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Édition électronique
URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=21539
ISSN : 2509-0399
Date de mise en ligne : 01 juillet 2020
Pagination : 198-211
Référence électronique
Janati-Idrissi, F., «La transformation digitale des PME au Maroc : enjeux et
perspectives», Revue "Repères et Perspectives Economiques" [En ligne], Vol. 4, N° 2 / 2ème
semestre 2020, mis en ligne le 01 juillet 2020.
URL: https://revues.imist.ma/index.php?journal=rpe&page=article&op=view&path%5B%5D=21539
La transformation digitale des PME au Maroc : enjeux et perspectives
Summary
This paper aims to address and analyze the challenges and opportunities brought by
digital transformation, in particular, for SMEs at the national level. Methodologically,
we have adopted an exploratory qualitative approach with Moroccan SMEs. The
results of this exploration highlight that the major challenges facing Moroccan
companies are human capital, funding and methodological support.
Résumé
Ce papier a pour objectif d’aborder et d’analyser les défis et les opportunités apportés
par la transformation numérique, notamment, pour les PME au niveau national. Sur le
plan méthodologique, nous avons adopté une approche qualitative exploratoire auprès
des PME marocaines. Les résultats de cette exploration mettent en évidence que les
grands défis auxquels sont confrontées les entreprises marocaines sont le capital
humain, le financement et l’accompagnement méthodologique.
Introduction
La transformation digitale est aujourd’hui un impératif catégorique pour toute entreprise pour
réussir dans son marché, cette dernière constitue aussi un véritable levier de performance. En
effet, la digitalisation des entreprises est en marche, celle-ci n’est plus une option. Elle
bouleverse les méthodes de fonctionnement des entreprises. Elle pousse les entreprises à se
réinventer à marche forcée par un changement de paradigme imposé par les nouvelles
technologies. Elle impacte les relations et interactions au sein de leurs équipes, mais
également dans leur rapport avec l’externe.
En outre, les capacités de traitement et d’analyse de l’information qu’elle offre cette
révolution ouvre de formidables opportunités dans les entreprises, et ce dans tous les
domaines : elles permettent de réduire les coûts, de créer un nouveau dialogue avec les clients,
de rendre les organisations plus efficaces. Les entreprises sont conscientes de l’existence de
ces opportunités et s’engagent dans un processus de transformation digitale (Dudézert, 2018).
Cette dernière conduit à une véritable transformation de l’organisation du travail : pas tant
parce qu’elle permet de numériser tous les processus de l’organisation, mais surtout parce
qu’elle nécessite de reconstruire en profondeur pour chaque entreprise un nouvel équilibre
entre autonomie et contrôle des salariés.
Face à cette situation, la transformation digitale peut être considérée comme une source
d'angoisse pour un nombre de dirigeants des entreprises. Ceux-ci doivent expérimenter de
nouvelles modalités de travail qui allient partage d’expériences, travail d’équipe, forte
collaboration avec les clients, créativité et innovation. Autant de défis que le numérique peut
aider à résoudre, si l’on sait saisir les opportunités. D’où à travers ce travail, nous
souhaiterons se focaliser sur le cas des PME et répondre à la question suivante : Comment les
dirigeants ou les responsables en entreprises appréhendent-ils le Digital dans les PME
marocaines ?
La perception des responsables des PME face aux possibilités apportées par la digitalisation
sera explorée à travers ce papier. Pour ce faire, nous avons adopté une approche qualitative
exploratoire auprès des PME marocaines. Les objectifs de l’étude consistent à comprendre les
champs de définition que revêt la transformation numérique dans les PME au Maroc et
identifier les opportunités apportés par cette révolution et les défis à lever pour poursuivre la
transition numérique dans les PME. Notre étude a été menée sous forme d’entretiens semi-
directifs. Le recueil d’informations par les entretiens semi-directifs permet de centrer le
discours des personnes interrogées autour des thèmes définis préalablement et consignés dans
un guide d’entretien construit de manière uniforme
Après avoir défini le concept de la transformation digitale, ainsi que retracer l’état de l’art sur
ses effets sur la stratégie de l’entreprise. La seconde partie présentera la méthodologie utilisée
pour adopter notre étude exploratoire. Les résultats synthétisés et les contributions de cette
recherche seront enfin discutés.
1. La transformation digitale : éclairage conceptuel
1.1. La transformation digitale : Terme encoure flou
La transformation numérique, également dénommée digitalisation, est un concept encore
protéiforme, certains praticiens la caractérisent comme « les changements induits par les
technologies numériques dans tous les aspects de la vie humaine » (Stolterman et Fors, 2004).
La notion de transformation numérique ou digitale nous questionne sur la nature des
évolutions rendues possibles par les derniers développements dans le domaine des TIC. Les
différentes vagues de développement technologique ont toutes, à des degrés divers, eu un
impact profond sur le développement socio-économique et celui des organisations. Garder à
l’esprit cette dimension historique est nécessaire pour ne pas tomber dans le piège de la
nouveauté. La transformation numérique n’est pas un phénomène nouveau : l’expression
(digital transformation) est apparue pour la première fois en 2000 (Patel et McCarthy, 2000).
En outre, tous les acteurs s’accordent à considérer que la transformation numérique déplace la
valeur au sein des secteurs, qu’il s’agisse de secteurs industriels ou des services, que les
entreprises opèrent auprès de clientèles industrielles ou dans les secteurs grand-public. Cette
notion de avait eu du mal à trouver une place dans le monde académique, actuellement elle est
devenue un des concepts les plus étudiés dans la littérature des sciences économiques. En
parallèle, la transformation numérique redessine la place de l’humain dans les entreprises.
Toutes les tâches automatisables sont en passe de l’être, passant de la robotisation des
opérations sur les chaînes de production automobile à l’automatisation des tâches d’employés
de bureau ou d’hôtesses de caisse. La robotisation permet aussi la production à la demande et
les possibilités de personnalisation des produits et services. « Progressivement, la valeur
ajoutée se déplace de l’effectuation elle-même des tâches vers trois terrains : la formulation de
la demande du client, la conception de la solution et des automates qui les exécutent, enfin le
service, qui consiste à livrer au client. » (Landier et al, 2015).
1.2. Les composantes de la transformation numérique
La transformation numérique est décrite comme une combinaison de l’automatisation, de la
dématérialisation et de la réorganisation des schémas d’intermédiation (Lemoine, 2014).
Chacune de ces trois familles d’effets interagit avec les deux autres et se renforce dans cette
interaction.
différentes parties prenantes sur les traitements opérés pourrait constituer un capital
immatériel de première importance, encore insuffisamment valorisé par les marchés.
À l’instar du capital marque que les financiers intègrent aujourd’hui dans la valorisation des
firmes, il nous semble que, dans une économie de la connaissance les entreprises devraient
être capables de définir et de valoriser leur capital numérique. Une question primordiale nous
semble donc être de vérifier si l’on peut parler de capital numérique des entreprises et, le cas
échéant, l’évaluer.
Alors que le secteur des media a été touché très tôt par la transformation numérique de biens
culturels pour lesquels les consommateurs eux-mêmes ont choisi de se transformer en éditeurs
de musique et de films (Poels, 2015) en s’appuyant sur des plateformes d’échanges
électroniques, d’autres secteurs sont encore à l’aube de grandes transformations, telle
l’automobile ou la santé.
1.3.3. Enjeux humains
Aujourd’hui, les activités humaines seront de plus en plus dépendantes de dispositifs
numériques. Dans ce contexte, les questions humaines doivent être reconsidérées.
L’appropriation du numérique par l’ensemble des acteurs
L’une des conditions incontournables à un retour sur investissement de l’utilisation du
numérique au travail est l’appropriation (Grimand, 2012) par les collaborateurs, managers et
dirigeants des organisations. L’identification des facteurs d’appropriation du numérique dans
un contexte particulier est primordiale pour travailler sur les stratégies de déploiement auprès
de l’ensemble des acteurs d’une organisation.
L’évolution des compétences individuelles/ collectives
Une question clé pour l’entreprise du futur sera celle des compétences de ces collaborateurs.
Dans l’usine du futur, «le rôle de l’homme dans le triangle homme/machine/produit est appelé
à se modifier profondément ; les opérateurs seraient en effet équipés d’outils de réalité
augmentée et communicants pour interagir avec les autres membres de l’équipe, surveiller la
chaîne de production et repérer les incidents. Homme et machines sont ici profondément
imbriqués. Les compétences sont modifiées, le sens du métier évolue » (Jaujard, 2015).
L’intégration de capteurs automatiques et l’afflux de données massives sur les postes de
travail au sein de la chaîne de production modifient les rapports hommes/ machines et doit
permettre un enrichissement des tâches et une montée en compétence que les entreprises
doivent anticiper et accompagner pour rester compétitives.
Le recours au numérique impacte à la fois les compétences individuelles et collectives dans
l’ensemble des organisations. Les compétences techniques, informationnelles, relationnelles
et métacognitives (TIRM) sont ainsi devenues incontournables dans un univers numérisé.
Une entreprise qui a un site e-commerce, car la transformation numérique ne peut être
réduite à un support, à de la technique. Le changement est plus profond et concerne les
modèles économiques de l’entreprise, son approche du marché, sa relation client ;
Une entreprise qui investit dans des start-ups, car la transformation numérique n’est
pas qu’externe, elle est surtout interne. Elle concerne avant tout les processus et les
mentalités ;
Une entreprise qui est présente sur les réseaux sociaux, car elle doit avant tout être à
l’écoute de ses clients, de ses fournisseurs, de ses collaborateurs, de toutes les parties
prenantes.
2.3. Ce qu’impose la numérisation d’une entreprise
2.3.1. Un traitement de données
L’économie numérique repose sur l’exploitation des données et plus particulièrement sur la
valorisation du travail gratuit fourni par les utilisateurs, « lesquels produisent une activité dont
les externalités positives vont, sous la forme de donnée, s’incorporer à la chaîne de production
sans contrepartie monétaire pour ces derniers, et à partir desquelles l’entreprise numérique
créée sa chaîne de valeur » (Fuchs et Fisher, 2015).
En outre, la gestion des données personnelles du client est désormais au cœur du quotidien de
l’entreprise. La sécurité et la confidentialité des données constituent, pour les entreprises, des
facilitateurs essentiels mais également des obstacles éventuels. Elles devront identifier les
nouveaux modèles de protection et garantie de la confidentialité capables de satisfaire leurs
attentes et celles des clients.
2.3.2. Une visibilité numérique
Elle s’exprime de moins en moins sur internet et de plus en plus sur les réseaux sociaux. La
valeur d’une entreprise ne se mesure plus avec le produit fabriqué ou le service rendu mais
par la qualité du logiciel, de la plateforme ou de l’application proposée. Une icône sur un
maximum de smartphones est devenue plus rentable qu’une boutique située sur le plus
prestigieux des emplacements. « Mais, déjà, la relation entre l’entreprise et ses clients se
déplace d’internet vers les messageries et les réseaux sociaux » (Belleguic et All, 2011).
Aussi, les marques diversifient leur communication digitale et ont également recours à des
influenceurs, personnes actives sur les réseaux sociaux qui, par leur statut, leur position ou
leur exposition médiatique, sont capables d’influencer les habitudes de consommation.
2.3.3. Une nouvelle relation entre l’entreprise et le client
La révolution numérique a donné le pouvoir au consommateur qui n’est plus captif mais est
devenu un zappeur. Le client a désormais la possibilité d’interagir avec l’entreprise. « La
communication est devenue bilatérale et interactive, elle ne va plus que de l’entreprise vers le
Au total, 11 PME ont accepté de participer à l’enquête, leurs propriétaires dirigeants ont
témoigné leur intérêt à nous partager leurs expériences. Nous avons attribué aux différentes
unités d’analyse des codes afin de garantir l’anonymat des acteurs interrogés. Les noms codés
attribués aux entreprises ainsi que les informations qui en découlent figurent dans le tableau
suivant :
Tableau N°1 : Caractéristiques des PME étudiées et des dirigeants interviewés
Code Ville Effectif Domaine Qualité de l’interviewé Expérience de
d’activité l’interviewé
en changer le texte, ni l’interpréter et sans abréviation afin d’en faciliter la lecture et en avoir
une trace fidèle.
Afin de traiter l’ensemble des entretiens réalisés, une analyse thématique de contenu a été
effectuée. Le croisement de l’analyse verticale (entretien par entretien) et de l’analyse
horizontale (thème par thème) nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de
résultats. Dans une étude qualitative, l’analyse des données « consiste à réduire les
informations pour les catégoriser, et les mettre en relation avant d’aboutir à une description,
une explication ou une configuration » (Wacheux, 1996).
3.2. Résultats de l’étude qualitative
Trois grands thèmes sont mis en avant dans la présentation des résultats :
3.2.1. La perception et la maturité de l’entreprise vis-à-vis la transformation
digitale
La variation entre les différentes entreprises, à propos de la perception de la transformation
digitale n’est plus marquée, car 10 répondants disent être conscients de l’existence de la
tendance. Alors l’entreprise marocaine semble assez consciente de cette révolution. Malgré
une vision assez classique ou traditionnelle de la fonction informatique avec une faible
présence de fonctions dédiées au numérique. En effet, les termes utilisés par les entreprises
parlent d’informatique, plutôt que de numérique ou de nouvelles technologies.
En outre, près d’un tiers des dirigeants des PME indiquent que la transformation digitale fait
partie de leur projet global. Dans ce cadre, au niveau de la mise en place des projets liés au
sujet, les entretiens ont assuré une diversité de profils entre des entreprises ayant mené à bien
des projets de transformation numérique (5 entreprises), cela se traduit par la création d’un
site Internet ou d’une page sur les réseaux sociaux. Des entreprises ayant des projets en cours
de réalisation (une entreprise) et des entreprises ayant des projets qui n’ont pas encore
démarré ou n’ont pas des projets digitaux (5 PME).
Un autre constat très important est celui de la faible utilisation du e-commerce. Près de 75%
des répondants ne sont pas présents sur le canal du e-commerce. S’il y a lieu des sites web,
ces derniers sont essentiellement des sites à caractère informatif.
3.2.2. Les opportunités de la transformation digitale
On note que la majorité des entreprises interrogées dans le cadre de cette étude ont déclaré
que les bénéfices de la transformation digitale pour eux sont nombreux, on cite dans ce cadre :
Améliorer la chaine de travail ;
Accéder à des places de marché globalisés et favorise l’exportation, notamment pour
le secteur agroalimentaire et du textile ;
Organisation du travail ;
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