Zeiller. Paganus Étude de Terminologie Historique. 1917.
Zeiller. Paganus Étude de Terminologie Historique. 1917.
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^
PAGANUS
ÉTUDE DE TERMINOLOGIE HISTORIQUE
PAGANUS
ÉTUDE DK TERMINOLOGIE HISTORIQUE
PAR
Jacques ZEILLER
ANCIEN MEMBRE DE l'ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME
• J^Ij
loi
'J'7
'JAN 1 7 1949
INTRODUCTION
'
Il va de soi que les juifs n'ont jamais pu èirc assimilés par les chrétiens
ne donne ^uére aujourd'hui ce nom à des hommes qui ;uIiM-.rit un Oiou unique
et comptent Jésus-Christ au nombre des prophètes.
- On réserve d'habitude, dans la langue moderne, i'appellaiion de gentils
p(Hir les païens de l'antiquité, c'est-à-dire plutl^t pour les non-juits que pour les
non-chrétiens on parle de la conversion des gentils par les premiers prcdicaicms
:
ment tardif, et comment elle lui a été donnée, c'est cela qui peut
Les prédécesseurs
et les synonymes ecclésiastiques de paganus.
'
Injidelis csl dans le Nouveau Tesiameni, / lîp. Cor.^ xiv, 23, où il traduit
le grec xt^itto;.
4^
— 6 —
polythéisme ou la philosophie grecque. Au 11"^'^ siècle, les " EXXïjveç
aux chrétiens i;
sont nettement opposés aux juifs et les « grecs »,
les juifs et les chrétiens, voilà, pour ainsi dire, les trois races entre
le genre humain.
Les cinq autres expressions principales ont eu une fortune
très diverse ^. Les quatre premières forment un groupe qui corres-
pond à une même idée et procèdent d'une même origine. Elles se
élue, la nation juive. On sait que, de même que l'orgueil de race joint
p. 390 seq.).
-'
Cf. ibid., V, 17; Clément d'Alexandrie, Stromaîes, vi, 5, 41 ;
Aristide,
Apologie, II, 2.
^ Cf. Actes des Apôtres, vu, 9.
4 Cf. IVUtth., X, 18; Actes, xiv, 5; xxi, 21 ; xxvi, 17; Rom., m, 29; ix, 24;
XV, 10, etc.
•'
XVI, 4.
- 7 —
universelle et visant à l'œcuménicité géographique, le garda pour
dénommer ceux qui demeuraient étrangers non plus au judaïsme,
mais à la foi chrétienne. Qu'il suffise de citer ici la lettre de
Saint Ignace d'Antioche aux fidèles de Tralles *, l'ccrit postérieur
connu sous le nom de II'"^ Épître de Saint Clément ^ les «Visions»
d'Hermas, où sOvr, figure à côté d'à-oTTira'. et en s'opposant à îtxatot •.
sens particulier re\étu par '^Ov-r, dans la langue religieuse aux deux
mots qui y correspondaient en latin, naliones et gentes : les adjec-
tifs, l'un dérivé de gens, genlilis, l'autre calqué sur le grec èOvtxoç,
qui est déjà dans Mathieu '^, ethnicus, devinrent également coutu-
miers dans la latinité ecclésiastique. Les exemples sont nombreux ;
je me contenterai de quelques-uns.
Dans diverses citations du Nouveau Testament où se ren-
contrait le mot '^OvY,, on voit Tertullien le rendre tantôt par nationes
(Matth., VI, 32 '; Matth., x, i8 Rom. \i, 32 "), et tantôt par '"'
;
gentes (Rom., m, 29 ^). 11 se sert aussi, quoi qu'on en ait dit de '*,
écrit-il dans le De
feminarum ^^. Ethnicus se lit également
cultu
dans Tertullien ce mol revient notamment en maint passage du
;
'
Ign., Ad Trallianos, vin, 2 (Funk., Patres Apost., 2" cJ.. i, 248).
- II Clem., xiii, 2-3 (ibid., i, 200).
•'
Hermas, Visio I, iv, 2 {ibid., 1, 422).
•
V, 47, etc.
^ Tertullien, De orat., 6.
" Scorp., 9.
' Adif. Marc, v, 2 et 4.
^ Dans Adi>. Jud., 1.
•'
J. M. Hi:i:i<, Die Versio lalina des Harnabasbriejes iKnbourg en B., u)oN).
p. XLVIII.
'" II, 4 (QCllLER, I, 719).
" VII, 2, 3, 5, 6, 7, S, 10, 1 1 : vm. 23 ; ix, 4, 5, 7, 9. 14, 19 : x. 3. 4. 1 1 ; xii, 6;
xin, 4. 2(\ 22; xvni, 4; XIX, S.
'-
XXIII, 10; XXVI, 6, 7; Xl.l, 2; XLII, I.
— 8 —
quod pharisaei publicanos et peccatores ethnicos admittentem
Dominicum et cum illis de victu communicantem indignati mus-
sitabant. Ad hoc Dominus pecudis perditae restitutionem cum
fîgurasset, cui alii configurasse credendum est quam ethnico
perdito dequo agebatur... ? » lisons-nous, entre autres, dans le
premier de ces traités ^ Quant à gentilitas, il se rencontre chez
TertuUien avec l'acception de « race », « nationalité ^ ». Mais plus
tard, et dès le IIP"^ siècle, il prend une signification plus étroite-
'
VIIj 2, 3.
^ De anima, 24 et 3o (Œhler, i, p. 594 et 604).
^'
3 : gentilitatis stupor.
"^
II, i3, i3.
^ XVII, 3. prétendue traduction latine du Commentaire sur saint
Voir aussi la
paganos... » in Gai., iv, g « ... ea quae paffanoruni suni... * (P. /.., xvii, ayt,
; :
38o), etc. Maritjs Victorinus (originaire d'Afrique, mais qui vil à Rome et
;
ibid.f IV. 3 apud graecos, id est apiid paganos ... » {ibid., p. 1171). Voir ces^
: «.
iir, .S et 8.
'
Pacien de Barcelone, Epist., 11, 5 : t^ nostros pagani principes persccuti
sunt V (P. /,., p. 34); Prudence, Peristeph., x, itx>8 (P. L.,
Mil, loGo ; Peyrot,
i.x, 52o). Voir les texies de Pacien et de Prudence aux 7\'stimonia, m, ô el 14.
p. 5o) V, 7 {ibid., p.
; i35): vi, 2 {ibid.. p. i.\h); vu. (> {ibid.. p. iHo). Opiai
écrit entre 370 et 375. Voir les textes Testimonia, ni, 7. Cf. aussi Faiste.
également de Milèvc v. ci-dessous. paj;e 10. noie 2.
;
— 10 —
seulement parmi les catholiques, mais aussi parmi les dona-
tistes ^
; et, en dehors du christianisme, les manichéens, qui se
de l'expression.
Aussi bien possédons-nous à ce sujet des textes décisifs. C'est
d'abord une inscription latine, dont la découverte n'est pas d'hier,
puisqu'elle remonte à lyBo. Elle a été trouvée en Sicile, à Catane.
En voici les premières lignes, d'après la transcription de Mommsen :
^
D'après Optât de Milève, op.cit., m, ii (éd. cit., p. 98) « Audelis :
solem colitis, nisi quia estis pagani et gentium schisma, non secta ? » (p. 535).
Voir Testimonia, ni, 10, F.
^ De Annota^ione bibliografica sopra un' insigne iscri^ione di
Rossi,
Catania (Bullettino di archeologia cristiana, VI (1868), p. 75), a donné de
cette inscription (ibidem, p. 74), un fac-similé que Mommsen a reproduit dans le
Corpus Inscriptionum latinarum, X ^, n° 71 12; cf. Dom Henri Leclercq
dans le Dictionnaire d'Archéologie chrétienne de Dom Fernand Cabrol, article
Catane, volume II-, p. 2514.
II —
et 33o K Cette période correspond en ^ros au règne de (Constantin.
Il donc établi que, dès l'époque de (Constantin, paganus était
est
texte n'est pas parfaitement clair. Bref, il serait très téméraire d'en
faire état.
•
Les correctoft's exisiaieni en Sicile avant Dioclélien (cf. la pierre de
l^ouzzoles [C. /. /.., X, n° 1055), envoi à Ci\r\n de Rutus Volusianus, corrector
de Sicile). Mais ils y turent remplacés par des consulaires vers la fin du règne
de Constantin cf. Ruius Festus, Hrerian'um, ex.
:
'
problème de la date de Commodien, cf. P. de Labriolle, Notes
Sur le
^ Cf. op. cit., \Y. Der Ursprung des Commentars. 4. Die Zeichen des Zeit,
p. 165-193.
Théophile, i, 34; Cypr., Ep. 69, 5 (éd. Hartel, p. 734).
•'
est pris dans son acception primitive. Que l'on juge du moins de la
valeur de ses dires. \'oici les deux passages : « Cibus Joannis erant
locustae et mel silvestre '\ Per locustas populos agrestes significai,
mel autem fructum indicat credulitatis ipsorum, quibus prophe-
tantis dulcis auditus erat, ut fide sua pascerent praedicantem. Sive
per locustas gentes, per mel autem significat Judaeos, credulitate sua
fructus Deo dulcissimos oilerentes. Potens est Deus de lapidibus
istis suscitare filios Abrahae '^ Lapides pro pa^anis ait propter
quuntur vos in hac civitate, fiigite in aliam Hoc apostolis ait •'.
:
paraît évident. Pagani aux deux endroits désigne les païens. Il est
vrai que, dans le second, le hoc est paganos pourrait être une glose,
comme l'admet Zahn. Mais comment récuser le premier témoi-
gnage? Zahn s'appuie sur la juxtaposition des populos agrestes
et des gentes, dans le commentaire du fragment de verset Cibus
'
Op. cit., p. 178 seq.
- MATni., III, .4.
•'
Mattm., m, q.
^ \iZEC\l., XI, 19.
^ Tmèopii.. I. 3 (Zahn. p. 35).
" MaTTH., X, '2
3.
"
Tnî:oiMi., I. \o (Zahn. p. .\3).
— 14 —
développe successivement. Aussi bien, saint Jérôme, expliquant ce
texte dans son commentaire, n'a pas eu d'hésitation ^ « Lapides :
Bigne '
portait le nom de Théophile d'Alexandrie. Mais, un
fragment a\'ant Commentaire que
pu en être rapproché du
saint Jérôme attribue à Théophile d'Antioche -, de La Bigne
avait proposé de faire à celui-ci honneur de tout l'ouvrage.
Depuis lors on a mis la main sur plusieurs autres manuscrits,
qui ne parlent d'aucun Théophile •'
; en revanche, l'un d'eux
présente franchement l'œuvre comme un tlorilège ^ Ce llorilège
dont l'un est précisément entré dans le passage dont nous avons
tout à l'heure discuté la signification. Bien d'autres indices, à
commencer par cet usage même de pa^anus au sens de païen,
dont on n'a pas d'autre exemple pour le IIl'"'^ siècle, fortifiet
'
Bibliotheca Sanctorum Patrum, t. \'. p. 1Ô9-192.
- S. Jkrôme, Epist. 121, 6; Comment, in Mcitth., pracf.
Adolf Harnack, Dur anf^cblichc Evanffcliencomnifntar iies Théo-
^ Cf.
phi/us l'on Antiochicn (Teste und l'ntersuchuuf^en \ur Geschichte der
allchnstlichen Literatur, i, .}. p. i^iy-iyb); Cardinal Pitra, Analect^i sacra,
II, p. 624-63.4 cl 64()-(OD.
'
« l^)\ictdtorilnis dejloratis opusculum spiritate composui ».
•'
Op. cit. ci-dessus n. 3. Voir encore sur celte controverse, qui s'est pro-
longée quelque temps, entre autres, W. Sanday, Siuilia biblica^ p. 89-101.
" On a idcnlifié, dans le (^commentaire, des cmprunis à Cyprien. à Jérôme,
à Ambroisc, à Au^usiin cl ;\ Arnobe k- Jeune.
'
Ch. 3.
— i6 —
presque intégralement conformes à ses deux modèles, en remplaçant
toutefois les ethnici de saint Jérôme par des pagani, terme devenu
commun avant le milieu du V"^'^ siècle, et les populi multi d'Arnobe
par des populi agrestes, évidemment parce que, de son temps,
il ne restait plus guère à convertir au christianisme que les
habitants des campagnes ^
Force nous donc de renoncer, au moins dans l'état actuel
est
début du V"^^ 2.
^
D'après Zahn, c'est au contraire Arnobe qui aurait changé les populi
agrestes en populi multi, de même que les pagani du traducteur de Théophile
auraient été indûment transforrnés par Jérôme en ethnici. La position n'est plus
tenable.
2 On verra plus loin, p. 55, n. i, avec quelle fréquence saint Augustin en a
usé, tout en témoignant parfois, par la façon dont il l'introduit, de son entrée rela-
tivement récente dans la langue chrétienne : « eorum... qui pagani appellantur »
(v. les Testimonia enfin de volume, m, texte lo, A, k) ; « deorum cultores, quos
usitato nomine paganos vocamus (texte lo, M); « infidelium, quos vel gentiles,
vel iafn pulgo usitato nomine paganos appellare consuevimus » (texte lo, E, q).
Salvien, un peu plus tard, forme même, avec paganus, un adjectif nouveau,
paganicus (textes 17, A, b et c, et B, a et b).
CHAPITRE II
'
V. HoR.vci:, I-^p. I, iS, io5 : ru^^osus fri^orc patins.
- J. TouTAiN, article Partis, dans Dictionnaire des Antiquités grecques et
ronuiincs, de Daremberg et Sagijo, iv. p. 275.
— i8 —
[Mais], quelle que soit Télasticité de sa signification, ce mot, par-
tout où on le rencontre, emporte toujours plus ou moins nette-
ment avec lui l'idée d'un élément rural : il s'oppose aux mots
civitas, urbs, oppidum... Le pagiis peut être défini : une circons-
cription rurale. »
Paganus représente donc en premier lieu ce qui se rapporte
au pagus. Les foca pagana par exemple, dont parle Ovide % sont
les foyers des pagi par opposition à ceux des civitates ou des
oppida :
^ Fastes, i, 669-670.
- xxvin.
— 19 —
des quartiers qui étaient demeurés longtemps en dehors de Vurbs
primitive ^ », assise sur les collines, montes, qui portaient la Rome
des premiers temps.
Il est donc bien établi que les pa^ani étaient les gens qui
vivaient en dehors des villes ou qui, y ayant jadis vécu, avant
Tannexion des circonscriptions extra-urbaines, avaient conservé ce
nom. Bref, c'étaient les « ruraux ».
On le voit encore bien nettement dans un passage du De Bello
Alexandrino-, où \q^ pa^ani sont opposés aux o/?/?/^a;i/;« Pharnace
mit en embuscade Télite de ses fantassins et presque tous ses cava-
liers; il donna ordre de laisser vaguer dans ces gorges une grande
quantité de bétail ; les habitants de la campagne et de la ville,
bant ^ ». Les pagani, écrit-il ailleurs, sont ainsi appelés des pagi :
paganive ".
'
TouTAiN, op. cit., p. 273.
-
\xxvi, 4. \'o\r le texte en tin de volume. 7\'siiinonia, i. -, ^ . ;i.
•'
Elefiiarum libri, iv, 4, v. 73 seq. 'l'cxte en fin de volume, 1, 3. p. -jx.
P. 3.40. Texte, v.
'
ibid., d.
a
20
'
On comprend mal comment H. de Genouillac, L'Iiglise chrétienne au
temps iic saint If^nacc d'Antioche, p. lo, n. i, a pu songer à le coniesier.
-
Hist., m, 24, II. Texte, v. Testimonia, ir, c. Hurnouta traduit : * Paysans
que vous êtes. » Le contre-sens est certain.
•'
Ibid., I, 53, 14. Te.xlc, ibid., a.
•
Ibid., II, 14, semble bien que f.\:i:^i'n a,i .v.i le
II. Texte, ibid., b. Il
ibi équités quibus mandata caedes erat, cum per publicum dimota
paganorum^turba equos adegissent ^ ... »
La même opposition entre miles et paganus se rencontre chez'
^
Ibid., II, 88, 3. Texte, ibid., d. Même remarque.
- Ibid., III, 43, 7. Texte, ibid.^ f.
77, 9. Texte, ibid., g.
" Ibid., III,
^
à tort ou à raison.
— 23 ~
militaire que de la population civile : « Apud me et milites et
pagani, a quibus iustitia eius humanitas penitus
(Fabius Valens) et
'
Epist., X, S(), 2. Tcxio. 3. b.
•'
Sat., V, i(\ 32. Texie. 4.
•*
Strat., Il, 5, 28. Texte, 5.
••
A//7., II, 23. Texte, 6.
" XXV, 3, 14. Texie, 7.
— 24 —
ê
La langue du droit avait également accueilli cette acception,
dont on rencontre chez les jurisconsultes de très nombreux témoi-
gnages. Le plus typique est le nom de paganum peculium donné à
l'argent gagné dans la vie civile, tandis que le peculium castrense
représentait les économies faites par le soldat au service. Mais il en
est bien d'autres à citer :
^
Jurisconsulti : Màcer. Dig., xlviii, 19, 14. Texte, 8.
^ Mœcian. Dig., XXIX, 1,14. Texte, 9.
•^
MoDEST. Dig,, XIX5 25o. Texte, 10.
* Paul. Dig., iv, 6, 35, 6. Texte, i\, a.
^ Ibid., XXVIII, 2, 26. Texte, ibid. b.
^'
Ibid., XXIX, I, 3, 8, I. Texte, ibid., c.
•
Ulp. Dig., XI, 4, 1,2. Texte, 12, a.
— 25 —
etiam dédit militi vel pa^ano ad invesLi^anduyn fugitivunu in
praedia senatorum vel paganoriim K
Ulpianus, libro seplimo de officio proconsulis - ; le divin
empereur Marc Aurèle, dans un discours prononcé au Sénat, a
proclamé le droit pour qui voudrait en user de pénétrer dans les
domaines aussi bien de César que des sénateurs et des simples
particuliers, tam Caesaris quam senatorum et pagannrum. pour
y rechercher des esclaves fugitifs.
Ulpianus, libro secundo ad Sabinujn S fait encore la
distinction du testamentum militis et du testamentum des
pagani.
Ulpianus, libro quadragensimo ad Sabinum ^
: de donatio-
nibus : « Il faut se souvenir que, s'il est permis à un « fils de
famille » de faire une donation, cette donation ne peut être faite
à cause de mort. Tout cela concerne les civils. Haec omnia locum
habebunt in paganis. Mais pour ceux qui ont le pécule militaire,
ceterum qui habent castrense peculiuni vel quasi caslrense, ils sont
en condition de faire donation et à cause de mort et non à cause
de mort, du moment qu'ils ont la faculté de tester. »
Achevons enfin cette série de témoignages, suffisamment clairs,
ce semble, par deux citations d'un auteur chrétien, qui. s'il ignore
encore la signification « ecclésiastique » de paganus, en connaît
bien, lui aussi, l'emploi précédent. Dans un de ces développements
de rhétorique qui remplissent le De Pallio, Tertullien déclare que,
de son temps, rien n'est plus à sa place •'
: « On voit des affranchis
'
Je crois devoir ici rendre paf^^anoru»i par simples particuliers, parce qu'il
s'oppose à « sénateurs > en même temps qu'à * militaires » ; mais il a bien
toujours le même s(?ns de civil. Les sénateurs, jusqu'à l'époque des Sévère,
parcourent une carrière à la fois civile et militaire.
- Ulp. /)/^^, XI, 4, 3. i'exte, ibid., b.
'^
Ibid. Diij^., XXIX, I, 3. Texte, ibid.y c.
'
Ibid. l)i^., XXXIX, 5, 7. <").
Texte, ibid., d.
'"
rail.. 4. Texte, 11. i?, .1.
— 26 —
non paganos) en citadins, des bouffons en orateurs, des civils en
militaires, paganos in militaribus. » Le De corona offre un autre
texte particulièrement intéressant ^ Tertullien, pour le rigorisme
duquel la profession militaire est à peu près inconciliable avec celle
du christianisme, y examine Thypothèse où un soldat, déjà engagé
sous les drapeaux, viendrait à se convertir. Quelle conduite doit-il
« Apud hune tam miles est paganus fidelis, quam paganus est
multis actum, aut omnibus 7nodis cavillandum, ne quid adversus Deum com-
?nittatur, quae nec extra militiam permittuntur, aut novissime, etc. Œhler
(I, 144) interprète deserendum par « abandonner la foi ». C'est qu'il comprend
le quae nec extra militiam permittuntur autrement qu'on ne fait ici. Pour lui,
Tertullien propose trois hypothèses, mais il rejette les deux premières par les
mots quœ ?zec, etc., et se rallie à la troisième. Je crois, pour ma part, qu'il faut
souder le quae nec, etc., aux mots qui précèdent, et traduire « ruser pour ne
rien commettre contre Dieu de ce qui n'est pas permis même en dehors du
service militaire ».
^ De Genoude dans sa traduction française des Œuvres de Tertullien,
t. II, p. 145.
— 27 —
Telles sont les deux acceptions de paf^anus dans la langue
profane, et, subsidiairement, chez tel écrivain d'Église encore igno-
rant de la fonction ultérieurement attribuée à ce mot. Paf^anus •
« . . . . Ipse semipaganus
« Ad sacra vatum carmen adfero nostrum »,
'
V, 6.
- Neméthy interprèle ainsi {Pcrsii Siitirac, p. bo) «. Paf^ani dicuntur
:
mière partie.
•'
V. page 2 1, et en particulier note .4.
— 28 —
des « civils » ou de simples particuliers par opposition aux
militaires et, d'une façon générale, aux dépositaires de la puis-
sance publique. Mais les deux acceptions rural et civil, sont
fondamentales ^.
^Notons pour finir que paganus a été hellénisé sous la forme Tiayavdç,
dans le sens de « civil ». On le trouve chez Épiphane {Panarion, LXIV, 70)
opposé à ïazçta.-z-j\i.ivoi. Épiphane cite (ibid.) un apocryphe de Pseudo-Ezéchiel
où Tcayavo; se présente avec la même acception « 'Avràvreç crxpaTtàJTac èv Trj
:
paaiXeta ctou y.al oûoet'ç èart Trayavoç. » On le rencontre aussi quatre fois, sous la
forme Tiaxavoç, dans un papyrus égyptien du 11"' ou
au sens de cultivateur,
Iir* siècle, qui fait partie des A^gypt-Urk. aus den Kôn. Muséum ^u Berlin,
n' 344 (cf. Zahn, Paganus, p. 35, n. i).
CHAPITRE III
*
Ad Martyrol. rom., 3i janvier.
- Dans MicsNE, P. L., i.x, 471, n. 296.
" vr, 6i5, s. n. Le rédacteur s'appuie sur l'autorité de Baronius.
^ Saint Paul, p. 12 : ^v Le pavsan (paf^anusi fut le dernier à se faire
chrétien. »
'•'
4"" éd., 117, 112 seq., à propos de la tolérance de N'aleniinien à l'égard
des cultes païens : «> Dièse Duldsamkeil N'alentinians war der .Vusbrcilung des
Christentums vielmehr forderlich als nachteilig. Dies erhelll schon daraus, dass
untcr der Regicrunj^ dièses Kaisers das Heidentum ^ucrsl mit dem Xamcn
der Rauertireli^ion (pa^anisnuis) bclcf^^t zu werden anfing. weil der aile
Gotzendienst sich unter dem vernachlàssigten. rohen. unwisscnden Landvoik am
langsten erhielt. ^
— 30 —
Geschichte der Kaiser^eit S de A. Dufourcq, dans VArenir du
christianisme ^, de H. de Genouiliac, dans V Église chrétienne au
temps de saint Ignace d'Antioche ^, de Funk et Bihlmeyer, dans
le Lehrbuch der Kirchengeschichte *, de Paul Allard, dans son
Julien l'Apostat, suite de son Histoire des persécutions ^. Leur
opinion s'autorise, non seulement de la dérivation naturelle de
pagus paganus, mais aussi de quelques témoignages de l'anti-
à
quité chrétienne, en particulier ceux de quatre écrivains, presque
tous, sinon tous, espagnols, Prudence, Orose, Cassiodore ou
Justus d'Urgel et Isidore de Séville et, au moins indirectement,
du Pseudo-Théophile.
Dans l'hymne sur le martyr Romanus, Prudence prête au
saint cette interpellation à l'adresse de son juge : « Miser-
rime pagane ^ », et une autre fois « Stulte pago dédite ^ ».
^
« Sicut haec barbaricis gentilia pagis. »
Orose, dans la préface de ses Histoires, rappelant à saint
Augustin que c'est lui qui l'a encouragé à écrire cette œuvre, dit :
*
II, 352, 459.
2 IV, 123,
^ P. 10.
* P. 146.
^ Allard, Julien l'Apostat, t. I, p. 108
P. « Le paysan italien ou gaulois :
" i,
449 (Dressel, p. 245).
^ I Prolog. 9 (éd. Zangemaister, Corp. script, eccl. latin., de Vienne, t. V, p. 8).
— 31 —
Théophile d'Antioche, et qui est en réalité du \''"*-'
siècle ',
paganos a villa dictos qu'xs. tA^j^ graece, \illa dicitur latine '; inde
:
assez différente.
Pour le poète Prudence, le « paganisme », dont la notion
'
Cf. ci-dessus, p. 12 seq.
D'après M. Manitms, Geschichtc dcr latcinischcn Litcratur des Mittel-
-
(t. Lxx, p. io53 seq.) est différent de celui que l'on donne comme œuvre de
Justus d'Urgel (t. lxvii, p. ()6i). La question ne paraît pas tranchée. Sa solution
n'importe pas pour notre étude. F.lle n'aurait d'autre intérêt, au cas où elle serait
en faveur de Justus d'Ur^^el, que de nous amener à constater que les quatre
écrivains chrétiens ayant, entre la lîn du W"" siècle et le commencement
du \\\"\ proposé une explication du mot pai^anus, paien. étaient tous
originaires de la péninsule ibérique. Notons aussi que. d'après HarnacL
(cf. ci-dessus, p. i5, n. 3). le Pseudo-l^héophile serait un écrivain du sud
de la (iaulc.
'
/;; Canl., vu, 11 (P. /... i.xx. 109H).
'
Inutile de souligner l'étrangeté de cette étymologie, qui oublie le mol si
latin de pa^n(s, pour faire dériver paij^anus du grec rïvo;. qui aurait d'ailleurs,
prétend-elle, eu le même sens. On reviendra tout à l'heur.- ^nr I.i ^. t. fusion
de deux traditions dont on démêle ici une réminiscence.
^ Ori^. (l'Jymologiarum libri), viii. 10, 1 (P. /...l.xxxii, 314).
— 32 —
semble exister chez lui, est bien une religion de paysans cligne de
la rusticité des pagi. Le rapport de paganus à pagus est évident
Concurrat ad praesepia
Pagana gens et quadrupes ^ »,
langage chrétien.
Le commentaire du Pseudo -Théophile fournit une note
analogue.
Orose, lui aussi, déclare que les païens tirent leurs noms « des
carrefours et des pagi des lieux agrestes ». Mais, disciple fervent
d'Augustin, et sous l'impression toute vive de la lecture des pre-
^
W. ScHULZE, Griechische Lehnwôrter im Gotischen {Sit^.-Ber. d. kôn.
preuss. Akad., iqoS (II, p. 760), écrit, à propos des vers de Prudence cités plus
haut : « Pagus, gewagt aber verstândlich, das Abstraktum von paganus, etwa
paganisS^s, das dem Prudentius noch nicht gelâufig sein mochte. » En tout
cas, Prudence percevait le rapport dé paganus à pagus, et il l'exploitait contre
les adversaires des chrétiens.
2 On dirait presque que les bergers et leurs troupeaux ne font qu'un.
^ XI, 85 (Dressel, p. 69).
* D'après H.Glaube und Unglaube in der Weltgeschichte,
Scholz,
ein Kommentar ^u Augustins De Civitate Dei, p. 9, les trois premiers livres
de la Cité de Dieu furent publiés entre 413 (412) et 414; les livres IV et V
en 414-415; les livres XII à XVIII de 417 (418) à 425; les livres XIX à XXII
en 425 et 426. Orose écrivait ses Historiarum adversus paganos libri septem
en 417-418.
— 33 —
notion mystique ^ : les pagani sont ceux qui vivent en dehors de
la société des bons, des prédestinés, autrement dit en dehors de la
rappel d'une autre tradition, qui apparaît encore plus au clair dans
le passage d'Isidore de Séville, et d'après laquelle ce serait à
Athènes, vrâyoç étant sans doute ici une réminiscence de "Aps'.o; -âyo; -,
*
Voir sur ce point Scmoi.z, op. cit.. p. i)o scq., cl le compte rendu de cet
ouvrage par W de I.abriolle, 1, Renie critique, 191 montre 2""
p., p. 171 seq., qui
que l'idée de cité divine, si Augustin lui a donné un relief nouveau, remonte
bien plus haut que lui. On connaît la description de la Jérusalem céleste dans
VApocalvpse johannique. ni, 12, xxi, 2. Mais Augustin lui-même, au début du
livre XI, se réfère à l'Ancien Testament, IN. i.x.xxvi, 3 « tîloriosa dicta suni de :
Nouvelle explication
'
1, II. noie e (4"" éd., p. 80).
- L. XIII, i. m, p. 367.
- 36 -
n'avaient pas encore reçu le baptême de le recevoir au plus tôt,
signifiait celui qui ne portait pas les armes, étant opposé à miles;
et de là il peut s'être étendu à tous les infidèles en général ^ »
Tel est aussi l'avis, sur la dérivation du sens religieux de paganus,
de J.-G. Heineccius, dans son édition ^ du De Verborum signi-
ficaiione de Brissonius ^.
par J.-C. Kuntze, dans ses Excurse ûher rômisches Recht ^. Mais
un appareil de démonstration
cette thèse ne s'est affirmée, avec tout
destiné à la faire prévaloir une fois pour toutes, que lorsqu'un
critique allemand, dont nous avons déjà rencontré le nom et
combattu les idées, mais dont on doit d'ailleurs reconnaître
la méthode minutieuse et l'information. Th. Zahn, est réso-
lument entré en lice contre l'ancienne opinion, dans un article
publié, y a un peu plus de quinze ans, dans la Neue Kirchliche
il
^
FÎeury ne rejette pas néanmoins la possibilité de l'exactitude de l'expli-
cation courante.
2
1743.
^ Au mot Paganus.
* 2"" éd. (1880), p. 660 seq., 692 seq.
^ X (1899), p. 18-44.
^ Harnack au système de Zahn, dans Mission und Ausbrettung
s'est rallié
2"" éd., t. I, p. 35o. Cf. sa
des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten,
Militia Christi, p. 122.
— 37 —
la suivante : si l'on considère, remarque-t-il, la période pendant
laquelle paganus commence à être utilisé d'une façon intensive
pour désigner les non-chrétiens, soit seulement la seconde moitié
du IV^^ siècle, — ce qui, notons-le tout de suite, est peut-être
établir un synchronisme trop rigoureux entre son adoption défi-
nitive par la langue littéraire et son usage populaire, on s'aper- —
çoit que les circonstances de fait sont inconciliables avec l'exégèse
'
Sur le séjour de Constance à Rome en SSy, v. Chronique ifAlexandrie,
p. 203; Idace, Dcscr. cons. Ammikn, xvi. 10; Ambroise, Epist. xvm
; ; Sozomèine,
Hist. eccl., IV, 1 1 ; Théodoret, tlist. eccL, 11, 17.
-
Sur l'atlairc de l'aulel de la Victoire, cf. Ami'.u»iim , / /». wn >cvj.
•'
On le constate justement à l'occasion de Tatlaire prOcOdenie.
^ Cf. Augustin, Scrnio lxii, § 8 et 14? Salvien, De (lUberHiUione Dei,
VIII, II. 12 : ^v Kcce Afrorum et maxime nobiiissorum tides. » Ibid.^ vin, 11, a3 :
« Kccc Afrorum et maxime Carthaginiensium fidcm ! Tuiius quondam apostolis
paganas urbes licuit intrare... »
^ Malalas, C/iro/j., 451.
- 38 ^
du IV"^<^ siècle, en plein règne de Théodose, en 891, une terrible
émeute qui met aux prises païens et chrétiens ^.
Puis, à supposer que paganus évoque, comme on l'a trop
facilement admis au gré de Zahn, Tidée de paysan, comment des
associations de mots véritablement étranges, telles que celles-ci :
1
RuFiN, Hist. eccL, n, 22; Socrate, Hist. eccL, v, 16-17.
^ Cf. ci-dessus, p. 9, n. 4.
^ Cf. ci-dessus, p. 9, n. 3.
* Pacien, Epist. 11, 5. Voir, en fin de volume, Testimonia, m, 6.
'^
Haeres., cxxiv, 2 ; cxxxiii, 2 ; cxlii, 9. Voir, en fin de volume, m. 9, v.
^'
In Gai., II, 3. Voir, en fin de volume, m, 5, a.
'
A la fois serment. Cf. sur ce point Em. de Backer, Sacra
sacrement et
mentum, le mot et l'idée représentée par lui dans les œuvres de Tertullien.
C'est parce qu'elle s'accompagne d'un serment ou parce qu'elle produit une
consécration analogue à celle que produit le serment que l'initiation aux mystères
a pu être qualifiée de sacramentum. Notons, d'autre part, que la prestation du
- 39 —
Cette conception mystique, — d'un mysticisme de même ordre
que celui de la « cité divine », mais d'un contenu ditTérent, —
donna naissance à toute une série de métaphores qui, se provo-
quant, se suscitant l'une l'autre, germèrent à foison autour de la
^•'
Ephes., VI, i5.
'••
Ibid., 16.
''
Ibid., 17.
"•
Ibid.., cL I Thess., v, 8 et I(.\.\r.E. Ad Po/ycr.. vr. 3 (Fi-nk, Patr.
2'"'
Apost., éd., 1).
— 40 —
disposition de Dieu pour lutter contre le péché K Ils portent aussi
une marque, ccppayiç, analogue à marque qu'on imprime sur le
la
^
Rom., VI, i3 ; vu, 23.
^ Gai., VI, 17.
Sur ce point particulier, cf. M. Dœlger, Sphragis, eine altchristliche
•'''
^ Ibid.
^ Rom., VI, 23.
'
De ressurectione carnis, xlvii : « donativum Dei vita aeîerna ». Cf. De
coron a, i.
^ Cf. Hermas, Simil., v, i, i (Funk., Patr. Aposf., 2"" éd., t. I); Tertullien,
De Orat., xix, (Œhler, i, 572).
^^
Ignace, Ad Polyc., VI, i [Fvnk, Patr. Apost.,]); Acta Pauli.^ p. 114, i, i3;
Tertullien, De Spect., xxiv (Œhler, i, 56); Lactance, Inst. div., vu, 27, i5, etc.
\^ I Cor., XV, 52; Tertullien, De Orat., xxiv; De Cor., xi.
_ 41 —
Le chrétien est donc un soldat K Dès lors, demande M. Zahn,
pourquoi le paganus ne serait-il pas, en face du « soldat de Dieu »,
le « profane », le « civil », celui qui if*nore le sacramentum fidei
et n'est pas encore enrôlé sous la bannière divine f
'
Remarquons tout de suite que le christianisme n'est pas la seule reiiyion
dont les fidèles se soient considérés comme des soldats. Celte assimilation existe
aussi, marquée encore, dans le mithriacisme, dont on peut même dire
plus
qu'il est, à la différence du christianisme, une religion militaire. Ses principales
avoir été les missionnairesdu mithriacisme). Cf. F". Cu.mont, Textes et monu-
ments figurés relatifs au culte de Mithra. Les mystères de Mithra. Les — —
religions orientales dans le paganisme romain (chapitre sur la religion de
Mithra). V. aussi J. Toutain, Les cultes païens dans l'Empire roma/zj,
I" partie : Les provinces latines ; Il : Les cultes orientaux.
- Le nom de militia a d'ailleurs fini par désigner non plus seulcmeiu
l'armée, mais toute l'administration impériale. M il i tare veut dire être au service
de l'empereur. Lt la même extension du sens se produit dans le mol grec corres-
pondant. LusÈBE rapporte (//. /i., x, (S, lo; Vit. Const., i, 52, 54) qu'un édii de
Licinius prétendit obliger tous les fonctionnaires à sacrifier, el l'on voit qu'il
y était question d'atteindre toj; yx-it ttô/iv atpaTtwra;, et encore to-L.; xa?i kôXiv
axpaTifÔTa; r,Y£t/.o>n/(r)v TavixàTd)'/. L'épiiaphe d'Lugcne, évêquc de Laodicée, décou-
verte par W. M. Calder et publiée par lui dans VLxpositor de novembre î-r"^
xâ^i ; il ne s'agit pas là d'un corps de troupes, mais de Vojficium, c'csl-à-dire des
bureaux, du gouverneur de Pisidie. Cf. F^. Batiffol, L'épiiaphe d'Eugène,
évoque de Laodicée (BALAC. I
[1911], p. 21-34). ^^ même encore, F^hilostorgb,
— 42 —
Cependant, à partir de la première moitié du IV'^'^ siècle, après
Lactance et la victoire du christianisme, ces formules militaires
se sont démodées. La littérature chrétienne parle encore de milites
H. E., V, 2' = p. 67-68, éd. Bidez, parle de l'évêque de Mopsueste, Auxence, qui
servait en même temps à la cour de Licinius en qualité de notaire, et qui y fut de
ceux dont le service mérita d'être remarqué mxpà. toiv èuicpavàiç xw ^aaileX Aixtvtw
:
'
Cf. ci-dessus, p. 27.
— 44 —
dehors, l'étranger à la cité de Dieu, comme le campagnard est
rhomme du dehors pour le citadin. Mais cette conjecture suppose
que, dans la dérivation de sens de paganus, païen, par rapport à
paganus, rural, le sens figuré aurait joué le seul ou en tout cas
le premier rôle y aurait eu comme facteur de cette évolution
: il
même sens parce que les païens étaient les réfractaires à l'enrôle-
Il
tel point que l'une des classes d'initiés entre lesquelles se partageait
la société très hiérarchisée des sectateurs de Mithra portait le nom
de milites. Pour qui, plus que pour ces soldats du dieu perse, les
III
du Rhin.
Le christianisme est donc bien à ses débuts une religion de
cités. Joignons à toutes les Cciuses qu'il avait de l'être ou opposons-
leur maintenant toutes celles, naturelles ou psychologiques, qui
retardèrent l'évangélisation des pagi : insuHisancc des voies de
communications, si remarquable que fût cependant le réseau routier
de l'Empire romain ; attachement presque invincible du rural à ses
habitudes, à ses traditions, et défiance, le plus souvent passive,
parfois furieuse et même meurtrière -, à l'égard de ceux qui
'
C'est la constatation qui se dégage des faits réunis par Emil SciiQrer,
Geschichte des jïid. Volkcs, 4"' éd., t. III, p. 270. Voir aussi, sur ce caractère
essentiellement urbain de la Diaspora juive, le tableau dressé par J. Juster,
Les Juifs dans l'Empire romain, t. I, p. 179 seq.
-Qu'on se rappelle l'assassinat de Sisinnius et de ses compaj^nons envoyés
en mission par l'évoque de Trente, Vigile, et qui sont mis à mort par les païens,
le 27 mars 397 (Ruinart, Acta Sincera, p. r)24-626). Cf. aussi l'épisode de Valeria,
massacrée par des paysans dévots du dieu Silvain, dans les Actes des saints
Gervais et Protais (publiés dans les (tuvres d'Ambroisc, auquel ils sont fausse-
ment attribués, Patrolof^ia lalina, xviii, p. 742). L'épisode peut être conirouvé,
puisque les Actes sont apocryphes; mais des taits comme la mon de Sisinnius
en prouvent la possibilité. On voit dans la Vita Martini^ de Sulph:e Sévère»
l'évéque de Tours assailli par les païens des campagnes ; il est vrai qu'il voulait
démolir leurs idoles, car, comme dit son biographe lui-môme, < il n'usait pas de
ménagement "»>.
— 50 —
viennent les déranger; lenteur ordinaire de sa compréhension;
emprise plus forte de la superstition sur lui de par la nature même
de sa vie, plus mêlée à la vie animale, plus proche de la vie mvsté-
rieuse des choses, et Ton pourrait ajouter d'autres traits encore à
ce tableau. Il n'est point surprenant que le polythéisme ait été
infiniment plus tenace, plus difficile à déraciner chez les paysans
que chez les citadins, malgré les efforts du zèle chrétien, efforts
rhoins tardifs que le caractère urbain de la première propagande
chrétienne, sur lequel il nous a fallu insister tout à Theure,
pourrait le donner à croire, mais que le plein succès, — surtout en
Occident, — ne couronna que lentement ^.
Nous avons de cette persistance presque invincible des exemples
très caractéristiques. Saint Paulin de Noie nous a, dans ses
Carmina 2, laissé sur la façon dont les braves paysans de son
diocèse, accourus à la ville pour la fête de saint Félix, célébraient
cette fête, vers la fin du IV"^^ siècle ou le début du V"^S un récit
^
Franz Gillmann, Das Institut der Chorbischôfe im Orient {Verôffentli-
chungen aus dem kirchenhistorischen Seminar Mûnchen, 11, [igoS], p. 16 seq.), i
a réunit les faits que l'on connaît sur l'évangélisation des campagnes. On notera le
texte d'OKiGÈNE, Contra Celsum, m, 9 (éd. Kœtschau, i, p. 209), sur les tentatives
dirigées en ce sens avant le milieu du II"" siècle. Mais on peut se référer aussi à
Pline, Ep. x, 97 (c'est la fameuse lettre à Trajan sur les chrétiens qui atteste
une évangélisation déjà très avancée de la Bithynie) au Mart. Polyc, v, vi à ; ;
Ad Uxor., m, 4; à Eusèbe, Hist. eccl., v, 16, 17; 18, i3 (passage relatif au début
du montanisme). Le curieux détail fourni par Lactance, De mortibus persecu-
torum, II, sur la mère de l'empereur Galère, païenne farouche, qu'exaspérait
l'abstention des chrétiens de son village à ses sacrifices presque quotidiens, est
également révélateur d'une certaine expansion chrétienne jusque dans les cam-
pagnes de l'Illyrie, aux environs de l'an 3oo. On reviendra plus loin sur les
résultats obtenus dès les premiers siècles par la propagande chrétienne dans les
campagnes, qu'il ne faut nullement sous-estimer.
^ Carmen, xxvii, v. 56o seq.
— 51 —
eût peut-être mérité moins autant, saint Niceta,
de l'être au
évêque de Remesiana, convertit dans son diocèse, il est vrai,
un peu reculé de la Dacie intérieure (Dacia Mediterranea),
tout un groupe de tribus, barbares sans doute, mais sujettes
de l'Empire depuis des siècles, les l^hraces liessi ^
: et com-
ment les Bessi étaient-ils encore païens aux environs de l'an 400,
alors que toutes les cités importantes des deux Dacies, de la
'
NoLE, Carm., xvii, 206-21^. Sur les Dessi, v. aussi saint Jérôme,
i^AULiN de
Ep. 60, 4.Sur l'œuvre de Niceia, v. E. Bubn, Niceta of Rejuesiana, his li/e and
Works, et mon travail sur Les orif^ines chrétiennes dans les provinces danu-
biennes de l'Empire romain, III"" partie, ch. iv, Saint Niceta de Remesiana.
i :
<< Die Vorstellung ist jedenfalls irrig, als ob die kirche von dcn Slâdlcn aus. auf
die sich zuerst geworfen hai, das Lande ohnc grosse Mûhe nachgczogen hàtte. *
4
— 52 —
chances pour qu'il ait un peu exagéré. Or, Jean d'Éphèse,
notons-le, à la différence de Paulin de Noie, de Niceta de Reme-
siana, de Martin de Tours ou de Séverin du Norique, exerçait son
action dans un pays qui fut, dès les premiers temps de TÉglise, la
terre d'élection du christianisme, qui eut, dès le II'"^ siècle, une
hiérarchie fortement organisée et très énergique, où les hommes
de valeur ne furent point rares; un pays où le sentiment chrétien
fut particulièrement intense et même exalté, si l'on en juge d'après
l'efflorescence des sectes ascétiques, comme celles des Montanistes,
des Novatiens, d'autres encore, qui y naquirent ou y eurent un
développement un pays enfin où l'organisation
particulier ^;
là, comme presque partout, c'est parmi les rustici qu'il reste encore
à l'Église à opérer des conquêtes.
L'épigraphie peut aussi nous fournir sur le rapport qui existe,
du III"^^ siècle au VI™^, entre les progrès du christianisme dans les
procéder. Elle mériterait d'être faite dans toute son étendue. Mais
nous sommes obligés de nous borner. Procédons donc seulement à
quelques « sondages ». En Dalmatie, par exemple, le nombre des ins-
criptions chrétiennes découvertes en dehors de sa capitale, Salone,
est infime; dans les autres provinces de l'ancien lUyricum, celles
qui avoisinent le Danube, du Norique à la Scythie, en passant par
les quatre circonscriptions de l'ancienne Pannonie, deux Mésies,
les
les deux Dacies et la Dardanie, ce n'est guère également que dans les
•
C. /. /.., m, I436S'-', •", ", •».
- Ibid., i3532.
•'
Cf. Rudolf KcjGer, Aiisf^rabuni^en in K^inilen, Il {Jahreshe/lt ^hj
ôsterreichischen Institutcs in Wien, xni [191 1 !, p. if'>i scq. el xiv f
1012', p- i?)-
^ C. /. /.., m, 13539.
•'
Ibid., 102 3 2 à 10240.
''
Ibid., 3996.
'
Ibid., 4220-4222.
"
14207, " à ''\
ville, s'ils n'ont peut-être pas cessé d'y constituer même la majeure
partie de la population, — ce qui, cependant, n'est pas démontré,
car on pourrait faire valoir certains faits en sens contraire % —
cela n'empêche point les chrétiens d'y être alors en beaucoup plus
grand nombre, proportionnellement, que dans les campagnes, et
faisait des progrès bien plus décisifs et bien plus rapides dans les
^
Pourquoi Maxence, lorsqu'il s'empare du pouvoir à Rome, au début du
IV"' siècle, éprouve-t-il chrétiens (Eusèbe, H. E., vni, 14, i),
le besoin de flatter les
« ... injidelium, qiios vel gentiles, vel iayn vulgo usitato vocabulo
paganos appellare consuevimus ^ ». C'est peut-être aussi ce qui
explique que saint Ambroise*, saint Jérôme, Sulpice Sévère, lettrés
assez scrupuleux, l'aient évité ^. Et c'est également là un argument
nouveau contre la théorie de Zahn ; car paganus, au sens de
civil opposé à militaire, apparaît surtout, du II"^'^ au I\'"'<^ siècle,
'
On trouvera, en fin de volume, Teslituonia, iif, io, la liste, aussi «.<>nip, cli-
imitatus est Hieroboam (// Reg., xii, 28), vaccas instruens in Samaria. quibus
i37, 5; 142, 9.
- Voici le passage complet qui vaut la peine d'être cité (Philastrius, Haer.,
Lxxxiii, éd. Marx, [Coi'p. Vindob., xxxviii, p. yS = 1, i, 2, etc.]) * Une autre 1 1 :
hérésie prétend que nous naissons naturellement païens; ses adeptes croient que
la création naturelle et quotidienne des corps et des âmes n'est pas due à Dieu
diversement appelées selon les noms des différents pays. Le nom de païens n'est
venu qu'après celui de juifs, soit de pairus, c'est-à-dire d'un lieu, soil d'une
province, soit du roi Paganus, ce qui, comme nous l'apprend le poète grec
Hésiode, est la vérité. » (Voir le texte en tin de volume. Tcstimonia, m, 9, o).
^ Philastre continue /lmi elfet ainsi : ^v ... L'explication est certaine cl meil-
leure, que les païens eux-mêmes racontent dans leurs histoires et selon laquelle
leur nom vient du roi Paganus, comme le dit le pt)ète grec Hésitxlc. Certa ijutcm
est probalio et niaior, quod ipsi pii^ani in suis historiis re/erunt, tjuoii a
I\i!rano refj^c, ut ait Ilcsiodus (/reçus poeta, pai^ani sunt appeilati : gui postea
ex re^e Pagano, Deucalion is Jilio et Pyrrac, quasi plausibile atque amabile
nomen cjus habcntes, immo potius colentes niemoriam eius usque in hodiernum
iiicni... li)iiruam autcm <rrccam provinciae unius proprictas iieclaravit, quam
plus ancien que ceux qui ont été invoqués jusqu'ici, un texte du
[ymc siècle, et non point un texte latin, ni même grec, mais un
— 6o —
texte goth, et dont d'ailleurs tout l'intérêt réside pour nous
en un seul mot, le mot de la lajigue gothique qu'Ulfila, dans
un passage de sa traduction des Écritures, a employé pour
désigner les païens.
Ayant à traduire, dans sa version de l'Evangile de Marc, vu,
26 ^, la Or cette femme était païenne, de race syro-
phrase : «
phénicienne, Erat enim mulier gentilis, sy^ro-phoenissa génère »,
Ulfîla a adopté, comme correspondant gothique de païen, le mot
haijmo 2. Or ce mot n'est autre que l'ancêtre de l'allemand heide,
qui signifie païen. Mais heide signifie également la lande, la
avait eu aussi un texte latin sous les yeux ^. Seulement cet hypo-
p. 145 seq.; xxxi [1899], p. 178 seq.; xxxv [1903], p. 433 seq.), et Zur Texts-
— 6i —
thétique texte latin ne devait, autant qu'il nous est permis d'en
juger par les diverses versions connues, pas porter non plus,
dans le passage en question, pagana, mais gentilis, équivalent
du grec àOv.x-/,, ou graeca, traduction pure et simple d''KÀÀr,vi;,
Sur ces événements, cf. Les origines chrétiennes dans les provinces
^
ciation nan restât pas très voisine de celle de "iOvr, . dont la nuance
phonétique rigoureuse nous échappe également, et l'on retrouve, en
tout cas, une aspiration dans le copte et l'arménien correspondants.
'
Cf. l'article W.
Schultze, (îricchische- Lehnwortcr im (jutischcn
de
(Sit^unfrsberichte dcr h. preuss. Akiidemic lier Wisscnscha/ten ^ii Beriin,
1008. II, p. 726 scq.). Schullzc eslimc (p. jb3) qu'rilila n'auraii vraisembla-
blement pas employé ou plutc>t créé haijmo pour rendre habitant des
pjL;i ^>, mais un mol formé de liaimoj^li, par lequel il traduit quelquefois irP**-*
{ci. Marc, x, 2i>, 3o).
^ Schultze reconnaît, en effet iibid.j, que. une fois. Ulfila s'est servi du moi
haiJïHos pour traduire iv?'^"^'- H'autre part, le mot dont il use dans la grande
majorité des cas pour désigner les infidèles, appelés le plus souvent par le texte
est celui de Jiiudos M.\TTiiiEr, vi. ?> '•••."-•• ^^•" "^ • ^'v" '
II
dont Ulfila a peut-être formé celui qui devait depuis lors traduire
dans les langues germaniques le terme latin paganus.
Ce n'est pas en effet parmi les seuls chrétiens de langue
latine qu'une assimilation était destinée à s'établir, comme l'expres-
sion d'une certaine expérience, entre les habitants des pagi et les
non-chrétiens. Nous pouvons faire appel, pour légitimer ce dire,
à un témoignage qui possède cette double et inattendue parti-
cularité de nous venir de l'Église hellénique et d'être antérieur
à la plus ancienne attestation de l'usage ecclésiastique de paganus
en Occident. Il se trouve contenu dans un document important
que nous a conservé Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclé-
diacres qui habitent avec nous xàç èyyùç TroÀstç xal sOvt,, ainsi que les
'
Remarquons en passant que le mot fran*;ais pays, qui élymologiqucmenl
vient de pa^nis, en a gardé le sens, au moins dans le parler populaire : c'est
une circonscription rurale et plus spécialement son centre habité, bref le village.
Aux environs de Paris, aux abords des localités suburbaines telles que Clamari
ou Meudon, on dit «. aller au pays v, pour aller, par exemple, aux provisions,
lorsqu'on habite un peu en dehors de l'agglomération principale de l'endroit.
« Où est le pays ? — On ne voit pas le pays », disent encore bien des gens qui,
débarquant à une station de chemin de fer un peu éloignée du village qu'elle
dessert, cherchent celui-ci. I\jcsc a souvent le même sens en italien. Son
c'. ù pacsc, ai-je entendu dire à des voyageurs qui, d'une station située en pleine
'
Ep. X, 96.
^ De sanctis martyribus, sermo I.
^ Les plus vieilles basiliques chrétiennes de Rome sont « hors les murs »,
ou, comme Saint-Pierre du Vatican, à la limite même de l'enceinte. A Salone, la
ville d'Occident Dalmatie est
(si la encore l'Occident) qui, après Rome et avec
Carthage, laisse voir aujourd'hui les plus nombreux restes d'anciens monuments
chrétiens, on a également dégagé les ruines de plus d'églises dans le voisinage
immédiat de la ville que dans la ville même.
^ Ad populum
Antiocheniun Homilia XVIfl, i, 2.
^ Cf. saint Pierre d'Alexandrie (P.
les Actes de G., xviii, p. 455) ;
n'est peut-être pas tout à fait isolé, a été assez rare pour qu'on
le remarquât. Et, si nous devons constater qu'en diverses
contrées de l'Asie, de la Syrie notamment, il \- a des zones de
plus profonde pénétration chrétienne dans les campagnes qu'en
Occident, zones qui pourraient bien correspondre dans la majorité
des cas à celles dont des villes de quelque importance forment jus-
tement le centre, Libanius ne nous laisse pas ignorer qu'en d'autres
parties de cette même Syrie, les paysans de son temps demeu-
raient encore passionnément attachés à leurs vieilles divinités *.
D'autre part c'est aussi une chose digne de remarque que, même
là où l'organisation ecclésiastique des campagnes et par conséquent
leur pénétration par le christianisme paraissent le plus avancées,
cette organisation même témoigne de l'infériorité juridique de
leur situation religieuse : si l'institution des évêques de campagne,
/(opsTriaxoTrot. remonte, comme il est à peu près certain, au
III""-' siècle *', dès le début du 1\''"*-" la législati(^n conciliaire
•'
PROCOPE, De Bello Persico, i, f3.
''
Safîctae Silviae perefj^ritiatio, 20, in Itincrj ifierosoiymitana, éd.
P. Geyer, (C. V^, x.wix, p. 35 seq.).
••
Orat. II, éd. Kciske, p. 1.S7.
La liste des noms des évéques présents au concile de Nicée (3a5) conlicni
"
se tenir entre 314 et 323, mentionne des chorévéques dans le Pont. Le i3*' Canon
5
— 68 —
s'applique à limiter leur autorité i.
Parler de défaveur vis-à-vis
des campagnes serait tout à fait injustifié; mais la tendance qu'on
vient de définir serait peu explicable si le fait enregistré pour
Carrhes avait été tant soit peu généralisé. En résumé les induc-
tions suggérées par le rapprochement de la nouvelle signification
prise par eOvT) et de celle que le mot avait eue antérieurement
dans la langue chrétienne demeurent en possession de toute leur
valeur, et nous restons en droit de tirer de ce rapprochement
tout le parti qu'il nous offre. La transformation constatée dans
racception de sôvt], évoluant, symétriquement à paganus, du sens
de paganisme à celui de campagnes, nous apporte une raison
du plus grand poids de nous prononcer définitivement, au sujet
dQ paganus, pour l'évolution parallèle mais inverse, en renonçant,
sans plus d'hésitations, à nous engager dans la voie absolument
différente où Zahn et Harnack, en dépit du concours qu'ils se sont
prêté l'un à l'autre, ne seront vraisemblablement pas suivis par
beaucoup de disciples.
pagne d'ordonner soit des prêtres, soit des diacres sans une délégation de l'évêque.
Cette interdiction sera renouvelée par le concile d'Antioche, en 341, canon 10
(Mansi, ii, p. j3ii). Le 14"" Canon de Néocésarée assimile les x^P^^'^^-^'^Q' ^ux
soixante-dix disciples, tandis que les évêques des cités sont les successeurs des
apôtres. Enfin, en 343, le concile de Sardique, se décidant à une mesure radi-
cale, interdit (canon 6 latin) d'ordonner un évêque dans un village (èv xa)[X7]), voire
dans ime petite cité, si un prêtre suffît à la desservir, et cela pour ne pas avilir le
nom et l'autoritédes évêques en en multipliant le nombre à l'excès (Mansi, m, p. 10).
De fait, les chorévêques, jusque-là nombreux en Orient, exceptionnels en Occident
(cf. J. Zeiller, Le chorévêque Eiigraphus. Note sur le chorépiscopat en Occident
au V"" siècle, in Revue d'histoire ecclésiastique, VII [1906], p. 27 seq.), ont à
peu près entièrement disparu avant le V'"' siècle. Ceux que l'on retrouve plus
tard dans l'Occident carolingien n'ont de commun avec eux que le nom l'insti- :
'
Cf. (>. Sai.vini, Ancora délie « case dei pagani * cl « E iincora délie case
dci pai^cvii [Bollcttino storico délia Si>i^';cra italiana, XX [1898], p. 125-127
Cl 1 55-1 57).
Notons aussi rappcllaiion populaire de * marcs aux païens* donnée parfois
en Lorraine à des vestiges d'habitations humaines connus sous le nom de mar-
délies et qui sont pour la plupart les restes des misérables demeures de Germains
immigrés dans le pays à l'époque gallo-romaine {Cf. E. Hxhklos, Lé Rhin dans
r histoire, t. i, p. iKô).
Enregistrons encore comme une curieuse survivance la dénomination de San
LorciiyO in pai^anesimo attribuée à une église de la campagne dalmalc, non loin
— 70 —
En tout cas, et ce sera là notre conclusion, ce sens d'étranger,
étranger à la vie considérée par ceux qui emploient le terme
comme la vie normale, étranger à la cité, terrestre ou spirituelle
ou terrestre et spirituelle à la fois, ce sens se retrouve au cours
des âges sous-jacent au mot païen, de même qu'il apparaissait déjà
qui substitue une vue de l'esprit, trop vite acceptée^ aux sugges-
tions de l'histoire, laquelle demande certes un travail d'interpré-
tation, mais non pas de pure invention.
TESTIMONIA
observari.
3. Properce, Elegiae, iv, 4, 73 seq. :
a) p. 76 :
d) Ibid., p. 340 :
Montani paganive...
6. Pline l'Ancien, Historiae naturalis libri, xxviii, 28 :
a) p. 317 :
c), IX, 10 :
concurrat ad praesepia
pagana gens et quadvupes,
Sapiatque quod bruium fuil.
74
I. Tacite, Historiae :
a) I, 53, 14 :
/; Ibid., 43, 7 :
a) VII, 25 :
potuerunt.
- 76 -
8. Macer, Digest., xlviii, 19, 14 :
omnino subveniendum.
10. MoDESTiNus, Dig., XIX, 2, 5o :
dum est.
b) Ibid., xxviii, 2, 26 :
Ipse semipaganus ^
m. Paganus = païen 2.
^
On a vu ci-dessus (p. 27) qu'ici paganus revêt une nuance un peu parti-
Octobres.
2. Rescrit de Valentinien h'" au proconsul d'Afrique Claudius,
Cod. Theod., xiv, 2, 18 (février 3yo) :
a) II, 3
paganiis...
b) Ibid., IV, 3 :
a) II, i5.
d) VI, 2.
... Eam rem tamen emerunt
passim vendi iussistis,
gladium portât ?
a) Rom., I, 23 :
ludaicae.
c) 61, 3.
/) 94. 4-
Et Dominus ait : Pater qui in coelis est. Nam et pagani
vanissimi unum caelum et polus fsicj profitentur interdum.
g) io3, I.
carnalibus...
;) 108, 7.
Si qui autem putaverit esse iustum angelos ita peccasse
transformatos in carne, ut in ea carne mansisse aut ita
o) 111,1-4.
Alia est heresis quae dicit nasci paganos (nosi naiuraiiicr,
non christianos, id est rerum natura corpus et animam
hominis non a Deo per Christum creari cottidie, sed per
vanitatem paganam ita progredi arbitrantur, cum ab Adam
usque ad Abraham, et postea usque ad ludam, qui post
Abraham quartus est in generatione, non pagani fuerini,
s) Il3, 1-2.
alii plurimi.
A-) 125, 3 :
b) Ibid., 2, 6 :
I
- 87 -
Romanis sacra non facereni nec fieri a quoquam permit-
terent.
g) 6, 8 :
k) 9, ig :
n) 22, 3 :
b) III, 63, 70 :
deant ;
quae vox ne procederet de ore christiano, tantus
sanguis martyrum fusus est.
i
- 89 -
c) 143 :
g) "83 :
h) 3 16 :
/; 377 :
sacrificia.
m) 387 :
é) Ibid., 4 :
sentiunt a paganis.
J) Ibid., 5 :
h) Ibid., lo :
l) Ibid., 16 :
paganorum.
n) Ibid., 21 :
o) Ibid., 2 3 :
G. Contra Gaudentium.
a) I, 28, 32 :
Non enim alia erat lex illa et alia lex Dci... .-Mioquin
si, cum illa fecit, finxisse puiandus est, tinxit et paicanum
et sacrificaxit idolis, quia dicit factum se fuisse his qui
sine lei^c sunl quasi sine loi^e, quos utique nonnisi
ffentilcs. quos pai^anos dicinuis, \ult inlelle^i...
a) I, (), i5 :
b) i5, 3.
g) 2(3, 7 :
h) 34, 6 :
'
Ici saint Augustin ne dit plus qu'on appelle les gentiis des païens; il
accouple les deux mois, dont l'un, plus probablement pagani, devient épithèiedc
l'autre.
- 96 -
dicant contra nomen Ghristi, dissensionem christianorum
christianis obiciunt.
k) 56, 14 :
0) io5, i3 :
y) 220, 1 :
T) 224, I :
P) 234, 3 :
a) 47, 3 :
c) 119, 8.
Omnipotentem Deum dum crédit fides catholica, omnium
haereticorum, paganorum, iudaeorumque destruit falsa
commenta.
P. Un. eccL, 19, 49 :
diis suis.
^
Saint Augustin paraît distinguer ici les pagani et les impii; mais c'est une
sorte de pléonasme.
^
Je neque sous toutes réserves, parmi les oeuvres d'Augustin, les
cite
volumen insigne.
b) Ibid., 18, i3 :
superscribitur confutatio.
c) V, I, 14 :
mavit Ecclesiam.
i3. Loi de 409 [Cod. Plieod., \\ i, 5, 4(>; :
'
On a reproduit ce lexie, bien que le nioi /m^^î/jw.n- ne s'y trouve pas. parce
qu'il est l'un des plus caraclérisiiques de l'idée que ce mol exprime iî-ts
— 100 —
b) X, 296 :
Miserrime pagane.
B. Contra Symmachum, 1, 1 seq. :
a) III, 9 :
'
Ici c'est rimpicié de certains chrciicns qui est comparée .1 limpielc in.né-
renlc au paganisme.
-
Kn ce passa.ue, c'est l'idée de barbarie qui est rapprochée de celle de
paganisme.
^ Paganica = digne des païens, comme dans dub. L)., jv, bl .
— 102 —
fîdem tuam annuntiemus. Nemo nescit paganos a villa
dictos : quia nàyoç graece, villa dicitur latine; inde pag-am
10, I.
Pagani ex pagis Atheniensium dicti ubi exorti sunt. Ibi
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rum docirinam perùnentia
Funk.
Funk, Patres Apostolici, v.
fivitre à Diognet, in
éd. Th. Mommsen iScr,ptores
reru^serman.
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Monument^s Gennan.ae h,stortc,s recenst),
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complètes par J.-L. Burnouf, 6 vol., Paris, i82i-i833.
TouTAiN (J.), Les cultes païens dans l'Empire romain, V partie : Les provinces
latines. II : Les cultes orientaux, Paris, 191 1.
ERRA.TA
P. 10, l 7, au lieu de : des textes décisifs, lire : un texte décisif.
— /. 8^ supprimer d'abord
P. 82, L 14, au lieu de: reçu^ lire: reçue.
— n. i, L 4, au lieu de: paganisams, lire : paganismus.
P. 55, supprimer la ligne 1 à partir de malgré et toute la ligne 2.
Introduction 3
Appendice. Testimonia 71
de VUniversité de Paris,
A. CROISET.
Vu ET PERMIS d'imprimer :
Pour le Vice-Recteur
l'Inspecteur de l'Académie
ISTRIA.
«H
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14654-
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