et les flux de personnes au
niveau des sorties (données quantitatives), mais aussi d’observer les comportements des per-
sonnes au cours de l’évacuation (données qualitatives). La figure 1.2 montre une image prise
lors de l’évacuation par l’une des caméras placée au deuxième étage du bâtiment.
On présente, sur la figure 1.3, l’évolution du nombre de personnes ayant quitté le bâtiment
au cours du temps.
Le bâtiment a été complètement évacué 4 minutes et 30 secondes après le déclenchement
de l’alarme, ce qui représente un temps tout à fait correct pour un établissement de ce type et
un effectif de 382 personnes. Aucun incident notable ni mouvement de panique n’a été observé.
Toutefois, l’analyse des images fournies par les 15 caméras a permis plusieurs constats :
– 95 % des occupants ont emprunté la sortie principale du bâtiment, tandis que 3 autres sor-
ties étaient disponibles. Seuls 5% des occupants ont utilisé l’issue de secours disponible
au rez-de chaussée, alors que la quasi-totalité de ceux-ci est censée connaître parfaitement
les lieux. Deux des quatre sorties disponibles n’ont pas été utilisées ;
– Les personnes cheminent généralement par groupes de 2 ou 3 individus, tout en discutant
avec leurs voisins ;
– Certaines personnes font demi-tour sans raison apparente au cours de leur évacuation et
marchent donc à contre-courant du flux principal ;
– Des embouteillages se sont formés à plusieurs endroits dans le bâtiment, comme illustré
5
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
F IGURE 1.2 – Exercice d’évacuation d’une école, effet de congestion dû à un passage de porte
palière
sur la figure 1.2. Dans ces situations, on a constaté que les personnes sont restées immo-
biles en file indienne et n’ont pas tenté de comprendre la raison des ralentissements, de
contourner les zones saturées ou de trouver une autre voie d’évacuation.
Même si l’évacuation du bâtiment s’est bien déroulée dans son ensemble, l’observation de
l’exercice laisse penser que des comportements individuels et collectifs plus adaptés auraient
pu permettre de réduire le temps global d’évacuation.
6
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Dans le cas d’un ERP, l’un des moyens les plus sûrs pour faciliter la sortie des personnes
reste donc un agencement pertinent des locaux et un bon dimensionnement des moyens rela-
tifs à l’évacuation. Si le nombre, la largeur et le signalement des issues ainsi que les longueurs
de cheminements sont les principaux paramètres affectant le déroulement d’une évacuation,
l’agencement des cheminements peut également avoir un impact significatif. Le paradoxe de
Braess [7, 8], selon lequel l’installation d’un poteau ou d’un obstacle à proximité d’une issue
aurait tendance à fluidifier la circulation des personnes et à diminuer le temps de sortie, en est
un exemple. En amont d’un projet de construction, il semble donc pertinent de s’intéresser à la
conception et au dimensionnement des moyens d’évacuation, ainsi qu’à leur influence sur les
temps d’évacuation.
7
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
8
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Le milieu à évacuer
C’est le "cadre" de l’évacuation. Le compartiment à évacuer doit être connu de la façon la
plus détaillée possible, afin d’en proposer une modélisation la plus fidèle possible à la réalité.
Ce compartiment correspond à la zone dans laquelle des individus seront susceptibles de se
trouver aux abords du foyer ou soumis aux effets du feu. La norme NF EN ISO 13943 définit
le compartiment feu comme un espace clos, qui peut être compartimenté, séparé des espaces
adjacents par des parois de séparation coupe-feu [1].
Le mouvement
Le mouvement des individus peut être modélisé grâce à différentes méthodes mathéma-
tiques (qui seront décrites dans la section suivante). Néanmoins, ces différentes stratégies de
modélisation doivent prendre en compte les paramètres humains liés à la marche à pied. Les
principaux paramètres permettant de caractériser les mouvements de personnes sont la vitesse
de marche et la densité de personnes.
9
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Ainsi, la vitesse de marche libre est une grandeur qui peut varier de façon significative d’un
individu à l’autre, en fonction :
– du sexe : les hommes se déplacent en moyenne plus vite que les femmes.
– de l’âge : un adulte se déplace en moyenne plus rapidement qu’un enfant ou qu’une
personne âgée.
– de sa destination et de sa familiarité avec son trajet : une personne se rendant à son travail
se déplace plus rapidement qu’un touriste ou qu’un promeneur.
– de sa culture : les vitesses de marche moyennes varient beaucoup selon les pays.
Daamen [12] a réalisé une synthèse de différents résultats expérimentaux issus d’essais me-
nés dans plusieurs pays. Ces essais consistent à mesurer la vitesse de marche libre de personnes
constituant des échantillons représentatifs de la population dans un couloir non encombré. Cette
synthèse met en évidence les différences qui existent entre les pays, représentées dans la table
1.1.
A partir de ces données, il a été établi que la vitesse de marche suit une loi normale de
moyenne 1,34 m.s−1 et d’écart-type 0,37 m.s−1 . Cette valeur moyenne est en bon accord avec
la valeur déterminée par Weidmann [13] (1,34 m.s−1 ) ou encore Henderson [14] (moyenne de
1,34 m.s−1 et écart-type de 0,26 m.s−1 ). L’étude montre également que la vitesse moyenne d’un
homme est de 10% supérieure à celle d’une femme.
On dispose également de quelques données concernant les vitesses de marche libre dans des
infrastructures plus complexes, comme les escaliers. D’après Pauls [15], la vitesse de marche
libre dans un escalier comporte une composante horizontale d’environ 0,9 m.s−1 , et une com-
posante verticale d’environ 0,6 m.s−1 . Ces valeurs empiriques dépendent en réalité des carac-
téristiques de l’escalier (hauteur des marches et largeur de l’escalier notamment). On notera
que d’après Lovas [16], plusieurs études montrent que les vitesses de marche libre diffèrent
peu quand on monte ou quand on descend un escalier, et que dans ces deux cas, la composante
horizontale de vitesse est réduite d’environ 50% par rapport à la marche sur le plat.
10
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
férieure à 0,4 m−2 . Il a ainsi mis en place 6 niveaux de service représentés dans la table 1.2 [18].
On observe bien sur cette courbe la présence d’une densité seuil ρseuil au delà de laquelle le
débit est ralenti. On observe également l’existence d’une densité critique ρc qui annule le débit.
Cette densité critique correspond à une situation de saturation dans laquelle les individus ne
bougent plus.
Les valeurs de ρc trouvées dans la littérature varient de 3, 9 m−2 [19] à 6, 25 m−2 . On re-
tiendra la valeur de Weidmann [13], égale à 5, 4 m−2 et qui représente donc un bon compromis
dans cet intervalle de valeurs. On notera également que cette valeur ρc est plus faible dans un
escalier, et ne peut guère y dépasser 3 m−2 [20].
En terme de vitesse, les différentes études menées aboutissent à des lois densité-vitesse
décroissantes se rapprochant de lois linéaires du type :
V (ρ) = V0 − aρ (1.3)
Le comportement
La notion de comportement est fondamentale en évacuation, car elle définit les décisions
des individus et influence par conséquent fortement les mouvements individuels et collectifs.
Ceci est encore plus vrai dans le cas de l’incendie, où les effets dus à l’urgence et la panique
qu’il engendre sont multipliés.
11
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
12
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Notions de comportement
Différentes études sur le comportement des piétons (en particulier dans les milieux encombrés)
ont permis de dégager des caractéristiques générales sur le comportement.
3. Un piéton cherche à conserver autour de lui un certain espace et tend à maintenir avec les
autres individus une distance sociale minimale, qui dépend de la densité.
4. Dans le cas d’un engorgement ou d’une forte densité, une personne seule peut chercher à
se faufiler entre les gens pour avancer plus vite [25].
5. Un piéton évite de faire demi-tour et de marcher à contre courant dans un lieu encom-
bré. Toutefois, lorsque plusieurs personnes ou plusieurs groupes se déplacent à contre-
courant, on observe la formation spontanée de lignes d’individus se dirigeant dans la
même direction, ce qui contribue à la fluidification du trafic : on parle de phénomène
d’auto-organisation. Ce phénomène a été mis en évidence dans plusieurs études [26] et
est illustré sur la figure 1.6.
6. Lorsqu’une foule dense tente de traverser un passage étroit (une porte par exemple), les
individus ont tendance à contourner le bouchon pour passer sur le coté, tout en exerçant
une pression sur le bouchon. Cela conduit à la formation d’un arc de cercle autour de la
porte (figure 1.7).
7. Une foule n’est pas constituée uniquement d’entités individuelles, mais également de
groupes d’individus hiérarchisés (famille) ou non (collègues, amis). Ces groupes ont ten-
dance à se comporter comme une entité à part entière, et à tenter de se regrouper quand
ils se trouvent séparés [27].
8. Dans le cas où une ouverture est traversée par deux foules se déplaçant en sens contraires,
une alternance des sens de circulation à travers la porte se forme spontanément, ce qui
engendre un phénomène d’oscillation [28].
9. Lorsque des individus tournent dans un angle, ils ralentissent leur allure, ce qui accroit
la densité de personnes au niveau de l’angle. Ce phénomène est connu sous le nom de
"corner hugging" [29].
Ces différents traits de comportement listés ici sont assez généraux. En particulier, il est
important de vérifier que l’on retrouve ces différents comportements dans les modèles d’éva-
cuation (notamment les points 1, 2, 4 et 6).
13
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
F IGURE 1.7 – Formation d’un arc autour d’un passage étroit [26]
14
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
A partir de l’audition d’un signal d’alarme, et après un court temps de réaction (que l’on peut
considérer négligeable dans un processus d’évacuation), le comportement de pré-mouvement
peut jouer un rôle déterminant sur les conditions d’évacuations. D’après Kobes [4], un processus
d’évacuation retardé par un temps de pré-mouvement trop long a été l’une des causes partielles
de décès lors de plusieurs incendies survenus aux Etats-Unis. Au cours de la phase de pré-
mouvement, différents comportements ont déjà été observés [30] :
– stopper ses activités (arrêter des machines, terminer rapidement une tâche),
– ranger des affaires en sécurité (afin de ne pas les laisser sans surveillance),
– chercher des informations sur l’origine du signal d’alarme,
– alerter les autres occupants,
– consulter les plans d’évacuation,
– attendre de l’aide (en particulier pour les personnes à mobilité réduite),
– combattre le feu (lorsque celui-ci se trouve à proximité immédiate),
– porter assistance aux autres occupants,
– préparer son évacuation (prendre des affaires, fermer les fenêtres et portes),
– continuer ses occupations.
Une synthèse des temps de pré-mouvements [30] récoltés dans différentes situations réelles
(restaurant, université, supermarché, immeuble, théâtre) révèle que ceux-ci peuvent varier de
quelques secondes à quelques minutes. On notera que ce temps de pré-mouvement est de l’ordre
de 30 secondes à 1 minute dans des établissements de petite taille, où la communication entre
les occupants est facilitée. Il peut en revanche être plus élevé (de l’ordre de 2 minutes) dans le
cas d’infrastructures plus grandes (immeubles, centres commerciaux) où la communication se
fait moins facilement et où la prise de conscience du danger n’est pas immédiate.
Cette prise de conscience du feu, qui dépend de la nature et du nombre de sources d’alerte,
mais aussi de chaque individu et de sa position par rapport au foyer, est malheureusement as-
sez longue en général, du fait du concept de démenti. Ce concept consiste à renier l’existence
du danger malgré l’audition d’un signal d’alarme et à rechercher les causes de l’alerte au lieu
d’entreprendre une évacuation [31]. D’après Proulx [32], l’émission d’un signal d’urgence dans
un ERP ne suffit pas en général pour déclencher l’évacuation des personnes, qui attendent de
percevoir des indicateurs plus significatifs de l’urgence (message d’alarme pré-enregistré, vue
des flammes ou de la fumée).
A partir du moment où les personnes décident d’entreprendre une évacuation, leur compor-
tement va guider leurs décisions (choix d’une sortie et du chemin y conduisant). Ces décisions
sont prises suite à une analyse de la situation : configuration des locaux (dégagements dispo-
nibles), propagation du feu et de ses effets, présence des autres occupants. Cette analyse est
toutefois rendue difficile pour trois raisons [31] :
– le temps disponible pour la prise de décision est très court du fait de l’urgence ;
15
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
– l’information sur laquelle repose la prise de décision est partielle, ambiguë et inhabi-
tuelle ;
– l’enjeu est très important (survie des personnes).
Ces prises de décision peuvent être facilitées si le dispositif de sécurité est suffisamment ef-
ficace (signaux lumineux, pictogrammes indiquant les sorties, personnel formé à l’évacuation).
Enfin, il convient d’évoquer ici la notion de panique. Il semble normal de considérer que
la panique constitue a priori un facteur influent sur les conditions de l’évacuation et les déci-
sions individuelles. Néanmoins, de nombreuses études [33] [34] [35] minimisent l’impact de
la panique dans le cas de l’incendie. En effet, les retours d’expériences effectués montrent que
le comportement de panique est rare, notamment au début du développement du feu. Dans
cette période, les individus ont l’espoir de sortir vivants et ne sont pas inhibés par la panique.
Ce phénomène peut en revanche intervenir lorsque les individus voient leurs chances de sur-
vie soudainement réduites par un phénomène humain (blocage au niveau d’une sortie) ou lié à
la propagation de l’incendie. Dans ce cas, la panique peut devenir collective et engendrer des
comportements inadaptés (disparition de la structure de groupe et de l’entraide, individualisme),
avec des conséquences dramatiques.
16
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
des brûlures de la peau. Ce flux thermique doit être intégré au cours de l’évacuation d’un
individu afin de bien prendre en compte son effet incapacitant.
La plupart des gaz de combustion (CO2 , CO, HCN) ont un effet asphyxiant en empêchant
le bon transport de l’oxygène dans l’organisme. Les suies, si elles sont présentes en fortes
quantités, peuvent s’agréger jusque dans les alvéoles pulmonaires et y former des barrières mé-
caniques bloquant l’arrivée d’air. D’autres substances, qualifiées d’irritantes (comme le HCl,
le NO2 ou le SO2 ), enflamment les tissus et les organes. Enfin, les substances narcotiques pro-
voquent une diminution des capacités physiques des individus. Les effets toxiques du feu sur
les personnes se manifestent principalement par des maux de tête, des vertiges et des pertes de
connaissance. Notons également que la raréfaction de l’oxygène est l’un des principaux facteurs
asphyxiants en cas d’incendie dans un milieu confiné.
La visibilité joue également un rôle très important dans l’évacuation, car sa dégradation
entraîne des pertes d’orientation et de repères pour les occupants, ce qui provoque un ralentis-
sement des individus et donc du processus d’évacuation. La dégradation de la visibilité empêche
également les personnes de voir la signalétique adaptée à l’incendie (panneaux lumineux, pic-
togrammes de sécurité). De plus, elle induit un fort impact psychologique sur les individus, qui
n’osent pas pénétrer dans des milieux sans visibilité.
17
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
A l’inverse, les modèles microscopiques (que l’on appelle parfois modèles "agents") re-
gardent les personnes comme des entités individuelles, qui ont leur propre stratégie d’évacua-
tion et leur propre comportement. L’approche individuelle permet une plus grande liberté dans
la modélisation du mouvement et du comportement. Elle permet également la considération
d’interactions entre personnes. La plupart des outils numériques existants sont basés sur des
modélisations microscopiques.
D’autres critères peuvent être utilisés pour différencier les modèles en plusieurs catégories :
– Représentation microscopique ou macroscopique des individus
– Représentation de l’espace discrète ou continue
– Représentation du temps discrète ou continue
– Modèles déterministes ou stochastiques
– Prise en compte ou non des facteurs humains
– Prise en compte ou non des contraintes liées au feu
– Domaine d’application des modèles (établissements publics, immeubles de grande hau-
teur, transports en commun)
– Classement en fonction des données de sortie
Dans la suite de ce chapitre, on présentera les différents modèles d’évacuation existants en
distinguant les deux grandes approches qui s’opposent : les modèles microscopiques et macro-
scopiques.
Le modèle lagrangien
Le modèle de forces sociales, introduit par Helbing [38, 39], est un modèle de type Lagran-
gien qui consiste à décrire le mouvement de chaque individu par une équation différentielle du
mouvement faisant intervenir différentes forces. Dans ce modèle, les individus sont schématisés
géométriquement par un disque (ou une ellipse) dont la dimension est représentative de celle du
corps, et l’équation différentielle qui régit leur mouvement est de la forme :
d2 −
→
xi (t) −− m
−→ X −−soc −−→ X −−−→
mi = f i (t) + f ij (t) + fw (t) (1.4)
dt2 j6=i j6=i
Cette équation comprend un terme de force motrice qui pousse l’individu vers son objectif
(sa sortie souhaitée), un terme de forces sociales qui caractérise les interactions attractives ou
répulsives entre l’individu et les personnes comprises dans son voisinage (figure 1.8), et un
terme de force répulsive entre l’individu et les murs et obstacles qui l’entourent. La force sociale
répulsive entre deux individus augmente lorsque la distance qui les sépare diminue.
18
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Le modèle de forces sociales est continu en espace dans la mesure où il ne nécessite pas
de discrétisation spatiale. La résolution numérique de l’équation du mouvement nécessite en
revanche une discrétisation temporelle. Le modèle de forces sociales a été l’objet de nombreux
travaux de recherches [40–42]. Il est notamment mis en place dans le code de calcul EVAC [43]
développé par le VTT (Technical Research Centre of Finland) qui est un module d’évacuation
couplé au code FDS (Fire Dynamics Simulator) développé par le NIST (National Institute of
Standards and Technology).
Les automates cellulaires sont des "systèmes" discrets utilisés en automatique qui cherchent
à modéliser le comportement de systèmes dynamiques. On peut définir un automate cellulaire
comme une grille constituée de cases qui peuvent prendre des valeurs dans un ensemble fini,
appelé alphabet de l’automate. L’évolution dans le temps de la grille est régie par des lois de
passage. Un automate cellulaire est donc caractérisé par une discrétisation spatiale (cases dis-
crètes appelées cellules) et une discrétisation temporelle (l’état de la grille étant calculé à des
instants échantillonnés). La loi de passage permettant de déterminer l’état de l’automate entre
deux instants repose sur le principe suivant : la valeur d’une cellule x à l’instant t + δt est fonc-
tion des valeurs à l’instant t des cellules comprises dans un certain voisinage de la cellule x.
La particularité d’un automate cellulaire est que la loi de passage s’applique de façon similaire
à toutes les cellules de la grille. A partir d’un état initial, un automate peut "converger" vers
un état stable (la valeur de chaque cellule devient constante au cours du temps) ; il peut aussi
prendre un comportement cyclique, ou dans certains cas devenir chaotique.
Les automates cellulaires, qui sont toujours l’objet d’importantes recherches en automa-
tique et en informatique, constituent une approche relativement séduisante pour modéliser les
mouvements de piétons. De nombreux travaux ont été réalisés sur l’utilisation des automates
cellulaires en modélisation des mouvements de piétons [44–50]. Le milieu à évacuer y est re-
présenté sous la forme d’une grille constituée de cellules carrées. La dimension des cellules est
telle qu’elles ne peuvent contenir qu’une seule personne. En plus d’une discrétisation spatiale,
les modèles reposent également sur une discrétisation temporelle. Toutes les cellules évoluent
simultanément entre deux pas de temps.
A chaque pas de temps, une case est vide ou occupée par une personne. Ainsi, une cellule ne
peut prendre que deux valeurs : 0 ou 1. Les individus peuvent, entre deux instants, se déplacer
d’une cellule vers une cellule voisine ou rester sur place. Le choix d’une nouvelle cellule dans le
voisinage est effectué le plus souvent à partir d’un tirage aléatoire ou d’une règle de transition.
La figure 1.9 illustre un exemple d’automate cellulaire où les transitions depuis une cellule se
font dans son voisinage de Moore (voisinage constitué des 8 cellules contiguës).
19
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Les premières tentatives de modélisation en évacuation, qui datent du début des années
1970, reposaient essentiellement sur une représentation macroscopique des personnes. L’ap-
proche macroscopique considère un groupe de personnes comme un ensemble, où les caracté-
ristiques individuelles sont remplacées par des vitesses moyennes, des flux de personnes et des
densités de personnes. C’est Fruin [17] qui, le premier, a introduit le concept de représentation
macroscopique. Ainsi, dans les années 1970, Predjentschenskii et Milinskii [51] ont proposé
des relations entre la densité de personnes au sein d’un groupe, le nombre de personnes à éva-
cuer et les caractéristiques géométriques du lieu. Togawa [52], lui, a proposé des corrélations
liant la vitesse moyenne de marche d’un groupe et la densité de personnes.
N L
tevac = + (1.5)
F l V (ρ)
Avec tevac le temps total d’évacuation, N le nombre de personnes à évacuer, F le débit à travers
une porte en personnes par seconde et par unité de largeur, l la largeur de la porte, L la distance
séparant la première personne à évacuer de la porte, et V (ρ) la vitesse de marche dans une foule.
Cette vitesse V (ρ) est définie à partir d’une vitesse de marche sans entrave V0 = 1, 3 m/s et
du nombre de personnes au mètre carré ρ. Dans le cas où la pièce à évacuer comporte plusieurs
sorties, cette corrélation n’est valable que si chaque personne choisit la sortie la plus proche
de sa position initiale. Dans ce cas, il faut calculer tevac pour chaque porte prise séparément, le
temps d’évacuation total étant alors égal au tevac maximal.
Par la suite, Pauls [53] a mis en place d’autres corrélations entre le débit de personnes, le
temps de déplacement, et la largeur des voies de circulations, escaliers et ouvrants.
Les travaux réalisés concernant la description des comportements humains et les progrès ef-
fectués dans la simulation numérique ont progressivement ouvert la voie aux outils numériques
de simulation dédiés à l’évacuation. Bien que les codes de calcul actuels soient en grande partie
fondés sur une approche microscopique, les modèles macroscopiques sont toujours l’objet de
développements et de travaux de recherche.
20
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Les modèles de réseau sont basés sur la théorie des graphes. La théorie des graphes est
une théorie mathématique issue de la branche des mathématiques discrètes, qui est utilisée pour
résoudre des problèmes où apparaît la notion de réseau (réseau social, réseau de communication,
réseau routier..). Cette théorie constitue aujourd’hui un corpus de connaissances très important,
dont l’une des plus célèbres illustrations est le problème des ponts de Königsberg. C’est donc
tout naturellement que les modèles de réseau ont été utilisés pour résoudre des problèmes de
cheminement de personnes. La théorie des graphes consiste à représenter un problème par un
graphe, constitué de points (appelés noeuds) reliés par des flèches (appelées arcs). A ces arcs
peuvent éventuellement être affectés une capacité (quantité maximale transportable par l’arc)
et un coût. L’un des problèmes classiques de la théorie des graphes consiste alors à relier deux
nœuds du graphe par un chemin de coût minimal. Dans le cas des modèles de réseau utilisés en
simulation de l’évacuation [54–57], les nœuds représentent généralement les différentes pièces
du compartiment et sont donc associés à leur capacité maximale (nombre maximal de personnes
que peut contenir la pièce) et leur effectif initial (nombre de personnes présentes au début de
la simulation). Les arcs, quant à eux, représentent les passages d’une pièce à l’autre ; ils sont
caractérisés par leur capacité maximale (le flux de personnes maximal pouvant passer d’une
pièce à l’autre) et leur coût (en général le temps de passage entre les pièces). Un exemple de
graphe dessiné avec le logiciel EVACNET+ est représenté sur la figure 1.10.
F IGURE 1.10 – Représentation d’un immeuble de trois étages par le logiciel EVACNET+ [54]
Les modèles de réseau se basent alors sur les algorithmes spécifiques de la théorie des
graphes (recherche du plus court chemin, problèmes de flots de coût minimal) pour résoudre
le problème de cheminement ; il s’agit en général du calcul du temps d’évacuation nécessaire
minimal. Concrètement, il s’agit de déterminer comment les flux de personnes doivent être
transportés le long des arcs afin que les personnes atteignent une zone de sécurité le plus rapi-
dement possible. Cette approche est donc essentiellement utilisée pour résoudre des problèmes
d’optimisation.
21
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
∂ρ
+ div(ρ− →
v)=0 (1.7)
∂t
où −
→v désigne le champ de vitesse de marche des personnes (définie localement). Dans le
cas de l’évacuation, le champ des vitesses doit ici prendre en compte les spécificités du compor-
tement humain : on parle de fluide "pensant". Les personnes se déplacent en suivant un objectif
bien précis, mais sont susceptibles de modifier leur trajet pour s’adapter à leur environnement
(contournement d’un obstacle, ralentissement du à la présence des autres personnes). Le calcul
des vitesses de déplacement doit tenir compte de ces éléments. La vitesse de marche − →v est donc
définie localement comme l’opposée d’un gradient de potentiel ζ selon l’équation :
−
→ →
−
v = −k−
→
v k ~∇ ζ (1.8)
Le potentiel ζ dépend donc de la distance ou du temps de parcours jusqu’à l’objectif souhaité
(il diminue lorsqu’on se rapproche de l’objectif) mais aussi de la densité de personnes locale,
qui constitue une gêne à partir d’une certaine valeur et oblige à ralentir sa marche. On peut
considérer que, en un point donné du domaine, le potentiel ζ représente le coût (assimilable à
→
−
une distance ou un temps) du trajet entre ce point et la sortie. La relation −
→
v = − ~∇ ζ signifie
donc qu’une personne adapte en permanence sa vitesse de marche dans le but de minimiser le
coût de son trajet.
Les travaux de Hughes ont inspiré de nombreuses recherches, essentiellement dans le do-
maine des mathématiques. Les bases de ce modèle ont en effet été reprises et ont fait l’objet de
plusieurs développements. On distingue notamment deux sous-catégories de modèles macro-
scopiques, utilisant des mises en équations légèrement différentes.
La formulation du modèle de premier ordre a été proposée par Hughes [59], qui se base sur
les trois hypothèses suivantes :
1. Une personne se déplace à une vitesse qui ne dépend que de la densité de personnes
environnante.
2. Les personnes ont une bonne appréhension de leur environnement : elles perçoivent bien
la distance qui les sépare de la sortie et la densité de personnes le long de leur trajet
3. Les personnes cherchent à minimiser leur temps de trajet en évitant si besoin les zones de
fortes densités.
22
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Cette formulation a par la suite été reprise dans divers travaux mathématiques [60–62].
D’un point de vue mathématique, le modèle prend la forme d’une équation de conservation
de la densité de personnes, fermée par une relation densité-vitesse :
∂ρ + div(ρ−
→v)=0
∂t (1.9)
−→ →
−
v = V (ρ) U
→
−
où U désigne la direction souhaitée des personnes en un point donné, déterminée par la
relation :
→
−
−
→ ~ ζ
∇
U =− −
→ (1.10)
k ~∇ ζk
ζ désigne ici le potentiel, ou coût du trajet. Différentes méthodes peuvent être utilisées selon
les modèles pour calculer le champ de potentiel ; celui-ci correspond généralement à la distance
ou au temps de parcours estimé jusqu’à la sortie du domaine.
Ce système d’équations fait apparaître une fonction (ici notée V ) qui est une relation empi-
rique entre vitesse de marche et densité de personnes environnante. Différentes relations de ce
type ont été établies dans la littérature [12]. Cette fonction V doit respecter les trois conditions
suivantes :
V (0) = V0
V (ρc ) = 0
(1.11)
dV (ρ)
≤0
dρ
Le modèle du second ordre en temps est également basé sur une conservation de la densité de
personnes, mais prend également en compte un terme d’ordre 2 en temps, correspondant à l’ac-
célération des personnes. Le modèle du premier ordre suppose qu’une personne, au cours de son
déplacement, cherche à adopter en tout point une vitesse souhaitée qui dépend des contraintes
qu’elle peut subir sur son parcours. Le modèle d’ordre 2 ajoute une hypothèse supplémentaire :
il stipule qu’une personne a besoin d’un certain temps de relaxation pour adapter sa vitesse
courante aux conditions environnantes. Ce temps de relaxation comprend donc :
– Un temps de réaction aux changements de conditions environnantes
– Un temps caractéristique de décision
– Une phase d’accélération, ou plus généralement de changement de direction.
Ces différents temps peuvent être de durée variable. Les temps de réaction et de prise de
décision peuvent être considérés très courts dans la mesure où l’appréciation du milieu environ-
nant se fait de façon continue. La durée de la phase d’accélération est également très courte en
général dans le cas de la marche, sauf dans le cas de changement brusque de direction.
Twarogowska [63] propose une formulation mathématique du modèle inspirée des travaux
de Payne [64] et Whitham [65] :
23
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
∂ρ
+ div(ρ−
→v)=0
∂t
−
→ (1.13)
∂(ρ v ) + div(ρ−
→ →
−
v ⊗−
→
v)= A
∂t
→
−
où A désigne le terme d’accélération moyenne défini par :
−
→ 1 →
−
A = (ρV (ρ) U − ρ−
→
v ) − ~∇Pint (ρ) (1.14)
τrelax
τrelax correspond ici au temps de relaxation. Le terme Pint (ρ) désigne une pression interne
dans une foule, qui est d’autant plus importante que la densité y est forte. Le terme −~∇Pint (ρ)
correspond donc à une force repoussant les personnes des zones denses vers les zones de plus
faible densité.
De façon générale, le modèle de second ordre prend la forme suivante :
∂ρ
+ div(ρ−→
v)=0
∂t
→
− (1.15)
∂ v + (−
→v .∇)−
→ ~ ρ, −
v = F (ρ, ∇ →
v)
∂t
On notera que cette formulation, tout comme celle du premier ordre, fait intervenir une
relation densité-vitesse empirique : la vitesse effective de déplacement des personnes reste une
fonction de la densité de personne dans un voisinage proche.
Les modèles orientés agents et les automates cellulaires constituent à l’heure actuelle les
principales approches utilisées dans les codes de calcul commerciaux dédiés à l’évacuation.
Ces approches, basées sur une représentation discrète des individus, semblent a priori les plus
naturelles dans la mesure où elles décrivent le mouvement d’entités individuelles et insécables,
et se rapprochent donc d’une certaine réalité physique. De plus, l’utilisation de ces approches
permet une très grande liberté dans la description des mouvements de chaque individu (calcul
de trajectoires, vitesses de marche individuelles), et permet en particulier l’ajout de stratégies
individuelles intégrant des facteurs comportementaux. Enfin, certains logiciels de calcul fondés
sur des approches microscopiques intègrent une interface de visualisation performante qui per-
met de visualiser la progression des individus et leurs trajectoires. Ces outils de visualisation
donnent du crédit aux modèles vis-à-vis des utilisateurs et constituent un argument de vente
pour les développeurs.
Néanmoins, plusieurs raisons nous laissent penser que les modèles microscopiques ne sont
pas nécessairement les plus adaptés à notre problème :
– Le nombre de paramètres d’entrée est proportionnel au nombre d’individus, ce qui peut
devenir une contrainte lorsque le nombre d’individus est très important.
– Un résultat de simulation obtenu à partir d’un modèle microscopique n’est représentatif
que du scénario simulé : les résultats en sortie sont susceptibles de varier lorsqu’on mo-
difie le jeu de paramètres d’entrée. Or, ces paramètres d’entrée peuvent être difficiles à
quantifier, ou soumis à une forte incertitude [66].
24
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
– Pour aboutir à des temps d’évacuation significatifs, les modèles microscopiques néces-
sitent la simulation d’un grand nombre de scénarii particuliers, ce qui engendre des temps
de calcul très longs.
A l’inverse, les modèles macroscopiques ont été peu exploités dans le domaine de l’ingénie-
rie. En particulier, les modèles macroscopiques et continus sont l’objet de nombreux travaux de
recherche depuis le début des années 1990, mais leurs applications concrètes restent très rares.
Ces modèles, qui consistent à suivre l’évolution spatio-temporelle d’une densité de personnes,
présentent toutefois un certain nombre de caractéristiques intéressantes pour notre étude :
1. Le nombre de paramètres d’entrée à fixer est plus restreint ;
2. Le temps de simulation est fonction uniquement de la discrétisation spatiale du domaine
de calcul (nombre de mailles), et est donc indépendant du nombre d’individus dans le
scénario choisi ; ceci constitue un atout particulièrement intéressant dans le cas de mou-
vement de foule où l’on rencontre de fortes densités de personnes ;
3. Bien que ce type de modèle soit déterministe (et que les temps d’évacuation obtenus
soient donc dépendants du scénario simulé), une telle approche est davantage susceptible
de fournir des résultats dimensionnants rapidement. En effet, en caractérisant une popula-
tion par un jeu de paramètres d’entrée moyens et par une distribution initiale uniforme, on
peut s’attendre à obtenir en sortie un temps d’évacuation représentatif d’un grand nombre
de scénarii particuliers. De plus, le plus petit nombre de paramètres d’entrée rend une
étude de sensibilité plus commode.
4. Les modèles macroscopiques continus ont fait l’objet jusqu’à présent de travaux de re-
cherche académiques en mathématiques, mais n’ont jamais été soumis à une phase de
validation concluante. De plus, ce type de modèle n’a jamais été employé dans le cadre
de l’ingénierie de sécurité incendie avec prise en compte des effluents du feu.
Ces différentes raisons nous poussent à envisager, pour la suite de l’étude, un modèle ma-
croscopique de transport de densité de personnes tel que celui introduit par Hughes [59].
25
CHAPITRE 1. CONTEXTE DE L’ÉTUDE
Les chapitres 4 et 5 sont quant à eux consacrés aux contraintes liées à l’incendie et à leurs
impacts sur l’évacuation.
On présente dans le quatrième chapitre une étude de la visibilité en situation d’incendie, dont
le but principal est d’évaluer les corrélations utilisées actuellement en ingénierie pour estimer
les distances de visibilité. On y développe une méthode numérique permettant de reconstruire
des images d’objets vus à travers un milieu de propriétés optiques données. Cette méthode
numérique est complétée par une approche expérimentale permettant de la valider et d’évaluer
de façon empirique les corrélations.
Enfin, le dernier chapitre est dédié aux contraintes du feu de façon plus générale, en incluant
les effets thermiques sur le cheminement. On y propose une méthode permettant d’intégrer les
contraintes liées au développement du feu sur l’évacuation.
26
Chapitre 2
Le modèle de cheminement
En fin de chapitre, on présentera une formulation mathématique plus complexe de notre mo-
dèle de cheminement dédiée au cas des fortes densités de personnes. Cette nouvelle formulation,
bien que prometteuse, est encore sujette, à ce stade, à plusieurs points de développement et n’a
été confrontée à aucune phase de validation. On se contentera donc d’en énoncer les principes
et les hypothèses de base.
∂ρ + div(ρ−
→v)=0
∂t (2.1)
−→ →
−
v = V (ρ) U
27
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
→
−
où U correspond à un champ de vitesses adimensionné.
Ce système d’équations est résolu dans un domaine 2D noté Ω qui correspond à la surface
dans laquelle les personnes se déplacent (figure 2.1). La frontière du domaine Ω, que l’on note
∂Ω, peut être de deux types :
– les parois infranchissables des murs et obstacles, notées ∂Ωw (dessinées en bleu sur la
figure 2.1)
– les sorties, notées ∂Ωs (dessinées en rouges)
La frontière ∂Ωw constitue une paroi imperméable. Elle est donc caractérisée par une condi-
tion limite de type "flux nul" : les individus ne peuvent pas "rentrer" dans les obstacles. La
condition limite sur le bord ∂Ωw s’écrit donc :
→ →
−
ρV (ρ) U · −n =0 (2.2)
∂Ωw
où −→n désigne la normale sortante.
En revanche la condition limite sur le bord ∂Ωs est libre : aucune restriction particulière sur
les flux de personnes n’est imposée au niveau des sorties. Ainsi, le flux de personnes au niveau
d’un ouvrant dépend de la densité de personnes présente à la sortie, de la réduction de vitesse
qui en découle éventuellement, et de la largeur du dégagement :
→ →
−
ρV (ρ) U · −
n = ρs V (ρs ) (2.3)
∂Ωs
où ρs désigne la densité de personnes au niveau de la sortie.
Enfin, le problème à résoudre nécessite l’introduction d’une condition initiale. Il revient
ici à l’utilisateur de définir la distribution initiale de la densité de personnes, c’est-à-dire la
répartition des personnes au départ de l’évacuation. Cette répartition doit prendre en compte les
particularités du compartiment étudié, et notamment le fait que certaines zones du compartiment
ont plus de chances d’être occupées que d’autres. Lorsqu’on ne connait pas a priori la répartition
initiale des personnes dans un local, ou lorsqu’on souhaite traiter un scénario moyen, il est
judicieux de considérer que la répartition initiale des personnes est uniforme sur le domaine, et
égale au rapport de l’effectif initial N sur la surface S du compartiment :
N
ρ(x, y, t = 0) = , ∀(x, y) ∈ Ω (2.4)
S
28
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
fait ici l’hypothèse que la norme de la vitesse de marche d’une personne dépend uniquement
de la densité de personnes dans son voisinage. Ce ralentissement est quantifié par une relation
entre densité de personnes et vitesse de marche (notée V dans le système d’équations 2.1).
Différentes lois de ce type, représentées sur la figure 1.5, ont été établies dans la littérature.
On fait le choix, dans cette étude, de retenir la loi densité-vitesse issue des travaux de Weid-
mann [67], pour les raisons expliquées plus loin dans cette section (figure 2.2) :
1 1
V (ρ) = V0 1 − exp −1, 913 − (2.5)
ρ ρc
On notera que cette relation fait intervenir deux paramètres cruciaux, qui sont :
– la vitesse de marche libre V0 , qui est variable selon les individus (en particulier selon
l’âge, le sexe ou la culture) [12]. La vitesse moyenne de marche libre sera estimée dans
la suite à 1,25 m.s−1 . Cette valeur correspond à la vitesse lorsque ρ est nulle.
– la densité de personnes critique ρc , qui correspond à la densité maximale admissible.
Cette valeur sera par la suite fixée à 5,4 m−2 , valeur qui correspond à un bon compromis
entre celles trouvées dans la littérature [12, 13]. Elle correspond au point où la vitesse de
marche s’annule.
Le choix de cette loi est particulièrement intéressant, à plusieurs titres. D’abord, il prend en
compte le fait que les personnes peuvent se déplacer à leur vitesse de marche libre jusqu’à une
certaine densité seuil, égale à 0,4 m−2 . Ce n’est qu’au-delà de ce seuil que les personnes sont
contraintes de ralentir. Cette valeur seuil de 0,4 m−2 est conforme à celle identifiée par Fruin
dans sa classification des niveaux de service [18].
De plus, cette loi permet de retrouver un diagramme fondamental conforme à ceux que
l’on retrouve dans la littérature (figure 2.3). Le diagramme fondamental, en dynamique des
mouvements de foule, représente le débit de personnes par unité de largeur en fonction de la
densité locale de personnes. Le débit par unité de largeur F (ρ) s’exprime par :
29
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
En vertu de ces considérations, on peut estimer que le choix de cette loi densité-vitesse est
pertinent.
30
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
31
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
On fait le choix, dans cette étude, de représenter le domaine 2D par un maillage constitué
de cellules carrées et identifiées chacune par un label (figure 2.5). Ce label permet de classer
chaque cellule parmi l’une des trois catégories suivantes :
– les cellules libres à la circulation des personnes (=⇒ label 0) ;
– les cellules obstacles, qui représentent toute entrave à la circulation des personnes (=⇒
label 1) ; dans ces cellules obstacles, la densité de personnes est nulle à tout moment ;
– les cellules de sortie, qui matérialisent la sortie du domaine de calcul (=⇒ label 2). Ces
cellules peuvent, comme les cellules libres, contenir à tout moment de la densité de per-
sonnes.
32
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Acquisition de la géométrie :
(Sorties, obstacles, cellules libres)
t = 0
Transport de la densité :
Algorithme MARCOE
t = t + ∆t
NON OUI
Fin du calcul
⇒ tevac = t
33
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Principe du calcul
Comme pour la plupart des modèles macroscopiques de cheminement de personnes [62, 68,
69], la vitesse souhaitée en un point donné est celle qui permet la sortie la plus rapide a priori.
La vitesse en un point donné est donc définie comme l’opposée d’un gradient de potentiel,
ce potentiel étant généralement le temps nécessaire pour rallier une sortie depuis ce point. La
direction de la vitesse souhaitée en un point (x, y) est définie par :
→
−
−
→ ~ ζ(x, y)
∇
U (x, y) = − −
→ (2.9)
k ~∇ ζ(x, y)k
34
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Dans notre étude, on considère que le potentiel ζ(x, y) correspond au temps minimal né-
cessaire pour aller du point (x, y) à une sortie. On fait donc implicitement l’hypothèse que les
personnes ont une parfaite connaissance des locaux, de la position des issues, et ont conscience
de la densité de personnes qu’elles vont rencontrer sur leur chemin et des ralentissements qui en
découleront. Elles sont donc capables d’estimer le temps minimal Tout (x, y) dont elles auront
besoin pour rallier une sortie.
→
−
−
→ ~ Tout (x, y)
∇
U (x, y) = − −
→ (2.10)
k ~∇ Tout (x, y)k
N.B. : il aurait également été possible de prendre pour potentiel ζ(x, y) la distance minimale
séparant le point (x, y) d’une sortie. Cela aurait alors consisté à supposer que les personnes éva-
cuent en minimisant leur distance de parcours (et non leur temps de parcours).
L’objectif est désormais d’estimer, en tout point du domaine de calcul, le temps minimal
nécessaire pour rallier une sortie.
Notions de voisinage
D −→ C1 −→ C2 −→ ... −→ Cn−1 −→ A
C0 Cn
Dans cette succession, chaque cellule Cn doit être comprise dans le voisinage de la cellule
précédente Cn−1 et dans celui de la cellule suivante Cn+1 . Le voisinage d’une cellule peut être
défini de plusieurs manières ; deux types de voisinage (fréquemment utilisés dans les automates
cellulaires) sont particulièrement bien connus (figure 2.7) :
– le voisinage de von Neumann, constitué des quatre cellules adjacentes
– le voisinage de Moore, constitué des huit cellules adjacentes (incluant les cellules voisines
dans les diagonales)
La prise en compte du voisinage de von Neumann autorise uniquement les déplacements
horizontaux et verticaux sur le quadrillage ; le voisinage de Moore autorise également les dé-
placements diagonaux.
35
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Afin d’obtenir plus de degrés de liberté dans les déplacements, on se propose de définir dans
cette étude un voisinage plus large, que l’on appellera voisinage "étendu". On définit le voisi-
nage étendu d’une cellule C comme l’ensemble des cellules que l’on peut joindre en ligne droite
depuis C sans traverser d’obstacles.
1
p
(xN − xM )2 + (yN − yM )2
Z
tM N = ds (2.12)
0 max(0.1V0 , V (ρt (xM + s(xN − xM ), yM + s(yN − yM ), t)))
36
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
F IGURE 2.8 – Calcul du temps de parcours en ligne droite entre deux cellules M et N
N cell
X Lk
tM N = (2.13)
k=1
max(0.1V0 , V (ρk ))
37
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Déroulement de l’algorithme
38
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Algorithme Complexité
Manhattan O(Nc )
A* O(Nc )
PAULO O(Nc2 )
La complexité de l’algorithme est donc linéaire lorsque la taille du voisinage est indépen-
dante de la taille du domaine, et quadratique lorsque la taille du voisinage est comparable à celle
du domaine de calcul (méthode PAULO). Cette complexité quadratique a un impact direct sur
les temps de calcul consacrés à l’estimation des vitesses de marche.
39
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
la relation :
→
−
−
→ ~ Tout (x, y)
∇
v (x, y) = −V (ρt (x, y)) −
→ (2.14)
k ~∇ Tout (x, y)k
Dans chaque cellule (i, j), on détermine les composantes de la vitesse de marche au centre
de la cellule :
→
−
−
→ ( ~∇ Tout )i,j
v i,j = −V (ρti,j ) →− (2.15)
k( ~∇ Tout )i,j k
L’approximation du gradient d’une fonction f est faite de la façon suivante : on considère
le domaine de calcul Ω illustré sur la figure 2.10, et la fonction f définie sur le domaine Ω.
On peut estimer le gradient de la fonction f dans la cellule (i, j) à partir des cellules amont
et aval (approximation à l’ordre 2) :
→
− fi+1,j − fi−1,j
( ~∇ f )i,j · −
→
ex =
2h
→
−
( ~∇ f )i,j · −
→ f i,j+1 − fi,j−1
ey =
2h
Cas particuliers
Lorsque la cellule (i, j) est proche d’une cellule obstacle, on est amené à distinguer trois
cas particuliers dans lesquels l’évaluation d’une composante du gradient sera différente. On
présente ici les relations utilisées lorsque l’évaluation de la composante selon −
→
ex est modifiée.
→
−
Les relations utilisées selon ey sont strictement analogues.
40
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Cas n◦ 1
→
−
( ~∇ f )i,j · −
→
ex = 0
Cas n◦ 2
Approximation à l’ordre 1 :
→
− fi+1,j − fi,j
( ~∇ f )i,j · −
→
ex =
h
Cas n◦ 3
h2 ∂2 f
∂f 2
fi+1,j = fi,j + h ∂x + 2 ∂x2 + ◦(h )
i,j i,j
2
∂f 2 ∂ f
+ ◦(h2 )
fi+2,j = fi,j + 2h + 2h
∂x i,j ∂x2 i,j
−3fi,j + 4fi+1,j − fi+2,j ∂f
=⇒ = + ◦(h2 )
2h ∂x i,j
Approximation à l’ordre 2 :
→
− −3fi,j + 4fi+1,j − fi+2,j
( ~∇ f )i,j · −
→
ex =
2h
41
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Formulation et discrétisation
On cherche à résoudre, pour une population donnée, l’équation :
∂ρ →
−
+ div( φ ) = 0 (2.16)
∂t
La méthode des volumes finis consiste à intégrer cette équation de conservation sur toutes les
cellules du domaine, qui constituent des "volumes" finis en 2D. L’intégration de cette équation
sur une cellule Ci,j donne :
1 ∂ρ 1 →
−
ZZ ZZ
2
dS + 2 div( φ )dS = 0
h Ci,j ∂t h Ci,j
∂ 1 1 →
−
ZZ ZZ
=⇒ ( 2 ρdS) + 2 div( φ )dS = 0
∂t h Ci,j h Ci,j
On a alors :
∂ 1 → −
−
Z
(ρi,j ) + 2 φ ·→n dl = 0 (2.17)
∂t h ∂Ci,j
La discrétisation de l’équation (2.17) nécessite le choix d’un schéma temporel. Dans le cas
de notre étude, les vitesses de transport de la densité de personnes (calculées dans l’étape préli-
minaire PAULO) dépendent elles-même de la densité de personnes ; la résolution de l’équation
par un schéma implicite ou semi-implicite (de type theta-schéma) s’avère donc particulièrement
délicate. On optera donc pour un schéma explicite en temps : le champ de densité de personnes
à un instant n + 1 n’est fonction que des grandeurs du problème à l’instant n.
ρn+1 n
i,j − ρi,j 1
+ (φi+ 1 ,j − φi− 1 ,j + φi,j+ 1 − φi,j− 1 ) = 0
∆t h 2 2 2 2
On obtient finalement :
∆t
ρn+1 n
i,j = ρi,j + (φ 1 − φi− 1 ,j + φi,j+ 1 − φi,j− 1 )
h i+ 2 ,j 2 2 2
42
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Cette relation fait apparaître des flux convectifs aux interfaces des cellules du domaine ;
l’évaluation de ces flux nécessite dans un premier temps l’introduction de vitesses aux interfaces
entre cellules, qui est l’objet de la section suivante. Dans un second temps, on sera capable
d’estimer les flux par convection aux interfaces.
F IGURE 2.14 – Composantes de vitesse aux centres et sur les arêtes des cellules
Cas général
On définit la composante ui+ 1 ,j de la façon suivante (on reprend les notations de la figure
2
2.14) :
1
ui+ 1 ,j = (Ux i,j V (ρt i,j ) + Ux i+1,j V (ρt i+1,j ))
2 2
La composante de vitesse à l’interface ui+ 1 ,j est donc définie comme une moyenne des
2
composantes des vitesses évaluées aux centres des cellules amont et aval.
On évalue la composante vi,j+ 1 de la même façon :
2
1
vi,j+ 1 = (Uy i,j V (ρt i,j ) + Uy i,j+1 V (ρt i,j+1 ))
2 2
Dans le cas de la frontière entre le domaine de calcul et les obstacles, on se doit de respecter
la condition limite énoncée en (2.2).
Avec les notations de la figure 2.15, où la cellule (i + 1, j) est un obstacle, cette condition
limite se traduit par :
ui+ 1 ,j = 0
2
43
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
F IGURE 2.15 – Évaluation des vitesses aux interfaces avec les obstacles
Dans le cas particulier de la frontière entre le domaine de calcul et les sorties, on doit prendre
en compte la condition limite écrite en (2.3).
F IGURE 2.16 – Évaluation des vitesses aux interfaces avec les sorties
44
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Le schéma centré
Dans ce schéma, le flux advectif qui traverse l’interface correspond à une moyenne des
densités dans les deux cellules contiguës :
1
ρ̃i+ 1 ,j = (ρi,j + ρi+1,j )
2 2
Ce schéma, de premier ordre en espace, ne tient pas compte du sens de la vitesse ui+ 1 ,j et
2
considère simplement que la densité transportée est une moyenne des densités sur les cellules
(i, j) et (i + 1, j) quelque soit le sens de l’écoulement.
Le schéma upwind
si ui+ 1 ,j > 0
(
ρ̃i+ 1 ,j = ρi,j
2 2
Ce schéma, qui est également du premier ordre en espace, est en général assez peu précis
du fait de la diffusion numérique qu’il engendre.
Le schéma QUICK
Ce schéma, du second ordre en espace, utilise une interpolation de la densité sur trois cel-
lules adjacentes : deux en amont et une en aval.
3 6 1
ρ̃i+ 1 ,j = ρi+1,j + ρi,j − ρi−1,j si ui+ 1 ,j > 0
2 8 8 8 2
3 6 1
ρ̃ 1 = ρi,j + ρi+1,j − ρi+2,j si u 1 < 0
i+ 2 ,j i+ 2 ,j
8 8 8
Bien que beaucoup plus précis qu’un schéma de premier ordre comme le schéma upwind,
le schéma QUICK peut être à l’origine d’instabilités numériques dans certaines configurations.
A l’instar du schéma QUICK, les schémas TVD (Total Variation Diminishing) sont des
schémas numériques qui se basent sur une interpolation de la densité de personnes sur trois
points.
45
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Les schémas TVD permettent d’estimer des flux de façon générique à partir d’une fonction
appelée "limiteur de flux" :
ρi+1,j − ρi,j ρi,j − ρi−1,j
ρ̃i+ 21 ,j = ρi,j +
ψ si ui+ 1 ,j > 0
2 ρi+1,j − ρi,j 2
ρ − ρi+1,j ρi+1,j − ρi+2,j
ρ̃i+ 1 ,j = ρi+1,j + i,j si ui+ 1 ,j < 0
ψ
2 2 ρi,j − ρi+1,j 2
où la fonction ψ désigne ici le limiteur de flux. Les schémas définis sous cette forme sont
du second ordre et dits TVD si les deux conditions suivantes sont réunies :
(
ψ(r) 6 min(2r, 2) ∀r
min(r, 1) 6 ψ(r) 6 max(r, 1) ∀r
Les références [72–74] présentent plusieurs limiteurs de flux vérifiant ces deux conditions.
Parmi ces limiteurs, on retiendra notamment le limiteur MinMod défini par :
ψ(r) = min(r, 1)
La référence [72] présente une brève étude comparative des différents schémas exposés
précédemment, qui révèle plusieurs points :
– Le schéma centré est peu précis et peut être instable ;
– le schéma upwind est stable sous condition CFL, mais crée une diffusion numérique qui
le rend peu précis ;
– l’utilisation d’un schéma QUICK (second ordre) permet de gagner en précision, mais sa
stabilité n’est pas assurée.
En revanche, les schémas TVD du second ordre représentent un compromis intéressant entre
précision et robustesse. En particulier, le schéma Superbee est caractérisé par une très bonne
précision, et semble donc très bien adapté à notre étude.
On notera toutefois que l’utilisation d’un schéma TVD implique un supplément de temps
de simulation, du fait de l’évaluation du limiteur de flux à chaque interface.
On a fait l’hypothèse dans la section 2.1.2 que la vitesse de marche des personnes s’annule
au delà d’une certaine densité de personnes critique ρc , que l’on a fixée dans cette étude à
5, 4m−2 . Cette valeur de ρc correspond à une densité de personnes critique admissible, et on
considère alors qu’une cellule saturée (dans laquelle on dépasse ρc ) ne peut pas recevoir de
densité de personnes par convection (figure 2.17).
Dans ce cas de figure, on imposera un flux nul à l’interface :
46
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Les schémas TVD introduits précédemment utilisent une interpolation de la densité de per-
sonnes sur trois cellules adjacentes. Lorsqu’on se rapproche des frontières du domaine, on est
amené à distinguer le cas particulier des obstacles (figure 2.18).
Sur la figure 2.18, la vitesse ui+ 1 ,j étant positive, on cherche à estimer le flux φi+ 1 ,j à partir
2 2
des cellules (i − 1, j), (i, j) et (i + 1, j). La cellule (i − 1, j) ne faisant pas partie du domaine
de calcul, on est alors amené à utiliser uniquement 2 valeurs pour l’interpolation. On a alors :
ρi+1,j − ρi,j
ρ̃i+ 1 ,j = ρi,j + ψ(0)
2 2
47
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
48
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
−
→ →
−
ϕ = −λ ~∇ T (2.19)
avec −
→ϕ la densité de flux de chaleur (W.m−2 ), λ la conductivité thermique du milieu
(W.m−1 .K−1 ) et T la température dans le milieu (K).
Par analogie, Bruno [77] montre que l’on peut introduire dans le modèle de cheminement
de personnes un terme de diffusion de la forme :
−
→ →
−
φd = −D(ρ) ~∇ ρ (2.20)
avec φd le flux de personnes par diffusion (m−1 .s−1 ) et D le coefficient de diffusion de la
densité de personnes (m2 .s−1 ).
On notera ici que, au même titre que la conductivité thermique varie en fonction de la tem-
pérature, le phénomène de diffusion est a priori d’autant plus important que la densité de per-
sonnes augmente. Le coefficient de diffusion D est donc une fonction de la densité de personnes
ρ. Avec le terme de diffusion, l’équation du modèle de cheminement pour une seule population
s’écrit, selon Bruno [77] :
∂ρ + div(ρ− →
−
→v ) + div(D(ρ) ~∇ ρ) = 0
∂t (2.21)
− → →
−
v = V (ρ) U
L’expression du coefficient de diffusion D(ρ) peut être identifiée en introduisant un terme
non-local dans l’équation de continuité. Pour cela, on fait l’hypothèse que la vitesse de marche
d’une personne est fonction de la densité de personnes présente dans son voisinage. En effet,
une personne est contrainte de ralentir dans une zone de forte densité, et va également adapter
sa direction et sa vitesse selon la quantité de personnes qu’elle perçoit dans un certain voisinage.
A un instant t, la vitesse de marche d’une personne située au point (x, y) n’est donc pas
fonction uniquement de la densité de personnes locale et instantanée ρ(x, y, t) :
– La prise de décision d’un individu suite à un stimulus prend un certain temps et induit
donc un décalage temporel entre la perception et la prise de décision. Ce décalage tem-
porel δt comprend une phase de prise d’informations dans un voisinage et une phase de
réflexion et de prise de décision pour mettre en place une action [78, 79]. Ainsi, la vi-
tesse de marche d’un individu à l’instant t est théoriquement fonction de la densité de
personnes qu’il perçoit entre les instants t − δt et t. On peut toutefois considérer que ce
temps δt est négligeable devant le temps caractéristique de marche (temps mis par un
individu pour traverser le compartiment à vitesse normale) et devant le temps qui sépare
deux prises de décision.
– De même, l’adaptation de la vitesse de marche repose sur une prise en compte non-locale
de la densité de personnes [80] : les individus adaptent leur vitesse en fonction de ce qu’ils
perçoivent dans une certaine partie de leur champ visuel (figure 2.23). Ce voisinage est
d’autant plus étendu que la densité de personnes environnante est faible.
L’hypothèse réalisée par Bruno est la suivante [77] : on se place dans la configuration sché-
matisée sur la figure 2.19, où un individu situé au point x se déplace dans une direction souhaitée
et adapte sa vitesse en tenant compte de la densité de personnes dans un voisinage de rayon L
autour de lui.
En utilisant les notations 1D de la figure 2.20, on considère que la vitesse de marche au
point x à l’instant t s’écrit :
49
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
∂ ∂ ∂ ′ ∂ρ
ρ(x, t) + (ρ(x, t)V (ρ(x, t))) + ρ(x, t)V (ρ(x, t))L (x, t) = 0
∂t ∂x ∂x ∂x
∂ ∂ ∂ ∂ρ
=⇒ ρ(x, t) + (ρ(x, t)V (ρ(x, t))) + D(ρ(x, t)) (x, t) = 0
∂t ∂x ∂x ∂x
On obtient alors une équation de convection-diffusion de type :
∂ρ →
−
+ div(ρ−
→
v ) + div(D(ρ) ~∇ ρ) = 0 (2.23)
∂t
L’équation (2.23) fait apparaître un coefficient de diffusion D(ρ) de la forme :
50
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
51
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Ainsi, la densité de personnes est susceptible de diffuser dans toutes les directions. En réalité,
cette diffusion doit être orientée vers l’avant, c’est-à-dire dans le sens de la marche des per-
sonnes. En effet, chaque individu adapte sa vitesse en fonction de la densité de personnes qu’il
perçoit dans la direction de sa marche, alors que l’hypothèse faite jusqu’à présent stipulait que
la vitesse de marche était fonction de la densité comprise dans un cercle autour de l’individu.
L’objectif de la section suivante est de proposer une écriture différente pour le terme de
diffusion prenant en compte le sens de la marche des personnes.
52
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
∂ρ(x, y, t) + ∂ρ(x, y, t)v(x, y, t)Ux + ∂ρ(x, y, t)v(x, y, t)Uy = 0
∂t ∂x ∂y (2.26)
−
→ →
−
v (x, y, t) = V (ρ(x + LU , y + LU , t)) U
x y
∂
ρ(x, y, t)
∂t ! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t)V ρ(x, y, t) + LUx + LUy Ux (2.28)
∂x ∂x x,y,t ∂y x,y,t
! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t)V ρ(x, y, t) + LUx + LUy Uy =0
∂y ∂x x,y,t ∂y x,y,t
∂
ρ(x, y, t)
∂t !! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t) V (ρ(x, y, t)) + V ′ (ρ(x, y, t)) LUx + LUy Ux
∂x ∂x x,y,t ∂y x,y,t
!! !
∂ ∂ρ ∂ρ
+ ρ(x, y, t) V (ρ(x, y, t)) + V ′ (ρ(x, y, t)) LUx + LUy Uy = 0
∂y ∂x x,y,t ∂y x,y,t
que l’on peut encore écrire :
∂
ρ(x, y, t)
∂t
→
−
+ div(ρ(x, y, t)V (ρ(x, y, t)) U )
→ −
− → →
−
+ div(Lρ(x, y, t)V ′ (ρ(x, y, t))( ~∇ ρ · U )x,y,t U ) = 0
53
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
54
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
∂ρi (x, y, t)
+ div(ρi (x, y, t)− →vi (x, y, t)) = 0
∂t
N pop (2.31)
→
−
X →
−
v (x, y, t) = V ( ρk (x + Lik Uxi , y + Lik Uyi , t))Ui
i i
k=1
ou encore :
∂ρi (x, y, t) ∂ρi (x, y, t)vi (x, y, t)Uxi ∂ρi (x, y, t)vi (x, y, t)Uyi
+ + =0
∂t ∂x ∂y
N pop (2.32)
→
−
X →
−
vi (x, y, t) = Vi ( ρk (x + Lik Uxi , y + Lik Uyi , t))Ui
k=1
En effectuant des développements limités successifs comme dans la section précédente (cas
d’une seule population), on retrouve la forme locale de l’équation de conservation :
∂
ρi (x, y, t)
∂t
Npop
∂ ′
X ∂ρk ∂ρk
+ (ρi (x, y, t)(Vi (ρt (x, y, t)) + Vi (ρt (x, y, t))( Lik (( )x,y,t Uxi + ( )x,y,t Uyi )))Uxi )
∂x k=1
∂x ∂y
Npop
∂ ′
X ∂ρk ∂ρk
+ (ρi (x, y, t)(Vi (ρt (x, y, t)) + Vi (ρt (x, y, t))( Lik (( )x,y,t Uxi + ( )x,y,t Uyi )))Uyi ) = 0
∂y k=1
∂x ∂y
∂
ρi (x, y, t)
∂t
→
−
+ div(ρi (x, y, t)Vi (ρt (x, y, t))Ui )
Npop
X →
− →
− →
−
+ div(ρi (x, y, t)Vi′ (ρt (x, y, t))(( Lik ~∇ ρk ) · Ui )x,y,t Ui ) = 0
k=1
ou encore
55
CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE CHEMINEMENT
Npop
∂ρi →
− ′
X →
− →−
− →
+ div(ρi Vi (ρt )Ui ) + div(ρi Vi (ρt )(( Lik ~∇ ρk ) · Ui )Ui ) = 0 (2.33)
∂t k=1
56
Chapitre 3
57
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
– La vérification qualitative du modèle, qui vise à montrer que celui-ci se comporte norma-
lement sur la base de critères qualitatifs (tests 8 à 11).
La vérification "quantitative" des modèles est plutôt du ressort de la validation et nécessite
la récolte de données réelles.
Dans le cas de notre étude, on se limitera aux tests 1, 4, 6 et 9. Les autres tests ont peu
d’intérêt ici dans la mesure où ils permettent de tester des composantes qui ont été intégrées dans
une version du modèle non validée à ce jour (vitesse de marche dans des escaliers, phénomènes
de contre-courant, choix de sortie des personnes).
Test n◦ 1
Présentation du test
Le test n◦ 1 est un test très basique qui vérifie qu’une personne est capable de maintenir une
vitesse donnée en ligne droite. La configuration du test n◦ 1 est présentée sur la figure 3.1.
Résultat de la simulation
La figure 3.2 présente le taux de sortie au cours du temps obtenu avec notre code (en rouge).
On rappelle que le taux de sortie correspond, à un instant donné, au rapport entre le nombre de
personnes sorties du compartiment et le nombre de personnes initialement présentes.
Le résultat obtenu est tout à fait concluant. Il montre en particulier que le schéma numé-
rique adopté (schéma TVD de type Superbee) est capable de transporter un front de densité de
personnes et génère peu de diffusion numérique.
Test n◦ 4
Présentation du test
Le test n◦ 4 est censé vérifier que les flux de personnes à travers un ouvrant ne dépassent pas une
certaine valeur limite. La géométrie du test n◦ 4 est présentée sur la figure 3.3. Il s’agit d’une
pièce de 8 m de long et de 5 m de large, avec une seule sortie de 1 m de large centrée sur l’un
des murs. A l’instant initial, 100 personnes sont présentes dans la pièce et démarrent en même
temps leur cheminement vers la sortie. L’objectif de ce test est alors de s’assurer que le flux de
personnes à travers la sortie ne dépasse pas 1,33 personnes par seconde.
58
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Résultat de la simulation
La figure 3.4 représente le flux de personnes à travers la sortie au cours du temps (en rouge).
On représente également sur la figure 3.5 le taux de sortie des personnes au cours du temps.
On constate que le flux de personnes à travers la sortie reste quasiment constant au cours
de la simulation (environ 1,15 personnes par seconde pour un mètre de largeur). Ce flux est
donc inférieur à la limite définie dans ce test. On notera que ce flux obtenu par la simulation
numérique est égal au flux maximal identifié sur le diagramme fondamental dans la section
2.1.2. Il est donc intéressant d’observer que, dans le cas d’une situation de congestion comme
celle du test n◦ 4, la densité de personnes devant la sortie tend vers une valeur qui optimise le
flux (cette valeur valant environ 1,75 m−2 ).
59
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
F IGURE 3.5 – Taux de sortie des personnes au cours du temps pour le test n◦ 4
Test n◦ 6
Présentation du test
Le test n◦ 6 est un test qui permet de vérifier que les personnes sont capables de prendre un
virage à 90◦ sans pénétrer dans les obstacles. La géométrie du test n◦ 6 est représentée sur la
figure 3.6. Il s’agit d’un couloir de 2 m de large, présentant un virage à 90◦ vers la gauche en
son centre. A l’instant initial, 20 personnes sont cantonnées dans une surface de 8 m2 à un bout
du couloir. Ces 20 personnes démarrent leur progression en même temps et doivent passer le
virage sans pénétrer dans les murs.
60
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Résultat de la simulation
Le taux de personnes sorties du couloir au cours du temps est donné sur la figure 3.7.
F IGURE 3.7 – Taux de personnes sorties du couloir au cours du temps pur le test n◦ 6
61
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Test n◦ 9
Présentation du test
Le test n◦ 9 est un test de vérification qualitatif. La configuration du test (voir figure 3.9)
est un grand hall rectangulaire de 30 m de long et de 20 m de large, pour une surface totale
de 600 m2 . Le hall comprend quatre sorties de 1 m de large, situées sur deux murs opposés. A
l’état initial, 1000 personnes se trouvent dans une zone centrale, chaque personne étant située à
au moins 2 m d’un mur. Les personnes entament leur évacuation simultanément vers l’une des
sorties disponibles.
Ce test n◦ 9 se déroule en deux phases :
Le test sera considéré comme concluant si le temps d’évacuation pour la phase 2 est sensi-
blement deux fois supérieur au temps d’évacuation pour la phase 1.
62
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Résultat de la simulation
La figure 3.10 représente le taux de sortie des personnes au cours du temps pour chacune des
deux simulations. On s’intéresse en particulier à la comparaison des temps intermédiaires d’éva-
cuation. On définit le temps intermédiaire tn% comme le temps au bout duquel n% de l’effectif
initial a évacué le compartiment.
Pour la phase 2, le nombre d’unités de passage vers l’extérieur a été divisé par 2. On peut
donc raisonnablement s’attendre à ce que le flux total de personnes vers l’extérieur du domaine
soit approximativement réduit de moitié. Ainsi, chaque temps d’évacuation intermédiaire doit
théoriquement être 2 fois plus important pour la phase 2 que pour la phase 1. Le tableau 3.1
recense les valeurs de t50% , t75% , t90% et t95% pour les deux cas.
On peut constater que les temps d’évacuation sont approximativement doublés dans le cas
où la moitié des issues est disponible. Nos résultats sont donc concluants et permettent de valider
le test n◦ 9.
63
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Le tableau 3.3 et la figure 3.11 recensent les différents temps d’évacuation obtenus pour ce
scénario grâce à différents codes numériques.
64
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
F IGURE 3.11 – Comparaison des temps d’évacuation obtenus avec différents codes
On peut constater que notre modèle fournit un temps total d’évacuation du même ordre de
grandeur que ceux trouvés dans la littérature. Néanmoins, ces différents temps d’évacuation
sont compris dans un intervalle très large selon le code utilisé. L’absence de détails sur les
paramètres d’entrée utilisés et la sensibilité des modèles déterministes à leurs paramètres d’en-
trée (notamment ceux de FDS+Evac et de Pathfinder) rendent difficile l’interprétation de ces
écarts. Il est probable que des disparités des données d’entrée utilisées, plus que les modèles
eux-mêmes, soient à l’origine de la dispersion des résultats.
65
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Le sol est muni d’un quadrillage de cellules de 0,5 m de côté afin de repérer les positions
initiales des personnes. Quatre panneaux indiquant les quatre points cardinaux ont été affichés
aux murs de la salle afin de définir les orientations initiales des personnes. Les essais ont été
réalisés avec deux échantillons de personnes (de tailles respectives 5 et 10) dont l’âge varie
entre 20 et 47 ans.
Deux caméras GoPro ont été disposées afin de filmer l’ensemble des essais et de relever les
temps de passage des personnes au niveau de la sortie. La configuration complète est visible sur
la figure 3.14.
Déroulement de l’expérience
Le déroulement d’une expérience est le suivant :
66
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
– Les personnes se placent chacune selon la position initiale et l’orientation initiale qui leur
ont été attribuées. La position initiale correspond à l’une des 40 cellules du quadrillage
dessiné au sol et est déterminée de façon aléatoire. L’orientation initiale correspond à l’un
des quatre points cardinaux indiqués par les panneaux et est également choisie aléatoire-
ment.
– L’une des personnes, désignée aléatoirement, donne le signal de départ de l’évacuation
(ce qui permet pour l’exploitation des vidéos de déclencher le chronomètre et de prendre
en compte un temps de réaction).
– Les personnes sortent de la salle.
L’exploitation des enregistrements vidéo permet alors de déterminer le nombre de personnes
sorties de la pièce au cours du temps.
La densité critique admissible est fixée comme précédemment à 5,4 m−2 . En revanche, les
deux autres constantes du modèle doivent être réévaluées pour ce cas de figure, compte tenu
du contexte particulier de l’expérience. En effet, étant données les dimensions restreintes de
la pièce (et la proximité des murs qui en résulte), une personne seule ne peut pas atteindre
sa vitesse de confort et se déplacera donc à une vitesse nominale V0 inférieure à la vitesse de
confort. Le temps de réaction, quant à lui, sera particulièrement court dans notre cas (temps de
réponse à un signal sonore prévenu). Afin d’identifier ces deux paramètres, on procède à une
identification au sens des moindres carrés entre des taux de sortie expérimentaux et des taux
obtenus analytiquement.
Expériences
On réalise 100 expériences d’évacuation d’une seule personne (protocole décrit précédemment).
Cinq personnes ont participé à ces essais (20 expériences par personne). On a ainsi récolté 100
temps de sortie, ce qui nous donne le pourcentage de sorties au cours du temps (courbe rouge
sur la figure 3.16).
Solution analytique
Pour le cas d’une personne seule sans congestion (pas de gêne entre les personnes), il est pos-
sible de calculer analytiquement les taux de sortie. Pour cela, on suppose que l’évolution de la
personne se décompose en deux phases bien distinctes :
1. Une phase de réaction et d’orientation vers la sortie (on supposera que la personne reste
sur place pendant cette phase). La durée τr de cette phase de réaction/orientation est l’un
des paramètres que l’on cherche à identifier.
2. Une phase de déplacement vers la sortie à la vitesse constante V0 , qui constitue le deuxième
paramètre à identifier.
Cette hypothèse est très simplificatrice, car les phases d’orientation et de déplacement se
chevauchent dans la réalité, avec une phase d’accélération dont on ne tient pas compte ici.
67
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Stotale = l(a + b + h)
On note fV0 ,τr (t) la probabilité pour qu’une personne ayant un temps de réaction τr , une vitesse
de marche libre V0 et une position initiale aléatoire dans la pièce soit sortie à l’instant t. On note
SV0 ,τr (t) la surface constituée de l’ensemble des points M du local tel qu’il existe un point A
sur la sortie (en vert) vérifiant AM < V0 (t − τr ). On a donc :
Phase de réaction
Pour t ∈ [0; τr ]
SV0 ,τr (t) = 0
Phase de mouvement
h i
Pour t ∈ τr ; τr + Va0
π 2
SV0 ,τr (t) = V (t − τr )2 + hV0 (t − τr )
2 0
h i
a l
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0
a2
π a 2 a
SV0 ,τr (t) = − arccos V02 (t − τr ) + tan arccos +hV0 (t−τr )
2 2V0 (t − τr ) 2 V0 (t − τr )
68
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
√
l (a2 +l2 )
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0
a2
a 2 l
SV0 ,τr (t) = tan arccos + l tan arccos
2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
π 1 a l
+ − arccos + arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
π l
+ − arccos V02 (t − τr )2 + hl
4 2V0 (t − τr )
√
(a2 +l2 ) b
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0
π 1 l
SV0 ,τr (t) = − arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr )
l2
l
+ tan arccos + (a + h)l
2 V0 (t − τr )
√
b (b2 +l2 )
Pour t ∈ τr + V0
; τr + V0
l2 b2
l b
SV0 ,τr (t) = tan arccos + tan arccos
2 V0 (t − τr ) 2 V0 (t − τr )
π 1 b l
+ − arccos + arccos V02 (t − τr )2
4 2 V0 (t − τr ) V0 (t − τr )
+(a + h)l
Résultats
On a obtenu expérimentalement 100 temps de sortie ti(i=1,100) . On a donc identifié la vitesse de
marche libre et le temps de réaction en cherchant le couple (V0 ,τr ) qui minimise la somme :
100
X
Err(V0 , τr ) = (fexp (ti ) − fV0 ,τr (ti ))2 (3.1)
i=1
Pour déterminer ce couple de valeurs (V0 ,τr ), on parcourt l’intervalle [0,6 m.s−1 ; 1,25
m.s−1 ] par pas de 0,01 m.s−1 pour le paramètre V0 , et on parcourt l’intervalle [0,5 s ; 1,0 s]
par pas de 0,01 s pour le paramètre τr . Pour chaque couple (V0 ,τr ) compris dans ces intervalles,
on calcule la somme Err(V0 , τr ), et on retient finalement le couple de valeurs qui minimise cette
somme.
On obtient une vitesse V0 = 0, 91 m.s−1 et un temps de réaction τr = 0, 69 s. Le taux de
sortie analytique correspondant est tracé en bleu sur la figure 3.16. A titre de comparaison, la vi-
tesse de marche libre moyenne des 5 personnes ayant participé à cette expérience a été mesurée
dans un couloir et vaut 1, 25 m.s−1 . Cela montre que la vitesse de marche libre peut dépendre
de la configuration des locaux et de ses singularités (proximité des murs, rétrécissements).
69
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
3.2.3 Validation
Deux séries d’expériences ont été réalisées pour la validation : l’une avec un effectif de 5
personnes, l’autre avec 10 personnes. Pour chacune de ces deux séries, 20 expériences ont été
réalisées, selon le protocole défini précédemment.
Paramètres retenus pour la simulation :
– Vitesse de marche : 0,91 m.s−1 ;
– Temps de réaction : 0,69 s ;
– Densité maximale : 5,4 m−2
Effectif de 5 personnes
Les taux de sortie expérimentaux, numériques et analytiques sont présentés sur la figure 3.17.
F IGURE 3.17 – Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 5 personnes)
Les temps caractéristiques d’évacuation sont comparés dans le tableau 3.4 et l’erreur relative
du modèle par rapport à l’expérience y est également mentionnée. Le taux de sortie analytique,
70
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
représenté par la courbe bleue, est calculé en faisant l’hypothèse que chacune des personnes
peut sortir de la pièce sans être gênée par les autres.
Effectif de 10 personnes
Les taux de sortie expérimentaux, numériques et analytiques sont présentés sur la figure 3.18.
F IGURE 3.18 – Taux de sortie au cours du temps (20 expériences avec 10 personnes)
Le tableau 3.5 présente les temps caractéristiques d’évacuation et l’erreur relative commise.
On constate encore une fois une excellente concordance entre les taux de sortie expérimen-
taux et numériques, ainsi qu’une différence significative entre les solutions analytique (sup-
posant une absence de congestion) et numérique (prenant en compte cette congestion). Ces
résultats sont convaincants et montrent que la congestion est bien gérée dans notre modèle.
71
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
72
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Les trois salles couvrent approximativement la même surface (environ 30 m2 ). Les portes
des salles ont une largeur de 90 cm, ce qui représente une unité de passage. La largeur du couloir
et de ses extrémités est de 1,6 m, ce qui permet aux personnes de marcher sur plusieurs lignes
et éventuellement de se croiser. Le compartiment comprend deux sorties, chacune étant située à
une extrémité du couloir. Sur la figure 3.19, l’épaisseur des cloisons séparant les salles est de 10
cm. La surface totale du compartiment est de 121,18 m2 , tandis que la surface disponible pour
la circulation des personnes est de 113,25 m2 .
Description de la population
L’échantillon de population ayant pris part aux expériences est constitué de 60 individus,
dont 18 de sexe féminin et 42 de sexe masculin. Tous sont étudiants à l’EEIGM et possèdent un
niveau bac+2 ou équivalent. L’âge des participants varie de 17 ans à 24 ans, l’âge moyen au sein
de la population étant de 21 ans. Il est important de noter que tous les participants connaissent
parfaitement les lieux, puisqu’il s’agit d’un bâtiment qu’ils fréquentent quotidiennement dans
le cadre de leurs études.
73
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
ont été placées en différents endroits du compartiment afin de filmer l’ensemble des expériences
(figure 3.20) :
– Les caméras 1, 2 et 3 sont placées en hauteur et permettent d’avoir une vue d’ensemble
de ce qui se passe dans chacune des trois salles.
– Les caméras 4, 5 et 6 sont fixées au plafond au niveau des sorties, et permettent de relever
les temps de passage au niveau des portes des salles.
– Les caméras 7, 8 et 9 sont placées de façon à observer ce qui se passe au niveau des
passages de porte et dans le couloir.
– Les caméras 10 et 11 sont fixées au plafond au niveau des sorties du compartiment et
permettent de relever les temps de passage.
– Les caméras 12 et 13 sont placées de façon à voir la sortie des personnes en bout de
couloir.
Les personnes ont été averties au préalable de la présence des caméras afin d’éviter tout effet
de surprise. Cependant, afin de ne pas perturber le déroulement des expériences, les caméras ont
été dissimulées dans des boitiers opaques en PVC pour les rendre moins "intrusives". La figure
3.21 montre les caméras n◦ 5 et n◦ 6 accrochées au-dessus des salles 2 et 3.
F IGURE 3.21 – Boîtiers n◦ 5 et n◦ 6 renfermant les caméras installées à la sortie des salles 2 et 3
74
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Pour donner le signal de départ de l’évacuation, on utilise un signal sonore audible dans tout
le compartiment et par toutes les caméras.
75
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
F IGURE 3.22 – Répartition des individus dans les salles au départ d’une expérience
Questionnaires d’évaluation
L’un des objectifs de cette étude expérimentale est de rassembler des données sur le compor-
tement des individus au cours de l’évacuation dans le cadre des travaux de recherche en psycho-
logie de Filosi [84]. En exploitant les enregistrements vidéo des expériences, le but de Filosi est
de réaliser des observations qualitatives et de distinguer éventuellement différents profils d’in-
dividus. La population étudiée ayant des caractéristiques relativement homogènes (personnes
de même âge, de même catégorie socio-professionnelle et connaissant bien les lieux), il peut
être judicieux de corréler les observations expérimentales à des données plus quantitatives qui
permettraient de discriminer la population.
A l’issue de toutes les expériences, les 60 individus ont donc été invités à répondre à deux
questionnaires d’auto-évaluation :
– Le questionnaire "Schutte Self-Report Emotional Intelligence" (SSREI) [85], composé
de 33 questions, a été reconnu comme un outil pertinent du point de vue psychométrique
pour mesurer l’intelligence émotionnelle (IE) d’un individu [86].
– Le questionnaire "Melbourne Decision Making Questionnaire" (MDMQ) [87] permet
quant à lui de mesurer la capacité d’un individu à la prise de décision.
Ces deux questionnaires ont été soumis aux participants juste après la série d’essais afin
que ceux-ci puisse répondre aux questions en s’appuyant sur leur ressenti concernant les expé-
riences. Les questionnaires ont été traités de façon anonyme. Les personnes ont porté pendant
toute la durée des expériences une pancarte avec un numéro (figure 3.22) qu’elles ont ensuite
mentionné sur leur questionnaire.
76
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Évacuation de la salle 1
F IGURE 3.24 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans la salle 1)
Le tableau 3.6 recense les différents temps intermédiaires d’évacuation obtenus par l’expé-
rience et la simulation numérique.
77
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Évacuation de la salle 3
La figure 3.25 présente le taux de personnes ayant évacué le compartiment au cours du
temps pour la salle 3.
F IGURE 3.25 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans la salle 3)
Le tableau 3.7 recense les différents temps intermédiaires d’évacuation obtenus par l’expé-
rience et la simulation numérique.
78
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
D’une part, on constate un écart significatif entre l’expérience et la simulation sur le temps
de sortie de la première personne. La simulation numérique indique que la densité de personnes
commence à sortir du compartiment 3,5 s environ après le signal de départ. En effet, on consi-
dère dans la simulation que les temps de réaction et de pré-mouvement des personnes sont nuls
et que la phase d’accélération n’existe pas. A partir de l’instant t = 0, il est donc supposé que
les personnes cheminent vers la sortie à la vitesse V0 .
Dans la pratique, malgré l’aspect factice et prévisible de l’exercice, les participants ont un
temps de réaction de l’ordre de la seconde (d’après l’exploitation des vidéos), mais également
une courte phase d’orientation vers la sortie et d’accélération. On notera également que contrai-
rement au scénario simulé, où la densité de personnes est uniforme dans toute la pièce, les
individus ont tendance à laisser un espace vide de 1 à 2 m de long autour de la porte au départ
de l’expérience. Cela explique en partie que les premières personnes sorties ont quitté le com-
partiment environ 6 s après le début du signal sonore.
D’autre part, on constate que le flux moyen de personnes à la sortie prédit par le code (0,59
m .s−1 ) est différent de celui observé expérimentalement (0,91 m−1 .s−1 ). Cela peut s’expli-
−1
quer par le fait que le jeu de paramètres utilisé pour la simulation (V0 = 1,25 m.s−1 , ρc = 5,4
m−2 ) n’est peut-être pas celui qui caractérise le mieux notre échantillon de population. On s’in-
téressera notamment à l’influence de ces deux paramètres (vitesse de marche libre et densité
de personnes critique) sur le diagramme fondamental du mouvement plus loin dans ce chapitre
dans la section intitulée Analyse de sensibilité. On notera que les flux obtenus numériquement
et expérimentalement sont nettement inférieurs au flux maximal admissible identifiés sur le dia-
gramme fondamental dans la section 2.1.2 (1,14 m−1 .s−1 ). Cela s’explique par la présence de
la porte de la salle 1, qui limite le flux entrant dans le couloir et donc la densité de personnes
dans le couloir.
79
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
F IGURE 3.27 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans les salles 2 et 3)
L’analyse de ces résultats est assez similaire à celle qui a été faite pour le scénario à deux
sorties. L’erreur commise sur le flux moyen à la sortie est néanmoins plus faible que précé-
demment : la simulation numérique donne un flux à la sortie de 1,05 m−1 .s−1 , tandis que les
individus sont sortis avec un flux moyen de 1,16 m−1 .s−1 . Les erreurs commises sur les temps
intermédiaires d’évacuation sont également plus faibles (de l’ordre de 10%).
80
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
dispose à ce stade d’aucun modèle comportemental prédictif qui nous permettrait d’intégrer ces
facteurs humains dans la modélisation.
Afin d’obtenir des données numériques pour la validation de ce scénario, on simule diffé-
rentes configurations. La figure 3.29 présente nos différents résultats expérimentaux et numé-
riques.
F IGURE 3.29 – Taux de sortie au cours du temps (évacuation du compartiment pour les
individus situés dans les salles 1, 2 et 3)
Le taux de sortie expérimental au cours du temps est présenté en rouge. Pour chacune des
salles, les choix de sortie des personnes se sont répartis selon les proportions indiquées dans le
tableau 3.9.
On notera que les personnes se sont équitablement réparties entre les deux sorties (31 per-
sonnes pour la sortie 1, contre 29 pour la sortie 2). Comme cela était prévisible, la majorité des
personnes présentes dans les salles 1 et 3 se sont dirigées respectivement vers les sorties 1 et 2,
qui sont les plus proches.
On représente en noir l’évolution du taux de sortie en supposant que toutes les personnes
81
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
Salle 1 20 14 6
Salle 2 20 10 10
Salle 3 20 7 13
Salles 1, 2 et 3 60 31 29
se dirigent vers la sortie 1. De même, la courbe verte représente ce taux de sortie dans le cas
où tout le monde se dirige vers la sortie 2. Enfin, on simule la configuration la plus probable
dans laquelle les personnes choisissent la sortie qui minimise leur temps d’évacuation (solution
représentée en bleu). On constate, par comparaison avec l’expérience, que ce cas de figure est
le plus réaliste. On présente dans le tableau 3.10 une comparaison des temps intermédiaires
expérimentaux et numériques.
D’un point de vue plus qualitatif, on a observé au cours de cette expérience des mouvements
de croisement et de contre-courants dans le couloir, avec des phénomènes d’auto-organisation
comme celui illustré sur la figure 2.7.
82
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
F IGURE 3.31 – Taux de sortie des personnes au cours du temps obtenus expérimentalement et
numériquement pour le scénario avec contre-courant
Le tableau 3.11 montre une comparaison des temps intermédiaires d’évacuations expéri-
mentaux et numériques pour les personnes initialement présentes dans la salle 1 et ayant em-
prunté la sortie n◦ 2.
De même, on synthétise dans le tableau 3.12 les temps intermédiaires d’évacuations ex-
périmentaux et numériques pour les personnes initialement présentes dans la salle 3 et ayant
emprunté la sortie n◦ 1.
83
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
On note, une fois de plus, que les temps d’évacuation intermédiaires prédits numériquement
sont proches de ceux observés expérimentalement (erreur relative de l’ordre de 10 %). La com-
paraison des flux moyens aux sorties est également concluante. Pour chacune des 2 issues, la
simulation numérique prédit un flux de personnes de 0,56 m−1 .s−1 . L’expérience révèle que ce
flux moyen de personnes aux sorties est en réalité égal à 0,64 m−1 .s−1 .
84
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
τr , bien qu’il soit propre à la phase de pré-mouvement et n’intervienne pas dans la phase de
cheminement, est a priori un paramètre influent sur le temps d’évacuation.
On se focalisera donc, pour cette étude de sensibilité, sur les trois paramètres suivants :
– le temps de réaction τr ;
– la vitesse de marche libre V0 ;
– la densité de personnes critique ρc .
Le scénario que l’on retient pour cette analyse est celui présenté sur la figure 3.26 : à l’instant
initial, on dénombre 30 personnes dans la salle 2 et 30 personnes dans la salle 3. Tous les
individus évacuent en empruntant la sortie 1.
Comme cela était attendu, l’impact du temps de réaction sur le temps total d’évacuation est
évident dans la mesure où le temps de réaction joue ici le rôle d’un offset qui ne fait que retarder
le processus de cheminement.
85
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
De façon générale, l’évaluation des temps de réaction et de pré-mouvement est une tâche dé-
licate, puisque ces phases de pré-évacuation comprennent des facteurs humains parfois com-
plexes. Les temps de réaction et de pré-mouvement dépendent notamment du type de bâtiment,
de la familiarité des occupants avec les lieux, de la densité de personnes et du type d’activité des
individus. Au cours de ce travail de thèse, et en particulier dans les simulations présentées dans
ce chapitre, l’évaluation des temps de réaction a été éludée. On constate toutefois ici que les
temps de réaction et de pré-mouvement sont capitaux dans l’évaluation des temps d’évacuation,
et que les résultats fournis par notre modèle y sont très sensibles.
86
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
La figure 3.34 présente les taux de sortie obtenus pour les différentes valeurs de V0 .
On retrouve ici le fait que les flux de personnes à la sortie sont directement proportionnels à
la vitesse V0 . Ces résultats montrent donc bien l’importance du paramètre V0 et la nécessité de
le maîtriser.
L’intervalle de valeurs de V0 choisi ici ([0,6 m.s−1 ; 1,6 m.s−1 ]) est réaliste : au sein d’une
population, on peut rencontrer des personnes ayant des difficultés pour se déplacer (personnes
âgées ou malades) et dont la vitesse de marche nominale est proche de 0,7 m.s−1 ; A l’inverse,
certaines personnes se déplacent naturellement à une vitesse proche de 6 km.h−1 , c’est-à-dire
environ 1,6 m.s−1 . Toutefois, malgré la grande variabilité des vitesses de marche individuelles,
on observe souvent qu’un groupe de personnes se déplace à une vitesse d’ensemble moyenne.
La dispersion des vitesses individuelles a donc peu d’intérêt dans le cas d’une approche macro-
scopique.
En se basant sur les valeurs extraites de la littérature [12] et sur nos observations expérimen-
tales, on considère qu’en l’absence de données sur la population, le paramètre V0 doit être fixé
dans l’intervalle [1,2 m.s−1 ; 1,4 m.s−1 ]. On préconise en particulier une valeur de V0 égale à
1,25 m.s−1 .
En particulier, lorsque l’on cherche à simuler un scénario dans lequel on maîtrise mal le pa-
ramètre V0 , il peut être judicieux de le faire varier afin d’obtenir un encadrement de la solution.
87
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
– la densité de personnes ρseuil pour laquelle on atteint le flux maximal admissible aug-
mente également lorsque la densité de personnes critique ρc augmente.
Le paramètre ρc ayant un impact direct sur le flux maximal de personnes, on peut s’attendre
à ce qu’il influence également les temps d’évacuation.
Pour mesurer l’influence de la densité critique ρc sur les temps d’évacuation, on simule à
nouveau le même scénario avec le jeu de paramètres suivant :
– τr = 0 s
– V0 = 1, 25 m.s−1
– on fait varier la densité critique ρc sur la plage de valeurs suivante : 3,0 m−2 ; 3,5 m−2 ;
4,0 m−2 ; 4,5 m−2 ; 5,0 m−2 ; 5,5 m−2 ; 6,0 m−2 ; 6,5 m−2 ; 7,0 m−2
La figure 3.36 présente les taux de sortie obtenus pour les différentes valeurs de V0 .
Comme attendu, on constate que le flux moyen de personnes à travers la sortie augmente
lorsque la densité critique augmente, ce qui diminue le temps total d’évacuation. On observe
également, en regardant l’évolution spatiale de la densité au cours de la simulation, que le pa-
ramètre ρc a un impact sur la formation de la congestion : lorsque ρc diminue, les zones de
congestion (où la densité avoisine la densité critique) sont beaucoup plus étendues.
La densité de personnes critique est un paramètre qui peut être variable selon les groupes
de personnes considérés. Ce paramètre dépend notamment de la corpulence des personnes mais
aussi de facteurs humains (maintien d’une distance sociale entre les individus). Dans notre
approche macroscopique, on est contraint de caractériser la population par une seule densité
critique ρc . Les valeurs comprises entre 3 m−2 et 4 m−2 sont ici peu réalistes, et sont couram-
ment dépassées dans les foules. De même, les valeurs comprises entre 6 m−2 et 7 m−2 sont
relativement élevées. On préconise ici de fixer la valeur de ρc dans l’intervalle [4,5 m−2 ; 6,0
m−2 ]. On note par ailleurs que pour des densités critiques comprises dans cet intervalle réaliste,
l’influence de ρc sur les taux de sortie est peu significative pour notre scénario.
88
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
La phase de vérification du modèle a permis de montrer, sur la base de cas tests définis par
l’IMO, sa capacité à gérer des fonctionnalités de base. Une comparaison inter-modèles sur un
cas d’étude très simple a également montré que le code MARCOE PAULO est capable de four-
nir des données similaires à d’autres codes utilisés en ingénierie.
Une approche expérimentale a par la suite été mise en place à petite et à moyenne échelle
afin de comparer nos résultats numériques à des données réelles récoltées sur le terrain. Les
expériences ont été réalisées de façon à maîtriser parfaitement les scénarii, ce qui a permis
d’exploiter les résultats de façon fiable et de faire des comparaisons pertinentes entre les don-
nées expérimentales et numériques. Cette phase de validation a notamment permis de montrer
que le modèle est capable de reproduire dans une juste mesure les temps d’évacuation, ainsi que
le phénomène de congestion. En particulier, une expérience d’évacuation mettant en jeu un phé-
nomène de contre-courant entre deux groupes de personnes dans un couloir a permis de montrer
qu’un modèle à deux populations est capable de gérer des interactions entre des personnes qui
se croisent.
89
CHAPITRE 3. VÉRIFICATION ET VALIDATION DU MODÈLE
90
Chapitre 4
Etude de la visibilité
Ce quatrième chapitre présente les travaux réalisés sur la visibilité en situation d’incendie,
qui constitue l’un des deux grands volets de ce travail de thèse. Ce chapitre se divise en trois
grandes sections. Dans une première partie, on rappelle les enjeux de la visibilité dans le proces-
sus d’évacuation et l’intérêt de son étude. On présente également les différents modèles utilisés
à l’heure actuelle en modélisation en soulignant leurs limites.
Dans une deuxième section, on présente un outil numérique développé au laboratoire, basé
sur une méthode de Monte Carlo, et permettant de reconstruire l’image d’un objet vu à travers
un milieu absorbant-diffusant tel que la fumée d’un incendie. Cet outil numérique est ensuite
confronté à des observations effectuées lors d’une étude expérimentale que l’on détaille dans
une troisième partie.
Dans le cas d’un incendie, les retours d’expérience montrent que les contraintes optiques
liées au feu sont plus pénalisantes pour l’évacuation que les contraintes thermiques ou toxiques
notamment. Lorsque le feu s’est suffisamment développé et que la couche de fumée se retrouve
à hauteur d’homme, la perception visuelle des individus se trouve amoindrie. Les contraintes
liées aux fumées sont de différents types :
– la présence de fumée le long d’un chemin optique entre un individu et un objet réduit le
distance de visibilité et restreint donc le champ visuel de l’individu. Cela peut avoir un im-
pact sur le cheminement (perte de repères, ralentissement) comme le montrent plusieurs
études [93–95] ;
– la vue de la fumée peut provoquer des changements de direction pour les individus qui la
perçoivent comme un obstacle à contourner ;
91
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
– une personne se trouvant dans la fumée peut subir une irritation oculaire qui altère son
acuité visuelle (clignements).
En plus des effets "physiques" des fumées, on peut également mentionner ici leurs impacts
psychologiques dans la mesure où elles représentent un facteur de stress pour les personnes.
L’impact de la visibilité sur le déroulement d’une évacuation a donc motivé les recherches
concernant l’estimation de la visibilité en milieu enfumé et son implémentation dans les outils
de simulation.
Les fumées générées au cours de l’incendie, qui sont responsables de la perte de visibilité,
sont souvent caractérisées par une grandeur appelée opacité. Il convient ici de bien distinguer
les notions d’opacité et de visibilité.
Les méthodes directes consistent à mesurer l’atténuation d’un faisceau lumineux à travers un
milieu enfumé entre une source (l’émetteur) et un détecteur (le récepteur). A travers la fumée,
un flux lumineux est atténué par plusieurs phénomènes :
– l’absorption par les particules de suie (particules de carbone, principales responsables de
la perte de luminosité) ;
– la diffusion par les particules de suie, qui va disperser l’énergie lumineuse dans tout le
milieu, et qui entraîne une perte de contraste ;
– l’absorption spectrale éventuelle par les gaz comportant une ou plusieurs bandes d’ab-
sorption dans le visible (notamment le dioxyde d’azote NO2 ).
Dans le cas des méthodes directes, l’intensité transmise I à travers un milieu enfumé est com-
parée à l’intensité transmise I0 en l’absence de fumée. Le rapport de ces deux intensités, appelé
transmittance et généralement noté τ , dépend de la longueur L (m) du chemin optique et du
coefficient d’extinction β du milieu, en vertu de la loi de Beer-Lambert :
I
τ= = exp(−βL) (4.1)
I0
On notera que cette loi de Beer-Lambert n’est valable que dans le cas des milieux purement
absorbants ou faiblement diffusants. D’un point de vue pratique, la mesure de la perte d’intensité
lumineuse peut être effectuée avec des opacimètres. Le coefficient d’extinction des fumées peut
alors être déterminé de la façon suivante (on désigne par ln le logarithme néperien et par log le
logarithme décimal) :
1 I0
β= ln( ) (4.2)
L I
92
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
La densité optique des fumées, notée DO, permet elle aussi de quantifier l’opacité des fu-
mées. Elle s’exprime ainsi [96] :
1 I0
DO = log( ) (4.3)
L I
La densité optique est donc égale au coefficient d’extinction, à une constante multiplicative
près :
β
DO = (4.4)
ln(10)
Les méthodes indirectes sont basées sur une approche totalement différente, puisqu’elles
permettent d’estimer la quantité de suies produite à partir d’un taux de production de suies.
Les méthodes indirectes stipulent en effet qu’une certaine proportion ωs (taux de production de
suies) du combustible brûlé correspond à la génération de fumées opaques :
ms
ωs = (4.5)
mc
où mc et ms représentent respectivement les masses (en kg) de combustible brûlé et de suies
produites. Le taux de production de suies dépend évidemment du combustible en question,
ainsi que des conditions de la combustion (en particulier la ventilation du feu). Une synthèse
de Tewarson [97] recense un grand nombre de valeurs expérimentales de ce taux de production
de suies en fonction des combustibles concernés. La mesure pratique du taux de production de
suies nécessite alors la pesée du combustible (avant et après combustion) et la pesée des suies
produites, et donc un filtrage préalable des fumées avec recueil des particules de suie.
D’un point de vue numérique, les méthodes indirectes sont adaptées pour le calcul de l’opa-
cité. Le code de calcul FDS, par exemple, estime le coefficient d’extinction local à partir de la
fraction massique en particules de suies et de leur surface d’extinction massique [98] :
β = Km ρsuies YS (4.6)
où β est le coefficient d’extinction local (en m−1 ), Km est la surface d’extinction massique
(dont la valeur par défaut dans FDS 6 est de 8700 m2 .kg−1 ), YS est le taux de production de
suies et ρsuies la masse de suies par unité de volume (en kg.m−3 ).
Le taux de production de suies (en anglais soot yield) est un paramètre d’entrée réglable
par l’utilisateur. Les modèles de combustion et de transport des particules de suies implémentés
dans FDS rendent l’utilisation d’une méthode indirecte beaucoup plus adaptée.
Néanmoins, l’usage des méthodes indirectes repose :
– sur une estimation expérimentale des taux de production de suies (qui reste sujette à une
forte incertitude) ;
– sur la validité des modèles de transport, de dépôt et d’oxydation des suies, qui dépend
fortement des conditions de ventilation du feu ;
– sur une valeur arbitraire de la surface d’extinction massique Km .
d’une part sur une estimation expérimentale des taux de production de suies (qui reste su-
jette à une forte incertitude), et d’autre part sur la validité des modèles de transport, de dépôt et
d’oxydation des suies. En particulier, ces valeurs dépendent fortement des conditions de venti-
lation du feu.
De l’opacité à la visibilité
La notion de visibilité est plus complexe que celle d’opacité, puisqu’elle reflète la perception
par un individu de son environnement. Tandis que l’opacité est une grandeur optique moyenne
93
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
intrinsèque à un milieu donné, la visibilité est une grandeur qui traduit l’effet de l’opacité sur
les individus. Elle dépend donc :
– de l’observateur : chaque individu possède ses propres caractéristiques visuelles (troubles
éventuels de la vision) ;
– de l’objet à observer : un objet lumineux est "plus visible" qu’un objet réfléchissant la
lumière ;
– de l’opacité du milieu compris entre l’observateur et l’objet, et donc de la direction dans
laquelle on regarde.
Le code de calcul FDS permet d’accéder directement à des grandeurs caractérisant l’opacité
du milieu (par exemple le coefficient d’extinction). L’estimation de la visibilité, elle, nécessite
l’utilisation d’un modèle censé représenter le lien entre opacité et visibilité. On appelle donc
modèle de visibilité un modèle permettant de décrire la relation entre l’opacité d’un milieu
(grandeur physique) et la visibilité qui en découle (grandeur physique, mais reflétant également
une sensation humaine).
La visibilité est définie à partir de la notion de contraste seuil. Avant de définir la visibilité,
intéressons-nous à la notion de contraste.
Le contraste
Le contraste d’une image est une grandeur adimensionnelle qui quantifie la différence de
luminance entre les parties claires et les parties sombres de l’image. Par extension, on définit
le contraste d’un objet comme la différence de luminance entre l’objet et son fond. En vertu
de la loi de Weber-Fechner, qui quantifie la sensation perçue par un individu en réponse à un
stimulus physique, le contraste C d’un objet de luminance Lobj sur un fond de luminance Lf ond
peut s’écrire de la façon suivante [99] :
Lobj − Lf ond
C=| | (4.7)
Lf ond
Concrètement, le contraste est un indicateur permettant de dire dans quelle mesure l’objet
est discernable de son fond : un contraste s’approchant de 0 signifie que l’objet se distingue de
moins en moins de son fond.
Du contraste à la visibilité
La distance de visibilité est généralement définie comme la distance dont on doit s’éloigner
d’un objet pour que son contraste tombe sous un certain seuil limite [100] [101]. Ce seuil limite
est fixé à 0, 02 dans le SFPE Handbook [102]. La Commission Internationale de l’éclairage,
elle, a fixé un contraste seuil à 0, 05 en 1987.
Dans la pratique, cette définition n’est pas commode pour évaluer une distance de visibilité,
dans la mesure où l’on ne dispose pas d’outil permettant d’évaluer des niveaux de contraste
dans un milieu de propriétés optiques données.
On notera qu’il existe d’autres indicateurs permettant d’évaluer la visibilité, utilisés dans
différents domaines particuliers :
– la portée optique météorologique est définie par l’organisation météorologique mondiale
comme la longueur du trajet que doit effectuer dans l’atmosphère un faisceau de rayons
lumineux parallèles, émanant d’une lampe à incandescence à une température de cou-
leur de 2700 K, pour que l’intensité du flux lumineux soit réduite à 0,05 fois sa valeur
originale, le flux lumineux étant évalué au moyen de la fonction de luminosité photo-
pique de la Commission Internationale de l’Eclairage (CIE) [103]. Cela revient à définir
la visibilité à partir de la notion de transmittance seuil (fixée à 5%). Cette grandeur est
94
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
C
V = (4.8)
K
avec V la visibilité en m, K le coefficient d’extinction en m−1 , et C une constante dépendant
de l’objet. Ainsi, cette constante C peut être comprise :
– entre 2 et 4 pour un objet réfléchissant (on prend généralement C = 3)
– entre 5 et 10 pour un objet lumineux (on prend généralement C = 8)
95
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
DO × V = 10 (4.9)
Or, la loi de Beer-Lambert, qui décrit la perte d’intensité lumineuse d’un faisceau à travers
un milieu enfumé, s’écrit :
I
= exp(−KL) (4.10)
I0
avec L la longueur du chemin optique (en m). Des deux équations précédentes, on peut
tirer :
V K = 10 ln(10) = 23 (4.11)
La corrélation de Butcher et Parnell est donc, en vertu de la loi de Beer-Lambert, analogue
à celle de Jin à une constante près.
Enfin, ces modèles doivent être utilisés avec certaines précautions si l’on souhaite que les
distances de visibilité calculées aient un sens :
– La visibilité n’est pas une grandeur ponctuelle : évaluer une distance de visibilité à partir
d’une donnée locale d’opacité n’a pas de sens physique réel. On notera par exemple que
le code FDS calcule la visibilité en un point donné grâce au modèle de Jin, à partir du
coefficient d’extinction local en ce point, et sans se préoccuper du domaine de validité
[98].
– La visibilité est une grandeur directionnelle : elle dépend naturellement de la direction
dans laquelle regarde l’observateur. Le calcul d’un champ scalaire de distances de visi-
bilité (comme celui réalisé par FDS) n’a donc pas de sens physique, dans un milieu où
l’opacité est rarement homogène.
96
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
L’étude des modèles de visibilité existants révèle donc un certain nombre de faiblesses, dans
la mesure où ceux-ci reposent sur des hypothèses simplificatrices et nécessitent des précautions
quant à leur utilisation.
Le système optique que l’on considère ici est une lentille mince, formée de deux dioptres
sphériques, et caractérisée par :
– ses propriétés géométriques (rayon, épaisseur au centre)
– sa distance focale
– son rayon de courbure
– l’indice optique du matériau qui la constitue (le verre).
97
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
En optique géométrique, un système optique est dit rigoureusement stigmatique si tous les
rayons lumineux passant par un point donné A passent par un même point B après avoir tra-
versé le système optique. L’image d’un point formée par un système optique rigoureusement
stigmatique est donc un point. Dans la pratique, les systèmes optiques (à l’exception des mi-
roirs plans) ne sont pas rigoureusement stigmatiques, et peuvent être à l’origine d’aberrations
géométriques. C’est par exemple le cas des lentilles minces lorsque les rayons incidents sur
la lentille sont fortement inclinés par rapport à l’axe optique de la lentille. On peut toutefois
considérer, dans l’approximation de Gauss, que la lentille est caractérisée par un stigmatisme
approché. L’approximation de Gauss consiste à prendre en compte des rayons lumineux fai-
blement inclinés par rapport à l’axe optique de la lentille. Sous cette hypothèse, les rayons
lumineux issus d’un point A repasseront tous, après avoir traversé la lentille, au voisinage d’un
même point B. L’image du point A n’est donc pas un point, mais une tache centrée sur le point
B.
La figure 4.3 représente l’image d’un point vu à travers un système optique parfaitement
stigmatique (à gauche), et l’image du même point vu à travers une lentille mince de rayon 2 cm
et de focale 10 cm. Ces images ont été obtenues par une simulation numérique, en effectuant un
lancer de 50000 rayons à partir d’un même point situé à 10 m de la lentille sur son axe optique.
F IGURE 4.3 – Visualisation d’une PSF dans des conditions de stigmatisme parfait et approché
On constate que dans le cas de la lentille non stigmatique, les points sont répartis tout autour
du centre de l’image, avec une densité qui décroît lorsqu’on s’éloigne du centre. Le stigmatisme
imparfait est à l’origine de l’apparition de ce halo lumineux, qui entraîne un léger floutage de
l’image. Ce floutage devient de plus en plus marqué lorsque le rayon du halo augmente. Dans
le cas où le milieu n’est pas participatif, ce halo est donc intrinsèque au système optique. En
particulier, les aberrations de l’œil humain (qui n’est pas parfaitement stigmatique) limitent
notre perception des détails.
98
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
Un milieu constitué de particules de suie absorbantes et diffusantes peut donc être caracté-
risé par trois propriétés radiatives :
– le coefficient d’absorption κ, qui quantifie la capacité du milieu à absorber l’énergie lu-
mineuse ; ce coefficient d’absorption dépend de la concentration du milieu en particules
et de la longueur d’onde ;
– le coefficient de diffusion σ, qui caractérise sa faculté à diffuser la lumière, et qui dépend
également de la concentration en particules ;
– la fonction de phase P (θ), qui permet de décrire la répartition angulaire de l’énergie dif-
fusée au contact des particules.
L’estimation des propriétés radiatives d’un ensemble de particules peut être réalisée en uti-
lisant la théorie de Mie, en faisant l’hypothèse que les particules sont sphériques. Ce paramètre
de taille est défini comme le rapport entre la taille caractéristique de la particule et la longueur
d’onde incidente. La connaissance de l’indice optique des particules et de leur paramètre de
taille permet alors, en utilisant par exemple la formulation de Bohren et Huffman [111], de dé-
terminer les sections efficaces d’absorption et de diffusion des particules ainsi que leur fonction
de phase.
A partir de ces données, l’objectif de cette section est de calculer la PSF du système {milieu
absorbant-diffusant+lentille}. Pour cela, on va devoir prendre en compte les transferts radiatifs
au sein du milieu. La résolution du transfert radiatif est effectuée grâce à la méthode de Monte
Carlo dite 2.2 déjà développée au LEMTA [110]. Le principe de cette méthode est le suivant :
1. On lance depuis un point objet des quanta (paquets d’énergie initialement identiques).
2. On suit l’évolution de chaque quantum dans le milieu en prenant en compte les évene-
ments d’absorption et de diffusion qu’il subit.
3. On effectue des statistiques sur les quanta reçus par la lentille et on reconstruit l’image
du point objet (PSF) dans le plan focal image de la lentille.
La figure 4.4 schématise la méthode de Monte Carlo pour le suivi des quanta.
Émission de quanta
On émet à partir du point objet un grand nombre Nquanta de quanta ayant pour énergie
initiale :
Etot
Eini = (4.15)
Nquanta
où Eini représente l’énergie initiale d’un quantum et Etot l’énergie totale envoyée depuis le
point source. On pourra considérer dans la suite de l’étude une énergie totale unitaire de 1J.
Les quanta sont émis dans un angle solide d’amplitude θmax en respectant la loi de Lambert
(émission isotrope). La direction d’émission des quanta étant choisie aléatoirement, elle est
définie par un angle polaire θ et un angle azimutal ϕ :
p
θ = arcsin R1 sin2 θmax (4.16)
99
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
F IGURE 4.4 – Schéma de principe de la méthode de Monte Carlo pour le suivi de quanta
ϕ = 2R2 π (4.17)
où R1 et R2 sont des nombres aléatoires choisis selon une loi uniforme sur l’intervalle [0; 1].
−
→
La direction Ωe d’émission du quantum est alors (voir figure 4.5) :
−
→
Ωe = cos θ~ex + sin θ cos ϕ~ey + sin θ sin ϕ~ez (4.18)
où ~ex est la normale à la surface.
On notera que l’angle θmax est, dans l’absolu, égal à π2 . Néanmoins, pour des raisons de
temps de calcul, on peut se permettre de le réduire dans une certaine mesure (car un quantum
émis selon un angle élevé a peu de probabilité d’être diffusé en direction de la lentille).
100
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
Diffusion du quantum
−
→
Lors d’un évènement de diffusion, on calcule la nouvelle direction de diffusion Ωd du quantum,
−
→
qui dépend de sa direction d’incidence Ωi . L’angle polaire de diffusion Θ est déterminé de la
façon suivante :
Z Θ
1
RΘ = P (u) sin u du (4.20)
2 0
Φ = 2RΦ π (4.21)
où RΘ et RΦ sont des nombres tirés aléatoirement selon la loi uniforme sur [0; 1].
En prenant les notations de la figure 4.5, sur laquelle ~er est la direction d’incidence du
quantum, on a :
~er = sin ϕ cos θ~ex + sin ϕ sin θ~ey + cos ϕ~ez (4.22)
~eϕ = cos ϕ cos θ~ex + cos ϕ sin θ~ey − sin ϕ~ez (4.23)
−
→
La direction de diffusion Ωd est alors donnée par la relation suivante (figure 4.6) :
−
→
Ωd = cos Θ~er − sin Φ sin Θ~eϕ + cos Φ sin Θ~eθ (4.25)
Dans le repère de base, cette relation devient :
−
→
Ωd =(cos Θ sin ϕ cos θ − sin Φ sin Θ cos ϕ cos θ − cos Φ sin Θ sin θ)~ex
+(cos Θ sin ϕ sin θ − sin Φ sin Θ cos ϕ sin θ + cos Φ sin Θ cos θ)~ey (4.26)
+(cos Θ cos ϕ + sin Φ sin Θ sin ϕ)~ez
101
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
Absorption du quantum
Le long de son parcours dans le milieu, l’énergie du quantum est absorbée selon la loi de Beer-
Lambert :
102
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
2. Pour chaque échantillon i (i = 1, ..., Nech ), on calcule l’énergie Ei reçue par la lentille.
3. On calcule la moyenne µE et l’écart-type σE pour les valeurs de Ei :
Nech
1 X
µE = Ei (4.28)
Nech i=1
v
u N ech
u 1 X
σE = t (Ei − µE )2 (4.29)
(Nech )(Nech − 1) i=1
4. Tant que µσEE est supérieur à un certain seuil, on repart à l’étape 1 en doublant le nombre de
quanta à lancer. Si µσEE est inférieur à ce seuil, on considère que la convergence est atteinte.
La PSF du système est alors la moyenne des Nech PSF calculées.
103
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
Ce produit de convolution a bien un sens ici (sous l’hypothèse d’invariance par translation),
car la PSF est la réponse impulsionnelle du système. Numériquement, l’opération de convolu-
tion entre l’objet et la PSF est réalisée dans l’espace de Fourier (ce qui permet de transformer
la convolution en produit matriciel).
104
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
F IGURE 4.8 – Mire USAF 1951 utilisée, avec les zones de calcul du contraste
On fera ici l’hypothèse, dans un premier temps, que l’intensité lumineuse reçue par l’oeil
est suffisante pour percevoir l’objet, et que le critère qui permettra de définir la visibilité ou non
de l’objet est le contraste tel que défini par la relation 4.7.
Sur l’exemple de notre mire, l’évaluation du contraste sera faite en considérant les écarts
relatifs de luminance entre les bandes noires et blanches. Cette évaluation sera faite sur la zone
identifiée en rouge sur la figure 4.8, qui correspond aux éléments n◦ 4, 5 et 6 du groupe n◦ -2.
105
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
Le système {source lumineuse + objet + cuve + caméra} est aligné sur un même banc
optique. Les propriétés optiques de la caméra sont les suivantes :
– Distance focale de 10 cm.
– Lentille de 21 mm de diamètre.
– Détecteur de 7 mm × 11 mm (1920 pixels × 1200 pixels).
F IGURE 4.11 – Objet (mire USAF 1951) F IGURE 4.12 – Caméra utilisée
106
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
On notera que les particules étant non absorbantes, le coefficient de diffusion σ du milieu
est égal à son coefficient d’extinction β. La mesure du coefficient de diffusion consiste en une
mesure d’atténuation du faisceau laser à travers la cuve, en vertu de la loi de Beer-Lambert :
1 I
σ=β=− ln( ) (4.32)
L I0
où L désigne la longueur du milieu (la longueur de la cuve), et I et I0 représentent res-
pectivement les intensités lumineuses reçues par le détecteur à travers le milieu diffusant et en
absence de la cuve.
Protocole
Le protocole de l’expérience est le suivant :
1. En absence du milieu diffusant, on enregistre une image de référence de la mire, et on
mesure l’atténuation de référence I0 du faisceau laser.
2. Pour différentes concentrations en billes de silice (et donc différents coefficients d’extinc-
tion) :
– on effectue la mesure d’atténuation au laser.
– on enregistre 400 images de la mire vue à travers le milieu diffusant ; en moyennant
ces 400 images, on obtient une image "moyenne" de la mire, que l’on exploite par la
suite en termes de contraste.
Les solutions de silice sont obtenues par dilutions successives à partir d’une même solution
de base, en partant de la solution la plus concentrée.
107
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
F IGURE 4.16 – Évaluation des rayons des particules de silice au MEB (Microscope
Électronique à Balayage)
Pour la longueur d’onde qui nous intéresse (543 nm), l’indice de réfraction optique des
particules est estimé à 1,46 [112]. D’après Hale et Querry [113], l’indice de réfraction de l’eau
est égal à 1,33 tandis que l’indice d’absorption est négligeable (1, 78.10−9 ), l’eau n’étant pas
absorbante dans le visible.
A partir de ces données, la théorie de Mie nous permet de déterminer les caractéristiques
des particules :
– Section efficace de diffusion de 3, 81.10−13 m2 .
– Section efficace d’absorption de 1, 00.10−28 m2 , donc négligeable.
– Fonction de phase telle que présentée sur la figure 4.17. On notera que cette fonction de
phase est relativement orientée vers l’avant, avec des angles de diffusion essentiellement
situés dans l’intervalle [-30◦ ; 30◦ ].
108
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
F IGURE 4.17 – Fonction de phase pour les particules de silice de diamètre 800 nm pour une
longueur d’onde de 543 nm
translation, ce qui permet de calculer une PSF pour le système {objet+cuve+lentille}. Pour
calculer cette PSF, on émet des quanta et on les suit de la façon suivante :
1. on émet le quantum depuis le point objet et dans un angle maximal θmax déterminé de
sorte que chaque quantum atteigne la face avant de la cuve. Le milieu extérieur n’est pas
participatif (il n’absorbe ni ne diffuse la lumière), donc chaque quantum lancé depuis le
point objet atteint la face avant de la cuve sans subir d’événement de diffusion et avec son
énergie initiale.
2. En traversant la face avant de la cuve, le quantum subit un phénomène de réfraction qui
dévie sa trajectoire. On néglige dans cette étape l’épaisseur des parois de la cuve (2 mm),
et on considère donc que la réfraction se fait à l’interface air/eau. La nouvelle direction du
quantum est calculée en utilisant une forme vectorielle des lois de Snell-Descartes pour
la réfraction.
3. Dans la cuve, le quantum subit des événements de diffusion jusqu’à ce qu’il atteigne à
nouveau une face de la cuve. Le suivi du quantum dans la cuve se fait alors suivant la
méthode décrite dans la section 4.2.2.
4. Lorsque le quantum atteint à nouveau une paroi de la cuve, il sort du milieu diffusant.
Deux cas de figure se présentent alors :
– Le quantum sort de la cuve par l’une des quatre faces latérales : dans ce cas, il n’attein-
dra pas le système optique et on considère qu’il est perdu.
– Le quantum sort de la cuve par la face arrière : il subit alors le phénomène de réfraction
au niveau de l’interface eau/air, et on calcule sa nouvelle direction.
5. Le quantum poursuit son chemin dans l’air ; on distingue deux cas :
– Le quantum n’atteint pas la lentille : on considère qu’il est perdu.
– Le quantum arrive jusqu’à la lentille (dont le diamètre est de 2,1 cm) : dans ce cas, on
détermine sa position dans le plan focal image de la lentille à l’aide des relations de
conjugaison.
Le traitement statistique décrit dans la section 4.2.2 permet alors d’obtenir la PSF du sys-
tème, c’est-à-dire l’image du point objet vu par la lentille à travers la cuve. La reconstruction
109
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
de la mire et son analyse en termes de contraste sont faites suivant la méthode décrite dans les
sections 4.2.3 et 4.2.4.
L’expérience se déroule dans le noir, de façon à supprimer toute source de lumière parasite.
On peut donc considérer que l’intégralité de la lumière reçue par la lentille provient de l’objet.
Dans ce cas de figure (objet lumineux), la loi de Jin estime la distance de visibilité par la
loi :
8
V =
β
La longueur de notre milieu diffusant étant de 0,05 m (la dimension de la cuve), on peut
s’attendre à voir le contraste chuter à 0,02 pour une valeur de K égale à :
8
β= = 160 m−1
0, 05
On décide donc de mener les expériences et de relever des images de la mire sur une gamme
de coefficients d’extinction allant de 0 m−1 à 250 m−1 . Au total, on relève des images de la
mire pour 18 valeurs distinctes de coefficients d’extinction : 0 m−1 (image de référence pour un
milieu non diffusant) ; 40 m−1 ; 48 m−1 ; 57 m−1 ; 67 m−1 ; 81 m−1 ; 94 m−1 ; 103 m−1 ; 113
m−1 ; 125 m−1 ; 135 m−1 ; 144 m−1 ; 160 m−1 ; 174 m−1 ; 190 m−1 ; 209 m−1 ; 227 m−1 ; 240
m−1 .
La figure 4.19 présente nos résultats expérimentaux et numériques. On représente en bleu
l’évolution du contraste évalué sur les images reconstruites avec la méthode Monte Carlo pour
différentes valeurs de β (figures 4.21, 4.23, 4.25 et 4.27). Les points correspondent aux valeurs
expérimentales (contrastes évalués sur les images observées à la caméra et illustrées sur les
figures 4.20, 4.22, 4.24 et 4.26).
On constate tout d’abord que la méthode numérique (méthode de Monte Carlo pour le suivi
des quanta et reconstruction d’images) permet de retrouver des contrastes semblables à ceux ob-
servés expérimentalement, ce qui tend à valider la méthode numérique pour un objet lumineux.
110
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
111
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
En particulier, l’expérience montre que le contraste seuil de 0,02 est atteint pour un coefficient
d’extinction de 215 m−1 , tandis que l’étude numérique donne un coefficient d’extinction de 222
m−1 , ce qui représente une erreur de 3,3% tout à fait acceptable.
Si l’on considère la valeur de 215 m−1 , on montre que le contraste seuil de visibilité est
atteint pour une épaisseur optique de 10,75. A titre de comparaison, cette épaisseur optique est
estimée à 8 d’après Jin [106], et à 23 d’après la corrélation de Butcher et Parnell [107].
Il est important de noter ici que la valeur de 10,75 identifiée à partir de notre étude sur le
contraste de l’image est a priori indépendante de l’intensité de la source lumineuse. En effet, le
contraste évalué selon la loi de Weber-Fechner correspond à un rapport de luminances (équation
4.7). Il sera donc inchangé si on fait varier l’intensité émise par la source. Ainsi, le contraste
évalué sur l’image de la mire ne dépend que du coefficient de diffusion du milieu.
En revanche, les corrélations empiriques présentées dans la section 4.1.2 ont été établies
à partir d’observations humaines, et font donc intervenir l’intensité de la source lumineuse.
Au-delà d’une certaine densité optique, l’énergie reçue au niveau de l’œil humain n’est plus
suffisante pour pouvoir discerner des niveaux de contraste faibles. Lorsqu’on augmente l’inten-
sité de la source, l’énergie lumineuse reçue par l’œil augmente et permet alors de détecter les
contrastes faibles.
Ce constat a pu être réalisé également dans le cas de notre expérience. On a montré que le
contraste sur la mire tombe en-deçà du seuil de 0,02 pour un coefficient d’extinction de 215
m−1 . Néanmoins, pour des coefficients d’extinction supérieurs à 160 m−1 , notre œil humain ne
perçoit plus qu’une image totalement noire, comme on peut le constater sur la figure 4.26 ; on
112
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
pourrait donc considérer que cette valeur correspond au seuil de visibilité. Or, pour un coeffi-
cient de 160 m−1 , le contraste évalué sur la mire reste relativement bon, puisqu’il vaut environ
0, 1.
Pour les coefficients d’extinction compris entre 160 m−1 et 240 m−1 , c’est notre exploi-
tation expérimentale des images qui nous a permis de discerner des contrastes très faibles, en
augmentant notamment le temps d’exposition de la caméra.
L’expérience se déroule en lumière ambiante, dans une pièce comprenant plusieurs sources
de lumière qui éclairent l’objet mais également les différentes faces de la cuve. Dans ces condi-
tions, la lumière reçue au niveau de la lentille peut avoir deux origines :
– la lumière en provenance de l’objet (la lumière ambiante réfléchie par l’objet et diffusée
dans la cuve). Cette lumière contribue à former sur la lentille une image de la mire ;
– la lumière ambiante venant des sources lumineuses et diffusée dans la cuve. A l’inverse,
cette lumière contribue à former sur la lentille un fond continu qui va atténuer le contraste
de l’image. On peut la considérer comme de la lumière parasite.
3
V =
β
113
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
La dimension de la cuve étant de 5 cm, on s’attend ici à atteindre un seuil de contraste pour
une valeur de β égale à 60 m−1 . On va donc s’intéresser à une gamme de coefficients d’ex-
tinction comprise entre 0 m−1 et 100 m−1 . On réalise 20 images différentes pour les valeurs
suivantes de K : 0 m−1 ; 10 m−1 ; 13 m−1 ; 17 m−1 ; 20 m−1 ; 25 m−1 ; 30 m−1 ; 33 m−1 ; 36
m−1 ; 39 m−1 ; 43 m−1 ; 47 m−1 ; 53 m−1 ; 57 m−1 ; 63 m−1 ; 69 m−1 ; 76 m−1 ; 81 m−1 ; 91
m−1 ; 100 m−1 .
On constate ici que le contraste décroit de façon exponentielle avec le coefficient d’extinc-
tion (représenté par une droite en échelle semi-logarithmique). On notera en particulier que le
contraste décroit y compris lorsque le milieu est peu diffusant. En effet, la lumière parasite par-
114
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
venant jusqu’au détecteur de la caméra tend à ajouter un fond continu à l’image de la mire, ce
qui atténue systématiquement le contraste.
Le contraste seuil est ici atteint pour une valeur de K égale à 76 m−1 , au lieu de la valeur
de 60 m−1 attendue. Ce résultat tend toutefois à valider la corrélation de Jin pour un objet
réfléchissant.
115
CHAPITRE 4. ETUDE DE LA VISIBILITÉ
116
Chapitre 5
La norme NF EN ISO 13571 [108] stipule que la modélisation du danger que représentent
les sources de chaleur sur les individus nécessite l’étude de deux critères uniquement :
– Le seuil de brûlure au deuxième degré.
– Le seuil de température au delà duquel l’hyperthermie provoque une atténuation des ca-
pacités cognitives.
117
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Les valeurs issues de la littératures indiquent que le seuil de tenabilité de la peau est de 2,5
kW.m−2 . En-dessous de ce niveau de sollicitation, et pour une durée inférieure à 30 minutes,
aucun effet significatif n’a été observé sur la capacité d’évacuation des individus.
En revanche, au delà de cette durée, le temps de tenabilité trad (s) de la peau avant d’obtenir
des brûlures du second degré a été estimé de façon approximative par Stoll [114] :
Seuil de température
Des données fournies par l’US Navy ont permis d’estimer les temps de tenabilité pour dif-
férentes températures, donnés dans la table 5.2.
Il a été constaté que les brûlures des voies respiratoires liées à l’inhalation d’air contenant
moins de 10% d’eau n’ont jamais été observées sans atteintes préalables de la peau par brûlures.
Cela signifie que le critère de tenabilité en terme de flux est plus bas que celui en température.
Néanmoins, des brûlures des voies respiratoires ont déjà été observées dès 60◦ C dans un air
saturé en humidité. La teneur en eau des fumées étant mal maîtrisée et dépendante de plusieurs
paramètres (nature du combustible, régime de combustion, phénomènes aérauliques), il est plus
sécuritaire de considérer une température seuil de 60◦ C. En plus des dangers qu’il représente
118
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Température Incapacitation
90◦ C 35 minutes
150◦ C 5 minutes
190◦ C immédiate
200◦ C Dommages irréversibles aux voies respiratoires
340◦ C Mort instantanée
pour les voies respiratoires, ce niveau de température rend déjà les conditions d’évacuation in-
confortables (bien que non létales).
On notera également que la température ambiante a une influence sur la vitesse de marche
des personnes. Weidmann [13] estime que la vitesse de marche libre est atteinte à une tempéra-
ture de 15◦ C. Cette vitesse de marche peut atteindre 109% de la vitesse de confort à 0◦ C, mais
peut chuter à 92% de la vitesse de confort à 25◦ C. Cependant, ces données ne prennent pas en
compte la notion de danger liée à l’incendie, et sont donc peu significatives dans notre étude.
– Les effets irritants : Les principaux gaz irritants sont le chlorure d’hydrogène (HCl), le
dioxyde d’azote (NO2 ), le dioxyde de soufre (SO2 ) et le bromure d’hydrogène (HBr).
Ces substances enflamment les tissus et provoquent donc des douleurs. On notera que les
effets irritants sur le système respiratoire (nez, gorge) provoquent une situation d’incon-
fort (toux, réactions physiologiques). De même, les effets irritants sur les yeux entraînent
des clignements qui altèrent l’acuité visuelle.
– Les effets narcotiques : L’inhalation des produits narcotiques entraîne une diminution des
capacités physiques, voire une perte de connaissance.
Les effets toxiques sont actuellement les plus difficiles à estimer de façon objective. En effet,
leur modélisation complète nécessite la connaissance :
119
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Le modèle de toxicité le plus reconnu à ce jour repose sur deux grandeurs appelées FED
(Fractional Effective Dose) et FEC (Fractional Effective Concentration). La FED (respective-
ment FEC) correspond à une dose toxique ingérée par chaque individu, incluant les effets de
tous les gaz asphyxiants (respectivement irritants) cumulés à chaque pas de temps [108]. Ce mo-
dèle, développé par Purser [117], a été l’objet de plusieurs études et a été généralisé au concept
de dose thermique [118].
Les FED et FEC ingérées par un individu au cours de son évacuation sont données par les
équations :
t2
n X
X Ci
FED = δt (5.3)
i=1 τ =t1
(Cτ )i
t2
n X
X φi
FEC = δt (5.4)
i=1 t=t1
Fi
où Ci et φi sont les concentrations moyennes (en µL.L−1 ) du gaz i sur l’incrément de temps
considéré, (Ct)i et Fi sont les doses d’exposition (en min.µL.L−1 ) au-delà desquelles les condi-
tions de tenabilité sont considérées compromettantes, et δt est l’incrément de temps.
En vertu de cette définition, les valeurs seuils de FED et de FEC admissibles sont égales à
1. Toutefois, les courbes représentant les variations de FED au cours du temps pour un individu
présentent des gradients très importants. C’est pourquoi des valeurs seuils de FED inférieures à
1 sont parfois préconisées.
120
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
pas les mêmes conséquences d’un point de vue physiologiques. Néanmoins, ces deux grandeurs
sont ressenties par les individus et entraînent un inconfort dans leur cheminement.
On prend également en compte les contraintes optiques et notamment l’opacité des fumées.
L’opacité est ici caractérisée par le coefficient d’extinction β du milieu.
En revanche, on fait le choix ici de ne pas intégrer les contraintes toxiques dans le modèle
de cheminement de personnes, pour différentes raisons.
– La dose toxique subie par un individu est un critère qui traduit son incapacitation résultant
de l’exposition aux fumées et aux gaz ; elle n’est cependant pas reconnue comme un
critère de décision : les notions de FED et de FEC traduisent un effet physiologique des
gaz sur les personnes, mais les aspects comportementaux liés à la toxicité sont mal connus
et donc difficiles à prendre en compte.
– L’estimation des concentrations en gaz par FDS est sujette à de fortes incertitudes. Des
tests de validation effectués au VTT [119] ont révélé des écarts significatifs entre les
concentrations prédites en O2 , CO2 et CO et les concentrations mesurées. De plus, la
composition des gaz issus de la combustion est très variable selon les matériaux brûlés.
Or, le modèle de combustion par défaut implémenté dans FDS est très simpliste dans la
mesure où il ne prend en compte que quatre éléments chimiques : C,H,O et N. Ainsi, les
concepts de FED et de FEC sont a priori trop sophistiqués au regard des outils dont on
dispose pour les évaluer.
– On peut considérer que les contraintes toxiques sont corrélées aux contraintes optiques,
qui sont généralement les premières à remettre en cause les conditions d’évacuation. En
prenant en compte les aspects liés à la visibilité, on ne néglige donc pas totalement les
contraintes toxiques.
Les données concernant l’impact de la température et des flux thermiques sur le mouvement
des personnes en situation d’incendie sont très rares. On peut toutefois supposer que les fortes
températures et les flux importants entraînent un inconfort pour les individus, qui chercheront à
éviter ces zones.
On propose dans le tableau 5.3 une synthèse des contraintes que l’on prend en compte dans
notre modèle. Le tableau recense les différents types de contraintes liées au feu, et précise pour
chacune d’elles les conséquences qu’elle induit (ou non) sur les décisions des personnes, leur
vitesse de marche (norme et direction), et sur l’obstacle qu’elles constituent éventuellement. On
rappelle également, à titre de comparaison, les effets de la densité de personnes.
On a déjà mentionné dans le chapitre précédent l’impact de l’opacité sur la prise de décision
des individus. L’opacité du milieu est un phénomène visuel, qui peut donc être perçu à distance.
On considère dans notre approche qu’une zone où le coefficient d’extinction local est supérieur
à un certain seuil est considéré comme un obstacle physique par les individus. Ils n’y pénètrent
donc pas et tendent à le contourner.
A l’inverse, les contraintes thermiques ne sont pas visuelles (sauf à proximité du foyer, où
la vue des flammes indique la présence de danger). C’est pourquoi on considère qu’elles n’in-
terviennent pas dans les mécanismes de décision des personnes. Cependant, des individus qui
subissent localement une contrainte thermique trop forte sont amenés à modifier leur trajectoire
souhaitée afin d’éviter ces contraintes.
Dans cette étude, on fait le choix de ne pas prendre en compte l’impact direct des contraintes
thermiques et optiques sur la norme de la vitesse de marche. Des études ont montré, à partir de
données empiriques, que la vitesse de marche d’un individu pouvait être modifiée par la tem-
121
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Température X
Flux thermique X
Opacité X X X
Densité de personnes X X X X
TABLE 5.3 – Impact des différentes contraintes sur le mouvement des personnes
pérature ambiante [13] ou par l’opacité [120]. Néanmoins, ces données ont été obtenues pour
des personnes qui ne se trouvent pas en situation de danger ; il est donc difficile de les trans-
poser dans le cas d’un modèle dédié à l’incendie. Par exemple, il a été constaté que la vitesse
de marche nominale diminue lorsque la température augmente au-delà de 30◦ C. Cependant, il
est probable qu’une personne en situation de danger pendant un incendie accélère son chemi-
nement, même pour des températures élevées. Le manque de données en situation d’incendie
nous incite à éluder ce problème. On considérera donc que la norme de la vitesse de marche est
uniquement dépendante de la densité de personnes.
On notera que la densité de personnes reste l’élément le plus déterminant dans le chemine-
ment des personnes :
– les personnes adaptent leur trajectoire en fonction de la densité de personnes qu’elles
perçoivent dans leur environnement ;
– la vitesse de marche est une fonction de la densité locale ;
– une cellule où la densité de personnes dépasse la densité critique est considérée comme
un obstacle (section 2.2.5).
D’un point de vue algorithmique, l’intégration dans le modèle des contraintes liées à l’in-
cendie est réalisée lors du calcul des vitesses de marche, qui fait l’objet de la section 2.2.4.
Opacité
On rappelle que le domaine de calcul est discrétisé sous la forme de cellules, qui peuvent
être de trois types différents (section 2.2.2 et figure 2.11) :
– les cellules libres ;
– les cellules obstacles ;
– les cellules de sortie.
On considère ici que le statut d’une cellule peut changer au cours de la simulation.
122
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Ainsi, lorsque le coefficient d’extinction β évalué dans une cellule libre (i, j) est supérieur
à un coefficient d’extinction seuil βc , la cellule (i, j) devient une cellule obstacle. Elle est alors
considérée comme un obstacle physique dans l’algorithme PAULO et aucune vitesse n’y est
calculée. Le coefficient d’extinction seuil βc est alors un paramètre d’entrée à fixer.
On propose dans la suite de fixer arbitrairement la valeur βc = 0,6 m−1 . Cette valeur cor-
respond, selon la loi de Jin pour un objet réfléchissant, à une distance de visibilité de 5 m.
Néanmoins, il peut être judicieux de choisir une valeur plus basse pour βc si l’on souhaite ap-
pliquer un critère plus pénalisant.
Contraintes thermiques
On suppose ici que les contraintes thermiques engendrent un inconfort pour les personnes,
qui peut se manifester par une modification de la vitesse de marche.
∂ρ + div(ρ−
→v)=0
∂t
−→ →
−
v = V (ρ) U
→
−
où U désigne le champ de vitesse adimensionnée calculé grâce à l’algorithme PAULO.
On propose ici une formulation incluant une nouvelle composante de vitesse liée aux contraintes
thermiques :
∂ρ + div(ρ−
→
v)=0
∂t (5.5)
−→ −→
v = V (ρ)Ur
−
→ →
− −→
où Ur désigne une combinaison de la direction souhaitée U et d’une direction Uth liée aux
contraintes thermiques :
→
− −→
−
→ (1 − α) U + αUth
Ur = →
− −→ (5.6)
k(1 − α) U + αUth k
Le coefficient α introduit ici est défini de façon locale dans chaque cellule du domaine de
calcul. Il est compris entre 0 et 1 et dépend de l’intensité des contraintes thermiques locales. Au
−
→
niveau de chaque cellule (i, j), la direction (Ur )ij de la vitesse de marche est donc déterminé
grâce à la relation :
→
− −→
−
→ (1 − αij )( U )ij + αij (Uth )ij
(Ur )ij = →
− −→ (5.7)
k(1 − αij )( U )ij + αij (Uth )ij k
Dans ce paragraphe, on se place dans une cellule libre (i, j) dans laquelle on connait la
température T et le flux thermique φ reçu par une personne. On cherche à estimer le coefficient
αij (que l’on notera simplement α pour alléger les notations).
Le coefficient α est donné par :
123
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
α = max(αT , αφ ) (5.8)
où les coefficients αT et αφ sont compris entre 0 et 1 et dépendent respectivement de la
température et du flux thermique évalués dans la cellule.
Évaluation du coefficient αT
Les températures Tg et Ts sont deux constantes que l’on doit fixer. On propose dans la suite
de ce travail de prendre Tg = 40◦ C et Ts = 60◦ C.
124
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Évaluation du coefficient αφ
Comme précédemment, on définit le flux de gêne φg comme le flux à partir duquel les
individus ressentent un inconfort. On définit le flux seuil φs comme un flux critique au-delà de
laquelle les conditions d’évacuation sont remises en causes.
Les flux φg et φs sont deux paramètres à fixer arbitrairement. On propose dans la suite de
choisir φg = 0,5 kW.m−2 et φs = 2,5 kW.m−2 . On rappelle que la valeur de 2,5 kW.m−2 a été
identifiée comme le seuil de tenabilité de la peau (tableau 5.1).
−→
Évaluation de la direction Uth
−→
On cherche à évaluer ici la direction Uth qui représente une déviation de la direction souhai-
tée due aux contraintes thermiques.
On distingue ici 2 cas :
1. Cas où αφ ≤ αT : on considère dans ce cas que la gêne causée par la température est
−→
plus importante que celle causée par le flux thermique. La direction Uth est alors orientée
selon le gradient de température :
125
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
→
−
−→ ~ T
∇
Uth = − −
→ (5.11)
k ~∇ T k
2. Cas où αφ > αT : on considère dans ce cas que la gêne causée par le flux thermique est
−→
plus importante que celle causée par la température. La direction Uth correspond alors au
gradient de flux thermique :
→
−
−→ ~ φ
∇
Uth = − −
→ (5.12)
k ~∇ φk
Néanmoins, il revient à l’utilisateur de fixer des valeurs seuils en accord avec le niveau de
sécurité souhaité. Dans un document édité en mai 2017 (guide de bonnes pratiques pour les
études d’ingénierie du désenfumage) [121], le Laboratoire Central de la Préfecture de Police
(LCPP) préconise notamment des seuils de tenabilité légèrement différents :
– Coefficient d’extinction de 0,4 m−1 ;
– Température de 40◦ C ;
– Flux thermique de 2 kW.m−2 .
Le LCPP recommande en outre de tenir compte de ces critères de tenabilité à une hauteur
de 2 m au-dessus du sol.
Pour un scénario donné, il peut alors être judicieux de faire varier ces paramètres pour
évaluer la sensibilité du modèle.
Coefficient d’extinction
Les coefficients d’extinction sont évalués à partir de la grandeur ’Extinction Coefficient’.
On rappelle que le coefficient d’extinction β est évalué grâce à la relation :
126
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
β = Km ρsuies YS (5.13)
où Km désigne la surface d’extinction massique, ρsuies la masse de suies par unité de volume
et YS le taux de production de suies.
Température
La température est évaluée à partir de la donnée de sortie ’Temperature’. Le code FDS évalue
cette grandeur à partir d’un bilan d’énergie thermique effectué sur un thermocouple modélisé.
Par défaut, les propriétés du thermocouple utilisé pour effectuer ce bilan (masse volumique et
capacité thermique massique) sont celles du nickel. On se référera à la documentation technique
de FDS 6 pour les détails de ce calcul [122].
Flux thermique
Plusieurs capteurs de flux sont définis dans FDS 6 [98]. On fait le choix, dans notre étude,
d’évaluer le flux thermique à partir de la donnée de sortie ’Integrated Intensity’. En effet, le cap-
teur de type ’Integrated Intensity’ de FDS 6 renvoie une intégrale des flux thermiques radiatifs
provenant de toutes les directions de l’espace, et est donc le capteur le plus adapté à notre étude.
On note que ce capteur génère, par sa formulation, une composante de flux thermique non
nulle. En effet, en l’absence de foyer et de toute source de chaleur, l’intégration du flux radiatif
sur toutes les portions de l’espace donne une valeur de flux égale à 4σT 4 , où σ représente la
constante de Stefan-Boltzmann (σ = 5, 67.10−11 kW.m−2 .K−4 ) et T représente la température
du milieu. Cette composante de flux est égale à 1,67 kW.m−2 pour une température ambiante
de 20◦ C. Afin d’obtenir des valeurs de flux réalistes, il est donc nécessaire de retrancher cette
valeur aux flux calculés par FDS.
On choisit ici d’évaluer les grandeurs physiques qui nous intéressent à une hauteur de 1,8 m
au dessus du sol.
Le pas de temps ∆tf eu est un paramètre à fixer par l’utilisateur du modèle. Il correspond
à l’intervalle de temps séparant deux actualisations des données relatives au feu dans le calcul
des vitesses de cheminement. Le choix de ce pas de temps ∆Tf eu est arbitraire. Néanmoins, on
peut souligner deux points importants quant à ce choix :
– Un pas de temps ∆tf eu petit implique une hausse des temps de simulation, puisqu’il
−→
entraine une répétition plus fréquente du calcul des composantes de vitesse Uth .
– Au cours d’une évacuation, les temps caractéristiques de décision et de déplacement des
personnes sont nettement inférieurs au temps caractéristique d’évolution des contraintes
127
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
thermiques et optiques. En d’autres termes, les personnes évoluent "plus vite que le feu".
Dans notre cas, on peut considérer par exemple que le temps caractéristique de la décision
est de l’ordre de la seconde. Or, une seconde n’est pas suffisante pour observer des évolu-
tions significatives des contraintes liées à l’incendie et des remises en causes brutales des
conditions d’évacuation.
128
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Les propriétés thermophysiques utilisées dans la simulation pour modéliser les parois sont
celles du béton. Une grande partie de la surface du magasin est dédiée aux rayons de stockage
des différents produits (vêtements, chaussures, accessoires). Ces emplacements sont représen-
tés en marron sur la figure 5.4 et constituent des obstacles au mouvement des personnes. La
hauteur des emplacements de stockage est de 2 m. La surface disponible pour la circulation des
personnes est de 731 m2 .
Le bâtiment comprend 5 issues de secours, qui sont positionnées suivant le plan représenté
sur la figure 5.5 (sorties 1 à 5).
Chaque issue a une largeur de 2 m. L’ensemble des sorties du bâtiment représente donc une
largeur totale de 10 m, ce qui représente 16 unités de passage.
La configuration étudiée est décrite dans le fichier FDS donné en annexe.
Modélisation du foyer
Le foyer que l’on modélise dans cette simulation est un emplacement de stockage de vête-
ments, représenté en noir sur les figures 5.4 et 5.5. La puissance nominale de ce foyer est fixée
à 3,5 MW. On suppose ici que l’évolution de la puissance du feu au cours du temps obéit à
une croissance rapide au sens de la norme NFPA 204. La puissance nominale du feu est donc
atteinte 300 s après le départ de feu.
La courbe de puissance du foyer est représentée sur la figure 5.6. On s’intéresse ici aux 500
secondes qui suivent le départ de feu. Au-delà de ce délai, on considère que les personnes ont
évacué le magasin.
On représente sur les figures 5.7 et 5.8 les visualisations du foyer et des fumées dans le
magasin à l’instant t = 150 s et à l’instant t = 300 s, à partir duquel la puissance du foyer atteint
sa valeur nominale.
129
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.7 – Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=150 s
F IGURE 5.8 – Visualisation sous Smokeview du foyer et des fumées dans le magasin à t=300 s
m−2 . Du point de vue pratique, une telle densité n’est pas crédible, mais on cherche ici à tester
les capacités du modèle dans des conditions pénalisantes. On considère qu’à l’instant t = 0 s
(instant correspondant au départ de feu), toutes les personnes se trouvent à au moins cinq mètres
du foyer. Cela permet de prendre en compte un délai de temporisation incluant le temps de prise
de conscience du feu et le temps d’alarme.
130
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
On considère dans notre simulation que le temps de pré-évacuation est uniforme pour toutes
les personnes et est égal à 60 s. Là encore, ce temps est choisi volontairement pénalisant, en
particulier pour les personnes situées à proximité du foyer. Entre les instants t = 0 s et t = 60 s,
la densité de personnes est uniforme dans tout le domaine, excepté dans un rayon de 5 m autour
du foyer, où elle est nulle.
On simule ici l’évacuation d’une population caractérisée par ses paramètres moyens, en
faisant toujours l’hypothèse que les gens connaissent parfaitement les lieux et adoptent une
vitesse de marche qui minimise leur temps de sortie.
Le magasin de sport étant un ERP, il est très probable que la population présente dans
l’établissement à un instant donné soit diversifiée concernant l’âge des personnes, leur vitesse
de marche ou encore leur connaissance des locaux. Ainsi, il n’est pas envisageable de simuler
ici toutes les configurations possibles. On s’intéressera dans la suite à 4 scénarii particuliers en
faisant varier certains paramètres de la population.
Pour chaque scénario, on évalue les contraintes thermiques et optiques à 1,8 m de hauteur,
et on les actualise à un pas de temps ∆tf eu = 5 s.
Scénario n◦ 1
Les 700 personnes présentes dans le magasin possèdent les caractéristiques suivantes :
– Vitesse de marche : V0 = 1,25 m.s−1
– Densité de personnes critique : ρc = 5,4 m−2
Les personnes évacuent en utilisant les cinq issues de secours disponibles.
Scénario n◦ 2
Les 700 personnes présentes dans le magasin possèdent les mêmes caractéristiques que
précédemment.
En revanche, pour ce scénario, seules les sorties 1, 2 et 3 seront utilisées par les personnes.
En effet, ces trois sorties sont les plus familières pour les individus, puisqu’elles correspondent
aux sorties principales du magasin (les issues 4 et 5 étant des issues de secours).
Scénario n◦ 3
Scénario n◦ 4
131
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.9 – Champ de température dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s
132
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.10 – Champ de flux thermique dans le magasin à 1,8 m du sol à l’instant t=250 s
−→
On peut également déterminer les composantes de vitesse Uth dues aux contraintes ther-
miques, comme expliqué dans la section 5.1.4. On rappelle que cette composante s’exprime
comme l’opposée d’un gradient de température ou de flux selon la gêne plus ou moins impor-
tante causée par ces deux phénomènes thermiques. La figure 5.12 représente les composantes
−→
de vitesses Uth calculées pour t = 250 s. On notera que ces composantes de vitesse sont les
mêmes pour chaque instant compris entre t = 250 s et t + ∆tf eu = 255 s.
−→
Dans les zones où le coefficient α vaut 0, la composante Uth n’intervient pas dans la direction
133
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
−→
F IGURE 5.12 – Composantes de vitesse Uth pour 250 s ≤ t < 255 s
−
→ − →
de la marche des personnes. On a alors Ur = U .
Scénario n◦ 1
Le scénario n◦ 1 correspond au scénario de référence pour notre configuration. On simule
l’évacuation des 700 personnes présentes initialement en considérant que les 5 issues de secours
sont accessibles. Les caractéristiques du mouvement des personnes sont celles introduites dans
le chapitre 2 et utilisées tout au long de ce manuscrit : V0 = 1,25 m.s−1 et ρc = 5,4 m−2 . La loi
densité-vitesse correspondante est représentée sur la figure 2.2, et le diagramme fondamental
associé sur la figure 2.3.
Le taux de personnes évacuées au cours du temps est représenté sur la figure 5.13.
Le temps de cheminement des personnes (temps écoulé entre les sorties des première et
dernière personnes) est ici de 79,7 s. Le flux moyen de personnes sortant du domaine au cours
du cheminement est donc de 8,8 personnes par seconde, ce qui représente un flux par unité de
largeur de 0,88 m−1 .s−1 . Ce flux est inférieur au flux maximal de 1,14 m−1 .s−1 .
On représente sur la figure 5.14 l’évolution au cours du temps du flux de personnes à travers
chacune des 5 issues.
En intégrant ces données au cours du temps, on peut déterminer la proportion de personnes
ayant emprunté chaque issue. Ces proportions sont données dans le tableau 5.5.
On constate que la répartition des personnes suivant les 5 sorties est relativement homogène,
chacune d’entre elles étant empruntée par environ 20 % des occupants. Ce constat est plutôt
cohérent avec l’hypothèse selon laquelle les personnes empruntent la sortie qui minimise leurs
temps de sortie.
L’évolution au cours du temps des flux de personnes a une allure très différente selon la
134
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.13 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )
F IGURE 5.14 – Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 1 (V0 = 1,25 m.s−1 ,
ρc = 5,4 m−2 )
Sortie 1 22,6%
Sortie 2 21,5%
Sortie 3 21,8%
Sortie 4 17,7%
Sortie 5 16,4%
TABLE 5.5 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 1
sortie considérée (figure 5.14). Cette évolution s’explique essentiellement par les positions re-
latives des issues de secours dans le magasin.
Par exemple, les flux de personnes à travers les sorties 1 et 2 ont des allures très similaires,
avec un flux stationnaire de 0,98 m−1 .s−1 . Cela s’explique par le fait que ces deux issues sont
135
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
très proches l’une de l’autre. Le flux principal de personnes provenant de cette partie du magasin
se divise donc naturellement en deux flux égaux vers chacune des sorties.
En revanche, la sortie 3 est relativement éloignée des autres issues ; l’évolution du flux de
personnes qui la traverse est donc indépendant de ce qui se passe au niveau des autres issues.
On observe ainsi que ce flux (représenté en jaune sur la figure 5.14) est quasiment constant et
égal à sa valeur nominale de 1,14 m−1 .s−1 , qui est la valeur maximale admissible d’après le
diagramme fondamental.
Les flux de personnes traversant les sorties 4 et 5 sont plus faibles ; cela s’explique par
le fait que ces sorties sont proches l’une de l’autre et excentrées par rapport aux trois sorties
principales.
On note que les flux de personnes s’annulent de façon quasi-simultanée pour chacune des 5
sorties (dans un intervalle de temps compris entre t = 136 s et t = 141 s), ce qui est parfaitement
cohérent avec notre hypothèse de base : les personnes minimisent leur temps de sortie.
Scénario n◦ 2
Dans ce deuxième scénario, on considère que seules les issues principales 1, 2 et 3 sont
utilisées par les individus. Les sorties 4 et 5 ne sont pas prises en compte par les personnes.
La largeur totale des dégagements pour ce scénario est donc de 6 m, ce qui correspond à 10
unités de passage. Le nombre de dégagements ayant été multiplié par 0,6 par rapport au premier
scénario, on peut s’attendre à ce que le temps de cheminement soit affecté dans des proportions
similaires (multiplié par 53 , soit environ 1,6).
Les caractéristiques du mouvement des individus (vitesse de marche libre, densité de per-
sonnes critique) sont les mêmes que précédemment.
On représente sur la figure 5.15 l’évolution du taux de personnes sorties au cours du temps
pour le scénario n◦ 2, que l’on compare à celui obtenu pour le scénario n◦ 1.
F IGURE 5.15 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )
Le temps de cheminement des personnes est ici de 114,3 s, alors qu’il était de 79,7 s pour le
premier scénario. Le rapport de ces deux temps est donc égal à 1,43.
L’analyse des flux de personnes à travers les différentes issues (représentés sur la figure
5.16) permet d’estimer la proportion des personnes ayant emprunté chacune des sorties ; ces
proportions sont indiquées dans le tableau 5.6.
Ici encore, on constate que les individus se sont répartis de façon assez équitable entre les
trois sorties. On notera également que les flux de personnes à travers chacune des trois sorties se
136
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.16 – Flux de personnes à travers les 3 sorties pour le scénario n◦ 2 (V0 = 1,25 m.s−1 ,
ρc = 5,4 m−2 )
Sortie 1 31,0%
Sortie 2 32,2%
Sortie 3 36,8%
TABLE 5.6 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 2
sont annulés presque simultanément, ce qui est en bon accord avec l’hypothèse de minimisation
du temps de sortie.
Comme dans le cas du scénario n◦ 1, l’analyse des résultats révèle que le flux moyen de
personnes à travers la sortie 3 (égal à 1,14 m−1 .s−1 ) est supérieur aux flux calculés pour les
sorties 1 et 2 (0,98 m−1 .s−1 ).
Ce phénomène peut être expliqué en observant l’évolution dans l’espace et dans le temps de
la densité de personnes dans le magasin au cours de l’évacuation. On s’intéresse notamment à
l’intervalle de temps compris entre t = 80 s et t = 160 s. Dans cet intervalle de temps, les flux
de personnes aux sorties sont constants. On représente sur la figure 5.17 la répartition spatiale
de la densité de personnes dans le magasin à l’instant t = 100 s. Les zones de congestion y sont
identifiées par un cercle blanc.
On observe que la densité de personnes est plus importante au niveau des sorties 1 et 2
qu’au niveau de la sortie 3. En effet, autour des sorties 1 et 2, on observe une situation de
congestion avec la formation d’arcs de cercle où apparaissent des densités de personnes élevées
(supérieures à 4 m−2 ). A la frontière du domaine (passage de porte), la densité moyenne de
personnes est de 2,79 m−2 . Pour cette valeur, le diagramme fondamental de notre modèle (figure
2.3) indique un flux de 0,98 m−1 .s−1 .
En revanche, on peut constater qu’il n’y a pas de congestion forte au niveau de la sortie 3.
Comme le montre la figure 5.17, la présence d’obstacles de part et d’autre de la porte permet de
fluidifier la circulation des personnes vers la sortie et d’obtenir, au niveau du passage de porte,
une densité de personnes moyenne de 1,92 m−2 . Cette densité de personnes correspond alors,
137
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
d’après le diagramme fondamental, à un flux de 1,14 m−1 .s−1 que l’on retrouve par la simula-
tion numérique.
Les simulations numériques effectuées permettent donc de retrouver des phénomènes qua-
litatifs observables dans la réalité, et notamment le paradoxe de Braess évoqué dans la section
1.1.3, selon lequel la présence d’obstacles dans un milieu permet d’y optimiser les flux de
personnes. Ce résultat montre également l’impact de l’aménagement des locaux et du position-
nement des sorties sur le cheminement des personnes.
Scénario n◦ 3
Pour ce troisième scénario, on s’intéresse à une population d’individus encombrés par des
affaires personnelles (sacs, paniers). Les individus occupent ainsi une surface au sol plus im-
portante, ce qui réduit la densité de personnes critique. De plus, le port de charges entraîne une
diminution de la vitesse de marche. On considère ici que notre population est caractérisée par
une vitesse de marche libre V0 égale à 1 m.s−1 et une densité critique ρc de 3 m−2 . On représente
respectivement sur les figures 5.18 et 5.22 la loi densité-vitesse et le diagramme fondamental
utilisé dans la simulation.
Comme pour le scénario de référence (scénario n◦ 1), les cinq issues sont utilisées par les
individus. Le pourcentage de personnes sorties au cours du temps est représenté sur la figure
5.20.
Le temps de cheminement obtenu numériquement est de 118,9 s, contre 79,7 s pour le
scénario n◦ 1. On représente respectivement sur la figure 5.21 et dans le tableau 5.7 l’évolution
des flux aux sorties et la répartition des choix de sortie des personnes.
L’évolution des flux de personnes aux sorties au cours du temps est relativement similaire
à celle obtenue pour le scénario n◦ 1. Les valeurs plus faibles de flux sont directement impu-
tables à la diminution de la vitesse de marche V0 , mais également à la diminution de la densité
138
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.18 – Loi densité-vitesse utilisée F IGURE 5.19 – Diagramme fondamental utilisé
dans le scénario n◦ 3 dans le scénario n◦ 3
F IGURE 5.20 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1
m.s−1 , ρc = 3 m−2 )
F IGURE 5.21 – Flux de personnes à travers les 5 sorties pour le scénario n◦ 3 (V0 = 1 m.s−1 , ρc
= 3 m−2 )
139
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Sortie 1 22,8%
Sortie 2 21,4%
Sortie 3 21,1%
Sortie 4 16,9%
Sortie 5 17,8%
TABLE 5.7 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 3
de personnes critique ρc , comme cela a été démontré dans la section 3.4.3. D’un point de vue
plus qualitatif, on peut observer au cours de la simulation que les zones de congestion maxi-
male (c’est-à-dire les zones où la densité de personnes est égale à la densité critique) sont plus
étendues : les individus occupent plus d’espace, notamment à proximité des passages de porte.
Scénario n◦ 4
On simule dans un dernier temps l’évacuation de deux populations ayant des vitesses de
marche libres différentes. Parmi les 700 personnes présentes initialement, 80 % se déplacent à
la vitesse de 1,25 m.s−1 , et 20 % marchent à une vitesse très réduite de 0,6 m.s−1 . La densité de
personnes critique est fixée à 5,4 m−2 . Les caractéristiques du mouvement des personnes sont
représentées sur les figures 5.22 et 5.23.
140
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
F IGURE 5.24 – Taux de personnes sorties au cours du temps pour la population 1 (V0 = 1,25
m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 ) et pour la population 2 (V0 = 0,6 m.s−1 , ρc = 5,4 m−2 )
Sortie 1 22,0%
Sortie 2 22,3%
Sortie 3 20,5%
Sortie 4 18,3%
Sortie 5 16,9%
TABLE 5.8 – Répartition des personnes selon les sorties pour le scénario n◦ 4
On constate encore une fois que les personnes se répartissent de façon relativement équitable
entre les différentes sorties, même si les sorties 1, 2 et 3 sont les plus utilisées.
En revanche, l’évolution des flux de personnes aux sorties au cours du temps est différente
de celle obtenue pour les scénarii précédents. En effet, on constate que pour chaque sortie, le
141
CHAPITRE 5. CONTRAINTES LIÉES À L’INCENDIE
Cette méthode a été mise en œuvre sur une configuration à grande échelle (un magasin de
sport) avec des densités de personnes élevées, en se basant sur un foyer réaliste compte tenu de
la taille et de la nature du batiment. Quatre scénarii d’évacuation différents ont été simulés, en
faisant varier certains paramètres comme la vitesse de marche libre et la densité de personnes
critique, et en traitant notamment le cas de deux populations se déplaçant à des vitesses diffé-
rentes.
Bien que cette prise en compte des effets du feu dans le modèle de cheminement semble
prometteuse, il est toutefois nécessaire de prendre quelques précautions quant à son emploi. En
effet, la méthode introduite fait apparaître plusieurs constantes (température et flux de gêne,
température et flux critiques) qui ont été fixées de manière arbitraire. De plus, le manque de
données expérimentales, de connaissances et de travaux antérieurs concernant l’impact du feu
sur l’évacuation ne permet pas, à ce stade, d’effectuer de phase de validation pertinente.
142
Conclusion générale et perspectives
C’est pourquoi la suite du travail a été consacrée à la mise en place d’un modèle de chemi-
nement de personnes basé sur une approche macroscopique. D’un point de vue mathématique,
notre modèle prend la forme d’une équation de conservation de la densité de personnes trans-
portée dans un champ de vitesses. Ce champ de vitesses est déterminé en faisant l’hypothèse
que les individus connaissent parfaitement les lieux et les issues de secours et qu’ils cherchent à
minimiser leur temps de sortie en fonction de la densité de personnes qu’ils rencontrent le long
de leur chemin. L’un des principaux avantages de cette formulation mathématique est le très
petit nombre de paramètres caractérisant le mouvement des individus : on y introduit le temps
de réaction et de pré-mouvement des personnes, leur vitesse de marche et leur densité, ces deux
derniers paramètres étant reliés par une loi densité-vitesse empirique. L’équation du modèle est
alors résolue grâce à un algorithme spécifique élaboré au cours de cette thèse et baptisé MAR-
COE PAULO. Cet algorithme consiste en une boucle temporelle dans laquelle chaque itération
se décompose en deux étapes : une première étape où l’on calcule le champ des vitesses de
marche en tenant compte de la densité de personnes dans le bâtiment à un instant t (PAULO) ;
une seconde étape au cours de laquelle on transporte la densité de personnes pour obtenir le
143
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
La phase de validation a nécessité, quant à elle, la mise en place d’un protocole expérimental
afin de récolter des données réelles et exploitables pour la validation du modèle. Au cours de ce
travail de thèse, des expériences ont été menées à différentes échelles :
– D’abord à petite échelle dans une pièce de 10 m2 avec des effectifs restreints (5 puis
10 personnes) ; ces expériences ont permis d’avoir une première idée sur la validité du
modèle et de vérifier que le phénomène de congestion au niveau d’une sortie est bien
représenté.
– Ensuite à moyenne échelle, dans un compartiment de 121 m2 constitué de trois pièces et
d’un couloir, avec un effectif de 60 personnes. Chaque expérience a été réalisée plusieurs
fois dans un souci de répétabilité des résultats, et quatre scénarii différents ont été mis en
œuvre afin de multiplier les données de validation.
Les différentes expériences réalisées à moyenne échelle ont permis de démontrer que le code
MARCOE PAULO est capable de fournir des résultats quantitatifs (flux de personnes, temps
d’évacuation) représentatifs de ceux observés dans la réalité. On notera que cette phase de va-
lidation s’est avérée concluante car les paramètres d’entrée (vitesse de marche libre, densité de
personnes critique, relation densité-vitesse) utilisés pour la simulation sont assez représentatifs
de la population étudiée dans l’expérience. La connaissance et la maîtrise des caractéristiques
de la marche d’une population dont on souhaite simuler l’évacuation sont donc primordiales.
L’étude de sensibilité effectuée dans le troisième chapitre a d’ailleurs montré l’impact des para-
mètres d’entrée (vitesse de marche libre, densité de personnes critique) sur les flux de personnes
et les temps d’évacuation qui en découlent. Le choix de la relation empirique liant la vitesse de
marche à la densité de personnes a également une influence sur les résultats fournis par le code.
144
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
Effets du feu
Les travaux présentés dans les quatrième et cinquième chapitres s’attachent à l’impact du
feu sur les personnes et leur évacuation. Trois types d’impact du feu sur les personnes ont été
recensés dans ce travail :
– les effets toxiques (asphyxiants, irritants ou narcotiques), qui ont été éludés dans cette
étude ;
– les effets thermiques, parmi lesquels on a distingué le flux thermique et la température ;
– les effets optiques, que l’on incombe essentiellement aux particules de suie.
L’un des objectifs de ce travail de thèse était d’intégrer dans le modèle de cheminement de
personnes des contraintes inhérentes au développement du feu. On a proposé ici une stratégie
afin d’intégrer les contraintes thermiques (flux thermique et température) dans le processus de
cheminement. Cette stratégie suppose que les individus cherchent à se déplacer suivant leur di-
rection préférentielle, mais sont amenés à dévier de leur trajectoire lorsqu’ils rencontrent locale-
ment une contrainte thermique supérieure à un certain seuil. La déviation est alors d’autant plus
importante que la contrainte subie est forte. D’un point de vue algorithmique, cette hypothèse
affecte le calcul des vitesses dans l’étape PAULO : la vitesse effective de marche des personnes
est alors une combinaison de leur vitesse préférentielle et d’une composante de vitesse orientée
suivant un gradient de contrainte thermique. Ce nouveau mode de calcul des vitesses de che-
minement fait intervenir des seuils de flux et de température (seuils de gêne, seuils critiques de
tenabilité) dont les valeurs sont ici fixées de façon arbitraire. Ces paramètres sont réglables par
l’utilisateur qui peut ainsi pénaliser le cheminement des personnes de façon plus ou moins forte.
Les contraintes optiques ont également été prises en compte dans le processus de cheminement
via l’introduction d’un niveau d’opacité seuil. On a alors considéré dans notre modèle que les
individus ne pénètrent pas dans les zones où l’opacité locale dépasse le seuil de tenabilité.
Un focus particulier a été porté dans ce travail sur les contraintes optiques et en particulier
sur l’étude de la visibilité en situation d’incendie. Cette étude de la visibilité a débouché sur
deux enseignements principaux.
D’abord, elle a permis de valider expérimentalement une technique de reconstruction de
l’image d’un objet vu à travers un milieu absorbant-diffusant tel que les fumées d’incendie.
Cette technique, basée sur une méthode de Monte Carlo combinée à une formulation matricielle
de reconstruction d’images, a été mise en œuvre sur une mire de résolution USAF 1951 dans
le cas d’un milieu purement diffusant. L’observation expérimentale de cette mire à travers des
milieux de différentes densités optiques a montré que les images reconstruites par la simulation
numérique sont très proches de celles observées expérimentalement. En particulier, les niveaux
de contraste évalués sur les images numériques et expérimentales de la mire sont très proches.
Elle a également permis d’évaluer les corrélations de Jin, qui demeurent à l’heure actuelle
une référence pour l’évaluation de la visibilité dans un milieu enfumé. Des images de mires
lumineuses et réfléchissantes ont été observées et analysées en termes de contraste pour des
milieux de différentes densités optiques. Leur exploitation, basée sur un critère de contraste
seuil de 0,02 pour définir la distance de visibilité, a révélé une bonne cohérence avec les lois de
Jin. Ce critère a donc été choisi dans la suite du travail.
Perspectives de travail
Les travaux menés au cours de cette thèse ont abouti à un certain nombre de questionne-
ments, et ouvrent la voie à de nouvelles perspectives de recherches.
145
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
Dans le cas de fortes densités de personnes, ce mouvement ordonné des individus laisse
place à un mouvement d’ensemble plus diffus, où le déplacement de chaque individu est aussi
gouverné par ses interactions avec ses voisins et pas seulement par ses choix individuels. Afin
de rendre compte de ce phénomène, on a proposé en fin de deuxième chapitre une formulation
du modèle qui inclut un terme s’apparentant à de la diffusion. Ce terme est lié à des longueurs
d’interaction, qui définissent la dimension du voisinage des individus. On a notamment intro-
duit dans le deuxième chapitre une longueur d’interaction entre individus issus d’une même
population, et une longueur d’interaction entre individus issus de deux populations différentes.
Cette formulation n’a, à l’heure actuelle, été mise en œuvre que sur des cas très basiques,
et sa validité reste encore sujette à question. En particulier, l’identification des longueurs d’in-
teraction est un point non résolu au stade de cette étude. Les premières simulations effectuées
laissent toutefois entrevoir quelques pistes :
– les longueurs d’interaction dépendent de la densité de personnes locale ;
– dans le cas du modèle à plusieurs populations, la longueur d’interaction entre deux popu-
lations distinctes est supérieure à la longueur d’interaction au sein d’une même popula-
tion ;
– dans le cas des faibles densités de personnes, la valeur des longueurs d’interaction n’a pas
d’impact significatif sur le cheminement des personnes.
146
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
– Les expériences à grande échelle permettraient d’obtenir des temps d’évacuation conformes
à ceux que l’on obtient dans les situations réelles, ce qui donnerait plus de crédit au mo-
dèle.
Toutefois, l’organisation de ce type d’exercice comporte un certain nombre de contraintes :
– disponibilité des locaux ;
– mobilisation d’un grand nombre de personnes ;
– mise en place du dispositif expérimental ;
– aspects administratifs et réglementaires.
Étude de la visibilité
L’étude de la visibilité exposée dans le quatrième chapitre s’est attachée à une technique de
reconstruction d’images ainsi qu’à l’évaluation des corrélations de Jin pour l’estimation de la
visibilité en milieu enfumé. L’analyse des images effectuée dans cette étude était basée sur le
seul critère de contraste. Cependant, la visibilité est également liée aux notions de résolution
et de luminosité. En effet, si l’on s’intéresse à un panneau de signalétique incendie tel qu’un
BAES, on pourra considérer que le panneau est visible et interprétable par les individus si la
lumière qui en provient parvient jusqu’à l’œil de l’individu, sans considération particulière sur
le contraste. L’étude effectuée au cours de cette thèse pourra donc être complétée par une étude
sur la luminosité, en considérant les caractéristiques réelles des blocs d’éclairage de secours.
Cette étude de la visibilité en situation d’incendie pourrait alors déboucher sur une inté-
gration de la signalétique incendie et de son influence dans le modèle de cheminement de per-
sonnes. En modélisant de façon fiable l’impact de la signalétique sur le comportement humain,
on pourrait s’intéresser en particulier à l’aménagement des panneaux lumineux dans un com-
partiment et à l’optimisation de leur placement afin de faciliter le cheminement des personnes.
A l’heure actuelle, les études menées sur le comportement humain en situation d’incendie
sont essentiellement basées sur des retours d’expériences post-incendie et sur des considérations
qualitatives. L’une des pistes envisagées au LEMTA fait appel aux connaissances et aux outils
du domaine des sciences humaines et sociales, et en particulier de la psychologie. Des travaux de
recherche initiés au laboratoire, partiellement présentés dans le troisième chapitre et poursuivis
147
CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
actuellement dans le cadre d’une thèse de doctorat, se sont intéressés à l’évaluation de l’impact
des facteurs humains sur l’évacuation. Ces travaux se sont notamment appuyés sur une approche
théorique (définition des concepts de base de l’évacuation et des concepts liés au comportement
humain), une approche expérimentale (exercices d’évacuation avec différents scénarii) et une
approche psychométrique (mesure de grandeurs psychologiques à l’aide de questionnaires). La
corrélation entre ces trois approches a abouti à des premières conclusions prometteuses. Cette
étude a notamment mis en avant l’existence de critères permettant de différencier les individus
d’une population :
– la connaissance des locaux (connaissance parfaite, partielle ou médiocre) ;
– la capacité à gérer ses propres émotions ;
– la capacité à gérer les émotions des autres personnes ;
– le niveau de vigilance.
A partir de ces critères, l’étude menée au LEMTA a identifié quatre grands types de com-
portements humains susceptibles d’être observés au cours d’une évacuation.
La poursuite de ces travaux et l’apport des outils des sciences humaines constitueront, en
plus d’une approche novatrice, une plus-value indéniable à ce travail de thèse. La méthode em-
ployée reposera notamment sur des essais à grande échelle et sur l’analyse des comportements
sur la base d’enregistrements vidéos. La transcription des résultats sous une forme modélisable
et compatible avec le code MARCOE PAULO devra ensuite être envisagée.
148
Annexe
&MESH IJK=480,320,35,
XB=0.0,48.0,0.0,32.0,0.0,3.5,ID=’Geometrie’/
&TIME T_END=500.0/
&DUMP SMOKE3D=.TRUE.,
NFRAMES=100,
DT_PART=0.5,
DT_HRR=1.0,
DT_SLCF=5.0,
DT_PL3D=1.0,
DT_ISOF=1.0 /
&MATL ID=’BETON’,
CONDUCTIVITY=0.92,
SPECIFIC_HEAT=0.88,
DENSITY = 2200./
&SURF ID=’WALL’,DEFAULT=.TRUE.,
RGB = 240,230,140,
MATL_ID = ’BETON’,
THICKNESS = 0.012 /
&MATL ID=’Textile’,
SPECIFIC_HEAT=4.0,
CONDUCTIVITY=0.07,
DENSITY=100.0/
&SURF ID=’VETEMENTS’,
RGB = 156,102,31,
MATL_ID = ’Textile’,
THICKNESS = 0.012 /
149
ANNEXE
&REAC ID=’REAC’,
C=3.0,
H=8.0,
O=0.0,
N=0.0,
SOOT_YIELD=0.02/
150
ANNEXE
&MATL ID=’Foyer’,
SPECIFIC_HEAT=4.0,
CONDUCTIVITY=0.07,
DENSITY=100.0,
HEAT_OF_COMBUSTION=3.5E4/
&SURF ID=’foyer’,
RGB=255,128,10,
HRRPUA=218.75,
RAMP_Q=’Foyer_RAMP_Q’,
MATL_ID=’Foyer’,
MATL_MASS_FRACTION=1.0,
THICKNESS=0.1/
&OBST XB =4.0,6.0,14.0,16.0,0.0,1.5,
SURF_ID6=’foyer’,’foyer’,’foyer’,’foyer’,’INERT’,’foyer’ /
151
ANNEXE
&TAIL /
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Modélisation de l’évacuation des personnes en situation d’incendie
Résumé
This work was conducted as a collaboration between CNPP and the laboratory LEMTA. It was
devoted to the implementation of an emergency egress model offering prospects for use in Fire Safety
Engineering. The pedestrian movement model described in this manuscript is a physical model relying
on a people density balance equation. This model is based on three fundamental assumptions resulting
from pedestrian phenomena commonly observed, especially in crowds. Its mathematical formulation
assumes that people are regarded as a mean density in a macroscopic way. The pedestrian model was
tested on verification and comparison cases extracted from literature. Evacuation drills were also
performed at real scale without fire constraints to collect some quantitative data like egress times or
flows, and to validate the people motion model. Furthermore, a mathematical strategy is propounded
in order to integrate thermal and optical stresses into the evacuation model and to take into
consideration their incidence on evacuation processes. Finally, egress simulations are achieved on a
large-scale configuration considering different scenarios involving fires.
Keywords : fire safety, evacuation, modelling, experimental validation, visibility, human behavior