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International Journal of Business Marketing and Management (IJBMM)

Volume 8 Issue 5 Sept-Oct. 2023, P.P. 101-114


ISSN: 2456-4559
www.ijbmm.com

La transformation digitale dans les entreprises


d’assurance : cas du Maroc
Fatima Zahra EL ARIF
Université Hassan II - FSJES Ain Chock – Casablanca, Maroc

Résumé : La transformation digitale est aujourd’hui une réalité pour les entreprises d’assurance, et
plus largement pour les secteurs financiers. Pour la majorité des assureurs, près des trois quarts, le
digital a d’abord vocation à améliorer la relation client, et à capter de nouveaux prospects. La
meilleure maîtrise des processus ou l’accroissement de l’efficacité opérationnelle viennent dans un
deuxième temps, mais représentent des objectifs secondaires qui servent les objectifs principaux.
Cet article a pour objectif de présenter dans un premier temps l’irruption du digital susceptible de
s’opérer dans l’industrie de l’assurance à l’ère de cette transition stratégique. Puis dans un second
temps, de mettre l’accent sur les avantages et les limites liés à la transformation digitale dans
l’industrie de l’assurance au Maroc, et enfin, de décrire l’état des lieux de la transformation digitale
adoptée par certaines compagnies d’assurances marocaines.
Mots-clés : transformation digitale, entreprises d’assurances, avantages et limites.

Abstract: Digital transformation is now a reality for insurance companies, and more broadly for the
financial sectors. For the majority of insurers, almost three-quarters, digital is primarily intended to
improve customer relations and capture new prospects. Better control of processes or increased
operational efficiency come second, but represent secondary objectives that serve the main objectives.
This article aims to first present the irruption of digital technology likely to take place in the
insurance industry in the era of this strategic transition. Then, secondly, to focus on the advantages
and limits of digital transformation in the insurance industry in Morocco, and finally, to describe the
state of play of the digital transformation adopted by certain moroccan insurance companies.

Keywords: digital transformation, insurance companies, advantages and limits.


I. Introduction
Aujourd’hui, la révolution digitale touche l’ensemble des secteurs d’activité économique et apporte
certainement des opportunités majeures et des perspectives stratégiques mais surtout de nouveaux défis.
Dans le contexte économique actuel marqué par un changement perpétuel, le secteur des services
financiers, caractérisé par l’émergence des technologies digitales, enregistre une mutation rapide intensifiée
par la nature de son activité et par la complexité de son environnement ainsi que par les pressions
subies de ses parties prenantes. Les acteurs de ce secteur sont contraints à réagir et à entamer des
changements structurels de leurs pratiques et de leurs modèles d’organisation afin de renforcer leur
compétitivité et d’assurer leur pérennité.
Dans ce sens, l’industrie de l’assurance, qui constitue un vecteur primordial dans la sphère économique, est
confrontée à la nécessité d’une transformation digitale imposée d’une part par la montée en puissance des
innovations technologiques, et d’autre part par l’introduction éventuelle de nouveaux acteurs sur le marché tels
que les géants du digital et les start-up à base de technologie financière (Fintech ou Assurtech).
A cet effet, nous présentons dans la première section une revue de littérature sur la notion de transformation
digitale des entreprises et nous mettons l’accent, dans une deuxième section, sur l’irruption du digital
susceptible de s’opérer sur l’industrie de l’assurance à l’ère de cette transition stratégique. Nous exposons
ensuite dans une troisième section les avantages et les limites de la transformation digitale de l’industrie de

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

l’assurance au Maroc, et enfin, nous décrivons l’état des lieux de la transformation digitale adoptée par certaines
compagnies d’assurances marocaines.
II. Transformation digitale des entreprises : revue de littérature
Les termes « digital » et « numérique » sont souvent usités dans les contextes académique et professionnel sans
réelle distinction notamment pour décrire les multiples changements sociétaux impactant les activités, les
processus et les compétences qui sont induits par une disruption dans les techniques de gestion de
l’information (Denervaud et al., 2014).
Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OECD, 2019, p.18), la numérisation
est « la conversion de données et de processus analogiques dans un format lisible par machine », la
digitalisation est « l'utilisation de technologies et de données numériques ainsi que l'interconnexion qui
se traduit par de nouvelles activités ou des modifications d'activités existantes ». La transformation digitale
quant à elle « fait référence aux effets économiques et sociétaux de la numérisation et de la digitalisation ».
La notion de transformation digitale a émergé durant les années 2000 (Besson et al., 2017) et sa première
apparition figure dans l’ouvrage de Stolterman & Fors (2004) où elle est décrite comme « des changements que
la technologie numérique entraîne ou influence dans tous les aspects de la vie humaine » (p.689).
En l’absence de visibilité, le concept de transformation digitale demeure imprécis vu la difficulté à délimiter la
manifestation de cette transformation postérieurement à l’adoption des technologies digitales dans l’activité
quotidienne des organisations. Sa nature émergente signifie que son exploitation est une trajectoire et pas une
destination (Hirt & Willmott, 2014).
Etant donné que les dimensions ne sont pas clairement établies, Dudézert (2018) considère que la
transformation digitale est une initiative qui est « vécue comme un processus global de transformation
de l’entreprise qui la conduit à revoir ses modalités de collaboration avec les clients, ses processus de travail
internes et parfois même son business model » (p.16).
Par ailleurs, des auteurs comme Bloomberg (2018) et Deshayes (2017) soulignent que la transformation
digitale n’est plus un choix mais une nécessité stratégique centrée sur l’amélioration de l’expérience client
à travers l’usage des technologies digitales combiné à un changement transversal des processus existants.
Dans ce contexte, le changement induit par la transformation digitale des entreprises impacte, en plus du modèle
économique, d’autres configurations telles que la culture, la structure organisationnelle, les lieux de travail et
même l'éthique (Henriette et al., 2016). A cet effet, ces auteurs proposent de définir cette transition, compte tenu
de son ampleur et de sa portée, comme « un processus de changement disruptif ou incrémental. Il
commence par l'adoption et l'utilisation de technologies numériques, puis évolue vers une transformation
holistique implicite d'une organisation ou délibérée pour poursuivre la création de valeur » (Henriette et al.,
2016, p.3).
Ainsi, et même si la technologie joue un rôle fondamental dans le processus de transformation digitale, elle n’est
qu’une partie de sa stratégie (Heavin & Power, 2018) et ne représente, par conséquent, qu'une composante de
la problématique complexe à résoudre pour assurer la compétitivité des entreprises à l’ère du digital (Vial,
2019).
Nous retenons dans ce cadre la définition formulée par Vial (2019) qui décrit la transformation digitale comme «
un processus qui vise à améliorer une entité en déclenchant des changements significatifs à ses propriétés à
travers des combinaisons de technologies, de l'information, de l'informatique, de la communication et de la
connectivité » (p.121).
Dans cette optique, la littérature considère les technologies digitales comme intrinsèquement disruptives
(Karimi & Walter, 2015) qui donnent lieu à une nouvelle tendance au niveau de l'industrie et devient une
norme obligeant ainsi les acteurs à adhérer ou à s’écarter (Dörner & Edelman, 2015). De ce fait, Hirt &
Willmott (2014) proposent le modèle suivant (Figure N°1) pour décrire l’évolution de l’industrie à l’ère de la
transformation digitale :

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Figure N°1 : Transformation de l’industrie par le passage au digital

Source : Hirt & Willmott (2014)


Compte tenu de ce qui précède, il s’avère que, pour survivre, les entreprises sont amenées à intégrer une
transformation digitale appropriée dans leur stratégie de base (Heavin & Power, 2018) notamment pour résister
aux pressions provenant de leurs clients, de leurs concurrents et de leurs employés (Westerman et al., 2011).
Cependant, l’enjeu n’est pas lié à la taille des entreprises mais à leur capacité de réaction face à une mutation
accélérée de leur environnement (Vivier & Ducrey, 2019). Etant donné que cette mutation s’accroit
généralement avec une vitesse plus rapide que le rythme de restructuration des organisations, certaines
entreprises pourraient ne pas réussir le pari de la révolution digitale (Skog et al., 2018).
III. L’irruption du digital dans l’assurance à l’échelle internationale
La stratégie d'acquisition de clientèle reposant sur le triptyque investissements publicitaires massifs à la
télévision – image de marque –, messages simples et réseaux de vente physiques est progressivement remise en
cause par la digitalisation des canaux de distribution.
Cette dernière est difficile à quantifier du fait de l'absence de statistiques consolidées au niveau des différentes
organisations professionnelles. La part des ventes en ligne d'assurance ne peut donc être estimée que par
sondage auprès de clients ou de compagnies. Ces derniers indiquent une proportion qui varie beaucoup en
fonction des études, mais qui peut être estimée autour de 10 % à 15 % dans la plupart des pays industrialisés 1,
dont la France. Le Royaume-Uni fait figure d'exception avec environ les deux tiers des ventes en ligne.
Une étude de 2013 réalisée par Finaccord2, fondée sur des sondages auprès de consommateurs pour des produits
standards (assurance automobile, assurance habitation) en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en
Pologne et au Royaume-Uni a montré que :
 Les canaux en ligne, qu'il s'agisse des sites d'assureurs ou de comparateurs, représentaient une moyenne de
42 % des ventes en 2012 ;
 Ce dernier chiffre était de 36 % en 2008 ;
 Le Royaume-Uni détenait le record de la part de transactions en ligne (69 %) ;
 La France détenait la part la plus faible (25 %) ;
 La part des ventes en ligne a progressé significativement dans chacun des six pays étudiés entre 2008
et 2012.
Ces analyses ne convergent pas sur l'évaluation de la part du e-commerce dans l'assurance, du fait
principalement des biais méthodologiques dans la définition de ce que recouvre la notion d'e-commerce. Quel
est le périmètre considéré ? S'agit-il des transactions qui se déroulent de bout en bout sur Internet (full online) ?

1
Selon les calculs de Suisse Re Economic Research and Consulting
2
Finaccord est une société d’études de marché, d’édition et de conseil spécialisée dans les assurances et autres
services financiers.
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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

S'agit-il également des ventes entreprises en ligne, avec une phase de conseil téléphonique, qui se terminent par
une signature électronique ou un consentement exprimé par téléphone 3 ?
Figure N°2 : Taille du marché de l’assurance automobile et dépenses en marketing (Top7 des agrégateurs
pour le Royaum-uni et Top7 des compagnies d’assurances aux Etats-Unis)

Source : accenture (2016)


Les compagnies d'assurances ont dû faire face à une pression renouvelée, et intense, sur les prix, exposés en
toute transparence sur les étagères des comparateurs. Les marges auparavant réalisées à leur bénéfice et à celui
de leurs intermédiaires ont dû être comprimées.
III.1. La notion d'e-commerce en assurance recouvre une réalité hétérogène
La vente d'assurance aux particuliers est une transaction complexe, qui mêle plusieurs phases de recherche
d'information, de demande d'avis, de conseil, de réalisation de la transaction et d'après-vente.
Si la part des ventes effectuées en ligne, bien qu'incertaine, est aujourd'hui minoritaire (sauf au Royaume-Uni),
les consommateurs ont déjà basculé majoritairement sur Internet pour la phase avant-vente de recherche
d'information.
Le développement d'Internet s'est en réalité traduit par une fragmentation encore plus marquée du processus
d'achat d'assurance. Si l'information est rassemblée en ligne, le consommateur peut rechercher un conseil auprès
de ses amis, ou d'une agence bancaire, ou d'une agence d'assurance, pour revenir éventuellement sur Internet
pour finaliser la vente, avant d'être contacté par un call-center pour une enquête qualité après-vente. Swiss Re a
représenté dans la Figure N°3 deux exemples de parcours d'achat alternant les phases online et off line,
démontrant la complexité des changements de canaux tout au long de l'acte d'achat.

3
Le Royaume-Uni présente l'exemple d'une révolution de la distribution d'assurance accomplie en quelques années, sous
l'impulsion du digital et des comparateurs (aggregators). La première police d'assurance auto online a été lancée en 2000. En
2009, le canal internet était devenu dominant au sein des différents canaux de distribution. Les particularités, anciennes, du
marché britannique ont sans doute joué un rôle important. Contrairement à la France, il s'agit d'un marché où le courtage
avait une influence forte en assurance IARD (incendie, accidents et risques divers). Contrairement à la France, la tacite
reconduction n'était pas la norme et une partie du marché était à durée ferme, poussant les assurés à retourner sur le marché
chaque année pour trouver une nouvelle couverture pour les douze prochains mois.
Mais le déclencheur principal est venu des comparateurs. Ces acteurs, dont le rôle est de comparer le rapport garanties/prix
des contrats sur une base standardisée, ont trouvé au Royaume-Uni un terreau favorable à leur expansion et ont joué un rôle
moteur dans la transformation du marché. Go Compare, Confused, Compare the Market et Money Super Market ont investi
très lourdement en publicité, essentiellement à la télévision, finissant par détrôner les assureurs dans les campagnes
de branding (construction de l'image de marque).
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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Figure N°3 : Schéma de parcours d’achat4

Source : Swiss Re Economic Research & Consulting à partir des données de « Powering the Cross-Channel
Customer Experience with Oracle's Complete Commerce », Oracle (2012).

Mêmes cantonnés à Internet, les parcours de vente sont fragmentés. Google, en lien avec Nielsen, s'est intéressé
à ce phénomène sur le marché français des produits bancaires et d'assurance en 2014. En assurance automobile
et assurance habitation, les parcours de vente reposent sur des allers-retours permanents entre référencement
payant (signalés dans la Figure N° 4) référencement naturel, sites de comparateurs, sites de banques ou sites de
compagnies d'assurance.
Figure N°4 : Deux exemples de parcours en ligne représentatifs – en automobile et en habitation

4
Le tracé en gris montre un exemple de parcours débuté par une publicité mobile et le tracé noir une expérience d'achat via
une recherche en ligne.
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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Source : étude Clickstream/Netview Nielsen, janvier-mars 2014.


Malgré ces sinuosités, un phénomène continue d'apparaître clairement dans les parcours de vente en ligne. De la
même façon que dans le monde traditionnel, le pouvoir de la marque reste très fort (en France). Ainsi, sur
l'assurance automobile, 86 % des requêtes sur Google portent sur des recherches de marque et seulement 14 %
sur des mots-clés génériques (« assurance voiture », par exemple).
III.2. Croissance des ventes en ligne grâce aux canaux digitaux
La croissance des canaux digitaux ressort de toutes les études citées précédemment. Elle peut aussi se déduire de
l'examen des données concernant les requêtes sur les moteurs de recherche, en particulier Google qui détient une
part de marché ultradominante en France. En se limitant au périmètre du champ lexical de l'assurance santé
(« mutuelle », « assurance santé », « comparatif assurance santé », par exemple), le volume des requêtes est sur
une tendance de croissance de 10 % à 15 % annuels sur les cinq dernières années. Les tendances sont
comparables pour l'assurance automobile.
Il est intéressant de se pencher sur les ressorts de cette croissance. Le foisonnement de l'information disponible
en ligne et des outils d'aide à l'évaluation des besoins d'assurance aux comparateurs eux-mêmes explique
certainement une partie de l'évolution. Les effets générationnels ne sont sans doute pas à négliger non plus,
même si une étude plus poussée montre que les actifs et les jeunes seniors n'ont rien à envier à la génération Y
en termes d'intentions d'achat d'assurance via un canal digital (28 % dans tous les cas, d'après Capgemini, 2015).
Plus généralement, l'assurance ne peut rester durablement à l'écart d'une tendance de fond qui voit la publicité
digitale progressivement supplanter la publicité off line. À cet égard, 2017 représente une année historique,
puisque c'est la première fois que les analystes s'attendent à ce que les dépenses marketing digitales dépassent,
aux États-Unis, celles du média jusqu'ici roi : la télévision.
L'ensemble de ces facteurs n'ayant pas encore produit leurs pleins effets, il est probable que cette croissance se
poursuive à l'avenir.
Au surplus, deux raisons supplémentaires incitent à croire en une croissance continue des canaux en ligne. D'une
part, les grandes enseignes d'assurance, celles qui sont sur le podium de l'image de marque, celles qui ont investi
les gros budgets ces dernières décennies, ont jusqu'ici été réticentes à proposer des parcours de vente sur
Internet. Leur modèle étant tourné vers les canaux de distribution physiques, elles ont préféré ne pas investir sur
le « en ligne » ou ont alors préféré créer des marques secondaires pour leur activité d'assurance directe, seules
autorisées à être présentes sur les comparateurs (Direct Assurance pour Axa, AllSecure pour Allianz, Amaguiz
pour Groupama). Ce réflexe consistant à accorder la primauté aux canaux physiques est progressivement remis
en cause.
D'autre part, l'expérience client en ligne qu'offrent les assureurs, aujourd'hui jugée d'un faible niveau par les
consommateurs (cf. infra), laisse penser que davantage de clients se convertiront au digital lorsque la qualité de
service aura été améliorée.
Le digital renforce le caractère central du prix dans le produit d'assurance, ce qui bouleverse les business
models.

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

III.3. Le prix est plus que jamais l'élément central


Cette montée en puissance des canaux digitaux a pour conséquence de placer le critère du prix au cœur du
marketing et du produit. Les comparateurs qui, dans certains pays comme au Royaume-Uni, sont un mode
dominant d'entrée en relation avec le client ne font qu'accentuer ce phénomène. Les offres d'assurance sont, en
fonction des garanties demandées, classées par prix croissant, ce qui en fait l'élément déterminant. À part leur
prix, les produits n'ont guère que leur marque (et quelques variations autour des garanties) pour se différencier.
Aussi ce mode d'intermédiation fait courir un risque évident de commoditization aux produits d'assurance. À
terme, on peut sans difficulté imaginer que les marques d'assurance, constituées à grand renfort de budgets
publicitaires depuis de nombreuses années, en pâtissent. En effet, à quoi bon dépenser des dizaines, voire des
centaines, de millions par an en publicité à la télévision, si c'est pour que les consommateurs fassent le constat,
sur leur comparateur d'assurance, que cette marque, quoique connue, est de 10 % ou 20 % plus chère que telle
autre, qui présente les mêmes garanties ?
Un phénomène important est que les compagnies qui ont joué pleinement la carte de l'acquisition de clientèle
via des dépenses marketing élevées et une politique offensive de prix présentent des statistiques de rétention de
clientèle très différentes des autres.
Bain a effectué une étude sur cette thématique en 2014, concernant le marché américain. Elle montre que peu
d'entreprises peuvent atteindre des performances satisfaisantes à la fois sur les plans de l'acquisition et de la
rétention. Une quinzaine de compagnies américaines de premier plan se voient attribuer un score reflétant leur
performance en termes de conquête de nouveaux clients, d'une part, et un score en termes de rétention des
clients existants, d'autre part. Les compagnies qui émergent comme les leaders de l'acquisition (GEICO,
Progressive) se distinguent nettement de celles qui se montrent les meilleures pour fidéliser et équiper leur base
de clientèle (USAA, State Farm).
De façon plus remarquable encore, Bain a examiné en 2016 comment les principales compagnies américaines et
britanniques se classaient selon ces deux mêmes thématiques de conquête et de fidélisation. Il en ressort ce que
les statisticiens appelleraient une corrélation négative assez marquée : plus les acteurs performent en acquisition,
moins ils se distinguent en fidélisation.
Pour expliquer ce phénomène, on peut penser au fait qu'une entreprise peut difficilement courir deux lièvres à la
fois et concentrer ses efforts tout autant sur la conquête que sur la fidélisation. Mais la raison principale est sans
doute différente : les stratégies de conquête et de fidélisation à l'ère du digital ne peuvent être poursuivies par les
mêmes types d'acteurs et visent des segments de clientèle différents. Les compagnies qui se distinguent en
acquisition dépensent en moyenne 50 % de plus que les autres en publicité par nouveau client et axent leurs
messages sur le prix, tandis que les champions de la rétention préfèrent jouer sur le thème de la tranquillité
d'esprit dans leurs campagnes.
Surtout les deux types de compagnies attirent des clientèles qui se comportent différemment. Les leaders de
l'acquisition font venir à eux les consommateurs attirés par le prix, présentant des besoins d'assurance moins
lourds, par nature plus volatils lorsque l'impératif de profit technique oblige l'assureur à revaloriser les tarifs et
qu'une offre moins chère se présente sur le marché. À l'opposé, les compagnies qui visent la fidélité attirent une
population moins sensible au prix, plus âgée et ayant plus de moyens. Les clients des champions de l'acquisition
ont des durées de vie en moyenne 2,6 fois plus faibles que les assurés des champions de la rétention.
IV. Avantages et limites de la transformation digitale
de l’industrie de l’assurance au Maroc
Dans un contexte où la vitesse du changement technologique s'accélère de manière proportionnelle au
déploiement des capacités digitales (Nadkarni & Prügl, 2021), la plupart des secteurs d’activité ont eu à
reconfigurer leur mode de fonctionnement et d’organisation pour faire face à une série inédite de crises
(Besancenot & Cipière, 2020).
Malgré le fait qu’elle gagne en importance eu égard à l’accroissement des incertitudes inhérentes aux économies
modernes (Outreville, 2012), l’activité de l’assurance ne se soustrait pas des répercussions engendrées par la
révolution digitale (Autissier el al., 2016) même si les changements attendus ne seront pas autant disruptifs que
dans d’autres secteurs d’activité (Njegomir & Marović, 2012).
Dans ce sens, la transformation digitale de l’industrie de l’assurance s’opère sur trois axes majeurs à l’instar
des autres secteurs d’activité à savoir la relation client, les processus opérationnels et le modèle économique
(Westerman et al., 2014) :

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 La relation client
La transformation de la relation client dans l’industrie de l’assurance repose sur une meilleure connaissance des
besoins des assurés notamment par le biais de la diversification des canaux de distribution et de la mise en place
d’une organisation centrée sur l’exploitation des données en vue d’apporter des offres qui répondent à leurs
attentes.
 Les processus opérationnels
La transformation des processus opérationnels permet, sur la base du traitement des données issues des assurés,
une conduite optimale de l’activité de l’assurance de l’appropriation des nouvelles technologies digitales à
l’optimisation de l’efficacité des processus internes en passant par l’amélioration de la performance
organisationnelle.
 Le modèle économique
La transformation du modèle économique s’appuie sur la refonte de la chaine de valeur classique de
l’assurance vers de nouvelles configurations telles que l’assurance collaborative (ou peer-to-peer), l’assurance
basée sur l’utilisation ou encore l’assurance à la demande. Ces approches permettent de réduire les coûts de
gestion et de gagner en productivité pour répondre aux exigences émanant des assurés.
Dans ce contexte, Bienvenu (2019) distingue cinq scénarios sur les implications de la révolution digitale pour
les acteurs établis de l’assurance (Figure N°5) :
Figure N°5 : Implications de la révolution digitale pour les acteurs de l’assurance

Source : Bienvenu (2019)


La révolution digitale favorise le progrès et l’agilité au profit des organisations mais donne naissance en
contrepartie à de nouvelles fragilités susceptibles d’en freiner la mise en œuvre (Tardieu, 2016).
De ce fait, nous focalisons notre analyse sur l’industrie de l’assurance au Maroc, un domaine clé de l’industrie
des services financiers qui se spécialise dans la gestion des risques des agents économiques. A ce titre, l’activité
de l’assurance remplit deux principales fonctions ; la couverture du risque et l’investissement de l’épargne
collectée au sein de l’économie (Patriat, 2016).
A l’échelle mondiale, et selon le rapport Sigma n° 3/2021 publié par Swiss Re Institute, le chiffre d’affaires du
marché de l’assurance en 2020 a atteint 6287 milliards de dollars avec une contribution jugée très faible des
pays en développement notamment en Afrique qui n’en représente que 0,96%. Ce rapport note également que le
marché de l’assurance au Maroc a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 5,08 milliards de dollars lui
permettant d’occuper le 2ème rang sur le continent africain et le 3ème rang sur la région Moyen Orient et
Afrique du Nord.

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Le rapport de stabilité financière au Maroc relatif à l’exercice 2020 souligne que la contribution du secteur de
l’assurance dans le financement de l’économie nationale s’élève à 205,9 milliards de dirhams. Ce qui illustre le
rôle incontournable de ce secteur dans l’économie.
Toutefois, avec une croissance qui se ralentit et une rentabilité limitée, les acteurs de l’assurance au Maroc se
tournent vers la réflexion quant à une éventuelle transformation digitale de leurs activités et une instauration
imminente des innovations technologiques.
IV.1. Avantages liés à la transformation digitale de l’assurance au Maroc
IV.1.1. Productivité et efficience opérationnelle
L’appropriation des innovations technologiques avec les capacités de traitement des données en temps réel qui
en résultent pourrait permettre aux acteurs de l’assurance au Maroc d’améliorer leur productivité par la
réduction des coûts souvent non négligeables (d’acquisition, d’exploitation et de prestation) et d’assurer une
surveillance effective de leurs opérations. Cela pourrait également servir à la modernisation de leur
fonctionnement interne par une reconfiguration des systèmes organisationnels et managériaux de manière
à favoriser une synergie entre les ressources et les solutions déployées et à instaurer une flexibilité
opérationnelle par le travail collaboratif.
IV.1.2. Optimisation de la chaine de valeur
A l’arrivée des innovations technologiques, l’activité de l’assurance au Maroc pourrait être modifiée tout au
long de sa chaine de valeur.
Au niveau de la gestion de production, les innovations technologiques pourraient enrichir les offres proposées
aux assurés à travers la collecte de données en grand volume (internet des objets, comparateurs, robot-
conseillers) et leur exploitation à grande vitesse (télématique, Bigdata) en vue d’apporter une réponse adéquate
en matière de couverture des risques.
Pour une tarification granulaire, l’apport des innovations technologiques (télématique, big data, intelligence
artificielle, blockchain) est bénéfique pour assurer un niveau de transparence, d’exactitude et d’actualité
des informations permettant une appréciation adéquate des risques, une tarification adaptée et une souscription
plus rapide. En particulier, l’application de la télématique peut être réalisée, entre autres, dans l’assurance
automobile par des véhicules connectés ou des systèmes d’aide à la conduite, dans l’assurance santé pour établir
une tarification sur la base des signes vitaux ou dans l’assurance habitation pour le suivi de la situation des
biens assurés.
Pour la vente et la distribution, les innovations technologiques pourraient favoriser l’interaction avec les
assurés par un marketing ciblé et spécifique (comparateurs, robot conseillers, intelligence artificielle) et
par la mise en place de canaux de distribution directs et diversifiés permettant l’émission de conseils
personnalisés (vente à distance, par internet ou mobile).
Pour un traitement efficace, réactif et moins coûteux des sinistres, l’exploitation des innovations technologiques
(bigdata, blockchain, intelligence artificielle) pourrait contribuer à une gestion plus transparente des
indemnisations sur la base d’informations fiables et la détection des fraudes.
IV.1.3. Performance commerciale et proximité des assurés
Dans le contexte de la révolution digitale, les clients deviennent autonomes sur certains besoins, leurs attentes
évoluent de manière proportionnelle à leur expérience sur le digital. Dans le cadre de l’assurance, ces derniers
sollicitent un large éventail d’offres pour la souscription et exigent une intervention en temps réel avec un
passage flexible entre les canaux de distribution.
Au niveau de l’assurance au Maroc, la transition digitale pourrait permettre de renforcer l’attractivité des acteurs
par une politique commerciale axée sur l’assuré consistant à développer des services à la hauteur de ses attentes
à travers une communication individualisée, un suivi des réclamations, une amélioration de la qualité des
produits d’assurances proposés et une diversification des canaux de distribution.
IV.2. Limites liées à la transformation digitale de l’assurance au Maroc
IV.2.1. Investissement coûteux
La transformation digitale des acteurs de l’assurance au Maroc n’implique pas que la mise en place des
technologies digitales dans une logique de modernisation des systèmes existants mais engendre un changement
organisationnel transversal. Ce qui nécessite le déploiement d’un effort considérable en matière

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

d’investissement dont le rendement est en principe difficile à mesurer. Cet investissement porte, entre autres,
sur l’aspect financier par l’acquisition, la mise en place et le suivi de l’usage des nouvelles technologies ainsi
que sur le l’aspect humain pour le renforcement et l’accompagnement des compétences (recrutement,
formation…) en vue d’aboutir à une appropriation optimale de ces technologies .
IV.2.2. Faiblesse des transactions digitales
L’étude réalisée par le cabinet d’intelligence économique et de conseil Oxford Business Group (OBG) sur les
services financiers et la technologie au Maroc révèle que les assureurs ont commencé à digitaliser leur
infrastructure de paiement et que le taux de transactions d’assurance réalisées en ligne a atteint 10% début
2021. Ce faible taux de transactions peut-être expliqué par le manque d’intérêt manifesté par les assurés
combiné à l’absence d’une culture d’usage du digital, par la nécessité d’une présence physique surtout en ce qui
concerne des branches spécifiques d’assurance ainsi que par le manque d’infrastructure digitale en termes de
connectivité comme le souligne la note d’orientations générales pour le développement du digital au Maroc à
l’horizon 2025 de l’Agence de Développement du Digital.
IV.2.3. Résistance au changement
Le rapport publié en 2021 par la Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF) relevant du
Ministère de l’Economie et des Finances « Le Maroc sur la voie de la transition numérique : Enjeux, risques et
opportunités » souligne que l’impact provoqué par la révolution digitale sur l’emploi ouvre la voie à trois
tendances : Effet de substitution de l’homme par la machine, effet de complémentarité entre le robot et l’homme
et effet de création de nouveaux débouchés.
Dans le cadre de la transformation digitale de l’activité de l’assurance au Maroc, la plupart des métiers existants
pourrait faire face à un changement de leur fonctionnement sur les plans organisationnel et culturel. Les
mutations susceptibles de s’opérer par l’usage des innovations technologiques impliquent l’ajustement des
attributions des fonctions de tarification, de distribution, de gestion des sinistres, de réassurance ainsi que
celles de gouvernance et de contrôle au sein de l’organisation.
Eu égard à son impact profond sur les fonctions précitées, la difficulté de la transition digitale de l’assurance au
Maroc porte sur les hésitations qu’elle peut entraîner. Ce qui nécessite une conduite progressive du changement
par l’accompagnement des ressources existantes en parallèle avec l’acquisition de compétences digitales et la
veille à la perception interne de l’utilité des innovations technologiques.
IV.2.4. Sécurité des données
L’émergence des nouvelles technologies et l’échange accéléré des données qui en découle pourrait remettre
en question la solidité des systèmes d’exploitation et de conservation des données mis en place par les acteurs de
l’assurance au Maroc notamment quant aux capacités à assurer une protection face à la survenance des
risques tels que le risque cyber. En effet, ce dernier pourrait entrainer des pertes d’exploitation, nuire à la
réputation des acteurs précités suite à la diffusion d’informations sensibles et, de ce fait, altérer la confiance
dans le système financier.
A ce titre, l’étude menée en 2018 par l'Association des Utilisateurs de Systèmes d'Information au Maroc
(AUSIM) sur le marché de la cybersécurité a révélé que la majorité des entreprises marocaines reconnait
l'importance de la cybersécurité (84% d’entre eux sont dotées d’un programme de cybersécurité) mais
manque de ressources pour entreprendre des actions de concrétisation.
Par conséquent, les acteurs de l’assurance au Maroc, en vue de se conformer aux exigences prévues par la Loi
n°09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel, par la Loi n°05-20 sur la cybersécurité et par la Loi n°43-20 relative aux services de confiance
pour les transactions électroniques, seront amenés à mettre en place ou à renforcer davantage leurs dispositifs
de sécurité face à un risque cyber en constante évolution au regard des innovations technologiques.
IV.2.5. Pression réglementaire
A l’essor des nouvelles technologies digitales, parmi les principales menaces liées à leur usage par les acteurs de
l’assurance au Maroc figure la pression réglementaire. En effet, le dispositif réglementaire actuel est jugé
relativement peu flexible à l’égard de la transformation digitale de ces acteurs.
Eu égard à l’importance de leurs activités, les acteurs en question opèrent dans un cadre réglementaire
endurci qui trouve son essence dans la nature spécifique du contrat d’assurance (cycle de production inversé)
et sont soumis, par conséquent, à un contrôle renforcé pour maintenir la solvabilité, pour assurer la
stabilité financière et pour garantir les droits des assurés.

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Dans ce sens, ces activités sont régies par la Loi 17-99 portant code d’assurances et les textes pris pour son
application ainsi que par les dispositions correspondantes à la Loi 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment
des capitaux.
Le défi de la réglementation de l’industrie de l’assurance au Maroc à l’aune de la transformation digitale
consiste à permettre aux assurés de bénéficier des améliorations fournies par cette transition tout en
veillant à sauvegarder leurs intérêts et à les préserver vis-à-vis des retombées défavorables de l’exploitation de
leurs données personnelles.
V. Transformation digitale des compagnies d’assurance au Maroc : état des lieux
Pour les compagnies d’assurances marocaines, la transformation digitale n’est ni un choix, ni un luxe, mais bien
une nécessité. En effet, les opérateurs du marché ne se digitalisent pas tous à la même vitesse, mais l’évolution
du contexte réglementaire du secteur de l’assurance évolue, et risque d’accélérer ce mouvement.
Les entreprises d’assurance essayent de suivre cette transformation –autant que faire se peut – et ont initié des
projets pour transformer certains de leur process métier tout comme leur logique de vente.
Or, les entreprises d’assurance marocaines n’y vont pas toutes à la même vitesse, certaines ont constituées des
équipes dédiées et commencent à déployer des solutions totalement numériques, alors que d’autres sont encore
au stade de la réflexion.
Les premières expériences de transformation digitale sur le marché marocain de l’assurance concernent les
boitiers télématiques embarqués sur certains véhicules. Ils permettent de remonter des informations pertinentes
sur le comportement au volant et de mieux tarifer l’assurance automobile. D’autres expériences concernent le
processus d’évaluation des sinistres et d’indemnisation en mettant en relation les services de la compagnie,
l’expert, et l’agent d’assurance par le biais du Smartphone. Il y a aussi l’accès en ligne aux offres de produits
ainsi qu’à d’autres services connexes à l’assurance qui sont mis à disposition via des applications simples
d’accès5.
Le constat est que, de plus en plus, le client impose une relation totalement digitale. Bien entendu, le rôle de
conseil et de pédagogie qu’apportent l’agent et le courtier d’assurance demeure très important, surtout pour les
risques techniques, et pour les risques de pointe. Mais pour les multirisques habitation et automobile, certains
clients cherchent à souscrire en ligne.
Le cadre règlementaire du secteur de l’assurance au Maroc est encore contraignant pour libérer l’achat en ligne.
L’obligation faite de remettre un contrat physique et de le faire signer par le client crée une rupture dans le
processus.
Un projet d’amendement du code des assurances permettant – entre autres – de libérer la vente sur internet est
dans le circuit législatif. La contrainte majeure pour les assureurs consiste à créer des produits et les adapter aux
différents projets de clients, tout en leur permettant de faire le bon choix de la bonne garantie, sachant que le
client n’est pas un expert. Il faut donc bien le connaître sans pour autant avoir un contact direct avec lui.
Pour cela, il faut disposer de systèmes d’information très puissants qui permettent de proposer des offres
profilées, avec une très bonne connaissance des clients, de leurs habitudes de consommation, leurs
comportements, en fonction de leurs CSP, leurs âges, leur formation…il s’agit alors de maitriser le Bigdata, et
l’analyse de la donnée à grande échelle.
Sur le marché marocain et ailleurs, la crise sanitaire de la Covid-19 a développé à grande échelle les services de
livraison de commande en ligne, les services publics et financiers, l’éducation à distance pour les étudiants et la
visioconférence pour les travailleurs, ainsi que le temps passé sur les réseaux sociaux afin de s’informer ou de se
divertir.
Chacune de ces tendances s’applique aussi à l’assurance : les clients commandent leur assurance Auto, et
conviennent avec leur agent d’une livraison ou qu’ils soient. Leurs paiements et leurs remboursements sont
dématérialisés. Du contenu qui signifie et qui rend accessible l’assurance est diffusé sur les canaux digitaux, et
les produits d’assurance sont promus sur les réseaux sociaux.
Certaines compagnies avait doublé d’effort dans de très courts délais pour contrer au plus vite les effets
engendrés par la crise sanitaire de la Covid-19.

5
Si le virage numérique n’est pas suffisamment bien préparé certains assureurs au niveau mondial pourront disparaître
l’exemple de Kodak : en laissant dans les placards sa propre invention « la photographie numérique », pour rester sur son
modèle basé sur la pellicule, l’entreprise s’est effondrée.
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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Par ailleurs, dans le cadre d’une transformation digitale certaines compagnies d’assurances ont lancé les centres
d’indemnisation rapide « check auto express », une application mobile, ou un site E-commerce…etc. ceci sans
oublier l’expertise à distance, les contrats en langue arabe, ou encore un numéro unique pour les demandes
d’assistance, et les déclarations de sinistres.
A noter que les compagnies d’assurances ont réussi à maintenir le plus grand nombre d’agences du marché
opérationnelles pendant le confinement, dans le respect des mesures sanitaires en vigueur.
Cas de SAHAM Assurance : elle a été l’un des premiers à lancer sa Digital Factory. Celle-ci a permis de (et
continue à œuvrer pour) transformer et digitaliser un certain nombre de parcours pour les clients et
collaborateurs de la compagnie.
Cas d’ALLIANZ Maroc : la digitalisation était l’un des piliers importants également dans sa stratégie de
développement. Cette compagnie a implémenté un programme stratégique qui vise à digitaliser un certain
nombre de services offerts par la compagnie : mise en place du CCC (Customer Care Center) destiné à fournir
leur support omnicanal à ses clients et partenaires. Elle a aussi digitalisé l’expérience client en cas de sinistre
automobile à travers la déclaration via des canaux digitaux (Whatsup, Online Forms, Emails…), le suivi
instantané de l’avancement du traitement via des notifications Email/SMS, le règlement rapide via la mise à
disposition dans les guichets bancaires de ses partenaires.
Elle a également renforcé la protection face à la fraude avec la mise en place d’outils robustes d’analyse et de
détection des cas suspects.
Cas d’AXA Assurance Maroc : pour réussir sa digitalisation, plusieurs impératifs étaient à prendre en compte.
En premier il s’agit du changement du Mindest6 des équipes pour travailler dans une approche de construction
de ces solutions dans l’écosystème du secteur (agents, intermédiaires, prestataires).
Il s’agit également de l’accompagnement des institutions étatiques pour donner aux acteurs de l’assurance accès
aux référentiels leurs permettant une meilleure qualité des données : les immatriculations auprès de la NARSA,
les INPE et les médicaments auprès de la ANAM, les codes avocats auprès du ministère de la justice, le tiers de
confiance nationale pour authentifier les personnes physiques. Cela dit, la compagnie affirme être un acteur
engagé dans une transformation majeure qui passe par un effet de levier important et fort sur les capacités et les
ouvertures qu’offre le digital.
Cas de WAFA Assurance : cette compagnie a également lancé sa Digital Factory qui ambitionne d’accueillir
une équipe pluridisciplinaire de différents talents : des experts métiers, des marketeurs, des développeurs, des
Data scientists, des architectes et spécialistes en intelligence artificielle. Cette compagnie se fait accompagner
par Devoteam, acteur majeur de transformation digitale des entreprises en Europe, en Afrique et au moyen
orient.
VI. Conclusion et recommandations
A l’ère de la révolution digitale, via sa pluridisciplinarité et en raison de son rôle d’absorption des chocs des
opérateurs économiques, l’industrie de l’assurance fait inévitablement face à une mutation d’envergure qui
implique des changements structurels avec des impacts considérables sur les modèles économiques et les
métiers traditionnels.
Dans ce contexte, les acteurs de l’assurance au Maroc, même s’ils n’avancent pas à un rythme similaire, sont
globalement dans une phase d’exploration et de suivi des tendances en matière d’implémentation des
innovations technologiques et surtout de réflexion sur leurs utilités. De ce fait, une prise de conscience émerge
de manière progressive sur les limites des technologies existantes et sur la nécessité de s’adapter et de s’investir
dans l’équipement en nouveau outils digitaux pour bénéficier pleinement des leviers de croissance et de création
de valeur.
A cet égard, cette recherche essaye, dans un contexte de transformation digitale, d’apporter un éclairage sur la
nature, l'ampleur et l’impact de la mutation susceptible de s'opérer au niveau de l'industrie de l'assurance au
Maroc compte tenu de ses spécificités.

6
Signifie la façon dont on détermine son esprit, ainsi que le résultat de cet agissement. On trouve comme traduction : état
d’esprit, façon de penser ou encore mentalité.

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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

Afin d’améliorer ses performances digitales ainsi que les ventes en ligne, une assurance ne doit pas négliger les
leviers suivants :
1. Utiliser le référencement naturel (SEO) et le référencement payant (SEA). Le SEO et le SEA permettent
d’obtenir une meilleure visibilité au sein des moteurs de recherches, ce qui génère un maximum de trafic.
Ces 2 leviers sont à utiliser en synergie pour allier acquisition sur le long terme et l’efficacité immédiate
des campagnes Adwords.
2. Développer une stratégie de netlinking est également un nouveau point à prendre en compte.
L’acquisition de backlinks est aujourd’hui le nerf de la guerre en SEO car il permet de renforcer
l’autorité de domaine, la crédibilité du site aux yeux des robots Google et par conséquent, améliorera la
position de la compagnie d’assurance dans les résultats de recherche.
3. Les réseaux sociaux doivent être pleinement utilisés en tant que supports de communication intégrés à la
stratégie digitale des assurances. En effet, ils permettent d’humaniser la profession d’assureur, de gérer la
relation client en direct, d’offrir une politique tarifaire transparente, de s’impliquer auprès de sa clientèle,
de donner des conseils utiles à ses adhérents et de véhiculer une image moderne.
4. Prendre contact avec les influenceurs du web, et établir une relation suivie afin que ces derniers parlent
de la compagnie, des produits et des services offerts sur leurs blogs. Il est également intéressant d’obtenir
le placement de liens qui renvoient au site internet de la compagnie auprès de ces influenceurs. Il est
important de nos jours, dans la stratégie digitale d’une assurance, d’utiliser l’emailing afin de
communiquer avec ses clients au sujet des produits, de l’actualité du secteur, ou pour proposer des
réductions.
5. Mettre en place un blog et une stratégie de content marketing est également un levier intéressant. En
créant du contenu adapté à sa cible, la compagnie d’assurance pourra attirer plus de prospects qualifiés
mais également d’améliorer son référencement sur des requêtes précises en rapport avec le cœur de cible.
Le passage au digital est inévitable dans le secteur des assurances pour répondre à la demande des assurés en
matière de proximité et de personnalisation de la relation client. Les compagnies d’assurances ont donc tout
intérêt à adopter une stratégie digitale efficace d’autant plus que l’avenir de ce secteur pointe très clairement
dans cette direction.
Références
[1]. Autissier, D., Johnson, K. J., & Moutot, J. M. (2016). La conduite du changement pour et avec les
technologies digitales. In Les miscellanées du changement (pp. 157-173). EMS Editions.
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secteur de l’assurance. Revue d'économie financière, (3), 95-100.
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l’entreprise du futur. Terminal. Technologie de l'information, culture & société, (120).
[4]. Bienvenu, P. (2019). Les enjeux de régulation et de supervision liés aux fintechs et à la
révolution numérique. In Annales des Mines-Realites industrielles (No. 1, pp. 73-76). FFE.
[5]. Bloomberg, J. (2018). Digitization, digitalization, and digital transformation: confuse them at your
peril. Forbes. Retrieved on August, 28, 2019.
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inéluctable. L'Expansion Management Review, (2), 96-106.
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de Paris du management, (2), 44-45.
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[9]. Dudézert A. (2018), La Transformation digitale des entreprises, Paris, La Découverte.
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decision support guide for managers. Journal of Decision Systems, 27(sup1), 38-45.
[11]. Henriette, E., Feki, M., & Boughzala, I. (2016, September). Digital Transformation Challenges.
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[13]. Karimi, J., & Walter, Z. (2015). The role of dynamic capabilities in responding to digital
disruption: A factor-based study of the newspaper industry. Journal of Management Information
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La transformation digitale dans les entreprises d’assurance : cas du Maroc

[14]. « Rapport de Stabilité Financière, exercice 2020, Numéro 8 », Autorité de Contrôle des
Assurances et de la Prévoyance Sociale, Bank Al Maghrib, Autorité Marocaine du Marché des
Capitaux.
[15]. Swiss Re Economic Research & Consulting, « Powering the Cross-Channel Customer Experience with
Oracle's Complete Commerce », Oracle (2012).
[16]. « La Transformation Digitale au Maroc : Etat des lieux, Etat de l’art, et Témoignages », AUSIM,
septembre 2019.
[17]. « Le Maroc sur la voie de la transition numérique : Enjeux, risques et opportunités », Direction des
Etudes et des Prévisions Financières, Ministère de l’Economie et des Finances, juillet 2021.

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