Analyse Des Politiques Publiques. Cheikh Ibr Fall
Analyse Des Politiques Publiques. Cheikh Ibr Fall
Analyse Des Politiques Publiques. Cheikh Ibr Fall
La définition des politiques publiques n'est pas une chose aisée. Ceci relève de deux
faits remarquables. D'abord les politiques publiques constituent une discipline
jeune. En outre, les actions des autorités gouvernementales sont multiples et variés. A
cette fin, plusieurs auteurs ont tenté de définir le concept de politiques publiques. C'est
ainsi que nous allons en répertorier quelques-unes de leurs définitions pour mieux
concevoir l'idée de politique publique.
Quant à Yves Meny, une politique publique se présente sous la forme d'un programme
d'action propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales.[2]Ce
programme d'action publique vise à intervenir sur un secteur de la société ou sur un
espace géographique défini (Le programme de modernisation des villes : promovilles
initié au Sénégal). Dans cette définition, le rôle des autorités publiques ainsi que la
dimension à la fois sectorielle et territoriale des politiques publiques sont mis en
évidence.
Ces définitions permettent donc de bien apprécier la place centrale des politiques
publiques mais elles souffrent d'une imprécision sur les moyens et les instruments à
mobiliser pour la mise en œuvre d'une politique publique. De même ; elles nous
renseignent pas sur le lien entre les décisions prise par l'Etat mais également sur les
acteurs des politiques publiques. Dès lors nous pencherons sur la définition de Murel et
Surel qui retiendra notre attention.
Paragraphe3. La définition de Muller et Surel des politiques publiques
Selon eux : "les politiques publiques sont à la fois un construit social et un construit de
recherche
*un construit social signifie que sera considéré comme Politique Publique ce que les
acteurs décident comme étant du domaine public (politiques environnementales...) ;
une Politique Publique est ce sur quoi l'attention se focalise du point de vue des
Politiques Publiques.
*un construit de recherche signifie qu'une Politique Publique va être définie comme
étant composé d'un contenu, d'un programme, d'une orientation normative, d'un
élément de coercition et de ressort social"[3]. C'est cette définition qui va retenir notre
attention du fait qu'elle nous édifie sur les multiples dimensions d'une politique
publique. Vue sur cet angle, il convient de souligner qu'une politique publique se
compose d'éléments variables. Ce qui nous conduit à examiner les composantes d'une
politique publique.
Section2. Les composantes d'une politique publique
Cinq composantes d'une politique publique ont été notées à savoir :
• un contenu : une Politique Publique est un ensemble d'éléments matériels (ex : texte
juridique), d'éléments budgétaires et d'actes administratifs (nomination de
fonctionnaires...) d'éléments symboliques qui motivent l'action de l'Etat : discours de
certains acteurs et de certaines prises de position (ex : Programme d'urgence de
développement communautaire(PUDC , les mesures de prévention et de lutte contre le
covid19 ect...).
• Un programme : chaque ministère développe une politique propre. Au sein d'un
même ensemble, on retrouve différents types de politiques publiques (ex : au sein du
ministère de la culture, la politique du livre est différente de la politique du cinéma). De
plus, contre la toxicomanie, 3 programmes possibles : curatif, préventif ou de sanction.
Mais il convient de noter que derrière l'unicité d'un programme d'actions peuvent se
nicher des concurrences administratives, une pluralité d'actions hétéroclites sans lien
entre elles, seulement rassemblées formellement au sein d'un même programme.
• L'orientation normative : idée qu'une Politique Publique est toujours liée à des
normes. Toute Politique Publique vise à réaliser des objectifs :
*soit satisfaire l'intérêt des acteurs (ex : Lors de sa déclaration en pleine
tournée économique portant sur l'autosuffisance alimentaire en 2014 au Fouta , le
président de la république du Sénégal a annoncé la suppression du TVA sur le riz local
dans le but de défendre l'intérêt des agriculteurs),
*soit favoriser des vendeurs (ex : la suspension de la vente de l'oignon importée sur le
marché au profit de l'oignon locale).
• Elément de coercition : l'Etat exerce la contrainte. Une Politique Publique doit exercer
une contrainte sur le comportement des acteurs, qu'ils soient publics ou privés. En
d'autres termes, pour mettre en œuvre leur politique, les autorités publiques disposent
de la capacité potentielle d'utilisation de la violence légitime.
• Le ressort social : expression qui désigne l'ensemble des acteurs publics ou privés qui
participent plus ou moins directement à la production et à l'application des Politiques
publiques.
A la lumière du contexte d'émergence des politiques publiques ainsi que ses diverses
définitions et composantes, il est important de déterminer la méthodologie qui sera
adoptée pour bien réaliser l'étude de l'analyse des politiques publiques. D'où l'étude
des diverses approches des politiques publiques.
LePour bien étudier les diverses approches des politiques publiques, nous allons mettre
l'accent sur l'approche séquentielle des politiques publique systématisée par Jones
(section1) ainsi que les autres approches servant de critiquesà l'endroit de cette dernière
(section2).
La première question qu'on peut poser ici est : comment, ou si vous préférez à partir de
quelle méthode d'analyse, peut-on étudier l'action publique? Pour répondre à cette
question, nous allons analyser la présentation de la grille séquentielle de Jones
(paragraphe1) avant de voir ses succès et faiblesses (paragraphe2).
Dans les écoles de politique publique, se développent, fin 50 début 60, les grilles
séquentielles d'analyse. La plus célèbre dans les années 60-70 fut la grille de
Jones. C'est Charles Jones qui systématise cette approche par grille séquentielle dans
un des premiers manuels de politique publique. Une action publique peut être découpée
en une séquence d'activités qui vont de l'émergence d'un problème jusqu'au à la «
terminaison de l'action ». Il y a généralement 5 séquences principales qui
composeraient le processus. Chaque phase pourrait faire l'objet d'un mémoire de
recherche. Voyons successivement ces cinq séquences.
Formulation d'une solution ou d'une action : Pour faire une politique publique, il
faut la faire selon des critères juridiques et économiques. Les réponses, les solutions,
sont la plupart du temps des solutions négociées pour permettre d'établir un cadre
d'action publique. Ce qui requiert un certain nombre de formalités non
négligeables : Élaboration de réponses / Etudes de solutions / Mise en conformité avec
des critères / proposition d'une réponse.
Prise de décision : Il faut avoir créé une coalition (pour que la loi existe, il faut qu'elle
soit votée au parlement...) et pour que la décision soit possible, il faut un processus de
légitimation de la politique. La politique doit apparaître comme répondant bien au
problème que l'on a cerné. Le décideur légitime va choisir une des solutions ou un
mixage de solutions qui va devenir finalement la politique publique la plus légitime.
Mise en œuvre : C'est la phase la plus analysée de la politique publique car elle reste la
phase de construction de solution. Mais à partir de là, on peut mesurer un certain
nombre de chose. La politique est appliquée et administrée sur un territoire et/ou sur un
secteur. Il faut la gérer et l'administrer. Mais le seul fait de la mettre en œuvre produit
des effets parfois souhaités ou non (effets pervers). Gestion et administration /
production d'effet.
La résolution d'un problème est en théorie : la terminaison de l'action : mais très peu
de problèmes ne se résolvent par une politique publique. Elles résolvent généralement
qu'une partie du problème voir en crée de nouveaux.
Cette cinquième phase débouche alors une phase d'évaluation : une vision des effets
de la politique et d'une pensée sur comment ajuster la politique au mieux. Ceci étant dit
il reste à voir le succès de la grille séquentielle de Jones.
Nous allons analyser ses succès (A) avant de pencher sur ses faiblesses (B).
A.Les succès de l'analyse de Jones
Mais aussi avec les élites politico-administratives parce que cela amène à une décision
rationnelle et rationalisable. On parle alors d'un modèle syncrétique de rationalité parce
qu'il rassemble plusieurs modèles de rationalité. Cela dit, il y a lieu de retenir qu'une
bonne politique publique, c'est une politique qui suit de manière assez linéaire, ces
différentes séquences d'action. On a l'idée que ce schéma va aider à faire de bonnes
actions publiques, mais on en déduit aussi une certaine capacité du chercheur à peser
sur l'objet à analyser (les politiques publiques elles-mêmes). Le chercheur devient par
ce biais, un expert potentiel, qui va être capable de prodiguer une véritable aide à la
décision. Malgré son succès cette méthode fait l'objet de multiples critiques. D'où
l'étude de ses faiblesses.
La première réserve concerne sa trop grande linéarité. En effet, une décision, peut
"sauter" l'une des phases évoquée par Jones et, de la même manière, des phases peuvent
être inversées. C'est le cas par exemple quand la décision précède la définition du
problème (Ex les urgences liées aux crises sanitaires(le covid19), aux calamités
naturelles ect..).
Contre ce schéma plutôt rationaliste que constitue l'analyse séquentielle, on peut citer
un modèle assez original. Il s'agit du modèle dit de la poubelle (garbage can model)
développé par deux américains March et Olsen (Rediscovering Institutions. The
Organizational Basis of Politics, 1989). Ce modèle relève d'une perspective
"anarchiste" ou désorganisée de la décision publique. Il repose sur l'idée qu'un
processus décisionnel n'est après tout pas autre chose qu'un amoncellement d'objets
hétéroclites (acteurs, intérêts, ressources...) dont la confrontation finit par produire de la
décision. C'est ainsi qu'il arrivait que les décideurs aient des solutions mais pas de
problème.
La réserve que l'on peut faire avec le modèle de la poubelle concerne la négation de
l'existence de règles minimales, en particulier de règles procédurales et de règles de
droit, qui, malgré tout, contribuent à organiser les interactions entre acteurs des
politiques publiques et rendent possible l'action publique. A côté de la dite approche
s'ajoutent d'autres approches ayant un apport considérable dans l'analyse des politiques
publiques. Il s'agit de :
-L'apport d'Emile Durkheim (le suicide, la division du travail social, les formes
élémentaires de la vie religieuse) reste majeur pour l'analyse des représentations et des
normes, et pour la contribution des politiques publiques à la régulation des sociétés.
Franck Baumgartner de son côté définit l'agenda politique de façon un peu différente :
«L'agenda politique est l'ensemble des problèmes qui sont l'objet de décisions et de
débats au sein d'un système politique particulier à un moment donné. »[3] . Partant de
ces définitions, il nous parait important de faire la différence entre agenda
institutionnel et agenda systémique. D'où l'implication des éléments définitionnels de
l'agenda politique à savoir la différence entre agenda institutionnel et agenda système.
L'inscription sur l'agenda est l'étape première de toute politique publique. Elle en est la
condition. L'inscription sur agenda correspond au moment où les autorités publiques
prennent un problème, un thème en considération et l'inscrivent à court, moyen ou long
terme comme l'une des actions qu'ils auront à mener. Ceci étant dit, l'étude de l'agenda
portera sur les modes d'inscription sur l'agenda (A) d'une part et sur les modèles de mise
à l'agenda et leurs implications(B) d'autre part.
Sur point deux questions se posent : y a-t-il un débat public ? y-a-t-il un début de
réponse ? Quatre points importants peuvent nous apporter des réponses à ces questions
à savoir :
- l'inscription complète : débat public et début de réponse. C'est le scénario le plus
favorable, il va bien pénétrer la sphère politico-administrative (ex de débats publics sur
les moyens de prévention et de lutte contre le coronavirus à l'échelle nationale et
internationale).
- l'inscription factice : elle suppose un débat public mais pas de début de réponse (ou
un début de réponse très localisé) mais pas de traitement global du problème. Ex :
l'euthanasie en France ou le problème des retraites).
- la non-inscription : des problèmes butant sur l'agenda, ni début, ni réponse pour les
acteurs politiques. Ces phénomènes se produisent s'il y'a saturation de l'agenda
politique.
Ex : pendant la guerre du Golfe un certain nombre de problèmes n'ont pas été mis sur
l'agenda, de même pendant les 3 à 6 mois avant une élection.
- l'émergence : cas particulier d'émergence et d'inscription : problème qui sort de la
sphère étatique et qui y revient ex : l'intégration européenne, il n'y pas de débat public
mais les élites administratives l'inscrivent sur l'agenda. Un même problème peut
connaître différents types d'inscription. Ceci étant dit, il convient de préciser
qu'il existe deux variables d'agenda :
a) l'agenda continu :
Rassemble les problèmes constamment inscrits à l'agenda pour lesquels il y a de
manière continue débat public et intervention de l'Etat. Ex : la question de la prévention
et de la lutte contre le terrorisme international, la problématique de la lutte contre la
cybercriminalité, et la bonne gouvernance continuent de faire l'objet de débat public
aussi bien interne qu'en externe. Autre l'agenda continu, nous avons également l'agenda
de type structurel.
b) l'agenda structurel :
Ex : problèmes qui surgissent à un moment donné et qui mobilisent l'attention de
manière éphémère, puis disparition de l'agenda (ex : le plan orsec Sénégal initié dans le
cadre de la prévention et de lutte contre les inondations). Après l'étude des modes
d'inscription nous allons aborder ces différentes modèles.
B.Les modèles d'inscription sur l'agenda et leurs implications
En somme, on peut admettre que les travaux sur l'agenda ont pour principal objectif de
comprendre comment et pourquoi certains problèmes en viennent à requérir l'attention
des autorités gouvernementales. Ils restituent les processus à travers desquels certains
problèmes sociaux deviennent des problèmes politiques. Ces processus sont très divers :
dynamiques médiatiques, mobilisation bruyante (ou silencieuse) des groupes d'intérêts,
logique de la compétition politique et anticipation des acteurs bureaucratiques se
combinent.
Partant de toute cette analyse, il est clair que la mise à l'agenda est un processus
complexe qui mérite une attention particulière pour l'analyse des politiques publiques.
A côté de la mise à l'agenda ; nous avons la prise de la décision qui est également une
phase importante dans l'analyse des politiques publiques.
Nous allons étudier successivement les acteurs (paragraphe1) puis les procédures de la
décision (paragraphe2)
Bien qu'ils soient extérieurs à l'Etat, ils ont un pouvoir de régulation sur un ensemble de
problèmes donné. Ex : conseil de l'ordre des médecins, chambre des notaires...
L'autonomie de leur profession est reconnue par l'Etat. On peut parler aussi de la
mobilisation des syndicats ou du patronat dans des structures corporatives.
Travail sur le contenu des lois (mise en forme). Ex avec la loi portant sur l'acte trois de
la décentralisation au Sénégal, certains acteurs avaient sollicité que la dite loi soit
soumise à nouveau au parlement à raison de ces failles. Il en est de même de la loi
d'habilitation de 2020 accordée au Président de la république du Sénégal dans le cadre
de la prévention et de la lutte contre le coronavirus.
2 éléments cruciaux dans ce processus de formulation :
• Faisabilité technique : est-ce qu'on a les moyens disponibles pour adopter une
décision ?
• Coût politique : quel va être la réaction de l'opinion publique, et quelles sanctions en
matière électorale ? Ex : La loi instituant la parité sur les listes des candidats aux
élections législatives et locales au Sénégal.
B) La légitimation : recouvre toutes les procédures formelles qui vont officialiser le
choix et le légitimé pour l'appareil d'Etat mais aussi pour l'opinion publique. C'est ainsi
que la légitimation va connaitre trois étapes :
• Le vote par le Parlement (représentatif)
• La saisine du Conseil Constitutionnel (dynamique juridique)
• Promulgation par l'exécutif (légitimation symbolique)
Le processus de sortie est matérialisé par la parution au Journal Officiel.
Ces acteurs et procédures de la décision ainsi analysés, nous allons examiner la
rationalité de la décision ainsi que ses limites.
Section2 : La rationalité de la décision
On fait parfois référence à « une décision rationnelle ». On considère que les autorités
publiques interviennent à partir d'un choix délibéré, qui est arrêté à partir d'un calcul
rationnel au sens économique du terme, relatif aux solutions alternatives et à leurs coûts,
avec l'idée de toujours rechercher un optimum dans la décision. À chaque fois qu'un
décideur prend une décision publique, il se retrouve un peu comme un acheteur : si le
profit est plus élevé que le coût, alors il y a action. On peut prendre l'exemple du
problème des déficits budgétaires en lien avec des caisses de retraites ou l'exemple de la
criminalité. L'optimum correspond au choix le plus adapté au problème.
Le calcul rationnel du décideur est ce qui le pousserait agir par intérêt (un acteur agit s'il
a un intérêt uniquement) en essayant de maximiser ses gains et de minimiser ses coûts.
Si les coûts sont trop importants il n'agira pas. D'après cette théorie, le décideur agira
selon une rationalité économique. En postulant cela, les spécialistes de politiques
publiques ont tendance à minimiser d'autres motivations et d'autres rationalités qui
peuvent pousser l'acteur à agir. Par exemple, l'acteur peut ne pas agir par intérêt au sens
économique mais être motivé par d'autres valeurs. On peut avoir une certaine idée des
politiques sociales. L'analyse peut se faire différemment que d'une manière
coût-avantage. Ici, on néglige tout ce qui est au niveau des valeurs et de la moralité.
La rationalité économique (parfois appelée substantive) peut être opposée à un autre
type de rationalité d'action : la rationalité procédurale. Selon cette rationalité l'action est
définie par un certain nombre d'étapes à effectuer (rationalité juridique). La rationalité
juridique correspond à une séquence d'actions qui définit une procédure mais pas
forcément un calcul coût-bénéfice).
Les chercheurs ont tenté de transférer la rationalité économique dans la sphère politique.
La conséquence est que les chercheurs postulent que les autorités publiques,
lorsqu'elles décident et mettent en œuvre des politiques publiques, ont exactement le
même type de rationalité que les acteurs du marché économique libéral. Ces acteurs,
ces décideurs cherchent à optimiser leur action en fonction d'une réflexion qui va porter
sur la rationalité des moyens employés pour atteindre des objectifs définis
lesquels renvoient à des intérêts stratégiques.
Il s'agit d'une réflexion par analogie. Une théorie définie par l'utilitarisme est transférée
à l'analyse de la décision publique. Mais cette transposition engendre deux types de
conséquences liées à deux types de comportement que l'on prête à l'homo economicus :
1. L'acteur poursuit des buts qui sont toujours cohérents entre eux. L'acteur qui veut
acheter une voiture d'occasion, dispose d'un certain budget et d'une certaine finalité
(acheter un break blanc par exemple) est supposé faire preuve d'une rationalité
économique : on suppose qu'il a à sa disposition toutes les informations permettant de
faire un choix optimum en tête.
Le décideur politique devrait avoir cette même homogénéité afin de poursuivre des buts
cohérents.
2. L'acteur est supposé faire des choix qui sont cohérents entre eux et qui sont toujours
adaptés au but poursuivi.
Cette rationalité économique est transposée dans le marché politique. Cette rationalité
substantive se nomme également rationalité réelle. Elle suppose ou présuppose une
parfaite information des agents économiques. Cela suppose un accès homogène et
équitablement réparti à l'ensemble de l'information disponible à un temps T. Par
exemple, l'acte d'achat de la voiture ne peut être rationnel que si, lors de cet acte,
l'acheteur est informé de l'ensemble des informations disponibles à travers le monde en
lien avec l'acquisition de la voiture désirée. C'est uniquement parce que toute
l'information est disponible que le choix peut être considéré comme rationnel.
Malgré les limites relativement évidentes, les travaux pionniers de politiques publiques
vont avoir tendance à poser et à conserver ce postulat de base de la rationalité
économique qui anime les décideurs de l'action publique. A la lumière de la rationalité
de la décision nous allons analyser ces limites.
Paragraphe 2 : Les limites de la rationalité décisionnelle
Les travaux d'Herbert Simon et ceux de Charles Lindblom ont remis en cause le
concept de rationalité en matière de politiques publiques. D' où l'émergence des
modèles ou théories gradualistes à savoir : la rationalité limitée d'Herbert Simon(1) et
l'incrémentalisme de Charles Lindblom (2). A côté de ces modèles nous avons
également le modèle dit de la poubelle (3).
Au départ, Simon est plutôt dans une optique tayloriste, c'est-à-dire qu'il est très marqué
par l'idée de rentabilité et d'efficacité au travail. Taylor développe un certain nombre de
théories qui vont amener à développer le travail à la chaine. Simon se dit qu'il faudrait
faire une sorte de taylorisation dans l'administration.
En opposition à la rationalité économique, Simon introduit la notion de rationalité
limité (boundid). Alors que la rationalité économique suppose en particulier un parfait
accès à l'information des acteurs, Simon prend en compte l'imparfaite information des
agents dans la réalité.
1. Cela est lié aux limites intellectuelles des individus.
2. La décision est à un temps T et à ce temps l'information n'est jamais complètement
disponible.
Il s'agit d'une critique radicale de la philosophie politique libérale classique pensable.
Pour Simon cette théorie est quasiment devenue une idéologie.
Il montre que face à un problème à résoudre, l'être humain en général et
particulièrement le bureaucrate, en raison de ces limites a toujours une capacité de
connaissance et de choix limité. Il ne peut pas comparer de manière synoptique (de
manière simultanée) toutes les solutions possibles et leurs conséquences possibles pour
choisir la meilleure d'entre elles.
Pour Simon, face à une décision à prendre l'individu procède beaucoup simplement,
d'une manière séquentielle en comparant l'une après l'autre les solutions possibles qui
lui viennent en tête à ce qu'il considère être des critères minimaux de satisfaction.
L'individu arrêtera son choix à la première solution satisfaisante et suffisante pour agir.
La première solution satisfaisante et suffisante n'est pas forcement la plus satisfaisante.
L'homme est un animal qui cherche la satisfaction plutôt que l'optimisation. Admettre
que la raison humaine est imparfaite et limitée devrait pour lui permettre de comprendre
des comportements individuels et collectifs que l'on pouvait juger soit illogique soit
incohérent.
2/ L'incrémentalisme[2] de Charles Lindblom [3]
La première idée fondamentale est qu'il fait une différence nette entre la décision privée
et la décision publique. L'économie politique libéral a réfléchi sur la décision privée
alors cela ne peut être transposé dans la sphère publique. Pour les décisions privées on
peut facilement considérer que la rationalité d'une décision se juge par rapport aux
objectifs du décideur. Mais en matière de politiques publiques, il apparaît difficile de
considérer que la rationalité ne dépend que des objectifs des décideurs parce qu'en
démocratie il y a toujours un impératif d'intérêt général qui transcende tous les intérêts
particuliers y compris les intérêts propres du décideur (ce qui n'est pas forcément le cas
chez Peugeot): Du coup la rationalité de la décision publique ne peut pas reposer sur la
seule action du décideur qui doit tenir compte de cette contrainte de l'intérêt général.
Quand on intègre cette contrainte, la pertinence du modèle de la décision rationnelle
devient beaucoup contestable.
À partir de là, il va administrer une critique radicale au modèle de la décision
rationnelle en disant que selon lui, ce modèle serait efficient même supérieur à une
autre si quatre condition était remplies :
1. Il faut que les acteurs aient toujours toutes les informations nécessaires à la décision
qui soient disponibles à ce moment-là.
2. Il faudrait qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans les objectifs des décideurs.
3. Il faudrait que tous les participants partagent les mêmes valeurs.
4. Il faudrait que tout au long de l'action publique, les ressources soient toutes
également disponibles.
Mais ces conditions ne peuvent jamais être concrètement remplies. Il est impossible de
réunir a priori toutes les informations nécessaires à la décision mais il est même inutile
de vouloir le faire. Le coût pour réunir cette information serait énorme pour un résultat
aléatoire d'autant plus que les qualités intellectuelles humaines sont limitées.
Les objectifs des acteurs sont nécessairement ambigus parce qu'on vit dans un monde
complexe dont les problèmes mettent en question beaucoup d'élément d'incertitude et
avec des problèmes à traiter qui mettent relation des intérêts nombreux et
contradictoires. Vouloir clarifier à l'avance le but ou les objectifs d'une politique
rendrait l'accord et donc la décision quasiment impossible (vision cynique du politique).
Il ne fait pas avouer son but ou même avouer un but qui n'est pas le vrai.
3. Tous les partenaires qui sont mobilisés par une même action ne partagent pas
forcément les mêmes valeurs mais toutes ces valeurs méritent normalement d'être
respectées si elles ne sont pas attentatoires à la démocratie. Du coup, un accord sur les
dispositifs concrets (les politiques pratiques) est beaucoup plus facile à réaliser qu'un
accord sur les buts de l'action. Par exemple, les politiques de rénovations urbaines :
pour certains : c'est des politiques culturelles, pour d'autre : c'est des politiques
sécuritaire, de développement économique, de résorption du chômage dans le quartier.
En fait, c'est un peu tout ça mais on arrive à les mettre en place car on s'accorde sur les
dispositifs et non pas sur les finalités des dispositifs.
4. Les ressources des acteurs ne sont en faites pas stables. Parce que l'action publique
fait resurgir des ressources nouvelles et en épuise d'autres (lien avec l'économie
politique libérale). Il y a une consente modification et redistribution des ressources
disponibles. Tous ces éléments amènent à noter une impression d'irrationalité de
l'action. Lindblom montre que derrière cette irrationalité apparente, une autre
rationalité existe : une rationalité a posteriori, où on rationalise l'action et on tente de la
légitimé une fois qu'elle a été faite. Cette rationalité est plus humaine est plus efficace
que la rationalité économique.
3/Le modèle de la poubelle
Ce sont March et Olsen qui ont développé le modèle dit de la poubelle dans un
ouvrage intitulé : (Rediscovering Institutions. The Organizational Basis of Politics,
1989).
Selon ce modèle, il existe 4 critères pour critiquer la Rationalité d'une PP :
• il n'existe jamais une connaissance de la situation, donc pas de critères de choix ;
• les préférences sont implicites, souvent contradictoires et instables ;
• il n'y a pas de moyens disponibles ;
• le moment de la décision (moment de stress) est tout sauf rationnel, il y a des affects.
Face à une situation de choix, les acteurs vont prendre la dernière décision qu'ils
viennent de jeter à la poubelle sans vraie rationalité. Ex : les congrégations religieuses,
l'armée (trop forte hiérarchie, pas de grandes connaissances de l'environnement, stress
au moment d'une attaque...).
La création de la monnaie unique européenne qui était une idée qui traînait dans les
tiroirs depuis 20 ans et qui a été ressorti après la réunification allemande. Après les
caractères de la décision et ses critiques, le moment est venu de s'arrêter sur les
contraintes de la décision. Ce qui nous conduit à voir la nature de ces contraintes.
Section3 : Les contraintes de la prise de la décision
Les responsables ne sont pas toujours libres de passer directement de l'examen des
conséquences de différentes politiques au choix des programmes ayant les effets les
plus favorables. Leur liberté de décision est restreinte par les forces qui régissent leur
environnement. Les unes interdisent certains choix, tandis que d'autres déterminent les
programmes prioritaires. Plus généralement, on peut distinguer d'une part les
contraintes liées aux règles et à la bureaucratie (Praraphe1) et d'autre part, les
contraintes politiques et économiques (paragraphe2).
.
Paragraphe 1 : Les contraintes liées aux règles et à la bureaucratie
Examinons les contraintes politiques (1) avant d'envisager l'étude des contraintes
économiques(2).
La première contrainte qui pèse sur une décision politique est sa concordance ou non
avec les vœux de l'opinion publique. A première vue, le moyen le plus simple et le plus
démocratique de conduire les affaires publiques serait sans doute de se conformer aux
vœux de l'opinion. Chaque décision serait alors prise en fonction des préférences de la
majorité. Seulement, il faudrait, dans ce cas, que de telles préférences soient à la fois
réelles et perceptibles ; il faudrait aussi que les décideurs soient prêts à suivre l'opinion
et à la laisser faire elle-même ses choix il ya lieu d'envisager deux aspects : d'une part,
l'influence de l'opinion sur l'action gouvernementale et d'autre part réciproquement,
l'influence des hommes politiques sur l'opinion.
Pour comprendre l'absence fréquente de conformité entre les vues de l'opinion et les
décisions gouvernementales, il importe de considérer les différents mécanismes
permettant aux citoyens de prendre part à la vie politique. Il s'agit notamment des
élections, des sondages d'opinion et de divers contacts directs et personnels avec des
hommes politiques.
Le vote constitue le premier moyen offert au public de participer à la vie politique.
L'électorat y trouve non seulement l'occasion de s'exprimer mais aussi un lien direct
avec ses principaux mandataires que la crainte d'être écartés du pouvoir peut conduire à
orienter les décisions dans le sens de l'électorat.
Cela suppose que les électeurs soient en mesure de comprendre les programmes des
candidats, pour ensuite les confronter aux décisions ultérieures effectives.
Les sondages (lorsque leur publication n'est pas interdite comme au Sénégal) offrent
aux citoyens la possibilité de faire connaître aux responsables leurs vues sur l'action
gouvernementale sous des formes plus immédiates qui ne permettent pas les seules
élections. C'est à ce titre qu'ils peuvent influer sur les décisions gouvernementales.
Le dialogue personnel constitue un moyen de contact direct. Pourtant, en dépit de son
utilité potentielle pour influencer l'action gouvernementale. Ce moyen n'est pas assez
utilisé, notamment du fait que les responsables ne peuvent consacrer qu'un temps limité
à une telle forme de contact. Les citoyens qui ont les moyens de s'adresser
personnellement aux gouvernants ne sont représentatifs du grand public car ils
appartiennent en général aux groupes socio-économiques les plus favorisés. A côté de
ces contraintes politiques, des contraintes économiques non moins redoutables pèsent
sur la prise de décision. D'où l'étude des contraintes économiques.
2/Les contraintes économiques
La crise financière de 2008 a mis à nu la fragilité des décideurs politiques face à la
toute-puissance de l'économie, tous les programmes budgétaires intégrant désormais la
nécessité de maîtriser la dette publique galopante.
Les responsables ne sont pas libres de choisir n'importe quel programme. Leur liberté
de décision est restreinte par les forces qui régissent leur environnement. D'aucunes
interdisent certains choix, tandis que d'autres déterminent les programmes prioritaires.
L'économie dicte ce qui est possible ou souhaitable. Les responsables éthiopiens se
trouvent dans un contexte économique différent de celui de leurs homologues de
Washington. Les exigences en matière de programmes et les ressources disponibles
n'ont rien de comparable.
Les diverses composantes du développement économique figurent parmi les
principales préoccupations des décideurs. La recherche et le maintien de la prospérité
économique sont hautement prioritaires car c'est un élément fondamental, sans lequel
de nombreuses politiques sont vouées à l'échec.
Les rapports entre la conduite des affaires publiques et le développement économique
illustrent bien le caractère de réciprocité du processus de décision. Tandis que les
responsables cherchent à influer sur le rythme ou la nature du développement
économique dans leur environnement, leur action subit elle-même l'influence
omniprésente de l'économie. Elle est fonction à la fois des ressources disponibles et des
exigences de l'économie du pays.
Le degré de développement économique d'un secteur a une incidence sur les décisions
dans la mesure où il influe sur l'ampleur et la nature des ressources mises à la
disposition des pouvoirs publics. Plus une économie est développée, plus le pouvoir de
décision est large[5].
Après l'analyse de la décision, il reste à voir sa mise en œuvre qui est une phase
importante dans l'analyse de politiques publiques.
Chapitre5 : La mise en œuvre de la décision
Pour étudier la mise en œuvre de la décision (MEO) on peut se poser les questions
suivantes. Quels ont les acteurs qui doivent mettre en œuvre la décision ? Quelles sont
les formes de mise en œuvre ? Quelles sont les approches favorables pour la mise en
œuvre de la décision ? Pour répondre à ces questions nous allons examiner les acteurs et
les formes de mise en œuvre (section2), les approches usuelles pour la mise en œuvre
de la décision (section2) et enfin les limites de la mise en œuvre de la décision
(section3).