2022 02 18 - Corrigé TD 11
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Document n°1 : Cass. Ass. plén. 29 juin 2001 : Bull.civ. I, n° 165 ; D. 2001.2917, note Y.
Mayaud ; JCP 2001, II, 10659, note M-L Rassat.
Un homme a heurté un véhicule conduit par une femme, enceinte de six mois. Blessée, cette
dernière a perdu, à la suite de l’accident, le fœtus qu’elle portait.
Le conducteur du véhicule ayant causé le choc a été condamné par la cour d’appel de Metz du
chef de blessures involontaires sur la personne de la femme enceinte et a été relaxé du chef
d’atteinte involontaire à la vie de l’enfant à naitre. La mère et le procureur général ont formé
un pourvoi en cassation.
En son premier moyen, le pourvoi soutenait que dans la mesure où l’article 221-6 du Code
pénal, qui réprime l’homicide involontaire défini comme le fait de causer par maladresse « la
mort d’autrui », n’exclut pas de son champ d’application « l’enfant à naître et viable », la Cour
d’appel, en procédant à cette exclusion, a ajouté une condition à la loi.
Le second moyen du pourvoi prétendait que la seule condition de la viabilité de l’enfant à naître
lors de l’accident suffisait à le faire entrer dans le champ de l’homicide involontaire. Dès lors,
les demandeurs au pourvoi déduisaient du fait le fœtus était viable au moment de l’accident un
défaut de motivation de l’arrêt d’appel.
Il s’agissait donc de savoir si l’article 221-6 du code pénal, réprimant l’homicide involontaire,
était applicable au cas de l’enfant à naître.
La chambre criminelle rejette le pourvoi, confirmant l’arrêt de la cour d’appel de Metz. Elle
refuse de qualifier d’homicide involontaire le décès de l’enfant à naître causé par un tiers, en se
fondant sur le principe d’interprétation stricte des délits et des peines et donc sur l’interprétation
stricte de l’article 221-6 du code pénal. Elle en déduit que l’enfant doit être né vivant et viable
pour bénéficier de la protection pénale, même s’il était viable au moment des faits (position
déjà adoptée dans Crim. 30 juin 1999).
Apport : cet arrêt d’assemblée plénière, rendu à propos d’un accident de la circulation, fixe la
position de principe de la Haute juridiction : le principe de légalité des délits et des peines, qui
impose une interprétation stricte de la loi pénale, s’oppose à ce que l’incrimination prévue par
l’article 221-6 soit étendue au cas de l’enfant à naître (dont le régime juridique relève de textes
particuliers relatifs à l’embryon et au fœtus). La solution a été réitérée par la Cour de cassation
en 2002 (Crim. 25 juin 2002, n° 00-81.359, Bull. Crim n°144 p.531).
Une femme enceinte de huit mois a été victime d’un accident de la circulation. Le jour même,
elle donnait naissance à un enfant. Celui-ci décédait une heure après sa naissance des suites du
choc causé par l’accident.
La conductrice à l’origine de l’accident a été condamnée en première instance puis par la cour
d’appel de Versailles du chef d’homicide involontaire sur la personne de l’enfant. Le procureur
général près la Cour de cassation formait un pourvoi fondé sur la violation de l’article 221-6 du
code pénal, siège de l’incrimination de l’homicide involontaire, par la cour d’appel.
Se posait donc la question suivante : le délit d’homicide involontaire peut-il être commis sur
une personne née vivante alors que la cause du décès réside dans le choc subi in utero ?
La chambre criminelle de la Cour de cassation répond par l’affirmative : la cour d’appel a relevé
tous les éléments nécessaires à la caractérisation du délit d’homicide involontaire, peu important
que les lésions ayant entraîné la mort aient été subi avant la naissance. Le pourvoi formé par le
parquet général est donc rejeté.
Apport : cet arrêt apporte une précision à la solution adoptée par l’assemblée plénière de la
Cour de cassation le 29 juin 2001 au sujet de la protection pénale de l’enfant à naître. En effet,
il se déduit de la comparaison des deux arrêts que la protection pénale de l’enfant à naître est
conditionnée à la naissance de l’enfant vivant :
- les faits ayant donné lieu à l’arrêt d’assemblée plénière concernaient un enfant ayant
subi les lésions mortelles in utero et décédé au moment de sa naissance ;
- les faits ayant donné lieu au second arrêt concernaient un enfant qui, comme le premier,
avait subi les lésions in utero mais était né vivant.
L’arrêt du 2 décembre 2003 ne vient donc pas contredire l’arrêt d’assemblée plénière mais
permet de comprendre la logique de la construction jurisprudentielle concernant le fœtus : le
terme « autrui » auquel fait référence l’article 221-6 du code pénal ne peut concerner qu’une
personne physique, laquelle doit naître vivante pour exister. Le fait que les lésions ayant
entraîné la mort aient été subies in utero est indifférent (il n’empêche pas l’enfant de bénéficier
de la protection pénale, à condition de naître vivant).
Cette construction prétorienne a le mérite de dégager un critère logique : nul ne peut faire l’objet
d’un homicide s’il n’est pas né vivant. La comparaison des deux arrêts laisse toutefois apparaître
une faiblesse dans la construction. La mise en jeu de la responsabilité pénale est conditionnée
à la naissance d’un enfant vivant, ce qui implique que le résultat de l’infraction est tributaire de
circonstances extérieures (possibilité d’une intervention rapide des secours). Dès lors, la mise
en jeu de la responsabilité pénale pour homicide involontaire paraît difficilement prévisible au
moment où la faute est commise. Cette critique peut être tempérée : ce déficit de prévisibilité
paraît compatible avec la nature involontaire du délit en question.
Document n°3 : Cass. 1re civ., 10 déc. 1985 : D. 1987, p.449, note G. Paire
Un contrat d’assurance-vie a été souscrit. Celui-ci garantit le paiement d’un capital en cas de
décès, majoré en fonction du nombre d’enfants à charge vivant au foyer de l’assuré. L’épouse
de l’assuré et ses enfants sont désignés bénéficiaires. L’assuré décède et un peu plus de deux
mois plus tard, l’épouse bénéficiaire accouche de jumeaux. L’́épouse perçoit le capital mais
l’assureur refuse de tenir compte des deux enfants, dans le calcul du montant du capital,
puisqu’ils n’étaient pas nés au moment de la réalisation du risque (le décès de l’assuré).
L’épouse a alors assigné l’assureur.
La cour d'appel rejette la demande de l’́épouse aux motifs qu’elle était la seule bénéficiaire
contractuellement désignée et que les enfants simplement conçus ne vivaient pas au foyer de
l’assuré.
Les enfants nés postérieurement au décès de leur père peuvent-ils bénéficier de l’assurance
décès de ce dernier alors mêmes qu’ils n’́étaient que simplement conçus au moment du décès ?
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, affirmant que la détermination des enfants à charge
vivant au foyer doit être faite conformément aux principes généraux du droit spécialement celui
selon lequel l’enfant conçu est réputé né chaque fois qu’il y va de son intérêt. Or, en l’espèce,
la majoration du capital-décès est destiné à faciliter l’entretien des enfants.
Apport : la Haute juridiction fait application de l’adage Infans conceptus pro jam nato habetur
quoties de commodis ajus agitur, lequel constitue une fiction juridique consistant à faire
rétroagir la personnalité juridique au jour de la conception. Pour en bénéficier, l’enfant doit être
ń vivant et viable et le report de la personnalité doit bénéficier à l’enfant, ce qui signifie que
l’enfant doit acquérir des droits et non de simples obligations (ce qui est le cas en l’espèce, car
consistait en l’octroi d’un capital-décès).
Ces articles portent sur les embryons humains. Ils témoignent d’une évolution de la législation,
notamment issue de la loi 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (dite «
Loi Touraine » ou « Loi santé »). Alors qu’initialement le principe était celui de l’interdiction
de la recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignes de
cellules souches, la loi l’autorise désormais si les conditions suivantes sont réunies :
- « 1° La pertinence scientifique de la recherche est établie ;
- 2° La recherche, fondamentale ou appliquée, s'inscrit dans une finalité médicale ;
- 3° En l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans
recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ;
- 4° Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes
éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires ».
Si la loi du 2 août 2021 s’inscrit dans cette même tendance qui vise à élargir les hypothèses
d’études sur les embryons, en prévoyant notamment que les recherches peuvent désormais
porter sur les causes de l'infertilité (Art., L.2151-5 V. du CSP), on notera néanmoins qu’un
certain nombre d’interdits demeurent (art. L.2151-1 à L.2151-4 du CSP).
Document n°6 : Articles L. 1110-5 à L. 1110-5-3 du code de la santé publique et J.-R. Binet,
« Présentation de la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes
en fin de vie », Dr. fam. 2016, dossier 34.
Ces articles sont relatifs aux nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de
vie issus de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des
personnes en fin de vie. Ils visent à répondre à une certaine pression sociale autour du « droit
de choisir sa mort », et de pouvoir recourir au suicide assisté. Ces pressions s’expliquent par le
choix des pays voisins (comme la Belgique qui autorise l’euthanasie depuis 2002) et par
l’explosion des droits subjectifs en droit positif.
Cette pression sociale a fait naître une loi, qui a marqué une avancée forte en la matière : la loi
Léonetti du 22 avril 2005. Révisée en 2016, ces dispositions législatives n’ont toutefois pas
ouvert les vannes de l’euthanasie en France, mais ont plutôt pour but d’accompagner les
malades en fin de vie. Deux dispositifs principaux existent.
Le second concerne la possibilité de recourir aux soins palliatifs. Ce dispositif, prévu aux
articles L.1110-5-2 et L.1110-5-3 du code de la santé publique permet, à la demande du patient,
et dans deux hypothèses strictement encadrées, de réaliser une sédation profonde et continue
provoquant une altération de la conscience qui aboutit au décès du patient. Cette possibilité est
subordonnée à l’accord du patient, qui peut éventuellement exprimer sa volonté de façon
anticipée (art. L.1111-11 du code de la santé publique). À défaut d’accord, une procédure
collégiale peut être mise en œuvre. Un collège réunissant notamment le médecin du patient,
l’équipe de soin et de certains médecins tiers-consultants, pourra alors se substituer à la volonté
du patient. La mise en œuvre de cet acte médical est toutefois extrêmement encadrée. L’acte
n’est possible que « Lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le
pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements » ou
« lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement
engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance
insupportable ». Cette possibilité est subordonnée
Exercice : Préparer une introduction suivie d’un plan détaillé du commentaire comparé
des deux arrêts de la Cour de cassation rendus l’un par l’Assemblée Plénière le 29 juin
2001, l’autre par la Chambre criminelle le 2 décembre 2003 (Documents n°1 et n°2)
[Point méthodologique : Avant toute chose, il convient ici de préciser les spécificités de
l’exercice qu’est le commentaire comparé. Globalement, il s’agit de respecter la méthodologie
habituelle du commentaire de décision, mais en évitant certains écueils. Le plus important
d’entre eux est le risque de juxtaposer les deux décisions, en les présentant l’une puis l’autre
sans faire de lien, sans chercher à comparer, et en consacrant l’une des parties à l’une des
décisions et l’autre à l’autre. Lorsque deux ou plusieurs décisions sont à commenter en les
comparant, il faut s’efforcer de rechercher, dans les faits sur lesquelles elles portent et les
solutions qu’elles contiennent, leurs points communs ou leurs différences ; les décisions se
complètent-elles, se renforcent-elles l’une l’autre ? Ou au contraire s’opposent-elles ? S’il y a
contradiction, est-elle réelle ou apparente ? Quelle est leur valeur et leur portée respective ?
Un des moyens de s’assurer du bon respect de cet impératif de comparaison repose dans le fait
de trouver, dans votre introduction, au moins une problématique commune, voire de tâcher,
autant que faire se peut, de comparer dès la présentation des fiches d’arrêts les données dont
vous disposez pour chacune des deux décisions].
Les deux arrêts qui sont proposés à notre étude, respectivement rendus le 29 juin 2001 par
l’Assemblée Plénière et le 2 décembre 2003 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation,
traitent de la délicate question de la possibilité de l’existence d’un homicide involontaire sur un
fœtus, c’est-à-dire sur un enfant conçu mais non encore né au moment des faits.
[faits]
Les faits étaient, dans les deux cas, assez similaires. Dans le premier de ceux-ci, un conducteur
qui n’avait plus la pleine maîtrise de son véhicule du fait de son alcoolémie élevée provoque un
accident de la route, avec une femme enceinte de six mois qui accouchera quelques jours après
l’accident, d’un enfant mort-né. Dans la seconde affaire, une automobiliste perd le contrôle de
son véhicule, provoquant un accident de la circulation conduisant à blesser grièvement une
femme enceinte de huit mois. Le choc ayant rendu un accouchement nécessaire, une césarienne
est pratiquée, et naît un jeune garçon qui, une heure plus tard, décèdera du fait de lésions causées
par l’accident.
[procédures]
Ces faits furent portés devant les tribunaux, notamment afin de savoir si l’automobiliste
responsable de l’accident pouvait être condamné pour homicide involontaire.
Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt de l’Assemblée plénière du 29 juin 2001, après un
jugement rendu en première instance dont on ignore la teneur, la Cour d’appel de Metz, par un
arrêt du 3 septembre 1998, a refusé de condamner le conducteur fautif pour homicide
involontaire du fœtus, ne retenant que la qualification de blessures involontaires sur la personne
de la femme enceinte lors de l’accident, ainsi que la circonstance aggravante de conduite sous
l’empire d’un état alcoolique. Le parquet ainsi que la victime formèrent alors un pourvoi en
cassation, arguant qu’en refusant de retenir qu’un fœtus mort-né n’était pas « autrui » au sens
de l’article 221-6 du Code pénal, la Cour d’appel aurait ajouté une précision non prévue par la
loi, alors même qu’il avait été établi lors des expertises médicales diligentées que le fœtus était
viable au moment de l’accident.
Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation
le 2 décembre 2003, en revanche, l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 30 janvier
2003 condamne la conductrice responsable de l’accident, outre les intérêts civils, à un an
d’emprisonnement avec sursis, à 5.000 francs d’amende et à 18 mois de suspension du permis
de conduire pour homicide involontaire sur la personne de l’enfant. Sans que l’on connaisse le
détail des moyens pour ceci invoqué, le procureur général près de la Cour d’appel de Versailles
a formé un pourvoi en cassation.
[question de droit]
[dispositifs et motifs]
Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation fait l’application de deux critères, cumulatifs, afin
de déterminer si, dans des hypothèses telles que celles ici rencontrées d’enfant à naître subissant
les conséquences d’un accident, il convient de qualifier ledit enfant de « personne », au sens
juridique du terme, ou non. Il s’agit d’une part de celui, insuffisant, de l’existence d’un enfant
à naître viable (A), et celui, nécessaire pour retenir la qualification de personne, de la présence
d’un enfant né vivant (B).
• La question centrale, ici, repose sur l’interprétation de l’article 221-6 du Code pénal,
qui disposait alors que « Le fait de causer, par maladresse, imprudence, inattention,
négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la
loi ou les règlements, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois
ans d'emprisonnement et de 300 000 F d’amende. / En cas de manquement délibéré à
une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements, les peines
encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F d’amende ». Le
texte vise dont la mort « d’autrui », sans que la notion d’autrui soit précisée par le texte.
En général, il est admis, pour l’application de ce texte, qu’autrui vise une personne, au
sens juridique du terme. La question se posait donc de savoir si l’enfant à naître pouvait
être qualifié comme tel.
• Classiquement, on enseigne que c’est par l’accouchement que l’enfant acquiert une
personnalité juridique distincte de la personne qui l’a vu naître. Dès lors, « c’est par la
naissance et à la naissance que s’extériorise l’aptitude à être sujet de droit » (J.
Carbonnier, Droit civil - Introduction; Les personnes; La famille, l’enfant, le couple,
PUF, 1ère édition « Quadrige », 2004, p. 394). La question pourrait donc sembler réglée,
et on pourrait se demander pourquoi dans l’arrêt de 2001, le pourvoi tente de s’appuyer
sur le fait que l’enfant à naître était « viable », dès lors qu’il n’était nullement contesté
que l’enfant fut par la suite mort-né.
• L’hésitation pouvait exister du fait que, depuis le droit romain, au nom de l’adage infans
conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur (généralement abrégé sous
sa forme « infans conceptus »), on admet parfois que l’enfant simplement conçu et
viable est réputé né toutes les fois qu’il en va de son intérêt. Cet adage a donné lieu à
certaines dispositions notamment en matière successorale dans le Code civil : ainsi de
l’article 725 al. 1 du Code civil, qui dispose que « Pour succéder, il faut exister à
l'instant de l'ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable ». Il est
également utilisé en jurisprudence.
• Cet argument n’a pourtant pas emporté la conviction de la Cour de cassation qui exige,
dans les deux arrêts étudiés, que l’enfant soit né vivant afin de pouvoir le qualifier de
personne au sens du droit pénal. Cela se comprend par la difficile mise en œuvre du
critère de la viabilité. Les conclusions de l’avocat général sur ce point sont à ce titre
particulièrement révélatrices, puisqu’il note, s’agissant de ce critère, « que cette notion
qui n'a jamais été définie par la loi reposait autrefois sur des critères traditionnels : en
premier lieu, une maturité suffisante c'est-à- dire un minimum de gestation évalué à 180
jours par l'article 311 du code civil qui paraît aujourd'hui bien dépassé sur ce point, en
second lieu une bonne conformation, ce qui signifie que l'enfant soit dépourvu
d'anomalies incompatibles avec la vie. Ces éléments ont été abandonnés au profit de
deux références alternatives : la durée de gestation (20 semaines de grossesse) et le
poids (500 grammes) qui résultent de recommandations de l'Organisation mondiale de
la santé. Une circulaire du ministère de la Santé en date du 22 juillet 1993, relative à
la déclaration des nouveaux nés décédés à l'état civil s'est conformée à ces
recommandations qui ne tiennent pas compte d'éventuelles malformations même létales,
donc incompatibles avec une survie prolongée. Une telle définition n'est pas pleinement
satisfaisante du point de vue physiologique et médicale […]. On estime généralement
en France, dans les services de réanimation néonatale, qu'à partir de 32 semaines de
grossesse une viabilité sans aide médicale est acquise. A partir de 24 semaines, la
réanimation est en général justifiée ; entre 22 et 24 semaines de grossesse, elle se
discute davantage en raison d'une mortalité plus élevée et des risques de séquelles
graves ; enfin, en dessous de 22 semaines de grossesse, la réanimation fœtale n'est
entreprise qu'exceptionnellement. […] On voit donc apparaître dans cette définition de
la viabilité fœtale une subjectivité et une variabilité que ne comportait pas celle de
l'Organisation mondiale de la santé mais qui tiennent davantage compte de la réalité
clinique et physiologique ».
• Que penser de ce critère ? En réalité, il semble être retenu moins pour sa pertinence propre
qu’en raison de l’insuffisance du critère de la viabilité. Il fallait donc retenir un autre critère,
et c’est le critère classique de la naissance de l’enfant qui a donc été retenu, replaçant l’adage
infans conceptus à sa place d’exception, qui doit donc être interprétée de façon stricte.
II) Les conséquences sur le statut de l’ante-être humain
L’application stricte des critères dégagés par la jurisprudence de la Cour de cassation en matière
conduit à poser des solutions opposées dans des situations qui semblent pourtant proches. La
différence entre un enfant mort sur le coup de l’accident et celui qui respire quelques secondes
après le choc est en effet ténue. Si les solutions apportées demeurent cohérentes au regard de
statut du fœtus en droit français (A), elles n’en demeurent pas moins critiquables (B).
• Aussi cohérente qu’elle puisse paraître, cette solution souffre de nombreuses critiques.
La frontière est en effet très mince entre les hypothèses de deux enfants, l’un né vivant,
l’autre né mort, tous deux viables et tous deux irrémédiablement condamnés du fait de
l’accident.
• On peut, enfin, se questionner sur le statut juridique de l’enfant non né, qui, du fait
de cette absence d’assimilation à une personne, se trouve reléguée au rang de chose.
C’est d’autant plus étonnant que l’attention portée à l’enfant non né ne cesse de
s’accroitre, comme en témoigne la création par la loi n°93-22 du 8 janvier 1993 de l’acte
« d’enfant sans vie », prévu à l’article 79-1 du Code civil ainsi que la récente possibilité
ouverte aux parents de donner à l’enfant mort-né un nom et un prénom. Cette faculté,
ouverte par la loi n°2021-1576 du 6 décembre 2021, a pour but d'accompagner le deuil
des parents par une inscription mémorielle de l'enfant sans vie à l'état civil, et n’emporte
aucun effet juridique. Elle figure également à l’article 79-1 du code civil.