Dans Cet Approfondissement, y A-T-Il Eu Des Obstacles? Lesquels?
Dans Cet Approfondissement, y A-T-Il Eu Des Obstacles? Lesquels?
Dans Cet Approfondissement, y A-T-Il Eu Des Obstacles? Lesquels?
C’est pourquoi je souhaite que ce livre ne parle pas de moi pour parler de
moi. Ni de ma vie familiale en tant que telle, même si elle a été impor-
tante, et joyeuse dans l’ensemble. Je bénis le Seigneur pour ma femme, mes
enfants, et chacun de mes petits-enfants! Ce que je souhaite, c’est que ce
livre parle d’abord, le plus honnêtement possible, sous l’angle de Jésus-
Christ et du ministère. Ce qui intéresse ici, c’est cette vocation que le Sei-
gneur m’a donnée d’annoncer l’Évangile aux pécheurs, moi qui n’en étais
pas digne. C’est sous cet angle que je vois ma vie, depuis que j’ai com-
mencé, étant jeune, à approfondir la Parole de Dieu.
« J’ai douté sur plein de choses (…) mais pas sur mon salut »
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Discerner la vocation d’un implanteur d’Églises
être donné pour celui qui n’est pas authentiquement né de nouveau 37.
Dans mon cas, j’ai ressenti cette certitude en méditant ces passages, et
cette certitude ne m’a pas quitté. J’ai douté sur plein de choses, j’ai été
incrédule, mais pas sur mon salut acquis par Grâce de Dieu. Il faudrait citer
ici une bonne partie du chapitre 15 de Jean, l’histoire du cep et des sar-
ments 38. Le chrétien est attaché au cep. C’est dans ce lien que l’on porte
du fruit, y compris dans sa vocation. Ma vie, c’est Christ. C’est aussi l’idée
de Romains 6.5 : une même plante avec Lui 39.
– Peut-on parler, à ce sujet (la vocation), d’une conviction qui s’affirme len-
tement, avec régularité, ou plutôt par à-coups?
– Ma vocation missionnaire et pastorale a plutôt été le fruit d’une mon-
tée progressive et régulière. Je dirais la même chose en ce qui concerne le
choix de la destination, à savoir la France. J’ai ressenti une fascination
croissante pour la France. Dans mon enfance et mon adolescence, à
l’école, quand on lisait les aventures de Stevenson en littérature, j’étais
passionné. Il s’agissait de son livre Travels with a Donkey, dans les Céven-
nes 40, où il raconte sa découverte du pays des camisards, ses discussions
avec la population, les protestants du coin… Cette lecture me captivait.
C’était du vrai, du vécu, n’est-ce pas. Je préfère mille fois cela à de la fic-
37. Cette expression « né de nouveau » (born again, en anglais) se réfère à un texte biblique
de l’Évangile selon Jean, au chapitre 3, verset 3. On y lit, dans une parole attribuée à Jésus,
l’affirmation suivante : « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de
Dieu ». Dans une vaste tradition chrétienne ultérieure, cette « nouvelle naissance » est
associée à la conversion, qui réoriente la vie de l’individu suite à la repentance (regret
du mal – péché – commis) et au choix de suivre Jésus-Christ. Les protestants évangéli-
ques considèrent qu’un chrétien, disciple de Jésus-Christ, est nécessairement un « né de
nouveau ».
38. La Bible, Évangile selon Jean, chapitre 15, particulièrement les versets 1 à 11. Les paroles
attribuées à Jésus-Christ développent ici la métaphore de la vigne : Jésus-Christ est le
cep, les chrétiens sont les sarments, et le Père est le vigneron. Ceux qui ne sont pas atta-
chés au cep sont jetés. Les autres portent du fruit.
39. La Bible, épître aux Romains, chapitre 6, verset 5 : « En effet, si nous sommes devenus
une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la con-
formité à sa résurrection. »
40. Robert Louis Stevenson, Travels with a Donkey in the Cevennes (1879). L’écrivain écos-
sais y raconte sa traversée des Cévennes à pieds durant l’automne 1878 en compagnie
d’une ânesse capricieuse. Voir en langue française Robert Louis Stevenson, Journal de
route en Cévennes, Privat/Club Cévenol, Toulouse, 2002.
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Semer au chant du coq
tion, même magnifiquement écrite. Les différentes fois que nous survo-
lions la France ou touchions la France par le bateau 41, il y avait une sorte
de courant qui passait. Je ressentais un fardeau pour ce pays 42. Je n’aime pas
m’attarder sur ces choses-là, ce n’est pas trop important.
En fin de compte, je n’ai pas eu de moment de grand doute au moment
où les choses se sont décidées. Il fallait quand même prendre la décision
entre trois pays qui nous intéressaient, et une fois la décision prise, se lan-
cer pour la France. J’ai argumenté de la manière suivante : « si c’est la
France, Dieu va mettre les choses en place pour que je puisse y aller ».
C’est ce qui s’est produit. J’hésite souvent longtemps avant une décision,
mais une fois que la décision est prise, on y va, je n’ai plus de doute.
– Dans quel cadre s’est exprimée cette vocation? Il a bien fallu trouver une
organisation missionnaire pour laquelle travailler, et choisir une orientation
doctrinale, ecclésiale?
– Le milieu que j’ai choisi est un milieu baptiste et fondamentaliste.
Beaucoup partagent nos convictions fondamentalistes même s’ils n’aiment
pas le mot. Je vais m’en expliquer. Mais d’abord, deux mots sur le baptisme.
Pour moi, au départ, le choix du baptisme était lié à la décision d’apparte-
nir à l’Église baptiste de Waugh Drive, qui soutenait le travail missionnaire
de mes parents, puis mon propre ministère. Quand nous avons décidé de
devenir membres de cette Église de Houston, Texas, à partir de ce
moment-là, on est devenus officiellement baptistes. Et cette Église bap-
tiste étant indépendante et fondamentaliste, nous avons un peu pris ces
couleurs. C’est comme cela que ça s’est passé au départ.
41. Durant les années 1940-1960, le mode ordinaire de voyage transatlantique était par
bateau.
42. Dans le vocabulaire du « milieu évangélique » auquel appartient Jean Stauffacher,
l’expression « ressentir un fardeau » désigne une intention ardente d’œuvrer pour Dieu
dans tel ou tel domaine.
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Discerner la vocation d’un implanteur d’Églises
– Comment cela?
– Ce n’était pas facile… Il y avait un certain nombre de missions qui
m’intéressaient, et pas que des baptistes. La SIM 43, l’AIM 44, d’autres
aussi… Je les connaissais, elles avaient des atouts. Je me souviens, quand je
travaillais avec d’autres étudiants à l’expédition du journal Bibliotheca
43. La mission SIM (Serving in Mission) a été fondée en 1893 par deux Canadiens et un
Américain. Mission protestante évangélique interconfessionnelle, la SIM est fortement
focalisée sur l’évangélisation de l’Afrique et un vigoureux accent sur la constitution et
le renforcement d’Églises locales.
44. L’AIM : Africa Inland Mission (voir plus haut).
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Semer au chant du coq
Sacra, j’avais un collègue qui avait travaillé avec la SIM. Il me dit : « John,
il ne faut surtout pas travailler avec la SIM! Il ne faut pas aller avec une
mission de ce genre! C’est trop interdénominationnel, c’est un peu la
pagaille, et tu ne pourras pas avoir toujours une “pleine conviction” face à
certaines choses ». Et il me dit : « Pourquoi tu n’essaies pas la Baptist Mid-
Missions 45 ? Là tu as une mission clairement baptiste, avec des positions
fermes où tu seras à l’aise. » Bon… J’avais entre-temps commencé une cor-
respondance avec l’AIM. Je pensais peut-être retourner en Afrique, on en
avait parlé avec Margaret, mon épouse. On n’était pas sûrs. On voulait
implanter des Églises, mais on n’était pas certains du pays. On était inté-
ressés par l’Afrique, le Brésil, l’Amérique du Sud en général, et l’Europe.
Quand j’ai écrit à l’AIM, j’ai reçu des réponses un peu vagues. J’ai res-
senti un petit peu d’agacement. Car j’avais posé des questions par rapport
à leur but, par rapport à leur objectif précis dans tel ou tel pays, et par rap-
port aux Églises locales et tout cela. Et le monsieur m’a répondu : « Bon, si
le Seigneur ne vous conduit pas vers nous, c’est pas grave, allez là où il vous
conduit. » Ce n’était pas cela mon problème! Moi je voulais savoir quelle
sorte de mission c’était, et s’ils avaient à cœur la mise en place d’Églises
locales. Donc, j’écris peu de temps après à la BMM, et là je suis surpris par
une réponse ultra-rapide! En trois jours, j’avais déjà une enveloppe avec
toutes les informations imaginables, doctrinales, les objectifs, toutes sortes
de choses. Entre les mains, j’avais absolument tout ce que je cherchais
comme informations.
Tout n’était pas parfait bien sûr, en tout cas à mon goût, mais la base
était là : ils existaient pour implanter des Églises, et la doctrine était solide.
Implanter des Églises, c’est resté comme but principal de cette mission,
même maintenant. Cela n’a pas bougé. Ce n’est pas devenu médical, ou
autre chose, ils sont restés principalement centrés sur la création d’Églises
locales, et c’est une très bonne chose, je trouve.
45. La mission Baptist Mid-Missions (BMM) coordonne les efforts missionnaires de baptis-
tes indépendants et séparatistes, sur une base doctrinale conforme aux accents du fon-
damentalisme protestant, avec l’objectif prioritaire de constituer des Églises locales
autonomes. Appelée originellement The General Council of Co-operating Baptist Mis-
sions of North America, Inc., elle a été fondée en 1920 avec un fort accent sur l’Afrique.
Voir Polly Strong, Burning Wicks. The Story of Baptist Mid-Missions, Cleveland, BMM
Press, 19862.
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Discerner la vocation d’un implanteur d’Églises
– Une position de fermeté sur l’orthodoxie doctrinale, c’est bien cela? Ce qui
implique une difficulté à accepter le pluralisme doctrinal?
– Il y a des fondamentalistes de toutes sortes, qui croient à un certain
nombre de choses, en dehors des points principaux (sur la Bible, le Salut,
la divinité de Jésus-Christ). Je ne suis pas obligé de les accepter, ces autres
choses. Mais au moins, on est d’accord sur les points principaux.
46. Pat Robertson (né en 1930) est un célèbre télévangéliste et activiste chrétien conser-
vateur américain, représentant d’une branche du fondamentalisme qui a choisi de
s’engager en politique. Pat Robertson a fondé la Christian Coalition, fer de lance de la
Nouvelle Droite chrétienne aux États-Unis. Il est par ailleurs influencé par le charisma-
tisme (dont se distancie aussi Jean Stauffacher). Sur les tendances fondamentalistes de
type Pat Robertson, voir Moktar Ben Barka, La nouvelle droite américaine : des origines à
nos jours, Valenciennes, Presses Universitaires de Valenciennes, 1996.
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49. [suite] Je commençai alors ma première prédication, mais j’arrivai très vite au bout. Je
poursuivis avec la deuxième, la troisième, et enfin la quatrième prédication. Je retournai
tout aussi vite m’asseoir. Huit minutes. C’était le temps que j’avais mis pour prêcher mes
quatre sermons! » (p. 65).
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College 50. Sinon, celui qui m’a le plus influencé dans la manière de prê-
cher, c’est notre ami Robert Delnay 51. Qui était un maître professeur. Il
l’est toujours d’ailleurs. Il a appris à des centaines de jeunes à prêcher sous
forme de proposition.
50. Presbytérien de tendance évangélique, G. Allen Fleece a enseigné au Moody Bible Ins-
titute puis au Columbia Bible College durant des années. Il a également été pasteur de
la Westminster Presbyterian Church de Chattanooga (Tennessee). Il a ensuite été pré-
sident du Columbia Bible College entre 1953 et 1966.
51. Robert Delnay était jeune professeur d’homilétique à CBC lorsque John Stauffacher y
est arrivé comme étudiant.
52. Il s’agit de l’Institut biblique pastoral baptiste d’Algrange (IBPB), dont il est question
plus loin dans ce livre.
53. Il s’agit de Haddon W. Robinson, La prédication biblique. Comment développer et apporter
des messages sous forme d’exposés, Vida, 2006, nouvelle édition augmentée (264 pages).
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