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John Piper

Et si je ne gâchais
pas ma vie...
John Piper

Parvenir au terme de sa vie et se rendre compte qu’il l’a


gâchée, qui le souhaite? Probablement personne, mais
encore faut-il définir ce qu’est une vie gâchée et comment

Et si je ne gâchais pas ma vie...


y échapper!
Turlupiné par cette question pendant ses études, John Piper
a développé une vision de la vie qui l’a amené à se dési-
gner lui-même comme un «hédoniste chrétien». Connais-
sez-vous beaucoup de personnes capables de dire, en
découvrant qu’elles sont atteintes d’un cancer: «Cela a été
une bonne nouvelle pour moi»? Lui en est capable.
Quel que soit votre âge, découvrez sa perspective sur la John Piper
vie, une vie où les mots passion, joie, croix et gloire de
Dieu s’entremêlent, pour ne pas avoir de regrets à nourrir

Et si je
quand il sera trop tard!

Des études littéraires avec pour branche secondaire la philosophie, voilà qui
prédisposait John Piper à devenir un auteur et un penseur apprécié. A cela ne gâchais pas
ma vie...
sont venus s’ajouter une licence en théologie au Fuller Theological Seminary,
puis un doctorat à l’université de Munich et enfin des années de ministère de
prédication à la Bethlehem Baptist Church de Minneapolis.

16.90 CHF / 14.90 €


ISBN 978-2-8260-3485-8
John Piper

Et si je ne gâchais pas

ma vie…
Et si je ne gâchais pas ma vie…
Titre original en anglais: Don’t waste your life
Copyright © 2003 by Desiring God Foundation
Published by Crossway Books, a division of Good News
Publishers, Wheaton, Illinois 60187, U.S.A.
This edition published by arrangement with Good News
Publishers.
All rights reserved.
Les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21.
Traduction: Nathalie Surre
© et édition: La Maison de la Bible, 2006, 2017
3e édition du texte, nouveau format, 2017
Chemin de Praz-Roussy 4bis
1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse
Tous droits réservés.
E-mail: info@bible.ch
Internet: http://www.maisonbible.net
ISBN édition imprimée 978-2-8260-3573-2
ISBN format epub 978-2-8260-0048-8
ISBN format pdf 978-2-8260-9780-8
Imprimé en France par Sepec numérique
Table des matières

Préface.................................................................................................. 9
1. Ma quête d'une raison de vivre...................................... 11
2. Une découverte: la beauté de Christ............................27
3. Un sujet de fierté: la croix................................................. 55
4. La grandeur de Christ et la souffrance........................79
5. Le risque: perdre notre vie ou la gâcher...................103
6. Un objectif: le bonheur des autres..............................131
7. La valeur de Dieu et la vie...............................................141
8. La valeur de Dieu au travail............................................177
9. Un appel pour cette génération...................................213
10. Ma prière...............................................................................251
Préface

Que vous soyez chrétien(ne) ou non «Vous ne vous ap-


partenez pas à vous-mêmes, car vous avez été rachetés à
un grand prix. Rendez donc gloire à Dieu dans votre corps
et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu», dit la Bible
en 1 Corinthiens 6.19-20. C’est pour vous aider à trouver
ces paroles pleines de saveur, et non amères ou insipides,
que j’ai écrit ce livre.
Vous appartenez forcément à l’une des deux catégo-
ries suivantes: soit vous êtes chrétien(ne), soit Dieu est en
train de vous appeler à le devenir. Vous n’auriez pas choisi
ce livre si Dieu n’était pas à l’œuvre dans votre vie.
En tant que chrétiens, nous ne nous appartenons pas à
nous-mêmes. Christ nous a rachetés au prix de sa propre
mort. Désormais, nous appartenons à double titre à Dieu: il
nous a créés et nous a rachetés. Cela signifie que notre vie
ne nous appartient pas; c’est Dieu qui en est le propriétaire.
Voilà pourquoi la Bible déclare: «Rendez donc gloire à Dieu
dans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à
Dieu» (1 Corinthiens 6.20). Il nous a créés et nous a rachetés
dans ce but. Tel est le sens de notre existence.
Si vous n’êtes pas encore chrétien(ne), voici ce que
Jésus-Christ vous offre: une double appartenance à Dieu,
avec la capacité d’accomplir les œuvres pour lesquelles
vous avez été créé(e). Peut-être ne trouvez-vous pas cela
très exaltant; glorifier Dieu ne signifie probablement rien
pour vous. C’est pourquoi je raconte ma propre expé-
rience dans les deux premiers chapitres. Il n’a pas toujours
été évident pour moi que rechercher la gloire de Dieu et

9
rechercher ma propre joie, c’était pratiquement la même
chose. Je constate à présent que des millions de gens
gâchent leur vie à cause d’une mauvaise appréciation de
ces deux manières de vivre: ils les considèrent comme dis-
tinctes, alors qu’elles ne font qu’une.
Attention, toutefois: la voie de la joie qui glorifie Dieu
coûte la vie. Jésus a dit: «Celui qui perdra sa vie à cause
de moi et de la bonne nouvelle la sauvera» (Marc 8.35).
Autrement dit, il est plus avantageux de perdre notre vie
que de la gâcher. Si nous faisons le choix délibéré de vivre
dans le but de guider les autres vers l’épanouissement
en Dieu, notre vie se révélera difficile, les risques que
nous courrons seront élevés, et pourtant notre joie sera
à son comble. L’objectif de ce livre n’est pas d’enseigner
comment nous préserver des blessures de la vie, mais
plutôt comment éviter une vie gâchée. Certains d’entre
nous mourront en servant Christ, mais cela ne sera pas
un drame. Le véritable drame, ce serait d’attacher plus de
valeur à notre propre vie qu’à Christ.
Que mes lecteurs soient des étudiants en quête de
changement radical dans leur vie ou des retraités désireux
de ne pas gâcher les années qui leur restent, sachez que je
prie pour eux. Si vous souhaitez connaître en quoi consiste
ma prière, vous pouvez vous reporter au chapitre 10.
En attendant, je remercie Dieu pour vous. Chaque per-
sonne qui aspire à glorifier Dieu en Jésus-Christ augmente
ma joie. Rappelons-nous que nous n’avons qu’une seule
vie, c’est tout. Nous avons été créés pour Dieu. Ne gâ-
chons pas cela!
Le 31 mars 2003,
John Piper

10
1. Ma quête d’une
raison de vivre

Mon père était un évangéliste. En fait, il l’est encore,


même s’il ne voyage plus désormais. Quand j’étais petit
garçon, à de rares occasions, ma mère, ma sœur et moi
l’accompagnions dans ses déplacements et l’entendions
prêcher. Je tremblais à l’écoute des prédications de mon
père. En dépit de l’humour prévisible de l’introduction,
j’étais saisi par la gravité du discours qui me remplissait
d’enthousiasme. Il y avait un certain strabisme dans son
regard accompagné d’un pincement des lèvres lorsque
l’avalanche des textes bibliques atteignait son apogée
dans une application concrète.

«Je l’ai gâchée, je l’ai gâchée»


Qu’est-ce qu’il pouvait supplier! Enfants, adolescents,
jeunes célibataires, jeunes mariés, adultes d’âge moyen,
anciens: il s’adressait au cœur de chacun en soulignant les
mises en garde et les invitations de Jésus-Christ. Il disposait
de tout un arsenal d’anecdotes pour chaque génération,
des histoires de conversions glorieuses et des témoignages
d’effroyables rejets de la foi suivis de tragiques décès. Il
était rare que leur narration ne suscite pas de larmes.

11
Pour moi en tant qu’enfant, l’une des illustrations les
plus poignantes utilisée par mon père dans sa ferveur
d’évangéliste était celle d’un homme converti à un âge
avancé. L’Eglise avait prié pour lui pendant des décennies.
C’était un homme dur et rebelle. Mais ce jour-là, sans que
personne ne sache pourquoi, il avait assisté à une prédi-
cation de mon père. A la fin du culte, pendant un chant
et à l’étonnement de tous, il s’était approché de lui et lui
avait pris la main. Une fois l’assemblée congédiée, tous
deux avaient pris place au premier rang. Dieu a ouvert le
cœur de cet homme à l’Evangile de Christ. Il a été racheté
de ses péchés et a reçu la vie éternelle. Cela ne l’empê-
chait pas, cependant, de confesser tout en sanglotant, son
visage ridé couvert de larmes (et quel impact cela a eu sur
moi d’entendre mon père répéter ces mots baignés de ses
propres larmes): «Je l’ai gâchée! Je l’ai gâchée!»
C’est cette histoire qui m’a le plus impressionné, plus
que n’importe quelle histoire de jeunes gens morts dans
un accident de la route avant d’avoir pu se convertir: celle
d’un homme âgé qui pleurait sur sa vie gâchée. Dès mon
enfance, Dieu a éveillé en moi la crainte de gâcher mon
existence et la motivation pour ne pas le faire. L’idée d’at-
teindre un âge avancé pour me voir, en pleurs, répéter les
mots: «Je l’ai gâchée! Je l’ai gâchée!» est devenue pour
moi une pensée effroyable et horrible.

«Une seule vie, bientôt passée»


Un autre élément majeur qui a influencé mes jeunes
années – insignifiant au départ, mais très puissant avec le
temps – était un petit cadre suspendu au-dessus de l’évier

12
de notre cuisine. Nous avions emménagé dans cette mai-
son lorsque j’avais six ans. A mon avis, j’ai dû lire les pa-
roles de cet écriteau quasiment tous les jours pendant
douze ans, jusqu’à mon départ pour l’université à l’âge de
dix-huit ans. En fait, il s’agissait d’un simple cadre en verre
peint en noir sur une face et bordé d’une chaîne argentée
qui servait aussi à le suspendre. Au premier plan, peints
en caractères gothiques de couleur blanche, on pouvait
lire les mots suivants:
Une seule vie, bientôt passée;
seul ce qui a été fait pour Christ va perdurer.
Pour illustrer le texte, sur la gauche figurait une colline
verte flanquée de deux arbres et parcourue d’un sentier
terreux qui se perdait derrière le relief. Combien de fois,
dans mon enfance, j’ai contemplé ce sentier terreux (ma
vie)! Puis, lors de mon adolescence, j’étais impatient et an-
xieux de savoir ce que pouvait bien dissimuler la colline.
Le message était clair: «Tu n’as qu’un aller simple dans la
vie. C’est tout. Juste un seul. Et la mesure définitive de
cette vie, c’est Jésus-Christ.» J’ai cinquante-sept ans au
moment où j’écris ce livre, et ce même écriteau est au-
jourd’hui suspendu à côté de notre porte d’entrée. Je le
vois chaque fois que je sors.
«Gâcher ma vie, qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir
dire?» C’était une question déterminante pour moi. Ou,
tournée de façon positive: «Qu’est-ce que cela signifie de
vivre bien, de ne pas gâcher sa vie, mais de…?» Comment
terminer cette phrase, voilà toute la question. Je n’étais
même pas sûr de bien la formuler, encore moins d’y ré-
pondre! Quel était l’inverse de «gâcher ma vie»? «Réussir
une carrière»? «Etre le plus heureux possible»? «Accomplir

13
quelque chose de grandiose»? «Découvrir le sens profond
de la vie»? «Aider le plus de gens possible»? «Servir Christ
au maximum de mes capacités»? «Glorifier Dieu dans
tout ce que je fais»? Ou la vie avait-elle une raison d’être,
un but, un sens, susceptible de satisfaire chacune de ces
aspirations?

«Les années perdues»


Puis, l’urgence de cette question est tombée dans l’ou-
bli, et ce jusqu’à ce que je me penche sur mes archives
de ces années-là. Alors que je m’apprêtais à quitter ma
maison de Caroline du Sud pour ne jamais y retourner
en tant que résidant, le lycée Wade Hampton publiait un
bref recueil littéraire de poèmes et d’anecdotes. Dans les
dernières pages figurait un poème signé Johnny Piper.
Je vous l’épargnerai. Ce n’était pas un bon poème! Jane,
l’éditrice, avait été clémente. Mais ce qui compte ici, c’est
le titre et les quatre premiers vers. Le poème s’intitulait Les
années perdues. Il était illustré par le croquis d’un homme
âgé assis dans un fauteuil à bascule. Voici son début:

J’ai longuement cherché le sens caché de la terre;


j’ai longuement cherché dans ma jeunesse, mais en
vain.
Aujourd’hui, alors que diminue le nombre d’an-
nées qu’il me reste à vivre, je dois recommencer
ma quête.

A travers les quarante ans qui me séparent de ce


poème, je peux entendre l’effroyable refrain: «Je l’ai gâ-
chée! Je l’ai gâchée!» D’une certaine façon, on avait éveillé

14
en moi une passion pour le sens et le but majeur de la vie.
L’interrogation éthique «Qu’est-ce qui est permis?» pâlis-
sait devant la question: «Qu’est-ce qui est essentiel, pri-
mordial?» L’idée de bâtir ma vie autour d’une norme mo-
rale ou d’une signification minimum – une vie définie par
la question: «Qu’est-ce qui est permis?» – m’apparaissait
presque sordide. Je ne voulais pas d’une vie insignifiante.
Je ne voulais pas vivre en marge de la réalité. Je désirais
pénétrer l’essence de l’existence et m’y consacrer.

Un air saturé d’existentialisme


La passion qui me poussait à ne pas passer à côté de
ce qui fait l’essence de la vie et à ne pas la gâcher s’est
intensifiée à l’université, à la fin des tumultueuses années
soixante. Il y avait d’importantes raisons liées à cette in-
tensification, raisons qui dépassent largement les boule-
versements intérieurs d’un garçon à la sortie de l’adoles-
cence. L’«essence» des choses était remise en question
dans presque tous les domaines. Nous respirions un air
saturé d’existentialisme, et ce que l’on entendait par là,
c’était la notion que «l’existence précède l’essence». Ce
qui revient à dire que, premièrement, vous venez à l’exis-
tence, puis, par le fait d’exister, vous créez votre propre
essence. Vous créez votre essence par le choix délibéré
d’être ce que vous souhaitez être. Il n’y a pas d’essence
à rechercher ou à laquelle vous conformer en dehors de
la vôtre. Que vous le nommiez «Dieu», «sens» ou «but»,
cela n’existe qu’à partir du moment où vous le créez par
votre propre et courageuse existence. (Si vous froncez les
sourcils en pensant: «Cela ressemble étrangement à ce

15
que l’on nomme aujourd’hui postmodernisme», ne soyez
pas surpris. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce n’est
que l’emballage qui change à l’infini.)
Je me revois encore, assis dans un théâtre obscur, as-
sistant à la représentation théâtrale du fruit de l’existentia-
lisme: «le théâtre de l’absurde». La pièce, intitulée En atten-
dant Godot, était de Samuel Beckett. Vladimir et Estragon
se rencontrent sous un arbre et conversent en attendant
Godot. Ce dernier n’arrive jamais. Vers la fin de la pièce, un
garçon leur apprend que Godot ne viendra pas. Ils décident
alors de partir, mais ne s’en vont jamais. Ils ne vont nulle
part. Le rideau tombe et God(ot)1 ne vient toujours pas.
Voilà comment Beckett percevait les gens tels que
moi: je restais figé dans l’attente, dans la quête et dans
l’espoir de trouver l’essence des choses, au lieu de créer
ma propre essence par mon existence libre et sans
brides. Vous n’allez nulle part, suggérait-il, si vous re-
cherchez un sens, un but, une raison d’être ou une es-
sence transcendants.

«L’homme de nulle part»


Les Beatles ont sorti leur album Rubber Soul2 en dé-
cembre 1965 et ont crié leur existentialisme avec une puis-
sance irrésistible pour ma génération. C’est peut-être dans
la chanson de John Lennon intitulée Nowhere Man (l’homme
de nulle part) que ce message apparaît le plus clairement:
Voici un homme de nulle part,
assis dans son pays de nulle part,

1 God = Dieu, en anglais


2 Traduction possible: «l’âme à la gomme»

16
faisant des plans ne conduisant nulle part,
et pour personne.
Il n’a pas d’opinion,
ne sait pas où il va,
n’est-il pas un peu comme vous et moi?
C’était une époque de confusion, surtout pour les étu-
diants, et heureusement, Dieu n’est pas resté silencieux.
Tout le monde n’a pas adopté le leurre de l’absurde et
n’a pas été séduit par le vide héroïque. Tout le monde n’a
pas cédé aux invitations d’Albert Camus et de Jean-Paul
Sartre. Même des voix non enracinées dans la Vérité sa-
vaient qu’il doit exister quelque chose de plus, quelque
chose qui est situé à l’extérieur de nous, quelque chose
de plus élevé et de plus grand que ce que nous voyons se
refléter dans le miroir, et pour lequel il vaut plus la peine
de vivre.

La réponse dans le vent


Bob Dylan grattait des chansons aux messages d’es-
poir indirects. Elles remportaient un succès fou, précisé-
ment parce qu’elles faisaient allusion à une Réalité qui ne
nous maintiendrait pas définitivement dans une attitude
d’attente. Les choses changeraient tôt ou tard; ce qui
était lent deviendrait rapide, et le premier serait le der-
nier. Et cela ne serait pas dû à la maîtrise existentielle de
notre destin absurde. C’est ce message que nous avons
tous saisi dans la chanson intitulée The Times They are
A-Changin’1:

1 Traduction: «les temps changent»

17
La ligne est tracée,
le sort est jeté,
celui qui est lent maintenant
sera rapide plus tard.
Tout comme le présent deviendra passé,
l’ordre des choses s’estompe rapidement.
Et le premier aujourd’hui
sera plus tard le dernier,
car les temps changent.
J’ai dû agacer les existentialistes en écoutant Dylan,
peut-être même sans m’en rendre compte, en balayant
leur relativisme appliqué à toute chose avec l’audacieuse
répétition du fameux refrain: «La réponse… La réponse est
soufflée dans le vent.»
Combien de fois un homme doit-il regarder en l’air
avant de voir le ciel?
Combien d’oreilles un homme doit-il avoir
avant de pouvoir entendre les gens pleurer?
Combien de morts faudra-t-il avant qu’il ne se
rende compte que trop de gens sont morts?
La réponse, mon ami, est soufflée dans le vent,
la réponse est soufflée dans le vent.
Combien de fois un homme peut-il lever les yeux sans
voir le ciel? Il y a un ciel à contempler tout là-haut. Nous
pouvons regarder en l’air dix mille fois et affirmer que
nous ne voyons rien, mais cela n’a absolument aucun im-
pact sur son existence objective: il est bien là, et un jour,
nous le verrons. Combien de fois devons-nous lever les
yeux au ciel avant de le voir? Il existe une réponse. La ré-
ponse, la réponse, mon ami, ce n’est pas à toi de l’inventer
ou de la créer. Elle sera décidée pour toi. Elle se trouve en

18
dehors de toi. Elle est réelle, objective et immuable. Un
jour, tu l’entendras. Tu ne la crées pas. Tu ne la définis pas.
Elle vient à toi, et tôt ou tard, tu l’acceptes, tu t’inclines.
C’est cela que j’ai entendu dans la chanson de Dylan,
et tout en moi s’est écrié: «C’est ça!» Il existe une réponse
avec un R majuscule. La manquer est synonyme de vie gâ-
chée. La découvrir signifie trouver une Réponse à toutes
mes questions.
L’étroit sentier terreux qui figurait sur le cadre de notre
cuisine faisait son chemin, au plein milieu des années
soixante, entre les pièges édulcorés de la démence in-
tellectuelle. Comme ma génération avait l’air courageuse
alors qu’elle délaissait la bonne voie pour tomber dans
un piège! Certains allaient jusqu’à se vanter: «J’ai choisi la
voie de la liberté. J’ai créé ma propre existence. Je me suis
débarrassé des lois anciennes.»

L’homme aux longs cheveux


Cependant, Dieu plantait, dans sa grâce, des panneaux
avertisseurs le long du chemin. Au cours de l’automne
1965, Francis Schaeffer a donné une conférence d’une
semaine au Wheaton College qui a donné naissance, en
1968, au livre The God Who Is There1. Le titre anglais in-
dique l’étonnante simplicité de la thèse: Dieu est là. Pas ici,

1 L’œuvre prophétique de Schaeffer demeure incroyablement perti-


nente pour notre époque. Je souhaiterais encourager chacun de mes
lecteurs à lire au moins un de ses ouvrages. Un bon moyen de commen-
cer par la «crème des crèmes» est de lire: The Francis Schaeffer Trilogy:
The God Who Is There, Escape From Reason, and He is There and He Is
Not Silent (Crossway Books, 1990). Les deux premiers sont parus en
français sous le titre: Dieu, illusion ou réalité? (Editions Kerygma, 1989)
et Démission de la raison (La Maison de la Bible, 5e éd. 1993).

19
c’est-à-dire défini et formé par mes propres désirs. Dieu
est en dehors de cela. Il est objectif. Il est la vérité abso-
lue. Tout ce qui nous semble constituer la réalité dépend
de Dieu. Il y a la création et le Créateur, rien de plus. Et la
création trouve toute sa raison d’être et sa finalité en Dieu.
C’était un signal on ne peut plus clair: reste sur la voie
de la vérité objective, c’est ainsi que tu éviteras de gâ-
cher ta vie; reste sur la voie empruntée par ton père plein
de zèle pour l’Evangile, ne te détourne pas de l’écriteau
suspendu au mur de ta cuisine. J’avais une confirmation
intellectuelle de poids que ma vie serait gâchée dans les
prairies de l’existentialisme. Il fallait rester sur le bon che-
min. La Vérité existait, il y avait un sens, un but et une rai-
son d’être à toute chose. Il me fallait poursuivre ma quête,
j’allais découvrir la réponse.
Je suppose qu’il n’y a pas à se lamenter de devoir
passer ses années d’université à apprendre l’évidence:
l’existence de la Vérité, sa valeur et sa présence objec-
tives. C’est comme un poisson qui irait à l’école pour ap-
prendre l’existence de l’eau, ou un oiseau pour apprendre
que l’air est une réalité, ou encore un ver de terre pour
être informé de la présence de la terre. Au cours des deux
derniers siècles, c’était considéré comme l’élément central
d’une bonne formation, et son contraire l’essence d’une
mauvaise éducation. Ainsi donc, je ne regrette pas les an-
nées passées à avoir été instruit sur l’évidence.

L’homme qui m’a appris à voir


Je remercie Dieu pour les professeurs et les écrivains
qui consacrent une énergie créatrice considérable à

20
rendre crédible l’existence des arbres, de l’eau, des âmes,
de l’amour et de Dieu. C. S. Lewis était professeur d’anglais
à Oxford. Il est mort le même jour que John F. Kennedy en
1963. En 1964, il a pénétré l’horizon de mon petit sentier
terreux avec un tel éclat qu’il est difficile d’exagérer son
impact sur ma vie. Quelqu’un m’a initié à sa pensée, lors
de ma première année à l’université, avec l’ouvrage Mere
Christianity1. Durant les cinq ou six années suivantes, je ne
suis jamais resté sans un livre de Lewis à portée de main.
Je pense que, sans son influence, ma vie n’aurait pas été
si joyeuse et si bien remplie. Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, Lewis m’a rendu prudent en matière
de snobisme chronologique. Il m’a montré que la nou-
veauté n’est pas nécessairement synonyme de vertu, pas
plus que l’ancienneté serait synonyme d’incompétence.
La vérité, la beauté et la bonté ne sont pas déterminées
par l’époque à laquelle elles existent. Une chose n’est
pas inférieure à cause de son ancienneté, ni précieuse à
cause de sa modernité. Cette conviction m’a libéré de la
tyrannie de l’innovation et m’a ouvert à la sagesse des
époques antérieures à la nôtre. Aujourd’hui encore, je
n’hésite pas à puiser dans les siècles précédents la plus
grande partie de ce qui nourrit mon âme. Je remercie
Dieu pour la façon dont Lewis m’a poussé à reconnaître
ce qui était évident.
En outre, il m’a prouvé – et il m’en a convaincu – qu’une
logique rigoureuse, précise et tranchante n’est pas incom-
patible avec des sentiments profonds et une créativité
pleine de vie et d’esprit, et même de joie. Lewis était un
«rationaliste romantique». Il associait des genres que la

1 En français, Les fondements du christianisme (Ligue pour la Lecture de


la Bible France, 6e éd. 2006)

21
plupart, aujourd’hui, considèrent comme incompatibles:
rationalisme et poésie, rigueur logique et tendresse, dis-
cipline dans la prose et liberté de l’imagination. En brisant
ces vieux stéréotypes, il m’a permis d’avoir une pensée
rigoureuse tout en écrivant de la poésie, de développer
une argumentation en faveur de la résurrection tout en
composant des hymnes à la gloire de Christ, de démonter
un raisonnement tout en étreignant un ami, d’exiger une
définition tout en utilisant une métaphore.
Lewis m’a transmis un sens aigu de la «réalité» des
choses. La valeur de cette contribution est difficile à ex-
primer. C’est se réveiller le matin en étant conscient de la
fermeté du matelas, de la chaleur des rayons du soleil, du
tic-tac de l’horloge, de l’existence réelle des choses. Il m’a
aidé à m’éveiller à la vie. Il m’a permis de voir ce qu’il y a
dans le monde, des choses que nous serions prêts à payer
cher pour les acquérir si elles nous faisaient défaut, mais
que nous ignorons du simple fait que nous les possédons.
Il m’a éveillé à la beauté. Il a rendu mon âme attentive
aux merveilles quotidiennes susceptibles de provoquer en
moi la louange, à condition que j’ouvre les yeux. Il a se-
coué mon esprit endormi et m’a jeté au visage l’eau froide
de la réalité, de telle sorte que la vie, Dieu, le ciel et l’enfer
ont fait irruption dans mon univers avec toute leur hor-
reur et leur gloire.
Il a dévoilé à mon esprit toute la folie qui se cachait,
malgré toute sa subtilité, derrière l’opposition intellec-
tuelle à une existence et une valeur objectives. Le roi
de la philosophie de ma génération était nu, et l’auteur
d’Oxford qui écrivait des livres pour enfants avait le cou-
rage de le dire.

22
On ne peut pas se contenter indéfiniment de consi-
dérer les choses en transparence. La raison prin-
cipale pour regarder au travers d’une chose, c’est
bien de voir quelque chose au travers d’elle. Il est
bon que la fenêtre soit transparente parce qu’elle
laisse voir la rue ou le jardin qui est opaque. Qu’en
serait-il si le jardin était également transparent?
Cela ne sert à rien de se perdre dans des considé-
rations relatives aux principes de base. A force de
voir au travers de toute chose, tout devient trans-
parent. Mais un monde entièrement transparent
est un monde invisible. Considérer toute chose en
transparence équivaut à ne rien voir.1
Je pourrais m’étendre bien plus longuement sur la vi-
sion du monde telle que C. S. Lewis l’a saisie et décrite.
Il a certes ses défauts, et pas des moindres, mais je ne
cesserai jamais de remercier Dieu pour cet homme remar-
quable qui a croisé mon chemin au bon moment.

Une fiancée, un fait objectif


indéniable
Un autre facteur puissant est venu affermir ma foi en
l’existence inflexible de la réalité objective. Elle s’appelait
Noël Henry. Je suis tombé amoureux d’elle au cours de
l’été 1966, bien trop tôt, probablement, mais cela a bien
tourné; je l’aime encore. Il n’y a rien de plus dégrisant pour
un esprit philosophique vagabond que l’idée d’avoir une
femme et des enfants à charge.

1 C. S. Lewis, The Abolition Of Man (Macmillan, 1947), p. 91

23
Nous nous sommes mariés en décembre 1968. C’est
une bonne chose d’élaborer une réflexion en relation avec
des êtres réels. A partir de ce moment-là, chaque pensée a
été une pensée relationnelle, dans le sens où chaque idée
n’était plus seulement une idée, mais une idée qui avait
des conséquences sur ma femme puis, plus tard, sur mes
enfants. Je remercie Dieu pour cette illustration de la rela-
tion entre Christ et l’Eglise que j’ai été contraint de vivre ces
trente-cinq dernières années. Il y a des leçons de vie – de
ma vie non gâchée – que je n’aurais vraisemblablement ja-
mais apprises sans cette relation (de la même façon qu’il y a
des leçons, dans une vie de célibataire, qui ne peuvent pro-
bablement pas être apprises autrement que par le célibat).

Je te bénis, chère «mono»,


pour ma vie
Au cours de l’automne 1966, Dieu m’a rapproché de lui
en rétrécissant davantage le chemin pour ma vie. Lorsqu’il
m’a entraîné dans l’étape décisive suivante, Noël se de-
mandait où j’avais bien pu passer: le semestre d’automne
avait commencé, et je ne m’étais pas présenté en classe
ni au moment de recueillement à la chapelle. Elle a fini
par me trouver étendu sur le dos au centre médical. J’y
suis resté trois semaines, terrassé par la mononucléose.
Le projet de vie dont j’étais si sûr quatre mois auparavant
s’effilochait entre mes doigts fiévreux.
En mai, j’avais la joyeuse certitude que ma vie serait
le plus utile si je devenais médecin. J’aimais la biologie;
j’aimais l’idée de guérir les autres. Enfin, j’aimais savoir
pourquoi je me trouvais à l’université. Je m’étais donc

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empressé de suivre un cours de chimie générale pendant
l’été afin de pouvoir rattraper mon retard et de prendre le
cours de chimie organique cet automne-là.
A présent, j’étais atteint de «mono» et j’avais manqué
trois semaines de chimie organique. Il n’y avait aucun
moyen de rattraper le retard. Mais plus important encore,
cette semaine-là, Harold John Ockenga, alors pasteur de
la Park Street Church à Boston, prêchait chaque matin à
la chapelle, car c’était une semaine à vocation spirituelle
intensive. Je l’écoutais à la radio de l’université. Je n’avais
jamais entendu un tel exposé des Ecritures. Soudain, pour
moi, toute l’objectivité glorieuse de la Réalité a eu un
centre: la Parole de Dieu. J’étais étendu là, avec l’impres-
sion que j’émergeais d’un rêve, et je savais, à présent que
j’étais réveillé, ce que je devais faire.
Noël est venue me rendre visite, et je lui ai demandé:
«Que dirais-tu si, au lieu de poursuivre une carrière mé-
dicale, j’étudiais la théologie?» Comme chaque fois que
j’ai posé ce genre de questions au fil des ans, la réponse
a jailli: «Si c’est là que Dieu te guide, c’est là que j’irai.» A
partir de cet instant, je n’ai jamais douté que le service
auquel Dieu m’appelait était celui de sa Parole.

25
2. Une découverte:
la beauté de Christ

En1968, je n’avais aucune idée de ce que cela signi-


fierait, pour moi, d’être au service de la Parole de Dieu
dans le monde. Je ne m’attendais pas à devenir pasteur, et
Noël ne s’attendait pas plus à devenir femme de pasteur.
Qu’allait-il se passer? Allais-je travailler comme ensei-
gnant, comme missionnaire, comme écrivain, ou encore
comme professeur de littérature à la théologie correcte?
Tout ce que je savais, c’était que, pour moi, la Réalité fon-
damentale avait soudainement eu un centre: la Parole de
Dieu. La raison d’être, le but et le sens que j’avais tant
cherché à connaître étaient à présent indissociablement
associés à la Bible. Le mandat était clair: «Efforce-toi de te
présenter devant Dieu comme un homme» (2 Timothée
2.15). Pour moi, cela impliquait de faire des études de
théologie, avec un objectif central: comprendre et abor-
der correctement la Bible.

Apprendre à ne pas me contredire


Mon parcours du combattant pour m’instruire sur
l’évidence n’a pas, pour autant, été terminé. Les attaques
du modernisme contre la réalité – c’est-à-dire contre

27
revenait à le présenter comme plus glorieux que n’importe
quelle autre source de bonheur. Rechercher le bonheur en
Dieu et le glorifier, c’était une seule et même chose.

La grande révélation pour moi


Voici comment Edwards a exposé sa compréhension
des choses, alors qu’il n’était âgé que d’une vingtaine
d’années, dans une prédication dont le sujet principal
était: «Les personnes pieuses sont destinées à un bonheur
insoupçonné et inimaginable.» Le texte qu’il commentait
était 1 Jean 3.2: «Bien-aimés, nous sommes maintenant
enfants de Dieu, et ce que nous serons un jour n’a pas
encore été révélé. Mais nous savons que, lorsque Christ
apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous
le verrons tel qu’il est.»
La gloire de Dieu ne consiste pas simplement dans
le fait que les créatures perçoivent les perfections
du Créateur. En effet, elles peuvent percevoir la
puissance et la sagesse divines sans pour autant
s’en réjouir, mais au contraire en les haïssant. Les
créatures qui agissent ainsi ne glorifient pas Dieu.
Glorifier Dieu ne consiste pas non plus à parler de
ses perfections, car les mots ne sont d’aucune uti-
lité, à moins qu’ils n’expriment la pensée de l’esprit.
La gloire de Dieu consiste donc dans le fait que les
créatures admirent les manifestations de sa beauté
et de son excellence et s’en réjouissent vivement.
C’est pourquoi, l’essence même de la glorification
de Dieu réside dans l’allégresse éprouvée par les
créatures face aux manifestations de la beauté

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divine. Voilà la joie et le bonheur dont nous par-
lons. Et voici, maintenant, ce que cela implique en
fin de compte: le but de la création, c’est que Dieu
puisse transmettre le bonheur à ses créatures, car
s’il a créé le monde de manière à être glorifié dans
ses créatures, il l’a créé pour qu’elles puissent se ré-
jouir dans sa gloire. En effet, nous avons déjà mon-
tré qu’il s’agit d’une seule et même chose.1
Ces paroles ont constitué pour moi une révélation de
poids. En quoi consiste la vie? A quoi sert-elle? Quel est
le but de mon existence? Pourquoi suis-je ici? Pour être
heureux ou pour glorifier Dieu? Depuis des années, sans
l’avoir vraiment formulé, j’avais le sentiment que ces deux
objectifs étaient opposés, que soit on cherchait à glorifier
Dieu, soit on cherchait son propre bonheur. L’un semblait
tout à fait juste, l’autre absolument inévitable, et c’est
pourquoi j’avais pendant si longtemps connu la confusion
et la frustration.
Ce qui rendait le problème encore plus complexe,
c’était que beaucoup, parmi ceux dont la pensée semblait
mettre l’accent sur la glorification de Dieu, n’avaient pas
l’air de trouver leur bonheur en lui. A l’inverse, beaucoup
de ceux qui semblaient le plus se réjouir en Dieu n’ac-
cordaient pas beaucoup d’importance à sa gloire. Et voilà
qu’un des penseurs les plus éminents de l’Amérique du
temps des pionniers, Jonathan Edwards, affirmait que le
projet de Dieu pour ma vie, c’était que je développe la
passion de sa gloire et la passion de me réjouir dans cette
gloire, et que ces deux passions n’en faisaient qu’une.

1 Jonathan Edwards, «Nothing Upon Earth Can Represent The Glories


of Heaven», dans The Works of Jonathan Edwards, Vol. 14, éd. Kenneth P.
Minkema (Yale University Press, 1997), p. 144

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John Piper
Et si je ne gâchais
pas ma vie...
John Piper

Parvenir au terme de sa vie et se rendre compte qu’il l’a


gâchée, qui le souhaite? Probablement personne, mais
encore faut-il définir ce qu’est une vie gâchée et comment

Et si je ne gâchais pas ma vie...


y échapper!
Turlupiné par cette question pendant ses études, John Piper
a développé une vision de la vie qui l’a amené à se dési-
gner lui-même comme un «hédoniste chrétien». Connais-
sez-vous beaucoup de personnes capables de dire, en
découvrant qu’elles sont atteintes d’un cancer: «Cela a été
une bonne nouvelle pour moi»? Lui en est capable.
Quel que soit votre âge, découvrez sa perspective sur la John Piper
vie, une vie où les mots passion, joie, croix et gloire de
Dieu s’entremêlent, pour ne pas avoir de regrets à nourrir

Et si je
quand il sera trop tard!

Des études littéraires avec pour branche secondaire la philosophie, voilà qui
prédisposait John Piper à devenir un auteur et un penseur apprécié. A cela ne gâchais pas
ma vie...
sont venus s’ajouter une licence en théologie au Fuller Theological Seminary,
puis un doctorat à l’université de Munich et enfin des années de ministère de
prédication à la Bethlehem Baptist Church de Minneapolis.

16.90 CHF / 14.90 €


ISBN 978-2-8260-3485-8

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