Intoxicatons
Intoxicatons
Intoxicatons
Les intoxications sont une des premières causes d'hospitalisation des personnes de moins de 30
ans dans les pays développés et posent un problème majeur de santé publique. La mortalité
hospitalière est actuellement inférieure à 1 %, grâce à une prise en charge précoce, fondée
conscience soient les symptômes les plus fréquents, la gravité est le plus souvent liée aux
• affirmer le diagnostic ;
• évaluer la gravité ;
I Affirmer le diagnostic
Le diagnostic d'une intoxication est fondé sur l'anamnèse, les symptômes, les investigations
paracliniques, l'analyse toxicologique et, dans certains cas, des tests pharmacodynamiques.
Idéalement toutes ces données doivent être en concordance avec le toxique et la dose ingérée
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A Anamnèse, histoire
l'intoxication, les circonstances, l'heure de la prise, les symptômes initiaux et les éventuelles
complications, ce qui évite le recours à des examens coûteux et parfois inutiles, en particulier les
analyses toxicologiques. L'interrogatoire doit répondre aux questions suivantes: Qui est
intoxiqué? Avec quoi et combien? Où, quand et comment est survenue l'intoxication?
D'un point de vue pratique, l'interrogatoire sera orienté en fonction du type d'intoxication.
Tentatives de suicide
Elles constituent la majorité des intoxications de l'adulte (90 % environ) et sont plus fréquentes
chez les femmes (60 % des cas). Les médicaments sont en cause dans 85 % des cas. L'expérience
montre que les données fournies par le patient sur la nature du toxique et la dose sont le plus
Elles représentent 95 % des intoxications de l'enfant. La cause est souvent évidente lorsque
ou les produits auxquels l'enfant aurait pu avoir accès ainsi que le lieu où s'est produit
l'intoxication (cuisine, salle de bain, chambre, atelier, jardin) permettent d'orienter le diagnostic.
Chez l'adulte, la cause est souvent l'ingestion d'un produit transvasé ou déconditionné, une
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exposition lors d'une mauvaise manipulation sans respect des consignes de sécurité et de
précaution.
Intoxications professionnelles
Elles sont plus rares. Le diagnostic est facile lorsque l'intoxication est survenue lors de la
contexte évident, il faut aussi évoquer la possibilité d'une intoxication volontaire ou accidentelle
de type « domestique ». La relation avec une exposition professionnelle risque d'être méconnue
si les premiers symptômes surviennent au domicile après un intervalle libre de plusieurs heures.
Addictions et abus
intoxication collective au cours de soirées récréatives sont les points clés du diagnostic.
Elles concernent surtout les enfants et les personnes âgées et risquent d'être méconnues. Elles
doivent être évoquées en présence de symptômes non expliqués par une maladie sous-jacente.
Les causes les plus fréquentes des surdosages sont les antitussifs chez l'enfant, les sédatifs, les
Intoxications criminelles
Elles nécessitent une enquête précise (anamnèse, analyse toxicologique), qui se justifie lorsque
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Une intoxication collective oriente vers une ingestion d'aliments toxiques (champignons) ou
contaminés, ou vers une inhalation d'un gaz toxique tel le monoxyde de carbone.
toxiques: monoxyde de carbone dans un espace clos avec chauffe eau défectueux ou chauffage à
B Symptômes
Ils sont très variés, dépendent directement de la nature du toxique et peuvent concerner tous les
organes et fonctions.
En pratique, il faut distinguer les symptômes liés directement aux effets du toxique et ceux dus à
trachéobronchique, atélectasie). Le traitement symptomatique est primordial dans les deux cas;
mais seuls les symptômes dus à un effet toxique direct sont susceptibles d'être améliorés par les
traitements antidotiques spécifiques ou par les traitements épurateurs. Ainsi, le coma peut être dû
anoxie par défaillance respiratoire, circulatoire ou d'origine chimique. De même, une défaillance
cardiocirculatoire peut être due à un effet toxique direct sur le cœur ou les vaisseaux
électrolytiques (hyperkaliémie).
(environ 85 %) dans les intoxications volontaires. Les particularités du coma toxique sont:
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• l'absence de signes de localisation, sauf en cas d'antécédents neurologiques avec séquelles;
• la profondeur variable selon la dose et le délai depuis l’exposition, à évaluer par l'échelle de
Glasgow;
toxique donné:
antihistaminiques;
monoxyde de carbone;
antiparkinsoniens;
certains champignons.
Lorsque l'étiologie toxique d'un coma n'est pas certaine, il faut éliminer une autre cause
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2 Atteintes du système nerveux autonome
les mécanismes, les symptômes et les causes sont résumées dans le tableau 22.1. La présence
d'un tel syndrome permet de suspecter des catégories de toxiques, avec dans certains cas, une
Tableau 22.1 Syndromes toxiques concernant une atteinte du système nerveux autonome. ( ? =
signes
bronchorrhée, insecticides
d'acétylcholine ou
diarrhées), organophosphorés
↓ de sa
bradycardie, ou à structure
vomissements
fasciculations insecticides
musculaires, organophosphorés
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paralysies
délire, panthère),
hallucinations, antidépresseurs
hyperventilation, tricycliques,
agitation antihistaminiques,
antiparkinsoniens
hypokaliémie, phencyclidine
leucocytose,
hyperlactatémie
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hypotension, propoxyphène,
myosis pentazocine
(convulsions), Sédation
diarrhées,
mydriase, sueurs,
chair de poule,
tachycardie,
crampes
hyperventilation e
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récepteurs hyperréflexie, amine (MDMA),
la sérotonine
insuffisance rénale
dopamine conscience,
hypertonie, ↑
CPK,
hyperleucocytose
3 Troubles respiratoires
Ils sont fréquents. Il s'agit le plus souvent d'une hypoventilation d'origine pérphérique
(osbtruction des voies aréiennes supérieures par hypotonie des muscles oropharyngés) ou
une atélectasie, une pneumopathie d'inhalation ou infectieuse. Les atteintes pulmonaires par
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4 Troubles cardiocirculatoires
Ils sont dus à plusieurs mécanismes isolés ou associés et sont fréquents, beaucoup de toxiques
ayant une effet direct ou indirect sur le système cardiovasculaire. On peut observer:
• une hypotension ou un état de choc, dus soit à une hypovolémie par pertes
5 Troubles digestifs
Ils sont fréquents mais souvent bénins, se limitant à des vomissements. Les lésions caustiques ou
corrosives sont très spécifiques de certains toxiques et nécessitent une prise en charge
particulière. Les diarrhées sont rares mais peuvent être un indice diagnostique puisqu'elles sont
6 Atteintes hépatiques
Elles sont rarement isolées. Tous les types d'atteintes hépatiques peuvent être observés: nécrose
l'atteinte la plus sévère, les causes les plus fréquentes étant le paracétamol et certains
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7 Atteintes rénales
Les atteintes rénales par effet néphrotoxique direct sont rares (éthylène glicol, mercure, arsenic).
hypovolémie ou à une déshydratation, soit organiques secondaires à des états de choc, des
8 Troubles de la thermorégulation
thermolyse. L'hypothermie est due à une perte de la thermorégulation centrale associée à une
exposition à un environnement froid et est surtout observée au cours des intoxications par les
psychotropes et l'alcool. Elle traduit souvent une découverte tardive d'un coma toxique.
L'hyperthermie est observée au cours des intoxications par les salicylés (chez l'enfant), les
anticholinergiques, la cocaïne, les amphétamines et l'ecstasy. Elle est un des critères de gravité
9 Atteintes cutanéomuqueuses
Le plus souvent, il s'agit de lésions par compression prolongée au cours du coma. Les caustiques
et les corrosifs entraînent rapidement des irritations et des brûlures. Avec l'acide fluorhydrique,
les symptômes et les lésions sont différés et risquent de ce fait de retarder le traitement.
Coloration cutanéomuqueuse
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En dehors de la cyanose ardoisée au cours des méthémoglobinémies, la présence ou non d'une
coloration particulière due au toxique lui-même ou au colorant qui y est contenu permet aisément
Elle peut être évocatrice d'une intoxication par les alcools, les solvants (éther), l'acétone.
Une coloration brun-noir peut être due à la présence d'hémoglobine (hémolyse intravasculaire)
ou de myoglobine (rhabdomyolyse). Certains toxiques (soit par la molécule elle-même, soit par
le colorant qui y est associé) entraînent une coloration particulière des urines qui permet de
C Investigations complémentaires
1 Examens biologiques
Certaines anomalies biologiques ont une réelle valeur diagnostique et permettent même de
suspecter un toxique ou une classe de toxique. Elles sont dans certains cas, le reflet direct de
l'effet toxique et, de ce fait, sont parfois plus utiles sur le plan diagnostique et thérapeutique que
l'analyse du toxique.
Glycémie
oraux entraînent des hypoglycémies prolongées alors que celles dues à d'autres toxiques (alcool
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L'hyperglycémie a une valeur d'orientation lorsqu'elle s'intègre dans un syndrome
hyperadrénergique.
Natrémie
Les perturbations de la natrémie sont surtout liées aux traitements: hyponatrémie par dilution liée
Kaliémie
Les perturbations peuvent être liées soit à un apport excessif ou à une augmentation ou
transfert qui ont un intérêt diagnostique puisqu'elles reflètent directement l'effet du toxique.
l'hyperstimulation adrénergique.
Chlorémie
En l'absence d'hypernatrémie, une hyperchlorémie importante doit faire évoquer une intoxication
Calcémie
Les hypercalcémies sont rares (intoxications chroniques médicamenteuses par les vitamines A et
D et les sels de calcium). Les hypocalcémies sévères sont notées au cours des intoxications par
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les chélateurs de l'ion calcium tels l'acide fluorhydrique, les fluorures et l'acide oxalique. Elles
Osmolalité
Une hyperosmolalité non expliquée par le glucose, l'urée et les électrolytes induit un trou
osmolaire (différence entre osmolalité mesurée et osmolalité calculée), indique la présence dans
le plasma d'une substance non dosée habituellement et doit faire suspecter une intoxication par
éthanol, méthanol, glicol ou acétone. L'osmolalité (mmol/L) peut être calculée selon l'équation:
osmolalité calculée (mmol/L) = 1,86 Na + urée + glucose/0,93 (le sodium, le glucose et l'urée
Les acidoses ou alcaloses respiratoires ne présentent pas de particularité et sont liées aux effets
surtout les acidoses avec trou anionique augmenté qui présentent un intérêt diagnostique. Un trou
anionique augmenté indique une accumulation d'anions acides, le plus souvent de lactates.
L'hyperlactatémie peut être due soit à une anoxie cellulaire par hypoperfusion tissulaire (état de
trou anionique sans hyperlactatémie traduit la présence d'anions acides soit d'origine exogène
(chlorure d'ammonium), soit due à des métabolites de certains toxiques tels le méthanol,
l'éthylène glicol ou les salicylés. L'association d'un trou anionique et d'un trou osmolaire doit
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Hémostase et coagulation
Les perturbations peuvent être dues à des complications (hépatites, CIVD) ou à des effets directs
venins de serpents).
Créatinine phosphokinases
Une augmentation des créatinine phosphokinases est fréquente au cours des intoxications. Les
hypokaliémie, hyperthermie, syndrome malin aux neuroleptiques, effet toxique musculaire direct
au cours des intoxications par l'alcool, le monoxyde de carbone, les venins de serpents.
Transaminases
Méthémoglobine
Elle doit être recherchée en présence d'une cyanose gris ardoisé, non expliquée par une
hypoxémie et non régressive sous oxygénothérapie, et lorsque le sang artériel présente une teinte
brun chocolat non modifiée par l'agitation à l'air ou le barbotage d'oxygène. Le degré de la
méthémoglobinémie exprimée en pourcentage de l'hémoglobine totale est assez bien corrélé avec
les symptômes cliniques. Les causes les plus fréquentes sont les nitrites, les nitrates, les gaz
nitreux, les chlorates, les sulfones, les dérivés nitrés du benzène et du toluène.
Cholinestérases
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La diminution de l'activité des cholinestérases plasmatiques et surtout érythrocytaires est un
témoin direct de la sévérité des intoxications par les insecticides organophosphorés et à structure
carbamate.
Atteintes hématologiques
Elles sont rarement inaugurales et isolées. Les mécanismes sont très variés: effet toxique direct,
mécanisme immunoallergique. Une hémolyse intravasculaire est rare et n'est observée qu'avec
2 Électrocardiogramme
et sont souvent un reflet précis de la toxicité et de la gravité (tableau 22.2). Un élargissement des
complexes QRS (bloc intraventriculaire) doit faire suspecter une intoxication avec effet
bêtabloquants, chloroquine) ou une hyperkaliémie. Le traitement comporte dans tous ces cas
faire évoquer une intoxication par des digitaliques ou des inhibiteurs calciques.
antihistaminiques anti-H1,
antidépresseurs tri- ou
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tétracycliques, quinidine,
dysopyramide
caféine
éphédrine
organophosphorés
Bêtabloquant Bêtabloquants
chloroquine, antidépresseurs
tricycliques, certains
bêtabloquants
prazosine
torsades de pointes)
éphédrine, trichloréthylène
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Inhibition Na-K-ATPase Digoxine, digitaline
chloroquine, antidépresseurs
tricycliques, certains
bêtabloquants
chloroquine, antidépresseurs
tricycliques, certains
bêtabloquants, ciguatoxine,
tétrodotoxine
tricycliques, certains
bêtabloquants, thioridazine
antipsychotiques, anti-
infectieux, antihistaminiques,
antiémétiques
chloroquine, antidépresseurs
tricycliques, certains
bêtabloquants
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3 Examens radiologiques
Ils ont des indications non spécifiques pour déterminer la présence de lésions ou de
pneumopathie) ou éliminer une cause cérébrale à l'origine d'un coma (scanner crânien). Dans
4 Électroencéphalogramme
Il est indiqué lorsque la cause d'un coma n'est pas clairement établie en montrant des
modifications du tracé compatibles avec une intoxication médicamenteuse. Il garde par ailleurs
tout son intérêt en cas d'état de mal convulsif ou myoclonique et dans le suivi des comas
postanoxiques.
5 Endoscopie digestive
Elle est indiquée en cas d'ingestion de produits caustiques ou corrosifs afin d'établir l'importance
d'emballages contenant des toxiques (body-packer) n'est plus recommandée en raison du risque
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D Analyse toxicologique
(histoire, symptomatologie), elle n'est pas indispensable sauf si elle a un intérêt pronostique,
thérapeutique ou médicolégal. Par ailleurs, l'analyse toxicologique doit être ciblée par le clinicien
en fonction des symptômes: une recherche de toxiques tout azimut est souvent inutile et toujours
coûteuse. Par ailleurs, les tests qualitatifs ou semi-quantitatifs (exprimés en nombre de croix)
sont souvent peu informatifs et ont une sensibilité limitée. En urgence, une analyse toxicologique
d'un antidote ou d'un chélateur, doses répétées de charbon activé per os, épuration extrarénale.
Cela est le cas notamment des intoxications par le paracétamol, les digitaliques, le lithium, la
glycol, le fer et les métaux lourds (tableau 22.3). En dehors de ces intoxications, l'analyse n'a pas
ou peu d'incidence sur le traitement, qui est fondé sur des données cliniques et/ou anamnestiques.
Cependant, il est conseillé de réaliser dans toute intoxication un prélèvement sanguin à titre
• L'intoxication est certaine, le (ou les) toxique(s) est (sont) connu(s) d'après les données
les doses. Dans ce cas, l'analyse toxicologique n'est pas indispensable. En revanche, elle est
nécessaire dans les cas où elle a des implications thérapeutiques (paracétamol), pronostiques ou
médicolégales.
• L'intoxication est certaine, le (ou les) toxique(s) est (sont) connu(s) mais la symptomatologie
ne concorde pas avec les toxiques ou la dose présumée. Dans ce cas, l'analyse toxicologique
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permet soit de déceler un ou d'autres toxiques associés, soit de rechercher, en cas de screening
• L'intoxication est certaine d'après le contexte, mais les toxiques ne sont pas connus. Le
diagnostic sera essentiellement orienté par les toxidromes et les investigations complémentaires,
malgré l'absence de contexte évocateur. Dans ce cas, seule l'analyse toxicologique (mise à part
nature exacte.
Toxiques Traitement
Lithium Hémodialyse
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E Tests pharmacodynamiques ou thérapeutiques
flumazénil (Anexate®) peut être justifiée à titre diagnostique: confirmation de l'intoxication par
benzodiazépine en cas de réveil du patient; suspicion d'une intoxication mixte comportant des
effet n'est observé. L'injection de naloxone (Narcan®), permet de reverser les symptômes de
de soluté glucosé en cas d'hypoglycémie, à condition que celle-ci n'ait pas entraîné de lésions
II Évaluer la gravité
C'est une étape fondamentale puisqu'elle détermine en grande partie la stratégie thérapeutique et
sont intriqués: le toxique et son mécanisme de toxicité, les symptômes, les données analytiques,
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A Toxique
« C'est la dose qui fait le poison », mais pas uniquement. La gravité initiale réelle ou potentielle
Nature du toxique
troubles de la conscience? Quel est le mécanisme d'action? S'agit-il d'un toxique fonctionnel ou
lésionnel?
La dose supposée ingérée est un élément de gravité potentielle mais elle doit être confrontée avec
les symptômes ou dans certains cas avec les données analytiques (paracétamol); pour les
médicaments le risque est d'autant plus important que la marge thérapeutique est étroite
(antiarythmiques, digoxine, colchicine). Pour les toxiques ayant un effet anoxiant (monoxyde de
carbone, cyanure), la gravité dépend de la dose (concentration dans l'air) mais aussi de la durée
d'exposition.
Voie de pénétration
Les intoxications par injection ou inhalation sont particulièrement graves en raison de la rapidité
Cinétique, dynamie
Le délai ingestion-admission est primordial dans l'estimation du risque, mais il doit être analysé
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effets rapides, tels les cardiotropes, la chloroquine, certains psychotropes, les risques vitaux sont
très précoces, alors qu'ils sont plus tardifs pour des toxiques à absorption lente (formes à
Les mécanismes de toxicité sont essentiels pour l'interprétation de la relation entre les
Toxiques fonctionnels
Ils modifient transitoirement une fonction de l'organisme ou d'un organe. Il existe une assez
bonne corrélation entre les concentrations plasmatiques et la toxicité lorsque celle-ci est liée au
toxique lui-même et non à des métabolites. La sévérité des symptômes est proportionnelle à la
concentration momentanée du toxique au niveau de l'organe cible ou des récepteurs, et donc aux
même de l'éthanol. L'évolution est, en règle générale, favorable dans la mesure où aucune
Toxiques lésionnels
Ils induisent des lésions cellulaires et/ou tissulaires (paracétamol, paraquat, métaux lourds,
maximale qui a été, est ou sera atteinte au niveau de l'organe cible. Il n'existe pas de corrélation
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une valeur pronostique lorsqu'elles sont analysées en fonction de l'heure de l'ingestion. Ainsi, les
intoxications par le paracétamol et le risque d'évolution mortelle dans les intoxications par le
Ce sont ceux qui traduisent une défaillance des fonctions vitales: troubles sévères de la
Pour certains toxiques, des données paracliniques sont de bons marqueurs de gravité : bloc
hypocalcémie (fluorures), acidose métabolique avec trou anionique (méthanol, éthylène glycol),
pronostic sont plus liés aux complications qu'à la toxicité directe. Ainsi la mortalité hospitalière
des intoxications aux psychotropes est presque exclusivement due aux complications, en
C Type d'intoxication
Pour certains toxiques (théophylline, digoxine, lithium), la sévérité est plus importante, à
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D Terrain
Les intoxications sont plus graves chez l'enfant pour la théophylline, l'aspirine, chez le sujet âgé
pour la théophylline, les digitaliques. Une maladie sous-jacente aggrave dans certains cas la
E Associations de toxiques
Les effets peuvent être potentialisés en cas d'ingestion de plusieurs toxiques ayant des effets
Toutes les intoxications ne justifient pas une hospitalisation. C'est le cas en particulier d'un grand
nombre d'intoxications accidentelles chez l'enfant, soit que le toxique en cause ne présente que
des risques mineurs, soit que la dose ingérée est faible. Pour toute intoxication, en cas de doute
convient d'appeler un centre antipoison qui pourra fournir les renseignements adéquats.
Les intoxications volontaires justifient dans la plupart des cas une hospitalisation en raison de
leur gravité potentielle (liée à la dose importante souvent ingérée) et du contexte avec possibilité
de récidive immédiate. Une prise en charge médicale préhospitalière est indiquée le plus souvent.
Le patient est orienté soit vers un service d'urgences, soit vers une service de réanimation
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B Prise en charge initiale
C Traitement ultérieur
antidotique.
1 Traitement symptomatique
circulatoires en particulier, des convulsions, d'une hyperthermie sévère, etc. Il ne présente pas de
cours des intoxications par cardiotropes, bêtabloquants pour une intoxication par cocaine (à
Une décontamination cutanée doit être réalisée en urgence, si possible sur le lieu de l'exposition
des produits susceptibles d'induire des lésions cutanées (acides, alcalins, corrosifs, phénols,
solvants, décapants) ou d'être absorbés et ainsi entraîner des intoxications systémiques (solvants,
alcools, nitriles, insecticides, acide fluorhydrique). Une neutralisation est déconseillée car elle est
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susceptible d'aggraver les lésions. La décontamination comporte le retrait de tous les vêtements
et effets et des bijoux puis le rinçage abondant et prolongé avec de grandes quantités d'eau. Les
lésions de brûlures ne nécessitent pas de traitement spécifique sauf en cas d'exposition à l'acide
fluorhydrique où un traitement antidotique local par gel de gluconate de calcium doit être
appliqué rapidement.
La décontamination oculaire répond aux mêmes indications. Elle est aussi indiquée en cas
provoquer une intoxication systémique (atropine, bêtabloquant). L'irrigation oculaire à l'eau doit
être entreprise sans délai et poursuivie pendant 30 minutes au moins et plus dans les cas graves.
Sa réalisation peut nécessiter l'administration d'un anesthésique local. Il convient aussi d'éliminer
toutes les particules de corps étrangers. Une neutralisation n'est pas indiquée. Une consultation
b. Décontamination digestive
quasi-systématique pendant de nombreuses années et jusqu’en 1997, bien que les indications
n'étaient pas validées. L'intérêt de la décontamination digestive a fortement été remis en cause
par les recommandations des scoiétés de toxicoogie clinique euroépenne et américaine. Les
indications de la décontamination digestive sont désormais peu nombreuses si l'on tient compte
du délai d'administration très court nécessaire à son efficacité. Les vomissements provoqués
n'ont en pratique aucune indication. En raison de ses effets indésirables, l'administration de sirop
d'ipéca n'est également plus recommandée. Enfin, il n'existe pas de données permettant de
Lavage gastrique
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Ses indications et son efficacité ont été fortement remises en cause. En moyenne les quantités
retirées sont de 5 à 10 % de la dose ingérée, le délai de réalisation étant dans la majorité des cas
supérieur à 1 heure. Les quelques rares études cliniques n'ont pas démontré de bénéfice clinique
du lavage gastrique. Le lavage peut actuellement être recommandé uniquement en cas d'ingestion
<1-2 heure d'une quantité de substance toxique non carbo-adsorbable susceptible d'engager le
pronostic vital, en l’absence de contre-indications (patient comateux non intubé, les ingestion de
caustiques, d'hydrocarbures pétroliers ou de produits moussants). Même dans ces cas, son
Une grande variété de médicaments et de substances toxiques est susceptible d'être adsorbée in
vitro par le charbon activé. Le charbon activé avait suscité beaucoup d'intérêt il y a une vingtaine
d'années à la suite d'études réalisées chez des volontaires sains qui avaient montré que
l'absorption digestive de nombreux médicaments, mais à des doses non toxiques, était diminuée
lorsqu'il était administré dans l'heure suivant l'ingestion. Cependant, les études réalisées au cours
des intoxications aiguës n'ont pas réussi à démontrer de bénéfice clinique. L'administration de
charbon (50 g chez l'adulte et 1 g/kg chez l'enfant, sans dépasser 50 g) peut être envisagée en cas
d'ingestion récente depuis moins 1-2 heures de quantités toxiques et dangereuses d'une substance
Irrigation intestinale
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Elle a été préconisée afin de réduire l'absorption intestinale d'un toxique en diminuant son temps
de passage dans l'intestin. Elle est réalisée avec des solutions de polyéthylène glycol et
d'électrolytes. Elle pourrait avoir un intérêt dans les intoxications par le fer et dans les
Son objectif est d'augmenter l'élimination des toxiques présents dans l'organisme. Ses indications
sont actuellement peu nombreuses. La diurèse forcée, longtemps utilisée, n'a plus de justificatif
n'est justifiée que pour les intoxications sévères par phénobarbital, aspirine et les herbicides
dichlorophénoxy. Les indications validées de l'hémodialyse sont les intoxications graves par
l'élimination des toxiques carboadsorbables dont la demi-vie d'élimination est prolongée au cours
être particulièrement indiqué lorsque les autres voies d'élimination sont perturbées. L'efficacité
du charbon activé répété, attestée par une diminution de la demi-vie plasmatique et/ou une
augmentation de la clairance totale du toxique, a été confirmée pour les intoxications par la
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carbamazépine, la dapsone, le phénobarbital, la quinine et la théophylline. La posologie est de 50
4 Traitement antidotique
Les antidotes utilisables en urgence sont peu nombreux. Il s'agit des solutés glucosés pour les
l'hydroxocobalamine pour les cyanures. Ces traitements ne nécessitent pas une certitude
diagnostique si la symptomatologie est compatible avec le diagnostic suspecté et ils doivent être
mis en route à la phase préhospitalière si nécessaire. La plupart des autres antidotes sont réservés
au traitement hospitalier.
justifient une consultation psychiatrique afin de préciser les raisons du geste suicidaire, de
milieu spécialisé. Une intoxication professionnelle doit faire l'objet d'une déclaration d'accident
de travail et d'une enquête du médecin du travail. L'analyse des circonstances des intoxications
accidentelles de l'enfant permet de cibler les mesures préventives vis-à-vis des parents. En cas
d'intoxication domestique par le monoxyde de carbone, une enquête technique doit être réalisée
des intoxications aux centres antipoison est fondamentale afin qu'ils puissent justifier vis-à-vis
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des fabricants, des industriels et des autorités sanitaires les mesures préventives indispensables
Conclusion
La prise en charge des intoxications aiguës est bien codifiée. Cependant, chaque intoxication
justifie une prise en charge spécifique tenant compte du toxique, de l'intoxiqué et de la gravité.
Dans la plupart des cas, seul un traitement symptomatique et/ou une surveillance sont indiqués
traitement spécifique.
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116. Connaître les particularités cliniques des intoxications à l'aspirine
• Les intoxications par aspirine, très fréquentes autrefois, sont actuellement rares en raison de
• Les doses toxiques sont de 20 g chez l'adulte et > 100 mg/kg chez l'enfant.
- l'hyperventilation, soit par stimulation directe des centres respiratoires (phase initiale avec
alcalose respiratoire), soit par acidose métabolique (phase secondaire avec acidose par
• L'intoxication peut mimer une acidocétose, une cétonurie pouvant être présente.
• La salicylémie permet de confirmer le diagnostic et, avec les critères cliniques (atteinte
d'hypoglycémie chez l'enfant), la correction de l'hyperthermie par glaçage et des convulsions par
benzodiazépines. Une hémodialyse peut être indiquée dans les cas ne régressant pas aux mesures
précitées.
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111. Connaître les signes de gravité des piqûres et morsures
• Les piqûres d'hyménoptères (guêpes, abeilles, frelons) sont très fréquentes et n'entraînent le
plus souvent que des signes locaux bénins (œdème inflammatoire douloureux). La gravité peut
être liée à la survenue d'un choc anaphylactique, à une piqûre au niveau des voies respiratoires
supérieures avec œdème responsable d'un syndrome asphyxique ou à une envenimation par
piqûres multiples (plusieurs dizaines ou centaines). Celle-ci se caractérise par un état de choc
vasoplégique avec parfois hémolyse et CIVD. Pour les piqûres d'abeilles, il faut enlever le dard
avec la glande à venin. Le venin, thermolabile, est dégradé si l'on approche de la zone piquée une
source de chaleur.
• Les morsures par vipères entraînent rapidement dans les 20 à 30 minutes des signes locaux
- grade 0 [pas d'injection de venin]: marque des crochets, mais pas de douleur ni d'oedème;
généraux.
• La conduite à tenir doit être la suivante: mettre la victime au repos, la calmer, immobiliser le
membre mordu, appliquer un bandage moyennement serré au niveau du membre mordu. Une
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Points clés
• Les intoxications sont une des premières causes d'hospitalisation des personnes des moins de
30 ans. La mortalité hospitalière est actuellement < 1 % grâce à une prise en charge adéquate.
• Le diagnostic est basé sur l'anamnèse, les toxidromes, les investigations complémentaires
toxique, des critères cliniques (coma mais surtout défaillances respiratoires ou cardiovasculaires)
(alcalinisation urinaire, épuration extrarénale, charbon activé répété mais dont les indications
professionnelle.
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