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Les mathématiques

au lycée
Clés pour une réussite
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

L'ANALYSE SYSTÉMIQUE DE L 'ÉDUCATION


Jerry Pocztar
L'ANIMATION PÉDAGOGIQUE A UJOURD 'HUI
Raymond Toraille
LE CHOUCHOU ou L'ÉLÈVE PRÉFÉRÉ
Philippe Jubin
LA DÉFINITION DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
Bases, composantes et références de ces techniques
Jerry Pocztar
DES BONS E T DES MA UVAIS ÉLÈVES
Pierre Mannoni
DESSIN ET DESSEIN
Pédagogie et contenu des arts plastiques
Joëlle Gonthier
L'ÉCHEC SCOLAIRE N'EST PAS UNE FATALITÉ
CRESAS
(Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire)
L'ÉLÈVE TÊTE À CLAQUES
Philippe Jubin
L'ENSEIGNANT EST UNE PERSONNE
Sous la direction de Ada Abraham
GUIDE PRATIQUE D'ORTHOGRAPHE
Jean Vial
HISTOIRE ET ACTUALITÉ DES MÉTHODES PÉDAGOGIQUES
Jean Vial
NAISSANCE D'UNE PÉDAGOGIE INTERACTIVE
CRESAS
(Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire)
Coordination : M. Hardy, F. Platone et M. Stamback
ON N'APPREND PAS TOUT SEUL
Interactions sociales et construction des savoirs
CRESAS
(Centre de Recherche de l'Éducation Spécialisée et de l'Adaptation Scolaire)
L'ORIENTATION SCOLAIRE E N QUESTIONS
GFEN (Groupe Français d'Éducation Nouvelle)
LA VIOLENCE DANS LA CLASSE
Éric Debarbieux
VIVONS L'ÉCOLE A UTREMENT PAR LA SOPHROLOGIE
Ghylaine Manet
LES VOCATIONS E T L'ÉCOLE
Jean Vial

Catalogue complet s u r d e m a n d e
Collection Pédagogies
Sylviane Gasquet

Les mathématiques
au lycée
Clés pour une réussite

Préface d'Albert Jacquard

ESF éditeur
17, rue Viète, 75017 Paris
D U MÊME AUTEUR

À l ' u s a g e d e s e n s e i g n a n t s , au CRDP de Grenoble :


- Liaison Math-Économie (avec D. Glasman).
- Évaluer s a n s évacuer... ni les problèmes, ni les élèves.
- Pour une pédagogie passe-muraille.
- Langage des chiffres.
- Langage des graphiques.
- Un capitaine, 35 moussaillons.

À l ' u s a g e d e s élèves :
- Dessine-moi un vecteur (avec R. Chuzeville),
IREM de Grenoble.
- Homéopathie mathématique (tome 1 : Scriptum algebricum), CRDP de
Grenoble.

À l'usage des parents :


- Apprivoiser les maths, Syros-Alternatives
(Coll. L'école des parents).
- Lycée : Peut mieux faire (avec M. Ruffieux), Syros-Alternatives, 1989.

@ ESF éditeur, Paris 1991

ISBN 2-7101-0905-0
ISSN 1158-4580

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d'une
part, que les «copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et
non destinées à une utilisation collective» et, d'autre part, que les analyses et les courtes
citations dans un but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction
intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants
cause, est illicite » (alinéa 1er de l'article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc
une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 1 et -swvants du Code pénal.
Pédagogies
Collection dirigée par Philippe Meirieu

La collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs,


animateurs, éducateurs et parents, des œuvres de référence associant
étroitement la réflexion théorique et le souci de l'instrumentation pratique.
Hommes de recherche et hommes de terrain, les auteurs de ces livres
ont, en effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique
doit être référée à un projet d'éducation. Pour eux, l'efficacité dans les
apprentissages et l'accession aux savoirs sont profondément liées à
l'ensemble de la démarche éducative, et toute éducation passe par
l'appropriation d'objets culturels pour laquelle il convient d'inventer sans
cesse de nouvelles médiations.

Les ouvrages de cette collection, outils d'intelligibilité de la « chose


éducative », donnent aux acteurs de l'éducation les moyens de comprendre
les situations auxquelles ils se trouvent confrontés, et d'agir sur elles dans la
claire conscience des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de
cohérence dans un domaine où coexistent trop souvent la générosité dans
les intentions et l'improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la
force de l'argumentation et le plaisir de la lecture.
Car c'est sans doute par l'alliance, sans cesse à renouveler, de l'outil et
du sens que l'entreprise éducative devient vraiment créatrice d'humanité.
Dans la même collection

APPRENDRE, OUI MAIS COMMENT?


Philippe Meirieu
LE CHOIX D'ÉDUQUER
Éthique et pédagogie
Philippe Meirieu
CONSTRUIRE LA FORMATION
CEPEC, sous la direction de Pierre Gillet
DÉVELOPPER LA CAPACITÉ D'APPRENDRE
Jean Berbaum

DIDACTIQUE DU FRANÇAIS
De la planification à ses organisateurs cognitifs
François-Victor Tochon
L'ÉCOLE MODE D'EMPLOI
Des « méthodes actives » à la pédagogie différenciée
Philippe Meirieu
L'ÉDUCATION, SES IMAGES ET SON PROPOS
Daniel Hameline
ENSEIGNER, SCÉNARIO POUR UN MÉTIER NOUVEAU
Philippe Meirieu
L'ÉVALUATION EN QUESTIONS
Charles Delorme et le CEPEC
L'ÉVALUATION, RÈGLES DU JEU
Des intentions aux outils
Charles Hadji
INNOVER POUR RÉUSSIR
Sous la direction de Charles Hadji
LES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
En formation initiale et en formation continue
Daniel Hameline
QUESTIONS DE SAVOIR
Introduction à une méthode de construction autonome des savoirs
Gabrielle Di Lorenzo
Table des matières

Pages
Préface, par Albert Jacquard 11
Prélude : Remerciements aux coéquipiers, élèves et professeurs . . 13

PREMIER MOUVEMENT

Chapitre 1 : Crescendo
Un paradoxe apparent : l'échec augmente mais la
réussite aussi ! 17

Chapitre 2 : Adagio
Un «Lycée en 4 ans» révèle les défauts du cursus
normal 25

Chapitre 3 : Lamento
Questions sur les « lacunes » des élèves 41

SECOND MOUVEMENT

Chapitre 4 : Silences dans la partition...


Utilisées, jamais enseignées : les mathématiques
oubliées par les programmes . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
Chapitre 5 : Tempo Rubato
Grande liberté dans l'interprétation du «programme
national » 75

Chapitre 6 : Croches et anicroches


L'écriture mathématique peut et doit s'enseigner . . . 91

Chapitre 7 : Allegro vivace


La chasse à l'implicite sous toutes ses formes 123

Chapitre 8 : Avec gravité


Évaluation et lacunes artificielles 155

DERNIER MOUVEMENT

Chapitre 9 : Délicatamente, expressivo...


Quelles aptitudes développent les mathématiques
enseignées au lycée? 177

Chapitre 10 : Final
Éloge de la différence, et difficultés face à la diversité 193

Annexe du chapitre 4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197


Préface

Comment a-t-on pu être assez pervers pour transformer les maths


en outil de sélection, séparant les élèves en deux races, ceux qui les
comprennent et ceux qui ne les comprennent pas : ceux qui sont «faits
pour » et ceux qui ne sont « pas faits pour » ?
En réalité, les maths sont l'exercice de base du mécanisme intellec-
tuel. De même qu'un enfant apprend à marcher avant de courir, sauter,
faire de la bicyclette ou du cheval, de même il apprend le jeu du raison-
nement à propos de nombres ou de figures, avant d'utiliser les règles de
ce jeu pour exprimer ou discuter des idées. Et cela doit être présenté
comme un véritable jeu, apportant contentement, plaisir et même parfois
triomphe; mais un triomphe résultant d'une victoire sur soi-même, non
sur les autres. Ne pas comprendre en maths fait partie du parcours nor-
mal, mais ce ne peut être qu'une situation provisoire, due le plus sou-
vent à l'emploi d'un vocabulaire inadapté par celui qui explique.
Étrangement, ceux qui sont chargés d'enseigner les maths sont
soumis à des directives qui semblent prendre un malin plaisir à camou-
fler les chemins parfaitement clairs du raisonnement, par des formules
apparemment réservées à quelques esprits supérieurs. Sylviane Gasquet,
dans son précédent ouvrage1, raconte l'anecdote révélatrice de l'élève
qui, devant la célèbre formule (f o g)-l = g-1 o r l , explique que pour
s'habiller il faut mettre d'abord ses chaussettes puis ses chaussures, et
pour se déshabiller enlever d'abord ses chaussures puis ses chaussettes.
Le renversement du parcours implique le renversement de l'ordre des
événements. Le «mathématicien», c'est ici l'élève, comprenant une réa-
lité des processus concrets et non celui qui impose la formule et vérifie
qu'elle est régurgitée.
Il m'arrive souvent d'être sollicité, à titre d'ancien polytechnicien,
«donc» fort en maths, par des élèves amis qui voudraient que je leur
explique ce qu'en classe ils n'ont pas compris. Ma «technique» est de
leur demander de me dire précisément en quoi consiste leur incompré-
1. Sylviane Gasquet, Apprivoiser les maths, Syros-Alternative, 1989.
hension; en m'expliquant pourquoi ils ne comprennent pas, ils décou-
vrent qu'en fait ils avaient compris, et que c'était au fond si simple :
« Ah! bon, ce n'était que ça! » Après quoi, il leur est difficile de com-
prendre pourquoi d'autres ne comprennent pas.
Avancer dans l'apprentissage des maths, ce n'est pas franchir des
murs successifs de plus en plus élevés, exploit qui serait réservé aux
seuls «doués», c'est apprendre un langage permettant de communiquer
avec toujours plus de précision, ambition qui est partagée par tous.
Albert Jacquard
Prélude

A Ryad, Brahim, Sylvia, Nathalie et les


autres courageux de la promotion inaugurale
du premier « lycée en 4 ans »,
A tous les élèves de la « section lente » ren-
contrés depuis.

La dernière décennie du siècle sera celle de l'ouverture des lycées.


Mais il ne suffira pas d'ouvrir à deux battants les portes déjà entrou-
vertes, il faudra en ouvrir d'autres, fermées encore par de mystérieuses
serrures...
Merci aux artisans nombreux qui m'ont aidée à concevoir, à fabri-
quer et essayer quelques nouvelles clés, pour que les mélodies du savoir
mathématique puissent être mises à la portée du plus grand nombre...
Toutes les clés proposées ici ont été essayées, retouchées, et pourront
être encore améliorées par les enseignants qui les saisiront.
Ce travail est d'abord né en classe, et, pour lui garder la saveur du
terroir scolaire, des « chroniques de classe » et des exemples mathéma-
tiques, ayant permis l'analyse, sont relatés. Ils sont assez nombreux,
surtout dans la seconde partie, et sont présentés légèrement en retrait
afin de permettre une (première?) lecture rapide...
Merci aux pionniers de l'expérience « lycée en 4 ans », tout spécia-
lement à Roger Brelle et à Renée Samson qui, jusqu'à leur dernière
année professionnelle, croyaient toujours en l'éducation possible de
tous... A Gabriel Gracia, professeur de philosophie, avec lequel nous
aurions aimé travailler plus longtemps si l'échéance commune n'était
venue trop tôt. A Thérèse Cousin et à Dany Girardet, cofondatrices de
cette section, et à tous les enseignants, bientôt une quarantaine, qui sont
venus nous rejoindre pour défricher et déchiffrer, pour écouter nos
élèves et composer avec eux une partition dédiée au plaisir retrouvé
dans l'effort et la ténacité, celui d'apprendre et de comprendre...
Merci à Claude, Josette, Jacqueline, Christian, Michel, collègues
de mathématiques, qui m'ont permis de vérifier quelques hypothèses,
qui m'ont prêté leurs copies et n'ont pas craint de recevoir quelques
élèves du « module expérimental » dans leur classe de terminale C.
Merci aussi à Jean-Louis Ovaert et Daniel Reisz, consultants de la
direction des Lycées en 1983 et qui, en nous faisant confiance, nous ont
ouvert les portes des autorisations officielles pour que le premier « lycée
en 4 ans » puisse exister.
Merci encore à Claude Comiti, Maître de conférence à l'Université
de Grenoble I, qui tente, avec ténacité, de construire les indispensables
passerelles entre la didactique universitaire et le travail réel des ensei-
gnants. Il y a quelques années, en venant travailler dans mes classes,
elle a su m'apprendre à observer. Sans cet apprentissage préalable, sans
doute n'aurais-je pas su voir tout ce que les élèves de la section expéri-
mentale pouvaient apporter à la réflexion sur l'enseignement des mathé-
matiques au lycée.
Enfin, pour la rédaction même de ce texte, merci à l'amitié d'abord.
Merci à Claude Pariselle pour sa relecture attentive, ses proposi-
tions, ses compléments, ses exemples, ses encouragements. Merci aussi
à Thomas, 2 ans, dernier des rejetons de la sus-nommée, pour ses siestes
somptueuses et respectueuses du travail féminin-pluriel!
Merci à Raymond Chuzeville pour ses missives, ses annotations
scrupuleuses, ses encouragements téléphoniques!
Merci à Dominique Glasman pour la lecture distanciée, celle du
chercheur en Sciences de l'Éducation, et pour la rigueur de sa réflexion.
Merci encore à Pierre Leblanc, accordeur de participes, redresseur
d'accents (toniques), abonné des tâches ingrates après avoir été, sans le
savoir, celui qui m'apprit à écouter les mots, à oser essayer d'en jouer
en le regardant créer ses propres textes.
Merci enfin aux lecteurs enseignants qui, malgré quelques pas-
sages critiques, sauront voir, j'espère, que mon plus grand respect va
toujours à ceux qui sont en classe avec les élèves, qui tiennent encore la
craie, soupirent devant le tas de copies mais savent encore écouter et
s'étonner d'une parole d'élève. J'adopte sereinement la phrase de
Philippe Meirieu :
«Il est tellement plus simple de dire les choses pour ne plus avoir
à les faire... ou de spécialiser les uns dans l'esthétique des intentions et
les autres dans la médiocrité du passage à l'acte. »
Saint-Paul-le-Jeune, Mai 1991
PREMIER MOUVEMENT
Chapitre 1

Crescendo

Le désarroi de l'élève...

Ils ne savent pas travailler, le niveau baisse, ils ont trop de lacunes,
ils ne savent pas lire..., disent les uns. Ils ne savent pas enseigner, ils ne
comprennent pas les difficultés des enfants, ils ont trop de vacances...,
disent les parents des « autres ».
Dans ce lamento en négatif majeur, dans ces études inachevées,
dans ces poursuites de bac, dans ces gammes didac-toniques, dans ces
préludes de réformes et ces interludes de projets, dans toute cette sym-
phonie déconcertante, une chose est sûre, c'est le grand crescendo géné-
ralisé : beaucoup plus de jeunes entrent au lycée et, partant, il y a plus
d'échecs car plus de projets interrompus. Mais il y a aussi plus de réus-
sites.
Comme pour certains films dont on dit qu'ils sont datés, marqués
par leur époque, notre vision de l'école est toujours à l'âge du devenir
des élèves qui la quittent. En effet, la réalité scolaire semble toujours
être ce qui se voit, mais on ne voit pas la même chose en période de fort
chômage ou en période de croissance économique. Lorsque tous les
jeunes trouvent un travail, la réussite de certains n'est pas perçue
comme l'échec des autres. Elle est tolérable, donc on pourra la voir.
Lorsque l'absence de tout diplôme risque de mener à un chômage de
longue durée, à une vie marginalisée, la gravité de cet échec n'autorise
plus la légitimité d'une mise en balance taux d'échec / taux de réussite.
D'une certaine façon, la réussite sera niée, même si l'école fait mieux,
parce qu'en même temps elle fait pire.
Lorsque l'élève d'antan avait son certificat d'études (et rappelons
avec insistance qu'ils étaient loin de l'avoir tous!) sans avoir imaginé un
instant qu'il pourrait entrouvrir la porte d'un lycée, il n'était ni un non-
bachelier, ni un exclu, il était au contraire un symbole de réussite puis-
qu'il avait mené son projet à bon terme. Il avait fait une fin (d'études).
Qui s'avisait alors que le nouveau certifié n'avait en fait réalisé que le
seul projet autorisé pour lui par le système scolaire en place?
Lorsque l'enfant des années cinquante entrait en sixième, pour la
moitié d'entre eux, c'était en cours complémentaire, et la scolarité s'y
terminait naturellement avec le brevet1. Dans ces temps-là, avec le certi-
ficat comme avec le brevet, on trouvait un emploi. Mais quand l'élève
du temps présent entre en sixième - et ils y entrent quasiment tous - il
intègre aussitôt un compte à rebours 6,5,4,... qui le mène normalement à
l'égalité
0 = Terminale = achevé
ce qui n'est d'ailleurs qu'une illusion s'il s'agit d'un bac général. La
prégnance des mots et la difficulté de l'emploi font que tout élève qui
n'arrive pas dans une terminale percevra son cursus comme un échec.
Le collège unique permet donc d'abord le projet unique, celui
d'études longues. L'ambition scolaire est désormais permise au plus
grand nombre, l'école a pris là un risque et un pari difficile. Est-ce un
leurre, puisque, au même moment, la réalisation de cette ambition n'est
pas accessible à tous, loin s'en faut?
Il est cependant important d'oser voir aussi la réussite de l'école,
ne serait-ce que pour les enseignants, et donc aussi pour leurs élèves.
Peut-on aller travailler chaque matin, être patient, dynamique, si on croit
à l'inanité de ses efforts? La prémonition de l'échec risque toujours de
mener à l'échec, aussi bien l'enseignant que l'élève qui manque de
confiance en lui.
Pour tenter d'éviter cette spirale récurrente, nous allons essayer
d'illustrer par deux petits dessins le décalage entre la demande de for-
mation émanant des jeunes et les réussites obtenues, cela afin de mieux
comprendre la différence entre ce que l'on perçoit au présent et la réalité
de deux phénomènes qui se suivent dans le temps.
La demande d'études, l'entrée en quatrième ou en seconde, vient
de subir une croissance accélérée, puis elle va nécessairement s'infléchir
puisque, de toute façon, elle ne pourrait dépasser les 100 % ! La réussite,
elle, progresse aussi (par exemple le nombre de bacheliers), mais on ne
sait pas encore ce qu'il en sera de l'avenir.
Supposons que la courbe des réussites parvienne à ressembler à
celle de la demande, quelques années d'adaptation plus tard (ce qu'il est

1. Voir le rapport Prost, Les lycées et leurs études au seuil du XXIe siècle, Ministère
de l'Éducation nationale, 1983.
convenu d'appeler le temps de réponse). Les deux courbes seraient donc
toujours à la même «distance horizontale ».

Temps de réponse entre la demande et l'offre de formation.

Mais nous serions d'abord et avant tout sensibles au décalage ver-


tical, celui que nous ressentons une année donnée. L'échec perceptible,
c'est cette différence «verticale».

Échec perçu : écart entre l'offre et la demande une année donnée.

Ces dessins ne prétendent pas être des graphiques au sens tech-


nique du terme, mais ils permettent d'abord de comprendre pourquoi il
peut y avoir en même temps plus d'échecs et plus de réussites, ce qui
semble paradoxal à première vue et alimente bien de vaines contro-
verses. Ensuite, même dans l'hypothèse favorable où la réussite suit la
demande avec un déphasage de quelques années, alors, bien que la réus-
site augmente, la différence verticale, celle de l'échec perçu, augmente
plus vite encore au début du processus...
Saurons-nous évoluer?

Peut-on faire l'économie de ces temps difficiles si l'on veut réelle-


ment faire accéder le plus grand nombre à une formation générale,
«gage d'adaptabilité professionnelle et sociale »2. La demande des
familles n'est-elle pas un préalable indispensable pour desserrer
q u e l q u e s freins et i m p u l s e r u n e é v o l u t i o n p r o f o n d e de l ' i n s t i t u t i o n s c o -
laire? A cette question, je ne peux répondre que subjectivement, au vu
d e ce q u ' e s t la réalité s c o l a i r e actuelle, de ce q u e sont les é l è v e s m a i s
aussi les enseignants. La formation doit d'abord être souhaitée par le
plus grand nombre, car seule l'ampleur de cette d e m a n d e pourra faire
évoluer progressivement les professeurs. En effet, aucun maître n'est
c o m p l è t e m e n t insensible à un désir d'apprendre venant d'élèves qui font
des efforts. Certes, il n ' y a pas de miracle et les p r e m i è r e s réactions
(«ils n'ont pas leur place au lycée», «ils n'y arriveront jamais...»)
expriment d'abord le rejet. Mais peut-être est-ce pour mieux cacher
notre désarroi d'enseignants, nous dont l'institution attend que nous
aidions tous les j e u n e s qui nous sont confiés, sans nous dire vraiment
c o m m e n t . P o u r cette raison, les r é f o r m e s et les d i s c o u r s h é r i s s e n t facile-
ment ceux qui doivent faire cette évolution. Mais l'attente des élèves
p e u t les s t i m u l e r : si n o u s n o u s d é c i d o n s u n j o u r à a l l e r e n s t a g e , à lire, à
f o r m e r u n e équipe interdisciplinaire ou à faire un petit pas vers plus de
c o h é r e n c e d a n s n o t r e discipline, c ' e s t d é j à et ce sera d ' a b o r d p o u r a i d e r
n o s é l è v e s et n o n e n r é p o n s e b e n o î t e à des s e r m o n s officiels3.

Un trop grand décalage entre la d e m a n d e et la réussite e n g e n d r e


u n e f o r t e p r e s s i o n s u r le s y s t è m e s c o l a i r e p a r le b i a i s d ' u n e s e n s i b i l i s a -
tion disproportionnée de l'opinion à l'échec. Livres, émissions de télévi-
sion, articles de presse, arrivent à dire que 80 % d'élèves en terminale,
ce serait pire que 50 % de reçus au certificat!

M a i s u n e t r o p f o r t e p r e s s i o n d e s m e d i a s u r le p u b l i c c o n c e r n é p a r
l ' é c o l e fait c o u r i r le r i s q u e de changer pour changer, simplement pour

2. « ...la culture, dite générale, est le moyen le plus efficace de répondre à la fois
aux exigences personnelles d'autonomie et de jugement, de recherche de soi-même et de
rencontre des autres, et aux exigences sociales d'adaptabilité, y compris professionnelle,
de sociabilité et de conscience démocratique. (...) C'est la notion, et si possible, la maî-
trise de la complexité culturelle qui définira la réussite de l'homme du siècle à venir».
François Bayrou, La décennie des mal-appris, Flammarion, 1990. Citer ce passage
n'implique pas une adhésion à tout ce qu'écrit F. Bayrou, mais une reconnaissance de la
tonicité de certaines pages!
3. N'y a-t-il pas un relent de «Impliquez-vous mes frères» dans la synthèse du rap-
port du Conseil national des programmes : « chacun doit se sentir impliqué », « les pro-
fesseurs doivent se sentir motivés par l'évolution du système pour s'y impliquer»... «la
communauté éducative tout entière doit s'impliquer ». Synthèse parue dans Le Monde de
l'Éducation, décembre 1990. Un vrai sermon pour l'école laïque!
tenter de soulager le système écrasé, pour distraire l'opinion comme on
crée une déviation pour retrouver le calme dans un village. Il faut alors
proposer vite et dans l'urgence. Amenée à participer très ponctuellement
à l'élaboration d'un de ces textes « à chaud », je m'avisais alors du privi-
lège dont je pouvais jouir depuis plusieurs années pour observer un îlot
scolaire fortement dépressurisé !

Un laboratoire d'observation
Travaillant depuis sept ans dans une section expérimentale,
j'engrangeais depuis lors des observations diverses. Dans cette section,
nouvelle en France en 1984, à l'issue de la classe de seconde les élèves
choisissent de traiter en trois ans les programmes de première et termi-
nale scientifiques. La durée d'étude est le seul paramètre important qui
soit modifié. En particulier, l'effectif des classes est comparable à celui
des classes ordinaires.
Le bilan de cette expérience nous était demandé régulièrement, mais
rien que pour voir cheminer trois promotions, il fallait déjà cinq ans... Il
ne faut pas brûler d'impatience, ni vouloir dire trop vite quand on observe
le domaine de l'éducation. D'autant plus que l'ardeur pionnière peut biai-
ser les observations du début. Il faut atteindre une vitesse de croisière, une
participation majoritaire d'enseignants extérieurs au projet initial, pour
commencer à penser durée ou invariance de certaines observations.
L'évaluation de cette expérience m'a déjà conduite à rédiger un
bilan concernant le fonctionnement de 70 lycées relativement au temps
de scolarité des élèves4 et à mettre en évidence l'existence d'un «esprit
maison » au sein de chaque lycée. Il restait donc à se centrer plus parti-
culièrement sur le fonctionnement de l'enseignement des mathématiques
en milieu collectif. Ce qui aurait pu n'être qu'un bilan d'expérience est
donc devenu peu à peu une analyse de l'enseignement des mathéma-
tiques au lycée.

Mieux vaut prévenir que subir... les remarques


Ce travail appelle deux remarques qu'on ne manquera pas de me
faire. Cette analyse n'est pas toujours tendre pour les professionnels de
l'éducation, en ce sens qu'il nous faut accepter notre part de responsabi-
lité et qu'il m'arrive de le dire sans ambages. Certains paragraphes ris-
quent d'introduire quelques humeurs hargneuses chez des lecteurs pro-
fesseurs de mathématiques... S'ils réagissent, c'est qu'ils ne sont pas
indifférents à leur métier, et donc nous avons au moins ce premier point
4. Bilan réalisé avec Maurice Ruffieux et paru sous le titre Lycée : peut mieux faire.
Syros Alternative, 1990.
ne!). On saura faire bientôt pour deux paraboles... On va apprendre à le faire
pour deux droites.
Forme ax + by = c de l'équation d'une droite.
Systèmes de deux équations à deux inconnues.
- Équations et inéquations du type (3x - 2)2 > (2x + 1)2
Nécessité de se ramener à «la différence est positive ». Utilisation des
transformations d'écriture pour résoudre.
- Les inéquations du type 1/A > 1/B se ramène aussi à «différence
positive ».

T h è m e s associés : c o m p r e n d r e p a r le d e s s i n

- Comparaison des interprétations graphiques de :


(3x + 2) = (4 - x) (intersection de deux droites )
(3x + 2)(x - 1) = (4 - x)(x - 1) (intersection de deux paraboles...)
ou comment éviter de perdre une solution !
- Comparaison aussi avec (3x + 2)2 = (4 - X)2
ou comment éviter d'introduire des parasites!
Interpréter graphiquement l'erreur commise en «simplifiant les carrés ».
- Les pentes s'ajoutent... Mais pas les angles!
La fonction tangente en liaison avec la pente.
Somme de deux fonctions affines.

Lien avec la non-linéarité de la fonction tangente.


Somme d'une courbe et d'une droite : recherche graphique d'un extre-
mum. Utilisation intuitive de la tangente dessinée à main levée.
- La non-linéarité sur le dessin.

Jeux avec des sinus : comparaison de sin 2x et de 2 sinx sur des dessins.

P r o d u i t de deux fonctions

- Faire observer les montages de

V(x + 3). V (x + 1) et de V(x + 3)(x + 1). Faire distinguer les contraintes.


Vérifier avec la calculette. Réflexions conjointes sur signe d'un produit et
inéquations simultanées. Lien avec le dessin.
- Faire observer que le sens de variation d'un produit ou d'une somme
n'ont rien de simple mais pas pour la même raison. Observer que le produit de
deux droites (pente constante) donne une courbe (pente variable). La pente de
la courbe produit n'est sûrement pas le produit des pentes!

J'ai essayé de voir si on peut bâtir un programme «pour apprendre », sans


baisser le niveau des connaissances à acquérir, au contraire. Cette esquisse est
née de la pratique, en particulier avec les élèves «allergiques aux
mathématiques», ce qui lui confère à la fois qualité et défaut. Une qualité de
cette ébauche est d'être liée à des rapprochements qui se font naturellement
«quand on apprend», mais son défaut majeur est d'être aussi trop liée à mes
propres choix pédagogiques (l'importance du cadre graphique par exemple).

Imprimé par l'Imprimerie Nouvelle


45800 Saint-Jean-de-Braye - N' 14183
Dépôt légal : octobre 1991
N° d'édition : 1916 ED 1716
Imprimé en France

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