Cours 2 - Garcia Rene
Cours 2 - Garcia Rene
Cours 2 - Garcia Rene
(Cours enseigné par René Garcia, Professeur de Neurobiologie à l’Université Côte d’Azur)
COURS 1 :
NEUROBIOLOGIE DE L’AGRESSIVITE
(Licence 3 Psychologie)
COURS 2 :
NEUROBIOLOGIE DE LA PEUR
(Licence 3 Psychologie et Master 1 Sciences du Vivant)
COURS 3 :
NEUROBIOLOGIE DU PLAISIR
(Licence 3 Psychologie et Master 1 Sciences du Vivant)
COURS 4 :
NEUROBIOLOGIE DU TROUBLE DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
(Master 2 Psychologie et Master 2 Sciences du Vivant)
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Ce cours est uniquement destiné aux étudiants de l’Université Côte d’Azur
Cours 2 : Neurobiologie de la peur
(Cours enseigné par René Garcia, Professeur de Neurobiologie à l’Université Côte d’Azur)
Objectifs
Ce cours comprend deux objectifs majeurs. Premièrement, développer une démarche aboutissant à
proposer des circuits cérébraux relatifs à une émotion négative (la peur) et voir comment ces circuits
sont modifiés (plasticité synaptique) pour supporter les réponses émotionnelles conditionnées.
Deuxièmement, dégager les dysfonctionnements sous-tendant les anomalies des circuits de la peur
dans certains troubles psychiatriques.
Résumé
Les circuits cérébraux des émotions sont progressivement dévoilés. Avec l’exemple de la peur (en tant
qu’émotion négative), ce cours se focalise sur ces circuits et leurs dysfonctionnements dans le cadre de
l’expression émotionnelle innée (chapitre 1) et de l’expression émotionnelle conditionnée (chapitre 2).
Parmi les troubles psychiatriques résultant des dysfonctionnements dans les circuits de la peur, ce cours
aborde la phobie spécifique non expérientielle (qui se caractérise par une peur innée intense et
irrationnelle envers un stimulus spécifique) et la phobie spécifique expérientielle (qui dérive de la peur
conditionnée).
Références bibliographiques
Les références bibliographiques (nom du premier auteur, année de parution, nom du journal) de tous
les articles utilisés sont directement données dans ce manuscrit du cours.
Prérequis
Des connaissances antérieures sur les substrats neuroanatomiques cérébraux et leur organisation (en
particulier les structures du système limbique et les structures corticales), sur les substrats chimiques
du cerveau (neurotransmetteurs, neuromodulateurs et neurohormones) et sur la neurophysiologie (en
particulier les notions de transmission synaptique de l’information nerveuse) faciliteront la
compréhension du cours.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
CONCLUSION
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INTRODUCTION
Ce cours aborde la biologie d’une émotion négative, la peur, dans des situations de fonctionnement normal et
dans les conditions physiopathologiques.
La peur est une émotion qui joue un rôle crucial dans nos vies car elle est présente dans les deux aspects
fondamentaux de la survie : la survie de l’individu et la survie de l’espèce. Il s’agit d’une émotion d’anticipation.
Elle est, en effet, déclenchée lorsque l’organisme perçoit un danger. Son rôle est de préparer l’organisme à
affronter ce danger, en fuyant, en combattant ou en s’immobilisant. Elle nous permet d'être plus efficaces dans
les situations à risque pour notre sécurité ou pour la sécurité des autres.
Elle peut s’exprimer de façon innée, en réponse à un stimulus déclencheur (réponse réflexe), ou de façon
conditionnée, en réponse à un stimulus dit conditionné (réponse réflexe conditionnée).
La peur innée est une peur qui ne nécessite aucun apprentissage pour s’exprimer. Une étude récente (Hoehl et
al., 2017, Frontiers in Psychology) chez des bébés de 6 mois a permis de montrer l’existence, à cet âge, de la
peur des araignées et des serpents, témoignant de l’absence d’apprentissage.
Dans leur première étude, les auteurs ont utilisé les images suivantes :
Ils ont mesuré la dilatation de la pupille des bébés à la vue de ces images (cette dilation traduisant une
augmentation de noradrénaline ; il s’agit d’un des substrats de la peur, comme nous le verrons plus tard).
Le résultat obtenu montre une dilatation plus importante de la pupille lors des images d’araignées :
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Dans la deuxième étude, les auteurs ont utilisé des images de poissons et de serpents :
Ils observent que la dilatation de la pupille est importante dans le cas des serpents par rapport aux poissons :
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La peur conditionnée est celle qui nécessite un apprentissage. On peut en distinguer deux formes : le
conditionnement classique (ou pavlovien) et le conditionnement d’évitement. Ces deux formes de
conditionnement sont présentes aussi bien chez les invertébrés (par exemple chez la mouche) que chez les
vertébrés ; mais les études sont, pour la plupart, réalisées avec des vertébrés (en particulier le rongeur et
l’humain) :
Pour induire en laboratoire le conditionnement classique d’une émotion comme la peur, on place, par exemple,
un rat dans une cage de conditionnement et on mesure son comportement quand un signal sonore est émis (sa
pression sanguine est normale et il ne manifeste pas de comportement de peur : absence d’immobilisation ou
freezing). Le signal sonore est ensuite suivi de l’administration d’un choc électrique aux pattes de l’animal (ce
qui provoque une augmentation de la pression sanguine et le comportement de freezing : ces réponses sont
non conditionnées ; le choc électrique est un stimulus inconditionnel). Plus tard, le signal sonore, délivré seul
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Chez l’humain, le type de conditionnement le plus utilisé est l’appariement « image-choc » ; le sujet choisissant
lui-même l’intensité du choc électrique avant le conditionnement ; différents types de réponses conditionnées
de peur sont mesurées ; voir les 2 exemples ci-dessous (conductance cutanée et rythme cardiaque) :
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Dans le cas de l’évitement (par exemple l’évitement actif chez le rongeur), le rat (ou la souris) apprend à éviter
de rester dans un compartiment donné lorsque l’occurrence d’un choc électrique est imminente :
Les réponses conditionnées de peur (par exemple le freezing) finissent par disparaître lorsque le stimulus
conditionnel (par exemple un son) est présenté de façon répétée sans le stimulus inconditionnel (par exemple
un choc électrique). Ce phénomène correspond à l’extinction de la peur conditionnée.
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L’extinction n’entraîne pas l’effacement de la mémoire associative précédente (par exemple la mémoire de
l’association « son+choc » demeure au-delà de l’extinction). La réactivation de cette mémoire peut être
observée dans certaines circonstances, ce qui se caractérise par la réapparition des réponses de peur
initialement éteintes. Ce phénomène correspond au recouvrement de la peur conditionnée.
Par exemple, l’étude ci-dessous, chez le rongeur, montre que plus le temps passe (plus les jours passent) après
l’extinction, plus le risque de recouvrement de la peur est élevé : pas de retour de la peur aux jours 8 et 9
(latences faibles, donc pas d’évitement) ; retour de la peur au 10ème jour avec des latences qui sont à nouveau
très élevées, donc il y a un retour de la conduite d’évitement, initialement éteinte). On parle de recouvrement
spontané :
Dans l’étude suivante, réalisée chez l’humain (Hermans et al., 2005, Behaviour Research and Therapy), on voit
qu’après le conditionnement (« CS-UCS ») et l’extinction (« CS-alone ») de la peur, la présentation du choc seul
(« UCS-alone ») suffit pour réactiver la peur en réponse au stimulus conditionnel (« CS-alone »). On parle de
réinstallation :
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Dans cette autre étude, réalisée également chez l’humain (Alvarez et al., 2007, Learning & Memory), le
conditionnement est réalisé dans un contexte (contexte A) et l’extinction dans un autre contexte (contexte B).
Lorsque le test de rétention de l’extinction est réalisé dans le contexte A, les auteurs notent le recouvrement de
la peur, alors que dans le contexte B, il n’y a pas de recouvrement. On parle de renouvellement (cela concerne
les données sur le « CS+ » : le stimulus conditionnel renforcé) :
En conclusion : tous ces tests montrent bien que la procédure d’extinction n’efface pas la mémoire du
conditionnement (qui se formerait à vie), mais inhibe l’expression de cette mémoire. Cette mémoire est à
nouveau activée suivant les conditions expérimentales (en laboratoire) ou les situations de vie auxquelles le sujet
peut être exposé.
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Dans ce cours, nous allons nous intéresser particulièrement aux substrats biologiques de la peur innée (chapitre
1) et aux mécanismes mobilisés dans les cas de peur conditionnée (chapitre 2). Un exemple de trouble
psychiatrique associé aux dysfonctionnements touchant les substrats de la peur sera abordé à la fin de chaque
partie (la phobie spécifique non expérientielle pour la peur innée et la phobie spécifique expérientielle pour la
peur conditionnée).
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a) L’implication de l’amygdale
Cette étude lésionnelle (Kalin et al., 2004, J Neurosci) est basée sur le test de l’intrus pour mesurer la peur. Pour
ce test, un singe est d’abord placé seul dans une cage ; ensuite un individu, que le singe n’a jamais vu auparavant
entre dans la pièce sans établir de contact visuel avec l’animal ; puis, l’individu en question établit un contact
visuel (ce qui induit l’expression de la peur, pouvant correspondre à un roucoulement ou au « freezing » ; le
terme freezing désigne le comportement d’immobilisation associé à la peur) :
La zone lésionnelle visée dans l’étude est le noyau central de l’amygdale (« CeA » dans la figure ci-dessous).
Nous voyons dans la partie droite de la figure, les histogrammes représentant le freezing suivant différentes
conditions (les lésions asymétriques, ne concernant qu’un hémisphère, ont moins d’effet que les lésions
bilatérales) :
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En conclusion : l’amygdale est un des substrats neuroanatomiques majeurs de la peur innée chez le primate.
SM est une femme américaine, mère de 3 enfants, qui souffre d’une pathologie très rare : la maladie d’Urbach-
Wiethe. Chez cette femme, des dépôts trop importants de calcaire au niveau de l’amygdale (dans chaque
hémisphère) ont entraîné la destruction définitive de cette structure (indiquée par les flèches ci-dessous) :
Quand on présente (Adolphs et al., 1995, Journal of Neuroscience) à SM des visages exprimant différentes
émotions, elle présente des réponses quasiment normales, à l’exception des visages exprimant la peur, car elle
ne reconnait plus cette émotion ci-dessous : « afraid ») :
Quand on lui demande de dessiner des visages exprimant diverses émotions, elle dessine très bien, excepté pour
l’émotion de peur (qu’elle arrive à dessiner après plusieurs instructions, on remarque que son dessin représente
un enfant à quatre pattes, vu de profil avec des cheveux dressés sur la tête) :
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En conclusion : des individus dépourvus de cette région cérébrale n’expriment pas la peur et sont incapables de
reconnaître cette émotion sur les visages qui l’expriment. Donc, tout comme chez le singe et le rat, l’amygdale
est un des substrats neuroanatomiques majeurs de la peur innée chez l’être humain.
Dans cette étude (Wright et al., 2006, Neurobiology of Aging), des visages neutres (« N1 » et « N2 ») sont
présentés lors de la phase de familiarisation, puis, lors de la phase test, ces visages neutres (« fN1 » et « fN2 »)
sont présentés avec de nouveaux visages (« nF ») exprimant la peur :
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Les auteurs notent que les nouveaux visages activent plus l’amygdale que les visages neutres familiers (notons
qu’un visage étranger peut être traité par l’amygdale comme un stimulus aversif) :
En conclusion : cette étude confirme l’implication l’amygdale dans le traitement de la peur innée.
Pour beaucoup de personnes, la présence d’une araignée dans leur environnement produit une réaction de
peur ; cette réaction est atténuée ou inexistante quand elles s’en éloignent.
Ce constat a conduit à la mise au point d’un protocole d’induction de la peur chez l’humain : le sujet à tester est
allongé en plaçant un de ses pieds dans une boîte dite « d’imminence », qui se trouve à une extrémité d’un
dispositif expérimental contenant 5 compartiments séparés par des cloisons coulissantes. A l’aide d’une caméra
qui filme le dispositif en question, le sujet peut voir à l’écran que l’expérimentateur place une tarentule vivante
et active dans un des 5 compartiments et qu’il peut faire passer l’animal d’un compartiment à un autre (via les
cloisons coulissantes) :
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En réalité, ce que le sujet voit sur l’écran correspond à des enregistrements : il croit que la tarentule se trouve
bien dans un des compartiments (soit le plus éloigné ou le plus proche de son pied), mais les compartiments
sont vides.
Ce test montre que plus la tarentule (de l’enregistrement vidéo) se rapproche du compartiment 5, donc du pied
du sujet (« Close to Foot »), plus la peur de celui-ci (« Online Experienced Fear ») augmente :
Ce test a permis de voir, en neuroimagerie, ce qui se passe dans le cerveau (identification des substrats) pendant
le déclenchement de cette peur innée (Mobbs et al., 2010, PNAS).
Les résultats obtenus révèlent que l’approche de la tarentule active plusieurs structures de la peur, dont
l’amygdale et le noyau du lit de la strie terminale (BNST) :
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En conclusion : nous voyons que le noyau du lit de la strie terminale est également un substrat de la peur innée.
Chez la souris ou le rat, la peur innée peut être déclenchée en plaçant le rongeur en présence d’une odeur de
chat. L’odeur du prédateur annonce un danger dans le voisinage. Pour y répondre, le rongeur va manifester le
comportement de freezing (immobilisation).
Ci-dessous, la mobilité de l’animal est mesurée en présence d’une odeur non aversive (cage du milieu ; zone
encadrée) et pendant l’exposition à l’odeur d’un prédateur (cage de droite ; zone en encadrée). On note une
forte diminution de la mobilité de l’animal ; on parle aussi de « freezing » :
Dans l’expérience qui suit (Chan et al., 2011, Journal of Neuroscience), des rats mâles sont séparés en 3 groupes :
un groupe témoin (non exposé à une odeur de prédateur), un groupe exposé à une femelle et un groupe exposé
à l’odeur d’un chat. L’expression de la peur (comportement de freezing) n’est observée que chez les rats exposés
à l’odeur de chat :
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L’évaluation des variations de c-fos (marqueur de l’activité neuronale) montre que la peur (le freezing, vu ci-
dessus) s’accompagne au niveau cérébral d’une activation de l’aire prélimbique du cortex préfrontal médian :
Remarque : notons que l’aire infralimbique du cortex préfrontal médian ne présente aucun changement
d’activation. Chez les primates, l’aire infralimbique correspond au cortex préfrontal ventromédian.
L’inactivation de l’aire prélimbique du cortex préfrontal (mais pas de l’aire infralimbique) réduit le freezing :
En conclusion : à partir des données obtenues chez le rat, il semblerait que l’aire prélimbique du cortex préfrontal
médian soit cruciale à l’expression de la peur innée.
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● L’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
Les hormones concernées sont la CRH (ou le CRF pour « Corticotropin Releasing Factor »), l’ACTH
(« AdrenoCorticoTropic Hormone ») et les glucocorticoïdes.
Les études montrent que l’odeur d’un prédateur augmente la libération du CRF, de l’ACTH et de corticostérone
(qui fait partie des glucocorticoïdes) chez le rongeur.
Ici, en particulier dans le noyau du lit de la strie terminale (étude de Butler et al., 2016, Behav Brain Res), une
augmentation de la libération du CRF :
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Ci-dessous un exemple (Munoz-Abellan et al., 2011, PloS One) concernant l’ACTH et la corticostérone (le résultat
comportemental à gauche montre une baisse de la mobilité, « Distance traveled », traduisant la peur) :
Les lésions de l’amygdale centrale, entraînant une réduction de la peur innée, s’accompagnent aussi d’une baisse
significative des hormones de stress dans le plasma (cas de l’ACTH) et dans le liquide céphalo-rachidien (cans du
CRF) :
● L’axe sympatho-surrénalien
Remarque : les hormones de l’axe sympatho-surrénalien sont libérées en parallèle avec ceux de l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien :
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La peur chez le primate non humain (étude de Habib et al., 2000, PNAS) s’accompagne des augmentations
d’ACTH, de cortisol, d’adrénaline (épinéphrine) et de noradrénaline (norépinéphrine) au niveau plasmatique.
Ces augmentations sont réduites de façon significative lorsque les récepteurs du CRF sont inhibés (utilisation de
l’antalarmine, un antagoniste de ces récepteurs ; cela montrant un lien entre les deux axes du stress : l’axe
hypothalamo-hypophyso-surrénalien et l’axes sympatho-surrénalien) :
Les auteurs de la même étude montrent aussi que la baisse de ces molécules se caractérise par la baisse de la
peur.
b) Les neurotransmetteurs
La noradrénaline n’est pas seulement produite au niveau périphérique, mais également au niveau central.
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L’administration de choc électrique (induisant les réactions de peur, tel que le comportement de freezing)
entraîne une augmentation de la libération de norépinephrine (NE = noradrénaline d’origine du locus coeruleus)
dans l’amygdale (Ferry et al., 1999, Biol Psychiatry) :
La perception d’un danger active les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale.
La peur du prédateur (odeur de synthèse : TMT) provoque une augmentation de libération de dopamine dans
le cortex préfrontal médian (mPFC ; plus précisément l’aire prélimbique), qui accompagne l’augmentation de
corticostérone (étude de Morrow et al., 2000, Brain Research) :
Remarque : l’infusion d’un antagoniste dopaminergique (la clozapine, CLZ) dans l’aire prélimbique du cortex
préfrontal réduit l’expression de la peur (Babaei et al., 2011, Acta Medica Iranica). Cela veut dire que la dopamine
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(d’origine de l’aire tegmentale ventrale) excite cette structure qui active ensuite l’amygdale, qui commande à
son tour l’expression de la peur (en activant, entre autres, l’hypothalamus) :
En plus du cortex préfrontal médian (mPFC ; et plus précisément de l’aire prélimbique), la peur du prédateur
(odeur de TMT) provoque une augmentation de libération de dopamine dans l’amygdale (selon Morrw et al.,
2000, Brain Research) :
L’une des conséquences de l’augmentation de la dopamine dans l’amygdale est la baisse de l’inhibition
GABAergique (Cookson et Clarimon, 2005, Neuron).
En conclusion : la peur innée nécessite, au niveau central, une augmentation de noradrénaline et de la dopamine,
associée à une baisse de GABA.
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Remarque : une phobie (du grec ancien phóbos, frayeur ou crainte) est une peur démesurée et irrationnelle d'un
objet, d'une situation ou de l’accomplissement d’une action. Il existe plusieurs formes de phobies.
- type situationnel : concerne une situation spécifique, telle que la phobie des avions, des ponts, de la conduite
automobile, des ascenseurs, etc.
- type sang-injection-accident (comprend aussi toute procédure médicale invasive) : ce type de phobie est
fréquemment associé à un malaise qui peut être suivi, dans certains cas, d’un évanouissement.
- type environnement naturel : phobie des orages, des hauteurs, des tempêtes, de l’obscurité, de l’eau, etc.
- type animal : phobie des insectes, des araignées, des serpents, des rongeurs, des chiens, etc.
- autres types : les phobies peuvent être causées par un très grand nombre d’objets ou de situations qui n’entrent
pas dans les catégories ci-dessus comme la peur de s’étouffer, des bruits intenses, d’avoir une maladie, etc.
- l’agoraphobie,
- la phobie sociale,
Concernant l’agoraphobie, les personnes qui en souffrent redoutent de se retrouver dans des lieux publics. C’est
le cas, par exemple, des transports en commun, des centres commerciaux, des files d'attente. Certains patients
agoraphobes peuvent rester chez eux pendant des années, ne sortant qu'exceptionnellement, accompagnés
d'une personne de confiance.
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Il est possible que les personnes présentant un trouble panique développent parfois une agoraphobie, cette
comorbidité n’étant pas systématique.
Quant à la phobie sociale, elle se caractérise par une peur intense des situations dans lesquelles la personne
phobique est confrontée aux regards des autres.
Cette peur devient rapidement une angoisse profonde lorsqu'elle est amenée, par exemple, à prendre la parole
devant un groupe de personnes ou simplement lorsqu'elle est observée par des personnes ne faisant pas partie
de son entourage, ou encore lorsqu’elle mange sous le regard d’autres personnes.
Concernant enfin les phobies spécifiques, elles sont définies comme une peur intense, irraisonnée et persistante
causée par la présence ou par l’anticipation d’un objet ou d’une situation spécifique. La personne va ressentir
une peur intense (de mourir, de devenir fou), une sensation de danger immédiat et des sensations physiques
désagréables (palpitation, sueurs, tremblements, douleurs thoraciques, …). Cette peur intense conduit souvent à
l’évitement, ou bien elle est vécue avec une grande souffrance lorsqu’il est impossible de fuir la situation. C’est
le cas, par exemple, de la peur de certains animaux, la peur du vide, la peur d’être dans un avion, etc.
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Des études épidémiologiques montrent que les phobies spécifiques sont plus fréquentes que n'importe quel autre
groupe de troubles psychiatriques avec des taux de prévalence tout au long de la vie de plus de 10% (2 patients
sur 3 étant des femmes).
De façon plus générale, on peut distinguer deux formes de phobies spécifiques : les phobies spécifiques
expérientielles et les phobies spécifiques non expérientielles.
Les phobies spécifiques expérientielles résultent d’une expérience malheureuse, une expérience ayant traumatisé
l’individu. Nous les aborderons dans le chapitre 2.
Les phobies spécifiques non expérientielles sont causées et activées par des stimuli qui déclenchent la peur sans
apprentissage associatif initial. L'implication des facteurs génétiques dans l’apparition de ces phobies est
privilégiée pour expliquer leur apparition. Notons, par exemple, qu’une mère ou un père souffrant de la phobie
peut transmettre à son enfant une vulnérabilité émotionnelle qui le prédisposera à la phobie. Dans une étude
avec des jumeaux, il a été montré, dans près de 25% des cas, que l’existence du trouble phobique chez l’un est
plus tard suivie de l’apparition du même trouble chez l’autre (cas de jumeaux homozygotes, ce pourcentage
tombe à 15% chez des jumeaux hétérozygotes ; Kendler et al., 1992, Arch Gen Psychiatry).
Comme indiqué dans l’introduction, nous aborderons ci-dessous les dysfonctionnements touchant la phobie
spécifique non expérientielle.
● L’amygdale
L’amygdale sert à signaler la présence d’une menace. C’est elle qui intervient donc dans les expressions des
peurs, des phobies et des angoisses (en entretenant également la boucle stress-anxiété-manque de contrôle-
panique) :
Dans cette étude (Münsterkötter et al., 2015, Depression and Anxiety), on voit, par rapport aux sujets sains
(groupe « Control »), que les patients ayant la phobie des araignées (arachnophobie ; groupe « Phobic »)
présentent des réponses neuronales élevées dans l’amygdale en présence d’une image avec une araignée :
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Remarque : lorsque nous exprimons une réponse comportementale exagérée par rapport à la normale, on parle
de réponse sensibilisée. La sensibilisation est ainsi définie comme étant le processus par lequel un organisme ou
une de ses parties répondent de façon exagérée à toute stimulation (physique, chimique ou biologique). Au
niveau cérébral, par rapport à la peur, nous avons vu que l’activité de l'amygdale est exagérée chez les phobiques.
Cette augmentation d’activité constitue un des mécanismes de la sensibilisation dans l’amygdale. Ce processus
semble engager le CRF. L’étude ci-dessous, réalisée chez le rongeur (Rajbhandari et al., 2015, J Neurosci), soutient
cette possibilité.
Tout d’abord, les auteurs notent que l’exposition répétée d’un rongeur à son prédateur augmente de façon
durable la sensibilité des récepteurs noradrénergiques dans l’amygdale. Les neurones noradrénergiques dans
l’amygdale établissent des contacts synaptiques avec des neurones glutamatergiques, qui projettent dans le
noyau accumbens.
La conséquence de la sensibilisation des récepteurs noradrénergiques est que le noyau accumbens est davantage
excité, ce qui se traduit par la sensibilisation du réflexe de sursaut (une réponse aversive).
Les auteurs font une autre découverte indiquant que sur les neurones où projettent les fibres noradrénergiques,
il y a aussi des récepteurs de CRF. En bloquant pharmacologiquement ces récepteurs, ils notent la disparition de
la sensibilisation.
A partir de leurs données, les auteurs ont proposé le schéma fonctionnel ci-dessous. Dans l’amygdale
basolatérale (BLA), on voit qu’un interneurone GABAergique (corps cellulaire rond) fait synapse avec un neurone
glutamatergique (corps cellulaire triangulaire). Le neurone glutamatergique projette dans le noyau accumbens
(« To NAcc »). Nous voyons aussi que les récepteurs CRF et noradrénergique sont portés par le neurone
glutamatergique. Après une exposition répétée au prédateur, le récepteur noradrénergique se trouve sensibilisé
(voir le récepteur sensibilisé à droite) :
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(Cours enseigné par René Garcia, Professeur de Neurobiologie à l’Université Côte d’Azur)
Lorsque nous présentons une réponse comportementale donnée à un stimulus donné, cette réponse peut
diminuer en importance quand le stimulus en question est présenté de façon répétée. C’est le phénomène
d’habituation.
Au cours de l’étude suivante (Dielemberg et McGregor, 1999, J Comp Psychology), des rats sont exposés à un
collier (initialement porté par un chat : « Cat Collar ») dans le grand compartiment de la boîte ci-dessous. Les
rats, dans ce cas, s’éloignent du collier et en se réfugiant dans le petit compartiment (« Hide Box ») :
Le temps mis dans le petit compartiment est mesuré (le temps total dans l’appareil est de 20 minutes). Les
auteurs notent, au fil des essais, une baisse du temps passé dans le petit compartiment ; ce qui signifie qu’il y a
habituation (ci-dessous : FAM = le temps mis le jour de la familiarisation ; E1-E5 = le temps mis dans le petit
compartiment au fil des essais en présence du collier de chat) :
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Au niveau de l’amygdale, des études montrent une diminution des réponses amygdaliennes au fil des essais
lorsqu’un stimulus sonore (Herry et al., 2007, J Neurosci) ou visuel (Denny et al., 2014, Scan) est présenté de façon
répétée. Ci-dessous un résultat de l’étude de Herry et al. (2007). On voit la baisse de la réponse neuronale lors de
la présentation répétée d’un stimulus prédictible (« Pred. » ; cette habituation est absence quand l’occurrence
du stimulus n’est pas prédictible : « Unpred. ») :
Les mécanismes d’habituation se caractérisent concrètement au niveau de l’amygdale par une baisse progressive
des réponses de cette structure lors des sollicitations répétées.
Nous pouvons dire que l’absence persistante de l’engagement des neurones GABAergiques sous-tendrait la
chronicisation des symptômes phobiques.
Notons aussi que la puissante du phénomène de sensibilisation peut rendre difficile le phénomène d’habituation,
d’où la chronicisation de la phobie spécifique non expérientielle.
Remarque : tout comme l’amygdale, le noyau du lit de la strie terminale (BNST) est un substrat neuroanatomique
majeur de la peur. En fait, l’amygdale est considérée comme une structure de la peur et le BNST comme une
structure de l’anxiété ; les deux structures sont voisines et communiquent réciproquement.
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Dans la même étude que celle-ci-dessus sur l’amygdale (Münsterkötter et al., 2015, Depression and Anxiety), on
voit aussi que les patients arachnophobes présentent des réponses neuronales élevées du BNST en présence
d’une image avec une araignée (lorsqu’on les compare avec des sujets non phobiques) :
Remarque : notons que ces substrats neuroanatomiques s’activent en réponse à la provocation. Dans une étude
antérieure (Wright et al., 2003, Biol Psychiatry), aucune différence d’activation de l’amygdale n’a été trouvée
entre les participants souffrant de phobie spécifique (ci-dessous, « pc ») et les sujets non phobiques (ci-dessous,
« nc »), lorsque des stimuli aversifs sans lien avec la phobie des patients étaient utilisés :
Le cortex préfrontal ventromédian (CPFvm) intervient, dans certaines circonstances, à la régulation de la peur.
Les patients arachnophobes présentent une baisse d’activité neuronale dans le CPFvm lorsqu’ils regardent des
images d’araignées (Hermann et al., 2009, SCAN) :
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Dans l’étude suivante, les auteurs (Kerr et al., 2012, Frontiers in Psychology) ont fait appel à des patients ayant
la phobie des serpents. Au cours de la tâche utilisée, deux situations se présentent aux participants : ils ont la
possibilité d’éviter de voir une brève vidéo avec des serpents ou bien ils n’ont aucune possibilité d’éviter que la
vidéo se lance. Dans le premier cas (« Controllable Snake »), l’apparition de la lettre « s » écrit en bleu, leur
signale qu’ils peuvent contrôler la mise en route de la vidéo. Pour cela, ils doivent appuyer aussi vite que possible
sur une touche dès qu’un carré rouge apparaît sur l’écran (s’ils ne réagissent pas rapidement la vidéo va être
lancée). Dans le deuxième cas (« Uncontrollable Snake »), l’apparition de la lettre « s » en jaune signale que la
vidéo sera lancée dans 50% des essais, après le carré rouge (ils ne peuvent rien faire pour éviter la vidéo) :
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Le résultat en neuroimagerie montre que l’activité du CPFvm augmente dans le premier cas (« Controlable
Snake » : cS), alors que cette activité diminue dans le deuxième cas (« Uncontrollable Snake » : uS) :
Ce résultat n’est pas un dysfonctionnement en soi. Il nous signale que le cortex préfrontal ventromédian s’active
bien chez les phobiques en cas de contrôle. Dans ce cas le cortex préfrontal ventromédian exerce un effet
inhibiteur sur l’amygdale.
Remarque : le cortex préfrontal ventromédian a un effet inhibiteur sur les neurones glutamatergiques de
l’amygdale, via leur effet excitateur sur les interneurones GABAergiques amygdaliens.
Ci-dessous, l’amygdale est en rouge et le cortex préfrontal ventromédian en bleu (en vert, c’est le cortex
préfrontal dorsomédian, qui est aussi connecté à l’amygdale) :
Dans l’étude suivante, les auteurs (Kerr et al., 2012, Frontiers in Psychology) ont utilisé le même protocole que
ci-dessus, excepté le fait que, d’une part, les participants avaient la possibilité de voir la vidéo ou de l’éviter
(suivant leur rapidité : ils devaient appuyer le plus vite possible sur un bouton) ; d’autre part, les vidéos portaient
soit sur des serpents (« cS ») ou sur des poissons (« cF »), les participants savaient, suivant la lettre qui
apparaissait au début de l’essai, si la vidéo était sur les serpents (lettre « s » en bleu) ou sur les poissons (lettre
« f » en bleu). Notons surtout que les auteurs ont mesuré la puissance de l’inhibition (PPI) que le CPFvm exerce
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sur l’activité amygdalienne. Nous voyons que la PPI est très élevée dans les essais avec les vidéos de serpents
(cS) par rapport aux essais avec les vidéos de poissons (sF) :
Une forte activité du cortex préfrontal ventromédian entraîne une forte connectivité préfronto-amygdalienne.
L’amygdale est ainsi inhibée et ne peut commander les réponses de phobies. Quand la situation n’est pas
considérée comme phobique, il n’y a pas « d’effort » préfrontal. En extrapolant, l’absence d’activation
préfrontale, dans des situations que le phobique ne peut contrôler, s’accompagnerait des réponses phobiques
car l’amygdale ne serait pas inhibée.
En conclusion : la faible connectivité entre le cortex préfrontal ventromédian et l’amygdale, dans des situations
incontrôlables par le patient pourrait exacerbée sa phobie compte tenu de la faible inhibition du cortex préfrontal
ventromédian sur l’amygdale. Globalement, nous pouvons dire que les substrats neuroanatomiques de la peur,
en particulier l’amygdale, présentent des augmentations d’activité chez les phobiques en réponse aux stimuli
aversifs. Le cortex préfrontal ventromédian inhiberait cette augmentation de l’activité amygdalienne dans
certaines situations au cours desquelles le patient aurait le contrôle.
a) Le système GABAergique
Remarque : la peur s’exprime avec une baisse de l’inhibition d’une catégorie d’interneurones GABAergiques dans
l’amygdale.
Un des systèmes de neurotransmission/neuromodulation présentant des baisses de taux lors de la peur est le
système GABAergique (le système GABAergique ayant un rôle important en exerçant des effets inhibiteurs sur
plusieurs autres systèmes de neurotransmission/neuromodulation). Il semblerait donc que la baisse de GABA se
traduise, par exemple, par une augmentation de l’activité glutamatergique (pouvant expliquer l’augmentation
de l’activation de l’amygdale chez les patients phobiques) :
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Nous pouvons supposer qu’une augmentation de l’activité GABAergique peut réduire la phobie. Cette
hypothèse est, en partie, supportée par des études montrant les effets des agonistes GABAergiques sur la phobie
spécifique.
● Un premier exemple
Dans l’une de ces études (Wilhelm et Roth, 1997, Behav Res Ther), nous voyons bien ci-dessous que l’utilisation
d’un agoniste GABAergique (l’Alprazolam) réduit bien le nombre des symptômes de la phobie de voyager en
avion :
● Un deuxième exemple
Dans une autre étude (Thom et al., 2000, Journal of Consulting and Clinical Psychology), nous notons tout
d’abord que tous les patients présentent des niveaux équivalents de la phobie de la visite (échelle « DAS »,
mesure M1, ci-dessous). Cependant, les phobiques qui ont suivi une psychothérapie (groupe « PSYCH ») et ceux
traités avec un agoniste GABAergique (groupe « BDZ ») présentent une baisse significative de leur peur (mesure
M2), en comparaison au groupe sans traitement (groupe « CONT ») :
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Il existe très peu d’études explorant les dysfonctionnements du système dopaminergique dans la
physiopathologie des phobies. De plus, ces rares études aboutissent à des données souvent contradictoires.
Quelques études se focalisant sur la phobie sociale indiquent une baisse de la recapture de la dopamine dans le
striatum des patients. Ci-dessous, dans une de ces études, les auteurs (Tiihonen et al., 1997, Am J Psychiatry)
comparent la densité des sites de recapture de dopamine dans le striatum des sujets sains (A) et des patients
souffrant de phobie sociale (B). Ils observent une baisse de ces sites de recapture (en C : on note la
différence, rendant compte de la baisse des sites de recapture chez les patients) :
Selon les auteurs, ce dysfonctionnement pourrait être impliqué dans la symptomatologie de la phobie car les
médicaments qui réduisent ce dysfonctionnement améliorent les symptômes.
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Comme pour la dopamine, on note aussi dans la littérature une pauvreté d’études sur les dysfonctionnements
noradrénergiques chez les phobiques. Ci-dessous une étude (Dajas et al., 1986, J Neuronal Transmission) qui
permet de dire qu’il y a une augmentation de noradrénaline dans les urines des phobiques :
En conclusion : les systèmes GABAergique, dopaminergique et noradrénergique sont donc altérés dans la phobie.
Ces altérations contribuent à la peur pathologique des phobiques.
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Remarque : en 1911, Ramon y Cajal (un espagnol) propose l’idée selon laquelle la mémoire dépendrait des
changements au niveau des points de contact entre les cellules nerveuses (les synapses). L’idée de la plasticité au
niveau de ces points de contact (l’idée de la plasticité synaptique) va ainsi commencer à se développer.
En 1949, Donald Hebb (un canadien) propose un mécanisme rendant compte de la plasticité synaptique : le
mécanisme pré-post, selon lequel l’activation simultanée de deux neurones (A et B, avec A faisant synapse avec
B et libérant un neurotransmetteur excitateur : le glutamate) renforce de façon durable le passage de
l’information entre ces neurones.
En 1973, Terge Lomo (un norvégien) et Timothy Bliss (un anglais) décrivent pour la première fois le phénomène
de potentialisation à long terme (PLT) au niveau de l’hippocampe (chez le lapin). Il s’agit d’une forme de plasticité
synaptique durable (pouvant durer plusieurs jours), qui se traduit par une augmentation durable de l’efficacité
synaptique à la suite d’une stimulation à haute fréquence d’une voie glutamatergique afférente.
La stimulation à haute fréquence est également appelée stimulation tétanique ; on peut aussi utiliser une
stimulation appelée « theta burst » (qui mime le rythme thêta du cerveau).
Dans le cadre de ce cours, seule les changements synaptiques relatifs au conditionnement « son+choc » seront
abordés.
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La plasticité synaptique pourrait donc concerner ce circuit. Nous allons nous focaliser sur la voie auditive
thalamo-amygdalienne (entre « MG » et « LAd »).
La voie auditive thalamo-amygdalienne est effectivement modifiable par l’expérience. Ci-dessous (Maren, 1999,
Trends in Neurosciences), nous avons la réponse électrophysiologique de cette voie (chez les rats du groupe
« Paired ») avant l’acquisition (« Pre-training »), pendant l’acquisition « Training » et lors du test (« Testing » ;
pour le groupe « Unpaired », il n’y a pas d’association, donc ce changement est absent). Nous notons donc que
le conditionnement « son+choc » provoque une potentialisation touchant la voie thalamo-amygdalienne :
Le changement obtenu est durable, donc il s’agit bien d’une PLT comportementale (ou LTP-like).
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Vérifions maintenant le phénomène de PLT (induite avec la stimulation à haute fréquence : SHF) au niveau de la
même voie.
Dans l’étude suivante (Johnson et al., 2009, Frontiers in Neuroscience), après établissement de la réponse
basale, la SHF (« HFS ») produit bien une PLT (« LTP ») de la voie thalamo-LAd :
Cas de la PLT : supposons qu’une stimulation à très basse fréquence (par exemple : 1 impulsion toutes les 20
secondes => 0,05 Hz) de la voie glutamatergique NGM-NLA produise la libération d’une quantité Q2 (intensité I2
de stimulation) ou Q4 (intensité I4 de stimulation) à chaque impulsion. Pour obtenir une PLT, il faut appliquer
une stimulation à haute fréquence (par exemple : 100 impulsions en 1 seconde => 100Hz) de cette voie avec I2
par exemple. Cette stimulation va engendrer une brusque et importante exocytose du glutamate (dont la
quantité Qx est largement supérieure à la quantité Q2 libérée par une seule impulsion).
Cas du conditionnement : on voit ci-dessous (Venton et al., 2006, European Journal of Neuroscience) que la
quantité de glutamate libérée dans l’amygdale augmente lors du conditionnement (niveau lors du choc,
« shcok », comparé au niveau basal, « basal ») :
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Cas de la PLT : la stimulation à haute fréquence (I2 à 100 Hz, par exemple) de la voie NGM-NLA va provoquer une
augmentation brusque de la dépolarisation post-synaptique (dépolarisation Dx, provoquée par Qx de glutamate
libéré avec I2 à 100 Hz, largement supérieure à la dépolarisation D2 provoquée par Q2 de glutamate libéré avec
I2 à 0,05 Hz).
Cas du conditionnement : on voit ci-dessous (Rogan et al., 1997, Nature) que la dépolarisation post-synaptique
dans l’amygdale (ce qui correspond à une potentialisation de l’amplitude de l’enveloppe des PPSE) augmente
lors du conditionnement (« training » ; voir le groupe « Conditioned ») :
Remarque : le glutamate libéré va se fixer, au niveau post-synaptique, sur deux types de récepteurs, les
récepteurs NMDA (N-methyl-D-aspartic acid) et les récepteurs non-NMDA (en particulier les récepteurs AMPA,
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Les résultats sur la PLT et le conditionnement montrent (Humeau et al., 2007, J Neurosci) que seules les souris
déficitaires des récepteurs AMPA GluR1 n’ont pas de PLT (après 4 stimulations à haute fréquence) et ne
présentent pas de conditionnement :
Cette étude de Humeau et collaborateurs constitue aussi un argument pour démontrer la similarité entre les
mécanismes de la PLT et ceux du conditionnement.
Cas de la PLT : nous avons vu que la très grande quantité de glutamate libérée (Qx), avec I2 à 100 Hz (par exemple)
va provoquer une dépolarisation très importante au niveau post-synaptique (Dx) via les récepteurs AMPA. Les
récepteurs NMDA, alors inactifs ou faiblement actifs suite à la fixation du glutamate lorsqu’il est libéré avec I2 à
0,05 Hz (quantité Q2 de glutamate libéré << Qx), vont finalement s’activer en réponse à la dépolarisation Dx
(puisque cette dépolarisation Dx est largement supérieure à la dépolarisation initiale D2). Cette activation est
donc voltage-dépendante (dépolarisation D2 : pas d’activation ou faible activation ; dépolarisation Dx :
activation importante). Le résultat concret de cette interaction (entre la fixation du glutamate sur le récepteur
NMDA et la dépolarisation post-synaptique très élevée) est l’expulsion de l’ion Mg++ bloquant l’entrée du canal
calcique associé au récepteur NMDA (si la dépolarisation est faible, très peu d’ion Mg++ seront expulsés, dans
ce cas, il n’y aura pas de phénomène de PLT) :
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Les récepteurs NMDA peuvent être bloqués en utilisant leur antagoniste : l’APV (D,L-2-amino-5-
phosphonovaleric acid).
L’étude de Bauer et al. (2002, Journal of Neuroscience) montre que l’APV empêche le développement de la PLT
dans l’amygdale (projection glutamatergique NGM-NLA) :
Remarque : l’injection de l’AVP seule réduit la transmission synaptique basale (Bauer et al., 2002, J Neurosci) :
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En conclusion : cela veut dire que les récepteurs NMDA contribuent (bien que très faiblement) à la dépolarisation
post-synaptique.
Une faible stimulation à haute fréquence (30 Hz) de la voie thalamo-amygdalienne, couplée à une forte et brève
activation post-synaptique (en appliquant un courant local produisant des PA), active aussi un autre type de
canaux calciques : les canaux calciques voltage-dépendants (ou de type L : « long-lasting »).
Selon les mêmes auteurs (Bauer et al., 2002, J Neurosci), le blocage spécifique de ces canaux, avec le vérapamil,
bloque aussi le phénomène de PLT ainsi induit (à gauche, ci-dessous), alors que l’utilisation de l’APV n’a aucun
effet (à droite, ci-dessous) :
Ce schéma (Blair et al., 2001, Learning & Memory) sera commenté en cours par l’enseignant :
On voit ci-dessous (Bauer et al., 2002 ; Journal of Neuroscience) que les animaux traités avec le vérapamil (dans
l’amygdale avant le conditionnement) ne présentent aucune perturbation de l’acquisition de la peur. Cependant,
ce traitement bloque, de façon dose-dépendante, la mémoire du conditionnement de la peur :
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Dans l’expérience ci-dessous, les mêmes auteurs ont comparé les effets des deux drogues (APV et vérapamil)
sur le conditionnement. Ils n’observent pas d’effet du varapamil pendant le conditionnement (C : groupe
« Verapamil »), les effets de l’APV apparaissant dès le conditionnement (C) et pendant les tests à 1h (D), 3h (E)
et 6h (F) :
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● Le quatrième mécanisme : l’activation de la protéine kinase CaMKII et synthèse du monoxyde d’azote (NO)
L’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants de type L engendre une augmentation brutale de la
concentration de calcium intracellulaire. Le même phénomène s’observe aussi avec l’ouverture des canaux
calciques couplés aux récepteurs NMDA.
On note ainsi l’activation de la protéine kinase CaMKII (CalModuline Kinase II), ce qui conduit à :
Cas de la PLT : l’utilisation d’un inhibiteur de la CamKII (KN-62) bloque l’induction de la PLT dans la voie thalamo-
amygdalienne (travaux de Rodrigues et al., 2004, Journal of Neuroscience) :
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Quant au NO, il s’agit d’un gaz qui va traverser la membrane des neurones post-synaptiques, puis traverser la
fente synaptique dans le sens contraire à la transmission du signal nerveux (on parle de messager rétrograde),
pour enfin passer dans l'élément présynaptique.
Le mécanisme faisant que ce gaz ne s’échappe pas des terminaisons présynaptiques n’est pas décrit. Cependant,
au niveau pré-synaptique, le NO va faciliter, de manière durable, l'exocytose du glutamate, d'où l'obtention d'une
quantité supérieure de glutamate libéré à chaque impulsion. Supposons, par exemple, que la stimulation avec
I2 à 0,05Hz (stimulation de référence) provoque la libération d’une quantité Q2 de glutamate à chaque impulsion
(niveau basal) ; après la stimulation avec I2 à 100 Hz (qui ne dure qu’une seconde), la stimulation à nouveau avec
I2 à 0,05Hz va provoquer, à chaque impulsion, la libération d’une quantité Qn de glutamate (avec Qn > Q2).
Ci-dessous, les deux schémas nous montrent une augmentation de la libération du glutamate (en présence du
NO) ; ce qui se traduit par une dépolarisation plus importante au niveau post-synaptique (ce qui est dû aussi à
l’augmentation des récepteurs AMPA :
Nous voyons ci-dessous (travaux de Schafe et al., 2005, European Journal of Neuroscience) qu’un traitement
bloquant la synthèse du NO (7-Ni), donc qui bloque le passage de Q2 (avant la SHF) à Qn (après la SHF) bloque
également la PLT amygdalienne :
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L’injection d’un inhibiteur de la synthèse du NO dans l’amygdale (7-Ni ou cPTIO), 30 minutes avant le
conditionnement (« son+choc »), affaiblit également la mémoire du conditionnement de la peur, sans affecter
l’acquisition et la mémoire à court terme (Schafe et al., 2005, European Journal of Neuroscience) :
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Remarque : il est bien établi que la mémoire à long terme est dépendante de la synthèse de protéine, alors qu’il
n’y a pas de protéines nouvellement synthétisées pour supporter la mémoire à court terme. Conformément à ce
principe, le blocage de la synthèse protéique dans le noyau latéral de l’amygdale ne perturbe pas la mémoire à
court terme du conditionnement de la peur, mais empêche la consolidation de la mémoire en mémoire à long
terme. De façon similaire, nous pouvons distinguer une PLT initiale (durant une trentaine de minutes) et une autre
PLT dite tardive (durant des jours, des semaines, des mois).
Cas de la PLT : la PLT initiale peut s’observer dans la voie thalamo-amygdalienne lorsqu’on envoie une stimulation
à haute fréquence qui n’est pas suffisamment puissante (par exemple, avec 1 seul train de stimulation). La PLT
tardive nécessite une stimulation à haute fréquence suffisamment puissante (par exemple, avec 5 trains de
stimulation) :
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On voit ci-dessous (Huang et al., 2000, J Neurosci) que l’inhibition des ARNm (avec de l’anisomycine) épargne la
PLT initiale ; elle affecte complètement la PLT tardive :
La PLT initiale ne nécessite pas de transcription de gènes, alors que la PLT tardive requiert la transcription de
gènes.
L’augmentation de [Ca2+]i va entraîner la formation du complexe Ca2+/calmoduline. C’est ce complexe qui, d’un
côté, active la protéine CamKII et qui, d’un autre côté, active l’adényl cyclase (AC). L’adényl cyclase produit une
augmentation de l’AMP (adénosine monophosphate) cyclique, qui induit l’activation de la protéine-kinase A
(PKA). La PKA, à son tour, recrute la MAP kinase. Les deux protéines migrent à l’intérieur du noyau, où elles
activent une cascade transcriptionnelle qui commence avec l’augmentation du facteur de transcription CREB-1
(cAMP response element binding protein 1) :
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C’est la cascade ci-dessus qui conduit à la synthèse protéique responsable des changements morphologiques (ci-
dessous : « growth ») :
Cas du conditionnement : dans le noyau latéral de l’amygdale, on trouve des neurones qui expriment CREB en
lien avec le conditionnement de la peur. Les souris ayant une réduction de CREB (groupe « GFP » ci-dessous)
présentent une réduction de la mémoire du conditionnement (testée 24h après le conditionnement
« son+choc ») et elles présentent moins de changements morphologiques (moins de croissance d’épines
dendritiques ; Sargin et al., 2013 ; Frontiers in Behavioral Neuroscience) :
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En conclusion : la PLT et le conditionnement (la PLT comportementale) partagent ce dernier mécanisme (la
synthèse de protéines, accompagnée de changements morphologiques).
Plusieurs structures participent à l’extinction de la peur. Cependant, l’amygdale reste la structure la plus étudiée,
puisque la mémoire du conditionnement s’y forme et y est stockée. Nous allons voir ci-dessous les phénomènes
de plasticité synaptique prenant place dans l’amygdale lors de l’extinction de la peur conditionnée.
Ci-dessous (étude de Kim et al., 2007, PNAS), nous notons, avec des courbes « entrée-sortie » (c’est-à-dire la
variation de la réponse synaptique en fonction de l’intensité de la stimulation), que des rats conditionnés
(« Conditioned ») présentent une potentialisation par rapport aux rats naïfs (c’est-à-dire n’ayant pas reçu de
choc électrique) et aux rats pseudo-conditionnés (c’est-à-dire des rats ayant reçu le choc électrique non apparié
au son : groupe « Unpaired »).
Une autre étude de la même équipe (Hong et al., 2011, PloS One) montre que le reconditionnement rétablit la
potentialisation (groupe « Reconditioned ») :
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Dans l’expérience suivante, les auteurs (Heinrichs et al., 2013, Behav Brain Res) ont utilisé 3 groupes de souris :
deux groupes de souris conditionnées (pour un groupe, le conditionnement est suivi par la séance d’extinction :
« Conditioned/Extinction » ; pour l’autre groupe, il n’y a pas de séance d’extinction : « Conditioned/Sham
Extinction ») et un groupe non conditionné, mais soumis à l’entraînement pour l’extinction
(« Unconditioned/Extinction). Lors du test de rétention, seules les souris non entraînées pour l’extinction
présentent la réponse de peur :
Sur le plan morphologique (changement lié à la cascade transcriptionnelle, vu plus haut, au niveau de
l’amygdale), il y a une augmentation de la densité dendritique avec le conditionnement (groupe
« Conditioned/Sham Extinction) et un retour à la normale après l’extinction (groupe « Conditioned/Extinction
comparé au groupe « Unconditioned/Extinction ») :
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(Cours enseigné par René Garcia, Professeur de Neurobiologie à l’Université Côte d’Azur)
Remarque : tout comme la PLT, dont l’induction se fait avec un moyen non comportemental (la stimulation à
haute fréquence), la dépotentialisation peut aussi être induite avec un moyen non comportemental (la
stimulation à basse fréquence).
Ci-dessous (Lin et al., 2010, Molecular Pharmacology), un exemple de dépotentialisation. Nous voyons qu’après
l’installation de la PLT thalamo-amygdalienne (« Post-TS »), le niveau d’excitabilité initial (« Pre-TS ») est
retrouvé à la suite de la stimulation à basse fréquence (« Post-LFS ») :
Tout comme dans le cas de la PLT, la dépotentialisation nécessite une stimulation de l’élément présynaptique à
une fréquence entraînant :
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Cependant, dans le cas de la dépotentialisation, la concentration calcique engendrée (cette concentration est
inférieure à celle induite par une stimulation à haute fréquence) active la calcineurine, qui provoque la
déphosphorylation des récepteurs AMPA et participe ainsi à l’endocytose de ces récepteurs :
L’étude suivante (Lin et al., 2010, Molecular Pharmacology) apporte la preuve de la dépendance de la
dépotentialisation de l’activation des récepteurs NMDA.
Tout d’abord, la stimulation à haute fréquence (ou stimulation tétanique : TS) provoque une PLT dans la voie
Thal-Amy (comme on l’a déjà vu à plusieurs reprises). Ensuite, cette PLT est supprimée avec une stimulation à
basse fréquence (LFS). Enfin, le blocage des récepteurs NMDA (avec l’APV ou le MK-801), pendant la stimulation
à basse fréquence, empêche effectivement la mise en place de cette dépotentialisation :
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De façon intéressante (étude de Kim et al., 2007, PNAS), un protocole de SBF, n’induisant pas de DLT chez le
rongeur naïf ou après l’extinction, induit une DLT chez le rongeur après le conditionnement (ce qui veut dire que
la SBF supprime la potentialisation, en provoquant la dépotentialisation et non une DLT ; une fois au niveau
basal, cette stimulation n’induit pas de DLT ; cependant, en partant d’un état potentialisé, cette stimulation
permet le retour à l’état basal) :
L’induction de cette « dépotentialisation » est bloquée lorsque les récepteurs AMPA sont bloqués, avec
l’antagoniste CPCCOEt (ce qui veut dire qu’elle requiert l’activation de ces récepteurs) :
L’induction de cette « dépotentialisation » est également bloquée lorsque les récepteurs NMDA sont bloqués,
avec l’antagoniste D-AP5 (ce qui veut dire qu’elle requiert l’activation de ces récepteurs) :
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Enfin, on note que l’augmentation des récepteurs AMPA (GluR1 et GluR2), liée au conditionnement, disparaît
après l’extinction (ce qui veut dire que la dépotentialisation liée à l’extinction entraînerait aussi le phénomène
d’endocytose des récepteurs AMPA) :
Remarque : la baisse de GABA dans l’amygdale est un mécanisme important dans l’installation de la peur
conditionnée, alors que la hausse de GABA est un mécanisme important dans l’installation de l’extinction de la
peur conditionnée (Heldt et Ressler, 2007, Eur J Neurosci).
Dans l’étude ci-dessous, réalisée chez le rat, les auteurs (Watanabe et al., 1996, Neuroscience Research)
montrent que la baisse du taux de GABA dans l’amygdale, provoquée par l’utilisation d’un antagoniste des
récepteurs GABA (la picrotoxine), facilite l’installation de la PLT. Ils ont, pour cela induit la PLT, avec des
paramètres de stimulation n’induisant pas de PLT (groupe « normal ACSF » ; ACSF = liquide céphalorachidien
artificiel) :
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Hypothèse : si la baisse de GABA facilite la PLT, la hausse de GABA entraînerait la dépotentialisation. Dans ce
cas, le blocage de GABA s’opposerait à la dépotentialisation.
Dans l’expérience ci-dessous, les auteurs (Rammes et al., 2000, Eur J Neurosci) ont vérifié, chez la souris, si le
blocage de GABA, qui facilite la PLT, inhibe aussi la dépotentialisation. Ils ont pour cela utilisé la picrotoxine
(« picro »), qui est un antagoniste GABAergique (récepteurs GABAA).
Le résultat obtenu montre, en effet, une facilitation de la PLT (à gauche) et une inhibition de la dépotentialisation
(à droite) dans l’amygdale :
Remarque : compte tenu du fait que la hausse de GABA dans l’amygdale se produit pendant l’extinction (Heldt et
Ressler, 2007, Eur J Neurosci), nous pouvons donc supposer que cette molécule contribue à la réduction de la peur
conditionnée au cours de la procédure de l’extinction. La dépotentialisation pourrait y contribuer.
Ci-dessous, nous voyons que l’utilisation d’un agoniste de GABA, directement injecté dans le noyau latéral de
l’amygdale (groupe «Muscimol »), réduit effectivement, significativement, la réponse de peur conditionnée
(Cunha et al., 2010, Frontiers in Behavioral Neuroscience) :
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En conclusion : nous pouvons donc en déduire que la dépotentialisation causée par la stimulation à basse
fréquence et la dépotentialisation en lien avec l’extinction (entraînant la réduction de la peur conditionnée)
nécessitent l’activation des récepteurs GABA dans l’amygdale.
Remarque : ce deuxième phénomène de plasticité synaptique n’est pas directement démontré. Nous allons donc
nous baser sur une étude sur l’induction artificielle de ce deuxième phénomène.
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De nombreuses études montrent que ce phénomène est dépendant de l’activation des endocannabinoïdes. En
fait, ce sont les endocannabinoïdes qui produisent ce phénomène. On voit, par exemple ci-dessous, que
l’utilisation de la DHPG, qui active la libération des endocannabinoïdes, induit la dépression, qui dure tant que
la DHPG est présente :
Remarque : compte tenu du fait que la libération des endocannabinoïdes dans le noyau basolatéral de l’amygdale
augmente pendant l’extinction (Marsicano et al., 2002, Nature), nous pouvons donc supposer que ces molécules
contribuent à la réduction de la peur au cours de la procédure de l’extinction. La LTD-like pourrait y contribuer.
Ci-dessous, nous voyons que l’utilisation d’un agoniste des endocannabinoïdes, directement injecté dans le noyau
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basolatéral de l’amygdale (groupe « AMBLA »), réduit effectivement, significativement, la réponse de peur
conditionnée (Gunduz-Cinar et al., 2013, Biol Psychiatry) :
Notons que les endocannabinoïdes sont des messagers rétrogrades qui, en se fixant sur leurs récepteurs
présynaptiques CB1 entraînent une baisse de l’exocytose via la baisse de l’entrée des ions CA++ dans l’élément
présynaptique. Or, il s’avère que ces récepteurs se trouvent sur des interneurones GABAergiques. Cela est en
contradiction avec l’observation selon laquelle l'inhibition GABAergique est augmentée dans le noyau latéral et
dans le noyau basolatéral de l’amygdale pendant l'extinction. En fait, il y a un recrutement différentiel des sous-
populations des interneurones GABAergiques dans l’amygdale suivant les situations (situations d’inhibition ou
d’activation de l’expression de la peur). Les récepteurs CB1 se trouvent sur les arborisations terminales d’une
sous-famille d’interneurones GABAergiques, qui expriment la cholécystokinine (CCK), ces interneurones sont
d’ailleurs appelés « interneurones CCK ». Ces interneurones ont des contacts synaptiques avec les neurones de
l’extinction dans le noyau basolatéral. La LTP-like sur ces interneurones CCK engendrerait une forte inhibition des
neurones de l’extinction, favorisant ainsi l’expression de la peur (par les neurones activateurs de la peur).
Cependant, pendant l’extinction, la forte libération des endocannabinoïdes engendrerait la DLTi-like, qui lèverait
durablement l’inhibition des interneurones CCK sur les neurones de l’extinction.
Notons aussi qu’il est fort possible que la LTDi-like soit initiée par l’innervation sérotoninergique de l’amygdale,
lors de l’extinction de la peur conditionnée. Premièrement, une étude très récente (Shan et al., 2018, CNS) montre
que le blocage génétique du système sérotoninergique, annulant, entre autres, l’innervation sérotoninergique,
empêche l’extinction de la peur conditionnée. Deuxièmement, une étude publiée deux années auparavant
(Gunduz-Cinar et al., 2016, Neuropsychopharmacology) nous révèle qu’un traitement avec un inhibiteur de la
recapture de la sérotonine facilite l’extinction de la peur conditionnée en augmentant la libération des
endocannabinoïdes dans le noyau basolatéral de l’amygdale. Nous pouvons donc suggérer que, lors de
l’extinction, l’absence répétée de la présentation du stimulus conditionnel sans le stimulus inconditionnel pourrait
activer l’innervation sérotoninergique de l’amygdale. Cette sollicitation, touchant certains neurones
glutamatergiques du noyau latéral de l’amygdale projetant dans le noyau basolatéral, pourrait jouer deux rôles
suivant sa puissance. Au début de l’extinction, elle serait faible, ce qui se traduirait par une libération des
endocannabinoïdes par les neurones de l’extinction, provoquant la LTDi-like. Une fois la LTDi-like en place, la
séance d’extinction se poursuivant, la sollicitation deviendrait importante, ce qui provoquerait la LTP-like
touchant les neurones de l’extinction. Nous savons, en effet, que l’application d’une stimulation à basse fréquence
au niveau du noyau latéral de l’amygdale provoque la LTDi dans le noyau basolatéral de l’amygdale. Après
l’installation de cette LTDi, l’application de la stimulation à haute fréquence engendre une PLT exagérée :
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Cette exagération de la PLT est supprimée lorsque les récepteurs des endocannabinoïdes sont bloqués (Azad et
al., 2004, J Neurosci) :
Dans l’étude suivante, les auteurs (Ogden et al, Neuropsychopharmacology, 2014) basent leur expérience sur
une substance qui facilite la PLT, mais pas la DLT (donc, par déduction, pas la dépotentialisation) : le CIQ (effet
via les récepteurs NMDA).
Ci-dessous, l’étude montre que cette substance facilite à la fois la mémoire du conditionnement (à gauche) et
la mémoire de l’extinction (à droite) :
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En conclusion : cette substance (le CIQ), qui facilite la PLT (et donc la LTP-like), faciliterait l’extinction via un effet
de type PLT. Donc, l’extinction engage, comme le conditionnement, une LTP-like.
Une étude ultérieure (Wu et al., 2015, Journal of Neurochemestry) appuie la conclusion de l’étude précédente.
En effet, cette étude montre qu’une PLT peut se développer entre le noyau basolatéral de l’amygdale (BLA) et
le noyau central de l’amygdale (CeA). L’utilisation d’une molécule, le CGRP (calcitonin gene-related peptide),
induisant une PLT pharmacologique au niveau de cette voie, a également un effet facilitateur sur l’extinction.
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Remarque : l’aire infralimbique du cortex préfrontal du rongeur correspond au cortex préfrontal ventromédian
(CPFvm = vmPFC) chez l’humain. Certains auteurs parlent aussi de CPFvm chez le rongeur. Dans ce cas, la zone
concernée inclut la partie ventrale de l’aire prélimbique et toute l’aire infralimbique (zone en bleu ci-dessous chez
le rat) :
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Nous avons vu que l’extinction ne correspond pas à l’effacement de la mémoire du conditionnement. En fait,
après l’extinction de la peur conditionnée, la possibilité de commander l’expression de cette peur est tout
simplement inhibée et non définitivement effacée. La conséquence est qu’il arrive que cette possibilité se
réactive, ce qui se traduit par le recouvrement. Cette possibilité doit être constamment inhibée pour éviter le
recouvrement. Le CPFvm semble jouer un rôle clé dans cette inhibition, comme cela est démontré dans l’étude
lésionnelle ci-dessous, réalisée chez le rat (Quirk et al., 2000, J Neurosci).
Les lésions touchant le CPFvm dans sa totalité (groupe « vmPFCi ») indiquent l’absence de l’inhibition du
freezing, 24h après l’extinction. Cependant, les lésions ne touchant que le CPFvm rostral (groupe « vmPFCr)
n’ont aucun effet (« Sham » = groupe sans lésion) :
Partant de l’observation ci-dessus (étude de Quirk et al., 2000), dans l’étude ci-dessous (Hugues et al., 2006,
Synapse ; étude menée sous la direction de l’enseignant de ce cours), des enregistrements électrophysiologiques
ont été fait dans le CPFvm avant le conditionnement et après l’extinction de la peur chez le rat.
Le résultat obtenu montre que la phase post-extinction se caractérise par l’apparition d’une LTP-like dans le
CPFvm (groupe « DMSO »). Cependant, chez des rats qui avaient reçu dans le CPFvm un inhibiteur des protéines
kinases (groupe « PD098059 »), protéines nécessaires au développement de la PLT, on note une absence de LTP-
like. Lors du test de rétention de l’extinction, réalisé 24h après la séance d’extinction, on note que cette
suppression de la LTP-like est associée au recouvrement de la peur conditionnée :
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L’étude suivante (Hugues et Garcia, 2007, Learning & Memory ; également menée sous la direction de
l’enseignant de ce cours) confirme l’étude précédente. Elle montre, en particulier, que la LTP-like post-extinction
dans le CPFvm peut être supprimée par une stimulation à basse fréquence (LFS). C’est le phénomène de
dépotentialisation (déjà abordé dans le cas de l’amygdale) :
Ci-dessous, nous pouvons voir la conséquence de cette dépotentialisation (Hugues et Garcia, 2007, Learning &
Memory).
Les rats, recevant la stimulation à basse fréquence du CPFvm (groupe « LFS ») immédiatement après la séance
d’extinction, présentent 24 h plus tard le recouvrement de la peur (« Pre-RT1 » : freezing avant la présentation
du SC ; « RT1 » : freezing pendant la présentation du SC). Cet effet n’est pas transitoire, car le test réalisé une
semaine plus tard montre également le recouvrement de la peur (le groupe « NLFS » correspond à celui n’ayant
pas reçu la stimulation à basse fréquence) :
→ La connexion CPFvm-amygdale
Rappel et hypothèse : nous venons de voir que l’extinction de la peur s’accompagne d’une LTP-like dans le CPFvm
et que cette LTP-like jouerait un rôle fondamental pour empêcher, après l’extinction, la possibilité de commander
à nouveau l’expression de la peur conditionnée.
Nous avons vu initialement qu’une des voies BLA-CeA commande la peur conditionnée en se potentialisant. Après
l’extinction, la LTP-like dans le CPFvm pourrait, en particulier, inhiber cette voie BLA-CeA.
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Les neurones du CPFvm (ou aire infralimbique : IL) projettent massivement sur les interneurones de la masse
cellulaire ITC (« intercalated cells ») de l’amygdale (il s’agit d’une projection glutamatergique : Glu). Les
interneurones d’ITC projettent à leur tour dans le CeA (il s’agit d’une projection GABAergique), sur les neurones
de la voie BLA-CeA, qui commande l’expression de la peur (donc la stimulation de l’aire IL a indirectement un
effet inhibiteur sur la voie BLA-CeA) :
Ci-dessous (Paré et al., 2004, J Neurophysiol), on note que la stimulation (STIM) des neurones de l’aire IL inhibe
effectivement l’activation de la voie BLA(BL)-CeA. Cet effet de la stimulation de l’aire IL, qui se fait via les
interneurones d’ITC, est dépendant de l’intervalle de temps entre la stimulation de BLA (BL) et celle de l’aire
corticale :
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Une autre étude (Barretta et al., 2005, Neuroscience) montre que l’activation du CPFvm (en y injectant de la
picrotoxine, « P », un antagoniste GABAergique) augmente le signal c-Fos dans ITC, ce qui prouve que le CPFvm
excite les interneurones d’ITC :
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Remarque : des études sur l’origine des phobies spécifiques chez des patients phobiques nous indiquent que
beaucoup de cas phobiques sont en lien avec un événement traumatisant qu’aurait vécu le patient.
Ci-dessous, une étude (Merckelbach et al., 1989, Behav Res Ther) menée avec 91 patients, qui montre pour 71
individus un lien de leur phobie avec un événement ayant entraîné le conditionnement phobique :
Pour 26 patients, ci-dessous les types d’événements ayant entraîné leur conditionnement phobique :
Pour cet autre exemple, l’étude (Schindler et al., 2016, Depression and Anxiety) ne concerne que les personnes
ayant développé une phobie de voyager en avion après avoir vécu une expérience négative pendant le vol :
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Notons que certaines personnes se conditionnent aussi sans développer de véritable phobie de voyager en avion.
La psychothérapie est le traitement de premier choix pour les phobies spécifiques (qu’elles soient ou non
expérientielles). Souvent, la réponse à une phobie consiste à fuir ou à éviter la situation que le patient identifie
comme phobogène. Or, cela contribue paradoxalement à renforcer et à cristalliser son trouble. Plusieurs types
de psychothérapies sont proposés. Cependant, quel que soit le type de psychothérapie, on note
malheureusement des échecs thérapeutiques.
Remarque : la thérapie par exposition est une thérapie basée sur la procédure d’extinction de la peur. Il s’agit,
en effet, d’exposer les patients à leurs stimuli phobogènes pour diminuer les réponses phobiques associées.
Le sujet est exposé à l’objet phobogène ou à la situation phobogène via un casque de réalité virtuelle.
Ci-dessous (cas de phobie des cafards) un exemple d’exposition virtuelle (il y a un contact virtuel avec le stimulus
phobogène) :
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Pour cette étude, les auteurs (Lass-Hennemann et Michael, 2014, Behaviour Research and Therapy) ont fait
appel à 50 patients phobiques. Le résultat de la thérapie par exposition virtuelle montre qu’il y a des patients
sans amélioration (26 patients) et des patients présentant des améliorations significatives (24 patients). Les
scores sont établis à l’issue de la dernière séance de thérapie et 3 mois plus tard :
Pour cette étude, les auteurs (Ost et al., 1997, Behaviour Research and Therapy) ont utilisé, avec leur patients
phobiques, ce type d’exposition. Tous les patients avaient la phobie de voyager en avion à la suite d’expériences
négatives variées. A l’issue de la thérapie d’exposition (ci-dessous, « Post ») 11 patients sur 14 avaient réussi à
effectuer un voyage en avion sans accompagnement (notons qu’un an plus tard, « F-up », seuls 9 patients
pouvaient encore prendre l’avion sans être accompagnés) :
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Cette étude révèle donc des échecs thérapeutiques, mais le pourcentage de succès reste quand même élevé un
an après l’arrêt de la thérapie (64 %).
● L’exposition en imagination
Pour cette étude, les auteurs (Rentz et al., 2003, Behaviour Research and Therapy) ont utilisé ce type
d’exposition (pour la condition « Active Imaginal Exp » : les patients avaient une tâche à effectuer pendant la
séance ; pour la condition « Imaginal Exp » : les patients n’avaient pas de tâche à effectuer) et l’exposition in
vivo (condition « In Vivo Exp »). On note que le pourcentage des répondeurs varie suivant la condition utilisée ;
mais, en particulier, nous notons qu’il y a beaucoup de non-répondeurs, indiquant des échecs thérapeutiques
de l’extinction :
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En conclusion : nous pouvons dire que certains phobiques développent bien leur pathologie à la suite d’une
expérience négative, engageant donc les mécanismes de conditionnement de la peur. L’application d’une
procédure thérapeutique basée sur l’extinction de la peur (l’exposition in vivo, l’exposition en imagination ou
l’exposition virtuelle) peut supprimer les symptômes phobiques. Cependant, on note aussi des échecs
thérapeutiques quel que soit la thérapie utilisée.
Remarque : les données qui vont suivre sont obtenues à partir d’expériences réalisées avec des rongeurs. Ces
expériences visent à identifier les changements neurobiologiques pouvant supporter les échecs thérapeutiques
évoqués ci-dessus. Deux pistes seront explorées : l’hypofonctionnement touchant le système GABAergique et
l’hypofonctionnement touchant le système des endocannabinoïdes.
Hypothèse : si les phobiques peuvent répondre favorablement aux anxiolytiques (qui sont tous des agonistes
GABAergiques), nous pouvons supposer l’existence d’un hypofonctionnement GABAergique chez ces patients,
dont ceux qui souffrent d’une phobie spécifique expérientielle. A partir d’une série d’études chez le rongeur, nous
allons considérer le dysfonctionnement (hypofonctionnement) GABAergique dans la résistance à l’extinction de
la peur conditionnée.
Compte tenu de l’absence d’étude couplant les données comportementales sur le conditionnement unimodal
(son+choc) et les données sur la plasticité synaptique dans le cas du stress, nous allons évoquer une étude
(Rodrıguez Manzanares et al. J Neurosci, 2005) sur le conditionnement polymodal (contextuel).
- L’utilisation d’un anxiolytique (ici « MDZ » : le midazolam) abolit les effets du stress (le groupe
« MDZ-RES ») ; indiquant l’implication d’un hypofonctionnement GABAergique, causé par le stress.
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Les données à gauche (« Unpaired ») correspondent à celles des groupes non conditionnés.
Premièrement, une analyse électrophysiologique, portant sur la plasticité synaptique (Rodrıguez Manzanares et
al. J Neurosci, 2005), on remarque que le stress favorise la PLT amygdalienne chez le rat (groupe « VEH-RES »).
Cet effet facilitateur est annulé par l’anxiolytique (groupe « MDZ-RES ») :
Deuxièmement, le stress utilisé dans l’étude ci-dessus entraîne une augmentation de corticostérone (Spiers et
al., 2013, Psychoneuroendocrinology), or quand la corticostérone est augmentée expérimentalement dans
l’amygdale, chez des rats non soumis à un stress, on note une baisse du courant GABAergique dans cette
structure (Liu et al., 2014, Molecular Brain) :
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L’augmentation de corticostérone dans l’amygdale (à la suite d’une infusion de corticostérone directement dans
l’amygdale) engendre également une augmentation de la libération de noradrénaline dans
l’amygdale (McReynolds et al., 2010, Neurobiol Learn Mem) :
Troisièmement, dans l’expérience suivante (Tully et al., 2007, PNAS), les paramètres utilisés pour induire la PLT
dans la voie thalamo-amygdalienne ne sont pas optimaux (c’est le groupe « control »). Cela est liée à la forte
inhibition GABAergique dans le noyau latéral (« intact inhibition »). Cependant, en présence de noradrénaline
(groupe NE), malgré cette inhibition, la PLT se développe dans cette voie :
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Pour vérifier cette conclusion, nous voyons ci-dessous que lorsque l’inhibition GABAergique est réduite dans
l’amygdale (« inhibition blocked ») avec la picrotoxine (un antagoniste de GABA), la PLT est de même niveau que
celle en présence de la noradrénaline (groupe NE, qui lui est, par contre, dans les conditions normales
d’inhibition GABAergique) :
L’effet est encore amplifié lorsqu’on ajoute en même temps, dans le milieu, la noradrénaline (NE) et la
picrotoxine (groupe « NE, 50 µM PTX ») :
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En conclusion : le stress provoque une augmentation de corticostérone, ce qui entraîne une augmentation de
libération de la noradrénaline dans l’amygdale. Cette augmentation de la libération de noradrénaline a un effet
facilitateur sur la plasticité synaptique thalamo-amygdalienne via la baisse du courant inhibiteur GABAergique.
C’est la persistance de l’hypofonctionnement exagéré touchant le système GABAergique qui pourrait expliquer
la résistance à l’extinction de la peur conditionnée, donc, par extrapolation, les échecs thérapeutiques rencontrés
avec les différentes approches de thérapie d’exposition.
Remarque, rappel et hypothèse : l’utilisation des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine peut avoir un effet
thérapeutique chez les patients phobiques, dont la phobie est en lien avec un événement traumatisant (Davidson,
2006, J Clin Psychiatry). Nous avons vu qu’une des actions des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, au
niveau de l’amygdale, correspond à une augmentation de libération des endocannabinoïdes dans le noyau
basolatéral de l’amygdale. De plus, une autre étude montre que l’augmentation pharmacologiques de l’action
des endocannabinoïdes a un effet anxiolytique (Patel et Hillard, 2009). Nous avons également vu que
l’augmentation de la libération des endocannabinoïdes a un effet facilitateur sur l’extinction. Nous pouvons donc
supposer qu’un dysfonctionnement (hypofonctionnement) du système des endocannabinoïdes pourrait
supporter, du moins en partie, les échecs thérapeutiques constatés chez certains phobiques. A partir de deux
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exemples d’expériences chez le rongeur, nous allons voir les effets d’un tel dysfonctionnement sur l’extinction de
la peur conditionnée.
Pour l’étude ci-dessous, les auteurs (Marsicano et al., 2002, Nature) ont utilisé des souris n’exprimant pas les
récepteurs d’endocannabinoïdes dans l’amygdale (souris « CB1-/- »). Les auteurs ont procédé à la stimulation à
basse fréquence (« LFS2 ») qui induit normalement une baisse de l’inhibition GABAergique (DLT des PPSI : LTDi)
sur certains neurones du noyau basolatéral de l’amygdale. Ils notent que l’induction de la LTDi est absente chez
les souris « CB1-/- ». Ce résultat est confirmé, chez des souris « CB+/+ » ayant reçu un antagoniste des CB1
(groupe « SR » ci-dessous) :
Lors de la procédure d’extinction, les souris ne pouvant avoir de LTDi (qui dépendante de l’action présynaptique
des endocannabinoïdes) ne présentent pas le phénomène d’extinction (Marsicano et al., 2002, Nature) :
Dans cette étude, les auteurs (Jenniches et al., 2016, Biological Psychiatry) ont utilisé des souris déficitaires en
enzyme de synthèse d’un endocannabinoïde (souris « Dagla-/- »).
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Cours 2 : Neurobiologie de la peur
(Cours enseigné par René Garcia, Professeur de Neurobiologie à l’Université Côte d’Azur)
On voit, ci-dessous, une baisse d’expression de cette protéine (protéine « AG ») dans l’amygdale chez les souris
« Dagla-/- » (en comparaison aux souris sauvages : « WT ») :
En conclusion : ces études révèlent des changements touchant deux systèmes de neuromodulation dans
l’amygdale (le système GABAergique et le système des endocannabinoïdes) qui contribuent fortement à l’échec
de l’extinction de la peur. En effet, lors de l’apprentissage de l’extinction, les mécanismes moléculaires complexes,
vus plus haut, lèveraient l’inhibition GABAergique sur les neurones de l’extinction, ce qui contribuerait à
l’activation progressive des neurones de l’extinction. Cependant, lorsque les récepteurs CB1 ne sont pas
fonctionnels (souris « CB1-/- » ou souris « Dagla -/-), l’inhibition GABAergique sur les neurones de l’extinction
n’étant pas levée, on observe, par conséquent, la résistance à l’extinction. Un tel déficit fonctionnel du système
des endocannabinoïdes pourrait donc expliquer certains échecs thérapeutiques de la phobie spécifique
expérientielle.
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Cours 2 : Neurobiologie de la peur
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CONCLUSION
Le chapitre 1 du cours nous révèle que la peur engage des substrats neuroanatomiques comme l’amygdale, le
noyau du lit de la strie terminale et l’aire prélimbique du cortex préfrontal médian. Plusieurs substrats chimiques
augmentent en taux dans l’amygdale lors de l’expression de la peur, parmi lesquels le cortisol, la noradrénaline
et la dopamine. Le GABA présente, au contraire, une baisse de son taux. L’altération du circuit formé avec ces
divers substrats, notamment au niveau de l’amygdale, se retrouve dans la phobie spécifique non expérientielle,
avec pour conséquence une incapacité à inhiber la peur irrationnelle.
Dans le chapitre 2, l’étude sur le conditionnement de la peur montre aussi l’engagement de l’amygdale, où se
forme la mémoire associative (entre le stimulus conditionnel et le stimulus inconditionnel). Ce processus
mnésique fait appel à des changements de type potentialisation à long terme (« LTP-like ») dans l’amygdale.
Lors de l’extinction, la dépotentialisation touche la « LTP-like » du conditionnement, alors qu’une « LTP-like »
spécifique à l’extinction prend place dans l’amygdale. Une autre « LTP-like » prend place dans la connexion entre
le cortex préfrontal ventromédian et l’amygdale. Son rôle est de s’opposer au recouvrement de la peur. Pendant
le recouvrement, tous les changements en lien avec l’extinction sont inversés (on note ainsi, la
dépotentialisation de la « LTP-like » préfronto-amygdalienne, la dépotentialisation de la « LTP-like » spécifique
à l’extinction et la repotentialisation de la « LTP-like » du conditionnement). Les altérations des mécanismes
nécessaires à l’extinction pourraient expliquer les échecs thérapeutiques rapportés dans les cas de phobie
spécifique expérientielle.
L’ensemble des mécanismes basiques vu dans ce cours constitut un support permettant aux étudiants
d’apprendre à coupler les dysfonctionnements touchant les circuits d’une émotion (cas de la peur) à la
symptomatologie psychiatrique (cas de la phobie spécifique).
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FIN DU COURS
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