Bagf 0004-5322 2001 Num 78 1 2195
Bagf 0004-5322 2001 Num 78 1 2195
Bagf 0004-5322 2001 Num 78 1 2195
géographes français
Bernard Eric. La transmission internet par satellite et l'Afrique : matérialité du système (Internet transmission by satellite and
Africa : reality of the system). In: Bulletin de l'Association de géographes français, 78e année, 2001-1 ( mars). réseaux de
télécommunications. Périurbanisation en Europe. pp. 17-25;
doi : https://doi.org/10.3406/bagf.2001.2195
https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_2001_num_78_1_2195
Abstract
Abstract. - Satellites have now become an integral part of the future in the development of the internet.
Although satellite technology appears immaterial, the analysis of geographical space is still important.
The myth of satellites as a non- space dependant technological system must be broken in order to truly
understand how these technologies include the African continent on the worldwide grid of electronic
networks. This paper shows different relationships between internet transmission by satellite and the
geographical space. From a customer point of view, geographical differences are still relevant to truly
understand the opportunity of access to these systems.
Bull. Assoc. Géogr. Franc., 2001 - 1
Eric BERNARD*
ABSTRACT. - Satellites have now become an integral part of the future in the
development of the internet. Although satellite technology appears immaterial, the
analysis of geographical space is still important. The myth of satellites as a non-
space dependant technological system must be broken in order to truly
understand how these technologies include the African continent on the worldwide grid
of electronic networks. This paper shows different relationships between internet
transmission by satellite and the geographical space. From a customer point of
view, geographical differences are still relevant to truly understand the opportunity
of access to these systems.
relief n'est pas plat (urbanisme compris). Il faut noter que ce problème
ne se pose pas pour le continent africain, compris entre 40° Nord et Sud
de latitude. Pour remédier à ce problème, il faut utiliser des orbites
légèrement inclinées et utiliser plus de satellites qui se relaient. Ces
satellites, de par l'altitude de leur orbite, ont des délais de transmission
moyens élevés (de l'ordre de 0,27 seconde), augmentant avec la
latitude. Ces différentes contraintes font qu'ils sont peu utilisés pour la
transmission de données interactives, qui se fait plutôt grâce aux
satellites en orbite basse.
Les satellites en orbite basse (L.E.O.: Low Earth Orbit) ne sont pas fixes
par rapport à la Terre. Pour qu'un point ait accès au système il faut donc
multiplier les satellites (50 au minimum pour une couverture globale), ce
qui donne alors une constellation de satellites (1). Ce sont les projets de
grandes constellations qui sont aujourd'hui privilégiés par les opérateurs
de satellites dès qu'il s'agit de téléphonie ou de transfert de données. Ces
satellites étant plus proches de la terre - leur délai de transmission étant
ainsi plus court - permettent l'utilisation de terminaux de réception de
taille très réduite, adaptée par exemple à la téléphonie mobile. Par contre,
leur nombre et leurs mouvements impliquent une meilleure gestion de
leur synchronisation.
Tous les systèmes satellites ne présentent donc pas les mêmes caraté-
ristiques pour la transmission de données par Internet. Le protocole T.C.P.
qui permet de transporter les informations internet est en effet dégradé
lors de son passage par un lien satellitaire en terme de délai, d'erreurs de
transmission, et d'asymétrie de l'utilisation. Chaque type de contrainte
amène des améliorations qui ont lieu soit au niveau externe à T.C.P. soit
par des modifications internes au protocole lui-même. Malgré les
contraintes, Internet par satellite est une réalité et sa qualité de service
(QoS) présentée comme mauvaise dans de nombreux débats ne fait
référence qu'à la qualité de service théorique optimale. Dans les cas où
aucune connectivité n'existe, cette qualité de service, même mauvaise,
n'est pas un vrai problème (Sepmeier, 1997).
Les systèmes satellitaires permettant d'assurer l'interactivité des
sessions internet (web, telnet, ftp...) sont représentés en Afrique par une
profusion de projets. Par exemple, Skybridge se compose de 80
satellites sur 20 plans orbitaux. La date de mise en service est prévue pour
2001 pour la moitié de ses satellites. Le système global ne devrait pas
être en service avant 2002. Teledesic est le projet de constellation non-
géostationnaire le plus ambitieux, puisqu'il comprendra 288 satellites
L.E.O. distribué sur 12 orbites. Egalement appelé «internet-in-the-sky»,
ce projet a fusionné avec le projet Celestri (lui-même étant basé sur les
systèmes abandonnés West et M-Star) de Motorola. La date de mise en
service est prévue pour 2003.
(1) Bien que le terme de constellation de satellites soit en général réservé aux grands systèmes de
satellites L.E.O., il arrive que les systèmes de plusieurs satellites G.E.O. en orbite elliptique soient
également appelés constellations.
20 E. BERNARD
Ces deux constellations sont basées sur les choix architecturaux déjà
effectués pour la téléphonie: Globalstar et Iridium respectivement.
A ces constellations, il faut ajouter les projets de transmission internet
par satellites geostationnaires comme le récent projet Astrolink de la
corporation Lockheed Martin. Celui-ci est basé sur un réseau de 9 satellites
G.E.O. au total communiquant entre eux par des liens optiques inter-satelli-
taires. La date de mise en service est prévue pour 2003 en ce qui concerne
l'Europe, l'Amérique du Nord et du Sud. Les trois derniers satellites seront
lancés à 6 mois d'intervalle pour assurer une couverture mondiale.
Euroskyway est un projet de 5 satellites geostationnaires ayant reçu
récemment l'appui de la Communauté européenne. Conçu comme un
service de «bande passante à la demande», il s'adresse aux opérateurs de
télécommunications et de télévision ainsi qu'aux fournisseurs d'accès
Internet. Le premier satellite sera lancé au début de l'année 2001 et sera
suivi d'un second l'année suivante. Cette première phase permettra de
couvrir l'Europe et le Bassin méditerranéen. Trois satellites seront lancés
dans une seconde phase qui permettra d'étendre la couverture à l'Afrique,
l'Europe de l'Est et l'Asie.
Le projet Aquila d'Alcatel a été retenu par R.A.S.C.O.M., association
régionale regroupant 44 pays africains, pour créer le premier satellite
africain dont le lancement est prévu en 2002.
©Intelsat est le seul système actuellement existant permettant
d'assurer l'interactivité des sessions de type internet (web, telnet...) à travers les
satellites Intelsat. Ce type de service fonctionne depuis 1998 et prouve que
les services internet peuvent être assurés par des satellites
geostationnaires. Intelsat fournit le segment spatial pour des backbones ou des
fournisseurs d'accès internet dans plus de 45 pays africains: il ne fournit pas
de service à l'utilisateur final.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'un projet de transmission internet à
proprement parler, il est intéressant de noter l'initiative originale de l'entreprise
américaine Worldspace. Celle-ci, grâce à son service par satellite Afristar,
envisage courant 2000 de proposer un service de «push» qui fournira à
ses clients une sélection de sites web de manière unidirectionnelle. Ainsi,
ses clients pourront bénéficier d'un contenu web sans connectivité
internet. Contraire à la philosophie d'Internet, cette initiative pose des
questions plus vastes sur la participation des interstices du Réseau global.
Internet devient ici clairement un objet de consommation au même titre
que la télévision.
Ainsi la plupart de ces sytèmes satellitaires sont en projets, sauf
Intelsat qui est déjà le système de télécommunication par satellite le plus
représenté en Afrique et qui dispose de ce fait de l'expérience et d'une
base importante d'utilisateurs. De plus la communication par satellite
n'est pas un fait nouveau en Afrique. Outre la téléphonie, la radio et la
télévision, certains systèmes satellitaires comme celui géré par les
O.N.G. Vitasat et Satellite existent depuis 1994 pour la transmission de
courrier électronique. La multitude de projets permet-elle d'envisager
une indifférenciation des territoires vis-à-vis de ces techniques?
INTERNET EN AFRIQUE 21
2. Le segment terrestre
distincts alors qu'un autre pays pourra avoir dix opérateurs utilisant le
même satellite.
Les opérateurs de satellites ne fournissent en effet le plus souvent que
le «tuyau» et les stations de contrôle des satellites. Aucune de ces
stations n'est basée sur le continent africain. Seules les stations passerelles
terrestres sont réparties sur le continent. On peut distinguer 4 sortes de
stations terrestres pour la transmission Internet (Ducreux, 1998):
• Les stations passerelles (gateways) qui permettent de connecter le
satellite aux réseaux locaux existants. Leur coût est très élevé.
• Les stations à capacité moyenne, de taille variable pour les réseaux
privés.
• Les stations V.S.A.T. (Very Small Aperture Terminal) qui sont les
réseaux de petits terminaux dépendant d'une station terrestre principale
en constituant le point nodal (hub).
• Les simples récepteurs ne sont qu'un possibilité encore largement
inexplorée dans le cas de l'Afrique. La transmission Internet via un
téléphone portable lié directement à un satellite est néanmoins un secteur à
l'avenir très prometteur.
Des combinaisons sont bien évidemment possibles. C'est le cas de
Network Computer System au Ghana qui fut en 1995 le premier fournisseur
d'accès à offrir une connectivité complète à Internet en Afrique de l'Ouest
via une ligne spécialisée et qui aujourd'hui fournit ses services grâce
d'une part à une station passerelle vers Intelsalt, d'autre part grâce à une
station V.S.A.T. se connectant à un hub qui utilise également Intelsat pour
faire le lien avec M.C.I, aux Etats-Unis.
Il est important de différencier les systèmes fournissant de la bande
aux fournisseurs d'accès Internet et ceux dirigés vers l'utilisateur final.
Skybridge et Euroskyway proposent ainsi des services directement à
l'utilisateur final, qui seront munis d'antennes pour la transmission
satellite. Pour Skybridge, ces antennes devraient coûter environ 700$ et
l'accès au service autour de 30 à 40$ par mois. Grâce à ce type de
système il est possible d'envisager une plus grande répartition des
utilisateurs internet sur les territoires. D'un point de vue topologique, ces
solutions représentent une topologie en étoile. A l'inverse, des systèmes
comme Teledesic, Intelsat et Astrolink ne desservent que des
fournisseurs d'accès. Il s'agit alors d'un lien vers un lieu précis, relayé ensuite
par les réseaux terrestres. Loin d'indifférencier le territoire, ces systèmes
renforcent la capacité en des points précis de l'espace. Ces systèmes
permettent d'améliorer le débit et la qualité de service à partir de leur
station au sol, mais ne résolvent pas par eux-mêmes les problèmes
d'infrastructures existants entre l'utilisateur final et/ou les fournisseurs
d'accès non-connectés directement et les stations passerelles. D'un point de
vue topologique, ces solutions représentent une topologie classique en
arbre.
On voit donc ici que la notion de couverture potentielle des réseaux
satellites est insuffisante pour caractériser le territoire connecté.
INTERNET EN AFRIQUE 23
Les systèmes satellitaires orientés vers l'utilisateur final offrent tous les
avantages des satellites. Ils peuvent être redondants avec le réseau
téléphonique commuté (R.T.C.) mais cela ne représente une concurrence
qu'en terme de coût. Le réseau téléphonique en Afrique, là où il existe, est
en effet assez mal approprié pour la connectivité internet, notamment en
terme de débit et de qualité de service.
Les réseaux satellitaires offrant des services aux fournisseurs d'accès
ont par contre à subir d'autres concurrences, celle des faisceaux hertziens
mais surtout celle des câbles sous-marins. Les faisceaux hertziens sont
utiles sur des réseaux de courte distance avec peu de relief mais
nécessitent des antennes puissantes. Ils sont de plus en plus supplantés par les
satellites, sauf pour les réseaux locaux. Les technologies de fibre optique
utilisées pour les câbles sous-marins ont connu une progression
qualitative remarquable ces dernières années. Leur débit élevé en fait un
concurrent sérieux pour les satellites, d'autant que les délais de transmission
sont bien moindres. En réalité, tous les analystes s'accordent sur la
complémentarité entre câbles et satellites, complémentarité d'autant plus
souhaitable pour les acteurs industriels qu'ils sont généralement positionnés
sur les deux secteurs. Plus encore que les satellites, les câbles sous-
marins sont une technologie appropriée pour une grosse structure
proposant l'accès à des fournisseurs secondaires. De plus l'Afrique est très
sous-équipée en câbles, hormis pour le Maroc, le Sénégal, la République
Sud-Africaine, Djibouti et l'Egypte. Cependant le projet S.A.T.-3/W.A.S.C,
prévu pour être mis en service en 2001, desservira 10 pays africains de la
24 E. BERNARD
côte atlantique. Enfin, seuls les pays côtiers ont, par définition,
potentiellement accès à cette technologie.
Les réseaux satellitaires ont donc plus à craindre une concurrence
interne à leur secteur qu'une concurrence provenant d'une autre
technologie. Dans le cadre du développement d'Internet en Afrique les impacts de
cette concurrence ne sont pas à négliger. L'aspect positif mainte fois
souligné de la libre concurrence en terme de baisse de coûts et d'amélioration
des services est important pour un continent sous-équipé. Plus négatives
sont les hypothèses d'échecs de certains de ces systèmes. En effet les
systèmes dirigés vers l'utilisateur final sont plus sensibles que les autres au
nombre de clients pour le retour sur investissement, surtout lorsqu'ils
sont régionaux et ne peuvent envisager de péréquation sur l'usage
mondial. Les systèmes orientés vers le service aux fournisseurs d'accès sont
moins sensibles aux variations du nombre de consommateurs, les contrats
étant plus élevés et sur plus long terme. Les systèmes mondiaux, comme
Intelsat pour lequel en 1998 l'Afrique représente 5% de son chiffre
d'affaire et 8% de ses investissements, peuvent se permettre de ne pas avoir
un retour immédiat sur investissement en Afrique. Les récents déboires
financiers des constellations satellitaires de téléphonie Iridium et I.C.O.
montrent néanmoins la nécessité d'un plan de développement
commercial réaliste, à moins que ces réseaux ne soit structurellement
subventionnés par les Etats ou les institutions internationales.
Conclusion
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Manuscrits reçu le 9 novembre 2000; accepté le 20 décembre 2000.
Discussion