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Par
Souad AILLI
Professeure Habilitée en marketing et commerce
Faculté des Sciences Juridiques Economiques et Sociales
Université Moulay Ismail - Meknès
Résumé
Ce travail vise à analyser les pratiques marketing des coopératives marocaines à travers une
étude empirique sur un échantillon de la région Fès-Meknès. Il montre également les entraves
à la mise en place d’une démarche marketing au sein de ces coopératives, ainsi que des
suggestions pour les surmonter. Vule rôle important qu’elles jouent dans le développement
économique et social, les coopératives sont tenues de rationaliser et de promouvoir davantage
la commercialisation de leurs produits en tenant compte de leurs spécificités et en mettant au
service de leurs valeurs de solidarité, d’entraide, de démocratie et d’équité des méthodes
efficaces.Une démarche marketing s’impose afin d’instaurer une image de marque propre et
d’assurer la pérennité et la rentabilité de leur activité.
Abstract
This work aims at analyzing the marketing practices of Moroccan cooperatives through an
empirical study on a sample of Fes-Meknes region. It also shows the obstacles to the
implementation of a marketing approach within these cooperatives, and mentions suggestions
for overcoming them. Given the important role they play in economic and social
development, cooperatives are required to rationalize and further promote the marketing of
their products, taking into account their specificities and puttingeffective methods at the
service of their values of solidarity, mutual aid, democracy and equity. A marketing approach
is needed to create a clean brand image and to ensure the sustainability and profitability of
their business.
1
Introduction
Au Maroc, les coopératives, organisations de l’économie sociale, jouent un rôle important
dans le développement économique et social à travers leurs valeurs de démocratie, de
solidarité, de partage et d’entraide. Elles bénéficient depuis longtemps de l’appui
institutionnel et fiscal des pouvoirs publics. C’est dans ce sens qu’a été créé l’Office de
Développement de la Coopération (ODCO) en 1963 et restructuré en 1975 afin
d’accompagner les coopératives dans leurs projets économiques et sociaux visant à combattre
la pauvreté et l’exclusion et à intégrer les petits producteurs dans le marché.
Cet appui aux coopératives s’est renforcé avec l’initiative Nationale du Développement
Humain (INDH), lancée en 2005. Ce qui s’est traduit par une évolution importante et
significative aussi bien de l’effectif que de la qualité des coopératives1.
Toutefois, dans un contexte économique en évolution continue, les coopératives sont tenues
de rationaliser la commercialisation de leurs produits. Une démarche marketing s’impose afin
d’instaurer une image de marque propre et d’assurer la pérennité de leur activité.
Ce travail est une étude exploratoire des pratiques marketing de seize coopératives de la
région Fès-Meknès, fondée sur des méthodes de recueil d’information quantitative et
qualitative. Un questionnaire a été adressé aux responsables des coopératives choisies. Il a été
appuyé par des entretiens semi directifs. L’objectif est de proposer des actions marketing pour
améliorer la commercialisation des produits et par conséquent mieux participer au
développement économique et social.
Pour répondre à la problématique, nous avons structuré notre travail en deux axes : le premier
traite le cadre conceptuel de la recherche à savoir les coopératives et la spécificité de leur
marketing. Le deuxième axe présente les résultats de l’étude empirique.
1. Spécificité du marketing des coopératives : cadre conceptuel
Le terme coopérative découle d’une notion très ancienne liée à la culture musulmane de la
société marocaine et qui désigne un processus social dans lequel des individus se réunissent
afin de réaliser un objectif ou un but commun.
Une coopérative est une personne morale, « une association autonome de personnes
volontairement réunies pour satisfaire leurs besoins économiques, sociaux et culturels
communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est à tous les membres et où le pouvoir
est exercé démocratiquement »2. Son objectif premier est la promotion de ses membres et non
la recherche d’un profit.
1.1.Rôle des coopératives dans le développement économique et social
Relevant de l’économie sociale et solidaire, les coopératives sont fondées sur la propriété et la
gestion collectives de l’activité. Elles travaillent dans tous les domaines de l’économie :
agriculture, artisanat, pêche artisanale ou industrielle, éducation, immobilier, commerce,
services, transport, banque et finance. Le fonctionnement des coopératives est gouverné par
les sept principes qui ont été définis lors du congrès de l’Alliance Coopérative Internationale
(ACI) tenu à Manchester (Grande-Bretagne) en 1995. Il s’agit de : l’adhésion volontaire et
ouverte à tous, le pouvoir démocratique exercé par les membres, la participation économique
1
Le nombre de coopératives est passé de 5.749 en 2007 à 14859 en 2015, soit un accroissement de 158.46%; il a
atteint plus de 15000 en 2016. www.odco.gov.ma.
2
Guy Tchami, Manuel sur les coopératives à l’usage des organisations de travailleurs, P.14.
2
des membres, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation, l’information, la
coopération entre les coopératives et l’engagement envers la communauté. Le plus
caractéristique de ces principes est la répartition des bénéfices entre les adhérents au prorata
des opérations effectuées avec leur coopérative3. Ainsi, les coopératives cherchent en plus de
la satisfaction de leurs membres, le développement économique, social, environnemental et
politique de leurs communautés.
Par leur double nature comme entreprise et association, les coopératives jouent un rôle
socioéconomique important. Elles promeuvent le développement économique local et
régional et favorisent l’éradication de la pauvreté à travers la création de projets générateurs
de revenus et donc luttent contre le chômage. Les coopératives sont également des activeurs
de la croissance sociale : valorisation des ressources humaines à travers la lutte contre
l’analphabétisme, l’éducation, la mise en place des formations adéquates de la population
notamment en milieu rural, ainsi que la diffusion des valeurs de solidarité, d’entraide et
d’équité.
En plus de leurs fonctions économique et sociale, les coopératives contribuent au
développement politique et environnemental de leur communauté4. Ce rôle environnemental
se traduit par la production responsable des ressources naturelles, par l’information et la
sensibilisation de ses membres à l’importance de préserver l’environnement dans une
perspective du développement durable5.Ce dernier se base sur l’interaction de l’équité sociale,
du développement économique et du respect de l’environnement pour assurer un univers
viable, vivable et équitable6.
1.2.Cadreréglementaire et institutionnel des coopératives au Maroc
Au Maroc, l’essor des coopératives a été favorisé par un environnement socioéconomique,
réglementaire et institutionnel favorable à leur développement. Ainsi, les coopératives sont
régies par le Dahir n°1-83-226 du 9 Moharrem 1405 (5 octobre 1984) portant promulgation de
la loi n° 24-83 qui fixe le statut général des coopératives et les missions de l’Office de
développement de la coopération (ODCO) tel qu’il a été modifié par le Dahir portant loi n° 1-
93-166 du 10 septembre 1993. Elles fonctionnent selon les principes reconnus par l’Alliance
Coopérative Internationale (ACI)7.
Le secteur des coopératives au Maroc est géré par plusieurs institutions notamment :
- l’Office de Développement de la Coopération (ODCO) dont la mission est d’assister et
d’aider les coopératives et leurs unions au niveau de la création, de la formation, de
l’assistance juridique et du contrôle.
- l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH) à travers ses quatre programmes :
lutte contre la pauvreté en milieu rural, contre la discrimination sociale en milieu urbain,
contre la précarité extrême et le programme horizontal de développement humain.
D’autres programmes ont été mis en place notamment« solid’exchange » et « Mourafaka ». Le
premier est une coopération belgo-marocaine lancée en 2012. Ce programme vise à
développer les opportunités d’affaires lucratives alliant les acteurs économiques et les
3
A. Fath Allah, Eclairages sur le mouvement coopératif marocain, Revue Marocaine des Coopératives, vol. 1, n°
9, 2011.
4 G. Isola, L. Gonzalez alt., « Les fonctions, actions et contributions des coopératives en milieu rural sur le
développement local durable », Unircoop.Vol.3, no 1, 2005, p 85-89.
5
Michael Eden Gertler, Rural Co-operatives and Sustainable Development, Saskatoon, Centre for the Study of
Cooperatives, University of Saskatchewan, 2001, p.5.
6
Selon l’Agenda 21 du Sommet de Rio en 1992.
7
Association indépendante et non gouvernementale fondée à Londres en 1985. Elle regroupe, représente et
assiste les coopératives du monde entier.
3
coopératives du Maroc à l’aide des acteurs académiques. Le second est un projet d’appui post
création aux coopératives nouvellement créées.
Les coopératives bénéficient également d’avantages fiscaux : exonération de la patente, de
l’impôt sur les bénéfices professionnels,
professionnels des impôts et taxes sur les intérêts alloués aux parts
des coopératives, de la taxe urbaine et de l’impôt sur les produits vendus par les coopératives
agricoles, etc.
1.3. Un marketing spécifique
La vocation des coopératives
coopérative est la satisfaction de leurs membres etcelle celle du client qui
constitue le gage de leur continuité. D’où
D’ la nécessité du marketing.. Le développement de ces
dernières exige la maîtrise de la dimension commerciale, c’est-à-dire
c’est dire des principes et
techniques marketing pour se différencier des concurrents. Les coopératives doivent mettre en
place une stratégie marketing adaptée.L’attitude
adaptée.L’attitude marketing dans les coopératives se manifeste
par l’intégration de l’état d’esprit marketing et des méthodes de gestion marketing.
Le marketing est le processus sociétal8qui permet de répondre aux besoins et aux désirs de
manière rentable. Il permet à une organisation de mieux piloter les échanges avec ses parties
prenantes dans une situation concurrentielle9. A travers ses méthodes, il vise à développer des
attitudes
tudes et des comportements favorables à la réalisation des objectifs de la coopérative
auprès de ses publics cibles. La démarche marketing des coopératives (Figure 1) repose sur
quatre phases complémentaires et liées : la connaissance des publics et de l’environnement
(marketing d’étude), l’analyse et la définition de la stratégie (segmentation, ciblage,
positionnement), l’action (marketing mix) et le contrôle.
Figure11 : Démarche marketing des coopératives
Marketing d'étude: étude des publics de la coopérative
Attitude Comportement
Marketing stratégique
Définition des objectifs de la Segmentation Ciblage Positionnement
coopérative (identité, mission)
Contrôle de l'efficacité
4
solidarité). Le marketing appliqué aux coopératives implique donc la conciliation entre les
objectifs sociaux (situation socioéconomique des membres : formation, éducation) et les
objectifs économiques (en terme d’efficience : parts de marché, ventes, clients et
rentabilité)10.
La différenciation par rapport aux concurrents se fait non seulement par l’offre mais
également par l’engagement dans le développement de la collectivité.
La coopérative, étant considérée à la fois comme entreprise et association, favorise
l’intégration de classes exclues et l’amélioration du niveau de vie à travers des activités
génératrices de revenu et le contrôle rigoureux des membres élus. Elle a pour rôle de satisfaire
ses membres, qui sont la raison de son existence, et de contribuer au développement
économique, social, environnemental11 et politique de la communauté12.Répondant à des
considérations écologiques, économiques et sociales, les coopératives sont qualifiées
d’entreprises vertes, citoyennes ou socialement responsables qui participent au
développement durable. Elles cherchent à transformer l’environnement dans lequel elles
opèrent dans le sens de la mission qu’elles fixent.
L’une des spécificités du marketing des coopératives est la nécessité de concevoir et de mettre
en œuvre un marketing relationnel (envers les clients et les parties prenantes) et un marketing
interne vis-à-vis des acteurs qui les représentent auprès de leurs parties prenantes. L’enjeu est
d’aider les coopératives à gérer efficacement leurs « réseaux relationnels »13, à mobiliser et à
fidéliser les adhérents au même titre que les clients.
Compte tenu de son identité et de sa mission, le marketing mix des coopératives est axé sur un
écoproduit, un prix équitable et des politiques de communication et de distribution
responsables. Le produit offert doit être de bonne qualité, « les coopératives pourront plus
facilement se développer en offrant à leurs clients une qualité irréprochable, au lieu de se
baser sur les prix les plus faibles »14. Offrant un mix de produits et de services, les
coopératives doivent développer un assortiment optimal des marques et un positionnement
adéquat des biens. Généralement, les coopératives offrent les produits de terroir, c’est-à-dire
des produits authentiques et originaux qui procurent aux clients le sentiment de sécurité, de
citoyenneté et de participation à la protection de l’environnement.
Pour financer leur mission, les coopératives fixent un prix qui correspond au prix du marché.
Trois possibilités sont offertes : fixer le prix en se référant aux coûts de production, aux prix
des concurrents, ou au prix que les consommateurs sont prêts à payer. La particularité des
coopératives à ce niveau réside dans l’adoption d’un prix équitable qui assure une
rémunération correcte et satisfaisante des adhérents.
Pour vendre leurs biens, les coopératives recourent le plus fréquemment aux canaux de
distribution directs, non nuisibles à l’environnement (distribution de proximité) ; certaines
d’entre elles s’adressent aux intermédiaires et sont même prêtes à vendre les biens par le porte
à porte.
10
D. Côté, Loyauté et identité coopérative, l’implantation d’un nouveau paradigme coopératif, RECMA, N° 29,
2005, p. 53. Et J. Boisvert, Le marketing dans la perspective coopérative. La Gestion moderne des coopératives.
Chicoutimi, Editions Gaéton Morin, 1981, p. 119.
11
G. Isola, L. Gonzalez alt., op. cit.
12
ICA, 2014
13
Emmanuel Bayle et Jean-Claude Dupuis, Management des entreprises de l’économie sociale et solidaire,
Edition de boeck, 2012, p. 171.
14
Christine Collette et Benoît Pigé, Economie sociale et solidaire, gouvernance et contrôle, Dunod, 2008.
5
La communicationcommerciale des coopératives est responsable puisqu’elle n’est pas
mensongère. La publicité médiatisée touche une cible large, mais elle est couteuse. La
coopérative doit bien délimiter ses objectifs et calculer son budget à long terme.
Contrairement à la publicité, les relations publiques ne sont pas onéreuses et permettent de
stabiliser la notoriété acquise. Le sponsoring permet aux coopératives d’augmenter le degré de
notoriété de leur marque, d’acquérir un transfert d’image et de démontrer une responsabilité
sociale.
2. Actions marketing des coopératives au Maroc : étude empirique
Depuis l’indépendance, le nombre des coopératives a connu un accroissement rapide passant
de 62 coopératives en 1957 à environ 2000 en 1983 grâce aux mesures prises par l’Etat pour
encourager leur développement (promulgation des textes juridiques, création de l’ODCO). A
partir des années 2000, et avec les programmes de l’INDH, Maroc Vert, habitat classe
moyenne, le nombre de coopératives a augmenté de 4985 en 2005 à 6286 en 200815 pour
atteindre 8532 en 2011 et 15.735 coopératives fin 201516. Au niveau régional, en 2015, la
région Fès-Meknès compte 1835 coopératives, regroupant 36202 adhérents17. Notre étude a
porté sur un échantillon des coopératives de cette région.
2.1. Méthodologie de la recherche
Etant donné le caractère exploratoire de notre étude, nous avons utilisé une méthodologie
quantitative, à travers un questionnaire, étayée par une autre qualitative au moyen des
entretiens semi directifs (face à face ou téléphone) avec les responsables des coopératives. A
cet égard, nous avons profité du Salon International d’Agriculture de Meknès (avril 2017)
pour interroger 16 coopératives de la région Fès-Meknès (tableau 1), en leur demandant des
informations complémentaires ou des éclaircissements de certaines réponses au questionnaire.
Ce dernier, outil principal de notre étude, a été élaboré sur la base des conclusions tirées de la
revue de littérature. Il est structuré autour des axes suivants :
- Données générales sur les coopératives enquêtées
- Existence d’une structure marketing au sein des coopératives
- Etude de marché, segmentation, ciblage et positionnement des coopératives
- Marketing mix des coopératives
- Entraves à la pratique du marketing par les coopératives étudiées
Tableau 1 : Fiche technique des coopératives étudiées
Coopératives Date de création Région Nombre
d’adhérents
Al Aahd el Jadid 2012 Meknès 7
Walili 2014 Meknès 9
Tizizoi 2015 Ain Jamaa- Meknès 8
Al Fath 2015 Meknès 12
Poterie et céramique Ismaili 2008 Meknès 10
LamsatChifae 2013 Meknès 7
Al Ghosn wasonbola 2012 Taounate 12
KassabatAmergou 2012 Karia, Tounate 45
Fechtala 2008 Taounate 35
Ennajah 2012 Taounate 17
Assalam 2013 Taounate 20
15
Ahrouch, op. cit.
16
ODCO, 2016, http://www.odco.gov.ma
17
Idem
6
Lamtta Fès
Al Amal 1999 Azrou 22
El Boughrini Sefrou
Tadfouyte Immouzer
Anzar 2017 Meknès-Toulal 5
Source: Elaboration de l’auteur
2.2. Présentation, analyse et discussion des résultats
Caractéristiques de la structure marketing au sein des coopératives de la région Fès
Meknès
La répartition des coopératives par secteur d’activité montre que 62.5% sont agricoles, 25%
sont commerciales dont le but est de mettre en place des actions et des outils en commun et
12.5% sont des coopératives d’artisanat. Il convient de noter qu’au Maroc, des efforts ont été
déployés pour encourager la création de coopératives agricoles.
Pour ce qui est des partenariats avec les fournisseurs et les clients, 62.5% se limitent aux
partenariats sur le plan national, alors que 37.5% cherchent en outre à nouer d’autres sur le
plan international afin de faire face à la concurrence. En effet, comme l’affirme l’un des
responsables de coopératives interrogés, la concurrence aujourd’hui n’est plus entre
coopératives mais entre les réseaux de relations efficaces avec toutes les parties prenantes.
Par rapport à la nature de la clientèle, 87.5% des coopératives enquêtées se concentrent sur le
marché national et seulement 12.5% exportent leurs produits.
A la question « disposez-vous d’une fonction chargée du marketing ? », 56.3% ont répondu
par non et 43.8% ont une fonction marketing ou commerciale. Toutefois, même les 56.3% ne
disposant pas de la structure marketing pratiquent les actions commerciales. Les responsables
enquêtés sont convaincus de l’importance du marketing puisque 87.5% pensent que la
concurrence accrue pousse à opter pour ce dernier.
Segmentation-ciblage et positionnement des coopératives enquêtées
Tous les responsables enquêtés pensent qu’il faut analyser son environnement (organisation
interne, concurrence, macro environnement, publics) pour élaborer leur stratégie. Il s’agit de
procéder à un double diagnostic interne (forces et faiblesses) et externe (menaces et
opportunités).
Au niveau des objectifs marketing, la majorité des coopératives concernées par notre étude
(87.5%) vise la recherche de nouveaux clients et l’amélioration du profit et 62.5% cherchent à
attirer de nouveaux adhérents et à apporter des changements à la coopérative18.
Les études de marché, étape cruciale de la démarche marketing ne sont réalisées que par
43.75%, alors que 56.25% ne les réalisent pas parce qu’elles sont couteuses. Les informations
recherchées à travers ces études diffèrent d’une coopérative à une autre : niveau de
satisfaction des clients (43.75%), image de marque (37.5%), informations sur les produits des
concurrents (25%) et bénéfices recherchés par les consommateurs (12.5%)19.
Au niveau de la segmentation, les résultats de l’étude montre que seulement 31.2% des
coopératives segmentent leur population cible en se basant sur les critères démographiques et
géographiques (cinq coopératives) et comportementaux (deux coopératives). 68.8% ne
18
La somme des pourcentages est supérieure à 100 du fait des réponses multiples.
19
Idem
7
pratiquent pas la segmentation du marché ; elles proposent un seul produit standard, c’est la
stratégie marketing indifférenciée.
Parmi les 31.2% des enquêtés seuls 12.5% optent pour une stratégie différenciée en ciblant
plus de deux segments, le reste (18.75%) adoptent la stratégie marketing concentrée. Elles se
concentrent sur un seul segment, là où elles pensent avoir un avantage et une position
concurrentielle solide et n’exploitent pas les autres segments. Elles développent leurs
compétences et leur savoir-faire dans un seul domaine. La cible des coopératives enquêtées
est constituée pour 75% d’adultes au vu des produits offerts (huile, tapis, couscous,
cosmétique).
Le positionnement est un concept ignoré des responsables enquêtés. Après son explication,
ces derniers ont affirmé pour la plupart d’entre eux (75%) qu’ils cherchent à se positionner
par rapport aux concurrents sur la base de la qualité de leurs produits et sur l’innovation.
Marketing mix des coopératives enquêtées
Produit
La majorité des produits commercialisés par les coopératives enquêtées sont des produits de
terroir, durables qui permettent d’éviter de puiser dans les ressources naturelles. C’est le cas
de 62.5% des coopératives.
Toutes les coopératives utilisent l’emballage primaire (en contact direct avec le produit). Au-
delà de cet emballage, 43.75% optentpour l’emballage secondaire et 56.3% ajoutent
l’emballage tertiaire pour faciliter le transport du produit. Tous les responsables enquêtés ont
souligné que pour des raisons de coûts élevés, ils se limitent à un packaging simple. De
même, 87.5% des coopératives n’utilisent pas un conditionnement recyclable.
En ce qui concerne l’étiquette, elle est adoptée par 81.25% des coopératives pour mieux
informer le consommateur sur le produit et lui donner des instructions. Seulement 18.75%
n’utilisent pas l’étiquette en pensant que leurs produits de consommation n’ont en pas besoin.
La quasi-totalité des responsables enquêtés (93.75%) affirme que ses produits sont compétitifs
sur le marché local grâce à leur qualité supérieure et à leur originalité.
Prix
Selon les enquêtés, le prix pratiqué est celui du marché. 68.8% des coopératives fixent leurs
prix sur la base des coûts, 43.8% en fonction de la demande (élasticité et prix psychologique)
et 18.8% à partir de la concurrence. La somme est supérieure à 100 car des coopératives
recourent à plus d’une méthode.
A travers leur politique de prix, les coopératives cherchent à maximiser le chiffre d’affaires
(87.5%), à assurer la croissance (37.5%), à fonder une image de marque favorable (31.3%) et
à survivre (25%). Par ailleurs, 75% n’intègrent pas les coûts social et environnemental dans le
prix des produits, ce qui témoigne d’un manque d’efforts pour respecter l’environnement et
pour améliorer le revenu des adhérents.
Distribution
87.5% distribuent leurs produits directement sur les marchés de la région en évitant les
circuits longs pour mieux maîtriser la distribution et éviter l’intervention de plusieurs
intermédiaires. 37.5% des coopératives ont pu accéder au marché national à travers la
signature de conventions de commercialisation avec une enseigne de distribution « Marjane ».
S’agissant des stratégies de distribution, 62.5% des coopératives enquêtées pratiquent la
distribution intensive pour être présent sur le maximum de points de vente. Deux coopératives
(12.5%) seulement utilisent la distribution sélective à travers le choix des points de vente les
8
mieux achalandés, connus par la qualité de présentation. L’objectif est de donner à leurs
produits une image d’authenticité. Il convient de noter que seulement 12.5% de l’échantillon
disposent d’un moyen de transport des marchandises. De même que 25% des coopératives
sont prêtes à vendre leurs produits en utilisant les démarcheurs (à domicile). La distribution
directe nécessite une force de vente compétente, c’est pour cette raison que les responsables
interrogés comptent intégrer des programmes de formation des commerciaux et recruter des
profils expérimentés.
Communication
Les réponses des interviewés montrent l’absence quasi-totale d’une politique de
communication structurée. Toutefois, les coopératives mènent des actions de communication
initiées par la délégation provinciale de l’agriculture, les associations régionales et les acteurs
de l’INDH dans la région. Ainsi, les coopératives, objet de l’étude, utilisent différents moyens
de communication surtout hors média : en plus du hors média, les coopératives doivent bien
communiquer sur elles-mêmes et leurs produits : toutes font appel à la force de vente et
participent aux foires et aux salons, notamment le SIA de Meknès et le Salon régional de
l’économie sociale et solidaire (SRESS) organisé à Fès. 68.8% entretiennent des relations
publiques, 50% programment les promotions de vente et 12.5% recourent au marketing direct
et exploitent l’internet. Aucune coopérative n’utilise la publicité média.
A la question « disposez-vous d’un site web ? » 87.5% ont répondu par non et 12.5% ont
répondu par oui.
Freins à la mise en place du marketing dans les coopératives enquêtées
La quasi-totalité des coopératives enquêtées a conscience de l’importance du marketing.
Cependant, elles n’agissent pas de façon cohérente afin de mettre en œuvre un marketing
adapté à la coopérative. Elles trouvent des difficultés pour commercialiser leurs produits.
Plusieurs freins sont à citer :
- Absence d’une structure dédiée au marketing
On remarque que 56.3% des coopératives n’ont pas une fonction marketing. Les opérations de
commercialisation des produits sont programmées et réalisées par le conseil d’administration.
Les responsables des coopératives sont orientés davantage vers leurs produits. Ils croient
suivre une approche marketing, mais en réalité ces organismes adoptent une approche de
marketing vente.
- Manque de compétences et de professionnalisme
Même pour les coopératives ayant un responsable marketing, il n’a pas forcement une
formation en marketing et ne connaît pas bien le marché. Il convient donc de compléter
l’engagement social nécessaire par une compétence professionnelle permettant une étude
adaptée du marché et de véhiculer le message adéquat à la cible visée pour répondre à la
demande.
Le manque de compétence et de savoir marketing chez les coopératives (pour 62.5%) impose
aux acteurs de procéder selon leurs connaissances et leur pouvoir d’action, ce qui entraine un
manque de méthodologie marketing. La démarche qui consiste à analyser le marché pour
ensuite le segmenter et le cibler afin d’obtenir un résultat optimal, n’est pas respectée dans la
majorité des coopératives. Elles s’adressent à des publics différents avec la même démarche
marketing et le même message. Les résultats sont aléatoires.
- Pénurie des ressources financières et risques perçu de l’investissement en marketing
Le manque de professionnalisme n’est pas le seul frein à la pratique du marketing par les
coopératives. Le manque de ressources financières constitue une autre entrave (87.5%).
9
L’application de la démarche marketing est très couteuse et constitue donc un risque financier
important. Un mauvais investissement signifie pour une coopérative non seulement une perte
de ressources mais aussi la non réalisation partielle des objectifs sociaux. A cet égard la mise
en place d’une démarche marketing peut constituer un risque pour la coopérative.
Toutefois, le marketing peut constituer un instrument d’investissement qui favorise
l’augmentation à long terme des ressources de la coopérative.
- Vulnérabilité liée à la concentration sur un seul produit et sur le marché local.
Conclusion et recommandations
Cette étude a mis l’accent sur la pratique du marketing par les coopératives et a révélé que
même si une minorité dispose d’une fonction marketing, les actions marketing sont pratiquées
implicitement par toutes les coopératives.
Malgré la prise de conscience de l’importance du marketing, les coopératives souffrent de
plusieurs entraves qui limitent leurs actions marketing. Pour les aider à surmonter ces
entraves, l’Etat ainsi que la société civile doivent les soutenir davantage.
Le développement des coopératives nécessite la maîtrise de la dimension marketing pour
assurer la survie et la différenciation par rapport à la concurrence. Afin de faire face aux
dysfonctionnements, plusieurs actions doivent être menées :
-L’optique vente qui règne chez les coopératives doit céder la place à une optique marketing
relationnel dont l’objectif est la fidélisation des clients. Les coopératives ne doivent pas se
limiter à produire, stocker puis chercher à vendre. Elles doivent étudier le marché pour
concevoir un produit en fonction de la demande et établir des relations durables avec le client.
- Formation des adhérents en marketing.
- Échange des expériences réussies entre les coopératives, par exemple à travers
l’organisation des visites.
Toutes les actions du marketing mix doivent être révisées : adopter une stratégie de marketing
durable pour se différencier de la concurrence : juste prix, qualité garantie, communication
non mensongère et distribution de proximité.
Pour la politique de produit, des efforts sont à déployer au niveau du conditionnement : les
coopératives sont appelées à utiliser l’emballage à partir des matières recyclables pour se
conformer à ses objectifs de protection de l’environnement. De même, les consommateurs
sont de plus en plus sensibles aux questions écologiques et de développement durable. Ils
insistent sur la transparence au niveau de la provenance des produits. Pour satisfaire cette
demande d’information, les coopératives doivent utiliser des procédures de traçabilité20.
Les coopératives sont amenées également à diversifier les produits et les marchéset mettre en
évidence l’originalité, la typicité et l’authenticité de leurs biens offerts en tant que produits du
terroir et assurer la qualité des services (respect des délais de livraison, service après-vente,
etc.)
Concernant la politique de prix, la coopérative doit respecter le principe du commerce
équitable21. Le prix doit assurer une rémunération satisfaisante à la coopérative (prix
compétitif par rapport à la concurrence).
20
Enregistrer les informations pour suivre le produit du stade « matière première » à celui du « produit fini ».
21
Samuel Grandval, Richard Soparnot, Le développement durable comme stratégie de rupture : une approche par
la chaîne de valeur intersectorielle, Management & Avenir, vol. 5, no. 3, 2005, pp. 7-26. ; DominiqueWolf,
10
Au niveau de la politique de distribution et afin de développer leur vente sur le marché
national et accéder à l’international, les coopératives sont invitées à recourir au e-commerce
par la mise en place de site internet.
Sur le plan de la politique de communication :
- Le message publicitaire doit être conçu en utilisant deux axes : rationnel et éthique. Il
s’agit de montrer les valeurs nutritionnelles, esthétiques et pharmaceutiques du produit, ses
vertus cosmétiques et thérapeutiques et de construire et renforcer l’image exotique de ce
produit.
- Le message doit mettre en lumière la contribution de l’achat du produit à l’amélioration de
la qualité de la vie de la population rurale, au développement économique et social régional et
au développement durable.
Pour atteindre la cible visée, en plus de la participation aux foires et aux salons nationaux et
internationaux, les moyens les plus adéquats sont :
- Le marketing direct (mailing, catalogue, brochures) qui assure la sélectivité, renforce
l’image, instaure de bonnes relations avec la clientèle (carte de vœux ou d’anniversaire). Les
coopératives doivent concevoir des catalogues et des brochures qui informent sur la gamme
de produits offerts, le savoir-faire, la conformité aux normes internationales de qualité et de
traçabilité, les matériels de production, le potentiel humain…Les coopératives doivent
constituer une base de données clients.
- Promotion des ventes : accorder des remises sur l’achat d’une grande quantité, prime…
A côté de la communication hors média, les coopératives sont appelées à développer la
communication média.
La principale limite de cette recherche réside dansson caractère exploratoire, un échantillon
réduit (seize coopératives seulement) et une procédure d’échantillonnage qui a ciblé une
population déterminée. Les résultats de ce travail ne peuvent donc pas êtregénéralisables
même si certains s’inscrivent dans la lignée de recherches précédentes. Cette recherche doit
être complétée par une étude portant sur un nombre élevé de coopératives.
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