Economie Politique Des Medias

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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA COMMUNICATION ET THÉORIE CRITIQUE

DES MÉDIAS
Épistémologie d’un héritage théorique critique

Christophe Magis

La Découverte | « Réseaux »

2016/5 n° 199 | pages 43 à 70


ISSN 0751-7971
ISBN 9782707191106
DOI 10.3917/res.199.0043
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-reseaux-2016-5-page-43.htm
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ÉCONOMIE POLITIQUE
DE LA COMMUNICATION ET THÉORIE
CRITIQUE DES MÉDIAS

Épistémologie d’un héritage théorique critique

Christophe MAGIS
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« Toujours la nature, conformément à sa tâche mystique qui est de préserver
l’élan créateur, donne à l’enfant aversion et mépris pour les goûts paternels.
Elle ne veut pas un héritage commode et indolent, une simple transmission et
répétition d’une génération à l’autre : toujours elle établit d’abord un contraste
entre les gens de même nature et ce n’est qu’après un pénible et fécond détour
qu’elle permet aux descendants d’entrer dans la voie des aïeux. »
Stephan Zweig, La Confusion des sentiments

« Économistes critiques, ils ont incontestablement subi l’influence


de l’École de Francfort, sans toutefois considérer avec Theodor W. Adorno
que la raison instrumentale aboutit à nier toute valeur en soi et toute aura
à la culture diffusée par les médias de masse. »
Bernard Miège, La pensée communicationnelle.

D
ans le champ des analyses critiques en communication, il est com-
munément admis un héritage théorique entre l’économie politique
de la communication et l’École de Francfort. Dans l’essentiel des
travaux en français, notamment (mais pas uniquement), c’est désormais un
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lieu commun de présenter l’approche de l’économie politique de la communi-
cation dans son ensemble (Miège, 2004 ; 2000), ou de certains de ses travaux
spécifiques (surtout concernant l’industrie musicale, cf. Matthews et Perti-
coz, 2012), en commençant par rappeler les textes pionniers de Max Horkhei-
mer et Theodor Adorno (1974) autour du concept d’industrie culturelle ou
de Walter Benjamin (2000) concernant la reproductibilité de l’œuvre d’art.
Aussi, il semble y avoir en général un moment dans les recherches récentes
portant sur les questions des structures de propriété médiatique ou tâchant
de produire une socioéconomie de la production culturelle, où quelques réfé-
rences rapides à ces auteurs canoniques est de mise (e.g., Chantepie et Le
Diberder, 2010 ; Benhamou, 2002). Toutefois, cette ascendance s’avère le
plus souvent assumée de manière assez lointaine et mal assurée, comme une
référence obligée, gage de sérieux théorique, mais qui ne débouche quasiment
jamais sur une véritable élaboration épistémologique. D’ailleurs, au-delà de
cet aspect apparemment inévitable de la référence, lorsque les travaux des
théoriciens francfortois sont cités, c’est généralement, certes, pour saluer un
46 Réseaux n° 199/2016

instant leur salve critique, mais aussi et surtout pour rapidement indiquer leurs
limites, qu’une approche en économie politique de la communication permet-
trait de dépasser. Ainsi, autant la théorie critique des médias fait-elle en réalité
souvent office de repoussoir (Voirol, 2010), autant pour parler de la produc-
tion médiatique et de l’industrialisation de la culture, il semble difficile de
la passer sous silence, alors même qu’on ne voit pas toujours vraiment quoi
en faire. Dès lors, les paragraphes consacrés à rappeler cet héritage sont en
général bien peu investis théoriquement : on parle d’Adorno et Horkheimer
de très loin, au mieux à partir de ce qu’en ont dit certains de leurs spécialistes
attitrés (e.g., Marc Jimenez ou Martin Jay), sans véritablement revenir aux
textes dont on cite toujours les mêmes passages-choc (généralement issus du
chapitre central de la Dialectique de la Raison), devenus poncifs, comme si
les penseurs allemands n’avaient rien écrit d’autre que ces quelques lignes-
choc et comme si l’on pouvait penser un tel héritage à partir de ces dernières 1.

Cet article se propose d’étudier les rapprochements épistémologiques qu’il est


possible de faire entre les deux traditions. En revenant, sur plusieurs textes de
la première génération de l’École de Francfort et sur un ensemble de contri-
butions importantes en langue française et anglaise à l’économie politique
de la communication, nous voulons analyser, sur certains points essentiels,
l’héritage théorique que l’une retire de l’autre afin de penser scientifique-
ment les éventuelles divisions et la nécessité d’un addendum théorique. La
période actuelle étant, notamment dans le monde anglophone, à la réflexion
d’ensemble sur les appuis épistémologiques de l’économie politique de la
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communication (Fuchs et Mosco, 2016 ; Wasko, Murdock et Sousa, 2011 ;
Hardy, 2014 ; Winseck et Jin, 2012 ; Calabrese et Sparks, 2004), ainsi que
sur les possibilités d’un « dialogue » de cette approche avec d’autres tra-
ditions critiques et notamment les Cultural Studies (Maigret et Rebillard,
2015 ; Ouellet, 2014 ; Hesmondhalgh, 2007), il nous semble en effet qu’un
tel approfondissement de son ancrage dans la Théorie critique serait un jalon
de départ nécessaire, et aujourd’hui largement réclamé à défaut d’être réel-
lement investi. La proposition principale qui sous-tend notre analyse est
que la « critique » de l’approche francfortienne de l’industrie culturelle voit

1.  Bien sûr, il faut reconnaître que lorsque bon nombre des premiers textes de l’économie poli-
tique de la communication ont été écrits, peu de traductions des auteurs de l’École de Francfort
étaient disponibles en français ou en anglais mises à part celles des textes d’Herbert Marcuse.
Au fur et à mesure de la diffusion plus large des traductions, notamment depuis les années
2000, certains auteurs ont tempéré leur véhémence initiale à l’encontre de la Théorie critique
des médias, voire n’y ont plus du tout fait référence.
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 47

habituellement les chercheurs en économie politique autocaricaturer les posi-


tions émanant de leur propre approche en caricaturant les postures supposées
de la Théorie critique (cf. l’extrait de Miège en exergue supra), y compris
d’ailleurs également pour les rares auteurs qui semblent chercher à défendre
cette dernière. Si cette rhétorique d’épouvantails aide, en grossissant les traits,
à saisir a priori les divisions théoriques, cela ne permet pas vraiment d’éla-
boration épistémologique vers ce qui serait une approche critique renouvelée
des médias. Persuadés, avec David Hesmondhalgh que désormais, « [l]a ques-
tion n’est pas seulement de montrer que deux intellectuels allemands écrivant
au milieu du [XXe] siècle avaient tort » (2007, p. 17), mais aussi que l’intérêt
n’est pas non plus de statuer sur à quel point ils avaient tout à fait raison, en
saluant l’actualité « visionnaire » de leurs analyses, et qu’« [i]l ne faut pas
vouloir faire dire à l’École de Francfort plus qu’elle n’a pu dire à travers ses
avancées et ses tâtonnements » (Mattelart et Mattelart, 1986, p. 137), nous
défendrons que c’est plutôt en reformulant les questions que l’économie poli-
tique pourrait poser à la Théorie critique de manière à ce que cette dernière
puisse répondre que les tensions entre les deux approches pourraient – sans
qu’on cherche à les minimiser – offrir de nouvelles propositions dynamiques
pour une approche matérialiste de la culture et des médias.

QUELLE ÉCONOMIE POLITIQUE ? QUELLE THÉORIE CRITIQUE


DES MÉDIAS ?
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Avant d’entamer ce travail d’analyse épistémologique à proprement parler, il
convient d’abord de définir et situer plus précisément les approches auxquelles
nous allons nous intéresser. Il faut ainsi reconnaître dans un premier temps
qu’il est bien difficile de parler d’une tradition en économie politique de la
communication, surtout de manière globale, tant les approches qui s’en récla-
ment ont été et sont toujours relativement composites et plurielles (Miège,
2004), malgré des efforts épistémologiques réalisés sur la dernière décennie
pour essayer de penser leur unité. Il est même parfois assez difficile de s’y
retrouver, entre des approches se revendiquant précisément d’une économie
politique « des communications de masse » (Murdock et Golding, 1973 ;
Garnham, 1990), plus simplement de « la communication » (Bouquillion et
Combès, 2007 ; Wasko, 2001 ; Mosco, 2009), de « la culture » (Calabrese et
Sparks, 2004 ; Garnham, 2011) ou « des médias » (Hardy, 2014 ; Winseck et
Jin, 2012) ; la plupart s’assumant « critiques » sans forcément en préciser les
attendus, d’autres appuyant la critique dans leur dénomination même (Hardy,
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2014 ; Fuchs, 2014b). Analysant cet ensemble composite, James Curran pro-
pose justement d’utiliser la critique comme point de repère : « l’économie
politique des médias a deux bords [two wings] » (2014, p. xiv), un bord droit
et un bord gauche. Ce rappel nous semble ici judicieux. Si la rareté des ten-
tatives pour penser l’unité de l’approche et cartographier ses propositions a
retardé le diagnostic, force est de constater qu’il existe en réalité plusieurs
traditions au sein de l’économie politique de la communication, dont certaines
ne sont tout bonnement pas critiques (Winseck, 2012) : l’héritage de la Théo-
rie critique des médias ne les concerne donc pas.

Une fois cette première distinction opérée, l’économie politique (qu’on qua-
lifie alors souvent de « critique ») de la communication, des médias et de la
culture 2 se distingue alors des approches économiques plus classiques par la
centralité qu’elle accorde à la question des rapports de pouvoir qui structurent
tant la production, la diffusion que la réception des textes culturels et média-
tiques dans une tradition dérivant, de manière plus ou moins affirmée selon
les cas, du matérialisme historique et de la critique de l’économie politique 3.
Il demeure toutefois plusieurs traditions au sein de ce « bord » critique, tra-
ditions liées à des tendances théoriques différentes à partir desquelles appré-
hender les rapports des médias à l’économique et au politique : l’économie
politique de la communication, même critique, n’est pas une approche unifiée.
La cartographie que propose Vincent Mosco (2009) offre une appréhension
géographique de ces différentes traditions, suivie par d’autres auteurs, notam-
ment en ce qui concerne les traditions « européenne » et « américaine ». Ainsi
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Hesmondhalgh s’appuie-t-il sur ce découpage pour distinguer notamment une
tradition nord-américaine, incarnée par des auteurs comme Dallas Smythe,
Herbert Schiller ou Robert McChesney, tradition principalement concernée
par l’étude « de la croissance de la richesse et de la puissance des industries
médiatiques et la documentation de leurs liens avec des alliés économiques et
politiques » (Hesmondhalgh, 2007, p. 35) et une tradition plus européenne et
québécoise, gravitant autour des figures de Miège, Nicholas Garnham, Gaëtan
Tremblay, Graham Murdock ou encore Peter Golding. Celle-ci, qui s’appuie
davantage sur le marxisme et la sociologie de la culture, serait plus à même
de penser la complexité des industries culturelles et « leurs contradictions, les

2.  On ne conserve généralement qu’un seul terme dont le choix est quelquefois cause de débats
épineux dans lesquels nous n’entrerons pas ici (cf. Wasko 2001 ; Wasko, Murdock et Sousa,
2011).
3.  Pour affirmer davantage la parenté avec le matérialisme, certains auteurs parlent de « cri-
tique de l’économie politique de la communication » (Ouellet, 2014 ; Fuchs, 2014b).
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 49

conditions spécifiques des industries culturelles, les tensions entre production


et consommation, le travail de création symbolique, l’information et le diver-
tissement, les variations historiques dans les relations sociales au sein de la
production culturelle » (Hesmondhalgh, 2007, p. 35). Si l’on peut, à l’instar
de Jonathan Hardy (2014, p. 34), qualifier tel découpage de plus stratégique
que véritablement épistémologique de la part d’un auteur anglais (bien des
apports plus américains, bien que moins centrés sur la question des muta-
tions des industries culturelles, n’en sont pas moins concernés par l’étude des
créateurs de symboles et des processus d’industrialisation du symbolique),
elle révèle tout de même des intérêts de recherche divers 4. Si la tentative
de généralisation présente toujours l’inconvénient d’écraser quelque peu la
complexité des situations, il n’en demeure pas moins que cette tradition euro-
péenne (et principalement anglo-française et québécoise) a été dès ses débuts
aux prises avec les questions d’industrialisation de la culture, par l’engage-
ment de ses auteurs dans la définition des politiques publiques liées à la pro-
duction culturelle (Curran, 2004 ; Miège, 2000 ; Mattelart et Piemme, 1980).
C’est d’ailleurs dans les travaux pionniers de cette tradition qu’à partir des
années 1970, on peut trouver les premières tentatives de diffusion en anglais
des textes des philosophes allemands (cf. Curran, Gurevitch et Woollacott,
1977). Nous nous appuierons donc ici sur ces apports européens et québécois
au courant de l’économie politique critique de la communication, plus centrés
sur les questions liées aux « industries de la culture et de la communication »
et dont les figures tutélaires sont Garnham et Miège. Il s’agit d’ailleurs de la
tradition en économie politique de la communication qui a eu le plus à réflé-
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chir dès l’origine son propre rapport aux propositions de la Théorie critique
des médias, la reprise d’un concept comme celui d’industrie culturelle néces-
sitant quelque précaution épistémologique. C’est aussi, en conséquence, dans
les travaux des épigones actuels de cette tradition que se trouve l’essentiel des
références « obligées » aux travaux des philosophes allemands, la tradition
américaine ne les mentionnant que plus rarement 5.

Pour ce qui concerne la « Théorie critique des médias », nous reprenons


ici la dénomination à Voirol (2010) qui entend par là réunir l’ensemble de

4.  Il conviendrait d’ailleurs de compléter cette cartographie en considérant aussi l’ensemble


des propositions critiques issues des pays du Sud. S’ils ne sont pas inexistants, ces complé-
ments sont bien rares dans les travaux euro-américains.
5.  Il est d’ailleurs frappant de remarquer que pour les travaux nord-américains, c’est d’une
manière générale plutôt la tradition issue des Cultural Studies qui se préoccupe de l’héritage
de la Théorie critique des médias (cf. notamment Kellner, 2010 ; Durham et Kellner, 2006).
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travaux critiques sur les médias et la production culturelle réalisés par plu-
sieurs penseurs gravitant autour de l’Institut für Sozialforschung de Francfort
– quoique n’en ayant pas forcément été tous membres – et ayant contribué
au projet épistémologique de la Théorie critique formulé par Horkheimer et
Marcuse au milieu des années 1930 (Horkheimer, 1996 ; Marcuse, 1970).
Quoique nous utiliserons les deux expressions, nous préférerons cette déno-
mination à celle d’« École de Francfort » plus habituellement utilisée, mais
aussi régulièrement contestée (cf. Abensour, 1977 ; Cusset et Haber, 2002).
Outre qu’il n’est, en effet, pas aisé de maintenir une unité entre des pen-
seurs ayant connu des trajectoires personnelles, géographiques et théoriques
différentes, cette dénomination cache aussi des rapports de force entre des
cercles centraux et plus périphériques quant au programme de mise en œuvre
d’une théorie de l’émancipation (Honneth, 1990). En s’appuyant sur l’expres-
sion « Théorie critique des médias » qui renvoie d’un côté au programme
théorique et à la pensée que les philosophes allemands partageaient et, de
l’autre, au domaine de la production culturelle et médiatique qui nous inté-
resse ici, nous pouvons ainsi convoquer les travaux pionniers de Horkheimer,
Adorno, Marcuse ou Benjamin et leurs concepts, dont certains font l’objet
de discussions appuyées : industrie culturelle, société unidimensionnelle,
valeur cultuelle de l’œuvre, etc. En réalité, les auteurs visés par l’économie
politique de la communication se réduisent habituellement aux seules figures
d’Adorno et de Horkheimer – pour lesquels on se réfère quasi exclusivement
au concept d’industrie culturelle tel que formulé dans la Dialectique de la
Raison (Horkheimer et Adorno, 1974) –, voire au seul Adorno. On s’intéresse
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alors principalement à son fameux « retour sur l’industrie culturelle » – texte
tardif, mais qui fut l’un des premiers traduits en français (Adorno, 1964) – et
dans une moindre mesure à ses travaux sur la musique (Adorno, 2010, 2001,
1994 ; Adorno et Eisler, 1972) 6.

Les auteurs de la Théorie critique des médias sont, aujourd’hui encore, lar-
gement cités bien au-delà des approches qui nous intéressent ici, en général
comme exemple de ce qu’il ne faudrait pas faire, en recherche sur les médias,
souvent à partir de caricatures plus ou moins honnêtes de ce qu’ils seraient
censés défendre. Nous n’étendrons pas, pour notre part, nos réflexions

6.  Il convient de noter qu’une autre figure plus tardive est régulièrement convoquée par l’éco-
nomie politique, mais sur un sujet qui n’intéresse pas notre propos ici : il s’agit de Jürgen
Habermas, avec le concept très repris et discuté d’espace public (Garnham, 1990 ; Murdock et
Golding, 2000).
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 51

au-delà des propositions des traditions européenne et québécoise de l’éco-


nomie politique de la communication. Ainsi, nous ne reviendrons pas sur les
reproches habituels adressés par l’essentiel des autres approches, qui ont déjà
fait l’objet de mises au point, par exemple par Voirol (2010, 2011), à propos
notamment de l’apparente position de surplomb par rapport à la réalité des
pratiques sociales, qui caractériserait en particulier les analyses d’Adorno et
le conduirait à présupposer des industries médiatiques omnipotentes face à
des individus privés de toute aptitude critique. Outre que toutes les analyses
doivent être considérées en regard des propositions critiques des penseurs
allemands et notamment de la tâche exigeante qu’ils attribuaient aux œuvres
d’art dans les processus d’émancipation (Olive, 2011, cf. infra), il faut ici
rappeler que la période américaine d’Adorno (1938-1952), pour rester sur ce
penseur, n’était pas du tout marquée par un (auto)maintien du philosophe à
l’écart des industries du divertissement. Au contraire, certains travaux impor-
tants sur ses années d’exil ont montré qu’il avait une importante expérience
« de l’intérieur » de ces industries, ayant travaillé sur plusieurs projets au
sein d’une institution radiophonique puis ayant ensuite été conseiller musical
(Jenemann, 2007).

Dans le cadre de cet article, il nous paraît plus intéressant de nous concentrer
sur deux points spécifiques, sur lesquels l’économie politique de la commu-
nication dans sa tradition européenne et québécoise et la Théorie critique des
médias semblent habituellement s’opposer, afin de reposer les problèmes et
voir ce que chaque approche permet de penser et comment. Ces deux éléments
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sont en réalité assez liés dans leurs implications, mais nous avons cependant
choisi de les séparer pour l’analyse. Il s’agit du rapport au matérialisme et à la
critique de l’économie politique, que nous aborderons dans un premier temps,
et de la question des « intérêts supportés » par les contenus culturels produits
industriellement, que nous traiterons ensuite.

RAPPORT AU MATÉRIALISME ET À LA CRITIQUE DE L’ÉCONOMIE


POLITIQUE

Fredric Jameson conclut en 1990 son étude sur Adorno en indiquant que,
généralement, « les objections adressées aux positions et travaux [du philo-
sophe] se répartissent en deux groupes qui, dans des circonstances normales,
devraient s’annuler. Pour un premier groupe, le travail d’Adorno reste trop
marxiste ; pour l’autre (bien plus restreint, il faut le reconnaître), il n’est pas
52 Réseaux n° 199/2016

assez marxiste, voire même pas marxiste du tout » (Jameson, 1990, p. 229).
On peut probablement faire le pari que l’accusation de « trop marxiste », pour
le premier groupe, n’a guère d’autre signification que de simplement révéler
que la charge critique des positions du camarade Wiesengrund embarrasse la
grande majorité de ses contradicteurs traditionnels, souvent eux-mêmes issus
de traditions non critiques. Les auteurs s’insérant dans l’économie politique
de la communication pourraient se retrouver pour leur part pour l’essentiel
dans le second groupe, selon une accusation prenant principalement la forme
suivante : celle de l’insuffisance, dans les travaux de la Théorie critique des
médias, d’analyses s’inspirant d’une véritable critique matérialiste de l’éco-
nomie politique.

Depuis l’article fondateur de Smythe de l’économie politique américaine de


la communication, dans lequel Adorno et Marcuse sont rangés dans le panier
des marxistes « idéalistes » n’ayant analysé les communications de masse
que du point de vue de « leur capacité à produire de l’“idéologie” [qui] agit
comme une sorte de colle invisible maintenant ensemble le système capi-
taliste » (1994, p. 266 sq.), et malgré plusieurs discussions par la tradition
européenne tendant à nuancer de tels propos (cf. Murdock, 1978 ; Garnham,
1990 ; Fuchs, 2014 a et b), il demeure l’idée que l’aspect primordial de l’éco-
nomique pour une analyse matérialiste tendrait à amenuiser la portée d’une
approche comme celle de la Théorie critique des médias, trop marquée dans
la philosophie sociale, pour l’analyse des processus d’industrialisation de la
culture. Ainsi, si le problème ne porte pas toujours de manière aussi marquée
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sur une dichotomie selon laquelle la Théorie critique se serait principalement
penchée sur les superstructures quand les analyses marxistes de l’économie
politique réclameraient davantage d’attention portée aux bases matérielles au
fondement des modes de production de la communication, c’est tout de même,
en écho, la centralité de l’analyse socio-économique qui pose problème.
Notamment, dans la possibilité de mener des analyses économiques nuancées
des rapports de classe en rapport avec la production culturelle (Hardy, 2014,
pp.  27-28) ou des situations spécifiques des différents types de travailleurs
dans les industries culturelles :

« La véritable faiblesse de la position originale de l’École de Francfort n’est


pas tant d’avoir négligé l’importance de la base matérielle […], mais de n’avoir
pas assez pris la mesure de la nature contradictoire des processus qu’ils obser-
vaient, et d’avoir vu l’industrialisation de la culture comme processus irrésis-
tible et non problématique » (Garnham, 1990, p. 28).
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 53

On trouve par exemple le même argument chez Hesmondhalgh qui pense avec
Miège les industries culturelles comme « une zone de lutte permanente – alors
qu’il demeure l’idée permanente, chez Adorno et Horkheimer, que la bataille
est déjà perdue, que la culture a été subsumée par le capital et par un système
abstrait de “raison instrumentale” » (2007, p. 17). Dès lors, pour l’économie
politique, les positions de la Théorie critique, souvent vues à partir du seul
exemple d’Adorno, ne sont qu’un « point de départ à l’analyse marxiste » où
« [à] la place d’une analyse concrète de la production matérielle préconisée
par Marx, on se retrouve avec une description très générale et schématique
des caractères de base du capitalisme » (Murdock et Golding, 1977, p. 19).
Cette analyse « concrète » de la production réside, pour tous ces auteurs, dans
l’apport socio-économique de l’économie politique de la communication.

En réalité, ce type d’attaque ne pose probablement pas tant problème à la


possibilité d’une élaboration théorique qu’il ne tend un piège dangereux dans
lequel risquent de tomber les défenseurs de la Théorie critique qui cherche-
raient à opposer, terme à terme, une simple contre-vérité. En effet, de telles
critiques au caractère péremptoire incitent à des réponses aussi peu mesu-
rées. Il faut, certes, les faire dans un premier temps et rappeler, avec Christian
Fuchs (2014a, p. 77) par exemple, que la critique de l’économie politique est
centrale dans les travaux de l’Institut de recherches sociales, même sous la
direction de Horkheimer. Il faut notamment évoquer la place importante que
prend, dans les réflexions de la Théorie critique, une figure comme Friedrich
Pollock, penseur très marqué par la critique de l’économie politique et qui a
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développé au début des années 1940 une théorie du capitalisme d’État ayant
profondément marqué à la fois Marcuse et les auteurs de la Dialectique de la
Raison – ouvrage qui lui est d’ailleurs dédié ! Mais il ne faudrait toutefois pas
glisser vers le faux en cherchant à défendre à tout prix le véritable ancrage de
la Théorie critique des médias dans la critique de l’économie politique. Car il
faut bien reconnaître qu’il y a là une limite : même si les critiques émanant de
l’économie politique de la communication tendent à trop minimiser l’impor-
tance, pour les chercheurs de l’École de Francfort, des apports de la critique
matérialiste de l’économie politique pour l’analyse de l’industrialisation de
la culture, cette dernière reste toutefois moins centrale pour eux. C’est d’ail-
leurs l’un des éléments marquants du changement de direction : alors que Carl
Grünberg 7, lui-même professeur d’économie politique proche du mouvement

7.  Carl Grünberg (1861-1940), professeur d’économie politique, prend la tête de l’Institut für
Sozialforschung à la demande de son créateur, le mécène Felix Weill, de sa création en 1923
jusqu’en 1929 où une attaque le contraint à se désengager de ses responsabilités universitaires.
54 Réseaux n° 199/2016

ouvrier, avait maintenu durant les premières années la direction de l’institut


autour de positions, objets et méthodes relevant d’un marxisme relativement
orthodoxe, son remplacement par Horkheimer au début des années 1930 n’a
pas été sans une réorientation des problématiques en direction de la philoso-
phie sociale, s’inscrivant dans un contexte plus général de « redéploiement
philosophique » du marxisme, qui est aussi le point de départ de la tradition du
« marxisme occidental » (Anderson, 1976). Le programme de recherche de la
Théorie critique est ainsi caractérisé « par la mise en place de projets interdis-
ciplinaires dans lesquels la critique de l’économie politique n’occupait plus la
place centrale » (Renault et Sintomer, 2003, p. 7), le nouveau directeur encou-
rageant l’accueil au sein de l’équipe à la fois de spécialistes de nouvelles disci-
plines (philosophie, psychologie, esthétique) et la réflexion sur des dimensions
nouvelles comme la personnalité ou la subjectivité. Une matérialisation pro-
vocatrice de ce programme par Horkheimer dans ses Notes critiques éclaire
ainsi l’appréhension du rapport de la Théorie critique à l’économie politique et
l’importance primordiale que celle-ci revêt, sans être omnipotente :

« Dans mon académie platonicienne, les élèves des classes inférieures sui-
vraient des cours de critique de l’économie politique et auraient à en tirer
toutes les conséquences. Ils seraient formés pour devenir d’actifs dialecti-
ciens, et familiarisés avec la pratique. Dans les classes supérieures bien sûr,
ils devraient – sans oublier le premier point – être capables de comprendre
Mallarmé » (Horkheimer, 2009, p. 62).
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En outre, il convient de rappeler que les approches critiques de l’économie
politique de la communication et notamment dans la tradition européenne
se sont fondées justement sur la nécessité de replacer à l’ordre du jour dans
l’analyse des médias et de la production culturelle la question du matéria-
lisme et notamment, entre autres, des rapports de classe en regard des médias
(Murdock et Golding, 1977 ; Westergaard, 1977 ; Mattelart, 1979 ; Garnham,
1990, 1995) et de la structuration des marchés, notamment en lien avec les
politiques publiques (Curran, 1977 ; Miège, Pajon et Salaün, 1986 ; Garnham,
1990). Il est donc par définition relativement évident que ces traditions s’inté-
ressent davantage à la dimension proprement économique ! Mais ainsi posée,
la question du rapport à la critique de l’économie politique nous semble inter-
rompre trop vite la poursuite d’une élaboration épistémologique : elle tend
à réduire le problème à une simple querelle disciplinaire, à la manière par
exemple de ce qu’Éric George laisse entendre lorsqu’il atteste de l’impor-
tance de la Théorie critique pour penser la critique des médias depuis la
philosophie sociale, « [m]ais il convient d’aborder ces mêmes catégories en
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 55

sciences sociales et humaines en les opérationnalisant en tant que concepts, et


ce à partir notamment des écrits issus des Cultural Studies et de l’économie
politique de la communication » (2014, p. 122). Même type d’argument pour
Tremblay (2008) à propos du passage de l’analyse francfortienne des médias
à celle de l’économie politique de la communication : « La perspective cri-
tique n’a pas pour autant disparu. Elle a changé de cadre problématique : de
philosophico-éthique elle est devenue socio-économique » (2008, p. 69). Il
est certes évident que les auteurs d’une tradition ou d’une autre parlent depuis
des sensibilités disciplinaires différentes et ces affirmations sont un point de
départ. Toutefois, la réflexion interdisciplinaire, qui fait partie du « logiciel
critique » (Granjon, 2013) et notamment dans les rapports entre philosophie
et sciences sociales, peut à notre avis être revendiquée légitimement à la fois
par la Théorie critique comme par l’économie politique de la communica-
tion – qui « ne sépare pas la sphère économique des phénomènes sociaux
et politiques » (Hardy, 2014, p. 4), ni n’autonomise l’étude des médias du
reste des sciences sociales (Garnham, 1990, pp. 2-3). Il faut donc à notre avis
pousser la réflexion plus loin et s’attacher, avec le relatif recul qui nous est
aujourd’hui permis, à la direction qu’ont prise les travaux des deux courants
en rapport avec les degrés de centralité accordés à la question économique au
sein de leurs programmes interdisciplinaires respectifs.

À cet égard, il est intéressant de remarquer que Garnham lui-même affirme


aujourd’hui que les approches critiques en économie politique de la commu-
nication semblent bloquées sur les positions qui étaient les leurs aux débuts
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de la tradition à la fin des années 1960, «  comme si, depuis, ni le monde
matériel ou social, ni les outils analytiques de l’économie politique n’avaient
changé » (2011, p. 42). Et si, pour l’auteur britannique, cette situation est due
au fait que les travaux « n’ont pas pris la question économique avec le sérieux
qu’elle mérite et requiert, au sein de l’économie politique » (ibid.), nous pro-
posons de faire l’interprétation contraire : que la situation est due justement à
une hypertrophie de la dimension économique, voire socio-économique, des
analyses. Il nous semble ainsi que l’habitude, reprise à partir des premiers
travaux de l’économie politique de la communication de remettre la ques-
tion des structures de propriété médiatique et des stratégies des acteurs au
cœur des analyses de la culture et des médias a fini par stabiliser un modèle
d’enquête qui, au fur et à mesure, tend à oublier les buts critiques initiaux de
telles analyses, à savoir la production d’aperçus du rôle de la culture (produite
industriellement ou non) et des médias dans les luttes sociales, le maintien
des dominations et l’établissement d’alternatives. Un raffinement toujours
56 Réseaux n° 199/2016

plus évident de l’analyse des structures de production et de reproduction des


dominations dans les industries médiatiques a conduit à des analyses toujours
renouvelées, mais, d’une certaine manière, répétées dans les différents sec-
teurs de ces industries, de la concentration, de la conglomération et de leurs
causes. On pourrait ainsi probablement traduire le reproche que fait Garnham
à la plupart des travaux actuels en économie politique de la communication
autrement, en se demandant si la dimension proprement politique de l’éco-
nomie politique n’a pas été quelque peu oubliée derrière les raffinements de
l’analyse socio-économique, ou principalement traitée selon la seule appré-
hension économique des politiques publiques de régulation et/ou de soutien à
la culture, à la communication et à leurs industries.

Du côté de la Théorie critique, un concept comme celui d’industrie cultu-


relle, auquel on reproche souvent de ne pas constituer une catégorie descrip-
tive d’une réalité économique et industrielle tangible, est justement, lors de
sa première formulation et dans une conceptualisation qui ne sépare pas la
critique de l’économie politique de la psychologie des profondeurs ou de la
philosophie sociale, un élément par lequel est analysé le capitalisme comme
moment du processus au cours duquel la Raison se retourne en son contraire
et qui aboutit à l’antisémitisme. Ainsi, sous sa forme fragmentaire et mise
à mal par une défiance (radicalisée par la situation personnelle particulière
des auteurs qui ont fui le nazisme) envers les sciences et leur tendance au
positivisme, l’« essayisme interdisciplinaire » (Raulet, 1998) d’Horkheimer
et Adorno leur permet de maintenir l’exigence d’une critique politique
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d’ensemble s’appuyant à la fois sur une critique esthétique, sociale, écono-
mique et philosophique. Et si l’on peut dire de cette première formulation
dans l’ouvrage sur la Raison qu’elle présente un très fort degré d’abstrac-
tion, le concept sert de cadre dans les travaux suivants pour des études bien
plus empiriques sur le déploiement de l’irrationalité ordinaire par la lecture
des rubriques astrologiques (Adorno, 2000), sur les pratiques culturelles des
classes populaires (Adorno, 2011a) ou sur la télévision (Adorno, 1984b). À
chaque fois le point de mire est celui de l’étude des mutations du capitalisme
et de son mouvement vers le fascisme, analysé à partir de ses manifestations
dans la vie sociale et culturelle.

Il nous semble qu’un retour à une telle vision, plus ouverte, de l’analyse cri-
tique de l’économie politique – sans pour autant vouloir abandonner l’analyse
socio-économique, qu’il convient simplement de considérer non comme une fin,
mais un moyen de construire une réflexion plus politique – permettrait justement
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 57

peut-être à l’étude des médias, telle qu’approchée par l’économie politique


de la communication, de se raccrocher à ses prétentions initiales. Cela per-
mettrait de revenir au souhait d’une étude économique critique de la produc-
tion culturelle, certes, comme permettant de dégager de la plus-value pour
les classes possédantes (et possédant notamment les moyens de production
médiatiques), mais en raccrochant ces problématiques à celles par exemple
de la reproduction de la domination, des sensibilités et des sentiments auto-
ritaires et d’exclusion. Ce serait tout d’abord un point de départ possible du
fameux « dialogue » actuellement réclamé entre l’économie politique et les
Cultural Studies. Car si ces dernières ont pu se focaliser (notamment avec la
figure de Stuart Hall) sur l’étude des rapports de race ou de sexe, ce n’est pas
par oubli de l’importance des rapports de classe, mais plutôt parce qu’elles
pensent des rapports sociaux qui préexisteraient à leur stylisation en rapport
de classe dans le capitalisme et dans ses modes spécifiques de reproduction
de l’autorité. De surcroît, ce serait également un jalon important vers la pro-
position et la mise en valeur d’alternatives médiatiques critiques (et plus
seulement d’une critique des médias – Granjon et Sénécal, 2015). Non pour
s’illusionner sur leur capacité de renversement du système ni même sur la
possibilité véritable de survie à long terme de ces propositions, en marge d’un
système capitaliste connu pour sa versatilité et sa capacité à réintégrer toute
voix rebelle à ses marges comme niche potentielle à forte valeur ajoutée, mais
pour toujours tenter de montrer la voie, selon la disponibilité des techniques
et des savoirs à un moment historique donné, de leur possible utilisation la
plus rationnelle possible (donc la moins aliénante) vers la production de vie la
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meilleure qui soit pour l’ensemble des individus.

LES « INTÉRÊTS QUE LES TEXTES SERVENT » 8

Un second point d’apparente discorde devrait toutefois être clarifié avant d’en-
gager une réflexion dans cette direction  : celui des produits symboliques et
de l’« intérêt qu’ils servent » – manière récurrente pour l’économie politique
de la communication de poser la question de la diffusion idéologique. Cette
question est, comme le formule Hesmondhalgh, « de loin, l’une des ques-
tions les plus problématiques » pour les travaux sur les industries culturelles
(2007, p. 78). Elle a d’ailleurs été passablement éludée, et notamment dans
les recherches francophones, sous la catégorie de contenus. Cette catégorie,

8.  Cf. Hesmondhalgh, 2007.


58 Réseaux n° 199/2016

qui vise une entité économique abstraite séparée des appareils, matériels et
réseaux, est en effet, dans les recherches en français, un moyen de déconnecter
l’aspect symbolique des produits culturels des systèmes industriels dans les-
quels leur production s’insère (Magis, 2014). Ainsi, la tradition francophone
de recherche sur les industries culturelles ne s’intéresse majoritairement pas
à l’étude des réalités qualitatives des productions ni au rapport de ces réalités
qualitatives aux conditions de production à l’exception de quelques très rares
tentatives qui n’en sont encore qu’aux premiers stades de leur élaboration
théorique (Robin, 2007 ; Buxton, 2011).

Les quelques auteurs anglo-saxons qui ont essayé d’investir les productions
culturelles industrialisées en conservant la catégorie de texts, issue des études
littéraires et culturelles, n’en ont pas pour autant réussi à s’entendre sur leur
cas, tout en les considérant comme centrales à l’analyse critique en économie
politique de la communication, et surtout « l’interaction entre les dimensions
symbolique et économique » de la production culturelle (Murdock et Golding,
2000, p. 70). Il nous semble que l’aspect problématique des texts est lié à la
manière de poser la question de l’idéologie en économie politique de la com-
munication. Ainsi, Garnham affirme dans son article fondateur d’une « éco-
nomie politique des communications de masse » que l’analyse des médias
comme véhicules de reproduction idéologique ne suffit pas à expliquer la
reproduction du capitalisme.

« Bien que le capital contrôle les moyens de la production culturelle, au sens


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où la production et l’échange de marchandises deviennent la forme dominante
des relations culturelles, il ne s’ensuit pas nécessairement que ces marchan-
dises culturelles soutiennent [support] l’idéologie dominante, que ce soit dans
leur contenu explicite ou dans leur mode d’appropriation » (Garnham, 1990,
p. 34).

Cette position est suivie par l’essentiel des chercheurs se réclamant de l’ap-
proche en économie politique (Curran, 1977 ; Corner, 2000). Elle s’inscrit en
réalité dans un prolongement des propositions de Smythe (1994, pp. 245-91) :
l’analyse de la capacité de reproduction du capitalisme en tant que système
doit, certes, considérer les moyens de reproduction idéologique, mais la ques-
tion de comment se génère la plus-value est à cet égard primordiale. Pour
l’économie politique de la communication, le fait que, dans le capitalisme
monopoliste, les moyens de coercition et d’acceptation de l’ordre existant
dirigés vers la classe laborieuse ne soient pas directs n’a pas besoin d’être
mené à tout prix sur le terrain de la production d’idéologie dans la culture
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 59

pour être compris – et ne nécessite donc pas forcément de penser la produc-


tion culturelle industrialisée comme production intentionnelle d’idéologie
dominante. Le principe est central au mécanisme économique du capitalisme
lui-même.

Il n’y aurait, en conséquence, pas de coïncidence directe entre les effets du


capitalisme dans la production industrielle de la culture et l’idéologie de la
classe dominante et c’est ce que bon nombre des analyses empiriques entre-
prises par les political economists auprès des différentes catégories de tra-
vailleurs de la production culturelle laisse entendre. Et de telles propositions
orientent ensuite les choix d’interprétation. En effet, bien que ne ressortissant
pas de l’approche européenne et québécoise de l’économie politique, des tra-
vaux comme ceux de Janet Wasko sur Disney semblent relever une influence
consciente et « intentionnelle » de Walt Disney lui-même sur les trames nar-
ratives des films ainsi que l’atmosphère de travail au sein des studios de pro-
duction et des parcs (Wasko, 2001). Mais une lecture de la publicisation des
« idées » portées par le fondateur de la compagnie peut tout à fait se cen-
trer davantage sur son importance dans la mythification du personnage Walt
Disney dont la figure, érigée en symbole américain, fait partie intégrante d’un
star-système dont la finalité est bien davantage la création de valeur par la
vente de biens et services culturels ; la production idéologique en serait alors
une sorte d’épiphénomène. Philippe Bouquillion a d’ailleurs analysé, au-delà
de la starisation de certains fondateurs de grands groupes de production cultu-
relle, l’importance de la construction des figures des managers, dirigeants des
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pôles médiatiques dont, pour les années 1990, Michael Eisner (P.-D.G. de
Disney de 1984 à 2005) est l’exemple paradigmatique (Bouquillion, 2008,
pp. 48-50). Alors, la production et la diffusion d’idéologies n’est pas cher-
chée dans les biens symboliques produits eux-mêmes, mais est davantage
réfléchie du côté des tentatives mises en place par les entreprises médiatiques
pour influencer les politiques publiques en leur faveur (dans une visée éco-
nomique), notamment la production de discours (Bouquillion, 2007, p. 189).

Ceci étant dit, on pourrait croire, en suivant la majorité des political econo-
mists (bien que de manières plus ou moins nuancées selon les auteurs et les
travaux, cf. note 1), que les propositions de la Théorie critique des médias
(et notamment celles d’Adorno ou Marcuse) ont à tout prix placé la produc-
tion culturelle industrialisée sur le terrain de la reproduction symbolique en
masse de l’idéologie dominante : en s’appuyant généralement sur la critique
précédente du supposé manque d’investissement de leurs analyses quant aux
60 Réseaux n° 199/2016

contradictions socio-économiques de la production culturelle, on montre à


quel point les penseurs allemands auraient assumé que l’art, dans sa reproduc-
tion industrielle, ne peut que reproduire les intérêts dominants. Par exemple,
lorsque Murdock et Golding pointent les limites de l’analyse adornienne en
avançant qu’il « n’est pas suffisant de simplement affirmer que la base capita-
listique de l’“industrie culturelle” résulte nécessairement en la production de
formes culturelles en accord avec l’idéologie dominante » (1977, p. 18). Et
l’attaque qui portait tout à l’heure sur le manque d’intérêt d’Adorno pour la
dimension économique (lui préférant les superstructures) se transforme alors
en le reproche inverse, selon lequel Adorno aurait finalement posé une ana-
lyse marxiste vulgaire dérivant mécaniquement les superstructures de la base
matérielle ! Aussi convient-il, tout d’abord, de rappeler qu’en réalité l’idéolo-
gie ne doit pas être pensée de manière si mécanique pour la Théorie critique
des médias non plus, notamment en rapport avec l’intention des agents : en
s’intéressant à la radio, Adorno explique par exemple que « [l]es tendances
de la musique radiodiffusée se réalisent d’elles-mêmes, indépendamment des
intentions des employés de la radio. Point n’est besoin d’intentions malignes
pour défendre des intérêts déterminés » (2010, p. 189, nous soulignons).

Ensuite, bon nombre des lectures de l’économie politique sont souvent


confuses sur l’interprétation francfortoise des rapports culture/société/mar-
ché. Un ouvrage comme Capitalisme et industries culturelles, généralement
considéré comme l’un des points de départ de la tradition francophone de
l’économie politique de la communication, critique ainsi les travaux d’Adorno
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selon lesquels « l’art aurait une existence autonome vis-à-vis du système des
rapports sociaux », et considérant l’œuvre d’art « comme produit en soi avant
d’être un produit social » (Huet et al., 1978, p. 20) – autre manière de canton-
ner la critique francfortienne à la question de la reproduction des dominations
économiques et surtout sociales au niveau symbolique dans l’industrie cultu-
relle. Cette attaque, reprise par exemple par Miège dans la postface de 1984 à
l’ouvrage, affirmant qu’« on ne peut se contenter d’adapter les conceptions de
Theodor W. Adorno et de l’École de Francfort, selon lesquels l’art authentique
est complètement étranger à l’industrialisation de la culture » (Miège, 2004,
p. 74) ou dans un autre article de Jean-Guy Lacroix pour lequel, et quelque
peu tautologiquement, l’approche francfortoise « ne permet pas de concevoir
d’alternative sociale au processus de marchandisation de la culture que dans
le rejet de toute forme d’industrialisation et de socialisation de la production/
consommation culturelle » (Lacroix, 1986, p. 6) tend, sans que les affirmations
soient complètement inexactes, au contresens quant à la lecture, à notre avis
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 61

caricaturale, qu’elle propose des travaux sur l’industrie culturelle : Adorno est
en réalité très critique à propos des tenants autonomistes de l’art pour l’art.
« Le fait que les œuvres d’art, comme jadis les cruches et les statuettes, soient
mises en vente sur le marché ne constitue pas un abus, mais est la simple
conséquence de leur participation aux rapports de production. Un art entiè-
rement non idéologique n’est sans doute pas possible. Il ne suffit pas, en tout
cas, d’en faire purement et simplement une antithèse de la réalité empirique »,
affirme-t-il ainsi dans la Théorie esthétique (2011b, p. 327). Et le problème
de la culture produite industriellement n’est pas, pour les deux auteurs de la
Dialectique de la Raison, qu’elle referme sur le social tel qu’il est, mais bien
au contraire qu’elle ne permet justement jamais d’accéder à un contenu social
véritable, en tirant ses schémas non d’une forme en rapport dialectique avec la
société (y compris industrielle), mais d’une forme hypostasiée de la machine-
rie économique, masquée par un voile s’appuyant justement sur les éléments
les plus irrationnels de l’accès prémoderne aux œuvres de la tradition.

Il faudrait présenter et recadrer une par une chaque confusion de manière plus
précise que nous pourrons le faire dans les limites de cet article, mais, à nou-
veau, une simple réplique terme à terme n’aidera guère à nourrir la construc-
tion épistémologique, d’autant qu’il n’est, là encore, pas certain qu’un tel
exercice ne conduise pas à extrapoler les hypothèses des penseurs allemands.
Nous essaierons donc plutôt de montrer que c’est en reposant la question de
l’idéologie et du rapport art/société de manière plus proche des tentatives de
la Théorie critique des médias que l’on peut tendre vers une proposition heu-
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ristique quant à la place des productions symboliques dans l’économie poli-
tique des industries culturelles. L’hypothèse qui est la nôtre ici est celle d’une
appréhension différente de la question des intérêts que les texts servent à partir
d’une appréhension différente de la forme textuelle paradigmatique au centre
de la production médiatique. Ainsi, dans l’article que nous citions précédem-
ment, Murdock et Golding passent en revue un certain nombre de travaux en
économie politique de la communication et rappellent que « l’essentiel des
études qui se sont intéressées aux productions médiatiques ne se sont pas inté-
ressées à découvrir leurs ferments idéologiques et celles qui s’y sont intéres-
sées se sont quasi uniquement concentrées sur les informations, négligeant en
conséquence les principales formes dramatiques, fictionnelles, et de divertis-
sement qui font l’essentiel des consommations médiatiques des individus »
(1977, p. 36). De fait, aujourd’hui encore, on ne trouve que difficilement des
lectures idéologiques des productions médiatiques hors du seul champ des
productions journalistiques où les texts sont abordés… comme des textes, que
62 Réseaux n° 199/2016

l’on pourrait – en apparence tout du moins – facilement mettre en rapport avec


la conscience politique de leurs auteurs. Également, le fait que l’on considère
principalement l’idéologie d’après les discours produits par les responsables
culturels tend à renforcer son appréhension à partir de simples lectures posi-
tives de textes écrits ou oraux. Mais il devient alors bien difficile de transposer
les questions des intérêts portés par les productions pour le cas de texts à plus
forte dimension symbolique ou artistique (sauf à considérer uniquement le
texte des chansons ou d’une réplique exprimée dans un film). C’est justement
la difficulté d’appréhender les contenus culturels autrement que comme de
simples « messages », qui seraient « contenus » dans les productions qui fait
passer à côté des propositions de la Théorie critique des médias.

En réalité, cette dernière pose le problème d’une autre manière, en prenant l’art
comme modèle central de la production culturelle (industrialisée ou non). Les
théoriciens critiques attribuent à l’art une fonction exigeante, celle de « résis-
ter, par la forme et rien d’autre, contre le cours du monde » (Adorno, 1984a,
p. 289). Ce concept complexe de forme est la pierre angulaire du propos. Car la
« résistance » des œuvres d’art n’est non seulement pas imputable aux artistes
– Marcuse écrit à ce propos que « [l]e caractère progressiste de l’art, sa contri-
bution à la lutte de libération ne peuvent pas se mesurer à l’origine sociale des
artistes ni à l’horizon idéologique de la classe à laquelle ils appartiennent »
(1979, pp. 32-33) – ou aux producteurs, mais elle ne se mesure pas non plus
à ce que les textes des œuvres «  affirment  » au premier abord. Ce n’est, en
d’autres termes, pas ce que les œuvres « ont à dire » qui intéresse les théoriciens
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critiques, mais ce qu’elles sont. C’est par leur «  comportement  » spécifique
dans lequel elles absorbent, depuis le social par rapport auquel elles ne sont ni
dans une position d’autonomie, ni de pure détermination, des éléments qui se
sédimentent en elles – les matériaux artistiques, « quelque chose de sociale-
ment préformé à travers la conscience des hommes » (Adorno, 1962, p. 45) –,
les composent et réorganisent pour renvoyer à la société une image de ce que
pourrait être une société autre, qu’elles s’opposent justement à l’état de choses
existant qui ne se légitime que par sa seule existence. Dès lors, le problème de
la « production industrielle des biens culturels » ne résonne ni en une critique
de la possible vente de l’art ni, comme on le lit souvent, en une défense de la
culture « élitiste » contre la production populaire : il a plutôt trait à ce que l’in-
dustrie culturelle ne laisse pas d’espace permettant la création d’œuvres d’art
capables de réaliser cette tâche ardue, que déjà peu d’œuvres parvenaient à réa-
liser avant même l’industrialisation de la culture. Leur reproduction en masse
pour les besoins du capital et la recherche du succès médiatique, au lieu de
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 63

faire sortir les œuvres de la réception mystifiée qu’elles encourageaient, résidu


historique des fondements rituels de leur réception (Benjamin, 2000), a conduit
à instaurer un autre rapport mystique aux œuvres : celui du caractère fétiche
de la marchandise (Adorno, 2001). Avec le succès comme étalon, les œuvres
que l’on cherche à produire sont celles qui offrent un savant mélange d’instants
de charmes particuliers, qui ne sont dès lors plus composés dans un tout cohé-
rent susceptible de reconstituer pour le spectateur une image de l’altérité, mais
comme un patchwork de ce qui marche où « [d]ans l’isolement, les charmes
perdent de leur puissance et finissent par constituer des poncifs » (ibid., p. 16).
Le problème n’est alors pas que les œuvres servent les intérêts de quelque
groupe déterminé que ce soit, mais plutôt que, ne représentant plus une force
critique contre les tendances les plus asservissantes du social, elles en viennent
à ne devenir qu’une affirmation d’elles-mêmes et de ce qui est. La logique du
succès en vient également à réduire l’espace disponible pour des œuvres s’es-
sayant davantage à remplir leur fonction critique selon un principe qu’analysent
d’ailleurs précisément les économistes politiques de la communication :

« Pour maximiser les audiences, la production doit minimiser les risques en se


concentrant sur ce qui est familier et sur des formules qui sont aussi proches
que possible de celles déjà éprouvées et ayant fait leurs preuves. Dès lors,
l’innovation est muselée, car elle entraîne le risque de décevoir et perdre des
audiences et restreint les possibilités de planning à l’avance. Par conséquent
le sempiternel soap-opéra de la radio et de la télévision a évolué pour cap-
tiver une audience loyale dont la taille et la composition étaient prévisibles
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avec assez d’avance pour faciliter le média-planning par les annonceurs »
(Murdock et Golding, 1977, p. 39).

Alors qu’un philosophe comme Adorno s’est, tout au long de ses rencontres
avec les systèmes de l’industrie culturelle (musique de cinéma, production
radiophonique ou télévisuelle) ou avec ses tendances (dans la musique de
Wagner ou de Stravinski par exemple), généralement efforcé de finir ses
analyses sur des propositions esthétiques pour toujours maintenir l’exigence
d’une production culturelle en rapport avec le concept exigeant de culture et
sa fonction historique, sans, en regard, offrir de propositions d’ordre « écono-
mique », il nous semble que la tâche de l’économie politique de la communi-
cation pourrait être d’investir la réciproque. En d’autres termes, la direction
que devrait prendre une approche critique des industries culturelles serait
d’analyser en quoi les modèles alternatifs de production de la culture peuvent
représenter une entrave ou un encouragement à la possibilité de réalisation de
cette tâche complexe des œuvres d’art. Telle analyse aurait alors en tête que
64 Réseaux n° 199/2016

lorsque les modèles étudiés échouent, ce n’est pas le fait que les productions
finissent par supporter ou servir directement les intérêts de certaines classes
qui est à critiquer, mais plutôt la manière dont ils participent de cet entretien
de la reproduction du statu quo, même hors de toute intentionnalité des agents.

Là encore, il nous semble que ce programme est une réaffirmation de celui


que s’attribue initialement l’économie politique de la communication, et l’ha-
bitude actuelle de rappeler quelques poncifs liminaires à propos de l’École
de Francfort pour introduire bon nombre de ses travaux a aussi fini par faire
oublier, alors même qu’elle est revendiquée, la véritable parenté théorique
qu’il y a entre les deux et qui n’a plus d’existence dans les textes que de
manière mécanique, donc rendue scientifiquement inexploitable. Les proposi-
tions de la Théorie critique invitent en réalité à considérer les contenus sym-
boliques de manière plus large, y compris dans le cas de textes journalistiques
ou de discours qui semblent offrir leurs ferments idéologiques à la simple
lecture. Et si le reproche peut être fait aux penseurs de l’École de Francfort
de n’avoir pas présenté assez de données empiriques, il faudra se reposer de
cette manière plus ouverte la question de l’idéologie dans de futures analyses
sociologiques des producteurs de culture. S’il est vrai que la production d’un
texte (journalistique par exemple) par une entreprise de production culturelle
détenue par des intérêts capitalistes n’a pas pour effet direct que ce texte sera
ouvertement pénétré d’idéologie capitaliste, il ne faudrait pas croire non plus
qu’il suffirait de lire ce texte et de n’y pas trouver de déclaration ouverte de
cette idéologie pour pouvoir affirmer ce principe. Le retour à l’héritage de
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la Théorie critique des médias pour l’économie politique est donc aussi un
appel à une réorientation des analyses pour lesquelles il conviendra de réflé-
chir à une méthodologie d’analyse des formes culturelles et médiatiques, pos-
siblement à partir de tentatives de sémiologie critique (Saemmer, 2015) ou
d’études textuelles, à l’intérieur d’une réflexion économique et politique de la
production médiatique industrialisée.

CONCLUSION

L’économie politique de la communication est, dans toute la variété de ses tradi-


tions, une approche ayant investi différentes dimensions de l’étude des médias.
Dans ses traditions critiques et notamment les traditions critiques européennes
et québécoises, centrées autour de la question des mutations des industries de
la culture, elle a proposé un réinvestissement de certains concepts critiques
majeurs de l’École de Francfort, assumant de facto son héritage critique dans
Économie politique de la communication et théorie critique des médias 65

l’appréhension des mutations des industries des médias au sein du capitalisme


tardif. Toutefois, si ce réinvestissement a pu faire, dans les textes pionniers de
ces traditions, l’objet de quelques réflexions épistémologiques importantes, la
majeure partie des travaux s’est ensuite stabilisée autour de l’analyse socio-
économique de la production culturelle, en acceptant d’emblée la critique
selon laquelle ce type d’analyse serait justement l’essentiel de ce qui faisait
défaut aux propositions des philosophes allemands participants de la Théorie
critique des médias, ces derniers étant supposément uniquement intéressés par
la question de la difficile autonomie de l’art et les questions d’analyse esthé-
tique. Ce faisant, outre qu’ils ont ancré des idées reçues sur les propositions
des théoriciens allemands – sur certaines desquelles nous espérons être revenu
ici –, les travaux sur les industries culturelles se sont, de leur côté, quelque
peu éloignés de la volonté des textes pionniers de l’économie politique de la
communication comme de celle des travaux des théoriciens de Francfort pour
lesquels l’analyse devait s’intégrer à la définition d’une critique plus ample des
systèmes de domination et d’aliénation dans le capitalisme et l’investissement
capitalistique de la culture, pour viser in fine la proposition d’alternatives, au
niveau de l’organisation économique comme de la dimension esthétique.

Alors que la période actuelle voit un regain de l’intérêt pour la critique, à la


fois dans le champ théorique de la recherche en sciences sociales et notam-
ment de l’analyse des médias, mais aussi, d’une manière plus large, dans les
débats sociaux des sociétés occidentales où la montée de nouvelles inégalités
« a encouragé un certain retour des questions de classe et d’exploitation dans
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les débats publics » (Fuchs, 2014b, p. 52), il nous semble que l’économie poli-
tique de la communication a un rôle majeur à jouer – qui a d’ailleurs encou-
ragé, dans le monde anglophone pour le moins, la publication sur la dernière
décennie de nombreux travaux épistémologiques, ouvrages collectifs et antho-
logies d’importance. Pour remplir ce rôle, le réinvestissement de ses rapports
à la Théorie critique des médias, au-delà du simple faisceau de poncifs qui
sont majoritairement colportés, est aujourd’hui nécessaire et le présent article,
sans prétendre faire le tour de la question, a cherché à en attester. Parce qu’en
sortant ces rapports de leur caractère bloqué par une acception caricaturale
de ce qu’auraient dit les théoriciens critiques des médias et des limites assu-
mées de leurs concepts pour l’investissement socio-économique des industries
culturelles, on sort aussi les traditions européennes et québécoises de l’éco-
nomie politique de la communication de l’autocaricature qui a fini par limiter
leur champ d’action, justement, à la seule question de l’investissement socio-
économique de la culture et des médias, redonnant alors toute son ampleur à la
véritable conscience proprement politique portée par ces approches.
66 Réseaux n° 199/2016

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