Cours Des Theories Des Organisations - Esag - Nde - 2012-2013
Cours Des Theories Des Organisations - Esag - Nde - 2012-2013
Cours Des Theories Des Organisations - Esag - Nde - 2012-2013
DESCRIPTION GÉNÉRALE :
L’essentiel de la vie contemporaine se passe dans les organisations. Il convient donc de
s’interroger sur ce que sont les organisations et de réfléchir sur les fondements théoriques à partir
desquels sont produites et consommées les connaissances dans ce domaine d’études. Dans les
dernières décennies, les théories des organisations sont devenues un champ d’études complexe et
diversifié dans lequel de nombreux ancrages théoriques se complètent en même temps qu’ils sont
en compétition. Dans le but d’avoir une vue d’ensemble du champ tout en étant au fait de ses
derniers développements, le cours propose à la fois une synthèse historique du champ et un
regard sur les représentations de l’organisation et les thématiques qui sont à la fine pointe de ce
domaine d’études.
OBJECTIFS :
Ce cours vise à remplir les objectifs suivants :
– acquérir une connaissance générale des différents courants théoriques et des débats qui
ont ponctué l’évolution des théories des organisations;
– réaliser une réflexion personnelle sur ce que sont les organisations au tournant du XXe
siècle ;
– explorer des ancrages théoriques récents ainsi que de nouveaux objets par le biais
desquels on peut comprendre les organisations;
– procéder à l’analyse de problèmes, de faits ou de situations organisationnelles selon
différentes approches.
– proposer une initiation critique à un ensemble de notions et de modèles explicatifs
habituellement utilisés en théorie des organisations;
– amener les étudiants à appliquer ces notions et modèles au diagnostic de situations
organisationnelles concrètes.
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MODE D’APPRENTISSAGE :
Depuis les années 1980, le domaine des théories des organisations a vu naître une
diversité d’approches évoluant vers une représentation de l’organisation de plus en plus
complexe, éclatée et pluraliste. En tant que participants à ce cours, vous serez donc amenés à
discuter des apports et des limites de l’ouverture et de la transformation des représentations de
l’organisation au fil du temps. Ce cours est aussi l’occasion de vous familiariser avec les
différentes manières de concevoir les organisations et de vous questionner sur les enjeux qui,
dans les années 2000, caractérisent ce domaine d’études.
Le cours repose à la fois sur une démarche historique et sur une démarche d’actualisation
des connaissances. D’une part, ce cours fournit une vue d’ensemble de ce domaine d’études en
prenant connaissance des différentes approches suivant leur apparition dans le temps (du début du
XXe siècle à nos jours). Au fur et à mesure de la présentation des différentes théories, vous serez
amenés à vous questionner sur les représentations de l’organisation, de l’individu et de
l’environnement qui leur sont sous-jacentes. D’autre part, ce cours explore les nouvelles
problématiques et les nouveaux modes de théorisation qui caractérisent actuellement ce domaine
d’études. Ainsi, vous aurez l’occasion d’explorer les thématiques porteuses d’avenir en théories
des organisations et de débattre de leurs apports et de leurs limites. Ce sera l’occasion de lire des
textes récents en théories des organisations qui, souhaitons-le, deviendront peut-être des lectures
incontournables (des classiques) dans les prochaines décennies. Le cours comporte donc trois
chapitres.
Le premier chapitre relate les apports de l’école classique de l’organisation (Taylor et le
taylorisme, Ford et le fordisme, Fayol et l’administration industrielle, Weber et la rationalisation
de l’organisation). Première vague de réflexion dominant la pensée scientifique et managériale
des années 1900 et 1930, la théorie classique des organisations se définit comme la volonté de
mettre de l’ordre dans les organisations par l’établissement de règles strictes. L’organisation étant
conçue comme un mécanisme destiné à produire des biens ou services dans lequel chaque
individu est un rouage. Le taylorisme est avant tout une réponse aux contradictions soulevées par
le mode de production artisanal. Le modèle industriel occidental mis en œuvre dans les grandes
entreprises combine ainsi plusieurs apports théoriques complémentaires : le taylorisme qui fait
référence à des concepts organisationnels de base, le fordisme désignant le travail sur les lignes
d’assemblage et de standardisation de produits, la contribution de Fayol vers une unité de
commandement, de direction, de prévoyance et de coordination dans les organisations. La théorie
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de l’action rationnelle de Weber vient renforcer l’idée dominante selon laquelle il est important
de dépersonnaliser les relations de travail en vue de renforcer l’équité dans les organisations.
Bien qu’ayant largement contribué activement à la création de richesses, les apports classiques
ont été critiqués à partir des années 30 par le mouvement des relations humaines.
Dans le second chapitre, ce mouvement des relations humaines s’intéresse aux dimensions
affectives, émotionnelles et relationnelles des situations de travail ainsi qu’à la complexité des
motivations humaines. Il va se prolonger progressivement de l’analyse des groupes restreints et
des formes de pourvoir en leur sein en particulier à partir des travaux élaborés sur le leadership.
De nombreux auteurs ont donc cherché à donner à l’organisation une dimension humaine. Ce
sont les précurseurs de ce qu’on appellera tardivement la gestion des ressources humaines (E.
Mayo ; K. Lewin ; R. Likert, H. Maslow, D. Mc Gregor, F. Herzberg et C. Argyris). Malgré un
courant riche en apports, il sera particulièrement critiqué aux USA et en France à partir des
années 60. Pour l’essentiel, on lui reproche son manque d’adaptation au contexte de la crise
économique mais aussi d’être trop « psychologisant » en matière d’analyse des organisations. Les
travaux de recherche s’orienteront alors vers les analyses de la structuration interne des
organisations.
Ainsi le troisième chapitre sera consacré aux théories managériales des organisations. Ces
théories s’intéressent à des relations qui existent entre les organisations et leur environnement, et
l’influence de ce dernier sur les organisations. Dans ce sens, des auteurs comme T. Burns et G.
Stalker, P. Lawrence et J. Lorsch, P. blan et Aldrich, J. Woodward, A. Chandler, et H. Mintzberg
ont travaillé sur les facteurs de contingence des organisations. Il (ce chapitre) va également
étudier les théories de décision (le modèle de Havard de Learned, Christensen, Andrews et Guth,
et les travaux de H.A. Simon et la rationalité limitée), la structure et les nouvelles approches
économiques des organisations (les travaux de Cyert et March, de R. Coase, d’O. Williamson A.
Alchian et H. Demsetz, M. Jensen et W. Meckling).
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INTRODUCTION
La théorie des organisations est née au début du XXe siècle, au cours de la seconde
révolution industrielle. Caractérisée par le règne absolu de la machine, cette nouvelle ère
industrielle ne s’est pas limitée au triomphe du progrès scientifique et technique, elle a aussi
engendré une véritable révolution dans les modes d’organisation de l’entreprise.
Avec le formidable essor de la production, de très grandes entreprises doivent désormais
réaliser simultanément de nombreuses tâches qui devront être planifiées, divisées et coordonnées.
Un besoin d’organisation du travail est né et la théorie des organisations y répondra en
rassemblant, dans un corps de doctrine unique, l’ensemble des connaissances relatives au
fonctionnement et à la conduite des organisations.
Fondée par des praticiens, ingénieurs et dirigeants d’entreprise, la théorie des
organisations deviendra, avec le concours d’universitaires et de chercheurs, une discipline
scientifique pluridisciplinaire autonome (science des organisations) qui fera appel à diverses
branches des sciences humaines : psychologie, sociologie, économie, gestion, management. Ces
praticiens et théoriciens ont la volonté constante d’améliorer les performances de l’entreprise en
portant leur champ de réflexion sur l’organisation de la production, et de l’entreprise en général.
Plusieurs grands courants de pensée se manifesteront en privilégiant chacun une approche idéale
de l’organisation. Comme nous l’examinerons, ces grands courants se développeront en réaction
à celui qui l’aura précédé et en l’intégrant plus ou moins.
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LES APPROCHES NON ECONOMIQUES DES ORGANISATIONS
Les approches non économiques des organisations regroupent des théories très disparates
qui ont été élaborées par des auteurs dont les démarches et les objectifs étaient très différents. Il
serait vain de chercher une quelconque unité aux présentations qui vont suivre et qui se rattachent
à des domaines aussi divers que la sociologie, la psychologie des individus et des groupes, ou la
théorie de la décision. Certains courants de recherche adoptent un objectif purement normatif en
tentant de définir l'organisation idéale, d'autres ont une optique résolument positive en tentant
d'expliquer et de comprendre le fonctionnement des organisations. Les champs d'étude sont
également très divers, allant de l'entreprise industrielle ou de la bureaucratie étatique à des vues
beaucoup plus globalisantes des organisations. Une distinction est parfois faite entre une tradition
américaine qui serait plus individualiste et intéressée par le consensus et une tradition européenne
plus préoccupée par des phénomènes de structures, des relations de pouvoir et des conflits. Enfin,
on rencontrera également des options méthodologiques radicalement différentes entre les
optiques individualistes qui considèrent que les organisations n'ont pas d'existence propre, et les
approches holistiques qui réifient la notion d'organisation.
Seules seront exposées les approches qui se rattachent au modèle rationnel; elles
regroupent la théorie du management scientifique et la théorie administrative, l'école des relations
humaines, et les théories managériales (brièvement). Elles partagent un point commun, à savoir
qu'elles s'appuient toutes sur un modèle de rationalité qui suppose que les organisations ou les
individus qui les composent sont motivés par la recherche d'objectifs. On assiste actuellement à
l'émergence de nouveaux courants de recherche qui rejettent cette hypothèse de rationalité [cf.
KOENIG 1987].
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CHAPITRE I - LES THEORIES CLASSIQUES
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six fonctions que doit satisfaire toute entreprise. Toutes les opérations qui ont eu lieu dans les
entreprises peuvent se répartir entre les six groupes suivants :
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a. La division du travail
Ce principe implique une forte spécialisation des travailleurs pour être d’avantage
productifs. Selon Fayol cette division de travail est d’ordre naturel, et « plus un être est
parfait » plus il set doté « d’organes chargés de fonctions différentes ». La division de
travail a pour but d’arriver à produire plus et mieux avec le même effort.
b. L’autorité
L’autorité c’est le droit de commander et le pouvoir de se faire obéir. Ce droit et ce
pouvoir doivent cependant s’accompagner d’une nécessaire responsabilité, c'est-à-dire
d’une sanction qui récompense ou pénalise l’exercice du pouvoir.
c. La discipline
Cela correspond à l’obéissance, l’assiduité, l’activité, la tenue, les signes extérieurs de
respect réalisés conformément aux conventions établies entre l’entreprise et ses salariés.
d. L’unité de commandement
Chaque employé ne doit avoir qu’un seul chef et il ne peut donc pas exister de dualité de
commandement. Selon Fayol, si cette règle est violée, « l’autorité est atteinte, la
discipline compromise, l’ordre troublé et la stabilité menacée ».
e. L’unité de direction
Cela conduit à considérer qu’un seul leader et qu’un programme unique pour l’ensemble
d’opérations visant le même but. Il s’agit d’une condition nécessaire à l’unité d’action, à
la coordination et à la concentration des forces en vue d’une convergence d’effort. Ce
principe ne doit pas être confondu avec le principe d’unité de commandement, mais ce
dernier ne peut exister sans lui.
g. La rémunération
Les modes de rétribution doivent encourager la création de valeur et le sort du personnel.
Cela implique à donner aux salariés le prix du service rendu. La rémunération doit être
équitable.
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h. La centralisation
Ce implique une convergence des sensations vers la direction (ici considérée comme le
cerveau de l’organisation) et de la direction partent les ordres qui mettent en mouvement
toutes les parties de l’organisation.
i. La hiérarchie
Ici, il s’agit de la série de chefs qui va de l’autorité supérieure aux agents inférieurs. C’est
la voie par laquelle doivent passer, degré par degré, les communications venant de ou
adressées à l’autorité supérieure.
j. L’ordre
Par ce principe Fayol fait un parallèle entre deux types d’ordres aussi nécessaires, selon
lui, l’un que l’autre : « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place » et « une
place pour chaque personne et chaque personne à sa place ». Il appelle cela « l’ordre
matériel » d’un côté et « l’ordre social » de l’autre. Cet ordre permet d’éviter les pertes
de matières et les pertes de temps et que chaque agent soit à la place qui lui a été
assignée.
k. L’équité
La manière dont sont gérés les salariés doit susciter un sentiment de justice sociale.
Pour Fayol, il faut distinguer l’équité de la justice qui n’est que la réalisation des
conventions établies, et que l’équité est la combinaison de la bienveillance avec la
justice.
l. La stabilité du personnel
Partant du constat qu’il faut du temps pour qu’un salarié s’initie à une tâche et soit apte à
la remplir adéquatement, toute instabilité du personnel, ne peut être que néfaste et
coûteuse à l’entreprise. Donc il éviter tous les dysfonctionnements sociaux dans
l’entreprise. Les salariés des entreprises prospères doivent être stables.
m. L’initiative
Permettre aux salariés d’utiliser toutes les compétences dont ils disposent, de déployer
toute leur capacité cela signifie selon Fayol de donner la liberté de proposer et d’exécuter
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aux salariés. Il pense que c’est une grande force pour l’entreprise d’avoir une situation où
l’initiative de tous viendrait s’ajouter à celle des chefs et, au besoin, la suppléer.
n. L’union du personnel
Ici Fayol a fait appel au proverbe « l’union fait la force ». C’est l’harmonie entre les
agents de l’entreprise qui ferait cette union. Trois moyens sont aptes à réaliser cette
harmonie : respecter le principe d’unité de commandement, éviter de mal interpréter la
devise « diviser pour régner » (il est bon de diviser l’ennemi mais ses propres troupes) et
éviter d’abuser des communications écrites.
Il convient de noter que, d’une part les principes qu’il énonce ne constituent pas une liste
exhaustive. « Toute règle, tout moyen administratif qui fortifie le corps social ou en facilite le
fonctionnement prend, place parmi les principes aussi longtemps du moins que l’expérience le
confirme dans cette haute dignité ». D’autre part, ces principes qu’il veut universel n’ont
cependant rien de rigide ni d’absolu mais ils doivent être adapté aux situations ; il faut tenir
compte des situations diverses et changeantes, des hommes également divers et changeants et de
beaucoup d’autres éléments variables.
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- le calcul des taux de salaire aux pièces sur des bases plus rigoureuses ;
- un premier système de gestion de production par la mise en place d’une procédure écrite
pour le suivi du travail et l’introduction de contremaîtres spécialisés.
En 1884, il devient ingénieur en chef de l’usine et épouse une amie d’enfance, Louise Spooner.
En 1886, le Directeur technique de la Midvale (Davenport) décide d’étendre sa méthode
d’usinage à l’ensemble de l’usine. En 1890, Taylor démissionne pour devenir Directeur Général
de la Manufacturing Investment Company, pour un contrat de 3 ans. Pendant ces trois années,
absorbé par ses tâches de direction, il ne peut guère mettre en œuvre ses méthodes. Il découvre
toutefois l’importance de la comptabilité. A la fin de son contrat, il s’installe comme ingénieur
conseil et le restera pendant 8 ans. Au cours de cette période, il développe ses méthodes et les
met en application auprès de différents clients. Il publie en outre des mémoires dans des revues
spécialisées.
En 1898, Davenport, qui avait quitté la Midvale pour la Bethlehem Steel Company, lui demande
de mettre en place un système de salaire aux pièces dans les ateliers, afin de réduire les coûts de
production. Cependant, pour Taylor, cette mise en place doit être précédée d’une réorganisation
complète du système de gestion de la production. Cette réorganisation prendra 3 ans et va
bouleverser toute l’entreprise. Il met au point une machine à coupe rapide qui permet de
s’affranchir du pouvoir exercé par les mécaniciens. Il améliore parallèlement le système
comptable de l’entreprise et introduit l’étude des temps dans le travail de manutention.
Cependant, l’intervention de Taylor provoque des conflits au sein de l’usine et sa position devient
de plus en plus difficile. En 1901, son contrat est rompu à l’initiative du dirigeant de la
Bethlehem. Epuisé par cette mission, il décide d’abandonner toute activité professionnelle directe
pour se consacrer à sa famille (sa femme et lui-même adopteront trois enfants) et à la diffusion de
ses idées sur l’organisation du travail. Dès lors, entre 1901 et 1915, il publie des ouvrages et
devient actionnaires de sociétés. Il intervient comme consultant auprès d’entreprises souhaitant
mettre en œuvre ses méthodes. Le processus de réorganisation qu’il préconise se déroule en trois
étapes :
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En 1911, Taylor achève son principal ouvrage : « the principles of Scientific Management ».
Toutefois, à partir de cette même année, les syndicats s’opposent de plus en plus au système
d’efficacité développé par F. Taylor. Plusieurs commissions d’enquêtes parlementaires auront
lieu entre 1911 et 1915. La dernière, lancée en 1914, conclura à la condamnation du système de
chronométrage et du salaire aux pièces. Mais Taylor mourra le 11 mars 1915, avant de connaître
les conclusions de cette enquête.
Entre 1893 et 1911, F. W. Taylor, publie une série d’ouvrages de « management » qui, selon lui,
définissent les bases d’une nouvelle science : l’OST, l’organisation scientifique du travail.
Il théorise et systématise le mouvement irrésistible qui va du travail qualifié des ouvriers de
métiers, de l’artisanat traditionnel au travail déqualifié de la grande industrie ne nécessitant qu’un
court apprentissage.
Le point de départ de Taylor est double : d’une part, il constate « la flânerie » des ouvriers,
motivée à la fois par un penchant naturel à la paresse et par la stratégie des directions profitant du
progrès technique pour augmenter le rendement au lieu d’inciter, par la hausse des salaires, à
l’accroissement de la productivité. D’autre part, il remarque le rejet de l’ouvrier faisant preuve de
zèle par ses confrères.
Trois principes sont à la base du système de Taylor : la division verticale du travail (« Tout
travail intellectuel doit être enlevé à l’atelier pour être concentré dans les bureaux de planification
et d’organisation. »), la division horizontale du travail, le salaire au rendement et le contrôle des
temps.
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Taylor préconise donc le « développement d’une science qui, remplace le vieux système de
connaissances empiriques des ouvriers ». Dans un contexte aux USA marqué par le pouvoir des
ouvriers de métier syndiqués et par la faiblesse de la qualification de la main d’œuvre immigrée,
cette proposition de Taylor ne pouvait que recevoir bon accueil.
Il s’agit donc de transférer le savoir des ouvriers de métier aux ingénieurs. Ce processus implique
un détour par son intellectualisation et sa codification formelle car ce savoir devra être ensuite
diffusé, non par un long apprentissage auprès des anciens, mais par des instructions adressées par
la hiérarchie à des exécutants formés en quelques heures.
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La théorie de Taylor peut se résumer en 5 commandements :
- Les tâches qui se répètent, doivent être étudiées dans le moindre détail
- Une fois cette étude réalisée, la meilleure façon de faire doit être enregistrée précisément et
prescrite strictement à ceux qui réalisent cette tâche par la suite
- Les activités doivent être divisées en éléments de courte durée. « Ce n’est que par des
tâches de courtes durée qu’on peut obtenir un rythme de travail élevé »
- Le rythme de travail doit être imposé aux opérateurs et contrôlé fréquemment
- Les tâches ainsi organisées doivent être confiées à des salariés ne disposant pas de
qualifications techniques spécifiques.
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I.3- H. Ford (1863-1947) : travail à la chaîne et la standardisation de la production.
Henry Ford fut l'un des adeptes du taylorisme. Son obsession toute taylorienne de lutte contre la
flânerie ouvrière lui donna l'idée du convoyeur. Avant lui, dans l'atelier taylorisé, une part
importante du travail ouvrier consistait à transporter les pièces à façonner d'un endroit à un autre.
Or, constatait Ford : «la marche à pied n'est pas une activité rémunératrice». Au lieu que des
manœuvres ou les ouvriers eux-mêmes aillent chercher les pièces, le convoyeur, sorte de tapis
roulant, les emportait aux ouvriers ainsi immobilisés à leur poste de travail. La «chaîne» était née.
Aussi qualifie-t-on de «travail à la chaîne» un système dans lequel les produits en cours de
fabrication sont transportés automatiquement par un convoyeur aux différents postes de travail.
La cadence de travail des ouvriers, organisés en postes fixes alignés le long du convoyeur, est
donc imposée par la vitesse de ce dernier. Le convoyeur est donc une source supplémentaire de
gains de productivité.
Mais pour que les gestes puissent être répétés à l'identique durant des mois, voire des années, il
est nécessaire que les produits fabriqués soient très peu différents les uns des autres. La chaîne
n'est donc pleinement efficace que si l'on y produit en série des objets standardisés. Elle rend
nécessaire la production de masse. Ainsi l'augmentation de la productivité du travail et la
production de masse permettent une diminution des coûts de production, dans le premier cas en
abaissant le coût salarial par objet produit (il faut moins d'heures de travail pour fabriquer un
objet), dans le second cas en permettant d'étaler sur un plus grand nombre d'objets fabriqués les
coûts de recherche, les coûts d'installation des chaînes, les coûts de publicité. Des économies
d'échelle apparaissent donc. Mais à cette production de masse doit cependant correspondre une
consommation de masse. Or justement les gains de productivité, qui ont entraîné une
augmentation de la valeur ajoutée, ont permis d'augmenter à la fois les salaires et les profits. Et
c’est cette augmentation des salaires combinée à la baisse des prix qui a permis aux salariés
d'accéder à de nouveaux produits. Ford lui-même accorda des augmentations de salaires
importantes à ses ouvriers : alors que ses concurrents payaient leurs ouvriers 2 ou 3 dollars par
jour, il porta le salaire journalier à 5 dollars. Cette opération du «Five dollars Day» lui permit
d'attirer les meilleurs ouvriers, de s'assurer une main d'œuvre disciplinée et fidèle, de bonne
«moralité». Certains voient dans cette opération un véritable «dressage» des salariés. Aussi
exemple, en quelques mois, le temps de montage du volant magnétique des voitures Ford passa
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de 25 à 5 minutes. D'autre part l'abaissement du prix de vente des automobiles (la fameuse Ford
T) les rendit accessible aux ouvriers.
De cette façon Ford vendit une part de sa production à ses propres ouvriers (achat résultant d’une
épargne sur une longue période) et aux individus qui avaient bénéficiés de l’augmentation de la
consommation de ses ouvriers, «récupérant» ainsi une partie des salaires qu'il avait versés. D'où
cette phrase d'Henry
Ford : «la fixation du salaire à 5 dollars fut une des plus belles économies que j'aie jamais faites ;
mais en le portant à 6 dollars, j'en fis une plus belle encore».
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L’autorité rationnelle ou légale
Elle repose sur un système de buts et de fonctions étudiés rationnellement conçu pour maximiser
la performance d’une organisation et mis en exécution par certaines règles et procédures.
L’essentiel des décisions et des dispositions est écrit. C’est la fonction plutôt que l’individu qui
est investi de l’autorité. Ce système impersonnel correspond pour Weber à la bureaucratie qui est
pour lui la forme d’administration des choses la plus efficace car elle ne tient pas compte des
qualités personnelles des individus.
L’autorité traditionnelle
Elle est d’avantage liée à la personne qu’à la fonction en particulier au sein des entreprises
familiales. Cette forme d’autorité repose sur l’adhésion aux biens fondés de dispositions
transmises par le temps. L’obéissance est fondée sur une relation personnalisée et le droit est un
droit coutumier.
L’autorité charismatique
Elle repose sur les qualités personnelles d’un individu et ne peut se transmettre car elle tient
exclusivement à sa personnalité. Il s’agit d’une relation de prophète à adepte qui implique la
révélation d’un héro et sa vénération. Cependant, celle-ci est assez instable car si le détenteur du
pouvoir est abandonné par la grâce son autorité s’effrite.
Plusieurs critiques ont été adressées aux théories administrative et scientifique du travail.
L'une d'entre elles porte sur les limites des théories liées à leur caractère normatif. Ainsi pour
DESREUMEAUX, "les analyses de l'anatomie de l'organisation formelle débouchent sur des
séries de principes universels d'organisation, moyens d'atteindre la coordination, sur un modèle
idéal dont le respect doit conduire au maximum d'efficience et de productivité: il ne s'agit pas tant
de découvrir ce qui fait que les structures sont ce qu'elles sont que de définir la "meilleure façon"
de construire et de gérer une organisation (d'où les principes de spécialisation, d'unité de
commandement, de hiérarchie verticale, etc., assez généraux pour s'appliquer à toute organisation
quelle que soit sa nature ou sa forme)."
Une autre critique qui peut être formulée à l'égard de l'école classique du management est qu'elle
ne tient pas compte des interactions entre les individus et l'organisation. Qu'il s'agisse de la
théorie administrative ou de la théorie scientifique du travail, tout se passe comme si les hommes
qui composent l'organisation, abandonnaient leurs valeurs, leurs croyances en y entrant. En outre,
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ces théories qui adoptent une vision très mécaniste des hommes, en faisant abstraction des
facteurs humains, adoptent finalement une représentation très partiale de l'homme et voisine de la
théorie X de McGregor.
Enfin, une dernière critique adressée à ces théories, provient du fait qu'elles ignorent les
interrelations entre l'entreprise et son environnement. Les spécificités sectorielles ne sont pas
prises en compte, les problèmes de flexibilité, d'adaptabilité de l'entreprise aux contraintes de
l'environnement, en particulier par le biais de sa structure, semblent absents du discours
classique. L'entreprise apparaît comme un système clos, fonctionnant selon des règles préétablies.
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CHAPITRE II- ECOLE DES RELATIONS HUMAINES
Pour important que soient les apports des précédentes théories pour la structuration et le
fonctionnement des organisations, une composante essentielle en est largement occultée :
l’homme. L’école des relations humaines constitue une action à ce manque et met l’accent sur
l’importance du facteur humain.
S’il y a un homme qui a marqué les théories du management, c’est bien Elton Mayo. Son nom est
inséparable de ce qui est considéré comme le fait fondateur de la sociologie industrielle : les
expériences menées dans l’usine de Hawthorne de la Western Electric Company. Il en a tiré des
enseignements qui ont donné naissance au courant théorique le plus fécond et le plus controversé
du vingtième siècle, en matière de management : l’école des relations humaines.
Mayo n’était pas un universitaire de haut vol, mais il était brillant, charmeur, élégant, maître dans
l’art d’animer un débat. C’était aussi un psychologue de talent, au diagnostic très sûr, capable
d’intuitions fulgurantes et d’analyses pertinentes.
Il était pourtant lui-même psychologiquement fragile. Né en 1880 à Adelaïde, en Australie, il est
poussé par ses parents vers des études de médecine qu’il ne mènera jamais à bien, malgré
plusieurs tentatives. Dans l’université de sa ville natale, il s’arrête en deuxième année. Envoyé en
Écosse, il échoue à nouveau. Un troisième essai raté, à Londres, le marque à vie : il entretiendra
un doute récurrent sur ses capacités, qui le déprimera profondément à chaque revers ou
contrariété.
Après ces échecs, il enchaîne les « petits boulots » : employé dans une usine de diamants en
Afrique du Sud, pigiste au Pall Mall Gazette à Londres, correcteur chez un éditeur de bibles, puis
finit par rentrer en Australie, où il reprend des études de psychologie et d’économie, épouse une
jeune fille de bonne famille et commence une carrière de professeur à l’Université de Brisbane.
Pendant quelques années, il mène de front enseignement et pratique privée de la psychologie.
Pionnier de l’utilisation thérapeutique de la psychanalyse en Australie, il voudrait faire progresser
cette discipline et être reconnu par ses pairs, mais le Brisbane de l’époque est une petite ville
provinciale où il doit se battre pour obtenir un salaire décent ou faire embaucher un assistant. Il
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n’est pas question d’y obtenir des crédits et du temps pour la recherche. Il se met donc en congé
et part se perfectionner en Angleterre. À court d’argent, il s’arrête aux États-Unis pour y donner
quelques conférences. Il y restera jusqu’à sa retraite.
Son regard sur le « facteur humain » au travail et sur l’approche psychologique des conflits
sociaux tranche avec le courant dominant. L’heure est au taylorisme, et le monde de l’industrie a
une vision très mécaniste du travailleur : l’ouvrier « de première classe » doit être résistant et
appliquer sans réfléchir les règles et méthodes définies par la hiérarchie. La seule motivation
qu’on lui reconnaisse est son salaire.
Mais l’occasion d’entrer par la grande porte dans l’histoire des théories de la gestion lui est
donnée par Wallace B. Donham, le doyen de la Harvard Business School, qui le recrute en
1926 avec un statut particulier : il assure peu de cours, mais doit développer la recherche de
terrain. Mayo se retrouve dans un environnement stimulant, avec, par exemple, Chester Barnard,
auteur d’un livre culte sur le management. Quelques mois après son arrivée à Harvard, il est
appelé près de Chicago, dans une usine de la Western Electric, à Hawthorne. Le Directeur du
personnel, T.K. Stevenson, est engagé dans une expérience visant à déterminer s’il faut ou non
installer un système d’éclairage artificiel dans les ateliers afin d’obtenir un meilleur rendement.
Les locaux de travail ne recevaient alors que la lumière naturelle : des verrières sur le toit, et
parfois des fenêtres. On y travaillait dans la pénombre.
Pour les besoins de l’expérience, les ouvriers avaient été divisés en deux groupes. Pour l’un, on
ne changeait rien, et l’autre était soumis à un éclairage de plus en plus intense. Les ingénieurs qui
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suivaient l’étude étaient déconcertés par les résultats. Contrairement à ce qu’ils avaient imaginé
au départ, la productivité avait augmenté dans les deux groupes !
Stevenson fait donc appel à Mayo pour les aider à comprendre. Ce dernier analyse le cas avec
quelques collègues, et ils parviennent à une première conclusion : les ouvriers sont plus sensibles
à l’attention dont ils sont l’objet qu’à la modification de leurs conditions de travail. Ils se savent
observés, et réagissent en conséquence. Ce phénomène passera à la postérité sous le nom d’«
effet Hawthorne » : en sciences sociales, le simple fait d’observer un phénomène le modifie.
Conscient que l’explication est quand même un peu courte, car les facteurs qui influent sur la
production sont multiples, Mayo propose à la Western Electric une nouvelle série de tests.
C’est ainsi qu’est installée une « salle test d’assemblage des relais » (la fameuse Relay Assembly
Test Room, qui passera dans l’histoire de la sociologie du travail). Les chercheurs sélectionnent
deux ouvrières, qui vont-elles-mêmes en choisir quatre autres. Les six femmes sont installées
dans une petite salle où elles font le même travail que dans le grand atelier : assembler des relais
téléphoniques comportant chacun quarante pièces. Commencée en 1927, l’expérience durera
jusqu’en 1932, mais seuls les résultats des treize premières « périodes » (jusqu’en juin 1929)
seront publiés. En effet, à partir de 1930, l’usine est durement touchée par la grande dépression.
Pour chaque « période » des conditions de travail différentes sont définies. Afin d’isoler
l’influence de chaque facteur, on fait varier les temps de repos, la durée de la journée de travail,
le nombre de jours travaillés par semaine, etc., après en avoir débattu avec les ouvrières, qui font
elles-mêmes des propositions. Dans la salle d’essais elles ont le droit de parler entre elles,
contrairement aux règles de l’atelier, et n’ont pas de chef d’équipe. Un chercheur observe et
mesure leur production, leur comportement, leur nourriture, leur temps de sommeil, leur tension
artérielle, la température et le degré d’humidité de la pièce, les défauts des relais fabriqués.
Toutes les six semaines, elles ont un entretien avec l’Ingénieur en chef.
Elton Mayo et son équipe avaient pris comme hypothèse de départ que la fatigue était le principal
facteur de limitation de la production. À l’issue de la première année d’expérimentation, les
observations semblent la vérifier : la productivité des ouvrières s’est accrue constamment pendant
les douze premières périodes, où leurs temps de repos ont été allongés et la durée de leur journée
de travail diminuée ; l’absentéisme est trois fois moins important dans la salle-test que dans le
grand atelier. Mais l’opération prend une tournure inattendue vers la fin de l’expérience, quand
Mayo a l’idée de revenir aux conditions de départ, avec une semaine de 48 heures, sans temps de
21
repos. La productivité ne baisse pas ! Les chercheurs de Harvard en déduisent que ce ne sont pas
les conditions matérielles de travail qui améliorent les résultats des ouvrières, mais l’attention que
leur porte l’encadrement, l’ambiance de leur groupe de travail, le fait qu’on les écoute et qu’elles
sont impliquées dans l’expérience. Mayo attache aussi beaucoup d’importance à ce qu’il appelle
« la situation globale » de chacune d’entre elles : sa santé, ses relations avec sa famille, etc.
Ce sont donc les méthodes et le style de management qui font la différence. Cette conclusion
amène l’équipe de Harvard à monter un programme d’assistance et de conseil destiné au
personnel d’encadrement, qui démarre en 1936 et fonctionnera pendant plus de vingt ans.
Parallèlement, plusieurs autres expériences sont réalisées, notamment pour tenter de comprendre
le rapport entre le salaire et la productivité, la dynamique des groupes et l’importance de
l’organisation informelle dans un collectif de travail.
C’est Fritz Roethlisberger et un ingénieur de la Western Electric, William Dickson, qui
rédigeront le compte rendu de ces expériences, Mayo souffrant alors d’un glaucome dont il se fait
opérer à Londres.
La communication sur Hawthorne est accueillie très diversement. La durée des travaux, le
nombre d’ouvriers et d’agents de maîtrise impliqués (plusieurs milliers d’interviews !), la qualité
des observations, sont largement salués. Mais des critiques s’élèvent, parfois sévères. À côté de
points techniques sur la composition des groupes-tests ou sur les relations personnelles entre les
chercheurs, les sujets observés et les commanditaires, on reproche à Mayo d’ignorer les syndicats
et de considérer que les intérêts des patrons et ceux des salariés sont les mêmes, ce qui escamote
la problématique des conflits, capitale en management. Des sociologues critiquent une prise en
compte insuffisante de l’appartenance sociale des ouvriers, des méthodes peu rigoureuses et
parfois considérées comme manipulatoires, etc. Soixante quinze ans plus tard, les polémiques
sont encore vives. En 2004, tout en saluant le travail de l’équipe de Harvard, Salvatore Maugeri
parlait de « parti-pris managérial », de « méthodes douteuses », de « terribles défauts » !
Après Hawthorne, Mayo poursuit une carrière de psychologue, avec un intérêt marqué pour la
politique. Il prend sa retraite en 1947 et va (enfin) s’installer à Londres où il meurt en 1949.
Ses apports principaux sont aujourd’hui des évidences : l’ouvrier n’est pas une machine, comme
avaient tendance à penser les tayloriens, le groupe social compte au moins autant que la
hiérarchie, la motivation n’est jamais seulement financière, on gagne toujours à laisser aux
22
travailleurs une marge de liberté dans l’organisation de leur travail. Toutes choses qui n’allaient
pas de soi à la fin des années 1920. Par rapport à l’ambition de Taylor, de fonder une organisation
« scientifique » du travail, Mayo a permis de passer des « sciences » de la gestion à « l’art » du
management … l’illusion scientifique n’aura duré qu’un quart de siècle !
Derrière lui, nombre de chercheurs poursuivront dans la même voie, depuis Abraham
Maslow (la pyramide des motivations) et Douglas McGregor (théorie X et théorie Y) jusqu’à
Peters et Waterman (le Prix de l’excellence).
II.1.2-Kurt Lewin (1890 - 1947), les styles de commandement et la dynamique des groupes
Par une analyse multidimensionnelle des problèmes humains, Lewin est précurseur développant
la thèse suivant laquelle « Rien n’est aussi pratique qu’une bonne théorie ». Sur le plan de ses
travaux de recherche mobilisables en management des organisations, on peut considérer que K.
Lewin s’intéresse pour l’essentiel à deux questions : le mode d’exercice de l’autorité et de
leadership ainsi que la dynamique des groupes. Les travaux de Lewin sont essentiellement
consacrés aux phénomènes de groupes humains restreints, aux problèmes de leadership, le climat
social, de comportements de groupe.
A partir de recherches expérimentales menées avec R. Lippit et R. White (1938- 1939) sur des
groupes d’enfants, K.Lewin distingue trois formes de leadership ou de mode d’exercice du
commandement. En premier lieu, le leadership autoritaire qui se tient à distance du groupe et use
des ordres pour diriger les activités du groupe. En second lieu, le leadership démocratique qui
s’appuie sur des méthodes semi- directives visant à encourager les membres du groupe à faire des
suggestions, à participer à une discussion ou encore à faire preuve de créativité.
23
Enfin, le leadership du « laisser- faire » qui ne s’implique pas dans la vie du groupe et qui
participe au strict minimum aux différentes activités. Les observations réalisées sur des groupes
d’enfants à partir de ces trois modes d’exercice du pouvoir conduire aux conclusions suivantes.
Au sein du premier groupe dirigé autoritairement, le rendement est manifestement plus élevé que
dans les autres groupes. Globalement, l’attitude des enfants est apathique. La pression portée sur
le groupe fait qu’il n’y pas de véritable relation de confiance ce qui se traduit parfois par des
actes de défiances ou de rébellion. Certains enfants ont parfois adopté une attitude agressive au
sein du groupe ce qui a eu des conséquences en particulier sur l’ambiance de travail et le climat
social. Au sein du deuxième groupe, il apparaît que la mise en place d’un système d’animation du
groupe fondé sur la démocratie ne s’est fait que progressivement. En effet, l’acquisition par le
groupe de règles de fonctionnement subtiles a nécessité un certain temps d’apprentissage. Pour
autant, Lewin observe que les membres du groupe avec un leader démocratique manifestaient des
relations plus chaleureuses et amicales, participaient beaucoup plus aux activités du groupe et,
une fois le leader parti, continuaient le travail et faisaient à moyen terme. Enfin, le « laisser-
faire » semble constituer la pire des méthodes. Le groupe n’obtient pas de résultats satisfaisants,
reste paradoxalement très dépendant d’un leader peu impliqué et demeure constamment en quête
d’informations et de consignes.
Kurt Lewin est l’inventeur du terme dynamique de groupe (Dynamic Group) en 1944. A partir de
1943, le gouvernement américain demande à l’équipe de recherche d’étudier la possibilité de
changer les habitudes de consommation des ménagères américaines. Il s’agit d’examiner les
conditions de remplacement de la consommation de viandes par des abats, les pouvoirs publics
craignant alors une menace de pénurie en période de guerre. Lewin et son équipe décident de
mettre en place deux groupes expérimentaux composés de ménagères. Les deux groupes sont
24
relativement homogènes quant à leur composition mais vont être animés de manière très
différente.
- Au sein du groupe, il est décidé d’organiser une conférence réalisée par un médecin,
spécialiste en nutrition, en vue de persuader des vertus pour la santé de la consommation
d’abats. La conférence est réalisée sous couvert d’un certain nombre de ménagères
manifeste leur intention de consommer des abats.
- Dans le second groupe, l’approche retenue en matière d’animation du groupe est très
différente. En effet, les psychologues organisent une discussion entre les ménagères
autour de la question de la consommation d’abats de viande. Ces discussion s’avèrent être
particulièrement animées, voire vives dans certains cas, et conduisent à des prises de
position face à cette question. A l’issu de la séance, on observe que groupe est finalement
beaucoup plus partagé que dans le premier cas, quant aux intentions de consommation
d’abats. Quelques temps après, les chercheurs se sont efforcés de mesurer au sein de
chaque groupe le niveau de passage de l’acte. Finalement l’enquête montre que
davantage de personnes ont consommé les abats de viande dans le second groupe que
dans le premier. Que s’est-il donc passé ? K. Lewin expliquera le phénomène à partir du
concept de dynamique de groupe.
- Dans le premier cas, les ménagères sont passives face à un exposé (qui n’implique pas leur
participation, la plupart d’entre elle n’ont pas mémorisé le message clé). Cela n’a pas eu de
véritables impacts sur leurs habitudes de consommation.
- Dans le second cas, les membres du groupe ont remis collectivement en cause leurs
habitudes et leurs normes de consommation. Les ménagères ont débattu de la question,
parfois en s’opposant. Cela a manifestement renforcé la mémorisation et l’implication face
au problème posé. C’est en réalité cette forte interaction entre ménagères sur le sujet qui les a
conduits au passage à l’acte. Au total, cette célèbre expérience donne des résultats très
spectaculaires puisque le second groupe est dix fois plus efficace que le premier. En effet,
l’augmentation de la consommation d’abats est de 30% dans le second groupe alors qu’il
n’est que de 3% dans le premier. Finalement l’expérience montre l’importance de la vie d’un
groupe, des échanges interpersonnels, des remises en cause collective qui peuvent finalement
25
favoriser un changement de consommation. En outre, Lewin démontre la thèse suivant
laquelle il est plus facile de changer les habitudes d’un groupe de personnes prises isolement.
- Le style autoritaire qui se définit par une communication allant du haut vers le bat, des
décisions émanant du sommet sans consultation, une forte centralisation, l’utilisation de la
crainte et de la sanction comme moyen d’incitation et qui entraîne un faible esprit
d’équipe ;
- Le style consultatif qui se traduit par un faux semblant de participation à la décision; les
subordonnés bien que consultés n'ont pas d'influence réelle, cependant le travail en équipe
est encouragé, les communications sont à double sens, les employés semblent davantage
motivé
Un certains nombreux de critiques lui ont été adressées. Elles soutiennent pour l’essentiel que,
d’une part, la prise de décision peut s’avérer lente, coûteuse et déresponsabilisant, et, d’autre part,
26
que s’il est vrai que la satisfaction des travailleurs peut s’accroître, il est hasardeux de conclure
que la productivité du travail en soit améliorée et que la qualité de la décision soit supérieure à
celle proposée, par exemple, par un expert. Une autre critique touche à la généralisation de la
conclusion. En effet, les résultats qu’on observe le sont dans la situation de l’expérience. Rien ne
prouve qu’un autre style de direction ne serrait pas plus performant dans une autre situation ?
C’est du reste une critique générale que l’on peut adresser à l’école des relations humaines qui
fait abstraction du contexte dans lequel évolue l’organisation.
Pour Mc Gregor, l’école classique a une vision très particulière de la nature humaine
qui correspond à ce qu’il qualifie de théorie X. Selon cette théorie, l’homme approuvait une
aversion pour le travail, serait paresseux et devrait être menacé de sanction pour accomplir son
travail. Par ailleurs, il serait dépourvu d’ambition, fuirait les responsabilités, souhaitant être dirigé
et préférant la sécurité au changement. L’école classique suppose ainsi que l’homme n’a qu’un
niveau de besoins, ce qui conduit à considérer que le seul système de motivation est la nature
économique. Or, l’homme a des niveaux de besoins supérieurs que l’organisation doit chercher à
satisfaire pour le motiver. Mc Gregor estime que l’hostilité des employés à l’égard de la
direction et ses directives n’est pas due à leur personnalité mais à l’insatisfaction de leur besoins
par l’organisation à laquelle ils appartiennent. Il propose alors une autre théorie sur la nature
humaine, la théorie Y, qui est à l’opposé de la théorie X. Selon cette catégorie, l’homme n’est pas
allergique au travail qui peut devenir source de satisfaction ; il peut se diriger lui-même,
rechercher les responsabilités, apporte à l’entreprise son potentiel de créativité à condition que
l’organisation mette en place les méthodes et le cadre propice à la satisfaction de ses besoins
propres, dans l’accomplissement des objectifs de l’entreprise.
27
II.1.5- C. Argyris (1923 -)
Professeur à l’Université d’Harvard, vingt ans à Yale où une Chaire porte maintenant son
nom.
Pour ARGYRIS les principes établis par l'école classique du management: unité de
commandement, spécialisation... impliquent que les hommes soient soumis et dépendants, et ce,
de plus en plus, lorsqu'on descend dans la hiérarchie. Ce comportement a pour conséquence
l'apparition d'attitudes telles que l'absence, le ralentissement des cadences, la syndicalisation...
contraires aux intérêts de l'organisation et à son efficacité; l'organisation ne permet pas à ses
membres d'atteindre le "succès psychologique" faute de leur donner la possibilité de développer
leur efficacité personnelle dans le travail. ARGYRIS propose donc un autre système
d'organisation que l'organisation pyramidale qui conduit, en dehors de quelques cas très
spécifiques à l'inefficacité. Dans ses recherches, Argyris identifie trois valeurs de base qui
affectent les groupes de travail :
- Les seuls rapports humains intéressants sont ceux qui ont pour résultat l’accomplissement
des objectifs de l’organisation. En d’autres termes, si les cadres concentrent leurs efforts
sur l'accomplissent des tâches, c’est souvent pour éviter d’approfondir les facteurs
relationnels entre employés et le mécanisme de fonctionnement des groupes entre eux ;
- Il faut accentuer la rationalité cognitive, et minimiser les sentiments et les émotions. C’est
ainsi que les relations interpersonnelles sont considérées comme hors de propos dans le
cadre de l’entreprise et ne concernent pas le travail ;
- Les rapports humains sont plus utiles lorsqu’ils sont orientés par un système de direction,
de coercition et de contrôle unilatéraux, ainsi que par des primes et des amendes. Argyris
constate que l’autorité et le contrôle sont acceptés comme étant inévitables, inhérents et
indissociables de la chaîne hiérarchique.
Suivant Argyris, une organisation est efficace si elle permet fondamentalement à tous ses
membres d’arriver au succès psychologique. Pour ce faire, elle doit donner à tout un chacun la
possibilité de développer son efficacité personnelle. Cela implique pour l’essentiel deux
conditions. D’une part, les individus doivent s’accorder de la valeur et aspirer à un sentiment
croissant de compétence notamment en se fixant compétence et l’estime de soi ce qui va à
l’encontre de cultures organisationnelles favorisant au contraire l’apathie ou le fatalisme. Le
28
fonctionnement des organisations doit être modifié pour permettre aux individus d’atteindre le
succès psychologique.
Cependant, et se démarquant en cela d'un grand nombre d'auteurs de l'école des relations
humaines, il pense que pour être efficace, l'organisation doit aussi s'adapter à l'environnement
avec lequel elle est en relation et il insiste sur les liens nécessaires entre l'approche sociologique
et psychologique. Or, parmi les critiques faites aux théories psychologiques, l'une d'entre elles est
justement de trop privilégier le facteur humain dans l'organisation, au détriment d'autres facteurs.
La motivation est énigmatique dans les organisations. La motivation est un concept relativement
abstrait, cognitif, intangible et difficile à mesurer. La motivation désigne les forces qui agissent
sur une personne ou à l'intérieur d'elle pour la pousser à se conduire d'une manière spécifique,
orientée vers un objectif. Les pulsions, enjeux ou mobiles auxquels obéissent les salariés dans
leur travail affectent leur productivité. A bien des égards, la fonction de manager vise à stimuler
les motivations individuelles en faveur des objectifs de l'organisation.
29
Toute motivation est orientée vers un but, c'est à dire un résultat auquel l'individu veut parvenir.
Néanmoins, les motifs sont difficilement observables (on ne peut que les supposer). Ils sont
nombreux et plus ou moins conflictuels chez une même personne. La manière dont les salariés
choisissent d'obéir à certains enjeux plutôt qu'à d'autres, et l'intensité avec laquelle ils y
répondent, varient considérablement.
Les théories de la motivation peuvent être divisées en deux catégories. Les théories dites de
contenu et les théories dites de processus.
Les premières partent des besoins, c'est-à-dire des "manques" ressentis d'ordre physiologique,
psychologique ou sociologique. Les besoins poussent à l'action, car ils créent des tensions que la
personne veut réduire ou éliminer. Le comportement motivationnel lié aux besoins peut être
décrit de la façon suivante. L'apparition de besoins incite à vouloir les satisfaire, d'où des actions
en conséquence avec des résultats qui sont vécus comme des récompenses (si cela marche) ou des
punitions (dans le cas contraire). Ce fonctionnement conduit à une réorganisation interne des
besoins initiaux (il les apaise, il les frustre, il les aménage, etc.).
Les deuxièmes s’intéressent aux liens que les individus au travail perçoivent entre les efforts
qu’ils déploient, la performance attendue et constatée et les récompenses ou sanctions qui en
découlent. Contrairement aux théories de contenu, les théories de processus se penchent sur
l’orientation et la persistance du comportement adopté par l’individu au travail, sur le processus
motivationnel et les mécanismes qui conduisent à la motivation.
Il ne faut cependant pas considérer les théories de processus comme complètement orthogonales
aux théories des besoins. En effet, ces dernières ont inspiré les théories de processus, qui en sont
le prolongement.
Les théories de la motivation appartenant aux théories de contenu s’intéressent aux besoins
ressentis par les individus et aux conditions qui les poussent à satisfaire ces besoins. Ces théories
sont donc axées sur le déclenchement et l’intensité de la motivation.
On distingue trois approches. Le besoin est un sentiment humain de manque : Habraham Maslow
(1952), Alderfer (1972) et Herzberg (1974).
30
II.2.1.1- la théorie de besoin de H. Maslow.
En 1943, Abraham Maslow publie sa théorie selon laquelle tout individu ressent des besoins qui
sont sources de motivation. Il propose l’existence de besoins répartis en cinq catégories, qu’il est
possible de hiérarchiser et de classer dans une pyramide :
Maslow a mis en évidence des besoins de l’individu, qui selon lui se hiérarchisent (voir le
schéma 1). Au niveau le plus bas, on retrouve des besoins physiologiques : se nourrir, s’habiller,
se loger ; ils dominent jusqu’à ce qu’ils ne soient satisfaits. Viennent ensuite les besoins de
sécurité, par exemple, la sécurité économique, se protéger et être protégé. Puis les besoins
sociaux d’appartenance (besoin de socialisation, donne naissance à la vie), le besoin d’estime
et de prestige (reconnaissance et acceptation par ses pairs), et enfin les besoins
d’accomplissement ou de réalisation de soi (l’épanouissement, progresser et réaliser des
projets)
Besoins
Accomplissement
Besoins
D’estime
Besoins d’appartenance
Besoins de sécurité
Besoins physiologiques
Cette approche qui sera souvent reprise présente l’avantage d’identifier un certain nombre
de besoins chez l’individu. Elle est pédagogique et assez complet. Cependant, on peut douter
d’une hiérarchisation aussi systématique. L’importance relative des besoins peut varier selon les
individus, selon les étapes de leur carrière ou encore selon leur appartenance culturelle. Ainsi,
31
dans certains pays, l’appartenance peut-elle l’emporter sur l’accomplissement de soi, ainsi encore
dans certaine période, la sécurité l’emportera sue l’estime. Enfin Maslow centre son analyse sur
l’individu sans approfondir les conditions de son insertion dans l’organisation.
En pratique ces besoins peuvent être satisfaits dans les organisations par certaines
pratiques RH. Ainsi :
Les besoins physiologiques : le premier niveau, le plus basique. Ces besoins peuvent
être satisfaits par l’intermédiaire de la rémunération.
Les besoins de sécurité (économique, psychologique, physique) qui peuvent être
satisfaits notamment en développant l’employabilité des individus.
Les besoins de sociabilité (appartenance, communication). Ils peuvent être satisfaits par
un développement du sentiment d’appartenance, notamment par la culture d’entreprise, la
communication interne, les groupes de projet, les activités sociales…
Les besoins de reconnaissance (estime, considération). Ils peuvent trouver écho à travers
les systèmes de rémunération, l’implication des individus, le management participatif,
l’empowerment des individus…
Les besoins d’accomplissement. Ils peuvent être satisfaits par le développement
personnel (formation, carrière…) et l’empowerment qui permettent à l’individu de se sentir utile
et compétent.
La théorie de Maslow a été relativement peu vérifiée dans la réalité, principalement à cause de la
structure très hiérarchisée des besoins.
En réponse, Alderfer (1969) propose une théorie des besoins moins dogmatique dans la
hiérarchie mais qui stipule également que c’est la sensation de besoin qui motive l’individu au
travail. Alderfer recense trois types de besoins :
Les besoins d’Existence. Ce sont les besoins primaires, physiques.
Les besoins de Sociabilité (Relatedness). Ce sont les besoins de relations
interpersonnelles.
Les besoins de Croissance (Growth). Ce sont les besoins de création, de réalisations
significatives, d’amélioration des compétences et le besoin de spiritualité.
32
Alderfer n’impose pas de hiérarchie dans l’apparition des besoins même si on constate une
certaine progression dans leur développement. Toutefois, son modèle résiste mieux que celui de
Maslow à l’épreuve des faits étant donné qu’il est moins strict dans sa structure.
Né en 1923, Frederick Herzberg est d'abord diplômé de la School of Public Health de l'Université
de Pittsburgh. Il en acquiert l'envie de contribuer à la "santé morale industrielle". Sa première
grande expérience le conduit, comme volontaire de l'armée américaine, au camp de concentration
de Dachau juste après sa libération. Professionnellement, il effectue d'abord des travaux de
recherche sur les maladies mentales pour le compte du Public Health Service américain. Puis il
s'oriente vers la psychologie industrielle.
Il termine sa carrière comme professeur de management à l'Université de l'Utah. En 1959, la
publication d'un ouvrage collectif, "the motivation to work", lui apporte un début de réputation. Il
s'agit d'un travail empirique dont le mode d'investigation a été reproduit dans beaucoup d'autres
études, ce qui en fait l'un des plus imités dans le domaine des attitudes au travail.
Suite à une vaste étude qualitative, Frederick Herzberg et ses collaborateurs proposent en 1959 de
distinguer les facteurs susceptibles de générer de la satisfaction au travail de ceux qui, au mieux,
peuvent conduire à l’absence d’insatisfaction au travail. Auparavant, on classait les facteurs sur
un axe unique allant d’insatisfaction à satisfaction. Herzberg distingue donc :
Les facteurs situés sur l’axe de la satisfaction. Ils sont également appelés motivateurs.
On retrouve les accomplissements et leur reconnaissance, le travail en lui-même, les
responsabilités, le développement personnel…
Les facteurs situés sur l’axe de l’insatisfaction. Herzberg les appelle également
facteurs d’hygiène ou d’ambiance. On recense la rémunération, les conditions de travail, les
relations dans l’entreprise (supérieur, collègues)…
Selon Herzberg, si on veut motiver les individus au travail, il faut jouer sur les facteurs de
satisfaction (facteurs motivateurs). Ce sont les facteurs relatifs au contenu du travail : la réussite,
la considération, l’autonomie, les responsabilités, l’avancement. Il propose donc le concept
d’enrichissement du travail avec une double intervention sur le contenu du travail :
33
L’élargissement horizontal du travail. Il consiste à confier davantage de tâches à
l’individu mais également à ce que celles-ci soient plus variées. La polyvalence, la flexibilité
qualitative, le travail en équipe ou en groupe de projet sont des réponses appropriées.
L’étendue des tâches ou l’enrichissement vertical du travail. Il consiste à déléguer à
l’individu un niveau plus élevé d’autonomie et de responsabilités dans son travail, quel que soit
son niveau hiérarchique.
Il faut toutefois rappeler qu’Herzberg a été fréquemment critiqué car il « confond » la motivation
au travail avec la satisfaction au travail, dont la définition admise est de désigner « un état
émotionnel agréable ou positif résultant de l’évaluation faite par une personne de son travail ou
de ses expériences au travail »
Plusieurs auteurs ont travaillé sur les théories de processus, nous allons développer ici trois
approches correspondantes aux auteurs.
Enoncée par Victor Vroom en 1964, auteur de « Work and Motivation », la théorie des attentes
(ou VIE) stipule que les comportements des individus sont la résultante d’un choix conscient et
raisonné, d’une sorte d’analyse coûts/bénéfices au sens strict du terme. Selon Vroom donc, la
force motivationnelle dépend de l’enchaînement de trois types de perceptions :
L’attente (Expectation) : c’est la croyance qu’a l’individu que des efforts accrus lui
permettront d’augmenter sa performance au travail. Le terme « expectation » signifie que
l’individu formule des attentes sur la probabilité d’atteindre un objectif de performance en
fonction d’un certain niveau d’effort consenti dans son travail.
34
L’Instrumentalité : c’est l’estimation de la probabilité que la performance attendue,
prévue par l’individu, entraîne des conséquences et des résultats (des récompenses ou bien des
sanctions). Il est ici également question d’attente, cette fois-ci à propos des avantages et des
sanctions qui résulteraient de l’atteinte ou non d’un objectif de performance.
La Valence : c’est la valeur affective que l’individu attribue aux récompenses obtenues.
La motivation (M) est alors un simple produit cartésien de ces trois termes : M=E*I*V. On déduit
de cette équation plusieurs pistes de réflexion pour le manager :
- Il est indispensable de maximiser les trois termes pour que la motivation soit la plus
élevée possible.
- Il convient de clarifier au maximum le lien entre l’effort et la performance réalisée,
notamment grâce à un feedback régulier et à un soutien (technique et psychologique) de ses
collaborateurs.
- Les récompenses doivent avoir un lien significatif avec le niveau de performance atteint.
- Plus l’individu affectionne la récompense qu’il reçoit, plus elle aura de valeur à ses
yeux. C’est dans cette optique que les systèmes de management dits ‘cafeteria’ et de
rémunération globale se sont développés, afin que chaque collaborateur reçoive des récompenses
qui collent le plus possible à ses préférences, à ses attentes. Si la valence est négative (sanction),
l’individu sera démotivé (M<0), si la valence est nulle, il y aura amotivation (M=0).
Dès le début des années 1960, Adams développe la théorie de l’équité, qui a connu depuis de
nombreux prolongements. Selon Adams, tout individu au travail observe son environnement afin
d’évaluer si le traitement qui lui est réservé est équitable ou non. L’individu effectue le rapport
entre les avantages qu’il retire de son emploi (Ap ou Avantages personnels) et les contributions
qu’il effectue pour l’organisation (Cp ou Contributions personnelles) :
Les avantages (outcomes) regroupent le salaire, les promotions, les conditions de travail,
le statut, la reconnaissance, l’intérêt des tâches réalisées…
Les contributions (inputs) comprennent la formation détenue, l’implication, l’ancienneté,
le niveau de compétence, les efforts réalisés, les performances, l’expérience professionnelle
détenue…
35
Le rapport personnel calculé par l’individu entre ses avantages et ses contributions lui permet
d’établir le ratio Ap/Cp qu’il va ensuite comparer au ratio d’autres personnes, pour lesquels il
évalue les avantages (Aa ou Avantages des autres) par rapport aux contributions (Ca ou
Contributions des autres). Ces deux ratios permettent à l’individu d’évaluer son sentiment de
justice (ou d’injustice) à l’égard de sa situation dans l’entreprise. Trois scenarii sont
envisageables :
Ap/Cp > Aa/Ca : situation d’iniquité (sur-équité). Si l’individu juge que son ratio est plus
avantageux que celui des autres, on dit qu’il est ‘sur payé’. Cela peut faire naître des sentiments
d’inquiétude et d’insécurité chez l’individu. Ce ressenti serait généralement temporaire. Pour son
équilibre psychologique et éviter un sentiment de culpabilité, un individu ressentant un sentiment
de sur-paiement changerait de référents afin de se comparer avec d’autres personnes aux
caractéristiques se rapprochant davantage des siennes.
Ap/Cp = Aa/Ca : situation d’équité. L’individu estime que le traitement qui lui est réservé
est comparativement équitable par rapport à celui qui est réservé aux autres. Les rétributions qu’il
obtient sont jugées justes par rapport aux contributions qu’il apporte.
Ap/Cp < Aa/Ca : situation d’iniquité (sous équité). L’individu trouve que son ratio est
inférieur à celui des autres, il s’estime ‘sous payé’. Cela peut être dû à des contributions jugées
élevées ou à des rétributions considérées comme trop faibles.
Adams précise en outre que l’individu compare sa situation par rapport à des individus de
l’entreprise (équité interne) mais aussi à des personnes extérieures à l’entreprise (équité externe).
Selon l’auteur, un traitement injuste aurait pour effet de démotiver les individus alors qu’un
traitement juste a pour effet de motiver les individus en répondant à leur besoin de justice.
La théorie d’Adams a connu de nombreux prolongements qui s’inscrivent désormais dans
ce que l’on appelle communément la justice organisationnelle. Ce concept regroupe trois formes
de justice : la justice distributive ou justice des résultats (c’est la théorie de l’équité d’Adams), la
justice procédurale (ou justice des méthodes et des procédures de management) et enfin la justice
interactionnelle (c’est-à-dire la justice informationnelle et la justice interpersonnelle mises en
œuvre par les managers).
Ainsi, Greenberg (1987) ajoute à la justice distributive d’Adams ce qu’il baptise la justice
procédurale, qui est la justice des moyens, des méthodes et des processus déployés par
l’entreprise pour allouer les ressources et les récompenses. Il est ici question des méthodes
36
d’évaluation du personnel, des procédures pour demander une formation, de l’organisation de la
gestion des carrières, des outils et méthodes de classification, de répartition des augmentations de
salaires et des primes… c’est-à-dire de l’ensemble des procédures déployées par l’organisation
dans sa gestion des ressources humaines.
Bies et Moag (1986) ont quant à eux mis en lumière la justice interactionnelle qui se penche sur
l’attitude et les comportements des managers vis-à-vis de leurs collaborateurs. Ils distinguent :
La justice informationnelle qui consiste à faire circuler les informations pertinentes,
notamment de façon verticale, à écouter l’ensemble des avis… En diffusant l’information, on
évite les pratiques de rétention de l’information dont on sait depuis Crozier et Friedberg (1977)
qu’elles sont source de pouvoir ‘injustifié’.
La justice interactionnelle qui rappelle qu’un traitement digne et respectueux des
individus correspond à leurs attentes et répond à leurs besoins de justice.
Le droit rejoint ici les pratiques puisque le principe « à travail égal, salaire égal » qui oblige les
managers :
À être équitables dans les rémunérations (justice distributive) ;
À mettre en place des systèmes d’évaluation équitables (justice procédurale) ;
À informer les salariés sur ces pratiques (justice informationnelle).
La théorie de la fixation des objectifs a été énoncée par Locke en 1968 puis reprise plusieurs fois
par la suite. Elle stipule que la motivation au travail d’un individu sera plus importante si des
objectifs lui sont fixés.
Selon Locke et afin d’optimiser son efficacité, un objectif doit revêtir plusieurs aspects :
Être clair et précis, spécifique (cela facilite son atteinte) ;
Être difficile mais réaliste (il constitue alors un défi motivant) ;
Être accompagné d’un feed-back quant à son atteinte ;
Être accompagné d’un soutien pour l’atteindre ;
Avoir été établi en faisant participer tous les collaborateurs impliqués ;
37
Être accompagné de récompenses lors de son atteinte.
Pour Locke, la difficulté de l’objectif renforce le niveau d’effort fourni et la persistance de celui-
ci. En outre, si l’objectif est spécifique, il permet de concentrer l’attention et les efforts de
l’individu, ce qui lui permet de développer des stratégies afin d’optimiser son travail. L’individu
guidé par un objectif est ainsi plus performant qu’un individu livré à lui-même. Il convient de
rappeler que la théorie des objectifs connaît des limites notamment :
- Si l’objectif est trop difficile à atteindre, certaines personnes risquent de se démotiver.
- Les individus qui n’ont pas un fort besoin de réalisation ou d’accomplissement seront
moins motivés par la fixation d’objectifs que les autres.
- Plus une tâche est complexe et plus elle demande d’interactions entre individus, moins la
fixation d’objectifs sera efficace.
- La simple fixation d’objectifs ne suffit pas à motiver les individus, il faut pour cela
qu’ils soient engagés, impliqués dans l’objectif.
Conclusion
Bien qu’on ait parfois tenté d’établir une dichotomie entre le monde professionnel et la recherche
académique, il est indéniable que les interactions entre les chercheurs et les professionnels sont
source d’innovations et de synergies permettant de développer des courants de pensées, des
visions et des méthodes qui tendent vers un développement durable de la gestion des ressources
humaines. Source de performances économiques plus élevées, ces synergies permettent
également des améliorations sociales considérables en mettant en avant les aspirations et les
spécificités individuelles. On est désormais loin de « l’ouvrier-aliéné » de l’ère taylorienne et il
est central pour les managers d’avoir à l’esprit ces théories. Elles naissent d’une réalité concrète
(la réalité du terrain), que les chercheurs savent externaliser, analyser, formaliser, reformuler et
vulgariser afin de la rendre accessible et exploitable. Au fur et à mesure de leurs publications et
de leur application, les théories de la motivation ont contribué à créer des bénéfices réciproques,
pour les organisations autant que pour les employés et n’est-ce pas là l’objectif central de la
gestion des ressources humaines ?
Des critiques ont été portées à l'école des relations humaines. Certaines critiques sont de
nature méthodologique et concerne soit les expériences réalisées, en particulier dans la mesure
des variables représentant les satisfactions, le style de commandement, etc., soit encore le fait que
38
la plupart des propositions ne soient pas testables, notamment quand elles revêtent un caractère
éthique évident. D'autres critiques portent sur le fait qu'il n'y a jamais d'étude des processus de
conflits dans les organisations et que l'importance des facteurs externes comme explication des
comportements individuels au sein des organisations soit occultée; cette dernière critique
recouvre notamment celle d'ARGYRIS, déjà évoquée. Enfin, l'école des relations humaines s'est
surtout intéressée aux organisations industrielles et aux niveaux les moins élevés de la hiérarchie,
ce qui limite singulièrement ses prétentions à constituer une théorie générale des organisations.
39
CHAPITRE III- LES THEORIES MANAGERIALES DES ORGANISATIONS
Même si on peut trouver quelques rudiments d'analyse des organisations chez des auteurs
tels que Adam SMITH et Karl MARX, la théorie économique a longtemps considéré la firme et
les organisations, comme des "boîtes noires". Ainsi, dans l'analyse néo-classique traditionnelle, la
firme constitue une entité; les actionnaires ne sont pas distingués des dirigeants; l'objectif
poursuivi est la maximisation du profit. En fait, la firme n'apparaît pas être un objet d'étude en
soi; elle n'est qu'un élément permettant l'étude de l'équilibre du marché et la construction d'une
théorie des prix. L'organisation interne de la firme est supposée n'avoir aucun effet sur la
décision; le comportement n'est influencé que par les conditions du marché. En outre, la firme est
censée évoluer dans un environnement sans incertitude, où les agents possèdent une information
parfaite sur l'état de la demande et sur les coûts.
Ainsi ce troisième chapitre sera consacré aux théories managériales des organisations. Ces
théories s’intéressent à des relations qui existent entre les organisations et leur environnement, et
l’influence de ce dernier sur les organisations. Dans ce sens, des auteurs comme T. Burns et G.
Stalker, P. Lawrence et J. Lorsch, P. blan et Aldrich, J. Woodward, A. Chandler, et H. Mintzberg
ont travaillé sur les facteurs de contingence des organisations. Il (ce chapitre) va également
étudier les théories de décision (le modèle de Havard de Learned, Christensen, Andrews et Guth,
et les travaux de H.A. Simon et la rationalité limitée), la structure et les nouvelles approches
économiques des organisations (les travaux de Cyert et March, de R. Coase, d’O. Williamson A.
Alchian et H. Demsetz, M. Jensen et W. Meckling).
Bien entendu, ces différentes théories n'évoluent pas de façon totalement indépendante, et il y a
des emprunts entre les différents courants.
Ici les auteurs pensent qu’il existe cinq facteurs de contingence qui influencent les organisations.
Il s’agit de : l’environnement, l’âge et la taille, la technologie et la stratégie.
Selon Burns et Stalker, les structures mécanistes sont complexes, formalisées et centralisées.
Elles réalisent des tâches de routine et d’exécution, recourent massivement à la programmation
des comportements et ont un potentiel limité pour répondre aux situations qui ne leur sont pas
familières. Le travail est rationalisé, spécialisé, standardisé et la résolution des conflits s’effectue
par la voie hiérarchique. Les décisions se prennent au sommet de la structure et la communication
se fait sous forme de directives. Le prestige et la valorisation des individus sont essentiellement
liés au statut social de chaque personne et au système de qualification (ingénieur, informaticien,
etc.). Finalement, l’organisation mécaniste est une organisation de type bureaucratique
comparable à celle déjà décrite par M. Weber au premier chapitre.
Celles- ci sont plus flexibles et adaptatives que les précédentes. Les communications latérales
sont essentielles, l’influence et le système d’autorité sont davantage basés sur l’expertise et les
connaissances plutôt que sur l’autorité de la position hiérarchique. Les responsabilités sont
définies de manière assez large et la communication est basée sur l’échange d’informations plutôt
que sur des directives.
41
A travers ces recherches sur la structure des organisations Burns et Stalker ne considèrent pas
pour autant qu’un type d’organisation soit supérieur à l’autre mais que la structure mécaniste est
mieux adaptée aux environnements stables et que la structure organique l’est concernant les
environnements instables. Les recherches précisent aussi que la plupart des organisations ne sont
ni totalement mécanistes, ni totalement organiques mais tendent à se situer vers un pôle ou
l’autre. Ils insistent en particulier sur l’idée que des problèmes de fonctionnement et de
compétitivité peuvent apparaitre lorsqu’une organisation a adopté une structure inadaptée à son
environnement ou lorsque son environnement change. Ces travaux indiquent aussi qu’il existe
bien une dynamique des structures organisationnelles liées aux évolutions et aux mutations de
l’environnement socio- économique.
En outre, plus une organisation est de grande taille, plus sa structure est élaborée et son
comportement formalisé. Cela signifie également que les tâches seront davantage spécialisées,
que les unités de travail seront différenciées et que sa composante administrative sera
développée. La structure d’une organisation reflète donc l’âge de la fondation de son activité. En
effet, celle-ci peut être en conformité avec l’époque industrielle de sa création.
La thèse qu’il développe est que la stratégie de l’organisation détermine sa structure puisqu’il
montre que les entreprises qui offrent une gamme et une quantité limitée de produits étaient à
l’origine des structures centralisées. Les stratégies de croissance et de diversification ont donné
naissance aux structures divisionnaires.
42
Dans son ouvrage fondamental, Stratégie et Structure de l’entreprise (1962), il considère qu’il
est important que les entreprises mettent en œuvre une logique de planification stratégique avant
la construction de la structure organisationnelle. La théorie de Chandler : a contribué à une
restructuration générale des grandes entreprises américaines en organisation en départements,
cette organisation devenant une norme de structure pour des marchés multiples. Sa principale
contribution à la théorie des organisations est d’avoir expliqué les relations entre la stratégie et la
structure des entreprises. Il fut le premier théoricien à indiquer l’importance du principe de
décentralisation dans une grande compagnie et pose l’idée de la nécessaire coordination de la
planification stratégique pour favoriser la croissance, tout en donnant la possibilité aux unités
opérationnelles et aux divisions d’appliquer des tactiques quotidiennement.
L’approche de Chandler s’inscrit dans le courant de la contingence, car il part du principe que les
évolutions de l’environnement des firmes conduisent les entreprises à se transformer en grandes
organisations hiérarchisées et divisionnalisées. La stratégie est envisagée comme la détermination
des buts et des objectifs à moyen et long termes à atteindre, les moyens d’action et les ressources
allouées. La structure correspond à la façon dont l’organisation est assemblée pour appliquer la
stratégie adoptée. Au total, son apport est de dire que la stratégie doit déterminer les choix
structurels des dirigeants pour une plus grande efficacité et l’amélioration des performances à
long terme.
Woodward observe que ce sont les différences de technologie développées qui expliquent les
différences organisationnelles et non pas la taille des entreprises, leur histoire ou même leur
branche industrielle. En d’autres termes, les entreprises ayant des systèmes de production
semblables ont globalement des modes d’organisation semblables. A travers ses recherches, elle
distingue trois modes d’organisation de la production à travers la technologie.
43
*La production unitaire ou de petites séries
Il s’agit d’une production d’unité spécifique à chaque client, de prototypes, de petites séries
spécifiques, etc. Elle s’exerce au sein d’entreprise flexibles au sein desquelles la communication
est informelle et le poids de la hiérarchie relatif.
Il s’agit d’une production continue de gaz, de liquides, de produits chimiques, généralement dans
des usines polyvalentes. L’organisation repose sur des relations de travail horizontales, fondées
sur la compétence et l’expertise et un fonctionnement par projet.
La production de petites séries implique de placer au premier plan la fonction marketing puisque
c’est le client qui définit le produit. La production de grandes séries place la fonction de
production et les ingénieurs véritablement au cœur de l’organisation. Le processus de production
en continu conduit à privilégier une approche produits puisqu’ils vont déterminer la mise en
place d’une organisation par processus et par projets.
En définitive, les travaux de Joan Woodward, une des rares théoriciennes des organisations,
s’inscrivent dans la lignée de la théorie de la contingence structurelle. Elle développe bien l’idée
44
que l’on ne peut pas dire qu’il existe une structure qui soit la plus performante pour toutes les
organisations.
La décision est la partie la plus intangible d’une politique générale d’entreprise ou d’une
organisation. Elle constitue pourtant l’une de ses principales ressources puisqu’à travers elle la
vision, les idées et les projets des personnes peuvent se transformer en actions stratégiques. La
décision stratégique peut être définie comme un processus par lequel une entreprise passe d’une
position stratégique à une autre. La décision constitue bien un choix en termes de stratégie, de
structure ou de management d’entreprise. On peut distinguer trois conceptions fondamentales de
décision dans les organisations : le modèle décisionnel classique, le modèle organisationnel
développé par H.A. Simon et le modèle politique. Chaque modèle repose sur plusieurs théories de
la décision qui seront explicitées.
En premier lieu, cette approche de la prise de décision a long temps été privilégiée concernant les
choix des investissements. En effet, la procédure de choix des investissements telle qu’elle est
formulée par les spécialistes de la gestion financière se découpe en trois phases : la détermination
des objectifs prioritaires de la politique d’investissements en fonction de la stratégie, l’évaluation
de chaque projet d’investissements et le choix d’un projet. En second lieu, le modèle dit de
Harvard de formulation de la stratégie d’une entreprise élaboré par les professeurs Learned,
Christensen, Andrews et Guth (1969) repose sur cette conception de la prise de décision. Le
45
modèle de Harvard considère la firme comme un système qui agit comme un acteur parfaitement
rationnel.
Au total, cette approche de la stratégie peut être découpée en quatre séquences : diagnistic du
problème, repérage et explication de toutes les actions possibles, évaluation de chaque éventualité
par des entiers dérivés des objectifs et des préférences et choix de la solution qui maximise le
résultat. Ces modèles rationnels de prise de décision stratégique ou financière, tel qu’ils ont été
formulés à l’Université de Harvard, reposent sur un certain nombre de postulats implicites parfois
illusoires en pratique :
-Le décideur a des préférences claires et reste seul à décider des objectifs à atteindre ;
-Il dispose d’une information parfaite sur son environnement et sur les conséquences de ses
choix. Le coût d’accès à l’information est donc considéré comme négligeable ;
-La décision précède l’action et aucune décision en provenance de l’action stratégique n’est, a
priori, prise en considération ;
-Suivant cette conception, le changement du système ne dépend que de la volonté délibérée d’un
décideur unique er rationnel.
Cette approche de la prise de décision en management suppose que celle- ci soit l’adaptation
logique et simultanée d’un acteur unique doté de préférences cohérentes et stables à des
événements extérieurs. Le modèle n’envisage pas l’existence de conflits d’intérêts et de pouvoir
dans les organisations ainsi que les stratégies des individus et des groupes par rapport aux
événements. En réalité, l’analyse de décisions stratégiques prises par de grands groupes
46
industriels montre que les principes sous- jacents à cette approche rationnelle sont souvent
infirmés par les faits.
Né en 1916 dans le Wisconsin aux Etats- Unis, Herbert A. Simon fait ses études à l’Université de
Chicago, s’intéresse très tôt aux problèmes relatifs aux sciences économiques et politiques et
s’occupe aussi des questions soulevées par la gestion municipale. Professeur d’administration et
de psychologie à l’Université de Pittsburg, il exerce de nombreuses activités de conseil auprès de
plusieurs organisations. Le sujet de sa thèse de doctorat consacré à des recherches sur la mesure
des activités administratives deviendra son premier grand livre publié en 1945 et intitulé
Administrative Behavior, a Study of Decision- Making Processus in Administrative Organisation,
lui vaudra le prix Nobel de sciences économiques en 1978.
Son œuvre consacrée à la théorie des organisations et à la prise de décision est aujourd’hui
considérée comme majeure par tous les spécialistes du management. A propos de la théorie de la
décision, Simon va s’opposer au postulat de théorie de la parfaite développé par les chercheurs de
Harvard et propose le concept de rationalité limitée ou rationalité procédurale pour analyser le
comportement organisationnel et la prise de décision. Cette approche se situe bien à l’opposé de
la démarche rationnelle, puisque l’organisation est envisagée comme un système composé par de
multiples acteurs qui évoluent en système composé par de multiples acteurs que le précédent, ce
modèle part de l’observation des comportements humains et correspond à une analyse cognitive
du décideur. Suivant la pensée de Simon, le décideur présente trois grandes caractéristiques :
-Le décideur n’a pas une vision globale de l’environnement de l’entreprise et ne peut pas traiter la
totalité de l’information disponible ;
-L’homme n’a pas de préférences claires, hiérarchisées mais plutôt des aspirations variables selon
les moments ;
-Le décideur ne cherche pas à maximiser les conséquences de ses choix mais est plutôt en quête
d’un certain niveau de satisfaction. Pour Simon, l’optimum est une utopie.
Dans ce modèle de prise de décision, le concept de rationalité limitée est central. Herbert A.
Simon remet fortement en cause l’idée d’optimum dans la prise de décision et montre, a travers
des recherches empiriques, que ce qui déclenche fréquemment la décision, ce sont des problèmes
47
organisationnels. Dans ce sens, si un problème connu se pose, le décideur va appliquer à celui- ci
le processus qu’il connaît pour tenter de le résoudre. Si le problème n’est pas connu, l’acteur va
alors chercher à voir s’il ne peut pas le rapprocher d’un autre problème de manière à lui appliquer
une solution routinière par proximité. C’est seulement s’il n’y parvient pas que le décideur
cherchera une solution nouvelle ce qui est relativement peu fréquent en pratique. Finalement,
Simon démontre que les processus de résolutions de problèmes obéissent à des solutions
satisfaisantes et, en aucun cas, à des solutions optimales. En outre, les travaux de Simon
indiquent que le décideur est fortement influencé par son environnement organisationnel, par des
règles de gestion propres à l’entreprise et par des jeux d’influence au sein de la hiérarchie
organisationnelle.
La prise de décision dans le modèle organisationnel élaboré par Simon, peut être définie comme
une situation de rationalité limitée par une recherche d’un niveau minimum de satisfaction dans
un cadre organisationnel contraignant. Cependant, si cette approche présente l’avantage d’être
pragmatique, elle est discutable sur trois points.
En premier lieu, le modèle n’envisage pas suffisamment les solutions innovantes ou les décisions
de rupture qui peuvent parfois se produire. En second lieu, il ne montre pas dans quelle mesure le
processus de négociation et d’influence dans l’organisation détermine la prise de décision. Enfin,
les jeux d’acteurs dans l’organisation ne sont pas suffisamment envisagés comme de véritables
jeux de pouvoir ayant souvent un impact déterminant sur les décisions qui seront prises.
Le politologue Charles Lindblom (1959) propose un modèle d’analyse de la prise de décision qui,
selon lui, est bien plus employé que les précédents que la méthode rationnelle. Son approche est
construite autour des intérêts propres aux différents acteurs d’une organisation. Ces derniers sont
tous dotés d’intérêts et d’objectifs propres et contrôlent différentes ressources telles que
l’autorité, le statut, les idées, les informations, le temps, etc. La conception de Lindblom suppose
que les décisions sont prises par des acteurs relativement indépendants pouvant avoir des intérêts
divergents. Les acteurs négocient donc entre eux des solutions pour lesquelles ils analysent les
avantages et les inconvénients. Cela revient à dire qu’ils se mettent d’accord sur de petites
décisions négociées sans nécessairement être en phase sur de grands objectifs.
48
On peut penser que cette approche de la décision est relativement pessimiste, voire médiocre,
mais face à des problèmes complexes, on ne peut procéder que par tâtonnements. Les décisions
mises en œuvre correspondent ainsi à de petites décisions très opérationnelles et ne sont que très
rarement des décisions de rupture. Ce modèle politique de la prise de décision est qualifié
d’incrémentaliste par les théoriciens de l’organisation car le choix des actions se fait suivant une
stratégie de petits pas, où l’on évite avant tout les bouleversements et les changements radicaux.
Les décideurs procèdent par petites décisions en tenant compte des objectifs contradictoires des
acteurs de l’organisation et des jeux de pouvoir et d’influence.
En définitive, l’intérêt des différentes approches de la prise de décision réside dans l’idée que
l’évolution des modèles indique que l’on est passé progressivement d’une conception purement
rationnelle à des modèle plus sociaux incluant le poids des acteurs et les rapports de pouvoir ainsi
que le rôle souvent capital des structures organisationnelles.
Dans la théorie économique, l’entreprise n’a occupé qu’une place marginale jusqu’à une récente.
Historiquement, la science économique a toujours eu des difficultés à appréhender les
organisations et a dû, pour y parvenir, abandonner progressivement les postulats de l’économie
classique. En effet, la vision de la firme, par exemple dans la théorie de l’équilibre général en
économie, est réduite à peu de chose : elle est assimilée à un agent individuel, sans prise en
considération de son organisation interne, ni de ses ressources propres. Longtemps, la science
économique a considéré l’entreprise comme une boîte noire et n’a disposé pour penser le
comportement des entreprises, que d’un modèle unique : la maximisation des profits, c’est- à-
dire, l’utilisation optimale du capital technique et des hommes pour en tirer le meilleur bénéfice.
Cela correspond au modèle largement répandu dans les manuels d’économie qualifié d’approche
néoclassique.
49
1. La firme comme nœud de contrats
Une des premières analyses majeures de l’entreprise moderne réalisée par des économiques est
celle d’Adolf Berle et Gardiner Means qui vont considérer la firme comme un nœud de contrats.
En 1932, ils publient un ouvrage remarqué et intitulé L’Entreprise moderne et la propriété privée.
L’idée centrale de l’ouvrage est que le développement de la société par actions génère la
séparation de la propriété et du contrôle de l’entreprise. Le pouvoir décisionnel passe donc des
actionnaires, propriétaires de l’entreprise, à des managers en charge de sa gestion.
En 1963, R.M. Cyert et J.G. March publient un ouvrage intitulé A Behaviourial Theory of the
Firm. Ils sont parmi les premiers à poser la firme en tant qu’organisation complexe, constituée de
groupes d’acteurs aux intérêts divers, qui se trouvent dans des rapports simultanés de coopération
et de conflits.
Cyert et March posent également l’idée novatrice alors, que l’entreprise peut être appréhendée
comme un lieu d’apprentissage collectif. Ils montrent comment la présence de routines
organisationnelles contribue à soulager les membres de l’entreprise qui peuvent, dès lors,
consacrer leur attention au traitement de problèmes inattendus.
Finalement, cet ouvrage est majeur, puisqu’il soulève deux dimensions clés autour desquelles
vont s’élaborer les théories de la firme : d’une part, l’étude des modes de gestion des conflits
individuels, et d’autre part, les conditions de constitution d’une capacité collective à produire.
50
2. La théorie de la nature de la firme de R. Coase
A partir des années 1970, le développement de la théorie économique va connaître un nouvel élan
avec la redécouverte d’un célèbre article de Ronald Coase datant de 1937 : The Nature of the
Firm.
Dans ses analyses, Coase soulève la question centrale de la nature de la firme : pourquoi existe- t-
elle ? Sa thèse réside dans l’idée que l’entreprise constitue un mode de coordination économique
alternatif au marché.
En effet, la coordination sur le marché des agents est assurée par le système des prix alors que la
coordination au sein d’une organisation s’effectue à partir de la hiérarchie. Le recours à la firme
et à la coordination par la hiérarchie n’est utile que dans la mesure où la coordination par le
marché et les prix genèse des coûts supplémentaires. Ces coûts seront dénommés, plus
tardivement, les coûts de transaction par l’économie Oliver Williamson (1975).
Lorsque ces coûts semblent supérieurs aux coûts d’organisation interne à l’entreprise, la
coordination par la hiérarchie organisationnelle s’impose. La pensée de Ronald Coase attire
l’attention sur le fait que marché et firme constituent deux modes de coordination profondément
différents. Ses travaux posent les fondements de la vision contractuelle de l’entreprise, puisqu’il
analyse la firme comme un système de relations contractuelles spécifiques entre agents, un nœud
de contrats. Il souligne également, et cela est essentiel, le fait que l’entreprise se caractérise par
l’existence d’un pouvoir d’autorité en tant que moyen de coordination, la hiérarchie.
L’apport d’Oliver Williamson se situe directement dans le prolongement intitulé : Market and
Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications. Il part de la théorie de la rationalité limitée de
Simon et, en conséquence, souligne que les contrats sont par essence incomplets, puisqu’ils ne
peuvent pas envisager toutes les éventualités possibles. L’incomplétude de ces contrats donne une
marge de manœuvre aux acteurs et favorise les comportements de type opportuniste.
Williamson démontre que les choix organisationnels peuvent contribuer à éviter les
comportements opportunistes. Selon la théorie des coûts de transaction qu’il a élaboré, la
coordination dans l’entreprise est préférable à celle par le Marché, dans la mesure où la hiérarchie
permet de limiter ces comportements opportunistes.
51
Au total, le choix entre marché et hiérarchie repose sur un arbitrage entre les forces incitatives du
marché, et l’adaptabilité qu’apporte le pouvoir discrétionnaire de la hiérarchie.
Dans ses travaux Williamson insiste également sur l’importance des formes hybrides
d’organisation de l’entreprise, empruntant aux mécanismes du marché et à ceux de la hiérarchie :
alliances, réseaux d’entreprises, franchises, Joint-ventures, etc. Ces nouvelles formes
d’organisations ont contribué à replacer au cœur des raisonnements la théorie des coûts de
transactions. Celle-ci interroge la relation d’emploi dans l’entreprise et ses avantages, le recours à
la sous-traitance, l’intégration de telle ou telle activité, etc.
La théorie de l’agence
Dans un article célèbre exposant les fondements de la théorie de l’agence, Michaël Jensen et
William Meckling (1976) ont proposé de démontrer l’efficience des formes organisationnelles. A
partir de cette théorie, de nombreuses analyses se sont développées libérale, cette vision repose
sur l’idée qu’il n’y a au sein de la firme que des rapports libres contractuels et qu’il n’y a pas lieu
d’opposer la firme est envisagée théorie, est appréhendé comme un contrat commercial. On parle
de relation d’agence quand une entreprise ou une personne confie la gestion de ses intérêts à un
tiers. Jensen et Meckling définissent une relation d’agence comme un contrat par lequel une ou
plusieurs personnes engagent un agent, pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui
implique une délégation d’un certain pouvoir de décision à l’agent. La théorie de l’agence
envisage la possibilité d’une divergence entre le principal et l’agent, et part du principe que
l’agent dispose d’informations que ne possède pas le principal. Cette théorie est couramment
52
illustrée par la relation d’agence entre propriétaires du capital, les actionnaires, et les dirigeants
de l’entreprise, les managers. Les différents travaux présentés convergent tous vers l’idée que
l’entreprise a une dimension contractuelle fondamentale à gérer puisque les acteurs peuvent avoir
des intérêts divergents. Pour autant, la firme doit aussi produire des richesses et innover dans une
perspective de compétitivité.
L’œuvre de H. Mintzberg
Né en 1939 et professeur de mangement à l’Université Mc Gill à Montréal au Canada, Henry
Mintzberg est aujourd’hui considéré comme l’un des plus riches théoriciens des organisations.
Ses travaux de recherche sur le management et les organisations peuvent être sommairement
structurés autour de trois axes complémentaires : l’analyse du rôle des managers, l’élaboration de
la stratégie des entreprises et la structuration des organisations.
Le style alerte et très pédagogique de Mintzberg et la profondeur de ses analyses ont contribué à
une très large diffusion de ses recherches. Ses travaux sur la structure des organisations ont été
publiés dans un ouvrage qui a fait date : Structure et Dynamique des organisations (1982). Le
concept de structure est défini comme la somme totale des moyens employés pour diviser le
travail en tâches distinctes et pour, ensuite, assurer la coordination nécessaire entre ces tâches.
Suivant Mintzberg, on ne peut pas à proprement parler de l’organisation en général car il existe,
selon lui, une grande diversité d’organisations. Son essai de classification des organisations s’est
concentré d’une part, dans la perspective des structures, puis d’autre part, dans celle du pouvoir
tel qu’il se constitue.
Le sommet stratégique
Il représente l’organe de direction de l’entreprise et l’élaboration de sa stratégie. Il permet
d’avoir une vue d’ensemble du système organisationnel.
La ligne hiérarchique
Elle correspond à une hiérarchie d’autorité composée de managers, qui sont en réalité des
cadres opérationnels, chargés d’animer des équipes de travail directement productives. La
53
ligne hiérarchique assure la coordination entre le sommet stratégique et le centre
opérationnel.
Le centre opérationnel
Il constitue la base de toute organisation au sein de laquelle on trouve ceux qui effectuent
le travail directement productif.
La technostructure
Elle est composée d’analyses, d’experts composant en quelque sorte le staff de
l’entreprise réalisant des activités dites indirectement productives. La plupart des cadres
fonctionnels tels que des les analyses financières, marketing, informaticiens, etc., se
trouvent dans la technostructure.
Par exemple, la direction des ressources humaines a bien une fonction d’aide à la décision et
de conseil interne auprès du sommet stratégique en élaborant des méthodes et des outils
d’animation et de gestion des hommes, qui seront proposés à la ligne hiérarchique, c’est-à-
dire aux managers d’équipe de travail.
Le support logistique
Il fournit différents services internes à l’organisation qui peuvent aller d’une cafétéria à un
service postal ou à un service d’entretien des locaux.
L’idéologie de l’organisation
Ce concept est très proche, dans l’esprit de Mintzberg, du ceoncept de culture
d’entreprise. L’idéologie se nourrit des traditions, des normes et des valeurs dominantes,
des croyances de l’organisation… c’est-à-dire tout ce qui la distingue d’une autre et qui
insuffle une certaine existence à la structure organisationnelle.
54
CONCLUSION
55
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
56