100% ont trouvé ce document utile (1 vote)
239 vues16 pages

Discursivite de L'ethos

Ce document traite de l'ethos, qui prescrit les manières de l'orateur, et permet à ce dernier de proposer ses valeurs morales à son auditoire et de gagner leur adhésion. L'ethos a une double dimension de topos moral et de stratégie discursive. Le document examine comment l'ethos peut se transformer en une stratégie argumentative à partir des fondements discursifs qu'il convoque.

Transféré par

gbakre andohjeanmarie
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
100% ont trouvé ce document utile (1 vote)
239 vues16 pages

Discursivite de L'ethos

Ce document traite de l'ethos, qui prescrit les manières de l'orateur, et permet à ce dernier de proposer ses valeurs morales à son auditoire et de gagner leur adhésion. L'ethos a une double dimension de topos moral et de stratégie discursive. Le document examine comment l'ethos peut se transformer en une stratégie argumentative à partir des fondements discursifs qu'il convoque.

Transféré par

gbakre andohjeanmarie
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 16

GESTE ET VOIX N°24 ISSN 1840-572X

SOMMAIRE i
-Table des matières i

-Avis aux auteurs v

-Notice to contributors vi

-Préface vii

LINGUISTIQUE – LITTERATURE / LINGUISTICS – LITERATURE

The Semantics of the Modal ′′Must′′ in a French Version of 01


Romeo and Juliet by William Shakespeare
Servais Martial AKPACA
Enseignant-Chercheur
Ecole Nationale des Sciences et Techniques de l’Information et de la Communication
Université d’Abomey / Bénin
akpacasm@yahoo.fr

De la Grammaticalisation du Mélange des Temps dans le Récit : 15


Cas de la Rivalité entre l’Imparfait et le Passé Simple.
Fidèle DIEDHIOU
Enseignant-Chercheur
Université Gaston Berger de Saint – Louis (Sénégal)
Fidele.diedhiou@ugb.edu.sn

Langue et Ecole Sénégalaise à l’Heure des OMD 29


Astou DIOP
Enseignante-chercheure
Section d'Anglais
UFR-LSH-UGB
Saint-Louis-Sénégal
astoudiopmar@gmail.com

Quelques Remarques sur la Syntaxe de la Relativisation en français 42


Boniface IGBENEGHU, PhD
Department of European Languages
University of Lagos / Nigeria
boigbeneghu@yahoo.co.uk
bigbeneghu@unilag.edu.ng

Features of Syntactic Disorders in Cummings' Poetry 61


Idrissou ZIME YERIMA, Léonard KOUSSOUHON and
Hounkpati B.C. CAPO
Département de Linguistique et des Sciences de la Communication
Faculté des Lettres / Université d’Abomey-Calavi
izymeh@gmail.com / koussouhon@yahoo.com
labogbe2003@yahoo.fr

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DECEMBRE 2016 i
GESTE ET VOIX N°24 ISSN 1840-572X

The Broken Promises of the Great Migration in William 75


Attaway’s Blood on the Forge
Kpatcha Essobozou AWESSO
Eneignant-Chercheur
English Department
University of Kara
awessander@yahoo.fr

París o la ciudad cargadora de una verdadera dimensión 86


simbólica y psicológica en Susana y los cazadores de moscas
y en Laura o la soledad sin remedio
Ndèye Khady DIOP
Enseignante-Chercheure
Section: ESPAGNOL
UFR Lettres et Sciences Humaines
UGB St Louis / Sénégal

Du Fondement Discursif au Caractère Stratégique de L’ethos 95


Jean Marie Andoh GBAKRE
Maître-Assistant
Département de Lettres Modernes
Université Peleforo Gon Coulibaly

Conjuring to Reassess the Concept of Environment in Gloria 106


Naylor’s Mama Day
Katamatou Yao KOUMA
Enseignant-Cherheur
Département d’Anglais
Université de Lomé, Togo
gilbertoyao@gmail.com

Feminist Consciousness and a New Gender Pedagogy in 121


Chimamanda Ngozi Adichie’s We Shoud All Be Feminists
Damlegue LARE
Maître-Assistant
Département d’Anglais
University of Lomé
laredamlegue@gmail.com

Du processus d’émergence et de signification du personnage 137


romanesque : Approche théorique
Ndioro SOW
Enseignant-Chercheur
Département des Lettres Modernes
UGB St Louis / Sénégal

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DECEMBRE 2016 ii
GESTE ET VOIX N°24 ISSN 1840-572X

HISTOIRE ET GEOGRAPHIE / HISTORY AND GEOGRAPHY

Les risques sanitaires des femmes productrices artisanales 154


du gravier à Bouaké (Centre de la Côte d’Ivoire)
Gnangoran Alida Thérèse ADOU, Assistante
agathe_n77@yahoo.fr
Péga TUO, Maître-Assistant
pega12007@yahoo.fr
Bazoumana DIARRASSOUBA, Maître-Assistant
diarrabazo@yahoo.fr
Institut de Géographie Tropicale / UFHB / RCI
Département de Géographie / UAOB / RCI

Les Tentatives Avortées de l’Exploitation Industrielle des 169


Gisements Aurifères de la Côte d’Ivoire Entre 1895 Et 1931.
Atta Kouame Jacob BRINDOUMI
Enseignant-Chercheur
Département d’Histoire
Université Alassane Ouattara / Bouaké / RCI
jacobkouame@gmail.com

SOCIOLOGIE – PHILOSOPHIE / SOCIOLOGY – PHILOSOPHY

Cybercriminalité au Bénin: menaces, lacunes juridiques et pouvoir 190


Qemal AFFAGNON
Doctorant
Département des Sciences du Langage et Communication
Université d’Abomey-Calavi
qaffagnon@gmail.com

Le Lien Social à l’Epreuve de la Démocratie Libérale en Afrique 204


Octave Nicoué BROOHM
Maître de conférences
Département de philosophie
Université de Lomé
obroohm@yahoo.fr

An Autochthonous Development Scheme for Societies: Reflagging 221


Claude Ake on Development Paradigms
Karo OGBINAKA, PhD
Department of Philosophy
Faculty of Arts
University of Lagos (Nigeria)
oogbinaka@unilag.edu.ng

☼☼☼☺☺ ▒░►►►

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
DECEMBRE 2016 iii
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Du Fondement Discursif au Caractère Stratégique de L’ethos

Jean Marie Andoh GBAKRE


Maître-Assistant
Département de Lettres Modernes
Université Peleforo Gon Coulibaly / Côte d’Ivoire
andoh225@yahoo.fr

Résumé
L’ethos prescrit les mœurs de l’orateur. Il permet à ce dernier de proposer à son auditoire une
dimension des valeurs morales qui lui sont propres et d’amener celui-ci à adhérer aux idées
soumises à son actif. Aussi l’ethos revêt-il la double dimension de topos moral et de stratégie
discursive. Cette dualité qui l’imprègne, loin d’être un délit de fonctionnement, constitue plutôt
sa miscibilité de sémantisation. Comment l’ethos, à partir des fondements discursifs qu’il
convoque, peut-il se muer en une stratégie argumentative ? L’étude ne propose pas un volet
primaire, lieu d’une approche théorique, suivie d’un volet secondaire, fécond d’analyse. Il est
plutôt question d’une démarche procédurale fondamentalement théorique qui aboutit à une
synthèse de la thématique problématisée.
Mots-clés : topos moral, stratégie argumentative, ethos, logos, pathos.

Abstract
The Ethos prescribed the manners of the speaker. It enables him to offer the audience a
dimension of his own moral values and bring him to adhere to the ideas submitted to his credit.
Ethos also takes the double dimension of moral topos and discursive strategy. This duality that
permeates, far from being a crime of functioning, is rather its miscibility of semantization. How
does ethos from discursive fundaments that it convoques, turn into an argumentative strategy?
The study does not include a primary component, rather than a theoretical approach, followed
by a secondary component fruitful of analysis. It is about a procedural fundamentally theoretical
approach leading to a synthesis of the problematized thematic.
Keywords: moral topos, argumentative strategy, ethos, logos, pathos.

Introduction
L’activité énonciative appelle la convocation de preuves, c’est-à-dire l’invite d’éléments
pertinents censés étayer les propos du sujet parlant. Pour assurer à son discours une efficacité,
celui-ci doit se montrer objectif et réduire dans son argumentation le degré de subjectivité ou
d’implication qui reste un lieu ouvert aux calculs interprétatifs. Plus l’énoncé est connoté, plus
il est difficilement compris et moins il est pertinent. Cependant, l’évocation de soi, sans être un
délit de mise en sens de l’existant, peut tout aussi bien que les données encyclopédiques,
constituer une charge de persuasion discursive. L’équation revêt toute son importance dans la
mesure où, il s’agit du sujet lui-même qui vient former la preuve de son discours par le
truchement de son ethos. L’ethos est le creuset des caractères et des valeurs morales qui
instruisent le discours de l’orateur. Aussi tenter de partager une vérité avec l’auditoire peut-il à
la fois appeler à la convocation de ressources objectives comme être fondé sur la personne

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 95
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
même du locuteur perçue comme un gage de crédibilité. C’est dans le contexte où la crédibilité
du locuteur à travers ses traits intrinsèques permet d’authentifier à raison la substance de son
discours que cette réflexion se situe. Ce qui constitue le premier atout du sujet dans l’exercice
de persuasion, c’est d’abord le crédit moral de sa personne. Aussi en se proposant comme une
pièce à conviction susceptible d’entretenir la confiance avec son auditoire, le locuteur parvient-
il à ressortir deux dimensions importantes du discours sous la forme d’un enjeu stratégique sui
generis : convaincre et séduire. Comment les valeurs morales de l’orateur peuvent-elles
soutenir un discours ? En quoi la proposition de soi comme élément de preuves discursives
peut-elle emprunter une option stratégique ? La réflexion s’inscrit dans une logique
essentiellement théorique. Tout d’abord, une approche de l’ethos du sens au fonctionnement est
faite. Par la suite, l’équilibre discursif qui fonde la symétrie entre le locuteur et l’auditoire à
travers le logos et l’ethos est montré. En définitive, la chute de l’effet suscité (pathos) sur
l’auditoire est perçue comme une émanation de l’étroite combinaison entre l’ethos et le logos.

1- L’Ethos : du sens au fonctionnement


L’ethos exprime le vécu de l’orateur. C’est au quotidien que l’œuvre humaine acquiert des
dimensions et se peaufine. Il en est de même pour l’Homme lui-même. La société dans laquelle
il vit se présente comme un baromètre. Autant il y acquiert des habitudes de citoyenneté, autant
il y laisse des traces relatives à son propre caractère. Dans la conception aristotélicienne, l’ethos
réfère à l’ensemble des caractères que l’Homme reflète dans et à travers la société. En effet,
l’ethos est relatif au mode de vie du citoyen. Pour D. Maingueneau, c’est : « l’ensemble des
déterminations physiques et psychiques attachées par les représentations collectives au
personnage de l’orateur » (1999 : 79).

En tant que tel, l’Homme incarne des valeurs. Aussi parce qu’il est « un être politique et
naturellement fait pour vivre en société, Aristote (Ethique à Nicomaque : IX, 9, 1169 b),
s’impose-t-il une mesure de vie conformément à son milieu d’appartenance. Tout caractère
qu’il présente repose sur cette dualité existentielle au polissement du « moi ».

Par ailleurs, vu que la communication est une nécessité de société, l’expression d’idées va
permettre à ce dernier de s’y inscrire. La parole, dans le sens de E. Benveniste (1974), devient
ainsi un mécanisme opérationnel d’approche du sujet parlant. En effet, de manière directe ou
indirecte, l’Homme est au centre de tout. En microstructure, il incarne le cheminement des
choses qui constitue son environnement. Il leur donne un sens par rapport à ses impulsions
personnelles. Mais dans le fonctionnement macrostructural des événements, après avoir pris

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 96
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
conscience de certaines dimensions de l’existence dans l’ordre établi des choses, il œuvre à
affirmer sa fonction de sujet en apportant sa touche à l’existant. Il ne se résigne pas face aux
épreuves, mais agit plutôt à dépasser ses limites à travers des pas de géants, référence faite par
exemple aux incursions sur la lune. En fait, ce qui est ici révélé, c’est la valeur subséquente qui
caractérise l’Homme, valeur à travers laquelle il se révèle au monde.

Au demeurant, il ressort de ces approches une démarche qualitative de l’1habitus comme critère
d’opérativité de l’existence humaine faisant "corps" avec l’ethos. De fait, la pensée reste logée
aux carcans de l’abstrait tant qu’elle n’est pas divulguée par la parole. Que ce soit en dialogue,
locuteur (vs) interlocuteur, ou en situation dialogique, énonciateur (vs) lecteur, la charge
énonciative que mobilise l’émetteur est indicative de ses expériences personnelles. A partir de
ce critère essentiel qui instruit le discours de ce sujet, être pour lui en face d’un auditoire
explicite ou implicite suppose que ce vis-à-vis établit une influence mutuelle. En même temps
que le sujet parlant convoque l’assurance de son vécu, il ajuste ses propos en fonction des
expériences encyclopédiques de son auditoire, encore que toute interaction est par essence
conflictuelle. Il ne s’agit pas que de tenir un discours sur la base des valeurs personnelles en
termes d’expériences fondées sur le caractère moral à partager. Pour que l’habitus serve
efficacement l’ethos, il doit reposer sur un dynamisme de communication qui unit à la fois
l’expérience du locuteur aux réalités de son milieu, et surtout, celui-ci doit tenir compte des
habitudes de vie de l’auditoire auquel il s’adresse. P. Charaudeau souligne : « tout acte de
langage émane d’un sujet qui gère sa relation à l’autre (principe d’altérité) de façon à
l’influencer (principe d’influence) tout en devant gérer une relation dans laquelle le partenaire
a son propre projet d’influence (principe de régulation) » (2005 : 12).

En somme, l’ethos soumet les caractères de l’orateur au projet discursif qui, implicitement,
traduit une visée argumentative. Mais dans cette démarche, quand bien même les habitudes ou
les expériences personnelles du sujet peuvent participer du dessein illocutoire, la précaution à
considérer l’opinion d’autrui est importante. Cela explique certainement pourquoi le dire dans
sa vertu d’évidence situationnelle se perçoit comme une dimension élaguée de l’ethos.
L’évocation d’un fait est arbitrairement l’émanation d’une réalité situationnelle, quitte au
locuteur de savoir prendre de la distance afin de conférer à son discours un ancrage
vériconditionnel.

1
« Comportement acquis, caractéristique d'un groupe social, quelle que soit son étendue, et transmissible au point
de sembler inné. », http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/habitus.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 97
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
2- La convocation du dire
Quand le discours convoque l’évidence situationnelle, cela suppose qu’il s’inscrit dans le cadre
du logos. En effet, « le logos est la démonstration, c’est-à-dire la dimension logique du
discours », (J. Vilmer, 2008 : 460). La perspective de convaincre que suppose l’analyse
démonstrative repose sur un substrat dialectique. Que l’interlocuteur soit physiquement présent
ou absent, le dire orienté à son endroit ne s’exporte guère sans la prise en compte de ses
assentiments. Par ailleurs, donner vie à une argumentation, c’est établir le relais d’influence
entre une prétendue logique assertive et la susceptibilité que cette assertion soit appréciée à sa
juste valeur par l’auditoire. La raison de dire propose certes une avancée dans le processus de
l’interaction au but de convaincre, mais, à partir du moment où l’argumentation négocie
l’adhésion de l’auditoire, le critère délibératif est forcément mis en cause. Les approches de J-
B. Grize et E. Benveniste à ce sujet sont édificatrices. Pour le premier :

l’ argumentation considère l’interlocuteur, non comme un objet à manipuler mais


comme un alter ego auquel il s’agira de faire partager sa vision. Agir sur lui, c’est
chercher à modifier les diverses représentations qu’on lui prête, en mettant en
évidence certains aspects des choses, en en occultant d’autres, en en proposant de
nouvelles. J-B. Grize (1990 : 41)

Et pour le second, « toute énonciation suppose un locuteur et un auditeur, et chez le premier


l’intention d’influencer l’autre en quelque manière » (Benveniste, 1974 : 241). Si
l’argumentation vise à agir sur autrui de sorte à le convaincre, la finalité escomptée comporte
en son acception les moyens dont le locuteur doit se doter pour atteindre ce but. La rigidité de
la forme d’expression n’est pas systématique du résultat. Dans la mesure où la révélation du
logos émane d’une situation antérieure qui sous-tend le projet discursif du sujet, ladite
révélation va mobiliser le truchement du consensus. C’est en effet, une sorte de négociation que
le locuteur entreprend mais avec des arguments d’une autorité supposée objective. Pour
P. Oléron, « l’argumentation est la démarche par laquelle une personne - ou un groupe -
entreprend d’amener un auditoire à adopter une position par le recours à des présentations
ou assertions- arguments - qui visent à en démontrer la validité ou le bien-fondé » (1987 : 4).
Or, la proposition de « la validité ou (du) bien fondé » d’un fait engage inéluctablement le bon
sens de l’auditoire. Pour que l’auditoire participe au projet du locuteur, il faudrait qu’il
perçoive l’utilité de l’argumentation qui lui est proposée.

Le logos en soi n’entame pas systématiquement l’adhésion de l’interlocuteur sans que ce


dernier n’ait franchi l’étape de la conversion de ses idées personnelles à l’unicité de celles qui
lui sont soumises. Il s’agit en fait « de mettre en œuvre un raisonnement dans une situation de
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 98
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
communication. » (P. Breton 1996 : 3). A partir de cet instant, la convocation du dire, reste
une instance essentielle mais inachevée par rapport au processus de persuasion.

Si Aristote s’était déjà interrogé sur la nécessité d’argumenter sur l’évidence, l’apport de C.
Perelman et O. Tyteca (1974) dans la restauration du débat sur l’évidence face au plausible en
argumentation ces dernières décennies, est à saluer. Pour ces philosophes du langage, c’est
l’effort de réflexion qui permet l’entretien de l’esprit critique. Or, si pour un énoncé quelconque
la trivialité doit être de facto portée au triomphe d’un accord totalitaire des points de vue, où
serait donc l’enjeu de réflexion ? Dans la mesure où le plausible est la place qui est accordée au
doute, cela établit une certaine dynamique dans la quête de la vérité. Le dire ne relève pas de
l’absolu. Parce qu’il est le produit d’une pensée humaine, le logos est porté au creuset de la
relativité afin de faire prééminer l’instance situationnelle du discours. Aristote a également
mené un raisonnement sur cette question. Pour lui : « même si nous possédions la science la
plus exacte, il ne nous serait pas facile de persuader certaines personnes en nous appuyant
uniquement sur elle. » Topiques (1355a, 24).

L’objectivité présumée de toute assertion comporte en elle-même des niveaux ou des degrés
d’accessibilité. C’est en fonction des données encyclopédiques qui occupent le champ de
connaissance de l’auditoire, que celui-ci est appelé à délibérer sur la teneur des propos du
locuteur. L’activité discursive appelle donc une confrontation des savoirs, ainsi, parvenir à
amener l’autre vers soi demande une autorisation tacite de ce tiers à admettre la supériorité des
arguments à lui soumis. Il y a discours de vérité parce que celui à qui ce discours ou cette vérité
est adressée sait l’admettre comme telle et parvient à en faire la juste lecture. Aucune
énonciation n’est faite pour le sujet lui-même. Le locuteur s’exprime parce qu’il a quelque
chose à partager avec autrui. Autrui est donc une condition nécessaire dans le processus de
crédibilité du dit.

En un mot, même si l’optique d’objectivité reste un critère fondamental dans le partage d’idées,
la question du logos constitue le produit ou le résultat d’un acte illocutoire qui engage à la fois
le sujet et l’auditoire. Il y a certes raison pour le sujet de dire, mais cela implique une adhésion
souhaitée de l’interlocuteur. L’acte discursif se présente ainsi comme un système naturellement
interactif au cours duquel le sujet, pendant qu’il dit, subséquemment, se révèle à son auditoire.
Ce que K. Orecchioni (1990 : 17) souligne en ces termes : « parler c’est échanger, et c’est
changer en échangeant ».

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 99
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

3- Quand dire, c’est se dire


La vérité n’est pas l’affirmation d’une précarité hypothétique, c’est l’énonciation d’une
conviction forte qui anime le locuteur, laquelle conviction est le reflet de la notoriété qui engage
ce locuteur dans sa prise de parole. Selon M. Bakhtine :

Toute énonciation, même sous forme écrite figée, est une réponse à quelque
chose et est construite comme telle. Elle n’est qu’un maillon de la chaîne des
actes de parole. Toute inscription prolonge celles qui l’ont précédée, engage une
polémique avec elle, s’attend à des réactions actives de compréhension, anticipe
sur celles-ci, etc. M. Bakhtine (1977:105).

Dans son projet discursif, le sujet prend à "corps" la pleine mesure de la situation qui l’engage
à agir. En tant que produit de la société dont il relève, celui-ci se pose en médiateur par rapport
à l’approche qu’il fait des événements. Il a certes une position à défendre, mais vu que
l’auditoire n’est pas forcément acquis à la cause de son discours, le sujet est censé adopter une
posture "d’homme du peuple". Ce que P. Charaudeau appelle « le miroir citoyen » (2005 : 66).

Par ailleurs, des caractéristiques telles que la disponibilité, le don de soi, le courage, etc.
occupent un intérêt particulier dans le champ de l’ethos. En effet, le fait même pour le locuteur
de s’inviter à porter idées sur une situation donnée, marque une certaine disposition à participer
à l’équilibre de son environnement. Supposons un instant qu’un énonciateur tente de proposer
un avis pour résoudre une éventuelle crise, le simple engagement à proposer une solution est
déjà louable, quoiqu’il ait une position à défendre. De même, par rapport aux réalités de l’air
de ce temps, c’est implicitement l’image d’une personne investie à la cause du juste au péril de
sa propre vie qui ressort. A peser tous les risques et les menaces qui prévaudraient dans un
environnement pareil, le fait pour le sujet de vouloir montrer à l’auditoire le chemin à suivre
relève d’un courage sans pareil. En affirmant ou en se prononçant sur un fait, ce sont ses valeurs
personnelles d’homme déterminé, courageux et vertueux que le locuteur met en avant.

Au demeurant, cette aptitude à laisser des traces de soi à travers le discours indique un aperçu
stratégique de l’ethos. En effet, tout ce que le locuteur dit est intimement lié au discours. Il
s’agit d’une sorte de révélation de soi à l’occasion d’un fait précis. Ce n’est pas un plaisir pour
le sujet de parler de lui, mais c’est en fonction de la situation que sa personne vient se porter
comme le garant d’une panacée qu’il faut s’approprier. Ce système du « moi » par le dire repose

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 100
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
sur un type de contrat de compétence dont la pertinence se perçoit par la performance du
discours. Le discours n’impose rien, mais il propose.

Par ailleurs, c’est dans l’efficacité des propositions au truchement du « moi » que réside
l’approche collaborative et participative de l’auditoire. L’énonciateur sollicite en réalité
l’accord de cette entité, mais il présente les choses de sorte que celle-ci se sente bénéficiaire
d’une cause pour laquelle il s’investit. Si le sujet doit jouir des résultats de la quête induite à
travers le discours, c’est en arrière plan de ses intérêts. Vu que l’ethos n’est pas égoïste, mais
œuvre à une approche de bonheur partagé, le sujet énonciateur va s’attirer l’estime d’un porteur
d’espoir. Dans l’interaction qu’il instaure, le locuteur met en avant les intérêts de son auditoire.
Il peut même aller à l’interpellation, tel un éveilleur de conscience. En substance, nul ne peut
porter sur lui le bien-être d’autrui, s’il n’est animé intrinsèquement d’un altruisme. Et ce qui est
intéressant à ce niveau, c’est que l’ethos est relatif au jeu du discours ainsi qu’aux probables
effets que ce discours pourrait susciter. C’est dans le discours que tout se déroule. En se
montrant dévoué à la cause du public, l’énonciateur convainc non seulement par la force des
mots mais surtout par son "humanisme".

En somme, le discours construit est inéluctablement un discours de l’ « en soi » au « pour soi ».


A partir des profondeurs qui l’incarnent, l’énonciateur s’ouvre au monde. Au projet du dire à
travers l’ethos, se pose l’enjeu de séduire.

4- Quand se dire, c’est séduire


Tout acte de parole, quelque objectif qu’il prétend être, construit une image du sujet parlant.
L’énonciation entraîne avec elle, aussi bien une dimension purement subjective, qu’une
subjectivité qui transparait sous la forme d’objectivité. Mais, en privilégiant le cas où le sujet
parlant sait prendre de la distance dans son rapport aux événements, il apparaît de manière
induite une force de séduction naturelle. En effet, si l’on en croit D. Maingueneau (1999: 77)
« l’ethos se déploie sur le registre du « montré » et, éventuellement, sur celui du « dit ». Son
efficacité tient au fait qu’il développe en quelque sorte l’énonciation sans être explicité dans
l’énoncé. (…) [En bref] l’ethos se montre, il ne se dit pas ». Il ne s’agit pas pour le locuteur de
dire à tel ou tel endroit de son texte, qu’il est honnête, juste, ou encore qu’il possède une valeur
morale qui devrait favoriser l’adhésion de l’auditoire à la substance de ses propos. C’est plutôt
dans le discours que cela se perçoit. Ainsi, en établissant un détachement de soi par rapport à
l’objectivité de son argumentation, le sujet donne force et pertinence à ses idées. L’image qui

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 101
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
caractérise ce style est la proposition d’un signifiant, forme abstraite du discours au salut d’un
signifié, l’enjeu que celui-ci vise à partager.

Par rapport à cette hauteur qu’il prend dans son acte de parole, le sujet discursif suscite
discrètement, mais avec efficacité, une attention sur sa personne. Dans l’entendement
d’Aristote : « on persuade par le caractère (ethos) quand le discours est de nature à rendre
l’orateur digne de foi, car les honnêtes gens nous inspirent une confiance plus grande et plus
prompte. » (Rhétorique II : 1356a). Cela dit, c’est en se montrant simple et bienveillant dans
son discours que l’orateur parvient à créer l’empathie entre l’auditoire et lui. Les attributs
moraux qu’il présente dans son discours fondent la crédibilité des arguments convoqués. Aussi
l’ethos devient-il un moyen d’authentification du logos. Dans une première mesure, le discours
rassure à partir de l’évidence qui le compose. Mais dans une seconde vision qui pourrait même
à dessein tutoyer l’option de précellence indiquée, c’est l’orateur qui crée les conditions de
certification de son discours par l’auditoire.

En outre, l’image que véhicule le sujet est d’autant plus forte et participative du discours quand
elle fait cohabiter le critère émotionnel, pas seulement comme une expression de la nature
sensitive, mais comme une mise en mouvement de la pulsion sociale. En effet, le pathos n’a
pas pour unique caractéristique la manifestation pathémique que vise à susciter l’orateur. A
partir du moment où les émotions ont une raison sociale, elles constituent un « signe de
reconnaissance pour les membres d’un groupe, elles reposent sur un jugement collectif qui
s’institue en une sorte de règle morale ». P. Charaudeau (2000 : 126). S’exprimer de sorte à
persuader l’auditoire du bien fondé des idées développées constitue un enjeu probant dans
lequel les différents acteurs formalisent une complicité situationnelle.

Le pathos ou l’expression des émotions fait partie du quotidien existentiel des personnes
morales et physiques qui vivent en société. L’émotion est donc partie prenante du raisonnement
du locuteur. En revanche, c’est quasiment une sorte de contrat social auquel les interactants
souscrivent dans l’équilibre discursif au jeu du partage des éprouvés. La représentation que le
sujet fait d’une situation construit à la fois un savoir déterminé et des savoirs de croyances
révélées.

Par ailleurs, à ce niveau d’opération dans le rapport des faits, il y a un lien qui s’établit entre le
logos, l’ethos et le pathos. Le discours argumentatif se présente, en effet, comme un mouvement
de sens qui mobilise la vérité en tant que modalité fonctionnelle du dire, mais qui dans le même

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 102
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
moment, est susceptible de prendre en compte tout système interactif à mesure de faire
apparaître les choses sous la forme de vérité. Pour R. Amossy :

les moyens discursifs que mobilise l’entreprise de persuasion relèvent aussi bien
du logos que de l’ethos et du pathos, et c’est la façon dont elle les noue dans un échange
concret effectué dans une situation de discours particulière qui confère à la parole sa
force de persuasion. R. Amossy (2008 : 6)

Il n’est donc pas question de détacher l’ethos du logos, encore moins l’ethos du pathos. Ces
concepts, systèmes d’idées, opèrent dans une synergie au projet d’une visée argumentative
commune, faire adhérer l’auditoire au point de vue soumis à son assentiment. En ce sens, ce
qui est dit avec aisance et simplicité consacre un équilibre de pensée qui restitue au locuteur
l’enjeu d’une séduction proactive. C’est dans la trilogie ethos, logos et pathos qu’il faut
rechercher la justesse et l’efficacité du discours. Selon E. Eggs qui résume l’opinion d’Aristote
à cet effet :

« les orateurs inspirent confiance, (a) si leurs arguments et leurs conseils sont
compétents, raisonnables et délibérés, (b) s’ils sont sincères, honnêtes et équitables et
(c) s’ils montrent de la solidarité, de l’obligeance et de l’amabilité envers leurs
auditeurs.» E. Eggs (1999 : 41)

Si l’ethos constitue, selon Aristote, « la plus importante des preuves discursives » (Rhétorique
I, 1 356a 13), c’est parce qu’il est essentiellement fondé sur l’Homme. A priori, l’ethos n’est
pas une stratégie de discours. Il est le porte-flambeau des attributs moraux que le sujet utilise
pour servir son argumentation. Mais, c’est dans l’instant où l’ethos garantit au logos une force
de persuasion par le truchement du pathos qu’elle prend une option stratégique. A travers le
dire, le locuteur se dit. Et en se disant, il convoque le crédit de sa personne morale pour faire
appel au bon sens de l’auditoire. Par ce jeu de l’esprit, séduire n’est autre qu’un effet relatif au
discours.

Conclusion
L’ethos revêt les caractéristiques du discours accompli. Non seulement il s’appuie sur la raison
de dire, mais il fonde d’autorité l’opinion du sujet et il est susceptible de produire un effet
émotionnel sur l’auditoire. A la personne morale de l’orateur viennent se greffer le logos et le
pathos. Dans ses attributs discursifs, l’ethos porte l’estime des valeurs du sujet dans le sens des
caractères moraux de celui-ci. L’ethos « ne se dit pas » mais « il se montre », ce qui veut dire
qu’il relève du discours. Il est porteur d’une évidence situationnelle et projette par sa nature un
effet relatif au fonctionnement illocutoire du discours. Sa dimension stratégique émane ainsi de
ses principes et de ses critères opérationnels. Il s’agit d’une influence intrinsèque du discours à

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 103
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
travers le « moi » dans ses composantes spécifiques. L’énonciateur est presqu’une victime du
choix bénévole de persuader au gage de sa personne. La dimension stratégique de l’ethos est
inchoative. Il y a une sorte de présomption d’innocence qui instruit la charge du discours et lui
garantit ainsi un succès en termes d’effets projetés. C’est de toute évidence que le caractère
naturel du locuteur présenté comme un devoir moral à servir l’auditoire projette une dynamique
cohésive entre ces deux entités. A partir de là, l’effet de séduction qui se rapporte au discours
se profile en un système générique relatif à une courtoisie de bon sens entre le locuteur et
l’auditoire.

Bibliographie
Amossy Ruth (2008), Argumentation et Analyse du discours : perspectives théoriques et

découpages disciplinaires, in Argumentation et analyse du discours, la revue

électronique du groupe ADAAR, https://aad.revues.org/200.

Amossy Ruth (1999), Images de soi dans le discours. La construction de l’ethos, Genève,

Delachaux et Niestlé.

Aristote (1965), Ethique à Nicomaque, traduction, préface et notes de Jean Voilquin, Paris

Garnier, GF-Flammarion.

Aristote (1960), Rhétorique, livre II, texte établi et traduit par Médéric Dufour, Paris, Les Belles

Lettres.

Aristote (2002), Rhétorique, livre I, texte établi et traduit par Médéric Dufour, Paris, Les Belles

Lettres.

Arsistote (1967), Topiques, texte établi par Jacques Brunschvicg, Paris, Les Belles Lettres.

Bakhtine Michaël Volochinov (1977), Le marxisme et la philosophie du langage, Paris,


Éditions de Minuit.

Benveniste Emile (1974), Problème de linguistique générale, tome 2, Paris, Gallimard.

Breton Philippe (2016 [1996]), L’argumentation dans la communication, Paris, La découverte.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 104
DU FONDEMENT DISCURSIF … GBAKRE
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Chaïm Perelman et al (1970 [1958]), Traité de l’argumentation. La nouvelle rhétorique,

Bruxelles, Université de Bruxelles.

Charaudeau Patrick (2005), Le discours politique. Les masques du pouvoir, Paris, Vuibert.

Charaudeau Patrick (2005), Une problématisation discursive de l’émotion, à propos des effets

de pathémisation à la télévision, in les émotions dans les interactions, Lyon, Presses

universitaires.

Eggs Ekkehard (1999), Ethos aristotélicien, conviction et pragmatique moderne, in Images de

soi dans le discours. La construction de l’ethos, Genève, Delachaux et Niestlé.

Grize Jean-Blaise (1990), Logique et langage, Paris, Ophrys.

Kerbrat Orecchioni Catherine (1990), Les interactions verbales, tome 1, Paris, Armand Colin.

Maingueneau Dominique (1999), Ethos, scénographie, incorporation in Images de soi dans le

discours, la construction de l’ethos, Genève, Delachaux et Niestlé.

Oléron Pierre (1987), L’argumentation, Paris, Presses universitaires de France.


Vilmer Jean-Baptiste Jeangène (2008), Ethique animale, Paris, Presses universitaires de France.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
GESTE ET VOIX N° 24 105

Vous aimerez peut-être aussi