Université Du Québec À Montréal
Université Du Québec À Montréal
Université Du Québec À Montréal
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
PAR
VÉRONIQUE BOUCHER
DÉCEMBRE 2020
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé
le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles
supérieurs (SDU-522 – Rév.07-2011). Cette autorisation stipule que «conformément à
l’article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l’auteur] concède à
l’Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d’utilisation et de
publication de la totalité ou d’une partie importante de [son] travail de recherche pour
des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l’auteur] autorise
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commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
J’ai sauté dans l’aventure de la rédaction du mémoire en sachant que cela serait
difficile, mais que j’y arriverais grâce, entre autres, au soutien de ma famille et de mes
amis proches.
Mes remerciements vont en premier à ma sœur, mon frère et mes parents pour m’avoir
supportée et encouragée tout au long de mes études. Catherine, merci d’avoir pris le
temps de m’aider. Ta ténacité dans tes études personnelles m’a inspirée à croire en moi
et à persévérer. Merci, papa et maman, de m’avoir supportée et d’avoir été patients
avec moi. Je vous l’avais dit que je finirais un jour !
Je remercie également tous les intervenants pour votre temps et votre contribution à
l’avancement de la recherche scientifique.
Merci à Mohamed Reda Khomsi et Jean Lagueux, mes directeurs, qui ont cru en moi
et en mon sujet. Merci de m’avoir guidée tout au long du processus de rédaction de ce
mémoire.
TABLES DES MATIÈRES
INTRODUCTION ........................................................................................................ 1
MÉTHODOLOGIE ........................................................................... 71
Le choix de la méthode qualitative ...................................................................... 71
Le pôle épistémologique ...................................................................................... 73
Le pôle technique................................................................................................. 75
L’échantillon........................................................................................................ 75
La méthode de l’entretien semi-dirigé ................................................................. 78
Le guide d’entrevue ............................................................................................. 79
Les outils d’analyse ............................................................................................. 80
4.7.1 Le codage....................................................................................................... 81
La validité de la recherche ................................................................................... 82
L’éthique de la recherche .................................................................................... 83
Figure Page
1.2 L’offre et la demande du marché cinq étoiles au Québec pour 2008, 2014 et
2018 ………………………………………………………………………………..14
1.3 Taux d’occupation du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018 et de
janvier à septembre 2019…………………………………………………………….15
1.4 Revenu moyen par unité du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018 et
de janvier à septembre 2019…………………………………………………………17
Tableau Page
1.3 Prix quotidien moyen du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018 et de
janvier à septembre 2019………………………………………………………...…..16
Le luxe est une notion complexe et un secteur très spécialisé. Défini de manière plus
ou moins objective par ses acteurs, un séjour de luxe dans un établissement hôtelier
peut se traduire par une offre de produit et service qui allie un produit ou un service
esthétique et excellence technique, tout en comprenant des notions d’exclusivité et
d’exceptionnalité. Ainsi, l’offre des établissements hôteliers classés de luxe repose sur
la combinaison d’une proposition matérielle et d’une proposition immatérielle portée
par le support physique, l’image de l’expérience et le service. Il revient donc à
l’établissement de créer un lien entre les aspects matériels et immatériels de l’offre pour
être défini comme de luxe.
L’analyse des résultats nous permet de constater que l’avantage concurrentiel demeure
en fait basé sur la personnalisation, le coût de cette personnalisation, le temps investi
par les gestionnaires et les employés dans la création du service, un produit à la pointe
de l’innovation ainsi que la recherche continuelle de la perfection. Ceci implique pour
les gestionnaires de vendre d’excellents produits, en offrant un service irréprochable,
dans des endroits superbes et d’immerger le client dans l’univers symbolique de la
marque. Les services dits de luxe sont conceptuellement différents et nécessitent une
approche spécifique de gestion.
Mots clés : luxe, prestation de service, stratégie, expérience, hôtel, Québec
INTRODUCTION
« Le luxe peut être défini, aujourd’hui, comme une façon d’être, une manière de vivre,
mais aussi une façon d’acheter, de consommer et d’utiliser » (Bechtold, 1991; Roux et
Floch, 1996; Castarède, 2014; Nyeck, 2004; cités dans Geerts et Veg-Sala, 2014, p. 4).
Le luxe est pluriel et aborde plusieurs facettes allant du luxe traditionnel, soit le besoin
de paraître aux yeux de la société, au luxe émotionnel qui correspond à la recherche de
sensations et de valeurs expérientielles personnelles (Lipovetsky et Roux, 2003, cités
dans Geerts et Veg-Sala, 2014). Aujourd’hui, les conséquences socio-économiques du
développement du luxe amènent les analystes à le qualifier d’industrie (Chevalier et
Mazzalovo, 2011). En effet, la valeur du marché du luxe a triplé au cours des vingt
dernières années (Dehoorne et Theng, 2015, p. 12). Le premier secteur en croissance
par son chiffre d’affaires est celui de l’automobile de luxe. Toutefois, les progressions
sont également importantes dans l’hôtellerie de luxe, la croisière de luxe et la vente de
yachts (Dehoorne et Theng, 2015, p. 12).
catégorie regroupe la gastronomie, les vins et les spiritueux, les croisières, les yachts,
les voitures, les avions et l’hôtellerie (Dehoorne et Theng, 2015, p. 12). L’hôtellerie de
luxe, domaine sur lequel se concentrera ce mémoire, se présente alors comme une
branche particulière de cette industrie tout en demeurant un des piliers essentiels de
l’industrie du tourisme (Coquery, 1998). Dans les faits, elle représente un lieu, mais
plus important encore, un objet de consommation exclusive (Coquery, 1998).
À l’inverse du tourisme de masse, le tourisme de luxe offre, pour un prix élevé, des
voyages sur mesure, rares et prestigieux, ainsi qu’un service personnalisé et
irréprochable (Néault, 2011, cité dans Mires, 2016, p. 9). « Le luxe impose donc une
distinction, c’est la qualité et le coût de cette qualité, le temps investi par l’artisan
créateur, l’histoire, la dimension culturelle, l’innovation, la recherche continuelle de la
perfection et la magnificence » (Dehoorne et Theng, 2015, p.13). Cette notion s’appuie
également sur le ressenti : l’intimité, l’authenticité et le désir (Park et al., 2010).
Ainsi, le luxe dans le champ du tourisme est un vaste terrain à explorer, tant sur le plan
des pratiques que des enjeux socio-économiques. Le tourisme de luxe se caractérise
par des processus spécifiques de mise en tourisme des lieux et de la production de
services et autres prestations qui relèvent précisément du domaine du luxe (Dehoorne
et Theng, 2015, p. 13). Ces productions vont se distinguer des autres offres touristiques
par leur niveau de qualité (excellence) et de rareté qui donne son sens à la distinction
(Dehoorne et Theng, 2015, p. 13). En effet, le tourisme de luxe met l’accent sur la quête
d’expérience, plus précisément il s’agit « d’un moment », un temps privilégié,
l’occasion d’expérimentations inhabituelles et nouvelles, grâce à des mises en scène
spécifiques, l’entre-soi (Cousin et Chauvin, 2012, cités dans Theng, 2015, p. 2).
L’industrie du luxe vend environ 280 millions de nuitées par an, un nombre qui ne
cesse de croître chaque année (Mordor intelligence, 2019). Cependant, cette offre
d’hébergement correspond à un peu plus de 1 % de la capacité des hébergements
touristiques totale (International Luxury Travel Market, 2011, cité dans Theng, 2015,
3
p. 11). Cela est dû au nombre limité de clientèles ayant les moyens de consommer le
luxe. Toutefois, le nombre d’individus qui veulent en faire l’expérience est en constante
augmentation (Park et al., 2010). Si les consommateurs de luxe ne cessent de croître
chaque année, il en va de même pour l’hébergement de luxe (Park et al., 2010).
L’hôtellerie de luxe est apparue très tôt comme un objet d’étude scientifique dans le
domaine du tourisme (Bénédique et Séraphin, 2015). « Sans hébergement de luxe, pas
de destination de luxe », pouvons-nous lire dans l’éditorial de l’édition Tourisme de
luxe de la Revue Espaces (2009) (cité dans Bénédique et Séraphin, 2015, p. 6). Ainsi,
malgré l’importance du luxe à notre époque, c’est aussi l’un des concepts les plus
difficiles à définir, avec en son centre des paradoxes (Kovesi, 2015, p. 26). Le luxe en
son sens le plus élémentaire est défini par le non essentiel ; des biens ou même
simplement des expériences superflues. Et pourtant, le moteur du luxe qui alimente ses
industries associées exige que les désirs superflus se transforment en besoins (Kovesi,
2015, p. 26). De plus, le luxe est un concept qui nécessite une expression objective,
mais qui repose sur une perception subjective. En effet, chaque individu a sa propre
compréhension du luxe ; pour certains cette perception est positive (splendeur) alors
que pour d’autres elle est négative (luxure, débauche, décadence). Cependant, due à
son sens subjectif, l’expression objective du luxe est en constante évolution. Le luxe
de cette année devient vite la nécessité, voire la base, de l’année précédente (Kovesi,
2015, p. 26). Depuis toujours, le luxe a des dimensions sociales et économiques qui
sont associées à l’aristocratie (Coquery, 1998).
adaptés aux besoins à la clientèle de luxe (Tiard, 1995, p. 76). Bien que la qualité soit
essentielle, l’expérience est l’un des aspects importants pour lequel les clients achètent
un service ou un produit de luxe (Lashley, 2008). Les éléments qui composent une offre
d’hébergement de luxe ne sont donc pas standardisés et sont adaptables selon
l’établissement, les clientèles et la destination (Dehoorne et Theng, 2015). Cette
évolution conduit à personnaliser la notion de luxe en elle-même, stratégie
fréquemment utilisée par les entreprises spécialisées.
Tenant compte de ce qui précède, le mémoire vise à éclairer les organisations hôtelières
quant à la place du luxe dans le marché, plus précisément dans le marché des hôtels au
Québec. En plus, cette recherche a pour objectif de comprendre les pratiques et les
stratégies managériales dans le secteur de l’hébergement de luxe selon la perspective
du gestionnaire. Nous réaliserons ainsi une revue de la littérature afin de mettre en
évidence les particularités du marché du luxe, du service et de l’expérience qui
s’appliquent à ce type d’entreprise. Le chapitre suivant présentera le cadre conceptuel
examinant le concept du luxe et ses attributs pour comprendre les services et produits
dans les hôtels de luxe. Par la suite, les aspects méthodologiques de recherche seront
abordés dans le quatrième chapitre. Le chapitre suivant présentera les résultats et
finalement, le dernier chapitre regroupera les implications théoriques et managériales,
ainsi que la discussion.
MARCHÉ DU LUXE
Le luxe est l’un des segments du tourisme qui connaît la plus forte croissance. On
estime que le marché mondial de l’hôtellerie de luxe devrait croître avec un taux de
croissance annuel moyen de 4 % pour atteindre plus de 20 milliards de dollars en 2022
(Mordor intelligence, 2019). Un nombre croissant de consommateurs sont donc prêts à
payer plus pour découvrir ce qui est unique et différent d’une destination, y compris
rester dans des établissements hôteliers au-dessus de la norme (Chevalier et
Mazzalovo, 2015). Par conséquent, il semble pertinent de s’intéresser aux
établissements d’hébergement luxueux au Québec, puisque l’offre et la demande y sont
en constante augmentation.
Tout d’abord, la description de l’offre en tourisme de luxe y est abordée. Il s’agit aussi
de bien définir dans un second temps le portrait du marché hôtelier au Québec et les
classifications de luxe sur ce même marché. Finalement, nous illustrerons les données
économiques du marché hôtelier cinq étoiles au Québec.
6
L’offre proposée par le tourisme de luxe repose sur la collaboration entre les services et
le support physique. « Le support physique, à travers la singularité […] (e.g. un château),
d’un lieu (une ville historique), constitue la matière à partir de laquelle se construit la
mise en scène touristique [de luxe] » (Theng, 2015, p. 3). Celui-ci présente une
configuration propice au tourisme du luxe (la rareté convoitée), mais c’est le système de
production de services qui le rend fonctionnel : « il passe alors d’une prédisposition
favorable au luxe à l’opérationnalité dans le champ du tourisme du luxe » (Theng, 2015,
p. 3). Par contre, le support physique existant avec ses qualités ne constitue que l’une des
conditions. De nombreux lieux singuliers, remarquables à travers le monde, pourraient
participer à l’offre du tourisme de luxe, mais n’en font pas. En effet, le manque
d’investissement adéquat dans le système de production de services ne leur permet pas
d’être qualifiés dans le champ du luxe (Theng, 2015, p. 3). Ainsi, la fusion entre le
support physique et l’excellence de la prestation de service constitue la différenciation
de ce marché et ajoute une valeur supplémentaire, afin de donner le sentiment au client
de se procurer une expérience hors du commun (Perey, 2009).
En 2016, la consommation du luxe s’est déplacée des biens vers des expériences telles
que les voyages et la gastronomie (Mordor intelligence, 2019). Ce virage progresse
plus rapidement que le luxe des biens (Mordor intelligence, 2019). En effet, tel
qu’illustré dans la Figure 1.1, l’industrie du luxe vend environ 280 millions de nuitées1
par an, un nombre qui ne cesse de croître chaque année (Mordor intelligence, 2019).
1
Une nuit dans un établissement hôtelier
7
Figure 1.1 Nombre de nuitées vendues depuis 2002. Source : Hotel News Now (2019)
un taux de croissance annuel moyen de 4,0 % pour atteindre 20,4 milliards de dollars
en 2022 (Mordor intelligence, 2019). De ce marché, le secteur d’affaires représente
environ 35 % en 2017 du chiffre d’affaires (Mordor intelligence, 2019).
Certaines tendances clés dans l’industrie du voyage de luxe ont été recensées par une
enquête de Horwath HTL (2011). Ce rapport montre que le secteur du voyage de luxe
est et sera caractérisé par (Horwath HTL, 2011, p. 2) :
Ainsi, la notion de luxe est intemporelle, « le luxe c’est le rêve, ce qui embellit le décor
de la vie, la perfection faite chose par le génie humain » (Lipovetsky, 2003, p. 19). Le
luxe a également une grande part d’immatériel (Bechtold, 1991). L’univers créé est
primordial, puisque le luxe sert à se différencier des autres, à nous faire appartenir à
une classe plutôt qu’à une autre : « produire des distinctions sur la base de l’accès à des
symboles, des objets, des comportements, des consommations et des expériences qui
9
ne peuvent pas être partagées par tous et ne doivent surtout pas l’être sous peine de
perdre leur valeur » (Michaud, 2013, p. 38). Le luxe est un « désir de quelque chose qui
dépasse l’utilité, le cours banal des choses, le désir d’un écart » (Duguay, 2007, p. 10).
Au Québec, un système d’étoiles est attribué selon les standards fixés par la CITQ. Le
programme obligatoire de classification des établissements d’hébergement touristique
du Québec est mis en place par la CITQ, en collaboration avec Tourisme Québec. Cette
classification poursuit un double objectif, soit de protéger le voyageur et de contribuer
à rehausser la qualité de l’offre d’hébergement (Eccles et Durand, 1997). Le Québec
10
utilise un système d’évaluation qui lui est propre et dont la principale caractéristique
est une classification obligatoire (CITQ, 2019). Cela signifie que tous les
établissements hôteliers passent par cette étape d’évaluation. La CITQ évalue
systématiquement chacun des établissements sur son territoire depuis 2001, à la suite
de l’adoption de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique (CITQ, 2019).
La classification au Québec, réalisée par les inspecteurs de la CITQ, est une évaluation
de plusieurs aspects des établissements hôteliers et valides pour 24 mois (Tableau 1.1).
L’attestation prend la forme d’un panonceau qui doit être affiché à la vue du public.
11
Niveaux de classification
Catégories (étoiles ou soleils)
d’établissements
* 0 1 2 3 4 5 Total
Auberges de jeunesse 8 0 0 11 27 20 0 66
Établissements
0 0 0 3 16 12 1 32
d’enseignement
Autres établissements
102 10 120 189 58 7 0 486
d’hébergement
Chambres 40 %
Salles de bains 20 %
Autres sections 40 %
La somme pondérée des critères est utilisée afin d’attribuer le nombre d’étoiles aux
établissements (CITQ, 2019). Seule la note finale est utilisée afin d’établir la
classification. Un établissement peut donc offrir des chambres respectant les critères
d’une classification quatre étoiles, mais se retrouver tout de même avec une
certification plus haute ou plus basse en fonction des résultats obtenus dans les autres
catégories (CITQ, 2019). En étudiant les critères d’évaluation, nous remarquons que le
classement hôtelier en vigueur est attribué sur la base de normes quantitatives
(superficie, équipements sanitaires, ascenseur, etc.), ne tenant guère compte de la
qualité de l’accueil, entre autres. Évidemment, les critères et les normes ne font pas
l’unanimité et de nombreux exploitants et clients déplorent qu’ils ne rendent pas
toujours justice aux établissements (Cazelais, 2004). Cependant, quels que soient ses
limites ou ses défauts, la classification officielle joue un rôle significatif et reconnu
dans la confirmation et la valorisation d’un produit touristique (Cazelais, 2004). En
novembre 2019, le ministère du Tourisme de la province de Québec a annoncé la
création d’un comité sur la modernisation du système québécois de classification des
établissements d’hébergement touristique dans son ensemble (TourismExpress, 2019).
Le comité aura comme mandat de proposer des recommandations visant à adapter le
système de classification aux nouvelles réalités et à alléger le fardeau administratif des
exploitants. Il déposera ses recommandations à l’hiver 2020 (TourismExpress, 2019).
13
Tout d’abord, il est nécessaire d’évaluer l’offre et la demande du marché cinq étoiles
au Québec. La relation entre l’offre et la demande est considérée comme le meilleur
moyen de connaître la nature du marché, à savoir s’il s’agit d’un marché pour les
hôteliers, un marché pour les visiteurs ou un marché équilibré. Un marché équilibré est
souvent identifié comme un marché normal. Les données suivantes permettent
d’illustrer le portrait du marché équilibré de luxe au Québec. En dehors de cas
particuliers (e.g. le marché du luxe), plus le prix augmente, plus la quantité offerte
augmente et plus la demande diminue, plus le prix diminue. Nous pourrons observer
que cela affecte peu le marché du luxe au Québec. La Figure 1.2 présente les
indicateurs de l’offre (unités disponibles) et de la demande (unités vendues) pour les
14
hébergements cinq étoiles du Québec, pour une période définie entre 2008 et 2018. Les
résultats présentés sont pour l’ensemble du Québec seulement.
4 636
4 500
4 000 3 656
3 427
3 500
2 901
3 000
2 459 2 417
2 500
2 000
1 500
1 000
500
0
2008 2014 2018
Offre Demande
Offre
Écart (∆ %) 2008-2018 -26,1 %
∆ % 2014-2018 -6,8 %
Demande
∆ % 2008-2018 -16,7 %
∆ % 2014-2018 -1,7 %
Figure 1.2 L’offre et la demande du marché cinq étoiles au Québec pour 2008, 2014
et 2018. Source : Tourisme Québec
L’écart entre deux années données est également illustré afin de montrer l’évolution.
Selon les données de Tourisme Québec, nous observons une baisse de la demande ainsi
que de l’offre entre 2008 et 2018. La Figure 1.2 nous indique que la diminution de
l’offre affecte peu la demande au Québec. Cependant, il est à noter que l’hôtel Four
15
Seasons de Montréal a ouvert ses portes en mai 2019. Ceci a changé le marché du luxe
au Québec. En effet, pour bien évaluer le marché, nous avons aussi collecté des données
de janvier à septembre 2019. Ces données nous indiquent que l’offre augmente à
3 720 unités disponibles quotidiennement en 2019 (augmentation de 9 % avec 2018),
alors que la demande augmente à 2 566 unités vendues (augmentation de 6,1 % entre
2018 et 2019). La croissance de l’offre, combinée à la légère augmentation de la
demande, a engendré une légère augmentation dans le taux d’occupation2 (Figure 1.3).
Cette figure illustre aussi que la demande n’a pas cessé d’augmenter d’année en année
pour atteindre un record en 2018 avec un taux d’occupation moyen de 70,6 %. Nous
observons une croissance du taux d’occupation de 3,3 % entre 2014 et 2018.
72%
71% 70,60%
70%
69,00%
69%
68%
67,30%
67%
66%
65%
2014 2018 2019
Figure 1.3 Taux d’occupation du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018 et
de janvier à septembre 2019. Source : Tourisme Québec
2
Le taux d’occupation indique le niveau moyen de fréquentation d’un hébergement sur une période
donnée, en rapportant le nombre de chambres occupées au nombre de chambres disponibles. Les
chambres offertes en gratuités ne sont pas prises en compte dans le calcul du taux d’occupation par
Tourisme Québec (Tourisme Québec, 2019).
16
L’offre et la demande ont aussi une répercussion sur le prix quotidien moyen. Selon les
données de Tourisme Québec, le prix moyen est en évolution d’année en année, étant
donné le taux d’inflation et l’augmentation de la richesse des consommateurs.
Tableau 1.3 Prix quotidien moyen du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018
et de janvier à septembre 2019. Source : Tourisme Québec
2014 214,20 $
2018 238,20 $
Moyenne 232,43 $
∆ % 2014-2019 12,5 %
∆ % 2018-2019 3,2 %
et le prix quotidien moyen, nous pouvons calculer le revenu moyen par unité (RMPU).
Cet indicateur donne un aperçu plus global de la performance d’un établissement
hôtelier. Le revenu moyen par unité pour les cinq étoiles au Québec a eu une croissance
de 17 % depuis 2014 (Figure 1.4). Le RMPU est l’indicateur hôtelier par excellence,
puisqu’il reflète les performances d’un établissement en croisant soit les dimensions
quantitative (fréquentation) et qualitative (prix moyen).
$300
$250
$200
$150
$100
$50
$0
2014 2018 2019
Prix quotidien moyen des
$214,20 $238,20 $244,90
hôtels cinq étoiles (PQM)
Revenu moyen par unité
$146,80 $171,80 $173,60
(RMPU)
Figure 1.4 Revenu moyen par unité du marché cinq étoiles au Québec pour 2014, 2018
et de janvier à septembre 2019. Source : Tourisme Québec
Nous observons avec les années une augmentation de cet indicateur qui s’explique
encore une fois par le taux d’inflation et l’augmentation de la richesse des
consommateurs (Normandin Beaudry, 2018). De plus, la croissance presque successive
du PQM et du taux d’occupation entre 2014 et 2018 a permis au RMPU d’accélérer sa
croissance. Nous observons en 2018 pour un établissement cinq étoiles que le revenu
moyen par unité se situe à 171,80 $ comparativement à un établissement quatre étoiles
à 119 $ et à 89 $ pour toutes classifications confondues.
18
En somme, ces données comparatives étaient à titre indicatif afin de mettre en relation
les indicateurs clés de l’hôtellerie de luxe au Québec. Cela a permis de démontrer que
l’hôtelière de luxe au Québec est un marché lucratif et en croissance. Il est important
pour les gestionnaires d’en prendre connaissance pour aiguiller leur projection. Dans
le cadre de ce mémoire, la présentation de ces données nous démontre l’importance de
ce secteur et plus précisément du marché du luxe.
Une enquête menée par Callan (1989) a démontré que les gestionnaires d’hôtels
valorisaient le classement en tant qu’actifs promotionnels, générant davantage de
revenus. En outre, Vallen et Vallen (2005) ont étudié la croissance des ventes après
l’annonce de l’attribution d’un nouveau classement. En effet, ces chercheurs ont noté
une augmentation d’environ 20 % des ventes des hôtels nouvellement classés dans le
Forbes Travel Guide et une augmentation de 40 % de l’activité des petits hôtels classés
CAA/AAA (décrit ci-après). Par conséquent, selon ces auteurs, le classement peut
fonctionner comme un outil promotionnel pouvant générer une croissance de l’activité
hôtelière mesurée par le volume des ventes et le taux d’occupation. De plus, il a été
19
observé par Narangajavana (2007) que les systèmes de notation des hôtels encouragent
les hôteliers à améliorer la qualité de leurs services.
Les établissements cinq diamants sont décrits par CAA/AAA comme des
Le Forbes Travel Guide, anciennement connu sous le titre de Mobil Travel Guide,
évalue les établissements de restauration et d’hébergement dans plus de 50 pays, et ce
depuis plus de 60 ans (Forbes, 2018). Forbes Travel Guide utilise un système de
classification incluant seulement des établissements de quatre et cinq étoiles. Leur
mission est de présenter l’excellence quasi suprême d’un établissement
comparativement à l’ensemble. Ils sont le seul système de notation indépendant et
mondial pour les hôtels de luxe, les restaurants et les spas. Le système de classification
de Forbes Travel Guide est parmi les plus exigeants au monde (Forbes, 2018).
Les étoiles (Tableau 1.3) sont attribuées par des inspecteurs professionnels anonymes
qui parcourent le monde pour évaluer les hôtels, les restaurants et les spas, de sorte à
avoir la même expérience qu’un invité typique (Forbes, 2018). Une inspection des
installations et une évaluation du service sont réalisées pour chaque propriété; selon
plus de 900 critères, dont la propreté, les installations physiques et l’attitude et la
courtoisie des employés (Forbes, 2018). Bien que les inspections évaluent à la fois le
service et les installations, le système de classement par étoiles met l’accent sur le
service, tel que mentionné dans le Tableau 1.3. Selon Forbes Travel Guide,
l’expérience dans un hôtel, un restaurant ou un spa va au-delà des apparences. Aucun
établissement au Québec ne détient présentement cinq étoiles Forbes (Forbes, 2018).
22
Classification Description
Évaluation du service 75 %
n’en nommer que quelques-uns (Forbes, 2018). Pour chaque réponse « non », un hôtel
perd un point; il y a très peu de zones grises. Les inspecteurs rédigent également des
pages de commentaires lors des évaluations (Forbes, 2018).
Fondé en 1954, Relais & Châteaux est présent sur cinq continents, 66 pays
(principalement en Europe) avec ces 569 établissements membres (Relais & Châteaux,
2019). L’Amérique du Nord est le second continent comptant le plus de membres, avec
123 établissements (Relais & Châteaux, 2018). Relais & Châteaux est une association
hôtelière volontaire constituée dans le but de promouvoir leurs membres. Cette
association s’est donné comme priorité d’assurer le rayonnement culturel et économique
de ses hôtels et restaurants d’exceptions, par la promotion de ses membres et la
reconnaissance du patrimoine à l’échelle internationale (Relais & Châteaux, 2018).
• L’ancrage local : les établissements Relais & Châteaux sont l’expression d’un lieu,
de son histoire, de son environnement et de sa culture (Relais & Châteaux, 2018).
• L’humanisme : chaque établissement œuvre dans le respect des hommes et des
femmes qui incarnent les lieux et leur culture (Relais & Châteaux, 2018).
• Le partage : chaque maître de maison transmet sa passion à ses équipes et à ses
clients (Relais & Châteaux, 2018).
• L’engagement : Relais & Châteaux contribue à enrichir l’histoire de l’hospitalité
et de la cuisine (Relais & Châteaux, 2018).
Cette organisation, vouée au marketing du luxe, représente plus de 400 des meilleurs
hôtels cinq étoiles présents dans 75 pays (The Leading Hotels of the World, 2019). The
Leading Hotels of the World met l’accent sur des établissements indépendants de grand
luxe avec des critères élevés en matière de qualité et d’hospitalité. L’objectif de ce
groupe est non seulement de satisfaire, mais également d’anticiper la demande de
consommateurs sophistiqués (The Leading Hotels of the World, 2019). En 2019, trois
hôtels canadiens faisaient partie de ce regroupement, soit l’Hôtel Le St-James et Le
Mount Stephen, à Montréal et The Hazelton Hotel, à Toronto (The Leading Hotels of
the World, 2019).
25
La problématique
Ce mémoire portera donc sur l’étude de la prestation de service de luxe qui s’avère être
une notion encore floue et peu développée dans l’analyse du secteur de l’hôtellerie au
Québec. À cet effet, il est difficile de donner une définition universelle d’un hébergement
de luxe, car il est encore plus difficile d’expliquer ce qu’implique le mot « luxe »
(Danziger, 2005). Malgré l’importance des études dans le domaine de l’hébergement
(Daun et Klinger, 2006; Han et Hyun, 2013; Haynes et Fryer, 2000; Hyun et Kim, 2014;
Kim et al., 2001; Walls et al., 2011; Yang et Lau, 2016; Yang et Mattila, 2013, 2014;
Yang et al., 2016), un manque dans la littérature scientifique et sur le marché peut être
constaté quant à la caractérisation de stratégies et processus de services de luxe dans un
hébergement de luxe au Québec, et plus précisément du point de vue du gestionnaire :
« [s]everal studies explore aspects of service orientation (Berry et al. 1991; Schnerder
et al. 1992; Dabholkar et al. 1996), but few deal with the core of the matter, which
focuses on the forms or practices that good services takes in the employee-customer
encounter » (Woodside et al., 2008, p.97). En effet, diverses études (Berry et al. 1991;
Dabholkar et al. 1996; Schnerder et al. 1992) explorent la prestation de service, mais peu
de recherches se concentrent sur les formes ou les pratiques pour offrir un service dit de
luxe selon la relation entre l’établissement, les employés et le consommateur (Woodside
et al., 2008). Le présent mémoire vise ainsi à déterminer comment l’hôtellerie de luxe
se définit dans l’industrie du tourisme au Québec.
Revue de la littérature
Le domaine du luxe n’y fait pas exception. Reflétant une croissance dans les ventes
mondiales de produits de luxe, plusieurs chercheurs ont commencé à étudier le luxe
(Dubois & Paternault, 1995; Phau & Prendergast, 2000 ; Vigneron & Johnson,
28
2004). Les recherches en lien avec le luxe ont fluctué au fil du temps, le tableau 2.1
en décrit l’évolution.
Tableau 2.1 Revue de la littérature sur le sujet du luxe
Veblen (1899) Économie Analyse de la consommation ostentatoire dans un contexte de luxe de biens
et services.
Liebenstein (1950) Économie L’influence des phénomènes de mode sur la consommation ostentatoire et le
statut social des consommateurs.
Berry (1994) Management et économie Analyse de la transition du luxe d’un terme essentiellement négatif à un
stratagème soutenant la consommation.
Dubois et Paternault Management Analyse des conditions pour la création d’une marque de luxe dans un
(1995) contexte d’acceptation du consommateur.
Nueno et Quelch (1998) Management Analyse de la transformation du luxe inaccessible à un luxe de masse.
Nia et Lynne Management - Gestion L’influence des contrefaçons de produits de luxe sur l’attitude des
Zaichkowsky (2000) des produits et de la consommateurs.
marque
Vigneron et Johnson Management L’impact de la symbolique des marques sur les dimensions perçues des
(2004) consommateurs de luxe.
30
Mortelmans (2005) Études sémantiques Analyse de la sémantique du luxe dans un contexte classique et
sociosémantique.
Yeoman et McMahon- Management - Gestion Analyse de la tendance de «la luxurification» du marché dans un contexte
Beattie (2006) des revenus et des prix d’amélioration continu du pouvoir d’achat.
Wiedmann, Hennigs et Psychologie et économie L’influence de la perception de la valeur du luxe sur le comportement
Siebels (2009) d’achat.
Hansen et Wänke (2011) Psychologie et économie L’influence de la représentation mentale du luxe sur la description des
produits de luxe pour les annonceurs et les consommateurs
Choo, Moon, Kim et Marketing et de la gestion L’influence de la relation avec la marque et l’intention comportementale sur
Yoon (2012) de la mode la valeur client attribuée au luxe.
De Barnier, Falcy et Management Analyse des marques de luxe accessibles, intermédiaires et inaccessibles sur
Valette-Florence (2012) la consommation.
Kapferer et Michaut Management – Point de Analyse de l’impact du développement durable sur le marché de luxe.
(2015) vue des consommateurs
Pantano, Passavanti, Commerce de détail et L'influence de l’introduction des hautes technologies sur la valorisation du
Priporas et Verteramo services aux commerce de luxe et la transformation de l'expérience d'achat des
(2018) consommateurs consommateurs d’un point de vue managérial.
Stathopoulou et Balabanis Management L’impact des normes culturelles, des dimensions socioculturelles et des
(2019) valeurs humaines (ouverture au changement, conservation, amélioration de
soi et dépassement de soi) sur la consommation et la valorisation du luxe.
Le tableau 2.1 illustre une évolution de la littérature avec les années selon les
disciplines et les problématiques. Avant les années 2000, la littérature au sujet du
luxe est abordée selon une perspective économique, en se concentrant sur les
définitions du terme ainsi que celui de la consommation (Veblen, 1899; Liebenstein
1950). Autrement dit, les connaissances existantes sur le luxe reposaient fortement
sur une vision centrée sur les biens et la compréhension de ce bien sur le marché.
Également, les définitions et les mesures du luxe sont expliquées de façon subjective,
même si le luxe n'est pas une construction intrinsèquement subjective (Berry, 1994).
Plus récemment, les notions du luxe se sont déplacées de l’avoir vers l'expérience
par l’entremise des services. Ainsi, les problématiques évoluent et se penchent sur
les innovations et les changements dans la façon dont les consommateurs
interagissent avec le luxe. Par ce fait, la définition du luxe évolue dans le corpus de
connaissance. D’une définition plus ostentatoire, celui-ci se transforme vers une
quête de l’authenticité et d’expérience. Cependant, une chose ne change pas avec les
années dans la recherche, le corpus se caractérise par un manque de clarté concernant
une définition unique du luxe.
Une autre difficulté majeure réside dans le fait que le concept « prestation de service
de luxe » est peu étudié en hôtellerie (Sherman, 1990; Tiard, 1995). Les concepts de
« prestation de service » et de « luxe » sont généralement étudiés séparément. Tiard
32
(1995) est le seul à l’avoir opérationnalisé d’un point de vue de la gestion des
opérations en hôtellerie (analysé plus en détail dans le chapitre 3). Avant de définir
la « prestation de service de luxe », nous devons d'abord expliquer ce que nous
entendons par « prestation de service » et « luxe » en fournissant un résumé des
aspects pertinents de plusieurs ouvrages et études qu'il convient de retenir tout au
long de l'analyse.
La prestation de service
En hôtellerie, selon Powers et Barrows (2006), le service est conçu par des
professionnels du domaine aptes à répondre aux besoins et désirs de tout visiteur qui
entame une expérience touristique dans une institution hôtelière. L'offre hôtelière
intègre les deux types du service, tel que présenté précédemment. On y retrouve le
service de base à savoir: l'hébergement. Quant à eux, les services périphériques
varient d’un établissement hôtelier à l’autre, et dans le cadre de ce présent mémoire
nous analyserons que les services dans les établissements ayant cinq étoiles au
Québec. Il convient de citer que ces services sont entre d’autres la restauration, le
34
Les services de luxe diffèrent des produits à bien des égards. Tout d'abord, les
services sont définis comme des activités exercées par une partie pour une autre par
l'accès à la main-d'œuvre, aux compétences, à l'expertise, aux biens, les installations
sur une période de temps (Wirtz et Lovelock, 2016, p. 21). Ensuite, les services de
luxe sont décrits selon trois aspects. Premièrement, ils sont liés aux sentiments et aux
expériences sensuelles (Kapferer, 1997). Deuxièmement, ils vont au-delà du
nécessaire (Berry,1994). Troisièmement, leur prix élevé n'est généralement pas lié à
leurs coûts de production (Nueno et Quelch, 1998).
Que cela soit un produit ou service, la première préoccupation, c’est la qualité. Selon
Hartbrot et Leproust (2011, p.6) « Une démarche qualité est la mise en œuvre de tous
les moyens (humains, matériels, services) dont dispose une entreprise pour fournir
une prestation répondant aux besoins et attentes (exprimés ou non) de la clientèle ».
35
• La qualité du résultat ;
• La qualité du processus ;
• L'image de l'entreprise.
L'intérêt porté envers la qualité du service est un caractère important pour les
entreprises de service dans la mesure où son amélioration, de manière continue et
soutenue, représente un investissement profitable en termes du maintien de la clientèle
(Reichheld et Sasser, 1990). Dans les industries de services, telles que l’industrie
hôtelière, la qualité des produits a été remplacée par la qualité des services (Tiard,
1995). Bref, un service de luxe se caractérise par une qualité maximale avec un service
totalement personnalisé. La production d’un service de qualité repose sur une
importante présence de personnels expérimentés et d’un niveau de qualification élevé.
Ainsi, nous présenterons maintenant la personnalisation, puisque ce concept est une
dimension importante de la qualité de service.
et la marque (Zeithaml et al., 2006). Pour créer une expérience mémorable, il faut
que le personnel puisse impliquer le client en le faisant participer à un niveau
sensoriel (cognitif, émotionnel, relationnel et comportemental), plutôt qu’à un
niveau fonctionnel (Oh et al., 2007, cité dans Lashley, 2008, p. 60; Schmitt, 1999).
Ainsi, nous présenterons maintenant le concept d’expérience, puisqu’il est une
dimension importante de la personnalisation du service.
Pine et Gilmore (1998), dans leur ouvrage Welcome to the Experience Economy ont
souligné l’émergence d’une nouvelle économie caractérisée par l’engagement des
consommateurs dans des expériences mémorables. Pine et Gilmore (1998)
expliquent que le rôle des entreprises dépasse celui de la simple vente, et que l’offre
d’expérience dite « mémorable » ne fait que favoriser la différenciation face à la
concurrence. D’ailleurs, la mémorabilité constitue un élément essentiel pour la
réussite de l’expérience client (Bergain et Camus, 2017). De plus, ils expliquent que
39
les expériences vécues doivent engager les consommateurs en les faisant participer
de façon passive ou active, plutôt que de simplement les divertir (Bargain et Camus,
2017). Pour être réellement personnalisée, distinctive et mémorable, une expérience
doit être durable et faire appel aux émotions. Les émotions nourrissent le souvenir,
et plus l’expérience est forte, plus le souvenir durera longtemps (Body et Tallec,
2015, p.4). On comprend ainsi que par son engagement dans l’expérience, le client
en retire un caractère dit mémorable, dans la mesure où il va en retirer un certain
apprentissage (Riedel, Beltagui et Candi, 2016).
Dans notre cas et en lien avec la roue de l’expérientiel, il est pertinent d’examiner la
perspective de l’entreprise, en tant que metteur en scène d’expériences mémorables.
Pine et Gilmore (1998) en décrivent d’ailleurs les cinq facteurs clés pour produire
l’offre d’expérience client :
Maintenant que les bases de ce concept sont comprises comment l’expérience est-
elle créée dans la prestation de service.
Les attributs et les avantages, le prix et la qualité ne sont pas très difficiles à égaler.
Les clients les considèrent comme acquis. Ces paramètres jouent un rôle pour donner
un bon service sans pour autant différencier l’offre (Lackar, 2006, p.11). Ce que les
clients, plus précisément de luxe recherchent, ce sont des services personnifiés qui
les éblouissent, les touchent et les stimulent (Lackar, 2006, p.11). Ce nouveau
paradigme de l’expérience client intègre toute l’expérience et ne se concentre plus
uniquement sur les caractéristiques du produit ou du service, ou les bénéfices que les
consommateurs en retirent, mais sur tout ce qui permet de valoriser ce qui se passe
pendant les phases de choix, d’achat, de consommation et même après (Pine et
Gilmore, 1998) :
[l]orsqu’un utilisateur achète un service, il achète un ensemble
d’activités incorporelles réalisées pour son compte. Mais quand il achète
une expérience, il paye pour passer du temps en profitant d’une série
d’évènements mémorables qu’une entreprise met en scène pour le faire
participer de manière personnelle. (Atwal et Williams, 2008, p.341)
Pour nous plonger davantage dans le concept de la prestation de service de luxe, nous
présentons maintenant la littérature en lien avec le luxe.
Le luxe
L’usage romain antique de luxure et l’usage médiéval de ce même mot ont conduit à
de nombreuses analyses confuses de ce mot et de son image à l’époque médiévale. En
effet, à maintes reprises, le mot luxure dans les textes médiévaux a été mal traduit par
le terme « luxe » communément utilisé de nos jours (Kovesi, 2015, p.31). Cependant,
à partir du XIIIe siècle, un nouveau groupe de praticiens de la consommation
n’appartenant pas à l’élite a commencé à émerger en Europe, principalement en Italie.
Avec l’expansion du commerce et la croissance de la richesse personnelle, pour la
première fois depuis de nombreux siècles, un nouveau groupe issu de marchands, de
prêteurs d’argent, d’intermédiaires, d’artisans, de travailleurs du textile, de tailleurs,
de tanneurs et de teinturiers a commencé à avoir accès à des biens normalement
réservés aux élites (Kovesi, 2015, p.31). Ces derniers doivent maintenant faire face à
une population capable d’imiter leur style de vie. Leur réponse a été une vive
condamnation de cette nouvelle exposition, qu’ils ont qualifiée, de manière peu
surprenante, d’irrégulière, d’immorale et souvent illégale. C’est dans ce contexte que,
au cours des deux siècles suivants, ces élites ont renforcé l’ancien concept de
« magnificence » avec un rempart chrétien et ont progressivement revu le concept de
« luxure » (Kovesi, 2015, p.32).
La définition du luxe a beaucoup évolué à travers les époques, comme le révèle son
étymologie. Son évolution dans la langue française traduit un changement de pensée
progressif de cette notion d’excès vers des dimensions moins négatives tel que le
raffinement. Aujourd’hui, le luxe est l’un des mots clés de notre époque à la tête
d’une industrie mondiale de plusieurs milliards de dollars, et utilisé de façon
omniprésente pour décrire des objets exclusifs et des styles de vie raffinés
(Koromyslov, 2009). Le marché du luxe est défini comme « des produits et services
45
possédant des niveaux de qualité, de goût et d’aspiration supérieurs à ceux des autres
produits de la catégorie » (Atwal et Williams, 2008, p.339). Or, le luxe combine
différentes composantes qui permettent de faire un produit ou service, un de luxe. Le
Comité Colbert (non daté) répertorie ces différentes composantes :
• Élégance
• Excellence
• Émotion
• Exception et exclusivité
• Raffinement
• Rareté
• Innovation
• Créativité
• Tradition
• Qualité
• Prix
• Expérience esthétique.
Le luxe est analysé dans plusieurs disciplines, deux seront préconisés pour bien
comprendre ce concept soit l’économie et la sociologie.
Économie
Le luxe peut être défini comme une façon d’être, une manière de vivre, mais aussi
une façon d’acheter, de consommer et d’utiliser des biens et des services (Bechtold,
1991; Castarède, 2014; Nyeck, 2004; Roux et Floch, 1996). Le luxe est défini comme
un « mode de vie caractérisé par de grandes dépenses pour faire montre d’élégance
et de raffinement » et « plaisir coûteux et superflu » (CNRTL, 2012). En économie,
46
l’un des premiers à avoir analysé le luxe dans ce contexte était Veblen dans son livre
« The theory of the leisure class » (Vigneron et Johnson, 1999). Pour Veblen, le luxe
a une fonction utilitaire, c'est-à-dire que le luxe est le moyen pour les professionnels
de ce domaine de montrer leur savoir-faire et la qualité de leurs produits (Briot et De
Lassus, 2014, p.76). En effet, Veblen mentionne que les consommateurs de luxe
achètent des objets chers afin d’afficher leurs richesses et leur revenu, sans que ces
objets répondent réellement à leurs besoins (Giraud et al, 2007). Il associe fortement
le luxe à des termes comme « prix élevé » ou « exclusif ». Ainsi, en économie le luxe
se définit comme quelque chose de somptuaire, rare, précieux et superflu (Vigneron
et Johnson, 1999).
Sociologie
Briot et De Lassus (2014, p. 75) ont déjà souligné que le luxe a une fonction
ostentatoire et identitaire, puisque le luxe devient un moyen de se démarquer
socialement c'est-à-dire montrer sa richesse dans le but de créer sa propre image dans
ce monde. Lipovetsky et Roux soutiennent cette pensée en disant dans leur livre
(2003, p. 54) : « Le luxe est toujours élément de différenciation sociale …
Aujourd'hui, le luxe est plus au service de la promotion d'une image personnelle »
Dans ce présent mémoire, la vision préconisée pour définir le luxe est un mixte des
deux écoles de pensée, qui se décrit par la citation suivante :
Le terme « luxe » est extrêmement vendeur, car il inspire une part de désir et de rêve.
En plus, il permet à l’individu qui le consomme d’avoir l’impression de se rapprocher
de certains idéaux véhiculés par la société de consommation (Poitras, 2015, p.6).
Plusieurs recherches portant sur les consommateurs du luxe (Dubois et Laurent,
1996; De Barnier, Rodina et Valette-Florence, 2006; Vigneron et Johnson, 2004)
permettent de conclure que la motivation derrière la possession des produits de luxe
dépasse la simple utilité. Selon Vigneron et Johnson (2004 : 9), la consommation de
ce type de biens satisfait à la fois des besoins fonctionnels et psychologiques reliés
à des caractéristiques perçues du produit comme la qualité, l’esthétisme, la rareté, le
savoir-faire et l’élitisme.
Veblen (1899) est un des pionniers des recherches sur la consommation du luxe avec
sa théorie « Theory of the Leisure Class ». Dans ce travail, il démontre que la
demande pour un bien est reliée à son prix (élasticité-prix positive3 – expliquée
davantage dans l’analyse des résultats). Les gens ont tendance à acheter des produits
plus chers pour démontrer leur richesse et leur statut : « He argues that people
purchase expensive products to conspicuously signal wealth and to climb up the
social ladder. In other words, gaining social status is a major motivator of luxury
consumption » (Yang et Mattila, 2016 : 1850). Leibenstein (1950) soutient
3
La demande augmente quand le prix augmente.
49
De ces voyageurs, selon une étude réalisée par Résonance (2019), le Canada se
trouve en troisième position des destinations les plus populaires et le Québec se situe
en première place devant la Colombie-Britannique et l’Ontario (Résonance, 2019).
En termes de demande pour le tourisme de luxe, le profil du voyageur qui vient au
Québec peut être identifié comme suit : les candidats au luxe aspirent à un haut
niveau de qualité et de confort. Ils accordent une grande importance au statut social
et sont très exigeants en termes de service. Ils sont plus fidèles que les pionniers dans
le choix de leur destination (Horwath HTL, 2011, p.12).
Plusieurs études de marché par des firmes canadiennes ont été réalisées, dont une par
la firme de conseil Horwath en 2011, et dont les résultats se voient confirmés par une
étude de la firme de consultation marketing de luxe Résonance en 2019. La qualité
des hôtels est l’un des facteurs les plus importants pour la clientèle de luxe lorsqu’elle
choisit un endroit à visiter (Résonance, 2019). En effet, selon une enquête réalisée
par Horwath HTL (2011), les clients de luxe accordent une plus grande attention à
51
Résonance4 consultation a aussi évalué (Figure 2.2) ce que les voyageurs de luxe
recherchent dans les hôtels. L’accès Internet, un restaurant, une piscine, des
activités/expériences uniques et un lounge sont les cinq éléments les plus importants
aux yeux des clients.
4
Resonance Consultancy combine la stratégie commerciale et la créativité marketing pour aider à
façonner l'avenir de lieu luxueux avec la recherche, la stratégie, l'image de marque et la création de
lieux.
52
Figure 2.3 Commodités les plus appréciées des consommateurs de luxe des
établissements hôteliers. Source : Résonance (2019)
Des études effectuées par Horwath HTL (2012) montrent que l’industrie du tourisme
de luxe suit les mêmes tendances que le secteur du luxe en général (Horwath HTL,
2011, p.2). Les tendances vont vers une hausse de l’intimité; un style de luxe plus
discret est maintenant préféré. Une augmentation pour les paysages spectaculaires est
également observée (Résonance, 2019). Les tendances montrent aussi que les
consommateurs de luxe cherchent à combler le besoin d’épanouissement, la créativité,
l’estime de soi, et le contentement (Verb, 2017). Parallèlement, un rôle de plus en plus
53
Pour attirer cette clientèle, un marketing particulier doit être mis de l’avant, ainsi nous
présenterons maintenant le marketing du luxe.
Une nouvelle ère de nouveaux consommateurs est née et nous devons nous détourner
de l’approche traditionnelle. Nous devons envisager de nouveaux concepts et
stratégies qui capitalisent sur les opportunités offertes par ces nouveaux
consommateurs. L’une de ces approches est le marketing expérientiel, une approche
qui adopte une orientation plus postmoderne et considère les consommateurs comme
des êtres émotionnels soucieux de réaliser des expériences agréables (Atwal et
Williams, 2008, p.343). Les caractéristiques de la demande des consommateurs, « un
marketing basé sur l’expérience qui met l’accent sur l’interactivité, la connectivité et
la créativité », comme le soutient Tsai (2005), « la proposition de valeur traditionnelle
du produit/service n’est plus suffisante pour atteindre les consommateurs ou créer une
différenciation significative. Les entreprises doivent faciliter l’optimisation d’une
expérience globale homogène pour les consommateurs. » (cité dans Atwal et Williams,
2008, p.341). Ainsi, pour compléter cette analyse nous présenterons maintenant la
dimension expérientielle de l’hôtellerie de luxe.
rapide que celle du luxe matériel (cité dans Bellaïche et al., 2012). Il est possible
d’observer une augmentation accrue des consommateurs qui recherchent des
expériences uniques, exclusives et rares qui leur permettent à la fois de se
différencier et de satisfaire leur quête de sens (Bernd Schmitt, 1999). En effet, le
confort et un bel esthétisme ne suffisent plus pour la clientèle de luxe; ils ont soif de
découvertes, de surprises et d’émotions. Ils viennent à l’hôtel pour découvrir ce
qu’ils n’ont pas chez eux, pour être surpris, charmés, amusés, tout en restant
exigeants quant à la qualité des installations et de confort (Batat, 2017). Pour l’auteur
Michaud (2013), le terme expérientiel se réfère entre autres au design, et serait
fortement lié à l’hédonisme de l’offre. Selon lui, nous sommes à la recherche
d’expériences agréables, intenses et durables pour faire perdurer le rêve (Michaud,
2013 : 16).
• L’accent mis sur les expériences et les styles de vie des clients (Atwal et
Williams, 2008, p.345).
• L’accent mis sur la création de synergies entre le sens, la perception, la
consommation et la fidélité à la marque (Atwal et Williams, 2008, p.345).
56
.
CADRE DE RÉFÉRENCE
Cette recherche propose un modèle qui met en relief les concepts principaux qui
s’inspirent du modèle de Eiglier et Langeard (1987) et adapté par Tiard (1995). Dans
ce cadre, Eiglier et Langeard (1987, p.70) présentent le service comme « une
expérience temporelle vécue par le client lors de l’interaction de celui-ci avec le
personnel de l’entreprise ou un support matériel et technique ». Selon Eglier et
Langeard (1987), le service résulte de l’interaction de trois éléments de base
nécessaires à sa production et à sa distribution : le client (variables associées aux
interactions entre le prestataire et son client), le support physique et le personnel en
contact qui subit, en arrière, la coordination du système d’organisation interne à
59
Figure 3.2 Modèle de servuction de luxe de Tiard (1995). Source : Tiard (1995, p. 70)
60
Le modèle proposé par l’auteur (Figure 3.2) se compose d’une partie non visible ou de
l’organisation interne, laquelle n’est pas en contact direct avec les clients, mais détermine
la conception du service/produit (Tiard, 1995, p.70). La partie visible, quant à elle,
comprend les composantes physiques de l’entreprise (édifice, ameublement, équipement
informatique, etc.) et le personnel qui entre généralement en contact avec la clientèle
(Tiard, 1995, p. 70). On note que le service à la clientèle est l’affaire de tous les acteurs
de l’entreprise, autant dans l’organisation interne que le personnel en contacte. L’analyse
de ce modèle a permis de dégager des composantes du système de servuction,
susceptibles d’expliquer la prestation de service de luxe d’un établissement hôtelier. Les
éléments clés du modèle pourront aider à répondre à la question de recherche et à définir
le luxe au Québec. La description des caractéristiques spécifiques au service de luxe est
essentielle, puisque ce service est un résultat d’actions adaptées à la clientèle du tourisme
de luxe (Tiard, 1995, p. 70). En effet, une approche globale (holistique) du système de
servuction permet de bien définir l’ensemble des interactions.
Les éléments fondamentaux du système de servuction de luxe sont décrits dans les
sous-sections suivantes, en imprégnant des particularités du marché de luxe.
Le modèle conceptuel proposé met en relation les différentes données relevées dans la
revue de littérature en fonction de la problématique de cette étude. Ici, nous faisons le
choix d’étudier un petit nombre de valeurs parmi toutes celles-ci, à savoir les
composantes que nous jugeons pertinentes compte tenu du sujet d’étude et la posture
choisie à savoir, celle du gestionnaire: le support physique, l’organisation interne et le
personnel en contact (Figure 3.3). Cette posture explique aussi la mise de côté de la
dimension client du modèle de servuction.
61
L'organisation
interne
Prestation
de luxe
Le personnel Le support
en contact physique
Nous allons à présent repasser brièvement à travers les éléments de ce cadre en nous
assurant que notre guide d’entrevue puisse apporter tous les éléments de réponse afin
de définir la prestation de service de luxe.
62
Bien que le concept soit subjectif, le luxe moderne évoque immédiatement une
panoplie d’adjectifs, qui inclut un multidimensionnel aspect matériel, social et
individuel. Tel qu’exploré dans la revue de littérature, le concept de luxe renvoie aux
notions de rareté, d’inaccessibilité et d’exclusivité, tout en privilégiant celles de
créativité, de tradition, de qualité de l’esthétique et l’excellence d’un service (Lafont,
2008). La prestation de luxe se construit alors sur une servuction de luxe associée à des
établissements remarquables, ces établissements se distinguent par la qualité de leur
offre d’hébergements et de restauration (Theng, 2015 :5). L’organisation interne de
l’établissement permet d’offrir un service de luxe harmonieux dans toutes ces sphères.
La prestation de luxe se définit avant tout par les détails du personnel et le dépassement
d’un simple service d’hospitalité. Ce service de luxe passe par exploitation des données
et en transformant ces données informatiques en une expérience personnalisée. Une
prestation de luxe ne peut être créée avec une liste de contrôle standardisé, puisque les
meilleurs services de luxe sont personnalisés, non standardisés. La prestation de luxe
est le résultat d’un travail intense qui se dévoile par la rigueur et la minutie du personnel
en contact. Finalement, la prestation de luxe signifie quelque chose qui semble être le
meilleur de ce qu'il représente.
Le service, essentiellement intangible, est souvent évalué par le client par le biais de
ses attributs physiques, donc tangibles (Nguyen et Marchesnay, 1990). Il est
souhaitable pour l’entreprise de service de mettre en évidence ses éléments matériels,
car le client les utilise comme indicateurs de luxe (Levitt, 1981; Shostack, 1977, cités
dans Nguyen et Marchesnay, 1990, p.238). Le support physique est généralement
composé des instruments qui sont tous les objets, les meubles ou les machines utilisées
par le personnel et/ou le client lors de la « servuction » (Eiglier et Langeard, 1987). De
63
même que l’environnement qui entoure ses instruments : le site, les bâtiments,
l’aménagement et le décor (Eiglier et Langeard, 1987).
Outre le côté fonctionnel évident, le support physique apporte, par son esthétisme et sa
décoration, une importante contribution à l’atmosphère et à l’ambiance qui va régner
lors de la production du service (Boyer et Nefzi, 2009). La présence du client dans le
processus de « servuction » incite celui-ci à privilégier l’utilisation des éléments
physiques associés au service pour évaluer son expérience (Haywood, 1983, cité dans
Nguyen et Marchesnay, 1990, p. 238). En outre, plus le caractère intangible du service
est prononcé, plus le client a tendance à faire appel à ces éléments dans son processus
d’évaluation, surtout dans le secteur du luxe (Donald W. Cowell, 1984, cité dans Boyer
et Nefzi, 2009, p.46).
Tel que le mentionne l’auteur Behi (2009), nul ne peut contester le rôle joué par
l’environnement physique dans l’offre de service comme élément fonctionnel,
différenciateur et identitaire (Audert-Gamet, 1996; Mkhinini, 2002, cités dans Behi,
2009 , p.40). L’environnement physique ne peut plus être considéré uniquement
comme un support de l’offre, mais comme un élément de l’offre de service (Behi, 2009,
p.40). Les grandes marques de luxe n’hésitent pas à mandater les plus grands
architectes pour créer de véritables œuvres d’art, pour que l’expérience du luxe
devienne la plus hédoniste possible (Dubois, Laurent et Czellar, 2001). Elle invoque
tous les sens des consommateurs; le produit ne doit pas seulement être beau, mais aussi
agréable à toucher, sentir, entendre ou même goûter (Dubois, Laurent et Czellar, 2001).
Même si le concept de beauté est très subjectif, la multiplication des attentions portées
au moindre détail fait qu’un produit de luxe est instinctivement esthétique dans la
perception collective (Beninca et al., 2013). Shostack (1977) souligne que les éléments
tangibles de l’offre forment l’essence du service. Par ailleurs, les services fortement
personnalisés tendent à s’appuyer sur l’environnement physique pour offrir un service
distinctif (Behi, 2009, p.42).
64
Outre la qualité de son support physique, l’établissement luxueux s’inscrit souvent dans
un environnement attractif, reconnu pour sa singularité et sa qualité (Theng, 2015, p.
6). Des établissements luxueux sont implantés dans les quartiers historiques les plus
réputés à travers le monde. Ils peuvent se fondre dans l’environnement d’accueil,
s’installer dans des bâtiments historiques singuliers ou s’établir dans des constructions
modernes (Theng, 2015, p.6). L’intérêt d’un séjour dans un tel établissement repose
sur deux niveaux d’échelles spatiales. Tout d’abord l’établissement lui-même, pour son
confort intime. Ensuite, il y a l’environnement immédiat de l’hôtel (Theng, 2015, p. 6).
Contrairement au tourisme de masse qui nécessite des infrastructures imposantes, dont
la rentabilisation se fait à travers les flux, le tourisme de luxe n’est pas tenu par ce type
de contingence (Theng, 2015, p.9).
L’organisation interne est généralement la partie non visible aux yeux du client. Il s’agit
là des activités non directement liées à la servuction, mais indispensables à sa réalisation
(Tiard, 1995). Il regroupe l’ensemble des fonctions administratives et managériales de
l’entreprise. Il permet de mettre en place les éléments des systèmes de servuction, les
réguler et effectuer les opérations de gestion de base, nécessaires à la vie économique de
l’établissement (Tiard, 1995). Les exigences internes de l’entreprise sont créées pour
répondre aux attentes de la clientèle. Le système d’organisation interne est donc
constitué de toutes les fonctions de base, soit le département de finance, le marketing, les
ressources humaines, mais aussi de certaines fonctions spécifiques qui sont nécessaires
à la réalisation du service comme le contrôle de la qualité entre autres (Eiglier et
Langeard, 1987, p. 17).
remboursement intégral garanti au client (Tiard, 1995, p.73). Pour ce faire, une
organisation interne polyvalente est essentielle, passant par l’évaluation de la
performance à des stratégies d’amélioration continue (Gronross, 1982). La qualité
maximale devient ainsi un attribut inhérent et prédominant de la servuction de luxe
(Tiard, 1995 : 73). L’association entre le luxe et la qualité est tellement forte que pour
certains les deux mots sont presque synonymes (Dubois, Czellar et Laurent, 2005).
L’image d’une entreprise est le résultat d’un processus de globalisation par lequel le
consommateur cherche à positionner l’entreprise par le biais d’un ensemble de
caractéristiques reliées à la servuction (Nguyen, 1991, p. 86). L’entreprise bâtit son
image en s’appuyant sur la qualité des services offerts au client et, inversement, la
perception de cette qualité par le même client influence l’image projetée de l’entreprise
(Nguyen, 1991, p.88). Dans le contexte de la présente recherche, l’image d’une
entreprise est généralement influencée par sa tradition, son idéologie et certaines
informations véhiculées par l’entreprise elle-même ou par une tierce personne, soit le
positionnement (Horwath HTL, 2011, p.6). Plus précisément, Phau et Prendergast
(2000) déclarent que les marques de luxe « évoquent l’exclusivité, ont une identité de
marque bien connue, jouissent d’une grande notoriété et d’une grande qualité perçue,
tout en préservant le niveau des ventes et la fidélité de la clientèle » (Atwal et Williams,
2008, p.339).
Luxe, est un mot-clé dont l’utilisation se fait toujours plus fréquente dans
notre vie quotidienne. Nous le lisons de plus en plus souvent sur les
affiches; nous l’employons de plus en plus souvent dans nos discours. Il y
a deux raisons à cette explosion : d’une part, de nombreuses marques ont
jugé que ce positionnement ajoutait à leur compétitivité; d’autre part, une
majorité de consommateurs ont développé une attitude positive vis-à-vis
des produits, services ou expériences connotée par cette caractéristique.
(Chevalier et Mazzalovo, 2015, p.13)
66
L’usage du mot luxe s’est banalisé avec les années ainsi dans un monde où il est
difficile d’inscrire un nom dans la durée, proposer un produit/service existant depuis
de nombreuses années accentue la sensation d’exclusivité; plus le temps passe et plus
l’item gagne en valeur (Dubois, Czellar et Laurent, 2005).
3.2.3.2 Le prix
La notion de prix très élevé est un critère automatiquement cité quand on évoque un
produit de luxe (Séguin et Abitol, 1994). Le prix très élevé est une perception de la
valeur dont le haut niveau des matériaux utilisés, la créativité et l’esthétique découlent
(Séguin et Abitol, 1994, p. 5). Il en devient ainsi presque acceptable, car il garantit une
longévité au produit (Dubois, Czellar et Laurent, 2005). Au-delà de cette dimension, il
existe des barrières symboliques et psychologiques à l’achat d’un produit de luxe,
puisque son prix est discriminatoire (Dubois, Czellar et Laurent, 2005). Le luxe a été
défini comme « l’usage des choses coûteuses » (Say, 1803, p.223). En soi, le prix élevé
devient une caractéristique intrinsèque au luxe. Du point de vue du client, le prix est
un indicateur pertinent, car il permet de segmenter le marché (Chevalier et Mazzalovo,
2015). L’objectif de cet écart est de distinguer le marché du luxe de celui du non-luxe
et de hiérarchiser les gammes des biens (Bastien et Kapferer, 2008). Sur le marché, la
principale donnée objective et incontestable reste le prix (Eurostaf, 2004). Si
l’optimisation du rapport qualité/prix est primordiale pour le tourisme dit « normal »,
dans le segment du luxe, le prix ne répond à aucune rationalité (Karpik, 2007). Ainsi,
le luxe relève du « marché-jugement » (Karpik, 2007). Il faut prendre en compte la
qualité des prestations, les équipements naturels et originaux, le cadre exceptionnel et
l’environnement naturel ou patrimonial de la destination.
Le luxe propose des offres rares et convoitées justifiant le niveau des prix (Theng, 2015,
p. 11). De manière purement économique, si l’on s’en tient au principe d’économie
d’échelle, la quantité fait le prix. Ainsi, le produit luxueux se rend désirable par sa
67
rareté et son accessibilité difficilement atteignable (Park, Rabolt et Jeon, 2009). Il est
noté que la distribution sélective des produits de luxe peut trouver sa justification à
trois niveaux : pour des raisons économiques (plus le produit est sélectif, plus sa
distribution est réduite – moins fort volume de ventes), pour des raisons stratégiques
(sélection des meilleurs points de vente) et pour des raisons psychosociologiques
(maintien d’une certaine rareté du produit par une distribution intimiste) (Allérès,
1990 : 23). Cette rareté ne concerne pas uniquement l’offre en tant que telle, elle
concerne aussi sa disponibilité et l’usage qu’il est possible d’en faire. Les produits de
luxe ne peuvent être présents partout et facilement atteignables pour préserver l’unicité
de l’expérience d’achat (Dubois, Laurent et Czellar, 2001).
Selon cette perspective, si les entreprises de luxe ne peuvent pas, pour des raisons de
chiffre d’affaires, vendre moins d’unité, celles-ci vont en donner l’illusion à travers des
éditions limitées, une innovation technologique ou simplement en communiquant très
peu d’informations sur ses produits pour renforcer leur exclusivité (Catry, 2003). De
plus, pour garder sa dimension exclusive, la stratégie consiste alors à être désirable
pour tous, mais accessible par une minorité, les « happy fews » (Kapferer et Bastien,
2009).
Un service sur-mesure est conçu selon les caractéristiques et les besoins individuels de
chaque client (Berry, 1995). Selon Chevalier et Mazzalovo (2015), les pratiques de
personnalisation sont reconnues comme ayant trois niveaux différents; les niveaux
interpersonnels, opérationnels et organisationnels :
aux produits touristiques de luxe (Tiard, 1995, p.71). Or, de nombreuses initiatives vont
dans le sens de la participation minimale de la clientèle :
• De multiples services proposés, dont le service aux chambres 24 heures sur 24, un
minibar avec une variété de produits, un service de voituriers (Tiard, 1995, p. 71).
• La prise en charge du client : accélération des formalités d’arrivée et de départ
de l’établissement (check in-check out), enregistrement aérien via un service de
conciergerie (Tiard, 1995, p.71).
• Des équipements télécommandés ou automatisés dans la chambre.
• Le développement des télécommunications : téléphone dans la salle de bains,
utilisation de l’écran de télévision comme un véritable terminal (commande du
petit déjeuner, vérification et paiement de la note) (Tiard, 1995, p. 71).
• La mise à disposition de produits divers : journal porté dans la chambre, bulletin
météo, « produits d’accueil » (guest amenities) tels que les produits de toilette
haut de gamme, etc. (Tiard, 1995, p. 71)
Question de recherche
Après avoir pris connaissance des informations pertinentes en lien avec l’industrie
hôtelière de luxe au Québec et afin de comprendre ce qui convient d’appeler l’hôtellerie
de luxe, une question nous vient en tête : comment se caractérise la prestation d’un
service de luxe dans le contexte hôtelier ?
Il est donc nécessaire de s’entendre sur les éléments qui traduisent le luxe dans le
champ de l’hôtellerie et d’en dégager des indicateurs, ainsi que d’entreprendre une
relecture des établissements hôteliers parmi les plus luxueux au Québec afin de les
comparer. Deux sous-questions viendront orienter ce mémoire afin de répondre aux
objectifs de recherche :
70
Dans cette section, les différents aspects de la méthodologie seront abordés afin de
mesurer comment le luxe se définit dans les établissements hôteliers au Québec. Ce
chapitre est divisé en neuf parties. Nous présenterons d’abord la méthode qualitative,
l’approche inductive, suivi du pôle technique justifiant ainsi la méthode d’enquête
utilisée, les mesures d’analyse de nos variables et nous expliquerons ensuite la validité
et l’éthique de la recherche.
Le projet de recherche porte sur les stratégies de gestion des hôtels cinq étoiles au
Québec, notamment par la prestation de service. Ce processus d’intégration constitue
un phénomène de gestion complexe, dans le sens où différents acteurs interagissent et
définissent le sujet différemment. C’est pour cette raison que nous avons recours aux
méthodes qualitatives qui permettent une vision holistique d’une problématique
complexe (Gagnon, 2012, p. 1). Cette approche cherche à :
Dans notre contexte, notre objectif est d’obtenir une étendue diversifiée de perspectives
par l’intermédiaire d’une démarche rigoureuse et minutieuse (McCracken, 1988). Cette
recherche se penche sur la matérialisation d’un service de luxe, plus particulièrement à
expliquer comment celui-ci se concrétise dans les établissements hôteliers au Québec.
Bien souvent, les études et les données disponibles traitant directement ou
indirectement des questions des hébergements de luxe ont été réalisées selon la
méthode de recherche quantitative pour évaluer les besoins des clients (Woodside et
al., 2008). Or, au regard du sujet traité et de la dimension exploratoire, il paraît opportun
d’ouvrir la voie aux dialogues par le biais d’entrevues semi-dirigées. Les approches
qualitatives mises en place permettront d’analyser les composantes de l’organisation
des hôtels.
Le pôle épistémologique
Comme nous l’avons abordé dans la problématique, notre projet de recherche est
d’ordre exploratoire parce qu’il n’existe pas beaucoup d’études sur la prestation de
service de luxe selon la perspective des gestionnaires dans le secteur hôtelier au
Québec. Nous optons donc pour l’approche inductive. Selon Thomas (2006), cette
approche est couramment utilisée dans le domaine des sciences humaines. Elle est
définie comme « un ensemble de procédures systématiques permettant de traiter des
données qualitatives, ces procédures étant essentiellement guidées par les objectifs de
recherche » (Blais et Martineau, 2006, p. 3). Différente de l’approche déductive qui
vise à tester si les données collectées correspondent aux hypothèses de recherche,
l’approche inductive « primarily use detailed reading,\·of raw data to derive concepts,
themes, or a model through interpretations made from the raw data by an evaluator or
researcher » (Thomas, 2006, p. 238). Autrement dit, l’utilisation de l’analyse inductive
permet de condenser des données brutes, variées et nombreuses dans un format résumé,
d’établir des liens entre les objectifs de la recherche et les catégories découlant des
74
L’approche inductive s’appuie sur diverses techniques dont l’entrevue et sur différentes
stratégies dont la lecture détaillée des données brutes dans le but de faire émerger des
catégories d’analyse à partir des interprétations du chercheur (Blais et Martineau, 2006;
D’Arripe et al., 2014). Dans le cadre du projet, nous ne cherchons pas à vérifier des
hypothèses générales sur le terrain, mais plutôt à comprendre la création d’expériences
luxueuses par les organisations hôtelières cinq étoiles. Cela demande une collecte
systématique des données et une analyse des données relatives à ce processus.
Concernant le pôle morphologique, les hypothèses sont définies de manière
progressive, tout au long du processus d’analyse. Elles servent à guider la construction
de l’objet. Une attention est portée aux formes de la recherche, à travers une réflexion
sur l’écriture (Charmillot, 2013). On confère également un caractère exploratoire à
cette recherche. Elle s’inscrit dans un paradigme épistémologique interprétatif; elle
tente de comprendre le sens de la perception des gestionnaires et de prendre en compte
la dynamique complexe du phénomène à l’étude (Denzin et Lincoln, 2000).
Finalement, cette recherche s’inscrit dans une logique compréhensive, car afin
d’interpréter les réponses données par les gestionnaires à propos de la prestation de
service de luxe à l’égard de leur établissement cinq étoiles, il faut d’abord comprendre
en profondeur la réalité sociale à l’étude.
En optant pour ces méthodes, nous aborderons ensuite dans ce chapitre l’échantillon
de l’étude et les outils d’analyse des données, ainsi que l’aspect éthique de la recherche.
75
Le pôle technique
La première étape de la démarche a été de recenser les écrits. Parmi les sources
documentaires, les écrits scientifiques produits au sein des milieux académiques
francophones et anglophones, notamment des ouvrages de référence, des ouvrages
généraux et des articles de périodiques ont été explorés. L’inventaire de la documentation
scientifique a été pluridisciplinaire, centré sur le tourisme, mais également en gestion et
en sociologie. La deuxième étape est la création d’une méthode de collecte de données
en fonction des objectifs de la recherche, des écrits littéraires et du cadre de référence.
Afin de préparer au mieux ces entretiens, il a été primordial de mettre en place un guide
d’entrevue (voir Annexe 3). L’analyse des données a été réalisée selon une approche
interprétative et comparative, tout en se référant aux théories précédemment établies dans
la revue de littérature. Nous estimons que l’analyse de cette recherche permettra de
dégager des traits opérationnels nécessaires pour la prestation d’un service de luxe. Cela
demande une collecte systématique des données et une analyse des données relatives à
ce processus (D’Arripe et al., 2014, p. 100). Pour finaliser cette étape, nous avons
effectué une collecte de données auprès des gestionnaires de l’établissement et des
opérations. Suite à cela, nous pourrons identifier des liaisons entre les variables pour
répondre aux questions de recherche.
L’échantillon
précisément, dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé une méthode
d’échantillonnage boule de neige.
Les gestionnaires ont été directement contactés par courriel pour solliciter leur
participation. Nous avons choisi d’analyser plusieurs hôtels cinq étoiles dans plusieurs
villes au Québec et non de se focaliser sur un hôtel ou une ville. Chaque cas a été
analysé de manière individuelle avant de fournir une analyse globale dans laquelle vont
converger les phénomènes étudiés au préalable. Les analyses individuelles ne sont pas
publiées dans cette étude afin de garder la confidentialité des hôtels participants. Au
total nous avons effectué, six entrevues.
[l]a plus évidente [difficulté] est sans doute le paradoxe qui consiste à
interroger un individu alors qu’on s’intéresse au collectif. Le chercheur qui
réalise des entretiens doit à cet effet constamment avoir à l’esprit, sous
crainte de biais, que l’individu interrogé l’est en tant que représentant d’un
groupe. (Bédard et al., 2012, p. 108)
Les personnes interrogées ont été enregistrées pour permettre leur retranscription
intégrale et ainsi faciliter la collecte des données discursives primaires. Les personnes
interrogées ont été sélectionnées selon les critères établis plus haut dans la section
échantillonnage. Les gestionnaires ont été approchés tout d’abord par courriel ou par
LinkedIn. Ceux volontaires ont été par la suite approchés par téléphone pour établir un
premier contact. Tous les entretiens se sont déroulés au lieu de travail des répondants,
exceptés pour un qui a eu lieu dans un café. Comme mentionné, les entrevues se sont
déroulées de manière semi-directive à l’aide d’un guide d’entrevue réalisé
préalablement. Les discussions se sont déroulées en français et ont été enregistrées
après avoir reçu leur consentement. Il a été prévu que les entretiens dureraient entre
45 minutes et une heure et demie.
Le guide d’entrevue
Le guide d’entrevue est l’outil empirique qui nous a permis de valider le cadre de
référence. Il décline chaque proposition de recherche en différentes questions. Les
80
• La mise en contexte;
• Le produit de luxe;
o La classification
o L’environnement physique;
• L’organisation interne;
o La perception du luxe (l’image);
o Le prix
o Analyse comparative;
• Le personnel en contact;
o L’expérience;
o L’environnement relationnel
Nous avons structuré les entretiens en suivant les différentes dimensions ci-dessus, et
en les développant sous forme de questions ouvertes. Cette structure souple de
questions ouvertes favorise une discussion pouvant révéler des problématiques qui
n’avaient pas été anticipées. Il s’agit donc de faire surgir un maximum d’éléments
d’information et de réflexion qui servent de matériaux à une analyse de contenu
systématique qui répond aux exigences d’explication, de stabilité et d’intersubjectivité
des procédures (Campenhoudt et al., 2017, p.244).
Suite à la transcription des entrevues, une grande attention a été portée à leur contenu
afin de se familiariser avec les idées recueillies. Les enregistrements ont été écoutés à
plusieurs reprises pour mieux cerner le sens des réponses. Cette première étape
comprend aussi la relecture des documents théoriques reliés au sujet de l’étude. Cela a
permis de cibler les données sorties de la recherche (Altinay et Paraskevas, 2008 : 170).
Examiner minutieusement les données selon leurs différences et leurs similitudes
81
permet une discrimination pointue et une différenciation entre les concepts qui dérivent
des données (Strauss et Corbin, 2004, p.134).
4.7.1 Le codage
Pour débuter l’analyse des résultats, la première étape est l’analyse par encodage par
l’entremise du logiciel NVIVO. Ce dernier est un logiciel utilisé pour la recherche
qualitative, plus précisément, il est utilisé pour l'analyse de données textuelles, audio,
vidéo et d'images non structurées, y compris les entretiens, les groupes de discussion, les
enquêtes, les médias sociaux et les articles de revues. Ainsi, l’encodage est le processus
qui permet de décomposer, d’examiner, de comparer, de conceptualiser et de catégoriser
les données, en étiquetant (codant) des fragments de texte (Altinay et Paraskevas, 2008,
p. 170).
Aux fins de l’analyse, les nœuds servent principalement à classer le contenu des
entrevues. Les nœuds sont le processus d’intégration et le peaufinage des données en
thèmes (Strauss et Corbin, 2004 : 179). Ces thèmes indiquent quels sont les principes
récurrents. Nous plaçons les extraits qui traitent du même sujet ensemble qui créeront
par accumulation des nœuds.Dans NVIVO, cette opération s’appelle le codage. Des liens
informatisés sont donc tissés entre les documents et les nœuds. Cette étape permet de
décontextualisation et recontextualisation le corpus des entretiens.
Nous avons aussi, suite à la création des nœuds, utilisé la méthode du « word count »,
pour identifier les termes les plus fréquents pour identifier les nœuds ayant plus
d’importance. S’inscrivant dans l’analyse de type qualitatif (Leech et Onwuegbuzie,
2007), cette méthode consiste à comptabiliser l’ensemble des mots qui se répètent. Selon
l’importance des mots clés présents, le chercheur peut hiérarchiser les nœuds. Ensuite,
les noeuds sont hiérarchisés et comparés à la littérature existante. La chercheuse
détermine les idées qui coïncident et les idées opposées entre elles. Les résultats sont
82
ensuite intégrés et analysés selon le cadre de référence de cette recherche. Il est noté que
nous avons retiré tous les termes de transition et les conjonctions de coordination dans
les verbatims pour alléger le nuage de mots. De plus, les occurrences de mots similaires
ont été regroupées pour mieux catégoriser les concepts discutés lors des entrevues.
La validité de la recherche
Afin d’assurer une certaine validité au guide d’entretien de recherche, celui-ci repose
principalement sur la littérature, telle que recensée dans le chapitre 1. L’une des façons
de procéder à la validation de l’instrument de recherche est de faire vérifier la validité
des questions par un panel d’experts. Dans le cas présent, deux professeurs
universitaires de l’Université du Québec à Montréal et un professionnel impliqué
autour de l’hôtellerie ont été rencontrés dès le départ afin, d’une part, d’assurer la
pertinence du présent mémoire dans le contexte actuel et, d’autre part, de vérifier la
validité de l’outil après sa conception. Les experts ont d’abord reçu le guide d’entrevue
et ont été invités à le parcourir et à noter leurs commentaires et leurs suggestions. Par
la suite, les questions ont été revues et modifiées. Une fois les correctifs apportés au
guide d’entrevue, un prétest a eu lieu afin de confirmer la compréhension et la validité
du guide d’entretien. Nous avons rencontré un établissement hôtelier cinq étoiles pour
participer au prétest. Le gestionnaire était responsable d’un établissement de plus de
120 chambres, classées cinq étoiles et non membres d’une chaîne hôtelière. La
rencontre a eu lieu dans l’établissement. Lors de ce prétest, aucune question n’a été
considérée comme portant à confusion ou difficile à comprendre.
83
L’éthique de la recherche
Nous procédons dans ce chapitre à une analyse descriptive afin de brosser un portrait
des informations recueillies auprès des répondants.
Nous avons tout d’abord placé les verbatims selon des nœuds. Nous avons analysé et
regroupé ces informations afin d’en dégager les grands constats. Suite à cela, nous
avons réalisé qu’il nous manquait un niveau analyse pour bien interprété les résultats,
ainsi avons réalisé une analyse de la fréquence des mots (Tableau 5.2).
Ainsi, la première étape a été de récupérer les données brutes à partir des entretiens
réalisés. Nous avons donc relevé tous les verbatims associés à des notions clés pour
chaque entretien. Ensuite, pour analyser ces résultats, la réalisation de noeuds a été
nécessaire. Ces noeuds ont pour but de trier les informations importantes des verbatims,
qui sont classés en fonction d’éléments clés, appartenant eux-mêmes à un concept.
Ensuite, le but est de tirer une conclusion pour chaque élément clé, afin de pouvoir
affirmer ou infirmer notre cadre de référence. Voici les nœuds créés :
85
N1 : Définition du luxe.
N2 : Le coût de production
N3 : L’image de luxe.
N4 : Le prix
N6 : Les accommodations
N8 : L’art
N9 : La classification
N10 : L’expérience
N11 : Le service
N12 : La personnalisation
Suite à la création de ces nœuds, pour approfondir l’analyse, nous voulions identifier
les termes les plus récurrents pour mieux visualiser les sujets dominants. À première
vue, le Tableau 5.2 nous informe que les termes les plus récurrents sont : prix,
personnalisation et expérience. Cette méthode permet de faire ressortir les mots les plus
utilisés par les répondants pendant leur entrevue. Ceci permet aussi aux chercheurs
d’avoir rapidement une idée de l’importance d’un terme. En effet, la prépondérance
des termes sous-entend qu’on peut quantifier les résultats, que nous illustrons plus en
détail dans l’analyse (Tableau 5.3).
86
Rêve 12
Le personnel en contact
Service 11
Wow 9
Anticiper 5
Sur-mesure 5
Plus 4
Satisfaction 2
N6 : Les accommodations Esthétisme 19
N7 : Les espaces publics
Beau 13 Support physique
(restaurants, spa, etc.)
N8 : L’art Qualité 13
89
Spa 11
Art 6
Produit 7
N1 : Définition du luxe. Prix 31
N2 : Le coût de production Image 18
N4 : Le prix Clients 9
L’organisation interne
N5 : Les attentes en matière de Marque
8
luxe.
N9 : La classification Harmonie 8
N13 : Stratégie de gestion Stratégie 5
Valeur 4
Ensuite, nous avons approfondi en deux temps chacune des catégories:
1. Concept : un bref rappel du concept, tel que décrit dans la revue de littérature ou
dans le cadre de référence.
2. Constat : nous réunirons les propos des répondants classés dans les entrevues en
lien avec le terme prédominant et les nœuds créent.
Le personnel en contact
Concept : Un service sur-mesure est conçu selon les caractéristiques et les besoins
individuels de chaque client (Berry, 1995). La composante personnalisation va
consister à traiter chaque individu comme un être unique et ayant des besoins
spécifiques afin de bonifier le service (Sheth et Parvatiyar, 2002).
Les gestionnaires ont aussi expliqué qu’ils demandaient que leurs employés paraissent
« professionnels » et « sophistiqués » et que leur attitude soit « amicale » (toutes les
entrevues). Ainsi, l’attention portée aux détails est la clé pour desservir la clientèle de
luxe (entrevue 3). De plus, les consommateurs se souviennent du contact humain lors
du séjour (entrevue 2). Il a été mentionné par un gestionnaire que les clients aiment
avoir des repères familiers, par exemple des employés de longue date (entrevue 1). En
effet, lors de leur prochain séjour, le client connaît déjà les employés de longue date,
ce qui lui permet d’être plus confortable (entrevue 1). Par conséquent, la rétention à
long terme des employés est bénéfique pour la satisfaction des clients (entrevue 5) :
« le personnel fait la différence » (entrevue 2).
Lors des entrevues, les gestionnaires ont introduit certains critères pour décrire le
service de luxe, par exemple lors d’une conversation téléphonique, la réceptionniste
devrait s’adresser au client par son nom trois fois et répéter la demande du client pour
assurer une compréhension précise (entrevues 4,5 et 6). De plus, au restaurant, les
clients devraient être accueillis par des amuse-gueules ou un verre de leur boisson
préférée (entrevue 2). Tous les gestionnaires ont mentionné que leurs employées sont
des éléments cruciaux pour offrir une prestation de service de luxe (toutes les
entrevues). Ceux-ci doivent aller au-delà des procédures opérationnelles standards pour
délivrer un service de luxe (entrevue 6). Un hôtel de luxe se différencie par son sens de
la fidélisation : le soin apporté aux détails, la mémorisation des préférences des clients
92
et une prise en charge (entrevue 2). Lors d’une prestation de service de luxe, une valeur
monétaire est associée à la personnalisation, qui a beaucoup plus d’impact que la
gratuité aux yeux du client (entrevues 1 et 5). Selon un des intervenants du milieu, la
gratuité diminue la valeur perçue du produit (entrevue 1). Or, l’expérience luxueuse se
décrit par une haute personnalisation qui va aller au-delà des standards de l’industrie
(entrevues 1, 3, 4 et 6).
est spécifique et qu’il fait à la perfection, au lieu de faire plusieurs tâches et d’être
dispersé. Le service c’est la définition du luxe » (entrevue 3). « Une chambre d’hôtel
est une chambre d’hôtel, ce qui distingue c’est le service » (entrevue 1).
Deux des gestionnaires ont expliqué que la coopération des acteurs est primordiale
(entrevues 3 et 5). Le gestionnaire de l’établissement luxueux annonce un service
impeccable et constant par le biais d’une communication promotionnelle, de la
tarification et de l’expérience que l’établissement cherche à offrir (entrevue 4). Ceci
est lié au capital symbolique de l’expérience (entrevues 2 et 4). Par exemple, le maître
d’hôtel sera informé avant l’arrivée du client si celui-ci a une occasion spéciale à
célébrer et commencera le repas avec un amuse-bouche spécial; ou si le client est un
homme d’affaires pressé (entrevue 3). Un autre exemple présenté par les gestionnaires
a été que le préposé à la chambre ne croise jamais le client, mais la chambre est toujours
propre et des petites attentions sont apportées (entrevues 1 et 6). Au restaurant, le
maître d’hôtel réserve également la table de prédilection des clients réguliers
(entrevue 3). Finalement, la réceptionniste accompagne les clients dans leur chambre
pour les familiariser avec les lieux et leur explique la technologie de la chambre
(entrevues 4, 5 et 6). « C’est plus qu’un accueil, c’est une expérience » (entrevue 3).
Ces touches personnalisées semblent naturelles et agréables aux clients, sans s’imposer
dans l’espace personnel du client (entrevues 2, 5 et 6).
L’hôtel a besoin de bien connaître son client (entrevue 1). Pour personnaliser le service,
les employés doivent s’efforcer d’individualiser leurs conversations avec les clients en
mobilisant les informations dont ils peuvent disposer (notamment les activités que les
clients ont pu accomplir lors d’un précédent séjour) (entrevue 2). La gestion de la
donnée est une solution pour appréhender les besoins, mais elle est rarement faite au
Québec dû à un manque de personnel (entrevue 4). Plusieurs gestionnaires m’ont
mentionné que leur établissement avait du retard dans le domaine de la science des
données, à cause du manque de personnel (entrevues 3 et 4). En effet, par exemple les
94
innovations technologiques ont eu et ont toujours des difficultés à être intégrées par les
hôteliers (entrevue 2). Par contre, certains voient le potentiel pour enrichir l’expérience
de la clientèle et permettre de proposer des options plus personnalisées (entrevue 2).
Restaurant : dans les hôtels, bien que la nourriture ne soit pas incluse dans le tarif, les
clients s’attendaient à ce que les établissements hôteliers de luxe aient des restaurants
(entrevue 2). La nourriture est toujours un élément important, et si celle-ci est bien
préparée, innovante et bien servie, celle-ci à la capacité d’améliorer l’expérience
globale du consommateur (entrevues 1 et 3). Manger est aussi essentiel à l’expérience
luxueuse que de trouver un endroit où dormir (entrevue 1). Les établissements hôteliers
doivent suivre les nouvelles tendances en restauration pour répondre aux attentes de la
clientèle : par exemple, offrir la visite de la cave à vin, manger à la table du chef, offrir
une gastronomie moderne et innovante, etc. (entrevue 3). De plus, la présentation
visuelle des plats a également pris une nouvelle valeur par le biais des réseaux sociaux
(entrevues 4 et 6). Finalement, le support physique du restaurant doit avoir de belles
installations (entrevues 3 et 4). Outre l’innovation alimentaire, les restaurateurs
peuvent également être créatifs avec l’espace (entrevue 3). Ils peuvent utiliser
différents meubles, différentes lumières ou différents décors pour offrir un
environnement unique et luxueux (entrevue 4).
Le support physique
Espaces publics : les espaces publics tels que le restaurant sont un espace où le
consommateur rencontre la communauté locale (entrevues 2, 5 et 6). Or, la mise en
valeur des produits locaux et des œuvres d’artistes locaux sont des stratégies pour bien
fusionner les deux clientèles (entrevues 5 et 6). Voici certains équipements qui sont
présents dans un hôtel cinq étoiles, mais pas exclusif à ceux-ci (toutes les entrevues) :
De plus, les gestionnaires ont mentionné qu’ils font grandement attention au choix de
musique ainsi que les odeurs diffusées (entrevue 4).
96
Spa : il est maintenant indispensable pour les établissements hôteliers cinq étoiles de
disposer d’équipements de bien-être, comme des spas, piscines et salles d’entraînement
(entrevues 1, 2, 4 et 6). En effet, le service spa est essentiel dans un hôtel de luxe, même
si seulement 10 % à 20 % des clients de l’hôtel le fréquentent (entrevue 5). Les
chambres permettent le produit qui rapporte le plus pour un hôtel, mais les commodités
permettent d’être luxueux, et cela, même si elles ne sont pas utilisées par toute la
clientèle (entrevue 5). Le spa se doit d’être complet et d’offrir une gamme de produits
et de services uniques (entrevue 6). Certains gestionnaires ont mentionné les types de
services et équipements que devraient proposer les établissements cinq étoiles (toutes
les entrevues) :
• Circuit thermal;
• L’halothérapie (thérapie au sel) – une chambre de sel (la concentration de
particules est si forte que rester assis pendant 45 minutes équivaut à passer trois
jours au bord de la mer);
• L’utilisation de produits biologiques et naturels;
• Tendances liées aux soins de la peau;
• Tendances médicales et sanitaires (souvent liées à une demande accrue de
traitements ou de services de spa médicaux, tels que la cryothérapie ou le botox).
L’organisation interne
L’organisation interne est généralement la partie non visible aux yeux du client. Il s’agit
là des activités non directement liées à la servuction, mais indispensables à sa réalisation
(Tiard, 1995). Il regroupe l’ensemble des fonctions administratives et managériales de
l’entreprise incluant le prix et le positionnement.
5.4.1 Le prix
Constat : Tout comme pour les produits de consommation ordinaires, les prix des
produits de luxe doivent être basés sur la valeur que le consommateur lui accorde
(entrevue 3). Pour mesurer cette valeur, il est nécessaire de comprendre les deux
composantes qui définissent un produit de luxe : la valeur fonctionnelle et émotionnelle
(entrevues 1, 3 et 4). En hôtellerie de luxe, la valeur fonctionnelle correspond à la
98
(entrevue 5). Les gestionnaires utilisent aussi peu le principe du yield management5 au
Québec, puisque les gestionnaires n’adaptent pas leur prix en fonction du marché
(entrevues 3, 5 et 6). Pour effectuer leur tarification, ces établissements ne se comparent
pas au marché québécois, mais plutôt prennent en considération les tarifs des autres
grandes villes telles que Toronto et New York (entrevue 6). Par contre, un autre
intervenant mentionne que même si la comparaison est difficile dans le marché du luxe,
elle est nécessaire pour se positionner sur le marché québécois (entrevue 4). D’autres
mentionnent que les prix des concurrents et du marché ne sont pas des points de
référence décisifs, mais des indicateurs (entrevues 1 et 2). En effet, la tarification d’un
établissement de luxe correspond à des prix élevés et supérieurs à ses concurrents, afin
de maintenir une image de luxe (entrevues 5 et 6). Le prix devient un indicateur d’une
expérience luxueuse et certains spécialistes du milieu (entrevues 1 et 5) mentionnent
même un gage de qualité; « les prix s’oublient assez rapidement » (entrevue 2).
5
Le yield management correspond à fixent les tarifs en fonction de la localisation, des périodes et du
taux d’occupation, ce qui permet d’optimiser les marges brutes.
100
faut surtout revoir la conception de l’offre (entrevue 2). Il ne s’agit pas ici d’augmenter
le nombre de clients qui achèteraient le séjour lors d’une baisse de prix, mais bien de
viser une clientèle plus restreinte, qui aura plutôt tendance à dépenser sans compter
(entrevues 2 et 3). Or, il est préférable de garder un volume bas et conserver une
tarification élevée pour bien se positionner dans le milieu (entrevue 6). Le luxe est le
service pour lequel le client paye (entrevue 1).
Constat : Le luxe est holistique; il ne se trouve pas seulement dans un élément unique
(entrevue 2). Le luxe est un mode de vie complet, un art de vivre qui inclut des éléments
tels que l’art, les fleurs, le vin et surtout, l’artisanat (entrevue 1). Le luxe est sans limites
(entrevue 2). C’est d’offrir un tout et de dire non le moins possible (entrevue 1). Or,
l’hôtellerie de luxe doit comporter toutes les dimensions du luxe : une dimension
artisanale, une qualité exceptionnelle du service, mais aussi une dimension internationale
avec une invitation au voyage et à la découverte (entrevue 1). Pratiquement tous les
facteurs spécifiques de l’hôtellerie de luxe soit la qualité de service et le support physique
ont un impact sur l’image de l’hôtel (entrevues 2, 3 et 5). Cela comprend des éléments
aussi grands que l’architecture et aussi petits que les savons et le shampooing
(entrevue 1). Tous les éléments doivent être gérés de manière holistique pour renforcer
l’image d’une expérience luxueuse (entrevue 2). De plus, l’inaccessibilité mentale et la
difficulté d’accès pour la grande majorité des personnes doivent se faire sentir dans
l’image de l’hôtel (entrevue 2). En effet, les établissements de luxe doivent se rendre
désirables en étant plus difficiles d’accès (entrevue 6). Ainsi, le positionnement qui se
traduit par la communication s’appliquera donc à sa qualité, son prix, son utilisation, sa
101
Les marques de luxe sont des porteurs de rêves qui s’expriment par l’entremise d’un
produit ou d’un service (entrevue 2). Une marque de luxe qui traverse les décennies est
une preuve de « savoir-faire » et démontre une qualité supérieure (entrevue 3). De plus,
à travers les marques de luxe, les consommateurs peuvent exprimer et renforcer une
identité sociale (entrevue 2). La marque de l’hôtel est aussi considérée comme une
promesse implicite de la qualité du service (entrevue 4).
Des partenariats marketing sont aussi développés entre les marques de luxe pour
permettre d’amplifier leur valeur perçue (entrevue 2). L’association à des évènements
ou à des choses tangibles permet aussi à l’établissement de se définir comme luxueux :
la mode, l’alcool, l’art, la gastronomie, etc. (entrevue 6). Cela permet à l’établissement
d’être visible et de bien se positionner dans le marché du luxe (entrevue 2). Il est aussi
pertinent selon les gestionnaires de faire des partenariats pour offrir des services
complémentaires : « pour offrir un service holistique » (entrevue 1).
Conclusion
Lors des entrevues, les professionnels ont confirmé les éléments soulevés au niveau de
la littérature en affirmant que le processus de création de la prestation de service de
luxe est fondé sur : le positionnement (l’image de marque); l’esthétisme; la
personnalisation; le prix, le support physique et l’expérience. La commercialisation des
produits et services de luxe est associée non seulement à la qualité et à l’authenticité,
mais aussi à la vente d’une expérience. Tel que mentionné dans la littérature et dans
l’analyse des résultats : « Both the design and delivery of the service experience
102
matter » (Kimes et Ho, 2018, p.293). Ainsi, l’entreprise bâtit son image en s’appuyant
sur la prestation des services projetés ainsi que le support physique.
Ainsi, ayant confirmé certains concepts avec les professionnels, nous pouvons mieux
comprendre la façon dont l’hébergement de luxe au Québec est mis en marché et sa
mise en valeur par les gestionnaires pour offrir un service de luxe. Ainsi, le prochain
chapitre discutera des éléments ressortis lors des entrevues en comparaison avec la
littérature, en plus d’illustrer les stratégies mises en œuvre par les hébergements de
luxe. Nous avons pu confirmer que le client découvre la prestation de service de luxe
par l’intermédiaire de trois principales interfaces :
De plus, dans l’environnement concurrentiel actuel, où la plupart des hôtels ont des
installations similaires, la différenciation des hôtels dépend de la prestation de services
et la perception de l’expérience.
Selon les données collectées, les gestionnaires suggèrent que l’hôtellerie de luxe est
créée, entre autres, à travers le prix, la personnalisation, l’expérience, l’esthétisme et
l’image. Selon les résultats, dans les hôtels cinq étoiles, l’accueil et l’attention portés
aux clients sont particuliers. Les clients doivent être accompagnés et bénéficier d’un
service adapté. Le luxe représente la prédominance de l’immatériel supporté par des
attributs physiques. Si on devait en retenir une définition, il s’agirait de la dimension
innovante, expérientielle et émotionnelle, de la rareté, de son excellence, d’une haute
qualité et un prix conséquent. Ainsi, les établissements de luxe doivent comprendre que
leur identité constitue un levier puissant de différenciation sur le marché (De la Roque,
s. d.). .
SYNTHÈSE
Ce chapitre présente une synthèse des résultats selon le cadre de référence identifié
dans le chapitre 3. À la suite de cela, les réponses aux questions de recherche seront
abordées par l’entremise d’actions managériales. Ensuite, une rétrospective sera
également faite sur les apports théoriques en lien avec le discours du luxe. Finalement,
la discussion posera un regard critique sur l’utilisation de la théorie dans le contexte de
la recherche.
Bien que le luxe ait tendance à être caractérisé par des prix élevés en économie, il est
maintes fois mentionné dans la littérature (Behi, 2009; Boyer et Nefzi, 2009; Nguyen
et Marchesnay, 1990) et par les gestionnaires que le luxe comporte une part de
subjectivité et dépend non seulement du consommateur, mais également de la mise en
valeur des lieux qui le symbolisent (Lafont, 2008). En effet, les gestionnaires ont défini
la prestation de service de luxe comme étant de haute qualité avec l’accès à un certain
type d’installation, de décorations distinctives et d’un hôtel bien conçu. Les
104
toucher, à sentir, à entendre ou même à goûter (Dubois, Laurent et Czellar, 2001). Plus
spécifiquement, l’art, la gastronomie et le bien-être (spa) sont des caractéristiques
essentielles d’un établissement luxueux. « L’art permet de différencier notre offre des
autres hôtels de la ville. Nous avons choisi des œuvres qui, selon nous, surprendraient
et raviraient les novices et les collectionneurs plus sophistiqués » (un des
gestionnaires). Ainsi, l’art aide certainement à créer cette expérience : « Art is the new
food » (un des gestionnaires).
Le service de luxe est caractérisé par une forte personnalisation des prestations qui,
entre autres choses, permet de fidéliser la clientèle : il s’agit pour les salariés
d’anticiper, de trouver une solution pour n’importe quel désir ou besoin ; de fournir un
travail physique « illimité » ; et de se montrer déférents et sincères envers les clients
(Nguyen, 1991). Les résultats présentés au chapitre 5.2 de l’étude nous confirment ces
106
We encourage bookers to speak with our customer service teams, who can
personalize the recommendations and often upsell the experience to either
a better room or suite and recommend services such as spa, golf, private
dining, or family activity that would enhance the overall experience.
Reservations booked via our highly trained Customer Care teams have a
Total Revenue per reservation that is 12% higher and enjoy a customer
satisfaction rating that is 9% higher than internet reservations. (Kimes et
Ho, 2018, p. 294)
L’environnement relationnel est selon les résultats du chapitre 5.2 une dimension
créatrice de valeur et déterminante dans la prestation de service de luxe.
L’environnement relationnel est évalué par les gestionnaires de façon très précise à
travers la disponibilité et le temps de réaction du personnel, les comportements des
employés à travers leur empathie, leur attention et leur courtoisie pour produire le service.
La clientèle de luxe étant moins sensible aux prix, l’objectif pour le gestionnaire devient
davantage de créer un effet « wow ». Les professionnels ont mentionné que ce type de
clientèle s’attend à un service rapide; la clientèle de luxe n’aime pas attendre. En effet,
de nombreux consommateurs achètent des séjours coûteux puisque le prix élevé est
associé à une meilleure prestation de service. Pour répondre aux attentes, le personnel
en contact avec la clientèle est proactif, assurant entre autres la fonction d’accueil
24 heures sur 24. La servuction spécifique au tourisme de luxe résulte donc d’un savoir-
faire et d’une exigence professionnelle (Tiard, 1995, p. 75).
En somme, nous avons constaté à travers nos résultats ainsi que dans la littérature qu’il
y a une grande influence de la personnalisation du service sur la création d’une
expérience de luxe. En effet, plusieurs variables telles que la réponse aux demandes
exceptionnelles, l’adaptation du service aux besoins du client, caractérisent la
prestation de service de luxe. Il a été observé que le confort ne suffit plus, la clientèle
de luxe a soif de découvertes et de surprises. Ainsi, la notion d’expérience est devenue
un élément clé de l’offre de service de luxe. L’expérience devient aussi un point
108
stratégique pour les établissements de luxe; dans son positionnement, son image de
marque et ses services.
Le luxe place le client qui le consomme au centre de tout. Les gestionnaires doivent donc
s’assurer d’aligner leur personnel, les processus, le produit et la marque en ce sens. Il est
important de communiquer les valeurs de la marque à l’interne et à l’externe de
l’organisation. Les gestionnaires doivent allier tradition et innovation, précision,
esthétique ainsi qu’exclusivité. Ainsi, selon les résultats obtenus, le gestionnaire de
l’établissement luxueux doit créer une uniformité du service par l’entremise de la
tarification et par l’image de marque.
6.1.3.1 Le prix
Afin de définir et de segmenter le marché du luxe, il est logique selon les spécialistes
de fixer un certain prix. En effet, les gestionnaires ont mentionné le terme « prix »
31 fois lors des entretiens, qui nous permet de conclure que ce terme est à un poids
dans la définition d’une prestation de service de luxe. Plus précisément, selon les
gestionnaires, le luxe est cher, car il est rare, d’exception et fabriqué à partir de matières
premières nobles. Au-delà de l’aspect qualitatif ou de la rareté, le prix est utilisé comme
une stratégie de segmentation par les établissements. Sur le plan strictement
économique, la valeur monétaire du bien est le principal indicateur mesurable. En
revanche, ce n’est pas le prix qui crée l’image; c’est l’image qui permet d’avoir une
stratégie de prix élevé dans les établissements de luxe au Québec. Si un hôtel de luxe
ne conçoit pas et ne livre pas un service donnant de la valeur aux clients, ils seront peu
susceptibles d’être prêts à payer la prime associée au séjour.
109
Comme mentionné dans les entrevues du chapitre 5.2, la clientèle de luxe accepte de
payer plus, parce qu’ils savent qu’ils recevront plus. Cependant, même pour la clientèle
de luxe, les consommateurs ont tendance à maximiser les avantages et à minimiser les
coûts. Selon Shukla et Purani (2012), le prix peut influencer positivement et
négativement les intentions d’achat des services de luxe. Ainsi, les gestionnaires
doivent communiquer qu’une valeur plus élevée est accompagnée du prix,
correspondant à une prestation de service d’excellence et sur mesure. Pour créer cette
valeur ajoutée, les gestionnaires cherchent maintenant à créer des expériences.
Nous avons aussi observé dans le chapitre 1, le marché du luxe au Québec. Tel que
mentionné par des gestionnaires une des différenciations entre le marché du luxe et le
marché traditionnel est la tarification. Le prix quotidien moyen plus élevé des
établissements de luxe a une répercussion positive sur les revenus moyens, tel
qu’observé dans le chapitre 1.3. En 2018, on observe pour un établissement cinq
étoiles, que le revenu moyen par unité est grandement supérieur (173,60 $) à un
établissement quatre étoiles (119 $) ainsi que toutes classifications confondues (89 $)
(Tourisme Québec, 2019). Selon ces attributs, les gestionnaires permettraient de
renforcer le service dit de luxe sur le marché.
gamme. Même si l’offre luxueuse correspond à des charges salariales élevées, des coûts
de production et d’entretien élevés ainsi qu’un support physique de matériaux nobles,
les données économiques du marché québécois illustrent que les revenus engendrés par
les établissements luxueux sont supérieurs aux autres établissements.
Les résultats ( les gestionnaires ont mentionné le terme « image » 18 fois) ainsi que la
littérature (Atwal et Williams, 2008) nous démontrent que tous les éléments d’une
prestation de service doivent être gérés de manière holistique pour renforcer l’image
d’une expérience luxueuse. Cette image holistique du produit de luxe doit aussi
transmettre un message d’exclusivité (Bharwani et Jauhari, 2013). L’inaccessibilité
mentale, la difficulté d’accès pour la grande majorité des personnes doit se faire sentir
dans l’image de l’hôtel. De plus, en termes de stratégie, la rareté du luxe est en accord
avec le faible pourcentage d’individus ciblé. Le plaisir personnel et le sentiment
d’appartenance à une classe exclusive sont encore la motivation première des clients à
séjourner dans un hôtel de luxe. De plus, pour renforcer ce sentiment, les gestionnaires
mentionnent que des partenariats marketing sont aussi développés entre les marques de
luxe pour permettre d’amplifier leur valeur perçue. Tel qu’appuyé par la littérature,
l’association à des évènements ou à des choses tangibles permet d’accroître l’aspect
luxueux de l’établissement (Atwal et Williams, 2008). Cela permet à l’établissement
d’être visible et de bien se positionner dans le marché du luxe. Selon les propos d’un
gestionnaire, les établissements de luxe travaillant avec des partenaires leur permettent
d’appuyer leur notoriété. Il est aussi pertinent selon les gestionnaires de faire des
partenariats pour offrir des services complémentaires : « pour offrir un service
holistique » (un des gestionnaires).
aussi à un établissement de transmettre une image d’un séjour que seulement la haute
sphère sociale peut avoir accès (Horwath HTL, 2011 : 6). En effet, ceci est représenté
par le taux d’occupation qui est légèrement supérieur pour un établissement cinq étoiles
(67,4 % en moyenne), comparativement aux établissements quatre étoiles (65,4 %) et
à la moyenne provinciale (55,7 %) (Tourisme Québec, 2019). Ceci illustre comment le
programme de classification de l’hébergement touristique mis en place au Québec,
même s’il ne mesure pas la qualité de la prestation de service, est, d’une part, un
premier jalon vers une représentation sociale dite de luxe. Les gestionnaires
mentionnent que la valeur cinq étoiles au Québec est associée à un certain statut, à une
notion de qualité et à une conception d’exclusivité pour les personnes coutumières du
luxe ainsi que pour la clientèle occasionnelle. Outre l’assurance d’un produit de bonne
qualité, le symbole de cinq étoiles, la marque ou les autres classifications luxueuses
sont aussi un moyen de transmettre une part de rêve et positionnent l’établissement
dans le marché du luxe.
Implications managériales
Cette recherche fait ressortir d’importantes implications managériales qui méritent d’être
soulignées afin d’aider les organisations hôtelières à aligner leur stratégie dans l’industrie
du tourisme de luxe au Québec. En effet, l’industrie de l’hébergement de luxe est soumise
à une gestion de plus en plus complexe, nécessitant la mise en place de stratégies de plus
en plus élaborées. Pour ce faire, les résultats obtenus ont permis de faire ressortir les
attributs d’une offre luxueuse au Québec. Cette recherche se base sur le fait que
l’expérience luxueuse est créée selon une perceptive fondamentalement managériale. De
surcroît, avant de penser client, il faut penser gestionnaires et employés. Ce sont eux, qui,
au quotidien, créent et livrent l’expérience vécue.
Tout d’abord, lorsque les gestionnaires créent un service de luxe au Québec, un certain
nombre de caractéristiques doivent être prises en considération pour bien aligner le
produit, la promotion, la tarification et le service :
Ensuite, le luxe n’est pas un secteur comme les autres. C’est un symbole qui crée le
désir d’un écart par rapport à une norme ou à une conduite habituelle, écart grâce auquel
la valeur de l’objet devient valeur (réelle ou imaginaire) de celui qui le possède. Pour
construire cette expérience luxueuse, le prix ne suffit pas. Les organisations hôtelières
113
doivent construire leur positionnement par des stratégies de gestion. Selon les résultats
de notre étude, les actions managériales doivent se faire par l’entremise d’une
esthétique universelle, la personnalisation, ainsi que le positionnement. Pour garantir
le succès d’une expérience hôtelière de luxe, il serait primordial pour les gestionnaires
de créer un système d’opération holistique.
La gestion des attentes est l’aspect le plus difficile à gérer pour un gestionnaire. Ainsi,
pour attirer et séduire une clientèle de plus en plus exigeante, les hôtels de luxe misent
sur une approche globale : produits pour une clientèle ciblée et offre de services
supérieurs. L’innovation du produit constant est aussi un enjeu pour conserver et
renouveler le rêve. Une des stratégies est le support physique qui devient un outil pour
créer une identité unique et distinctive du service. Le produit est la première
manifestation physique de la marque. Des matériaux nobles sont ainsi indispensables
pour bien communiquer l’expérience. Comme observé par les gestionnaires, il est
essentiel pour les entreprises du luxe de rester à l’affût de la nouveauté pour innover.
Voici des actions managériales que les gestionnaires peuvent réaliser pour offrir un
service de luxe :
6
Les facteurs d’hygiène sont des attributs qui ont peu d’impact sur la satisfaction. Par contre, la non-
satisfaction de ces besoins peut être source de mécontentement et d’insatisfaction.
114
L’expérience luxueuse est aussi décrite par l’effet « wow » du séjour. Or, le luxe dans
les établissements au Québec se caractérise selon ces critères :
Le fait d’avoir une idée de la façon de percevoir les actions et les services qui
composent l’expérience permet aux gestionnaires d’avoir une meilleure
compréhension du marché de luxe. L’interprétation de ces constats devra se traduire
par un effort pour personnaliser l’expérience et permettre au client de vivre un séjour
unique et authentique. Ainsi, les organisations hôtelières doivent développer des
stratégies spécifiques au marché pour bien se positionner.
Implications théoriques
D’un point de vue théorique, il existe peu de recherches scientifiques menées sur les
aspects managériaux d’une prestation de service dans le secteur du luxe. C’est pourquoi
cette étude portait sur la matérialisation du luxe dans les hébergements hôteliers au
Québec. L’apport de cette recherche est avant tout lié à l’effort de synthèse quant à la
définition du luxe. Selon la revue de littérature, ce domaine de recherche est complexe
et il est difficile de développer une taxonomie exhaustive et générale des dimensions
du luxe. Les gestionnaires sondés dans le cadre de cette recherche ont défini le luxe en
termes tout aussi concrets que subjectifs. En effet, définir le luxe est particulièrement
difficile, essentiellement pour cette recherche, mais aussi pour le marché de
116
7
« Le luxe c’est le rêve, ce qui embellit le décor de la vie, la perfection faite chose par le génie humain. » (G. Lipovetsky et É.
Roux, Le luxe éternel. De l’âge du sacré au temps des marques, Paris, Gallimard, 2003, p. 19).
117
• Quant aux étoiles, elles se méritent selon des critères bien précis, du moins pour
ce qui est des systèmes de classification sérieux, donc crédibles.
• La littérature et les gestionnaires ont identifié en premier lieu que le luxe se
définit en termes de services fournis et par le prix de l’hébergement.
• L’expérience et la personnalisation étaient étroitement liées dans les données
d’entretien collectées auprès des gestionnaires. Cette corrélation a été identifiée
plus fortement dans les résultats que dans la littérature.
Limites
Le luxe est une des industries et une réalité sociale importantes de notre époque. Malgré
toute la littérature consacrée au luxe, il est difficile de trouver une définition qui inclut
118
tous les aspects et les caractéristiques associés au luxe. Le problème à essayer de définir
le luxe est dans l’utilisation du mot lui-même selon la perception de chacun. En effet,
selon Morabito (2003) et Cornell (2002), il y aurait autant de définitions du terme
« luxe » que d’intervenants du milieu.
Étant donné que les données de cette recherche ont été collectées auprès des hôtels du
Québec, les résultats peuvent ne pas être transférables à d’autres types de produits ou
à d’autres régions. Pour garantir la validité externe, les recherches futures en luxe
pourraient utiliser le modèle proposé et impliquer différentes populations dans
différents domaines.
De plus, la méthode boule de neige utilisée comporte des risques étant donné la
similarité des répondants. Cette similitude entre les répondants a entraîné des
ressemblances dans les réponses.
Également, dans le cadre de cette étude, nous ne couvrons pas tous les processus qui
contribuent directement ou indirectement à la prestation des services de luxe. Bien que
cette étude soit concentrée sur l’hôtellerie de luxe, ces conclusions ont également un
potentiel pour d’autres secteurs d’hébergement comme Airbnb et onefinestay. Nous
espérons qu’à l’avenir, des chercheurs potentiels pourront utiliser ces données pour
explorer le secteur plus en profondeur.
Finalement, la littérature existante suggère que la prestation d’un service de luxe doit varier
selon les pays et les cultures. Cependant, la présente étude ne prend pas en considération
cette variation. Les futures études sur l’hôtellerie de luxe devraient envisager de comparer
les types de prestations de services de luxe en fonction de la provenance des
consommateurs pour aider les gestionnaires à adapter leur offre de services. Il reste
beaucoup à explorer sur ce sujet, mais ce mémoire aura permis de faire un pas vers l’avant.
CONCLUSION
Au-delà de cela, cette étude nous a permis de synthétiser le concept du luxe dans
l’industrie de l’hôtellerie et d’explorer les données du marché du luxe au Québec. Le
luxe est intemporel. L'hôtellerie de luxe l'est tout autant. En effet, le luxe peut être
résumé par un produit ou un service qui allient exigence esthétique et excellence
technique, tout en comprenant des notions d’exclusivité et d’exceptionnalité. Or, cette
étude a aussi démontré que le luxe est un construit qui est subjectif aux yeux des
gestionnaires. Sa définition et sa gestion se doivent de fournir une vision holistique
englobant des aspects matériels, immatériels et sociaux.
ANNEXE A. CATÉGORIE D’ÉTABLISSEMENTS CLASSIFIÉS AU QUÉBEC
Source : CITQ
ANNEXE B. MARQUES DE LUXE LES PLUS APPRÉCIÉES DES
CONSOMMATEURS DE LUXE
Le produit de luxe
1. Comment se matérialise le luxe dans l’hébergement hôtelier au Québec?
2. Quelles sont les caractéristiques d’un établissement de luxe? Considérez-vous votre
établissement comme luxueux ? Pourquoi ?
3. Dans le choix des produits ?
4. Dans la façon dont vous faites les choses (Processus) ?
5. Existe-t-il des critères physiques (marbre, moderne, unique... ) pour définir un
établissement comme luxueux ?
3. De quelle façon votre classification contribue-t-elle aux degrés de luxe de votre
établissement?
4. De quelle façon votre classification contribue-t-elle aux degrés de luxe de votre
établissement?
5. Qu'est-ce qui a de l’importance dans l’environnement physique de la chambre dans
un établissement de luxe?
6. Est-ce que les fournisseurs (marque de luxe) ont un impact sur le choix des produits
dans les chambres ?
L’organisation interne
1. Comment vous faites pour anticiper les besoins des clients ?
1. Quelles technologies ?
2. Aujourd’hui, vous avez affaire à des connaisseurs et à des consommateurs de
plus en plus exigeants. Comment faites-vous pour réussir à les surprendre?
3. Offrez-vous des produits - services pour plaire à une clientèle mal desservie?
124
2. D'où proviennent les standards que vous utilisez pour assurer un certain degré de
luxe ?
1. d’une association (e.g. Relais & Châteaux, Leading Hotels of the World,
Hôtellerie Champêtre)
2. Interne
3. Regroupement d’hôtels
4. CITQ
3. Comparez-vous la performance de votre hôtel (niveau de satisfaction des clients,
plaintes, revenus, etc.) de votre établissement avec les autres établissements de
votre chaîne ou avec vous concurrents?
4. Comment définissez-vous le prix des chambres?
5. Travaillez-vous avec des partenaires externes pour améliorer la qualité dans votre
établissement?
1. Si Oui :
a. Des consultants
b. Des clients mystères
c. Service de la CITQ
d. Programme Démarche Qualité Tourisme de l’AHQ
e. Autre :_________
6. Comment évaluez-vous la qualité des interactions des employés avec les clients?
1. Avez-vous mis en place des outils afin d’assurer une prestation de service de
qualité de la part de vos employés?
Si oui lequel:
1. Formation régulière pour améliorer les compétences
2. Test de connaissance des employés
3. Présence de procédures écrites distribuées à tous les employés
4. Offrir la possibilité aux employés de vivre l’expérience client
5. Programme de reconnaissance formel des employés qui
dépassent les attentes (employé du mois, primes, prix, etc.)
6. Budget discrétionnaire de résolutions de problèmes pour les
employés en contact
7. Formation des superviseurs aux méthodes de motivation des
employés
7. Possédez-vous des informations sur vos clients?
Si oui, quelles informations y notez-vous généralement?
8. Incidents passés
9. Préférences du client
10. Nom du ou de la conjoint(e) et des enfants
11. Allergies, restrictions alimentaires
12. Anniversaire et dates importantes
13. Autres :_____________
125
Le personnel en contact
1. Selon vous est-ce que l'environnement relationnel personnalisé du service hôtelier
est une dimension déterminante du service de luxe?
2. Qu'est-ce qui a de l’importance dans le processus de service aux chambres et sur
les lieux de l’établissement (piscine) de luxe?
3. Certains de vos services sont-ils rendus par des sous-traitants ? Si oui lesquelles ?
Et qu’elles sont vos critères de qualité.
4. Pourriez-vous me décrire l’expérience que vous souhaitez faire vivre à vos clients
à travers votre séjour?
a. Leur offrez-vous quelque chose à leur arrivée ?
b. Qu'est-ce qui a de l’importance dans le processus de check in/ check out dans un
établissement de luxe?
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